Carnet n°90 Sur le chemin des jours
– Sous le ciel de Bashō –
Recueil / 2016 / L'intégration à la présence
N'être rien. Qu'un souffle ténu dans le vent et la lumière parmi les rochers et les étoiles.
Dans les pas du marcheur et les empreintes du petit crayon sur la page se tient le plus fragile de cette vie. Et le plus impérissable. La grande offrande des jours, la grâce de la terre et la lumière du ciel que chacun peut accueillir le temps de son bref passage...
Pieds légers sur l'abondance du monde et la fécondité de la terre – orteils vissés aux sentiers des brumes – et le cœur infini franchissent les obstacles d'un seul bond. L’œil toujours vagabond. Et le regard présent – infiniment présent – et toujours fidèle à sa patrie. Digne et humble habitant de l'éternité allant inlassablement au gré des vents et des saisons sur les chemins précaires. Le visage – et le cœur – attentifs aux moindres sursauts de l'âme et du monde. Et le pas toujours humble et insoucieux des élans et des acrobaties malgré la main – et le geste – secourables.
Homme de l'herbe et des nuages. Homme du ciel et de la rosée. Aussi vide et accueillant que l'espace. Fréquentant la terre et l'infini. Marchant à petits pas dans la brume du matin. Et saluant le monde d'un geste innocent. Avec ses yeux rieurs et son sourire discret qui illuminent les paysages.
Face au monde, l'indicible désarroi que l’accueil transforme en joie.
Vide dans le matin doré. Vide dans le jour ensoleillé ou sous la pluie interminable. Vide au crépuscule sous le halo pâle de la lune.
Vide est la clé. Et la demeure. Le seuil de toute joie dans la marche lente de l'homme sur la terre.
Pieds légers sur l'abondance du monde et la fécondité de la terre – orteils vissés aux sentiers des brumes – et le cœur infini franchissent les obstacles d'un seul bond. L’œil toujours vagabond. Et le regard présent – infiniment présent – et toujours fidèle à sa patrie. Digne et humble habitant de l'éternité allant inlassablement au gré des vents et des saisons sur les chemins précaires. Le visage – et le cœur – attentifs aux moindres sursauts de l'âme et du monde. Et le pas toujours humble et insoucieux des élans et des acrobaties malgré la main – et le geste – secourables.
Dans le vide, tout se construit. Et à partir de ce socle, les mondes s'édifient. Leurs merveilles comme leurs atrocités...
Dans l'antre exigu de l'âme tournée vers elle-même, nulle place pour les vents frondeurs. Nulle place pour la pluie et le soleil. Nulle place pour les rires et les visages. Comme une cave sans fenêtre à l'air vicié. Isolée du ciel et des plaines du monde où la lumière – et la joie – ne peuvent pénétrer.
Être le Bashō des jours sédentaires comme des jours nomades. Dans l'opulence et le foisonnement du monde comme dans l'hostilité des déserts. Dans l'aisance des foules comme dans la simplicité des chemins des forêts et des montagnes. Dans l'abondance des cités comme dans la joyeuse aridité de la solitude. Aller toujours, à petits pas, au gré des vents, la foulée vive et tranquille. Alerte et éclairée. L'âme humble. Et le regard simple parmi les herbes et les nuages. Avec dans le cœur, la flamme incandescente...
Le pas et le visage singuliers mais l'âme toujours universelle...
L'homme aux semelles de nuage et au visage de vent parcourt monts et plaines sans effort, libre du dedans comme du dehors. Il ne cherche rien. Il laisse les chemins et les paysages le traverser. Son âme est radieuse. Et déjà si pleine du Divin. Un sac, un bâton et un carnet, à petits pas dans l'air frais du matin, arpentant les vallées et les collines du jour et quittant la forêt au crépuscule pour regagner, le cœur riche et léger, son humble masure.
Entendre le chant de l'oiseau qui monte vers le ciel. Et nous voilà à danser dans la joie et l'air frais du jour.
Au cœur de l'innocence et de l'infini, le silence laisse l'âme radieuse et insouciante vaquer aux tâches du jour.
Les jambes et les bras – les mains et les pieds – ne sont que le prolongement de l'âme innocente et du silence. Joignant l'infini à chaque geste – et à chaque foulée sur les chemins. Offrant au visage sa joie et son sourire. Et laissant les pas fouler l'herbe et les étoiles. Les rochers et les nuages. Faisant de la marche, du monde et du regard la permanente demeure...
L'insecte et l'étoile, la pierre et l'homme n'ont qu'un seul Dieu : le regard de l'infini et du silence dont notre main et notre visage doivent apprendre à se faire les instruments...
Dans nos sombres vallées, l'horreur n'a de visage. Mais sa main est meurtrière. Et sa bouche carnassière. Et la foule demeure impuissante à freiner ses gestes. A l'arracher à son origine.
