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LES CARNETS METAPHYSIQUES & SPIRITUELS

A propos

La quête de sens
Le passage vers l’impersonnel
L’exploration de l’être
L’intégration à la présence


Carnet n°1
L’innocence bafouée
Récit / 1997 / La quête de sens

Carnet n°2
Le naïf
Fiction / 1998 / La quête de sens

Carnet n°3
Une traversée du monde
Journal / 1999 / La quête de sens

Carnet n°4
Le marionnettiste
Fiction / 2000 / La quête de sens

Carnet n°5
Un Robinson moderne
Récit / 2001 / La quête de sens

Carnet n°6
Une chienne de vie
Fiction jeunesse / 2002/ Hors catégorie

Carnet n°7
Pensées vagabondes
Recueil / 2003 / La quête de sens

Carnet n°8
Le voyage clandestin
Récit jeunesse / 2004 / Hors catégorie

Carnet n°9
Le petit chercheur Livre 1
Conte / 2004 / La quête de sens

Carnet n°10
Le petit chercheur Livre 2
Conte / 2004 / La quête de sens

Carnet n°11 
Le petit chercheur Livre 3
Conte / 2004 / La quête de sens

Carnet n°12
Autoportrait aux visages
Récit / 2005 / La quête de sens

Carnet n°13
Quêteur de sens
Recueil / 2005 / La quête de sens

Carnet n°14
Enchaînements
Récit / 2006 / Hors catégorie

Carnet n°15
Regards croisés
Pensées et photographies / 2006 / Hors catégorie

Carnet n°16
Traversée commune Intro
Livre expérimental / 2007 / La quête de sens

C
arnet n°17
Traversée commune Livre 1
Récit / 2007 / La quête de sens

Carnet n°18
Traversée commune Livre 2
Fiction / 2007/ La quête de sens

Carnet n°19
Traversée commune Livre 3
Récit & fiction / 2007 / La quête de sens

Carnet n°20
Traversée commune Livre 4
Récit & pensées / 2007 / La quête de sens

Carnet n°21
Traversée commune Livre 5
Récit & pensées / 2007 / La quête de sens

Carnet n°22
Traversée commune Livre 6
Journal / 2007 / La quête de sens

Carnet n°23
Traversée commune Livre 7
Poésie / 2007 / La quête de sens

Carnet n°24
Traversée commune Livre 8
Pensées / 2007 / La quête de sens

Carnet n°25
Traversée commune Livre 9
Journal / 2007 / La quête de sens

Carnet n°26
Traversée commune Livre 10
Guides & synthèse / 2007 / La quête de sens

Carnet n°27
Au seuil de la mi-saison
Journal / 2008 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°28
L'Homme-pagaille
Récit / 2008 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°29
Saisons souterraines
Journal poétique / 2008 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°30
Au terme de l'exil provisoire
Journal / 2009 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°31
Fouille hagarde
Journal poétique / 2009 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°32
A la croisée des nuits
Journal poétique / 2009 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°33
Les ailes du monde si lourdes
Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°34
Pilori
Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°35
Ecorce blanche
Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°36
Ascèse du vide
Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°37
Journal de rupture
Journal / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°38
Elle et moi – poésies pour elle
Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°39
Préliminaires et prémices
Journal / 2010 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°40
Sous la cognée du vent
Journal poétique / 2010 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°41
Empreintes – corps écrits
Poésie et peintures / 2010 / Hors catégorie

Carnet n°42
Entre la lumière
Journal poétique / 2011 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°43
Au seuil de l'azur
Journal poétique / 2011 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°44
Une parole brute
Journal poétique / 2012 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°45
Chemin(s)
Recueil / 2013 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°46
L'être et le rien
Journal / 2013 / L’exploration de l’être

Carnet n°47
Simplement
Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°48
Notes du haut et du bas
Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°49
Un homme simple et sage
Récit / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°50
Quelques mots
Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°51
Journal fragmenté
Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°52
Réflexions et confidences
Journal / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°53
Le grand saladier
Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°54
Ô mon âme
Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°55
Le ciel nu
Recueil / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°56
L'infini en soi 
Recueil / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°57
L'office naturel
Journal / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°58
Le nuage, l’arbre et le silence
Journal / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°59
Entre nous
Journal / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°60
La conscience et l'Existant
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°61
La conscience et l'Existant Intro
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°62
La conscience et l'Existant 1 à 5
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°63
La conscience et l'Existant 6
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°64
La conscience et l'Existant 6 (suite)
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°65
La conscience et l'Existant 6 (fin)
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°66
La conscience et l'Existant 7
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°67
La conscience et l'Existant 7 (suite)
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°68
La conscience et l'Existant 8 et 9
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°69
La conscience et l'Existant (fin)
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°70
Notes sensibles
Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°71
Notes du ciel et de la terre
Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°72
Fulminations et anecdotes...
Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°73
L'azur et l'horizon
Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°74
Paroles pour soi
Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°75
Pensées sur soi, le regard...
Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°76
Hommes, anges et démons
Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°77
L
a sente étroite...
Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°78
Le fou des collines...
Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°79
Intimités et réflexions...
Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°80
Le gris de l'âme derrière la joie
Récit / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°81
Pensées et réflexions pour soi
Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°82
La peur du silence
Journal poétique / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°83
Des bruits aux oreilles sages
Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°84
Un timide retour au monde
Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°85
Passagers du monde...
Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°86
Au plus proche du silence
Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°87
Être en ce monde
Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°88
L'homme-regard
Récit / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°89
Passant éphémère
Journal poétique / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°90
Sur le chemin des jours
Recueil / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°91
Dans le sillon des feuilles mortes
Recueil / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°92
L
a joie et la lumière
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°93
Inclinaisons et épanchements...
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°94
Bribes de portrait(s)...
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

C
arnet n°95
Petites choses
Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°96
La lumière, l’infini, le silence...
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°97
Penchants et résidus naturels...
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°98
La poésie, la joie, la tristesse...
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°99
Le soleil se moque bien...
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°100
Si proche du paradis
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°101
Il n’y a de hasardeux chemin
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°102
La fragilité des fleurs
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°103
Visage(s)
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°104
Le monde, le poète et l’animal
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°105
Petit état des lieux de l’être
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°106
Lumière, visages et tressaillements
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°107
La lumière encore...
Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°108
Sur la terre, le soleil déjà
Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°109
Et la parole, aussi, est douce...
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°110
Une parole, un silence...
Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°111
Le silence, la parole...
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°112
Une vérité, un songe peut-être
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°113
Silence et causeries
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°114
Un peu de vie, un peu de monde...
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°115
Encore un peu de désespérance
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°116
La tâche du monde, du sage...
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°117
Dire ce que nous sommes...
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°118
Ce que nous sommes – encore...
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°119
Entre les étoiles et la lumière
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°120
Joies et tristesses verticales
Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°121
Du bruit, des âmes et du silence
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°122
Encore un peu de tout...
Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°123
L’amour et les ténèbres
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°124
Le feu, la cendre et l’infortune
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°125
Le tragique des jours et le silence
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°126
Mille fois déjà peut-être...
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°127
L’âme, les pierres, la chair...
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°128
De l’or dans la boue
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°129
Quelques jours et l’éternité
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°130
Vivant comme si...
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°131
La tristesse et la mort
Récit / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°132
Ce feu au fond de l’âme
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°133
Visage(s) commun(s)
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°134
Au bord de l'impersonnel
Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°135
Aux portes de la nuit et du silence
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°136
Entre le rêve et l'absence
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°137
Nous autres, hier et aujourd'hui
Récit / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°138
Parenthèse, le temps d'un retour...
Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°139 

Au loin, je vois les hommes...
Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°140
L'étrange labeur de l'âme
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°141
Aux fenêtres de l'âme
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°142
L'âme du monde
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°143
Le temps, le monde, le silence...
Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°144
Obstination(s)
Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°145
L'âme, la prière et le silence
Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°146
Envolées
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°147
Au fond
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°148
Le réel et l'éphémère
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°149
Destin et illusion
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°150
L'époque, les siècles et l'atemporel
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°151
En somme...
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°152
Passage(s)
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°153
Ici, ailleurs, partout
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°154
A quoi bon...
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°155
Ce qui demeure dans le pas
Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°156
L'autre vie, en nous, si fragile
Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°157
La beauté, le silence, le plus simple...
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°158
Et, aujourd'hui, tout revient encore...
Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°159
Tout - de l'autre côté
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°160
Au milieu du monde...
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°161
Sourire en silence
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°162
Nous et les autres - encore
Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°163
L'illusion, l'invisible et l'infranchissable
Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°164
Le monde et le poète - peut-être...
Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°165
Rejoindre
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°166
A regarder le monde
Paroles confluentes / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°167
Alternance et continuité
Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°168
Fragments ordinaires
Paroles confluentes / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°169
Reliquats et éclaboussures
Paroles confluentes / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°170
Sur le plus lointain versant...
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°171
Au-dehors comme au-dedans
Paroles confluentes / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°172
Matière d'éveil - matière du monde
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°173
Lignes de démarcation
Regard / 2018 / L'intégration à la présence
-
Carnet n°174
Jeux d'incomplétude

Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence
-
Carnet n°175
Exprimer l'impossible

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

-
Carnet n°176
De larmes, d'enfance et de fleurs

Récit / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°177

Coeur blessé, coeur ouvert, coeur vivant
Journal / 2018 / L'intégration à la présence
-
Carnet n°178
Cercles superposés
Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°179
Tournants
Journal / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°180

Le jeu des Dieux et des vivants
Journal / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°181

Routes, élans et pénétrations
Journal / 2019 / L'intégration à la présence
-
Carnet n°182
Elans et miracle
Journal poétique / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°183

D'un temps à l'autre
Recueil / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°184
Quelque part au-dessus du néant...
Recueil / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°185
Toujours - quelque chose du monde
Regard / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°186
Aube et horizon
Journal / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°187
L'épaisseur de la trame
Regard / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°188
Dans le même creuset
Regard / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°189
Notes journalières

Carnet n°190
Notes de la vacuité

Carnet n°191
Notes journalières

Carnet n°192
Notes de la vacuité

Carnet n°193
Notes journalières

Carnet n°194
Notes de la vacuité

Carnet n°195
Notes journalières

Carnet n°196
Notes de la vacuité

Carnet n°197
Notes journalières

Carnet n°198
Notes de la vacuité

Carnet n°199
Notes journalières

Carnet n°200
Notes de la vacuité

Carnet n°201
Notes journalières

Carnet n°202
Notes de la route

Carnet n°203
Notes journalières

Carnet n°204
Notes de voyage

Carnet n°205
Notes journalières

Carnet n°206
Notes du monde

Carnet n°207
Notes journalières

Carnet n°208
Notes sans titre

Carnet n°209
Notes journalières

Carnet n°210
Notes sans titre

Carnet n°211
Notes journalières

Carnet n°212
Notes sans titre

Carnet n°213
Notes journalières

Carnet n°214
Notes sans titre

Carnet n°215
Notes journalières

Carnet n°216
Notes sans titre

Carnet n°217
Notes journalières

Carnet n°218
Notes sans titre

Carnet n°219
Notes journalières

Carnet n°220
Notes sans titre

Carnet n°221
Notes journalières

Carnet n°222
Notes sans titre

Carnet n°223
Notes journalières

Carnet n°224
Notes sans titre

Carnet n°225

Carnet n°226

Carnet n°227

Carnet n°228

Carnet n°229

Carnet n°230

Carnet n°231

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Carnet n°261

Carnet n°262

Carnet n°263
Au jour le jour
Octobre 2020

Carnet n°264
Au jour le jour

Novembre 2020

Carnet n°265
Au jour le jour
Décembre 2020

Carnet n°266
Au jour le jour
Janvier 2021

Carnet n°267
Au jour le jour
Février 2021

Carnet n°268
Au jour le jour
Mars 2021

Carnet n°269
Au jour le jour
Avril 2021

Carnet n°270
Au jour le jour
Mai 2021

Carnet n°271
Au jour le jour
Juin 2021

Carnet n°272
Au jour le jour
Juillet 2021

Carnet n°273
Au jour le jour
Août 2021

Carnet n°274
Au jour le jour
Septembre 2021

Carnet n°275
Au jour le jour
Octobre 2021

Carnet n°276
Au jour le jour
Novembre 2021

Carnet n°277
Au jour le jour
Décembre 2021

Carnet n°278
Au jour le jour
Janvier 2022

Carnet n°279
Au jour le jour
Février 2022

Carnet n°280
Au jour le jour
Mars 2022

Carnet n°281
Au jour le jour
Avril 2022

Carnet n°282
Au jour le jour
Mai 2022

Carnet n°283
Au jour le jour
Juin 2022

Carnet n°284
Au jour le jour
Juillet 2022

Carnet n°285
Au jour le jour
Août 2022

Carnet n°286
Au jour le jour
Septembre 2022

Carnet n°287
Au jour le jour
Octobre 2022

Carnet n°288
Au jour le jour
Novembre 2022

Carnet n°289
Au jour le jour
Décembre 2022

Carnet n°290
Au jour le jour
Février 2023

Carnet n°291
Au jour le jour
Mars 2023

Carnet n°292
Au jour le jour
Avril 2023

Carnet n°293
Au jour le jour
Mai 2023

Carnet n°294
Au jour le jour
Juin 2023

Carnet n°295
Nomade des bois (part 1)
Juillet 2023

Carnet n°296
Nomade des bois (part 2)
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© Les carnets métaphysiques & spirituels
24 septembre 2019

Carnet n°204 Notes de voyage

Emotion fracassante – parfois – littéralement. Poussée jaillissante désinhibée – incontrôlable. Véhémence insensée – presque maléfique. Oui – au fond – quelque chose de démoniaque – comme une force noire émergeant des profondeurs – des plus lointaines origines…

Sorte de magma du centre premier – du noyau ancestral – expulsé – et qui déferle comme si nous étions un cratère et ce qui nous entoure quelques coteaux à plaindre – et bientôt dévastés…

La terre et le feu entremêlés – fusionnels – éruptifs – intensément destructeurs…

 

 

Ce qui apparaît comme une étrangeté – et qui est là, pourtant, enfoui depuis le commencement – avant même la naissance du monde…

Au-dedans d’une aire qui ressemble – à s’y méprendre – à l’enfer…

 

 

Comme un sac – une manière de voir le jour – de remplir ce qui ne ressemble à rien – pour lui donner une forme présentable – présumée présentable – mais qui, en vérité, le corrompt et l’enlaidit…

 

 

Tout ce qui habille – orne – décore – n’est que voile supplémentaire…

Tout ce qui traverse finit par ressortir – aussi sûrement que finit par être expulsé ce qui a été ingurgité…

Tant et si bien qu’à la fin – il ne reste plus rien… Mais avant la fin – nous ne savons vivre ainsi – dans le dépouillement – comme espace vide – comme une aire d’accueil et de déblaiement permanents…

 

 

Une autre forme de vieillissement – comme des rides à l’intérieur et des lambeaux de chair qui pendent – au-dedans de l’enveloppe dont nous avons pris soin – un assèchement aussi – comme un vieux cuir râpé…

Une indigence – un malaise – une détresse – que l’on se garde bien d’exposer…

Et nous mourrons ainsi – dépecé de l’intérieur – exsangue – sec – aride – comme un vieux sac vide et retourné – inapte au renouvellement… Tout juste bon à nourrir les vers et à occuper la tombe qu’on lui a réservée…

 

 

Triangle de pierres pointant vers le lointain – l’horizon invisible – une autre terre – un autre monde – à l’autre extrémité de soi…

 

 

Plus l’on creuse en soi, plus la solitude semble épaisse – centrale – première – incontournable ; le seul mode possible de l’être – libre et intensément jubilatoire…

 

 

Le bleu comme une pointe vers ce qui n’apparaît pas – invisible pour l’œil – cet espace où se rejoignent toutes les frontières…

 

 

Des mots comme des pierres – des visages comme le silence – rien n’est ce qu’il a l’air d’être. Tout est beaucoup plus vaste. Et notre manière de tout réduire – de tout simplifier – complique (grandement) la tâche de l’œil et de l’esprit…

 

 

Des routes comme des précipices vers lesquels chacun glisse inexorablement…

 

 

Des visages ni sympathiques – ni antipathiques – ni amis – ni ennemis. Des visages simplement – qui nous jaugent – qui nous toisent – comme ils jaugent et toisent le monde – à leur manière – qui n’a, bien sûr, rien à voir avec nous – avec ce que nous sommes – seulement avec ce dont nous avons l’air – c’est seulement cela qu’ils remarquent – et c’est à cela qu’ils se réfèrent pour nous regarder…

Il ne faut en avoir cure – vivre comme si ces visages qui nous lorgnent n’étaient que des personnages fictifs – ensommeillés – d’infimes cyclopes à la vue défaillante puisant seulement dans leur mémoire – rien de réel, en somme…

 

 

Des routes qui se croisent – des routes qui divergent – ainsi sommes-nous fixés sur ce que deviendront nos voyages – les aventures d’un soir – d’un instant – d’une vie – matière à s’écarter – à s’éloigner – à disparaître derrière le premier horizon…

 

 

L’approfondissement de la solitude – creuser – creuser – en soi – comme impératif et jubilation…

Seule perspective possible…

Unique voie de connaissance. Et la jouissance de l’être à perfectionner – à affiner – à enrichir – cette relation à soi qui est, en définitive, une relation à tout…

 

 

Arbres – rivières – vent – roches – collines – solitude et silence – étreinte du dedans et du dehors – l’âme intensément vive et sereine. Toute l’énergie du monde qui nous traverse…

Puissance et douceur sans usage…

Juste être – goûter – le souffle – et les gestes nécessaires…

 

 

Tout le monde résumé dans cette manière d’être…

Ainsi tout devient le lieu de la rencontre et de l’unité…

 

 

Parcelles de terre – bouts de ciel – l’âme légère et dense – le cœur qui s’ouvre – partout le foyer tendre et indéfiniment éphémère – à chaque instant surgissant. Le temps aboli. L’être jouissant dans le cours des choses. L’éradication des frontières…

Le Je suis sans commentaire, peut-être… Immuable – présent – à l’accès fragile et incertain – le vide nécessaire – le vide absolu indispensable pour être…

 

 

Le goût de soi – le goût du monde – au-dedans – sans séparation…

Et sur les joues, des larmes de gratitude – l’individualité reconnaissante – cette part de soi infime – accueillie dans l’unité et la profondeur de l’être – vide – serein – sensible – inaltérable – désengagé…

Le monde enfin parfait – comme si tout était impeccablement orchestré et agencé – beauté fugace – presque sans importance tant l’essentiel appartient au regard – à la vacuité permanente…

 

 

Bouts de soi – partout – réunifiés au centre…

Tout dans le grand Tout – en soi – en quelque sorte…

Presque indicible, en somme…

 

 

Moins éclatant que le rêve – entre le blanc et la transparence…

 

 

Assujettis autant à nos viscères qu’à notre âme…

Instincts, inclinations et sensibilité…

 

 

Des cités – des champs – des routes – du bruit – des hommes ; la grande civilisation de la laideur…

 

 

Ce que nous avons créé ; du confort et de l’absurdité – une direction inscrite dans nos gènes. Un allant commun – profond – contre lequel rien ni personne ne peut résister…

Une marche aveugle et forcenée dirigée de manière souterraine. Dans une mécanique limpide – et, sans doute, extrêmement lucide – une forme de clarté qui doit composer avec l’aveuglement et les instincts terrestres – le sol de la surface…

Un aller direct – un voyage sans retour possible. Ligne droite avec des accélérations et des ralentissements – mais l’allure appropriée – toujours adaptée aux possibilités et aux résistances…

Nous sommes – littéralement – actionnés. Chacun ainsi est gouverné avec, très souvent, l’illusion de ne pas l’être – de se considérer comme le seul maître d’œuvre du trajet, du rythme et de la destination…

Sublime stratagème de l’esprit qui a distillé et répandu, avec une folle intelligence, cette incroyable illusion dans chaque psyché…

 

 

La nuit – le jour – le même sommeil…

 

 

Des instances de partage – la tête déchirée – une route aussi longue qu’infréquentée – l’engagement magistral de l’âme – un désir brûlant (et continu) d’Absolu – un rêve exagérément lumineux – une manière, peut-être, d’apprendre à vivre au-dessus de soi…

Une réalité partielle – partiale – dégradée. Des yeux sans exigence – presque aveugles. Des bouts de mensonges collés les uns aux autres qui ressemblent, à s’y méprendre, à un collier de vérités – une manière, peut-être, de vivre sans être présent ni à soi, ni au monde – ni en soi, ni à ses côtés – en-dessous du seuil de l’esprit – en deçà de la frontière qui sépare l’absence de la conscience élémentaire…

 

 

L’homme a une formidable (et ingénieuse) aptitude à transformer le beau, le vaste et le rude (la Nature) en espace étroit, laid et confortable (la société humaine)…

 

 

Rien de plus épouvantable que la masse – le nombre – la production industrielle…

La quantité – presque toujours – l’ennemie du Beau et du Bien…

 

 

L’humanité – du bruit – le plus puéril et des instincts – des jeux et une gaieté d’apparat…

Des dérivatifs à l’ennui – le plus commun – ce refus, si répandu, du tête-à-tête solitaire et non distractif…

 

 

L’homme et l’art de répandre la laideur…

 

 

Je suis comme les bêtes patientes qui attendent le départ des hommes – le retour du silence…

 

 

L’errance et le cheminement – la profondeur et l’austérité – la solitude et la joie – le silence – manière de vivre ce que l’on porte ; une certaine forme d’atypicité…

Une certaine radicalité métaphysique – intransigeante avec la frivolité existentielle qui n’est pas, bien sûr, la légèreté de l’être…

 

 

Pour vivre – et nous sentir à notre aise – nous devons vivre à distance de l’humanité – au sein d’une zone de confort dans laquelle nous ne puissions ni voir, ni entendre la moindre manifestation – la moindre activité – la moindre présence – humaines…

Autant dire – vivre loin de tout – ou, à défaut, vivre (plus ou moins) inconfortablement…

 

 

Barrières – clôtures – frontières – délimitations et obstacles – partout. Fractionnement de l’espace et du temps – séparation et appropriation – dichotomie entre moi, nous et le reste du monde…

 

 

Le monde – son organisation – son fonctionnement – tous les systèmes mis en place – sont toujours (quelles que soient les époques) l’exact reflet de ce que nous sommes – de ce que chacun est – à l’intérieur*…

Ce qui se passe entre nous – existe d’abord en chacun de nous…

* La guerre, le commerce et le capitalisme qui organisent le monde aujourd’hui sont ainsi de parfaits reflets de notre intériorité actuelle…

 

 

D’autres chemins que ceux du monde…

 

 

Là où la pierre devient la flèche – ce qui pointe vers le plus désirable…

 

 

L’espace – le bleu – l’immensité. Et tout qui se rapproche sans cesse…

 

 

Le coup de génie de l’esprit qui a oublié son envergure dans la contraction – en faisant croire à ce qui est contracté (chaque chose – chaque visage – chaque forme de l’Existant) qu’il est le seul – le centre – et en le faisant pointer irrésistiblement vers l’infini – définissant son envergure comme la seule destination à atteindre (par chacun)…

Quel incroyable stratagème… expliquant bien des choses en ce monde – à peu près tout, je crois…

 

 

De l’ombre – sur les bords – au fond – du regard. Une épaisseur d’autrefois – plus résistante que les autres – nourrie depuis des siècles – et qui s’arc-boute de toutes ses forces pour échapper au grand déblaiement…

 

 

Tout est là – plus ou moins rangé dans la mémoire – comme une boîte qui s’ouvre par intermittence malgré la vacuité. Parfois un rien suffit – et le souvenir jaillit tel un mauvais génie – tel un ressort… Aussi convient-il de rester alerte et vigilant pour rompre sur-le-champ tous les fils naissants…

 

 

Le labeur des hommes – chacun occupé à sa tâche – l’essentiel du temps. Mais, au fond, quel est le véritable travail de l’homme ? Est-ce seulement de contribuer à faire tourner le monde – à faire fonctionner (entretenir – améliorer – etc etc) le système collectif…

Dans ce qui occupe l’essentiel de nos journées – être – marcher – écrire – il n’y a d’activité agissante et productive – ni d’activité d’exploitation et d’instrumentalisation du vivant ou de notre environnement…

Ces activités quotidiennes ne soustraient rien au monde – elles n’y ajoutent rien non plus (un livre de temps à autre – mais qu’est-ce qu’un livre ? – à peu près rien – ça ne compte pas…). Elles semblent se situer, à la fois, en deçà – au cœur – et au-delà des nécessités organiques et psychiques – et n’ont rien à voir, de près ou de loin, avec une quelconque forme de consommation (nous n’écrivons pas des livres de divertissement)…

Être est, bien sûr, une non-activité – une façon d’être présent au monde et à soi-même – une manière d’être conscient – une forme de présence habitée de façon, plus ou moins, permanente… Ecrire relève de l’esprit – de l’esprit de l’être qui célèbre, joue et danse avec les formes (les mots et les sens en l’occurrence dans ce cas précis) – mais aussi de l’esprit-témoin et de l’esprit d’exploration qui cherche et débroussaille… Quant à la marche, elle relève, évidemment, du corps – de ce fragment de matière (et d’énergie) qui est – et a besoin de – mouvement – mais aussi de contacts et d’échanges avec les autres fragments de matière (et d’énergie) – sol, roches, arbres, air, eau…

En définitive, rien que de très naturel…

Être – marcher – écrire – comme manière de vivre simplement – le plus simple – avec simplicité – notre humanité (et ce qu’elle porte)

 

 

Une communauté mensongère – un simple rassemblement de visages nécessiteux – des âmes apeurées et mendiantes qui quémandent à l’Autre – aux autres – assurance, sécurité et agrément. Et rien de plus – malgré quelques amitiés circonstancielles (apparentes) et quelques affinités électives (provisoires)…

 

 

A la source de tous les visages – et ce que l’on voit – des bêtes conditionnées et télécommandées (de l’intérieur) par leurs instincts…

 

 

Des formes agencées – enlacées. L’harmonie architecturale du réel – l’harmonie des mouvements. Le monde comme une interminable arabesque – des lignes – des courbes – organisées de façon antagoniste et complémentaire. La structure de l’ensemble – et la structure de chaque élément…

 

 

Ce qui est là – une aventure quotidienne – inégale – disparate – surprenante…

Le jeu des jours…

 

 

Ce que nous avons fait n’existe pas. Tout, à chaque instant, recommence – et est, à l’instant suivant, à recommencer ; le neuf – la nouveauté – sans la moindre référence passée…

 

 

Haute flèche sur l’horizon. Et toutes ces têtes alignées. Dieu et son bétail – l’Un – le remarquable – et l’indistinct – la multitude…

 

 

Il est un autre lieu que le monde – et un autre temps que celui des horloges et des saisons. Des instants remarquables et un silence qui invitent à la solitude et à l’intériorité – une manière de vivre sans la présence – ni l’espérance – des Autres…

 

 

L’Autre existe-t-il seulement ? Ou n’est-il, à l’instar du monde (qui n’est qu’un collectif d’Autres), qu’une incertitude inconnaissable – entre chimère et consolation – entre compromission et nécessité…

 

 

Une fenêtre – le ciel – un jour comme un autre. Et quelque chose qui se dissimule au fond de l’âme…

Des instants de liesse et d’incompréhension…

Le goût du monde sous la langue…

Et des mots d’une grande trivialité…

 

 

L’air bleu qui, parfois, nous surprend au réveil…

Des pas – des heures – quelque chose comme une attente – on ne sait pas bien ce que nous attendons – ce que nous espérons peut-être – la tête est confuse – dépeuplée – presque en mode automatique – des images qui défilent – des idées aussi – qui ne sont pas les nôtres – tout un cortège de poncifs et d’imbécilités qui collent si bien à notre vie que nous les imaginons singuliers – réels – adaptés – comme des aspirations profondes – presque des nécessités…

Mais il n’en est rien, bien sûr…

Des inepties nées de la machine à rêve – rien de plus – des choses tout juste bonnes à jeter avec le reste…

Rouvrir la faille – redevenir le vide – et laisser tout glisser – tout engloutir…

Le neuf et le néant – ce regard si simple sur le monde – sur ce qui arrive – sur ce qui a lieu – sans s’attarder jamais sur ce qui n’est pas – sur ce qui n’est plus…

 

 

Le jeu, l’ivresse et la récompense – ce qui rend la psyché addicte et docile – et incroyablement prévisible – comme actionnée par ses propres circuits internes – pas si éloignée d’une certaine forme de folie…

Et à l’opposé – presque à l’opposé – l’envergure de l’esprit – dégagé et désengagé – libre – autonome – sans besoin – non agissant – pas si éloigné d’une certaine forme de sagesse…

Et l’on glisse – ainsi – d’un mode à l’autre – d’un monde à l’autre – d’une perspective à l’autre – entre le réel et l’imaginaire en passant par mille autres mondes parallèles – entre le conditionnement et la liberté – entre l’automatisme et l’indépendance…

Du relatif à l’Absolu – dans un basculement plus ou moins volontaire – plus ou moins permanent…

Simple étape – humaine – existentielle – encéphalique – dans le cheminement vers l’infini – le non-né – l’origine – l’incréé

 

 

Ce que nous nous échinons en vain à retracer…

 

 

D’une solitude à l’autre – ainsi plongeons-nous au cœur de notre destin…

 

 

Le sommeil – comme une couleur – une patrie – les seules, sans doute, qui soient…

 

 

On perce, parfois, le plus épais – avec un peu de patience…

 

 

Tout semble à la fois étranger et possible. Rien – pourtant – qui ne déroute…

A travers mille pluies – d’un soleil à l’autre…

 

 

Des ombres mobiles – par milliers – autour de soi. Silhouettes furtives de la forêt alors que les hommes sommeillent loin des arbres – œuvrant à leurs pauvres récoltes…

 

 

Qui donc est présent à nos côtés… Qui donc nous accompagne lorsque nos pas sillonnent ces terres sylvestres…

 

 

De moins en moins humain – de plus en plus vivant et minéral – pierre sensible peut-être…

 

 

Je passe – nous passons – dans notre propre regard. Défilé incessant dans la perception immobile…

 

 

Moins du côté de ceux qui œuvrent que du côté de ceux qui contemplent…

Pas l’âme d’un créateur, ni celle d’un bâtisseur…

Plus proche de la roche que de l’étoile filante

Plus près de celui qui observe en surplomb que de celui qui invective et ferraille dans la foule…

Plus près de celui qui sue seul et en silence à sa tâche que de celui qui baguenaude et se pavane dans le monde…

 

 

Il n’y a de monde – et, pourtant, presque tous feignent d’y appartenir…

 

 

Je suis comme l’arbre et la bête – en retrait – circonspect face aux histoires – aux chimères – humaines. Sans doute sommes-nous trop différents des hommes pour être en accord avec leurs jeux et leurs lois – et ressentir le moindre sentiment d’appartenance à leur communauté…

 

 

La destruction des mythes – et cette violence inhérente. Comme la volonté d’anéantir le monde. Les heures sans grâce – terribles – de l’éructation…

Le visage du tyran investi – rehaussé – hégémonique – dévastateur…

Le débordement des énergies – la moindre aspérité sur la ligne vécue comme une contrariété – et, aussitôt, l’explosion de la colère – le déchaînement des forces intérieures – la véhémence éruptive…

Sujet au cœur de ce qui ressemble à une abomination…

Le versant sombre – noir – hitlérien – de l’âme. Ce dont nul ne se vante – ce dont nul ne se glorifie – bien sûr – mais qui existe – qui peut advenir – et qui advient contre notre gré – dans une pulsion instinctive – profonde – lointaine – irrépressible…

On frappe – on casse – on brise – on balance – on défenestre – on assassinerait pour un regard – pour un soupir – pour une parole – pour un silence ; tout serait prétexte à anéantir…

 

 

Un grand bruit cannibale au-dedans – une faim exagérée – et des pieux plein les poches – plein les mains – et dans le sac une cargaison de flèches empoisonnées ; et ça lance – et ça balance – et ça décoche – à tout va – jusqu’à l’extinction du souffle colérique – jusqu’à l’effondrement du monde peut-être…

 

 

La matière – et la manière – la plus noire d’exister. Et c’est là – en nous – à l’affût – prêt à bondir sur la moindre tête ; et ça s’élance sans la moindre inhibition…

 

 

Des heures particulières où les Dieux noirs – en nous – exultent et gouvernent . Les grandes liesses de la nuit. L’abdication de l’esprit au profit de la violence pure – la concentration, peut-être, des forces démoniaques. Et le malheur ou la fuite pour ce qui nous entoure – exutoire, si souvent, à cette folie passagère – à cette folie ancestrale – à cette folie irrépressible…

 

 

