Carnet n°285 Au jour le jour
Août 2022
Des siècles – du temps ; au-dedans de tout...
Et des douleurs qui s'acharnent ; comme un élan naturel...
Ce qui nous convoque ; et nous condamne (si souvent) au pilori...
L'absence ; le monde ; cette sorte de royaume...
Le spectaculaire qui se fane ; comme une fleur immature – faussement prometteuse...
Les pensées – (presque) toujours – insipides...
La liste (quasi) exhaustive des souvenirs...
Des blessures – peut-être ; des blessures – sans doute ; qui ne cessent de nous tourmenter...
Le quotidien qui nous absorbe ; et qui nous révèle...
Tel que l'on vient ; porteur de cet inévitable éloignement avec le monde...
Le hors soi ; de l'autre côté du jour ; face à l'autorité – face à ce qui domine...
Au bord de l'innocence et de la confusion...
A deux doigts de défaillir...
*
Sans répit – le ciel donné – le ciel reçu...
La ligne qui retranche le monde...
Dans une succession (inlassable) de signes...
La terre à peine effleurée...
Le souffle initié par le vent...
Le cri métamorphosé en main – tantôt douce et caressante – tantôt âpre et rêche...
Une longue marche – assurément – comme si l'on accompagnait les pierres...
La flamme fragile – tremblante – au milieu du feu – au milieu des vents...
Le monde – si souvent – confondu avec l'horizon...
La plaie – au centre ; aux côtés de la folie...
Les yeux – comme l'âme – en devenir...
Sur terre – comme dans un champ de fleurs rouges – ruisselantes de sang...
Et ce reste d'espoir – pourtant – absurde – sous notre front obstiné...
Dans le silence – levé et effacé...
Au cœur du bruit – le vide attaché...
Une once de fatigue – parfois – face aux autres visages...
Une manière d'éprouver le monde...
L'essentiel et la joie...
Comme un don de soi à la solitude ; au vagabondage...
Une existence libre et sauvage – sans paraître ; discrète et anonyme...
Avec un grand sourire – à l 'intérieur – sous un visage aux traits sensibles et (si souvent) partagé – entre la colère et le pardon...
Si près des choses ; le regard intime – porté (à la fois) à la simplicité et à l'enchevêtrement...
La vie-sanctuaire – la vie-royaume ; où tout compte ; où rien ne pèse (réellement) ; où toutes les frontières inventées par la tête s'effacent – une à une...
L'espace encore ; le seul lieu à découvrir – à apprivoiser...
Le vide ; une sorte d'autoportrait (assez) satisfaisant...
Des lignes – quelques riens – pour dessiner le souffle – le monde...
Ce que l'on cherche ; l'Amour – l'entente – la communion...
Davantage que soi ; quelque chose que révèlent la solitude et le silence...
*
Le champ commun bordé de matière rouge...
Des mottes et des pierres ; la terre des ancêtres – aïeux (sans doute) de la première heure...
Le front scellé dans la roche ; excroissance (vaguement cognitive) de l'argile...
Des piles de choses sur les bras...
Et Dieu tatoué à l'encre invisible ; et l'immensité au-dessus des têtes – toujours aussi incompréhensible(s) (pour l'essentiel des hommes)...
Dans la manche – le bleu qui s'égaye...
La marche sans le moindre handicap...
Un peu de souffle – l'élan nécessaire – pris au feu...
De jour en jour – les yeux que l'on voit s'ouvrir ; et qui s'ouvrent réellement...
Du ciel – de plus en plus vide – ce qui marche ; ce qui a l'air de se mouvoir – d'exister – d'être peut-être ; en vérité – nul ne le sait (en ce monde où l'ignorance règne en maître)...
L'en-bas du monde – au cœur des pièges et des menaces...
Davantage qu'un territoire ; la fange rassemblée – la patrie du vivant – né des entrailles de la terre...
Installée(s) en nous – en bonne place ; et qui s'exporte dans tous les gestes – dans tous les souffles – tous les élans...
Le pas jamais hors du royaume...
Dans la parfaite continuité des épousailles de la roche et du sang...
Plongé(s) – à plein temps – dans un bain de semences et d'excréments...
Cette (piteuse) existence terrestre...
Le silence qui s'approfondit à mesure de la chute – à mesure de l'éloignement...
Sans devenir – sans espérance – sans personne ; de plus en plus...
Parmi les choses – des milliards de choses ;
Au cœur de ce qui est ; ni vraiment centre – ni vraiment périphérie ; le lieu de l'invisible et de l'invention – au-delà de toute matière – au-delà (même) de toute géographie...
*
Face à la lumière – ce que nous approchons – le cœur palpitant...
Des poignées de rien(s) offert(s)...
Les bras ballants ; les mains vides...
L'âme si peu commerçante...
Au fond des yeux ; des pierres – du feu – une joie crépitante ; le socle des ombres qui dansent...
Rien qui ne craigne l'ardeur ; rien qui ne craigne la clarté...
Pas la moindre cachette – pas le moindre mensonge – pas le moindre déguisement...
La vie brute et sauvage...
La verticale lisse (que rien ne peut agripper)...
La beauté de l'Autre – la beauté du monde – épanouies en soi...
Avec des éclats de roche fichés dans la peau...
La chair (pour un temps) sacrifiée ; et célébrante...
Des autels et des temples – dans tous les coins de l'espace – sur tous les chemins empruntés ; au fond de tout ce que l'on rencontre ; au cœur de chaque circonstance ; au fond de chaque cœur qui bat...
Ce que le vent amène ; et ce que le vent emporte – follement embrassé...
Le labeur de la lumière ; nous contemplant...
Rien au-dehors ; pas même ce qui est à voir...
La fraternité enlacée en elle-même...
Le baiser (passionnément) amoureux – des lèvres – sur cette parcelle de silence si joyeuse...
Un ou plusieurs ; qu'importe les visages que nous empruntons...
En soi – la terre – maintenant...
Face à ce qui advient ; face à ce qui apparaît ; comme lové contre les choses – au cœur des circonstances – sans la moindre résistance...
Jusqu'à la certitude – sans cesse – ajournée ; sans cesse remise à (un peu) plus tard...
La voix qui se perche ; le geste qui tranche ; comme le reste ; comme tout ce qui arrive...
L'absence manifeste de frontière – puissamment martelée...
Privé (si l'on peut dire) de projets et de peines ; pas même désirant...
La quiétude et le jour ; le grand ciel – par devers soi...
*
Le cœur mal en point – disqualifié...
