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LES CARNETS METAPHYSIQUES & SPIRITUELS

A propos

La quête de sens
Le passage vers l’impersonnel
L’exploration de l’être
L’intégration à la présence


Carnet n°1
L’innocence bafouée
Récit / 1997 / La quête de sens

Carnet n°2
Le naïf
Fiction / 1998 / La quête de sens

Carnet n°3
Une traversée du monde
Journal / 1999 / La quête de sens

Carnet n°4
Le marionnettiste
Fiction / 2000 / La quête de sens

Carnet n°5
Un Robinson moderne
Récit / 2001 / La quête de sens

Carnet n°6
Une chienne de vie
Fiction jeunesse / 2002/ Hors catégorie

Carnet n°7
Pensées vagabondes
Recueil / 2003 / La quête de sens

Carnet n°8
Le voyage clandestin
Récit jeunesse / 2004 / Hors catégorie

Carnet n°9
Le petit chercheur Livre 1
Conte / 2004 / La quête de sens

Carnet n°10
Le petit chercheur Livre 2
Conte / 2004 / La quête de sens

Carnet n°11 
Le petit chercheur Livre 3
Conte / 2004 / La quête de sens

Carnet n°12
Autoportrait aux visages
Récit / 2005 / La quête de sens

Carnet n°13
Quêteur de sens
Recueil / 2005 / La quête de sens

Carnet n°14
Enchaînements
Récit / 2006 / Hors catégorie

Carnet n°15
Regards croisés
Pensées et photographies / 2006 / Hors catégorie

Carnet n°16
Traversée commune Intro
Livre expérimental / 2007 / La quête de sens

C
arnet n°17
Traversée commune Livre 1
Récit / 2007 / La quête de sens

Carnet n°18
Traversée commune Livre 2
Fiction / 2007/ La quête de sens

Carnet n°19
Traversée commune Livre 3
Récit & fiction / 2007 / La quête de sens

Carnet n°20
Traversée commune Livre 4
Récit & pensées / 2007 / La quête de sens

Carnet n°21
Traversée commune Livre 5
Récit & pensées / 2007 / La quête de sens

Carnet n°22
Traversée commune Livre 6
Journal / 2007 / La quête de sens

Carnet n°23
Traversée commune Livre 7
Poésie / 2007 / La quête de sens

Carnet n°24
Traversée commune Livre 8
Pensées / 2007 / La quête de sens

Carnet n°25
Traversée commune Livre 9
Journal / 2007 / La quête de sens

Carnet n°26
Traversée commune Livre 10
Guides & synthèse / 2007 / La quête de sens

Carnet n°27
Au seuil de la mi-saison
Journal / 2008 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°28
L'Homme-pagaille
Récit / 2008 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°29
Saisons souterraines
Journal poétique / 2008 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°30
Au terme de l'exil provisoire
Journal / 2009 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°31
Fouille hagarde
Journal poétique / 2009 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°32
A la croisée des nuits
Journal poétique / 2009 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°33
Les ailes du monde si lourdes
Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°34
Pilori
Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°35
Ecorce blanche
Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°36
Ascèse du vide
Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°37
Journal de rupture
Journal / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°38
Elle et moi – poésies pour elle
Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°39
Préliminaires et prémices
Journal / 2010 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°40
Sous la cognée du vent
Journal poétique / 2010 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°41
Empreintes – corps écrits
Poésie et peintures / 2010 / Hors catégorie

Carnet n°42
Entre la lumière
Journal poétique / 2011 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°43
Au seuil de l'azur
Journal poétique / 2011 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°44
Une parole brute
Journal poétique / 2012 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°45
Chemin(s)
Recueil / 2013 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°46
L'être et le rien
Journal / 2013 / L’exploration de l’être

Carnet n°47
Simplement
Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°48
Notes du haut et du bas
Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°49
Un homme simple et sage
Récit / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°50
Quelques mots
Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°51
Journal fragmenté
Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°52
Réflexions et confidences
Journal / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°53
Le grand saladier
Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°54
Ô mon âme
Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°55
Le ciel nu
Recueil / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°56
L'infini en soi 
Recueil / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°57
L'office naturel
Journal / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°58
Le nuage, l’arbre et le silence
Journal / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°59
Entre nous
Journal / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°60
La conscience et l'Existant
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°61
La conscience et l'Existant Intro
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°62
La conscience et l'Existant 1 à 5
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°63
La conscience et l'Existant 6
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°64
La conscience et l'Existant 6 (suite)
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°65
La conscience et l'Existant 6 (fin)
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°66
La conscience et l'Existant 7
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°67
La conscience et l'Existant 7 (suite)
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°68
La conscience et l'Existant 8 et 9
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°69
La conscience et l'Existant (fin)
Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°70
Notes sensibles
Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°71
Notes du ciel et de la terre
Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°72
Fulminations et anecdotes...
Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°73
L'azur et l'horizon
Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°74
Paroles pour soi
Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°75
Pensées sur soi, le regard...
Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°76
Hommes, anges et démons
Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°77
L
a sente étroite...
Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°78
Le fou des collines...
Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°79
Intimités et réflexions...
Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°80
Le gris de l'âme derrière la joie
Récit / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°81
Pensées et réflexions pour soi
Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°82
La peur du silence
Journal poétique / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°83
Des bruits aux oreilles sages
Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°84
Un timide retour au monde
Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°85
Passagers du monde...
Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°86
Au plus proche du silence
Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°87
Être en ce monde
Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°88
L'homme-regard
Récit / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°89
Passant éphémère
Journal poétique / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°90
Sur le chemin des jours
Recueil / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°91
Dans le sillon des feuilles mortes
Recueil / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°92
L
a joie et la lumière
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°93
Inclinaisons et épanchements...
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°94
Bribes de portrait(s)...
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

C
arnet n°95
Petites choses
Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°96
La lumière, l’infini, le silence...
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°97
Penchants et résidus naturels...
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°98
La poésie, la joie, la tristesse...
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°99
Le soleil se moque bien...
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°100
Si proche du paradis
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°101
Il n’y a de hasardeux chemin
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°102
La fragilité des fleurs
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°103
Visage(s)
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°104
Le monde, le poète et l’animal
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°105
Petit état des lieux de l’être
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°106
Lumière, visages et tressaillements
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°107
La lumière encore...
Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°108
Sur la terre, le soleil déjà
Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°109
Et la parole, aussi, est douce...
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°110
Une parole, un silence...
Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°111
Le silence, la parole...
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°112
Une vérité, un songe peut-être
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°113
Silence et causeries
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°114
Un peu de vie, un peu de monde...
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°115
Encore un peu de désespérance
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°116
La tâche du monde, du sage...
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°117
Dire ce que nous sommes...
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°118
Ce que nous sommes – encore...
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°119
Entre les étoiles et la lumière
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°120
Joies et tristesses verticales
Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°121
Du bruit, des âmes et du silence
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°122
Encore un peu de tout...
Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°123
L’amour et les ténèbres
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°124
Le feu, la cendre et l’infortune
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°125
Le tragique des jours et le silence
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°126
Mille fois déjà peut-être...
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°127
L’âme, les pierres, la chair...
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°128
De l’or dans la boue
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°129
Quelques jours et l’éternité
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°130
Vivant comme si...
Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°131
La tristesse et la mort
Récit / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°132
Ce feu au fond de l’âme
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°133
Visage(s) commun(s)
Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°134
Au bord de l'impersonnel
Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°135
Aux portes de la nuit et du silence
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°136
Entre le rêve et l'absence
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°137
Nous autres, hier et aujourd'hui
Récit / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°138
Parenthèse, le temps d'un retour...
Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°139 

Au loin, je vois les hommes...
Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°140
L'étrange labeur de l'âme
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°141
Aux fenêtres de l'âme
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°142
L'âme du monde
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°143
Le temps, le monde, le silence...
Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°144
Obstination(s)
Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°145
L'âme, la prière et le silence
Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°146
Envolées
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°147
Au fond
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°148
Le réel et l'éphémère
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°149
Destin et illusion
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°150
L'époque, les siècles et l'atemporel
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°151
En somme...
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°152
Passage(s)
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°153
Ici, ailleurs, partout
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°154
A quoi bon...
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°155
Ce qui demeure dans le pas
Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°156
L'autre vie, en nous, si fragile
Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°157
La beauté, le silence, le plus simple...
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°158
Et, aujourd'hui, tout revient encore...
Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°159
Tout - de l'autre côté
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°160
Au milieu du monde...
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°161
Sourire en silence
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°162
Nous et les autres - encore
Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°163
L'illusion, l'invisible et l'infranchissable
Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°164
Le monde et le poète - peut-être...
Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°165
Rejoindre
Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°166
A regarder le monde
Paroles confluentes / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°167
Alternance et continuité
Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°168
Fragments ordinaires
Paroles confluentes / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°169
Reliquats et éclaboussures
Paroles confluentes / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°170
Sur le plus lointain versant...
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°171
Au-dehors comme au-dedans
Paroles confluentes / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°172
Matière d'éveil - matière du monde
Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°173
Lignes de démarcation
Regard / 2018 / L'intégration à la présence
-
Carnet n°174
Jeux d'incomplétude

Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence
-
Carnet n°175
Exprimer l'impossible

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

-
Carnet n°176
De larmes, d'enfance et de fleurs

Récit / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°177

Coeur blessé, coeur ouvert, coeur vivant
Journal / 2018 / L'intégration à la présence
-
Carnet n°178
Cercles superposés
Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°179
Tournants
Journal / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°180

Le jeu des Dieux et des vivants
Journal / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°181

Routes, élans et pénétrations
Journal / 2019 / L'intégration à la présence
-
Carnet n°182
Elans et miracle
Journal poétique / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°183

D'un temps à l'autre
Recueil / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°184
Quelque part au-dessus du néant...
Recueil / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°185
Toujours - quelque chose du monde
Regard / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°186
Aube et horizon
Journal / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°187
L'épaisseur de la trame
Regard / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°188
Dans le même creuset
Regard / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°189
Notes journalières

Carnet n°190
Notes de la vacuité

Carnet n°191
Notes journalières

Carnet n°192
Notes de la vacuité

Carnet n°193
Notes journalières

Carnet n°194
Notes de la vacuité

Carnet n°195
Notes journalières

Carnet n°196
Notes de la vacuité

Carnet n°197
Notes journalières

Carnet n°198
Notes de la vacuité

Carnet n°199
Notes journalières

Carnet n°200
Notes de la vacuité

Carnet n°201
Notes journalières

Carnet n°202
Notes de la route

Carnet n°203
Notes journalières

Carnet n°204
Notes de voyage

Carnet n°205
Notes journalières

Carnet n°206
Notes du monde

Carnet n°207
Notes journalières

Carnet n°208
Notes sans titre

Carnet n°209
Notes journalières

Carnet n°210
Notes sans titre

Carnet n°211
Notes journalières

Carnet n°212
Notes sans titre

Carnet n°213
Notes journalières

Carnet n°214
Notes sans titre

Carnet n°215
Notes journalières

Carnet n°216
Notes sans titre

Carnet n°217
Notes journalières

Carnet n°218
Notes sans titre

Carnet n°219
Notes journalières

Carnet n°220
Notes sans titre

Carnet n°221
Notes journalières

Carnet n°222
Notes sans titre

Carnet n°223
Notes journalières

Carnet n°224
Notes sans titre

Carnet n°225

Carnet n°226

Carnet n°227

Carnet n°228

Carnet n°229

Carnet n°230

Carnet n°231

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Carnet n°261

Carnet n°262

Carnet n°263
Au jour le jour
Octobre 2020

Carnet n°264
Au jour le jour

Novembre 2020

Carnet n°265
Au jour le jour
Décembre 2020

Carnet n°266
Au jour le jour
Janvier 2021

Carnet n°267
Au jour le jour
Février 2021

Carnet n°268
Au jour le jour
Mars 2021

Carnet n°269
Au jour le jour
Avril 2021

Carnet n°270
Au jour le jour
Mai 2021

Carnet n°271
Au jour le jour
Juin 2021

Carnet n°272
Au jour le jour
Juillet 2021

Carnet n°273
Au jour le jour
Août 2021

Carnet n°274
Au jour le jour
Septembre 2021

Carnet n°275
Au jour le jour
Octobre 2021

Carnet n°276
Au jour le jour
Novembre 2021

Carnet n°277
Au jour le jour
Décembre 2021

Carnet n°278
Au jour le jour
Janvier 2022

Carnet n°279
Au jour le jour
Février 2022

Carnet n°280
Au jour le jour
Mars 2022

Carnet n°281
Au jour le jour
Avril 2022

Carnet n°282
Au jour le jour
Mai 2022

Carnet n°283
Au jour le jour
Juin 2022

Carnet n°284
Au jour le jour
Juillet 2022

Carnet n°285
Au jour le jour
Août 2022

Carnet n°286
Au jour le jour
Septembre 2022

Carnet n°287
Au jour le jour
Octobre 2022

Carnet n°288
Au jour le jour
Novembre 2022

Carnet n°289
Au jour le jour
Décembre 2022

Carnet n°290
Au jour le jour
Février 2023

Carnet n°291
Au jour le jour
Mars 2023

Carnet n°292
Au jour le jour
Avril 2023

Carnet n°293
Au jour le jour
Mai 2023

Carnet n°294
Au jour le jour
Juin 2023

Carnet n°295
Nomade des bois (part 1)
Juillet 2023

Carnet n°296
Nomade des bois (part 2)
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© Les carnets métaphysiques & spirituels
17 décembre 2017

Carnet n°124 Le feu, la cendre et l'infortune

Recueil / 2017 / L'intégration à la présence

Et dans nos mains, d’autres mains qui ne nous appartiennent pas. Et dans notre âme, d’autres âmes plus belles et plus réconfortantes. Et en ce monde, d’autres mondes plus sensibles à la beauté. Comme si la vie – toutes nos vies – n’étaient qu’un mensonge – et une possibilité offerte pour qu’éclate la vérité – et se dévoile (enfin) l’infinie diversité dans le plus vaste, et le plus intime, des regards à l’envergure plus ample que les mains, les âmes et les mondes...

 

 

La marche des siècles (toujours plus hermétiques) de plus en plus déchiffrable. La pierre, l'horreur et le mal de vivre. Et cette dérive permanente de l'histoire. Comme un mythe aux relents de catastrophe touchant – presque – à son but...

 

 

Le bâton du pèlerin bientôt remplacé par le silence et l'immobilité du regard reliant tous les chemins à l'infini...

 

 

La mémoire de l'ombre (si vivace) refuse de sombrer dans l'oubli. Elle interroge toutes les âmes et assombrit la nuit (déjà si opaque). Comme si elle rechignait à capituler face à la puissance souveraine de la lumière et de l'effacement. Et, sans doute, est-ce cette résistance que l'on entend battre dans les veines du monde, les poings qui martèlent leur tyrannie et le sang qui coule encore sur la chair et les visages...

 

 

L'incertitude sereine n'explique ni la beauté ni les drames. Elle accueille simplement ses hôtes – tous ses hôtes – sans les trier. Comme la preuve possible – toujours possible – de l'épanouissement de tous les passages, de tous les élans et de toutes les déconvenues...

 

 

Le cri de l'âme devant la pensée qui se heurte à ses propres limites – parois infranchissables entre lesquelles elle s'effondrera, un jour, avant de se laisser glisser au fond de ce qui la fit naître...

 

 

Et ce vieux monde tout boursouflé – et tout essoufflé – qui mendie aux hommes sa perpétuation – et sa renaissance. Et qu'ils brûlent – et qu'ils balafrent – et qu'ils assassinent – comme si la beauté pouvait naître (ou renaître) du sang, des cendres et des cicatrices...

 

 

Un monde, des princes – quelques princes entourés de leur armée et de leur milice – et le peuple – le peuple immense composé de bras, de poings et de quelques têtes parfois – esclaves depuis toujours des lois et des autorités – dans l'attente d'être affranchis... Et dont la liberté ne naîtra ni de leur union ni de leurs forces mises en commun mais de l'effroi et de la lassitude nécessaires pour que chacun trouve le souffle suffisant pour s'extirper de ses propres chaînes...

 

 

Le bleu du ciel – et le bleu des rêves – toujours impuissants face aux forces noires du monde et des instincts. Il faut – et faudra toujours – l'élan d'une lumière intérieure doublé d'un souffle suffisant pour les affronter, et plus tard les dissoudre, afin de pouvoir transformer l'obscurité des abîmes...

 

 

Quelques terreurs encore lors de notre lente, et inattentive, déambulation entre les tombes. Comme l'écho peut-être de l'effroi des morts qui parcourt l'échine des vivants – ces oublieux de toutes les fins – et de l'inévitable et permanent processus de l'effacement...

 

 

Le monde comme un atlas ouvert sur la table – la petite table posée au milieu des gouffres cosmiques – où se battent quelques ombres – quelques soldats – et où se querellent toutes les âmes sans porter leur regard au loin – et au-dedans – où brille pourtant, à travers le noir et l'obscurité, la lumière ancienne et à venir...

 

 

La paix des jardins – et la joie des forêts et des collines – voilées par le bruit des bottes et des engins de construction – par tous ces élans dévastateurs lancés vers les impossibles retrouvailles avec l'horizon...

 

 

Les noces abjectes et dévastatrices entre les rois, les peuples et la terre. Et celles invisibles – et illisibles peut-être – entre les mendiants – les dépossédés – et la joie – porteuses toujours de silence et d'Amour – de cette lumière inespérée. Comme un miracle (un petit miracle) parmi la haine et les atrocités...

 

 

L'homme est l'enfant de la peur et des instincts. Et il vit ainsi jusqu'à la mort sans savoir que Dieu a déposé en ses profondeurs un éclat de son visage – une goutte d'éternité – qu'il s'acharne encore à découvrir à l'extérieur – en saccageant le monde de ses élans et de ses découvertes successives – toujours aussi pitoyables et inutiles...

 

 

Est-ce l'éternité qui rapproche de la mort ? Ou la mort qui rapproche de l'éternité ?

 

 

D'un pays à l'autre – d'un visage à l'autre – nous déambulons à la recherche d'un éclat – d'une intensité – d'une lumière – parmi les ombres. Comme étrangers encore à nous-mêmes...

 

 

Des ponts, un ciel et ces faces si noires nées d'un soleil ancien – demeuré au seuil de l'invisible. Ainsi vivons-nous avec cette blessure que nous prenons pour une eau pure. Et ainsi errons-nous jusqu'au seuil de tous les passages et de tous les abandons...

 

 

Des pages, des livres et des bibliothèques bâtis sur cette indigence – cette misère – qui cherche la lumière parmi les ombres, les orages et les outrages – parmi l'absence et les peines. Et qui se trouve déjà au fond des yeux si mal dessillés...

Des chants tristes, en vérité, en quête de joie et de beauté qui ne se révéleront (pourtant) qu'aux fenêtres des âmes solitaires pour clore leurs errances – et l'usage d'une parole inutile – désormais guidée(s) par le silence...

 

 

Un gris encore parfois – et une tristesse à sa suite – nous font mordre la poussière. Mais ce que nous prenions autrefois pour un désastre révèle, à présent, sa splendeur. Le plus humble – et le plus bas – enfin célébrés par l'âme qui a vu, derrière le sang et la chute, le plus digne à vivre – et le plus sacré peut-être du vivant. Ce silence – et cette beauté – au-delà du courage et de la volonté. Comme un retour inespéré vers soi-même...

 

 

A l'âge de la profondeur désirée, la bêtise – encore bien trop souvent – fait loi. L'indigence – et la misère – exacerbées – à leur faîte peut-être – devant le souvenir, les regrets et la mort (si près du visage) qui s'approche à grands pas...

 

 

Il faudrait ranger notre voix – et faire taire notre parole (ou la laisser lentement s'éteindre) pour que la sagesse se mêle – plus définitivement – à notre sang – et que la lumière balaye la main de la nuit – et l'horizon encore si sombre parfois. Le silence alors pourrait habiter nos lèvres, nos pas et notre âme pour guider le jour jusqu'à nos yeux – et investir notre peau et nos étoiles. Ainsi seulement serons-nous capables de revêtir son ineffable manteau jusque dans nos rires et dans nos larmes – et marcher moins tristes sur tous nos chemins de boue et de poussière...

 

 

Des chemins, des yeux et des poignards. Et ce qui naîtra plus tard de toutes ces errances et de toutes ces plaies. Comme une foudre à venir née des orages passés, innombrables bien souvent – et si salvateurs malgré les secousses et les cicatrices...

 

 

La rançon des siècles. Le silence et la joie. Toute cette beauté ignorée depuis nos premiers pas...

 

 

Célébrons – sachons célébrer – les funérailles permanentes. La mort. Les effacements. Les outrages et les abandons. Tout ce qui mène au seuil de la délivrance – et nous aide à franchir l'ultime frontière de nous-mêmes – cet infini si partagé...

 

 

Et ces démons – tous ces démons – partout (les nôtres sans doute) qui hurlent encore – et que le silence, à présent, recouvre de rires et de douceur – de cet Amour et de cette dérision si nécessaires pour vivre dans tous les recoins de ce monde peuplé de chemins et d'ombres – de chagrins et de chimères – et voués dès les premiers pas à l'infernale solitude...

 

 

En ce monde, il y a peut-être, en définitive, plus matière à rire qu'à pleurer...

 

 

L'émerveillement et la curiosité, aire, source et chemin de tous les silences et de toutes les joies...

 

 

Quelques blessures encore dans la joie. Comme les éclats d'une beauté supplémentaire...

 

 

Nourris de joie et de beauté par le silence, comment pourrions-nous nous soumettre encore à la parole si elle ne naissait de lui – et le célébrait – pour tenter d'offrir au monde – et à la ronde – davantage de joie et de beauté...

 

 

Les yeux devenus regard et le cœur devenu Amour sont la chair (la plus tangible) de l'âme – cet éclat de Dieu impérissable. La quête de toute existence et le commencement de tout renouveau. La digne continuité du monde et le sacre d'un ciel apprivoisé – enfin à notre portée. Une flamme – un feu – pour embraser le monde et transformer le vivant en lumière...

Comme un soleil dans le sommeil pour nous éveiller des ombres. En alternance avec la pluie – un peu de pluie – pour soutirer à nos larmes bien davantage qu'un désir d'éclaircie...

 

 

Comme une pluie parmi le plomb. Et un bouquet de joie dans la tristesse. Comme une nuit cerclée de diamants et de lumière. Et un feu sous l'averse. Pour que le silence – et ses caresses – se glissent au-dedans de la peur et puissent bruisser – tel un soleil blanc – au cœur de l'âme et de ses raidissements...

 

 

Ecrits confidentiels bien sûr et vaguement poétiques peut-être, nés dans la solitude et l'intimité du silence. Et lus par quelques âmes sans doute dans les mêmes conditions. Ils ne pourraient tolérer d'autre manière ni d'autre approche. Et cette exigence écarte toujours les yeux curieux sans faim de rencontre (décisive) et de lumière...

 

 

Un monde où ne pourraient vivre que les enfants et les poètes. Si lumineux qu'il écarterait naturellement l'obscurité – et si innocent qu'il brûlerait sur place tous les désirs et la tristesse – et bannirait à jamais le sérieux, la gravité et l'ambition pour décourager tous les postulants plongés encore dans la bassesse et l'ignominie...

 

 

Perdus encore toute moisson – et toute récolte – les fruits de ce rude labeur qu'est se chercher... Et à la place du grain – promesse d'agapes, de galettes et de vin, de nappes blanches posées sur les tables et de partage – l'enfouissement dans la partie la plus anguleuse – et la plus mystérieuse sans doute – de la solitude. Face à la vacance magistrale du rien, du désert et du sentiment de n'être personne. Cette part si insaisissable de nous-mêmes, la moins personnelle sans doute – et la plus douloureuse aussi – que jamais n'achèvera de révéler (et de laisser s'épanouir) notre misérable – et triste – individualité rompue pourtant à elle-même comme à toutes les débâcles et à tous les abandons. Mais sans doute – mais peut-être – encore insuffisamment...

 

 

Tous les passages et toutes les ignorances. Comme un soleil inespéré dont nous ne percevons que l'ombre, le feu et les vents...

 

 

La nuit encore malgré l'inquiétude première – et ses traînées de pas fébriles – cherchant la réponse à toutes les énigmes qui nous firent naître. Comme un cri – et une angoisse – discontinus dans le silence...

 

 

Une fleur – et peut-être encore un souvenir – pendus au fond de l'âme. Comme une espérance inguérissable de nous voir, un jour, franchir la mort sans encombre...

 

 

Une joie humble, éclose du plus proche – et du plus lointain – de cette lumière du rien – ce vide en nous – et que nous sommes – et qui était autrefois si encombré...

 

 

Derrière les désirs, l'attente de l'ultime éblouissement. La mort du temps. L'enchantement simple de ce qui passe. Le plus haut degré de l'humilité. Notre vrai visage enfin découvert...

 

 

Et tous ces bavardages qui cherchent encore le silence. Comme la plus grande ironie de ce monde peut-être. Dieu en nos visages ne reconnaissant plus sa (propre) figure...

 

 

Une gorgée de silence encore parmi les fleurs avant de retrouver l'effroyable vacarme des visages...

 

 

Un seul cri, un seul chant, un seul poème. Celui du silence qui ne rêve que de se rencontrer – et de se retrouver au milieu des rires et des larmes – au cœur du monde et de chacun...

 

 

Apprivoiser l'inconnu ? Jamais. Se laisser surprendre – et défaire – toujours par les mille étonnements qu'il nous offre. Par sa venue, si discrète, et pourtant permanente au cœur de nos vies, au cœur de nos craintes et de nos cris. Comme une façon d'inviter en nous le plus grand silence...

 

 

Le regard. Un espace, une envergure, une circonférence – et une présence de l'indicible où naissent et s'effacent toutes nos gesticulations. La figure de Dieu qui s'amuse de notre façon de le chercher avec nos têtes, nos idées et nos croyances – et qui aimerait peut-être – et qui aimerait sans doute – que nous nous lancions à sa poursuite d'une manière plus humble et plus joyeuse – et plus innocente, bien sûr – comme un jeu dans tous les jeux, comme un visage en tous les visages, comme un rire et des larmes parmi tous les rires et toutes les larmes. Comme le seul chemin caché au cœur de tous les chemins et les seules retrouvailles au cœur de toutes les retrouvailles. Comme une main présente déjà au creux de toutes les mains. Comme le pays de la joie au milieu de nos infortunes – et pour nous dire peut-être (aussi) l'impossibilité de l'ailleurs...

 

 

L'imperceptible pureté du pays infréquenté qui longe, de bout en bout, les contours de notre peur. Et dont la nef gît au-dedans de nos profondeurs. Seule région de cocagne dans ce monde dévasté – déserté – cet immense et minuscule désert peuplé d'ombres et de fantômes où seules fleurissent les mains implorantes et désolées...

 

 

Nous préférerions mourir plutôt que laisser s'effondrer nos édifices, s'éparpiller nos amassements (nos pauvres richesses) et voir s'effacer notre fortune. Si ignorants encore que nous sommes du fabuleux pouvoir de la défaite...

 

 

Derrière nos masques, la peau la plus fine – la plus transparente – et la plus fragile. Et derrière encore, lorsqu'elle se laisse transpercer, on devine toute proche la figure de Dieu – et son rire inépuisable à nous voir mendier partout sa présence. Comme un soleil ineffaçable sous nos paupières – et dans notre sommeil – qu'aucun rêve jamais ne pourra atteindre. Comme un exil en nous accessible seulement depuis l'immobilité la plus humble, une fois tous les chemins abandonnés...

 

 

L'herbe, la cendre. Et l'absence éparse déjà. Mille âmes rencontrées. Et le sang – et le silence encore si animal. Comme si nous étions – et errions – dans l'ombre d'un soleil limité – les yeux perdus déjà – et le cœur toujours chaviré par les étoiles, les étals et les promesses jamais tenues. En attente de la foudre – d'un feu – pour incendier nos états – tous nos états – et nous défaire en simple appareillage. Une nudité peut-être à la voilure minuscule – et puissante pourtant – tendue par les vents pour aller sur l'océan et découvrir le bord du ciel où nous sommes déjà présents. Comme le seul miroir de nos blessures laissées par le voyage – et leur effacement soudain pour nous rendre un peu plus sages – et, peut-être, un peu moins sauvages...

 

 

Un désir de sommeil encore parfois nous étreint malgré le jour et la lumière. Comme le songe, le plus tenace peut-être, de l'homme. Ce goût pour les mythes et les histoires. Ce besoin si malicieux d'échapper au réel. Un oubli de ce qui est – et de l'essentiel – au profit de chimères. La préférence de l'individualité et de l'illusion au détriment de l'impersonnel et de la vérité. La prégnance, toujours aussi vive, de l'espoir et de l'avenir qui relègue l'instant et le présent aux fossés de l'impossible...

 

 

Quelques circonstances nous rappellent parfois le cri que nous poussions autrefois dans notre grotte, enclavée entre la peur et le désir. Dans l'attente d'un éblouissement impossible...

 

 

Quelques âmes – et quelques livres parfois – accompagnent notre destin. Cette longue glissade vers nous-mêmes. Cette chute inéluctable vers notre centre – ce lieu de toutes les présences – et de tous les envols possibles. Le cœur de l'être nu – défait de toutes les viles pelures que nous avons cru nécessaires à notre survie...

 

 

Les yeux, la bouche et l'âme couchés au-dedans de l'épave – et qui fut (pourtant) autrefois une fière chaloupe défiant les eaux furieuses du monde – et reléguée aujourd'hui au rêve. Comme un songe brumeux au-dessous des océans – avec notre morgue emportée au large par quelques courants salvateurs...

 

 

Le bleu d'une autre pierre – plus grande que celle où nous nous tenons – plus belle aussi – et plus prometteuse sans doute. Ainsi allons-nous sur les chemins – sautant d'une pierre à l'autre – jusqu'à ce que la poussière nous avale. Et ainsi se prolongent nos errances. Comme un vaisseau fantôme glissant sur les eaux sombres du monde...

 

 

Tant d'élans et de mouvements pour franchir l'immobilité – ce rivage – ce seuil de tous les voyages – cet horizon où rien ne peut finir...

 

 

La nuit plus soucieuse des étoiles que du jour à venir – et de ce soleil invisible depuis ses rives. Comme un désert. Comme un hiver interminable. Comme une bouche prête à accueillir – et à ensemencer – toutes les blessures – et toutes les brûlures – pour voir son rêve – tous ses rêves – s'accomplir. Comme une absence bercée par le climat – et le va-et-vient perpétuel des marées. L'avant-poste des saisons. Le chemin antérieur aux premiers pas...

 

 

Les fruits, l'écume et la mort. Seul décor – et seul spectacle – bien souvent pour les âmes raidies comme du bois mort. Comme une double peine dans cette nuit qui dure encore...

Du sang mêlé de sable noir et des bruissements de chair toujours aveugles au jour qui montera plus tard...

 

 

Sommeil et absence. Heures et jours qui s'étirent par-dessus l'aube manquée – manquée toujours. Comme si elle n'était que le prolongement de la nuit. Marquée au fer rouge des tremblements et des rameaux de buis qui flagellent notre espérance – et nos existences assoupies...

 

 

Le langage comme un tourbillon d'étoiles dans la nuit la plus égarée – plus proche du rêve et du souvenir que du jour encore impossible...

 

 

Nous vivons comme des astres encerclés par les hauts murs d'un jardin – l'éden peut-être – autrefois si innocent – et qu'une craie tremblante – et mal assurée – pourrait délivrer des songes – et de tous nos désirs de ciel moins noir. Comme une route dans l'obscur finissant sa course dans un fleuve sinueux – et parfois capricieux – dont les méandres nous jetteraient, après un long périple, dans l'océan – cette étendue de lumière si lointaine encore...

Le chant des naufragés, voilà notre seule espérance. Lui seul saura faire plier l'ombre et le rêve parmi l'argile, encore rouge, des visages sur des pentes inaccessibles aux mains et aux fronts déjà courbés devant la mort...

 

 

Une solitude – une lumière – à gravir par mille chemins. Et au bout de chaque sente, l'abandon nécessaire. L'humilité – la grande humilité – de l'âme. Les chagrins et les peines, innombrables, remisés dans l'oubli. Et l'innocence indispensable pour se laisser mener par l'ultime élan avant le saut – le grand saut – dans l'indicible et l'inconnu – ce mystère où se cache (sans doute) l'Absolu – le remède à tous les sommeils...

 

 

Encore quelques heures – quelques jours – ou quelques siècles peut-être – à attendre sous les arbres parmi les visages rudes – et abrupts – et les haleines froides – à s'effrayer des cris, des épaules et du sommeil – de toutes ces ombres ravagées par leur rêve de soleil parmi quelques prières maladroites jetées à un ciel aussi noir et ignorant que ses adorateurs et ses postulants...

 

 

Entre l'écume et le rocher toujours – sur l'assise précaire – et si mal assurée – avec ces vaines tentatives des mains à saisir et à prier – à quémander partout quelques indulgences pour excuser – et se faire pardonner peut-être pour – tant de désirs et de maladresse...

 

 

Une voix, un abîme, une prière. Voilà la pauvre litanie – et le triste chemin débroussaillé par l'âme des hommes. Et le silence du ciel toujours aussi inaccessible...

 

 

Risquer la mort pour un peu d'ombre. Manquer le silence pour quelques bruits plaisants – et le son de quelques cloches encourageantes. Tourner le dos à la lumière pour un regard et l'éclat de quelques prunelles en pâmoison – et vaguement admiratives peut-être...

Le monde ne mérite sans doute que notre âme s'y attarde – et s'essouffle plus que nécessaire en y cherchant ce qu'elle ne peut y trouver. L'Absolu – et l'infini – sont les seules contrées à explorer. Et une fois investies, notre présence au monde se transforme en une (simple) formalité guidée par l'Amour et les nécessités. On est présent parmi les créatures sans espoir ni exigence. Assujetti simplement à l'inévitable et aux circonstances...

 

 

Un Dieu encore si hésitant entre nos rives. Happé toujours au fond des gouffres mais que l'aube parachèvera, un jour, en Amour. Voilà, sans doute, la véritable besogne de l'homme. Faire éclore – et laisser s'épanouir – cette part divine enfouie en lui depuis les origines pour qu'elle grandisse – et se retrouve aussi intacte – et aussi parfaite – qu'avant tous les commencements. Ainsi seulement seront abolies toutes les frontières entre le dedans et le dehors. Et ainsi seulement Dieu pourra briller en tous lieux à travers notre visage...

 

 

Un gouffre, une nuit, un Amour pour que s'achève l'inachevé – et que perdure l'inachevable. Cette vérité dans l'ombre de tous les mythes et de tous les mensonges...

 

 

Des vallées, des chemins, des pierres. Le terreau de toutes les larmes. Et l'écume et le rêve encore pour affronter les vents et leurs affronts. Cette résistance de l'ombre avant la grande tristesse et l'abandon. Et le retour à des lumières moins mensongères. Comme une manière nouvelle – et toujours renouvelée – de se pencher vers le plus bas afin d'accueillir le ciel (tout entier) – et sa parfaite envergure pour embrasser la terre...

 

 

Tout naît – et peut éclore – de cette flamme enfouie en nos profondeurs – dont la naissance échappe aux siècles mais dont la lumière ne peut s'épanouir que dans l'inévitable besogne de l'homme. Cette quête obsédante et inépuisable d'identité, d'Amour et de vérité...

 

 

Des existences et des destins ensablés. Et au cœur de l'âme, ce jour infatigable qui n'attend aucune réponse mais la fin de tous les périples pour s'extraire des pierres – et rejoindre l'impartageable...

 

 

Une lampe entre les feuillages pour guider et accueillir les hôtes – tous les hôtes – de la nuit. Pour acheminer les barques – toutes les barques – au milieu de leur feu – de ce passage étroit entre nos voix si tremblantes – et si sensibles encore à cette si singulière obscurité de la terre...

 

 

Vents, fugues et gîtes. Abris précaires et provisoires dont il nous faudra sortir un jour pour défier la terre, les ombres et la haine. Echapper à cette mort que nous prenons pour une fin. Et transformer l'ignorance en compréhension afin de vivre l'infini dans l'intime (le plus intime) et le plus humble des jours...

 

 

L'espace, le monde et des déchirures encore malgré ce feu qui nous presse de comprendre. Comme la seule fouille nécessaire pour échapper à la nuit et à ses atrocités...

 

 

Ceux qui partent reviendront toujours. Tout voyage s'achève dans le retour. Il n'y a d'autre lieu pour se retrouver...

Soi-même, seule aire de tous les départs et de tous les chemins – de tous les périples et de toutes les destinations...

 

 

Le sang neuf de la mort. Et cette soif – et ce courage – de revenir encore. Comme pour achever ce que l'on a, souvent, à peine commencé. Comme si n'existait que ce qui passe – et repasse encore...

