Carnet n°38 Elle et moi – poésies pour elle
Poésie / 2009 / Hors catégorie
L’amour est un souffle
A Cel(le) dont le souffle habilla notre ciel et l’étendit sur notre peau. Chairs et âmes vibrantes dans l’azur.
Quand l’aube se dérobe à tes yeux
Je m’endors
L’épaule titubante
Vers l’horizon pourpre
Qui peuple le monde
De ta gorge déployée
Pâlissent mes yeux clairs
Au dessus des océans
Je rêve de lacs couleurs d’écaille
Qui écarteraient ta bouche
Rivé à tes paupières
Qui m’exhortent à la paresse
Tu ensemences la pagaille
Et je m’étire
Au rythme de tes reins indigènes
Jusqu’à la saison des neiges
*
Ta peau de cuivre
Et tes seins de laiton
Appellent la sève au fond de l’interstice
Comme l’antre du diable invite
Les âmes rétives
A s'arc-bouter
Comme une offrande aux dieux
Qui me dévisage jusqu’à l’écorchure
Sous les assauts de marbre incandescents
Mon innocence démaillotée jusqu’au poitrail
Étire ma peau
Je gis
Comme un christ
Sur le monticule des supplices
Golgotha sans résurrection
La croix décharnée
Abandonné par les pères
Seul sous l’astre brûlant
A moitié mort déjà
En mon désert
Devant tes yeux
Trempés aux mythes d’autrefois
Où perle l’amour
Adam et Eve
Se rejoignent
Et se pavanent dans un Éden
Sans blasphème
Ni regard accusateur.
Aux rythmes des souffles
Les ondes se propagent
Les âmes cherchent leur nature
Surprises de leur transparence
De l’indécence de leur volupté
Insaisissable
*
Tout s’efface à ton départ
Le reflet de ton visage
Le grain de ta peau
Jusqu’à nos souffles nourriciers
Nos fruits s’égarent en grâce
En évanescence des incidences
Les phénomènes tourbillonnent
Et s’éloignent en songes
Je ne connaîtrais d’autres gouffres aux parois d’ébène
Les grains de ta peau
Eclateront toujours sous mes gestes voraces
Comme une grappe de fruits trop mûre
Et nous voilà ligotés à nos dédales
Sans mur ni miroir
Aussi nus que l’espace
Aussi froids que l’horizon de pierres
Aussi fragiles que nos soupirs
Aussi impuissants que
Nos souffles unis au vent
Entre nos bouches
Se meurt l’espérance
Et nous voilà agrippés à la nuit de jade
Déjà reclus dans nos peines
Poèmes pour S.
Un matin d’ombres chinoises
Se dessine dans la pâleur du jour
Une odeur de musc et de térébenthine
Quelques taches sur la toile
Jetées aux ténèbres
Un sourire insatiable
Une larme sur la joue
Une ardeur de tristesse frétillante
Au coin des yeux
Le combat s’achève
A l’aube
Au milieu des essences
Le peintre jette ses brosses
Nettoie ses lustres
Reprendra la lutte
Le lendemain
Au cœur des retrouvailles
L’évidence s’embrase
Comme une coulée
Dans la chair des sommets
Nul autre visage ne peut apparaître
Dans l’embrasure
Par la fenêtre
Je devine ton sourire
Délabré par tes lèvres
Je m’incline
L’immondice de la chair
S’engorge de larmes
Je décline
Vers ton corps
Vidé de mon sel
Je m’étends contre la vague
Le visage heurté par la brise
Gonflé d’écume
Je déferle vers toi
Sous tes jupes
Près des volutes nimbées
Je m’assois et j’attends
La perte
Rivé au récif
Les bourrasques m’écartèlent
Et me jettent à tes pieds
Sans effroi
Déguisé en cocagne
Comme un mât usurpé
Vers ta chair
Auréolée d’épouvante
Je me dresse
Sans prestige
Dans la maraude sombre
Une ombre écarlate
La face bouffie
Me toise
Narquoise
Et toi qui t’aidera
Si tu ne peux aimer ?
_
_
_
_
Communauté fraternelle
La faucille pend
Contre le marteau
Fendillé par le manche
Dérobée aux camarades
Aux heures barbares
De ce siècle
Aujourd’hui
L’étendard
Gît au fond des malles
Recouvert par le linceul de l’Histoire
_
_
_
Une nuit
Où l’angoisse t’émerveillera
Tu renaîtras
Tu pourras voir
Se lever l’aube
Sans différend
L’ardeur de l’oreille
A convoiter le bruit
A défaire patiemment
Les mailles du silence
Pour dénicher le monde
Au cœur du néant
La joie se repaît de tout ce qui l’efface
Indemne d’elle-même
Elle assure sa présence
Tu oublies la faille
Qui t’habite
Pour sauter
Les margelles
Des fossés d’ailleurs
Nul repos
Pour l’impétueux
Le reflet de Narcisse
L’assaille en tous points
Partir vers l’autre rive…
Mais où est l’eau ?
Et les flots ?
Et la berge ?
Et le nageur ?