Comme une vieille carcasse abandonnée...
Aussi froid que la pierre ; et les visages...
Aussi vain que l'écume ; trop ancré dans la terre...
Tournoyant au gré de ce qui passe...
Ignorant, au fond, ce qui lui manque...
Derrière le bruit – ce qui attend – ce qui espère ; trop souvent – en vain...
Sur la route ordonnancée – prescrite par le plus grand nombre ; la torpeur collective...
La nudité recouverte par trop de couches (épaisses et inutiles)...
La plaie dissimulée – cachée dans les derniers replis du cœur ; et la tête par-dessus – en gardienne des souvenirs...
De la rocaille – sur la pente – qu'il faut tantôt descendre – tantôt remonter...
Un voyage sans escale – sans (véritable) destination – dont nul ne comprend (véritablement) le sens...
Du côté des arbres...
La fraternité silencieuse...
L'existence simple ; et autosuffisante...
Nous rapprochant – peu à peu...
Des gestes ; et cette passion manifeste pour les hauteurs...
La lente découverte d'une respiration commune...
Et tous les liens qui nous unissent – à travers l'invisible...
Vers soi – de plus en plus ; Dieu – l'Amour – le silence – la solitude – (presque) à ne plus savoir qu'en faire...
Étendus – superposés...
Le passé qui s'effiloche ; le temps qui se disloque...
Et la joie – et le chant – aussi...
Cette sensation des profondeurs ; enveloppé d'immensité...
A corps perdu – nous enfonçant...
Du cri à la grâce – sans effort – sans une seule halte...
*
La boucle qui se répète – au-dedans de la lumière...
L'intermittence et le recommencement...
Le voyage ponctué d'escales ; des séjours guère bénéfiques (ce que laissent deviner l'âme et la figure de ceux qui se reposent – de ceux qui s'octroient une parenthèse)....
Le vent qui dissipe toutes les tentatives – trop hardies – (presque) insensées – d'accumulation...
Sur des millénaires ; des tas de pierres, peu à peu, édifiés en monuments – en territoires...
Le miroir du monde ; dans nos mains rougies...
De la matière qui se soulève...
Le souffle sombre qui unit les hommes...
La foule rassemblée dans la main maîtresse – celle qui donne – celle qui nourrit – celle qui prodigue...
Un torrent de boue par-dessus les épaules...
Et cette armée d'ombres qui s'ébranle ; qui s'avance dans l'obscurité...
Enfoncé dans la chair – le ciel – aussi peu épais que possible...
Moins réalité que manière de penser...
Une forme d'ignorance ; une tentative d'échapper à l'abîme...
Comme une prière trop volontaire...
Une sorte d'enténèbrement qui prend des allures de grâce – agenouillé – les mains jointes – non pour offrir – non pour s'abandonner ; mais pour s'octroyer un couronnement ; obtenir (à peu de frais) un rayonnement (très terrestre)...
Le temps répété...
Le pas au cœur de la danse...
L'élan ; et la nécessité du retour...
L'apparence d'une existence ; de quelque chose de vivant...
A travers nous – l'invention – le voyage – la découverte...
*
Une pierre arrachée à la roche – roulant ici et là – sur sa pente – sans rien savoir du jour et de la lumière...
Divaguant au fil des saisons – au fil des vents – qui se succèdent...
Se tenant dans l'air – sur la route que le ciel a inventée...
Et dans la nuit – notre souffle profond ; comme si la matière était aveugle et vivante...
A l'abri du bruit...
La nudité sans parure...
Sans quitter sa chambre – le voyage...
Le défilé des lieux devant les yeux de plus en plus impassibles...
Le cœur qui s'éloigne du sommeil...
L'âme à notre chevet...
L'esprit à cheval sur l'immobilité ; pendant que le chemin se déroule ; jusqu'à la disparition ; jusqu'au recommencement...
Indéfiniment – la même boucle – avec ses allers et retours...
Ignorant(s) – sans même le savoir...
Appartenant (déjà) à l'immensité...
(Totalement) indissociable(s) du reste...
Sans qualificatif particulier...
Gravitant – depuis les origines – dans les mêmes sphères ; et, souvent, dans les mêmes cercles étroits...
Au seuil de l'espace ; présent(s) à tous les passages ; comme la porte et la comète...
Déjà condamné(s) à la solitude et à la perte – en quelque sorte ; quoi que nous fassions ; le jeu même de la traversée...
Habité – animé – par ce que nul ne voit...
Avec ce qu'il faut de terre pour obéir aux lois de la gravité...
Les pas éclairés par une lumière supportable – (très) peu intense – insuffisante pour des yeux fermés...
Du mystère – des désirs – des prières...
Ce qui entretient le monde – peut-être – en vain...
*
Tambour battant – jusqu'au scintillement de l'étoile ; la face cachée du monde...
Avant la reprise d'un chemin très ancien ; antérieur à l'émergence du temps...
Jusqu'à l'aube première qui donna naissance au souffle et au feu – à l'air et à l'eau ; l'espace originel au cœur du vivant...
De l'autre côté de l'âme – là où l'Autre et les murs érigés autour de soi sont des miroirs – ses propres reflets – la face la plus sombre de notre visage ; et que la lumière, peu à peu, va éclairer ; et que la lumière, peu à peu, va éclaircir...
Une fois fondue toute l'épaisseur de notre existence...
La route qui précède le froid et la lumière...
Au plus près de la terre rouge...
La où le monde et la chaleur accablent...
Sous la déchirure authentique...
L'âme sans porte-à-faux – sans porte-voix ; l’œil droit...
Seul ; et le cœur fraternel et amoureux...
La couleur du miroir – vive – chantante – décuplée par les inventions du monde ; qui lisse – et égaye – efface (presque) – les soubresauts de l'âme...
L'homme soumis à sa propre dictature...
La ligne de fond capable – pourtant – de glisser entre la ruse et la cage...
Vers ce ciel énigmatique – rougeoyant...
Seul – face au mystère (s'il fallait préciser)...
A la jonction de toutes les traversées...
Le centre du périple – de tous les périples...
Pas un lieu ; une sorte d'enracinement...
Comme une évidence – artificiellement entourée de rêves (de tous ceux dont on la pare)...
Au cœur des luttes – au cœur de l'incertitude...
Quelque chose de l'espace et du silence...
Quelque chose de l'immobilité et de la lumière...