 

 

Une flèche, un visage, un butin, une étoile – un territoire peut-être. A chacun son rêve, son chemin et son désespoir jusqu'au jour où l'on quitte le troupeau pour chercher la foudre – et se mettre à chanter dans la solitude et la boue. Ainsi commence la fin de toutes les nuits...

 

 

Un cœur, des poignards, des plaies. Un désert, du sable, des pierres. Et la mort. Ainsi débutent – se poursuivent – se succèdent et s'achèvent les saisons. Dans le feu, le sang et les larmes. Et dans la solitude. Terreau rouge du soleil à venir où il nous faut d'abord apprendre à vivre avant de vouloir en émerger...

Comme une passerelle composée de mille barbelés suspendue au-dessus du vide sous la clarté d'un astre encore chancelant parmi tant de rêves et d'étoiles...

 

 

L'herbe et la cendre parmi la peur si animale. Comme des yeux familiers de la lumière – égarés sur la terre parmi le sang et l'odeur de la mort...

 

 

A nouveau les morsures de l'ombre comme si nous voulions avaler la moitié d'un soleil dévoué à l'inattendu – à ce qui s'approche sans jamais pouvoir arriver. Comme si les pierres et la mort n'avaient pu (encore) nous livrer tous leurs secrets...

 

 

Au bord du vertige sans doute – mais encore insuffisamment outillés pour affronter le feu. Et le miroir peut-être de nos blessures...

 

 

A la fenaison, nous préférons le cumul des terres et l'ivresse du grain. Et cette odeur d'incendie après nos maigres récoles pour revigorer la terre – et faire renaître plus tard l'abondance. Comme un long sommeil – une longue absence – dans nos rêves de fortune...

 

 

Aujourd'hui, la mort s'en est allée – et la vie se fait enfin vivante. Comme si rien en nous ne pouvait naître sinon l'Amour...

 

 

Transformer le sang en eau et en nuages. Et la chair en âme pour nous extraire de cette fascination inguérissable pour le corps – et alimenter les fleuves, les rivières et les puits afin de rejoindre notre désir d'océan...

 

 

Je parle à l'homme. Je parle aux bêtes. Je parle aux arbres. Je parle à l'herbe et aux pierres. Et seul le silence m'entend – si invisible encore parmi ses passagers...

 

 

Encore un peu de brume et déjà un soupçon d'innocence sur cette terre gorgée de sang et de soleil, vouée à l'impatience des hommes et à la crainte des bêtes, si impuissants face au mystère qui, au fil des siècles, s'est épaissi et a perdu son importance. Comme si l'Amour et l'éternité n'étaient destinés qu'aux âmes réconciliées avec les vents, le hasard (improbable) et le sourire timide des visages où percent encore l'envie, la peur et le désir de siècles meilleurs...

 

 

Un sourire parfois nous retient de pleurer devant cette barbarie et cette solitude. Face à ce monde insensible au voyage, à la beauté, au silence et à la grâce des âmes en attente...

Et pourtant parmi la disgrâce, nous tenons encore debout. Résistant aux outrages des hommes et aux affronts des siècles, le front à peine incliné devant les horreurs du temps et l'âme forte d'un autre appui... courant toujours parmi les bruits à la recherche de ce plein silence...

Et cette absence qui triomphera toujours avant de sombrer dans la foudroyance d'un soleil qui éclairera tous les horizons – et leurs mensonges...

 

 

Entre l'amour, la mort et le rêve toujours. Pris – et secoués – si souvent par la hargne des saisons avant de chuter – définitivement peut-être – dans le silence. Le plus haut – et le plus indicible – du silence...

 

 

Et cette odeur d'hiver et de désolation qui colle à nos souliers. Où pourrions-nous donc aller avec ces frusques aux couleurs de mort sinon essayer de traverser la chair et le sang qui abreuvent encore la terre... Où pourrions-nous donc nous réfugier sinon au-dedans de l'âme qui vibre partout – de l'intérieur aux périphéries – à cette lumière qui défait le rouge, le vide et le noir des existences...

 

 

Une vie. Et une terre et des visages toujours à l'abandon...

 

 

Derrière les rideaux veillent encore ce feu – et cette lumière. Par-dessus les toits – et l’horizon des collines – on les voit briller. Et au fond de l’âme, éclairer encore. Comme un phare, une bouée et les vagues qui nous emporteront vers le large – en ce lieu si proche de nous-mêmes – et au cœur, sans doute, de toute chose...

 

 

Des chemins et des morts – des mots et des vivants – que célèbre le poète. Et que méprisent les foules de peur, sans doute, de voir le confort et la futilité destitués par l’âpre labeur nécessaire à la lucidité. Comme si le monde – et la vie – ne voulaient goûter qu’une seule part d’eux-mêmes ; la plus apparente – et la plus mensongèrement lumineuse – pour s’affranchir (inutilement, bien sûr) des griffes et des aspérités du sombre sommeillant, et si vivace pourtant, en chaque chose – et en chacun...

 

 

Et cette pierre accablant la chair – et cette âme au visage vertical donnant la force de traverser les eaux ténébreuses du monde, fidèle peut-être qu’à son désir d’éternité...

 

 

La silencieuse assemblée des arbres accueillant avec dignité la foule des volatiles : rapaces, passereaux, oiseaux de bon et mauvais augures – et leur ouvrant les bras. Comme un refuge salutaire pour la vie sauvage en déperdition – vouée à l’extinction par le trop grand désir des hommes à se protéger de ce qui blesse encore – et qui, en l’éradiquant, nourrissent toujours davantage la violence et la mort...

 

 

Et dans nos mains, d’autres mains qui ne nous appartiennent pas. Et dans notre âme, d’autres âmes plus belles et plus réconfortantes. Et en ce monde, d’autres mondes plus sensibles à la beauté. Comme si la vie – toutes nos vies – n’étaient qu’un mensonge – et une possibilité offerte pour qu’éclate la vérité – et se dévoile (enfin) l’infinie diversité dans le plus vaste, et le plus intime, des regards à l’envergure plus ample que les mains, les âmes et les mondes...

 

 

Des portes noires – fermées. Et des bêtes qui hurlent dans la nuit. Et la peur des âmes, des cris et de la mort qui s’approche. Au plus dense – et au plus intense – de la terreur pour que la vie révèle toute sa beauté – et nous offre le droit – que dis-je ? le privilège – de vivre un peu plus vivant entre le début et la fin de tous les ouvrages qui naissent et s’effacent le temps d’un souffle...

 

 

Et ce feu ardent qui brûle sous la pluie. Comme un soleil misérable parmi les gouttes. Et ce nom – impossible à entendre – et ce silence partout délabré par la peur et les chants qui montent des entrailles pour envahir la nuit qui enterre encore ses morts...

 

 

Attendrons-nous le plein délabrement de nos vies pour nous abandonner au plus urgent – à cette immobilité qui demeure lorsque les élans n’ont plus d’autre volonté que le silence...

 

 

Et nous dormirons encore sur ce lit de glaise, voués à la peur et aux représailles en attendant la mort... Comme si nous ne pouvions mêler nos gestes et notre voix au silence – à cette part de la vie – et à cette part de l’âme – qui nous font oublier, par leur accueil, les craintes, les effritements et l’inévitable effacement du monde et des visages...

 

 

Qu’aurons-nous aimé au fond sinon ce désir de paix et de silence avec nos yeux encore trop attachés aux rives bruyantes (trop bruyantes) de ce monde...

 

 

Aujourd’hui comme le reflet d’hier – et plus que le socle – le miroir de tous les lendemains...

 

 

Un jour, une vie, une éternité à attendre ce qui ne viendra pas – ce qui ne viendra peut-être jamais. Des siècles d’impatience inutiles. Plus tard, sans doute, ferons-nous un feu où nous laisserons brûler nos désirs, les morts et les vivants et notre espoir de délivrance...

 

 

L’attente peut-être plus proche du regard que le geste qui essaye de rendre la vie et la mort plus supportables. L’attente comme le reflet du silence – et de l’immobilité – à venir...

 

 

Le cœur et la main encore à l’ouvrage comme un défi inutile au temps et à la mort. Comme si nous ignorions que le feu, la cendre et l’infortune régneront toujours...

 

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17 décembre 2017

Carnet n°123 L' Amour et les ténèbres

Recueil / 2017 / L'intégration à la présence

L'impossible attachement – et l'impossible innocence – du cœur. Chaviré toujours entre les eaux et la neige qui surplombent nos terreurs. Entre les ombres, l'Amour attend. Et guette le dénuement nécessaire pour se montrer. Une fleur, un flocon, un nuage. Tant de présages de l'aurore – et, en son cœur, ce si merveilleux silence...

 

 

Un peu de noir encore – un peu de noir toujours – dans la lumière. Comme une fatigue – une lassitude – passagères dans l'Amour...

 

 

Du ciment et des drapeaux. Et toutes ces mains conquérantes et bâtisseuses qui s'affairent dans la sphère étroite du monde, posé au bord du vide – entre le temps compté (compté bien sûr...) et le silence. Comme une ceinture d'ombres enserrant les peuples – et (leur) voilant l'azur et le soleil – l'illusion de toute conquête – l'illusion de toute frontière...

 

 

Un murmure, une folie, un silence. Et soudain, la mort qui surgit – et nous convoque au bord de la solitude parmi ces ombres si peu vivantes. Et notre parole encore toute frémissante de mots et d'étoiles...

 

 

Et ces visites que nous faisions autrefois aux visages de la terre, au gré du hasard – au fil des plus humbles chemins. Et cette attente, si impatiente, jadis du soleil comme un songe lancé aux étoiles, si lointaines, par une fenêtre à peine entrouverte...

Et ces cieux à présent lisses de tout désir où la nuit – et le rêve – n'ont plus cours – où la lumière a remplacé l'horizon – où le silence, à hauteur d'âme enfin, n'est plus encerclé par les murs et la cendre – où la mort n'est plus un abîme – et où les adieux – tous les adieux – ont des allures de retrouvailles...

Comme un veilleur éveillé dont les yeux ne scrutent plus le lointain dans la nuit mais ce qui s'approche dans le jour...

Comme si le ciel avait insufflé à nos doigts – et à notre bouche – cette parole et cet Amour que nous espérions découvrir dans le monde et sur le visage des hommes...

Comme si le silence avait ensemencé l'âme, la terre, le ciel et les chemins – et éloigné le chant de la terreur en déterrant notre chevelure de ses eaux glacées – et en nous ouvrant à l'éblouissement – et à l'enchantement simple – de la lumière...

 

 

Un pays, un soleil. Et la craie, vigoureuse et encore si tremblante, qui dessine un nouveau monde sur l'ancien pour effacer la braise, les cendres et les larmes – et ces travées de visages tristes – et ces ombres errant sous la voûte à la recherche d'une nuit moins épaisse – d'un vent plus léger et d'une brûlure moins vive – d'un réconfort sans doute pour délivrer du malheur...

 

 

Comme un silence – une lumière – couchés sur les rives de l'âme, insoucieuse du gel et de la pluie – et de tous les désastres à venir...

 

 

La vie comme une pente où se coucher – et renaître – pour désosser le temps et les saisons – et faire glisser ce grand Amour au-dedans de soi – sur cette jetée où nous appelions au secours – et à la rescousse – tous ces visages noyés d'indifférence – et où nos rêves – tous nos rêves – élargissaient le sommeil et l'horizon...

Et debout à présent, la bouche murmurante – presque silencieuse – gorgée de soleil et défaite de toute mémoire devant le ciel, la neige et les étoiles – devant l'herbe, les ailes et les rivières – devant les fleurs, les hommes et la mort – devant toutes les beautés de la terre...

 

 

De l'abîme au silence. De l'ombre à la vérité. De la croyance à la lumière. Du désespoir à l'éternité. De l'ignorance à l'infini. Tel est – ou devrait être – le voyage de l'homme...

 

 

Entre les ombres, l'Amour attend. Et guette le dénuement nécessaire pour se montrer...

 

 

Et tant de cris encore dans l'horreur. Comme le signe de notre impuissance – et la preuve que l'aurore est toujours aussi lointaine...

 

 

Et les ombres toujours dans le soleil. Et cette longue nuit d'insomnies et de sommeil. Et cette ivresse. Et cette neige qui recouvre les cimes et les premières lueurs du jour. Et ce printemps – tous ces printemps – qui toujours s'achèvent dans l'hiver. Et ce silence – et cette solitude – encore entrelacés dans les ténèbres dont nul jamais n'a réussi à s'extraire. Comme des âmes – comme des cœurs – voués inlassablement aux larmes, à l'amoncellement et à la mort...

 

 

Un mot – une parole – comme un cri (unique) pour dire l'urgence de se délivrer des ombres – et des chaînes blanches qui emprisonnent encore nos printemps...

 

 

Un feu brûle pourtant à égale distance entre le ciel et notre chevelure. Comme un horizon lavé – et blanchi par le soleil et nos aveux. Comme un cœur solitaire et perdu qui cherche encore l'Amour – ce grand Amour – derrière chaque désir...

 

 

Comme une lumière – un Amour – un silence – qui s'approche avant que la mort ne frappe – et ne nous terrasse. Un juste abandon à la terre avant que les vivants n'entonnent leur chant funèbre – et que le ciel ne nous convoque – et ne nous reprenne...

 

 

Encore quelques larmes et un peu de poésie pour dire – et célébrer peut-être – la mémoire inépuisable de ce grand Amour qui ne pourra nous oublier. Et ces ténèbres si noires recouvertes d'innocence. Et quelques vérités peut-être avant de rejoindre la tombe – avant que la terre à jamais nous ensevelisse...

 

 

Une fleur, un flocon, un nuage. Tant de présages de l'aurore – et, en son cœur, ce si merveilleux silence...

 

 

Des champs de morts encore. Et cette semence vouant les visages à la puanteur. Et ces vies – toutes ces vies – comme des barques allant sur les eaux noires pour retrouver au fond des rêves un peu de joie – et ce soleil plus grand que l'espérance...

 

 

L'impossible attachement – et l'impossible innocence – du cœur. Chaviré toujours entre les eaux et la neige qui surplombent nos terreurs...

 

 

Un vide et un élan dessinent un visage – et un chemin – au-delà des limites et du vertige. Comme un univers porté par des bras – parfois gagnés par la lassitude...

 

 

Et cet attrait intense – inépuisable – pour l'immensité – et l'abîme en-dessous – et en surplomb parfois – que l'encre tente vainement de remplir alors qu'un peu de présence suffirait sans doute pour contenter l'espace, le monde, les hommes et l'âme. Comme un pont jeté entre ce que nous sommes et ce que nous fuyons – entre la vie et la mort – jamais rassasiées...

 

 

Nous sommes l'aube – et ce crépuscule finissant. Et cette âpreté et ce labeur à transfigurer l'espace et la matière pour offrir aux âmes ce bout d'aile qui leur manquait pour se définir – et se déjouer de toute pesanteur...

Comme une ombre enfin apprivoisée par la lumière qui soudain s'efface – et, avec elle, ses mille raisons d'être...

 

 

Nous sommes cette hauteur au-delà de la ligne de crête – et au-delà de tous les horizons. Et ce vent si gauche – et si furieux – qui éparpille notre visage – tous les visages – sur la roche fracturée par les séismes – tous nos séismes – et la dérive naturelle des continents...

 

 

Comme des bêtes errant entre les ombres – entre les tombes. Entre la tendresse et la cruauté. En équilibre mouvant – infiniment instable – sur le sable, vouées à la nuit et à l’anéantissement – et pourtant déjà éclairées par tant de soleils...

Comme un puits qui partout cherche son eau et sa lumière...

 

 

Libérée des souffles et des lendemains, l'âme au faîte du jour entre la brume (exquise) et ses anciennes douleurs. Ce qui migre de la fécondité (sauvage) vers le silence – la face sereine du Divin. Le sacre de tous les sacrés qui échappent autant à la terre et aux instincts qu'aux grains et au labeur des hommes...

 

 

Des chemins, des rails, des destins. Et des abattoirs. Cimetières de tous les visages – et de toutes les histoires racontées pour fuir et oublier la mort. Des vies et des cargaisons de tout ; de rêves, de désirs et de souvenirs perlés parfois d'oubli roulant vers leur tombeau après quelques moissons – quelques récoltes – quelques rires et des pleines charrettes de peines et de larmes...

 

 

Rien jamais ne sépare. Ni la vie, ni le monde, ni la mort. Unis si secrètement à l'invisible – et à l'éternel...

 

 

Chaviré encore par les eaux ténébreuses de l'hiver...

 

 

Un jour nouveau, porté non par la chance et le hasard mais par la nudité de l'être qui offre au visage – à tous les visages – cet air si radieux. Comme un soleil – une joie infiniment contagieuse...

 

 

Ecouter encore ce sang qui se répand – et ce cœur qui bat dans les veines – et les murmures émerveillés de l'âme – et le monde encore si empreint de haine...

Route étroite entre les ravins – avec au bout du silence, cette lumière plus douce que le jour – et cette vérité qui patiente au-delà des tombes parmi les visages et les étoiles...

 

 

Encore un désir entre les larmes. Et quelques oiseaux de mauvais augure posés sur l’épaule. Et des tas de gravats et d'aigreur. Et la lune – et l'aube – qui s'acharnent encore malgré nos lambeaux d'espérance. Entre l'innocence et les ténèbres toujours...

Avec encore quelques étoiles parmi les larmes...

 

 

Au son d'une autre cloche, nous verrions sans doute le sourire des anges derrière les lèvres et les gestes des hommes. Un peu d'innocence dans l'ivresse et l'ignorance. Un peu de grâce dans la maladresse. Un peu de lumière dans ce qui s'avance et s'apprête à mordre. Et un peu de silence peut-être dans l'âme défaite...

 

 

Encore un peu de sable dans la main – et cette rage murmurante au milieu du front. Comme un sommeil qui se prolonge encore...

 

 

Les hommes – les vivants – rassemblés autour d'un feu sous les étoiles. Parmi les fumées, les rêves et la cendre que disperse l’espièglerie des vents. Comme si les cris et les songes étaient insuffisants pour nous hisser jusqu'au silence – et décrocher les âmes de leur piquet...

Comme une ombre au milieu de la lumière. Comme un silence – un trésor – dissimulé encore parmi l'or et la poussière...

Comme un soleil lointain qui décline à l'horizon – et que nous ne verrons peut-être pas se lever demain...

 

 

Du temps, du labeur et des mains vides malgré les fronts – si chargés de rêves – baissés contre la terre – et les pelles qui s'acharnent encore à remplir quelques sacs de sable et de poussière...

 

 

Nous vivons dans une insulte permanente au sacré avec des ombres – et le diable peut-être, allez savoir... – plein les mains – et plein les poches. Égrenant les songes – et égrenant les pas – tout au long de l'enfance – de cette enfance qui n’en finira peut-être jamais...

 

 

Le cœur manque de tout. Et plus encore de silence...

L'âme crie sa faim et nous lui offrons l'indigence – le trésor et le sable des saisons, des moissons et de la chasse. Comme l'évidence des ténèbres – et notre aveu d'impuissance face à la folie – et face à l'absence. Et notre plainte – notre chant – n'atteindront peut-être jamais la grâce et le silence...

Nous pourrions renaître mille fois – des milliards de fois – toujours la misère nous écarterait de cette aurore qui tombe déjà ailleurs sur la neige d'un autre monde – d'une autre vie – en frôlant nos âmes si affamées – et recluses depuis toujours dans leur oubli et leur champ de fleurs et de peines...

Et nous sommes pourtant déjà portés à bout de bras par le silence – et lovés au creux de toutes les lumières. Mais l'innocence nous manque encore pour troquer nos songes et nos étoiles contre un peu de solitude...

 

 

Et ces pas si lourds. Et ces heures si sérieuses. Et ces livres si obscurs. Et ces gestes si pauvres que jamais nous ne pourrons atteindre la lumière – et remplacer nos rêves par le silence...

Il faudrait inverser les saisons – et nous offrir la démesure de l'hiver – extraire l'exubérance du printemps – la folie joyeuse de l'été – et nous en recouvrir – et écouter la sagesse de tous les automnes pour les retrouver...

 

 

Toutes ces possessions (le terme « appropriations » serait sans doute plus judicieux...) dont il faudra nous défaire... Et ce rien encore auquel il ne faudra nous attacher... L'innocence est à ce prix...

Et une fois notre dû payé, pourront s'offrir le silence et la lumière. Ce que nos pas trop pressés – et si couards – et nos gestes si vifs – et si affamés – ont cherché partout pendant des siècles – pendant des millénaires – en nous enfonçant (progressivement) dans un sommeil imperturbable...

Et des rêves et des poignards encore, il faudra nous arracher pour voir se déliter l'espoir du renouvellement de la chair, de la renaissance du corps et de la résurrection de l'âme, alors seulement s'ouvrira le désert – et s'inviteront l'instant et le soleil à toutes les fêtes qui célébreront, en silence, le vide et le rien – et les circonstances – toutes les circonstances, si fugaces, qui les traversent...

 

 

Ecrire. Ecrire encore. Ecrire toujours dans ce corps-à-corps entre le silence et la parole. Quelques pas entre la présence et le vide pour laisser ouvert et libre ce passage où pourra se glisser la lumière pour éclabousser d'un peu de blancheur et de joie toutes ces pages saturées d'encre, de mots et de bruits...

 

 

A deux pas de la joie – et assis au milieu des malheurs. Ainsi vivent – et meurent – les hommes...

 

 

Et dans la chute – et dans la fuite – le rêve encore. Comme la rengaine de l'illusion – de toutes les illusions. Et cette terre – et ce temps – creusés par la faim et l'avarice. Et l'éternel retour entre les songes et les chimères. Cette maladie de l'enfance de l'homme qui croit vrai ce qui ne l'est pas – et ignore toujours l'invisible – la trame de toute chose où il s'imagine prisonnier. Et pourtant, un chant et quelques prières s'élèvent encore parmi le néant, la faim et la poussière dans ce monde de malheurs, de misère et d'effroi...

 

 

Et nous parlerons encore – et nous parlerons toujours – à ce qui, en chacun, attend la lumière...

 

 

Et soudain un apaisement parmi les déchirures et les abandons – innombrables. La douceur d'être – et son silence – et sa virginité – au-delà – et au-dedans même – des malheurs, du bruit et de la ruse. Comme un aperçu peut-être de ce qui clôt tous les chemins – et toutes les errances...

 

 

Ni cercle ni poussière. Et la marche se poursuit encore. Comme une gloire – une lumière – au cœur de l'inconnu qui se dresse aujourd'hui – et apparaissait déjà autrefois dans chaque foulée. Comme le terme peut-être du voyage – de tous les voyages – malgré les pas qui foulent encore la terre et continuent de s'agiter – et de se presser – parfois devant les promesses de l'horizon...

 

 

Le parfum de l'immensité. Le goût du silence. La soif d'infini. Le chant de la lumière. L'immobilité enivrante du destin. Et cette promesse du regard – et des pas sereins parmi les visages et l'atrocité. Et cet Amour qui se dessine avec plus de vigueur dans l'âme autrefois si fébrile – si ravagée – et si vide – et si humble – aujourd'hui, prête à aller parmi les brûlures et la poussière sans blâmer les horreurs de ce monde – et de cette vie – et l'odieuse – l'atroce – complicité des hommes...

 

 

Comme un chagrin lointain emporté vers l'océan – vers l'infini. Comme une enfance – une innocence – si longtemps ignorée qui retrouve sa route et son pays. Ce que la nuit dissimulait – et ce que nos jours réalisaient en rêve. Cette indifférence aux gouffres. Et ce printemps né de notre obscurité...

 

 

Beauté, lumière et allégresse pour célébrer le chemin – tous les chemins – l'ombre et le néant – au-delà de l'ignorance, du mépris et de l'indifférence. Cet Amour – ce grand Amour – où peuvent fleurir à présent toutes les grâces malgré l'inhumanité de ce monde – et le sang qui coule encore...

Là où le rien et le néant rejoignent le sacré. Là où la lumière s'unit au silence. Là où nous attendait l'Amour qui peut à présent jaillir – et tout accueillir malgré la haine, la prétention et l'ignorance qui partout sévissent encore...

 

 

Derrière l'apparence, le mystère. Et après le devenir, le silence. Cet Amour – ce grand Amour – qu'ont cherché les hommes – et qui accueille à bras ouverts – et efface ce qu'on lui offre sans jamais blâmer – ni jamais meurtrir – les gestes, les âmes et les intentions...

 

 

Surpris encore parfois par la nuit. Comme si les ombres – et le noir – ne pouvaient nous quitter définitivement. Fidèles peut-être au puits que nous sommes – et que nous avons toujours été – posé entre le ciel et la terre – cherchant encore – cherchant toujours – son eau et sa lumière...

 

 

Une fenêtre sous les toits. Un arsenal contre le mur. Et l'ennui des hommes. Et leur guerre et leur sommeil malgré les gouttières gorgées – débordantes – de lumière...

Vivre avec ce grand mal – cet ennemi mortel – si vivace encore au fond de l'âme...

 

 

Chaque jour, contempler les naissances et les drames – l'eau qui coule – les égorgements et les larmes. L'incessant labeur des existences – entités condamnées et punitives peut-être – dont les bruits – et le vacarme – prêtent toujours autant à rire...

 

 

Les débris de notre château parmi les ruines (parmi nos ruines) résisteront longtemps encore au temps et à l'oubli. Comme si leur persistance – leur insistance – encourageait l'ajournement de notre plus grand désastre – et qui sera aussi, ne l'oublions pas, notre seule échappée possible...

 

 

A toute heure du jour, les bruits du monde, infernaux – les éclats de voix – les éclats de rire – comme des bouts d'étoiles enguenillées que dispersent les vents. Et que j'entends arriver – s'éloigner et disparaître – par la fenêtre entrouverte. Et que ma main recouvre de mots. Et que mon âme prend soin d'accueillir et d'entourer d'un peu de silence...

 

 

Peupler l'attente de rêves – et l'agrémenter d'espoir et de rires, les hommes ne savent vivre autrement. Et malgré leurs bruits, leur misère et leur violence, ils demeurent endormis – et s'enfoncent, avec toujours plus de mollesse, dans leur sommeil. Dans une sorte de ronronnement paresseux – et de vivre doucereux – si illusoires – et si tragiques...

Avec trop de discordes encore au fond de l'âme pour s'abandonner à l'étreinte et recevoir sans orgueil (ni malice) le plus précieux du silence... Un amas de songes, de bruits et d’indolence qui les conduira à nouveau vers la chute, inévitable, et l'absence. Comme les seules possibilités – les seules litanies peut-être – du monde et des siècles. Une approche – et une perspective – presque impardonnables...

 

 

Encore un peu de bleu pour dessiner le ciel et l'océan. Et donner quelques couleurs – et un peu de blanc – à la terre. Et souligner sa noirceur et lui offrir, plus tard sans doute, la lumière en attendant le délitement des promesses – de toutes les promesses – et l'effritement du soleil – de tous les soleils. Avec, espérons-le, encore un peu de joie autour du silence...

 

 

La mémoire désespérante du rêve qui maintient captive l'armée des ombres. Le sortilège sans doute le plus insensé de l'histoire du monde...

 

 

Une nuit, un geste et une passerelle jetée entre le passé et l'inconnu sur les eaux sombres qui coulent – et couleront encore...

 

 

Nous sommes les créateurs du monde et du langage, nés de ce silence que nous avons oublié...

 

 

Nous devrions apprendre à nous absenter jusqu'à ce que les noms perdent leur importance – jusqu'à ce qu'il n'y ait plus qu'un seul visage ; le nôtre, bien sûr, souriant en silence parmi tous les yeux encore affamés...

 

 

Y a-t-il encore un peu de place pour l'homme entre l’ennui et le silence – parmi ces choses, ces idées, ces sentiments et ces êtres – empilés à la diable dont il faudra, un jour, apprendre à nous défaire...

Entre la vie et la mort, entre l'or et la poussière, entre le souvenir et les heures prochaines, qu'y a-t-il donc que nous n'avons su voir...

 

 

Une parole encore – presque inaudible – dans le silence parmi la fureur des autres voix. Le cri d'un homme – arrivé peut-être au bord de la lumière – qui se jette dans le bruit des autres hommes peu soucieux de mélanger leurs pas au hasard – et croyant voir le jour là où il n'y a que le jeu et le sommeil – et parfois la pensée mortifère...

 

 

Et cet élan maladroit – et cette passion maladive – des hommes qui vouent leur existence entière à essayer d'effacer le silence en le remplissant, de bric et de broc, avec cet amas insensé d'êtres, de choses et d'activités. Comme si l'infini – l'illimité – et leurs mystères – leur semblaient trop vertigineux – impensables presque – pour y consentir – y consacrer leur vie et s'y abandonner. Comme si le monde, les hommes et les bêtes se heurtaient sans cesse à leurs limites – si franchissables pourtant... Et déniaient par leurs actes et leurs paroles – et par leur vie même, toute transcendance – toute possibilité de verticalité...

 

 

Et pourtant nous continuons à écrire – et continuerons sans doute demain à nous consacrer à cette humble tâche – comme si les mots nous avaient toujours précédé dans le silence. Comme s'ils en émergeaient depuis toujours – et y retournaient inlassablement – avant même que nous vienne l'idée de les écrire – et que nous soient offerts le désir (et la force) de les suivre. Comme les prémices – l'avant-goût peut-être – de cette rencontre inoubliable – de ces retrouvailles avec ce qui ne nous a jamais (vraiment) quitté – avec ce que nous avons oublié pour rejoindre le monde – et aller sur ses chemins – en croyant qu'ils nous livreraient ce que nous avons toujours cherché malgré nous...

Oui, sans doute écrirons-nous encore – mais plus silencieusement peut-être – pour célébrer la lumière qui nous a guidé jusqu'à elle en défaisant nos ailes et notre fièvre d'infini – en nous délivrant des peines et de cet élan, inépuisable, vers elle. Elle qui, un jour, nous terrassa, au faîte de cette quête, pour nous livrer au plus humble des jours – et à ce qui passe – et dure toujours sans même que nous nous en apercevions – ce trésor dans chaque grain de poussière – ce que nous n'osions à peine regarder autrefois de peur de salir notre rêve de joie – et de nous y enliser pour toujours : ce vide innocent plus frais et candide que la rosée des jours – que nos matins gris et brumeux et tous nos printemps à venir...

 

 

Fils du vent et de constellations lointaines – écartelé encore – écartelé toujours – entre les rives et les étoiles – entre la nuit et le silence. Comme une lumière possible. Comme une lumière à naître peut-être...

 

 

Un pas, un jeu, un oubli. Et le recommencement de toutes les naissances – et de toutes les vies – jusqu'à la frontière au-delà de la mort – au-delà de toutes les morts – pour devenir l’œil, l'eau, le vent, les marées, les rives et l'océan – cette aire d'innocence qui honore – et brûle – tout ce qui s'y jette. Heureux palimpseste toujours du monde, des circonstances et de la lumière...

 

 

Libéré de la pensée et de l'impensable. Libre du possible et de l'impossible pour se réduire – et s'étendre – enfin à l'infini et à l'invisible – et mettre (essayer de mettre) quelques mots sur l'indicible...

 

 

L'exil et l'expropriation du commun pour retrouver la solitude et les humbles – et joyeuses – terres de l'ordinaire et du quotidien...

 

 

D'une voix à l'autre notre oreille s'égare – et notre âme se perd peut-être. On ne peut résister aux bruits. Mais on peut demeurer fidèle au silence – et à la sagesse muette du ciel...

 

 

C'est encore tout souillés de rêves que nous avançons vers la lumière. Et c'est elle qui décide de l'heure de la grande nudité pour s'offrir. Nos prières toujours seront vaines. Aussi inutiles que nos cris. Seules les circonstances – et le sort qu'elles jettent à notre âme – dictent notre destin – son rapport et ses liens avec elle. Et elles seules peuvent offrir sa venue et son règne. Cette entrée discrète – presque secrète – dans la joie et le silence...

 

 

L'apparente exubérance de la terre saute aux yeux des naïfs. Mais s'ils voyaient – s'il leur était offert de voir – la folle témérité du silence – et les prodiges – les danses et les palettes de couleurs – innombrables – de la lumière, ils succomberaient aussitôt au tournis de l'ordinaire sur les visages...

 

 

Nous vivons comme des orphelins sous l'emprise du malheur – ignorant la matrice qui nous fit naître – et sa main, si tendre, qui toujours accompagne nos foulées si timides – et si timorées – vers elle. Nous croyons nous abandonner à la volonté, au destin ou au hasard alors que nous vivons déjà sous son règne depuis nos premiers pas...

 

 

Un chemin, une falaise et une mer à traverser. De la poussière, des promesses et des poignards – des vents, des griffes et des visages – que nous essayons de combattre et de séduire alors qu'il faudrait les apprivoiser – puis nous en défaire et leur abandonner ce que nous croyons être notre destin. Comme le gage de notre innocence – et la promesse certaine, mais lointaine encore peut-être, de la venue du silence et de la lumière...

 

 

Un coin de terre pour poser son visage. Et un coin de ciel pour y déposer son âme. Ensuite nous pourrons laisser les chemins décider de leur destin...

 

 

Et ce vide – et ce rien – qui viennent (et qui sont là, bien sûr, depuis toujours) – et qui rient – qui rient – de notre (apparente) infortune, de notre ignorance et de nos tentatives (si ridicules) pour les fuir, les remplir ou les saisir. Comme un beau visage si proche – et si lointain – riant toujours de bon cœur avec nous pour nous dire – nous apprendre peut-être – que rien, au fond, n'a d'importance. Que la lumière n'est pas si différente de l'ignorance et de la maladresse. Que le bruit n'est pas moins que le silence. Et que la nuit équivaut au jour... Que jamais nous ne pourrons nous défaire – ni nous emparer – du vent et du sable – de la joie et de la sagesse. Que jamais nous ne pourrons échapper au soleil et à la poussière. Et que la vie – et le monde – continueront encore et toujours d'aller à leur manière...

Comme une tendresse douce – et éclatante – qui ne peut nous quitter. Présente toujours dans le malheur comme dans le bonheur, si passagers – dans l'absence comme dans la présence – partout où nous allons – partout où nous sommes allés et partout où nous irons. Comme pour nous dire peut-être qu'il n'y a, au fond, jamais ni d'errance ni de perte...

 

 

Nos petits papiers, bien sûr, ne sont pas des trésors. Ils ne sont rien. Des soupirs parfois. Un cri étouffé dans l'atrocité. Une main – une pauvre main tendue – vers l'indigence pour dire au monde – et à ce silence enfoui encore en lui – de ne pas désespérer – et d'aller, s'ils en sont capables, au-delà de l'espoir et de la désespérance pour voir un jour – le jour le plus inattendu sans doute – au milieu des larmes et de la plus grande incertitude, arriver la lumière et le silence...

 

 

De la poussière, du feu et de la mort. Les hommes, décidément, n'auront rien compris – ni rien appris – de leur passage... Sans doute devront-ils revenir mille fois – des milliards de fois peut-être – pour apprendre à échanger leurs armes et leurs larmes contre quelques fleurs – et transformer la poussière, le feu et la mort en vent, en joie et en sourire pour que se dessinent sur leur visage fatigué – et sur leur âme heureuse de cette traversée (et heureuse de tous les passages) – une lumière et un silence...

 

 

Comment dire à un dormeur qui se croit éveillé qu'il rêve ? Voilà l'impossible enjeu – et le périlleux défi (dans le meilleur des cas) de toute communication... Deux options se présentent alors : entrer dans son rêve ou le réveiller. Et dans les deux cas, notre interlocuteur aura sans doute toutes les peines du monde à comprendre – et à admettre – qu'il était en train de dormir et/ou que le sommeil l'habite encore... Le plus sage serait peut-être d'abandonner cette piètre alternative – et de patienter : de le laisser s'extraire de ses songes – et de sa nuit – de le laisser s'éveiller à son propre rythme...

 

 

Et ce joyeux désespoir qui parfois encore nous étreint. Comme s'il fallait que l'âme se mêle à la neige – et que nos paupières conservent une trace de notre passage...

 

 

Et si nous attendions la fin du sommeil – et l'extinction des cris – à l'abri dans le silence de l'âme...

 

 

Et si le froid et la bestialité – et la cruauté parfois – ne nous avaient enjoint d'échapper à la nuit, où serions-nous à présent... sur quel chemin errerions-nous encore... Pleurerions-nous toujours au bord du sommeil...

 

 

Et si nous mourrions sans avoir (r)éveillé nos frères, dans quelle contrée renaîtrait-on ?

 

 

Et si la mort n'avait pas l'envergure qu'on lui prête. Et si elle n'était qu'une façon de se séparer – et de s'absenter – plus encore...

