Carnet n°284 Au jour le jour
Juillet 2022
La chair nue et aride – derrière le miroir...
Et le même sentiment sur la pierre...
La présence – l'invisible – l'équilibre...
Le temps ajourné...
Au centre de l'espace...
Le serment du désert (pour les plus valeureux)...
L'écoute du vivant – le cœur battant du monde...
Le visage troublé par les remous ; l'affolement des Autres...
Le bleu – le ciel – à peine voilé...
Au sommet de l'arbre ; les chimères déchirées – l'éparpillement des fables...
Au-delà du monde consentant – replié...
Et entre nos lèvres – la parole et le silence (à égales proportions)...
Ce qui se brise et ce qui fleurit – au-dedans...
Notre ressemblance et nos insatisfactions...
L'identité commune (en partie) circonscrite...
La soif révélée derrière le rêve ; et le temps chamboulé par notre attente ; par la patience qui saura nous extirper du chaos...
*
La vie apparente – défaite...
Et cette voix bleue – à présent – que rien ne pourrait renier ; pas même l'effacement...
Le cœur dégrisaillé – sans recours au rêve – sans recours au fouet...
Le talon solide ; le seul appui ; souple sur le vent...
Ni sol – ni ciel ; affranchi des frontières et des partages...
Sur la faille comme sur le fil...
L'équilibre – les yeux fermés – entre le mythe et la chute ; le vide habité...
La nuit dans l'ombre – (juste) au-dessus du sommeil – enveloppante...
Qu'importe le lieu de la rencontre ; la chair curieuse et réticente...
Et l'esprit (profondément) assoupi...
Sous le règne (hégémonique) de la peur et de la jouissance ; une avalanche de caresses et de coups ; et l'âme inerte qui se cache – qui ronronne – (presque) toujours embarrassée par ce qui se passe...
Cette impatience à l'égard du dénouement – comme s'il y avait, en nous, trop d'espérance ; dans le monde, un état final ; et à tout phénomène – à tout processus – à tout voyage – un achèvement possible...
Des croyances et des promesses au lieu de l'inespéré...
Et en attendant l'improbable miracle – la roue du monde et la roue du temps ; tout ce qui nous fait tourner – tourner – et tourner encore ; prisonniers de la boucle répétitive [à laquelle (bien sûr) on aimerait échapper]...
Sans escale – la dérive – le déchirement...
Le feu continu qui alimente le mouvement...
Les clés (une partie des clés) autour du cou...
D'étoile en étoile vers ce qui brille (toujours plus puissamment)...
Un cercle de lumière ; et des pas (de moins en moins) sombres et taciturnes...
Un appel au centre...
Moins de rêves et de repli...
Quelque chose comme un ruissellement (le début d'un ruissellement) ; le goutte à goutte qui s'accélère...
Une naissance imprévue – un bout de chair supplémentaire – comme une excroissance...
Dos au mur – les pieds dans le vide ; à même le ciel – déjà...
*
Des mots encore – comme une poutrelle jetée au-dessus du vide – vers l'Autre – cette rive commune – inconnue – inatteignable – renfrognée – tremblante – apeurée ou rouge de colère – les yeux fermés – qui crie quelque chose – un son incompréhensible – une plainte inarticulée ; et dont l'image nous parvient déformée – comme un reflet...
Et notre hébétude – notre sidération – devant le monde – le miroir...
Vers la nuit absente – le Dieu inventé...
Le souffle neuf – l'esprit rajeuni ; le corps vieillissant ; les blessures mal cicatrisées...
Sur la pierre ; et l'herbe rase – jaunie – usée – la peau du monde...
Les yeux crevés par l'anxiété...
Et la sauvagerie de ce qui (nous) résiste – de ce qui nous fait face...
Le cœur qui palpite devant l'effacement – devant l'infini...
Au seuil d'un soleil dessiné par l'enfance...
Le jour jeté en contrebas...
Et des provisions de neige jusqu'à l'aube...
La danse martiale des bâtons...
Ce qui se lance en l'air – obscurément...
Des choses qui virevoltent – portées par des courants invisibles...
Le monde animé ; ce qu'il nous semble – en tout cas ; une facette de la réalité apparente...
Dissimulée derrière le cri – la fleur...
L'innocence et la nuit – déchirées par le même geste – indéfiniment répété...
Le lieu du consentement ; l'alliance nuptiale...
Et, en germe, le drame que les circonstances préciseront...
La douleur et la mort (presque) toujours occultées au profit de la quiétude et de la beauté artificielles dont on tapisse les parois du monde et de la tête...
*
Contre la lumière – l'effort et l'âme ; le jeu et la violence...
De l'un à l'autre – dans un long glissement...
Le cœur douloureux – si souvent ; en voyant les murs ; en voyant vivre les hommes...
L'intelligence clairsemée ; la parade et l'engloutissement plutôt que la discrétion et la tendresse...
Et ce rire – insupportable – à la vue du sang et des os...
La sensibilité (sérieusement) défaillante...
Entre l'offense et le châtiment – quelque chose qui nous lacère – qui nous transperce ; les crocs et les griffes du monde...
La nudité creusée par la mort...
D'une ligne à l'autre ; d'un livre à l'autre...
L'oubli et le dessin qui se précise...
A la manière d'une danse malgré les cercueils et la confusion alentour...
Comme aux premiers temps du monde – le vent au-dessus de notre berceau...
Dieu masqué par son œuvre ; le renversement opéré par le monde...
Le rêve – tous les rêves – taillés au couteau...
Ce que le feu sacrifie...
A moins d'accepter le silence ; de plonger (profondément) en son cœur...
Sans cri – dans les flammes...
Ce qui perçoit – (juste) au-dessus de la douleur...
Le voyage – et les découvertes – au rythme de ce qui est vivant – au milieu de la danse et des chants sacrés...
Partout – la distance superflue...
Dans le vent qui souffle – ce qui est retenu...
Des accroissements – des biffures – des déchirements...
Ce qui tente d'accroître l'inachevable ; l’œuvre, sans cesse recommencée, des créatures...
Dieu dans son sillon – au fond de toutes les entailles...
Quelque chose du ciel et du changement...
Ce que nous croyons vivre – ce que nous croyons façonner ; et ce à quoi nous participons – à notre insu...
Et la douleur croissante ; et le florilège de malentendus...
*
Le jour et le cœur – éparpillés...
Ce qui cogne derrière la vitre – à travers les barreaux...
La main tendue pour essayer de rattraper le retard – ce que les hommes ont jeté depuis la naissance du monde...
Et la douleur qui nous suit ; et qui migre avec l'âme vagabonde...
