Carnet n°89 Passant éphémère
Journal poétique / 2016 / L'intégration à la présence
Ne sommes-nous pas, en définitive, que de simples allumettes que Dieu fait craquer dans la nuit – dans la longue et froide nuit des hommes – en attendant le grand embrasement du monde ?
Le poète est un troubadour de l'âme et des saisons. Un voyageur sans bagage libéré des voyages et de l'horizon dont les pieds effleurent la terre. Le cœur si vif – et généreux – qu'il épouse le miracle des jours, l'abondance des chemins et les vastes floraisons du ciel. Sourd aux remontrances des hommes. Et aveugle à leurs abris de paille. Né pour embrasser les herbes, la foudre et les ténèbres. Et embraser le monde, les yeux et tous les pas des hommes, des infimes – et incandescentes – étincelles qu'il jette dans ses paroles. Et dans le silence même de sa présence.
Ne sommes-nous pas, en définitive, que de simples allumettes que Dieu fait craquer dans la nuit – dans la longue et froide nuit des hommes – en attendant le grand embrasement du monde ?
Un visage. Un regard. Et nous voilà soudain éperonné ! Comme si la grâce – toute la grâce – du ciel nous foudroyait brusquement. Et se déversait dans tous les replis de l'âme...
En sursis. Et dans les bras de l'éternité. Voilà, bien sûr, la condition des êtres de ce monde...
Dire ce que vit – et expérimente – l'homme au cours de son existence (durant son bref passage sur terre) face aux assauts du monde. Et aux invitations incessantes de la conscience. Dire ce que l'esprit, le corps et le cœur traversent dans cet entre-deux, voilà qui a toujours profondément animé mon écriture...
Tout ici-bas se manifeste – et se positionne – dans l'ambivalence et la relativité. Et tout est soumis à une mobilité permanente. L'instabilité et le changement incessant, voilà, de toute évidence, ce qui caractérise les êtres et les choses de ce monde...
Les instincts et la conscience. Voilà la condition de l'homme qui laisse œuvrer tantôt les premiers tantôt la seconde. Offrant ainsi des gestes infirmes et maladroits. Incomplets et ambivalents. Un résultat mitigé. Et un avenir – et une promesse pour le monde – mi-figue mi-raisin...
Le monde est seulement ce qui est là devant soi. Le reste n'est qu'une idée du monde. Et ce qui est devant soi change constamment. Comme si le monde entier – dans son extrême diversité – défilait de façon permanente – et par petits bouts – devant nos yeux tout au long de notre existence...
Nous laissons bien volontiers les trésors – tous les trésors – du monde aux princes de la terre. Aux seigneurs. Et à leurs innombrables serfs et vassaux. La pierre, l'arbre et le nuage nous suffisent amplement. Et, avouons-le, ils nous comblent pleinement... Les joyaux du ciel y resplendissent, intacts...
Le silence de la forêt. Le bleu du ciel. Et les rayons du soleil qui caressent l'âme dans sa solitude radieuse. Extatique...
Marcher à petits pas. Explorer. Et témoigner de cette marche et de cette exploration comme un modeste éclaireur dans la longue nuit de l'homme, voilà qui convient parfaitement à mon existence. Et qui correspond peut-être à mes attributions en ce monde...
Ce que l'on rencontre n'est pas essentiel. Seules deux choses importent : la manière dont nous laissons le monde arriver à nous. Et la façon dont nous l'accueillons...
La vie – et le monde – ressemblent aux châtaignes ramassées à l'automne. Durs, piquants et hermétiques (quasiment inaccessibles dans leur bogue) sur les chemins boueux et noyés dans la brume. Et brillants et porteurs de promesses et d'agréments sur les sentes lumineuses éclairées par le soleil. Et, en définitive, ils s'avèrent (toujours) délicieux – et savoureux – lorsque nous réussissons à les ouvrir et qu'il nous est offert de les déguster avec un peu de beurre, assis tranquillement devant le feu de la cheminée...
Who are you ? Just a whisper in the wind. Qui es-tu ? Juste un murmure dans le vent.
J'ai soliloqué en anglais – et à haute voix – une bonne part de l'après-midi en marchant dans la forêt. Ce fut divin. Very pleasant. Like a strange meeting with another – forgotten and distant – part of me. It was really magic. And absolutely delicious...
Avoir pour uniques bagages, la clarté du jour et l'innocence. Pour traverser les profondes ténèbres du monde...
Il convient sûrement d'avoir fait le deuil de toutes ses exigences à l'égard de l'humanité pour être (enfin) capable de sourire aux hommes de façon innocente et naturelle. Sans masque, sans hypocrisie ni arrière-pensée... Sinon, hormis en de rares occasions et avec quelques rares individus..., il est fort probable que tous ceux que nous croisons ou rencontrons continuent de nous donner l'envie de hurler, de pleurer ou de poursuivre notre route sans un sourire. Et sans même un regard...