 

 

L'arbre met en lumière ce que souvent la parole obscurcit. Le monde naturel toujours plus proche de la vérité que tout discours – et que toute oreille savante et intellectualisante...

 

 

L'ombre entre l'obscur et la lumière est, bien sûr, une clarté potentielle – une nitescence en devenir qu'un refus des masques et une lucidité exigeante guideront jusqu'à l'étincelle, l'embrasement et le feu du plus lumineux qui sommeille (encore) en elle...

 

 

Une main dans le sommeil qui des ténèbres implore l'Amour. Et qui attend la réconciliation de nos mille visages et l'effacement de la jointure inutile et imparfaite – la ligne de démarcation – entre la terre et le ciel – cette frontière illusoire qui nous sépare du monde et de nous-mêmes...

 

 

Seul encore entre les affres et les passerelles. Comme si le monde était toujours aussi inhabitable. Comme si les yeux cherchaient encore la douceur assise au bord de l'âme – et à l'immuniser contre la violence – avant de l'autoriser à s'extraire de sa gangue et à poursuivre sa route parmi la haine, les âmes ignorantes et les instincts si assassins...

 

 

Et derrière l'horizon, entre le ciel et la terre, on voit déjà le jour se lever – et évincer la nuit et les étoiles – pour éclairer le monde et faire oublier ces siècles de terreur et d'effroi – ces ténèbres – qui maintiennent encore les hommes prisonniers de la barbarie...

 

 

Nous vivons encore (trop souvent) comme des aveugles brandissant leur sabre devant l'abîme. Comme des âmes tremblantes et terrorisées par la lumière avec quelques idées imprimées sur la chair et cette fièvre au fond des yeux que nous implorons pour nous délivrer de nous-mêmes...

Il suffirait pourtant d'un regard célébrant la fin des chemins – l'extinction des questions et des guerres – pour voir l'innocence remplacer l'ignorance. Et il suffirait peut-être d'un sourire, d'une parole, d'un poème ou de mille rencontres pour offrir à cette quête – et à cette angoisse – l'ivresse de l'Amour et du silence – le goût de l'Autre en soi – et le goût de soi partout ailleurs – pour délaisser les ténèbres où nous sommes plongés et ouvrir (enfin) les portes de l'Amour et de la félicité... Là maintenant, en cette heure, aujourd'hui ou dans mille ans peut-être. Aussi sûrement que nous ne formons qu'un seul visage, celui de l'Amour et du silence, malgré ce noir et ces siècles de terreur qui durent encore...

 

17 décembre 2017

Carnet n°122 Encore un peu de tout, d'incertitude et de silence

Journal poétique / 2017 / L'intégration à la présence

Rien ne disparaît dans le silence. Ni l'herbe ni la beauté. Ni les arbres ni le désespoir. Ni les oiseaux ni la souffrance. Ni les pierres ni le bruit. Ni les hommes ni la mer. Mais leur visage – tous les visages – prennent la couleur du ciel et de la lune. Et toutes les paroles deviennent des caresses – et des fenêtres sur l'incertitude. Comme un faîte – une lumière – au fond des abysses – au cœur de la nuit...

 

 

Ces bruits et ces festins du jour que le silence – et les pas – déclassent. Et ces lois de la nuit qu'ils enfreignent. Comme une liberté – un grand feu de joie – dans la lumière...

 

 

Ni question ni hospitalité. Un seul silence sur nos dissemblances pour que s'épuisent les luttes et le doute...

 

 

Ce peu de mort que craignent les hommes. Et qui nous ravit – et nous réjouit (au plus haut point). Et qui nous donne à espérer presque autant que le silence. Discrète avant-porte de l'humilité et de l'innocence – ce qui manque si cruellement à ce monde englué dans l'orgueil, la prétention et le savoir – si risibles pourtant...

 

 

Cette folle passion de l'Absolu. Dévorante jusqu'à l'anéantissement de toute vigueur – de tout élan. Jusqu'au seuil de cette puissance insensée qui viendra revigorer notre âme si exsangue – et la faire renaître au centre même de l'énergie et de la lumière – après tant de luttes, de deuils, d'abandons et d'obscurité...

Là où nous abdiquerons naîtra cette intensité. Et là où mourra la volonté naîtra cette inépuisable ardeur...

 

 

[Modeste hommage à Edmond Jabès]

Marges, questions et ressemblances. Dialogue, partage et hospitalité. Et ces mots qui retracent l'écorce du monde au milieu de l'ombre. Comme une mémoire et une main faites pour effacer le parcours et le désir d'un commencement parmi les jours de pluie et de soleil. Le pacte de tous les printemps. La voix de l'encre. Le fond de l'eau. Et la clé de voûte où nous bâtirons, un jour, notre demeure...

 

 

Le simple déroulement du temps. Le cycle des jours. La ronde des saisons. Et la danse éphémère des visages. Ce presque rien dans le silence...

 

 

Les murs et ce froid glacial qui parcourt les échines et la terre. Et ces âmes trop en peine pour se redresser qui glissent sur la pente des malheurs. Comme si l'aube était trop haute... Et la lumière encore impénétrable depuis les fenêtres du crépuscule...

 

 

Comme si nous refusions d'embrasser la solitude – notre solitude – toutes les solitudes du monde. Comme si nous préférions rester muets devant tant de beautés – tant de promesses – devant ce corps-à-corps du poème et des saisons – devant cette étrange clarté qui brille au fond des âges et dans l'âme des bêtes humaines...

 

 

Entre la fatigue, l'or et le charbon, cette fièvre – ce volcan – prêts à s'éteindre pour un peu de sommeil – et un plus grand feu encore peut-être – aperçu en rêve. Et que l'on voudrait voir apparaître avant que nos cheveux blanchissent – avant les premières magies de la vieillesse qui nous feront aimer (et regretter moins sûrement) notre danse imperturbable parmi les voix abandonnées à leur sort – et les chemins qui s'apprêtaient à nous sourire enfin...

 

 

Le rien nous poussera encore jusqu'à la chute. Jusqu'à la fin des crépuscules – et jusqu'au début de l'aurore. L'incertitude ensuite prendra le relais. Elle s'invitera – et dessinera sur les jours ses imprévisibilités. Et nous danserons alors joyeux parmi les visages hébétés – et inquiets – dans les feux et la lumière de l'incertain. Et nous vivrons aussi vieux que les étoiles – et aussi frais que l'herbe coupée – à chaque instant de liberté offerte...

 

 

L'innocence à l'essor rudéral que l'on voit éclore et s'épanouir parmi nos ruines et nos désastres. Comme un avant-goût du silence et de la lumière. Et l'évidence de leur puissance et de leur capacité à se répandre – et à croître – dans tous les espaces laissés délibérément vacants...

 

 

Une fièvre – un feu – encore derrière le visage radieux – ouvert – qui a su abandonner aux vents ses blessures – rapiécées, à présent, par le silence...

 

 

Dormir encore au-dedans des pierres sur toutes ces routes frémissantes – et affamées de soleil. Aller partout où les étoiles et la gaieté nous appellent. Et mourir sans hâte de n'avoir su découvrir les promesses – le sortilège – ce qui hante notre âme depuis nos premiers pas – notre premier sommeil...

 

 

Des cercles, des triangles, un mystère. Des rectangles et des carrés horizontaux où se glisse secrètement l'énigme verticale couverte de songes, de buée et de cris – et dont le faîte effleure les nuages – et la rosée de tous les matins à venir...

 

 

Et le sable où sombrent nos rêves – tous nos rêves – et où se poseront, un jour, nos âmes redressées... Et ce souffle qu'emboîtera notre talon – comme le seul élan possible après le silence...

 

 

Quelques plumes encore sur la grande nappe blanche où se côtoyaient les hommes et les Dieux. Nos aveux et le renoncement. L'envol impossible. Icare – tous les Icare – livrés à la poussière. Abandonnés à la terre – au plus humble des jours...

 

 

Et ce soleil – ce grand soleil – qui n'en finira jamais d'inviter nos pas au silence... Comment ne pas rire aujourd'hui de toutes ces lettres, un peu ridicules, qui dansent sur la page. Posées là par quelque vent mystérieux, échappées peut-être de la bouche d'un Dieu moqueur – et hilare (sans doute) de voir notre obéissance – notre soumission si docile et hiératique à ses impératifs et à ses exigences. Et le monde – et le langage – si sérieux que l'on en oublie parfois le fou rire – originel – si indispensable (pourtant) pour alléger le poème et la parole – et la vie même – et leur offrir le privilège – que dis-je ? – la grâce – d'aller libres – et sans loi – vers ce que le monde ignore encore si obstinément...

 

 

Et ce courage d'aller seul – toujours seul – malgré la nuit, l'ivresse, l'ignorance et les tempêtes. Malgré les rires qui éventrent, les yeux qui dévisagent et foudroient, les épaules qui se haussent et les âmes qui se détournent à notre passage...

Ce courage des solitaires en dépit de tous les soleils à venir qu'ignore (encore) chacun de leurs pas... Comment ne pas leur tendre la main, ne pas les aider à effacer leur faim et à s’extirper de leurs rêves... Comment ne pas guider leur foulée jusqu'au dénuement pour qu'ils puissent traverser les orages et les contrées désertes – pour que leur âme découvre enfin ses racines – l'invisible que cherchait leur courage dans la nuit parmi l'indifférence, les moqueries et les yeux assassins...

 

 

Dans une fleur minuscule, le soleil présent déjà tout entier. La beauté et le silence malgré la bouche des ruminants, la main – et la faux – trop lestes, si souvent, des hommes. Comme si elle avait su apprivoiser la joie malgré la mort et le destin...

 

 

Et cette colère – et cette rage – qui nous auront fait détester les ombres pour un plus grand silence encore – ce lieu où se dissolvent l'ambition et la tristesse. La source de tous les (re)commencements...

 

 

Cette richesse du rien qui offre tout – tellement plus que ce que convoitait la faim – notre faim – et ce dont s'emparait la main – notre main – si avide...

 

 

Et ces lignes qui osent s'écrire – et s'inscrire – au seuil de toutes les joies – sans le moindre doute ni le moindre soupçon. Comme une urgente nécessité à percer la bêtise et à creuser le néant – à traquer avec courage et ténacité le miracle où nous vivons – cette présence qui sommeille encore derrière tant d’absence et de dérisions...

 

 

Des siècles de malheurs qui nous auront poussés et hâtés – effacés en un seul instant...

 

 

Une marche florissante qui, d'ombre en espérance, nous aura menés à l'effacement. Jusqu'aux portes du silence où la lumière brille plus vive que dans nos rêves – et plus vive que l'or que nos mains ont dû abandonner – et qu'auront, sans doute, ramassé quelques âmes et visages moins pressés...

 

 

Et cet abandon au fond de la tristesse qui libère des larmes – et offre de devenir ce que nous avons toujours délaissé avec obstination – par ignorance et excès d'orgueil – cramponnés à nos vies si blanches... Comme des oiseaux privés d'ailes se souvenant soudain qu'ils en sont pourvus – et qu'elles gisent là quelque part, inutilisées, parmi les plumes...

 

 

Meurtri par quelques souvenirs indélicats – et pourtant sans importance. Avec ce désir d'être ailleurs – d'être un autre. Comme un besoin forcené de se fuir encore malgré le silence et la lumière. Comme si nous ne pouvions échapper ni aux blessures ni à la guérison. Et moins encore à ce que nous sommes...

Comme une ligne permanente – un étroit sentier – entre le monde et le rêve – entre le réel et le fantasme. Comme une force irréductible qui nous pousse à ressasser – et à se resserrer plus encore... Comme un désir d'oubli auquel nous ne pouvons consentir. Comme un sommeil au bord de l'infini dont nous ne pouvons nous extirper...

 

 

Et cette solitude qui n'en finira jamais de nous sourire – et de nous éblouir. Comme des enfants immatures pris entre leur désir d'être seuls et leur besoin – leur attente – de caresses...

Et tous ces colliers de prières inutiles que jamais n'exaucera le destin. De l'espoir – et de la poudre aux yeux – seulement. Comme une maladroite façon de contenir ses larmes...

Et cette vie si prudente qui nous interdit l'aventure. Comme si nous avions passé l'âge des jeux et des délires – de ces histoires que nous aimions nous raconter autrefois pour avoir moins peur – et nous défaire de l'ennui – de cette attente de jours plus joyeux et de ciels plus bleus qui ne viendront peut-être jamais...

Et pourtant, au cœur même de cette tristesse, l'oubli et les vents nous gagnent – franchissent tous les obstacles que nous nous sommes évertués à empiler pour empêcher – ou retarder – leur passage. Comme si la lumière et le silence habitaient aussi la mélancolie...

Et aux abords de cette attente, l'infini aussi patiente...

 

 

Un océan de douleurs persiste encore – avec ses ombres – dans l'âme criante au cœur de sa nuit. Comme si la lumière ne pouvait se lever entière – pleine – lorsque les pas se font si tristes – et que les larmes se retiennent au bord des yeux...

 

 

Visage parmi les visages. Souffle parmi les souffles. Rire parmi les rires. Et quelques larmes parfois dans le silence...

Et cette lumière qui traverse la nuit – cette longue nuit presque sans étoile...

Comme un chemin gorgé d'eau et de larmes. Une pluie sombre – et dense – parmi les ombres. Peut-être encore un peu de désespérance – c’est-à-dire encore un peu d'espoir d'être ailleurs – un autre – d'être celui que l'on n'est pas encore – et que nous pourrions peut-être ne jamais devenir...

Comme si rien ne pouvait être saisi – décidé – arrêté – et que tout s'échappait encore ; la vie, le monde, le destin. Et que seul persistait le regard sur nos rires et nos pleurs – et sur notre visage défait par tant d'incertitude...

Comme un bruit – persistant – entre les étoiles. Sur les chemins et dans nos errances. Et au cœur même de la lumière. Comme le signe distinctif du vivant – et la présence en nous d'un monde peut-être inguérissable...

 

 

Ni voix rebelle ni outrage au sein de la lumière. La trace – la place – jamais défaite des réjouissances et du désastre. Et de la tristesse aussi. Ce que jamais nous devrions haïr ni blâmer – et moins encore refuser...

 

 

Un temps – une éternité peut-être – que l'on se fréquente – et ce monde et cet élan en nous qui débordent notre peau – et élargissent nos frontières jusqu'à rompre – et jusqu'à briser parfois – le cœur... Et qui rapprochent toujours l'âme de son souffle premier – et de cette présence en nous qu'elle ignore...

Comme si rien ne pouvait écorcher la surface de la mémoire. Comme si la pesanteur naturelle enfonçait lentement les eaux remuées du temps – et les convertissait en strates – en vents – en abîmes où se noieraient tous nos jours – passés, présents et à venir...

Et cette carte nouvelle que les jours auront dessinée – et que nous ne verrons peut-être pas. Trop pressés par les foules, le temps et nos fausses exigences d'oublier nos pas, les chemins et le ciel d'automne pour pousser la porte d'autres rêves – et d'autres rives – plus libres et plus grands que ceux auxquels nous autorisent à croire les hommes...

 

 

Un peu d'espace – un peu de lumière – encore où l'on pourrait se réfugier pour être un peu (ou, du moins, essayer...) au lieu de passer sa vie à dévisager la nuit – sans le moindre espoir de la voir, un jour, se dissiper...

 

 

Quelques objets – quelques souvenirs – un peu d'espérance et quelques désirs enfoncés dans l'abîme où vivent les hommes. Une existence entière à attendre la lumière dans le noir sans qu'un seul rai jamais n'effleure notre âme. Comme un grand manège – souterrain – qui tournoie – et fait tournoyer – sans être capable jamais d'extraire du néant...

 

 

Faire nôtre ce qui nous effraye, nous malmène et nous anéantit pour que dansent toujours en nous la vie, les objets, les hommes, les bêtes et la mort. Pour que jamais ne s'efface notre chant dans le silence – et sur les chemins où la lumière a été abandonnée – et où elle ne peut pénétrer encore...

 

 

Encore un exil au milieu de la nuit – et au milieu des visages inexpressifs – lointains depuis toujours...

 

 

Faire plier le rêve sous la langue pour libérer le réel, la lumière et la parole – et quelques autres trésors oubliés...

Comme une brèche où ne pourrait s'enfoncer qu'un seul monologue – celui du silence dont nous avons oublié les paroles...

 

 

Nous sommes le monde – le monde peuplé de tout ce que l'on ignore – des vivants, des morts – et de tous ceux qui ne sont pas nés encore. Comme un rêve éphémère fait de songes, de boue et de désirs. Comme un enchevêtrement d'absences – et une folle envie de vie et de présence. Et cette lumière, enfouie depuis toujours, que nous n'avons jamais su voir...

 

 

Pris déjà – depuis toujours sans doute – par cet élan qui ensorcelle la chair – et dénude l'âme de ses embarras. Porté déjà – depuis toujours – par cette lumière qui éventre les songes – et nous abandonne au bord du néant – et nous y plonge ensuite pour convertir nos rêves et nos peurs à l'évidence – à cette présence qui anime nos gestes et nos pas depuis la première nuit – depuis notre premier sommeil...

 

 

Des tombes et des vivants – toujours malgré la nuit. Malgré la vie. Malgré la mort. Malgré le silence et la lumière. Comme une présence – une ronde interminable – sources de tant de pleurs – et sources de tant de rires. Comme une pulsation qu'ignorent le sommeil et l'oubli...

 

 

Des roches, des murailles, des broussailles. Et le chemin invisible qui traverse la nuit – toutes les nuits. Et qui découd les étoiles du ciel. Et offre progressivement à chacun le goût de l'hiver et du silence – la solitude amoureuse de la terre, des ombres et des visages – et la certitude d'une lumière au fond de chaque ignorance...

 

 

Comme si le silence nous narguait encore parmi les bruits – parmi la colère et les éclats de voix. Comme s'il voulait être écouté encore et encore – et que nous lui rendions grâce au milieu du vacarme – au cœur de l'affreuse cacophonie du monde où les âmes maladroites cherchent toujours leur délivrance...

 

 

On écrit parfois ce que l'on cherche encore de façon si gauche – si malhabile. Comme si nos mains ne pouvaient saisir ni le vent ni la poussière. Comme si notre âme n'était pas même capable de saisir ce que cache si sournoisement l'horizon : cette lumière – ce silence – dont nous ne pourrons jamais ni nous défaire ni nous emparer...

 

 

Vivre encore – vivre toujours – entre l'absence et les cris – entre tout ce qui s'échappe – comme si le vide et la chute étaient inévitables. Et nous tomberons tôt ou tard – et frapperons, en vain, à toutes les portes. Et nous nous relèverons – et continuerons à aller seuls – sans aide et sans un regard – pour appuyer d'abord – et déposer ensuite – notre tristesse et notre détresse – quelque part – là où tout s'affaisse – là où rien ne peut être posé – là où rien ne peut être dissimulé : dans ce silence et dans ce monde où tout s'échappe et nous abandonne...

 

 

Une carte, un horizon. Et quelques désirs que les saisons feront agoniser. Et l'automne bientôt. Et l'hiver à sa suite avant que le silence ne recouvre tout : ce peu de cendres que nous laisserons à notre mort...

 

 

Le silence ne pliera sous aucun désir – sous aucun cri – sous aucune menace. Il effacera lentement ce que nous avons mis des siècles à bâtir. Et édifiera pour nous un chemin d'abandons : la seule voie – la seule délivrance – possibles...

 

 

Des poches pleines. Et des cloches qui sonnent. Et partout des mains qui aiguisent leur couteau – et comptent leurs pièces. De l'eau qui coule – qui coule un peu plus loin – qui coule sous les ponts. Et quelques siècles – et quelques tombes – plus tard, les poches seront toujours aussi pleines (et peut-être même davantage...). Les cloches sonneront encore au milieu du jour – au milieu de la nuit et des couteaux. Et les yeux se fatigueront toujours à compter l'or et les lingots. Et l'eau coulera encore – et continuera à déposer toutes ses chimères sur les rives où vivent les hommes...

 

 

Viendra le jour où nous nous abandonnerons à la mort et au silence... Et disparaîtra alors la nuit – et disparaîtront alors toutes les nuits...

 

 

Attendre le silence – et lui demander (oser lui demander) quand adviendra le jour des retrouvailles...

 

 

Un jour, la main saura se faire plus légère que la plume. Le regard plus vif que l'orage. Et le cœur aussi large peut-être que le ciel. L'âme alors ne sera plus de ce monde. Elle pourra y demeurer encore – y habiter quelque temps – mais ses gestes et son silence seront portés par un élan antérieur : la certitude de la lumière...

 

 

Une marche, un souffle, un silence. Et la mémoire qui s'efface – laissant soudain le champ libre à l'incertitude et à l'inconnu...

 

 

Un peu de joie sur les épaules pour absoudre la tête noire – la vider de son jus – et la faire disparaître pour que ne subsiste qu'une innocence sur un talon docile et vierge – prêt à toutes les ruades et à tous les silences...

 

 

Une bouche – un cri – qui cherchent leur silence. Et au cœur de celui-ci, un plus grand silence encore qui effacerait les lèvres et les plaintes – toutes les lèvres et toutes les plaintes – avec un goût de neuf peut-être sous la langue pour que la parole puisse enfin éclairer – et l'esprit oublier ses repères et ses chemins...

 

 

Un livre ouvert sur la lumière. Une parole dans le silence. Et les jours deviendront beaux – et vivables enfin. Et la vie alors pourra commencer...

 

 

Ici et là, peut-être, une réminiscence dans l'oubli – dans l'effacement magistral. Une ombre dans la transparence. Une opacité – un peu de noir – dans la lumière. Une profondeur dans les eaux bleues et claires. En ces lieux qui nous échappent encore. Comme une tristesse – un peu de boue – dans la joie. Et apprendre à tout effacer pour avoir enfin l'envergure de ses ailes...

 

 

Un peu de pluie, un peu d'écume, un peu de joie pour réunir toutes nos manœuvres – pour que la raison dérive jusqu'aux hauts-fonds de l'océan – pour retrouver la côte et le port, si lointains encore, où nous aimerons nous perdre plus intensément... Pour voguer plus haut – et voguer plus loin – sur la queue du vent – au creux des vagues – vers l'azur et le grand large – partout où l'eau devient la fille du rire et de l'incertitude – partout où l'innocence et la lumière se joignent au silence pour rejoindre la terre – ses rivages et ses visages encore hébétés par ce peu de pluie, ce peu d'écume et ce peu de joie...

 

 

Dans mille ans, nous vivrons peut-être encore sur le dos du monstre – en ignorant son autre face, si belle et lumineuse... Et nous serons (toujours) bien en peine d'imaginer le silence – la beauté du silence – à l'origine de tous les visages...

 

 

La terre, le monde, les hommes. La vie. Et l'apparence et les distractions qui dissimulent leur vrai visage – et la présence des mille réalités perceptibles depuis le silence...

 

 

Rires, aventures, bavardages. Et cette manie – et cette rengaine – de l'illusion qui nous fait croire que la terre – ce grand désert – est un monde peuplé de visages. Comme si le temps existait – et avait quelque importance. Comme si la terre n'était qu'un labyrinthe de murs et d'étoiles. Comme si la lumière pouvait être donnée – et éclairer les hommes...

 

 

Rien ne disparaît dans le silence. Ni l'herbe ni la beauté. Ni les arbres ni le désespoir. Ni les oiseaux ni la souffrance. Ni les pierres ni le bruit. Ni les hommes ni la mer. Mais leur visage – tous les visages – prennent la couleur du ciel et de la lune. Et toutes les paroles deviennent des caresses – et des fenêtres sur l'incertitude. Comme un faîte – une lumière – au fond des abysses – au cœur de la nuit...

 

 

Un feu qui cherche l'aurore. Ainsi naissent les voyages – tous les voyages – et se dessine progressivement la route...

 

 

Comme une fenêtre en plein ciel qui dissipe la foudre et la solitude – qui enflamme la mort, le sinistre et l'inutile – et convertit le monde et les visages en sourire – et notre absurde confiance en joyeuse incertitude pour que nous ne puissions plus jamais nous rendre complices des yeux ignorants et des mains assassines...

 

 

Sommeil, refus et ignorance. Toute la nuit nous aura été offerte ainsi. Trois mots qui auront soulevé le monde, déplacé les montagnes et emporté tous les visages. Trois mots qui auront fait tanguer notre folle embarcation vers des horizons impensables – secouée et ballottée par des vents emplis de songes et de douleurs. Comme une longue dérive – une lente débâcle – un long gémissement – parsemé(e) de quelques prières maladroitement psalmodiées – qui nous aura enfoncés dans le malheur – et éloignés, au fil du voyage, de la beauté, du silence et de la lumière que la terre, le monde, la vie et les hommes réclamaient depuis leur premiers pas dans le sommeil, leurs premiers pas dans le refus, leurs premiers pas dans l'ignorance...

 

 

Le bleu et le silence partout malgré le bruit et la grisaille. Malgré la faim – et les bouches si avides de ciel, les lèvres trop goulues et le gris si saillant de notre nuit. Comme un défi – presque surnaturel – à la pesanteur du monde et à la gravité, si tenace, des âmes...

 

 

A l'ultime question répondra le silence. Et à l'ultime désir, la lumière. Comme la fin du rêve – la fin de tous les rêves. La transmutation des pentes – et de l'horizon – en ciel implacable. L'effacement des différences et des distinctions – et leur conversion en humilité docile éparpillée en un seul visage...

 

 

Tout – toujours – commence dans l'effroi et la terreur. Se poursuit au gré de l'incompréhension, des trahisons et des abandons. Et s'achève dans le silence. Voyage de douleurs et de joies entre la périphérie – la surface – et le centre de toutes les profondeurs...

 

 

De drames en catastrophes, nous avançons irrémédiablement vers la lumière – ce centre de nous-mêmes si ignoré. Et cette réalité que nous imaginions réelle – si réelle – perd peu à peu sa consistance – sa vérité. Elle s'éparpille et s'efface. La vie, le monde et jusqu'à notre visage alors deviennent incertains – le versant fuyant de l'incertitude. Et ce qui arrive – défile et passe comme un courant d'air – frais toujours de notre innocence. Rivière d'une eau toujours inconnue. Grand corps mouvant sans frontière ni démarcation.

Ainsi devient-on silence et lumière sur les ombres – sur toutes nos ombres – si évanescentes. Reléguant l'angoisse et la hantise – le rêve et le devenir – à un souvenir qui s'oublie déjà. Comme un regard inamovible sur des pas et des passagers toujours plus provisoires...

 

 

Des tuiles, des feuillages, l'horizon. Chemins qui se faufilent entre les champs et les maisons. Au bord du ciel toujours, sur cette terre que jamais nous ne connaîtrons...

Des pierres, du vent, des visages. Quelques frissons. Comme des reflets incertains de nous-mêmes. Un songe né peut-être du silence...

 

 

Chant solitaire toujours parmi les voyageurs pour honorer les naufrages et l'océan. Et parfois aussi quelques étoiles qui brillent encore dans la mémoire. Comme un écho du silence célébrant le ciel et l'écume...

 

 

[Modeste hommage à Marie-Claire Bancquart]

Un matin, une famille, un travail, une patrie. Et un territoire – et quelques âmes – peut-être à défendre. Et alors que partout l'on égorge et l'on brûle, d'autres n'ont pas honte de s'adonner aux diversions du rêve – d'élever l'étendard de l'innocence hébétée – nourrie d'incompréhension – pour tenter d'exister à leur place de vivant – pour saluer les morts et tous les visages – et tenter de transformer les drames et les larmes en sourire – et en espoir de délivrance – et œuvrer ainsi au rassemblement de toutes les humbles figures de la terre...

 

 

Et ces pauvres jours encore qui n'apporteront que le gris et la tristesse. Comme l'inlassable rengaine du malheur...

 

 

Tant d'opportunités et de misères dans cette errance – dans cet exil – que ne connaîtront jamais les âmes sédentaires – et les esprits étroits (de fait) barricadés derrière leurs principes et leurs valeurs – derrière leurs murs et leurs barbelés – dont les yeux – et le sourire – ne peuvent se poser que sur leur maigre bande de terre – cette région d'inhospitalité où ne poussent, entre les habitudes et les parterres de fleurs bien alignées, que la lâcheté et la méfiance : toute l'indifférence et la désespérance du monde...

 

 

Le silence et la nuit. Inséparables peut-être comme le ciel et les étoiles. La parole et le poète. Le rire et la tristesse – la joie et les larmes sur chaque visage...

Et notre âme si crispée encore devant la lumière. Et l'espoir – cet espoir – si tenace que nos pas, un jour, puissent nous y mener...

 

 

Un passage toujours entre les passages – entre tous nos passages. Un peu de vent volé à l'enfance. Quelques silhouettes sur les talus aveugles au déroulement du temps, à l'odeur de la fête et à l'hiver qui grimpe aux barreaux de l'échelle. A cette vie qui passe entre l'horloge et le silence – entre nos peines, trop lourdes pour être hissées, et la lumière...

 

 

Nous aurons toujours un pas de retard sur le rêve, l'horizon et la lumière. Comme un refus opiniâtre de la belle saison. Une hésitation entre l'abîme et ce qui nous appelle un peu plus haut...

 

 

Comme une esquisse dans la nuit qui dessinerait dans le noir le plus haut soleil – cette lumière inchangée qui sommeille encore sous les paupières...

 

 

A la lisière de tout ce qui ne nous appartient pas. Au cœur de la bonne parole – de cette nuit qui déborde le hasard – et de ce carré blanc cousu de fils d'or où nous posons la tête, nos rêves, ce désir d'ailleurs – l'herbe, les figures de la terre, la solitude – et l'incertitude du ciel qui se reflète partout comme un soleil inimaginable...

 

 

Au bord de la mort toujours malgré l'éternité...

 

 

Comme deux visages, l'un inquiet et soumis aux aiguilles du monde et de l'horloge – et l'autre serein et joyeux – impavide – presque indifférent à tous les désastres...

 

 

Un mur – des murs peut-être – long(s) – tenace(s) – infranchissable(s). Des portes et des couloirs. Et l'horizon à perte de vue. Et le vent en nous insufflé comme un ventre qui respire – un amas d'os recouvert de chair qui désire, aime et se plaint. Comme une peur insurmontable scellée à l'âme qu'abrite la structure – le squelette animé. Et le chemin et la marche interminables... Mais qui sait seulement si nous avons commencé à mettre un pied devant l’autre – et où nous mèneraient nos pas si, par malheur, le destin nous faisait avancer...

 

 

La vie comme un malheur nécessaire peut-être pour aimer la chair, la célébrer, la laisser libre et l'abandonner à son destin de matière au hasard des chemins pour un espace – une envergure – invisibles – et plus grandioses encore – ce feu – cet infini – que l'on sent battre dans nos veines comme un cœur – comme un Amour inépuisable...

 

 

La couleur inévitable des âmes et des destins qui donne à nos vies ces teintes si insensées – ce bariolé inextricable comme une pluie et un soleil entremêlés de noir et de lumière...

 

 

Lorsque la nuit s'enfoncera – et s'effacera – dans l'océan, disparaîtront les horizons – et ce désir d'être ailleurs – d'être un autre. Nous aurons alors un goût de sel sur des lèvres sans nom et sans visage. Et nous deviendrons l'eau, l'écume et les marées où navigueront toutes les embarcations – et toutes les vagues et toutes les rives où elles viendront s'échouer...

 

 

L'ignorance comme une herbe nocturne qui épuise le vent. Comme un soleil noir en-dessous du ciel. Comme un désir jamais contenté. Comme un arbre mort qui attend la foudre pour s'embraser – devenir cendres – dissiper les ombres et voir arriver, au loin, la lumière – ce grand feu qui se dessine déjà dans tous les rêves...

 

 

La vie comme un précipice où nous sommes jetés. Comme une grande roue souterraine. Et parmi les morts, ce chant silencieux. Comme un aveu d'impuissance. Et le signe peut-être que la fin n'est qu'un recommencement plus sage – une possibilité pudique – et infiniment discrète (presque secrète) – de voir naître en nous ce grand Amour dont nous ont tant parlé les prophètes – et quelques éveillés sans chapelle – et qui sévit déjà partout au-dehors – dans cette vie – dans ce profond précipice – pour faire fleurir la chair – et ce dont elle a besoin pour éclore – croître – et grandir en sagesse : les prémices possibles d'un envol pour sortir de l'abîme et retrouver cet Amour – ce grand Amour, dépouillés (enfin) de toute prétention – avec l'humilité – la profonde humilité – de ne pas savoir et d'aller vers lui sans aile ni espoir...

 

 

A l'aube de tout voyage, cette terre ensorcelante. Et sur notre couche, l'étreinte des amants que le feu brûlera longtemps après leur mort. Comme le premier pas, maladroit bien sûr, vers l'éternité et le silence...

 

 

Aussi infidèles à l'habitude qu'à l'incertitude, la source des vents, la fleur étrangère à sa beauté et le visage défait – et familier de la sagesse – prêts à célébrer leur entrée, si discrète, dans le silence...

 

 

Des joues, des joutes et des larmes. Et un peu de poésie pour apaiser la faim, adoucir les mains – et les rondes – et offrir le silence à tant de maladresse...

 

 

Sur sa branche aussi patiente l'oiseau. Comme tous les fronts – et les visages – agenouillés sur la terre qui attendent la lumière...

 

 

Les eaux, les danses et les chemins secrets que parcourt l'innocence. Comme le plus discret – Dieu peut-être – Dieu sans doute – s'immisçant dans les circonstances, les fringales et les tournoiements d'un monde apparemment sans douceur et sans autre ambition que sa perpétuation...

 

 

Sans âge ni maître – cette puissance et cette envergure dans le défilé du monde – au-dedans des êtres et des choses – gouvernés par le hasard, les instincts et les nécessités – qui se faufilent entre les ronces – et dessinent leur chemin à travers les herbes et les rêves – si impatients de découvrir leur printemps au milieu des luttes et de la mort...

 

 

Un peu de vie – un peu de joie – avant la mort. Parmi la faim et le désir, la misère et l'ignorance. Et la grâce au cœur de la malédiction. Et le silence et la lumière à naître. Et quelques prières parfois au milieu des charniers...

 

 

Personne, nulle part, jamais ne nous attend. Et l'Amour pourtant jamais ne nous abandonne...

 

 

Aimons ceux dont la présence nous éclaire autant que ceux dont l'ignorance nous presse d'ouvrir les yeux. Ainsi tous seront aimés...

 

 

Tout sera dit avant d'entrer dans le silence. Ensuite la présence remplacera la parole. Et nos pas deviendront lumière – cette lumière qu'aura tant cherché le langage...

Et nous marcherons peut-être encore dans cette grande nuit parmi les voyageurs et les cris – dans la frivolité et la noirceur des survivants – tous, postulants à l'agonie – ces marcheurs du monde si désespérés...

 

 

L'automne – l'hiver – jamais ne quitteront la parole – notre parole. Saisons du dépouillement et du dénuement plus propices au silence – et à la lumière – que l'efflorescence et la frivolité de leurs sœurs plus précoces...

Et nous bavarderons peut-être encore aux abords de la source avec le silence et le printemps. Et nous épuiserons les livres et la parole pour avancer, nus et tremblants, vers la saison des origines – vers le seul astre restant – au cœur de la terre dépouillée de ses songes – de ses étoiles – une cape de joie sur notre nudité et une écharpe de silence nouée à notre visage...

Et nous verrons peut-être aussi les ombres nues aller – et se perdre – dans la neige épaisse qui aura recouvert les routes dénudées par l'hiver – parmi les pierres encore brûlantes de soleil...

 

 

Un visage, un ciel, une solitude. Comme un soleil noir défait par les vents, les rivières et la blancheur, éblouissante, de la terre. Et un peu de neige encore sur nos barques – toutes nos embarcations – pour qu'elles soient saisies par la lumière – et qu'elles émergent du fond de l'océan – et s'abandonnent aux rives du silence...

 

 

Une chaise, une lune, un monde. Quelques soupirs et quelques adieux avant que la terre ne tourne – ne s'enlise – et ne retrouve le soleil...

Comme un doigt pointé avec maladresse vers le moins tangible – et le plus invisible – de cette terre avant que l'hiver et la neige ne recouvrent encore les âmes et la chair – ce qui, en ce monde, cherche la lumière – et s'agenouille, se redresse et s'émerveille déjà dans son attente...

 

17 décembre 2017

Carnet n°121 Du bruit, des âmes et du silence

– Et si peu d'espérance pour le monde –

Journal / 2017 / L'intégration à la présence

Un cortège, des étoiles. Et ce silence qui crisse entre les pas. Et la paume ouverte des hommes en prière. Comme un frisson qui parcourt l'échine de toutes les âmes. Comme une terre entièrement apprivoisée...