Chaque jour, à grandes enjambées sur les chemins de pierres. La belle moisson du regard. Et la mince récolte d'or et de miel que le crayon dépose avec précaution dans le petit panier d'osier de la page.
L'air est vif sur les grands chemins. Le pas allègre. Le visage radieux sous le soleil d'hiver. Et la page blanche aussi accueillante que le ciel lumineux.
Le regard est tendre. Le visage souriant. Mais le cœur reste sauvage. Les cheveux ébouriffés comme l'herbe des prés. Et l'âme encore effarouchée comme un lutin des bois caché derrière le tronc d'un arbre que la solitude de la forêt n'effraye pas.
La prière du marcheur est aussi lente à atteindre le ciel que les pas à rejoindre l'horizon. Celui qui marche sait que Dieu ne se trouve ni plus haut ni plus loin. Mais dans la juste foulée.
Braise des yeux n'est qu'avidité de l'âme. Malgré sa splendeur et sa vivacité, la lumière est toujours douce dans le regard...
Un sac de toile, un bâton, un bol, une couverture et une longue pèlerine pour marcher sous la pluie. Ainsi chemine le pèlerin de vent. Aveugle aux impasses et aux virages. Sourd aux cris et aux applaudissements. Allant de son pas léger sur les pierres et dans l'herbe des chemins. Ne demandant jamais sa route et ne s'égarant jamais (mais peut-on réellement s'égarer dans la joyeuse errance de la marche ?). Indifférent aux lumières des hommes et des cités. N'offrant sa confiance qu'aux nuages, aux étoiles et aux visages des sentes. Se laissant docilement mener par les vents de la terre sous la pluie et le soleil du monde.
Le regard est identique sur le bitume des routes, le béton des trottoirs et la terre des chemins. Même si les yeux, bien sûr, ont leur préférence...
La vie, la marche et le voyage sont des passeurs d'âme. Ils invitent celui qui chemine à se débarrasser de tout superflu. A se vider de tout encombrement pour aller plus nu et plus libre. Comme une façon d'exhorter l'âme à prendre son envol. A rejoindre la terre de l'infini et du silence afin de marier le ciel à chacune des foulées.
Le cri des bêtes dans la nuit m'éventre l'âme. Un déchirement du cœur. Inconsolable. Inguérissable. Et j'attends avec impatience que se fissure le ciel d'épouvante qui recouvre leurs jours (et que l'aveuglement des hommes ignore...) pour les voir enfin délivrés de l'abomination...
Quatre chiens de toutes tailles et de toutes couleurs. Quatre admirables corniauds en pleine liberté – sans laisse ni collier mais toujours prompts à répondre à mes rares directives – courant à perdre haleine – et à mes côtés – dans tous les fourrés et les fossés des collines ou marchant d'un pas tranquille sur les sentiers des forêts et sur les routes – petites et grandes – des lieux que nous arpentons, traversant à l'occasion les villes, les villages et les hameaux à la queue leu- leu tantôt à droite tantôt à gauche de la chaussée ou en ordre dispersé selon la densité du trafic automobile et piétonnier.
Humble équipage de fiers vagabonds aux allures magnifiques (et émouvantes) traînant leurs guêtres sur tous les chemins de la région sous le regard parfois amusé ou admiratif – mais le plus souvent indifférent – des passants et des automobilistes. Avec pour seuls compagnons, les pierres, les arbres et les nuages. La solitude, les grands espaces et le ciel pluvieux ou ensoleillé. Chaque jour, quel que soit le temps, nous battons ainsi la campagne. Cheminant au gré des vents (et des odeurs) en voyageurs libres et insouciants.
Un seul soleil dans les pas du jour. Et l'âme – et le corps – en pâmoison...
De quelle ivresse l'âme en extase pourrait-elle se défaire ? Chemins et paysages ensoleillés malgré le froid et la grisaille des jours.
Le cœur brûlant – et l'âme extatique – réchaufferaient et éclaireraient la lune et tous les visages pris dans les glaces du monde. Et les ténèbres même seraient illuminées...
Dans les pas de l'innocence, l'âme invulnérable...
La montagne n'est le songe d'un seul homme. L'eau des rivières aussi façonne les vallées...
L'infini ne s'installe que dans le pas vulnérable. Et le cœur nu et innocent. Portes de l'Amour où s'invite l'inconnu. Et le grand mystère des jours.
L'infime pas de l'homme dans l'immensité. Et la minuscule enjambée des siècles dans l'éternité.
Qui est Dieu ? Et qui est le maître de l'univers ?
Vide éternel de l'absence. Vide éternel de la présence. Le vent toujours pousse – et recouvre – les pas et les visages. Les efface dans l'infini, l'éternité et le silence. Et jamais les cris – et l'appel – de l'homme ne seront entendus...
Le pas – et le souffle – incandescents. Brillant dans la grisaille des jours. Brûlant de l'ardeur du soleil. Ouverts à l'éternité et à la flamboyance du regard.