L’itinéraire s’éteint
Et se camoufle
Comme une bouée dans l’immensité
Une seule traversée
Entre les eaux troubles
Le fleuve étire le nageur
Qui s’abîme entre les vagues
Comme un vieux phare déserté
Tu n’éclaires que les rives passées
Le souvenir des tempêtes
Qui te firent chavirer
Le monde s’agrafe et se dégrafe
Par la prunelle mensongère
Se fixe au mur
Le collage marque sa trace
Cimente le mur d’auréoles
En voiles tenaces
Sur le chemin
Le souffle donne la direction
Suis le vent
Et tu navigueras
Ivre et serein
Immobile
Les contrées dessineront chaque horizon
Et d’horizon en horizon
La marche deviendra paysage
Cherche l’horizon
Exaspère la terre
Efface l’empreinte des jours
Enferme le ciel
Sous la matière
Et tu atteindras la nuit
_
_
_
_
Dans ses yeux
Tu surprends
Le poids de ton amour
Son regard reflète
La lucarne vide
Où tu apparaissais autrefois
Sous la paupière close
Une flamme sombre et ardente
Qui ronge les chaînes
Rouillées par les larmes
Malgré les fers
Enchaînant sa silhouette
A ton ombre
Sur les barreaux
Elle efface ton nom
Elle déserte
L’emprise sournoise
Qui l’attache à la geôle
Le temps
Bientôt
Achèvera son échappée
Et tu pleures déjà
En silence
A l’orée des clôtures
Dans la chair écarlate
Tu progresses
Comme une ombre apeurée
Découragée par le vent
Ta plume
N’effleure aucun ciel
Piétinée par la clameur silencieuse des foules
Abandonne le trait
Aux lèvres inertes
Comme Icare
Son empreinte gît
Recouverte sous une couverture blanche
Je nouerais à tes yeux
Une couronne pourpre
Trempée dans le sang
De mes abysses
Et je laverais ta peur
De mes larmes
Prends garde aux chimères
Aux diadèmes écarlates
Aux soleils qui aveuglent les yeux ardents
Dans l’éclair de ta chair
Transparaît
L’ombre à venir
Le soleil sombre de mes jours
Pourquoi pleures-tu sur les cendres
Alors que le monde fleurit dans ta prunelle ?
Le visage aimé te sourit
Sous la terre
Et tes larmes arrosent
Son chagrin
L’ineffable tristesse des vivants
Et le chien dent qui pousse
Entre les pierres
Debout dans l’hiver
Le vieil arbre pleure
Esseulé sur la plaine
Le monde l’a déserté
L’écorce percée de givre
Ses branches grelottent
Sous la brume
Sous le regard des nymphes joyeuses
Sa cime regarde l’azur
Seul le ciel le recouvre
Les nuages assis sur son faîte
S’attardent un instant
Eux aussi passeront
L’abandonnant à son exil crépusculaire
A la résistance des saisons
Oppose tes printemps
Tes milles printemps
L’herbe verte des prés
Et l’ardeur originelle
Laisse-toi guider par le temps
Oublie les moissons
Néglige le labeur de la herse
Appuies-toi sur le manche
Assis-toi sur la souche
Gagne le creux de l’ornière
Et pose un œil sous le ciel
Pour contempler la métamorphose des paysages
Et le chemin qui te devance
Oublie l’écart
Entre toi et la nuit
Le mince interstice
Que le destin t’a choisi
Pose ton œil
Au pied de l’arbre
Et regarde briller l’origine
Dans les ramages
_
_
_
Monte, monte vers l’abysse
Ouvre la porte
Et du néant jaillira l’horizon
Tu redescendras vers l’humus
T’agenouilleras sur les branches
Devineras les racines au ciel
Les bourgeons dans le sol
L’œil inversé s’étendra
Au delà des écorces
Derrière les paysages
Tu chemineras
La contrée fantastique
Dans le pas
Qu’importera alors la poussière du chemin
Au cœur de l’atome
Vibre l’espace
Au rythme des saisons
Comme l’herbe et la feuille sous la voûte
Les hommes et la vermine sous le ciel
Sur la preuve
Efface tes pas
Sur l’empreinte
Décompte les fois
Renonce au ciel menteur
Décroche l’espoir des paysages
Un seul instant
Pour l’éternité d’un regard
Derrière l’empreinte
La voix
Derrière la voix
Le silence
Sous le silence
Les feuilles mortes
Au bord de l’abîme
Balayé par les vents
Dans le firmament
S’éteignent l’étoile
L’azur ombré
Les nuages gorgés de larmes
Et la brise de l’enfance
Au loin s’étend l’azur
Et ta main tendue vers le ciel
Agrippe le reflet de la lune
_
_
_
_
Le mirage de Narcisse
Contre la vitre
Se brise ton œil
Toujours s’efface
Le reflet de ta silhouette
Dans le paysage
Nul repos
En ton cœur
Toujours l’ardeur t’enfièvre
L’espoir de la rencontre
T’enchaîne à l’impossible
En contrepoint du jour
Apparaît précise
Ta silhouette
L’ombre de ta silhouette
Toujours m’accompagne
Présente
Brûlante à mes côtés
Qui m’écorche
Me consume
M’endeuille
Et son absence qui me guette
Du coin de l’œil
Son fantôme qui me sourit
De l’abîme où je me terre
J’éclaire ses pas vers la chandelle
Sous la lune
Tu surprends
La charpente des âmes
La tienne gît quelque part
Entre hier et la nuit
Entre l’aube et demain
Emiettée en son cœur
Eparpillée dans les yeux du monde
Tu la portes du bout des doigts
La recouvres de ta silhouette décharnée
Et tu titubes
Sous le ciel
L’ossature brisée
Comme un vestige de pierres
Pendu aux larmes des saisons
Tu attends l’éternité d’un soupir
Ruiné par le temps
Et le monde qui s’efface
Une ombre se dessine
Sous l’abat-jour
Une ombre de nuit
Aux ailes d’airain
Qui se cognent
Aux minces parois
De ta peau translucide
Sous le givre des visages
Se fige la terre des âmes
Le vent glacial les recouvre
De sa longue grimace
Qui rencontrer sur ce sol craquelé ?