Il reste tant à découvrir. Et tant à dire. Et pourtant tout existe déjà – et tout a déjà été dit. Et ce silence qui nous fait encore tressaillir...

 

 

Un soleil à venir peut-être. Et ce vent – et ces bruits – qui n'en finiront jamais. Et cette soupente où se cachent nos ombres – toutes nos ombres. Et ce lieu, en nous très retiré, qui ne connaît que le silence...

 

 

La naissance du plus précis – et de l'impossible réalisé. Et la langueur des âmes dans cette nuit interminable. Peut-être ne parviendrons-nous jamais à infléchir le temps...

 

 

Ces rumeurs – cet écho – du monde qui se faufilent entre les âmes. Et les abreuvent. Comme des mensonges hors de prix qui alimentent l'illusion – le désir – et le devenir – du monde. Comme le plus grand drame peut-être des vivants...

 

 

Et ces sauts exténués sur les pierres pour franchir l'horizon – l'impensable – que n'habite pourtant l'hôte que nous cherchons...

 

 

Ce cercle dont nous ne sortirons peut-être jamais malgré la présence, partout, de la lumière et du silence. Comme un destin voué aux pas que nul ne pourrait arracher aux routes et aux chemins...

 

 

Ce trop – ce surplus – de monde – posé là – qui se balance devant nous, attaché à une perche tenue par nos désirs – et que nous suivons pas à pas – comme un chien, fidèle à l'ombre de son maître – sans pouvoir, bien sûr, jamais nous en saisir – ni jamais nous en emparer, alors que le rien est là déjà, depuis toujours, présent partout à chaque instant de notre séjour et de nos errances. A chaque foulée de notre marche interminable...

 

 

Un secret, un voyage. Et cet écho qui n'en finit pas de nous perdre – d'égarer notre main – notre âme – et notre fouille jusqu'à la pointe du silence – et de ses aveux. Comme une confiance à aller – à marcher indéfiniment – et une évidence à dénicher, un jour, quelque part l'impossible. A le trouver au bout de tous les épuisements...

 

 

Et ce crépuscule – et cette nuit – aussi lumineux que l'aurore. Et ce puits – et cet immense labyrinthe des surfaces – qui nous enfoncent dans la lumière. Et ce silence – ce grand Amour – qu'offrent nos lèvres par-delà la joie et l'ivresse affranchie des désirs. Et cette puissance qui gît déjà sous les ornementations et la paresse – sous cette chair où s'exercent les apparences et la diversité. Et ce visage dévoré de beauté qui vient couronner toutes les laideurs, toutes les bassesses et les lâchetés. Comme le sacre de notre ignorance défaite enfin...

 

 

Des ailes, des voiles, des allées. Tant de simulacres à travers les siècles. Essais, tentatives, impasses. Diverses errances – presque anachroniques – qui se résolvent par les détours – et le retour progressif vers l'origine – ce qui a enfanté tous les visages, toutes les détresses et tous les désirs de se retrouver...

 

 

Des visages minuscules – et pourtant vertigineux. Cette lumière, impensable, derrière tant de mensonges et d'insignifiances. Comment aurions-nous pu imaginer aux premiers instants de la marche – aux premiers pas de la quête – la cachette incroyable de ce trésor (si rageusement convoité)... Comment aurions-nous pu imaginer que cette crasse et ces crépuscules le dissimulaient avec tant de vigueur et d’âpreté... Comment aurions-nous pu imaginer qu'il nous faudrait nous défaire – nous dépecer – de tout – de toutes ces couches et de tous ces embarrassements pour le dégoter – et qu'il nous serait offert, malgré nos efforts (si risibles), avec autant de naturel et de facilité. Comment aurions-nous pu imaginer que rien ni personne ne pourrait nous en détourner – qu'aucune instance ne saurait nous arracher à ce que nous sommes depuis toujours...

 

 

Cette chose en soi – maladive sans doute – pathologique peut-être – originelle sûrement – qui, quoi que nous fassions et vivions – doit être touchée – atteinte – trouvée. Un goût – une qualité – un seuil de profondeur et d'intensité en-deçà duquel la vie – et le monde – nous semblent presque indignes d'être vécus et expérimentés. Et qui impulse, encore aujourd'hui, à notre foulée un rythme puissant et forcené – presque inépuisable – et qui nous a toujours tenu éloigné de toute paresse – de toute forme d'avachissement de l'âme et de la chair. Comme une épectase jamais comblée – jamais rassasiée. Comme une extase – une ataraxie – fragile et éphémère à renouveler indéfiniment...

Autrefois, cette chose en soi animait intensément notre quête – et ses avancées. Et elle demeure aujourd'hui encore quotidiennement, presque à chaque instant, malgré notre familiarité avec le silence et la lumière. Comme si subsistait un reliquat de cette puissance – ou un mode de fonctionnement peut-être – un feu – une énergie infatigable – qui a toujours propulsé et accompagné nos pas – notre marche inlassable pour tendre vers – goûter – et ne jamais quitter – cet état d'exaltation – cette envergure de présence... Et qui nous confine aujourd'hui encore à une forme d'intranquillité (insupportable) dès que nous avons le malheur de nous en éloigner (ou de nous en croire éloigné) pour quelque obscure raison – et qui nous enjoint aussitôt de faire notre possible – tout notre possible – pour la retrouver. Comme si nous étions encore et toujours animé par les plus hautes – et mystérieuses – exigences de l'homme...

 

 

Un peu de bruit. Un peu d'agitation. Voilà ce que réclament les hommes. Et voilà ce qui les contente. Ravis toujours des spectacles qu'on leur offre – n'osant peut-être espérer davantage de la vie et du monde... Passer simplement d'agréables moments plongés dans quelques distractions pour échapper, un court instant, à l'indigence et aux servitudes quotidiennes. Avec de telles ambitions, on ne s'étonnera donc guère de voir si peu de nos congénères emprunter la voie du questionnement – et marcher d'un pas déterminé et résolu sur quelque chemin métaphysique et spirituel...

 

 

Le grain de sable pour le visible – et le quark peut-être pour l'invisible (à l’œil humain). Cette matière dont nous sommes faits. Amas et combinaisons éphémères voués aux mouvements et aux interactions – aux échanges et à l'effacement. Et aux renouvellements toujours. Et le mystère de ce souffle momentané et épuisable pénétrant la chair. Et cette présence infinie et éternelle au-dedans et au-dehors de tout...

Voilà les pièces de ce puzzle complet et mouvant – et jamais achevé – qui se fait et se défait – et qui compose et décompose les visages au gré des vents – à travers des siècles presque sans importance...

 

 

Il reste tant à découvrir. Et tant à dire. Et pourtant tout existe déjà – et tout a déjà été dit. Et ce silence qui nous fait encore tressaillir...

 

 

L'homme, cette horrible et terrible chose qui ignore encore. Et dont les peurs et les instincts dictent les actes. Si peu soucieux – et si peu concerné – par le mystère et les trésors qu'il abrite. Et qui demeure en somme – et jusqu'à présent – une indigne créature...

 

 

Une couche, un chemin. Quelques joies et quelques malheurs à glaner au fil des pas. Au cours de ce long sommeil...

 

 

Quelques instants de vie à l'image de cette eau glacée qui, un jour, s'évapore – et disparaît en ne laissant que quelques gouttes – un peu de buée – sur les vitres du temps...

 

 

Quelques gestes, un tombeau. Et la main avide qui en voulant s'emparer saisit la pelle avec laquelle elle creuse le trou où elle sera enterrée...

 

 

Après tant de malheurs et d'errances, il ne restera que la couleur de la neige, sans trace. Et cette enfance jamais atteinte – et couronnée pourtant de toutes les grâces. Et ce feu brûlant dans nos veines qui nous fera essayer encore...

 

 

Des rêves et des pas. Un peu de magie dans le noir. Et, parfois, la visite impromptue de l'oiseau qui veille au-dessus des merveilles. Ce songe d'un ailleurs que les hommes ont transformé en mythe – en promesse pour les jours – et les siècles – à venir. Et que les religions et les prières tentent de faire advenir à chaque nouveau trépas...

 

 

Fils du ciel et des instincts. Matière en marche immuable et recombinée des milliers, des millions, des milliards de fois, embarquée dans tous les voyages. Et ce souffle presque invisible au fond des haleines, surpris toujours de son sort – et du destin qu'on lui réserve. Et lui qui aimerait s'afficher sans patrie – et voir arrachés tous les noms sur les visages – continue cahin-caha à proposer, inflexiblement, l'ivresse et le grand départ – le seul voyage auquel il aspire...

 

 

Un chemin, une croix. Une longue marche, une colline et une crucifixion. Et la résurrection arrivera plus tard – et se déroulera sans témoin. Dans la solitude, le silence et l'humilité. Et les hommes auront beau prier, ils n'y assisteront qu’au-dedans de leurs propres pas – au sommet de leurs renoncements. L'innocence sera la première station. Et la joie et la liberté viendront couronner leur délivrance. Vie et mort alors perdront tout leur sens. Et l'éternité et le silence remplaceront toutes les ambitions...

 

 

Comme une joie infinie qui ne fait que passer sur les hommes mais qui, en réalité, traverse à chaque instant toutes les âmes...

 

 

Un soleil et du remue-ménage. Comme une folle tentative d'en saisir la chaleur – et d'en enfermer la saveur pour toujours...

 

 

Un cortège, des étoiles. Et ce silence qui crisse entre les pas. Et la paume ouverte des hommes en prière. Comme un frisson qui parcourt l'échine de toutes les âmes. Comme une terre entièrement apprivoisée...

 

 

Guerre, deuil et joie. Ainsi chemine-t-on jusqu'au chant le plus profond. Des plus viles besognes au silence. Du plus gauche – et du plus obscur – à la lumière suspendue, depuis toujours, à nos larmes...

 

 

D'heure en heure s'ouvriront peut-être tous les passages. Et palpitera enfin le cœur enfoui dans toutes les âmes recouvertes de chair...

 

 

A égale distance entre les anges et les ordures vivent les hommes, enfermés. Enfants sauvages apeurés derrière leurs vestiges et leurs lunes mortes, errant sur tous les terrains vagues – et confinant leur marche funèbre – et sans retour – jusqu'aux palais les plus sordides. Gaspillant – et sacrifiant – leurs heures à d'inutiles éblouissements...

La nuit, on les voit courir – rejoindre leur cercle – se répandre – et se suspendre – au-dessus des eaux muettes et glauques – aveugles à toute lumière – tournant inlassablement autour d'un phare secret et indéchiffrable...

Comme condamnés à l'errance à perpétuité... tantôt dans les bas-fonds sombres et immobiles tantôt au-delà du plus vif soleil...

 

 

Quelques songes tiennent encore en équilibre sur nos épaules. Et ils seront, peut-être, enterrés avec nous dans la tombe....

 

 

Seul se défait ce qui doit l'être pour que demeure l'irremplaçable. Ce goût – et ce bleu – du ciel dans notre regard...

 

 

Ne pas oublier – ne jamais oublier – la joie qui partout patiente – et s'exaspère (parfois) de nos maladresses...

Et ce grand hasard – ce grand Amour – qui, si souvent, nous oublie alors que notre bouche crie sa faim – et que notre main frappe ou caresse. Comme s'il voulait fouler aux pieds notre grande adoration – et notre grande dévastation – du monde...

 

 

De jeu en absence – d'absence en absorption – comment pourrions-nous rejoindre cette présence qui en nous travaille secrètement à se révéler... Et si loin de tout appui – et de la folie du monde – comment pourrions-nous lui échapper...

 

 

Beauté. Silence. Simplicité. Et cette joie offerte par la lumière. Comme le digne refuge des âmes autrefois errantes – et si aimantes aujourd'hui. Et le secret – si mystérieux – désossé à présent jusqu'à la moelle qui donne au regard cette incroyable transparence – et au cœur cette si fabuleuse innocence...

 

 

Le monde – sa beauté et sa violence – apprivoisés. L'effacement des rêves – de toute étoile. Et cette douceur au fond de l'âme qui offre ses baisers aux hommes. Horizons et ciel réconfortés par les anciens oracles devenus réalité aujourd'hui. Et toute la terre, à présent, pénétrée de silence...

 

 

Un jour manifeste parmi tant d'étoiles – et malgré les songes funestes – fébriles et tenaces – des hommes. Comme un pan de nuit qui s'affaisse sous la cognée délicate du jour. Et le plus anodin – et le plus futile – soudain transformés en beauté – et en silence sage et accessible. Comme un baume – un surcroît poétique – offerts aux blessures et aux violences – à l'obscurité, presque insoutenable, de ce monde...

 

 

Et notre vie – toutes les vies – qui sortent à présent des légendes pour lécher cet espace hors du temps – ce lieu affranchi du langage (de tous les langages). Comme un arbre enraciné à notre tombe – à toutes nos tombes – qui lance soudain ses branches vers le ciel – et s'élance vers la lumière. S'éloignant du noir – et des fosses communes – qui l'ont vu grandir...

 

 

Quelques chants et un peu de tristesse parfois nous détournent du silence. Comme un bruissement de l'âme secouée par quelques rires – quelques moqueries. Comme un reliquat imprécis du hasard peut-être qui ébroue ce reste de songe trop longtemps endormi – trop profondément enfoui peut-être – et qu'on laisse s'écouler, comme notre vieillesse en devenir, à l'orée de cette mort qui s'abattra le jour venu – et nous fera glisser sans trop de hâte au fond de tous les silences...

 

 

Une langue aimante parmi toutes ces bouches hostiles et ces dents sournoises qui traquent leurs proies et les dévorent avant même de s'en emparer...

 

 

Une œuvre de feu – une œuvre de joie peut-être – parmi la tristesse et les larmes. Et les poignards sortis de leur fourreau...

Et le silence sur toutes les crêtes abruptes et dans tous les paysages couverts de rage – et gorgés de sang. Comme deux ailes frémissantes emportant les cris et le langage – les peines et les angoisses dissimulées dans tous les intervalles de la nuit...

 

 

Ces bruits – tous ces bruits – au-dedans de l'âme et du silence...

 

 

Sur les pierres, le silence des retrouvailles malgré les gorges et les mains conspiratrices acharnées à détruire la terre – et à anéantir les arbres et les bêtes – pour quelques pièces supplémentaires...

 

 

Le silence sera notre ultime testament. Et le dernier legs – le dernier lys – de la terre...

 

 

Des étoiles et des alliances. Quelques menaces et quelques coups – à foison en vérité – qui offrent à la terre un destin insupportable. Du sang et cette danse tragique des ruminants – ces bêtes sorties des étables, des usines et des maisons. Et la mort plus funeste encore...

 

 

Au détriment du ciel, de la beauté et de l'innocence – de cette innocence si vive et nécessaire, les grimaces et les mensonges – l'avidité et l'ambition – et la vengeance parfois. Le pire de l'homme qui partout exacerbe la détresse...

 

 

La parole comme un miroir – et les mille reflets de notre visage. Tous les portraits du monde réunis en quelques signes...

 

 

Chimères, frénésie et stupeur. La terreur et la certitude du pire. Comme rempart – et défi – à la beauté – à toutes les beautés – que nous convoitons – et dont nous nous emparons de façon si déloyale et agressive...

 

 

Un chemin, mille perspectives pour une seule fin – toujours...

 

 

Attachés à ce destin sans vigueur, sans valeur, sans vigie où triomphent la fureur, la terreur et la mort, le cri et l'élan primitifs des bêtes qui rampent, à pas lents, vers le silence qu'aucune lumière n'est capable d'éclairer encore...

 

 

Des chemins et des passages parmi les dédales trop fréquentés où ne s'aventure jamais aucun visage. Et qu'empruntent pourtant les sages – et quelques poètes solitaires – dévisagés par les foules et défigurés par le monde qu'elles ont créé. La sagesse et la poésie comme deux ailes, fragiles, qui toujours éloignent des atrocités et des monstruosités nées de l'ignorance...

 

 

Mains rouges à force de coups et d'attente – fébriles – et rompues à tous les désastres. Et le cœur noir – immobile – somnolent dans toutes les impasses privées de lumière où l'espérance a remplacé l'Amour...

 

 

Inattentif au jour comme à la nuit. Les yeux rivés sur le lointain – la promesse. L'âme enfermée – attachée au plus obscur du monde. Livrée à ses instincts de bête enragée – et affamée de lumière – que l'on prive de toute pitance...

 

 

Un jour peut-être verrons-nous, parmi les ruines, les âmes s'agenouiller devant la lumière...

 

 

Rien ne demeure entre nos rêves. Pas même l'ombre d'une (quelconque) réalité. Pas même l'espoir d'une forme de lucidité pourtant si nécessaire...

 

 

Ce rouge primitif qui aura tout envahi – submergé les âmes et la terre – gorgé les sols – et éclaboussé jusqu'aux étoiles...

Et cette œuvre qui danse entre les rêves – et se fraie un passage parmi les âmes. Et ce bleu – ce silence – et cette lumière – qu'elle célèbre au-dedans même des veines – et au cœur de cette longue nuit que les hommes prennent pour un grand soleil...

Et cet exil et cette joie si proches qui confinent le sage – tous les sages – à une forme d'étrangeté et de familiarité inextricables – où le monde – et les hommes – deviennent simultanément des visages inconnus et des éléments de leur propre visage...

 

 

Un ciel, une terre, un océan. Et l'âme – échappée de son enfermement ancien – qui s'y glisse et frissonne...

 

 

D'un seuil à l'autre – d'un cri à l'autre – d'un deuil à l'autre – ainsi chemine-t-on vers l'immobilité et le silence...

 

 

Je n'existe que dans le regard de celui qui ne tue pas. Dans le regard de celui dont l'âme est défaite. Dans le regard de celui qui ne s’appartient plus. Je n'existe que dans cette main offerte qui panse et offre ce qu'elle reçoit – le plus précieux qu'ignorent les hommes...

 

 

Une langue. Quelques paroles. Cris d'abord – échos de la quête. Echelle ensuite vers l'inconnu – le plus vaste en nous infréquenté. Et silence enfin – et accueil de tous les rivages – et de tous les visages qui, de leur cachot, grimacent et crient. Et manière, peut-être, d'annoncer le chemin – et de baliser singulièrement chaque traversée pour que les chambres noires, un jour, s'éclairent – et que cessent tous les bégaiements...

 

 

Entre le dénuement et l'innocence se pose – et se posera toujours – le silence. Et son règne lumineux – sans crainte des bruits et des âmes...

 

 

Et ces larmes si fécondes – annonciatrices de toutes les joies...

 

 

Marchandises et machinations. Et la sordide réification de la chair et des âmes. Et partout le sang qui coule avec la pluie et les rivières. L’œuvre de nos odieuses – et pathétiques – civilisations humaines. Du bruit, des instincts et de la fureur. Cet appétit – et cette colère – indomptables – inconsolables peut-être – qui déchirent et éventrent la terre, les bêtes et les hommes. Et qu'aucun Dieu ne pourra apaiser. Mais qu'une longue agonie, peut-être, saura effacer jusqu'au plus âpre dénuement...

 

 

Entre déchirure et damnation, l'étroit chemin du langage et de la délivrance qui borde les charniers et les cimetières – le parvis des églises et le seuil des maisons où patientent les foules en larmes...

 

 

Et cette terre dévorée dont le souffle a été coupé – dérobé... encore capable, pourtant, de faire entendre son cri – ses gémissements. Une clameur sourde – presque inaudible – qui sort de la bouche et de l'effroi des arbres et des bêtes – et qui indiffère toujours les hommes, trop occupés à compter les bienfaits procurés par leur mise à sac sordide et leur sauvage exploitation...

 

 

Des bras, des fourches. Des seaux, des pioches. Et ces sourires si heureux de piller la terre – de mutiler ses membres pour apaiser leurs désirs, leur faim, leur appétit de confort et leur crainte de manquer. Et qui, du haut de leur règne – du haut de leur trône – ne savent plus distinguer, parmi les saccages et les carnages, le superflu du nécessaire – et confondent encore (et comme toujours) progrès et humanité – profit et animalité – en continuant à tout dévaster pour alimenter leurs effroyables chimères...

 

 

Des bruits encore parmi l'herbe et les lilas en fleurs. Parmi les roses et les fruits posés sur les tables – à l'abri d'aucune menace – d'aucun climat – où s'amoncellent les chagrins et les déchirures – et le besoin mortifère de se dresser plus orgueilleux encore malgré les larmes et les blessures...

 

 

Une nuit, des cicatrices. Signes de toutes les indifférences – et du combat inutile de l'homme pour vaincre – et corrompre peut-être – les horizons. Ce qu'attestent les sentiments – tous nos sentiments ; peurs, désirs, infamie. La banalité si commune des hommes que fustigerait toute sagesse...

 

 

Une lanterne, une pelle, une horloge. Les outils de toutes les balivernes pour éclairer peut-être la fouille et le temps. Les travaux des champs et la besogne des ouvriers et des usines. Toute l'indélicatesse des hommes. L'absurdité et le gâchis. La terre transformée en désert couvert de mines, de puits et de chemins – ceinturé de murs et de barrières. Les montagnes sculptées à la dynamite. L'or, les océans, l'air, l'eau et les grands espaces confinés – soumis à toutes les convoitises – transformés en instruments de règne et de pouvoir. Les premiers pas et les derniers soupirs de nos absurdes civilisations que fera peut-être éclater, un jour, l'arrivée impromptue (si dévastatrice et salvatrice) du silence...

 

 

Misère et tenailles apparemment invincibles. Souvenirs et tirades absurdes. Eglises et musiques enivrantes, si promptes à massacrer le silence. Et cette nuit magnifique – maléfique – idolâtrée dans la solitude des chambres – sur les murs des salons – et dans les rues et sur les esplanades des villes. Et ce grand embarras dont se chargent les âmes et les bras. Et les pistes de danse où tournoient inlassablement les têtes et les pas...

 

 

L'herbe et la danse silencieuse des étoiles. Et nos âmes assoupies qui sommeillent encore parmi les rêves...

 

 

Inquisitions, perquisitions, expulsions. Châtiments. Meurtres, massacres et tueries. Expropriations. Empreintes de haine et de domination. Le lot commun – et le sort – que nous réservons à ceux que l'on prive d'existence et de paroles – à ceux dont la place, le langage – et la dignité – n'ont pas été reconnus.

Quel étrange – et atroce – océan – et quels effroyables vents, vagues et marées avons-nous créés là avec cet Amour vaincu – pendant – invisible, à notre bandoulière. Inapte encore à estomper la rage et la faim – à apaiser les embarcations d'infortune plus soucieuses de croître – et de conquérir encore – que d'accoster en des terres inconnues – et si libératrices pourtant...

 

 

Des croyances, des épreuves, des examens si nécessaires à l'essor des contrées, au prestige des visages, à la gloire des noms et des conquêtes. Civilisations insensées et sans morale vouant un culte à la puissance et à l'aveuglement. Et tombeau de toutes les innocences – de la lumière et du silence. Reléguant l'Amour au désir, à l'attachement et aux fantasmes de la jouissance et de la propriété...

 

 

Le silence humble, et si admirable, des bêtes face au destin – aux épreuves et aux circonstances, si souvent façonnées (fomentées) par les hommes – qui relègue (confine) la parole humaine à d'indignes et puériles gesticulations de l'esprit face à la peur et à la souffrance...

 

 

Le mythe et les mensonges de la prospérance(1), voilà où (nous) mènent le progrès(2) et la croissance(3) – cette course folle et insensée vers le confort et l'abondance...

(1) Prospérance : espérance et errance de la prospérité...

(2) Le progrès technologique.

(3) La croissance économique.

 

 

Il faudrait s'écarter des digues et des cités – et aller à cloche-pied au hasard des chemins pour remonter à rebours ce que nous avons abandonné depuis si longtemps...

 

 

Des cordes et des glissements. L'infortune des experts – et de toute prédiction – pour s'extirper du hasard – mettre la pensée en congé – et se libérer de tant d'horreurs...

 

 

L'atrocité cessera avec l'innocence – présente déjà sous nos gestes – et à l'origine de la main et des premiers pas...

 

 

La vie, un chant. Quelques forces à réunir avant la lutte – le combat – pour adoucir les bouches et les mœurs – reléguer les chagrins au souvenir – et faire fleurir le miel sur les destins. Voilà l'âpre – et rude – besogne des poètes, des sages et des enfants...

 

 

L'automne, la foule et les pleurs inconsolables de la terre sur les dépouilles – les charognes rongées par le temps, l'inconscience et l'insouciance des hommes...

 

 

Nager toujours entre la lumière et les eaux sombres sans ménager ni les mirages, ni les bourgeois, ni l'inertie ni la bien-pensance des élites. S'éloigner du pouvoir et du règne de la domination. Se faire discrètement sauvage – et incivique – parmi les foules et les conventions meurtrières. Vivre en fantôme anonyme. Et œuvrer à sa tâche dans la solitude et le silence pour qu'adviennent, un jour, l'invisible et l'enchantement...

 

 

Assis au-delà des rivages – au-delà des époques – au-delà même du ciel visible parmi la mélancolie et la rage de voir la vie, la terre et le monde se transformer en lieux gauches, inutiles et assassins où la mort – sans promesse – devient le prolongement de tout – de chaque geste et de chaque parole. Où les cris et les pleurs deviennent la seule couleur de l'épouvante. Où le parfum d'après n'est qu'une ligne horizontale sur les tombes. Et où le rêve et le froid ont partout détrôné l'innocence et la joie – la promesse et la certitude des beaux jours...

 

 

Comme un cri au milieu de l'écho. Comme une pierre jetée au fond de l'océan. Comme le vent et les rivières prolongeant les destins. Comme l'illusion et les promesses de tous les rivages. Comme le sang qui coule en silence dans les veines – et qui tache les mains, la terre et le sort des bêtes et des hommes qu'aucun rêve ne pourra interrompre. Comme une marche lasse et pressée qui empile les barreaux sans être capable encore d'en percer les mystères – et d'en déchirer les secrets – pour qu'éclate, un jour, la vérité...

 

 

Un ciel bleu encore incompréhensible – insaisissable. Et des pèlerins par millions attachés aux graviers et aux bornes des chemins, amoureux des songes et des promesses – aveugles à la beauté – et à l'hurlante nécessité du silence – voués aux murmures et aux confidences des sages qui ont déjà foulé toutes les pierres – et apprivoisé le sable de tous les sentiers. Des foulées d'infortune en somme avec les yeux enfoncés dans les livres et les cailloux, refusant la grâce du vent et des arbres, déjà présents à la lumière...

 

 

Partisans de la lune et des ombres. Des étoiles et des passages ouverts par leurs aïeux. Insensibles aux vents et aux rivières qui parcourent la terre et le grand ciel – et réunis en un seul tenant – que les âmes, pourtant, distinguent encore – pour leur plus grand malheur...

 

 

Comme un feu qui ignore la flamme et le bois. Qui ignore le vent et la forêt – la cendre et l'étincelle qui l'a fait naître. Sensible qu'à la chaleur et aux yeux admiratifs qui le contemplent. Ivre de lui-même – fasciné simplement par sa folie et son étrange, et passagère, beauté...

 

 

Comme une arme agrippée par une main tardive qui galope à travers les siècles – qui saute par-dessus les destins – et bouscule les montagnes. Comme un sang inerte – asséché – qui rêve de sommeil et de jardins fleuris où pourraient pousser le songe et la sauge, l'eau et le pain bénis. L’élixir de jeunesse. Comme des cavaliers que n'emporterait jamais la mort. Comme un oiseau au vol frémissant parmi les feuillages de l'azur. Comme deux étrangers se retrouvant – et s'embrassant jusqu'à la mort – jusqu'au désir fou de s'unir malgré la terreur et les prières des âmes trop frileuses – si soucieuses que l'éternité dure encore un peu...

 

 

Ce qui fleurit dans le sang – ce que le ciel encourage – et que les signes ne peuvent dévaster. Ce qui libère des murs, des croyances et des carnages. Ce que les ailes portent malgré le poids des âmes et des chagrins. Ce qui se réjouit dans les limites et l'effacement. Ce que les frontières et la nuit interdisent. Ce germe en nous que nos poignards lacèrent. Comme si le meilleur, en nous si enfoui, dormait encore – et se délectait de tant d'ignorance...

 

 

Quelques mots pour enfoncer plus encore le secret. Comme si le cercle était impénétrable, les mains non traîtresses et les ventres non gorgés d’exigences. Comme si la marche ennoblissait les pas. Comme si le silence n'était pas terré derrière nos peurs. Comme si la terre se vouait déjà à la sagesse. Comme si l'antériorité du regard n'était qu'une fable. Comme si l'homme pouvait espérer encore...

 

 

La lumière, le sel du jour. Transformée en spirale – en labyrinthe peut-être – par nos yeux si noirs – si obscurs...

 

 

Avant l'oubli, il y a (il n'y a que) le malheur, la tristesse et la mort. Et après, la fin des abominations, la joie, le silence et la lumière. L'exil et la solitude – cet écart – cet éloignement – qui nous rapprochent du monde et des hommes. Cette distance – cette unité et cette réconciliation – qui nous rendent plus sages et plus vivants pour aller sereins – et sans inquiétude – parmi la foule, les malheurs, la tristesse et la mort...

 

 

Errance, exil et vide. Entre la nuit et le jour passent toutes les heures – et se dirigent les pas de tous les voyages – vers une seule direction...

 

 

Mille interstices où se faufiler entre le doute et l'interrogation – les savoirs et le mystère – l'incertitude et l'inconnu. Entre le silence et l'Amour...

 

 

Des pages et des miroirs. Des morceaux de nous-mêmes livrés en pâture à l'indifférence des foules, au silence et à l'incompréhension...

 

 

Ce silence obstiné dans l'écriture – et dans notre vie – qui donne à notre parole – et à nos gestes – cette incomparable blancheur. Comme le signe récurrent d'une transparence souveraine qui offre à nos livres – et à notre existence – des allures de fantôme...

 

 

Le destin – et ses ombres noires – qui se jettent sur notre vie. Comme précipitée vers la mort. Et cette déchirure qui persiste jusqu'au seuil du silence – la lumière...

 

 

Qui donc témoignera de ce passage... Si ce ne sont les noms, ce sera le silence. Le faîte de toute existence qui fut aussi son origine...

 

 

Le sang comme mesure de l'homme. Et le silence comme celle de l'infini. Et entre il y a le monde qu'il nous faut déconquérir – et les stigmates de la souffrance qu'il nous faut apprivoiser...

 

 

Le sable, le vent et la mort. Injonctions et impératifs du monde – et destin de l'homme. Soumis au désert et à la soif...

Labyrinthe illusoire – quasi fictif – où nous sommes retranchés – et qu'il nous faudra apprendre à effacer pour vivre dans la joie et le silence malgré la persistance du sable, du vent et de la mort qui n'auront plus alors qu'un goût de rêve, encore parfois – il est vrai – mêlé de sueur et de sang...

 

 

Au commencement est l'étranger. Puis viennent la peur et l'effroi avant que le silence nous convertisse en hospitalité...

 

 

Un chemin, un bâton, un viatique. Et le silence et la solitude du parcours. Du début à la fin. A chaque étape et bien longtemps après que ne s'achève le voyage. Et peut-être – et sans doute même – pour toujours...

 

 

Un chemin, une pierre. Des portes – innombrables – fermées. Et mille impasses. Le désert. Le néant et le désespoir. L'errance récurrente – quasi permanente – parmi l'impossible et l'impensable. Et le mystère irrésolu. Comme une énigme insoluble que nous portons à chaque pas – et au cours de tous les voyages. Et cette fenêtre accompagnante – invisible – enfouie dans un recoin de l'âme – où nous attendent la lumière et le silence...

Et cette hantise du sortilège où nous plonge notre ignorance. Comme si notre destin était de croire – et d'avancer sans savoir...

Et cette tyrannique paresse qui, sans cesse, nous soumet à la mendicité. A user de nos mains comme d'une tenaille pour arracher au monde notre pitance – et à en disposer comme d’un sac pour amasser – et nous emplir de ce qui nous manque. Clochards pas même célestes. Des doigts qui auront tout sacrifié : la terre, notre destin et jusqu'aux promesses du ciel – de ce ciel si incompréhensible – si insaisissable...

Et cette semence qui pousse dans nos larmes – entre le front et la main – sur ce sable que nous avons pris pour de l'or – parmi le sang et la mort. Et par-delà les siècles et les âges, le secret de cet Amour inchangé – de ce silence sur la page et les visages – de cette lumière encore voilée par trop de rêves et de sommeil...

 

 

De nulle part nous arrivons – nous surgissons. Et vers ce même lieu – inexistant – nous nous dirigeons – et en lui nous sommes immanquablement destinés à revenir. Avec tant de pertes en chemin. Mille deuils – mille abandons – nécessaires pour accoster sur ses rivages – ses mille rivages – qui scelleront notre destin au silence...

 

 

Du bruit partout. Des âmes encore. Et le silence toujours...

 

17 décembre 2017

Carnet n°120 Joies et tristesses verticales

Journal poétique / 2017 / L'intégration à la présence

Qui sommes-nous sinon cette danse, ces cris et le silence... Qui sommes-nous sinon ce sang, ces souffles et cette furie, si violente et passionnée, des bouches et des mains... Qui sommes-nous sinon le désir et la fin de tous les règnes – et ce visage simple et indemne, épargné par les instincts...

Des toits, des montagnes, un ciel. Des arbres, des villes, la terre. Des hommes, des bêtes, des âmes. Et ce sang – et cette glaise – parcourus par les vents. Et derrière les rires et les pleurs de tous les visages, notre visage...

 

 

Une main blanche sur la roche dure et froide. La nuit et le sang gelés, charriés par les torrents. Dévalant les pentes et dévoilant la nudité parmi les couronnes neigeuses et les haleines encore haletantes...

 

 

Le reflet des paysages dans le miroir. Et nos baies vitrées éventrées par le présage des oracles. Offrant aux mains lestes une promesse de lune – et aux mains innocentes la clarté de l'Absolu...

 

 

Une averse sur notre solitude. Une fraîcheur dans l'obscurité. Comme une nuit – notre nuit – suspendue à la lumière. Et une ligne de crête où brillent encore quelques étoiles. La longue descente – notre longue descente – vers l'océan...

 

 

Entre le mirage et le miracle, la peau fine des espoirs. Le sacre maudit des promesses. Et les plus viles injures – et les pires menaces proférées contre le destin...

 

 

La présence poussée hors de nos frontières. Offrant le champ libre à l'absence la plus inintelligible et aux plus serviles soumissions...

 

 

La beauté éphémère du jour. Et le recommencement inespéré, chaque matin, du soleil. La survie poétique malgré l'âpreté des combats, la permanence du sang dans les veines – et sur les peaux balafrées – et la timidité des âmes rompues au sommeil...

 

 

Le parallèle des histoires au creux des destins – affranchi de tous les hasards...

 

 

La parole (poétique) comme seule réponse possible. Qui se glisse ouvertement entre le silence et la désespérance, si interrogative, des âmes...

 

 

L'ombre du cri et l'écho des pas. Ce que nous pardonne le soir. Cette fuite insensée. L'exil et le refus de la plus grande familiarité. Ce que nous ne pouvons vivre encore...

 

 

Ce qui soulève les montagnes – et agite les corps sous les draps matinaux. Ce que nous cherchons dans tous les creux et parmi les eaux les plus vives de la terre. Cette douceur qui bat aux tempes. La calèche des heures oisives – infiniment sereines. L'infini des océans qui accompagne nos pas – chacun de nos pas. Et cet espace entre les destins où sommeillent encore nos âmes...

 

 

Quelque chose nous attend – qui nous a été donné avant notre naissance. Et qui subsiste par-delà les existences. Et que notre ignorance a chassé d'une main trop leste. Et que nos pas et notre âme à présent s'évertuent à retrouver...

 

 

Un jour, la chair deviendra le lieu de toutes les promesses. Le terrain de l'envol. L'espace où se précipiteront les âmes pour rejoindre l'aurore...

 

 

Aujourd'hui, nous errons encore entre les montagnes et l'océan parmi les routes, les visages et les cités. Parmi les âmes en prière qui patientent dans le bruit des bottes – le vacarme et l'amoncellement des pas, ignorant l'usage des meurtrières où se terre pourtant (et depuis toujours) notre silence. Cette immobilité tant recherchée...

Et nous vivons comme des monstres aux mains vides tournoyant dans la nuit et les siècles. Enveloppés de vapeurs, de désirs et d'espoirs. Cherchant dans la parole et sur les visages une présence qui nous échappe encore...

 

 

Seuls dans l'immensité. Et nous respirons encore... Et nos pas cherchent les traces des plus sages expériences – en se recueillant (parfois) en d'étonnantes révérences devant les assemblées réunies à l'aube. Et nos bouches émettent – laissent jaillir – quelques paroles. Epellent – et égrainent – le nom des rivières et des montagnes. Dénoncent les guerres et l'infamie humaines. Et crient leur soif, contentée, de temps à autre, par le chant des ruisseaux et l'ascension des collines. La solitude dans l'immensité...