N'être que de passage. N'être qu'un passager. Avoir le sentiment profond – et durable – de n'être qu'un passant éphémère. Eprouver dans son cœur – et sa chair – la brièveté de l'existence (celle des êtres, des choses et du monde). Ressentir la fugacité de tout. Et l’évanescence de tout phénomène. Passant éphémère – et provisoire – de l'être, de la vie et du monde. Et sentir avec la même acuité – et la même évidence (avec la même certitude peut-être...) l'éternité du regard. L'indestructible permanence de la perception – qui revêtira sans doute d'autres habits dans d'autres décors et en d'autres circonstances...
Ainsi peut-être se vit la conscience d'être...
Vivre sans jamais se départir du fugace de notre être et de notre existence. Et de la fragilité du monde. Vivre sans jamais quitter le silence, la profondeur et la consistance du regard. Et le consentement ouvert, l'émerveillement et la gratitude du cœur. Voilà le seul équipement nécessaire pour traverser la vie et le monde avec l'âme joyeuse et tranquille. Eminemment confiante. Et aller partout, le pas léger et sans crainte, sur les chemins – sur tous les chemins – où les vents nous pousseront...
L'encombrement psychique* et l'élan vers l'après (tout contenu mental, toute volonté et toute projection vers l'avenir) envahissent de façon substantielle l'espace de perception. Et entravent presque totalement le ressenti présent.
* Idées, pensées, sentiments, émotions etc etc.
Lorsque ces phénomènes surgissent, il convient donc de maintenir (plus que jamais) le regard en surplomb. Et peut-être même de se hisser aussi haut et aussi loin que possible dans l'espace de perception d'arrière-plan pour retrouver la virginité et l'innocence du regard et être capable d'accueillir pleinement ces phénomènes, de les reconnaître pour ce qu'ils sont – des encombrements et des élans – et les voir ainsi s'effacer et disparaître...
L'élan du désir est si puissant que ses effets sur le monde perdurent longtemps après que son souffle s'éteigne. La volonté et l'intention ont beau disparaître, la mécanique des mouvements née de l'élan originel continue de tourner pendant un temps plus ou moins long. Et ne peut s'arrêter qu'avec l'extinction de l'ultime mouvement qui signe l'achèvement de ce long – et complexe – déroulement. Cette cessation ne peut advenir, bien sûr, que si aucune autre intention – ni aucun autre désir – n'émerge durant cet intervalle. Un peu à l'image du verre empli d'eau et de terre que l'on agite, l'eau trouble persistera jusqu'à ce que l'ultime particule de terre retombe au fond du verre – et l'eau claire ne pourra réapparaître qu'à condition que la main délaisse le récipient et son contenu...
De façon plus générale, il semblerait que l'intention et le désir s'ajoutent au mouvement intrinsèque de la grande roue du monde et de la vie. Comme s'ils le prolongeaient et l'accéléraient. Et parvenaient à la faire tourner avec encore plus de force et de célérité. Monde et vie qui ont sans doute été activés par le souffle originel (supposé de la conscience) dont la puissance inouïe est parvenue à faire naître – et émerger – l'Existant à partir du vide et du néant. Et cette naissance – et cette mise en branle – possédaient à l'origine un potentiel d'énergie incroyable comme l'attestent les innombrables mouvements qui perdurent jusqu'à aujourd'hui – et qui ne sont pas prêts de s'éteindre – créés à la fois par cet élan initial et leurs propres forces (nées de cette impulsion première) et alimentés, de façon incessante, par la puissance additionnelle des désirs et des intentions (obéissant aux nécessités ressenties)...
Le minuscule carré de la page blanche sur le petit carré de bois (la table sur laquelle on écrit) où viennent se poser quelques infimes traces de l'infini. Et par la fenêtre, je vois le sourire discret et silencieux du ciel. Ni affligé ni approbateur. Acquiesçant simplement à la nécessité de la parole...
Dieu est le grand absent des siècles. Les hommes l'ont cherché avec maladresse. Avec une infinie maladresse. Puis, ne le trouvant pas, ils l'ont rejeté – et destitué – pour le remplacer par quelques affreuses idoles. Et malgré ces offenses et ces injures – malgré cette indifférence –, Dieu est là. Présent. Toujours présent. Accueillant les rares âmes éprises d'Absolu. Et attendant les autres. Toutes les autres. Incarnant avec sublime et humilité – avec puissance et délicatesse – l'Amour qui ne peut périr dans l'infini et le silence de ses bras ou-verts – toujours ouverts – aux ombres et aux lumières (à toutes les ombres et à toutes les lumières) de ce monde...
Qu'a-t-on écrit qu'on ne sache déjà ? Tant de traces obscures – et de notes sibyllines – pour cheminer vers – et vivre – et inviter les quelques yeux qui lisent ces pages à goûter – un seul petit mot : être. Tant de détours et de circonvolutions – tant d'amassements et de scories – pour être enfin capable d'entrer dans – et de se laisser pénétrer par – le courant éminemment simple et nu de l'innocence, porteur d'infini, de quiétude et d'émerveillement... Ah ! Ecrire ! Quelle insensée et ingrate besogne...