Le feu jaillit
Du ciel comme de la terre
Il se répand dans tes veines
Pour embraser le monde
Pourchassé par tes flammes
La herse vengeresse
S’abat sur tes joues liquéfiées
Brûle de son poids tes visées
Assèche ta soif
Déroute ta marche
Cloue tes jours à mon ombre
Qui s’incline
Les tremblements de ton ombre
Trahissent
Ta silhouette immobile
L’allure reniée par son socle
La façade se dérobe
Elle se perd
Dans les yeux ahuris de la foule
Qui applaudit les mains en croix
Rassurée par ses silences
Et la faiblesse de tes pas
De guerre lasse
Tu t’abandonnes
Au gré des songes
Pour recouvrir tes tourments
D’une paix fugace
_
_
_
_
Au dehors
Vivre à la belle étoile
Au dedans du ciel vrai du monde
Au dedans
L’astre mensonger
Te confine
Au ciel trompeur
La fougue t’arrache
De ta torpeur
L’élan te porte
Vers un nouvel anéantissement
De pas en pas
De tristesse en accablement
Tu t’éloignes
Vers l’inespéré
L’imprévu te guette
De ses yeux saillants
Et toi, tu renonces à l’inconnu
Pour quoi ne t’abandonnes-tu pas au mystère ?
Temps pis
La pendule assassine le temps
Rend infirmes les heures
Et tu espères encore
Ecrasé par l’ennui
Entre le souvenir et l’attente
Condamné au défilement des aiguilles
Nul espoir devant l’horloge
Il te faut habiter
Chaque particule du sablier
Ou mourir d’impatience
Et de nostalgie
Tu cherches la charpente
Sous l’ossature
Et ne découvres que la silhouette du vent
Vers quel ciel est partie l’hirondelle
Qui au printemps attendait sur son fil ?
Derrière la tunique
Le rouge perle de l’étoffe
A l’aube, tu vois
Le doux reflet du monde
Sur son visage
Au crépuscule
Dans ses yeux crépusculaires
Scintille la flamme
D’une sombre silhouette
Trace les siècles sur l’étoffe
Pour que naisse la virginité
Dans le cœur humain
Les cendres à tes tempes
Où gît mon reflet
Comme un feu
Au cœur d’un lac gelé
Je grelotte
Sous ton regard
Si les mots n’effleurent tes lèvres
Ne font frémir ta vie
Enfouie au cœur de tes jours
Mille poèmes valent moins qu’un sourire
La nuit profonde de mes pages
T’engloutit
Au fond des heures d’absence
Derrière les tremblements assassins
La terreur et l’angoisse
Brûlent l’instant du repos
Nul miracle ne sauve de l’espoir
Sous le mirage
Le réel brut et vigoureux
L’âme innocente qui saigne
Contre les paysages
Comme dans une toile
Sur un fil
Tu es pris
Fibres, nœuds, tissus
Être cousus
De fils blancs
Au cœur de l’étoffe
A ton enfance éternelle
Oppose la tendresse de l’écorce
La lucidité tranchante de la sève
Sois le roc et l’acier
La sueur et le bois
Les larmes et la bûche
Le feu et les cendres
Alors la main et le souffle
Te seront donnés
A l’ombre des mots
Nulle lumière
Un feu de paille
Qui étire la nuit
Seul le geste éclaire
Jamais ne l’échange
Contre mille poèmes
Ne prêche pas
Incarne ce que tu sais
Ne geins pas
Accueille
Ne regarde pas
Contemple et admire
Ne résiste pas
Remercie
Apprends à vivre en liberté
Marche à ta place
A l’exacte jointure de ta condition
Sous la parole silencieuse du geste
Tu guides la sagesse des disciples
Vernis l’écorce
Et le bois tendre
Et tu tueras la sève dans sa fibre
D’un regard
Tu peux couper l’histoire sans fin
Qui t’ensorcelle
Ecartèle-toi
Jusqu’aux jointures
Pour faire saillir le lien
En ta moelle
_
_
_
_
Angoisse
Une poutrelle invisible
Plantée dans ta chair
T’écartèle jusqu’aux jointures
Invite la caresse du vent
A déchirer la matière
Tiens-toi
Ouvert au pied de l’arbre
Et regarde
Ses branchages comme une ondée
Ses racines comme un refuge
Son écorce comme un livre
Et sa sève fixer la lumière en ses feuilles
_
_
_
_
Chantier
Mon nouvel amour
N’a pas de nom
Il est en moi
Et n’ose venir
Effrayé de mon domaine
Il m’a envoyé
Ses terrassiers
Pour nettoyer les parcelles
Arranger la terre à sa convenance
Plus tard
Il y bâtira sa demeure
Nous nous visiterons de temps à autre
Et de loin en loin
Nous nous apprivoiserons lentement
Pour un jour peut-être
Devenir amis
_
_
_
_
Dans l’odeur des foins
Tu t’es jeté
Comme sur un matelas de mousseline blanche
Dans les hautes herbes
Tu reposes
Le visage posé
Contre le ciel
A l’abri
Dans nos mémoires
Ne te hâte pas
Le pas léger
Sur la route
Danse avec les évènements
_
_
_
_
Pèlerin
Allonge les arbres sur la sente
Couvre le monde de tes grimaces
Clôture le ciel de tes promesses
Ô ! Tu n’en as pas fini de marcher, pèlerin !
Il meurt la bouche en croix
Comme un porteur d’eau sale
Au loin passent les silhouettes d’airain
Immobiles sous leur ailes
Mais où vont-ils ainsi ?
_
_
_
_
Tant de ventres endiablés
Frappent la chair de leur sceau
S’imaginent source originelle
Et défenestrent les âmes de leur ciel
Tant s’inventent engraineurs de destin
Légataires universels
Ignorant l’œil ceinturé
Dans l’exiguïté des paysages
Vissé sur le mur orbe
Que savent-ils de leur propre source
Et de l’antériorité de l’origine ?