Gravir encore cette pente-prison – sur ce rocher des malédictions...
Le lieu où bavardent – et se querellent – tous les fous ; à vivre comme si l'existence comptait pour rien...
Le sang tatoué sur la peau ; comme une cage – à force de coups...
Les yeux fermés devant le monde et le sablier...
L'étendue interdite...
Rien que cette terre où coulent ces rivières rouges – au milieu de tous ces corps – parmi ceux que frappe la mort – sans la moindre possibilité d'évasion...
Aveuglé par l'avenir (supposément) florissant...
Du vent ajouté au vent...
De l'étoffe effilochée...
Un monde d'alliance entre les bêtes apeurées et la nuit...
Des lieux obscurs où se mêlent la douleur et le cri...
L'ignorance souveraine de l'homme ; la terre en déshérence ; et ce qui est légué – cette folie à la dérive...
Le silence ; le geste simple...
Sans manière – sans ostentation...
L'esprit et la main – vides...
D'une origine à l'autre – (très) naturellement...
Ce qui regorge – ce qui déborde ; coupés net – sans résidu...
Le plus précieux ; rien – ce qui est (involontairement) exposé...
La couleur des choses et la légèreté...
La vie terrestre (presque) sans matière...
Le feu – le vent ; et ce que la lumière absorbe ; cette manière de renouer avec la source...
*
La chair – le mot – l'Amour...
Au-delà de toute matière...
Sans substitut ; la langue – les vertèbres – le silence...
En deçà (bien en deçà) du jugement...
Près de l'ombre – tapi(s) – dans un coin...
De la peur à la soif – peu à peu ; ce glissement nécessaire vers l'élan – le voyage...
Le cœur (sans doute) déjà proche du suivant...
L’œil solitaire ; comme le rire...
Sans obscénité – sans équivalence...
Le séjour voué (presque exclusivement) au rapprochement – au labeur – à la vérité...
La paresse attachée à un pieu planté dans la boue ; libéré (en partie) de la fange...
A l'air libre – comme l'âme...
De plus en plus près de la lumière ; et la lanterne à la main – de moins en moins nécessaire...
Un cri – jusqu'au ciel – dans nos mains ouvertes...
Ni éternelles – ni (totalement) impuissantes...
Nées pour assouvir le désir ; et offrir à l'écume la lumière nécessaire...
Le vide – sous la vérité – dans notre bouche...
Et à travers la lueur jamais éteinte de l’œil – l'enfance – à travers le sens retrouvé...
Comme au service de ce qui vient (juste) après la douleur...
La parole dans son écrin – tantôt le monde – tantôt le feu...
Penché sur l'impossible – après avoir fouillé (en vain) la terre et le ciel...
Comme arraché aux éclats de la pierre...
Parvenu – peut-être – au seuil d'une certaine clarté...
La puissance vivante plongée au fond de l'âme...
Et le silence sur les lèvres souriantes ; face au monde – ce qui acquiesce...
*
A grands traits – le mouvent précis – la figure du monde...
Du soleil et du silence – le cœur enveloppé...
L'arbre – l'herbe et la pierre...
Au milieu des bêtes de la forêt – sous la lumière...
Rien qu'un corps – un peu de chair – effacé – amalgamé – dissous dans la matière – la masse vivante...
L'âme renversée d'où émerge la joie...
A même la roche restituée ; la terre – le sol – à la place des mots ; la nuit – les Autres – parfaitement intégrés...
Obéissant aux cycles – aux nécessités – à la tendresse...
La sensibilité vive dans l'âme ; et sur la ligne...
Au-delà de la chute ; au-delà de la perte et de la désespérance...
Comme porté par cette perspective sans socle – instable – incertaine ; et qui fait naître le plus simple ; et la simplicité...
Sans effort – sans éclat narratif...
Comme un discret tressaillement – malgré l'insignifiance – malgré l'abondance apparente...
La pierre et la feuille – sans inscription...
Le vide ; l'espace désaffecté à la place de la douleur et des ornementations...
Consentir à la voix éraillée – dépourvue – à la chair couchée sur la roche – à la perte et au déclin – à la solitude irrévocable...
En passant sous le ciel noir...
Affligé par les lois et les apparences...
L’œuvre chimérique des hommes ; la hargne des assassins ; le cœur endormi...
L'absence de lumière et le ronronnement de l'âme...
Un peu de hauteur ; une argile rehaussée...
Tout ce que l'on souhaite à ceux qui peuplent ces rives tristes et tourmentées...
Le ciel qui déborde d'allégresse – au-dessus des guerres – du sang – des ombres qui glissent dans la glaise – grises – sombres – en ce pays d'absence et de tressaillements...
Ce qui s'attarde (un peu – autant que possible) pour participer à tous les jeux ; aveugle à la nécessité de la métamorphose ; (totalement) insoucieux de l'essentiel...
*
Des nœuds pour extorquer la substance terrestre...
Comme de l'ombre au milieu de la lumière ; histoire de consolider la position de l'homme...
Des angles – et quelques recoins – ajoutés au destin – d'une certaine manière...
De quoi (sérieusement) assombrir la couleur des vivants...
Unanimement – la multitude ; une façon (peut-être) d'accroître nos chances (si l'on peut dire)...
Le pas et le voyage – indistinctement...
Le geste et la main – de façon identique...
Comme le corps et la danse ; la matière et le mouvement ; le monde en marche ; ce qui ne cesse de tourner – de changer – de se transformer...
Et enfoui – et plus haut – le point d'immobilité ; ce qui contemple et donne son accord...
Attaché (d'une certaine manière) aux différents degrés du ciel (changeant)...
La nuit embrasée ; le jour absolu...
D'une rive à l'autre – de façon incessante...
Le torse nu – penché sur notre visage...
La figure désentravée ; la posture sans quiproquo...
Et sous les voiles – ce qui enfle lentement...
Le mystère comme une colonne émergeante...
Vers le haut ; de toute notre ardeur...
Les yeux – sans horizon – (un peu) trop espérant...
A force de fuir – comme si l'on pouvait échapper aux désordres – aux renversements – aux transformations...
Au cœur de l'angoisse ; cette douleur ancienne (première peut-être)...
Le vieillissement de la chair ; et l'enfance réfractaire à sa restauration – à son renouvellement ; comme une inertie – une impasse souterraine...
Un mot après l'autre ; à travers la nuit – l'énigme posée ; et toujours irrésolue...
Et, soudain, le jaillissement de l'aube – insoucieuse de notre labeur – de nos prédictions – de nos pressentiments...
Porté(s) par la lumière qui se lève...
