Carnet n°282 Au jour le jour
Mai 2022
Le temps sacrifié au profit de l'interstice...
La vie frémissante et souterraine (plus joyeuse qu'on ne le croit)...
L'espace intérieur ; le cœur intense et discret...
Une fête solitaire et silencieuse – affranchie des Autres – du sommeil – du manque – de la douleur...
Qu'importe le brouillard au-dessus des têtes – au-dessus de la terre...
Les cris et les couteaux se sont tus ; ne reste plus que l’œil et la page...
Face aux masses sans résonance – sans vocation...
Une brèche – seulement – où s'est insinuée la chair – la douleur et la chair...
Comme un égarement propice au crime...
Une dérive en terre inconnue ; un séjour monstrueux...
*
Le cœur lacunaire – aride ; moignon de chair – matière amputée...
La nuit agitée – assaillante...
A peine – un bout d'espace effleuré...
Et des ondulations de détresse ; une lutte – un face à face pour résister à l'injonction de mourir...
La pièce maîtresse ; ce qui était si noble – si précieux – si vital ; et qui finira (comme le reste) au milieu des ordures...
Le ciel trahi par la terre – en quelque sorte ; engluée dans son incompréhension...
Impénétrable – la bouche solitaire...
Le mouvement des lèvres – comme pour elles-mêmes...
La parole muette (pour ainsi dire) – comme une fleur au-dedans de la fleur – invisible ; trésor secret – part du mystère retranchée dans les replis – offert(e) (seulement) à ceux qui sauront laisser glisser le verbe au-delà de la gorge et dont le monde – s'il était sensible – et attentif – pourrait sentir le parfum et la vibration...
Le prolongement de l'empreinte dans l'âme pour secouer la vieille torpeur – retourner l'obscénité terrestre (ordinaire) – transformer la somnolence en sauvagerie (celle qui nous animait à l'origine)...
Comme un ricochet de la parole – une manière de retrouver l'ivresse – la marche joyeuse – le souffle princier...
Tout plutôt que la monstruosité ; et élucider le mystère (autant que possible)...
Au large – en jouant – l'infini échancré qui se laisse séduire...
Et nous – creusant le sol et la vérité – franchissant les frontières et la peur...
Face au songe – incurvé...
Oubliant les griffes et le soleil ; réinventant le corps et le monde...
Invitant la lutte à s'éteindre...
Nous abandonnant au feu et à l'effacement ; laissant le cours des choses remplacer le provisoire – les mains s'agiter et le regard plonger dans ce qui demeure...
*
Sur le sol – la table – des feuilles...
La vie qui passe...
Et cette lumière d'automne sur les arbres – la main...
Jusqu'à l'horizon – sans limite...
Le ciel déchiré – de part en part – comme si le feu – le souffle – le traversait...
Une corde au-dessus du vide pour guider notre cécité ; et le détachement lorsque le fil se rompra...
Des pierres – mille pierres – jetées (avec force) sur le sommeil – sans jamais réveiller les fronts endormis...
La tête ailleurs – aujourd'hui ; les yeux détournés du monde – sur la cime des arbres – sur le geste précis – sur l'enfance qui réapparaît...
Un plongeon – une séparation pour rejoindre cette part (trop longtemps) oubliée – insoucieuse de ceux qui vivent le cœur inerte – imperturbable – indifférent...
Au cœur du sauvage – sans raidissement...
L'aube et l'herbe – d'un commun accord – associées...
Aux périphéries du périmètre – au-delà du territoire qui tient lieu de cercle humain...
Sans retour – il faut le craindre (ou s'en réjouir)...
Aussi loin que possible de la rumeur – des bavardages...
L'espace naturel et solitaire – comme la seule issue...
Le temps débordé dans ses marges...
La langue inoccupée laissant entière liberté à celui qui a l'usage des mots...
Le secret et la lumière – par leur tranchant ; le silence par son versant le plus escarpé...
Gris-sonnaille ; le ciel hurlant...
La voix chevrotante...
Et l'âme placée là – (très) réfractaire...
La folie dispersée à coup de boutoir ; la meilleure – et la plus rude – place (sans doute) pour apprendre l'immobilité...
*
Effacés d'un trait de lumière – tous les amassements du monde...
Ici où tout arrive ; le plus miraculeux ; en ce lieu où se rejoignent tous les chemins – toutes les dérives – toutes les errances...
L'épaisseur de la trame qui se défait ; sans résistance face à la force déployée...
Rien – contre soi – l'Amour – ce qui advient ; et tous les possibles (évidemment)...
Au loin – la frontière des illusions – écartée d'un souffle – d'un geste précis ; sur le point de se disloquer...
Comme un rire qui éjecte la matière et le superflu – ce que nous avons inventé pour tenter de donner un appui à notre posture bancale ; et qui forme comme un couvercle suffocant sur la clarté...
Et la nudité – à présent – comme l'unique conséquence ; à la manière d'un décrochement...
Ce qui ose se montrer ; et ce qui ose nous surprendre ; le vide au fond de l’œil (presque) retrouvé...
Avec violence – l'esprit réfractaire...
Face aux forces d'exaspération...
Des signes d'effilochement – malgré l'ossature rigide...
Le corps contracté – au milieu de silhouettes folles – dociles – obéissantes...
Et le vent – fort heureusement – à notre rescousse...
Au fond du gouffre – haletant – cherchant une parade – une issue – quelque chose – une terre promise en soi – oubliée...
Le désir d'une solitude que d'Autres jugeraient extravagante ; un lieu au-dessus de la fange – un espace qui pourrait compromettre le reste – au-dessus de tout soupçon...
La douleur – emmurée – comme un barrage...
Un accroissement de la faille – recouverte de pétales roses – de fragments de joie inemboîtables ; comme une étoffe déchirée par-dessus la plaie...
Entre le désastre et l'aube – tant de tourbillons ; rien d'intact – rien d'indemne – sinon le regard et la nudité – ce qui demeure et que l'on habille de choses et d'autres...
Du vent ; et des chemins jusqu'à la chambre où l'on nous dépèce...
Ni torture – ni crucifixion ; des gerbes de lumière et des éclats de joie qui se renouvellent à mesure que le monde – l'existence – l'esprit – se simplifient...