Un toit – une croix – le nécessaire et la croyance. L’espérance de pouvoir échapper, un jour, aux contingences du monde – à la vie matérielle – à l’existence terrestre – dont on se doute bien, sans même être un grand esprit, qu’elle n’est la panacée – un médiocre purgatoire tout au plus…

Et notre labeur est d’y vivre sans (trop) rechigner…

 

 

Une manière authentique d’approcher la vérité – pour qu’elle se transforme, à chaque instant, en évidence vécue – jamais en concept – ni en objet d’étude…

 

 

Ça roule – ça s’entrechoque – on ne peut se fier à ce qui passe – à ce qui gesticule…

La route encore – qui serpente – qui s’étire – sur laquelle on frôle d’autres destins – des visages étrangers – inconnus – qui passent à vive allure

 

 

Rien ne peut s’ébruiter dans le jour – sous le règne du jour. Le silence est la seule matière – la seule présence possible. Le reste – tout le reste – est trop fugace pour émettre le moindre son – inventer un langage audible. Et si d’aventure, on réussissait – par je ne sais quel miracle – à faire du tapage, l’épaisseur du silence étoufferait aussitôt la diffusion du bruit…

 

 

Il y a – au fond de soi – des terres inabordables – des rives noires – des régions infréquentables – et derrière, une immensité abandonnée parfois à Dieu, parfois au Diable…

Une manière de vivre – toujours – en deçà des possibles – quelque chose d’étriqué – une bande étroite sans retournement – sans virage – sans tournant – sans dérapage – possibles ; la voie la plus plate qui soit où la destination – ce qui est vécu et expérimenté – est parfaitement prévisible – où ne peuvent se dessiner que des existences tristes à pleurer – des vies bancales – minimales – intensément organiques et instinctuelles – sous le joug d’un psychisme éminemment grossier – presque animal…

 

 

Le plus fragile de soi – exposé aux quatre vents. La marque et la signature de l’individualité – presque une incapacité à être au monde…

 

 

L’eau qui coule – les demi-saisons de l’âme. Tout passe – d’une rive à l’autre – tout se précipite jusqu’aux chutes du temps. Le visage plongé – le visage émergeant – au gré des heures – au fil de la course noire…

 

 

Ce qui se creuse – en nous – en notre absence…

 

 

A l’altitude adéquate malgré l’étouffement progressif des désirs. Ce qui compte davantage que l’ambition. Plus haut – il y a l’impossible. Et plus bas, les enfers…

 

 

L’extase presque machinale à force de rêveries. Des images douces et tendres – enveloppantes – qui viennent combler les manques de l’esprit. Une manière comme une autre d’essayer d’approcher la joie…

 

 

Le dédale des heures collectives – une immense esplanade déserte – et des yeux apeurés qui regardent partout – des souliers qui courent dans tous les sens à la recherche de quelques visages. Des murs aplatis que forment les conventions et les interdits intégrés par la psyché. De longs couloirs invisibles où il faut avancer avec prudence – avec précaution. Des obstacles – et l’allure naturelle – et la foulée libre – qui jamais ne se soucient des lois du monde…

 

 

Feuilles en guise d’instinct – de survie – d’offrande ; l’arbre et le poète – et la lumière comme seule nécessité…

 

 

La pierre noire – des cités sombres – la même source – et, parfois, le même échéancier – ce que la lumière apprend à polir ou à contourner. L’impossible qui nous surprend toujours. Et certains jours – à deux doigts d’y parvenir…

 

 

Les heures réfractaires – les heures marécageuses – les heures à n’en plus finir. Le jour comme seul appui – comme seule raison de vivre. Et l’immensité à nos pieds – quelque chose de fragile – de provisoire. Comme le regard – jamais acquis…

 

 

La hauteur – comme manière de vivre au milieu du monde – retiré mais non inaccessible – accueillant à ses heures ceux qui ont fait le chemin

 

 

Un espace au milieu du monde – dans le retrait d’un tertre encerclé par les collines – lieu naturel exposé aux vents et abrité des yeux trop curieux…

 

 

Posé un instant – un jour – une saison – une vie entière. De passage – toujours – quel que soit le sol – le territoire…

 

 

Des yeux sans mémoire – une tête sans discours – le seul langage des gestes qui en disent aussi long que nos silences…

 

 

La seule amplitude est au-dedans – le jeu de la distance avec le monde et les visages – avec les ombres et les choses…

 

 

Ce qui nous maintient vivant – ce qu’il nous reste à faire – à réaliser – pour nous rencontrer. Il n’y a d’autre nécessité ; la joie – la grâce – ne sont offertes que par surcroît…

 

 

Il n’y a jamais d’erreur – seulement des détours incontournables…

 

 

Des monts – des merveilles – et quelques mots qui, par leur célébration, corrompent et ternissent – et qui ne parviennent, au mieux, qu’à évoquer – ou à raviver, peut-être, le souvenir. A celui qui lit d’œuvrer au labeur complémentaire pour retrouver la beauté du réel…

 

 

Nul intermédiaire – le face-à-face direct – le ressenti sans filtre – le réel sans adjuvant ; l’âme et les choses du monde – le regard – la sensibilité – l’univers et les réalités parallèles. Ce que l’on vit – ce qui nous est offert – sans aucune autre possibilité…

 

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24 septembre 2019

Carnet n°203 Notes journalières

Ce que nous réclamons parfois au détriment du soleil. Chaque matin, la promesse d’un nouvel horizon – la clarté d’un sol neuf…

Le regard tout au long du jour – le silence – ce qui favorise l’Amour…

Et lorsque nous en sommes capables – le plus lourd – le plus difficile à porter pour le monde – que nous nous empressons de hisser sur nos épaules…

 

 

Une poutre contre un peu de lumière. Une manière de se rejoindre avant le bleu…

 

 

L’éclat d’un Autre – en nous – qui réfléchit. Le souffle qui court – l’air irrespirable – l’âme qui tremble et cherche un coupable. Le monde tel qu’il est…

 

 

Tout ce blanc que nul ne découvre ; personne au-dedans – personne le long du mur – personne nulle part…

 

 

Ça se déchire – presque toujours – entre le soleil et nous – comme si l’âme s’interposait – et se mêlait de ce qui ne la regarde pas…

 

 

Ces vieilles déchirures que l’on rafistole avec un peu de colle – et un peu de salive par-dessus – histoire de prouver sa bravoure…

 

 

Qui s’étonne de ce monde – d’être en vie – de ces heures qui semblent filer – de ces années de labeur insensé – de cette existence qui finira bientôt…

 

 

On aimerait toucher les choses – les visages – le monde – comme pour la première fois – avec cette curiosité – cet étonnement – mais nos yeux sont trop usés par l’habitude ; il n’y a plus que cette lassitude à vivre – à voir – à faire – presque sans y penser – presque par défaut – comme si nous étions mus par une forme d’inertie poisseuse – avec trop de passifs et de souvenirs au fond de la tête…

 

 

Jeux de rencontre et de coïncidence – sous un vernis d’attrait – subterfuge à peine conscient – pour faire naître ce qui doit arriver – les conditions de l’éclosion – de l’émergence – puis, l’élan donné, la fidélité du mouvement qui suit sa trajectoire jusqu’à la fin ; parfois rupture – parfois choc – parfois long et irrémédiable déclin…

 

 

Lointain – souterrain – ce bleu-soleil – cette utopie – ce à quoi nous ne pouvons croire depuis cette monotonie – depuis ces matins qui ont l’air de ne plus croire en rien…

 

 

Ce que le jour pourrait nous confier si nous étions capable(s) de lui faire face ; inutile d’y songer – nous avons mieux à faire ; initier la confrontation – et la transformer, peu à peu, en tête-à-tête – puis, en complicité, puis en rapprochement, puis en alliance, puis, peut-être enfin, en unité…

 

 

Il y a toujours quelqu’un aux grandes heures du monde pour saper la célébration. Et il faut toujours l’accueillir avec les honneurs pour le remercier de nous rappeler deux choses essentielles :

1. rien ne peut se décider avant son terme

2. rien n’appartient à personne…

 

 

Un peu de temps – et des corps qui bougent. Rien que des corps – des fragments de terre sans visage dont le nom n’est qu’une façon de les différencier du reste – pas davantage ; simple patronyme à usage fonctionnel. Un enchevêtrement de chair – des maillons assemblés de mille manières qui avancent – se contorsionnent – rampent parfois – cheminent ensemble pour un autre lieu – ni moins bon, ni meilleur que celui-ci – simplement différent – parce que leurs gènes – et les instincts dans leurs gènes – l’ordonnent…

Tout se meut ainsi – sans savoir – enchaîné aux Autres – enchaîné au reste – dans une danse étrange – comique – tragique – funeste – inévitable…

L’essentiel – toujours – se déroule ailleurs – au-dedans – dans notre façon de regarder la danse – ce qui tourne avec elle – dans notre manière de l’accueillir sans se laisser entraîner – sans chercher à diriger les pas de ce qui est pris dans la ronde – sans vouloir initier un chemin ou une direction particulière. Être là – simplement – à regarder sans fléchir ce qui ne peut s’empêcher de bouger…

 

 

Du dehors – qu’un amas de rien. Du dedans – on ne sait pas – on sent davantage que l’on ne sait – le plus précieux sans doute – comme un présent…

 

 

Un mot par chose – et pas davantage…

Pas de qualificatif – pas de complication…

Nommer la chose – dire ce qu’elle est essentiellement…

Et ne rien dire si possible – lorsque l’âme peut se passer de langage. Le silence seulement – comme lieu remarquable qui accueille dans l’indifférence du nom…

 

 

Les mots sont le signe d’une infirmité. On les vénère par défaillance. Le silence suffit à ceux qui sont

 

 

Il y a tout dans tout – bien sûr – alors à quoi bon distinguer – tirer les fils pour souligner les différences, comprendre les influences, déterminer les parts nées de ceci et de cela…

L’amalgame et le silence – qu’importe ce qui passe – à quoi ça ressemble. Être là et accueillir ce qui arrive – morceau de l’ensemble – bout du tout – ce qui bouge là où l’on reste – là où l’on se tient immobile…

 

 

Aujourd’hui – tout coule avec impatience – avec de moins en moins de lenteur. Autrefois – le rythme avait la couleur des pas – nous étions notre allure ; et nous allions sans précipitation – la foulée était la seule mesure…

 

 

Ce qui n’est pas vu n’existe pas – et dire que nous vivons avec les yeux (presque) fermés…

 

 

Des terres – des fleuves – des peuples – nous traversent. Nous ne sommes jamais seul(s) au milieu de la solitude. Il faudrait, sans doute, s’exiler un peu de soi pour commencer à être…

 

 

Nous ne sommes constitués que des bouts des Autres – d’abord de ce que deux d’entre eux ont expulsé et mélangé – puis, de tout ce que l’on nous a fait ingurgiter par tous les trous possibles…

Et cet amas de choses – unique certes – se prend pour une singularité originale – le centre même – mais nous sommes tous un centre singulier – voilà qui devrait nous mettre d’accord – mais non – c’est sans compter les luttes et les débats (incessants) pour savoir s’il n’existerait pas des centres plus centraux – des centres principaux – des centres vraiment centres – des singularités plus singulières – des singularités vraiment singulières – des uniques plus uniques que les autres… et si nous n’en ferions pas partie par hasard…. Bref, de quoi alimenter des guerres et des palabres insensés pendant des milliards d’années…

 

 

Un carré d’herbe – un coin de ciel – du vert et du bleu – et ce fond de larmes à verser, soudain, transformé en joie…

Comme si l’oiseau du dedans – en ouvrant sa cage – avait découvert l’océan…

Un restant de bonheur sous ce vieux fond de larmes…

 

 

Tout passe – se déchire – s’enfuit. Et l’œil – et l’esprit – parfaitement immobiles – si peu concernés par le cours des choses – par l’effervescence du monde…

 

 

De la boue – parfois – à la place du jour. Comme une invitation au retrait – à la vie souterraine – immobile…

Voir ce qui se passe sous le vent – en-dessous du monde – là où les pierres abandonnent le chemin…

 

 

Un souffle – du froid – ce qui pourrait réfréner la foulée – la nécessité du feu – ce que l’on étreint dans la foulée – l’air – le sol – les nuées. Tout le monde – au-dedans – qui nous revient…

Manière, peut-être, de clore le rêve…

 

 

Parfois – ce qui vient n’étreint pas – ça a des gestes brusques – un visage à faire peur – ça prend des airs de tempête – ça griffe – ça mord – ça insulte – une sorte de foudre – de bête sauvage lâchée dans l’esprit…

 

 

On se dit, parfois, qu’il faudrait ne pas laisser de traces – effacer consciencieusement toutes nos empreintes. Partir comme l’on est venu – et vivre de la même manière – discrètement – anonymement – silencieusement. A bonne distance du rêve et des visages – le cœur déjà pris par l’Amour et la solitude…

 

 

Debout – posé sur le même souffle qu’autrefois – mais la langue plus libre – plus proche du ciel – qui s’invite, à présent, en voisin assidu – en ami – en compagnon du silence – dont l’immensité et le bleu intense n’effraient plus…

 

 

Rien ne s’interrompt plus jamais – tout à la suite – une chose après l’autre. Et pareil pour les états. Ça arrive – c’est vu – c’est accueilli – ça fait ce que ça doit faire – ça reste un peu ou ça s’en va – parfois ça insiste davantage – on acquiesce à tout – avec ou sans vibrations – avec ou sans rayonnements – avec ou sans conséquences – puis, c’est balayé – et l’instant d’après, ça recommence…

 

 

Rien n’arrive – en vérité – ça a lieu simplement. La nuance est de taille…

 

 

L’œil devient habité – comme un espace sans couleur – un lieu d’écoute – un lieu d’accueil – le foyer du regard – une aire d’absolue non-exigence…

 

 

De moins en moins de traces – on passe – anonyme. Quelques notes pour soi – des pages où le blanc domine…

 

 

Des gestes – pas de souvenirs. Quelque chose encore entre l’œil et le monde. Quelque chose qui stagne – comme une épaisseur – un sas inutile – une distance superflue…

 

 

Ce feu – en nous – qui pousse – où que nous allions – c’est lui qui donne la direction…

 

 

Rien d’une vie rangée – quelque chose entre le monastère et l’anarchie – une manière d’être au plus près de soi – entre le silence et la liberté – entre l’Absolu et la nécessité…

 

 

Un chemin d’exigences moins communes…

 

 

Là où l’on est – comme un foyer de braises sans fumée – la terre – ce qui nous est le moins étranger – cette roche (granitique) et ces forêts – le cœur même du regard…

 

 

Un coin d’azur au bord du monde – loin des murs et des routes. Derrière ce que l’on entasse sans même y penser. Le pays au-delà des rêves – là où la raison ne sert plus à expliquer…

 

 

Rien n’avance – ça bouge – ça change – mais ça n’a aucune importance. Tout est là – dans le creux du regard – du cœur et de la clarté – indépendamment de ce qu’offre le monde. Pas même le temps ne pourrait nous défaire…

 

 

En soi – seul cela compte…

Ce qui est devant – ce qui est derrière – ce qui est à côté – ce qui est autour – simples circonstances – changements incessants – ce qui nécessite des gestes – et, parfois, quelques paroles – une manière d’éclaircir certaines zones d’ombre – sans la moindre pédagogie (nous ne sommes pas professeur…) – simplement une façon de fluidifier de trop persistantes entraves – de redonner la primauté à la vie présente…

 

 

On est plein – on est vide – on est tout – on n’est rien – toujours indissociables – une seule tête – deux visages – et, selon les circonstances, l’un ou l’autre qui s’invite – qui s’impose…

 

 

A vrai dire – rien ne mérite d’être écrit. Ecrire est une tâche (absolument) inutile – une manière comme une autre de célébrer l’instant et ses contenus provisoires. Activité indispensable à personne ; être et vivre devraient amplement suffire…

En vérité – on n’écrit jamais que pour soi. Et écrire pour les autres n’est qu’une forme d’ambition puérile – une sorte d’illusion – le signe d’une déraison ou d’une immaturité…

Et je crois – et je crains – qu’il en est de vivre comme d’écrire…

 

 

Suite de mots – suite d’instants – suite de circonstances. Et suite de souffles à chaque fois…

 

 

Peu de passage – presque jamais de rencontre. Chacun dans son cercle – sur son petit carré de terre. Le soleil commun. La roue qui tourne – le cadran – le temps paraît-il – les rides – les ombres – les saisons – la mort qui emporte – une manière de vivre, peut-être, ma foi – qui peut savoir…

 

 

La corde au pied – et, parfois, le pied sur la corde – deux façons de marcher – deux élans différents mais la même impasse. La liberté – jamais – ne se conquiert ainsi…

 

 

On s’étreint sans la nécessité des bras. De l’intérieur – comme une route et un soleil réunis – un fil – un feu – une manière d’être présent au fond de l’âme – et de veiller sur ce qui vient…

 

 

A vivre, chaque jour, sans autre témoin que soi-même. Pas de tricherie – pas de porte-à-porte. Le plus simple – ce qui vient naturellement…

 

 

De la boue, parfois, dans la tête qu’il faut évacuer à sa manière. Pas de honte, ni de mauvaise pente. Ce qui est là – bien plus important que les livres et les yeux des Autres…

Tout s’en va – revient – repart – cherche une place introuvable – illusoire – l’illusion permanente – ici à cet instant – ailleurs l’instant d’après – qui peut savoir… Personne ne sait – même la terre labourée – même la terre retournée par la lumière – ignore…

 

 

Du ciel – du jour – pas la moindre plainte…

Le souffle – l’air – la puissance – quelque chose d’irrévocable – une présence d’où rien ne suinte…

 

 

Tas de tout – de chair – d’idées – de désirs. Ce que le soleil peine à éclairer – à satisfaire. Tremblements du monde – de la terre – pour secouer ces couches de boue – épaisses…

 

 

Un autre jour que le nôtre – et une danse aussi. Mille choses aux allures triviales. Rien que de très commun – de très banal…

L’ordinaire du monde avec sa langue simple, sa pente et ses routes toutes tracées…

 

 

Cette manière de se précipiter sur tout ce qui fait envie – et de ralentir le temps pour prolonger la jouissance…

 

 

Sans proie – sans terre – sans précédent. Nous sommes le fond de l’écoute…

 

 

On ne s’interroge plus – on ne pense plus – on est – et cela suffit…

Le corps et la psyché suivent leurs mouvements – on ne les entrave pas. On les laisse aller leur chemin – parfois la lumière est là – parfois l’obscurité aussi – parfois la nudité – d’autres fois, l’encombrement. Rien n’est empêché – rien n’est encouragé. Les fils sont tenus jusqu’à leur extrémité. L’esprit est simple – et simplement présent…

Ni ciel, ni refuge – la vacuité et le déblaiement. Le feu et la sensibilité – qu’importe la lourdeur de la tête et des pas…

 

 

De jour en jour – de main en main – ainsi s’imagine-t-on façonné sans voir la part (conséquente) du silence…

 

 

Et quelques mots, parfois, pour égayer l’âme avec un peu de poésie – manière d’accentuer le froid du monde et de raviver la nécessité de la solitude…

Petite lampe au-dessus de la tête pour ne pas trop désespérer de la banalité des paroles des hommes…

 

 

Une marche au cours de laquelle tout se déchire – se disperse – s’éloigne – s’efface – s’absente – pour que ne reste, peu à peu, que le plus simple de nous-mêmes – l’inévitable – l’irréductible – le strict nécessaire…

Ce qui s’impose – le socle, peut-être, de la plus belle humanité…

 

 

Au fond – rien n’est plus acharné que le vivant…

 

 

Ce que d’autres s’arrachent – emportent avec eux – cela nous le refusons…

Le face-à-face permanent qui vire, parfois, à l’affrontement…

Peu de gratifications pour l’individualité. Presque aucune – en réalité…

Rien que la simplicité – et ce qui est…

Tantôt la pluie, tantôt le soleil. Et lorsque le froid s’en mêle – et s’ajoute à la nuit – l’individualité se rétracte – s’effarouche – se crispe – elle n’en mène pas large, en vérité. Et on la surprend même à rêver d’ailleurs – d’autrefois – de plus loin – ça dure un instant – parfois davantage – c’est le manque (le manque de quoi ?) qui suinte – qui réclame – qui se propage. La vieille humanité qui se rebiffe et résiste…

 

 

Du côté de soi plutôt que du côté de l’Autre…

Une perspective qui s’est aggravée au fil du temps…

Trop de déceptions, de désillusions et d’inconnaissable sans doute…

Est-ce juste – je l’ignore – comme j’ignore toute chose – je n’obéis qu’à ce qui s’impose…

 

 

Depuis bien longtemps, il n’y a plus le sentiment d’être maître de quoi que ce soit. Pas de volonté – pas de désir – pas de projet – pas de perspective – ce qui vient seulement – on s’offre à cela – pleinement – de tout son cœur – de tout son poids – avec passion et acharnement – sans savoir où cela nous conduira…

Véritable confiance – véritable aventure s’il en est (pour la psyché et l’individualité) – ainsi on traverserait les enfers (comme nous les avons déjà traversés – à plusieurs reprises). On ne peut plus se fier aux sentiments superficiels tant la chose cherchée (si l’on peut dire) se situe à la fois en deçà et au-delà de l’individualité et de ses états d’âme provisoires – circonstanciels – apparents – mensongers parfois…

Pas de repère – on se laisse aller – traverser – déchirer – recouvrir – les yeux fermés. On s’enfonce et se laisse creuser – de bout en bout – sans savoir – dans l’ignorance absolue de tout…

 

 

L’Autre – cet inconnu. Que nous reste-t-il alors…

Face à l’impossibilité et à l’inconnaissable – soi demeure l’unique option…

 

 

De l’épaisseur – parfois – naît une parole – un silence – qui traverse l’âme – le cœur – sans rien briser…

 

 

C’est un lieu étrange – un espace plutôt – une présence en fait – que rien ne délimite – déserte ou habitée – qu’on ne peut ni saisir, ni définir…

Pas une expérience – quelque chose, au fond, qui se vit de l’intérieur – une manière de vivre toutes les expériences…

 

 

Rien ne peut être arrêté – parfois, on se rejoint simplement…

Comme un jardin en hiver – un sol granitique qui s’offre aux pas…

 

 

On est là sans y être – comme tous les vivants – puis, on essaye d’être sans être là – comme une manière, peut-être, d’apprendre à devenir (un peu) plus sage…

 

 

Être ceci plutôt que cela – ça ne tient à rien – un souffle de plus ou de moins – et nous voilà différents – méconnaissables – l’épaisseur d’un cheveu…

 

 

Le sol et les mots. Et un peu de lumière par-dessus pour que tout ait la même couleur…

 

 

La langue – la chair – la terre – ce avec quoi on crée les murs – ce avec quoi on peut aussi tout défaire pour devenir libre et indifférent aux formes ; une sorte d’espace avec une immense oreille et des mains tendres – une chose très proche de l’Amour – comme une manière d’abolir toutes les frontières…

 

 

De la couleur des jeux de l’enfance avec ces rires qui n’en finissent pas – lorsque rien ne nous retient – lorsque rien ne nous écrase – il n’y a alors que la légèreté et la joie – la liberté de tout essayer – de tout devenir – sans le moindre sérieux…

 

 

Ce que nous sommes – au fond – peut-être – un peu de sable… Et un sol où tout peut arriver… Les deux à la fois. Et nous dérapons – et ça dérape toujours – lorsque le sable se prend pour le sol – s’essaye à une fausse existence de sol – imagine être un sol grandiose…

 

 

Ça s’incline face aux murs – face aux obstacles – face à la langue qui ne veut plus rien dire – face à la langue que l’on écrase. Comme de la boue qui penche – et qui finit par déverser son surplus d’eau et de terre…

 

 

Du silence. Le silence – un soir tranquille – dans la forêt bleue. Le monde derrière la haie – très loin derrière le fouillis des arbres. L’oreille attentive – près du sol – près du ciel. Le vol crépusculaire de quelques insectes – de quelques oiseaux. La langue qui se déroule. La main et le feutre prêts à l’usage. Les muscles du corps détendus. L’air presque frais. L’assaut du même souvenir – à plusieurs reprises. La tête silencieuse et les lèvres peu bavardes. Le flux du monde en soi – la vie qui s’apaise autant que l’âme. La sereine patience de l’esprit…

Comme si toutes les expériences – toutes les rencontres – étaient (encore) possibles – imaginables…

 

 

Des éboulis et du brouillard – quelque chose comme une impossibilité – une défaite – un aveuglement. Une façon de marcher ventre à terre – une manière de vivre sans encombre. Et une voie des retrouvailles aussi…

 

 

Ne jamais écouter les hommes – ce qu’ils disent ne vient, souvent, que de l’ignorance et de la peur…

 

 

On respire jusqu’à l’étouffement – jusqu’à la fin du dernier souffle. Puis on est repris par le premier élan – celui qui nous fait revenir et respirer – à chaque fois…

 

 

Tout se poursuit et se répand – aussi doit-on toujours déblayer et oublier pour pouvoir continuer à accueillir. Le monde et l’esprit dans leur jeu complémentaire…

 

 

On ne se résout que par la soustraction…

 

 

Trancher net – et être ce qui reste – et accueillir ce qui vient – puis recommencer – à chaque instant – recommencer – autant de fois que nécessaire…

 

 

Tout est – rien ne dure – juste un instant. Le bout de la terre – l’âme en désordre – le cœur timide – la tête pleine. Le monde sans vraiment y croire. L’épaisseur des mots dans le feu – sur les pierres. Au fond, rien de très important…

 

 

La vie – le monde – la joie. Rien n’existe véritablement. Tout se fige trop vite dans l’œil – avec les mots – avec les images – dans la psyché…

On devrait tout laisser dériver jusqu’à ses propres précipices – l’antre – les pôles – simple manière de parler de la commune destination des choses…

 

 

Tout s’éclipse derrière la lumière. Tout comme une farce – une devinette – un jeu – où il faudrait s’immobiliser pour dessiner sur tous les mythes la réalité du monde – puis disperser le sable d’un geste amoureux…

 

 

Rien que des dunes alors qu’il faudrait tout réduire à un seul grain de sable…

 

 

Des berges et des débris – et, parfois, dans la voix quelques démons – et dans les gestes aussi – vivant, sans doute, à l’ombre dans la poitrine. Quelque chose de lourd – de noir – qui n’a l’air d’appartenir à personne…

 

 

Des lieux sans enfance – où le temps a été aboli…

Des lieux de liberté et d’impertinence…

Mille chemins sans rien ni personne – sans même une tombe pour nous rappeler que nous sommes mortels…

 

 

Tout a disparu – même pas sûr qu’il reste le regard…

 

 

De l’invisible à la roche – de la roche à la bête – de la bête à l’homme – puis, de l’homme à ce qui ne se voit pas…

 

 

Plus qu’une parole – un souffle. Plus qu’un souffle – un élan – une manière de se tenir debout au milieu du monde – une manière de défier tous les regards – toutes les conventions – et de danser nu au cœur des flammes…

 

 

Tout – à présent – tient dans la main – le peu qu’il nous reste. Et le dedans s’est, lui aussi, vidé peu à peu… Un peu de sable et quelques cicatrices. Le plus grossier a été balayé – et pour y parvenir, il nous aura fallu quelques secondes – et tous les millénaires qui les auront précédées…

 

 

De jour – ce qui tombe avec la pluie – ce qui annonce les ruines de l’âme – la fin du monde. Le grandiose spectacle de la folie. Des lambeaux d’esprit tombés dans le sommeil. Des plaies. Et le soleil de moins en moins présent…

 

 

Parfois – les objets plantés sur l’horizon se déplacent – comme une course entre la falaise et la mort…

Un peu plus loin – les grandes heures du jour. Comme un bleu délavé sur les cailloux…

Et autour de nous – ce sable – le même que celui que nous avons ingurgité – le même que celui dont nous sommes composés…

Du sable – des pierres – et les mêmes débris d’horizon qui blessent les visages…

 

 

L’essentiel – toujours – au milieu de l’épaisseur – sorte de carapace inutile. A tout protéger comme si nous craignions de perdre le plus précieux – comme si nous ignorions où il se trouvait…

 

 

Un pays d’âmes sans âge et sans mémoire – où ce qui bouge ne sert qu’à redresser ce que la vie – et les vents du monde – ont trop penché. Le ciel comme une peau contre le froid et la nuit. Une manière de terrasser tous les monstres…

 

 

De l’herbe – de la lumière – les rives de l’espérance qui s’étirent à travers les jours. Le tassement de la misère. De trop maigres conquêtes qui apaisèrent à peine la faim. Du froid – de l’air – des fleurs. L’idée d’un paradis – une contrée de ciel et de soleil où tout commencerait (enfin) avec l’abolition de la tête…

 

 

Là où tout s’use et s’emmêle – là où toutes les choses portent le même nom – celui de la lumière. Pays de ceux qui n’ont plus rien à traverser…

 

 

Denses – le corps – l’âme – l’esprit – quelque chose de la matière – des restes d’étoiles agglomérés. Et puis, un jour, ça explose – ça explose à nouveau ; ça perd sa lourdeur – sa pesanteur – sa gravité. Et tout redevient comme l’air – le vent – l’espace – le silence. On devine à peine leur présence. Et l’on ne se rend compte de leur importance que lorsqu’ils ne sont plus là…

 

 

A présent – tout est là – posé à même le sol – tout sans la moindre exception…

A travers la fenêtre – la lampe s’est allumée pour éclairer la petite table où reposent la feuille, le feutre et la main. L’écriture – on le sait – durera encore…

 

5 septembre 2019

Carnet n°202 Notes de la route

Qu’un regard à travers le moins nécessaire…

 

 

Des pierres et des souliers le long de la rivière. Chemin qui serpente. Et l’âme docile qui suit…

 

 

Des arbres – des noms – des villages…

Tout s’offre sans que rien ne soit saisi. Aussitôt passé – aussitôt oublié…

Partout – les mêmes choses – les mêmes bruits – les mêmes visages. Tapage et affairement paisibles ou effervescents. Ce qui est fui dans l’instant…

La colonisation monstrueuse – dévastatrice – de l’homme…

 

 

Décrire le monde est inutile – chacun sait – imagine savoir – ce qu’est le monde – sa manière de s’y tenir – et de s’en servir…

Le monde non tel qu’il est mais tel qu’on le voit – et, peut-être aussi, tel que l’on aimerait qu’il soit…

 

 

Roulotte motorisée (notre nouvel habitat permanent depuis quelques mois) qui sillonne les territoires humains, naturels et sauvages. Pas d’itinéraire – pas de destination – pas de domicile – ni de camp de base. Nomadisme total…

Au gré de ce qui pousse et de ce qui invite…

Au gré du besoin de solitude et de silence… Très peu de villes…

 

 

Mode de vie né d’une rupture et d’une nécessité d’habiter le monde à moindre frais…

Sans métier – écrire est-ce un métier ? – sans famille – sans attache – sans la moindre responsabilité professionnelle ou sociale. Pas le moindre ami. Deux chiens – Bhag et Shin – Bhagawan et Shin’ya – deux corniauds trouvés sur la route – il y a longtemps – 8 ans et 11 ans – déjà vieux (et Shin presque dans le grand âge)…

 

 

Nous ne fréquentons personne. Nous vivons à l’écart – en retrait – entre contingences quotidiennes, écriture, route, repos, ravitaillement et balades – presque un art de vivre – une manière d’exister…

 

 

Existence frugale et minimaliste. Vie vagabonde et solitaire – sans étiquette – sans marque ostensible d’appartenance – nous n’appartenons à rien (excepté à la vie, bien sûr)…

Nous cheminons (presque) au hasard – et ne sommes attendus nulle part. Nous allons – simplement – ici et là. Nous ne restons jamais plus deux jours au même endroit…

 

 

Les souliers et le bâton – les fleurs et les étoiles – là où la solitude est possible. Ce qu’il faut de sauvagerie et d’envergure. De la roche et des arbres. Et des clairières pour s’allonger…

 

 

Aucun inventaire du réel – ce qui est sous les yeux – ce qui offre la joie ou ce qui aiguise la sensibilité de l’âme…

 

 

Du linge qui pend à l’intérieur. Un espace à vivre. Un lieu où se retrouver – où se rencontrer. Un moyen de se déplacer. 5 mètres 50 sur 2 mètres 30 – quatre roues – un lit – des banquettes – des livres – une cuisine – une table – une salle d’eau – des toilettes (sèches) – de quoi manger – de quoi travailler – de quoi se laver – tout est là – le juste nécessaire pour vivre et voyager…

 

 