Que le jour emporte la nuit. Et tout brillera dans la lumière. Jusqu'aux plus sombres recoins du cœur sous la clarté vive de la première étoile...
Le feu ardent des pas aussi se jette dans la nuit et la lumière...
Jamais l'ultime trésor ne pourra nous être dérobé. Il brillera à jamais sur les jours. Et les ténèbres du monde.
Le pas – et le cœur – vierges, voilà la condition de la joie. Et de la parole poétique. Frêles étincelles dans la nuit de l'homme.
Comme la mouche aux ailes fragiles, la parole s'envole. Et se brisera, un jour, contre la vitre de l'éternité.
Une poignée de châtaignes pour le souper. Mangées au coin du feu. Un festin pour égayer le cœur. Et éclairer notre longue veillée dans l'air frais et pluvieux de ce soir d'hiver.
La poussière des chemins. Le divin or de la terre. Comme de minuscules étoiles dans les pas de celui qui marche et cherche l'Absolu. Et comme d'infimes soleils dans l'âme – et sur le visage – de celui qui fréquente le Divin.
En cette froide soirée, je regarde, sur le sol de la cuisine, un petit insecte allongé sur le dos, pattes immobiles recroquevillées sur le ventre aux mouvements d'antennes à peine perceptibles, attendant la mort en silence. M'offrant ainsi le déchirant et désolant spectacle de l'agonie. Et me révélant, avec tant d'évidence, la double impuissance du vivant. Celle des créatures qui souffrent et meurent dans une solitude impartageable. Et celle des êtres qui les entourent qui ne peuvent les aider malgré leur bonne volonté – et leur désir d'assistance et de réconfort. Comme si la vie nous invitait simplement à être présent et à veiller sur le monde – et les êtres – avec tendresse et attention. Nous renvoyant ainsi à notre plus essentielle fonction en ce monde : aimer, accueillir et prendre soin. Et malgré notre ignorance, nos manquements et nos lâchetés parfois, ne doutons pas un instant que chacun sur cette terre fait son possible pour assumer ce rôle – et accomplir cette tâche...
Les yeux des êtres, leur cœur et leur corps (et celui du monde) sont (respectivement) le regard, l'Amour et le corps de la conscience. Et bien qu'ils l'ignorent, les yeux, le cœur et le corps des êtres apprennent progressivement à s'extirper de cette ignorance. Leur bouche, leurs mains, leurs bras et leurs jambes sont leurs principaux instruments. Les outils indispensables leur permettant de découvrir graduellement leur nature véritable.
Une maison ouverte à tous les vents. Tel est le regard. Et telle devrait être notre vie...
L'horizon dans la brume. Et les yeux rieurs balayant l'adversité des jours et l'hostilité des chemins. L'âme inébranlable accueillant les vents du monde. Et dansant dans les bourrasques...
La mystérieuse alchimie du regard. Transformant les jours. La nuit en lumière. La misère en joie. Les foulées grossières en pas de danse insouciants. La terre en contrée divine. Et ses créatures – toutes ses créatures – en apprentis malhabiles du ciel.
Vide, nu et joyeux. Toujours plus vide, plus nu et joyeux. Pas après pas. Et l'âme si légère qui danse sous les étoiles...
Au cœur de l'hiver, un vieil arbre dans une clairière caressé par les rayons pâles du soleil. Comme un vieux sage ombrageux et solitaire méditant dans le froid – et la paix – du jour.
Allant sur les chemins, le cœur et l'âme aussi vastes que l'espace. Aussi nus que le vent. Aussi clairs que le soleil. Ne comptant ni les pas ni les heures. Se laissant simplement mener par la grande liberté et les joyeuses exigences des servitudes de la terre...
Ah ! Qu'il est bon de pisser au vent, verge au soleil ! Se faire, pour un instant, fontaine du jour arrosant la terre...
Fréquenter les chemins et les forêts, les abeilles et les chevreuils nous en apprend bien davantage sur la vie, Dieu et l'infini que toutes les pérégrinations dans le monde, parmi les hommes et leurs pauvres leçons de choses...
Quelques notes par jour. Comme une modeste offrande à la terre. Une dérisoire obole au monde. Comme quelques poussières d'or jetées aux hommes – toujours misérables, et les mains mendiantes, malgré leurs richesses...
Odieux clapiers des lapins à la campagne. Affreux clapiers des hommes à la ville. La même vie de misère et d'indigence ! Une existence d'enfermement et d'amputation – d'attente et de servitude – avant la délivrance peut-être de la mort...
Le retour à la maison à foulées discrètes sur le chemin vespéral pour ne pas importuner – ni effaroucher – les habitants de la forêt, libérés, à cette heure tardive du jour, du vacarme incessant des hommes.