Sur la crête tranchante – la parole en déséquilibre...
Le souffle angoissé – l'âme tressaillante...
La feuille tantôt livrée au ciel – tantôt dévalant la pente jusqu'aux plaines du monde – jusqu'à rouler dans la fange ; sacrifiée – en quelque sorte...
Le feutre cramponné à l'enfance ; et l'encre qui envahit la poitrine ; une résolution qui confine au silence – à une forme de quiétude approbatrice...
*
Sans alternative ; ce qui s'impose...
Les énergies du dedans et du dehors – étroitement liées – d'un seul tenant ; exactement la même – en réalité...
Comme une concentration (involontaire) des désirs – des intentions – des nécessités...
Une force qui déborde la chair ; et qui pénètre l'âme...
Comme jeté(s) sur la pierre – enchaîné(s) aux extrêmes – impuissant(s) face aux forces – face aux mondes – qui nous habitent – qui nous agitent...
Un point inerte – vacillant – dans la poussière...
Entre le passage et la dispersion – entre la possibilité et l'éparpillement...
Un corps ; et l'esprit à la verticale – comme détaché...
(Très) maladroitement (il va sans dire)...
Le partage – la fuite ou l'exclusion ; quelque chose à notre mesure ; quelque chose – en nous – qui obéit aux impératifs de l'invisible – aux objections du monde ; comme écartelé(s)...
Comme une courbure de l'air...
Quelque chose de compact – de décidé – malgré le bleu vagabond lorsque l'aube approche...
Comme une incertitude et une fulgurance...
Le retour et la réconciliation abouchés...
Un répit pour nos vertèbres malmenées sous la lumière...
Et l'écriture – comme un gisement de silence...
Enchaîné(s) à la cime et aux effondrements...
Ainsi la chute – ainsi les étoiles...
Le long voile de la nuit dans le regard...
La folie ruisselante ; et la mort épargnée par les désirs de la chair...
Notre âme – sous la voûte – sur la feuille noircie – saturée de silence et de mots...
L'obscurité des lieux (en partie) démythifiée...
Dans la chambre éclairée – la fin du face à face ; la voix et le vide – amoureusement enlacés...
*
L'Absolu ignoré – comme un trésor vacant – oublié...
Le monde aux prises avec son insensibilité...
Des gestes – comme des amputations...
Des corps et des âmes – infirmes...
Le reflet du commerce et des instincts...
L'absence d'inclination ; la mémoire plutôt que l'oubli...
Trait pour trait – l’antichambre de l'enfer ; l'axe que nous empruntons...
Trahi par l'histoire et le récit – par tous les mythes du monde...
L'esprit (trop) abstrait...
Le réel comme une image...
L'Autre (à peu près) inexistant ; au mieux – un instrument...
Chargé(s) de matière – inextricablement...
La vérité illisible – indéchiffrable ; des étiquettes que l'on colle ; des fragments que l'on ordonne selon mille critères possibles ; et tous nos gestes incroyablement lacunaires – des saisies et des arrachements incontrôlés – (presque) impardonnables...
Lieu perdu – dégagé des signes ; au milieu des broussailles...
En soi – le passage vers l'affranchissement ; découvert au détour des sentiers du monde ; comme un interstice nécessaire...
Les aventures froissées – dans la paume serrée...
Le cœur entamé par la peur...
Et des gorgées de réel pour panser les blessures – recoudre ces lambeaux de chair jetés à même la roche – parmi les herbes et les fleurs...
L'aube jusque dans notre errance – jusque dans notre vacillement ; et en tête – le dernier souffle...
De l'air mal inspiré...
Des jaillissements au cœur de la langue – (incroyablement) spontanés...
A deviner le monde – au loin – passablement subjugué...
Des traces dans la lumière – comme seul fil conducteur – jusqu'à l'invisible – jusqu'à l'effacement...
Des restes carbonisés de superflu – de part et d'autre du chemin...
L'esprit – sans interruption – dans le fracas – le retrait – la délivrance ; et tous nos efforts en pure perte – abandonnés sur le champ...
*
Le jeu (quasi) magique des remous...
Du feu et des engloutissements ; la lente (et inévitable) désagrégation de la matière...
De la fumée à la place du visage – à la place du nom...
L'enfance – sur la pierre – dansante...
De longues glissades – sans appui – dans l'espace...
Qu'importe les mouvements – le surgissement – la disparition...
Le recommencement comme la seule obsession...
Dans la trame de la forêt – des mots ; une succession de feuilles et de silences – quelques trouées de lumière...
Ni supplice – ni chimère ; la juste place – le geste précis...
Et, sans surprise, l'adoucissement de l'âme ; et les mœurs de moins en moins tranchantes...
L'usage (très) joyeux de l'incertitude...
Dans le giron immense (et surprenant) de l'inconnu...
Nous – tournoyant – engendrant – détruisant – disparaissant – et réapparaissant encore...
Du souffle – par grappes – enlacés – projetés ici et là – dans le vide ; et autant de traversées – de destins – de possibles...
La nuit irrésolue ; et des mouvements énigmatiques...
Au-delà de la raison ; l'irruption de la solitude...
Le ciel et le rire contre la joue pour apaiser l'intensité de la brûlure...
A l'origine – l'infini ; puis, le pas ; puis, la voix ; puis l'immersion dans la fissure vécue, peu à peu, comme un piège – une incarcération ; et toutes les tentatives pour s'en libérer ; du rituel à l'envol – jusqu'à l'effacement sur la pierre – jusqu'au baiser (discret) de la lumière...
Sans fil – dans cette trouée de ciel, sans cesse, renaissante...
*
Monde-miroir – ensemencé par nos gestes (tous nos gestes) ; cette manière de se débattre comme si l'on était dans une arène – au fond d'un gouffre – sans possibilité d'échappée...
Prisonniers de la chair-interstice et des Autres – toujours plus ou moins absents – ahuris – affamés...
Et un espace – à la lisière du vivant – embarqué avec nous – disposé à nous suivre où que nous allions – quoi que nous fassions ; et qui n'aspire qu'à une chose – que nous puisions le découvrir et l'habiter – afin de demeurer indemnes au milieu de la violence et des massacres dans lesquels toutes les créatures (terrestres) sont condamnées à vivre...