Des lieux qui se succèdent – parfois plusieurs dans la journée – pour trouver, selon la saison, de l’ombre – de la lumière – pour être tranquille – pour écrire – pour arpenter à pied les chemins alentour – pour se ravitailler (en eau – en nourriture – en carburant) – pour passer la nuit…

 

 

Rarement des lieux touristiques – des lieux à visiter – jamais (ou alors par mégarde – par ignorance). Plutôt des lieux quelconques – sans attrait – sans intérêt ni pour les touristes, ni pour les autochtones. Des lieux déserts – et sauvages si possible ; de petits chemins forestiers – de petites routes étroites – des berges infréquentées – des collines insignifiantes…

 

 

Chaque jour – tout change – rien ne change. Le décor défile – une succession d’images – ça se déroule ; du vert – du bleu – du gris – du vert – du bleu – du gris – en proportions variables – aperçus depuis le siège où l’on conduit – depuis le siège où l’on écrit – depuis le chemin que l’on arpente à pied…

 

 

Pas d’échange – pas de parole – parfois, quelques mots – triviaux – sans intérêt. Quelques croisements – presque jamais de rencontre – et moins encore d’intimité partagée ; un rapide aperçu des représentations, des idées et de la perspective de l’Autre – dans le meilleur des cas…

 

 

L’été – saison des entassements et des emmerdements – la période de toutes les migrations de masse…

Des mouches et des hommes – bruyants – envahissants – agaçants – insupportables…

 

 

Rien ne se lit sur les visages excepté le désœuvrement et la frivolité – cette forme d’insouciance qui ne dissimule qu’un grand vide – pas même honteux – pas même coupable – mais très loin, tout de même, de la gaieté apparente…

Il y a des instincts difficilement supportables…

 

 

La solitude et le silence sont des nécessités exigeantes – incompatibles, bien sûr, avec la fréquentation (même lointaine) du monde…

 

 

Les hommes – une proximité trop bruyante – trop pénible – trop prévisible…

 

 

Préférence marquée pour la nuit – la pluie – tout ce qui condamne les hommes à rester chez eux – à laisser l’espace libre – vaquant – à laisser les forêts et les chemins à la vie sauvage et à quelques solitaires endurcis…

 

 

La campagne – si répandue – est sans charme. La main de l’homme y est trop présente – trop lourde – trop invasive. Exploitation – rationalisation – uniformisation. La misère animale est généralisée – une abomination. Tout est sous le joug humain – et voué à l’usage de l’homme. L’horreur de la campagne où les plantes et les bêtes ne sont que des matières – des produits pré-manufacturés…

Aujourd’hui – même les forêts sont industrielles…

On aurait envie de libérer les destins asservis – d’ouvrir les cages – d’abattre les clôtures – de laisser la nature réinvestir les lieux…

 

 

 

Où que l’on aille – l’homme me paraît odieux – infréquentable. Partout – notre sensibilité est éprouvée (et, souvent, au plus haut degré) – l’usage utilitariste et irrespectueux est la norme – la règle commune. Rien de choquant – pourtant – aux yeux du monde…

Où que notre tête se tourne – des larmes coulent sur nos joues et un cri – au fond de notre poitrine – voudrait hurler – et une main voudrait tendre aux hommes un miroir pour leur montrer leur atrocité…

Mais il n’y a personne autour de moi – et si d’aventure quelques visages m’entouraient, nul ne m’écouterait – et tous seraient même surpris – désappointés – voire outrés par mon indignation et ma révolte – et moqueurs devant mon incapacité à accepter la belle réalité du monde humain…

 

 

Le monde sans visage qui défile…

Tout d’un seul tenant – le long de la route…

Longue chaîne de maillons indistincts – identiques…

 

 

Ça bouge – ça respire – ça parle – ça rit – ça crie. Ça ressemble tantôt à ceci, tantôt à cela. Ça a l’air d’exister mais, au fond, tout le monde s’en fiche. Ça n’a aucune importance. C’est là – simplement – et il convient – seulement – de composer avec – et pas davantage…

 

 

Des lieux magnifiques – parfois – mais presque toujours enlaidis par la présence humaine – d’autant plus massive que l’endroit est réputé spectaculaire…

L’homme est une espèce envahissante – dévastatrice – enlaidissante… Où qu’il passe, il ne laisse derrière lui que la désolation…

 

 

Ça veut être là où il faut être – ça veut ce que tout le monde veut – ça ne comprend rien mais ça croit savoir. Ça veut voir – et avoir – ce qu’il y a de plus beau – de plus grand – de meilleur…

Ça n’est rien qu’une infime petite chose chargée de mille exigences – ça tient debout par la volonté des Dieux – et ça s’imagine libre – intelligent – autonome…

 

 

Là où les autres voient matière à réjouissance, je ne vois que tristesse et désespérance…

Une manière de se tenir à l’écart pour ne pas finir fou ou écrasé – étouffé par la bêtise et la foule – par ces mille visages qui aiment se fréquenter – se concentrer – s’entasser les uns sur les autres – comme une masse sans visage ni cervelle…

 

 

L’impossible proximité avec le monde ; trop de bruits, de grossièreté et d’irrespect…

Une insouciance qui confine à l’inconscience. Une sorte d’inconsistance congénitale…

Rien que des occupations et des manies pour combler le désœuvrement…

Et malgré les rires et la gaieté apparente, on entend les cris et les larmes derrière les visages – comme de petits enfants qui auraient revêtu maladroitement le masque si mensonger des adultes…

 

 

Chacun – comme un rocher dévalant – simplement – sa pente…

 

 

On voit – partout – des groupes – et l’on sent aussitôt leur manière de tromper la solitude – d’occuper le temps – de fuir obstinément (presque avec acharnement) leur face-à-face…

L’entre-soi plutôt que le tête-à-tête – le jeu et la distraction plutôt que l’épreuve, la fouille et l’étreinte lucides et solitaires…

Des armées d’ombres – ainsi – que l’on croise chaque jour – malgré nous – à nos dépens

 

 

Il y a toujours cette chimère du groupe – de l’affiliation – du sentiment d’appartenance. Si l’on est – un tant soit peu – lucide – on ne peut y succomber…

Manière seulement de s’illusionner – de s’imaginer vivant – plutôt que de sentir ce vide en soi qui semble, aux yeux des hommes, si insupportable – si insensé…

 

 

Le besoin de confort (psychique) – ce qui dirige le cerveau et le monde – tout est mû par cette nécessité impérative et absolue…

 

 

L’inconscience et la puérilité – presque incurables – du monde…

 

 

La solitude semble triste – elle est gaie ; la foule semble gaie – elle est triste…

En ce monde – ce que nous percevons s’oppose – presque toujours – à ce que l’on nous présente communément. Représentations collectives versus réalité. Mensonges collectifs nés de tous les mensonges individuels pour se persuader – individuellement et collectivement – de mener une existence juste et parfaite. Système voué à la validation de toutes les illusions – de toutes les histoires que l’on se raconte sur soi – le monde – les Autres…

Ainsi les hommes peuvent continuer à dormir tranquille ; rien ne saurait les sortir de leur sommeil…

 

 

Comme un exil permanent – ni enracinement, ni déracinement – partout étranger…

 

 

Partout l’humain – et (presque) la même manière de vivre – la même perspective – la même perception du monde…

Encerclé par le pathétique et la tragédie…

 

 

Nulle part – un lieu béni où la sensibilité et la tendresse seraient les lois communes – les valeurs centrales des usages quotidiens…

 

 

Ai parfois le sentiment (fallacieux) d’être un moine-ermite sans robe, ni monastère – sans le moindre signe distinctif – contraint de sillonner le monde – les déserts – les lieux sauvages et retirés – mais aussi (malheureusement) la foule humaine – de manière totalement anonyme – avec le même visage que les autres – mais presque sans aucun de leurs attributs… Ce que l’on appelait autrefois un gyrovague…

Mais rien – sans doute – n’est plus faux. Je suis seulement un apatride – un sans communauté – un exilé solitaire – un sans frère humain

 

 

Partout – cette manière de se servir – de tirer profit – d’exploiter – d’utiliser à ses propres fins…

Très peu d’accueil – d’ouverture – de sensibilité…

Des bêtes instinctives. Et presque rien d’autre. Si – la ruse séductrice en plus. Rien qui ne ressemble – ni de près, ni de loin – à une fraternité d’âme*…

* Mon individualité est encore trop ambitieuse (et idéaliste) en matière existentielle et relationnelle. Elle voudrait, à chaque instant, des rencontres profondes et fraternelles. Et comme elle n’en fait que très rarement l’expérience, elle préfère demeurer seule. Quelque chose, je le sais, doit d’abord être vécu entre soi (en tant que présence impersonnelle) et sa propre individualité pour que celle-ci perde une grande part de ses exigences à l’égard de l’Autre… Mais en dépit de ces expériences d’impersonnalité, mon individualité rechigne à revoir à la baisse ses ambitions…

Figé dans cette posture de l’acquis et de la certitude – de l’habitude et des représentations – qui ont fini par édifier de hauts murs d’enceinte – à la fois rempart et prison – périmètre circonscrit et imperméable où rien ne peut passer sans le consentement timide de l’âme ou le besoin passager d’un désenclavement de la vie quotidienne…

Et lorsque l’autorisation est accordée – elle ne laisse presque aucune marge de liberté ; effleurement et cohabitation provisoire et superficielle – rien ne peut véritablement pénétrer – ni en surface, ni en profondeur – ni d’un côté, ni de l’autre. Simple promenade oxygénante sur son chemin de ronde – sur ses murailles. Salutations et simple bavardage entre voisins d’un instant…

Trivial et pathétique – autant que ma naïveté d’idéaliste qui n’aimerait vivre que des rencontres fortes et déterminantes sur le plan humain – existentiel – métaphysique – spirituel…

Chacun enferré dans une solitude impénétrable…

 

 

Le moment silencieux – il y a, à tout instant du jour, une trappe magique que l’esprit peut ouvrir – et par laquelle il lui est possible de tout jeter…

Vide et légèreté – les clés des retrouvailles avec notre (véritable) nature…

 

 

Un jour – le monde – au loin – les pas – le désert – et la mesure du temps que la mort voudrait sceller…

 

 

Rien de central – ni de fondamental – chez l’homme (ordinaire). Rien de profond sinon, peut-être, le rêve. Partout – le règne (et la loi) des périphéries – l’effleurement – comme mode d’existence et manière de vivre…

Le jeu superficiel des peaux et des masques. Et les danses chaotiques sous le joug (puissant et dictatorial) de la psyché…

 

 

Des milliards de visages – comme une montagne de chair horizontale – comme une longue chaîne de peau, de faim et d’excréments que l’on voit vivre – que l’on entend brailler – sur toute la surface du globe…

Des mains qui se tiennent non pour se soutenir – non par amitié – mais pour ne pas tomber – ne pas être éjecté hors de la ronde…

 

 

Des siècles de tentatives – entre grandeur et décadence – ce vieux rêve de l’homme de réunir l’esprit et la matière – aujourd’hui (quasiment) disparu…

L’époque n’est plus à la réflexion, ni à la quête – elle est (presque) entièrement dévolue à la distraction, à la fuite de l’inconfort et à la jouissance immédiate. La très grande majorité des élans s’inscrivent dans cette perspective…

 

 

D’autres jeux que ceux du monde – plus souterrains – plus invisibles – plus puissants. Ceux auxquels jouent les Dieux, les souffles et les forces en présence – multiples…

 

 

Quelques incidents, de temps à autre, dans la torpeur indifférente qui préside à la trivialité des mouvements mécaniques et quotidiens. Variations infimes dans les élans qui oscillent entre la nécessité contingente et le remplissage (paresseux ou frénétique) de l’existence et de l’esprit – la tentative de vivre mieux et de combler autant que possible ce vide – ce temps à occuper… Bref – l’indigence ordinaire de l’homme…

 

 

Eloignement des références et des accointances humaines…

Au fil des jours – du voyage – se restreint drastiquement notre fréquentation du genre humain…

 

 

Comme une âme – au milieu – et loin – de la foule – anonyme – de plus en plus invisible…

 

 

Chimères et fantômes continuent, pourtant, de nous hanter – un peu ; ceux que nous avons aimés – ceux qui nous ont quittés – ce qui semblait si vrai – si réel – tout cela a été balayé par vagues successives. Et ce qui s’acharne à demeurer s’agrippe avec force – comme, peut-être, les derniers souvenirs qui prouvent que nous avons été humain…

Et pour s’en défaire – il faudrait cureter tous les replis de toutes les parois – dans une exérèse longue et douloureuse ou avoir recours – préférablement – au scalpel puissant de l’esprit pour ôter avec aisance – et d’un seul geste – ces protubérances – ces excroissances de chair et d’images…

 

 

Des jours comme des arbres – hauts et discrets – anonymes au milieu de leurs congénères – œuvrant en silence – et avec assiduité…

 

 

Affilié – seulement – au silence et au vide – aux sources premières – et invisibles – du monde. Seul point d’ancrage – en vérité – pour ne pas errer indéfiniment dans l’espace et le temps…

Pas de visage – ni d’épaule – amis. Pas de témoin – ni de compromis. L’authenticité de la solitude et du face-à-face permanent…

Sans autre chaîne que celles que l’on porte en soi. Sans autre garant que celui qui veille en nous…

Existence quasi anomique – où seuls les circonstances et les penchants de l’âme – et ses inclinations provisoires – fixent le cadre éphémère du geste à accomplir…

Aucun échange, ni aucune parole prononcée – excepté sur nos pages et avec nos visages à l’intérieur – ces parts de soi qui nécessitent et réclament (à juste titre) notre présence – notre attention – notre écoute – notre tendresse – et notre aptitude à ne jamais nous laisser envahir par ce qui est inutile…

 

 

Parfois – la magie d’un lieu – quelque chose de l’ordre du rayonnement ; parfois l’espace – parfois la topographie – parfois l’agencement architectural – parfois (trop rarement) l’harmonieux mariage entre la nature et la main de l’homme – parfois le champ d’énergie entre les formes – parfois l’harmonie des couleurs – mille choses différentes qui peuvent frapper l’œil – et pénétrer l’innocence du regard ; l’âme alors devient sensible à ce qui est là – à ce qui s’expose – à ce qui s’offre…

De l’énergie métamorphosée en joie et en silence – une sorte d’alchimie intérieure…

 

 

Le jour à l’orée du monde. Comme une manière d’être présent au milieu des ombres. Un chemin au-dedans de la prière…

 

 

Partout la beauté souveraine – l’ouverture du cœur. Tout ce qui favorise l’humilité naturelle de l’âme…

 

 

Un bout de ciel – un toit d’église – des murs de pierre – des chemins – des forêts et des prés – le début d’une aventure ; la poursuite d’une errance qui s’affine – qui se précise…

 

 

Pas assez vide, parfois, pour se laisser toucher et s’émerveiller…

Accueillir aussi cette inaptitude – ce manque de grâce. En cela – déjà – nous participons à l’accueil – au grand accueil – à l’émergence et au règne du lieu – en nous – capable de recevoir (et de vivre) tous les états…

 

 

La route finit toujours par devenir voyage – aussi sûrement que les jours (successifs) finissent par faire une vie…

Chemin vers soi – toujours – quel que soit l’itinéraire…

 

 

Beauté – toujours – malgré la laideur. Lumière – toujours – malgré la nuit. Amour – toujours – malgré la violence. Quelque chose d’inespéré dans le malheur…

Rien qui ne puisse nous attrister malgré le sentiment (parfois) d’une malédiction tenace…

 

 

D’un lieu à l’autre – avec le ciel pour seul témoin…

 

 

Adepte – presque exclusivement – de ce dont le mental n’a besoin – de ce qu’il exècre même – tant cela le condamnerait à l’inconfort – à l’inutilité – puis, à la disparition si cette manière de vivre advenait de façon permanente…

 

 

Le sol – le ciel – la pensée de plus en plus aride…

La solitude de plus en plus vive et nécessaire…

La marginalité qui se radicalise…

L’intransigeance accrue à l’égard de ce qui ne montre ni respect, ni sensibilité, ni effacement…

 

 

De moins en moins à dire et à partager…

 

 

Une solitude tournée vers elle-même – et vers ce que porte le fond de l’individualité. L’intériorité comme exigence et critère central. La presque disparition du monde – et l’évitement de ses traits les plus vulgaires et de ses excès les plus communs…

 

 

Il faudrait inventer un pays de solitaires sensibles – ou créer, en ce monde, des zones interdites aux couples – aux familles – aux foules – aux masses. Des lieux de marginalité libertaire où les groupes et les trop-normaux seraient refoulés…

 

 

Chaque jour – des souliers en attente – et le choix d’une sente nouvelle…

 

 

Partout où s’établissent les hommes règnent le plus commun – le plus laid – le plus sordide…

Le royaume de l’indigence et de la bêtise…

Ce qui nous pousse sur tous les chemins où la solitude est (encore) possible…

 

 

Il faudrait une autre terre pour les hommes qui ne se sentent plus humains – ou qui aspirent à devenir réellement humains…

Il faudrait créer des régions nouvelles – ou réserver des zones aux âmes humbles, sensibles et silencieuses – comme des îlots bénéfiques et salvateurs en ces trop nombreuses contrées où ne règnent que l’indifférence, le tapage et la prétention…

 

 

J’attends l’hiver avec une (très) vive impatience – son climat, son silence et sa solitude ; toutes les conditions (enfin) réunies pour que les hommes restent chez eux* – et abandonnent le monde à ce qui n’est pas humain…

* excepté les chasseurs malheureusement – la pire, peut-être, des engeances humaines…

 

 

L’impromptu à chaque virage – souvent plus délétère que réjouissant…

 

 

Ce à quoi l’on est condamné : la proximité du monde – présence et bruits insupportables…

 

 

Et tout ce bleu dont personne ne sait que faire…

 

 

Ce souci permanent d’échapper à toute présence humaine – comme ces bêtes sauvages qui ne vivent – et ne respirent – qu’en l’absence des hommes…

 

 

Moins homme que bête – mais plus ange qu’humain…

 

 

Parfois le dédale se densifie – les murs s’épaississent – se rehaussent. Le ciel descend – s’opacifie. Le labyrinthe prend des allures insupportables de détention. Tout devient irrespirable ; on étouffe – littéralement…

Il n’y a plus que des murs – pas la moindre fenêtre – pas la moindre ouverture. Rien que des ombres qui glissent dans le noir – dans cette atmosphère poisseuse – accablante – de fin du monde. Comme si un couvercle se refermait sur nos vies devenues, peu à peu, des cercueils – et nous au-dedans avec de moins en moins d’air…

 

 

Le plus insupportable – en voyage – dans l’existence – et qui peut, parfois (rarement, il est vrai), se transformer en joie – en grâce – lorsque l’âme et l’esprit sont vides et attentifs – serviables et patients – inoccupés ; être sans cesse soumis à la volonté des Autres – tous ces autres qui se succèdent à côté de nous – et qui enchaînent les activités – avec leurs bruits, leurs mouvements, leurs bavardages – vivant comme s’ils étaient seuls au monde – comme s’il n’y avait pas d’autres…

Présence polluante – délétère – mortifère – qui engendre l’exaspération et la colère – et qui confine soit à l’agressivité – à la frontalité – au rééquilibrage des forces – soit à la fuite et à la quête d’un lieu plus isolé – moins peuplé – désert si possible – oui, désert (par pitié)…

 

 

Je crois que je fuis les hommes avec autant de ténacité que la plupart aiment se rassembler – se réunir – s’agglutiner – s’entasser les uns sur les autres…

 

 

Pas à pas – comme tout ce qui est né. D’ici à un peu plus loin – de la même manière que nous sommes arrivés depuis l’origine jusqu’ici…

Des milliards de fois vécus comme des milliards d’autres…

A vivre sans vraiment savoir – sans vraiment comprendre – sans même vraiment y penser…

Petite chose écrasée par l’ignorance – les instincts – les conditionnements – vouée – seulement – à tourner en rond dans son coin – sur son petit lopin de terre – dans le cercle minuscule de son existence…

 

 

Nous allons comme ces arbres qui poussent – en élément infime – dans l’immense mécanique du monde…

Mais rien de ce que nous faisons – de ce que nous semblons faire à l’extérieur – ne compte vraiment – c’est ce qui s’éprouve – ce qui se vit au-dedans – qui détermine la véritable valeur du voyage apparent…

 

 

L’envergure et la liberté n’existent qu’à l’intérieur. Ce qui se voit n’est que limitation – nécessités – conditionnements – rien qui ne puisse être évité – rien qui ne mérite que l’on s’y attarde excepté lorsque ces belles et précieuses servitudes sont pleinement consenties – une beauté et une grâce alors se dégagent des gestes et de l’individualité – l’acte et le visage singuliers deviennent, à cet instant, le reflet de l’envergure et de la liberté intérieures…

 

 

Qu’importe les combinaisons d’énergie – les convergences – les divergences – les rassemblements – les séparations – les attractions – les répulsions – les ruptures – les créations – les transformations – la continuité – seuls comptent le regard au-dedans et la manière dont jaillissent les élans du centre vers l’apparente périphérie – de l’invisible vers ce qui peut être perçu par les sens…

La grandeur – la joie – tout est consubstantiel à cet espace de réception-création…

Rien – jamais – ne s’écarte du monde adjacent – déterminant principal du cours des choses…

La force agissante de l’invisible…

 

 

Tout au détriment de la vraie vie ; et la vraie vie au détriment de rien – si – peut-être – au détriment de l’inutile à vivre…

 

5 septembre 2019

Carnet n°201 Notes journalières

Du vide naît ce qui étreint – l’innocence et le plus radieux…

 

 

Des traces de moins en moins nécessaires. Juste le regard et ce qui se présente…

 

 

Silence et solitude au cœur de la nature sauvage. Sans doute – les seuls lieux où nous pouvons vivre…

 

 

Rien n’écorche dans l’immobilité – tout glisse sur la transparence. Et les vents débarrassent du reste…

 

 

La solitude ne se conquiert qu’au-dedans de la solitude. Et tout invite à habiter ce faîte…

 

 

Plus serré parmi les visages que seul sur la route où tout s’écarte…

 

 

De tous les côtés – les flammes – ce qui nous entoure – le monde et la nuit froide – le ventre à terre pour essayer de se faufiler sous les branches – dans l’air bleui par le ciel – à rouler sans bruit dans le passage…

 

 

Ce qui tombe – ce qui revient ; les mêmes jeux sans malice – sans mystère – et le visage des hommes moins hospitalier que celui des fleurs…

 

 

Paroles pour dire la nuit – autrefois – et cernées, à présent, par le véritable commencement du silence…

Tout – maintenant – aspire à disparaître – à être précipité dans le vide avec les images et la pensée – les souvenirs en tête – et les croyances et l’espoir à leur suite…

L’arrachement salvateur des certitudes…

Regard et monde vierges et neufs…

Le blanc a tout recouvert – tout envahi – a retrouvé sa place…

Et les formes et les couleurs – provisoires – qui passent…

 

 

L’éblouissement d’un autre jour que celui des hommes…

Une terre parachevée peut-être…

 

 

La fatigue des noms et des histoires…

Le retour au plus simple – à l’essentiel – à l’originel…

Tout – en poussières délicates – en écume raffinée… 

 

 

Des pierres – des corps – des chemins – et autant de blessures et de foyers – mille mondes possibles. Et le silence au-dedans que le dehors, parfois, rend fébrile. Et notre épuisement devant ce qui résiste ; les obstacles – l’inertie et l’inaction – l’effervescence et les jeux des hommes….

 

 

Rien que soi – la lumière et le monde à l’intérieur. Le souffle et le vide qui éventre la mémoire…

 

 

Être – il n’y a – et nous n’avons – que cela – en vérité. Le reste est trop provisoire – trop aléatoire – trop inconsistant. Sauce superflue – vaguement parfumée et goûteuse – qui ne sert qu’à agrémenter l’essentiel – jeux et colorations sur l’irréductible – mousses et lichens sur la roche originelle…

 

 

La parole – comme tout le reste – ne sert, en définitive, qu’à libérer le silence…

 

 

Comme des bêtes surprises – et enveloppées – par la nuit – puis, soudain, le jour. Et tout, aussitôt, vole en éclats ; l’obscurité – le monde – les visages…

 

 

Ce que l’on porte et ce dont on a l’air – un gouffre infranchissable semble les séparer…

Qui pourrait imaginer qu’en de telles limitations loge l’infini…

 

 

Quelques jours d’existence – à peine – pour chercher et découvrir – juste le temps de voir défiler quelques nuages – quelques visages…

Ce qui n’empêche nullement des siècles et des millénaires d’enlisement…

 

 

Tout a l’air si vrai – alors, qu’en vérité, on n’est sûr de rien. Tout se déroule dans la tête – si étroite – petite boîte dans un coin infime de l’esprit à l’envergure si vaste…

Et ce vide qui efface – et la précision du ressenti. Tout va si vite – tout – en un instant – se manifeste – puis disparaît…

Que reste-t-il sinon le vide et la nécessité de l’oubli…

 

 

Rien d’horizontal, ni de vertical – les dimensions explosées – anéanties. Seuls règnent l’instant et le vide – ni monde, ni visages – ou alors de manière circonstancielle – uniquement…

Et, pourtant, nous vivons avec les mains enfouies dans les poches – à serrer je ne sais quel trésor – papiers – objets – figures – souvenirs – affrontant le froid de la chair – l’indigence des âmes – les malheurs des existences – le désert et la mort – comme si tout ce qui était devant nous – comme si tout ce qui nous traversait – étaient réels sans voir que tout est toujours trop loin – hors de portée – mais qui s’en rend compte…

Nous croyons vivre mais, en vérité, nous butons sur tous les obstacles – nous croyons marcher mais, en vérité, nous ne franchissons aucune barrière – nous croyons vivre heureux mais, en vérité, nous croulons sous le poids de la neige et la boue des autres – nous croyons vivre l’amour mais, en vérité, nous mourrons de froid et de solitude au fond du jardin – devant la porte fermée du seul abri…

 

 

L’incarcération au-dedans – et les barreaux intérieurs – bien sûr. Et pareil pour la liberté. L’une et l’autre ne se voient sur le visage ; elles ne se révèlent que dans le geste et la parole – dans la posture de l’âme face aux circonstances…

Des barrières – des inhibitions – et des franchissements…

Des fossés – des murs de pierre – et des fleurs sauvages…

Un penchant naturel. Des inclinations. Et les préférences de l’âme…

 

 

L’hiver à demi effacé – et la lumière trop timide pour faire naître la pleine clarté. Légère pénombre et soleil pâle…

La peau – la terre – le mouvement entre le froid – persistant – et la chaleur qui monte paresseusement…

L’âme condamnée à une ardeur défaillante. Des élans qui manquent de tenue et de franchise…

 

 

Ce que l’on voit s’écrit – ce qui s’entend s’écrit – yeux et oreilles du dehors et du dedans qui fauchent leur récolte à mesure qu’apparaissent les tiges à couper…

 

 

C’était déjà là – avant de vivre – avant de naître. Ça n’attendait que les conditions pour émerger – grandir – devenir – ce qui avait besoin d’éclore…

Tout pourrait faire obstacle – tout serait bousculé – renversé…

C’est patient – ça attend son heure et les conditions requises – comme l’herbe qui fend le béton des trottoirs – c’est par une force titanesque – ça n’a l’air de rien mais, au fond, c’est redoutable – ça n’obéit (comme toute chose) qu’à son propre élan – qu’à sa propre nécessité. Et quels que soient le temps et les empêchements, ça finit – toujours – par advenir…

Voilà de quoi nous sommes constitués – notre noyau dur – le soubassement de nos vies apparentes – matériau sans intérêt excepté celui d’être le terreau le plus favorable à ce qui doit émerger – pousser – croître – s’imposer ; c’est au fond de l’âme – et au fond des tripes – et ça s’infiltre par tous les trous – par tous les canaux – par tous les passages – possibles…

Beauté monstrueuse du vivant et de l’énergie…

 

 

En nous – plus loin que l’embrasure – plus loin que le lieu où tout se retire. Ici même – là où le soleil n’est ni devant, ni derrière nous – au centre – ce que la parole ne peut saisir – ce que le souffle ne peut arracher – en chacun – chaque jour – à chaque instant…

 

 

Trop d’humains – partout – et, en moi aussi (bien sûr), trop d’humain…

 

 

J’attends l’hiver et la caresse des mots qui nous réchauffera. La franche solitude qui – jamais – ne s’encombre de visages et de souvenirs. Le désert retrouvé – estimable…

 

 

Tous les yeux tournés vers la même terre – vers la même perspective. Comme des têtes usinées dans le même moule ; la reproduction du pire qui s’aggrave – de plus en plus funeste – au fil des générations…

 

 

Il y a – en moi – cette nature sauvage qui me fait ressentir avec force ce que les bêtes éprouvent face à l’invasion humaine – face à l’hégémonie des hommes – face à leur omnipotence – à leur omniprésence – à travers leurs mille activités exploiteuses et irrespectueuses…

Et comme elles, je ne peux rien faire ; ni crier, ni mordre ne suffiraient – nous sommes condamnés à l’évitement et à la fuite…

L’impuissance et la rage au cœur…

Peut-être ai-je, en plus, les mots pour dire notre dénuement et notre désespérance devant tant de bêtise et de barbarie. Et quand bien même – exprimer ne fait guère la différence – nous sommes si peu, aujourd’hui, à reconnaître cette infamie… Et rares sont les hommes prêts à entendre cette vérité…

C’est enfoui au-dedans de nous – cette boue – cette bave – cette ruse – cette monstruosité – inscrit dans nos gènes. C’est enterré – et par-dessus – on a mis des fleurs – quelques aménités – un soupçon poisseux d’intelligence – pour faire croire à une possible humanité – digne de ce nom – imposture, bien sûr – vaste supercherie – ça circule encore dans nos veines – dans notre sang – dans toute la tuyauterie de notre cerveau…

Il n’y a de pire engeance que celle qui prétend ne plus être régie par les instincts – enfouis si loin – si profondément – et si mal qu’on les entend bruisser dans chacun de leurs souffles – dans chacun de leurs pas – dans chacune de leurs pensées. Ceux qui s’affichent et s’enorgueillissent ainsi ne sont presque qu’instincts – en vérité…

Pour vouloir paraître autrement – davantage – pour avoir l’air de ce qu’ils ne sont pas en réalité, ils sont prêts à récuser jusqu’à la mort ce dont ils sont tout bouffis et à cracher leur haine, leur mépris et leur prétendue supériorité sur tous ceux qui affichent avec plus de naïveté les traits dont ils estiment être affranchis…

 

 

Ça dérape souvent cette manière de nourrir l’illusion – au point de ne plus rien voir – de ne plus être capable de percevoir ce qui existe vraiment…

 

 

Le souffle – le sol – la même aspérité – parois collées. Et entre les pas – entre l’inspir et l’expir – le silence – cet intervalle hors du temps – voie par laquelle le silence se laisse rejoindre plus aisément…

 

 

De la lumière – parfois – entre deux rectangles gris – recouverts par le haut d’un bleu étrange – comme un œil sur la souillure du monde qui fouille et désosse les apparences pour révéler ce qu’elle dissimule – et ce qu’elle ignore elle-même ; la graine de beauté – l’élan possible vers le devenir – le jeu profond et permanent de l’évolution et de la métamorphose…

 

 

Rien n’est vu – à proprement parler – on devine davantage que l’on ne perçoit – et par-dessus – on invente. Et on imagine ainsi décrire le monde avec objectivité. Il faudrait traverser les peurs – et l’épaisseur de l’âme – creuser sous les images – faire exploser le sommeil et les apparences pour commencer à voir la réalité sous nos yeux…

 

 

De la poussière dans la bouche – descendu en soi – comme l’effluve du jour – ce que les vents ont livré à nos pas – ce que la main a saisi près du sol pour satisfaire la faim. Le ventre et l’âme – à l’abri des déboires et de la lumière – dans cet interstice où l’on ne se nourrit que de débris – des restes organiques et célestes…

Tout – ainsi – entre au-dedans – devient la jonction avec ce qui semble extérieur…

Des souffles et de la neige – tout ce que l’on saupoudre sur nos têtes…

 

 

Rien que de la vase – lorsque l’on fouille dans l’esprit – la mémoire. Ça a l’air clair – limpide – tout semble se détacher de manière nette et précise – avec facilité – mais tout, en réalité, a une odeur et un goût de marécage – d’eau stagnante…

Et tout – aussitôt remonté – se délabre – se liquéfie – retombe en informes pâtés dans la mélasse brunâtre et nauséabonde…

On voudrait que cela ait des airs de liqueur – de parfum d’enfance et de bonheur perdu – mais ce sont les égouts et leurs effluves pestilentiels