Une perspective qui englobe la parole et le pas ; toutes nos (vaines) tentatives ; une présence dont l’œil impartial se moque ; qu'importe l'ardeur que nous lui consacrons ; qu'importe l'indifférence qu'elle suscite ; ce qui invite (bien sûr) à s'abandonner à ce qui s'impose...
*
Par-dessus la fente qui s'élargit...
Le visage en feu...
Le ciel effleuré...
L'air entre la terre et le front...
Le souffle des Dieux sur les âmes en partance...
Et leur chant qui résonne dans quelques têtes – comme un écho – le refrain du plus haut...
Et devant le monde – le mimétisme et le dos courbé ; et pour quelques-uns (plus rares) la fuite ou la sidération...
Notre piètre vaillance pour faire face...
L'homme dans son apprentissage du monde...
Le jour sur nos pas...
Le ciel et la route – confondus...
La chair rétractée par le froid...
Les yeux rompus à la docilité ; et l'âme obéissante...
Vers le franchissement (involontaire) de l'aube...
A foulées lentes sur le sol – de moins en moins encombré ; comme un rapprochement (inévitable)...
Et en point de mire – la blancheur des sommets ; et le crépitement facétieux des cimes ; la joie et la liberté d'un chemin sans pénitence...
Libéré des luttes byzantines – des baisers imposés – des aménités d'usage...
Nous abandonnant à l'espace et au vent ; au vide et à la lumière...
Devenant le reflet – sincère et désintéressé – de l' Amour – le temps d'une longue expiration...
Et assassinant au souffle suivant...
Laissant la perfection agir – s'incarner...
Au plus près de la source ; ce qui surgit – sans penser – sans parti-pris...
Des courbes délicates...
Le jour – imperceptiblement – sur le seuil où l'on se tient...
L'esprit immobile tandis que la chair se déchaîne – tandis que la tête s'éparpille – tandis que les gestes tentent de corrompre (malgré eux – malgré nous) l'innocence et la beauté de celui qui ne sait pas ; et qui obéit aux forces qu'il porte (et qui le traversent)...
*
Dans l'herbe folle...
Le lieu de l'aube...
L'arbre et le ciel...
La roche et la bête...
Et nous – au milieu...
Les talons sur le sol ; le front dans la nuit ; le séant sur la pierre...
A l'abri des hommes...
A l'instant où le jour se lève...
La nudité innocente...
Adossé à la paroi de neige...
Dans la chambre – la montagne – déjà gravie ; et la blancheur au-dessus de ceux qui dorment (encore)...
Face à nous – la gueule du ventre ; les dents qui mastiquent ; l'éternel recommencement de la faim et du temps...
Ce qui traîne – ce qui tournoie – au lieu d'aller comme la flèche ; vers la source qui attend sa descendance...
Le silence – en ce recoin planétaire...
La terre aimante...
L'ignorance à décharge...
L'hypothèse de l'engagement – contre les assauts de l'indifférence...
Le regard ; et le geste spontané (sans réelle application) – juste (très) naturellement...
En faveur de l'innocence et du sourire...
Cette alliance commune et invisible...
Le soleil à l'horizon – comme une tête rouge...
Le cœur nu du monde – en offrande...
Le temple naturel aux autels innombrables...
Et nos vies – et nos gestes – comme d'incessantes prières...
Le désert qui vient en aide à nos désirs – à notre indigence...
Avec un surcroît de présence ; un regard plus affûté ; au lieu de l'abondance habituelle – au lieu de tous ces amas de choses...
Sans rien demander sur le voyage – sur la destination...
Allant l'âme baissée – le sourire (ou la grimace) aux lèvres...
Entre sagesse et idiotie – les pas de l'homme...
Sans rien découvrir sinon le parfum des fleurs – l'ombre des arbres – l'immensité du ciel ; et la faim des bêtes qui partout domine (en chacun) sur cette terre...
Avec quelques étoiles (parfois) au fond des yeux – aussi brillantes que l'or qui affame les cœurs cupides...
Le visage triste ou rieur – impassible (l'essentiel du temps) ; comme si l'on ne comprenait rien au monde – aux circonstances – comme si tout avait la plus haute importance – jamais (presque jamais) comme si nous n'étions qu'un rêve...
La terre complice de tous les mensonges – de tous les outrages – de toutes les inventions...
Des créatures et des choses – comme des instruments ; des paroles – comme des sons sans signification...
Sous les pas – au fond du cœur – la crainte – la terreur ; tant de facettes – tant de visages (apparemment) incompatibles avec l'Amour – la joie – le silence...
Nous ; exclu(s) et excessif(s) ; comme pris au dépourvu ; pris en flagrant délit d'existence – en quelque sorte...
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Le monde éclairé par la route empruntée – le périple...
Par devers nous – la déchirure et l'incendie...
La violence du vent contre le front – au cours de la marche...
La chair lacérée ; les circonstances...
Face aux Autres – face aux murs et aux frontières ; notre propre visage ; le seul horizon terrestre – en définitive...
A travers le souffle – le feu...
Le monde ; un autre nom pour se nommer...
Sur le seuil de la même porte ; le vide – rien – à quelques vétilles près...
Ce qui nous distingue – peut-être – du ciel...
Et des poignées de fleurs vivantes – en offrande...
Et le sort des arbres ; et notre incompréhension à demeurer entre le sol et les premières hauteurs – au cœur de cet (éternel) entre-deux humain...
Frère des bêtes – ami des arbres – compagnon des fleurs et des pierres...
Habitant de la forêt – au même titre que la martre et le renard...
Le destin sylvestre et solitaire...
Proche du chant et de la source...
A sentir – en soi – croître l'Amour et l'indistinction ; le monde de l'invisible...
Muet – sans autre parole que celle qui s'écrit ; la seule floraison possible...
Attendant – comme les siens – le repos de l'hiver – le sol et les frondaisons nus – le désert et la neige...
Ancré(s) dans le refus des siècles et de la modernité (offerte par les hommes)...
Chacun à sa manière ; comme les oiseaux de passage – aussi libre(s) que possible dans cet espace sauvage qui s'atrophie...
*
Trait pour trait – le prolongement du monde – de l'origine...
Terre et ciel – projetés dans l'espace ; matière et symboles...
Dans le même lieu – Dieu et le magma mouvant – vivant – guère éloignés l'un de l'autre ; (très) secrètement – (très) savamment – mélangés – intriqués – sans qu'aucun ne soit capable de dire ce qui relève de lui et ce qui relève de l'argile...
Le vide ; et toutes ses têtes – penchés sur ce qui se fait entendre...