Marcher en tout lieu. Errer ici et là. Aller là où les vents nous mènent. Et n'avoir d'yeux que pour l'infini. Le devinant partout. Dans chaque pierre. Dans chaque herbe et chaque visage. Et jusque dans la poussière de ses pas...
N'en déplaise aux hommes, la pluie n'est le chagrin de Dieu. Mais des larmes de rire – de son immense fou rire – versées pour égayer le cœur du monde.
Nuages sous les pas. Et entre les oreilles. Ciel descendu dans l'en-bas pour alléger – et égayer – les chemins de la terre.
Il me vient parfois de drôles de pensées en marchant. Ombres furtives dans le ciel noir de l'esprit. Graines infertiles sur la terre de la poésie que le vent léger pousse dans les fossés. Et que la feuille jamais ne verra éclore...
La petite fumée noire des soucis que les vents du monde alimentent. Et épaississent. Et que le cœur clair balaye d'un délicat – et implacable – revers de main. Comme emportée par les bourrasques salvatrices d'une brise légère...
Le jour éphémère a recouvert la nuit. Qui sait que chaque seconde de lumière éclaire des siècles d'obscurité...
Vivre comme une vieille vache paisible dans son pré. Occupée à manger, à chier et à dormir. Se laissant simplement distraire, de temps à autre, par le passage des trains. Et éclairer par le fugace passage des jours.
Être en contact direct avec le réel, le regard et le cœur ouverts, il n'y a d'autre façon d'être pleinement vivant sur cette terre. Ni de manière plus juste de s'en faire le témoin...
Lorsqu'au plus rude des jours, le monde – un seul être du monde – vous offre son sourire – un immense sourire spontané et innocent –, il éclaire le jour. Et les heures à venir. Et peut-être même votre vie entière... Il vous redonne foi en la bonté et en la gentillesse des êtres et des hommes. Et peut-être même en l'existence de l'Amour sur cette terre...
La marche (et le mouvement) du corps. La contemplation silencieuse de l’œil (et du regard). Et l'Amour et la réjouissance du cœur. Ainsi vit l'homme sage. En adepte du minimalisme essentiel du vivant et de la lumière...
Sous l'égide du ciel, des nuages et des forêts vit l'homme sage. A la fois discret et solitaire. Affectueux et fraternel...
L'absence, l'ignorance et l'inattention sont les mères de tous les maux. Et la présence, la conscience et la lumière, la matrice de toutes les réjouissances...
*
[Les souffles manquants]
L'homme qui chemine – l'impénitent marcheur vers l'éternel – se sent parfois meurtri – et démuni – face au monde et à ses impitoyables chemins. Qui n'a jamais ressenti cette faiblesse – et cet abandon – durant son éprouvant voyage ? Et qui n'a jamais entendu cette voix – si singulière – l'inviter à remettre ses blessures et son dénuement aux mains du ciel avec l'espoir qu'il en fera bon usage – qu'il guérira nos peines et nous redonnera le souffle nécessaire pour poursuivre notre route ?
Le cœur chaviré, balançant entre les étoiles. Et emporté vers l'infini. Avalé par la bouche claire du ciel. Rendant légère la course de l'obscur dans les mains de Dieu...
La fleur des montagnes n'a qu'un seul royaume – et qu'un seul souverain : l'infini. Malgré l'éphémère des jours et le vent froid de l'hiver.
Elle sait que le ciel est notre miroir le plus juste. Le plus vaste et le plus profond. Et que toutes les âmes s'y reflètent sans frémir. Incapable de les faire tressaillir malgré les souffles et le vacarme de la terre.
Les mains, les bouches et les yeux sans épaisseur aux gestes pesants ou légers ne sont rien – que des ombres fantomatiques – face à la sensibilité, à la justesse et à la générosité de la main, de la bouche et des yeux pleinement présents. Dont la seule proximité illumine. Et dont les gestes si pleins – et emplis d'Amour – apaisent et réconfortent avant même qu'ils ne vous touchent...
Le cœur de l'homme sage n'est pas fait pour vivre parmi les hommes*. Ni avec ni auprès d'eux. Mais pour se tenir au plus proche des nuages et des forêts. Au plus près des herbes, des bêtes et des étoiles. Ouvert aux vents et aux chemins. Disponible – et disposé à les recevoir – à chaque instant du jour et de la nuit. Attendant dans l'humilité, l'innocence et le recueillement les bras – et le baiser – de Dieu. La pleine attention de la pure présence.
* Tant que persisteront leur agitation, leur immaturité et leur prétention...
Ô mon âme, où cours-tu ainsi, toi qui cherches un refuge ? Pour-quoi t'obstines-tu sur les chemins de la terre ? Pourquoi refuses-tu d'ouvrir les bras à la présence silencieuse du ciel ? Qu'attends-tu ? Les vents n'ont-ils pas suffisamment soufflé ? Le monde aurait-il encore quelques grâces à t'offrir ? Rêves-tu encore de routes ensoleillées ? Crois-tu que les étoiles pourront te secourir – et hisser jusqu'à elles ta vieille carcasse abandonnée à l'indigence des hommes ? Es-tu encore si naïve, mon âme ?