Être. Vivant. Entre les nécessités quotidiennes (du corps, de l'esprit et du foyer) et l'infini de la conscience. Ni place, ni statut, ni fonction particulière en ce monde. Et moins encore parmi les hommes.
Simple passager. Modeste et éphémère passant de l'éternité, habitant la terre – et posé en ces lieux pour quelque temps (de brefs instants en vérité)...
La simplicité et le dépouillement de cette (humble) perspective ne constituent sans doute pas aux yeux des hommes une existence digne et respectable. Cette vie leur semblerait même stupide voire inhumaine. Si peu attrayante. Et si peu prestigieuse. Aussi peu enviable que celle d'un domestique, d'un clochard, d'une vache, d'un chien ou d'un moustique. Qui comprendrait qu'elle seule (pourtant) me permet d'être au monde ? Qu'elle seule me réconcilie avec l'idée – et la réalité – d'être vivant sur cette terre ? Qu'elle seule m'offre la possibilité d'un plein épanouissement dans cet univers de sauvagerie et de futilité – dans cette vie d'infimes et d'infinis détails – où les apparences dissimulent la vraie vie et la vérité – la profondeur abyssale du cœur et la consistance (et l'intensité) infinies de l'être ...?
Ni fuite ni consolation. Mais un face-à-face à la fois merveilleux et inconfortable avec l'âpre réalité tantôt rude et hostile tantôt sublime et exquise. Avec dans les yeux le regard infini. Et dans le cœur la gratitude. Et avec l'âme toujours humble et innocente...
A qui s'adresse la parole ? Et vers qui va-t-elle de son pas léger ? Sans doute est-elle destinée aux cœurs lourds – et chargés – privés de lumière. Et qui la cherchent partout avec maladresse et gravité sans être encore capables peut-être (sans être encore capables sans doute...) de la découvrir à travers leurs propres yeux tournés vers leur visage et celui du monde. Pour regarder cette misère et cette beauté comme une grâce – une bénédiction – un enchantement simple. Et s'en réjouir.
La parole – la parole vivante – n'a d'autre mission que d'éveiller les êtres – et le monde – à eux-mêmes. A cette misère et à cette beauté que chacun porte. Afin de les hisser au plus haut comme les seules étoiles dignes de briller sur cette terre....
Je cherche en l'homme cette part infime – ce minuscule espace – agonisant, moribond – presque éteint aujourd'hui – capable d'innocence et d'émerveillement. Porté par l'interrogation et la curiosité. Qui cherche à comprendre son mystère... Les autres dimensions de l'homme sont presque sans intérêt si cette part est occultée, niée ou condamnée...
J'attends le jour où elle deviendra centrale chez chacun. Alors une ère nouvelle pourra éclore. Annonciatrice de toutes les promesses de l'humanité.
Mais qui aujourd'hui est animé – réellement animé – par l'interrogation ? Qui se questionne ? Qui cherche à comprendre profondément ce qu'il est, ce qu'est la vie et ce qu'est le monde ? Qui éprouve la nécessité – l'impérative nécessité – de lire la parole vivante de la poésie pour y dénicher – ne serait-ce qu'un instant (un bref instant) – la fraîcheur du regard et la tendresse du cœur ? Qui est capable dans le plus ordinaire des jours – dans le plus simple de l'existence et le plus anodin des instants – d'être réellement présent à la vie et au monde – et à leurs événements les plus ténus – et d'embrasser leurs visages et leurs lèvres avec candeur et délicatesse ? Qui peut dire humblement qu'il fréquente les rives de l'innocence et de l'émerveillement ? Et qui sait aller, le cœur ouvert – et l'âme humble et simple – sur les chemins de cette terre ?
Qui sait ouvrir la fenêtre au ciel candide ? Et le faire entrer dans ses jours ? Qui a le cœur suffisamment innocent pour s'émerveiller du feuillage d'un arbre caressé par le vent ? Pour s'émouvoir de la longue agonie des insectes aux derniers jours de l'automne ? Et pour marcher sur l'herbe avec délicatesse afin de ne pas la meurtrir ? Qui est capable de recevoir sans exigence ni arrière-pensée les visages que les vents lui font rencontrer ? De veiller avec humilité et gentillesse sur les êtres de ce monde malade – et à l'agonie – dont les lumières n'éclairent que les mensonges et l’obscénité ? Qui est humain – suffisamment humain – en ce monde ? J'ai beau chercher partout. Je ne vois pas un seul homme à la ronde...
La fleur du Divin cherche le cœur fertile de l'homme. Et sa main innocente pour lui offrir sa première éclosion. Elle sait que l'épanouissement du monde en dépend. Mais que peut-elle faire en attendant sinon regarder patiemment la maladresse des hommes qui éprouvent toutes les peines du monde à transformer leur fumier en terreau généreux...