Au-delà du désastre – au-delà du dérisoire – l'enfance qui résiste ; comme un rire face à la mort – comme un funambule de papier au-dessus du feu – comme un pétale emporté par le vent – malmené mais confiant dans le voyage – qu'importe le lieu de départ – qu'importe le lieu d'arrivée...
Le retour de l'air – l'espace sauvage...
L’œil ouvert sur les signes et les circonstances...
Le cri – dans la gorge – (parfaitement) transformé...
Apôtre du silence plutôt que de la plainte – plutôt que du hurlement...
Une voix simple ; le geste qui tire vers le bleu – comme une calligraphie invisible – un rituel sacré – une danse dans la lumière...
Entre la blessure et la mort – la présence rehaussée...
Dans la chair entamée – le vide qui nous porte...
Nous – hautement substituable(s) – porteur(s) d'une série de fenêtres – de plus en plus – ouvertes...
Le cœur du cercle, peu à peu, rejoint par ses rayons...
Hanté(s) – pourtant – par le fugace et la disparition...
Le sommeil éventré ; et la trajectoire de l'âme – pénétrante – jusqu'à l'essence – traversant toutes les couches – tous les immondices – tous les éboulis ; toutes les catastrophes...
*
Comme une forteresse qui résiste aux assauts – aux excès – à l'intensité de la fatigue et de la peur...
Une paroi abrupte qui donne le vertige ; et l'élan d'aller plus haut – de dépasser toutes les frontières (terrestres)...
Sans prouesse – sans (véritable) graduation...
Vers le faîte – toujours – à l'intérieur ; de la périphérie vers le centre...
Le dedans ; et ses multiples passages vers l'étendue...
L'infini – ensemble – à l'affût ; comme une exigeante aventure – une (très) longue gestation...
Sinon la peine – l'exil – le déracinement ; les guerres (indéfiniment) reconduites – les terres, sans cesse, ravagées...
L'assuétude et l'asservissement – comme le socle – et les pierres angulaires – de l'édifice...
La corruption grandissante des fils ; des nœuds – des étranglements...
Le pas suivant – sortant de terre – venant à notre rencontre – s'insinuant profondément dans la chair...
Ici – toutes les choses – en soi – convergeant vers la même dérive – cette sorte d'errance entre terre et ciel...
Le voyage en une seule enjambée ; lente – longue – interminable – accordée à l'ascension et à la chute – simultanément...
Le souffle jusqu'au vertige – sans la moindre douleur – sans erreur possible...
L'issue – la marche – la foulée ; le long de la crête – sur ce fil tendu...
La parole sournoise – gorgée de sens et de possibles – multipliant les chemins et les interprétations ; et donnant à l'épuisement un caractère brûlant...
Le parfum du verbe au-dessus du monde – flottant dans l'air comme si le réel était insuffisant – comme si tout devait être transformé ; envoûté – par le langage – les images et la pensée...
*
L’œil face au ciel...
Plongé dans le vertige du regard...
La poussière virevoltante...
La soif enhardie...
Le cœur toujours (plus ou moins) sauvage...
Comme dissout – ce qui fait obstruction...
Comme effacée – la monstruosité du monde...
L'ardeur du feu ; et son impatience ; plus présentes que jamais...
Indissociable du territoire – des limites et de l'indistinction...
L'absence – comme de la fumée ; (très) épaisse parfois...
L'âme engagée – sur les traces du silence – l'invisible...
Comme abandonnée – la brusquerie...
Rien qui ne commence ; rien qui ne finisse...
La perpétuité de l'instant – éternellement reconduit...
Des chaînes lourdes – parfois rompues – de temps à autre – lorsque le dedans s'émancipe – lorsque le jeu prend une tournure légère...
Le monde – plus ombre que désastre – en définitive...
Face aux siècles – la figure hébétée...
La nécessité vitale face à l'imaginaire...
L'allégresse et l'intense férocité du vivant...
Et ce besoin d'ouverture pour résister aux assauts de la désespérance...
L'éparpillement de la matière et de l'esprit pour affaiblir la douleur ; et, peut-être, anticiper la mort...
Ce que l'on répugne (sans doute) à faire ; notre présence (involontaire) au milieu des Autres ; au cœur de la violence – de la terreur – de la folie...
La souplesse et la rectitude réactivées par la proximité du ciel...
Le resserrement de la trame au fond de l'âme – comme mille ponts jetés entre le monde et ce que l'on apparente (en général) au dedans...
La roche – les arbres – les fleurs – indissociables du regard et de la beauté...
Au cœur du plus fragile ; le sommeil enfin extirpé de l'interstice – offrant ainsi la possibilité de découvrir les (parfaites) ondulations de la lumière...
*
L'abondance – créditée – toujours davantage...
L'insanité jamais soustraite ; et que l'on déguise (à loisir) en raison...
L'exécration du monde humain – cette préhistoire qui s'éternise ; entre cannibalisme et barbarie ; les bras noueux à force de volonté...
La surface (à peine) explorée – et si douloureuse déjà ; comme une gangue de terre épaisse – protectrice – suffocante...
Des cadenas à profusion – comme si l'on pouvait dérober le plus précieux...
Toute une série de masques à ôter pour laisser apparaître la première couche du visage – sombre – disjointe – (très) superficiellement collée au reste ; et jamais entrevu(e)...
La lumière – l'espace – la vie – comme privés de silence (et de beauté) ; déguisés de manière exubérante – presque excentrique – auxquels on donne – ici et là – des airs vaguement révolutionnaires – histoire de se montrer sous son meilleur jour et de faire valoir sa part (supposée) de mystère – comme un bouquet de fleurs fanées que l'on offrirait à la fois aux morts et aux vivants – preuve (s'il en est) de la profonde ignorance des hommes...
L'aube – sur la page – déchirée...
Comme un peu de lumière sur la pierre triste...
Nous – nous assombrissant – (très) naturellement...
Du noir et de la haine ; et des pas rageurs sur toutes les tombes ; (sans doute) trop proches du miroir...
Des reflets fermés – comme repliés sur eux-mêmes ; et l'abîme (immanquablement) qui se creuse...
L’œuvre mystérieuse du voyage ; l'âme plus ou moins profondément incisée – fragmentée – partagée – qui apprend, peu à peu, à vivre au contact d'une chair affaiblie...