La marche parfois épuise les pas. Le cœur et le regard de l'homme. Aussi convient-il de faire une halte. D'autoriser l'âme à délaisser sa sente. Et lui offrir le repos des étoiles. Le sommeil des justes à l'orée du ciel avant qu'elle ne reprenne son périple. Et son ascension.
Comme toutes les choses de ce monde, la marche et l'écriture sont des activités sans fin. Après chaque nouvelle foulée – et chaque nouvelle phrase – arrive inéluctablement la suivante. Kilomètre après kilomètre – et page après page, le périple – et l’œuvre – se poursuivent. Voués jusqu'à la fin des jours aux petits cercles sur leurs dérisoires chemins de terre et de papier.
Peut-être sommes-nous, en réalité, le seul auditoire attentif à nos misérables épanchements ? La seule main secourable pour panser nos pauvres meurtrissures ? Les seules lèvres capables de nous réconforter de leurs paroles et de nous offrir le baiser – et l'Amour – que nous attendons depuis des siècles ?
Peut-être sommes-nous aussi la seule preuve de l'existence du monde, de la terre, du ciel et des étoiles ? Peut-être que sans notre regard, n'existerait que le néant – et peut-être même moins que le néant... : le mystère total et absolu sans la moindre lumière pour l'éclairer ?
La course interminable des jours. Et l’œil fatigué. L'âme assoupie. Adossé au tronc d'un arbre, nous attendons la fin de la nuit...
Un seul rêve. Un songe obscur autorisant l'âme à marcher jusqu'aux étoiles. Pour achever, au réveil, son impossible périple...
Aux hommes, la terre. Et aux sages, le ciel. A chacun son domaine. Et sa besogne. Nul, ici-bas, ne peut prétendre pleinement à l'un et à l'autre*. La terre offre ses plaisirs, ses luxes et ses contraintes. Et le ciel, ses joies, sa paix, sa simplicité et ses exigences. Mais aller vers la première ferme automatiquement l'accès au second. Et réciproquement, bien sûr...
* En tout cas au cours de la marche (et de la quête)... et jusqu'à ce que le lieu de toutes les destinations soit atteint...
L'âme défaite par l'incommunicabilité et l'incapacité des êtres à s'entraider. Comme si chacun était enfermé derrière les barreaux d'une cage éloignée des autres par des milliers de kilomètres. Et malgré l'unité du cœur et de l'esprit, il reste, à dire vrai, une longue (une très longue) route à parcourir pour qu'elle devienne effective dans la réalité de nos faits et gestes...
Ô divine âme malheureuse, je t'en prie, cesse tes gémissements ! Tes jérémiades et tes apitoiements ! Redresse-toi ! Et sors de ton antre pour faire face aux vents frais du monde et au grand air vif des chemins ! Rechausse tes sandales ! Et poursuis ton périple !
Et mon âme, docile et attentive, se remit debout. Reprit son bâton et sa marche sur le chemin des jours...
*
Du cœur chamboulé par les événements et les souffles manquants émergent progressivement le courage – et la sereine tranquillité – des pas.
Un seul destin pour l'âme aux prémices – et aux intervalles – ténébreux : la chute et l'abandon avant l'envol – et la reprise de l'envol – vers la lumière...
Chaque matin, devant nos yeux – et notre visage – attentifs, la terre, les arbres et le ciel. Le chant des oiseaux qui monte vers la petite pièce où l'on écrit – où l'on reprend, le plus souvent, les notes de l'après-midi précédente. Et le passage fugace des nuages sur l'horizon à travers la fenêtre. Voilà le décor de la page, qui attend la main – et le cœur – sages. Et l'innocence du regard. Prête à recevoir la vie. Les infimes traces de l'infini. Les discrètes empreintes du silence. Et l'indicible parole du Divin. Recueillies la veille lors de notre longue promenade dans la campagne alentour.
L'après-midi, nous quittons la maison pour partir sur les chemins. Nous ouvrir – et nous offrir – aux bras de la vie sauvage. Aux sentiers des forêts et des collines. Aux verts pâturages et à leurs troupeaux magnifiques. Aux fossés et aux pentes de la terre. A la vie silencieuse du ciel et à la nature florissante des paysages.
Dieu – et notre carnet – nous accompagnent discrètement. Partout. Et tout le jour. Et nous allons ainsi ensemble jusqu'au crépuscule. Vides, libres et joyeux sur les sentes minuscules de la terre et de l'existence. Et toujours, bien sûr, en admirable compagnie...