Une manière de s'accompagner ; le sol sous les pieds et l'immensité au-dessus du monde ; et dans le cœur de chacun...
L'infini en boucle ; des racines aux dernières nouveautés...
Le cœur en rivage – comme un commencement ; les débuts de l'âme – peut-être...
Et le monde comme de l'eau – un océan minuscule face à la grève qu'il heurte – qu'il caresse...
L'éternel jeu de l'invisible et de la matière – sans doute...
Ici – ailleurs – qu'importe – le même jour – la même ardeur – et le même silence (à la fin)...
L’œil du jour – l’œil du temps – face au visage du monde...
Et l'éternité – complice de cette assise – de ce périple – de cette (perpétuelle) transformation...
D'un lieu à l'autre – sans jamais rien quitter...
D'une nudité à l'autre – à travers l'abondance – à travers tous les déguisements – et tous les amassements – imaginables...
Et notre absence encore ; et le ciel en gage ; au cours de ce long voyage ; le pas vers le geste – le silence – le mystère...
*
La terre comme un seuil ; bien davantage qu'une épreuve – bien davantage qu'un horizon...
Une manière de vivre – de marcher – d'habiter le monde – de rencontrer ce qui nous entoure – ce que nous croisons – ce qui nous fait face ; les yeux ouverts – de plus en plus...
Le lent travail de l'âme sur la pierre...
Et – peu à peu – le ciel et la clarté ; et le cœur comme une évidence ; la seule nécessité de l'homme – des choses animées...
Sans peur ; ce qui a lieu ; et ce qu'il faut embrasser...
Au fond de la mélasse – l'usure et la fatigue...
Les parois lisses ; la verticalité impossible...
Et ça roule – et ça chute ; et ça s'enlise dans cette nuit brûlante...
Le périple terrestre – comme une fuite – une tentative de fuite – aussi vaine que l'espérance...
Nous rapprochant – autour de la pauvreté ; la vérité vivante de ceux qui respirent ; cette gloire humble – le front dressé face à l'épreuve – la tête baissée face au ciel…
Sûr(s) de rien ; mais jamais oublieux de l'essentiel...
Au bord de tous les cercles – dans l'intimité de ce qui existe...
Les forces – en soi – qui nous animent ; et qui nous portent...
Au plus près – toujours – du mystère qui, sans cesse, se réinvente ; et se révèle...
Comme toutes les farces ; le monde – indissociable du rire...
La légèreté face à la gravité des hommes...
Et l'austérité face à leur (incurable) frivolité...
Se tourner vers soi comme si les Autres étaient des mirages ; un chemin sans issue (véritable)...
Un ciel davantage qu'une terre à habiter ; et d'autres fois (tout simplement) l'inverse...
*
Le monde traversé – de part en part...
Et la neige – à notre seuil...
Et les éclats de la route incrustés dans l'âme et la chair...
Et le feu qui gagne – chaque jour – peu à peu – le fond du cœur...
En attendant l'union – l'immensité – le grand embrasement...
Face au mur – le lointain inchangé...
Le parfum du grand large ; et nos yeux aux aguets – cherchant une faille – un interstice – où se cacher – où se faufiler...
Vers le voyage ou le repli – selon le tempérament – selon la destinée...
Le souffle – le ciel...
Sur cette terre – trop longuement – parfois...
Jusqu'au plus haut – jusqu'à l'extinction...
Et tous les nœuds rencontrés jusqu'à ce que nous délaissions le fil...
Le regard un peu perdu face au vide – face à l'étendue...
La terre tournante – comme tous les astres – comme toutes les têtes...
Le temps qui, peu à peu, s'inscrit dans la chair...
Imitant la couleur (naturelle) des contrées initiales – à l'est du monde...
Mais que l'on ne s'y trompe pas ; ici – comme ailleurs – dans le cosmos – on sait que d'autres réalités existent – parallèles à celle dans laquelle la plupart s'imagine vivre [et auxquelles on a (plus ou moins) accès selon l'acuité du regard et le degré de sensibilité]...
Nous y sommes (déjà) – bien sûr – sans réellement y être...
Qu'importe que tout tourne – que tout change – que nous ne nous reconnaissions pas...
Le geste dans l'exact prolongement de la main ; et la main dans l'exact prolongement du cœur...
D'autres choses – d'autres horizons ; avec d'autres martyrs et d'autres bourreaux...
La terre-miroir – face au même soleil...
Face au monde – frissonnant...
A notre approche – la roue active...
L'émergence des possibilités...
L'apparence intacte ; en dépit du reste...
Tant de fissures dans nos certitudes ; et tant d'énigmes dans nos découvertes ; que nul ne pourrait deviner à moins qu'il sache ce qu'il porte aussi...
*
La voix – le souffle ; l'air tendu – l'air en attente...
Le ciel étreint – au-dedans de la parole...
Loin des tenailles d'autrefois – agrippant en pure perte...
Comme une offrande ; le ciel à soi – puis, soi au monde – à la périphérie de l'immensité...
Des embrassades en boucle – en quelque sorte...
Du bleu au bleu – à travers notre (incompréhensible et inévitable) labeur...
L'incessante recomposition du puzzle...
Des traces rudimentaires d'Absolu...
Des signes – des gestes – des pas ; une danse...
L'exact déroulé de l'attention ; le monde en désordre...
Tous les éclats de mensonge et de banalité – compris...
Un assemblage d'éléments apparemment disparates...
Au cœur de l'être – pourtant – bordé de jour et d'immensité – contrairement à ce que l'on voit – contrairement à ce qui semble avoir lieu en ce monde...
Au jour annoncé – trop prévisible – la déception...
La nuit résistante ; la clarté assombrie...
Comme toucher du doigt le bleu qui, soudain, se retire...
Le noir à la place de la couleur escomptée...
Croyances encore ; quelque chose entre la récompense et l'utopie...
La clameur du monde que notre ardeur ne peut faire reculer...
Et rien qui ne puisse amoindrir la fatigue et l'obscurcissement...
A nous obstiner ; tant que nous pourrons durer (jusqu'à nos dernières forces)...
Pourchassant – en vain – le silence – pour le soustraire ou s'en emparer...
Le voyage – sans bouger...
Du rêve et de la gesticulation – pourtant ; si communs qu'ils donnent à nos gestes – à notre respiration – à nos vies – des airs d'immobilité...
Ainsi va – et se vit ; et se pense – le monde...
*
La respiration métamorphosée – à l'intérieur...
Le souffle aéré...
Et de la buée sur le monde ; cette chose intermédiaire...