L'intime et le geste tendre plutôt que le goût de la collection...
L'oubli plutôt que l'obsession de l'entassement...
L'intensité sans le moindre enjeu – sans la moindre oppression...
Le territoire et l'illusion – (en partie) délaissés...
L'âme intègre ; le cœur ingénu et engagé...
Et le monde infirme qui continue de s'automutiler – à vivre en monstre affreux et difforme qui affame et ricane...
Et, un jour, sans crier gare – la lumière – la même que celle d'aujourd'hui – qui fendra la pierre ; et nos tremblements ; et nos hésitations...
L'argile grise – la fragilité des choses ; et les figures imaginaires...
L'ondoiement sans fin de ce qui sommeille...
Le monde sans vérification ; comme une masse de données brutes qui percute – qui pénètre ; l'exact contrepoids de l'âme – pour succomber...
Au bord de l'abîme ; et la douleur que l'on recouvre ou que l'on tait...
Embarqué(s) sur cette étendue éternelle – au milieu des remous – des changements ; une navigation chahutée – contrariée (si souvent) par la succession des vagues qui déferlent – qui poussent ici et là – qui emportent tantôt vers le continent – tantôt vers le grand large – au bord (toujours) de l'immensité...
Accroché(s) au corps comme à une bouée massive – encombrante ; et l'âme harcelée par les ombres assaillantes – nombreuses – qui exacerbent la blessure – la brûlure d'être vivant...
Vers l'engloutissement et la mort ; vers le découvrement de ce qui danse sous la chair ; l'apothéose peut-être de ce va-et-vient étrange au cœur de l'espace...
Une sorte de transe ; la danse de l'exclusion...
L'exil à la trace ; de la captivité jusqu'au grand ciel – de la fiction jusqu'au réel...
Et des millions de pas ; et des milliers de pages noircies...
A force de néant – peu à peu – dans le prolongement de soi – la perpétuation du vide qui se dessine...
De l'impossibilité au chemin – de la désespérance à la joie – de l'inertie à la frénésie ; et de la frénésie à l'immobilité...
Sans échappatoire – sans alternative ; le chemin qui s'éclaire ; l'étendue qui, peu à peu, se découvre et se laisse habiter...
Dans les bras de l'Amour ; et dans le champ d'investigation de la lumière...
L'écume dans nos craintes et nos sanglots ; dans nos désirs et nos défaites...
Le jour et la source – en amont du monde...
Comme un tourbillon d'air dans la diversité des flux ; un phénomène – quelques mouvements – parmi les autres ; quelque chose d'élémentaire – quelque chose de vivant...
*
Le courant qui s'impose à l'âme nue et obéissante ; en parfait réceptacle de la terre et du Divin...
Une présence au monde singulière et sans superflu...
Dans la résonance directe du cœur – sans barrage – sans écran – sans résistance...
Dans le droit alignement des choses...
Tantôt caresse – tantôt couteau ; le geste précis – le geste exact – qu'importe la beauté – qu'importe l'apparente barbarie...
A la fois la dernière pierre de l'éboulis et le parfait reflet du mouvement inaugural...
Le temps stérile des querelles et des débats...
La part animale de l'homme ; et la nécessité de l'éclat – comme un prolongement (raisonnable) de l'enfance naïve – (merveilleusement) crédule...
Disons un seuil à franchir plutôt qu'une issue favorable (n'en déplaise aux esprits archaïques ou bien pensants) ; l'entrée (à peine) dans le labyrinthe ; qu'importe la mort – qu'importe la jouissance ; des pas bruyants qui se hâtent...
Sans défense – l'illusion à terre ; brisée par la lumière ; et qui se réfugie (assez habilement) dans l'épaisseur du monde – défait – fouillé – retourné – par l'esprit qui la met à nu – la livrant à la langue et à l'acuité...
Comme un rideau de fumée devant les choses soudain décroché...
La pierre et la lumière – brutes – à présent – parfaitement dénudées ; et le regard sans socle – sans repère – comme suspendu au-dessus du vide...
Et nos vies – pulvérulentes – fuligineuses – qui s'envolent au vent – en nuages noirs et provisoires que le temps éparpille (peu à peu) dans l'immensité...
A travers nous – les courants – les vagues et les mouvements...
Ce qui naît et ce qui s'impose ; la force de toutes les nécessités...
Et le jeu entre l'étendue et l'épaisseur – entre le labyrinthe et le ciel – entre la matière – le rêve et l'origine...
Du chaos et du silence – partout – dans l'âme et l'espace – où que nous soyons...
*
L'errance – encore – aveuglément – la lampe au-dedans allumée...
L'âme sans défense – ouverte à toute découverte...
Et, en soi, le cœur ; ce qui a initié la lente dérive ; le voyage sur la pierre – dans l'espace intérieur...
Du désespoir au premier frémissement...
Un peu de poussière dans l'immensité – enjouée – virevoltante...
Pénétré – sans simagrée – sans dissimulation...
A corps perdu...
Emboîté au reste – mouvant ; et excessivement labile...
Au gré de ce qui passe – de ce qui nous porte – de ce qui nous traverse – sans censure – sans interdiction...
Toutes les ombres pendues à notre cou – terrifiées...
Ce qui pourrait (bien) s'achever – ce qui pourrait (bien) se résorber ; et disparaître...
Parvenu (peu à peu) au bord d'une autre surface ; une autre perspective – sans doute – où le rire et le silence se vivent intensément – au service (presque toujours) de l'innocence ; qu'importe l'état de l'âme – qu'importe l'état du monde...
Vif – comme le vent – comme le pas...
Dans la tendresse de l'interstice – l'âme parfaitement ajustée – jouant avec l'air et le monde – les alentours immédiats...
A même la roche brute – le cœur éprouvé – la poitrine angoissée – se soulevant en ondulations courtes et saccadées...
Et dans la voix – la parole détachée et le ciel (en partie) descendu...
Le visage enfoui dans le silence – attendant on ne sait quoi...
Par la fenêtre – le monde...
Ce que l’œil perçoit ; ce que l'âme ressent ; et le reste que l'on oublie...
Et sur le chemin – ce qu'il faut gravir – ce qu'il faut contourner ; et le cœur qui renâcle – et le front qui se perd en conjectures...