On peut enjoliver les images – leur donner un air de propreté – et abuser l’esprit en ne lui présentant que des fragments isolés du reste – mais si l’on est honnête – et un tant soit peu lucide – on ne peut ignorer ce lieu étrange d’où émergent les images – et on a vite fait de comprendre qu’il est plus sage de tout remettre à sa place – de tout jeter en contrebas – et d’ouvrir les vannes pour que le marigot se déverse – s’évacue – disparaisse…

 

 

Histoire d’intériorité et de propreté – l’esprit comme une ménagère exigeante – presque caricaturale – le balai à la main – soucieuse jusqu’à la maniaquerie de l’hygiène de son foyer ; une grande pièce aux murs blancs et au mobilier rudimentaire – éminemment fonctionnel – voué uniquement aux usages quotidiens nécessaires…

 

 

Des mots – des souffles – et par-dessus – et par-dessous – une lame effilée. Et tout – coupé – haché menu – et réduit en poussière – puis consciencieusement balayé…

Déblaiement incessant pour accueillir de manière toujours aussi neuve la vie incessante et nouvelle…

Dans l’esprit – le dispositif inverse de celui que la vie et le monde ont naturellement mis en place – qui soustrait ce que ces derniers ne cessent de répandre – d’amasser – d’entasser ; le vide – le moins – pas contre mais pour accueillir le plein – le plus – et leur offrir le terrain le plus propice – vierge – libre – sans embarras…

 

 

Ne pas se laisser impressionner – ni attendrir – ni même bluffer – par le jeu du monde, des visages et de la psyché – chargés de désirs – de revendications – de règles à respecter – d’une longue liste d’exigences…

Couper – trancher – et se débarrasser de cette poudre aux yeux – de ces simagrées – de toutes ces niaiseries du monde, des visages et de la psyché qui ne manquent jamais une occasion pour nous faire passer pour des bourreaux sans âme – des bourreaux sans cœur – si nous avons le malheur de ne pas nous conformer à leurs caprices – de ne pas satisfaire leurs incessantes volontés…

Soleil qui rase et défait pour rayonner sans rival sur le monde des objets…

 

 

Rien ne soumet – mais nous avons l’âme docile – obéissante – réglée sur de vieilles obligations – des choses si profondément ancrées que nous les réalisons sans même savoir qu’elles existent…

Entre peurs, plaisirs et espérance – la psyché s’agite – cette cervelle au cortex trop lent – et trop timide…

 

 

Tout finit par prendre la couleur de l’hiver. Il suffit d’être patient…

 

 

Tout est là – en deçà de cette agitation – de cette effervescence mentale – et au-delà de la quiétude – de cette paix à ciel découvert…

 

 

Rien – l’absence encore – le manque qui traîne la patte – qui résiste au grand déblaiement – qui s’accroche en vrillant le cerveau au point de créer une tension de plus en plus insupportable – passagère mais de plus en plus insupportable – illusoire mais de plus en plus insupportable – fiction et mensonge de la tête – simple jeu d’amplification électrique – hormonale – neuronale – encéphalique…

Dans l’attente d’un retrait – d’une suspension – jusqu’à la disparition définitive…

 

 

C’est souvent ainsi que l’on marche – la tempête à l’intérieur – avec cette fièvre diabolique – ces luttes fratricides – cette effervescence chaotique – et avec cette tête qui semble si froide à l’extérieur…

 

 

D’une seule couleur – celle qui nous attend. Des cloches et de la lumière. Des voix qui portent malgré les bruits du monde. Une sagesse inhabituelle. L’au-delà qui se rapproche. La vie et les Autres en nous…

Quelque chose devient le rythme – le pas – la pensée – les contenus de l’esprit – puis ses parois – puis, l’esprit lui-même dans toute sa démesure – comme si la folie s’insinuait à travers tous les passages possibles – le dehors devenant le dedans – et le dedans s’élargissant jusqu’à tout contenir – tel qu’au premier jour du monde – m ais à l’envers…

 

 

Les mots ne servent qu’à ramasser les restes – à témoigner de quelques broutilles – mille choses sans importance. Toujours – ils manquent l’essentiel – le retour et le vertige – le devenir du gris – cette refonte profonde (et miraculeuse) dans le bleu. La vie comme un fil – les destins comme des voiles – de la haute voltige – et de nobles aventures – sur nos eaux sans remous – et dans notre esprit toujours aussi tumultueux…

 

 

Rien que des mots parfois – mais qui ne suffisent à vivre. Il faut aussi des gestes – du silence – de la solitude et des pas – et quelques arbres à saluer – pour nous réjouir pleinement du jour…

 

 

De la terre et du feu – ce qui nous redresse malgré le vent – malgré le monde – malgré les hommes…

Tout se retire pour que nous puissions faire face au ciel et à la lumière avec poésie et efficacité – de manière intense et pragmatique…

Une suite de vertiges, de pertes et de chutes préalables pour que nous puissions nous présenter aussi nu(s) et humble(s) que possible…

 

 

Tout se percute et s’emboîte pour que nous avancions – et que se rapproche l’évidence…

Pour que la rencontre ait lieu – il faut que ça émerge des profondeurs – que ça monte et que ça descende – que ça s’inverse et que ça explose – alors peut-être – le regard – la lumière – le silence – l’évidence – réussiront-ils à se rencontrer – à ne former qu’un seul trait dans l’âme – sur le visage – sur la page…

Rien de mécanique dans ce processus – cette rencontre ; quelque chose plutôt entre la magie et la poésie – et comme une fulgurance éminemment pragmatique aussi – un événement étrange à vrai dire – absolument trivial et sans pareil – indéfinissable…

 

 

Du rouge au gris – puis, un long intervalle dans le noir – puis, un agrandissement jusqu’au blanc – un saut vers le jour – puis, le soleil rayonnant jusqu’au bleu – impérial…

Mais qui sait si nous ne pourrions encore être la proie d’un glissement impromptu – sournois ou radical – vers le froid…

Une chute vers la vacance sombre de l’âme…

 

 

La nuit – en réalité – n’est jamais à l’extérieur – dehors n’existe pas – ce n’est qu’un rêve – un mythe – un mensonge pour les âmes étriquées. Dieu – déjà – présent – partout – avant même la première naissance…

Ensuite – on compte les morts et le nombre de vies nécessaires pour refaire surface au cœur du réel – puis le nombre de pas qu’il manque pour transformer le réel en vérité…

Après, on ne sait pas – peut-être n’y a-t-il pas d’après…

 

 

On laisse faire – de plus en plus ; et il y a de la tristesse au fond de l’individualité – comme une couche épaisse de mélancolie…

A chaque fois, on imagine que ce sont les ultimes soubresauts de l’individualité – et puis ça revient – ça finit par revenir comme si cette désespérance était sans fin – intarissable – littéralement… Et sans doute est-elle intarissable car le monde, sans cesse, la nourrit – et dans le monde – et au contact du monde – l’individualité n’a d’autre choix que celui de la tristesse ; elle ne peut prétendre à autre chose – elle ne peut nier son inclination profonde – presque sa nature – et elle ne peut disparaître…

L’esprit, lui, sait échapper à l’individualité – à la tristesse – au monde – à toutes ces niaiseries qui nous condamnent à la désespérance… Mais notre manière d’y être – de l’habiter – n’est pas assidue – n’est pas assez régulière – malgré nos efforts – elle demeure erratique – trop encombrée encore par ce qui entrave le passage – par ce qui s’accroche – par ce qui s’agrippe désespérément par peur d’être balayé et jeté définitivement dans le vide…

 

 

Tout est posé contre nous – voilà pourquoi nous étouffons parfois – voilà pourquoi nous étouffons souvent – presque toujours. Il n’y a pas assez de distance – et nous avons perdu la hauteur – et l’envergure – nécessaires pour demeurer en surplomb – là où le magma, l’entassement et les blessures prennent des airs de danse – ressemblent aux traits d’une arabesque sans douleur – comme une succession de mouvements dessinés dans l’air…

 

 

Quand tout devient rien – la gravité disparaît. Le rire revient – et révèle notre nature – le seul visage de l’âme. L’air retrouve sa légèreté. Et vivre n’est plus qu’ivresse – vertige – joie intense…

Quand tout reste tout – ça fait comme un poids insoutenable ; soi – l’âme – le monde – toutes les choses – tous les visages – pèsent – pèsent sur nos pauvres épaules. Les jambes fléchissent – le corps vacille – le cœur s’épuise – il n’y a plus que lourdeur et tristesse – noirceur et impossibilité…

Et, à chaque fois, la fin du monde est proche – presque inévitable ; le grand œuvre de la désespérance…

 

 

La défaite écrasante nous plonge dans une forme d’impuissance paroxystique. L’anéantissement de la volonté – la capitulation complète de l’individualité – l’annihilation de ce que l’on appelle couramment le destin personnel. Le contraire (absolu) du succès et de la liberté individuelle – de la réussite et de l’indépendance dont on nous fait croire qu’ils existent – qu’ils se méritent – qu’ils se conquièrent – mythes et mensonges ancestraux dont les hommes et la psyché ne peuvent se passer…

L’effacement et la soumission totale à ce qui est ; Dieu, l’esprit et le monde plus puissants que les désirs et les illusions humaines…

 

 

Des jours entiers sans visage – avec soi – l’herbe – les ombres. Des milliers d’instants au cœur de ce face-à-face – Dieu et la psyché – ce que l’on porte – le regard et l’individualité – distance et tension – accueil et résistance – entente parfois jusqu’à l’union – jusqu’à la désintégration des noms et des frontières…

 

 

Au fond de l’air – il y a un tombeau – un trou – un front – un peu de terre – un peu de bleu – le lieu de la lumière – la tristesse – le chant un peu triste qui accompagne ceux qui partent – le supplice et l’extase de chaque instant – indissociables. Et c’est cela que, chaque jour, nous respirons – l’inlassable continuité du monde…

 

 

Ce qui blanchit nos cheveux – et ce qui blanchit nos âmes ; rarement la même chose…

 

 

Des années à écrire – le même chemin de sable et de poussière. Des mots sans couleur – un œil sans âme – juste assez pour vivre – et revenir le lendemain…

Et de cette vie – bientôt – il ne restera plus rien – fort heureusement…

 

 

Lumière sombre posée sur quelques âmes. Une route – au loin – qui ressemble à un labyrinthe. Pas d’existence franche – réelle – quelque chose comme une impasse et un ajournement. Une manière, sans doute, de revenir – et de repartir du même lieu ; celui qui a pour origine le voyage…

 

 

Des lignes qui, parfois, tendent vers un horizon impossible. Il faudrait plus d’errance et de magie dans la main – quelque chose comme une âme plus vivante – plus vibrante. Une sorte de joie face à l’inconnu. Et, peut-être, moins d’idées et une manière d’être au monde moins rigide – moins codifiée…

Vivre avec l’émotion vive – sincèrement triste (presque douloureuse) – que l’on éprouve face à une tombe sans ornement – sans artifice – un peu de terre seulement avec un nom et deux dates. Et rien de plus. Si – parfois – une inscription – une seule – ou une photo. La poussière retrouvant humblement – sans emphase – sans afféterie – la poussière…

 

 

Il y a – toujours – une émotion vivante – une tristesse joyeuse – à voir une franche humilité – une beauté – une grâce – un émerveillement – la possibilité du Divin dans le plus pauvre et le plus simple…

 

 

Chez les vivants, j’aime aussi cette solitude et cette humilité – chez tous ceux que la vie a suffisamment contrariés – déçus peut-être – pour qu’ils n’aient plus d’exigence – et parfois – même plus d’espérance – mais sans rancœur – sans tristesse – sans aigreur – devenus assez sages, peut-être, pour s’en remettre à la providence et à ce que leur offrent les circonstances…

 

 

Des jours ternes – parfois – comme un regard éteint – un excès de sommeil – quelque chose que nous n’avons pas su offrir ou révéler – une âme trop distraite peut-être…

 

 

Rien ne s’impose – pas même la pluie – ça s’offre. Et dans ce don – il y a toute la lumière et l’Amour que l’on prête, parfois, à Dieu. C’est un regard qui vibre – une tête sans ombre – une manière de tenir la nuit à distance – d’éviter la contagion – de réduire la peur et la médisance…

 

 

Rien que la mort parfois – et cette façon de se coucher sous la tristesse. Trop de fatigue – et pas assez de ciel peut-être…

 

 

Le coin de la bêtise avec ses angles trop droits où tout vient se cogner…

 

 

Ça écrit encore – on ignore pourquoi – on ignore pour qui. Une manière, peut-être, de se faufiler entre les vivants – de façonner un désert autour de soi – d’être fidèle à sa singularité – de se rappeler qu’une dimension – une perspective – une vérité – existent au-dedans bien plus essentielles que tout le cirque du dehors…

Et comme manière de vivre, peut-être, toutes ces belles choses au quotidien…

 

 

Parfois – tout se retire – sauf l’ombre persistante…

Rien ne glisse sur le gris du monde…

Tout s’accroche aux visages – comme si le provisoire cherchait l’éternel…

 

 

Quelque part – dans le désœuvrement du monde – un peu à l’écart – à entendre ce qui ne peut s’éteindre ; ce feu – cette agitation – ce brouhaha – inévitables…

 

 

Les malheurs des vivants au pied de la lumière…

Le tour de force des ornières pour dissoudre tout ce blanc – toutes les promesses de la beauté…

 

 

Pour aimer – la rareté doit être manifeste – ce que le ciel tient, bien sûr, pour une évidence. C’est toujours vers l’unique que nous nous tournons…

La multitude est une forme de malédiction – d’infirmité – où rien ne se distingue ; une suite de visages – de noms – de reliefs – aussitôt vus – aussitôt oubliés – un long ruban de chair sans existence – sans conséquence…

Il n’y a que soi, bien sûr, que l’on différencie de la masse. Chacun – ainsi – se rassure – dans cette évidente distinction…

 

 

On fait – souvent – durer plus que de raison – histoire de gagner du temps sur le rien – et, peut-être, sur le néant ; le vide – la solitude – la mort – toutes ces choses un peu lointaines – un peu abstraites – mais dont l’ombre et l’apparence – et rien que le nom – nous terrifient…

 

 

Devenir ne suffit pas. La promesse non plus…

Et lorsque l’être se réalise – et que le temps disparaît – devenir et la promesse perdent toute leur valeur – tout leur attrait…

 

 

Un peu de bêtise et de sommeil – ce que les hommes partagent le plus communément – le plus souvent – et de bon cœur qui plus est…

 

 

Rien que le silence – et tous les paysages à l’intérieur…

 

 

Au-dedans – et plus jamais à côté…

 

 

Une seule présence – parfois – à la place de ce que nous avons (vainement) accumulé ; des livres – des fleurs – des enfants – des images – des conquêtes – mille choses – mille souvenirs – inutiles…

Une issue à tout – pour peu que l’on se sente prisonnier – abandonné – incomplet…

Comme une main – une lumière – qui, soudain, effacerait l’accablement…

 

 

Cloué à ce qu’il nous reste alors qu’il nous faudrait être nu – sans fardeau – sans douleur…

L’air et la peau déchirés – ce que l’on s’arrache encore pour que le rien – le plus rien – illumine…

 

 

De la poussière – une lampe – et soudain mille montagnes – et la route longue – longue et sinueuse – si longue et si sinueuse que d’ici on ne peut rien voir – ni même deviner la fin – seulement l’imaginer…

 

 

Une manière de s’absenter – de renoncer à l’inutile…

Une manière non d’arriver quelque part – mais d’être présent là où nous nous trouvons. Et qu’importe le contexte, les visages, les possibles – qu’importe le devenir – ils comptent pour presque rien – offrent (seulement) une vague coloration…

 

 

Comme un lourd rideau que l’on tirerait derrière soi. Et devant, l’horizon clair – et au-dedans, le seul soleil…

Comme un étrange désir que personne ne touche plus à rien – ou que si tout se transforme encore – le changement nous soit bien égal

 

 

Fermer les yeux – et tenir le regard debout – dressé non dans l’attente mais dans l’attention. C’est ce qu’il nous faudrait avant que l’on ne nous enterre – avant que l’on ne referme notre tombeau – juste avant notre dernier souffle…

 

5 septembre 2019

Carnet n°200 Notes de la vacuité

Oscillations précises – d’un jour à l’autre – d’un instant à l’autre. Forme élémentaire d’apparition – de changement – d’échange…

Naissances conditionnées – mystérieuses – cycliques…

 

 

Pas – bruits – mouvements – à la suite. Et des intervalles d’absence. Le lot commun – ce qui traverse l’esprit…

Des injonctions parfois – des retours souvent. Et les mille évacuations quotidiennes indispensables à la vacuité…

 

 

La persistance du jour. Et des éclats de nuit encore. Ombres nocturnes et fantômes plutôt qu’entités vivantes…

Davantage soi qu’un Autre – davantage rien que visage…

Le rôle du vent plus essentiel que le monde des idées…

Le réel au détriment du rêve. Le vide intense – profond. Et le silence plutôt que le tapage et la vie accumulative…

 

 

Ce qui est – sans construction – sans distinction – sans commentaire…

L’œil tranchant – lucide peut-être – plutôt que l’analyse. La précision plutôt que les méandres tortueux…

 

 

Aucune trace sinon celles du feutre qui accompagnent les mouvements – qui ne les commentent pas – qui ne les dissèquent pas. Simple corollaire de ce qui est – légère extension peut-être – léger pas de côté – rien d’additionnel – une sorte de distance et de retrait consubstantiels…

 

 

Quelque chose – en soi – qui s’apparente, peut-être, à Dieu – à une présence informelle sensible – sans la moindre assise en ce monde. Un œil innocent et désengagé – vide et neuf – à chaque instant…

 

 

Le chapitre en partie clos des tentations. Le monde sans objet de désir – simple décor – fugace et inévitable. Rien de plus…

L’essentiel au-dedans – monde, choses et visages inclus…

Ce qui passe et résonne à l’intérieur – les mille aspects de ce qui semble se produire sous les yeux…

 

 

Simple récit d’une expérience – l’inéluctable qui traverse l’esprit – les contenus provisoires de la vacuité…

Buée et traces de doigts sur la vitre silencieuse – nuages passagers dans le ciel aux couleurs et aux rythmes changeants. Rien qui ne vaille une description – un commentaire – détaillés…

La beauté de l’évanescent au contenu presque sans importance…

L’incarnation, peut-être, de l’invisible – l’un de ses visages singuliers…

 

 

Un regard – ce qui est – un ressenti fugace ; une pensée – une image – une émotion, parfois – nées d’un ailleurs mystérieux – introuvable – inconnaissable peut-être…

Question de l’origine, sans doute, insoluble et sans intérêt…

Abandon des constructions et de la conceptualisation pour la vie pratique et l’évidence…

 

 

Des instincts de nuisance – des calamités – une manière d’être inconsciemment vivant…

 

 

Le ciel – haut – très bas – et cette ligne d’horizon comme une étrange frontière illusoire…

Les yeux mentent autant que les émotions qu’ils soulèvent…

Rien de précis – simple question de perspective – de focus – de regard – où la distance demeure le point central – l’axe à partir duquel prend forme – et se matérialise – la réalité perçue…

Ce que l’on imagine réel n’est qu’une recréation du monde – sa représentation dans l’esprit. Etrange et mystérieux processus qui devrait nous faire comprendre que tout – en réalité – se déroule au-dedans…

L’extérieur est soit inexistant, soit insaisissable…

Mais nous nous obstinons, pourtant, à lui accorder une existence propre – une réalité indépendante…

 

 

Monde de croisements et d’entrecroisements – de lignes et de courbes distinctes et entremêlées – tantôt convergentes, tantôt divergentes…

Parfois – ensemble de points. D’autres fois – écheveau de fils. D’autres fois encore – des formes séparées par le vide – l’espace qui s’emplit de mille contenus reliés et disparates – nécessaires, la plupart du temps, à l’existence de l’ensemble (ou à l’existence d’une partie de l’ensemble)…

 

 

Des instances d’acharnement – des rondes cycliques – des pas récurrents. Le même itinéraire à quelques nuances et variations près. L’inlassable répétition du monde. Le retour infatigable des choses…

 

 

Des mouvements bruts – des gestes d’emprunt – conditionnés – nés des profondeurs inconscientes – non perçues – non habitées – presque jamais issus de l’attention – de la présence vierge et sans intention…

Et, pourtant, réside là une forme de justesse involontaire – dont les conséquences – tantôt plaisantes, tantôt délétères – agissent sur l’ensemble des intervenants (directs et indirects) des circonstances – dans un enchaînement implacable d’élans et d’effets …

 

 

Mille choses qui rendent la compréhension du réel – du monde – de soi – peu aisée – presque impossible ; trop de paramètres et de points de vue envisageables pour espérer un aperçu d’ensemble et une perception fine et profonde des mécanismes, des fonctionnements et des enjeux à l’œuvre…

 

 

Privilèges révocables – secrets périssables – retrait, puis disparition probable de tous les acquis. Une virginité à renouveler à chaque instant…

 

 

Ce que l’on construit – un surplus de chaînes – un rehaussement des grilles – une fortification de la détention…

Mieux vaut aller nu-têtenu-pieds – et se laisser porter par les vents provisoires…

 

 

De l’espace vacant – la seule demeure où résider – le seul lieu où il nous est possible de vivre – à présent….

Le monde est trop encombré – trop bruyant – pour s’y établir de façon sérieuse…

Le dedans n’a pas son pareil pour nous libérer…

Manière d’appréhender plutôt que mode de vie apparent…

Manière d’être plutôt que perspective dogmatique…

 

 

Réductions extérieures bénéfiques – mais insuffisantes à la virginisation intérieure et à l’élargissement de l’envergure interne… 

 

 

L’écart grandissant avec le monde, la normalité et les conventions humaines. Quelque chose de l’ordre de la liberté et de l’affranchissement…

Nulle autre loi que celles qui régissent le renouvellement du vide et la sensibilité présente…

Au-dehors – trop de bavardages et de vaine effervescence. Trop de tête et de traits d’esprit – et beaucoup trop de visages. Manquent le silence, l’Amour et la clarté nécessaire pour que les âmes se rencontrent – véritablement…

 

 

Les arbres et les pierres sont des êtres d’excellente compagnie – des frères de silence et d’acquiescement. Des maîtres de la liberté dont la fréquentation encourage la nôtre…

 

 

Rien de plus précieux que notre alliance intérieure – celle qui redonne au regard, son envergure – à l’âme, sa sensibilité – et aux gestes, leur justesse…

Manière autonome de vivre ses inévitables dépendances …

L’être qui redonne aux instincts leur place naturelle – sans les pervertir, ni les voiler par une sophistication apparente et inutile…

Rien de vraiment perceptible de l’extérieur. Rien qui ne ressemble à une révolution. Rien de vraiment frappant. Rien de changé en apparence si ce n’est, peut-être, une attention naturelle accrue – une manière silencieuse et affranchie d’être au monde – et une joie vivante – vibrante – au cœur de la solitude…

Plus ni prière, ni mendicité. Nul besoin de consolation – de distraction – de compensation. La complétude qui, peu à peu, retrouve sa place et ses droits – et occupe l’essentiel de l’espace vide – avec, de temps à autre, quelques retours (inévitables) de l’individualité avec ses manques, ses doléances et ses effrois – temporaires – plus vite balayés qu’autrefois – et entendus et accueillis lorsque s’imposent la nécessité et la primauté de l’Amour sur la vacuité…

 

 

Là où la densité métaphysique et l’envergure de l’Absolu doivent se transformer en légèreté – en pragmatisme fonctionnel – en actes simples, justes et précis…

Là où le fond – pensées, savoirs et mémoire – doivent s’effacer au profit du regard vierge et du silence – présence pleine et discrète – invisible sur le visage qui, aux yeux du monde et des autres, revêt encore – et seulement – les attributs humains les plus ordinaires…

 

 

Le vide tranchant et accueillant – cette aire-réceptacle – l’aptitude infatigable (et impitoyable) à déblayer ce qui s’invite – et le ressenti de l’instant – énergétique, intuitif et émotionnel ; nous n’avons rien d’autre…

Dieu – l’âme – le monde – inclus dans cette mystérieuse trinité…

 

 

Ardente simplification – le réel est ce qui est dans l’instant…

Ni avant – ni après – ni a priori – ni élucubration…

Instant après instant dans le regard réparé – restauré…

Une autre manière d’être à soi et d’être au monde…

Nul besoin d’amitié – d’alliance – de connivence – de distraction ; rêve et signes d’incomplétude seulement. Indices d’une intériorité déficiente – lacunaire – infirme – compensée par la nécessité du monde et de l’Autre qui font office de béquilles artificielles indispensables. Marques seulement d’une âme bancale – dépendante – non autonome…

Eléments communs de l’homme et de l’humanité ordinaires pour lesquels le monde est le monde – la vie est la vie – et qui le resteront, sans doute, pour l’éternité – sans que rien jamais ne puisse changer – sans que jamais ne puisse s’opérer la moindre transformation de la perception et de la perspective…

Données incomprises et invariantes – auxquelles on se résigne tant bien que mal – sans creuser – sans explorer – ni rien comprendre à ce qui nous constitue et à ce que sont, en réalité, l’homme, l’Autre, le monde, la vie et l’esprit…

Des existences d’insuffisance et d’incomplétude qui s’imaginent – présomptueusement – autonomes et indépendantes – et normalement humaines…

Ainsi trouve-t-on dans l’indigence et l’incompréhension communes prétexte à sa propre ignorance – à sa propre paresse – à sa propre incuriosité – sur lesquelles on s’empresse de poser le masque mensonger de la vertu, de l’intelligence et de la raison humaine…

Le déni, l’auto-illusion et la prétention – les pires armes de la psyché retournées contre elle-même…

 

 

D’un monde à l’autre – sans l’aval des anciens préjugés…

Oscillation entre l’habitude – l’âme surchargée – et la nouvelle perspective – le regard vide et vierge…

 

 

Soleil d’un horizon parfaitement blanc – sans promesse – et, au fond de soi, le retour encore possible des pluies ininterrompues – envahissantes – diluviennes – dévastatrices…

 

 

A mi-chemin – toujours – entre l’origine – l’envergure initiale – et les allées du dédale – les forêts sombres de l’âme…

Rien d’acquis – rien de définitif. La tête, à chaque instant, sur le billot

Entre la foule – les amas – et l’oubli – la lame effilée…

 

 

La perspective d’un seul pas – comme suspendu. Rien avant – rien après – le décor et les bagages de l’instant…

 

 

Des larmes – encore parfois – tantôt comme sensibilité spontanée – belle et légère – tantôt comme résistance et résidu de l’individualité – appesantissement grossier d’un souvenir qui refuse l’abîme…

 

 

Souliers de glace – souliers de boue – souliers d’oiseau – sur leur territoire de prédilection – tantôt terre, tantôt ciel. Et le regard qui, jamais, ne s’attarde – qui, jamais, ne s’enlise. Présent à tous les croisements – à toutes les frontières…

 

 

Une autre mesure du temps – une autre envergure du monde. Et le seul pas présent…

 

 

Ni hasard, ni chance, ni infortune. Le plus réel à vivre – ce qui se reçoit et qui, aussitôt, s’oublie…

Ainsi tout se perd – jusqu’à ces grands airs que l’on prenait, parfois, lorsque l’on sentait sur soi un regard attentif ou (vaguement) séduit…

 

 

D’autres jeux à inventer – et qui s’inventeront sans effort – dans le rythme des circonstances…

Rien de défini – rien d’établi. Quelque chose de spontané – d’irréfléchi – enfanté par l’allure d’une danse naturelle et collective qui n’a nul besoin de visages et de noms ; ronde d’arbres – marelle de pierres – course de nuages – manège d’oiseaux…

 

 

Tout – englouti – dans le silence et l’oubli. L’envergure de la première heure. L’innocence retrouvée du monde. La liberté de l’âme. L’ivresse lucide du geste. L’intensité et le vertige du regard. La vraie vie, peut-être…

 

 

D’une autre teneur que l’alliance et le ralliement – quelque chose d’antérieur à la séparation. Un lien profond – souterrain – indéfectible…

 

 

Ce que la tête et les malheurs savent réinventer pour nous soumettre – encore et encore – aux chaînes qu’il ne faut jamais cesser de briser – et de jeter par-dessus son épaule…

 

 

De la roche – des arbres – le ciel – compagnons fidèles de notre voyage…

Errance et dérive plutôt qu’itinéraire…

Chemins de circonstances et de rencontres au-dedans qui tiennent autant au hasard qu’à la nécessité…

 

 

Des pas encore – et des gestes – quotidiens. Et la parole comme prolongement de ce qui se vit plutôt que de ce qui a été vécu. Quasi simultanéité entre ce qui s’expérimente et ce qui s’écrit. Pas de recherche – pas de fouille – très peu d’intellectualisation – très peu de souvenirs – ce qui résonne dans l’âme et jaillit à travers la main qui court sur la page. Pas d’intention – ni de message – et aucune nécessité de lecteur. Dialogue entre soi et soi, en quelques sorte – entre l’âme et le monde – entre le silence et ce qu’il contient à l’instant où le feutre se tient au-dessus de la feuille blanche…

Des traits qui s’impriment comme les bruits du monde dans l’espace…

Une manière d’être alerte – une veille attentive et sans autre ambition que celle d’être là – présent – à ce qui passe…

Sorte de mandala de l’oreille qui entend, de l’œil qui voit, de l’âme qui perçoit et de la main qui note ; ça arrive – ça se réalise et, aussitôt, ça s’efface…

Témoignage aussi peut-être, malgré soi, de la texture de l’intériorité. Vague descriptif de cette étrange envergure intérieure. Tentative sans volonté de décrire l’invisible – l’ineffable…

En cela, peut-être, ces lignes ressemblent à un récit de voyage…

Les routes et les visages du monde demeurent, pourtant, accessoires. Ils n’existent (presque) que comme décor – et déclencheurs – ou initiateurs parfois – des élans qui nous traversent…

La vie et le monde – en soi – et leurs danses étranges et mystérieuses dans l’âme… Et autant de contrées – et de dimensions – découvertes…

En cela, peut-être, sommes-nous (un peu) explorateur…

 

 

Lieu éphémère – lieu magistral – lieu éternel. Et le monde qui passe – visages et choses infiniment provisoires…

 

 

Tout – intriqué – au-dedans – si intriqué que le mystère demeure – pour la plupart – impénétrable…

Organisation et fonctionnement prodigieux – incessamment évolutifs – inégalés (et inégalables sûrement). Architecture mouvante – complexe – à l’ossature, pourtant, éminemment élémentaire – que nous découvrons peu à peu…

 

 

Le vide se creusant lui-même – s’emplissant lui-même – se vidant lui-même. Et les contenus à l’intelligence et à la mécanique presque autonomes – passant et repassant – sans cesse – émergeant – s’entretenant – se développant – et disparaissant – au cœur de l’espace éternel. Le multiple jouant – se déployant – et se rétractant – au sein de la présence sensible – devant l’œil témoin unique et démultiplié…

 

 

Lumière étonnante obscurcie par tant d’élans, de misères et d’allégresse – indescriptibles – absolument miraculeux…

Sophistication et complexification d’un système – façonnage permanent d’une matière initialement basique…

Merveilles – littéralement – engendrant tous les possibles – faisant apparaître l’infinité des combinaisons imaginables – jusqu’à l’extinction…

 

 

Voir l’Existant ainsi – à la fois – émerveille et désappointe ; être cela – tout cela – les milliards de cycles prévisibles et la nouveauté – cette clarté – cette vastitude – cette richesse – les clés de tous les passages – et cette cécité – cet aveuglement – cette ignorance – cette indigence – cette étroitesse – ces limitations atroces – tous ces instincts élevés au rang de lois (presque) indétrônables. Comment ne pas se sentir partagé – déchiré – inquiet – impatient – et étrangement serein et détaché face à toutes les situations offertes – face à tous les devenirs possibles…

Il y a tant d’intelligence et de folie dans ces créations – dans ces transformations incessantes – dans ce que nous sommes…

Incroyable et étonnante aventure de l’esprit et de la matière – très souvent – indissociables…

Bout de tout et globalité de l’ensemble – simultanément – et entremêlés…

Démesure et déraison que la psyché peine à imaginer – et auxquelles elle ne peut accéder – trop vaste (pour elle) sans élargir la perspective et devenir le regard infini – opérer le renversement nécessaire – inaccessible encore à la plupart des yeux terrestres…

 

 

Mille visages – mille routes – mille existences – qui ne disent, très souvent, que le mouvement – les forces mobiles irrépressibles. Et à peu près rien d’autre. Si – l’effleurement tragique de l’esprit peut-être…

 

 

Auprès de visages respectueux et innocents – à peu près tout est supportable…

Et cette compagnie – seule – semble possible…

 

 

Un creux – un trou – une béance – derrière les yeux – pas encore vide – une sorte de néant…

Le néant est une vacuité dépeuplée – désertée – abandonnée. Et le vide, une vacuité pleine et habitée. C’est la conscience qui donne à ce lieu son orientation – sa valeur – ses caractéristiques…

Sans conscience – il n’y a rien – il n’y a que motricité mécanique – objets en mouvement portés par leur propre élan (et celui des autres) – freinés par leur propre inertie (et celle des autres). Une sorte de monde magmatique déterminé et conditionné ; les danses tristes de l’ardeur, de l’absence et de l’agonie, en quelque sorte…

 

 

Soleil d’un autre jour – d’un autre monde – pas si différents, pourtant, de ceux où ont l’air de vivre les hommes…

 

 

Mots de (presque) rien – livres de sable. Inaptes, le plus souvent, à inverser les yeux – à désencombrer l’esprit – au mieux un encouragement à fouiller en soi – par soi-même…

Sinon vaines histoires – inutiles amassements – empilement tragique des savoirs – solidification des mythes, des certitudes, des frontières et de l’illusion – obstacles et épaississement des murs – élargissement et complexification du labyrinthe – accroissement inéluctable de la distance avec le centre…

Perte de temps, en somme…

 

 

Ici – à l’instant même – demeure le silence – le centre – le cœur de l’attention et du monde – l’axe central autour duquel gravitent tous les objets sur leur orbite singulière qui se croisent – s’entrechoquent – se mêlent – fusionnent – éclatent – enfantent – et se dispersent – engendrant, par leurs mille mouvements, d’autres objets et d’autres orbites – et ainsi de suite indéfiniment jusqu’au dernier souffle de l’ultime élan…

Puis, lorsque toutes les danses initiées par le dernier souffle s’achèveront, tout se resserrera – se recentrera – les orbites fléchiront – les objets s’interpénétreront – entreront les uns dans les autres – se rétracteront pour ne former qu’un seul noyau – dense et infime – immobile au cœur de l’axe central – au cœur du silence – jusqu’au prochain (et énigmatique) excès de jubilation ou de tristesse qui enfantera un nouveau souffle qui donnera naissance à de nouveaux objets et à de nouvelles orbites qui obéiront aux nouvelles lois de cette ère de multitude, de dispersion et de mobilité…

Et ainsi de suite – dans un cycle éternel – sans commencement ni fin…

Vertigineux – ce monde – cette existence – ces visages – ces pierres – cet instant…

 

 

Au cœur du plus impérieux, rien n’éclot parfois…

Vide sans contenu…

 

 

Brume à se morfondre…

 

 

Envahissement cérébral. Tout – au-dedans comme au-dehors – semble opaque. Formes spectrales. Tout glisse sans être vu – fantômes furtifs et silencieux…

 

 

La pierre – l’arbre – le vent – indistincts – confondus…

L’obscurité – et ce visage étrange et souriant. Rien d’atroce, ni d’effrayant…

Le même monde mais comme suspendu – au rythme ralenti – aux airs lointains – presque inaccessibles…

Dans un instant – demain – tout aura disparu…

 

 

Le noir – la lumière – l’oubli. Tout se manifeste ainsi – dans cet ordre irrévocable…

 

 

Depuis trop longtemps éloigné du monde humain pour y trouver la moindre chose sympathique – des objets utiles – certes – nécessaires à notre existence quotidienne…

Trop de jeux – de bavardages – de rires – trop bruyant – trop de choses et de mouvements inutiles – qui ravivent, aussitôt, notre fuite…

 

 

La nécessité – permanente – de l’éloignement et de l’exil…

 

 

Rien ne peut être arraché sans le consentement de l’âme ; tout s’impose dans la nécessité – le changement comme le reste…

 

 

Premiers pas – souvent – âpres – rudes – difficiles. Un élan soutenu, parfois, par l’effort – puis, la première ligne du sillon tracée – les pas avancent mécaniquement avec l’assentiment tacite de l’esprit. Et, au fil des jours, la nouvelle direction devient automatique – et, bientôt, routine et schéma d’habitude – évidence et voie incontournable….