Ainsi passent les jours. Et s'écrivent nos pages. Modestement. Au rythme lent du marcheur et de la main contemplative qui recueillent la beauté des paysages que le cœur vif et innocent reçoit avec gratitude en remerciant, à chaque instant, les grâces de la terre et la lumière du ciel pour leurs miracles et leur générosité.
Ni la terre ni le ciel n'épargne des peines. Mais alors que la première n'offre que des promesses mensongères en nous jetant, tôt ou tard, vers les sombres contrées de la désillusion et de l'amertume, le second nous livre à l'abandon et à la lumière nécessaires pour éclairer la marche et le chemin. Et nous ouvrir ainsi à l'imprévisibilité des paysages. Et à l'intrépidité des pas...
La marche des hommes à travers les jours. Et à travers les siècles. Le même pas lent et lourd. La même foulée besogneuse. Le même cœur hébété et distrait. Et la même âme effarouchée. Soumis au cycle éternel de l'ascension et de la chute avant de découvrir – et d'endosser – les ailes invisibles du titan pacifique...
N'être rien. Qu'un souffle ténu dans le vent et la lumière parmi les rochers et les étoiles.
Vivre la virginité innocente du regard et la grande simplicité du cœur dans l'invraisemblable prolifération du monde. Et ses odieux entassements. Vivre le silence dans ses bruits et sa fureur. Vivre l'infini dans ses restrictions et ses limitations. Vivre ainsi dans la compagnie des hommes nous semble parfois impossible. Une tâche hors de portée en particulier lorsque l'abondance phénoménale et objectale, l'agitation et l'absorption crispée des esprits nous entourent – et nous envahissent – au point de nous submerger. Et de nous engloutir.
Notre âme – encore naïve peut-être... – rêve toujours de grands espaces vides et épurés où elle pourrait s'installer pour vivre dans le dépouillement et la simplicité. Et répondre ainsi à son infini – et irrépressible – besoin de nudité...
Seuls le coassement tranquille des grenouilles de l'étang, la danse sereine des herbes et des étoiles et le passage bonhomme des nuages dans le ciel apaisent notre âme si sensible – et rétive – à la folle agitation du monde. Et à la course fébrile des hommes et des aiguilles.
Seuls les pas sur les chemins de terre et sur le petit carnet rythment le jour. Et offrent à l'âme une sereine allure. Seuls les bras des arbres et les caresses du vent savent nous réconforter de la frénésie absurde de ce monde.
La bastide des yeux et des étoiles dans la vaste cour des arbres, des herbes, du cœur et des nuages. Voilà la demeure – la véritable demeure – de l'âme. Son roc serein et imprenable où elle peut se laisser aller à tous les souffles du monde et à tous les vents de la terre. Sans corrompre sa nature ni craindre l'étouffement et les blessures. Voilà le seul lieu où elle peut éclore et s'épanouir pleinement – et grandir jusqu'à l'infini sans redouter la mort.
Ce soir, nous sommes rentrés à la maison en compagnie de quelques vaches (une vingtaine peut-être) regagnant (elles aussi) leur bercail – et allant de leur pas lent et majestueux sur la petite route menant à l'étable. Ah ! Mes amis ! Quelle joie de les retrouver – et de partager avec elles les derniers virages de notre promenade après cette longue journée de travail passée au grand air...
Dans les pas du marcheur et les empreintes du petit crayon sur la page se tient le plus fragile de cette vie. Et le plus impérissable. La grande offrande des jours, la grâce de la terre et la lumière du ciel que chacun peut accueillir le temps de son bref passage...
En cette vie, quelques souffles durant la traversée. Et les instants de pure – et pleine – présence...
Sur la crête des jours – et dans leurs profondeurs abyssales – se promène le cœur du sage. Oreille et œil éteints au soufre. Lèvres entrouvertes et silencieuses murmurant leur gratitude au regard éternel comme au plus fragile de cette terre.
Hommes et bêtes à cheval sur leur posture maladroite et malhabile. Inappropriée pour goûter l'ineffable. L'ineffable de cette vie et de ce monde. Gestes instinctifs et circonstanciés tout juste bons à s'emparer des miettes grises et des marécages. Et à permettre aux mains de continuer à cisailler le cœur et les âmes. Et au sang d'abreuver la terre.
Dans la poésie, entre les mots – ces notes bavardes aux empreintes noires – se cachent le silence et la lumière. Accessibles au cœur vierge et à l'âme innocente. Les autres n'y percevront que l'obscur de l'écriture et la frénésie de la parole.
Toi qui marches à présent en toute saison sur les sentes printanières de la vie, as-tu oublié l'odeur des feuilles mortes à l'automne lorsque tes pas se faisaient fébriles et funestes – et la désolation des arbres sur les routes hivernales où ta tristesse cherchait un réconfort ?
Qui se souvient que la vie, la nature et le monde sont d'extraordinaires créations ? Qu'ils sont les expressions les plus magistrales de la beauté et de la vérité ? Les plus fabuleuses œuvres que nous connaîtrons jamais. De l'art pur...