A terme – sans inquiétude ; la question de la mort et du vivant (en partie) réglée – en partie effacée...
Le lieu du commencement et de la (réelle) transformation...
A chaque extrémité du temps ; et au cœur de l'intervalle (bien sûr)...
A cet instant ; le pressentiment de l'éternité – peut-être...
Nulle part – le centre de l'espace...
Et la froideur du monde...
Et la naissance ; et la disparition...
Et l'existence que personne n'habite – que personne ne comprend...
Déclinant – sur ce chimérique chemin...
Le front face au ciel et au soleil...
Au milieu des morts et de la lumière...
Demain – peut-être ; demain déjà ; à moins que le vent ne se soit tu ; à moins que nous n'ayons jamais existé ; à moins que nous ne soyons que le rêve d'un Autre...
Au cœur de l'aube – la naissance ; la sève édificatrice...
Le labeur qui émerge des racines...
L’œuvre du ciel sur tous les horizons...
En notre propre compagnie...
La musique du monde vissée dans le souffle – dans le sang...
Notre humanité (strictement) naturelle...
Le jour matinal – à la cime des arbres...
La tendresse du chant qui monte...
L'Amour et la lumière – se rejoignant ; inondant le ciel et la terre...
La joie ruisselante – comme le seul présent possible ; issu(e) de la source...
Ce qui irradie – ce qui s'offre – ce qui se divise et s'éparpille ; l'invisible dans son œuvre de dissémination...
L'entente et le sens vécu...
Jusqu'au dernier jour ; l'histoire du monde ; ce qui remplacera, sans doute – un jour, la place (et le rôle) de l'homme (ceux qu'il s'est – orgueilleusement – attribué)...
*
A genoux – la lumière...
Le visage et le vent – tournés – ensemble – dans la même direction...
Le sol habité – la terre caressée – le soleil généreux et célébré...
Ce qui vient ; accueilli et honoré...
Considérés comme des Dieux vivants ; les êtres et les choses...
Ainsi se réalise l’éden ; le regard couronné...
La foulée agile...
A la hauteur appropriée...
Le ciel à son comble ; le cœur rassasié...
L'existence reçue – et vécue – sur cette pierre (d'apparence) solide...
Au juste emplacement...
Avec les cimes qui s'inversent à l'instant opportun – sans oublier (bien sûr) la place des morts...
Et le froid – tout autour ; parmi des éclats de tendresse...
La paroi parsemée de pointes et de promesses...
Et cette plainte – comme une clameur – qui monte vers l'autre versant de l'immensité ; ce bleu (vaguement) entraperçu – porteur d'innocence...
Le seul passage – vers l'immobilité...
Le cœur naturel et obéissant ; de plus en plus...
L'absence transmutée en œil – en attention...
A veiller au centre de l'espace...
Sans désir – sans prière ; confiant...
L'envol au-dedans ; hors du labyrinthe...
A voyager sans fin ; comme s'il n'y avait de lieu à atteindre ; quelque chose – un seuil peut-être – à franchir...
Ni refus – ni refuge...
Comme l'oiseau dans son vol sans repos...
Cette migration incessante et naturelle...
D'une rive à l'autre – sans (jamais) s'arrêter ; et la halte nécessaire – en soi – seul – au cœur de l'immensité...
Et l'élan (bien sûr) orchestré par les forces mystérieuses qui nous habitent – qui nous entourent – à l'intérieur...
De la source à la source – à travers toutes les péripéties – à travers toutes les identités ; et ainsi le voyage se poursuit ; et ainsi recommence la vie...
*
Bien avant que nous ne soyons...
Antérieurement à l'attente...
Dans la ressemblance des lointains...
Accolé(s) au jour ; affranchi(s) des malheurs...
Le soleil et la charge – confondus...
Au cœur de l'invisible ; ce qui circule entre le ciel – la roche et les vivants...
Porteur(s) de rêves bruts – proches de la source ; des vies (presque) incorruptibles...
Puis, l'oubli ; et la naissance du temps – du monde – de l'homme...
Le règne hégémonique de l'écume...
Le ciel ; de l'autre côté de la terre...
Des volutes bleues ; l'invisible à l’œuvre...
Ressenti – imaginé – davantage qu'aperçu...
Ni récolte – ni face à face ; plutôt une sorte d'évanouissement – de consumation ; une manière de s'effacer devant l'essentiel...
Sans attache ; le front obéissant ; et le talon directeur ; là où l'âme résonne plus fort...
Un pas ; le monde – dans la main – rassemblé...
Au cœur du chant et de l'aventure ; notre manière d'habiter la terre...
L'âme éprise du ciel...
Face à la feuille – le silence...
Au milieu des arbres ; quelque chose de la magie et du merveilleux...
De la joie ; et la parole prise au dépourvu...
Jouer entre le soleil et l'éternité – entre l'abîme et la mort ; sur cette terre hostile et généreuse...
Comme au commencement du monde...
Des brèches – des chemins – des disparitions ; la vie qui passe...
Cette traversée heureuse – sans rien savoir – sans rien espérer...
Debout – le front dressé – dans la nuit magnétique...
A contempler ce qui nous entoure ; ce que nous portons ; ce qui nous compose...
A s'offrir au labeur du reste...
Sans charge – sans parti-pris ; libre des jougs et des affranchissements ; ouvert à tous les possibles ; vivant peut-être – comme il se doit...
*
Le sol – sous nos pas – s'éclaircissant...
Les uns sur les autres – sous le soleil...
Aux heures sonnantes – le jour qui résonne...
L'âme précipitée dans la matière – contrainte de traverser l'épaisseur ; sans triomphe – sans coup d'éclat (aussi discrètement que possible)...
Jusqu'au plus ancien vestige des mondes d'autrefois...
Jusqu'au jour où l'on se retrouve – seul (bien sûr) – au seuil de l'immensité – face à la lumière qui vient inonder le regard...
Le baiser (raboteux) des aspérités – sur cette pente du monde empruntée...
Le cœur dans la poussière – poussif – se traînant – parmi des brassées de fleurs...
Et le nom épelé de tous les morts qu'ont connus les siècles – épinglé, un à un, sur l'autel des temples terrestres – sur le sol mouillé de sang ; sur les façades suintantes de sueur devant lesquelles se pressent – et patientent – les nouveaux arrivants ; l'âme transpirant (à juste titre) l'angoisse et la crainte...
Le bruissement du temps ; l'âme affolée qui parcourt le monde à grandes enjambées...