Aller du pas humble et lent du marcheur. Il n'y a de plus belle – et de plus appréciable – allure pour traverser la vie et le monde...
L'assise nue et verticale efface l'horizon. Et transforme l'élan (et son énergie) en regard innocent posé sur l'instant.
Bogues, oursins des forêts aux perles châtaignières qui agrémentent notre repas automnal. Et qui subjuguent les papilles de notre âme profondément tellurique et sylvestre (et végétarienne, bien entendu...) si rétive aux fruits de la mer, des rivières, des bêtes et du vent...
Et si, en réalité, nous n'étions que des gitans aux paupières sombres et aux allures de mendiant ? Des voyageurs à la roulotte fatiguée et au visage noirci par la poussière des chemins – mais l’œil vif, plus éclairé qu'autrefois, où Dieu danse (à présent) en tapant des mains pour tous les passants éphémères – pour tous les nomades et les bannis – de la terre ?
Et si, en réalité, nous n'étions que des vagabonds des sentiments à la bouche avide et aux lèvres amorphes ravalant leurs nausées et cachant sous la table un discret – mais magistral – doigt d'honneur pointé vers le monde ?
Passager sensible et vulnérable au cœur inébranlable à l'existence guère plus glorieuse et essentielle (mais pas moins précieuse) que celle de la mouche, du papillon et de la sauterelle.
Le cœur innocent – et l'âme vagabonde – établissent leur fief là où se pose le pas. Et l'effacent avant le pas suivant. Bien avant que l'esprit, toujours frileux et casanier, ne s'y jette pour s'y installer...
L'âme nomade au cœur sédentaire connaît sa demeure : l'éternel présent, l'innocence, la virginité et l'infini du cœur et du regard. Et elle s'y ancre sans jamais fermer la porte aux chemins où les vents la poussent. Traversant toujours avec grâce et confiance les paysages provisoires du monde et de l'existence.
Il n'y a de chemin fébrile pour le cœur innocent. Yeux et paysages vierges où l'impatience a glissé pour se transformer en émerveillement.
Le monde nous habite bien davantage que nous l'habitons. Et dans cette perspective, il n'y a nulle part où aller. Aucun lieu – ni aucun être – à visiter. Il n'y a qu'un accueil du monde. Une aire de réception suffisamment vide et vaste pour recevoir avec attention ce qui vient à notre rencontre...
Les grandes ombres de glace parcourent le monde. Et obstruent tous les paysages. Emprisonnant les sourires. Et les transformant en rictus de terreur...
La terre et l'existence ne sont que les prémices de l'infini. La porte basse qu'il faut franchir le buste – et la tête – baissés. L'âme humble. Et le cœur incliné vers le plus faible – et le plus fragile – de cette vie.
Le poète est un troubadour de l'âme et des saisons. Un voyageur sans bagage libéré des voyages et de l'horizon dont les pieds effleurent la terre. Le cœur si vif – et généreux – qu'il épouse le miracle des jours, l'abondance des chemins et les vastes floraisons du ciel. Sourd aux remontrances des hommes. Et aveugle à leurs abris de paille. Né pour embrasser les herbes, la foudre et les ténèbres. Et embraser le monde, les yeux et tous les pas des hommes, des infimes – et incandescentes – étincelles qu'il jette dans ses paroles. Et dans le silence même de sa présence.
Il y a des ombres en chacun que la lumière ne peut atteindre. Mais qu'elle transforme en clarté lumineuse. En flèches acérées et salvifiques, déguisées en incongruités rêches, en moues grimaçantes et en gestes impitoyables comme d'infimes bouts de roche friable et cassante qui se détachent d'un immense sourire. A mille lieux de l'indifférence des masques de pierre et de cire que dissimule la face souriante – rude et impénétrable – inhumaine – des hommes.
Pour le cœur innocent et lumineux, la spontanéité du geste remplace la raison.
L'âme passagère ne s’émeut de la beauté des chemins. Elle a connu la nuit. La mélancolie des jours. Et la longue traversée de l'obscurité. Elle sait que derrière les merveilles du monde se cache l'encre noire de la folie et du désespoir. Et la main funeste du souffle né des abysses. Elle sait qu'un jour, ces merveilles disparaîtront, emportées dans la bouche imprévisible des ténèbres.
L'âme passagère ne se fie qu'aux gestes éphémères. A leur lumière. Et à leur beauté ensorcelante. Et c'est avec cette ivresse qu'elle parcourt la terre et embrasse les visages. Avec cette ivresse qu'elle reçoit les sourires tristes et la parole des lèvres confuses. Avec cette ivresse qu'elle lance partout, parmi les merveilles et les atrocités de ce monde – et jusqu'aux plus obscurs recoins du cœur et de la terre – ses infimes gouttes de beauté et de lumière.