La peur alors se rétracte. Le désir de sagesse se fait plus vif – élargit jusqu'aux plus sombres horizons. Et éclaire les plus étroits passages vers l'autre rive. Le courage et la colère disparaissent. Et, soudain, nous y sommes (déjà) – avec sur nos épaules, et dans notre maigre besace, le cri et l'innocence des bêtes – et Dieu et son, si sage, silence. Et nous veillons – et veillerons encore – affublés de trop d'impatience et d'espérance, la venue, sans doute, trop tardive des hommes...

 

 

Comme l'innocence des premières fois – mais revisitée, indéfiniment revisitée, par la sagesse et le silence. La maturité de l'âme – et l'Amour dans la main sereine et immobile...

 

 

Les chagrins en jachère. La tristesse enfouie sous la terre où poussent désormais les fleurs. Avec sur chaque pétale, la marque de Dieu et du silence...

Après tant de chemins et d'errances – et de contrées parcourues – où nous avons enfoncé nos malheurs et nos désirs – et fait fleurir l'espoir d'autres régions – et d'autres rivages – nous avons appris l'immobilité qui ne nous avait pourtant jamais quittés – mais que nous avions oubliée... Et les volontés – et les exigences – se sont retirées. Et à présent ne demeurent plus que cette terre vierge, le sourire et la fêlure de l'argile – et ce long fleuve (éternel) où nos pas seront comptés...

 

 

Une heure. Une lumière où s'éloignent les désirs – et où s'estompent les songes. Comme une aurore. Le sillage d'un navire, imperturbable, qu'accompagne le cri des oiseaux. Une ligne furtive sur la mer – recouverte par les eaux...

 

 

Ceux qui nous habitent ne pourront mourir. Un jour, pourtant, nous les abandonnerons au silence – à cette lumière impénétrable depuis les rives. Et nous deviendrons leurs visages. Ce qui en nous traversera les jours et les siècles...

 

 

Des pas et des paroles chargés de silence. Et, au loin, le sourire inattendu de la lune. Et les mains qui applaudissent tous les astres qui louent notre humilité et notre dévouement pour la lumière...

 

 

Ce que nous avons construit – et construirons encore – s'effacera. Ne subsistera que cette demeure inhabitée, insoucieuse des voix et des directives qui poussent les hommes à bâtir – comme une malhabile façon de combler la solitude et le silence – et d'essayer de guérir l'âme froissée par tant d'insignifiances et d'impuissance...

 

 

Ici ou là-bas, qu'importe... Tous les échos, à présent, s'amenuisent – meurent déjà – happés par cette solitude silencieuse – effacés par cette lumière hors des siècles sur la jetée que prolonge l'infini...

 

 

Un plateau, des songes et des victuailles. Cette terre sans recours. Et nos yeux, si fatigués déjà qu'épuiseront plus encore l'espoir et les chemins. Nous ne parviendrons, sans doute, au bout de la route. L'exténuation nous terrassera bien avant le début du voyage...

 

 

Nous avons oublié les calculs des hommes et du soleil. Cette litanie des temps anciens récusant les Dieux et encensant Copernic et Galilée – et toute la clique des figures trop fièrement mathématiques et philosophiques, nourries d'équations, d'algèbre et de géométrie – et de phrases trop lourdes, trop longues et trop alambiquées – infréquentables – infranchissables... Nous avons préféré affronter les cauchemars de l'incompréhension et la désespérance – traverser les solitudes de part en part – et nous réfugier dans le ventre des rivières et du vent qui ont effacé les blessures et les éclats laissés par la foule – ces hordes de visages privés de tous les soleils – et de cette lumière inaccessible aux calculs...

 

 

Quelques efforts, un peu de volonté, jamais ne nous aideront à nous hisser jusqu'au soleil. Sans doute sauront-ils nous faire toucher le visage, un peu rugueux, de la lune – converser avec quelques étoiles lointaines – et visiter quelques planètes encore inconnues. Mais jamais ils ne parviendront à nous emplir – et à nous apaiser – de cette lumière qui s'offre spontanément – et si naturellement – à l'innocence – et à tous ceux qui ont su abandonner leur âme au silence...

 

 

Le silence comme une rengaine sans parole où nous serons jetés un jour. Et qui recommencera à chaque heure – à chaque instant – jusqu'à l'improbable fin des temps...

 

 

Une chambre, une nuit. Enfermées depuis toujours dans l'espace clos des désirs – entre les frontières de la haine, ces vies si minuscules où se glissent les cris et les gémissements comme des appels au secours – et des grimaces dans l'obscurité – lancés à la lumière pour qu'elle nous sauve de notre sommeil...

 

 

Un matin aussi sombre et hasardeux que la nuit. Des ombres, des voix, des cris. Le sommeil qui persiste jusqu'à midi – jusqu'aux heures les plus chaudes du jour. Et qui nous consumera jusqu'au soir. Semaine après semaine. Année après année. Ainsi, sans doute, traverserons-nous la vie, les siècles et tous les âges. Dans cette somnolence sournoise et diabolique. Comme de fragiles – et provisoires – survivants du temps...

 

 

Cet autre pas ravi du silence, des échos et des bruits qui s'avance sans un mot parmi les visages...

 

 

Un seul jour peut-être à travers les siècles où le silence saura nous apprivoiser...

 

 

Ce deuil de nous-mêmes que nous portons, sans même le savoir, à travers nos rires et nos angoisses – le tapage de nos vies confinées – la fierté et le luxe, si ostentatoires, de nos postures et de nos accoutrements. Et cette honte, si tenace, qui respire derrière nos éclats... alors qu'un peu de silence nous ouvrirait, sans doute, aux joies simples et discrètes de l'innocence – à une existence humble et authentique – à ce que nous sommes profondément – et qui nous manque si cruellement aujourd'hui...

 

 

Quelques paroles dessinées sur le sable, prêtes et ouvertes aux joies de l'effacement. Comme un murmure offert au silence qui sait déjà...

 

 

Le sang. Et le cœur encore avide de tortures, sous la tutelle de toutes les dominations – menaces, exactions, saccages, massacres, tueries – ne cessera son œuvre odieuse et terrifiante qu'avec l'extinction du délire et des fantasmes – la fin de l'usurpation – le retour à de plus saines et naturelles ambitions...

Et ces cris comme un aveu d'impuissance. La continuité de cette longue nuit d'épouvante. La face la plus sombre – et la plus rouge – du monde et des hommes, offerte à la terre déjà gorgée de mort et de dépouilles...

 

 

L'homme comme un animal réfractaire à l'éducation – aux mille éducations – nécessaire(s) à l'avènement d'une véritable civilisation – portée par l'Amour et la beauté – le silence et la lumière...

 

 

Qui sommes-nous sinon cette danse, ces cris et le silence... Qui sommes-nous sinon ce sang, ces souffles et cette furie, si violente et passionnée, des bouches et des mains... Qui sommes-nous sinon le désir et la fin de tous les règnes – et ce visage simple et indemne, épargné par les instincts...

 

 

Des toits, des montagnes, un ciel. Des arbres, des villes, la terre. Des hommes, des bêtes, des âmes. Et ce sang – et cette glaise – parcourus par les vents. Et derrière les rires et les pleurs de tous les visages, notre visage...

 

 

Une terre et un ciel sans broussaille ni nuage. Un océan sans rivage. Une plage déserte. Un monde, un feu, des cris. Une tristesse. Et derrière les larmes, cet énorme fou rire comme si seule la dévastation pouvait être consumée...

 

 

Et sous les abysses, cette étoile à naître que nos mains enfanteront à la fin de tous les désastres...

 

 

Un jour, un voyage. La fin annoncée des désirs – de tous les désirs. Un soupir et une colère suivis d'une interminable tristesse – réduite bientôt en cendres par la beauté émergeante, enfouie depuis toujours au fond de l'âme et des paysages. La lente avancée du silence – et le sacre prochain de l'innocence...

 

 

Un phare peut-être au milieu de la mer. Au milieu de nulle part. Une vigie inconnue au dedans de tout ; choses, bêtes et hommes. Tous les visages de la terre...

 

 

Une main levée qui frappe – qui se protège et implore. Une main avide et sournoise qui saisit et s'empare – qui vole, prête et caresse – et qui offre parfois, sans même le savoir – sans même le vouloir – ce qu'elle cherche à travers la multitude de ses gestes...

 

 

Le silence. L'autre versant du bruit et de la parole. L'autre versant du monde que nous ne savons voir encore...

 

 

Jamais nous ne viendrons à bout des vents. Jamais. Mais nous pourrions leur abandonner nos voilures. Nous y gagnerions, incontestablement, en simplicité et en innocence. Et nos chemins deviendraient enfin naturels, livrés non au hasard et aux instincts mais au destin et aux visages – aux virages et aux paysages (véritables) du voyage...

 

 

Des bruits et des blessures. L'humanité criante et implorante – immensément fragile, pugnace et déterminée – tantôt vive et ivre de désirs et de liberté tantôt agenouillée, famélique et pitoyable, défaite par ses propres instincts...

 

 

Cette lumière et ce silence qui frôlent les âmes – et la chair – sans jamais les atteindre. Comme si elles ne pouvaient être touchées – et meurtries – que par les coups et les cris. Les brimades et les caprices incessants du monde et des hommes...

 

 

Tout est là déjà qui s'enfuit. Les élans, les éléments et leurs conjurations. Le destin, les circonstances et ce qu'elles consacrent. La beauté et la mort. La grâce et les sortilèges. Les joies et les malheurs. La lumière et le silence. Les fondements – et la nature même – de notre identité. Tout ce qui accompagne nos dérisoires foulées sur les chemins...

 

 

Ce qui vient, s'éteint et va mourir. Et qui meurt déjà et s'efface malgré notre inquiétude et nos larmes. Cet essentiel si dérisoire devant la vie – devant la mort – si magistrales à leurs heures. Et si tragiques malgré nos rires. Ces torrents – ces avalanches – et ce mince filet d'eau tranquille qui s'écoule sans bruit – si anonyme – si impersonnel – parmi les visages que l'on devrait sans doute en sourire de notre vivant – et à notre mort – et peut-être bien plus longtemps après encore...

 

 

La longue déroute. La longue défaite de nos vies et de nos âmes. Les existences et les circonstances furtives qui nous laissent un goût amer mais qui nous frappent insuffisamment pour fracasser nos repères, nos croyances et nos certitudes – et nous ouvrir à une forme d'hébétude permanente, si nécessaire au sourire et à l'acquiescement joyeux que réclame notre si brève traversée des jours...

 

 

J'aime ces âmes rétives et tristes qui s'interrogent – et refusent les mensonges, les faux-semblants, les facilités et les jeux, si sanglants, du monde. Ces âmes terrées avec tant de hargne dans leur solitude qui regardent les hommes avec honnêteté sans jamais désespérer de voir, un jour, l'ignorance et la bêtise remplacées par l'innocence et la lumière...

 

 

Et ce rire parmi nos certitudes qui dévaste nos croyances et nos (si) risibles allégeances. Cette soumission au pire pour éviter l'effroyable que rien jamais ne pourra contenir sinon la lumière...

 

 

Aux premiers jours – aux premiers pas – apparaît déjà ce qui doit être enfanté et bâti... Et qui est né bien avant la première aurore...

 

 

En fin de compte, nous n'hériterons que du silence. Et de ce regard sans inquiétude sur la vie et le monde. Tout autre legs est – et sera toujours – partiel et apocryphe – qu'une aide à vivre plus doucereusement – qu'une manière plus aliénante encore de lier nos vies et nos mains aux compromissions – qu'un ajournement de la seule liberté possible – comme un détour inutile vers notre réelle figure...

 

 

Entre l'inspir et l'expir, le souffle et la parole, la parole et le silence – entre l'aube et la nuit – le jour et le crépuscule – cette lumière qui ne peut mourir. Des milliards de fois recommencée dans cet étroit passage hors du temps...

 

 

Tout n'est qu'abstraction et furtives traversées dans le silence. Brèves apparitions. Incertitudes et échos illusoires peut-être qui passent, le temps d'un souffle, dans le regard...

 

 

Après la fête, il ne restera sans doute que quelques tréteaux rongés par le temps et la pluie, oublieux des nappes et des victuailles – et de toutes les espérances qu'ils portaient... Et nous irons dès lors dénués de souvenirs et de désirs parmi les herbes folles des jardins abandonnés – laissés en friche – sur des sentiers invisibles qui se dessineront à notre passage et s'effaceront aussitôt – à l'instant même où notre pas foulera les herbes suivantes. Avec partout, autour de nous, la danse sereine des insectes, des bordées de chants presque inaudibles, des parterres de fleurs fragiles et éphémères, le silence des arbres et le ciel aussi vaste que notre oubli et notre lumière...

 

 

Tout s'efface – et est perdu déjà – avant même que nos mains ne s'en saisissent. Et pourtant rien jamais ne disparaît. Tout recommence toujours l'instant suivant pour que demeurent les chemins, les pas et le silence...

 

 

Le vertige de toute présence. Comme le reflet de la lumière – et le plus juste écho du silence. Comme un silence – des silences – dans le silence. Comme une lumière – des lumières – dans la lumière. Comme une présence – des présences – dans la présence. Comme une boucle immense portée – et nourrie – par tous les visages qui, à chaque instant, renaît et recommence...

 

 

[Modeste hommage à Alain Suied]

Nous sommes ce que jamais nous ne pourrons connaître... Le lieu de tous les passages. Ce visage au dedans de tous les visages. Ce rivage au cœur de tous les rivages. L'infini du ciel. Cette lumière qui éclaire le jour et la nuit – au fond de toutes les âmes et de tous les paysages. Cette trame tissée peut-être de rêves, de vérité et d'illusions...

Et une fois trouvée sans doute serons-nous enfin capables d'aller sereins parmi les songes et les foules, abrités des plus fabuleux déserts...

Comme un silence au milieu des rires. Et un rire au milieu du silence...

 

 

Comme un moine attaché à sa cellule et à son labeur, je traverse les jours, les joies et la solitude de l'âme...

 

 

L'âme vouée au triste – à cette sensibilité si vive. Comme une fumée blanche et fragile sur la chair que ni le monde ni la terre ne peuvent libérer. Et qui n'a qu'une espérance ; le ciel et son accueil. Comme une lumière dans ses tremblements qui la détacherait de ses ombres...

 

 

User l'os jusqu'à la rupture – jusqu'au parallaxe – pour découvrir la chair enfin nue, libérée de son support. Comme une âme défaite de son ciel – et de toute espérance. Un regard grandiose d'infinie simplicité. Ce vers quoi mènent tous nos élans. Et tous ces jours passés à s'extraire de sa gangue noire. Cette propre perte qui nous appelle au dedans de nous-mêmes. Cette apocalypse si proche...

 

 

La rencontre d'un poète – d'une sensibilité (proche de la sienne) est une joie – et une fête pour l'âme. Le pari qu'une autre vie – plus belle – et qu'un autre monde – plus vivable – sont (encore) possibles...

 

 

Cette chose en nous qui se débat entre le vide et le néant. Entre la joie et l'accablement – et qui jamais ne retombera sur ses pieds comme si le ciel – et les Dieux sans doute – avaient retiré tout appui et les tapis – tous les tapis – où elle aurait pu se tenir debout. Comme s'ils avaient pour elle d'autres projets – plus ambitieux ; l'incertitude et l'inconnu. Le sacre de l’incertain et du silence...

 

 

Le jaillissement de l'insoupçonné entre – et au dedans même de – nos certitudes. Comme le plus exact parmi toutes nos vaines croyances. Ce que rien ni personne – pas la moindre circonstance – ni même la mort – ne pourra nous arracher : cette vérité insaisissable de chaque instant...

 

 

Et ce rêve de vie – et ce rêve de mort – qui nous les insuffle ? Et devrait-on les refuser ? Le vide comme remède – et absolution – à toutes les promesses – à toutes les pensées.

 

 

Cette boue, ces cordes et ces peaux décharnées, agonisantes dans les eaux sombres. Et cette poussière qui n'en finira jamais de renaître... et de mourir encore. Et l'autre versant du monde – et de la vie – que nous ignorons toujours. Combien de siècles nous faudra-t-il traverser pour arracher à notre âme ce destin – et ces oripeaux ? Combien de vies – et de lits de mort – devra-t-on souiller avant de pouvoir parcourir l'espace sans y jeter nos rêves, nos ombres et nos terreurs ?

 

 

Et nous errons encore au milieu du désert – au milieu de nulle part – de tous ces lieux qui ressemblent à des cités – où les hommes ne sont que des ombres sur leur orbite – qui tournoient de façon si hasardeuse. Des cellules vides où ne règnent que la brûlure du manque et la solitude – toutes les absences. Où l'accueil se cantonne à recevoir – et à prendre si souvent – ce qui nous est nécessaire alors qu'il faudrait plonger au cœur de l’âme pour faire naître le seul Amour possible – la seule humanité nécessaire – pour créer un monde différent du monde – des lieux et des cités gorgés de présence afin de nous guérir, peut-être, de toutes les absences...

 

 

Seul. Et le néant encore malgré la lumière et le silence. Comme la marque la plus tangible – indélébile peut-être – de notre existence. Rien ni au dedans ni au dehors. Que des ombres et des mondes. Et rien que des peurs malgré la présence, partout, de l'invisible...

 

 

Que deviendrons-nous, nous autres qui n'avons jamais été... Demeurés sans doute – enfermés plus sûrement encore – et aveugles à toute évidence. Mais libres de devenir... Et nous finirons (probablement) comme un fruit pourrissant dans le silence. Détaché de l'arbre – et retrouvant sa source pour d'autres périples et d'autres voyages. Une intelligence à naître peut-être parmi la bêtise, les agonies et le secret des Dieux...

Et nous guetterons ainsi, à chaque nouveau printemps, les nouvelles pousses sous les arbres fruitiers parmi l'herbe et les chaises vides abandonnées là par le monde et les hommes...

 

 

Peut-être ne sommes-nous, après tout, que ces pages, cette main et ce labeur qui couchent les mots sans voir – ni comprendre – d'où ils viennent ni où ils vont... Comme un aveugle voué à sa tâche – et la preuve peut-être qu'une vie suffit à la vie – et qu'un homme se suffit à lui-même – et que le monde n'a besoin de personne – et qu'il nous faut aimer notre solitude et notre impuissance pour que notre labeur, notre main et nos pages demeurent dans la joie, le silence et le dénuement...

 

 

Le temps comme un tatouage peut-être qu'effaceront les siècles. Et qui meurt déjà au fond de chaque instant...

 

 

Les visages qui tournent en rond autour du même cercle : leur figure sans nom où viendront, un jour, se poser les âmes...

 

 

Quelques pas sur le tapis rouge qui serpente entre les arbres. Invité là par la forêt et quelques nymphes des collines peut-être. Convié à la cérémonie grandiose du silence à laquelle seule peut se rendre la solitude – notre solitude...

 

 

L'autre côté du monde où tout est oublié. Comme le reflet, le plus fidèle, de la nudité originelle – où les âmes passent à travers les siècles pour éclairer l'autre versant – le côté sombre où nous habitons...

Et au milieu des reflets, ces routes épaisses où s'agglomèrent (encore) le sang et la sueur – le fruit de nos rêves et de nos angoisses. Et ce soleil sur les pierres sèches et les âmes décharnées qui cherche à pénétrer ce qu'elles abritent derrière leur fierté maladive et leurs faiblesses – ce qu'elles ont, sans doute, de plus fragile et de plus précieux...

Et notre visage prisonnier de tous les miroirs – et des mille reflets trompeurs que lui renvoient le monde et ses figures légendaires... Comme des paysages infranchissables – une pente insensée – qui nous feraient glisser du côté de la nuit et des ombres. Comme voués à une éternelle bascule qui nous ferait tomber sur les pierres dures et froides derrière les murs et la vigie encore indistincte. Avec ce goût de sang et d'impuissance dans la bouche et au fond de nos âmes meurtries...

 

 

Les joies verticales au carrefour de toutes les horizontalités. La lumière qui court parmi les âmes et les visages. Et le silence où tout est ressenti ; formes, mouvements, mort, naissance, élans, essais, échancrures, nudité de l'ascendance, gravité de la chute. Infini et évanescence. Temps et éternité. Rêves, images et agissements parmi la roche et les feuillages. Vents et dialogues. Plaintes, murmures et gémissements. Et la voix même du silence derrière notre silence...

Comme le jeu, les jouets et le joueur réunis en une seule main dans la solitude de la chambre...

 

 

A hauteur de lumière – à hauteur de poussière – tout est vu. L'ombre et le soleil. Les corps, les âmes et leurs élans. Ce qui cherche le silence – et ne peut lui échapper...

 

 

Léger. Trop penché. Assis. Debout. Perché. Partout l'équilibre pourvu que nous résistions à la tentation du socle – à cet appui qui nous enlise – et nous fait chuter – quel que soit le mouvement...

 

 

Le dialogue ininterrompu entre l'âme et le silence malgré le vacarme et les cris – les assoupissements et les renoncements durables (bien que provisoires) à la lumière. Comme si le ciel savait déjà ce qu'ignore la terre – et lui en offrait le privilège malgré ses résistances, ses refus et son ignorance...

 

 

Aujourd'hui nous pouvons sourire de nos déboires – de cette défaite perpétuelle qui a parcouru (et qui parcourt encore) nos jours – du premier au dernier – de toutes ces pentes où nous avons glissé – avec notre âme derrière nous qui résistait (de toutes ses forces) à tant de facilité pour nous tirer vers la montée... De toutes ces sentes – et de toutes ces impasses – où nous ont poussés notre embarras et notre curiosité. De nos efforts pour échapper aux précipices et conduire nos foulées loin de l'abîme. De cette vie – ces petits riens – qui, au bout du compte, ne nous auront rien appris. Ni à vivre ni à aimer. De cette longue glissade vers le néant qui nous a éloignés de l'autre versant du monde et de la vie : le vide – et leur sommet commun, la lumière et le silence – accessibles de l'en-bas – par tous les en-bas – comme une verticale insensée où la chute et l'ascension se rejoignent...

Aujourd'hui nous pouvons aimer notre dénuement – cette dépossession de tout qui abrite – et offre – les plus grandes richesses, insaisissables par notre main – et plus encore, sans doute, par notre cœur... Cet hiver au creux – et au cœur – de toutes les saisons. Ce soleil, si fragile, à toute heure du jour et de la nuit. Ce silence obstiné que ne peuvent entamer ni les bruits ni le monde. Cette lumière indomptable qui éclaire les plus épais brouillards. Cette marche incessante parmi les foules et les visages – les cités et les déserts. Toutes ces merveilles qui se transforment sans jamais mourir...

 

 

Le sombre et lumineux poète des jours et du silence. Et des apparents paradoxes...

 

 

Délits et délires. Comme des embarcations de lumière pour les âmes en transit...

 

 

Une invitation à l'immobilité parmi les routes et les visages. Et une main ouverte et précise – sans volonté propre – respectueuse et soumise aux circonstances. Comme le signe – la preuve – irréfutable d'une compréhension – et le défi continuel de chaque instant...

 

 

Nous sommes toujours un peu moins que nos prétentions. Et tellement plus lorsque nous les abandonnons. Nous sommes alors – devenons enfin peut-être – le ciel et le soleil. La pluie et les visages. Les rires et les pleurs. Et toutes ces mains tendues – toutes ces mains levées qui s'accordent – et s'écartent – à notre passage. Les chemins et les fleurs. Les pierres et la tristesse. Et cette grande joie – un peu mélancolique – de l'âme. Ce qui est là devant nous, le regard et ce qui passe. Ce qui s'éloigne et est déjà loin. Ce qui n'arrive encore – et ne naîtra peut-être jamais. Tous les possibles. Les circonstances d'ici et d'ailleurs. Tout ce qui nous terrassera – et nous effraye tant déjà. Tous les désirs, tous les rêves et tous les destins. Ce qui ne nous fera jamais mourir. Ce visage indemne et tous ses tressaillements nés de notre rencontre avec le monde...

 

 

Autrefois, il y avait des idées et des édifices. Une longue liste d'espoirs et d'activités – de projets et de choses à faire... A présent il ne reste pas même quelques ruines – ni élan ni velléité. Qu'un vent et une poussière libres de leurs parcours – et de leurs détours. Et un sourire ineffaçable sur nos lèvres. Cette figure qu'aucune chair – qu'aucun visage – qu'aucune circonstance – ne pourrait corrompre ni ternir...

 

 

Quelques fantômes encore pour exalter la fièvre, la peur et l'anonymat, si singulier, des ombres. Hommes réfugiés hors des surfaces – hors de toute épaisseur – que l'on voit prier – mendier – réclamer le peu nécessaire pour vivre. Une main tendue vers le rêve et l'enfant qui cherche une caresse et une chevelure à aimer – un peu de courage, de réconfort et de légèreté pour affronter les jours et les malheurs...

 

 

Une soif si ancienne – ancestrale – tournée à présent vers la pluie. Comme le signe non d'une résignation mais d'une possible compréhension. Le gage que les malheurs – tous les malheurs – sont une source – une rivière – un fleuve – auxquels s'abreuver. Et la preuve que toute fontaine est le lieu où coule une eau apaisante capable de désaltérer l'âme et la chair assoiffées...

 

 

Aux âmes désarmées, tout sera offert. La mer, la fleur et la rosée. L'herbe et le plongeon. Le rire et l'abandon. Le printemps au cœur de l'hiver. Le soleil et la pluie. Le sourire venu d'ailleurs. Le sel sur les anciennes fadeurs. La grâce. Le sang dans les veines. Le bonheur et la félicité du poème. L'aveu et les rendez-vous. La fin de tous les sommeils...

 

 

A la verticale du monde, cet autre sommet – inconnu – incompris – délaissé – qui s'offre aux innocents – aux âmes que les couteaux n'effrayent plus – et aux hommes et aux bêtes sortis de leur torpeur...

 

 

Cette saison derrière toutes les saisons. Ce visage derrière tous les visages. Cette lumière au fond de toutes les nuits. Et ce silence reclus dans toutes les paroles. Offerts à tous sans exception...

 

 

Nous sommes plus grands que nos ombres. Plus clairs que ce que nous cachons. Plus vifs que la lumière. Plus intrépides que nos lâchetés et nos pas prudents dans le noir. Mais pour y prétendre, nous devons nous démunir – et fréquenter l'en-bas – et le plus humble – puis nous redresser – et aller dans cette verticalité offerte par l'abandon – et tremper nos pas – chacun de nos pas – dans l'innocence. Alors tout nous sera donné – et révélé. Ce visage sans borne que nous dissimulons derrière nos désirs et nos ambitions...

 

 

Sous le sable, ce savoir qui ne nous appartient pas. Cette puissance sans détenteur. Cette lumière et ce silence dont nous serons à jamais les locataires. Ce qu'il restera lorsque le sable aura glissé – et se sera écoulé – entre nos doigts si malhabiles...

 

 

La pluie et le soleil encore. Au fil des saisons qui passent. Et ces vents frondeurs entre nos âmes, qui s'abattent sur nos mains et nos fronts rageurs. Et la poussière fidèle. Et le monde. Toute notre vie. La vigueur des fouets et des désirs. Les peurs recroquevillées sous la chair. Le devenir et l'ambition de croître plus encore. Ces larmes sur les visages. Et ces nuages dans le ciel gris – défait. Comme un masque dont il faudrait nous affranchir...

 

 

Ce qui jamais ne nous appartiendra mais qui est nôtre depuis toujours. Le dedans et les alentours. Cet infini sans frontière. Ce lieu sans ombre ni limite. Ce silence – cet Amour – cette lumière. Le soleil et ses tremblements. Tous les plis et les interstices de l'espace. Notre seule mesure – celle que nous pouvons vivre sans rien perdre ni gagner entre la pluie, le vent et le soleil. Ce qui demeure derrière les amassements et les abandons. Ce qui se conserve, intact, sans s'engranger parmi les ombres et la brume. Ce ciel sans âge où les anges et les démons cohabitent et se querellent sans jamais blesser – ni meurtrir – la chair et les âmes malgré le sang et les larmes versés...

 

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16 décembre 2017

Carnet n°119 Entre les étoiles et la lumière, ce grand soleil inespéré

Recueil / 2017 / L'intégration à la présence

Les bourgeons et le printemps. Ce dont nous ne pouvons nous défaire. Cette attente sans fin des promesses...

L'ailleurs, accouché des désirs, que l'on voit naître ici, au plus proche de notre attente...

La nuit et le jour introuvables parmi les figures du temps. Le chant des fous. Les rumeurs du monde. Ce que nous avons oublié depuis trop longtemps...

Les messages et les secrets. Ce que chaque rencontre porte malgré elle. Le cri des Dieux et le silence. Le plus fraternel du jour...

Le plus puéril de l'homme et le plus mature de l'enfant. Ce qui nous précède – et arrive sans bruit derrière nous...

 

 

Comme un puits de lumière où nous serons jetés un jour quoi que nous fassions – et quoi qu'il arrive...

 

 

Le plus sensible de l'âme...

 

 

La mer et les rivages. La chambre de l'âme. Cet Amour privé de mains et d'étoiles qui attend en silence dans la poussière. Notre soif et notre haleine. Ce qui nous effraye et dont nous n'avons (pourtant) rien à craindre...

 

 

Ce qui frappe à la porte – et se cache derrière les rideaux. Cette fissure, si fraternelle, de l'âme. Les jeux et les plaisirs d'un Dieu sans malice...

 

 

Les bourgeons et le printemps. Ce dont nous ne pouvons nous défaire. Cette attente sans fin des promesses...

 

 

L'ailleurs, accouché des désirs, que l'on voit naître ici, au plus proche de notre attente...

 

 

La nuit et le jour introuvables parmi les figures du temps. Le chant des fous. Les rumeurs du monde. Ce que nous avons oublié depuis trop longtemps...

 

 

Les messages et les secrets. Ce que chaque rencontre porte malgré elle. Le cri des Dieux et le silence. Le plus fraternel du jour...

 

 

Le plus puéril de l'homme et le plus mature de l'enfant. Ce qui nous précède – et arrive sans bruit derrière nous...

 

 

Les couleurs et la blancheur fidèle des retrouvailles. L'angoisse et le mystère. Les erreurs et le remords. L'inexprimé de tout. Cette part (de soi) que l'on ne peut perdre – ni même retrouver peut-être...

 

 

L'honnêteté et la tristesse du cœur abandonné à ses élans. Ce que le silence ne peut encore, si souvent, ni réparer ni fournir. Cette lumière enfouie dans tous les replis...

 

 

L'infortune – et ce que nous cachons au grenier. Comme un fruit – à la saveur intacte – abandonné là depuis des siècles. Dans cette entaille où la foudre ne frappe que trop rarement...

 

 

Ce lieu où rampe – et s'agrippe – la vie. L'immobilité – et le socle de tous les mouvements. L'origine et la fin du langage. Les danses. Et le silence qui nous attend...

 

 

Ce que contemple l'oiseau sur sa branche. Ce qui brille, si terne, dans la poche des hommes. L'exil de Dieu. La promesse de tous les royaumes...

 

 

Ce qui s'écoule de la chair rompue par la force et les armes. Ce qui suinte de la douleur. Le vacarme du monde. La peine des âmes. Et les larmes qui tombent partout sur le sol et l'adversité. Cette incompréhension de nous-mêmes...

 

 

Ce que la parole ne peut délier. Ce qui s'inscrit dans le plus vif silence...

Ni au dedans ni au dehors. Ce qui en nous veille, immobile...

 

 

Ce que le monde dérobe – et ce dont la vie nous prive. L'insaisissable à notre portée...

 

 

Le front bas et l'âme brûlante. Ce qui jouxte l'enfer. Le nom, le sang et les poitrines décimées effacés par les mains de l'orgueil. L'interminable continuité des jours...

 

 

Le plus tendre dont on ne peut s'emparer – et qui ne peut s'offrir. Ce qui se creuse – et se découvre – à mains nues. Ce que côtoie, à chaque instant, l'innocence de l'âme...

 

 

Le plus familier de l'homme – et ce qui lui est le plus étranger. Ce dont le monde, parfois, ne peut même se douter. L'inimaginable...

 

 

Le plus vaste de l'aube – et le plus invisible aussi. Ce qui s'étend jusqu'au crépuscule et traverse toutes les nuits...

 

 

Ce que la nuit ne peut cacher au jour. Et ce que le jour a toujours su – et ce qu'il incarne et a pris soin de dissimuler un peu avant notre naissance. Le chemin, la patience et la folie nécessaires pour le retrouver. Chaque foulée. Une vie entière. Et des siècles parfois. Un seul instant pour découvrir cette lumière...

 

 

Ni langue ni combat. Pas même une promesse. Le plus désarmé de l'espoir. Le plus bel exil. La fin des dictatures. Ce que nous vivions, enfants, avant la malédiction de la terre. Le moins déplorable, peut-être, du destin...

 

 

Cette partie oubliée de l'exil où se dessine l'aube la plus inattendue. N'importe quel matin...

 

 

L'équilibre du présent. Ce qu'enterre la mémoire – et ne peuvent faire advenir ni le futur ni les heures prochaines. La fin de toutes les prophéties. Et le jour encore qui se lèvera demain...

 

 

Les couleurs du monde, du ciel et de la neige. L'esquisse de tous les visages abandonné au sable et aux marées. Le temps à rebours. Le passé décomposé. Ce qui germe – et se libère – dans le poème. Toute vocation à naître...

 

 

Le rêve, les fruits et les fleurs. La suspension du printemps. Les mille saisons réunies en une seule danse. La promesse vivante de tous les Dieux. Ce que nul ne peut manquer. L'épuisement – et l'abandon de tous les chemins...

 

 

L'or et le soleil de la parole. Ce qui fonde et balaye les empires. L'insistance des vents. Ce à quoi nous sommes tous condamnés. La danse éphémère des papillons...

 

 

Ni havre ni détour. La continuité des existences – et de toutes les errances peut-être...

 

 

La promesse des jours. Ce qui reste après avoir brûlé nos secrets. Cette matière noire, et périlleuse parfois, aux justes proportions du ciel. Nos racines les plus inattendues. Cette trame tissée d'Amour et de désirs. Le moins maléfique du silence...

 

 

Nous sommes peut-être des visages au milieu de nulle part. Le monde couché au dedans des rivières. Le plus authentique du vent et des déserts. L'homme debout juché sur l'âme de tous les Dieux...

Et nos vies comme du bois mort – des écorces flottantes errant dans le silence...

Nous oublierons nos anciennes naissances – et le reste de notre vie. Comme une maison sans mur – un bâton tournoyant dans le vent. Comme une chaise vide posée sur les dunes désertes – dans l'immensité. Comme un mirage pour tous les séants et tous les visages. Le plus inespéré, sans doute, de la soif...

 

 

Un lieu comme nul autre. Un lieu comme mille autres. Et l'ardeur de la faim qui inquiète les bouches – et noue les estomacs. Le souffle de l'aurore sur la misère et l'infamie des siècles – sur la misère et l'infamie de tous les siècles. Et le lieu-dit de la sagesse, peut-être...

 

 

Ce qui est fidèle – et ne peut se dompter. Le plus clair des visages enfouis encore dans la nuit. Ce qui brille dans le noir comme de l'or...

 

 

Ce qui se chante mais ne s'atteint pas. L'espérance de toutes les morts. Ce qui nous délivre de tous les tombeaux...

 

 

Une forêt, une musique. La symphonie des siècles et des âges. Et le silence des jours qui passent...

 

 

Ce qui danse dans l'abîme après notre mort. L'oraison et les prières du silence...

 

 

Un jour, nous oublierons qu'il y a des matins et des cris insoutenables dans le monde. Nous jetterons au feu notre espérance, vivrons de peu – et peut-être même de rien – pour aller ensemble vers le plus pur des chants – et délivrer les foules et les oiseaux de leur cage. Nous libérerons alors la parole et l'innocence – et les poserons sur toutes les épaules et toutes les âmes – pour que tous les matins deviennent un seul jour – et les cris, un seul (et même) silence...

 

 

Un jour, le vieil océan ne sera plus. Et défaites nos angoisses. Envolées – et balayées par les vents. Et fondront sur nous toutes les mains de l'aube. Comme des caresses sur l'âme. Et la résuscitation des presque-vivants... Et la vie, l'Amour et la mort ne formeront plus qu'un seul corps – qu'une seule bouche. Et l'impossible sur les lèvres resurgira comme la seule évidence...

 

 

Ce qu'ignorent les vivants et ne peuvent encore deviner les morts. La transparence du mystère – et sa résolution. L'extinction des questions et le couronnement de toutes les errances. Le plus lumineux du langage et du silence...