Le cauchemar quotidien de ceux que la mort angoisse – battant la ville et la campagne en quête de (quelques) consolations...
Sans rien voir – sans rien savoir...
La vie qui passe – jusqu'au dernier soir – jusqu'au dernier souffle – jusqu'à la dernière poignée de terre que l'on jettera sur la planche qui recouvrira le corps...
La tête occupée par toutes sortes de tentations...
Et l'espoir d'aller aussi libre que le vent ; pas davantage qu'une volonté défaillante face à un amoncellement d'immondices...
Jouant – sans cesse – jouant à faire semblant ; s'abritant derrière mille mensonges – se parant de mille déguisements – sous la lumière (toujours aussi) peu encline à la duperie ; et sévère (si sévère) avec les histrions et les usurpateurs...
Face à personne ; les mêmes attaques ; et autant (bien sûr) de coups d'épée dans l'eau ; ce qui (contre toute attente) décuple l'ambition – et la besogne – théâtrales...
*
Parmi d'Autres ; quelque chose comme le vent...
Le cœur du monde – aussi triste que les âmes...
Ce qui heurte ; et des fleurs aussi – comme un décor (principalement)...
La route qui serpente – la roue qui tournoie...
Le temps comme épris de lui-même – se courant après (en quelque sorte) – essayant de se rattraper...
Et l'air dans les bras de celui qui étreint...
Et le baiser dans le vide ou qui effleure la roche...
Comment ne pourrait-on apprécier la solitude...
Personne – sur ces rives – où la nuit s'étire sans fin...
Comme un long voyage ; ou un rêve, peut-être, que nul (jamais) ne pourra partager...
Écorché – contre les murs – des barbelés...
De la tendresse arrachée à coups de promesses – à coups de récompenses...
Et toutes ces pierres que l'on jette sur ceux qui résident hors du cercle...
Des assauts et des remparts ; ce qu'il faut pour tenter de sauver sa peau ; demeurer au centre du territoire et faire fuir les importuns – se défendre (et se battre) contre (à peu près) tous les Autres...
A mesure du voyage – l'abandon ; ce qui se détache ; tout bien pesé – pas grand-chose ; ce que nous portons ; un bric-à-brac d'idées et d'asservissements – des désirs et des illusions – qui finissent, peu à peu, par flétrir...
Puis – un jour – sans crier gare – l'âme toute racornie – face au vide ; ce qui prêterait à rire [si nous n'étions pas si grave(s) ; si nous avions compris – un tant soit peu – l'absurde et fabuleuse situation des créatures terrestres]...
La nuit inclinée...
La tête vers le jour qui se lève ; à cette allure lente de géant...
La marche à l'épreuve ; sur l'axe invisible des étoiles...
D'une extrémité à l'autre – sans croyance – sans promesse – sans tromperie...
Le temps qui s'oublie...
Et l'immensité – devant nous – qui s'ouvre – qui s'offre...
*
L'écoute ; la terre entendue...
Les rires ricochant...
Les grondements sourds des entrailles...
Dans les galeries du sous-sol – la faille encerclée par les vigies – les gardes vigilants de la psyché...
Et, au fond, la soif qui nous tenaille – qui nous assaille...
Et, à la surface, les âmes – sous le soleil – desséchées...
La suite du voyage par l'embrasure – l'étroit passage – réservée à ceux dont les forces portent naturellement au retrait et à l'effacement...
La seule issue – le seul succès – possibles ; discrets et involontaires (bien sûr)...
La route desservie...
La poussière qui s'agglomère sous les pas...
Le jour – le souffle – le feu ; ce qui nous anime ; et ce qui donne l'élan nécessaire pour marcher vers le mystère que l'on abrite ; et que l'on cherche (pendant quelque temps) au-dehors ; jusqu'à l'énergie du désespoir – puis au-delà ; lorsque l'on est (enfin) prêt à découvrir la seule foulée qui compte...
D'un seuil à l'autre ; de l'infime à l'infini – puis, de l'infini à l'infime – comme une respiration naturelle – (plus ou moins) libre – (plus ou moins) sensible et lumineuse...
Des rêves de fils et d'emmêlements ; ainsi (sans doute) se pense la trame...
Des nœuds dans l'espace...
Ni perte – ni gain ; seulement – des tâches qui s'accomplissent ; des choses qui apparaissent ; des choses qui disparaissent...
Des reflets passagers ; et l'Absolu qui scintille – à travers...
Qu'importe la lumière ou l'assombrissement ; qu'importe la venue – le départ – la transformation ; quelque chose – en nous – en chacun – en deçà et au-delà des choses – (parfaitement) affranchi du monde – qui contemple...
Ni bête – ni homme...
Des courbes arrondies ; et des recoins anguleux...
Des lèvres à la place de la bouche...
Et la soif à la place du ventre...
L'Absolu – en point de mire ; ce sur quoi nul (en ce monde) ne parierait...
*
La sève – jusqu'au bleu...
Du sol au ciel – d'un seul trait...
La terre chahutée ; des sillons – des ornières – où l'on glisse – où l'on s'enlise...
Le labeur de la créature – autour de la blessure – avant de plonger dans la douleur...
La chair dans laquelle on s'enfonce...
Les mains rougies – les mains brûlantes...
Vers la brèche – le tombeau ; avant que ne s'ouvre l'espace – avant que n'apparaisse le bleu ; inopinément – au-delà de l'espérance – au-delà du désespoir ; lorsque le noir nous avale ; lorsque la mort nous désigne du doigt et que tout recul devient impossible...
Dans la chambre – la lumière – déjà...
L'avant-poste de l'Amour (sans même qu'on le sache)...
La solitude et l'immobilité...
A l'écart du monde des hommes...
Quelque chose comme une route – un éclair ; les prémices de la blancheur (sans doute)...
La tête écartelée par le temps...
Asservie à la patience – dans le cadre défini par les lois humaines – impropre, en somme, à occuper l'espace ; et, dans l'espace, la place centrale...
Comme un fauve – plutôt – le cœur en cage...
Et quelques étoiles pour s'occuper ; comme un apprentissage du sommeil ; le rôle essentiel de l'obscurité...
Et des rêves – en troupeau – que l'on harponne en gémissant – les yeux fermés...
Et l'épaisseur qui nous avale ; nous – la nuit – la tête – les rêves et les étoiles – brinquebalés dans le roulis des heures et des saisons...
D'une tempête à l'autre – sur notre couche – immobile(s) – déjà mort(s) peut-être...
*
Le ciel ouvert...