Il arrive, il est vrai, que le plus haut – et le plus clair – de la poésie, de la musique, de la peinture et de la sculpture (et de quelques autres arts...) parvienne à rivaliser avec eux. Pendant quelques instants. Mais inutile de visiter les musées, les galeries, les salles de concert, les bibliothèques et les librairies, l'art est partout dans la vie, la nature et le monde.
Peu d'hommes savent les voir ainsi. Comme des chefs d’œuvre absolus. Ils se comportent à leur égard comme des consommateurs culturels. Et les fréquentent comme la plupart des amateurs d'art qui découvrent les œuvres des artistes. Avec un œil las et indifférent. Incurieux et blasé. Sans être habités par le goût – et l'esprit – de la découverte, de l'exploration et de la rencontre. Sans une once d'intelligence, d'ouverture et d'innocence. Sans être en mesure d'être bouleversés par la beauté et la vérité – la grâce et le génie – de ce qui se trouve devant leurs yeux.
En définitive, seul l'art (le grand art) d'être – le regard innocent et infini – est capable de voir – et de goûter – la vie, la nature et le monde comme les plus extraordinaires et merveilleux chefs d’œuvre jamais réalisés. Comme les sublimes reflets de la conscience. De sa beauté et de sa vérité autant que de son intelligence et de son Amour.
Les étranges reflets des jours et la transparence du monde sur l'horizon...
Rien n'offre autant de joie – et n'aide davantage le cœur d'un homme – qu'un geste unifié au monde. Un geste plein porté par l'Amour et la tendresse. Et un pas serein allant, ouvert, sur le chemin des jours.
Dans la brume des jours et l'épaisse fumée du monde, les pas cherchent leur chemin. Leur destinée peut-être... Et l'on voit partout les hommes marcher à la queue leu leu. Tournant désespérément en rond depuis des siècles et des siècles. Sans l'ombre d'une lumière à l'horizon...
Seules deux voies s'offrent à l'homme : la voie de la terre et la voie du ciel. Si les souffles intérieurs et les aspirations le poussent vers la première, il consacrera son existence au monde et à ses chemins obscurs et tortueux. S'ils le portent vers la seconde, il s'engagera alors dans la quête de la vérité et la recherche de la lumière.
En vouant sa vie et ses forces au monde et à ses chemins (quitte à s'y égarer ou à s'y perdre...), l'homme fermera provisoirement la porte à la voie du ciel. En revanche, s'il se livre sans relâche à la vérité et à la lumière – et parvient à découvrir sa véritable identité –, la voie de la terre s'éclairera et deviendra plus ouverte. Et éminemment plus vivable... Il ne s'y jettera plus l'âme – et la tête – baissées. Mais se laissera porter, sans attente ni résistance, par les courants en présence...
Et bien que nul n'ait le choix d'emprunter la voie de la terre ou celle du ciel (car, de toute évidence, l'on débute très souvent, en ce monde, par la première pour arriver à la seconde...), à chacun de voir, en son for intérieur, quelle est la route la plus juste – et la plus appropriée...
Dans le ciel, nulle place pour l’œil territorial. Le peuple de la rosée et des nuages nous oblige à le jeter. Et à nous défaire de nos derniers barbelés. A devenir suffisamment nus pour franchir le seuil de l'infini.
Ô homme qui marche, n'oublie pas – n'oublie jamais – qu'un seul pas est nécessaire pour franchir l'abîme entre l'obscurité et la lumière, entre le bruit et le silence, entre le territoire circonscrit et l'infini. Un seul petit pas accessible, à chaque instant, au cœur innocent...
Sur les chemins de montagne, la brume et le brouillard isolent du ciel et du vaste monde. Comme s'ils figeaient les pas et les paysages. Les éternisaient. Comme s'ils rendaient immuable chaque foulée. Et immobile la longue marche sous les étoiles. En nous donnant le sentiment de poser à chaque instant le même pas sur la même parcelle de la terre. Comme s'ils faisaient disparaître les lieux, les paysages et le temps – aussi bien que la destination et le marcheur. En les engloutissant dans la foulée présente et la marche impérissable...
La nudité, le dépouillement et l'innocence sont toujours source de joie, de légèreté et de liberté dans notre marche sur les chemins de la terre et de la vie. Alors que la possession, la saisie, l'accaparement et l'amassement l'alourdissent et l'entravent. En reléguant notre foulée à la morosité, aux soucis et à l'absorption préoccupative – bref, à une forme insidieuse de détention. Comme s'ils nous rendaient prisonniers, en quelque sorte, de nos encombrements – de ce que nous croyons devoir posséder pour traverser le monde et l'existence sans encombre...
[Petit conseil au marcheur par temps hostile...]