*
L'âme brûlante – l'esprit évidé...
Des lignes sans règle – sans dogme – sans certitude – sans ambition ; dispersées – anonymes – de plus en plus...
Dans les veines – cette audace ; la source de l'encre...
Sans distance – face à la vie – face à la mort ; et le monde au loin – presque inaudible...
Pas de fiction (jamais) ; rien d'impossible ; l'espace maître de l'inspiration et du mouvement...
Au cœur des cercles naturels...
Le ciel célébré – dans la lignée (la longue lignée) des hommes ordinaires qui ont (en partie) découvert le secret...
L'air de rien – en apparence ; et la sensibilité vive ; le cœur (presque toujours) en éveil...
Le labeur permanent ; comme une présence perpétuelle à faire émerger – avec laquelle se familiariser ; et qu'il nous faudra nécessairement devenir...
A l'affût (si l'on peut dire) de ce que le temps – et les siècles – n'ont eu de cesse de délaisser...
La danse (joyeuse) de l'âme avec l'invisible qui précède celle des signes sur le carré blanc...
L'or chargé de chaînes...
Sur le front et aux poignets des hommes...
Comme un trésor ancien – déjà disparu...
Les yeux rouges – les yeux brillants...
Sous des étoiles scintillantes...
Malheureusement – la seule richesse qui compte...
Dressé – au-dedans de soi – le lieu tragique de l'espérance...
Des choses et d'autres – nées de la même source...
Au milieu de quelques élans de beauté ; de quelques désirs de rassemblement...
Quelque chose du rêve et de l'errance...
Ce qui se mêle aux ombres et à la fièvre...
Comme un feu supplémentaire sur l'étouffement – un couvercle (incandescent) sur la grisaille...
Insensible(s) aux murmures de l'infini – à la parole caressante qui ricoche sur nos cœurs absents...
*
Le rouge nébuleux – au fond de la crevasse...
L'impersonnel – mine de rien – dans ces caractéristiques singulières...
La nuit – les cris ; ce qui bat au fond de la poitrine ; et l'âme effrayée...
Ce qui bouge – dissimulé dans la matière...
Ce qui craint l'ombre et la lumière...
La chair morte ; (tout) ce que nous avalons...
Sous l'emprise de la peur et de la faim...
Et l'échéance – comme un couperet – dans la longue (la très longue) chaîne de servitudes...
Et, de temps à autre (trop rarement – sans doute) – une parole façonnée avec les yeux et le cœur aussi ouverts que possible...
La lumière prescrite contre le sommeil et l'absence de raison...
Au-dedans vertical ; et ce qu'on lui oppose (ordinairement) ; le monde et le temps ; ce qui tourne – ce qui s'étire et s'allonge – ce qui s'attarde – au gré des désirs et des craintes ; à la surface du vivant – une part de l'âme offerte – sacrifiée...
Sans rivaux ; l'esprit – la terre – le ciel...
Sous la caresse des vents qui parcourent l'espace...
L'âme intacte ; et la réserve de malheurs dans laquelle on pioche (abondamment)...
La bouche aimante – bien plus que le cœur qui attend qu'on lui donne – impatient qu'on le porte au pinacle...
L'existence gouvernée par la ronde des saisons ; le cycle des âges...
Dans l'étreinte des Dieux ; sous la coupe du monde qui nous enserre...
L'écoulement du temps sur la pierre – comme une eau froide – une nuit d'angoisse constellée d'étoiles sombres...
Et des orages sur les têtes (sur toutes les têtes) qui osent s'aventurer hors du périmètre – piétinant le commun – à pieds joints sur les aiguilles et les lois...
Avec les jours en bandoulière – comme des cartouches de possibles...
A se dépêtrer encore avec l'aube lointaine – avec l'aube (si subrepticement) entrevue...
*
Face au labeur du monde – des jours ; une manière de se tenir...
Assez éloigné – au cœur de la masse verte et accueillante...
Le souffle léger – à voix basse – comme pour soi – un éclat de voix pour dénoncer les mutilations et les assassinats ; la trajectoire de l'homme – sans élucidation...
Immobile dans l'herbe alors que nos pairs usent le bitume et noircissent le béton...
D'un rêve à l'autre – sans jamais se rejoindre...
Et, ici, la hache à la main ; prêt à défendre cet espace qui (pour l'instant) échappe à la barbarie...
Dissous dans la durée – l'élan et l'exubérance ; cette résistance à la tiédeur – au souffle retenu...
Face au sommeil – le hurlement ; de l'autre côté – là où le temps devient (pour ainsi dire) anachronique ; et la douleur, une simple possibilité ; à peine – une supposition...
La voie qui nous invite ; la sente qui s'impose...
L'âme privée de sens et de joie – enfermée dans un peu de chair irriguée de sang ; de l'argile sensible et animée...
De la douleur ; et des pieds nus...
Et cette absence si particulière des créatures terrestres – yeux ouverts pourtant – douées de rêve et d'ardeur...
Le monde de la pierre et des étoiles ; le ciel rompu – le ciel disjoint – comme effacé...
La beauté ; et le plus simple – défaits (en dépit de ce que l'on clame un peu partout)...
Chaque souffle – comme un geste de résistance ; une manière d'échapper aux hommes et à l'humanité – de rejoindre l'instinct (naturel) des bêtes et la joie (spontanée) de ceux qui habitent les bois...
La folie penchée sur notre épaule – sur notre main et notre bouche...
La peau déchirée ; le reflet du désir dans les yeux fatigués ; et la lune aussi – aussi pâle que notre âme – que nos lèvres – décharnées...
Contre soi – la source ; et tous les rêves du voyageur...
A moitié parti – déjà ; et les paupières closes – celui qui croit savoir – celui qui croit avoir vu...
Se révéler – comme la pierre qui chante ; qui néglige les démons qu'elle porte ; qui ose défier le silence et la respiration des hommes ; qui pénètre l'infini préservé des étoiles factices ; qui contemple – tressaillante – la terre – le ciel – l'infâme et le merveilleux...
Inguérissable ; et déjà guérie...
A travers la blessure des mortels ; la charge et l'écart qui les caractérisent...
L'évidence qui émerge de l'incertitude...
L'être – en dépit de tout...
Rien – malgré l'abondance et la multitude...
L'énigme – sur la pointe du doigt – emportée par la danse – le vent qui n'épargne personne...
Le monde et la poussière – sous ce ciel (incroyablement) nocturne...
Et ce rire – sans égal ; comme un passeur d'enfance...