 

 

Ni haine ni révolte. Le plus joyeux de la soumission. Le plus humble de la joie. Le plus ancillaire des dévouements. Ce qui offre aux vivants la perspective de l'inanimé. Le plus juste destin des créatures. Notre seul visage...

 

 

Un jour, la nuit nous réunira pour éparpiller nos rêves – et ressusciter cette liberté que nous avons troquée contre la servitude...

 

 

Ni fouet ni pierre précieuse. La flèche – et la main – de l'archer guidées jusqu'au silence. Et qui se dressent soudain pour fendre la nuit – et toucher avec la plus belle assurance – et la plus grande certitude – le visage de l'Amour. La figure hébétée de tous les Dieux...

 

 

Ni union ni séparation. Les plus étranges entrelacements. La bouche dénudée du désir et de l'orgueil. L'empreinte de l'invisible sur la chair. Le mariage inattendu de la conscience et du monde. Tous les fruits – et tous les baisers raisonnables et sauvages – de cet Amour si ancien...

 

 

N'importe quoi, n'importe où, n'importe quand, n'importe comment – avec n'importe qui... Ce qui naît, vit et meurt dans la douleur. Et les plus grandes joies. Tout ce qui ne nous appartient pas...

 

 

Ce qui reste après l'amour. Le visage de la tristesse. L'âme séparée de sa tutelle. La raison et le hasard. Les soupirs et la damnation. L'ange qui boîte – et traîne le pas. Les incendies et les révolutions. Ce qui nous écrase – et veille sous le poids des baisers. Le croisement de tous les chemins. Les mille carrefours de l'invisible et du vivant. Cette frontière que ne peuvent franchir ni les âmes ni les étoiles...

 

 

Les fardeaux, les nuages et les coupoles de tous les mondes. Le plus tendre qui habite sous notre toit. Ce qui se laisse effleurer par la pluie et les vents. L'homme aux abois. Tous les messages de la terre. Et la promesse de tous les Dieux. Ce que ne pourra nous dérober la mort...

 

 

Ni règne ni partage. Ce qui nous porte à l'affliction. Les couronnes d'épines. L'espace que parcourent les pieds sur la colline. La croix et les châtiments. Ce qu'honorent toutes les églises. Tous les prêches. Et les aubes trop précoces...

 

 

Ce qui ne peut déterrer l'ombre – et qui la libère pourtant. Les murmures et les présages. Le plus innocent au dedans de l'homme que piétinent – et ravivent à la fois – nos ambitions. Le plus doux qui s'avance vers nous – et que nous giflons de la plus cinglante façon. L'inusure devant laquelle capituleront le temps, les conquêtes et les humiliations...

 

 

Le plus rare et le plus commun. Ce que le temps dévoile sous les rides – et derrière les paupières. Cette lumière qui traverse les heures, les siècles et les fois les plus chancelantes...

 

 

Nous ravalerons notre destin à l'heure venue. A l'instant du trépas. Au jour de la fin des siècles – de la fin du temps – pour aligner le hasard et la lumière sur la même ligne d'horizon. Et nous verrons alors venir – et se célébrer – l'agonie des soldats et le règne flétrissant des guerres. Le renoncement de tous les combattants. La fin des privilèges et des candidats. L'émergence de tous les postulants à l'innocence...

 

 

Entre le silence et la main, nous glisserons un glaçon sur notre langue – comme un suspens momentané de la parole – pour que résonne au fond des gorges cette douce mélodie du temps privé d'avant et d'après... Comme un oiseau sans cage sur les branches du printemps. Une pierre jetée au fond d'un étang. Ce que désirent les sanglots – tous les sanglots. Ce nom oublié dont se souviennent pourtant nos rêves les plus intrépides...

 

 

Un nom dans la nuit qui retentit comme un éclat. Un morceau d'étoffe sur la rage des paupières – sur cette fougue animale aux allures de promesse. Comme un instinct voué à toutes les peurs – et au sacre flamboyant du jour...

 

 

Nous aimerions embrasser tous les visages pétris dans la honte et les malheurs. Et voir les lèvres s'extasier de l'Amour dans la nuit sombre. Et apercevoir là-bas, au loin, se balancer – et mourir – entre les lueurs allumées dans la pénombre ce désir infini de sommeil...

 

 

On ne se souvient de cette vieille nuit – et reclus dans ses replis, le jour venu. Comme si la lumière effaçait nos chemins – rêvés peut-être... Ce glissement de la torpeur vers le silence – cette vivacité, si sensible, qui en nous depuis si longtemps sommeillait...

 

 

Nulle fenêtre où l'on s'endort serein. Un peu de repos et quelques chandelles (tout au plus). Une maison et quelques amis de passage. Comme une étrange façon d'oublier l'obscurité et la solitude – et d'ajourner notre rêve, encore si hasardeux, de lumière...

 

 

Des étreintes et des passages par milliers – par millions peut-être. Et le seuil toujours infranchi du silence. L'ombre régnante toujours sur les corps et sur les âmes. Et cette lumière inatteignable parmi les mythes, les mensonges et les calomnies avec ses sentiers et ses forêts – et ses clairières cachées où nous pourrions faire halte avant d'étendre notre foulée vers l'inaccessible...

 

 

Ni feuille ni ardoise. Pas même une craie pour dessiner sur le tableau la route – et les contours de l'itinéraire. Quelques ponts – et quelques passerelles – vers ce que Dieu, et quelques hommes, tiennent pour le plus sacré et le plus éternel ; cet étrange pays, caché au dedans des âmes et des malles, que nous habitons déjà...

 

 

La foule et le silence. Ce que jamais ne pourront oublier nos pas...

 

 

Le plus fugace, sans doute, de l'éternel. Et le plus fragile. Ce qui, pourtant, jamais ne s'achève – et recommence indéfiniment. L'accès, peut-être, le plus précaire à l'infini...

 

 

Entre les étoiles et la lumière, ce grand soleil inespéré...

 

 

Ni alliance ni trahison. Ce qui fonde toutes les lois. Le plus sincère de la loyauté. Et le plus authentique. Ce que nul, ici-bas, ne peut corrompre...

 

 

Ni décès ni baptême. Ce qui dure au fond de l'âme – à travers les siècles...

 

 

Nous pourrions éteindre les heures – renoncer aux psaumes et aux miracles pour revêtir la foudre – l'éclat du tonnerre, la brillance du diamant et la douceur, un peu sauvage, du brocard. La foi de l'aile et de la paume...

 

 

Aux heures lasses où les foules – et les destins – se hasardent sur les trottoirs et où les vieux se réchauffent aux flammes des cheminées, nous pourrions passer des siècles – le reste de notre vie – attentifs au plus humble de la lumière. Entrelacer les paumes et nous ravir des troubles passagers. Recevoir le monde comme un mirage – et surprendre les hommes au cours de leur furtif passage...

 

 

Quelques mots murmurés dans la nuit aux mains jalouses de tous les soleils. Comme un bruissement de feuille. Le chant d'un oiseau qui monte dans la brume...

 

 

Comme l'aurore – et son épée tranchante – qui lacèrent les maigres espoirs du monde. La main tendue des hommes. La mendicité de la terre encore aveugle aux offrandes – et aux mille trésors offerts par l'inconnu et le silence...

 

 

La loi et l'innocence. Comme le corps et les vents sur l'âme. Ce que voile le sommeil. L'absence du plus sacré en nous. Comme une discorde et des dissemblances. Un poing qui s'abat sur la table. Le défi d'une vie sans grimace. Le soleil revenu après la pluie...

 

 

Sans un adieu à nos frères. Sans même une main levée en guise de salut. Un silence aux allures de remerciement. La poursuite des jours et de l'ineffable. Une porte ouverte sur les paysages – et les chemins sans fin. Comme un retour – comme un départ – dans l'étrange continuité – et la transformation incessante – de la terre et des visages. Et quelques détours, peut-être, nécessaires...

 

 

Un jour, nos cheveux deviendront gris – et les traits creusés – et obscurcis – par tant de printemps. Et nous oublierons les cimes et les bras tendus vers nous – les années et les ornières – les rues, les âmes et les mains – la langue même et le rouge des passions – pour nous allonger sur la neige des plus hauts ciels parmi les anges et les visages réconciliés...

 

 

Ni sort ni sortilège. Le plus vif de cette terre. Ce qui frôle nos mains et notre visage. La pelle et le pétale. Les rafales consolatrices du vent...

 

 

Un jour, nous deviendrons des géants aux ailes fragiles. Ce trésor enfoui dans les jardins. La couleur des saisons que nous ferons nôtres. Cet amour plus vieux que la terre. L'infinie sagesse parmi les pierres...

 

 

Ni récit ni anecdote. Pas même une lampe au dessus de la porte. Ce qui gît dans l'obscur de l'âme. La nuit changée en aurore. Ce qui se rebelle et fraternise avec l'ombre la plus réfractaire...

 

 

Ni royaume ni empire. Comme un champ de blé – une prairie sauvage – abandonné(e) aux appétits...

 

 

Ni avec ni sans nous. Parmi et au delà des foules. Sur chaque visage. Et au dedans de tout ce qui naît. Le ciel brûlant et cette paume, comme un poème, qui se laissent bénir – et éventrer par les yeux – et toutes les âmes encore si indociles et orgueilleuses...

 

 

Tout ce qui se donne – et ne peut s'offrir. La beauté des fleurs. La candeur des sourires. Et la tristesse des pèlerins. L'âme encore brouillonne qui aimerait s'emparer – et jouir – plutôt que s'abandonner au hasard et au destin...

 

 

Un jour, nous pourrons confier aux Dieux nos secrets et nos trouvailles. La violence des mains et des âmes – de nos mains et de notre âme. Leur silence et leur socle de joie. Nos refus et nos répudiations. La tristesse de l'exil. Notre soif si gorgée de désirs. Nos rêves et nos songes. Et le plus innocent, vivant encore – vivant toujours – dans cet horrible fatras...

L'improbable, l'impalpable. Le plus méconnu...

 

 

Ce à quoi ni la vie ni la mort ne peuvent accéder. Cette défloration de l'âme orchestrée par les événements. Notre présence au monde. Ce que nous portons comme un secret – et que nous révèlent les circonstances...

 

 

Ni recul ni sursaut. Le poids, si léger, de tous les silences. Cette présence sans usage...

 

 

Tant de rires et de pleurs que nous avons supportés. Et d'âme en âme, la paix s'est éloignée. Epargnons-nous à présent les rancœurs – cet amas de tristesse. Cherchons plutôt la lumière – cette joie cachée au dedans de l'âme – et dans les plus sombres, et humbles, recoins de la terre. Ce que jamais ni les jours ni les hommes ne pourront nous offrir...

 

 

A ceux qui passent, ignares, et parcourent le monde – et ses plaines – sans un sourire – sans un regard en arrachant à la terre quelques poignées d'or en échange de leur silence ou de leur labeur... A ceux qui gisent au fond de leur cachette en guettant Dieu du coin de l’œil... A ceux qui s'échinent à la rude besogne de la fouille en se cassant les ongles et les dents, la vie s'offre d'une égale manière, distribuant ses offrandes selon l'honnêteté du cœur et des pas – et au prorata de l'innocence éprouvée... Ainsi s'exercent (depuis toujours) les plus justes émoluments et la plus exacte prodigalité...

 

 

Ni temps ni chemin. Là où se retire la nuit au milieu des drames, des danses et des cris. Là où s'éveillent le jour et le regard des nouveaux-nés. Là où rayonnent le silence et le souffle de l'innocence...

 

 

Ni haine ni ami. Ce que draine le nécessaire. Ce qui se partage sans un bruit – sans un mot. Ce qui guérit les blessures, la mémoire et les sacrifices. Ce qui pardonne et annule la mainmise du temps. Le seuil, peut-être, de tous les miracles...

 

 

Un jour, le sablier nous consolera de ces heures perdues – cet amas de temps creusé dans les veines de l'éternité. Et seront oubliées les joies menues des jours qui passent. Les falaises, infranchissables, qui nous séparent de la mort. La chair cognée qui s'effrite – et se dilapide – sous la force des aiguilles – et le pouvoir de l'horloge. La fin inexorable des saisons...

 

 

Comme une caresse sur la poussière. Un souffle qui éparpille les craintes et les menaces. Le tic-tac incessant qui célèbre l'instant. La fin des pas et des traces. Le règne des chants inaudibles. La fulgurance (magnifique) du trait spontané. Le geste magistral – et définitif – indéfiniment recommencé...

 

 

Ni brume ni regard. Un peu d'asphalte où se perdre encore... Des étoffes et des replis. La craie des rêves qui continuera peut-être à dessiner sur la terre ces horribles horizons noirs. Les gouffres et l'abîme où nous serons jetés. Des liasses d'innocences perdues – éparpillées dans des mains qui ne sauront qu'en faire...

 

 

Un dé où sera jeté le hasard. Des aiguilles pour l'horloge. Des sentiments et des galaxies. Une présence encore sautillante dans les paysages. Des larmes et des angoisses. La défiance des renégats. L'insolence des solitaires. La fatalité peut-être. Ce que Dieu nous permettra encore...

 

 

Ce qui arrive – et se passe – au seuil – et au dedans même – de l'impossible. Cette impatience qui prend le large. Les jambes de la pensée. Les fantômes encore balbutiants de la terreur. L'ardeur, les chemins et les errances. L'indifférence des visages. La promotion du monde et de tous les délires. Et l'âme peut-être enfin agenouillée au cœur de notre destin...

 

 

Nous pourrions nous taire – et célébrer la parole dans le silence (le plus circonspect des silences). Mais la main, encore trop fébrile et trop sincère – et l'âme si soucieuse du monde (et de partage) s'emploient, malgré elles, à délivrer (avec la plus grande naïveté) tous les messages de la terre, du ciel et des Dieux encore si railleurs. Comme une promesse intenable – une incompréhension – offerte aux railleries, à l'ignorance et à la pédanterie des foules...

 

 

La condition silencieuse du labeur. Comme un poème étonné. Une caresse médusée. L’œuvre d'un autre peut-être...

 

 

Un jour, peut-être, nous pourrons nous atteler à la besogne. Et offrir un chant – quelques riens – aux plus rêveurs. Percer les poches et les emplir de quelques pierres lavées par la lumière. Tendre le visage à tous les coups – et le cou aux égorgeurs. Et ce jour-là, Dieu (sans doute) aura pris notre place – après nous avoir autorisé à quitter les lieux – et à errer dans une autre vie – et d'autres costumes – parmi d'autres visages et d'autres pleurs...

 

 

Ce qui défile sans disparaître. Ce qui brille sans se ternir. Derrière la pluie, l'étoile grossière. La hache et le sel. Les tonneaux remplis à ras bord. Les cadenas. La trame où se terre la vérité. Les plus redoutables circonstances. La mort et l'eau glacée. Ce que sèment les vents, les prières et les malheurs. Ce que le monde et les hommes s'acharnent depuis si longtemps à découvrir...

 

 

Ce qui dans le malheur nous défait – et nous recompose. L'inertie et l'impudence des années. La folie de tous les siècles. L'heure qui sonne en contrebas des églises. Cette eau qui ne peut s'évaporer même dans les plus brûlantes passions – et les plus torrides enfers...

 

 

La nuit assiégée par la douleur. Toutes ces larmes qui éventrent les âmes pour rejoindre les fleuves et le silence. Cette oppression des jours qui nous rabaissent et nous écrasent. Et cette pente impraticable, infranchissable peut-être, où jamais nous ne prendrons de la hauteur. La prison, l'exil et la faim. Et cette joie qui brûle au fond du cœur. L'union de la vie et de l'entendement. Le plus incroyable des paris...

 

 

Au pire de l'affolement – comme enfouie dans le doute – cette trace d'autrefois où le feu, le ciel et le poème étaient liés à la puissance et à la multitude des unions. Cet effroi sous la peau fatiguée qui enfonçait les événements et les hésitations – et la nuit même – au fond de notre silence. Cette hantise obstinée pour dénicher la vérité et percer – et mettre à jour – ses secrets...

 

 

Comme un hurlement devant le miroir. La désespérance des âmes face au sang versé par la mort et les intentions. La source, sans doute, la plus sordide de nos gestes...

 

 

Demain nous pourrons dire adieu à l'espoir – à l'esprit. Et parler à voix basse devant la lumière. Prescrire le jeu et la prière. Guérir les entorses et les gémissements. Prouver à tous que nous sommes vivants...

Et les morts se lèveront peut-être pour saluer notre franchise – et cette longue route d'abnégation. La fortune et les pistes désertes. Le feu des bibliothèques et ce chagrin enfoui sous la cendre. Et les étoiles, peut-être, s'agenouilleront à nos côtés pour célébrer les parjures, les sortilèges et la lumière – nos remblais et nos débarras. Et l'herbe rouge encore tremblante de nos fureurs...

Nous repousserons les limites de la vie et de la mort. Nous éloignerons les frontières qui parcourent les terres et les souvenirs – le temps et les océans. Nous détruirons tous les domaines et tous les édifices. Et les montagnes s'émerveilleront de la beauté des fleurs et des naissances. Des plus belles aspirations de la terre...

Et les hommes, peut-être, resteront bouche bée devant le grand incendie des mensonges et des interdits...

 

 

Aujourd'hui, nous admirons les paysages – et louons notre fascination, encore si vive, pour le ciel. Nous applaudissons – et donnons la main à ces étranges domaines et au silence derrière la parole – derrière le poème. Nous nous réjouissons de tout – sans blâmer ni les offenses, ni les outrages ni la mort. Nous allons parmi les ruines et les feuillages – parmi la peur et la haine des visages en souriant aux malheurs et aux tristes figures. Nous vivons du fond des âges – du fond des puits qui encerclent l'aurore. Notre exil est doux et patiente notre attente. Le jour viendra bientôt. Le jour est déjà là. Et nos yeux regardent sans sourciller ce qui s'approche, la main ouverte à l'inconnu...

A cette lumière qui parfois nous ignore, nous tendons la main. A la fureur des visages – et des bustes fiers penchés sur l'avenir, nous offrons un sourire. Aux mille danses du jour – et aux caprices des enfants, nous consentons. Nous dilapidons notre présence – et l'effeuillons à travers quelques lignes – quelques paroles. Nous buvons à la coupe le silence. La vie arrive – et passe. Et les jours s'en vont. Et règnent encore mille lumières dans l'obscurité. Et une étrange lueur dans l'incompréhension. Nous mourrons, nous le savons à présent, auréolé de la vérité – et nous nous retirerons humblement avant de revenir, sans doute, encore plus humble et célébrant...

 

 

Ce souffle entre le sommeil et le silence. Cette beauté venue repeindre le langage. Cette nuit transformée en royaume. Comme une lampe dans la brume – un flambeau parmi les visages. De quoi prémunir – et réveiller peut-être – les dormeurs...

 

 

Quelqu'un attend un silence – un sommeil qui ne vient pas... Un drap d'amertume et d'épines sur un matelas de fleurs. Et le somnambule, soudain, tend la main et découvre une lampe au milieu de la cave parmi les rêves et les gravats – le sombre halo des soleil noirs.

Il traverse la solitude. Annule le règne des finitudes qui blessent – et meurtrissent les corps. Hisse la nuit sur sa couche. La défait de ses parfums et de ses étoiles – et se demande où est la voûte. L'écho lui répond alors aux marges du regard. Et, soudain, l'oiseau noir – et le ciel sombre – deviennent pure éblouissance...

 

 

Gravée entre la chair et l'âme, cette lumière. Cet éden sans passé – sans mémoire. Au cœur de tous les parcours et de tous les songes impérissables...

 

 

L'exigence de vivre et la contemplation. Le nécessaire et l'essentiel qui s'étalent au dedans du regard et sous les yeux. La beauté et le silence. La vie sans impératif...

L'infini en un seul visage. La complétude et la réconciliation que nous avions tant espérées. Ce que nous auront fait découvrir les vents, les hommes, les fleurs et les montagnes. Le chant des oiseaux, les ravins et le sang versé. Les plus beaux sourires et la perfidie des jours. Le mariage des blessures et de la neige. Et nos plus illusoires idoles...

Comme la caresse d'une main qui ne nous aura jamais quittés...

 

16 décembre 2017

Carnet n°118 Ce que nous sommes - et ne pouvons être - encore

Recueil / 2017 / L'intégration à la présence

Ni aube ni lumière. La fin de toutes les nuits. L'effacement des ombres. Le recommencement permanent de la première heure...

Ni alliance ni solitude. Le faîte magique où apparaissent – et se délitent – toutes les rencontres. Le lieu de l'Unique...

Le plus invisible, sans doute, du chemin...

Et la nuit, peut-être, la plus infranchissable...

 

 

Ni roc ni pente. Pas même un sacrifice. Le rêve de tout homme...

 

 

Ni sève ni fente. La plus permanente, et transparente, sexualité. L'Amour sincère le plus désintéressé, qui offre, à chaque instant, ses mille sensualités – et les plus grands délices à toutes les formes de nudité...

 

 

Ni feu ni trame. La pierre où nous avons gravé nos noms qui s'efface(nt)... Nos plus beaux jours. Comme une lumière promise – une lumière inachevée...

 

 

Ni neige ni voyage. Pas même une épreuve. Comme un jardin ininterrompu, dénué de rêves et de clôtures. La lampe de toutes les aurores...

 

 

Ni parole ni murmure. Pas même un poème. Un peu de vie. Un peu de mort. Le chant de l'oiseau. Et la fin des querelles. Comme un silence interminable. Une fontaine – et son eau rafraîchissante – offertes à tous les visages...

 

 

Ni insecte ni créature. Ni monstre ni terreur. Un cri qui s'efface – et meurt au fond des gorges. Un amas de poussière. Et le sacre des saisons et de la soif. Le mariage des heures. La conjugaison de l'hiver et du printemps. La mort tombée en oubli. Et la tendresse des lèvres muettes, insensibles aux songes et aux fantômes. Les plus beaux rivages de la joie...

 

 

Ni page ni dédicace. Pas même un honneur. Le plus nu des silences. Le plus humble de l'herbe. Le plus discret de l'âme...

 

 

Ni pas ni piétinement. Pas même une attente. Comme le glissement de la main qui efface la craie blanche sur le tableau des saisons. Comme un doigt levé dans le vent qui célèbre la pluie...

 

 

Ni don ni héritage. Pas même un testament. Le don permanent de la joie et du silence – qui s'offrent à tous les héritiers, dépositaires autrefois de la commune folie des hommes...

 

 

Ni élan ni lenteur. Le rythme du silence. Et la valse des jours inchangés...

 

 

Ni aube ni lumière. La fin de toutes les nuits. L'effacement des ombres. Le recommencement permanent de la première heure...

 

 

Ni caresse ni supplice. La fin de tous les adages – et de toutes les promesses. La joie comme recours à toutes les demandes et à toutes les questions. Et le silence comme unique réponse...

 

 

Ni flèche ni indication. Ni panneau ni direction. Le désert le plus simple ouvert à toute forme de solitude – même les moins méritoires. L'éviction progressive des eaux inutiles. Des bagages et des prouesses. Des passages mensongers et des océans prometteurs. Le glissement, implacable, des pas vers la seule possibilité – la seule voie restante : l'effacement. La disparition des surfaces et des profondeurs. La venue soudaine du point le plus dense des horizons, au croisement de toutes les verticalités. L'espace sans âge. L'infini inclôturé. L'immensité vierge et sans repère où viennent mourir tous les rires et tous les visages...

 

 

Ni orage ni blessure. Le plus doux du ciel. Comme une flèche – un couteau noir – aux ailes chantantes... Comme un vent furtif – le baiser fugace du destin. L'aventure la plus oubliée – et la plus décriée par les hommes...

 

 

Ni ordinaire ni inconnu. Et pas le moins du monde commun. Le plus sage des pas. Et le plus simple des jours. Comme la lumière du crépuscule qui donne à notre silhouette une allure de géant débonnaire dont l'envergure n'effraye que les enfants – et les âmes craintives des énigmes et des mystérieux desseins du ciel...

 

 

Une poignée de jours et quelques nuits pour effacer les heures – et oublier le temps. Pour manger dans la main de la seule promesse valide... Vivre le plus sacré de la lumière. Le plus furtif passage de l'éternité dans le silence. L'instant où le soleil ignore qu'il se trouve au plus haut du ciel – dans l'azur sans rayure – ni rature – aussi vierge d'espoirs que de nuages. L'instant – et ses mille frères – à jamais neufs – à jamais recommencés...

 

 

Comme des Tziganes, fous de joie et riches de toutes les tribus de la terre, dansant autour d'un feu. Comme une lumière si proche du ciel et des étoiles, happée par le mystère et la main naturelle de l'homme. Comme la célébration du plus vivant en nous délesté de ses exigences...

 

 

Comme une folie ancienne habillant toutes les danses. Une soudaine compréhension du silence laissant s'effacer toutes les ambitions et toutes les rancœurs...

 

 

Ni trouble ni écho. La connaissance la plus juste de l'ignorance – de toutes les ignorances – qui balaye les habitudes et les mœurs les plus rudes et les plus autoritaires. Un commencement d'intelligence. L'avenir possible du monde...

 

 

Ni sang ni défi. Le plus subtil de l'incarnation. L'éviction de l'espérance. Les linéaments d'un temps aboli – vaincu...

 

 

Comme l'arrivée d'un nouveau silence venu célébrer l'ancien – celui auquel nous sommes restés sourds et insensibles pendant des siècles – pendant des millénaires. Comme l'évidence d'un nouveau départ – la possibilité infinie d'une chance nouvelle...

 

 

Ni arme ni refuge trouvés au bord du chemin. Ce battement sourd aux tempes qui délivre des prières – et invite aux pas de côté – et qui s’offre à ceux qui délaissent la route – toutes les routes – pour le ciel du dedans – cet havre naturel, et éternel, qui nous attend...

 

 

Ni lueur ni veille au fond des impasses. La porte dérobée de l'infini. L'aire de tous les silences. Le seul salut de l'âme...

 

 

Ni épée ni solitude. Le murmure fantasque des vents. Le centre de tous les ralliements. Le cœur de toutes les absences. La tombe de tous nos oublis. Le socle du moindre désir. Et l'étrange réenchantement du monde...

 

 

Ni barque ni rive. Quelques provisoires banquises où patientent les rêves. Et les vents qui effacent les corps – et la profondeur des âmes. Le lieu où naissent les océans, les peuples oubliés et nos songes les plus lacustres. L'aire de toutes les dérives...

 

 

Ni alliance ni solitude. Le faîte magique où apparaissent – et se délitent – toutes les rencontres. Le lieu de l'Unique...

 

 

Comme une fleur qui attend l'aube – la venue imparfaite du soleil et de la rosée. L'espérance de la terre pour toutes les créatures qui la peuplent...

 

 

Ni plomb ni or. Le plus sûr des alliages. L'alliance de tous les visages. Le terreau de la joie. La réponse au mal des siècles. Le destin du monde et des âmes...

 

 

Le lieu où se défait l'âpreté de la terre. La dureté et l'orgueil des hommes. Et l'aveugle stupidité des bêtes. Là où naissent les étoiles, annonciatrices de la lumière ancienne – et continuellement originelle...

 

 

Ni espace ni douleur. Pas la moindre souffrance. L'unique possibilité de l'inerte et de l'animé – de tous les enchevêtrements. Là où se querellent le froid et la nuit. Là où l'on dévalise les heures pour en extraire le plus vif – et le plus précieux. Ce que l'âme et l'os portent caché en leurs profondeurs – jusqu'au plus secret de leur moelle...

 

 

Ni corps ni dimension. Une présence à l'incomparable envergure. La plus haute marche des sommets. Le plus étrange faîte du monde, ouvert – et accessible – à tous les escaliers des profondeurs – à toutes les routes serpentant sous les horizons – à toutes les impasses et à toutes les aires des pires, et plus dramatiques, en-bas...

 

 

La gloire de toutes les solitudes. La célébration du plus invisible caché au fond de la chair. La passerelle de toutes les âmes. Le secret passage du plus subtil qui sommeille derrière les désirs les plus grossiers...

 

 

Ni acte ni volonté. Pas même un rétrécissement du temps. Ce qu'abritent le plus simple du geste et la parole surgie du silence. Cette joie d'aller vers le plus nécessaire – l'inexorable...

 

 

Ni doute ni sursaut. Ni balancement ni hésitation. Le pur jaillissement. Comme une flèche de lumière décochée par l'innocence et la nécessité des circonstances...

 

 

Ni page ni poète. Une parole née des origines. Venue du plus loin de l'âme pour effleurer le moins frustre de l'homme – cette flamme qui brille au dedans de tout...

 

 

L'inaltérable. Comme la clarté à venir des eaux boueuses. La forme des vasques, des bouches et des amphores. Et jusqu'au plus nauséabond des marécages. La source, la pluie et la rosée. Et la forme prochaine des nuages. Et jusqu'à la dernière goutte des flaques asséchées. Le plus précieux de la vie qui nous anime – et que nous habitons...

 

 

Le plus impérissable des bagages. Ce que l'on ne peut ôter ni aux bêtes ni aux hommes. Leur vrai visage qui patiente au dedans de l'âme. Le ciel et les océans réunis. Ce qu'il reste lorsque tout a été perdu, jeté et abandonné aux ruisseaux que forme la pluie pendant l'orage...

 

 

Ni joie ni silence. Le plus haut degré de la lumière. L'étreinte la plus juste – et la plus déterminante. Ce qui sans cesse nous anime et nous traverse. Le plus brûlant du soleil qui s'approche à pas lents. La gloire et l'éphémère parvenus à leur faîte. La célébration de toutes les tempêtes. Le mariage insensé du vent, du ciel et de la chair. L'appel de toutes les voix. La clé éminemment précieuse de l'inhabitable...

 

 

Le plus secret de la lumière. Et le pire du monde que nous ne pourrons éviter peut-être...

 

 

Ni étoile ni sourire. Ni peine ni obscurité. L'authenticité comme seule exigence. Le moins précis du ciel. L'infini sans tourment...

 

 

Quelques larmes peut-être avant de mourir. Le signe d'un cœur transpercé – ému par ces retrouvailles. Comme le nom des morts inscrit sur la pierre blanche...

 

 

Comme un feu sur un visage endormi où butineraient quelques abeilles. Comme la fin du jour – et le crépuscule dédicaçant ses heures – et ses feuillets – à la lumière de la lune qui se reflète sur la table et le bord des horizons...

 

 

Ni tendresse ni dureté. Ce que nous portons comme un effroi – et qui s'avère pourtant le plus joyeux de l'impersonnel...

 

 

Ni soif ni insulte. Le plus beau du silence...

 

 

Comme un oiseau tombé du nid que les anges emportent au loin – là où ne brille qu'un seul soleil. Là où la nuit s'est dissipée – bien au delà des étoiles...

 

 

Comme une page muette – blanche – immaculée – et une neige sans trace. Plus haut que toutes les cimes – et plus prometteur que l'espoir. Notre bouche hurlant son silence. Comme une fenêtre éclairée par ce qui nous brûle le plus intensément...

 

 

Comme l'herbe piétinée par un colosse. Comme l'or offert par la rosée. Comme la grimace malicieuse des Dieux. Notre plus vieux testament...

 

 

La venue de toutes les aubes. Leur entrée fracassante dans notre âme si familière des plus sombres crépuscules. Comme une main arrachée à la piqûre de l'ortie – et à l'épine du plus ardent chardon – pour la délicatesse du coquelicot...

 

 

Un jour, un siècle. Un instant d'éternité à chaque heure abandonnée – livrée à elle-même et à la rectitude des horizons. La plus belle offrande du destin...

 

 

Comme une brèche dans l'horizon, ouverte par les vents. Et notre instinct muselé par la peur. Comme la crainte de la fascination qui peuple nos veines. Et le cœur sensible circulant sous notre incompréhension...

 

 

Comme le plus imprévisible du hasard jeté hors d'atteinte par la plus évidente certitude. Et le sort de la langue scellé par le silence. Le savoir le plus hébété...

 

 

Entre la paix et l'inquiétude peut-être... Comme un nid inachevé. Une compréhension récente. Et un cœur si malhabile encore...

 

 

Ce que l'on ramasse sur les chemins de pierres ; quelques peines, la solitude et le grand désarroi, l'absence bordée de malheurs, les pièges (inévitables) du monde, l'attente insensée de l'Autre. Les rêves comme défi à la gravité et l'usure du corps. Toutes nos défaillances...

 

 

Comme l'or de toutes les alliances et de la nudité. Le temps hors jeu. Le pillage des heures. Toutes les douleurs du monde. Et le fourvoiement des pas...

 

 

Comme un sursaut. Une chance offerte à l'immonde – à cette désolation qui enchaîne les os et ajourne les retrouvailles. Le plus périssable des gestes. Ce qui nous parcourt sans nous briser. Tout ce qui nous porte à la réconciliation...

 

 

Ni rite ni force. La plus fébrile des torpeurs. Comme une fièvre – un soleil – étreignant notre trajectoire. La pauvreté la plus enviable. Le terreau de l'impossible...

 

 

On cherche encore pour échapper peut-être à ce destin de roi. Pour nous complaire encore un peu dans le sortilège – la malédiction de l'âme. Pour réunir nos frayeurs et les offrir à la mendicité de l'Autre – à l'indigence, incurable, du monde. Comme un visage – un pauvre visage – dans la foule des visages. En attente d'un effondrement qui ne viendra pas, ou plus tard, lorsque la mort aura réuni les conditions du silence...

 

 

Au détour d'un regard, l'amenuisement des forces. Et l'anéantissement des rêves. L'abandon qui s'avance parmi tous les refus. La capitulation tant redoutée comme délivrance. La fin des guerres, des luttes et des batailles. La fin des affrontements et des confrontations. La lente – et irréversible – transformation du face-à-face en accueil. La puissance au bout de tous les élans et de toutes les ardeurs...

 

 

Ni ce qui meurt, ni ce qui s'attend. Le plus fragile parmi les peurs. Le plus indicible de la joie...

 

 

Seul encore face à la mer, au bout de cette jetée dont on ne revient pas. Comme un adieu, interminable, à ce qui nous aura éloigné de l'océan – cet autre Amour de la terre – cette couleur du monde à présent dégagée de toute tristesse...

Et ce silence derrière l'attente. L'infini du désir comme une digue parfois infranchissable. La beauté et l'effondrement...

 

 

Ni rideau ni lumière. La place nette, défaite de tous les rêves. Et la fraîche caresse du vent...

 

 

A vif et pour soi seul, quelques mots que l'on prononce pour l'enfant à naître – et le monde juché sur ses épaules...

Fragments contemplatifs sans exigence de loyauté...

 

 

Le plus invisible, sans doute, du chemin...

 

 

Un peu de sève. Un peu de rêve. Un peu de jour aux lèvres malgré le sang et le silence. Et cette voix qui serpente entre les âmes et les objets cherchant sans doute son socle – une invitation – pour échapper à la nuit...

 

 

Comme le tressaillement d'un visage qu'une main caresse. Comme la mort esquissée sur tous les destins. Comme l'eau, rompue à tous les paysages, qui coule et s'éloigne de sa source pour mieux la retrouver...

 

 

Au bout du doigt – au bout du jour, ce réveil que nous n'attendions plus. Cette aurore qui aura gagné toutes les rives. Cette lumière qui, à présent, éclabousse le monde...

 

 

Comme une pluie – comme un désastre – venu(e) ensemencer les pierres. Comme une larme de joie coulant sur la terre. Comme le dernier écho d'une parole. Le prix, peut-être, de l'inabordable...

 

 

Quelques syllabes pour rappeler au regard l'absence des visages. L'enfouissement des jours et de la parole. Le repos nécessaire du silence...

 

 

Indéfiniment la présence. Ce qui gît derrière la nuit et les images. Ce qui emplit l'âme et la tête – le corps et le cœur – l'abandon franchi. Le dedans et le dessous du monde et de toute chose. Ce qui ne peut disparaître. Ce qui ne peut mourir lorsque tout a disparu...

 

 

Ce qui nous entrave et ce qui nous libère. La continuité de tout mouvement. Le bout des pas. Le fond de toute brutalité. Le vent et le silence au delà des murs – et au delà des falaises. La surface qui creuse son sillon. Ce qui brûle encore après les cendres. Le recommencement de tous les printemps...

 

 

Comme une aile noire porteuse de lumière. Un cri inaudible dans le silence. Le plus tendre des jours. Le ravissement qui embrase l'âme. Le baiser des amants sur leurs draps de sable. Les pierres du chemin où dansent toutes les nuits. La promesse de l'oubli. Et l'envol enfin devenu possible...

 

 

Ni sol ni silence. Ce qui nous hante après la pluie. Ce qui guérit le sang et les blessures. La marche lente de l'âme affaiblie. Le feu caché derrière les rêves. Ce que nul ne peut meurtrir...