A chaque instant, revenir au pas – et au geste – présents. Retrouver le regard – et laisser libres les élans du corps et de l'esprit. Et plus que jamais au plus noir des jours...
Je note (avec un certain effroi) que persistent – et se manifestent parfois – dans notre marche sur les chemins du monde et notre écriture quelques intentions, quelques velléités expressives et quelques volontés d'apparat. Comme un désir de montrer et de prouver – et même d'asseoir – la valeur de notre individualité... Et cette aspiration égotique à vouloir exposer sa grandeur personnelle*éloigne autant notre être de l'intelligence et de l'Amour (impersonnels) que les possessions et les encombrements censés rendre notre voyage plus aisé font obstacle à la légèreté, à la liberté et à l'aisance de la marche. Triste et amère ironie de l'égocentrisme narcissique qui révèle le contraire de ce qu'il aimerait afficher...
* Et, dans ce cas précis, sa grandeur spirituelle...
Y a-t-il un monde plus souterrain que les ténèbres ? Oui, la lumière qu'elles abritent. Et qui les entoure...
J'ai parfois l'impression d'être un pauvre bougre errant, chaque jour, dans la brume des chemins. Sur des routes déjà mille fois empruntées. Que mon œil las ne sait plus ni découvrir ni éclairer. Un petit homme aussi ignorant et perdu que les autres, guidé par ses conditionnements étroits. Et répétant inlassablement les mêmes gestes et les mêmes paroles depuis des siècles – et (sans doute) jusqu'à la fin des temps. Une misérable créature, à dire vrai, que le regard de l'infini et du silence ne peut aider. Impuissant à refréner et à endiguer – et moins encore à faire disparaître – son affreuse et inépuisable mécanique d'automate. Et en dépit de ce sentiment détestable (qui invite à la détestation), je sens derrière cette réalité l'Amour qui se cherche encore. Et la porte sacrée qui y conduit : l'accueil sans condition. L'acceptation totale de toutes les manifestations et de tous les aspects du monde et de soi-même (en tant que forme) – ainsi que de toutes leurs caractéristiques.
Où est donc passée la foulée joyeuse ? Le regard vif et éclairé ? L'infini et le silence ? Les a-t-on perdus en chemin ? Ont-ils glissé dans quelques fossés ? Se sont-ils envolés vers des contrées plus innocentes ? Et des cœurs plus silencieux ?
Oui, avouons-le sans honte, le ciel de Bashō nous est parfois inaccessible. Et il arrive que l'azur s'assombrisse sous les nuages où nous cheminons encore. Humble toujours doit être le pas dans la marche immuable des jours...
Mes amis d'autrefois, Bashō, Han Shan, Ryokan, Issa et quelques autres nobles mendiants – ermites et poètes de tous les royaumes de la terre et du ciel – traversaient-ils, eux aussi, parfois quelques brumes opaques et infranchissables ? Et leur arrivait-il de s'enliser dans quelques marécages ? Oui, sans doute, à en juger par la couleur sombre de certaines de leurs notes et de certains de leurs poèmes plus orageux et tristes que leurs paroles habituelles – toujours claires et lumineuses – qui ont si bien su sillonner à travers les siècles et les ténèbres du monde pour arriver jusqu'à nous.
Qui peut se dire à jamais épargné par la grisaille des jours et la noirceur des pas ? Pas même sans doute l'âme la plus pure – et le cœur le plus innocent...
Mais nous savons tous que l'accueil et l'effacement sauront, comme à l'accoutumée, nous guérir de ces obscurs empoisonnements. Et qu'il nous faut pour y parvenir retrouver le grand Amour et le profond pardon du regard à la terre...
La terre, nous le savons bien, ne peut pardonner à la terre. Elle ne connaît que le poing vengeur. Seul le ciel peut convertir les yeux à l'infini de l'Amour. Et offrir à la main – et au geste – une plus grande douceur. En les arrachant (progressivement) à la loi du Talion, à l'ignorance et à leur corruption...
Marcher – et écrire – nous lave des miasmes de la sédentarité (existentielle et psychique). Et nous permet de refluidifier les énergies naturelles. D'épurer l'âme afin de l'ouvrir encore et encore au passage de l'innocence obturé (sans cesse) par les amassements continuels du corps, du cœur et de l'esprit. Bref, d'être suffisamment vide pour (ré)apprendre, à chaque instant, à (re)devenir le parfait reflet de la présence divine quels que soient la forme apparente du corps, les circonstances, la marche et les encombrements du chemin et du marcheur...
La paix, le silence et la solitude du regard – de la marche et de la prière – portés non par quelques intentions ou quelques volontés, orientés ni vers le dedans ni vers le dehors ou vers je-ne-sais-quelle-divinité mais ouverts à ce qui se présente... au plus infime comme au plus magistral accueillis d'une égale façon. Ouverts – simplement ouverts – à l'inconnu. A l'inconnu de chaque événement comme au grand mystère des jours...