*
Répudiée – à tort – la liberté vacante ; à laquelle on préfère les petites secousses de l'inertie – l'attente sage et patiente de l'agonie (studieusement) préparée...
Ni élan – ni vertige ; ni ailes – ni incandescence ; la petite mort des jours qui se suivent (et qui se ressemblent) ;
Ni le grand saut – ni l'inconnu embrassé – ni l'incertitude (amoureusement) étreinte ; la ligne droite – le fil rouge vers la tombe fleurie...
En chacun – se perd – se dilue – l'infini – l'éternité – la joie ; la flamme vive des jours...
Sur le déclin ; là où tout commence...
La mort devancée ; la disparition avant l'heure...
Sans héritage – sans semence à disséminer...
Le lent effacement ; une manière de quitter le monde ; de (réellement) s'abandonner...
Ce que l'on comprend – obscurément...
Ce à quoi l'on acquiesce – aveuglément...
Le visage illuminé ; et l'âme étreinte...
Les privilèges (méconnus) de la solitude ; et du silence...
L'étendue – à perte de vue – à l'intérieur...
La pierre – le monde – le ciel ; en filigrane...
Là où la ligne s'attarde – là où l'encre et le mot deviennent le seuil...
Qu'importe où l'on se trouve ; le cœur toujours à sa portée...
Ce qui nous heurte ; ce à quoi l'on se heurte...
Le monde – égal à lui-même...
Et nous – (plutôt) du côté des signes et de la discrétion...
Sur le versant de l'épreuve et du labeur ; en soi – (presque) rien de la paresse...
Et la sensibilité qui erre à la périphérie du vivant ; cherchant la possibilité de l'aube et de l'oubli ; le corps encore englué dans l'insupportable...
*
Le dehors brûlé ; et nous – à la lisière...
Échappant (tentant d'échapper) au monde enragé – emporté par son délire...
Les ailes rabattues dans le silence – nous invisibilisant – arpentant (discrètement) le seuil à la recherche d'un passage réservé à ceux qui ont déposé leur nom – leurs armes – leurs couleurs et leurs bagages – qui ont laissé leur âme s'étourdir à l'approche du vide ; et entrant, à présent, humblement – la tête baissée – dans le lieu commun – découvrant l'étendue dont nul ne peut se réclamer...
L'âme – dans le ciel – déjà...
Partagé entre le monde et l'envol...
Entre la blessure et le silence...
D'un soleil à l'autre ; de manière équivoque...
Sensible aux hurlements et à l'espace que, sans cesse, nous refusons – que, sans cesse, nous révoquons...
Condamné(s) aux murs ; et à toutes les frontières inventées ; l'esprit en quête de quiétude...
Atrocement transformé par le manque...
Les mains retenues par l'absence...
La nuit – à la hâte...
Et l'aube (entièrement) repeinte...
Comme pour consolider l'illusion...
La mémoire passée au crible ; sans repère – sans étoile...
Et la foule insistante des souvenirs (très) antérieurs ; comme des vagues successives...
Une forme d'exercice pour tenter d'apaiser l'angoisse (fort compréhensible) du devenir ; et apprivoiser ainsi la boucle du cœur – des lèvres – du monde...
Une manière d'échapper à ces va-et-vient incessants – d'une terre à l'autre – sans rien comprendre des intrications – des entremêlements – entre la matière et l'esprit...
L'âme dispersée ; plongé(s) au cœur de ce voyage éternel...
Et la lumière – si imprévisible – et si salutaire – recouverte par cette épaisse enveloppe de boue étrangement animée par la peur – par la faim et la soif...
*
Autour du corps – le flot – le flux ; ininterrompus...
Et dans la tête – le tournis...
Mille rais de lumière sur la peau diaphane – la masse sombre...
Et les âmes – à la surface – comme coincées entre les cris et l'illusion...
Avec le désir du plus sauvage qui émerge – peu à peu ; de plus en plus manifeste...
Comme sortir – de son vivant – de son propre cadavre ; s'extraire de cette dépouille mal en point – de ce corps moribond...
Un pas peut-être – vers la lumière ; ce qui nous attend...
Un escalier – une parenthèse – à l'abri des bruits et des drames du monde – des Autres...
Un instant – un envol...
Quelque chose du feu ; ce qui se consume (ardemment) dans les flammes...
Le poème – à travers le prisme du regard qui fait la part des choses entre le râle et l'agonie – entre la trame et l'obscénité ; une perspective au-delà de tout calcul...
La rive descendue...
Le monde pris à témoin...
Le cœur libre et ouvert – penché sur l'âme ; et sur la feuille...
Des signes d'une main ferme – inhésitante...
Ni trésor – ni feuilleton...
La tête rassurée par le sourire esquissé par l'invisible...
Pour soi – le reflet de la forme – cet étrange miroir pour les Autres...
Du vent dans la parole – qui souffle en rafales...
Jusqu'à satiété – des mots – du monde ; quelque chose de l'abondance – de la profusion...
Des lèvres pressées les unes contre les autres ; et qui cherchent, ainsi – en vain, à s'abreuver à la source...
L'enfance caricaturée...
Et chez d'Autres – quelques-uns, une (farouche) volonté de s'élever au-dessus des bavardages et des attentes – des perspectives habituelles ; une manière (sans doute) d'échapper à l'humanité – en l'homme – qui sommeille...
*
Devant le monde – l'absence ; le précipice spéculaire ; ce que l'on offre (communément)...
Une opacité naturelle – sans surveillance...
Aux frontières de la rage et de l'indigence...
Devant des âmes faméliques – nos petits travaux ; ce qui a nourri le geste juste – le regard clair...
Collé au cours des choses – sans idée – sans image – sans a priori – sans arrière-pensée...
Le vide ; pas même en référence...
Sans filtre – la joie – le ciel – l'angoisse – le vent qui cingle ou qui caresse ; ce qui advient – ce qui s'invite ; ce qui s'impose...
Le monde en mouvement ; et les méandres de l'âme ; la vie brute – sans falsifier les circonstances – accueillies – et éprouvées – telles qu'elles se présentent ; sans déguisement...
Sur le fil – (presque) toujours...
Entre le miroir et la mort – entre le précipice et le sang – en déséquilibre – ajournant (à chaque instant) la chute au pas suivant...
Être – sans trace – sans brûler – à la manière d'un soleil affranchi – libéré de la matière...
Rayonnant d'une lumière invisible (et apaisante) – au milieu de la nuit – pour guider les lèvres et les âmes vers ce qu'elles portent...
De la tendresse et du silence pour remplacer le bavardage et la terreur...
Un lieu comme un point de retournement ; de l'apparence jusqu'à l'origine...