 

 

Le monde – devant soi – sans autre solution que nous-même(s) – au fond de soi…

 

 

Ni proximité – ni intimité – coexistence tous azimuts – inévitable. Seule manière de vivre ensemble – les uns à côté des autres – avec la distance nécessaire à chacun…

 

 

Ça tourne en rond – et, parfois, à vide…

Machinerie aux élans mécaniques – sans conscience – sans esprit. Forces d’inertie seulement…

Le silence – alors – est toujours préférable aux frémissements de la structure…

 

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12 août 2019

Carnet n°199 Notes journalières

A Gagy…

 

 

Rien – nous ne sommes – rien – qu’un peu de chair et des émotions – impuissantes…

Foutaise la raison – face à la mort – aux épreuves essentielles…

De la tristesse – des larmes – une âme désespérée. Et rien d’autre…

 

 

Ce qui nous empêche d’être – et de vivre – de façon pleine et présente, c’est la manière dont nous donnons de l’épaisseur – une si vive réalité – aux contenus psychiques (pensées et émotions en particulier) – c’est la manière dont nous les laissons revenir encore et encore – la manière dont nous les laissons envahir la psyché – c’est notre incapacité (naturelle) à retrouver l’esprit vierge – et à laisser ces amas psychiques libres d’aller et venir – et de s’attarder parfois…

Ciel et nuages – ciel et orage – ciel et vents – ciel et soleil – images mille fois empruntées mais Ô combien vraies…

Qu’importe ce qui le traverse, le ciel reste le ciel – vierge et libre de ce qui le parcourt (de ce qui semble l’encombrer) ; il peut bien avoir l’air nuageux – orageux – venteux – ensoleillé – sa nature, son envergure et sa transparence demeurent intactes…

Espace – toile de fond – jamais entaché comme l’imaginent, trop souvent, les yeux ignorants qui confondent le ciel et son apparence…

 

 

Des hauteurs qui nous éloignent – des souffles – des larmes – l’engagement de l’âme. Et le ciel qui s’ouvre, peut-être, plus largement…

 

 

Le monde – en nous – à genoux – suppliant – pour que la mort épargne celui qui part comme ceux qui restent de la douleur et du chagrin…

 

 

C’est nous – au-dedans de tout – qui fuyons et aspirons à la grâce…

 

 

Ce que nous soulevons – de minuscules graviers et du vent. Et pas davantage…

 

 

La route grise – l’horizon bleu – et la mort qui rompt la routine – le soleil – la beauté. Le noir qui déborde – et envahit tout…

 

 

Nous vivons sans rien oublier – voilà notre malheur. Double peine – l’incarcération et la tristesse. Et pour peu que l’âme soit sensible – et nous voilà en enfer…

 

 

Des routes marécageuses – barrées – partout où se posent les yeux…

 

 

Une vie d’inagrément où le nécessaire devient faix – et l’essentiel, une lourdeur – perspective pas même salvifique…

 

 

Des traces aux poignets – comme l’empreinte de liens serrés – et aux chevilles – la marque des fers. Nous agissons – et marchons – ainsi – entravés par les souvenirs – toutes les ombres de l’esprit – allant d’une circonstance à l’autre en grossissant le poids de toutes ces chaînes inutiles – inutiles et illusoires…

 

 

A l’instant où l’on respire – d’autres poussent leur dernier soupir. Et lorsque nous expirerons – d’autres respireront encore (un peu). Et cette pensée, cette impuissance et cette continuité nous terrifient…

La solitude et la carence du vivant face à l’Autre – face au monde – face à la mort…

 

 

Il y a une réalité propre à la tête sans commune mesure avec la réalité du monde. Et c’est dans la première (essentiellement) que nous vivons – et presque jamais dans la seconde. Et tout semble les opposer ; alors que la première se montre lourde – dense – étroite – entremêlée – complexe – triste et ressassante – l’autre s’avère fugace – légère – précise – simple – inventive et joyeuse…

Passer de la première à la seconde nécessite – presque toujours – un long processus que l’on pourrait résumer ainsi : faire descendre la tête dans le corps – jusqu’aux talons – ressentir sans penser – être présent, à chaque instant, à ce qui est en soi – et devant soi – et rien d’autre – balayer la moindre idée – la couper à l’instant où elle apparaît (et, si possible, à l’instant où elle naît) – vider – vider – vider encore – vider toujours – pour que ne subsiste que ce qui est…

Être, vivre et agir deviennent – ainsi – éminemment simples – aisés – justes…

Regard dépouillé – gestes honnêtes et francs – strictement nécessaires…

 

 

Chaque souffle – chaque geste – porte en lui sa propre tendresse – caresses enveloppantes comme mille mains chaleureuses au-dedans et au-dehors qui vous parcourent avec délicatesse ; sensation sur les faces internes et externes de la peau – de la chair – dans les profondeurs du corps…

Ressentir – à travers les liens innombrables et miraculeux que chaque chose noue avec ce qui l’entoure – mais aussi, bien sûr, avec tout le reste mis côte à côte jusqu’à la totalité – l’infinité de l’ensemble – que l’on est toujours à l’intérieur de ce mouvement – de ces milles mouvements ondulatoires…

 

 

Un autre temps au-dedans du premier – comme ralenti – presque suspendu – où chaque ressenti (le moindre ressenti) est jouissance infiniment douce – sensuelle – langoureuse. Des doigts de fée – partout – à chaque instant…

Micro-expériences d’éveil peut-être – comme d’infimes lambeaux de réel – momentanément éprouvés – momentanément apprivoisés…

Minuscules failles – lézardement progressif des carapaces qui recouvrent la tête et l’âme…

Résultante, sans doute, du long labeur de la déconstruction…

 

 

C’est là – comme une force de vie – indomptable. Ça traverse le corps – et ça rejoint immanquablement la tête. L’homme est ainsi fait ; il ne peut abandonner les ressentis – la souffrance ou la jouissance des ressentis – au corps. Quelque chose d’irrépressible l’enjoint de tout faire transiter par la tête – qui accumule – traite ce qu’elle reçoit – trie – classe – range – accumule encore – entasse jusqu’à la saturation – jusqu’aux débordements – inévitables…

 

 

La route – l’asphalte – la terre – ce qu’offrent le soleil et les forêts – le jour et le feu. La distance quotidienne parcourue à petits pas…

 

 

Une autre vie au-dedans de celle qui a l’air de se vivre – tout un monde au-dedans du regard qui, peu à peu, se simplifie – s’épure – se retire – pour un espace – une étendue tendre – neutre – sans épaisseur – qui n’a aucune fonction – ni en ce monde, ni dans l’Absolu. Elle est – simplement – voit – reçoit – et laisse passer ce qui arrive – n’aspire à rien – ne désire rien – ne refuse rien…

Silence avisé – bienveillant – désengagé…

En sa présence – tout nous quitte…

Comme un soleil – un jour sans fin – au sein duquel tout revient – puis s’oublie – revient encore – et s’oublie encore – dans un recommencement perpétuel où chaque réapparition ressemble à la première fois…

 

 

Ça bouge – ça respire – ça pleure – ça crie – ça exulte – ça éprouve – ça s’éloigne – puis, ça disparaît. Et ça recommence – sans nous inquiéter – sans nous chagriner – sans nous réjouir…

Ça défile – simplement. Et ça assiste au déroulement – séquence après séquence – vue et aussitôt oubliée…

Spectacle sans fin devant un témoin impassible et sans mémoire…

 

 

Perspective – et manière de déconstruire ce qui a été bâti et d’empêcher toutes les tentatives d’édification – tous les processus d’amassement et de création – les jugements – les commentaires – les souvenirs – les images – les pensées…

Simplement le ressenti et ce qui est là…

La nudité la plus simple – inlassable spectatrice des spectacles…

 

 

Le chant du monde – dans le corps – de la tête aux talons – muets…

Quelque chose qui traverse sans s’arrêter – sans laisser la moindre trace. Tunnel organique – en soi. Présence vivante – inerte – pure attention peut-être…

Comme un espace pré-existant – d’avant la naissance du monde – d’avant la naissance de tous les mondes qui ont défilé – qui se sont laborieusement succédé – les uns après les autres…

 

 

Plus de charge – le son pur. Le vide, peut-être, habité. La sensation du monde – en soi…

Tout au-dedans qui passe furtivement – en un éclair – et qui disparaît – ne laissant rien derrière lui – la surface aussi nette – aussi propre – qu’avant son passage…

 

 

Pas un état – peut-être ce qui accueille les états – les contenus – le monde et ses charrettes de phénomènes qui défilent sans discontinuer…

 

 

Déblayer les amas – les agrégats. Ne demeure que le fonctionnel – la mémoire des usages pour les gestes quotidiens et les contingences journalières…

Profondeurs creusées du dedans – abîme sans fond qui a englouti des pans entiers de savoirs inutiles – emportant avec eux tous les questionnements métaphysiques – laissant la densité de l’être – seule et légère – joyeuse et chantante…

Célébration silencieuse – bien sûr. Rien de décelable par les sens…

 

 

Une pensée – de temps à autre – une émotion qui passe – et disparaît comme un rêve – comme un tourbillon d’air au-dedans de l’air – comme une arabesque du vide au-dedans du vide. Rien, en somme. Des mouvements fugaces et sans poids – sans conséquence – ce qui surgit depuis la naissance du monde – la naissance des mondes – il ne peut en être autrement – l’énergie est création incessante et mobile – ça doit surgir – ça doit s’élancer – ça doit traverser, puis disparaître – et être, presque aussitôt, remplacé par ce qui suit…

 

 

Une sorte de concrétude profonde – légère et savoureuse. Des ressentis vifs – doux – enveloppants – sans poids eux aussi…

Une attention libre et profonde – aérienne – poreuse – à laquelle rien ne s’accroche…

Pure présence, peut-être, où tout se mélange et où rien n’est mélangé – une chose après l’autre – toujours – série interminable ponctuée par quelques absences – quelques instants de répit – quelques silences…

Familiarisation avec l’espace et la vacuité, peut-être…

 

 

Réceptacle sans poids – sans gravité – accueillant le défilé inévitable des sensations – des pensées – des images – des émotions – rien de très sérieux – ni de très réel sans doute…

La matrice-regard – la matrice-témoin – la matrice-accueil – contemplant ce que la machine à créer déverse sans interruption ; tous les souffles – tous les élans – toutes les matérialisations des forces nées de la matrice-silence – elle-même se regardant créer et accueillir – elle-même se regardant passer et accueillir – elle-même se regardant disparaître et accueillir…

 

 

La terre – à cet instant – comme un désastre manifeste – l’expression d’une impasse – un avenir plus que compromis – une impossibilité…

 

 

La pierre chaude d’un rêve de soleil – froide et grise en vérité – anéantie par l’inconscience insouciante – la quotidienneté inerte des hommes qui tourbillonnent entre leurs tristes murs…

 

 

Entre deux soleils noirs – le déclin – la décadence – et la chute, bientôt, d’un règne dont l’écrasante hégémonie (en dépit de sa brièveté) aura trop duré…

 

 

Vivant – ça veut dire le cœur battant – le cœur sensible – un peu de peau qui recouvre le sang ou la sève…

Et au-dedans – une âme trop souvent prisonnière qui ne comprend rien à cette restriction – à cette contraction de l’infini – à ce rétrécissement des possibles – dans l’interrogation permanente des limites et des frontières – et la nécessité de les franchir – courageusement – une à une…

 

 

Ça devient ce que nous voulons – un rêve – Dieu – la réalité – une illusion – ce qui nous invite à creuser davantage – à revisiter les hypothèses et les évidences – et, éventuellement, à inverser les paramètres et à rectifier les paradigmes – à faire le tour du monde et de la tête – les mains contre la paroi en avançant à tâtons dans notre dérisoire labyrinthe…

 

 

Ce qui s’échappe – la terre occupée – le besoin d’un autre monde – une résistance au règne de la laideur…

Tout glisse – à présent – le vide comme le seul lieu possible – le seul lieu essentiel – vital – qu’importe les danses et les voix – le décor de toutes les tragédies…

 

 

Sous nos pas – la boue – et au-dessus – la désespérance. Partout – la vie brunâtre – l’enlisement – les résidus du jeu des Dieux – le revers de l’Olympe, peut-être, avec ses figures tristes et ses âmes ignares…

Ce que nous avons fait du monde – toutes nos tentatives – cet effroyable gâchis de matière et d’esprit…

Comme un trou dans le soleil – les bruits du monde qui résonnent et se résument à (presque) rien – l’esprit qui rumine – la parole qui se répète – le vertige d’un Autre que nous – ce que la terre a enfanté – ce que les Dieux n’avaient pas prévu… Et les hommes – au loin – penchés sur le sol – à l’affût de l’or – ramassant leur récolte – comme de petites mains insensées…

Et le regard dans l’épaisseur des souffles – des pas ininterrompus. Quelque chose comme une folle espérance…

Et la mort usinant à la chaîne – attelée à sa nécessaire besogne – avec le sourire sur les visages qui dissimule mal le cœur souffrant – le cœur qui pleure – le cœur qui saigne…

Rien de délectable – au fond – si, peut-être, le silence…

 

 

Ça vieillit doucement – sans en avoir l’air…

 

 

Il y a de l’homme en nous – encore – qui s’apitoie et se complaît (trop souvent) dans la tristesse – ce qui nous rend plus enfant qu’humain. Une manière d’être – à peu près – comme les autres…

Machine à images – à projets – à souvenirs – qui s’imagine sensible mais qui vit dans la tête – qui ne vit pas réellement – qui pense l’existence – le monde – soi – les Autres – plus qu’il ne les ressent – quelque chose comme une obsession qui envahit l’esprit. Un monde juste à côté – parallèle au réel, en quelque sorte – ou au-dedans de lui, peut-être…

 

 

Un rêve – plus haut – qui redonnerait au réel sa tendresse initiale – un parfum de fleur dans le froid – un baiser dans les eaux prisonnières – un peu de liesse dans l’absence et les disparitions. Quelques brèches sur les façades de pierres – un peu d’Amour dans les fentes saturées…

Et, à défaut, on pourrait réinventer le monde…

 

 

Trop de noir sous la douleur – et par-dessus – pour espérer la guérison…

 

 

Le baume patient de la lumière sur les blessures de l’homme – grattées, chaque jour, au couteau…

 

 

Entre – toujours. Sera-t-on, un jour, rejoignable… Et ce ciel – devant soi – deviendra-t-il, un jour, accessible…

 

 

L’inconfort de la pensée – la consolation du rêve – exclus l’un et l’autre. Plus rien d’admissible – pourtant, tout est permis l’espace d’un instant – puis, c’est balayé. Et la clarté précise revient – prend la place qu’occupaient les amas. Puis, autre chose passe – c’est vu – accueilli – rien de neuf – la même litanie des images. Balayette dans la main implacable du regard. L’Amour et la poussière – rien qu’un seul geste – invisible – et tout redevient vierge – et tout revient aussitôt…

Être et labeur interminable dans cette folle perspective de la durée – mieux vaut celle de l’instant que celle – déformée – illusoire – irréelle – de la continuité du temps qui scande les secondes, les minutes, les heures, les jours, les semaines, les années, les siècles, les millénaires – en vain…

L’éternité n’est qu’un moment – que le suivant crucifie pour offrir une autre éternité – et ainsi de suite – ad vitam æternam…

 

 

La malice des Dieux qui ont inventé le temps pour nous faire patienter – et que nous avons – par impatience – par ennui – par incapacité – transformé en espérance – le plus grand mal de l’homme avec le rêve. Et c’est dans cette faille qu’il faut apprendre à ouvrir les yeux…

Etrange mission offerte aux hommes – douloureuse – presque inhumaine – seule issue, pourtant, pour échapper au sommeil et devenir pleinement vivant…

 

 

Rien que des bras – prolongement du regard – et une pauvre chair à étreindre – à embrasser…

Rien qu’une joie – une tendresse – un jeu – un Amour – entre soi et soi…

Hôte de chacun – en son cœur…

 

 

Mangeur de mythes et balayeur du reste…

 

 

Au corps-à-corps – le vide et le monde – le contenant et le contenu – œuvrant en sens inverse – dans un jeu sans fin – l’un balayant ce que l’autre répand. A chaque instant – le même défi et le même enjeu ; le respect de la nature de chacun…

 

 

Itinéraire entre les nuages – du sol au ciel d’un seul trait. L’aisance du retour et les simagrées de l’ombre que l’on a répudiée…

 

 

Des murs – encore parfois – blancs initialement que l’on tache et colore de nos contenus plus qu’ahurissants…

 

 

Nouveauté première et récurrente – comme une aube naissante – un soleil neuf – à chaque instant qui éclipsent les bataillons acharnés de l’immense armée grise…

 

 

A mesure que l’on s’éloigne du monde – l’au-delà de l’homme se précise…

On apprivoise, peu à peu, ce qui nous semblait impossible…

 

 

Lèvres devenues silencieuses par cessation du bavardage intérieur. Mains ouvertes par cessation des embarras du cœur. L’âme presque vivante – à présent…

 

 

On ne sait plus ce qu’humain veut dire – préalable nécessaire, peut-être – base élémentaire aux éléments grossiers mais requis qu’il faut ensuite – mille fois – des milliards de fois – dégrossir – raboter – défaire – jusqu’à tout supprimer et obtenir une surface parfaitement lisse et transparente – sans bord ni aspérité – la perfection d’un miroir aimant…

 

 

L’effacement et la nouveauté – l’innocence du regard et les flots incessants du monde et de la psyché…

Tout se perd parce que, peut-être, tout est déjà perdu…

Vivant seulement l’espace d’un instant…

L’Amour et l’oubli – seule manière d’accueillir les phénomènes – de plus en plus brefs et vaporeux – presque inconsistants…

 

 

Comme des pans de nuit qui ruissellent…

Le monde, parfois, inabordable – comme une impossibilité vivante…

 

 

Certains jours, tout ce qui est entrepris – investi – emprunté – prend des allures d’impasse. Des heures de tentatives et d’avortement…

Le bleu – pourtant – traîne encore dans le pas – derrière la face tendue ou triste qui a vu tant de portes se refermer ou s’avérer être, en définitive, de fausses perspectives…

 

 

Rien ne s’invite davantage que l’odeur de la mort – et, à sa suite, le parfum de la tristesse. Rien n’exige, pourtant, que nous reniflions ces fragrances froides et que nous revêtions la panoplie complète du désespoir. Un regard – en nous – veille – impose le retrait des choses de l’esprit, puis la grande évacuation – l’ouverture complète des fenêtres et le passage du vent – le grand vent qui s’engouffre. Et, en un instant, tout est balayé…

 

 

L’autre âge de l’automne – cette perspective sans lien avec les rides et l’expérience. Ce que nous avons cherché avec obstination depuis l’enfance – offert, soudain, à nos pas harassés – à notre âme titubante – capitulante – à notre existence qui, depuis longtemps, ne ressemble plus à rien aux yeux des hommes…

 

 

Un peu de tranquillité – moins provisoire et hasardeuse qu’autrefois…

Une manière plus souveraine d’exister et de resplendir dans la solitude…

 

 

Ce qui – à présent – machinalement se défait ; l’existence des œillères et la visière des espérances…

Le passage éminemment provisoire des circonstances – le sourire sans la coiffe ridicule de ceux qui croient – et le savoir, envolé lui aussi, pour un œil neuf et étonné…

 

 

Et cette veille – presque permanente – au seuil du grand précipice. Et cette longue lame tranchante au bout de l’âme aimante qui, selon ce qui vient, embrasse ou décapite – réconforte ou crucifie – puis précipite le tout dans le vide…

 

 

Ce qu’offre l’instant – l’heure – le jour…

Le jeu des visages – des circonstances – des rencontres…

Ce que le regard réceptionne et défait…

La vie triviale, en somme – mais abordée avec nouveauté

 

 

Tranquillité sans extase, ni vertige…

Du silence – des gestes – des choses – des mots…

Rien que de très banal – un objet après l’autre – sans précipitation – accueilli avec la même attention – le même intérêt – le même engagement – puis délaissé – abandonné à l’extinction naturel de son élan…

 

 

Rien qui ne remue plus que nécessaire…

Rien qui ne s’attarde plus que de raison…

Tout – ainsi – se défait – jusqu’à l’attente même de l’objet suivant…

Tout passe sans heurt – sans effort – traverse – puis disparaît de façon aussi inopinée et mystérieuse qu’il est apparu…

 

 

Tout est là – offert – et sans autre maître que lui-même malgré les liens qui pèsent parfois comme des chaînes…

Ça s’impose – comme un jeu sans conséquence ; l’inévitabilité du monde – variations énigmatiques – glissements – répétitions des formes et des figures…

Tout se succède – se transforme – s’échappe – puis s’éclipse comme une ombre soudain rayée de la danse des silhouettes sur le mur…

Ça défile dans l’œil, puis c’est englouti – gouttes de pluie qui glissent le long de la vitre – et le doigt qui, parfois, dessine quelques traits dans la buée – la main appliquée à sa tâche – la tête attentive – et, parfois même, concentrée…

Jeux et gestes qui prennent le temps nécessaire – rien de hâtif – l’allure naturelle – appropriée malgré le rythme, parfois, inégal – tantôt ralenti – tantôt précipité. Qu’importe le tempo de la paume sur le tambour et le nombre de tours exécutés par les aiguilles de l’horloge – rien ne dure – en vérité…

La durée n’est, bien sûr, qu’une illusion – qu’une manière de parler – et, peut-être, de se faire comprendre (un peu). Et rien de plus…

Puis reviennent le sourire et la contemplation – le rien – le plus rien – l’absence d’élan – le jardin de la lumière – le mur blanc avant l’arrivée des ombres suivantes…

 

 

L’individualité se rebiffe – résiste – refuse d’être restreinte – éconduite – presque annulée. Comment pourrait-elle faire le deuil d’elle-même… C’est impossible – alors on l’accueille, elle aussi, avec ses élans – ses chagrins – sa tristesse – ses doléances – petite chose effrayée – inquiète – angoissée à l’idée que cette perspective s’impose…

 

 

Le visage de personne – la voix – la seule voix du jour – celle qui s’invite sur la page…

Cette étrange impression des confins – marge du bout du monde. La solitude et l’exil permanents…

 

 

Soi avec soi – le face-à-face perpétuel qui tourne parfois à l’affrontement – guerre et récrimination – désolation et désespoir – lorsque le vide est oublié – lorsque le vide sournoisement se laisse remplir par la pensée du seul condamné à sa triste compagnie…

Pas si triste – pas si pauvre – en réalité – moins misérable, sans doute, que ceux qu’il n’a cessé de fuir…

Mais dans ce tête-à-tête soutenu – de longue haleine – le silence, parfois, se dérobe et laisse l’individualité envahir l’espace – emplir le lieu de sa fragilité…

 

 

De jour en jour – la longue bataille – les coups du sort – les coups de tête – les coups de sang. Le besoin de l’Autre – d’un Autre – du monde. L’insuffisance incarnée – la petitesse et le rétrécissement. Et d’autres fois – la joie – la grâce – l’envergure retrouvée – la présence vivante – imperturbable…

 

 

Tout se mélange – se chevauche – s’affronte ; la durée et l’inexistence du temps – le silence et la folie de la tête et du monde – le désir et la complétude…

Nous sommes le lieu d’une guerre permanente et d’une paix possible – le lieu d’un enjeu sans cesse remis à l’ordre – et au goût – du jour – le lieu de l’absence et du jamais acquis autant que celui de la surabondance et de la certitude…

 

 

Tant de luttes – en soi – et d’amitié – sur fond d’Amour et de silence – rarement compris – rarement entendus…

Un fouillis à l’abri de rien…

 

 

Un jardin – une franchise – un peu de lumière pour déceler les taches qui ornent le mur – la blancheur un peu mate du mur. Des bruits – des mots. Tout ça se percute. L’hiver qui n’en finit plus d’étendre ce désert – et nos pas comme des ombres qui allongent cette nuit illusoire – mais qui a l’air si vraie lorsque nos larmes coulent et que la solitude a pris chair dans nos bras…

On est au-dedans de cet éclat enfanté – de cet élan fou vers le regard – le haut du mur – le foyer – l’abolition des frontières. Cette force et ces résistances – rien qui ne puisse survivre à nos assauts. Et le soleil – toujours – au centre…

 

 

Ce que la lutte et la tension nous ôtent d’énergie et de courage – de forces vitales – pour vivre le plus essentiel…

 

 

Bouts de terre – fragments de visages – éclats d’existences – mal vus – mal aimés – insuffisamment – dans la précipitation – le règne de la vitesse. Il faut ralentir et s’attarder – demeurer au plus près – voir – sentir – goûter – contempler et rester silencieux des jours entiers – et pendant des siècles si possible – pour commencer à voir et à aimer…

 

 

Tout bouge – mais c’est dans l’œil que les choses arrivent – c’est dans l’œil que le monde existe – c’est dans l’œil que le chemin se réalise… Aussi n’y a-t-il qu’un lieu où aller – le seul où le possible peut advenir…

 

 

L’œil aux aguets ne devrait l’être que du dedans…

 

 

Un chemin – un jardin – des fleurs. Le regard qui contemple – qui s’attarde. Et c’est là – tout entier – le monde peut-être – qui recouvre le blanc…

L’habitude qui envahit la fenêtre. Le jour qui décline – la nuit qui arrive. L’œil et les mots qui chantent sur la page – les traits qui se couchent et se redressent. L’élan de l’âme et celui du monde qui se chevauchent. Le blanc et l’obscurité…

Rien que nous dans cette solitude habitée – de moins en moins peuplée de fantômes. Le réel de plus en plus. L’arbre – le ciel – les bruits des hommes dans le lointain. Le vent dans les feuillages – le chant du merle. Tout redevient innocent – l’œil sans la distance et le regard au-dessus…

Plus rien ne se distingue – tout a la même texture – la même envergure – exactement la même épaisseur que celle de l’âme…

L’effacement a ravivé la joie et la beauté du monde…

 

 

Le bleu – de la même couleur que tous les mirages. Le provisoire et l’éternel confondus – non – pas confondus – unifiés – agglomérés ensemble…

 

 

Ce qui effraye ne vient que de la tête – le monde n’est peuplé que de circonstances et de quelques âmes fâcheuses – obstinées – plongées dans une folle ignorance…

Nous seul(s) et la présence des arbres – cet immense jardin où jouent et se poursuivent les bêtes – la faim dans le ventre…

Des murs parfois – et quelques tombes – histoire de rappeler la résistance des frontières et le règne du provisoire…

Rien qui n’attriste – rien qui n’essouffle…

Le dénouement heureux de chaque instant – le silence jamais rompu – la beauté et la démesure de chaque existence…

 

12 août 2019

Carnet n°198 Notes de la vacuité

L’idée de l’Autre et du monde – plus lourde et encombrante qu’ils ne le sont – en réalité…

 

 

Les représentations se sont substituées au réel de façon si massive et sournoise que nous tenons pour vrai ce qui n’est qu’une forme d’imaginaire – et que nous ne savons plus différencier ce qui existe de ce que nous lui avons superposé…

 

 

Partout – au-dehors – les mêmes pierres – les mêmes chemins – les mêmes visages – le même décor – fragiles et provisoires invariants du monde phénoménal…

Et au-dedans – les mêmes émotions qui se bousculent et se succèdent – fragiles et provisoires invariants du monde psychique…

Espaces de mille chimères que nous confondons avec la réalité…

 

 

Au fond, parfois, une noirceur – épaisse – récurrente – qui donne au regard une profonde mélancolie et aux choses du monde une couleur triste – amère…

On ne sait comment elle s’est installée – ni de quelle manière elle est arrivée ; elle est là – simplement – et s’est imposée comme paramètre incontournable – hégémonique – qui fait régner sa loi…

Centre obscur qui rayonne – qui envahit l’âme et le monde – qui traverse les frontières si poreuses des choses – inondant tout ce qu’il pénètre. Mélasse dont on ne peut se défaire ; on vit avec – tant bien que mal – sans pouvoir lui échapper – sans réussir à l’apprivoiser – bête monstrueuse qui – en soi – a creusé sa tanière…

Ce qui pourrait nous en prémunir – réduire ses trop cycliques éruptions – atténuer sa présence mortifère ; les vertus de l’aube – peut-être…

 

 

Ça s’agite – ça s’affaire – seulement – pour faire usage des choses – exploiter ou tirer profit. Presque jamais d’innocence et de geste gratuit réalisé pour la joie et la beauté en ce monde d’utilité, d’appropriation et de nécessités contingentes…

 

 

Lignes errantes – sans joie – immodestes et méprisantes. Dans l’attente de semences moins tristes…