Que peuvent-ils savoir
Du sort de leur portée ?
La rumeur gronde alentours
Dans l’indolence des cœurs
Repose
Comme un oiseau blessé
Dans le silence inquiet
_
_
_
_
Le souffle saillant
Heurte les parois
Te jette dans l’abîme
Te transperce jusqu’à l’asphyxie
Te laisse à l’agonie
Sur ton lit de marbre
Te couche
Entre 4 planches
Recouvre tes suffocations
Du linceul originel
L’ombre porte le jour
Comme les cendres
Au cœur des braises
Tu portes la glaise
De tes doigts
Comme un étendard
L’oriflamme vivant du destin
Qui flotte sur le dôme
Bannière de ta condition
Sous le ciel
Tu t’obstines
Dans l’éphémère
Comme emporté
Par les heures
Sur une échelle infinie
Tu t’accroches à un barreau
Et te voilà enfermé
A l’éternité
Au bleu des jours
Tu revêts ta longue tunique d’étoiles
Parcourant les boulevards
La lune en auréole
Les passants te jettent
Un œil sournois
Tu poursuis ton périple
Au hasard dans le vent
La longue tunique bleu
Te tend une main hargneuse
Tu ouvres les bras
A la face hideuse du désert
Elle te regarde d’un air attendri
Et toi
Trop coutumier des façades
Tu t’effarouches de la figure
Tu baisses les yeux
Aveugle au sourire de son regard
La folie t’empoigne
Et te roule sur la page
Offrant quelques traits raisonnables
A ta sage déraison
De camisole en camisole
Tu comptes tes pas
A mi-chemin
Tu regardes derrière toi
Et tu vois le mur se rapprocher
Dans l’épure
Surnagent le chaos
Et le silence complice
Nulle gloire en cette terre
Du sang, de la poussière et des larmes
Quelques pas dans une flaque opaque
Eclairée de regards complices
Une brève éclaircie
Dans la brume
Comme une percée
Dans l’orage
Sous le climat ravageur
Tu regardes le ciel menaçant
Tu transpires de tristesse
Dans l’impossible saison
Le ciment des jours
Te pétrifie
Au seuil du monde
Plante ta présence
A ses confins
Aujourd’hui
Nul signe de la main
A l’horizon
Quelques silhouettes passagères
Penchées sur l’horizon
Disparaissent
Sans un regard
Seuls et entourés
Voilà ta vérité, homme
Animal insensé du sens
Creuse dans l’entre-deux
Et te voilà bientôt aux confins
De l’entendement
aux pieds de l’incompréhension
Au cœur de la béance
Et du mystère, fieffé animal !
L’âme nue
Se repose des vitrines
Derrière les masques
Et les grimaces
Le rire
Et les postures
Sous le néant
L’imperceptible tremblement
L’invisible de la chair qui rougeoie
Quelle ombre te parcourt
Lorsque le mensonge éclot ?
La vérité nue brille
Devant la falaise
Ne cours pas, apeuré,
Regarde plus bas le paysage
Vers l’abîme.
De quelle fontaine tires-tu ton eau ?
Moi, mon seau est vide
Et ma peine intarissable
Où abreuves-tu ta soif ardente ?
Le monde s’étouffe de son silence
Derrière l’écho et la fureur des mains
Tu vomis la parole
Derrière les coulisses
Tu parles
Pour une ombre
Dans la foule invisible
Qui prête l’oreille aux rumeurs
Le bruit de tes lèvres closes
Malheur
A celui qui flotte
Dans la brume
Il gît déjà sous le vent
Enterré dans le ciel
Tu galopes
Vers la vérité incertaine
A cheval sur le doute
L’incertitude à tes trousses
Qui te devance
Encerclé par les ténèbres
Tu longes le mur orbe
Qui t’entoure
L’œil rivé
Sur la lucarne invisible
Tu espères seulement
Y trouver une figure familière
Te glisser par la meurtrière
Sans accroc
Ignorant qu’il te faudra te dévêtir
Jusqu’à l’os
Te défaire de ta chair jusqu’à la moelle
Pour que surgisse la lucarne
Que l’espace inonde tes pas
Ton cri et ton œil
Pour voir le jour apparaître
Pour la première fois
Aujourd’hui
Ne songe ni au mur ni même à la lucarne
N’imagine aucune brèche
Longe le mur sans compter tes pas
Le monde exhale une odeur de souffre
Qui embaume la chair et meurtrit l’essence
Une odeur douceâtre et écœurante
Qui exacerbe la voilure
Deviens l’étranger
Qui te reconnaît
Alors tu seras l’autre
Toi-même
Bien davantage
Le singulier épris du multiple
Le rien embrasant le tout
Le lien courant du passage
Tu n’échapperas pas à la délivrance
Elle surgira par surprise
Lorsque rassasié de l’édifice
Enchaîné aux parois
Tu étoufferas au fond du puits
La vie est
Comme une offrande à tes jours
Comme du bois coupé
Qui se consume
Dans l’âtre noirci
De la fumée dans l’espace clairsemé
Regarde-la comme la nuit
S’enfoncer dans le jour
Comme l’aurore engendre
La clarté alentour
Deviens le cycle,
L’astre, l’ombre et la lumière
Et l’œil qui les contemple au loin
Mêle ton sang
A la substance du monde
Ton souffle aux vents
Et à l’haleine des foules
Pour voir fleurir entre tes lèvres
Le sourire ancestral du monde
Le monde aux mille bouches
Qui embrassent et s’embrasent
Se tordent et s’empoignent
Se mordent et s’avalent
Se recrachent et s’étouffent
Avant le dernier souffle
Et qui renaissent toujours
Une vieille ombre
Te sourit derrière la mémoire
Le chagrin ancestral de l’Homme
Tu cours vers le refuge
Sans repeindre ton abri
La présence abîmée
Par les nuits d’espoir
La gaieté des jours
Et l’anéantissement des perspectives
Tu t’assois
Seul et malhabile
L’œil du dedans éveillé
Posé sur les 4 murs alentour
Dispersant les parois
Et envolant la boîte
La mémoire de l’encre
S’assèche
Entre tes lobes
S’efface
Les hachures jaillissent
Au dedans
Dans le désert des mots
Quelques traits invisibles
Qui s’estompent
En empreintes fragiles
Puis disparaissent
Engloutis par l’oubli
Tu rumines
Avec l’œil placide du bovin
Allongé sur ta couche
Etouffé par la paille
Que tu émiettes
Apeuré par la fourche
Du fermier qui guette au dehors
Et dont le souffle chaud t’écœure
Sur le fil
Tu te tiens
En moribond écartelé
Par l’équilibriste
Chut ! te dit-il
Prends garde à ne pas tomber
Et tu trébuches
Dans ta chute
Tu dégringoles à ses pieds
Tu retombes sur un autre fil
Un fil au dessus du fil d’avant
Tu progresses
Le pas hésitant
En nouveau-né écartelé
Toujours tenu toujours
Par l’équilibriste
Qu’importe la chair
Sous la peau
L’être vacille
Et sa consistance
Se reflète
Dans l’œil du monde
Comme un cœur vacillant
Qui avance
Nul drame
En surface.