La foi est une espérance. Un cri que l'on jette à l'avenir par dessus la nuit. Un pacte avec le diable pour qu'il nous abandonne et nous oublie. Pour qu'il nous délivre des malheurs et des promesses sombres du ciel noir qui a toujours recouvert nos jours. La confiance, elle, est une lumière sur les pas et les gestes présents. Une ouverture sans crainte aux soleils et à l'obscur des chemins. Un acquiescement à l'incertitude. La conviction sans faille que chaque foulée dans les ténèbres, dans les flammes ou la flamboyance des jours sera une joie et un embrasement de l'âme. Un rapprochement inévitable vers la vérité. Et sa lumière.
L'indigeste du monde parfois nous foudroie. Et plombe nos gestes et nos pas. Alourdit notre silhouette. Et l'asservit au marbre de la terre. Nos lèvres ont beau espérer l'envol et l'azur, la plèbe – et son empreinte – freinent tout élan. Remisant l'envolée à la morsure de la poussière.
Il est de ces jours funestes plus lourds que le plomb – plus froids que le plus vil métal – que l'âme doit accueillir pour les transformer en or – en plumes d'or auxquelles Icare n'aurait pas même songé en ses plus glorieux jours...
L'infini du silence. Et le silence de l'infini. Matrices infatigables des mondes que les passagers traversent le temps d'un souffle...
Les yeux d'en face sont peut-être clos. Mais ils sont faits de la même lumière que les étoiles qui illuminent l'obscurité de la nuit.
Un pas dans le silence. Et voilà le monde qui s'enfuit. Un pas dans la lumière. Et le voilà englouti. Silhouettes et noms qui s'effacent dans l'infini...
Le cœur nomade s'enhardit de son pas. Jusqu'à l'immobilité...
La poésie est une prédisposition au silence. Et à l'infini. A l'innocence sous ses habits de kermesse et ses costumes de magicien. Une sensibilité vive qui déniche la chair tendre du monde sous ses carapaces d'écorce et ses armures d'écailles.
La parole émerge du fond des abysses hissés jusqu'aux étoiles. Comme une bouffée d'air pur dans l'air bas et vicié – irrespirable – du monde.
La longue et triste chevauchée de la nuit. A brides furieuses et serrées. Puis, la première éclaircie. Et l'étirement de l'obscurité qui recouvre les jours avant l'abandon des chemins. L'oubli du nom. Et la disparition des silhouettes. Et la lente émergence du soleil. Ses caresses réconfortantes sur l'âme effrayée et indécise. Puis, les premiers pas dans la lumière. Et l'ivresse extatique. Le chamboulement des horizons. La marche radieuse et rayonnante. La compréhension de l'incompréhension. Puis, l'oubli de la compréhension. L'assise instable et inconfortable. L'immobilité et la fuite des jours avant le règne des circonstances présentes et l'effacement des pas. Et leur renaissance toujours nouvelle. Puis, rien. Simplement l'infini et le silence, la virginité innocente du regard et le renouvellement incessant de tout. La brève chevauchée du jour qui s'efface et réapparaît. Et l'humilité simple de la marche joyeuse et sans fin...
Le monde. Etabli de l'être. Zone d'apprentissage et d'expérimentation pour les novices. Et aire de salut. Minuscule fief en déperdition à sauver des ténèbres et du néant...
Ombres furtives sur l'horizon. Passants éphémères caressés par la pluie et le soleil du monde dont le passage fugace – envahi par les contingences et les inambitieuses aspirations – ne leur offre guère l'occasion de percer le mystère de l'âme. Ni de goûter l'éternité du ciel présent au cœur de chacun...
L'escalier branlant et délabré – poussiéreux – disparaît dans le cercle rouge des lèvres. Emporté par les souffles muets de l'effacement...
La parole muette des hommes au goût de soufre et de liqueur interpelle la nuit. Les bouches crachent leurs cris dans la longue agonie des jours. Et s'écrasent dans le silence, anéanties. Sans l'ombre d'un écho. Sans même la grimace des visages alentour. Renvoyant le monde à sa solitude. Et à son désespoir. Façonnant la terre pour que se dévoile l'étroit passage de l'abandon.
Le désespoir fou des bras enlaçant l'ombre des silhouettes démunies – si faibles devant la nuit écrasante qui suce leurs forces. Et la vaillance du monde, inépuisable, cherchant partout une preuve de son existence. Le signe irréfutable de son authenticité. Et des gestes d'encouragement. Et qui ne rencontre que des yeux clos et des bouches mutiques. La misère effroyable derrière les masques de cire. Et la rengaine des jours tristes.
Les yeux sages dévoilent l'indigence folle des hommes derrière la fausse gaieté des visages. Leur hébétude, leur incompréhension et leur ignorance qui suintent à travers les pas instinctifs. Aucune larme, aucune détresse, aucun appel n'échappe à leur acuité. Mais comment pourraient-ils aider ces passagers du malheur ? Le naufrage – et la submersion de toutes leurs terres – seront leur seule bouée. L'océan emportera tout. Et l'archipel insubmersible naîtra de cet élan de dévastation... Seraient-ils donc les seuls en ce monde à ne pas l'ignorer ?