Paroles dégoulinantes – emmaillotées – trempées trop longtemps, sans doute, dans la torpeur mélancolique du dedans – enrobées et gangrenées jusque dans leur essence par la sauce putride de trop noirs sentiments…

 

 

A attendre un ami – au-dedans – qui pourrait nous tendre la main – et nous extirper de ce bourbier. Mais non – absent lui aussi – contaminé peut-être – ou trop faible pour s’approcher et nous délivrer (provisoirement) de ce mal sans remède – de ce mal presque incurable…

 

 

Le regard – le ressenti – le geste. Et rien d’autre…

Seuls appuis – seules références – seule vérité – à chaque instant…

Unique présence à soi – au monde…

 

 

Lieu paisible – lieu ouvert – sans autre exigence que le respect, l’honnêteté et le silence…

 

 

Dresser – en soi – une main accueillante et un mur de vigilance intraitable. D’un côté, le versant de la tendresse – de la sensibilité vivante – en actes – et, de l’autre, le versant de la sévérité – gardien intransigeant du temple – du lieu le plus sacré – que rien ne peut ternir, certes, mais que l’esprit débutant – peu familiarisé avec la perspective du vide – embarrasse par ces incessants amassements – bribes de monde – référentiels – résidus d’émotion – reliquats de désir – souvenirs – rêves et imaginaire – ressassements – ratiocinations – qui entravent le rayonnement de l’Amour et limitent (parfois complètement) la fonction réceptacle de l’autre versant…

Murs d’enceinte fort différents des murs indigènes – de ces frontières érigées qui consolident toutes les formes de séparation…

Mesure non de principe mais de survie – pour maintenir vivant le plus précieux – avant d’être capable, un jour peut-être, de laisser le monde, les phénomènes – les mécanismes et les contenus psychiques (pensées, émotions et sentiments) traverser cet espace sans retenue – sans la moindre restriction – dans un passage franc – sans perte – sans écoulement – sans récupération – laissant l’espace et les canaux vides de manière permanente…

Forme de sagesse sans pareille – affranchie de l’univers relatif – de la matière autant que de la psyché. Seul gage d’Amour, de joie et de paix sans condition…

 

 

Comme un seau que l’on aurait rempli de glace et de verre – avec, fixés sur les parois, des milliards de crochets minuscules – l’esprit de l’homme emmagasinant le monde – par fragments – le froid – le feu – le désir – la colère – la frustration – et tous les coups du sort – inévitables…

Espace à vivre et infime couloir sur le monde – vite saturés – vite débordants – vite mortifères…

Deux solutions – inégales – à envisager ; la première, éminemment didactique, consisterait à vider le seau à chaque instant et à créer des parois aussi imperméables que possible malgré un degré de porosité minimal inévitable. Et la seconde serait de percer définitivement le fond du seau et de lui ôter ses parois – détruire le seau, en somme – manière, sans doute, pour que le créé retrouve l’incréé ; le vide dans le vide retrouvant sa nature vide – la vacuité totale et l’absence (permanente) de séparation. Et le seau ainsi disparu redeviendrait l’espace – l’envergure de l’espace infini – l’esprit sans limite…

 

 

Tas de pierres – panneaux – vestiges. Traces d’un passé ni (franchement) glorieux, ni (vraiment) épique – transformées, pourtant, en mythes – en icônes de l’histoire dont les hommes sont si friands…

 

 

Têtes dressées – gestes à l’œuvre – corps tendus – sueur au front – mains, parfois, ensanglantées. Colonnes de visages supportant, comme un seul homme, les fables du monde – la grande épopée de l’humanité…

 

 

Le ciel – les arbres – les pierres – les chemins – le regard – le silence – quelques bruits du monde – inévitables. Le seul décor – à chaque étape du voyage…

 

 

L’exercice quotidien du vide – le déblaiement de l’esprit – pour aller, avec étonnement, sur toutes les routes du monde – et offrir un peu de blancheur et de silence à la page noircie par les mots et les images…

 

 

A perte de vue – partout – des troncs d’arbres horizontaux – couchés par la main funeste de l’homme…

 

 

Corps et âmes s’éreintant à leur tâche. Visages crispés par l’effort – la charge inerte inhérente à la matière et au labeur – pesant de tout son poids sur les épaules et les existences – suçant l’énergie – éprouvant la chair – épuisant l’esprit…

La fatigue et l’habitude anesthésiant la sensibilité et l’étonnement – ôtant la possibilité de vivre, en homme, le miracle…

 

 

Energie effervescente qui bâtit – construit – détruit – anéantit – se déverse partout. Irrépressibles – irréductibles – mouvements. La matière du monde transformant sans cesse son apparence, sa texture, ses reliefs. Rien qui ne puisse lui ôter sa force et son ardeur…

Programmée pour se mouvoir – agir et faire – inlassablement…

 

 

Ça bouge – ça remue – ça s’agite – ça gesticule – sans fin. Ça tourne en rond au-dedans de sa boucle. Ça s’épuise – ça se pose quelques instants – ça se régénère – très vite – puis, ça reprend son mouvement…

L’intranquillité même – perpétuelle…

Et le regard immobile qui contemple l’emprisonnement de l’esprit qui, si souvent, tourne avec…

 

 

Le monde comme convergence – comme lieu hostile – comme lieu de jouissance ou de souffrance. Le monde comme distraction – comme illusion – comme pointeur vers le regard. Tant de perspectives possibles investies selon sa sensibilité et ses prédispositions…

 

 

Achevé – ce que nous fûmes. Pourtant – la tête vibre encore de ce passé – comme si quelque chose, en elle, demeurait vivant – enfoui plus profondément que le souvenir – en deçà de la mémoire – une faculté consubstantielle à l’esprit – une sorte de crispation saisissante – un besoin d’amasser les fragments du monde et de l’expérience – la nécessité de bâtir un récit et d’inscrire ce que l’on croit être – une individualité – dans une histoire plus vaste et moins insignifiante que ce que nous avons vécu…

 

 

Une parole dévoyée – simple outil d’information, de distraction, de valorisation, de propagande, d’instrumentalisation et de mensonge…

 

 

Je vis les oreilles bouchées – presque hermétiques aux bruits du monde – mais la tête est encore toute frémissante d’histoires sans importance – de récits – de misérables épopées – de toutes ces minuscules péripéties de l’homme…

 

 

Comme un écart sans cesse éprouvé – sans cesse agrandi – entre le réel et sa représentation – entre ce qui est et le récit qu’on lui superpose…

 

 

Rien – rien – rien – telle devrait être notre unique certitude – et notre seule devise…

On ne sait rien – on ne comprend rien. On est présent – on assiste – simplement – au cours des choses – au déroulement des phénomènes – au spectacle du monde – et on agit lorsque les circonstances l’exigent…

Nudité innocente – et agissante si nécessaire…

Rien de plus – rien de moins. L’envergure du regard et la justesse du geste…

 

 

Des visages – des choses – des livres – comme des piliers – des amis – des outils – des consolations – qu’il faut, un jour, abandonner…

 

 

Solitude insatisfaite – puis, de plus en plus satisfaisante…

 

 

Le sommeil et le bavardage me sont devenus insupportables. Tant de bruits et d’illusions, déjà, dans la solitude – inutile d’en ajouter en fréquentant les hommes…

 

 

Des retrouvailles – en soi – avec soi – pour vivre cette part inaliénable de nous-mêmes(s). Rien d’autre. On pourrait vivre ainsi pendant des siècles – et pour l’éternité sans doute…

 

 

Des repas – du sommeil – du repos – des contingences – des obligations – du labeur – du temps oisif – quelques plaisirs paresseux. Que de torpeur dans l’existence des hommes…

Presque jamais rien d’essentiel. Gaieté d’apparat – simplement – jamais de joie profonde…

Pauvres humains plus à plaindre (en dépit des apparences) que le solitaire mélancolique et taciturne qui s’essaye au labeur de l’âme – à approcher, vaille que vaille, le royaume de l’Absolu…

 

 

L’incertitude plutôt que l’habitude…

L’inconnu plutôt que la sécurité…

La joie plutôt que la gaieté…

La connaissance plutôt que le savoir encyclopédique…

Le réel plutôt que les croyances, les rêves et l’imaginaire…

L’Absolu plutôt que la platitude (et les limitations) d’un bonheur individuel (éminemment relatif)…

La solitude plutôt que la compagnie (presque toujours indigente)…

La veille plutôt que le sommeil…

L’intensité plutôt que la tiédeur…

L’effort plutôt que la paresse…

Le tranchant plutôt que la torpeur…

La sensibilité plutôt que l’indifférence…

La discrétion plutôt que l’ostentation…

L’anonymat plutôt que la gloire…

La défaite plutôt le succès…

Le silence plutôt que le tapage…

La précarité plutôt que le confort…

Le simple plutôt que le raffinement et la sophistication…

Le respect plutôt que l’instrumentalisation et l’exploitation…

La frugalité plutôt que les excès et l’abondance…

La profondeur et la densité plutôt que la superficialité frivole…

La nécessité plutôt que le temps oisif…

La vocation plutôt que l’obligation du labeur…

Les servitudes consenties plutôt que l’esclavage subi…

L’ineffable plutôt que l’histoire…

La nouveauté ordinaire et quotidienne plutôt que le voyage et le sensationnalisme…

Rien plutôt que la longue liste des consolations…

Et même la tristesse plutôt que toutes ces (misérables) compensations…

En retrait – en apprentissage – plutôt que faussement vivant…

L’âme et la conscience plutôt que l’homme…

Et les trois – ensemble – si cela nous est offert…

 

 

Le plus insidieux partage entre soi et l’Autre – apparemment contaminé à la source – mais souterrainement juste – le plus approprié qui soit…

 

 

Nous allons comme le jour – de façon aussi régulière. Etape après étape – sur le dérisoire cadran du temps – dans cette marche infaillible…

 

 

Des visages étrangers à toute connivence excédant leur cercle. Murs et façades d’hostilité – un mince sourire, parfois, de circonstance – de convention – décoché depuis leur plus haute meurtrière…

Une existence d’enceinte et de fortification – inattaquable – inaccessible – au-dedans d’un périmètre circonscrit ; un territoire restreint – un dérisoire donjon – un royaume fermé – sur lesquels ils ont l’illusion de régner…

Avec seulement des alliances de nécessité et d’agrément pour ne pas trop s’ennuyer – ne pas trop étouffer – ne pas trop dépérir – au milieu de leur fortin…

 

 

En quête de la phrase définitive (pour clore l’exercice) – et qui, bien sûr, n’arrive jamais ; l’assertion – l’aphorisme – qui résumerait tout – qui permettrait, en quelques mots, de tout comprendre – après lequel vivre suffirait…

Dans cette illusion puérile – dans cette folle ambition – de vouloir fixer définitivement le mouvement du monde et de la vie – d’immobiliser ce qui ne peut être arrêté…

Dans cette croyance imbécile (et enfantine) d’enfermer le vivant – ses lois et son envergure – dans quelques pauvres traits…

 

 

Comme la vie – l’écriture se poursuit. Comme les jours – les phrases se succèdent et se répètent – s’inscrivent, à chaque fois comme pour la première fois, sur le blanc de la page…

Rien de ce qui a été vécu – rien de ce qui a été écrit – ne compte véritablement. Tout – chaque jour – à chaque instant – doit être réinventé – vécu et écrit à nouveau – comme les seules choses réelles – les seules choses valides – de ce monde…

Sans passé – sans pages ni livres précédents – sans avenir – sans lignes à écrire demain ou dans mille ans…

Des bouts d’existence et de langage comme les parfaits reflets de ce qui arrive aujourd’hui – à l’instant où les circonstances et l’écriture se déroulent…

Le fragment comme seule possibilité…

Et la parole aussi libre que les événements…

 

 

Quelque chose d’autre que le monde – plus tendre – moins envahissant…

Une autre manière d’exister…

 

 

Des heures – des vagues – la chaleur diffuse – les bruits du monde de plus en plus insupportables – la proximité des visages – le manque d’air – l’étouffement de plus en plus manifeste…

La triste trivialité du monde devant soi. Et l’impossibilité de vivre dans cette promiscuité…

 

 

La normalité des gens ; la famille – les sorties – les loisirs – le désœuvrement. Je ne parviens pas même à me faire l’entomologiste de cette inintéressante société…

Nul secret sous-jacent à cette misère – à cette indigente banalité…

 

 

Qu’y a-t-il donc – en nous – pour éprouver tant d’inconfort et de mépris à la vue de ce spectacle…

Des fantômes grégaires – jouisseurs et indolents – la paresse et le sommeil – partout le règne de l’animalité humaine…

Incompatible avec cette sensibilité – en moi – qui n’apprécie que la compagnie des solitaires attentifs et respectueux – les veilleurs, peut-être, d’un autre monde – moins grossier – moins trivial – moins instinctif – l’autre part de l’humanité – celle que l’on ne voit presque jamais…

Rêve – simplement – d’horizons moins vulgaires – plus conscients – plus métaphysiques…

Un monde qui célébrerait l’Amour, le silence et la beauté – à l’inverse de cette terre qui ne glorifie que la ruse, le tapage et la laideur…

 

 

L’édulcoration des extrêmes – l’effacement des singularités – l’aplanissement des reliefs – dans le regard opaque – quelque chose comme une indifférence – une insensibilité ; le règne de la normalité et de la tiédeur…

 

 

Les groupes – petits et grands – où ne suinte que ce qui nous révulse. Voilà, sans doute, pourquoi l’on ne peut rencontrer l’Autre qu’à travers son espace le plus solitaire – le moins contaminé par le monde – cette part de l’âme démunie et curieuse qui s’interroge – le reliquat du premier homme – loin des foules et des tribus – exonéré du couple et de la famille – et, en partie, indemne de leurs (inévitables) corruptions…

 

*

 

On n’en finit donc jamais avec la vie – avec la mort – avec la joie d’être et la douleur d’exister – et le chagrin des disparitions successives…

La même tristesse – le même dénuement – la même impuissance – à chaque fois – malgré les années et l’expérience (grandissante) des funérailles…

 

 

Difficile métier que celui de faire face à ce qui est – avec une psyché si fragile – une sensibilité si vive – et l’impérieuse nécessité de ne jamais détourner ni les yeux – ni l’esprit – de ce qui est en soi et devant soi…

Perspective presque inhumaine…

 

 

La vie comme une longue succession de blessures et de traumatismes. Et, chaque jour, mille occasions de coup, d’arrachement et de défaite…

 

 

L’esprit note – regarde – presque détaché – la tragédie en cours – et la déliquescence (littéralement) de la psyché…

Le triste sort de la vie terrestre…

Et tous les « ah quoi bon » rehaussés jusqu’à la folie – jusqu’aux ultimes frontières de la désespérance…

 

 

Partagé entre la faculté naturelle de l’esprit à trancher – à se détacher des aléas phénoménaux – et le fonctionnement de la psyché humaine…

Sorte de conflit de loyauté – comme déchiré entre la certitude (insuffisamment prégnante encore) du dérisoire de nos vies et les soubresauts de notre individualité qui refuse, malgré elle, d’échapper à la peine et à la tristesse de la mort – de l’absence…

 

 

Nous – entre le rasoir et l’éponge – entre le regard vierge et la rétention (qui peut parfois se transformer en rumination émotionnelle)…

La conscience clivée – dissociée – qui, à la fois, éprouve la souffrance et est attirée par sa possible cessation – avec un simple ajustement du regard – soit plongeant dans les eaux de la tristesse, soit surplombant le monde des phénomènes…

Mille incitations d’un côté et mille résistances de l’autre qui annihilent tout mouvement – on demeure alors immobile – dans cette fracture – dans cette indécision – dans cet inconfort – qui peut, parfois, virer au supplice…

 

 

Se laisser entièrement traverser – sans rien refuser – sans rien agripper – pas même notre incapacité à accueillir – pas même notre inclination acharnée à la saisie – devenir cette immensité où tout disparaît – où tout réapparaît – élans déclinants et élans naissants. Rien d’autre qu’une vaste étendue – un immense réceptacle sans crochet – sans filet – une aire totalement poreuse et transparente – sans autre épaisseur – ni d’autre visage que ceux de l’Amour – lucide – qui voit – et sensible – qui apaise et offre, peut-être, sa guérison…

 

 

Nous sommes – un étrange mirage – entre rêve et réel – entre buée et densité. Quelques milliers de jours au parfum volatil d’éternité…

 

 

Jours et saisons mille fois recommencés – la continuité et – toujours – la même candeur à vivre…

 

 

Instance noire au cœur de la chair – comme un puits – un abîme – sous les muscles – sous les nerfs – dans les os – dans le sang. Zone imprécise et monstrueuse – qui se déploie – vite – et grossit en retenant le moindre objet – le moindre phénomène – dans ses filets…

 

 

L’humanité des arbres et la barbarie des hommes. A voir le monde – en actes – tout sauf de vains mots…

Et à côté – et sous les apparences – le réel brut et sans histoire – rude souvent – doux ou tranchant selon les circonstances – mais implacable toujours…

 

 

A genoux sur notre pente inéluctable…

 

 

Un besoin de fraternité au fond du cœur – rarement satisfait par les figures du monde…

Il faut chercher ailleurs – fouiller en soi – pour dégoter quelques visages aimables – et apprendre à bercer leur âme tendrement dans nos bras – être la mère que tous réclament – et la solitude – et la misère – et la détresse – de chacun recevant cette attention – cette écoute – cette affection…

 

 

Volonté d’un Autre – toujours – au-dessus – par derrière – au-dedans. Jouet de mille désirs sous-jacents – pantin de l’invisible soumis au silence et aux forces qui animent le monde…

 

 

Départ d’ici pour ailleurs – de ce monde pour un autre monde. Tranches diverses du même pan de réalité cloisonnées presque hermétiquement par le sas de la mort – mille fois vécue – mille fois traversée – où l’esprit conserve ses caractéristiques principales et oublie le reste – tous les souvenirs inutiles. Resserrement sur l’essentiel – densification du noyau – affranchissement du superflu – ce labeur fondamental que nous délaissons – presque toujours – de notre vivant – par paresse – par désintérêt – par crainte – par impossibilité – pour mille raisons irrecevables…

 

 

Les circonstances sont – presque toujours – d’une grande brièveté – succession de « cela arrive » – puis, autre chose – puis, encore autre chose – ponctuée d’intervalles plus ou moins long d’absence d’événements significatifs (ou déterminants) pour l’esprit… même si, bien sûr, se déroulent, à chaque instant, une infinité de « micro-événements »…

C’est toujours la psyché – à travers la mémoire – qui allonge (d’une manière naturelle et involontaire) la durée, l’existence et les conséquences – de ces événements marquants – comme de longues – de très longues – extensions – d’interminables et inutiles prolongations…

 

 

Tout n’est que jeu de la matière – visible et invisible – et conscience – regard ; rien d’autre n’existe, en vérité…

 

 

Fragile espace du monde – le regard sensible à toute forme de précarité…

 

 

Tout surgit – et est enfanté par le même jeu – la même nécessité à être – mille élans-frères et autant de visages qui ne se reconnaissent plus…

Etrange fratrie de l’oubli et de la guerre…

 

 

Un sursaut de virginité pour mille résistances de la psyché qui refuse d’être reléguée au second plan – de devenir l’objet d’une observation assidue – d’en être réduite à tourner à vide – à retrouver sa condition d’élément phénoménal commun – égal à tous les autres – sans consistance – sans épaisseur – sans conséquence majeure. Simples mouvements – irrépressibles – qui se réalisent. Pas davantage que le rêve du monde. Ondulations ordinaires – simple déroulement – infime fragment dans le cours naturel des choses…

 

 

A marche lente – d’un point à un autre – sans itinéraire précis. Errance et déambulation davantage que voyage. Haltes nombreuses comme pour souligner l’inimportance des lieux…

Le goût du monde et la beauté des paysages – en soi – autant que le parfum et la sueur des mille chemins parcourus…

 

 

L’ordre du jour et le spectacle – au-dedans de l’esprit – du regard – de la conscience…

 

 

Monde d’yeux et d’instincts – de labeur et de contingences – d’habitudes et de flâneries – de gestes mécaniques et de sillons creusés…

Danses à la surface de tout – vie, monde et soi – à peine aperçus – à peine effleurés – sans la moindre plongée dans les profondeurs…

Vie étrange de lassitude et d’éternité – où tout semble aller de soi – sans aucune prégnance quotidienne de la mort – de l’essentiel – sans la moindre curiosité – sans le moindre étonnement devant ce qui ressemble pourtant, à chaque instant, à un miracle…

Des mouvements – des images qui défilent – des représentations et une conceptualisation (plus ou moins grossière – plus ou moins sophistiquée) à travers la pensée et le langage…

 

 

Tout arrive – passe ainsi – et s’éclipse – devient néant. Jamais rien d’immobile…

Et toute tentative pour figer le réel – quelques éléments du réel – en le(s) fixant avec des mots ou des images – est caduque et inutile ; inapte à restituer la dimension vivante de ce qui était – capable seulement de rendre compte de ce qui n’est plus…

Une sorte de vague évocation qui ravive, bien sûr, dans la psyché ce qui a été vécu et emmagasiné – mais rien de réel – simple outil de réminiscence qui donne l’illusion d’une épaisseur et d’une réalité – totalement inexistantes – présentes seulement dans la tête. Mécanisme basique de la vie psychique qui rassure autant qu’il éloigne du réel du monde…

 

 

Nous vivons par inadvertance – avec ce qu’il faut d’infortune et de déraison pour être au monde de manière si absente…

 

 

Tout se répète sans étonnement – comme s’il allait de soi de recommencer chaque jour – mille tâches – mille gestes – incontournables…

 

 

La roue du temps et du supplice. Tout est cercle – marche répétitive – déclin, renouvellement et continuité…

 

 

Saisons et arbres millénaires – et les petits soubresauts de l’homme…

 

 

Le monde comme obstacle – comme oracle – comme fortune. Le seul lieu, peut-être, accessible à l’absence et à l’infirmité…

 

 

A chaque instant – à la jonction de toutes les choses du monde – au centre du réel – là où rayonne l’infini sans le moindre contour – et ainsi pour chacun – pour chaque forme du monde…

 

 

L’étrange mystère qui, peu à peu, s’éclaircit. Des pans entiers de vérité vécus – sans témoin – sans référence possible – sans la moindre validation…

Désépaississement, peut-être, du filtre psychique…

 

 

Ça surgit – ça se forme – ça s’emplit – puis ça déborde. Ainsi – toute chose – jusqu’aux ruissellements – jusqu’à la liquéfaction…

Nature aqueuse et océanique du monde…

 

 

L’eau – l’herbe – l’arbre – la roche – la chair miraculeuse du monde. La vie et le vivant qui s’invitent et colonisent – peuple de la propagation qui se répand sur tous les territoires…

Monstrueuse expansion naturelle…

L’impérieuse nécessité d’envahir – de progresser – de se multiplier. Développement à marche lente – à marche forcée – comme volonté (inconsciente), peut-être, de matérialiser l’infini…

Perspective instinctive inscrite dans les gènes du monde…

Foisonnement et efflorescence se propageant avec une indécente obstination…

D’un côté, cette addition – cette accumulation – perpétuelles – et de l’autre, rien – l’espace vide – la conscience – la lumière immobile – le regard silencieux, neutre et oublieux – la vacuité sans visage – l’Un laissant faire – et laissant jouer – la multitude…

Et, en chacun, ces deux dimensions qui enfantent leurs élans – la matérialité visible et invisible sur le mode de l’expansion et la perspective soustractive – l’effacement jusqu’aux sources premières du rien – le long et âpre périple jusqu’au vide – jusqu’à la pleine vacuité…

 

 

Jeu du monde – et jeu en soi – sans autre raison que celle d’être né – et inévitables à présent – jusqu’à la fin du cycle – jusqu’à l’extinction de tous les souffles engendrés par l’élan premier de la matrice en cette ère actuelle*…

* ère qui succède aux mille ères précédentes – et qui précède les mille ères suivantes…

 

 

Ça s’infiltre – ça imbibe, peu à peu, l’esprit – cette perspective du vide permanent. Familiarisation journalière – distillation presque au goutte-à-goutte…

 

 

Ça séjourne – en soi – avec moins de persistance…

Et ce qui insiste réclame – on le sait à présent – une attention accrue – un espace d’accueil sans jugement – sans intransigeance – un refuge total – des bras protecteurs – un abri – une écoute et une tendresse réelles et profondes – absolues – un lieu où tout ce qui s’invite peut être pleinement lui-même et s’abandonner sans restriction – sans le moindre risque de rejet…

Voilà ce que nous pouvons offrir à ce qui frappe avec insistance à notre porte – à ce qui nous pénètre avec force et désespérance – à tout ce qui s’acharne à nous envahir…

Une manière d’être – et d’accueillir…

Une manière de vivre dans le rayonnement libre de l’Amour…

Tendre et tranchant – vide et conciliant – attention et lucidité précises – aptes à reconnaître les besoins de ce qui est là – à faire la distinction entre ce qui mérite d’être coupé et balayé sans ménagement et ce qui réclame, avec pertinence, la plus grande douceur…

Aire ancillaire permanente – en quelque sorte – au service de ce qui vient – sans exception…

Perspective éminemment fonctionnelle et pragmatique autant qu’infinie et absolue – vouée au respect de la nature du regard – le vide – et de celle des choses du monde visible et invisible – la nécessité – la réclamation (souvent) et l’inévitabilité…

L’être en actes – à la fois œil contemplatif et discriminant – et sensibilité juste – précise – intensément vivante…

Le Divin modestement incarné peut-être…

 

12 août 2019

Carnet n°197 Notes journalières

Le ciel – parfois – le ciel – toujours – bout de ciel plutôt qui se laisse voir – qui, quelques fois, se devine seulement comme une promesse pour l’âme droite – honnête – clarifiée…

 

 

Errance souvent pour retrouver la route – sentir, en soi, le vide s’enfoncer. Ecarter ce qui reste – l’engloutir. Le monde séparé – hors de nous – comme un fantôme qui nous hante depuis trop longtemps…

 

 

La rencontre dans l’âme d’abord – sur la page ensuite – bouts de silence dans l’ombre des visages. Lumière volée, peut-être, pour dire la proximité de tout…

 

 

Tout se cache – se dissimule sous la plainte – comme si la réalité – la vérité peut-être – se positionnait toujours – à dessein – derrière le cri – au fond des apparences – pour ne jamais oublier – ne jamais rejeter – la souffrance maladroite et bruyante des traits dans notre quête acharnée d’essentiel et de silence…

 

 

Tout dans le prolongement de soi – puis, dans celui du centre. Du fragment à l’unité…

 

 

Bruits du monde qui ne sont que les cris de la faim inapaisée – et ce surplus d’énergie dans les gestes tourbillonnants – quelque chose que l’on ne peut réfréner – quelque chose de ludique, au fond, malgré le sérieux apparent des actes et la gravité des visages…

 

 

Vivant comme ce vieil arbre croulant sous ses fruits. Affranchi de l’orgueil au fil des saisons. Occupé à sa tâche naturelle. Seul jusqu’à la mort – et qui n’a besoin de témoin pour œuvrer, chaque jour, à son labeur…

 

 

Immobiles comme ces pierres sommeillantes qui paressent au soleil – insensibles au passage des saisons. Dures – intransigeantes – la tête froide en toutes circonstances…

Et hostiles – comme la mort – imperméables au silence et à la main tendue…

 

 

Tout se dissipe – s’éteint – s’affaiblit. Même le sommeil perd de ses forces. Tout devient égal devant ce sourire inexplicable…

 

 

Nul ne sait – nul n’a vu ni le visage – ni le reflet – ni le miroir. On a erré dans la même pièce – des siècles durant. On a tourné en rond entre quatre murs étranges. On a joué avec les ombres et les choses. On a marché sans prêter attention à cette lumière (minuscule) qui éclairait le monde – nos pas – nos petites œuvres – le chemin sans fin. Et aujourd’hui, la mort arrive – la mort est proche – et quelque chose – en nous – se souvient…

 

 

L’homme soucieux – penché sur ses reflets – les portraits sans contour de lui-même. Des millénaires de narcissisme avant de commencer à lever les yeux sur ce qu’il n’a jamais vu – sur ce qu’il n’a jamais pris la peine de voir ; le reste du monde qui lui a toujours semblé si hostile – si étranger…

 

 

Comme une pluie qui se dissipe – un peu de lumière au bord de la blessure. L’ombre qui recule peut-être…

Le sentiment d’une terre où tout pourrait commencer…

 

 

Sisyphe immobilisant sa pierre – grimpant sur elle – et découvrant une autre manière de marcher – apprenant, peu à peu – et presque par hasard – à danser et à jouer avec les servitudes – trouvant une autre perspective et d’autres points d’équilibre…

 

 

De l’ombre encore – partout – et qui pèse sur les épaules…

On marche avec cette fatigue – le feu, en soi, lancé contre le froid – le sourire comme piètre étendard dans le désert. La joie plus vive que le pas. A battre la campagne – à embrasser – en pensée – ceux qui nous ont tourné le dos. Seul avec cette déchirure qui a, peut-être, agrandi l’âme…

 

 

On ne voit rien – on avance – la cécité en tête. On se précipite là où l’on devine une chaleur – là où la clarté embrase l’air – l’ombre – l’infirmité – là où il nous est possible de vivre…

 

 

Rien de massif – quelque chose comme une pierre minuscule – fine – légère – guidée par les murmures du vent, l’encouragement des arbres et la délicatesse des fleurs…

 

 

L’Autre est d’un ressort inconnu. Des lèvres ouvertes à l’imaginaire. Un vent qui se dérobe. Une nuit moins franche qu’une main tournée vers le soleil. Un feu souterrain. Des pas – une âme qui déambule – qui s’aventure, peut-être, là où elle sera aimée. Des questions – un mystère, peut-être, insoluble…

 

 

Nous occupons la terre – l’espace – comme s’ils nous appartenaient. Nous sommes la main cruelle de l’ignorance. Nous n’avançons pas – nous piétinons…

 

 

Un jour ordinaire – la marque d’un talon imprimée sur le visage sans savoir à qui appartient le pied fautif…

 

 

Dans la chaleur dérivante d’un abri – une forêt – une chambre – qui sait où l’âme a pu trouver son rocher…

 

 

L’innocence – en nous – le lieu le plus précis de la fortune…

 

 

Des jours – comme de pauvres sacs à remplir. Qu’importe ce que l’on y met ; tout est bon – déchets et gravats y sont même les bienvenus – pourvu qu’on ait le sentiment d’avoir à porter quelque chose…

 

 

Le chemin d’un Autre que l’on poursuit. Et les chemins des Autres qui ont été nôtres…

Rien ne commence – en vérité – on poursuit le même labeur depuis des siècles – depuis des millénaires – depuis le premier jour du monde…

 

 

Une pierre – un visage – un chemin. Et tout recommence. Le même feu au fond de soi – le même ciel au-dessus de la tête. Le même voyage vers le plus simple – jusqu’au plus intangible – jusqu’à l’irréductible…

 

 

Des murs et des haleines – les cris hystériques d’une foule sans visage – sans âme ; l’humanité livrée à elle-même et au pire qui l’habite…

 

 

Le scintillement d’une clarté inconnue – reflet d’un ciel au-dessus des nuages – au-dessus des orages – et traversant, parfois, l’épaisseur de quelques âmes…

 

 

Enserrés dans la main d’une étrange providence…

Une route qui nous précède – un feu près d’un talus. Des marches – une esplanade – une large étendue où la nuit est souveraine…

Tout est froid – au-dehors. Et l’âme ne peut compter que sur ses propres forces…

Ainsi devrons-nous, seuls, réparer les déchirures – affronter le plus lointain – apprivoiser le plus proche – essayer de devenir des hommes…

 

 

De jour en jour – c’est la même mort qui nous sourit – de plus en plus proche – jusqu’au dernier instant où nous serons engloutis…

 

 

Des pierres – des fronts courbés sous la chaleur. L’obscurité des visages – la peine et le froid à l’intérieur. Silhouettes titubantes vers tous les horizons – incapables de se hisser – en s’abandonnant – sur le seul qui compte…

 

 

Tout finira par s’assécher avant de découvrir le moindre soleil…

 

 

A côté de soi – toujours – à côté de celui qui croit vivre – à côté de celui qui pense bien plus qu’il n’éprouve…

Le sommeil serré contre soi – au plus près du front – pour qu’il s’endorme lui aussi…

 

 

Trop de distance – entre nous – pour que les souffles s’alignent – se superposent – deviennent une seule respiration…

 

 

Monceaux de chair – d’idées – de visages. Ça s’élance – ça gesticule – ça cherche à s’imposer. Batailles inégales – souvent – et dérisoires – toujours…