Souterraines
Demeurent les batailles
Et les meurtrissures
Sous l’aire déchirée
Indemne demeure la présence
Au creux des silhouettes
Une âme dévergondée
Te murmure à l’oreille
Des mots enivrés
Qui égarent la raison
Elle te confie le poids léger des jours
Qu’elle dissipe d’un claquement de doigt
Elle te livre la rosée
Aux bords des lèvres
et le secret des aubes radieuses
Au seuil de la brume automnale
Nul fardeau ne te soulève
Tu avances
Le poids léger du vent
Sur l’épaule
Sans épaisseur
La joue contre le sillon
L’âme aux aguets
Et le cœur toujours aux abois
Tu aménages ton fossé
Comme une contrée éternelle
Mais tu demeures sans voie
Devant l’invisible
Comme une colombe
Sous le ciel
Tu erres parmi les roseaux
Penchés par le vent
Dans le marécage
Un cri monte vers l’abîme
Les nuages
Dans un lointain écho
Glissent
Sur ta joue
Une larme
Sous ce ciel d’immondices
Tu fouilles parmi les ordures des hommes
En quête de l’étoile-détritus
Qui éclaira la décharge
Et saura faire briller sous la fange
Le terreau des siècles meilleurs
Sur l’horizon du monde
Aux fenêtres des temples
Au seuil des masures
Nulle main tendue
Des rires broussailleux et ignares
Qui éclatent aux visage
Trace les siècles sur l’étoffe
Pour que naisse
La virginité
Dans le cœur humain
_
_
_
_
Au cœur des retrouvailles
L’évidence s’embrase
Comme une coulée
Dans la chair des sommets
Nul autre visage ne peut apparaître
Dans l’embrasure
Par la fenêtre
Je devine ton sourire
*
L’immondice de la chair
S’engorge de larmes
Délabré par tes lèvres
Je m’incline
Je décline ton corps
Du bout des doigts
*
Vidé de mon sel
Je m’étends contre la vague
Le visage heurté par la brise
Gonflée d’écume
Sous tes jupes
Près des volutes nimbées
Je m’assois et j’attends
La perte
Rivé au récif
Les bourrasques m’écartèlent
Et me jettent à tes pieds
Sans effroi
*
Déguisé en cocagne
Comme un mât usurpé
Vers ta chair
Auréolée d’épouvante
Je me dresse
Sans prestige
*
Dans ses yeux
Tu surprends
Le poids de ton amour
La lucarne vide
Où tu apparaissais autrefois
Sous ses paupières closes
Une flamme sombre et ardente
Qui ronge les chaînes
Rouillées par les larmes
Malgré les fers
Qui l’enchaînent à l’ombre
Sur les barreaux
Elle efface ton nom
Le temps
Bientôt
Achèvera son échappée
Et tu pleures déjà
En silence
A l’orée des clôtures
Dans la chair écarlate
Tu progresses
Comme une ombre apeurée
*
Je nouerais à tes yeux
Une couronne pourpre
Trempée dans le sang
De mes abysses
Et je laverais ta peur
De mes larmes
Prends garde aux chimères
Aux diadèmes écarlates
Aux soleils qui aveuglent les yeux ardents
*
Dans l’éclair de ta chair
Transparaît
L’ombre à venir
Le soleil sombre de mes jours
*
En contrepoint du jour
Apparaît précise
Ta silhouette
L’ombre de ta silhouette
Toujours m’accompagne
Présente
Brûlante à mes côtés
Qui m’écorche
Me consume
M’endeuille
Et son absence qui me guette
Du coin de l’œil
Son fantôme qui me sourit
Et de l’abîme où je me terre
J’éclaire ses pas vers la chandelle
*
La herse vengeresse
S’abat sur tes joues liquéfiées
Brûle de son poids tes visées
Assèche ta soif
Cloue tes jours à mon ombre
*
A l’aube, je vois
Le doux reflet du monde
Sur ton visage
Au crépuscule
Je vois dans tes yeux
Scintiller ma sombre silhouette
*
Les cendres à tes tempes
Où gît mon reflet
Comme un feu
Qui grelotte
Sous ton regard
*
En chaque visage
Se dessine ton visage
Comme un reflet qui m’ensorcelle
Prisonnier dans la foule
J’erre dans ton miroitement
_
_
_
_
Triste chair
Ta voix est muette
Dans l’étreinte
Et mon âme au dedans
Crie ton absence
Dans la plaine dévastée
Rougeoie le silence gorgé de soleil et de guerriers.