Dans la paume serrée – une pierre noire...
L'âme à flanc de rêve – en plein désarroi...
Des cris pour combler le manque – tenter de remplir le vide causé par la perte (supposément) originelle...
Le corps penché sur ce qui a été oublié...
Le cœur ratissant – en vain – toutes les routes du monde...
Seule une pierre noire – dans la paume serrée...
*
La somnolence pierreuse...
L'absence d'air dans la pénombre...
L'acharnement à vivre malgré la peur – malgré la faim – malgré l'horizon clôturé...
La survie (à peine) du corps ; l'âme comme oubliée – quasi inexistante – presque moribonde...
L'étrange accommodation à la pauvreté de cette existence...
L'aube sur le monde décomposé...
L’œil à la dérive ; vers la cécité...
La terre-pouponnière et la terre-mouroir...
Et de la naissance au trépas ; la guerre – le combat – le conflit ; sa peau à sauver pour si peu de chose(s)...
La filière de la destruction ; comme une longue (une très longue) lignée...
De la chair – des corps – des cadavres...
Du sang et des fissures ; et le parfum tenace (et envoûtant) de la mort – dans toutes les têtes – dans toutes les bouches...
Jusqu'à l'écroulement ; puis, un trou dans la terre...
La terre refoulée par les vents – par les mots...
Dans un tourbillon de chair emportée...
Le ciel – le vide ; sans appel...
Agrippés aux choses – sous la voûte – décalés...
Des torrents de boue – des ruissellements aveugles...
Et dans l'âme ; l'écho de la chute – juste avant l'écrasement...
Des bruits feutrés...
Des pierres en cascade...
Des brisures et des roulades...
La voix meurtrie ; le cœur (progressivement) arraché...
Le jour nomade qui se replie...
A la hâte ; la débandade...
Le ciel déchiré par la pointe du rêve...
Tout qui brûle ; l'étoffe déployée dans le sommeil...
Et dans les flammes – trop d'images épargnées...
Le monde ; pas (encore) prêt à quitter ses cimes imaginaires (minuscules et rafistolées)...
*
La couleur du monde ; et sa douleur...
Des yeux comme l'on écrit ; et à l'intérieur – cet espace et cette flamme...
Le voyage ; d'un bout à l'autre de l'âme...
Du rouge encore sur les ailes naissantes ; et un peu de chair encore entre les dents...
Qu'importe que le bleu nous ait (en partie) découvert...
La trame percée – la trame creusée – tantôt par les dents affamées – tantôt par le cœur assoiffé...
Jamais là où le plus précieux se retranche...
Sur des seuils trop lointains ; à des embranchements où la volonté égare...
Et sur la page où l'invisible se dessine – malgré soi – presque jamais...
Un chant dans les bourrasques et le brouhaha ; pour ce qui est, en nous, attentif – respectueux – agenouillé ; les autres parts se servant avec ruse – avec rudesse – du reste ; ce qui résiste ; et suscite (sans doute) la convoitise...
Rassemblés – la pierre et le ciel...
Notre visage humble et incliné...
A la verticale du monde...
Les ténèbres (enfin) éclairées...
Fidèle à la mort et à l'oubli...
L'étoffe dépliée ; l'étendue sur laquelle se côtoient (sans contradiction) la misère et la joie – ceux qui chantent et ceux qui tuent – les morts et les vivants...
Et au fond de l'âme ; ce qui est plus précieux que l'or...
Au faîte de l'arbre – quelques oiseaux familiers...
De ceux qui ne s'avouent jamais vaincus face à la nuit – face à ce qui guette dans le ciel – sous les frondaisons...
Le chemin des portes bleues qu'aucune ombre ne peut arpenter...
La sente des plus simples – de ceux qui se sont abandonnés aux courants et à l'envergure naturels...
L'ampleur et la spontanéité discrètes et anonymes ; l'infini et l'invisible apprivoisés...
*
Des liasses de choses défaites – abandonnées...
Les yeux hagards...
Sur le bas-côté...
Une enfilade de portes – franchies – d'un même élan...
Et la fatigue – à présent ; mille siècles de solitude (et, sans doute, davantage)...
L'âme sèche à force de refuser l'écume du monde...
Rien ; plus la moindre séparation...
La vie – la mort – le voyage ; le même pas ; et la même immobilité...
Ce que propose (humblement) cette parole...
Sans socle – sans trépied – sans visée...
Le corps et l'âme qui se soulèvent – au gré de ce qui les porte...
Le vent – la soif ; vers l'enfance – toujours...
Sans erreur possible ; avec des détours – parfois...
Du sommeil à l’œil ouvert ; de l'ignorance à la jubilation ; sans triomphe – sans tricherie – ni bouc émissaire...
Quelques années sur la pierre...
De manière auto-suffisante...
Parmi les bêtes – au cœur de la forêt...
Le ciel – le vent – les arbres...
La tête plus ample que le monde...
La joie sauvage et solitaire...
L'abri au fond de l'âme – protégé(e) par le silence et le hurlement nocturne de ceux qui vivent dans les bois...
La lumière et le cœur territorial...
En ce lieu qui n'a pas de nom...
Sans autre Dieu que ceux qui habitent le vide...
Sans croix – sans péché – sans cortège...
Sur l'autel naturel du monde – le soleil et la pluie – la vie brute – le visage incliné...
Absorbé par l'immensité...
Rien – ni personne ; seul un immense sourire qu'aucune circonstance ne pourrait altérer...
*
Les mains de l'enfance sur les murs de la terreur – le territoire du monde...
Rouge sang ; et la chair inerte – morte ou pétrie de peur...
Trop de pression – de frottement – de tristesse...
Des empreintes – seulement – (en partie) effacées...
Quelque chose du jour qui a disparu...
Et la honte – à présent – de voir la terre ployer sous les cadavres...
Et le ciel obstrué par toute cette noirceur...
Et la puanteur des corps en putréfaction ; et l'indifférence des cœurs ensommeillés...
En soi – partout – la désespérance de l'homme...
Qu'y a-t-il donc à aimer sur ces rives sinon ce qui est en deçà et au-delà ; et ce qui hurle à travers la matière animée – déchirée et déchirante – vouée à cet éternel sacrifice...
L'extrême transparence du ciel débarrassé de ses scories ; la mort – la lune – Dieu – les étoiles...
L'impossibilité de l'éclipse – de l'écart...
En plein cœur – intensément...
Au-delà des conventions – de la tiédeur commune – de la neutralité prescrite (par les sages)...
A travers le grand cirque ; et le simulacre des vivants...
La part indestructible du monde...