L’essentiel assagi – ni au-dessus – ni en-dessous – hors de toutes les mêlées – sagement silencieux…

 

 

Des gestes – rien que des gestes. Et du silence. Et la parole – parfois – comme dialogue nécessaire avec soi – ou éclaircissement avec l’Autre…

 

 

Des pas – des lignes – notre quota quotidien – comme exercices d’hygiène ; libérer les énergies du corps et de la tête pour accéder au silence de l’âme…

 

 

Des murs – peut-être – mais que nous avons bâtis seuls – pour la plupart. Hauts – longs – massifs – imposants – infranchissables. Les autres ne sont que de minuscules murets de pierre édifiés par quelques circonstances provisoires – rien de définitif – ni d’insurmontable…

 

 

Le silence hissé au cœur du front – là où la terre est devenue soleil…

 

 

L’eau vive et la rive immobile…

Quelque chose – un souffle entre l’infime et l’infini…

Un feu – la moitié d’un Dieu – ce que la raison peine (toujours) à expliquer…

 

 

Un feu commun – immense. Et des milliards de flammèches minuscules…

 

 

Sur le seuil d’une autre saison – d’une autre lumière – où les noms et les conventions ne sont plus nécessaires – ou seulement, de temps à autre, lorsque le monde nous sollicite…

 

 

Le présent et l’apparente continuité du temps…

La malédiction de la matière prise dans ses propres sables – si friande de changements et de transformations – si irrésistiblement mobile – infixable en quelque sorte – et que l’esprit, à tort, cristallise en créant un univers parallèle au réel qui l’égare et l’éloigne de toute réalité…

Et autant d’univers que d’individualités – d’où les conflits et l’incommunicabilité – l’impossibilité de s’entendre en deçà du silence pleinement acquiesçant et consenti…

 

 

Monstres, créatures et monde – plus fragiles que l’âme – ce fantôme – cette silhouette aux allures frêles et fragiles ancrée dans le roc le plus indestructible ; le silence…

 

 

Prendre appui sur une autre assise que la nôtre pour devenir plus vivant que l’apparence du monde – plus vivant que l’apparence des Autres…

 

 

Rien n’existe davantage que les idées – ce monde superposé au monde…

Farce et illusion de tout raisonnement qui ne tient qu’à la logique – châteaux de cartes – monstrueux ou raffinés – construits sur le sable et le vent – et qui, d’un seul souffle, s’écroulent – s’écroulent bienheureusement…

 

 

Rencontre directe – incertaine – comme deux mains tendres et chaudes posées sur ses flancs – dans une prise à la fois ferme et enveloppante – où l’on ne sent plus où s’achève sa chair et où commence celle de l’Autre…

Un pont – une continuité – la peau commune qui nous relie – et plus profondément encore – les muscles – les nerfs – les os – les énergies – indissociables…

L’unité provisoire – deux visages – un seul monde…

 

 

Terreur au-dedans. L’horizon et la chambre d’accueil – la pièce nue et ce qu’offre le monde… Qu’importe la main qui dépose les présents – et qu’importe les circonstances – pourvu que l’air où l’on se trouve soit neuf – oxygéné ; l’air du jour…

 

 

Qu’importe les pas et les routes – c’est au-dedans que nous cheminons – là où ni l’extérieur, ni les foulées n’ont d’importance – là où la distance qui nous sépare du centre se franchit d’un seul regard ; là où le recul n’est qu’un intervalle nécessaire – là où il n’y a ni lieu, ni liste, ni règle, ni tendance agonistique – là où le possible ne se conjugue qu’au présent…

 

 

Le monde revigore autant que peut épuiser – et meurtrir – l’idée du monde…

 

 

L’Autre sans masque – sans visage – le reflet du plus proche – ce que nos yeux ne peuvent saisir ; l’insaisissable – le jour – le plus vivant – malgré ces restes de terres froides, la brume encore persistante et ce parfum de tristesse…

 

 

Geste lent sur toute l’étendue – comme une étreinte – un baiser sur le jour – la fin de l’usure liée à l’usage quotidien des choses…

 

 

Bruits intérieurs contre les parois du crâne – frères de sang et continuité du tapage extérieur – ces sons du monde qui pénètrent et saturent les têtes…

Âme et l’Autre d’un seul tenant – passerelle où défilent la nuit et l’anéantissement…

 

 

En ce lieu qui n’est pas un lieu – ni un refuge ; un suspens – un surplomb engagé dans le centre – jusqu’au cœur des choses du monde – dans chaque visage hilare ou souffrant. Une présence vivante – un regard sensible. Dieu nous regardant le regarder – séparé de tout – abandonné là où la nuit est la plus terrifiante – là où la mort roule et écrase ceux qui la défient comme ceux qui la craignent – ceux qu’elle indiffère comme ceux qui la vénèrent – faisant de tous les visages une seule figure – celle de l’espace – infini – invisible – s’aimant à travers tous ses traits…

 

 

Du dehors ingurgité – digéré – ne coulent qu’une mélasse noire et quelques scories…

 

 

Lieu piétiné par les Dieux – le froid dans le foyer – quelque chose comme un soleil déclinant – une tête inclinée – le revers de tout destin – l’autre versant du jour…

 

 

Un quiproquo absurde devenu mythe – illusion – auxquels nul n’a su résister…

Excès de faiblesse et absence de forces élémentaires pour pouvoir être dissipés – balayés – exorcisés…

Le cadre du monde auquel nul ne peut échapper…

L’évidence d’un feu qui brûle sans nous…

 

 

Une traversée de portes déjà ouvertes – et qui, de loin, semblaient fermées – épaisses – hermétiques – presque infranchissables…

 

 

Parfois dans le rêve d’un autre ciel – et d’autres fois, dans sa chaleur vivante – palpable – éminemment tangible et guérissante…

 

 

Nous, les éclats – les Autres, on ne sait pas. Des têtes autrefois maudites – aujourd’hui si faibles – agonisantes – à moitié abandonnées déjà…

 

 

Front traversé par le plus mince – le presque inexistant. L’idée du monde en tête avec ses faces hideuses – inconnaissables – qui rôdent comme si nous étions une chambre hantée – la geôle souterraine d’une vieille forteresse abandonnée…

 

 

Des murs – de l’air – l’immobilité…

Vivant dans le plus lointain monde possible…

 

 

L’impérieuse nécessité du jour et de la blancheur contre ce qui nous sépare – nous altère – nous crucifie…

 

 

Le geste lent de la main qui se redresse – et qui, se redressant, pousse l’âme vers ses plus folles dérives. De jour en jour – de plus en plus lointain – comme mille rives successives foulées d’un seul regard – dans le même vertige…

 

 

Là-haut – sur cette route où se déposent toutes les espérances – le vent, en soi, et le ciel plus vaste que l’imaginaire mal inspiré. L’étendue et le sommeil couchés ensemble dans la même paume – immense – qui s’offre à tous. Les larmes et la rosée – le souffle du premier matin du monde. L’infini imprégnant le sol – se mélangeant à lui – le devenant pour que la marche trouve enfin son envergure – et les passagers leur plus beau voyage…

 

 

Etendu là où le jour nous éventre – nous fouille – nous dissèque – nous arrache ce qui nous semblait le plus précieux – pacotilles bien sûr ; nous respirons encore – nous voyons – nous sentons – nous sommes – toujours – au milieu du monde – dans ce souffle plus haut que les hommes, un jour, ont perdu. Dispersé par le froid – dans le seul lieu habité. Au commencement de tout peut-être… Pas même effrayé – pas même ébloui – par le visage qui s’avance…

 

 

Tous les indices – toutes les preuves – convergent vers soi…

 

 

Silence vivant là où le ciel est descendu. Ailleurs – du bruit – de la terre – des grimaces…

 

 

Plus bas – plus haut peut-être – on ne sait pas – affranchi, sans doute, d’une forme élémentaire d’humanité – laquelle reste (pourtant) mystérieuse malgré la paresse – le mimétisme – toutes les singeries…

 

 

Tout lieu – même désert – est habité ; il suffit d’un regard…

Une présence discrète et silencieuse – et non une absence – mille absences – bruyantes et tapageuses…

 

 

Offert – comme le sol aux pas – l’esprit aux idées – comme une main qui réconforte la tristesse d’un visage…

 

 

On peut bien rêver mille ans – le monde restera le monde… On peut bien inviter le jour – il est probable que la nuit demeure glaciale…

 

 

Le début d’un monde où le souffle remplace les vents – où l’Amour devient le creuset des âmes – un lieu éblouissant pour les pas infirmes et les visages hésitants…

 

 

Le jour est là – toujours – malgré l’absence et les yeux fermés – malgré les âmes mimétiques et les esprits encombrés…

 

 

Tout doit se rompre sur la lame effilée ; tranché net – décapité – coupé à la racine…

Bouts du monde stoppés dans leur élan colonisateur…

L’esprit nu – l’esprit blanc – et qui doit le rester…

 

 

Un souffle fait bouger nos lèvres – anime notre main – fait courir nos jambes de par le monde et le feutre sur la page. Mouvements mystérieux – récurrents – circulaires – nés de la matrice qui enfanta l’univers, la vie et le temps…

Et mille manières de revenir dans son giron – de vivre à ses côtés – en son cœur – et de laisser son silence et sa joie nous envahir de la tête aux pieds…

 

 

Sans cesse nous nous heurtons aux mêmes parois – érigées par nos habitudes – nos certitudes – agglomérées par le mauvais ciment des idées ; monde perdu – qui s’éloigne à mesure que les parois s’élèvent – s’épaississent – deviennent une enceinte infranchissable – et poreuse seulement du dehors vers le dedans…

 

 

Vase vide qui doit rogner ses bords – creuser son fond – retrouver – redevenir – la pleine vacuité de l’espace – l’envergure sans limite…

Mais le souvenir du vase – des bords – du fond – est tenace. Et la peur de perdre définitivement sa forme – le contenant et le contenu – est vive – profonde – presque indéracinable…

Partagé – déchiré – toujours – entre l’infime et le plus vaste – entre l’identité restreinte et (rassurante) et le sans nom – l’infini et l’incertitude…

 

 

L’esprit enfermé dans la matière – dans sa forme matérielle apparente – et apparemment séparée…

Nœud complexe de l’identification – de la crispation – de la rétractation. Difficile chemin vers l’élargissement et l’envergure première – l’absence de frontières…

L’éternel défi – l’éternel dilemme – de l’homme – au croisement de ces deux dimensions – de ces deux perspectives – si difficilement conciliables dans l’expérience du monde et le vécu quotidien…

 

 

De l’autre côté du monde – à moitié abandonné déjà – sur ces terres – ces rives – ces fleuves – que l’âme doit encore traverser. Là où tout se dénude et se dissipe…

 

 

Seul et immobile dans ce bleu comme unique ivresse à vivre…

 

 

Le front – le souffle – le feu – quelque chose qui s’anime derrière la façade opaque des secrets…

 

 

Au pied d’un autre jour – déjà – où tout sera effacé…

 

 

L’étrange trivialité des jours – du monde – des existences – comme un poids – une inertie – qui nous voilerait l’extraordinaire…

 

 

Le regard, le souffle et le talon. Et le geste, parfois, qui s’impose…

 

 

Lignes sensibles et hâtives – entre foisonnement et silence. Comme un impératif de désengagement – une distance nécessaire avec le monde – les visages – le vécu – le ressenti – une manière, peut-être, de s’affranchir des aléas de l’existence…

Plonger dans l’âme et le monde – avec une sensibilité directe – sans écran – sans filet. Sauter à pieds joints dans l’inconnu – l’incertain – l’insaisissable – sans savoir si l’on en réchappera…

Manière de vivre hors du temps – sans même imaginer la route à venir. Mourir ici – demain – dans mille siècles – quelle importance au fond – qu’avons-nous donc à vivre de plus important qu’à cet instant…

 

 

Tout arrive – rien n’arrive – tout pourrait (même) nous arriver – qui, mieux que la vie, sait ce que nous devons traverser…

Vécu impitoyable mais nécessaire…

Ni aubaine, ni échappatoire – le destin – simplement – où la nécessité s’impose pour s’affranchir du sommeil…

 

 

Ce qui déborde est promis à la destruction – comme tout le reste, bien sûr…

 

 

C’est la plaie et le besoin de remède qui font tourner le monde – lui donnent son allure et sa frénésie. Des reculs et des avancées – des cris de douleur et de joie – rien que des minuscules histoires…

 

 

Tout – en soi – comme ce qui traverse le cœur – rehaussé ou crucifié – c’est toujours lui qui bat dans notre poitrine – c’est toujours lui que l’on entend et que l’on touche – de mille manières…

 

 

Ce que nous n’habitons pas est mort – n’existe pas. Graine et devenir possibles – seulement…

 

 

Un intervalle où tout peut basculer – se rencontrer – grandir ensemble – et exploser ; la terre – le froid – le soleil. Et ce feu – au-dedans – qui nous pousse à explorer le monde – à trouver le lieu de la fortune – la seule demeure naturellement…

 

 

Pas tendus vers le seul abri qui est aussi une exposition totale – la fragilité la plus haute – que rien, pourtant, ne peut anéantir…

Le dénuement – le détachement – le lieu étrange – unique – où mènent toutes les voies soustractives – tous les chemins vers la nudité…

 

 

Tout semble défiler – mais, en vérité, tout – dans l’instant – est immobile. Rien n’arrive – rien ne passe – tout est exactement comme il est…

 

 

Ça respire – en soi – avec une autre envergure. Quelque chose comme un nœud – un paquet de nœuds – défaits – devenus ficelles légères qui s’envolent comme les aigrettes du pissenlit…

 

 

Nous cherchons à arriver là où nous sommes déjà. Tant de pas et de sols foulés – retournés – pour, un jour, pousser la porte du regard – inverser les yeux – et voir le monde entier au-dedans…

 

 

Homme penché – au croisement des destins – sur ce fil étrange – multiple – tendu entre la terre et le vent – attaché nulle part – si, peut-être, à l’imaginaire – dans un rêve de monde et de Dieux…

 

 

Visage à retourner – figure face à l’océan mêlé à l’air et à l’écume – arrachée au sol et à la gravité. Plume d’oiseau emportée vers le jour…

 

 

Nous cherchons – et explorons – partout – excepté le regard. Puis, une fois le regard découvert – et habité – la quête s’efface – tout s’efface ; l’extérieur disparaît ; le monde – les routes – l’Autre – les visages – n’existent plus qu’au-dedans – comme si l’impossible se réalisait malgré tous les rêves qui emplissaient nos têtes…

 

 

Chaque jour – la même eau noire – qu’il faut laver. Pluies et larmes sèches – débris d’autrefois – fragments de monde – amassés au fond des têtes – au fond des âmes…

Et au fond de l’eau – de petites pierres blanches – des foulées lointaines vers le plus proche – le feu revisité – l’âme droite – les gestes précis – tout en suspens..

Bien plus vivant qu’hier – sans doute…

 

 

Le chant de la forêt – la beauté des fleurs – la fraternité des arbres – l’espièglerie des insectes. Tout est là – identique – presque comme au premier matin du monde…

Le plus naturel – le plus simple – rien de superflu – rien de surfait – pas de tapage – pas de pollution – la belle et saine sauvagerie du monde…

 

 

Grandeur du jour – course du vent – et le rythme lent de ceux qui s’animent…

Tant de beauté saccagée et corrompue par les hommes…

La douce (et parfois rude) félicité du monde remplacée par cette folie et ce sommeil terrifiants…

 

 

Le jour moins lointain que le monde. Ici – les visages nous sourient – nous saluent – nous convient à leur danse – à leur silence – à leur beauté. Hôte de tous – comme un retour au pays natal – parmi nos frères – habitants des forêts…

J’appartiens à la tribu des bêtes – à la confrérie des arbres et des pierres – à la communauté végétale. Je suis un des leurs…

Et c’est auprès d’eux que je vis – et dans leur sillage que je mets mes pas. Ma seule famille peut-être – celle à laquelle je resterai fidèle jusqu’à la mort – quoi qu’il arrive…

 

 

Cellule nomade au cœur du monde naturel. Le silence et la joie. L’apaisement – en soi…

 

 

Il n’y a d’inquiétude chez les arbres – seulement le souci d’être…

Il n’y a de choses inutiles – seulement le nécessaire…

Il n’y a d’ostentation – seulement des actes justes…

L’essence, l’existence et le miracle de vivre – la tranquillité et la liberté de croître. Et rien de plus – sous le jeu de la lumière…

 

 

Des arbres – des bêtes – des pierres – des livres – le silence ; conditions d’un bonheur simple – d’une présence habitée – d’une joie intense – d’une existence naturelle en accord avec les valeurs qui me semblent les plus hautes – les plus vraies – les plus saines – les plus propices à l’épanouissement de l’âme et du cœur humain…

 

27 juillet 2019

Carnet n°196 Notes de la vacuité

L’arbre et l’horizon. Du vert jusqu’au bleu. Âme et reflets – corps dansant. Dieu – en soi – sans promesse. De la bête à l’homme. De l’homme à ce qui ne s’explique pas…

 

 

Langage, si souvent, détourné de sa vocation première ; chercher et dire la lumière – les hommes en usent pour leurs mille affaires séculières – triviales – lointains reflets d’une clarté (encore) étrangère…

 

 

Mur épais – encore tangible – qui rend toujours mystérieux l’autre versant du monde…

 

 

Peurs et joie qui déferlent – entremêlées – sans explication…

 

 

Un front – une boîte – où sont rangés tous les outils nécessaires…

 

 

De rêve en rafistolage – de réparation en guérison imaginaire. Et la rémission dans l’intervalle précis entre le vide et l’absence. Et partout ailleurs – l’efflorescence du mal et des malheurs…

 

 

Blanc à perte de vue – et plantés, au milieu, des poteaux noirs – étranges – incongrus. Rêve d’infini piqué de pensées sombres…

 

 

Récurrence du même cauchemar qui tente d’emplir l’esprit – de lui imposer sa couleur. Mirage autant que l’idée du monde et d’un salut possible…

Revenir au pas – aux talons qui pensent – au lieu précis que nous foulons…

 

 

Vider la tête – et la creuser jusqu’à faire disparaître l’incessante récurrence des points d’interrogation…

 

 

Ni rêve, ni réalité – l’entre-deux investi par la nuit et la peur…

 

 

Immobile – comme une bête assoupie dans son dédale – face aux monstres et aux mythes du labyrinthe…

 

 

Ornières – fosses – ravins – et le doigt d’un Autre pointé au-delà – nulle part – vers le centre unique – multiple – démultiplié – ni réel, ni chimérique – et que l’on atteint sans le moindre geste – avec le regard simplement soustrayant…

 

 

Accord de principe qu’il faut – à présent – convertir en actes – en gestes vivants…

 

 

L’âme éventrée par le tranchant des yeux et des saisons – laissant apparaître l’arrière-pays du rêve et les entrailles de l’antre – la grotte noire…

 

 

Plus étranger au jour qu’à la mort – victime, sans doute, du labeur acharné de la tristesse…

 

 

Une âme encore trop tapissée de craintes et d’espérance – les communes valeurs de l’homme…

 

 

De la paresse et de la fébrilité – et, en dépit des apparences, la même résultante ; de l’air immobile et de l’air brassé ne débouchant sur rien d’essentiel ; rien qui ne puisse intensifier le regard – rien qui ne puisse célébrer la vie…

 

 

Des actes et du repos – un mode d’existence qui donne l’illusion d’appartenir – et de contribuer – au monde…

 

 

Laisser émerger – en soi – le plus naturel ; l’élan sans appui – sans contribution – le mouvement né de l’œil, du souffle et du bras des profondeurs – le vide agissant…

 

 

Gestes et langage – pas et silence. De l’esprit – du corps – de l’âme. L’essentiel du monde et du regard. L’ossature de l’homme…

 

 

Du feu – des incendies – quelques autodafés – des cendres. Et un peu de vent. Et, bientôt, un espace de désolation sur lequel peine à s’installer la joie…

Vide noir et désert – terrain des humeurs mélancoliques plutôt qu’esplanade de liberté et aire de jeux – joyeusement fantaisistes…

 

 

Trop d’attentes encore – trop recroquevillé, peut-être, sur ces restes de douleur – et toutes ces pertes, sans doute, pas encore entièrement consenties…

 

 

Des pas mal alignés que l’inhibition rend stériles. Des volutes de fumée qui se dispersent – résultante de gestes trop sérieux – trop soucieux de bâtir – comme si l’âme s’imaginait encore capable de construire le vide…

Déblayer – déblayer toujours – ces reliquats d’images et d’espérance…

 

 

Ecouter cette voix et cette force – en nous – qui, au milieu du vide, initient l’impulsion – balayent l’espoir et la crainte – et nous débarrassent du monde et du temps – œuvrant, sans rien édifier, à leur propre joie – à leur propre chant – à leur propre beauté – sans la moindre considération pour ce qu’insinuent les yeux des Autres…

 

 

Rien d’étranger au regard – fragments et reflets de lui-même – bien plus que familiers…

 

 

Un réel sans restriction plutôt qu’un imaginaire fertile…

 

 

Au cœur plutôt que hors de soi…

 

 

Quoi que nous fassions, nous ne pouvons échapper au centre. Tout acte est au-dedans – inclus…

Rien en dehors de ce cercle sans frontière…

Nulle issue – nul exil – possibles. Tout se déroule en lui. Impossibilité absolue du hors cadre…

Où que nous soyons – où que nous allions – au plus près toujours…

 

 

On ne peut s’affranchir de soi-même…

Invariant total malgré l’infinité des possibles…

D’un domaine à l’autre – d’une perspective à l’autre – sans jamais se trahir – se corrompre – abandonner l’essentiel – le plus exact…

Miracle – vertige – les mots nous manquent pour décrire cette envergure du réel…

 

 

Le quotidien revisité à l’aune de cette perspective donne au moindre geste une dimension infinie – et renoue avec le plus sacré – nous offre l’opportunité de rejoindre le jeu et la liberté joyeuse des Dieux…

Nulle règle – nulle loi. L’élan le plus naturel – le plus spontané – qu’importe les conventions, les interdits et les yeux du monde…

L’acte pur et la joie…

Le grand rire et la jouissance de l’être…

L’éradication de toute forme de tristesse et d’inhibition…

Goûter cela (même provisoirement) balaye maux et malheurs…

 

 

Le pas – sans destination précise…

Le geste – sans intention…

La parole comme un chant…

L’être goûtant sa liberté – jouissant du monde et du miracle d’exister…

 

 

Ni âme, ni anges, ni Dieu – simples intermédiaires indispensables aux cheminants – à l’espérance de ceux qui œuvrent (encore) avec peine au rude labeur de la soustraction…

Manière, parfois nécessaire, d’encourager l’allant vers la nudité – prémices du cœur – prémices du centre sans nom – sans visage – sans autre appui – sans autre compagnie – que lui-même…

 

 

Magma de matière agglomérée et séparée – indissociablement – sans autre espace que ce qui l’accueille…

Distance zéro et infini – mesures différentes de la même unité – présence et absence incluses…

Rapprochement et éloignement au sein du regard enchevêtré à la matière enchevêtrée

Seule liberté – la focale. Le reste n’est qu’un amas de gestes et de mouvements conditionnés…

 

 

Tout est mû – s’écoule – avec ou sans l’adhésion du regard. La fiction se déroule avec ou sans spectateur. La danse des choses dont l’esprit seul peut témoigner…

 

 

A grandes enjambées sur le même pont – d’une rive à l’autre – sans jamais fléchir…

 

 

Heurts et litiges qui exaltent l’identification – le rêve – la torpeur. Ce que nous prenons pour la vie – le réel – la mélasse où nous sommes englués. Presque rien, en somme… Les irrépressibles mouvements du monde auxquels nous croyons devoir répondre…

Elans fantômes à la nature onirique – quasi fictive. Caresses – effleurements – gestes vides de sens – à la destinée dérisoire – sans conséquence réelle sur le monde. Simples effets (en cascade parfois) dans l’écheveau de fils enchevêtrés où tout se reconstitue à la moindre rupture – d’une autre manière – sans jamais transformer radicalement la structure. Seule l’apparence change selon les fluctuations et les points d’équilibre…

Ainsi nous apparaît l’étrange ossature du réel…

 

 

Enorme masse en mouvement où cohabitent tous les extrêmes ; inertie – tiédeur – radicalité – où tout acte – tout geste – même le plus spectaculaire – ne constitue qu’un micro-événement qui n’engendre que d’infimes et dérisoires modifications… Rien qui ne puisse entamer la charpente de l’édifice – inchangée – inchangeable – et dont l’évolution et les révolutions n’affectent que la surface – les éléments directement observables…

 

 

Briques grises – partout – assemblées pour mille usages ; murs – abris – maisons – routes – ponts – carrefours – cathédrales – esplanades…

Cette manière qu’a l’homme d’habiller la terre et de la soumettre à ses exigences…

Territoire conquis – foulé – envahi – dominé – et surchargé, aujourd’hui, par mille autres édifices – par mille autres réseaux…

Boulimie colonisatrice insensée – sans limite – et sans le moindre respect, bien sûr, pour le monde naturel et les autres espèces…

 

 

Une porte – en soi – n’a pas été ouverte. Un monde inconnu qui nous restera étranger…

 

 

La vie semble avoir investi en l’homme et en son hégémonie dévastatrice pour écrire l’histoire contemporaine du monde. Erreur de programmation… Stratégie darwinienne… Manière de contraindre l’homme à un sursaut de conscience… Qui peut savoir…

 

 

Escale – comme un flottement entre la terre et le ciel. Un goût du monde – en soi – prononcé. La conscience d’écrire un voyage – une étape – une page – inconnus. Et l’exigence d’une parfaite honnêteté dans le témoignage…

 

 

Lignes sans autre objet que la description de la vacuité et des charrettes de phénomènes (hétéroclites) qui la traversent…

Ici et là – à l’instant où cela se déroule. Qu’importe ce qui vient – seule compte la manière de l’accueillir – aussi dépouillée que possible…

 

 

L’écrasant magma et la grâce…

La prolifération et l’épure – à parts égales – sur la page…

 

 

L’histoire comme une myriade de récits dérisoires – de destins individuels entrecroisés et englués dans la trame collective – que l’on a vite fait de transformer en mythes collectifs que chacun (en général) s’approprie – auxquels chacun (en général) s’identifie – en fonction desquels chacun (en général) se positionne – œuvrant ainsi à édifier et à inventer, à son tour, sa propre route – sa propre histoire – son propre récit – qui viendront s’ajouter aux mille autres et à la grande histoire du monde…

Processus écrasant et inévitable auquel nous préférons le pas de côté – l’absence de destin – eux-mêmes marges des histoires – marges de la grande histoire…

Quoi que l’on fasse, on ne peut y échapper…

 

 

Herbes folles – danse frénétique sur le trajet du vent – capricieux – erratique. Monde sous le joug des saisons. Souffles et temps qui donnent aux choses leur forme – leur allure – leur rythme…

 

 

Eaux qui coulent – long cortège immobile – égal – différent. Eaux qui dévalent – qui serpentent et se précipitent. Long périple avant d’arriver jusqu’à l’océan…

Et noyées dans la grande étendue, le voyage se poursuit ; immersion – tangage – roulis – errance dans l’immensité – happées par les courants et les abysses – par le labyrinthe des profondeurs – par les soubresauts de la surface – évaporation – lévitation – élévation – nuages – vents encore – pluies et averses – chute implacable vers le sol. Eaux qui ruissellent et s’accumulent en flaques – en ruisseaux – en rivières. Eaux qui coulent encore – eaux qui coulent à nouveau…

 

 

Ombres – extases – confins – nature de l’homme dévoilée…

 

 

Mille visages tendrement enlacés qui virevoltent ensemble – à force de désir. Dansant jusqu’à la folie – jusqu’à l’épuisement – jusqu’à la mort…

Réalité apparente – ce que nous voyons…

Existence vécue dans l’effleurement des choses…

Et un monde souterrain – invisible – éminemment plus puissant – et moins énigmatique qu’il n’en a l’air…

 

 

Etincelle – feu – brasier. Le monde soumis à la brûlure et à la lumière. Matière consumée. Fumée – passage par l’air – passage vers la légèreté. Vents qui emportent un peu plus loin. Poussières qui chutent et s’écrasent sur le sol – qui s’entassent et se mêlent à la terre. Qui deviennent terreau d’une matière nouvelle – d’un monde à venir – d’un univers à réinventer…

 

 

Souliers qui peinent dans la montée fatidique. Foulée – puis enjambée – la boue. Traversés les fleuves et les déserts. Le souffle et l’allure. La monotonie des pas. Les yeux qui interrogent. Le cœur qui se serre. L’âme et le regard intacts – identiques tout au long du voyage…

 

 

Ce que nous avons appris – ce que nous avons découvert – ce que nous avons goûté – ce que nous avons aimé – ce que nous avons vécu – presque rien…

La surface d’un monde et d’une vie – inconnus…

Et quand bien même aurions-nous tout vécu – tout aimé – tout découvert – tout compris – il nous faudrait revenir – et continuer l’aventure…

Privilège et malédiction de tous les cycles. L’éternel retour de la matière. Un monde après l’autre – un univers après l’autre…

Le regard – grand ordonnateur des élans – enfantant ses éclats – ses rêves…

Chimères qui nous hantent…

 

 

Fenêtre d’un monde englouti – souvenirs au-delà de toute illusion – immense cimetière aux allures de dédale où l’esprit exhume, une à une, toutes les dépouilles…

Et c’est là – encore – qui devient plus intransigeant que le vide – l’esprit qui s’accroche – qui s’agrippe – à la moindre aspérité au cours de cette longue dégringolade le long des parois de l’abîme…

 

 

Arbres à perte de vue – souliers remisés au fond de la grotte. Poitrine allongée sur le sol. L’âme flottant au-dessus du décor. L’esprit clivé – une partie ici – présente – l’autre ailleurs – on ne sait où – partie explorer – en pensée – en rêverie – les pentes à venir – les cols à franchir – la route à tracer – longue – longue encore…

 

 

Rien en deçà de la prière – rien au-delà du silence. Et l’homme tantôt en-dessous des frontières – tantôt égaré entre ces deux limites. Territoire mouvant – pas erratique – jamais sûr du sol que nous foulons… 

Pas que tout habite – où tout peut s’inviter ; la chute – l’abîme – l’ascension – l’envol – l’enlisement – l’écrasement – la lévitation – l’infini – l’élan sans retour – et la marche encore – cyclique toujours – une fois toutes les étapes franchies – une fois le tour entier réalisé…

 

 

Fuite pas même exploratoire – simple distraction à visée anesthésique…

 

 

Dans un coin – l’âme tranquille – le visage en retrait – invisible depuis la route. A entendre le défilé incessant du monde – les marches en minuscules cortèges. Peu de solitaires. Peu d’âmes affranchies. La trivialité ronronnante des existences…

 

 

Trop de visages encore. Sur la route, rien – c’est la tête qui est peuplée…

Le monde comme un désert – comme une chimère. Tout se dérobe. Et la tête devient le jouet de ce qui la hante…

Ça se déverse trop lentement – et ça revient mystérieusement nous envahir…

Trop plein – partout – plus de place pour s’écouler. Plus de place pour accueillir. L’engorgement de toutes les voies. Et la submersion – bientôt – qui, peut-être, sera fatale…

 

 

Ce que – au fond – nul ne sait – le mystère du souffle – de l’incarnation – de l’esprit. La texture métaphysique du monde – au-delà de tout décorum…

 

 

Quelque chose de vivant – et qui peut se vivre avec intensité…

Pas d’affairement autour des contingences. Des choses à faire – oui – réalisées avec simplicité – des gestes précis. Pas d’ornementation ni d’esprit de fioriture…

Une vie fonctionnelle – au dedans sans débordement – aussi vide que possible…

Pas d’intériorité (comme on l’entend habituellement) ; aucune introspection analytique – aucune plongée dans les méandres de la psyché – aucun dialogue intérieur…

Une intense présence seulement – légère – légère – dense et dépouillée. Un regard pur – attentif – à la fois pleinement engagé dans les circonstances et totalement distant – étranger…

 

 

Désert de poutres verticales plantées là sans raison – servant à tous les usages ; tantôt clôtures – tantôt charpentes – tantôt ossatures d’édifices – tantôt piloris…

 

 

Ciel lointain – décharné – qui rêve, parfois, de corps vivants – ardents – vibrants – dans lesquels il pourrait émerger – se déployer – s’étoffer – prendre des forces – et rayonner enfin au cœur de la chair pour célébrer le monde et l’infini…

 

 