L’arc-en-ciel sanguinaire à l’horizon
Comme une échelle où se dressent les plus lestes
Qui effleurent les anges blancs tachés de mystère
Des pas en contre bas
Des pas légers sur le sable
Sous la noirceur et le sang
Danse macabre des silhouettes ombrées
Menée à la baguette par le maître
Le maître des lieux mi-homme mi-oiseau tenant la tenaille
Et la vis serré aux danseurs exténués
L’un porte le soleil rougeoyant à bout de bras
Le pesant soleil encore inéclos
Les autres, bonzes de papier, ombres décharnées par le labeur
Sur la montée incessante
Portent l’élu sur le déséquilibre et les épaules des premiers
Soubassements involontaires et dignes
Pour atteindre de sa tête l’azur transparent
Un espace d’étreintes imaginaires qui se glorifie de couleurs saccadées.
Embrasse toutes lèvres offertes à l’aube ancestrale et au devenir séculier
Qu’importe à qui elles se destinent
Entre elles se devine l’origine qui les enfanta
Et le regard de tout ton peuple
Aux destinées éphémères
Qui se contemple avec grâce
Dans toute prunelle entrecroisée
Spectres spéculaires
Orifices repus par toutes les chairs offertes
Les sublimes matières qui peuplent le monde
Myriade de mouvements
Dans la transparence claire et enveloppante
Querelles et tiraillements traversant sans trace le regard de paix
En tous recoins de l’espace
Dans tous les replis de la terre et du ciel
Laissant libre toutes forces de naître et de mourir
De s’étendre et s’étioler
Au gré du grand jeu labyrinthique
A ses yeux la transparence des murs
L’éclatement des cloisons
La liberté sans entrave
L’inaltérable paix
S’amusant de toutes les joutes de papier
Les querelles d’ivrognes
Le tracé si léger des formes
Qui croient imprimer leurs marques
Sur le marbre
L’inconséquence des rencontres, des heurts et des effleurements
Des imbrications et des cavalcades
Des élans opposés qui se rejoignent à toutes les extrémités
Comme autant de passerelles rejoignant d’inséparables côtés
Emergences et disparitions
Dans le fracas et le silence
Devenant trajets évanescents, harmonieuses arabesques
Sur l’éternel palimpseste
Joie sans ombre de tous les appels
De toutes les naissances et les disparitions
Laissant la matière foisonnante
Œuvrer à son destin fugace
Riant de toutes percées
Et de l’insondable opacité qui recouvre sa lumière
Ombres écarlates dont elle éclaire les mouvements incessants
Les pertes et les gloires si dérisoires
Présence éternelle
Immuable
Autorisant tous les parcours
Tous les détours, toutes les faims
Les secousses et les caresses
Les oublis et les manquements
L’aveuglement acharné et les percées opiniâtres
S’égaye de toutes manifestations
Laisse naître les pyramides et les tombeaux
Dans un joyeux chaos aux mouvements désordonnés
En une fresque harmonieuse et équilibrée
Où le déséquilibre même est une excroissance
Une expansion de la beauté
Où rien n'est vil ni vilipendé
Où tout existe
Et est autorisé
Tourbillons foisonnants sur un sable si léger
Aussitôt nés aussitôt recouverts
Par la caresse des vagues et la violence des marées.
Dans le jeu sempiternel de ses formes
Impassible et rieuse
Elle demeure
Joie sans ombre de tous les appels
De toutes les naissances
Et de toutes les disparitions
Laissant la matière foisonnante
Œuvrer à son destin fugace
Riant de toutes percées
Et de l’insondable opacité
Des pertes et des gloires si dérisoires
Présence éternelle
Immuable
Autorisant tous les chemins
Tous les détours et toutes les faims
Toutes les secousses et les caresses
Tous les oublis et les manquements
Tous les aveuglements et les percées
S’égaye de toutes manifestations
Laisse naître les pyramides et les tombeaux
Les chaos et les fresque harmonieuses
Où le déséquilibre même est excroissance de la beauté
Où tout est autorisé
Tourbillons foisonnants sur un sable si léger
Aussitôt nés aussitôt recouverts
Par la caresse des vagues ou la violence des marées.
Dans le jeu sempiternel
Elle demeure
Rieuse et impassible
_
_
_
_
Supplications
[douces fulminations – les paradoxes déconcertées]
Pourquoi se défaire de nos malles
Dont le contenu nous ignore
Et que nous délaissons avec superbe
Pour des guenilles d’or et de diamant ?
_
_
_
O Hommes, bouts de moi-même
Où courrez-vous de ce pas ?
Où croyez-vous fuir ainsi ?
Ne sommes-nous pas inséparables ?