Et cette familiarité qui s'apprivoise – peu à peu – à force de côtoyer la même terre – malgré le mystère qui demeure intact – inentamé...
*
Seul(s) – face aux massives mécaniques assassines – où tout est happé – broyé – déchiqueté – qui transforment le monde en lambeaux – en amas de terre – de chair – de pierres...
Prisonnier(s) de cette nuit douloureuse (trop longue – assurément) ; et qui s'éternise encore un peu ; et qui fait vaciller les âmes qui patientent vaillamment ; et qui espèrent un miracle – un renversement – le dessillement nécessaire des yeux – l'impossible (sûrement)...
La même intonation dans ces voix si peu troublées par les couleurs – la rosée – la sauvagerie naturelle du monde – le prosaïsme de la pensée...
L'homme ordinaire – par excellence – muet – bavard – sans volonté – inapte à l'essentiel – animé par trop de forces – qui tourne et qui tangue – incapable de se mouvoir – de se décider ; girouette que le vent étreint – que le vent affole ; inerte et immobile....
Face contre terre – le cœur enfoui – les yeux fermés sur toutes les déchirures...
La route – encore – au bord des lèvres...
Un air de rien – au fond de la tête...
Le manque – cette entaille au creux de la chair ; l'appel des ailes et du vide...
Et ce qui se détache – peu à peu – du monde et du sommeil – du nom-étiquette qui nous colle à la peau...
La justesse du geste – la main qui œuvre – qui fend l'air – tantôt en caresse – tantôt en lame effilée – sans tremblement – sans hésitation...
Ce qui nous étreint ; au fond de la langue...
Comme l'essence de l'arbre au contact de la lumière...
Nos mains dans les siennes – aussi surprenantes que le cœur dénudé...
Et le parfum du silence qui s'incruste dans la voix – le verbe – la parole d'un seul trait – au-delà du noir habituel – au-delà de la douleur humaine...
La pierre d'angle où s'est réfugiée une parcelle d'éternité...
Comme à découvert...
*
Le geste ordinaire dégagé du monde – de tout résultat...
Fenêtre ouverte sur l'infini – sur la joie...
Libre de toute récompense nominale – de toute forme de reconnaissance identitaire...
Sans attribut – sans qualificatif – le mouvement qui prolonge ce qui a été originellement initié...
Ni commencement – ni fin ; l'oubli et la continuité qui échappe au temps...
Face à face avec ce qu'il (nous) faut accomplir...
Le jour dégradé...
L'effacement des limites ; toutes les indécisions enjambées...
Entre l'absence et l'immensité – l’œil involontaire...
L'engagement et le provisoire ; la faillibilité reconnue – et accueillie (comme le reste)...
L'énergie au-delà de l'abstraction – à l'origine du mouvement – de la justesse – de l'équilibre – qu'importe l'harmonie ou le chaos apparents...
Dans l'âme et la main – le sol et le ciel – réconciliés...
La pierre – la chair – fendues aveuglément – par défaut de lumière...
Comme des maillons supplémentaires sur la chaîne immense (et massive) qui enserre les cous ; grossissant à chaque geste quotidien...
Le monde que l'on étrangle – que l'on assassine – sans un regard – sans la moindre main tendue – dans l'indifférence et le ricanement...
L'homme universel (contemporain de toutes les époques) que le monde a toujours connu...
Parallèlement à la trace – le pointillé ; ce que l'on ignore – ce que l'on ne voit pas ; ce que l'on devine (parfois)...
L'autre part du voyage – l'autre part du réel ; invisible – déterminant – essentiel...
Loin des cercles et des couronnements...
Cette proximité accrue avec la terre – les bêtes – le ciel – l'ineffable...
Le vrai visage de l'homme – qui apprend, peu à peu, à s'extirper de la boue et du sommeil...
*
Pluriel – hybride – concomitant...
Le versant le plus coloré du monde...
Cette terre – ce minuscule caillou perdu dans l'espace...
Et notre enfance (assez) disgracieuse...
La multitude sur la même monture – engagée dans cette traversée – dans cette (fabuleuse et extravagante) chevauchée...
De lieu en lieu – au milieu des secousses...
Et dans la tête – et autour de soi ; le parfum de la peur et de la conquête...
Et le moindre pas – et le moindre geste – qui nous met en sueur...
L'exercice de l'organique – confronté à d'inévitables épreuves (bien sûr)...
Seul(s) – indigent(s) – merveilleux – indissociable(s) – indistinct(s) au milieu des Autres – au milieu de l'ensemble – selon l'orientation de la perception ; notre sort à tous ; ce à quoi l'on ne peut échapper ; ce parfait équilibre entre ce qui nous construit et ce qui nous défait – entre le dedans et le dehors apparents ; les conditions de l'aventure terrestre...
La soif resserrée sur la parole...
La distorsion du manque – au-delà de l'inconfort éprouvé...
La chose et le pas ; l'ambition du voyage...
Le délire et la frayeur – annihilés...
Et rien que des ombres ; et, autour de soi, la crispation de la garde rapprochée...
Notre transhumance en noir et blanc...
L’œil droit et le rire généreux...
Le vide comme manière de vivre – comme état d'esprit...
Ainsi offerte – ainsi exposée – l'énigme de vivre...
Les vivants en longue traînée de poussière...
De la terre et de la cendre – sous un ciel incompréhensible...
La lumière et l'infini crachant leurs signes indéchiffrables – laissant, dans le corps, un scintillement ; et, dans l'âme, un rébus ; et la possibilité d'une résolution (dont l'esprit, parfois, s’empare)...
*
L'enfance martyrisée...
Du rouge à l’œil d'avoir trop pleuré...
Le devenir devenant inerte – aveugle ; de la matière morte...
Dans l'attente d'une autre naissance ; une terre où il serait possible de grandir...
Une matière sans épaisseur ; un esprit sans illusion...
Un bout de ciel porteur de possibilités...
Une chose, en ce monde, presque insensée...
Le désastre né de la main trop besogneuse – de l’œil centré sur son mouvement – de la protubérance qui se pense (et se vit) hors de la trame commune...
Le défi du sang qui a rompu le silence ; et l'équilibre des mondes...