Ce qui est là – rien d’autre – ni rêve, ni fantasme. Parfois clarté, parfois confusion. Parfois simplicité, parfois complexification. Tout égal – sans hiérarchie – sans référence – sans comparatif…

 

 

Nous ne séjournons qu’un temps – et de temps à autre – au pays des Dieux. L’essentiel des jours, nous les vivons sur la terre – parmi les hommes – à nous occuper des affaires communes – courantes – triviales – éminemment quotidiennes…

Pas d’extase journalière – le regard présent posé sur la main appliquée à sa tâche. Et les contingences achevées – précieuses et achevées – tourné pour moitié au-dedans, pour moitié sur le monde devant lui…

Pas de discours – peu de paroles – aucun monologue intérieur…

Pas d’afféterie, ni d’ostentation dans les gestes…

Le silence profond – et enveloppant. Le centre parfait de l’attention – et la focale nécessaire selon les circonstances…

 

 

Chants d’oiseaux – pollen migrant – fossés saturés d’herbe – nuées d’hommes et d’insectes. Les grandes invasions sur les routes de la belle saison. Temps de retrait et de cachette (pour nous) sur des chemins de moins en moins solitaires. Lieux triviaux – sans éclat – endroits délaissés – qu’il nous faut trouver – presque chaque jour – pour échapper à la foule colonisatrice – à la horde des visages en villégiature…

 

 

Vide et solitude, peu à peu, apprivoisés – devenus presque des exigences – les conditions nécessaires à notre joie…

 

 

Goûter la joie – et l’intensité de vivre – hors du monde – sur ces sentes guère fréquentées par les hommes…

 

 

Posé là – entre cette parcelle de terre et ce carré de ciel – le long des grands arbres qui bordent la rivière qui offre – malheureusement – une frontière trop perméable…

 

 

Sentir le sol de ses pieds vivants – et dans l’air le souffle des Dieux. La grande joie de l’âme aux confins des mondes – l’universel terreau – le nécessaire parfum – de la solitude…

 

 

Vibrations – frémissements métaphysiques – de l’être – goûtant sa diversité naturelle – sans autre cri que celui des oiseaux et le vent dans les feuillages. Heures propices à toutes les joies…

 

 

Le vide – habité – qui se révèle. La guérison momentanée de tous les maux de l’âme…

 

 

La vie grandiose qui s’éveille dans les yeux devenus regard. L’illusion du monde provisoirement affaiblie – presque éteinte…

 

 

Règne d’une perspective où tout est poreux – où tout se partage – où les restrictions et les frontières ont abdiqué…

Présence et choses vivantes…

 

 

 

Nulle matière à penser – nulle rêverie possible…

Le réel et cette souveraine réceptivité…

La beauté et le sensible…

 

 

Nul mot – nulle image – nécessaires. Ce qui est là – et ce qui perçoit – dans leur admirable nudité…

Le reste du temps n’est qu’une parenthèse – un intervalle peut-être – où le monde, les bruits et les mots retrouvent leur triste primauté – et l’âme ses lourds (et inutiles) encombrements…

 

 

Le cercle des assaillants repoussé jusqu’aux ultimes frontières – celles à partir desquelles tout vacille…

 

 

Bord du monde qui nous engloutit…

Marges extrêmes de l’homme – à la limite de l’inhumain…

 

 

Sous les masques de la peur – au plus près de la chair – le regard – la vie qui va – la vie qui vient – toujours incertaine – toujours surprenante…

 

 

Nulle assise – pas même une pierre où se poser…

Le fil des circonstances – le cours des choses – dans leur déroulement sans fin…

 

 

L’ancrage de l’être – au fond de la poitrine peut-être – en amont de la matrice qui enfante les souffles, le monde et les idées. En ce lieu aussi tendre que des bras accueillants – et aussi tranchant qu’une lame effilée…

 

 

A creuser – à se débarrasser de ce qui entrave le vide et son rayonnement – avec l’âme et les mots – au fond de l’esprit – sur la page…

 

 

Accueillir et balayer – laisser, à chaque instant, l’espace net – propre – immaculé – sans amas – sans surplus – sans tache – aussi irréprochable qu’au premier jour du monde…

 

 

Ça passe – ça repasse – ça tente de s’attarder – de colorer les parois – le fond – les bords – tout ce qui peut devenir appui et support – lieux de dépôt et d’accumulation. Ça tente de soumettre – ça fait sa réclame et sa promotion – ça diffuse sa propagande – ça œuvre au rassemblement derrière soi – ses idées – sa texture – ça impose son existence et sa vérité (si partielle – si mensongère) comme un dogme – comme un paradigme incontournable…

Tout s’acharne ainsi – en soi – pour devenir le premier sur la liste des noms – le premier sur la liste des choses. Et c’est à cela qu’il faut acquiescer – et dont il faut, aussitôt, se défaire…

Demeurer vierge malgré les flux incessants, les assauts et les tentatives d’invasion (presque réussies parfois)…

 

 

Au-dedans de l’esprit – le monde et la psyché – le premier essayant d’entrer dans la seconde par tous les moyens possibles – par la force – par la ruse – par la connivence – par l’amitié – de mille manières – pour envahir et submerger – et la seconde avec ses mille mains et ses millions de doigts recroquevillés comme des crochets – prêts à tout agripper – à tout saisir – à tout amasser – à entasser des milliards de choses – des milliards d’idées – comme de minuscules trésors inutiles…

Mécanismes naturels auxquels il faut consentir sans jamais se laisser envahir (sans jamais laisser l’esprit être envahi) par la moindre poussière – par le moindre reliquat du monde déposé – et redéposé – indéfiniment – en soi…

Présence neuve portant – toujours – avec elle un balai aux brins tendres – mais intraitables en matière d’hygiène et de propreté

 

 

Ce qui jaillit – ce qui nous pénètre – ne doit être ni entravé – ni manipulé – ni augmenté – ni diminué – ni agrémenté d’imaginaire. Traversée franche et sans résidu…

D’une chose à l’autre – puisqu’il ne peut en être autrement – sans regret – sans nostalgie…

Aucune boursouflure de l’âme ne peut ainsi nous affecter ; idée, pensée, émotion, sentiment – aussitôt perçus – aussitôt accueillis – aussitôt balayés – d’un geste vif et sans équivoque – d’un geste éminemment réparateur – du regard…

Et ce qui s’obstine – et ce qui s’acharne parfois – à demeurer ; le même traitement – intense – récurrent – autant de fois que nécessaire…

Refus et reflux permanent de l’amassement – refus et reflux permanent de l’encombrement…

Aussitôt arrivé – aussitôt accepté – aussitôt dégagé…

Ni marotte, ni manie – la plus juste et la plus efficace manière de demeurer neuf – vierge – totalement innocent – curieux – émerveillé – accueillant – intensément vivant – hors des schémas d’habitude et de répétition qui sont, comme chacun le sait (pour l’avoir mille fois expérimenté), le terrain propice à l’ennui, à la torpeur et au sommeil…

 

 

Ne rien conserver – certes – mais ne rien bâtir non plus sur ce socle de nudité ; ne pas comparer – ne pas prévoir – ne pas anticiper – ne pas théoriser…

Les circonstances – les rencontres – les virages – tels qu’ils se présentent…

 

 

Regard le plus simple – le plus nu – qui décomplexifie aussitôt le monde – et lui ôte tous ses attributs imaginaires – monde qui, d’ailleurs, n’est plus le monde tel qu’on nous le présente communément – monde qui se limite à ce qui est devant soi – et jamais davantage…

Nulle place pour l’intellectualisation ou la conceptualisation…

Le pragmatisme lucide – hautement intelligent – qui ne s’embarrasse jamais ni de souvenirs, ni de références…

 

 

Innocente et tranchante tendresse serait, peut-être, le terme le plus approprié – l’accueil pleinement acquiesçant et, presque aussitôt l’éviction hors de l’esprit avant de parvenir, un jour peut-être, à être traversé sans que ne subsiste la moindre résistance – ni le moindre résidu…

Mécanisme d’apparence inhumaine – mais qui, pourtant, nous rapproche de la plus belle manière d’être un homme…

 

 

Conscience sensible à ce qui se présente (sans le moindre refoulement a priori) – mais qui doit pour demeurer vide et vierge – demeurer une lumière attentive et une lucidité bienveillante à l’égard du monde et de l’Existant – se débarrasser de leurs fragments à l’instant où ils ont été accueillis…

Si ce mécanisme n’est pas initié, ces derniers s’incrustent dans l’esprit qui va, malgré lui, les corrompre – les déformer – leur donner une couleur réductrice. Corruption, déformation et réduction qui les transformeront, en moins de temps qu’il ne faut pour s’en apercevoir, en une mélasse boueuse et mortifère (de plus en plus massive et monstrueuse) qui créera une représentation du réel – un filtre éminemment trompeur – qui, non seulement, altérera notre nature vide – cette vacuité sensitive et incarnée que nous sommes – en réalité – mais nous fera également appréhender le monde et l’Existant – ce qui est devant soi – d’une manière hautement (et tristement) fallacieuse…

 

27 juillet 2019

Carnet n°195 Notes journalières

Qu’un regard – un geste – mille gestes quotidiens – nécessaires. Rien d’autre. Si – l’instant où cela se passe. Le reste n’existe pas…

 

 

Retirer, une à une, les couches – les pelures…

Brûler les amas – les embarras…

Arracher les noms – les masques…

Ôter les souvenirs – les identités…

Se défaire – simplifier – devenir – seulement – le regard et le geste…

Et mourir – et renaître – l’instant suivant – aussi innocent que le nouveau-né…

 

 

Ni hier – ni ailleurs – ni demain – et moins encore la vie autonome de la tête – et l’âme volage – l’âme-girouette. Et moins encore dans les yeux de l’Autre…

Oublier les mensonges – l’illusion – ce que l’on croit être…

Ce qui se joue ici – maintenant – le réel qui nécessite notre présence

 

 

Qu’importe ce qui surgit – qu’importe les possibles…

Le plus simple – toujours – ce qui vient naturellement du centre vers l’apparente périphérie…

 

 

Ne pas effleurer – ne pas atermoyer – être la fulgurance évidente – inébranlable – indiscutable…

Le plein engagement dans l’acte surgissant. Corps, tête et âme d’un seul tenant livrant leur réponse…

 

 

Être tout – sans doute – mais aussi (et surtout peut-être) le geste singulier qu’impose la configuration présente – au croisement précis du dehors (les circonstances) et du dedans (l’attention vivante) – centre de l’impulsion…

Ni obligation, ni assurance – la flèche décochée – simplement – naturellement…

 

 

Être aussi léger que le vide – aussi vaste – aussi inexistant – L’intense et l’invisible présence…

Aucun poids inutile – aucune restriction nécessaire – aucune identité superflue. Le geste et la parole directs – sans détour…

Franc et sans embarras…

 

 

Lorsqu’il y a rire, il y a rire…

Lorsqu’il y a tristesse, il y a tristesse…

Lorsqu’il y a confusion, il y a confusion…

Lorsqu’il y a peur, il y a peur…

Lorsqu’il y a joie, il y a joie…

Lorsqu’il y a manque, il y a manque…

Lorsqu’il y a complétude, il y a complétude…

Lorsqu’il y méprise, il y a méprise…

Lorsqu’il y a tout, il y a tout…

Lorsqu’il n’y a rien, il n’y a rien…

La réponse est toujours là – directe et franche – pénétrante…

 

 

Ni ordre, ni désordre – ni règle, ni loi. Le geste pur – la parole pure – vides – désencombrés de toute rêverie – de tout sommeil – percutants…

 

 

Vigilance de chaque instant – veille nécessaire pour demeurer vide – vierge – innocent – et trancher net toutes les tentatives de saisie – d’amassement – de fuite – d’évitement – de construction – de certitude…

 

 

Être – ce rien – ce vide – le centre de l’acte – le centre de la parole – le regard et le non-savoir agissant…

 

 

La beauté ignorée – et recouverte par la laideur des hommes. Imposante – dominatrice – envahissante – insensée…

Et le même désordre à l’intérieur…

 

 

Ce qui s’insinue dans le jour – ce qui ne nous ressemble pas. Et la suite toujours invisible que l’imaginaire tente de deviner…

 

 

La même terreur qu’au soir couchant lorsque les démons ressuscitent – se redressent – se dispersent – tout alors s’effondre – se délite – devient inerte. Sable qui s’écoule de l’âme pour pétrifier la chair…

 

 

Dédale de mots alignés comme des douleurs…

Des phrases que l’on épingle pour tenter d’effacer ce qui oppresse…

L’âme confinée dans son antre irrespirable…

 

 

Masse grise suffoquant dans son propre oxygène…

Sommeil et terreur obstruant – excluant toute possibilité de passage…

 

 

Mise à l’écart du reste tant que tombera la pluie…

 

 

Le souffle plus large – comme manière de repousser les limites – et de retarder le retour – cette implacable condamnation au retour…

Une vieille aspiration à la liberté – momentanément récompensée…

 

 

Tout devient tête – le désir – le rêve – l’espoir. Le corps – l’âme – l’Autre. Dieu même y trouve une place. Tout s’emprisonne ainsi – et nous condamne…

La mémoire comme vague irrépressible – submergeante…

Tout – en elle – s’accumule – s’entasse – puis se répand en ondes sournoises – dévastatrices…

Et tout, alors, nous semble plus lourd que le monde…

 

 

Tout s’élève – se dresse – puis, très vite, retombe – se défait – s’éventre. Agglomérat de poussières qui se dispersent après la chute…

Le même cycle répété à l’infini – comme une obsession – presque un acharnement…

 

 

Tout continue au-dehors – comme si de rien n’était…

Ça se court après – ça se chevauche – ça s’emboîte – ça se querelle – puis ça se sépare – et ça poursuit sa course ailleurs…

Dans cette proximité qui n’est qu’une forme triviale de cohabitation – jamais une intimité – cette noble amitié des profondeurs – qui ne s’éprouve qu’au fond de soi dans un contact sans séparation…

 

 

Tout comme nous – la mer, aussi, ressasse…

 

 

Tout part – revient – repart encore…

Vieille orbite – vieille obsession du retour. Partout le cycle – excepté le regard…

La récurrence et l’immobilité…

 

 

Du monde – il faudrait qu’il n’en soit plus question… Mais comment vivre sans le monde… Comment écrire sans les mots… comment donner à voir sans les images… Il faudrait inventer (découvrir plus exactement) d’autres perspectives – d’autres langages – pour exprimer le réel…

Mais nous sommes si benêts avec nos petits élans – avec nos petites histoires – qu’il est probable que nous restions plongés dans le passé et les conventions…

 

 

Se libérer de ce qui corsète – de ce qui inhibe – de ce qui afflige. Outrepasser les limites – écarter, d’un geste vif, les frontières. Passer là où le vent, mille fois, est déjà passé…

Suivre ni le geste, ni l’étoile. Inventer le pas nouveau…

 

 

Les mots – à l’instant où ils se livrent – offrent leur lumière… Ensuite, ils replongent dans le noir…

 

 

Dans l’âme s’accumulent – toujours – trop de choses. Il faudrait vivre avec une clarté tranchante – un regard direct et sans nostalgie…

 

 

Des histoires – des récits – des mythes. Nous ne sommes, peut-être, bons qu’à vivre dans la fable et le rêve – comme si cela pouvait nous rendre vivants…

Juste décalés – à côté – avec un abîme entre le réel et nous…

 

 

Dire – médire – commenter. Paroles dérisoires. Esprit qui prolonge le mensonge…

Le silence devrait nous en affranchir…

 

 

Egaux devant le dernier souffle et la mort. Ensuite – l’iniquité apparente recommence…

 

 

Si maladroits – si absents – dans l’inintimité des choses. Vies et gestes hors sujet. Et paroles hors de propos…

 

 

Voix peuplée d’ailleurs et d’enfance – de rêves trop lointains – trop anciens – irréalisables. D’où, peut-être, la mélancolie de l’âme et la tristesse des mots. Quelque chose comme une déchirure irréparable…

 

 

Tâchons de rester modeste – attentif à ce qui peut se réconcilier. Ne plus soustraire peut-être – mais commencer à accepter ce qui reste – ce qui, sans doute, ne peut se défaire – ce surplus – cet étrange amas qui fait un visage humain – avec ses singularités, ni belles, ni laides, incontournables seulement – ce qui donne une couleur et une épaisseur particulières à cette pâte humaine…

 

 

Drastiquement atypique – et enfantin – avec cette naïveté des idéalistes que rudoie l’âpreté du réel – que violente la ruse des sournois – et que le prosaïsme des pragmatiques insupporte…

 

 

La page comme confidente et révélateur de ce que l’on porte au fond de la joie – au fond de la tristesse – au fond de la honte aussi parfois. Instantané de l’âme sans censure. Reflet et excavation – outil précieux de la connaissance de soi…

 

 

Feuille rehaussant le jour – baume invisible de l’âme. Manière de s’asseoir avec plus de tendresse à la table sans hôte – sans rougir de ses manquements – de ses tentatives. Manière aussi, peut-être, d’apprendre à se regarder – et à vivre en sa compagnie – sans orgueil ni vergogne…

 

 

Nous sommes – un puits sans fond. Mille surprises – mille nouveautés insoupçonnables à mesure que l’on tire son eau. Il y a toujours dessous une autre couche – un autre amas – une autre profondeur – sous ceux que nous avons mis au jour…

Des caisses pleines de beautés et de sortilèges – des piles d’or et des pelletées de boue qui nous enserrent le cœur…

Jamais rien d’achevé – c’est là qui se remplit chaque jour. Et ce que l’on vide se déverse ailleurs – et revient vers nous à travers un mystérieux réseau souterrain…

 

 

L’âme déréglée – fêlée de part en part. La coquille prête à éclater – et nous, à nous morfondre. Existence ténue – et (presque) toujours bouleversante…

 

 

Un nom – et mille choses en-dessous – comme un malaise que le langage peine à définir…

Nous sommes – peut-être – sans issue. Et sans rien à résoudre non plus…

 

 

Un souffle – mille souffles. Une saison – mille saisons. Et nulle autre chose à faire, peut-être, que d’accueillir et d’aimer…

Et tant pis si d’autres sont plus doués que nous…

 

 

Les mots sortent noirs – comme s’ils jaillissaient directement de la mélancolie – court-circuitant l’âme ni vraiment triste, ni vraiment joyeuse – engluée dans une sorte d’absence – une forme d’anesthésie – face à la perte – face au manque – contrebalancée par l’impératif de lucidité et l’exigence de faire face – quoi qu’il arrive…

 

 

Dévidoir où tout s’écoule – la peine et les humeurs noires. Pourtant, au fond, on sent la joie proche – affleurant sous le labeur glauque et répétitif (quasi obsessionnel) de la mémoire…

 

 

Rien ne se dissipe – tout reste là – entre deux eaux…

Exposé à la tenaille de la douleur et aux frémissements d’un soleil trop timide pour percer avec franchise…

Partagé entre la récurrence et le prolongement de la nouveauté…

 

 

Indécis – l’âme trop lourde pour faire un pas. Immobilité, sans doute, nécessaire…

Entre rechute et guérison…

 

 

Une vie illisible malgré l’écriture…

Quelque chose comme une pâte enfermant l’oxygène…

 

 

Plus dense qu’effervescente – notre vie. Et moins pathétique qu’elle n’en a l’air…

En dépit des apparences, la référence à l’Autre nous serait, sans doute, favorable ; essence plutôt que danse du ventre – silence plutôt que tapage – contemplation plutôt que compensation – lucidité (autant que possible) plutôt que rêve…

 

 

Au centre, un jeu innocent sans commune mesure avec les gesticulations intempestives et consolatrices de la périphérie. Et, entre les deux, ce no man’s land – cette aire étrange et imprécise où la tristesse et l’errance détrônent la fausse gaieté et la certitude mensongère de ceux qui craignent de creuser et d’approfondir…

 

 

Dire le réel du monde – de l’âme – de la pensée – revient, bien sûr, à prolonger le rêve et le mensonge. Il n’y a de vérité ; il n’y a que cet espace – cette présence – tantôt libre, tantôt empêtrée – et ce qui la traverse – à chaque instant – différents…

Rien de figé – rien, jamais, de définitif…

Le provisoire, l’inachèvement et l’incertitude sont la règle – les seules lois terrestres réellement significatives peut-être…

Ni carte, ni territoire – quelque chose qui passe – et qu’on laisse passer ou que l’on entasse (involontairement ou non) en soi – chez soi – qu’importe… Et à force d’entassement, l’espace, la vie et la vue s’engorgent ; tout devient noir – épais – prend une consistance trompeuse que le regard peut, pourtant, dissoudre en une fraction de seconde…

Tout se tient là – le plus essentiel – dans ce regard – et ce mécanisme de soustraction – d’abattage – de déblaiement…

 

 

Maîtres-mots – ce que rien ne peut dissiper…

Hors du monde et du temps…

 

 

Le plus précieux – l’invisible – l’insaisissable – ce que la plupart des hommes ne parviennent à appréhender – pour leur plus grand malheur et celui du monde…

 

 

La vie exposée – éventrée – les entrailles à l’air. L’âme dénudée – le cœur dévêtu. Et, pourtant, quelque chose, au-dedans, vibre encore…

 

 

Ce qui se débat – en croyant nous prolonger – précipite notre agonie…

Qu’un amas instinctif de pulsions – voué(es) à la survie…

 

 

Jamais plus présent qu’en l’absence de soi…

Regard et gestes purs sans nom, ni visage…

La main singulière des Dieux…

 

 

Tout nous arrive comme si un Autre avait tout organisé et vivait à notre place. Qu’un regard sur les joies et les malheurs – sur la tristesse et les circonstances (apparemment) favorables. Témoin d’élans et de gestes surprenants – impulsés par des forces lointaines – profondes – souterraines…

Comme étranger(s) à nous-même(s) – étranger(s) à cette existence – qui semble, pourtant, si familière à nos yeux…

 

 

Les crises et les ruptures (ce que nous considérons comme telles) sont les premiers pas d’un autrement ; une aubaine – une grâce – la main heureuse de la providence…

 

 

Des jours moins las que la routine d’autrefois ; les mêmes gestes et presque les mêmes circonstances pourtant – mais l’existence a gagné en incertitude et le regard en intensité – le geste et le pas sont célébrés – et la parole vient, à présent, couronner le temps passé à vivre…

 

 

Ne pas croire que le monde est le monde – et moins encore ce que l’on nous dit à son propos, ni la façon dont on nous le présente (un peu partout). Le vrai monde est ailleurs – hors des images censées le représenter – hors des mots qui tentent de le définir ; il est là – et existe même peut-être – sous le regard – au plus près du geste ; un chemin – un paysage – un visage – le réel sans filtre sous nos yeux – à portée de main – qui ne réclame rien – pas même d’être aimé ou compris – mais offert innocemment – miraculeusement – à notre présence…

 

 

On croit grandir – mûrir – appréhender le monde – la vie – les circonstances – avec plus de sagesse. Il n’en est rien ; on reste le même – avec les mêmes insuffisances. Seul le corps vieillit…

La seule différence, peut-être ; on est plus enclin, au fil du temps, à sourire devant l’impossibilité du changement…

 

 

Comme une errance perpétuelle autour d’un centre – dans une zone imprécise – inconfortable – fluctuante…

 

 

On croit vivre – et c’est quelque chose en nous qui vit. On croit souffrir – et c’est quelque chose en nous qui souffre. On croit être heureux – et c’est quelque chose en nous qui est heureux…

Nous – on constate – et on est bouleversé, à chaque seconde, par cette chose en nous qui subit tant d’avaries et de malheurs. Et l’on se sent encore plus désolé lorsque l’on se prend pour elle vivant notre vie…

Le dilemme de l’homme et du regard – de Dieu et de l’individualité…

 

 

Le monde n’est qu’une vaste usurpation d’identité où chacun qui est un Autre se prend pour un Autre plus différent encore…

 

 

On respire à côté de soi – d’un souffle qui n’est pas le nôtre. On se croit vivant. On vit la vie d’un Autre dont on ne soupçonne pas même l’existence…

Tragédie qui au lieu de nous faire fondre en larmes devrait nous faire éclater de rire. Mais même pas – la respiration – les circonstances – les pleurs – ont l’air si réels…

 

 

On s’agenouille, parfois, pour avoir l’air de prier – mais, au fond, ce que nous demandons, c’est l’Amour et la lumière – et, plus que tout, la tranquillité. Mais cela nous semble si exagéré – si inaccessible – que nous faisons l’aumône pour que le reste – si dérisoire – nous soit donné…

 

 

On s’égare – chacun, sans cesse, se perd…

Sans repère – et avec la prétention de savoir. Piètre manière de recouvrir – ou de contourner – l’illusion…

Nous sommes – si démunis…

 

 

Avaler des caisses de couleuvres – tout supporter – tout inventer jusqu’au délire… N’importe quoi pourvu que l’esprit nous laisse tranquilles…

 

 

Une parole libérée de tout esthétisme – le plus réel – le plus vrai – le plus simple. Mots directs – fragments sans fard. Mots-éclats – mots-poings – mots-choses – et toutes les émotions offertes par la vie…

 

 

Vivre – c’est faire face au réel – et à l’imaginaire que nous lui superposons…

Affronter les circonstances – ce qui vient – ce qui s’offre – ce qui disparaît…

Et c’est – souvent – consentir aux refus – les siens et ceux du monde…

Ainsi, peut-être, apprend-on à être à la fois homme et regard – individualité démunie et plein acquiescement. Réconciliation en soi…

 

 

Un feu – une attirance – quelque chose qui propulse – quelque chose qui aimante – comme la rencontre de deux images – celle du dedans et celle du dehors – dans une parfaite coïncidence — trop parfaite pour être réelle…

 

 

Cet élan vers l’Autre – quel manque – quelle insuffisance – cache-t-il… Les hommes ne se précipitent jamais vers leurs congénères par simple bonté d’âme…

On va toujours vers un visage pour quelque chose – pour une raison plus ou moins avouable… Il n’y a de rencontre gratuite – de pur geste de beauté. Il y a toujours une nécessité – peu enfouie (en général) – aisément repérable…

 

 

Une fois la rencontre consommée – établie – que se passe-t-il ?

Chacun vaque à ses occupations – on partage une couche – le pain – quelques paroles – quelques activités communes – ce que l’on nomme (un peu pompeusement) une intimité… On cohabite gentiment – on croit aimer – on croit savoir ce qu’est l’amour – sans compter les contingences et les corvées – les compromis – les négociations qui taisent leur nom – les demi-mesures – les frustrations – mille choses – mille ennuis – mille soucis – mille conflits – mille situations à régler – les non-dits – les complications – l’inauthenticité pour prolonger le mirage de la séduction – la crainte (et l’angoisse parfois) que l’Autre rencontre une individualité plus attrayante…

La plus ou moins rapide usure des yeux, des corps et des sentiments. La passion initiale qui, peu à peu, se transforme en habitude – en affection…

Et bientôt – très vite – la cohabitation de deux êtres – côte à côte – qui se supportent vaille que vaille. Et l’absence – en chacun – qui se creuse malgré l’entraide et les gestes de tendresse…

 

 

Des bouts d’images plein la tête – et qui tournent – et qui tournent – jusqu’à l’obsession…

Trancher net le déroulement du film – respirer – sentir vivre ses talons – le sol – l’ancrage au sol – le souffle qui entre et sort. Le vide qui, peu à peu, s’étend – réinvestit sa place. Le déblaiement – l’évaporation des contenus. Redécouvrir ce qui n’appartient à l’histoire – à aucune des histoires – ce qui était là lorsque l’on a commencé à vivre – le plus élémentaire – ce dont nous avons seulement besoin – rien d’autre – ni le rêve, ni la fiction – ni le fantasme, ni l’imaginaire. Le plus simple – en soi – devant nous – ce qui est là – le réel tout simplement…

 

 

Jusqu’où peut-on se rapprocher – de soi – d’un être – d’un visage – de l’être…

Qu’est-ce qu’être proche…

Qu’est-ce qu’une réelle proximité…

Et comment vivre cela avec l’Autre – un Autre du monde…

Vivre cette dimension – en soi – avec soi – pas si commun – pas si facile – déjà – mais le vivre avec un Autre – forcément séparé – forcément différent – de sa propre individualité…

Grand défi et insoluble mystère (à mes yeux) de l’horizontalité…

 

 

Ce que l’on exprime – au pied de la lettre – la voix vaguement traînante qui ralentit la scansion – la prononciation des syllabes – comme une langue amoureuse qui fait durer le plaisir. La joie de se dire – de s’exclamer parfois – cri murmuré du bout des lèvres. Le plaisir et la joie aussi de s’écouter – d’offrir l’espace nécessaire à la parole – à ce qu’elle porte avec elle d’inconnu – de mystère…

Dire et entendre – dans le même mouvement – et que la main, simultanément, retranscrit sur la page…

Rencontre – attendue – désirée – que l’on ne manquerait pour rien au monde…

 

 

Mille écritures différentes – celle du marcheur – celle du rêveur allongé dans sa chambre – celle du penseur – celle de celui qui n’a plus rien à dire et qui écoute – celle qui nargue et vilipende – celle qui invite – celle qui dénigre et traîne dans la boue – celle qui prie et vénère – celle qui célèbre – celle que l’on garde pour soi – celle qui s’expose avec timidité – celle qu’on offre au monde – celle qui ne se lit pas…

 

 

Mur ou horizon – le même dédale à traverser – monstres ou ombre de monstres – la nuance est de taille…

 

 

Seul au détriment du monde – monde au détriment de soi. Quelque chose – en nous – donne l’orientation – les nécessités d’une vie…

 

 

Nulle rencontre – des croisements – parfois – de temps à autre. Et pas davantage…

En soi sont les visages à rencontrer – l’Amour à découvrir – la vie à célébrer. Les Autres n’auront que les restes – les miettes d’un (trop) faible rayonnement…

 

 

Ça se pavane – ça rigole – mais, au fond, ça tremble…

Ça désire – ça essaye – mais, au fond, ça voudrait bien savoir…

Ça vit un peu – comme les Autres – mais, au fond, rien n’est jamais sûr…

On voudrait bien aimer – mais on ne sait comment s’y prendre…

Et Dieu est là – dans toutes ces tentatives – dans toutes ces maladresses…

Ça habite l’homme autant que la bête et la pierre…

 

 

Ça continue, malgré soi, de tourner. Ça se répète – en boucle – à l’infini – comme un bruit de fond – comme un bruit de chaîne qui nous donne des airs d’aliéné. Folie à vivre avec ça dans la tête – qui se répand partout – qui inonde l’âme – qui coule sur les gestes – qui colore la parole – et qui va jusqu’à dénaturer le désir de silence…

Il faudrait en finir – provisoirement – un sursaut du surplomb – un retrait dans les hauteurs – un regard aimant sans doute…

 

 

Une vie d’épuisement où ça danse – où tout danse – sans jamais s’arrêter. Si – pendant le sommeil – comme un intervalle régénérant ponctué de cauchemars où ça danse – où tout danse – encore. La nuit – le jour – sans jamais s’arrêter…

Le monde, nous dit-on, et ce que nous avons ingurgité…

 

 

Devenir encore – toujours plus loin – comme si le tour achevé, il fallait recommencer – recommencer encore – en se positionnant ailleurs – à quelques centimètres seulement parfois du lieu que nous venons de quitter – avec une autre tête – une existence légèrement différente – et des attributs presque identiques – avec une histoire pareille à toutes les autres – à quelques nuances près…

Et aller ainsi de place en place – de tête en tête – pour découvrir le monde de l’intérieur. Vivre tous les visages, un à un…

Enchaîner les déguisements – sentir la sueur de ceux qui ont porté les masques avant nous. Et laisser un peu de sueur à son tour…

Danse saccadée – chair titubante – tête étourdie…

Costumes des Autres – oripeaux – coiffes ridicules – airs maniérés – affectés – rustres le plus souvent…

Devenir toutes les âmes – toutes les poitrines – l’intériorité de tous les cœurs – les traits de toutes les figures – de toutes les formes…

 

 

Tourner – tourner encore – jusqu’à l’explosion des identités – jusqu’à la capitulation. Puis, un jour, le jeu s’éloigne – tout tourne et danse encore – mais le regard a pris un peu de hauteur – il découvre le jeu – la joie des pas dansants – la joie des rondes infinies. Il observe – goûte le spectacle – jouit de l’ardeur des danseurs – de leur folie – pleure de la même tristesse que celle des acteurs mais il a quitté la scène – a retrouvé le banc de l’arrière-salle que les souffles ne peuvent atteindre. A l’abri – quelque part – dans l’immobilité et le silence du centre – devenu, peut-être, l’œil du cyclone – l’œil du cyclope…

 

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