La poésie. Minces rais de lumière dans l'obscurité du monde. Pour éclairer, un court instant, les ténèbres de l'âme et le chemin de fuite vers la clarté...
Ombres fuyantes dans leur course aveugle. Et la fumée épaisse des songes et de l'espoir. Jusqu'au mur infranchissable – rédhibitoire – qui immobilisera la foulée. Les vents se chargeront du reste. Et l'océan – la vie océanique – accueillera les naufragés. Et l'effacement de tous les pas.
Sur le tapis des jours, nulle ombre. Nulle silhouette. La bouche du ciel a avalé les vents maudits – et le souffle des malheurs. Et, au loin, la course des nuages s'éternise. Le soleil apparaît. Comme s'il émergeait de la trame même du tapis. Caressant les premières heures du jour...
La lumière et le silence du ciel sont un don. Et le silence et la lumière de la terre, une offrande pour que le jour se fasse radieux. Et que les pas puissent éclore dans la joie à l'aube naissante...
La béatitude radieuse – rayonnante et irradiante – du regard sur le silence des jours. Et la sereine tranquillité des heures. Comme une longue et exquise caresse du ciel sur le grand corps de l'Existant et de l'existence...
Les mots bavards ne peuvent rivaliser avec la bouche – et la parole – silencieuses. L'infime parcelle ne peut contenir l'infini. Au mieux peut-elle s'en faire le reflet...
L'éternité n'attend que notre passage. L'herbe, les fleurs, les nuages et les bêtes l'ont compris bien avant nous...
Tout au long de notre courte vie, nous n'ébauchons que des esquisses. Des tentatives que nous jetons au ciel pour lui demander d'éclairer le brouillon de notre existence. Et son silence nous surprend comme s'il voulait nous faire comprendre qu'il était toujours parfaitement satisfait de nos pauvres gribouillis...
Chaque jour, nous écrivons de petites choses. Elles s'invitent à notre table et nous les inscrivons sur notre carnet à la lumière du ciel. Petites choses qui viennent – et parlent – du monde, de la vie, de l'infini, du silence, de Dieu, de l'Absolu, de l'homme et de la vérité. Chaque jour, elles nous traversent. Et notre âme se sent obligée de les recevoir en leur déroulant le petit tapis rouge de la page. Nous, nous préférerions nous taire. Et rester silencieux.
En vérité, nous rêvons en secret de dénicher dans les profondeurs du ciel et de l'infini, la Parole définitive. La Parole absolue qui éclairerait, une fois pour toutes, les ombres, les interrogations et les demandes d'éclaircissement des hommes pour que nous puissions enfin nous taire. Et rester silencieux. Chaque jour, nous cherchons cette parole. En vain. Elle s'obstine à demeurer silencieuse. Cachée au plus profond du silence. Inaccessible sans doute... Aussi, notre âme – et ces pages – continuent-elles leur ingrate – et impossible – besogne en livrant chaque jour les petites choses qui s'invitent à notre table et que nous inscrivons sur les pages de ce carnet à la lumière du ciel. Et avec peut-être l'approbation du silence...
Les magnifiques élans du pétale vers le ciel. Répondant, chaque jour, à l'aube à la même invitation...
Lucarnes closes dans la nuit que nos efforts renforcent. Et qui éclateront pourtant, un jour, au soleil...
La fête des jours où les hommes s'égayent célèbre la nuit. Et les ignorants sommeillent encore... Assoupis dans les bras du refus et de l'ennui. Plus loin, à l'orée du monde, le sage, adossé à un arbre, regarde le ciel. Il a parcouru tous les chemins de la terre en quête de l'homme. A la recherche d'un œil dessillé. Et il n'a rencontré que des rires bestiaux, des paroles – et des gestes – sans portée et des visages enfantins regardant la nuit – et se croyant en plein jour...
Un pas vers le ciel. Un autre vers le monde. Ainsi s'immobilise le commun. Seul le sage sait convertir les pas. Réunir la terre et le ciel dans la même foulée.
La poussière est le terreau de l'enlisement. Voilà ce que disent les ignorants. Qui sait qu'elle est le terrain de l'envol ? Quel œil – et quel cœur – sont-ils assez humbles pour y dénicher l'or le plus précieux ?
Le monde est la trouvaille des hommes pour légitimer leur corruption. L'intention est le berceau de la maladresse. Et pourtant il n'y a qu'un seul soleil...
Trottoirs des villes, allées funestes où l'ennui lèche les vitrines comme un ours affamé de miel...
Les hommes rêvent de feux d'artifice grandioses. Et la terre n'a à leur offrir qu'un lent embrasement. Et la rude besogne de la dispersion des cendres...