*
A ce point – la pierre...
Rien que la pierre ; et un peu de ciel...
Ni grille – ni Autre...
Le jour – en soi – penché ; fidèle à la courbure de l'âme...
Le côté sombre – devant – exposé – sans honte – sans retenue – sans interdit...
A la vie – à la mort ; (parfaitement) authentique...
Sans espoir – sans crainte...
Le pas devenu roche ; avec, dans le souffle – l'ardeur – l'immobilité ; un peu d'éternité – peut-être...
A humer l'essence du monde...
Sur la pierre – au cœur du poème...
La mort, peu à peu, apprivoisée...
Et des ombres encore (bien sûr) qui parsèment nos lignes ; sous nos pas...
Et des fleurs aussi ; plus belles que les étoiles ; vivantes...
Sous l'emprise – invisible – du bleu...
Dieu – dans les plis de la chair...
Parfois lampe – parfois cri – parfois horizon...
Le cœur vertical – sans hiérarchie...
Ni choix – ni désir...
Ce qui s'impose – toujours – l'emporte (sans souffrir la moindre exception)...
Dieu s'invitant dans la boîte – en quelque sorte ; tout – le monde – le temps – le geste – l'existence et le pas – initiés par ce qui nous porte...
La rage destructrice – sous le front – sur la ligne – et dans le geste parfois (plus rarement)...
Soi – déchiré – en quelque sorte – partagé entre l'aube et la roche noire...
Plongé au cœur de la foule ; et, à la fois, un pas de côté...
Entre solitude et appartenance – plus ou moins lointaine – plus ou moins nécessaire...
Plus proche de la trace que de l'écoute...
Encore si profondément animal...
A la dérive – sous le soleil – captif...
Au cœur de cet étrange face à face entre le monstre et la folie...
Notre visage et ses reflets (tous ses reflets)...
La mort accolée à nos gestes (à tous nos gestes)...
Sans garde-fou – l'un et l'autre...
Les fondements même de la pyramide et de la barbarie...
Le monde humain – tel qu'il s'éprouve – tel qu'on le voit...
L’œil éruptif...
Le monde – le bleu – comme évaporés...
A la manière d'un retour de boucle ; une sorte d'expansion...
Et rien pour dire – lèvres fermées ; la bouche occupée à ingurgiter ce que réclame le ventre...
La parole – comme une exaptation à venir – hypothétique – à réinventer (peut-être) ; lorsque la douleur et l'incompréhension seront à leur comble ; lorsque la faim sera suffisamment rassasiée...
Ainsi – sans doute – commencera la filiation...
A genoux – au cœur de la nuit maléfique – caressante...
Des lignes et des pas – comme des gestes ; de plus en plus indistincts...
La vie – l'Amour – la terre ; ce qui s'écrit – ce dont on témoigne...
Mu – de l'intérieur – par le souffle qui nous habite...
*
Le reflet du monde – dans le creux de la main ; paume ouverte – paume fermée...
Et ce trouble à la moindre pierre lancée...
Des ondes dans l'obscur ; des échos et une résonance – en quelque sorte...
Et la chambre hantée ; peuplée, pourtant – elle aussi, de vide et de lumière...
Et les rêves qui se brisent – un à un – sur ces rives posées entre le ciel et l'abîme – là où le noir et le rouge alternent – inlassablement...
Des chimères ; la mort et de la matière – au milieu de l'espace – au milieu de l'illusion...
L'esprit soucieux...
L'épaule appuyée sur l'écume...
Et cette respiration au cœur de l'impossible...
Des manques et des yeux clos ; des alliances – des ruses et des mensonges – (sans doute) les principales règles du jeu...
Le monde – entre l'escroquerie et la douleur – l'espérance...
Et ces inscriptions (émouvantes – pathétiques) que l'on voit gravées sur toutes les tombes ; et nos pensées – émues et authentiques – pour ceux qui n'en ont pas ; et qui se couchent (discrètement ou à grand bruit) sur le sol – avalés par la terre – oubliés par le monde...
Arraché à la masse moribonde – insouciante – jouant et commerçant – comme si sa survie en dépendait...
Lovée dans le sol – aussi confortablement que possible – plongée dans une sorte de parenthèse – un gouffre – un abîme – un suspens – à l'écart de tout vertige – de toute intensité...
Dans une routine ressassante ; dans le cumul des jours ordinaires...
Piégée – en quelque sorte – dans la matière ; et les excès de la psyché...
Loyal envers cette (longue) lignée anonyme...
Le vide et la langue – célébrés ; autant que le souffle et le geste...
Au commencement du silence ; adossé...
Loin du monde ; loin des hommes...
Étranger à tout bavardage – à tout superflu...
Le nom que l'on ignore (que l'on continue d'ignorer) ; au cœur de l'espace auquel on voue un culte – en quelque sorte...
Entre la simplicité et l'effacement ; face à la lumière qui vient – qui monte ; à l'intérieur – bleu – comme un attelage lancé vers l'infini...
*
Obscurément – la nuit ; et l'effervescence...
Ce qui rougeoie devant l'impossible ; et qui patiente ; et qui lutte ; comme condamné à l'effort et à la volonté...
Le ciel – loin – devant ; plus haut ; et vers lequel on ne parvient à hisser sa douleur...
Et l'ardeur – et le souffle – qui manquent...
Et le sommeil – trop profond ; et la charge – trop lourde – peut-être...
L'âme partagée – déchirée – qui ne peut se résoudre à la noirceur du monde ; et incapable, pourtant, d'affronter la lumière...
De long en large – sur le même rivage – indéfiniment...
Un chant – un chemin...
Sur le passage des Dieux...
Proche (très proche) des bêtes à l'âme légère – à l'âme rêveuse...
Mais encore trop humain – sans doute – pour se fondre dans le monde (naturel) ; et dans l'immensité ; alors en attendant – on essaie de se faire (très humblement) les lèvres – tendres et résistantes – de la terre...
Des souches de vent – arrimées à l'espace...
De l'énergie regorgeante...
Sur un fil de lumière...
Des éclats – un scintillement ; et de la sauvagerie...
Et cette mainmise (bien sûr) sur tout ce qui traverse le monde – le temps ; et l'immensité...
L'Absolu à l’œuvre ; quoi que l'on en pense ; quoi que nous fassions...
Seul – solitaire ; et s'assumant (autant que possible)...
Arpentant les profondeurs – sans jamais s'emmurer...
A la manière d'un goutte à goutte excentrique – démesuré...
De l'encre et de la sueur ; le prix des pas ; ce qu'il faut pour s'offrir ce (grand) voyage...