Les vents en enfilade...
Les tempêtes – en soi – apaisées...
Sur l'enclume – le fer martelé...
La respiration aride ; la lumière maculée...
Le feu – la force ; et la poussière...
La danse des bras dans l'air...
L'âme tournée (tout entière) vers cette trouée rouge vivante...
La lame façonnée par l'invisible et l'ardeur...
Ce qui apparaît ; et ce qui reste caché dans les profondeurs...
Au milieu des pierres...
Et, parfois, cette pluie poisseuse sur la parole ; la page fragile et déchirée...
Face au jour – face à la lumière...
Le souffle court – la main tremblante...
Trop d'hésitations – sans doute – pour maintenir le silence des Dieux – le bleu approbateur – dans l'encre jaillissante...
A l'orée du monde – là où se terrent les ermites et les bêtes...
Derrière d'épais taillis – aux pieds d'arbres centenaires...
Le jour – dans la main – qui se lève...
Le chant et l'encre – jamais taris – qui montent le long des âmes...
Au cœur du silence vivant de la forêt...
Sur toutes les cimes ; dans toutes les têtes ; le ciel complice – le ciel apprivoisé...
Ce pour quoi nous demeurons loin des hommes...
Boursouflés d'orgueil et d'absence ; ceux qui s'imaginent maîtres du monde et de l'espace ; et qui sont moins qu'une virgule dans le (très mince) volume de l'histoire de la terre...
Une injure (à peine) à l’ineffable – une indécente (et marginale) excroissance des lois et de la matière naturelles – tant ils sont insignifiants...
L'avènement de l'homme ; à peu près rien – aux yeux du temps et de l'éternité – aux yeux de la lumière – aux yeux de l'innocence et de l'immensité ; quelques tourbillons au cœur de l'infini – au cœur de la vacuité...
*
L'homme stationnaire – au bord du chemin...
La face ombragée – au milieu des vents...
Des rangées de pierres alignées...
Des milliers – des millions – de choses ; et une place pour chaque chose...
La route sous les pieds ; la tête s'imaginant...
L'ailleurs nécessaire ; juste à côté...
Des murs ; de longues séries de murs – à la manière d'un labyrinthe – d'une enceinte close – sans autre issue que la prière...
Et ainsi jusqu'à la mort – sans explication...
La terre défaite – embrassée...
Le front – et les lèvres – contre elle...
La parole douce ; l'esprit apaisé...
Les mains sur le sol rêche – caressantes...
Dans l'obscurité du désir...
A perte de vue – le ciel ; toutes les possibilités...
Et nous – passant (assez énigmatiquement) d'une combinaison à l'autre...
Ici – ni (vraiment) pour eux – ni (vraiment) pour nous...
Sans (véritable) innocence...
Ni mal – ni bien ; (très) instinctivement...
Le pas et la parole ; et le geste – mécaniques...
Une existence comme une autre – sans (réelle) importance...
Les yeux bandés ; et les mains comme attachées derrière le dos...
Et la tête pas assurée d'être là...
A peine – un souffle ; un peu de rêve et d'ardeur...
L'âme ailleurs – assurément – errant (sans doute) en de moins hostiles contrées...
Non coupable(s) – bien sûr...
Jusqu'à l'obscénité ; le regard clair ou torve – qu'importe...
Des images amassées – entassées – qui remplissent la tête et l'âme – jusqu'à la garde...
Des désirs et des souvenirs ; à l'origine (sans doute) des principaux élans…
Et le manque comme un cri que le monde apaise – (très) provisoirement – (très) médiocrement...
Et dans les tombes – des innocents aux mains rouges et armées qui n'ont jamais tremblé devant la mort...
*
Le jour – au loin ; si loin de l'expérience terrestre commune...
Attablé devant l'étendue – devant l'inconnu ; la sébile tendue ; et les yeux fermés...
Le monde rompu à l'ignorance et à la faim – jamais rassasié(es)...
Du feu – des murs – des morts...
Nulle (réelle) liberté au milieu des pierres et des vivants...
Comme encastré(s) dans la matière ; et l'âme étonnée qui s'agite – qui se débat – qui s'affaire – qui cherche (en vain) une issue – un passage – une possibilité...
Entouré(s) par les vents...
Au pied de (hautes) parois d'argile...
Le regard de l'homme tourné vers l'horizon – pataugeant dans sa flaque de boue – sous une lumière froide et lointaine...
Au cœur d'une nuit abyssale – conquérante...
Cherchant un intervalle – le moindre interstice – comme une respiration ; le début d'un voyage – peut-être...
Par le même chemin – le jour et la nuit ; pénétrant la terre – la chair – l'esprit...
L'itinéraire des abysses – des monts – des vallées et des prairies...
A travers la lumière – à travers la forêt – les arbres et les âmes qui se dressent...
Sans plainte – dévoué(e)s à la cause commune...
Sans pouvoir oser davantage (ou autre chose)...
Le dos voûté par la charge ; et le sens (assez vain) des responsabilités...
L'insouciance oubliée – comme les jeux de l'enfance – au bord de la rivière – où l'on passait (sans crainte – comme par mégarde) d'une rive à l'autre...
La vie – la mort – sans (véritable) distinction – sur le même chemin de pierres...
Les questions – en vrac – par devers soi...
A suivre – en silence – les indications des Dieux – les indications du vent...
L'itinéraire ; la direction de l'innocence...
Les yeux ouverts ; et le cœur accueillant – de plus en plus...
Et cette joie qui, peu à peu, efface – et remplace – toutes les questions...
*
Contre l'âpreté du monde – l'âme et la peau – irritées – hérissées...
Un peu de fraîcheur pour faire face – pour faire front ; de l'encre nouvelle et cette terre surprenante sur laquelle on parvient, parfois, à se hisser...
La vie – le voyage ; comme le jour ininterrompu...
Immobile – sur ce sol – sans attache...
Et pourtant...
Le corps – le souffle – entravés...
Au-dehors – le vent ; au-dedans – l'absence d'air...
Et ces Autres – tous ces Autres ; comme s'ils avaient envahi toute la surface de la terre...
Le soleil – à nos côtés ; et cette nuit contre laquelle, sans cesse, nous nous heurtons...
Jour après jour – le même abîme qui se creuse...
Ici – sans bénédiction...
A faire remonter la lie cachée sous les fausses amitiés – les fraternités apparentes...
De la terre – encore ; de la terre (presque) toujours...
Les instincts qui ont précédé le souffle – inaliénables ; cette âpreté à vivre sous les aménités...