Le monde, sans le regard, est gris. Et sombre. Un décor obscur de silhouettes effarouchées. Battues par les vents. Aspirées par le noir de la terre. Et enfermées sous un ciel bas et opaque. Asphyxiant. Infranchissable. Lorsque le regard éclot – et s'impose –, le monde s'éclaire. Le décor s'illumine. Les silhouettes perdent leur allure de fantôme. L'effroi devient interrogation – et curiosité au delà des visages et de l'horizon. La terre et le ciel se métamorphosent alors en aire de joie. La lumière perce toute opacité. Et la transparence devient loi...
La vérité emporte tout sur son passage. Masques et costumes, images et idoles, pensées et gesticulations. Folie et sagesse. Tout s'écarte à son arrivée. Tout s'enfuit. Et s'efface. La vérité emporte toujours tout sur son passage...
En nos terres lointaines, nul augure. Nul présage. Seuls les auspices présents se montrent hospitaliers. Mais toujours les vents continueront de souffler. Et de nous faire tournoyer...
Les mains de Dieu aux fenêtres du monde. Et ses lèvres brûlantes éclairant – et balayant – les sombres souffles de la terre. Comme une invitation à la fin des crépuscules. Et à la promesse de l'aube...
Inutile de se retirer du monde. Au contraire, il nous faut l'épouser. Accueillir ses souffles et ses danses. Et les disperser dans l'infini pour l'inviter au plus joyeux du silence.
Des notes claires sur la page. Aussi inutiles et essentielles que la rosée dans la brume du matin.
Le silence est le plus haut du monde. Le point de concentration le plus dense de ses bruits. L'apothéose de sa fureur...
Et si le souffle des vents n'était que l'haleine de Dieu caressant les plaines de la terre – et pénétrant la bouche – et le cœur – des hommes pour les déblayer de leurs interrogations et de leurs vains édifices ?
Aux songes dormants, nulle autre issue que les ténèbres déguisées en élans. Et les transformant bientôt en désillusion. Et en désespoir. Rideaux sombres de la lumière derrière lesquels se cachent Dieu et l'innocence. La joie pure offerte à tous les êtres de la traversée...
Nul abri dans la lumière comme le clament parfois les âmes passagères. Ne leur en déplaise, la lumière est une tour invisible. Une vigie dans le désert. Un phare immense – un phare infini et insaisissable – dans les ténèbres du monde. Et les profondeurs noires du cœur.
J'aime entendre chanter le petit crayon sur la page. Et le voir danser – aller et venir – dans son petit théâtre de papier comme s'affairent les hommes sur la scène du monde. Je laisse libres – entièrement libres – sa voix et ses pas. Et il trouve immanquablement son chemin. Comme s'il était guidé par les lèvres du silence. Participant comme les hommes, les étoiles et la poussière à la grande chorégraphie de l'univers.
Une étoile dans le silence. Et voilà soudain le monde qui s'anime et danse dans la nuit. Un seul astre. Et tout s'embrase...
La parole libre et vivante portée par le vent des plaines, les nuages et l'eau des rivières. Et recouverte par le fracas du monde. Mais je sais que l'herbe et les étoiles nous entendent. Derrière le ciel et l'horizon, je devine leur accueil. Et leurs louanges silencieuses.
Deux chemins s'offrent à l'homme : le chemin des songes et le chemin des sages... Sur le premier marche la foule – l'immense foule du monde – à pas avides et impatients. Et presque aucune âme sur le second... Quelques empreintes anciennes recouvertes par la mousse et les ronces où se faufilent de rares cœurs innocents... On voit au loin leur silhouette adossée à un arbre, penchée sur la rosée ou chercher la sente des nuages...
Une vie d'arbre, de nuage et de rosée. Voilà où te conduira le chemin des sages...
Nous sommes de piètres élèves, nous autres, qui ânonnons notre leçon – la même leçon depuis des siècles – devant les yeux de l'éternité. Et dans notre nuit, la même équation insoluble notée à la craie blanche des soucis sur le grand tableau noir de la vie. La fleur, l'étoile et l'oiseau, eux, en ont percé le mystère. Ils brillent, chantent et offrent leur beauté sans la moindre question. Sans la moindre demande d'explication...
Deux grands yeux tristes nous regardent timidement derrière la fenêtre. C'est l'hiver qui arrive, à pas lents, avec le vent frais de la fin d'automne. Il attend sagement un geste. Une parole accueillante pour chasser les dernières feuilles mortes et entrer dans notre existence. Il attend notre approbation – un acquiescement – un réconfort peut-être... – pour franchir le seuil de la maison. Il sait que cette année nous l'accueillerons à bras ouverts. L'âtre du cœur est brûlant. Et nombreuses – et denses – les bûches sous la remise. Suffisantes pour le recevoir sans craindre ses morsures et le long voile sombre qui assombrit les jours et offre au soir des airs de désolation. Il sait que nous n'abandonnerons personne en cette saison. Ni le silence, ni les oiseaux, ni le ciel, ni les insectes, ni les hommes. Tous auront leur place parmi nous. Et nous les accueillerons avec la même joie. L'hiver peut bien pointer le bout de son nez. Nous lui ouvrirons la porte. Et lui souhaiterons, comme à tous les autres, la bienvenue...