Dans les sous-sols de la joie ; et, quelque part, du soleil...
Au bord de l'épuisement – très souvent ; sur cette sente qui circule entre l'homme – les bêtes et les Dieux ; entre le rêve – la folie et la mort...
D'un angle à l'autre ; et l'écart qui se creuse ; pour finir (peut-être) – pour finir (sans doute) – introuvable – dans un coin...
Hors du monde – assurément...
*
Dans la trame – le jour pénétrant...
Le sol effiloché – le vent vigoureux...
Le soleil ; la terre – le ciel ; et toute la clique des créatures – à leurs côtés...
La foule essoufflée – grasse et inactive – complice de tous les rapts – de tous les forfaits – de tous les assassinats ; plongée dans cette folle indifférence – comme de la glace tranchante qui colle la peau au froid ; et qui finit par être arrachée par la masse excitée qui tire à hue et à dia pour s'offrir un bout de chair...
La bouche (grande) ouverte – affamée – dégoulinante de bave ; l'odieux outil d'un corps difforme – abject – monstrueux...
Et cette lumière – dans l'âme – et au fond des yeux – qui tarde à venir...
Comme coupée(s) de la source – la paresse et la barbarie ; cette inertie et cette cruauté – ordinaires – qui occupent (presque) toutes les têtes – qui occupent (presque) tous les gestes ; comme si nous vivions au fond d'un abîme recouvert de terre – une sorte de gouffre muni d'un couvercle inamovible que (presque) aucun ne peut voir...
Le pas troublé ; les battements du cœur – étranges – étrangers – de plus en plus...
Et ce cri enfoncé dans la gorge – comme un élan contrarié – stoppé net – comme embourbé ; timide – timoré – manquant d'ardeur – peut-être...
Et la mort – devant les yeux – comme une flamme dansante...
A contempler le jour ; et le sommeil autour de soi...
De plus en plus simples ; la vie – le geste – ce qui s'écrit...
La parole brûlante ; et l'âme (en partie) apaisée...
Bleu – comme l'espace qui déborde...
La lumière indéfinie qui se cache dans le désert ; et la main...
Immobiles malgré la ronde des rêves et des étoiles...
Comme la rivière – dans son lit ; la longue suite des circonstances...
Le cours des choses – variable(s) et inchangé(es)...
Au milieu des couleurs ; les oiseaux et ce qui mord la poussière...
Aussi vivant(s) que possible...
*
Vers le ciel – sans impatience...
Sans que ne sonne la moindre cloche...
D'hiver en hiver jusqu'à la saison de la lumière ; les mains en plein jour ; les gestes comme une longue prière...
Un feu avec quelques branches mortes pour réchauffer son âme ; et le corps endolori par les longues nuits de veille...
Simple – comme le silence – comme l'ombre qui s'approche...
Avec le poids des larmes ; et l'absence de sommeil...
La route ouverte (si ouverte) ; la route royale (si majestueuse) ; sans aucun doute – l'une des plus belles voies...
Sans conversion – sans lendemain...
Autour de la tristesse ; derrière le chemin clos...
Aux quatre vents ; près de la tête trop pensive...
Allant de son poids – sans retour possible...
A se balancer ainsi – sans fin – sur le fil du monde – sur le fil du temps – à contre-courant des foules – en déséquilibre ; en vérité – quelques pas (à peine) avant de mourir – quelques gestes (à peine) avant d'être capable d'aimer ; quelques souffles (à peine) avant la chute abyssale...
Sans souffrance – la lecture du monde ; l'horreur affichée – orchestrée ; et consignée sur la page...
Comme une corde lancée à ceux qui en pâtissent – à ceux qui rêvent d'une issue...
Engagé ; comme un contre-chant pour tenter d'accroître la clarté – d'offrir au souffle l'ardeur nécessaire pour une marche au long cours...
Un sursaut – de l'intérieur – pour résister à la dérive des hommes vers l'innommable...
Le réel – en face...
Une étreinte sans pincette...
Ici – à chavirer (si souvent) au cœur des vagues...
Jusqu'au ciel submergé – de temps à autre...
Unis – indéfectiblement – le bleu et la substance...
Agenouillé devant ce qui surgit comme un diable de sa boîte...
Rien qu'un mur à fissurer pour apercevoir toute l'envergure de l'étendue...
*
Une pierre – devant soi – ou, peut-être, un visage...
Le monde ; de la poussière et de la cendre...
Quelques traces ; et du sang – assez furtivement...
La même obscurité ; dans les gestes – dans les yeux...
La mort en filigrane de tout ce qui est vivant ; bien davantage qu'un point d'entrée et qu'un point de sortie ; ce qui se mêle à chaque mouvement – bien plus nombreux que les jours qui passent...
La vie – sans mystère – sans simplicité...
Ce qui se déroule – malgré soi...
Le feu – ce qui anime la matière ; et ce qui la dévore aussi (bien sûr)...
La lumière – au fond de ce que nous sommes...
Au bout de cette longue veille...
Quelques mots – dans le cœur confiant...
Avant le long silence qui va nous recouvrir...
Le cœur strié...
L'âme encore intacte – dans l'interstice ; comme protégée par l'épaisseur de la chair – malgré l'ampleur des menaces...
De la terre – dans les yeux ouverts...
Des traces (presque) invisibles – à essayer de suivre...
A nous croiser – à nous saluer – à nous rencontrer – sans en avoir l'air...
A travers l'inquiétude – l'enfance et l'allégresse...
Quelque chose du flux et de la lumière – malgré la gravité et l'enchevêtrement de la matière...
Le jour renversé – au plus lointain...
Parmi les mouvements ; et le silence...
L'aube graduée (au millimètre près)...
Des hauteurs à la vie encordée – puis, inversement...
L'apprentissage (progressif) du vide et de la liberté ; ce qui se trame avec ou sans acharnement ; la même boucle – aller et retour...
*
Le poids de tant de rien(s) sur la terre – en guise d'Amour ; en guise de lumière...
Du bruit – dans le cœur de ceux qui vivent ; et du silence – dans le cœur de ceux qui s'en vont...
Le vivant sur sa branche – traversé par le chant – le plus ordinaire – le plus sacré...
Et la clarté – au loin – sans pouvoir se méprendre...
Et en attendant – d'un souci à l'autre ; le cumul (inutile) des souvenirs...
Jamais de vie simple – de pas simples ; et acquiesçant (trop rarement) à la mort au jour dernier...
Au cœur de l'absence – l'échine courbée...
L'hiver déjà ; l'hiver toujours – la seule saison (sans doute) dans le cœur de l'homme...