L'effondrement progressif – imperceptible – parallèle à la lente dérive – à cette besogne folle déjà accomplie...
Le cœur calciné – au cours de la course – avant (bien avant) que la tête ne s'en rende compte...
Le corps étendu sur le sol...
La tête dans les fleurs – au milieu des feuilles – des herbes – des épines...
L'âme au cœur de sa poésie ; au cœur de la forêt haute...
La pente adoucie par la liberté des signes – la liberté des pas...
Surgissant dans le rêve ; tantôt la marche – tantôt le repos – imaginaires...
Ne sachant où aller – ne sachant que faire...
Plongé à la fois dans la béance et l'épaisseur...
Seul(s) – assurément – sans que le piège ne fasse obstacle à nos tentatives...
L'esprit à l'écart – en suspension – au-dessus de la corde tendue entre le début apparent et la fin supposée – tournoyant au gré des cycles des mondes et du temps...
A genoux – entre l'air et la terre...
La langue posée sur l'invisible ; la bouche articulant des sons incompréhensibles...
Le sommeil au-dessus de la tête et des yeux ouverts – laissant la possibilité au monde – à la détresse – à l'abandon – d'envahir l'âme (selon la sensibilité et les prédispositions)...
*
La douleur trop abstraite pour atteindre l'impossible – le réel – la vérité...
Sur le fil de la désagrégation – indéfiniment...
En cet espace perpétuellement arpenté ; comme une exploration de l'étoffe depuis l'intérieur de la trame – sans jamais s'interrompre...
Et l'instinct – et l'intelligence – de poursuivre quels que soient la forme – l'ambition – le destin...
Comme un rêve – dans les combles de l'esprit...
Crispé (incroyablement crispé) sur le défilé des images – sur la longue série de possibles – sur toutes les alternatives (en réalité)...
Titubant ; la tête perdue et l'âme égarée – à chercher la sortie d'un labyrinthe imaginaire – au lieu de ressentir – au lieu de vivre...
Jeté(s) dans le récit des Autres – comme si le monde existait – comme si la cécité était l'état le plus naturel – le plus commun...
Et notre poitrine qui se gonfle (qui continue à se gonfler) – pourtant ; comme si nous étions (réellement) vivant(s)...
Ce qui porte à l'obscurcissement...
Face au chemin – la peur et la cécité...
L'absence de soleil – et d'attention – sur la pierre...
Les corps exténués – si las de tourner indéfiniment – d'errer ici et là – sans but – sans visée...
Le monde et la nuit – au corps à corps...
Et comme des hurlements de loup – au loin – pour se faire entendre (sans doute)...
Et ce que l'obscurité révèle ; et ce qui se déchaîne – accentué par la pénombre et l'anonymat...
Englouti(s), peu à peu, dans l'inconnu – avec nos manques et nos infirmités...
Pris au piège du monde – de mille manières...
Rongé(s) – balafré(s) – pénétré(s) par ce qui nous blesse – comme une lente mise à mort ; condamné(s) à cette sentence obstructive – jusqu'à l'épaississement de l'âme – jusqu'à l'étouffement...
Le cœur au bord de la déchirure – au bord de l'éclatement – devenant (à son insu) – à force de sévices – à force de mutilations – l'outil loyal – l'instrument docile – des forces que la vie terrestre exacerbe et glorifie...
*
Quelque chose – en soi – comme une longue série de portes successives ; un espace grossissant – s'élargissant – s'approfondissant – s'affinant...
A travers l'ascension – le plongeon – l'abandon...
Une présence vivante – de plus en plus – à mesure que les courants du monde – l'invisible – remplacent les pas et la volonté...
Qu'importe comment cela advient ; de mille manières différentes ; la flèche et le vide qui s’interpénètrent...
Et notre étonnement lorsque le cœur l'expérimente...
L'esprit-monde – sans méprise possible...
Sur les choses – nos mains ardentes...
De jour en jour ; puis, tous les suivants...
Comme une chaîne – un royaume – ininterrompus...
Face à la matière naturelle – notre allant et notre sauvagerie...
Et la nuit invasive qui gagne du terrain ; et que l'encre apprend, peu à peu, à déchirer...
La solitude contiguë à la chambre ; et la chambre contiguë à l'infini ; rien qui ne nous sépare – comment a-t-on pu l'oublier ; le vide égal au monde ; et le voyage égal à l'immobilité ; puis (bien sûr), le détachement...
La vérité sommeillante – la vérité impatiente – sous le masque ; la couleur de l'absence...
Ce qui se tresse avec l'insignifiance ; la surface perceptible de la trame...
Des passages dégagés par quelques figures ambitieuses – portées par la nécessité du ciel...
De l'air – entre les barreaux ; le même de part et d'autre des grilles...
Et plus haut que la tête – les rêves ; et plus haut que les rêves – la possibilité du jour...
Et toutes nos vaines gesticulations – sans la moindre contrepartie...
L'espace – le souffle – restreints – contenus...
Entre le hasard (apparent) et la douleur...
La cage et le manque – (sans doute) les seules évidences...
Et l'instinct de survie – à l'inverse d'une fraternité hors de soupçon – inappropriée ici – dans un autre monde peut-être – avec des créatures plus sincères – plus authentiques – moins équivoques – moins écartelées ; affranchies de toutes les faims – de tous les appétits...
*
La vie sans préliminaire...
Porté(s) par cette danse distraite...
Avec tous les bruits du monde dans la tête...
Ni ciel – ni (réelle) profondeur...
Rien que des échos et des rumeurs...
A l'ombre et à genoux...
Sur le versant le plus abrupt de l'existence (terrestre)...
Une (bien) étrange façon de recoudre le cœur...
Et, à nos pieds, l'infini – pourtant...
La clarté mille fois repeinte qui laisse entrevoir les épines – les subterfuges – les pièges et la nuit que l'on veut cacher ; le support de nos gestes mensongers – de nos vies illusoires...
Du sable dans la gorge – dans le sang...
Des corps qui se laissent choir ; et qui finissent en dépouille...
Le cœur (trop de fois) fracturé – qui baigne dans ses propres larmes – au bord de l'asphyxie...
Et l'esprit qui n'y comprend rien...
Et le ciel interminable – comme l'une des rares certitudes – auquel nous tournons le dos – par ignorance – par crainte – par excès de frivolité...