Laisser le corps, l'esprit et l'homme flotter dans les eaux troubles de l'entre-deux. Entre le rocher et le nuage, entre l'herbe et l'étoile, portés – et emportés parfois – par les vagues de la terre et du ciel sous le regard vif, tendre et apaisé de l'innocence. Ainsi demeurent les yeux sages. Assis au bord du monde et de l'infini.
Êtres et hommes, créatures de solitude et de silence terrées derrière leurs peurs. Animées par leurs besoins. Et tournées vers leurs désirs. Infatigables pourvoyeuses d'histoires et de drames...
Mais qui connaît vraiment les êtres – et les hommes ? Qui sait réellement ce que cache le fond de leur âme ? Et comment vivre ensemble malgré nos faiblesses, nos lâchetés et nos manquements ? Et qui que nous soyons, n'y sommes-nous pas tous contraints en vérité ? Oui, bien évidemment...
Au-delà des sensibilités et des perspectives – et quel que soit notre degré de maturité et de compréhension –, voilà le grand sujet auquel nous sommes tous confrontés. Et la seule vraie question que devrait se poser l'esprit. Comment être – et vivre – ensemble de façon harmonieuse et respectueuse malgré nos imperfections ? Et bien que chacun fasse son possible – et parfois même de son mieux – il n'y a, depuis l'aube des temps, aucune réponse claire et évidente...
Déposer quelques mots sur le tapis de l'aube – là où le ciel s'essuie les pieds avant d'entrer dans l'infini. Puis, délaisser cette petite prison de papier pour aller courir dans l'herbe. Avec le vent et les nuages. Je ne connais, en ce monde, d'activité plus douce. Et plus fraternelle. A l'égal peut-être de la belle – et ingrate – besogne des mères qui veillent avec patience et assiduité sur leur enfant malade.
La vie ne serait-elle que le miroir de notre âme passagère ? Bouts de verre cassés – et ébréchés – que nous nous efforçons de recoller – de rafistoler de nos petites mains besogneuses et de notre cœur assidu ? Mais pourquoi donc aurions-nous peur d'y voir notre visage ?
La cour des miracles est close depuis des lustres. Et après l'avoir piétinée, les hommes y ont enterré leur intelligence. Et dans leur idiotie, ils ont accordé leur confiance aux promesses. S'éreintant chaque jour à débroussailler leur chemin pour qu'elles éclosent au prochain virage. Mais, de pas en pas – et de virage en virage –, les chimères toujours les devancent. Les promesses toujours s'envolent un peu plus loin. Et les hommes, dans leur furieuse déraison, continuent de courir à perdre haleine – et le plus précieux de cette vie – jusqu'au bout de l'horizon, la main tendue pour les attraper...
Une claire absence. Et nos yeux qui ne savent regarder. Enferrés dans la buée de la tristesse. Et le cœur sourd aux plaintes – meurtri par les poings serrés. Aveugle, lui aussi, aux beautés éphémères de la terre et de la vie.
Un souffle – un souffle seulement – sépare la vie de la mort. Mais nous autres, nous respirons notre existence durant comme des agonisants. Le cœur asphyxié par la maladresse, le vil labeur et les mensonges. Essayant (vainement) de reprendre souffle à chaque foulée en humant la fragrance viciée des promesses. Nous éloignant toujours davantage de l'air pur de l'innocence. Une seule bouffée pourtant suffirait à nous sauver de cette odeur de mort qui flotte un peu partout...
Que cache le cœur de l'homme au fond de sa misère – au fond de sa noirceur ? Une lumière infinie et captive (qui ne peut éclore). Mais que sa joie parfois laisse éclater en infimes gouttelettes lumineuses. Comme de minuscules étoiles dans sa nuit interminable.
Le terreau de la page – comme celui du monde – est le reflet du ciel. L'espace vide et infini dans lequel s'invitent – peuvent s'inviter – toutes les danses...
Derrière l’œil en somnolence – et les paupières closes – se cache la vérité. Et sa lumière aveuglante qui fascine les yeux emmurés dans la profondeur noire des songes...
Des ombres dans la nuit. Des silhouettes nocturnes qu'un regard – un seul regard – peut transformer en lanternes éblouissantes – et ivres de lumière – dansant en plein jour...
La noblesse des paroles et des gestes n'est rien sans l'innocence claire du regard. Et la transparence délicate du cœur. Les lèvres rouges et les lèvres blanches sauront y abreuver leur soif. Et les âmes grises et confuses comme les âmes légères aux yeux et aux ailes d'or sauront y trouver les encouragements et le réconfort nécessaires.
Dans la nuit écarlate, j'ai vu des songes affreux et des désirs de soleil. La ronde macabre des bouches affamées et des mains tendues et menaçantes. Et derrière les ombres – et au dedans des silhouettes – une lumière sans pareille. Prête à embraser la nuit et les chemins rouges de la misère. Nul ne le sait peut-être, mais le jour ne pourra naître autrement...