 

 

Ni route ni barrage. Le chemin, la chaise et la maison. Ce qui nous entoure et nous encombre. Ce que nous abandonnons au silence. La parole au fond de l'âme que Dieu seul entend. Toutes nos foulées et toutes nos expressions. Le plus doux de notre agonie...

 

 

Ce que nous ne pouvons serrer dans nos bras. Ce qui se tient au cœur de tout. Le lieu – le centre – de tous les nulle part. La clé suspendue au cou de toutes les âmes. Ce que nous piétinons sans cesse ni vergogne. Le défilé triste des jours. Et l'aube prochaine qui arrive...

 

 

Le plus amoureux du silence. Ce que ni nos yeux ni nos mains ne peuvent déterrer. Ce qui accompagne tous nos détours. Les plus belles floraisons du ciel...

Et la nuit, peut-être, la plus infranchissable...

 

 

Le jour encore qui s'étire pour que jamais n'arrive le soir. Pour que demeure, toujours, cette aurore éternelle...

 

 

Ni adieu ni mouchoir. Ni ailleurs ni plus loin. Le seuil de toutes les portes. Ce qui nous attend à chaque rencontre. Le secret des circonstances. Les plus doux visages du cortège. Ce qui nous éloigne de la procession des malheurs...

 

 

Ni terre ni glace. Ce que révèle la poussière. Ce que nous montre le doigt pointé vers la lune. La neige et le temps. La chambre de tous les délices. Ce que jamais ne parviendra à soulever notre cœur...

 

 

Ce que nous apercevons derrière les vitres de la nuit. Derrière le ciel noir et les étoiles qui embrument l'âme et les pas. Les vents libres des querelles, de l'espace et des reliefs. Et l'éclat rouge, si incandescent, du soleil...

 

 

Le chant de l'oiseau. Le murmure des saisons. La simplicité des jours. Et le cœur chaviré de silence. Comme les signes de notre présence sur terre. Le secret de tous les Dieux parmi les visages...

 

 

Ni souffrance ni humiliation. Le plus digne de l'humilité. La profondeur du regard sur l'infini. Et les merveilles du monde suffocant encore dans leur gangue de chair...

 

 

Ni dogme ni croyance. Ni livre ni parole. Le socle de toutes les libertés. Une présence sans bassesse ni arrière-pensée. La joie et la nécessité du geste. L'infini de la main sur l'horizon. Le plus rare des visages. La fine pointe de l'âme. L'offrande des sages parmi les hommes. Le présent le plus admirable offert à la terre. La grande espérance du monde. Et sa plus belle possibilité. Ce que nous aimerions tous être – et recevoir...

 

 

Ce que révèle le cœur de toute absence. L'inconnu des jours que nous cachaient nos habitudes...

 

 

Des pages blanches offertes aux Dieux qui y déposent quelques signes. L'évidence – et la preuve – de notre présence. Le mariage insensé, mais prometteur, de l'invisible et de la chair. Le plus favorable du destin...

 

 

Ni rôle ni posture. L'âme innocente ouverte aux circonstances. La bouche aimante, la main et le monde reliés – et réunis – par les fils presque magiques de ce qui ne peut être détruit... Le sang et les visages de la terre manœuvrés par l'ardeur – et la sagesse – du silence...

 

 

Et l'or des visages, peut-être, offert à notre curiosité...

 

 

Au dedans des yeux ouverts, l'intérieur du gouffre où sont arrachés les mensonges et l'illusion. Toutes nos complaisances. Là où tout est broyé ; souffrance et rejet. Là où la solitude perd son effroi...

 

 

Ni cécité ni aveuglement. Le plus nu de la lumière. Ce que les limbes – la clarté, si vive, des limbes – nous cachent encore...

 

 

Vivant parmi la cendre. Au cœur d'un feu sans fin...

Ni prière ni imploration. L'attente patiente de ce qui, peut-être, ne viendra jamais...

 

 

Ni eau ni soif. Ce qui arrive avec la première heure. Cette marge entre le désir et le souvenir. Ce qui mène à la lumière – et, parfois, à l'écriture...

 

 

Ni labeur ni besogne. La suite naturelle des pas. La fin de tout orgueil. Ce que dessine la lumière avec nos ombres. L'invisible du tableau. Le silence du poème. Ce dont nul ne peut être l'initiateur...

 

 

Au plus proche et au plus lointain. Ce que nous ignorons avec le plus de ferveur. Et ce que nous épions sur tous les visages. Un trait inoubliable d'intelligence. La parole vive d'un Amour. Une sensibilité sans exigence...

 

 

Ni baume ni déchirure. La plus parfaite complétude. L'Amour et la joie sans honte. Un sourire – et des lèvres – sans visage. Le plus accueillant de l'âme et de la main. Notre seul désir peut-être...

 

 

L'élucidation des mystères. La fin de toutes les questions. Le prix de l'innocence. Et tout ce que nous aura ôté notre quête. La destination de tout voyage. Et l'ultime étape infiniment recommencée...

 

 

Les promesses de toute fissure et de tout délabrement. Le fond de l'eau où nos barques – toutes nos barques – ont coulé. Notre origine la plus lacustre. Ce qui existe avant la naissance des larmes – et avant même la naissance de l'eau. Ce que nous ne pouvons imaginer. Toutes les embarcations des destins. La fin de toutes les errances et de toutes les expéditions...

 

 

Ni support ni possession. Ce que nous laisse la furie des vents. La plus haute nudité...

 

 

La route et le pont. Le plus beau rêve. La plage et l'océan. Tout ce qui invite au voyage. Le vent, les marées et les courants. Ce qui se cache derrière le miroir – et le reflet des visages. Ce que nous n'avons encore jamais osé traverser...

Un îlot – une lumière dans les eaux de la nuit...

 

 

Les lignes et les mains du poète. Celles qui éclairent et saluent. Celles qui étreignent – et invitent à l'écoute et aux caresses. Celles qui frappent les murs pour que résonne plus fort l'écho. Celles qui peut-être, ne sait-on jamais, pourraient sauver le monde en déblayant ses frontières pour offrir cette lumière dont nous avons tant besoin...

 

 

Ce qui demeure et ce qui surgit. Ce qui habite le fond de l'âme et des étoiles. Ce qui apparaît après avoir façonné les gangues de glaise – et ce qu'elles portent en leurs profondeurs. Ce dont ni les hommes ni le monde ne peuvent se passer...

 

 

Ce qui monte des pierres aux nuages. Ce qui dévale toutes les pentes. La cime des arbres et le faîte des montagnes. Ce que contiennent les rêves et la pluie. Le plus semblable à notre portée...

 

 

Ce qui passe – et ce qui traîne lorsque l'on se morfond sous les nuages. L'imprescriptible...

 

 

Ni plaine ni clôture. Ce qui pousse sur les plus humbles pâturages. La fenêtre où se dessinent tous les possibles. Ce que nous n'enfouissons jamais dans les tombes...

 

 

Comme un bouquet de rumeurs et d'innocences tombé par mégarde. Et qui patiente pendant des siècles en guettant l’arrivée des passants sans prétention qui le transformeront en silence avant de le jeter aux mains si fébriles des foules...

 

 

La mémoire et les paysages. Les songes et l'oubli. Ce que dissimule notre affairement. Nos mains cisaillées par l'infortune. La patience des pierres. La terre gavée de corps, morts au dedans et vivants à la surface. Ce que Dieu nous a chuchoté avant notre naissance – et que nous avons oublié, bien sûr... Et nos fouilles frénétiques et hasardeuses pour le dénicher parmi les malheurs et les débris...

 

 

Au plus bas de l'âme et au plus haut de ce que la main peut atteindre. Les boulets et les faïences. Notre âge le plus enfoui. Là où le regard s'abîme en attente. Là où finissent l'espace et la mémoire. Au creux du moindre désir. Parmi les traits du plus simple et les plus humbles visages...

 

 

L'être et l'ombre qui tournoient. Sur la terre où tout s'amoncelle et se soustrait. Les fables, les mythes et l'azur. Nos plus beaux renoncements...

 

 

Là où l'univers et les rythmes questionnent. Là où ils insinuent le doute. Au plus proche de nos lèvres. Ce que l'âme finira, un jour, par découvrir...

 

 

L'espace – et l'infini – dénués de rêves. Là où tout se dérobe. Là où s'affichent, concentrés, les âmes et le monde libérés de leur pesanteur. Au centre de tous les univers...

 

 

Quelques travaux sur la lumière pour dire le plus court chemin de l'âme vers la prière. Le pas qui offrirait à l'homme son salut – et toutes les grâces de sa naissance. Ce qui nous fait si cruellement défaut...

Comme un puits intarissable où toutes les âmes pourraient (enfin) venir s'abreuver...

Pour que le monde retrouve ce que nous avons de plus précieux. Notre plus commun visage – caché derrière les traits les plus grossiers et les plus vils – et serviles – sourires. Celui qui rêve d'être découvert – et libéré de cette tristesse – de tous les malheurs des hommes et de la terre...

 

16 décembre 2017

Carnet n°117 (Tenter de dire) ce que nous sommes - et ne pouvons être...

Recueil / 2017 / L'intégration à la présence

La beauté et la joie. L'émotion poignante – insurpassable – d'être un visage parmi les visages. Et un sourire unique et commun sur toutes les lèvres...

Ni mort ni vivant. Le balai des âmes prises dans la danse, les poussières du temps et le silence...

Ni perte ni abandon. Un juste recueillement. Notre état, sans doute, le plus naturel...

Ni preuve ni miracle. L'éloquence du plus grand silence. Comme l'évidence que Dieu et les hommes peuvent cohabiter sans que nul ne s'en aperçoive...

 

 

Un long chenal où se faufiler jusqu'à la mort. Et l'esprit indocile qui rêve encore de conquêtes et de traversées – de beaux et longs voyages sur d'impétueux océans...

 

 

Les arbres attendent – érodent notre impatience. Nous invitent à nous asseoir à leur côté pour regarder – contempler sans empressement – le monde et le silence.

 

 

Ni mort ni vivant. Le balai des âmes prises dans la danse, les poussières du temps et le silence...

 

 

Ni peuple ni voyage. Un inexplicable quiproquo qui offre à la parole d'éclairer – la possibilité de résoudre une évidence au visage d'énigme. Comme un leurre pour ensemencer – et légitimer – toutes les histoires du monde – ce à quoi est occupé l'essentiel des hommes...

 

 

Et cet espoir qui nous traque encore – et qui nous ensommeille de ses promesses comme si nous avions encore le temps d'espérer...

 

 

Au bout de la tristesse, la remontée d'un silence qui ne nous aura jamais quittés...

 

 

L'homme, collectionneur de peines et d'hystéries qu'il place haut dans son orgueil. Comme la légitimation de tous ses désordres...

 

 

Ni preuve ni miracle. L'éloquence du plus grand silence. Comme l'évidence que Dieu et les hommes peuvent cohabiter sans que nul ne s'en aperçoive...

 

 

La force des saisons. Et la persistance du silence. Comme une terre, encore tout étourdie de ses danses, sourde à l'évidence et aux invitations. Et cette beauté qui jamais ne s'éteindra comme un feu entêté – comme un feu obstiné sous la pluie...

 

 

Dans l'étoile, le rêve et la folie. Ces maladies incurables de l'homme – enraciné(es) à sa souche. Comme un éclat dans le noir pour affirmer son existence – et donner à son espoir quelques fragiles lueurs – et le soin de dessiner son destin – son improbable sortie des ténèbres... Comme un chant lointain, presque inaudible, jetant ses louanges sur l'espérance d'une aurore plus qu'incertaine...

 

 

Quelques bruits encore dans le silence que rien ne pourra entamer...

 

 

Au creux du même songe, éternel sans doute, le visage enfantin des hommes dont les rêves sont plus puissants que les jours. Mendiant à toute figure – et à la plus mystérieuse d'entre elles – ce peu d'espérance pour vivre (survivre) encore un peu... Comme des pantins ignorant le castelet, les autres personnages et le marionnettiste auxquels ils sont reliés par des fils invisibles et inconnus...

 

 

Encore une chimère qui ensevelira les vivants – et fera grossir l'amas de squelettes enfouis sous la terre. Ainsi se peuplent – et se perpétuent – les cimetières. Et grandissent, au fil des siècles, les cyprès impuissants – et insensibles aux massacres...

 

 

Un tournesol dans la lumière. Comme un soleil déjà éclos sur la terre. Comme un surplus de clarté sur l'horizon...

 

 

Debout, appuyée – presque chancelante – contre le silence, cette lumière d'autrefois sacrifiée par l'orgueil et ses parades. Et les ténèbres où se sont dangereusement penchés les hommes...

 

 

Passeur de rives peut-être mais dont le socle est l'immobilité. Ce silence, parfois si désespérant, de l'espace où s'entassent, se pressent et se cognent, si souvent, les vivants...

 

 

La capitulation du jour n'est pas la défaite des vivants. Ni la victoire de la nuit et du néant sur la lumière. Elle est la possibilité du suspens – la découverte de l'interstice où peut se glisser notre destin – la porte (éternelle) de l'instant où affleure le silence – ce pacifique, et innocent, combattant...

 

 

La parole peuplée de ciel, de fleurs et de langage. Bruit peut-être mais reflet, plus sûrement, du silence le plus incompris...

 

 

Le peu d'air qu'auront soulevé nos mains... Et le peu de chair qu'elles auront aimé... Nous aurait-il fallu un plus grand silence pour être vivant – et vivre davantage...

 

 

Contre la nuit qui s'étire – et s'étend –, nulle parole. Un long silence jusqu'à la naissance du jour. Et, sans doute, bien plus longtemps après encore...

 

 

Une tristesse – une amertume – naturelles sans l'ombre d'une gaieté – sans l'ombre d'une frivolité. Comme la beauté des pierres immobiles. Epaisses, noires et austères – incorruptibles...

 

 

La voix familière des vents, à présent, n'est plus que silence rejoignant le chant discret des rivières... Un hymne sans louange célébrant les beautés de la terre. Et la douceur de tous les visages enfouis encore dans leur gangue dure et noire...

 

 

Ni exil ni voyage. Un séjour, invisible peut-être, en ces terres dépeuplées où l'absence est la marque du vivant – la preuve de l'existence des foules – et des visages – endormis à l'ombre des promesses où l'obscurité, pourtant, côtoie la lumière et le silence. Comme une matière inerte, posée là, animée seulement par les mains aveugles du hasard...

 

 

Ni jour ni rencontre. Pas même un désenchantement de l'âme. Bien au contraire, une joie folle dans le silence. Et des pas dansants – et exubérants – emportés par le tourbillon des circonstances. Comme un ogre soumis à une triple identité : celle de l'enfant (l'enfant-roi, l'enfant-tyran, l'enfant-martyr), celle du jouet (bout d'étoffe, morceau de bois muni de roulettes) et celle de la chambre, ce lieu de tous les pouvoirs, de tous les jeux et de tous les interdits... Dans cette ombre de soi qui ravit les forêts et le silence – avec cette sauvagerie qui enchante la terre – et cette liberté, et cette sagesse, qui réjouissent le ciel...

 

 

Ni cercle ni bâton. Une ronde de feu à la fumée blanche où se consument nos terreurs. Un âtre où ne fleurissent les cendres. Un brasier de joie...

 

 

Ni sang ni chair. Un abîme où nous avons tant perdu. Un faîte où se reposer des heures. Le toit et la béance de tous les mondes. Ce lieu où nous pouvons être – et vivre – enfin...

 

 

Ni saison ni chemin. Un instant où glisser son âme – et son destin. Où l'on peut pavoiser humblement parmi les fleurs, le soleil et les étoiles. Un refuge contre la malice et l’orgueil. Un long silence où viennent mourir les ombres. Comme une eau sereine et fuyante où viennent se noyer les songes et la violence. Une place où la joie peut (enfin) exploser sans craindre les rires et les moqueries – le fiel des bouches encore affamées...

 

 

Une voix en exil peut-être parmi les hommes mais dont le silence est la terre chaleureuse et accueillante – cette étrange entité au sein de laquelle tout naît, passe et disparaît...

 

 

Ni terre ni ciel. Ni plaine ni océan. Un trou de lumière peut-être où tout – jusqu'au silence – est aspiré...

 

 

Avec des mains vides et tristes. Ainsi naissent, vivent et meurent les hommes. Passant de contrée en contrée, du rire aux pleurs, et de vie en vie peut-être – traversant les cités et les déserts, les malheurs et l'espérance sous le joug de la faim...

 

 

Des visages animés – et ébahis – par l'horizon mais si tristes lorsque arrive le crépuscule – et que le dernier élan les couche sur la terre...

 

 

Chair, sang et souffle dispersés – éparpillés dans les mille visages de la lumière. Et les mille paroles du même silence pour indiquer la route – et offrir à chaque fragment de rejoindre le lieu de tous les rassemblements – là où sont nés tous les désassemblages...

 

 

Le temps et le silence, ces deux grands mystères irrésolus, offerts à l'acuité, médiocre, des hommes. L'un livrant à l'espoir et menant à la nuit. Et l'autre ouvrant à l'instant et conduisant au jour... A quelle voie, pensez-vous, nous a livrés la stupide intelligence des hommes ?

 

 

Ni parcours ni trajet. Un instant d'écoute – aussi vive que la lumière. Et cette présence silencieuse, et sage, au fond de l'âme...

 

 

Les hommes englués dans cette furieuse folie du devenir avec ses espoirs, ses impasses et ses errances alors qu'être, sans doute, suffirait...

 

 

Un visage debout parmi les ombres. Et un sourire humble et compréhensif sur la foule des silhouettes couchées et rampantes...

 

 

Ni espace ni continent céleste. La présence simple de la terre. Et l'âme, si peu sournoise – presque trop naïve (pour ses jeux) – qui attend l'innocence. La fin de toutes les nuits. Et la venue, progressive, du jour silencieux...

 

 

Nous fleurissons les tombes de nos aïeux. Et de nos enfants quelques fois. Nous célébrons la richesse et la fortune. Les jours de victoire et de liesse. Mais qui prend soin de notre âme et fait fleurir sur nos carcasses et les rebords de nos fenêtres le besoin de silence... ?

 

 

Nuages, pesants et pressants, passant devant l'étoile obstruent tout ciel nouveau. Invitent les larmes et les fleurs à renaître parmi les couleurs et les désastres de la terre. Et soumettent les visages et les âmes à un destin d'éternel recommencement...

 

 

Ni arme ni tourment. Un ciel à paraître... Un destin de fleur et de lucarne pour tous les visages pris – et caressés – par la lumière. Comme l'aube – et l'éternel recommencement – de tous les silences...

 

 

Ni vent ni labour. Un champ infini de lumière. Et la naissance d'un soleil silencieux...

 

 

Abandonner sa main aux désirs éteints des larmes. Franchir le seuil de toutes les équivalences. Et boire à la coupe la joie dans la timide témérité des pas et du langage pour que se dessine encore et encore le jour – et qu'arrivent toujours le silence et la lumière. Pauvres âmes innocentes et dociles...

 

 

Dans les latrines du désir gisent l'étron de l'ambition et la pestilence des songes – balayés – évacués – par la chasse d'eau de l'innocence...

 

 

Les âmes oppressées, disent-elles, par le silence et la lumière. Effrayées par la figure d'un Dieu méconnu. Comme façonnées par l'ignorance et l'ingratitude des hommes. Soumises – et promises – comme toujours à tous les songes et les sortilèges...

 

 

Ces âmes défaites – et décrépites – au visage de fin du monde que la finitude effraye presque autant que l'immortalité...

 

 

La terre et le ciel ne sont, peut-être, qu'un songe qui condamne l'âme à l'espérance. Aussi mieux vaut être vivant qu'espérant (bien que l'un n'empêche nullement l'autre...). Et silencieux plutôt que bruissant de rêves et de désirs... L'innocence à saisir en toute occasion. Comme le gage d'un silence habité – vivant et éminemment joyeux...

 

 

Ni preuve ni garantie. Pas même la moindre certitude. Ainsi s'habite – et se vit – la vérité. Dans la plus grande solitude. Et le plus léger, et fragile, silence. Dans l'étrange évidence de retrouver son vrai visage – cette figure hors du temps échappant aux saisons, aux siècles et aux circonstances, totalement vierge et nue – et entièrement dépouillée de tout artifice et de tout support... Cette présence purement – et éternellement – originelle...

 

 

Les ombres du cœur malade qui ensemence l'horreur et désarme le silence. Et dont les battements – chaque battement – piétine(nt) les élans – et les velléités mêmes – d'innocence. Pourvoyeur d'effroi, de stupeur et de haine. Alimentant la mécanique des instincts et de la vengeance et propageant ainsi partout le règne de la violence...

 

 

Irradié par le silence. Comme un bouquet d'innocences offert aux visages et aux saisons. Et aux siècles, imperturbables, qui passent...

 

 

Encore des soirs et des images – les promesses d'une nuit sans fin, attisées par des désirs impossibles à satisfaire. Le goût de l'Autre dans la bouche et au fond des yeux comme le socle, toujours possible, de l'amour et des réjouissances, communes ou solitaires qu'importe... Ce rêve – ce mirage – d'exister – d'être vivant en ce monde parmi les bruits, les chants et les cris – parmi les murmures, les secrets et les mensonges – si près du gouffre et des tombeaux – et de tous les abîmes où nous jettent les hommes et toutes les mains du destin. Comme une lumière lointaine, à venir sans doute, sur les visages, tristes ou gais qu'importe..., scellés – scellés depuis toujours – au plus obscur et au plus grossier de la terre...

 

 

L'hébétude et l'abandon, les prémices des beaux jours malgré la persistance provisoire des songes, des désirs et des malheurs – toujours présents sur les visages... Et à paraître, plus tard, le silence. Et la joie – toutes les joies – dissimulée(s) dans ses replis...

 

 

Situations, événements et circonstances nous plongent au cœur de nous-mêmes. Eveillent notre nature profonde*. Et révèlent toujours le plus vrai visage de notre âme...

* Notre nature profonde de forme avec ses apprentissages et ses conditionnements...

 

 

Il n'y a plus d'espérance aujourd'hui. Peut-être simplement l'attente du grand silence qui recouvrira (bientôt) notre parole et nos élans pour que nous puissions goûter et célébrer ensemble – humblement et dignement – la plus belle (et permanente) innocence...

 

 

Ah ! Les corps et les êtres ! Ces petites choses balayées par les vents du monde et les implacables nécessités du vivant et de la matière...

 

 

Dans les charmes, autrefois, du silence, nous naissions sans peur. Vivions sans peine. Et mourions sans même nous en apercevoir. Avec les savoirs, dérisoires, sont nés les craintes, la conscience (grossière) de notre finitude et l'espoir d'une issue. Le rêve d'échapper aux circonstances – et de se libérer de ces tristes horizons... Et dans ce naturel, et légitime, voyage, nous n'en sommes aujourd'hui qu'aux premiers pas... Une longue – et peut-être interminable – marche nous attend...

Et il n'y a, sans doute, d'autre sens à attribuer à la présence de l'espèce humaine sur terre – ni d'autre voie pour s'extirper du genre humain, né de la plus grossière animalité, elle-même née du vivant le plus rustre et élémentaire, enfanté par de simples combinaisons de matière...

 

 

Quelques mots pour dire le plus funeste du monde ; l'ignorance, la bêtise et les instincts – sources de tous les maux – et le plus merveilleux de l'être ; cette innocence silencieuse et aimante qui accueille jusqu'à ses plus funèbres et terribles contempteurs... Et l'homme pris, dès ses premiers pas, dans cet obscur entre-deux...

 

 

Sur les plus terribles horizons, une lueur toujours offre l'espoir – cette odieuse chimère qui refuse le poids et la beauté des circonstances présentes – et qui nous condamne à l'attente d'un après plus vivable (très improbable)...

 

 

Tout passe – la vie, le temps, les circonstances, les êtres et le monde... – sans que nous sachions nous y plonger (tout entiers) ni nous extraire de la mélasse, si souvent infâme, du réel... Et moins encore nous réfugier – et nous adosser à ce regard en surplomb – à cette présence vivante (les nôtres depuis toujours évidemment), témoin – simple et souverain témoin – de tous les passages...

 

 

Ni feu ni lanterne. Un retrait. Un effacement qui se transforme bientôt en présence humble et souveraine. Salvatrice face à tous les maux – et à tous les malheurs des siècles, impitoyables, auxquels les hommes ont toujours rêvé d'échapper...

 

 

Ni tour ni chemin de ronde. Un dénuement total qui ouvre à – et offre – l'inimaginable puissance de l'être – cette présence fabuleuse que peinent tant à concevoir – à rejoindre et à vivre – les hommes...

 

 

Ni lutte ni admonestation. Et moins encore de jugement. Ce presque rien – qui est tout, en vérité – infiniment accueillant... Comme si la puissance – toute la puissance – des désirs s'était transmutée en regard – en accueil – en présence... Si proche qu'elle en devient invisible pour la plupart... Et si évidente et naturelle que l'on s'imagine devoir la conquérir – et l'acquérir – alors qu'il nous faut, au contraire, nous défaire toujours davantage... Et lorsque tout s'est effacé – et a disparu – c'est cela qu'il reste – cette présence indicible et inimaginable à laquelle ne peuvent prétendre ceux qui ne se sont encore dépouillés du faux, de l'inutile et du superflu...

 

 

Au fond peut-être du jour, ce silence qui nous échappe encore... Comme la vie – et le temps – qui s'enfuient devant la main trop saisissante – et trop avide de conquérir et de s'approprier – et les âmes en déficit d'humilité et d'innocence...

 

 

Ni succès ni gloire. Le grand effacement. La reddition de l'orgueil. L'anéantissement de l'après et de l'espoir. La capitulation du désir et du besoin de certitude. L'abandon, que l'on aimerait définitif, à l'instant – éternellement recommencé – dans l'innocent accueil de ce qui vient ; vents, tempêtes, visages, coups, circonstances, défaites, voix, cris, rumeurs, malheurs... qui nous apparaissent sous les traits du plus précieux – et de l'inévitable – où se marient, avec la plus grande sagesse, l'Amour, l'oubli, l'union et l'hospitalité...

 

 

Tenter de dire ce que nous sommes – et ne pouvons être...

Un oiseau infime posé sur une branche. Le vol majestueux de l'albatros au dessus de l'océan. Le sillage des navires. Le furtif passage des nuages. Le chant des rivières. L'arbre à la sève frémissante au printemps. Le visage décharné, et angoissé, des vieillards à l'approche de la mort. Les cris et le chahut des enfants. Toutes les expressions du monde. Et leurs infinies vibrations. Et les vents où tout tournoie... Et le rire de l'innocence qui à tout – et à tous – ouvre les bras. Et le silence que nul n'entend encore...

Les rivages où meurent les bêtes. Les eaux tumultueuses des fleuves. La parole des poètes. Tous les livres ouverts à la lumière. L'herbe et les frondaisons de la terre. Les larmes des mères sur la tombe de leur(s) enfant(s). L'air du large. La danse à l'automne des feuilles mortes. Les précipices et les chemins. Les fleurs et le goût des fruits mûrs. Les prières et les lamentations des prophètes. Les murmures et l'infini. Et l'Amour et la beauté. Et le silence, bien sûr...

 

 

Ni amour ni victoire. Un parfum de légèreté... Une présence. Un tourbillon de joie insensé. Le merveilleux du monde et le miracle de l'homme, cachés derrière l'atrocité des siècles. Et les mille visages de la terre qui ne forment, à présent, plus qu'un seul sourire...

 

 

La beauté et la joie. L'émotion poignante – insurpassable – d'être un visage parmi les visages. Et un sourire unique et commun sur toutes les lèvres...

 

 

Nous pourrions être surpris par la puissance et la magie de la poussière. Et son étonnante présence dans notre vie. Comme la marque, sans doute, la plus fidèle de notre appartenance. Comme un visage furtif dans la joie et le silence...

 

 

Tout être sans la moindre saisie ni la moindre volonté d'appartenance... Cette boue grise – et merveilleuse – qui se remodèle sans cesse en s'unissant parfois au souffle – et qui se décompose et se recompose encore... Et cette lumière, merveilleuse elle aussi, qui anime et contemple toutes les danses...

 

 

Aimer encore. Aimer toujours. Et s'y perdre jusqu'à l'effacement du temps et des visages – jusqu'à l'effacement de toute trace – de tout passé – de notre passé si orgueilleux et encombrant... Pourrait-on rêver de plus léger – et de plus merveilleux – destin... ? Et n'est-ce pas celui dont Dieu rêve pour les hommes – et toutes les figures présentes sur la terre – qui rechignent tant à l'obéissance et à la soumission (joyeuse) – à s'ouvrir à cette (possible) délivrance de l'âme, incarcérée depuis si longtemps dans son illusoire et fallacieuse identité...

 

 

Une route aussi blanche que l'innocence où s'éreinte, en vain, le réel qui serpente entre nos âmes. Et où s’enlisent les cœurs oppressés, et avides de nouvelles terres, qui exhortent à la conquête et refusent de s'abandonner – de se soumettre à toute forme de capitulation...

 

 

Ni perte ni abandon. Un juste recueillement. Notre état, sans doute, le plus naturel...

 

 

Ni sagesse ni folie. Pas même une volonté raisonnable. Le plus honnête chemin de l'âme. Notre présence – et notre appartenance – les plus familières...

 

 

Tout passe – s'anime et s'envenime un peu – avant de s'apaiser et de retrouver le silence... Tout l'éphémère l'atteste – et la présence, en lui, de l'éternité. Comme des sauts continus – et une ronde perpétuelle – voués à tous les recommencements... L'évanescence du monde bondissant au sein de la plus parfaite immobilité vivante – le sensible, son feu et ses cabrioles naissant et rejoignant toujours l'infinie et sereine immensité des origines...

 

 

Ni aubaine ni consolation. La voie implacable, et incontournable, de l'homme. Et le destin le plus raisonnable de la terre. Ce à quoi nous invite Dieu – et nous incitent, sans cesse, nos profondeurs. Ce à quoi nous conduiront tous nos exils et toutes nos errances... L'unique possibilité malgré l'épaisseur de la nuit et les griffes de l'ignorance... Cette lumière originelle à laquelle nous sommes attachés...

 

 

La fin des jours sonnera la mort, bien sûr. Mais avec elle aussi, la possibilité du retour.... Comme à tous les instants – comme à chaque instant – de cette vie avec un pas en surplomb vers cette lumière que nous sommes depuis toujours...

 

 

Et le noir – et la folle obscurité de l'ignorance et l'obstinément gris – rejoindront, eux aussi, les pentes enneigées – cette lumière blanche où tout se décompose pour renaître en soleil – où les souvenirs, et la mémoire même, s'effacent pour se métamorphoser en innocence...

 

 

Ni pluie ni fumée. Ni ciel ni désastre. L'éternel de notre visage... Et cette lumière éparpillée au fond de toutes les âmes...

 

 

Esprits et âmes inertes. Voués à la monotonie des heures et à la paresse ronronnante des jours. Pris comme la pierre dans l'immobilité des siècles. Comme des terres incultes, en friche, abandonnées au souffle hasardeux des vents où serpente, entre les ronces et les herbes folles, un mince filet de vie ; les nécessités et les contingences de la vie quotidienne ensommeillée dans le confort – et agrémentée par quelques plaisirs indigents...

 

 

Ni angle ni recoin. Une aire de pleine liberté. Ni cri ni tapage. Le seuil, indépassable, de l'écoute. Ni ombre ni murmure. Un espace de lumière. La terre d'accueil des âmes innocentes caressées par le silence...

Ni rire ni larme. L'attente, sans impatience, du plus clair – et du plus précieux – de l'existence. Comme une flamme, intacte, qui brûle les désirs. Cette présence souveraine qui règne sans partage. Les yeux de la lumière...

Ni eau ni pente. Un gouffre sans faille qui avale les doléances – et redonne à l'âme son équilibre. Le socle, éminemment fragile, de la justesse...

Ni cri ni tourment. La sereine quiétude de l'instant qui efface des siècles d'horreurs et de frustration. Et qui délivre du sentiment d'incomplétude et d'inachèvement...

 

 

Ni ciel ni haillon. Ni plume ni orage. Pas même une prière...

 

 

Ni dégoût ni mépris. Au cœur de la plus parfaite lumière. Nu comme le sont les bêtes mais avec l'âme si proche de Dieu. Notre visage le plus commun enveloppé – et débordant – d'Amour et de silence...

 

 

Ni ruine ni dédale. Ni voie ni édifice. Pas même une route – ni même un labyrinthe – où se perdre... Une eau tranquille. Le lit de toutes les rivières où viennent mourir nos vestiges et nos secrets. La voie magistrale du silence et de l'accueil sans omission où rien ni personne, jamais, ne se sent meurtri ou oublié...

 

 

Ni foule ni horde. Ni semonce ni bataille. La plus haute solitude. Et la plus vive paix de l'âme...

Ni halte ni chemin. Une aire continue de transparence, à la fois immobile et mouvante. Fugace et permanente. Insécable et éternelle...

 

 

Comme une trace de vie infime sur la corniche de l'éternité. Face à l'océan rieur – et parfois si mordant (presque sarcastique) à l'égard des hommes et des âmes recluses. De tous ces prisonniers, esprit et corps, enchaînés à leurs fers...

 

 

Comme des mains liées au néant qui plongeraient dans l'abîme qui n'est, en réalité, que la porte d'un autre ciel – plus vaste que celui dont nous sommes si familiers... Comme un saut, à la fois infime et magistral, au dedans – et hors – de soi, nécessaire à la cessation de la cécité et au silence...

 

 

[Lointain hommage à Claude Roy]

A la lisère des heures – à la lisière du temps –, une nuit plus claire. Et des millions d'étoiles. Et ce goût ineffable du présent... Un instant. Un instant seulement pour offrir nos mains et notre âme au silence et redonner au monde cette part de soi – cette lumière du ciel si longtemps oubliée...

 

 

Comme des fragments de lumière enfin réunis après avoir été, si atrocement, éparpillés... Comme la réunion de la terre et du ciel – de l'invisible et de la matière – des songes et du réel. Comme un jour de plein soleil constellé d'étoiles. Comme une chair et une main frémissantes sous les caresses du silence...

 

 

Un jour, sans doute, sonneront les cloches de l'éternité. L'instant et les mains alors deviendront si proches qu'ils dessineront ensemble la fin de l'obscurité. Et la lumière dansera partout avec le vent et les âmes pour annoncer – et célébrer à la ronde – une fête sans fin. La venue des délices et des réjouissances – ce paradis promis par les pasteurs et les prophètes des temps anciens. Et nous verrons alors le monde et l'invisible marcher main dans la main comme une procession sans âge avec, au creux de toutes les lèvres, le goût d'un infini et d'une promesse retrouvés. Comme le sacre triomphal et inespéré de tous les destins...

Et chanter – et annoncer – ce possible – et encourager les élans –, voilà peut-être la tâche secrète du poète. Et vivre cet inespéré, la besogne humble et quotidienne du sage. Quant à la vie, comme de coutume, elle se chargera du reste pour que la chance puisse sourire enfin, un jour, au monde et aux hommes...

 

 

[Modeste hommage à Cesare Pavese]

Comme une grâce amoureuse de sa propre ferveur malgré l'aube déserte. Comme un sourire chaste, une fraîche caresse – un frisson pénétrant au cœur de l'âme...

 

 

Un monde réconcilié avec le parfum des fleurs et le sourire des enfants. Avec ce que l'âme, sans doute, porte de plus précieux...

 

 

Comme une navigation diffuse au dedans de nos plus étranges méandres. Comme le goût du sel sur nos lèvres. Enfoui dans le plus nocturne des jours... Comme un fossile, intact, d'avant notre naissance, abandonné sur la grève par les marées et les promeneurs...

 

 

Ni cirque ni spectacle. Pas même un numéro de jonglage ou d'équilibriste. Le réveil de l'eau stagnante au cœur des marécages. L'intuition du ruisselet, curieux (enfin) de sa source, rejoignant, après tant d'impasses et de détours, l'océan...

 

 

Ni rivage ni forêt. Ni îlot ni désert. Pas même un décor. Le souffle nu – et invisible – du vent. Et le furtif passage des nuages. Comme une onde discrète encerclant et inondant toute possibilité. Les mille destins du monde et des âmes...

 

 

Ni masque ni parure. La plus simple – et discrète – vêture. Le goût de l'invisible comme suspendu à la chair. Et l'infime du langage pour en témoigner...

 

 

Ni foule ni sanglot. La langue brute des promesses – des mille promesses – à tenir. Et la certitude de la joie...