_
_
_
Corps défait par la sagacité
Esprit en fusion
Pensées explosées
Défaites de toutes les certitudes
Jusqu’à l’effacement
_
_
_
Folie du vrai
Folie du faux
Folie du oui
Folie du non
Folie des gestes de pure sagesse
Pas de règle
Pas d’idée
Pas de temps
Pas d’instant
Pas de moi
Pas de loi
Pas de toi
Nous n’existe pas
Ils s’étiole
On égare
Ou rapproche quelque fois
Tout ne se pense pas
Tout est là
Vivant
Vibrant
Impatient de t’exploser
Vers ses parcelles
Anéanties
Réunies
Riches de l’Un
Qui n’est que toi
Peurs
Fuites
Arc-boutances
Dénis
Simagrées
Grimaces
Colères
Désirs
Quête
Entraves
Enclaves
Refuges
Brimades
Rancœur
Exacerbent tes douleurs
Ôte tes frontières
Sans relâche
Dégarnis-toi de toute cargaison
Nu jusqu’à la blessure
A vif
Poignarde l’espoir d’atteindre
Ciel, terre, fumées d’azur
Fumiers de tes pas
Ecarte-toi
Rejoins-toi
Et oublie
Marche
A l’arrêt
Sur une foulée
En un éclair
Foudroyé par l’âpre et inattendue vérité
Joie sans borne
Déroute totale du regard éperdu
Perdu à soi
Horizons saugrenus
Rires
Pleurs
Défaite de tout labeur
Vanité de tout effort
Aisé jusqu’à l’outrance
Insaisissable
Inaccessible encore
Marche
L’épuisement à l’œil
Fatigue sereine
Et libératrice
Et sois, meurtrier de toi-même
Bourreau de tes geôles
Libre déjà
Sois
_
_
_
Malaxe ton passé
Jusqu’à l’obsession
Déniche le seuil interdit
Qui enferme ton pas
Dans le cercle étroit
Concentré en un point
L’univers danse sans toi
Il persifle à la ronde
Insuffle un sens à tes pas
Réduit en cendres
Ta destination précise
T’invite à la joute et aux querelles
A la bastonnade
Brise tes ailes
Pour te convier à l’envol
_
_
_
Seul l’amour recouvre les brimades
Et aguerrit le terrain des audaces
Le reste n’est que champ de ruines
Batailles impies et incertaines
Promises au désastre
Joutes éternelles des visages
Effleurement des promesses sans cesse repoussées
Egarement des pas
Avancées pitoyables
De cercles vicieux en enlisements
Sans conséquences
Drames obscènes
Théâtre de grimaces
Frontières à départager
Querelles de masques
Disgrâce des sourires
Martèlement infâmes des rengaines
Pas incertains
Aux issues trop certaines
Tout appelle
A la réconciliation
Aux saccages de la comédie
Et des comédiens
Seul
Et sans témoin sur la scène
La pièce se joue de toute simagrée
Quand l’authentique brille dans la prunelle
Le silence se moque de la foule
Et de ses applaudissements factices et univoques
Débute alors le spectacle de la vérité
Tragédie sans acte
A l’épilogue comique
Malgré les larmes
Soif d’extase n’invite qu’aux larmes
Recueillement de la tristesse
Ouvre tes portes à la grâce
Maraude sans fin
Immobilité sans trace
Couvertures au sol
Commence alors le voyage
Défais l’infini de tes yeux
Et pose ton regard sur l’infime
Ecarte le ciel de tes lèvres
Et offre ta main à celui qui s’approche
Ôte les livres de ta besace
Et va le cœur démuni
Efface tes rêves de voyage
Et invite l’inconnu à ton pas
_
_
_
Séjourne parmi les fous
Qui t’apprendront la sagesse
Erre avec les miséreux
Que ton regard dédaigne
Où que tu ailles
La vérité est au bout de ton pas
N’entache tes semelles
De sentes glorieuses
Ecoute les cloches sonner
Aux entrées des impasses
Détourne-toi de toute raison
Marche vers le pays d’une seule foulée
Où les dieux fréquentent les anges
Où les anges connaissent le diable
Où le diable est roi
Où les rois mendient l’amour
Où l’amour se donne
A toutes les mains tendues
Et foudroie tous les visages
Faces égarées et mines déconcertées
Ouvre tes portes
Et il te sera donné
Non de croire
Mais de voir la vérité
Et les mystères de cette contrée
Qui n’accueille que les âmes
Dont les yeux pourfendeurs
Ont su se délester du poids même de leur vérité
Va et marche, mendiant d’amour
Et il te sera révélé
_
_
_
Défais-toi des traces de sable sur ta main
Et allonge-toi sur la grève
L’océan ne tardera plus
Entends-tu déjà la clameur des vagues
Qui te disperseront bientôt ?
_
_
_
Marche sans contrepoint sur l’horizon
Ligne de fuite du cœur
Ne t’y jette point
A corps perdu
A foulée cadencée
Mais niche ton œil dans l’astre
Où brille ton centre
Déloge tes aveuglements
Ignores-tu que tu brilles déjà
Modestement ?
Eclaire donc tes yeux
En un point condensé
Où tu te trouves déjà
Un roi sans soleil
Dépeçaient les âmes
Effleurait de ses doigts leur contour
Et s’égayait de les disperser au vent
_
_
_
Nul profit pour les yeux sales
Les cils enlaidis de fard
Qui se plient aux foudres des cœurs emmurés
_
_
_
A l’œil nu
Se dévoile le mystère
La fragilité perce tout voile
Paroi de roche et de chair
_
_
_
La vie sans égard pour les artifices brise les masques d’argiles et les sourires crispés.
Enflamme la chair. Et les circonstances pour la brûler. Jusqu’à la transparence.
Laissant indemne la nudité fragile qui s’offre.
Pour découvrir (dévoiler) derrière ce dernier rempart de vulnérabilité,
la force humble et la flamme brillante qui animent le monde.
L’essence de toute manifestation.