Le manque gravé à même le souffle...
La nécessité de l'air et du sang – dans cette geôle de chair...
Ce qui gouverne – sans défaillance ; ce qui porte le corps et la tête à s'incliner face à ce qui les anime...
La gueule grande ouverte pour demeurer vivant...
Moins (bien moins) autonome que la pierre que nous méprisons...
L'âme ombrageuse à force de défaites – à force de mensonges...
Les poches et les têtes pleines de ruses – de pièges – de croyances...
Le statut artificiellement rehaussé pour s'imaginer au faîte pyramidal...
Du vide à vivre – plutôt – sans étiquette – sans protocole [s'il nous fallait faire une (simple) recommandation]...
*
D'un pas de foudre – l'ascension...
Face au sommet – à bout de force ; implorant les Dieux du jour...
Le monde – si loin – dans notre dos...
Et la lumière sur nos cheveux sombres...
L'espace dans le ciel – dans la tête – dégagé...
Au-dessus des fleurs – sur la roche millénaire...
Ce qui nous étreint ; ici – la nudité – le cœur en fête...
L’œil au cœur de l'aventure...
Le bleu au bord de la lumière...
Les déchirures du monde (à peine) visibles – (à peine) éclairées...
L'âme étendue – devant nous...
La danse que dessinent les Dieux...
L'épaisseur et l'infini – côte à côte – à tourner ensemble – à s'entremêler...
Et notre silhouette qui se découpe sur l'horizon ; et qui se détache, peu à peu, du rêve dans lequel on l'a plongée...
La vie rayonnante ; l'âme ronronnante ; et ce qui mesure l'écart – la tristesse...
Le vide ; et ce qui se précipite pour le remplir...
Les uns (l'essentiel des hommes) – la torche à la main – tenue aussi haut que possible – pour éclairer le chemin...
Et d'autres (quelques-uns) – guidés par la clarté du ciel ; la lumière qui éclaire l'inconnu – en soi – devant les yeux...
A moitié enseveli ; d'un rêve à l'autre...
L'errance qui se poursuit...
La poitrine oppressée – comme si une main énorme l'écrasait...
Hors de soi – sûrement – aussi loin que possible...
Le sang qui circule – très laborieusement – dans les veines...
A l'ombre des choses ; et du temps qui passe...
Sur la pierre ; quelques signes ; l'encoche des jours – et la marche du monde ; la preuve (s'il en est) de notre (misérable) existence...
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Le profil inhumain – sans étreinte ; quelque chose comme une bouche qui avale ; et un ventre qui digère...
Une faible lueur dans le noir ; deux yeux qui suivent – paresseusement – la danse...
Le souffle court – comme séparé du reste du monde...
Le geste tremblant ; comme un reste d'humanité...
Et devant soi – le ciel – à une hauteur légendaire...
Le retour – mille fois réitéré ; et la mort qui nous fauche – à chaque fois – trop précocement...
Le long de la même rive – le soleil qui apparaît ; le soleil déclinant...
L'âme assouplie par l'exercice incessant...
Le corps docile – comme le réceptacle des résonances ; et l'esprit qui scrute – de plus en plus large – comme si l'espace perdait, peu à peu, son étrangeté – sa sauvagerie...
Crevasses et pointes saillantes ; tel que se dessine l'impensable...
Sans erreur possible – le jour qui se lève sur le monde...
Le feu – au fond – qui gouverne ; maître des cycles et de la semence...
Derrière nous – la peur ; et devant, peut-être, la délivrance ; le déchirement ; l’œuvre qui s'accomplit...
Au cœur de la trame – le piège et l'issue ; ce qui nous sauve et ce qui nous retient...
Le va-et-vient des pas ; des vibrations et des âmes indécises...
La vie tremblante – colorée – sous la lumière ; et nos instincts reptiliens...
La vie fugace et le (grand) monstre endormi...
Des voix – l'Amour ; ce qui pourrait nous venir en aide ; et le hurlement des loups...
La vie – comme une nuit de pleine lune où tout pourrait arriver...
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En chemin ; qui pourrait dire ? ; ici ou là – halte ou périple – seul(s) ou ensemble – sans raison ; et dans quel sens ?
L'âme et la chair – aveugles ; et avides d'être rassasiées...
Et l'esprit captif – docile pour peu qu'on le tienne en laisse ; et la faim – et le sentiment (et l'image) de soi – qui y pourvoient – (très) largement...
A proximité – à la périphérie – presque toujours...
Comme si l'on n'existait pas ; dans cette profusion de choses – la multitude sommeillant dans l'abondance ; et que toute idée de vacuité rebute...
Comme une plaie malencontreuse – inévitable...
Heureusement que tout vacille – que tout sombre – que tout se décompose – devant le ciel silencieux...
Le bleu – l'ineffable – jouant la carte de l'effacement – au milieu de la matière qui se transforme – qui se déploie ; notre seul accomplissement – peut-être...
Au-dehors – la face lacérée...
Au-dedans – la terreur...
Sur la pierre – l'âme tremblante...
Sans engagement ; à ressasser la violence...
Arc-bouté(s) contre l'inéluctable – comme si l'on pouvait peser contre les forces du monde...
Dans l'intimité du pas...
La terre caressante...
Le monde qui s'étire...
Dans nos bras – ce qui vient – étreint et embrassé...
Au-delà de la résonance – ce qui ne peut être empêché...
Une voix – en nous – contre l'ombre...
Ce qui passe – au milieu des fleurs – sans rien endommager...
L'heure (presque) printanière – (presque) poétique...
L'âme comme désenvoûtée...
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Bleu ; et barbouillé de blanc...
Ce que l'on a effacé – (assez) aveuglément...
Ce qui fluctue (ce qui peut fluctuer) ; du désastre à l'euphorie...
Notre labeur – jusqu'à la transparence de l'âme ; l'ampleur de ces lignes...
Un peu de joie – au-delà de la mort qui, un jour, viendra frapper...
Sans défense – au milieu des Autres ; à l'écoute de ce qui s'impose ; sans doute – le seul destin que peut offrir le monde...
Yeux dans les yeux – au contact de la source...
A compter (encore) les trébuchements...
La marche qui allège le poids – qui nous fait retrouver l'enfance...