A moitié bête – dans la pénombre – aux aguets ou pétrifié(e) de crainte ; et l'autre part – entre la folie et la mort ; déjà condamné(e)(s)...
Du rougeoiement et des cendres – sur ces rives blanches ; (presque) jamais d'âme éclairée ; (presque) jamais d'achèvement joyeux...
Ici – seul ; et le monde – au loin – qui (autrefois) servit de lieu d'apprentissage – un espace propédeutique (en quelque sorte) – simple préalable à l'exploration des profondeurs de l'âme ; un bref (et incontournable) passage avant la plongée en eaux troubles (et turbulentes) ; avant la (longue) traversée des rives solitaires où la seule ombre tient à notre présence encore trop consistante – encore trop circonscrite – encore trop peu familière de tous les processus de transformation nécessaires...
Comme un suspens – face à la peur ; et le cauchemar des Autres...
Le refus du délire – des règles monstrueuses ; des règles proliférantes...
Hors de soi ; l'impossibilité du réconfort ; l'impossibilité de l'éclairage et de l'issue...
Et ce que l'on privilégie ; le geste et la parole (libres – libérés) au lieu du rêve et des chimères ; la géographie de l'infini et de l'intime plutôt que la carte des désirs – la seule perspective acceptable en ce monde...
*
Cette longue ligne – sans cesse – reprise...
Un seul trait de plume ; vers le jour...
De l'origine à l'origine – en passant par quelques ténèbres...
Le feutre et le pas – peu à peu – qui se confondent...
Un seul chemin ; la page-vie – la page-monde ; l'existence qui offre son témoignage...
Ce qui est expérimenté ; ce qui est éprouvé ; au cours de cette étrange aventure...
Sans complaisance – sans affiliation...
Le pli qui, au fil du voyage, se referme ; et qui disparaît ; l'infini qui (enfin) se découvre...
Cet écart – comme un legs pour le monde ; notre effacement...
La tête évidée ; et à mesure du débarrassement – la parole plus incisive – bordée de silence – peuplée de silence...
Sans ornementation ; ce qui porte la lumière ; la clarté et le sourire – offerts (très) discrètement – (presque) de manière anonyme...
*
Sous le feuillage éclairé...
En quel pays – la quiétude...
Loin des mortels angoissés – gorgés de peines – de désirs – de pauvreté...
Ici – dans l'alignement des astres ; la terre tournante – le destin déclinant...
Emporté – à son insu – vers l'immensité...
Au cœur d'une nuit devenue introuvable...
A cheval sur le jour ; comme un salut ; bien davantage (bien sûr) qu'une solution...
Le bruit des Autres ; et le bruit du temps – dans la tête saturée – comme une menace ; les assauts (incessants) de l'obscurité...
A grands pas – à travers le monde – à travers le vent – vers le territoire naissant – vers le territoire ressuscité – vers le territoire éternel...
La vie de l'autre côté du mur ; les choses et le regard – transparents...
L'imaginaire par-dessus le monde...
Comme des lèvres souriantes dessinées sur un visage patibulaire ; un masque rose – en quelque sorte – comme pour oublier ce qui domine ; la guerre – la violence – l'obscurité...
Le jour écrasé par nos méandres et nos labours...
Une terre (trop) fertile où prolifèrent la bêtise – la maladresse – l'inconséquence...
Le temps écarté...
L'heure insomniaque...
L'enfance – la fleur – le cœur – naissant – puis déclinant...
L'univers qui consent à toutes les possibilités ; jusqu'aux têtes précipitées dans la folie – jusqu'à la mort indéfiniment...
L'obscurité comme un règne ; la nuit offerte – qui s'apprivoise...
Et l'encre qui joue avec le monde – avec le vide et le silence ; en laissant apparaître son jeu dans la parole inscrite – (très) provisoirement – sur la page...
De l'ardeur et des étoiles – (singulièrement) intriquées ; l'un des nombreux processus terrestres à l’œuvre...
Et la marche à rebours (bien sûr) – jusqu'au seuil (déjà mille fois franchi) de l'origine...
La vie – la mort – le voyage ; comme d'incessants allers et retours ; ce qui ne connaîtra (sans doute) jamais de fin...
A même la trame ; toutes les ombres – et la lumière ; ce qui s'y trouve ; ce que l'on y met ; ce qui s'invente ; toutes les combinaisons possibles...
Qu'importe nos râles et nos gémissements...
*
Le jour ensemencé – au fond du cœur – au fond des choses ; et qu'il faut aller chercher ; et qu'il faut remonter – pour qu'il naisse au monde ; les mains cherchant dans l'invisible – dans la glaise – un peu partout – à quatre pattes – la tête emmêlée aux racines et au ciel...
Sur le sol – sur la crête – en déséquilibre ; le pas hésitant – au-dessus de l'absurdité apparente...
Et – sans surprise – de plus en plus nu(s) – et lumineux – à mesure que la fouille avance – à mesure que l'immobilité et le silence s'imposent ; le trésor (déjà) au bout des doigts – au fond du regard qui sait (au-delà – bien sûr – de tout savoir)...
Accueillir – l'ombre et la terreur ; ce qui nous constitue – l'épaisseur – les pierres entassées ; le cumul des malheurs ; et le joyau éparpillé – dispersé aux quatre coins du cœur...
Des trappes – une (très) longue série de trappes – qu'il faut ouvrir ; des passages à travers lesquels il faut se glisser ; des seuils métaphysiques ; du ciel et de la boue...
*
De la pointe du pied ; l'air – l'eau – la terre – le jeu du monde...
La pierre sur laquelle on écrit...
Les yeux aveugles ; et les corps mutilés...
La foule réunie au cœur du brasier ; ce dont on s'éloigne...
Ce qui nous attend – depuis toujours...
Dans la perspective d'embrasser le plus sauvage – le plus vivant...
Le temps de l'effacement et de la disparition...
Tant de peines – dans la balance...
La main ivre – délirante – qui pioche dans un sac ; un destin et sa longue série de conséquences...
De l'absence ; et (bien sûr) l'impossibilité de l'achèvement...
Des chutes et des manquements ; toute la grisaille terrestre – comme un épais manteau sur notre peau grelottante...
Adossé au vide...
Ce qui passe – en un éclair...
Le temps d'un sourire – d'un geste...
La mort parvenue...
Sans compter les conséquences ; l'absence spéculaire – comme dédoublée...
Rien au fond des yeux...
Un semblant d'assurance...
L'infini en boucle ; l'infini répudié ; qui se joue de nos dissemblances – de notre (merveilleuse) aptitude à l'illusion...