Pas un seul espoir de ce côté-là (tant que la nécessité sera à l’œuvre)...
Nous enfonçant dans l'absence et l'obscurité ; la tête (parfaitement) immergée...
L'âme sans un cri...
Le passage – la transformation peut-être – vers le rien (le plus rien)...
Ensemble – apparemment ensemble – sans (véritable) entente...
La vie – le vent – la mort – comme ils viennent – comme ils se présentent...
Et cette éternité – et l'invisible – et la matière – qu'il nous appartient d'apprivoiser...
*
Là où l'épaisseur de la terre occupe (et préoccupe parfois)...
Sans oxygène – sans fenêtre...
Le labeur acharné (plus qu'acharné)...
Tout ; avec ces remparts – cet entrelac de murs – de frontières – de barbelés ; cet atroce sentiment d'enfermement...
Le sort – et la perspective – de tous les habitants du labyrinthe ; le petit peuple de la surface...
Le plus tangible ; ce qui brûle avec ce qui recommence...
Les seuls étais (sans doute) dont on dispose...
Trois fois rien (en vérité) ; et moins encore à l'horizon ; et moins encore dans l'espérance...
Pauvres infirmes qui ne voient que les chemins à angles droits ; jamais ce qui serpente dans le flou et l'invisible...
De simples reflets sur la pierre nue...
Des guerres ; et des jeux sans éclat...
Rempli(s) de ciel et de tendresse – paraît-il ; entre les pièges...
Ni songe – ni vérité ; rien de définitif ; seulement – le sens des retrouvailles et de l'éloignement...
La mesure de l'écart – en quelque sorte – que porte – malgré elle – malgré lui – tout geste – toute parole – toute foulée...
Le centre ; et le fond, parfois, pénétré par les Autres...
L'éternel mouvement – l'éternel voyage ; sans rien oublier ; ni la source – ni la plus lointaine périphérie...
L'ardeur chantée ; la clé du royaume ; une manière active de prier...
Toutes les zones du territoire – célébrées...
Le rythme pur – indicatif – porteur de joie et de liberté...
Hôte(s) de la lumière – en quelque sorte...
Communiant sans compréhension raisonnée ; quelque chose qui s'offre – se devine – se ressent...
L'essence de l'existence terrestre – sans doute...
*
En nous – le feu...
Et l'imaginaire comme une trouée...
Et devant – l'étendue ; ce que nul ne connaît (ce que certains disent connaître)...
La chambre – le monde ; le même appel...
Et quel que soit le lieu – toujours la même distance qui sépare des choses – des Autres – de nous-même(s)...
Trop dispersé(s) – peut-être...
Et cette fuite en avant ; et cette consumation (intérieure) qui nous guette...
La terre rouge – lavée par nos larmes...
Un pied sur la pierre ; et l'autre en déséquilibre sur l'âme...
Ce qui nous porte ; avec le ciel...
Le plus sauvage ; et cette (étrange) intimité avec les arbres...
A l'endroit du vide ; rien ni personne – bien sûr...
Là-bas – la terre indigène ; celle qui a connu l'ivresse des premières heures – la naissance du temps ; et leur exact contraire ; la corruption – la déperdition...
L’œil maintenu en déséquilibre – pendant des millénaires – angoissé – parasité par toutes les promesses du monde...
L'esprit veule et docile – le cœur avide et grossier ; le dos courbé et obéissant...
Peu à peu – incorporé(s) à la modernité – à la longue liste des chimères – à l'illusion commune – généralisée...
Si loin du premier enfantement ; et de l'authenticité initiale...
Comme une longue agonie ; le fruit amer – toxique – mortel – de l'uniformisation...
Devant soi – l'océan...
Aux abords de l'intériorité...
Assez loin des rives souffreteuses qui s'épanchent (et qui aiment s'épancher)...
Au-dessus des heurts et des ports de tête altiers...
Parvenu ici – sans aile – sans offenser personne...
Face à la source – face à l'immensité...
*
Entrecoupés de blancheur et de silence ; le monde – l'abstraction – la douleur – l'arbitraire...
Au royaume de la pierre et du rayonnement...
Au royaume de l'indifférence et des champs de bataille...
Placé(s) ici (sans préavis) – entre le sommeil – le feu et la folie...
A essayer (assez vainement) d'aller du côté du ciel – de l'invisible entraperçu...
Dans la même ornière (bien sûr) que tous les Autres parqués devant les murs de l'enceinte où nous sommes nés...
La vie en suspens – comme arrêtée...
Par-dessus la matière visible ; ce qui ne se voit pas...
L'écoute ; la présence de ceux qui prient...
Et des yeux sous les pierres – à l'affût...
Des bêtes et des Dieux ; tous ceux qui accompagnent nos vies – indistinctement ; des mains jointes – des mains qui se lèvent – des mains qui se tendent – des mains qui caressent et des mains qui frappent...
D'un seul souffle ; à travers tous nos cris...
Et cette veille commune qui ressemble à un rêve ; comme le monde – les Autres – ce qui semble exister...
Et au-dessus – l'imaginaire ; et par-dessus – l'espace inexploré...
Mille chemins bordés tantôt de fleurs – tantôt de visages – tantôt d'étoiles...
Et jusqu'aux sources de la lumière ; mille trébuchements ; et tous ceux qui piétinent depuis des siècles...
Sans que jamais ne sonne le glas du réveil...
Engoncé(s) dans la matière ; comme si elle nous recouvrait ; comme si la nudité était faite d'une autre substance ; peu visible – inconnue...
Et nous – ici – à nous débattre – comme si la vie – comme si le monde – comme si les visages et les choses – nous gênaient – comme si quelque chose nous étouffait...
(Presque) incapable(s) de satisfaire notre (insatiable) besoin de lumière et de liberté...
*
Autour de soi – réunis...
La terre et l'infini – confondus...
La plaie ouverte – sans douleur (à présent)...
A genoux sur la pierre...
La prière naturelle – incorporée aux gestes (à tous les gestes)...
La parole ; quelques riens ; un peu de vent...
Sur la page – les lèvres ; le ciel qui se prête au jeu...
Lui et nous – presque à égalité...
Sous les arbres – encore...
Le souffle sur l'épaule...
La terre blanche...
De l'autre côté du ciel – sur une autre rive (sans aucun doute)...
Dans notre main – la lampe et le lointain...
L'instant sans devenir...
Le visage couronné malgré les murs...
Au-dessus (bien au-dessus) du monde ; le vide et le silence...