A fonds perdu – le sommeil ; les coups – les mains qui s'abattent sur les joues ; toutes les armes qui servent la mort...
Ce qui doit périr ; et ce qui doit subsister – ce qui périt ; et ce qui subsiste ; sans doute l'une des rares leçons de l'expérience terrestre ; encore que – rien, en ce monde, ne peut être affirmé avec certitude...
Le geste sauvage ; le jour dissipé...
Notre destruction commune – qu'importe le règne – qu'importe les mots...
Rien qui ne puisse pondérer (favorablement) le poids de la cécité et du sang...
La ligne blanche franchie depuis bien longtemps...
La marche raisonnable – dit-on mensongèrement...
Des blessures et des chimères – mille désastres alignés – successifs – simultanés ; et l'écart qui – irrémédiablement – se creuse avec la justesse...
Sur le tracé de l'encre noire ; l'inconnu qui se dévoile – qui se découvre...
Comme des pierres – sur le sentier – de petits cailloux abandonnés par l'infini pour retrouver le chemin – s'affranchir de l'histoire – se ressaisir et se délester du reste...
Sans interdiction ; l'exploration – le voyage – l'aventure...
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Le corps-ciel – vaste – dressé – librement (im)mobile – d'un état à l'autre – sans opposition – sans empêchement...
L'ignorance jetée hors du cœur ; de manière fluide et naturelle...
La tendresse pour ce qui s'approche ; et pour ce qui part ; pour ce qui nous étreint comme pour ce qui nous écorche...
L'interstice où tout se passe...
Vie et mort – lourdeur et lumière...
La matière équivoque et le Divin sans ambiguïté...
La marque – peut-être – d'un soleil profondément enchâssé dans la chair ; ce qui manquait à l'âme et au silence pour faire valoir leurs prérogatives...
Dans le souffle – le mouvement ; la mort qui s'insère – qui s'exerce – qui nous prépare ; des vagues successives jusqu'au dernier pas – jusqu'au dernier soupir...
Le lieu de l'être – indéfiniment...
La mort – comme le reste – qui s'impose...
La beauté du vivant – de l'éphémère – de ce qui passe ; élément de l'ensemble régi par les cycles...
Peu à peu – comme une succession naturelle – le rapprochement des uns et des Autres ; la longue lignée qui se perpétue – interminablement...
La nudité du cœur face à l'éternel...
Qu'importe le chemin – qu'importe la suite et le retour ; ainsi à jamais (tant que durera la matière)...
L'Autre – absent de notre jeu – de notre langue...
Un monde de débris et de déceptions – de souffle et de détritus...
Moins que les nuages poussés par les vents...
Rien qui ne puisse rivaliser (en particulier le monde) face à notre veille sur la jetée – face au ciel et à l'océan....
De la même couleur que la sente ; notre nudité...
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Seul – sous le soleil...
Au cœur de la trame dispersée...
Sans attache...
Au recommencement de tout ; la ligne et la lumière...
Au-delà des grilles derrière lesquelles les hommes se sont réfugiés...
L'enfance pendue à nos signes...
Trait pour trait ; le même visage – celui qui résiste au devenir et à la mort...
Le pas – le feutre – dansant...
Entre le ciel et la béance – le joyeux écartèlement...
L'inconfort de la captivité ; comme pris au piège...
Et ce qu'il reste ; la fuite ou la résignation ; ou (pour quelques esprits assoiffés d'Absolu) l'immensité dans l’œil ; l'espace devant soi ; l'infini qui accueille le monde ; et notre impuissance ; et notre pauvreté...
Le pied posé sur la pierre – depuis la naissance du monde...
La danse envoûtante de la matière ; la chair sur la roche...
Sous la lumière – le sommeil...
La marche absurde – comme sur un manège – à tourner en rond autour de l'essentiel...
Comme un vide dans les vies qui ne savent pas voir...
Des couches de réel sur l'ineffaçable...
Ce que l'on croit important ; ce à quoi nous pensons appartenir...
Rien que des yeux fermés au fond de l'épaisseur...
Rien de tranchant ; rien de magistral ; de la terre qui remue un peu – en bâillant...
Devant la porte – le soir – l'automne – le monde – la mort...
Ce qui n'ose encore entrer...
Avec ce peu de lumière qui nous a pénétré(s) – (presque) par effraction...
Sur le seuil ; un pied au-dehors – un pied au-dedans...
A glisser tantôt vers le centre – tantôt vers l'horizon...
Le vide et la matière – sans la moindre fixité...
Les yeux perdus – à force d'usure – à force d'attente...
Un peu de clarté vers la terre – vers la nuit ; pour apprendre à regarder...
A la jonction absurde (et inconfortable) entre la surface et l'obscurité – au fond de cet angle qui déforme le réel ; et qui cantonne le regard aux apparences...
Au cœur du sang et des illusions ; au milieu des Autres qui nous embarrassent – qui nous indiffèrent ; auxquels nul ne prête attention ; dans un monde qui ne semble pas (réellement) exister...
Le cœur et le corps – soulevés...
Et au bord de l'abîme – le chemin des profondeurs ; ce qui mène, parfois, à la sagesse – à la vérité...
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Sous le joug de la lumière – déjà...
(Très) mal chaussé pour le voyage...
La main nue qui, peu à peu, apprend le geste...
Le corps hésitant ; à porter le plus rare ; à cacher le plus précieux – à l'insu de tous...
Vers les marges du monde – là où les lettres et le nom deviennent inutiles...
L'effacement – comme un signe – la seule trace (si l'on peut dire)...
Le vide et le rien ; la tête et les choses non séparées...
Les premières hauteurs – peut-être ; à moins que le rêve ne s'approfondisse – ne change de dimension...
Comme sur une pierre tranchante – la prétention – la cuistrerie – qui laisse le pas et la langue sans support – humbles et involontaires pour qu'ils apprennent à œuvrer, à l'exemple de la main, au service d'une justesse sans modèle (strictement circonstancielle)...
Ainsi – au fil de l'expérience terrestre – l'esprit et l'âme comprennent la nécessité de se plier aux exigences du monde – aux prérogatives du silence ; ainsi retrouvons-nous – pouvons-nous retrouver – cette part d'innocence originelle...