_
_
_
L’horizon se couvre de glace
Miroir et reflet s’effacent
L’âme opaque avance
Cristallise tous les mouvements
Et s’étiole à la chaleur de l’astre
_
_
_
L’horizon se couvre de taches
Traces éphémères
Que le regard cisèle
Se défaire de la mémoire
Pour aller le cœur lisse
_
_
_
S’ouvrir au destin
Embrasser la multitude du chemin
Déposer ses peurs
Et s’effacer
Après l’heure du besoin
Avant l’heure du tocsin
_
_
_
Mourir sans certitude
A tout ce qui t’efface
T’ébranle et t’enlace
Mourir d’abnégation
Mourir jusqu’au renoncement
Aux lèvres
L’abondance de l’évidence
Accueillir
S’unir à tout surgissement
Qui s’efface déjà
N’être que cela
Ce rien qui passe
Ce tout qui lasse
Qui enlace
Et se détache
L’abondance du grain
Dissimule la récolte des champs de rien
Qui poussent sur notre route
Insaisissable dans les interstices du regard
_
_
_
Mille éclats d’histoires
Dans ses terreurs
Et autant de rêves brisés
Qui l’adossent à un rire énorme
Un rire sans fin
Et sans vengeance
Eclatant de vie et de fureur
Et de bonté peut-être
Pour ceux
Tous ceux qui n’ont su voir
Derrière sa chair incandescente
Les brûlures espiègles et dévorantes
L’amour cherchant sa voie
L’âme cherchant sa sœur
Et un visage sans doute à reconnaître
Et à aimer d’une folle manière
Un visage à découvrir
Et à consoler de mille caresses
A entourer d’une présence sans âge
Tirant sa source d’un temps si lointain
D’une autre rive où les hommes
Aux plus proches de leur mystère
Et de leur enfantement
N’avaient de lignées
De cette époque peut-être sans genèse
Où les drames éclataient en pétales
Et en feuilles de vigne
Qui sait ?
Qui sait ce qu’elle cherche encore ?
Ne vois-tu donc ses lèvres offertes
Et la lumière derrière ses larmes ?
_
_
_
Ne cherche le mystère de tes ailes. Mais allège ton pas.
Un temps éclatant d’orages et de mystères
Qui voit flétrir les vieilles parois éculées
Où tu te cognais tant jadis
Laisse-toi enfoncer
Sans trouver refuge
Dans les abris à l’abandon
Laisse-toi gagner par la déroute
Ne vois-tu pas
Malgré l’opacité des prunelles
L’horizon s’éclaircir ?
_
_
_
Au-dedans des cieux racoleurs
L’espoir et la destination précise
Au cœur de nulle part
La déroute ensemence
Nourrit la graine d’azur à éclore
Sous ton pas toujours juste
N’aies crainte de l’égarement
En tous lieux il te conduira
Et agrandira ta maisonnée
Jusqu’aux horizons les plus reculés
Te créera un soleil en guise de tête
Et une lune en sourire
Tu renifleras alors l’amour et l’intelligence
Le regard déchiré de présence
Et tes oreilles aussi larges
Que furent tes infortunes
Ton visage s’égaiera enfin et apprivoisera le monde
Réconcilié
Mourir à tant de visages
Sans un cri
Sans un seul espoir pour les nuages
Et découvrir le ciel rieur
Et une larme sur ta joue
Quelques pleurs
Et un fond d’abîme étincelant
Où les âmes s’évertuent à rire
De nos maladresses
Prouesses de tous les labeurs
_
_
_
Comme un drame funeste qui l’a mille fois effacé, elle s’évanouit d’un seul geste, mille fois répété. Et succombe. Qu’elle succombe à jamais ! Voilà son espérance. Mais l’espoir ténu ne l’émeut guère. Il les sait (la vie, la voix, la voie) présentent en tous lieux. L’effondrement pourrait-il provenir d’une autre fontaine ? Il l’ignore. Qu’elles disparaissent (la vie, la voix, la voie) et l’anéantissement lui serait fatal. Définitivement. Voilà sa seule (et véritable) crainte ! Quant à la faveur des situations – à l’espoir des situations favorables –, le sevrage approche à grands pas. Il y résidera bientôt, le cœur encore peu assuré et hésitant, le pas timide et maladroit, à deux pieds sur l’incertitude, solide comme un roc léger et confiant du terrain qui se déroule.
Elles sont là qui brillent discrètement sans ondoyer. A se faire entendre partout où l’oreille écoute le regard qui entend le geste et le pas à l’unisson. Dans les murmures et les cris, la fureur et les silences. La présence et l’effacement. Les rencontres menaçantes s’estompent et s’effacent… qui menacent. Les mille soutiens, les mille situations qu’elles procurent comme d’ineffables invitations à l’éprouver la présence. Dans les rires et les larmes, la présence. Et la joie de s’unir à elle en tous lieux. A tout instant. A la vivre dans leur plénitude. Jusqu’à ce qu’elle jaillisse entre ses pas pour se répandre sur son visage. Et sur tous les visages alentour. Visages rencontrés.
A l’issue du premier puzzle achevé, les pièces s’effaceront d’un souffle. Et retrouveront, il le sait, leur espace vierge. Au suivant, il laissera leurs forces trouver l’agencement des éléments. Y participera neuf de ses défaites ancestrales et de ses triomphes nouveaux. Savourera partout la présence en ses pas. Geste après geste. Situation après situation. Evènement après évènement. Sans impatience, sans désir particulier. Satisfait du puzzle en permanente élaboration. Dans le mystère de son origine et de sa destination. Voyager dans chaque pas et chaque geste comme un vagabond confiant émerveillé du trésor qu’elle porte en lui partout où ils vont ensemble...
Il apprivoise l’incertain. Laisse l’horizon se dessiner à chaque pas. Renonce – malgré lui – à savonner la pente où il glissera. Confiant dans le vent. Les épreuves emplies de la présence en lui.
La présence partout présente. A chaque pas. Au fil des situations, elle est là, le fait tantôt glisser ou l’insère, l’immisce. Partout où il marche à pas mesuré sur l’asphalte, ravi des paysages qu’elle lui dessine.