 

 

Ni lueur ni pénombre. La danse chavirante de la lumière. Et le gage, peut-être, d'un rire incompris – et incompréhensible. Tonitruant – et presque incongru – dans le silence et l'espérance, encore indécise, des foules. Inexplicable malgré les larmes et les malheurs. Et, bien sûr, infiniment salvateur et contagieux...

 

 

Ni chair ni peau. Pas même une ossature. Une main immense et invisible suspendue au dessus de tous les mondes. Et de tous les vides. Une extension, sensible, du ciel sans fil ni attache. La seule réalité tangible parmi les corps – et au dedans même de la matière. Une pluie ininterrompue de lumière. L’incompréhensible incarné – vivant et vibrant en toutes choses et serpentant entre elles à l'infini...

 

 

Ni fuite ni invasion. Le retour à la juste place de l'incompris. De l'oublié. De ce que nous avons tenté d'évincer pendant des siècles. L'hôte de tous les hôtes. Le tenancier de tous les pensionnaires. L'origine du monde et des saisons. Le maître de tous les lieux – celui par qui tout est arrivé...

 

 

Ni âme ni destin. Le sacre permanent de l'innommable. Comme un cœur ouvert sur toutes les lunes qui balaye le temps et le hasard... Et les premiers effrois de l'aurore lorsque meurt la nuit...

 

 

Ni brume ni brouillard. La fin des ombres et des promesses embrouillées – si intenables. Le règne d'un soleil sans rival. L'effacement des pas craintifs et dociles. Le recommencement d'une besogne inachevée. La condition naturelle du monde et des hommes. Le sort de toute existence. La prédiction de toutes les fois. Le gage – et le présage – de tous les Dieux. Le chant des origines et de toutes les sources. Notre divine réalité ; cet océan peuplé d'îles, de flots et de créatures où alternent les tempêtes et les eaux calmes par delà les rives et les mille embarcations de fortune...

 

 

L'abolition du temps et des seigneurs. Le sacre permanent de l'innocence...

 

 

Ni parole ni gémissement. Pas même un souci d'ailleurs. Le glissement implacable dans l'Un sans visage. Et le goût de soi éparpillé en autant de bouches que compte l'univers. Un ciel sans étoile qui apaise tous les désirs de fortune sans insulter ni la soif ni la gorge asséchée des hommes – et qui redonne aux arbres, aux herbes et aux bêtes l'espoir – et la saveur – des plus doux printemps. Les mille échos du silence...

 

16 décembre 2017

Carnet n°116 La tâche du monde, du sage et du poète

Recueil / 2017 / L'intégration à la présence

Ni pluie ni soleil. Un temps, indéfiniment, incertain. Mais qui livre aux jours et aux âmes une fraîcheur inespérée. Ce que nous guettions autrefois, avec tant d'espoir, par la fenêtre derrière le ciel gris et nuageux...

Redire encore et encore ce que nous avons toujours été – et ce que nous avons toujours su – malgré l'ignorance et la haine. Comme une parole lointaine, infiniment répétée, pour s'assurer qu'elle soit entendue. Comme le silence chuchoté à sa propre oreille...

 

 

Passablement défaites par le temps, la couleur des pages et la voix du poète. De plus en plus blanches et silencieuses. Comme arrivées à l'extrême de leur possibilité... Au seuil, peut-être, de l'innocence. Au bord, sans doute, de la lumière...

Avec toujours moins à dire que le moins bavard des silences. A la frontière de la plus grande extase et du plus définitif effacement... Au cœur de cette joie, détachée du désir, que cherchent tous les hommes...

 

 

Sous la férule du silence, sans doute, les plus belles paroles. Celles qui se prononcent dans la plus parfaite innocence, sans même le souci d'être entendues...

 

 

Quelques mots que le poète adresse au silence. Comme une gratitude envers celui qui s'est partagé...

 

 

Ni paix ni violence. Ni grâce ni souffrance. L'instant seul malgré le défilé, improbable, des heures...

 

 

Le rien. L'incertitude totale du monde. Et la fenêtre des possibles, entrouverte, où viendront s'effacer tous les destins...

Ce qui s'approche, et que l'on voit arriver, ne viendra peut-être pas... Ou arrivera plus tard lorsque les circonstances l'exigeront...

Et ce qui doit nous rendre visite se montrera aussi sûrement que ce que nous ignorons. Avec autant de certitude qu'est grande notre ignorance de la vie et du monde...

Une existence – et un destin – livrés aux (seules) nécessités des jours et au silence...

 

 

Nos vies. Quelques anecdotes dans l'épais, et risible, récit du monde. Quelques gouttes dans l'une des minuscules rivières de l'univers, pas même conscientes de l'infini qui les a fait naître – qui les alimente de façon permanente – et dans lequel elles se jettent continuellement...

 

 

Ni mot, ni faim. Pas même un poème – ni même un morceau de pain – à offrir. Un regard posé là – et sans appétit – que jamais les circonstances ne viennent contredire... Comme une vacuité lisse – et pleinement acquiesçante à tous les désirs, à toutes les frénésies et à toutes les formes d'absence...

 

 

Le langage universel est le silence. Et il (nous) faudrait, sans doute, traduire tous les signes et toutes les langues du vivant, et jusqu'aux plus rares dialectes, en sabir – en socle unique de compréhension. Comme une tour de Babel inaudible, en quelque sorte, mais enfin efficiente...

 

 

Ni désir ni image. Le plus éternel. La fragile évidence d'être vivant. L'émotion pure d'exister... Et la certitude d'une présence éminemment lointaine, et si proche pourtant, accueillant ce qui passe : le monde, la terre, la vie, les bêtes et les hommes, l'illusion du temps et tous les visages de l'invisible. Ce que nous croyons savoir. Ce que nous croyons être et ce que nous sommes... Notre double identité : l'être et ce qui est, indivisibles – unis dans leur fabuleuse diversité de traits...

 

 

La souffrance n'est absurde. Et moins encore un sacrifice. Elle est le signe d'une possible transformation. Le gage d'une joie à venir. Un pas initiatique dans la découverte de ce que nous sommes. Une tentative de percer – et de mettre à jour – ce que nous croyons – et avons cru – être... Une opportunité de quitter la croyance et l'illusion. L'invitation perpétuelle de la lumière à l'innocence et à la vérité...

 

 

Entre terre et ciel, la promenade furtive de l'homme. Un bref et superficiel séjour voué au labeur et aux agréments (assez indigents) où la métaphysique et le spirituel – et tout questionnement d'ailleurs – sont bannis. Relégués (au mieux) à l'adolescence et (avec un peu d'espoir) à l'instant de la mort.

Pas de quoi amorcer la moindre fouille – ni creuser et suivre la moindre piste. Pas question donc d'approcher le réel et la vérité ni même de vérifier la longueur et la couleur de la barbe de Dieu...

 

 

Ni question ni réponse. Ni quête ni vérité. Juste un éloquent silence...

 

 

Une poésie – et même une écriture – non métaphysique est comme un rideau sans fenêtre. Une (simple) décoration sans perspective...

Dans la poésie métaphysique, la parole tient lieu de poignée pour ouvrir la lucarne, notre si minuscule lucarne, et voir – et sentir – le monde et l'horizon si vivants et s'avancer, au loin, le silence et la lumière qui les recouvriront bientôt... Voilà, sans doute, la plus noble vocation du poème...

 

 

Il n'y a rien à dire sur le monde. Et rien à lui réclamer. Simplement, peut-être, lui offrir le silence – ce grand monstre inquiétant et repoussant mais dont la présence assurément éclaircirait ses ambitions, refonderait ses projets et ses programmes, aiguiserait, sans doute, sa curiosité et ses interrogations et octroierait à son peuple, ne sait-on jamais, un goût plus prononcé pour la beauté et l'innocence – pour l'honnêteté et la vérité, si nécessaires pour transformer sa marche folle et insensée...

 

 

Un séjour, des espoirs, des démons. Et la naissance – la perpétuelle continuité – de la tristesse. Comme la seule possibilité de voir éclore, un jour – plus tard – beaucoup plus tard – la lumière et le silence...

 

 

Le secret des ombres ? Hormis notre ignorance, elles n'en ont guère... Un destin fait non de hasards mais de forces mécaniques peut-être...

 

 

Des siècles peu soucieux de silence et d'oubli où l'on expose, dans toutes les vitrines, ses bruits et son nom comme la seule gloire possible. Le sacre de la plus haute ambition de l'homme. Tristes millénaires...

 

 

Ni jeu ni pouvoir. Un goût de l'Autre, à jamais irréversible où le silence, seul, est célébré...

 

 

Parole après parole, on se défait du silence pour le rejoindre plus sûrement peut-être...

 

 

Une agonie, plus belle que nos vies, nous invitera, un jour, à une fête inoubliable organisée en notre honneur... Le temps de parvenir jusqu'à l'innocence...

 

 

Chercher l'invisible derrière la matière. Et la joie qui se cache dans les circonstances. Cette danse inévitable, partout, du silence...

 

 

Au fil des jours se dégagent, peut-être plus obstinément, la joie et la lumière que rien ne pourra déchirer – ni les ombres ni la nuit. Comme la plus lente – et la plus éclatante – victoire sur tant de siècles d'obscurité et de malheurs...

 

 

Ni pluie ni soleil. Un temps, indéfiniment, incertain. Mais qui livre aux jours et aux âmes une fraîcheur inespérée. Ce que nous guettions autrefois, avec tant d'espoir, par la fenêtre derrière le ciel gris et nuageux...

 

 

Homme de silence et de simplicité, juché sur la plus haute rosée de la terre. A califourchon entre le soleil et les étoiles... Evadé de la gangue noire des illusions où sont enfermés les hommes. Un pas de danse. Une parole claire. Et pas l'ombre d'un soupir. Un murmure, né de la lumière, adressé au vaillant, et malheureux, peuple de la terre...

 

 

Redire encore et encore ce que nous avons toujours été – et ce que nous avons toujours su – malgré l'ignorance et la haine. Comme une parole lointaine, infiniment répétée, pour s'assurer qu'elle soit entendue. Comme le silence chuchoté à sa propre oreille...

 

 

Ah ! S'il nous était possible de ne pas être mêlés aux complots de cette sordide réalité... Mais qui a dit que nous n'en sortirons pas indemnes...

 

 

Un matin de pluie et d'amertume ? Non, cette longue nuit où se sont enfoncés les hommes qui attriste (un peu) l'âme sage qui attend sans impatience le soleil de la mi-journée en espérant qu'il saura éveiller quelques visages, trop longtemps endormis peut-être... Mais comment pourrait-elle ignorer que le sommeil est, bien souvent, le prélude de tout réveil...

 

 

Le silence est un visage sans lèvres. Et la lumière un œil sans nom. Et nous sommes cette étrange figure que nul ne voit et qui effraye tant les hommes. Cette présence, invisible, qui embrasse le monde. Et dont les baisers, infiniment répétés, finissent par éveiller les âmes. Ce que les hommes, depuis les origines – dans leur crainte et leur ignorance – appellent Dieu...

 

 

Ni désir ni parole. Pas même un silence. La table – l'établi – du poète où se pose ce qui meurt – et où s'élance ce qui doit naître. Comme le signe peut-être que la lumière ne peut mourir... Qu'il existe une piste – et que des traces sont perceptibles – pour qu'advienne l'effacement, et, à sa suite, plus tard, peut-être le silence...

 

 

Entre le désir et le souvenir, l'homme saute à cloche-pied sur sa marelle en comptant les points – et les heures creuses où il s'enchaîne depuis des siècles... Et on le voit lancer son palet toujours un peu plus loin en croyant ainsi pouvoir atteindre le ciel, cet inconnu – cette infime possibilité de lumière...

Et après le ciel, qu'y a-t-il ? se demande-t-il parfois. Serons-nous enfin parvenus au paradis – à cet éden tant espéré ? Serons-nous arrivés à la fin du voyage ? Non, lui dit le sage. Nos yeux seront désormais ouverts mais il nous faudra encore reprendre le chemin – refaire le voyage maintes et maintes fois jusqu'à ce que les noms inscrits à la craie sur le bitume de la terre, et les frontières et les étapes, s'effacent. Disparaissent...

Et au jour du grand silence, nous comprendrons enfin le jeu du temps, des désirs et du souvenir... Et nous dessinerons alors une autre marelle, plus grande peut-être, différente sans doute, ou nous inventerons un autre jeu pour offrir à la lumière et au silence la joie d'être vivants – et de se perdre et de se retrouver encore et encore aussi beaux qu'aux premiers jours de tous les recommencements...

 

 

Des barreaux plus innocents que les mains qui jettent dans les cages... Qu'auront donc vu les hommes, victimes et bourreaux, de l'innocence ? Ils mourront, sans doute, comme ils sont nés avec cette infecte barbarie au fond de l'âme...

 

 

Au dedans, cette voix qu'ignorent les cris du dehors...

 

 

Dire la fraîcheur du matin. La mort qui guette partout. La beauté des arbres. La hache des bûcherons. L'infini des jours et la marche sans fin. La terreur et la misère des hommes. L'effroi et la solitude des bêtes. Dire la vie, le monde et la lumière. Tourner – tourner sans cesse – autour d'un silence inconnu... Et éveiller lentement notre visage à l'atroce beauté des saisons. S'établir au cœur des incertitudes. Et aimer – et contempler – encore ces amas de poussière qui tournoient dans les vents... Et cette âme, si belle au fond qui attend le silence – et la lumière qui saura l'éclairer sur l'abjection et l'infamie, l'éternelle traversée des heures, et l'instant, à peine né, qui s'efface déjà – et les circonstances que déploient l'univers et le cours des choses... Ce si peu d'existence qui nous est offert pour apprendre à vivre...

 

 

Tout dénouement annonce les prémices d'un nouveau recommencement. L'éternel retour des choses qui meurent – et renaissent encore... L'évanescence du passage. Et la certitude de l'effacement. Le fil rouge, en quelque sorte, de l'Existant...

 

 

Les vies. Comme de courtes vacations où chacun tient son rôle – et remplit sa mission.... Quelques traits dans le destin du monde – et dans le grand dessein de l'univers...

 

 

Tout a été dit déjà. Aussi que pourrions-nous dire qui n'a jamais été exposé ni annoncé ? Le silence réclamerait-t-il encore une parole ? Et laquelle ? A moins, bien sûr, que nous ayons encore mal entendu – et mal interprété ses consignes...

 

 

Encore une ligne – encore un chemin – où se perdront quelques mots – où se perdront quelques pas... Comme une danse – une ritournelle – irrésistibles du corps et du langage...

 

 

Et si le monde – l'histoire du monde – nous était conté(e) par les pierres, les arbres et le silence – saurions-nous entendre leurs murmures et leurs secrets ? Saurions-nous nous asseoir paisiblement à leur côté pour écouter le récit des siècles raconté par ceux que l'on croyait inaptes au langage – et qui ont pourtant tant de choses à nous dire – et tant de vérités à révéler à ceux qui se sont toujours imaginés les uniques dépositaires de la parole et de l'intelligence...

 

 

Y aurait-il une joie à partager dans le silence que nul ne ressent encore... Et un Amour – et une lumière – que nul ne pourrait corrompre ni assombrir... Comme les vestiges intacts, et toujours neufs, des origines que les hommes n'ont cessé de fuir pour se mettre en quête de bien pâles et indignes nouveautés...

 

 

Il y a peut-être un pas que jamais nous ne saurons accomplir... Celui qui se réalise sans raison. Pour la simple joie d'aller sans destination...

 

 

Nous allons sur les chemins de la terre parmi les catacombes comme si la mort n'existait pas. Comme si la mort n'était qu'un rêve – qu'une ligne d'horizon lointaine – alors qu'elle est là, éminemment présente, à chaque pas – à chaque souffle ; la mort des autres que nous feignons de ne pas connaître – et à laquelle nous nous pensons étrangers... et la nôtre dont chaque instant nous rapproche...

 

 

Une joie peut-être à dire ce que nous ne pouvons encore comprendre du silence...

 

 

A nouveau, quelques pas dans la brume. Comme prisonnier toujours des jours bas et des reliefs de la terre... Une inclination, peut-être, de l'âme, à se morfondre dans sa dimension la plus humaine – à prêter le flanc à la stupidité de l'attente – et à l'espoir de jours meilleurs où régnerait à jamais un temps clair et clément...

 

 

La grâce d'un instant de présence. Comme la preuve, possible, d'une éternité réellement vécue... Avec ce regard clair et confiant si caractéristique... Cette joie tranquille. Et cette âme qui n'attend ni n'espère (plus) rien... Simple témoin acquiesçant à ce qui passe et s'efface aussitôt... Comme un infini au dedans de la chair, spectateur désincarné, et sans exigence de certitude, d'un monde ni réel ni fantomatique – indéfinissable...

 

 

La compagnie d'un poète. Comme une main amicale et réconfortante sur l'âme solitaire – et un peu perdue – qui cherche désespérément sa propre confiance et son propre chemin parmi les vents et les visages, parfois si hostiles, de ce monde...

 

 

Un soir de lune blanche comme pour dire aux hommes et au ciel d'attendre le silence...

 

 

Vaine est la vérité que l'on crie aux hommes car l'on verrait aussitôt quelques-uns s'en emparer et en user comme d'une hache pour nous fendre le crâne et verser sur la terre un sang inutile...

 

 

Le silence sera toujours le plus utile – et le plus fidèle – allié de la vérité que l'on verserait (tout entière) dans chaque geste juste en oubliant, bien sûr, la renommée – ou la gloire, toujours possible – de son auteur...

 

 

Baignés encore de nuit, je vois les hommes déambuler au hasard sur les chemins de la terre, l'âme et la peau trempées d'espoirs et de terreur... Comme une armée d'intrépides aventuriers voués à la malédiction de l'incarnation. Vivants de chair promis à tous les sortilèges...

 

 

Ni vertige ni avancée. L'ombre mutilée, presque agonisante, qui s'éparpille en éclats. En poussière dans la lumière. Comme une trêve, une rémission peut-être, dans le provisoire des siècles...

Ni trappe ni fenêtre. Ni vent ni séjour. L'abandon d'un pas, autrefois si fier, aux portes du jour. Et le soleil derrière la vitre qui dessine un ciel sans étoile. Une clarté, encore imprécise, qui inonde tout ; abîmes et puits de lumière. Notre seule gloire peut-être...

Ni tombe ni regard. L'éternité qui se repose des siècles dans le plus éphémère...

L'âme et le ciel emportés dans le même trou de lumière...

Ni œil ni aile. Ni chemin ni ornière. Une présence à laquelle tout s'abandonne – et dans laquelle tout s'efface...

 

 

Nos vies, nos âmes submergées par ce lointain qui s'est approché – et que nous avons accueilli comme le plus familier... Ce visage – notre visage – que nous avons cru perdu – et que nous cherchions partout si désespérément – et qui est venu au terme de tous les abandons...

 

 

Ni voix ni oiseau. Ni chant ni parole. Pas même un murmure. Un grand silence où tout s'estompe – et que nos désirs dissimulaient, intact, au fond de l'âme...

Et nous sourions aujourd'hui de toutes ces murailles que nous érigions pour nous en défaire, ou le rendre plus vivable, et qui gisent à présent en contrebas parmi la poussière que les vents balaieront comme le reste – comme tout ce que nous avons abandonné dans le grand puits de l'oubli, là où la mémoire ne peut pénétrer – là où la mémoire même se défait...

 

 

Surgie de nulle part – et, peut-être, de partout – voilà la présence qui s'immisce, qui s'infiltre et se propage en tous lieux. Dans le regard d'abord, puis dans l'âme et le cœur et dans la vie et le monde enfin... En – et parmi – nous qui l'avions tant espérée – et qui n'avons jamais rechigné à nous dépecer jusqu'à effacer les noms sur la chair – et jusqu'à nos plus infimes désirs...

Et, à présent, partout des ombres, des cris, des chants et des cascades de lumière. Comme les reflets de notre vrai visage. De ce que nous n'avons jamais cessé d'être – et que nous serons encore jusqu'à la fin des siècles. Et, sans doute, bien plus longtemps encore... et que nous serons peut-être même pour toujours : cet étrange entremêlement de tout dans le silence...

 

 

Dans un silence, inaudible bien sûr, nous serons jetés un jour...

En attendant, gardons-nous de blesser la chair qui n'est, sans doute, que la périphérie de l'âme... La frontière mensongère qui, comme nous le croyons si naïvement, nous sépare du reste du monde mais qui n'en est, en réalité, que le prolongement...

Meurtrir et tuer sont des actes ordinaires, et habituels, en ce monde mais ils constituent, en vérité, une atroce auto-mutilation. Et nous le saurons tous, un jour, lorsque nous aurons rencontré notre vrai visage... Et les massacres et les tueries alors cesseront sur-le-champ... Et aimer et chérir – et prendre soin – deviendront aussi naturels, et nécessaires, que respirer... Les seuls actes et la seule perspective possibles...

Et au fil des siècles (et des transformations perceptives), nous serons toujours plus nombreux à offrir notre présence, de plus en plus légitime dans l'esprit des peuples, à ce monde gangrené par les pires maux de la terre – et exacerbés par le vivant, et l'homme à sa tête, encore si puéril et immature : l'absence, l'ignorance, la haine et la cruauté. Toute cette barbarie – et toute cette tyrannie – que nous croyons aujourd'hui encore indispensables à notre survie...

 

 

Peut-être aurons-nous tous, un jour, l'occasion de véhiculer cette parole qui encense et ensemence l'Amour... et la possibilité de le transposer en gestes... Et ce jour-là, nous nous réjouirons d'être des hommes. Et le vivant se réjouira d'être en vie. Et la terre se réjouira de notre présence... Comme une grande famille (enfin) réunie dans la joie, la lumière et le silence après tant de guerres atrocement fratricides... Que pourrions-nous espérer d'autre ? Ne serait-ce pas là le plus beau destin du monde...

Et la tâche la plus digne, et la plus urgente, du poète serait sans doute de livrer, dans ses dérisoires lambeaux d'écriture, ce goût pour un au-delà des horizons communs – et de s'approcher au plus près de cet Amour si maladroitement incompris, et voué jusqu'à aujourd'hui à l'indifférence du monde et des hommes...

 

 

L'arbre et le monde, comme la joie et la poésie, se déploient – et se déploieront toujours – dans le plus grand silence...

 

 

Soyons présents là où se glisse le vent. Là où le silence perce les ténèbres pour se faire joyeux... Il n'y a d'autre endroit pour vivre – pour aimer et comprendre un peu... Comme un étroit interstice dans lequel le monde – et les hommes – refusent de plonger et de disparaître... Là est cette vie pleine à laquelle nous aspirons...

 

 

Et le bleu, peut-être, nous dira le jour. Et le scintillement pâle des étoiles, la nuit. Et peut-être serons-nous (enfin) réveillés à l'heure de la grande éclipse... Présents de l'aube au crépuscule, témoin impartial de l'obscurité et de la lumière, insoucieux du sang versé par les vivants...

 

 

Un dernier soupir – un dernier sourire peut-être – nous fera frémir. Comment savoir le dernier accueil que nous réserverons au monde...

 

 

Danses, facéties, et même quelques rires, aperçus – et entendus – non loin du tombeau qui s'approche à grands pas. Comme une ombre immense sur tant de frivoles gaietés – sur ces infimes soleils que les hommes aiment tant coller sur les murs de leurs ténèbres pour essayer de repousser la mort – et l'oublier – comme s'ils ignoraient qu'elle finira, un jour, par tout emporter...

 

 

Une lumière imaginée, ou imaginaire peut-être – allez savoir... – vient s'immiscer au dedans de tout. Et au fond de l'âme d'abord qui en a tant besoin...

 

 

Marcher avec le temps collé aux basques – et avec ces souvenirs et ces mille projets gravés sur la peau – comment l'âme pourrait-elle connaître l'innocence...

 

 

Nous sommes nés loin des miracles. Comme les fruits, amers sans doute, d'un songe que nous n'avons choisi. Les acteurs d'un mythe voué(s) à la mort – et qu'aucune marche ne sauvera... Le centre de ténèbres infranchissables dont seul le regard pourrait nous délivrer... Mais comment pourrait-on y consentir en demeurant prisonnier de l'apparent paradoxe du vivant...

 

 

Ni gloire ni célébration. Ni yeux ni main pour encourager et applaudir... Une solitude monumentale, et merveilleuse, où se glisser. Y bâtir son nid (rugueux) et son aire d'envol... Et le courage qu'il nous manque parfois pour y poser notre âme... Mais le chant des oiseaux sera là encore, une nouvelle fois, pour nous exhorter à émerger de la paresse et des enlisements. Comme des anges venus, peut-être, guider notre chute. Comme une bénédiction offerte à tous les honnêtes aventuriers...

 

 

Des lambeaux d'écriture comme des fragments de prière inutiles. Déchirés par l'usure et la récurrence du langage. Posés là devant l'indifférence du monde et des hommes comme les vestiges d'une ère où l'écriture était libre et joyeuse et la parole des prophètes entendue...

 

 

Et toutes ces têtes attentives aux autres que nous ne connaîtrons jamais, ensevelies par les foules et l’insensibilité des siècles... Et qui nous auront pourtant jeté, parmi les cris et les bruits de ce monde infâme, quelques signes de joie, quelques larmes, le goût pour un au-delà des horizons et ce désir inespéré de silence... Comme la preuve – et un avant-goût peut-être – d'une lumière encore lointaine – encore si lointaine pour les hommes...

 

 

Ce dont s'honorent peut-être les pierres, le silence des âmes...

 

 

La bouche entrouverte dans le silence, muette devant la beauté, à peine entrevue, du monde qu'aucune parole ne pourrait satisfaire – mais qu'une présence saurait apaiser – et dont les gestes sauraient, sans doute, amoindrir les tourments, l’inquiétude et les interrogations...

 

 

L'homme poignardé, pense-t-il à la moindre occasion, par le silence et la solitude alors qu'en vérité, ils le soulèvent. Et l'invitent au plus haut faîte du monde...

 

 

Aucune menace ne pèse sur nous sinon peut-être l'ignorance – et ses cascades de malheurs qui (nous) enchaînent au pire de l'homme...

 

 

Nul calvaire pour les insoumis. Les promesses de la solitude. Et, plus tard, les joies du silence...

 

 

Enfoui dans cette crainte de nous-mêmes, le plus beau – et le plus pur – de notre visage. La réponse à toutes les énigmes. Le plus sûr allié du monde. Et la plus généreuse promesse, sans doute, de silence et de lumière, ensevelis aujourd'hui sous des couches d'espoirs et de mensonges, nos plus fourbes et illusoires atouts pour nous découvrir...

 

 

Le jour où nous saurons nous agenouiller – et nous livrer à une contemplation auréolée de cette gratitude de l'âme entrée en grâce, nous nous tiendrons plus debout que jamais... et serons plus vivants – et plus réels – qu'au cours de tous ces siècles où nous nous serons tenus le buste droit et fier face à la terre apprivoisée – et dominée à force d'exactions et d'anéantissements...

 

 

L'humanité. Une armée d'âmes défaites et fragiles. Une procession de fantômes, poings levés et mains saisissantes posés devant soi, qui avance sans rien voir, sans rien aimer ni comprendre. Et qui arrache à la terre, et à son peuple, leur liberté et le droit de choisir leur destin. Et qui anéantit et exploite, par delà ses mille querelles, toutes leurs parcelles – et jusqu'au plus sensible de l'Existant. Et par ses méfaits, épuise – ruine presque – toute possibilité de lumière en l'ajournant à un après, plus qu'improbable...

 

 

Et cet invisible – et ce minuscule – qui partout nous sauvent de l'infamie. De cette fatale stupidité qui emporte nos cœurs et nos âmes. Et qui agite nos gestes et nos pas dans un hasardeux et dévastateur aveuglement...

 

 

Après nos ripailles et nos gloires viendra le temps du tremblement... L'aube d'une ère magnifique qui encensera l'humilité, mère de l'innocence, qui, seule, pourra offrir à notre visage la nécessité du respect et de la gratitude (naturels) – et à notre âme la joie silencieuse et discrète de notre appartenance et de notre filiation... ce socle invisible sur lequel pourra naître – et croître (enfin) – l'Amour...

 

 

Nous sommes, sans doute, cette évidence de matière, de chair et de souffle entremêlés et de silence. Tout dans nos vies – dans nos âmes – et sur nos visages – l'atteste. Reflets limpides de notre apparente et secrète appartenance...

 

 

L'étrange appel du monde qui nous condamne avant même que nous ne surgissions... Comme l'évidente, et si compréhensible, malédiction du vivant... A peine nés que déjà coupables – et soumis à tous les sortilèges de l'incarnation...

 

 

La besogne, si nécessaire, de l'invisible et de quelques anonymes pour révéler le grand œuvre du silence... Cette joie fragile, insaisissable, en filigrane de nos vies – comme la promesse de notre labeur – à laquelle ne participeront jamais ni le peuple ni les puissants, et moins encore, sans doute, les célèbres et les nantis...

 

 

La certitude de l'incertain qui partout inscrit sa marque – et son sceau – presque invisibles aux yeux des hommes. Et qui engorge pourtant tous les recoins du monde et de notre vie – et investit tous les replis de l'âme et du cœur... Comme l’empreinte mystérieuse de notre indéfinissable identité...

 

 

Un éclat, une pureté, un éblouissement. Cet instant du jour où se rejoignent tous les possibles et l'acquiescement joyeux. Cette part de silence en nous, peut-être, oubliée... Comme le crochet invisible qui tisse la toile dont nous sommes faits... et qui compose ce que, dans notre ignorance, nous appelons le monde...

 

 

Traversé à l'improviste, parfois, par le silence. Cet hôte imposant, et si souvent embarrassant que nous ne savons que faire alors qu'il suffirait d'y glisser son âme – et de la laisser y vivre à son aise...

 

 

Tant de prophéties – et de paroles même – finiront en silence. Mais pourrait-on seulement rêver pour elles de plus beau destin...

 

 

Ce que nous aimons et appelons de nos vœux comme ce que nous rejetons et fuyons comme la peste ne finira jamais. Et nous serons toujours cette éternité qui accueille le temps et les mille choses qui passent... et qui reviennent sous d'autres traits – et d'autres visages – sans jamais pouvoir s'éteindre ni s'effacer. Condamnés, en quelque sorte, à cette étrange perpétuité...

 

 

L'immobilité et l'infini, seuls témoins du mouvement et de la finitude. La conscience silencieuse et éternelle comme l’unique présence en ce monde...

 

 

Des livres, des bâtons et des chiens. Il y en a, je crois, dans tous les recoins de la maison... Dieu sait que j'aime le dépouillement mais j'apprécie tant leur présence qu'ils m'accompagnent partout – et presque à toute heure du jour...

 

 

Cet Autre en nous qui ne se reconnaît dans notre visage si hostile – si fermé – et que désole chaque regard méfiant jeté à l'inconnu... Et qui appelle pourtant de ses vœux toutes les réconciliations...

 

 

Vivant, certes, dans la respiration du monde mais si peu attentif et sensible au souffle venu du ciel... Comme amputé... Incomplet. Inapte encore à trouver l'entendement. La voie de l'entremêlement et de l'union entre la matière et le silence... Notre si commune identité...

 

 

Nous mourrons avec nos mystères et nos secrets – et avec ceux du ciel – plus opaques et irrésolus que jamais... Et il nous faudra un cœur – un sang et un souffle – nouveaux pour émerger de notre long sommeil que ni le monde ni le poète ne pourront nous offrir...

 

 

Gorgés d'espoirs et de victuailles peut-être, mais l'âme, si exsangue, que toute marche devient impossible. Comme une boursouflure alimentée par les jours et la paresse. Comme le signe, atroce, d'une invalidité métaphysique...

 

 

Ni soleil ni linceul. Une eau limpide et sereine. Et des bras ouverts aux circonstances. Comme un oiseau – une rivière – à la gorge immense contemplant les feux de la terre et les miracles – tous les miracles – du ciel. Comme une bouche peut-être, à la fois béance et miroir de toutes les horreurs infligées et de toutes les merveilles offertes... Comme un appel, une invitation – un chant discret et continu parmi les bruits et le brouhaha des hommes...

Ni peine ni sang versé. Comme des lèvres sur lesquelles se serait effacée l'espérance – et où tout, à présent, pourrait se poser... Comme la marque, évidente, d'une innocence possible – d'une joie et d'une présence sans discontinuité. Comme un soleil privé d'ombre et sans déclin. La figure éternelle d'un Dieu sans malheur...

 

 

Un cri dans le chaos pour redonner illusoirement au monde un peu d'ordre. Quelques certitudes. Satisfaire peut-être un besoin d'espoir. Faire émerger une promesse (certaine). Que nenni... Une blessure supplémentaire... Une résistance plus vive encore à l'ordonnancement (furieux) du joyeux bordel qui nous anime – et qui nous compose et régit le monde. Cet étrange entrelacement des pôles et des extrêmes – et de leur infinie palette de teintes et de nuances où chaque mélange de couleurs obéit à ses nécessités et aux desseins de l'univers orchestré par un Dieu hilare mais confiant en notre clairvoyance pour résoudre ce mystère – et le laisser s'exercer sans que nous y jetions quelques troubles supplétifs inutiles qui complexifieraient un tableau déjà bien assez insaisissable et incompréhensible...

 

 

Au bord du dénuement, une étincelle. Les prémices d'une vérité incomplète – et infiniment renouvelable. Comme l'écho permanent d'un silence ininterrompu. La grâce et la lumière, encore si inaccessibles aux hommes. La besogne du poète. Et l’œuvre, si discrète, du sage...

Et nous irons ainsi enveloppés sur toutes les routes – et vers l'inconnu dont nous ne connaîtrons jamais le visage... Et, sans même le savoir, nous nous habillerons de ses yeux – et nous nous recouvrirons de ses rires, et de ses larmes parfois, avant qu'il nous soit offert, un jour, d'habiter son silence...

 

 

Ni trace ni larme. Pas même une empreinte. Ni soleil ni silence. Pas même un héritage. Simplement ce visage dont nous avons déjà tous les traits... Et qui s'en ira dans la nuit – et qui reviendra avec le jour. Et qui connaîtra encore l'abîme et la lumière – les malheurs et l’innocence – jusqu'à l'impossible effacement du monde. Jusqu'au bout, interminable, de tous les chemins...

 

16 décembre 2017

Carnet n°115 Encore un peu de désespérance

Journal / 2017 / L'intégration à la présence

On ne nous dit rien du jour. Ni rien de la nuit. On nous empale avec des clous et des promesses. Des paroles et des mensonges insensés. On nous enjoint de vivre et de croire. D'essayer de survivre et d'espérer. On nous livre à nous-mêmes. Et cet abandon est notre chemin. Notre seul atout. L'unique salut possible...

Des cendres et de la poussière. Une chair exposée à toutes les brûlures et à toutes les indigences mais adossée, toujours, au soleil...

 

 

Peut-être le monde n'est-il, après tout, qu'un cri continuel dans le silence... Une sorte de grognement plaintif et curieux, né de l'hébétude et de la peur... Comme les sanglots d'un nouveau-né qui n'en finirait pas de hurler son incompréhension et sa douleur d'être vivant... Et que rien ne saurait consoler...

L'accouchement – la naissance – est une délivrance, avait-on dit à sa mère. Qui aurait donc pu lui avouer la vérité ? Qui aurait pu lui dire que la naissance est le commencement d'une longue agonie – d'une longue détention – d'une vie de peines et de misères qui ne peut se libérer qu'avec la vérité – avec la compréhension sensible de notre nature et de notre origine – avec la découverte de notre vrai visage ?

 

 

Le vent et la mort balaieront encore la terre comme au premier jour de la genèse... L'Amour, la lumière et le silence, eux, étaient là, déjà, depuis toujours. Et seront là encore lorsque tout aura été défait, effacé et enfoui dans les sables du temps...

 

 

Il y a mille absences et mille silences qui éloignent de la véritable absence – et du véritable silence : le plus vil et le plus ignorant qui écartent, toujours, le plus haut auquel nous pouvons prétendre...

 

 

Après la mort, les restes d'une vie distribués d'une égale façon entre le silence et les vivants... Pour l'un, la part la plus sage et pour les autres, ce qui leur revient : le plus partageable – quelques babioles dont ils feront un médiocre usage...

 

 

On aimerait parfois se glisser dans l'infini. Et s'effacer dans le silence. Comme une délivrance. Une façon de s'extirper de toutes ces chaînes. Un espoir de (pleine) vivance. Comme un défi lancé à notre douloureux visage dont le reflet envahit le miroir... et que le monde continue de frapper – et d'effacer à coups d'insolences, de brimades et d'indifférence... et que nul ne voit excepté celui qui sait faire face au miroir, au visage et à son reflet sans jamais s'exposer au regard... Ce silence en nous qui contemple le plus infime rêvant d'infini...

 

 

Le vertige est un abîme. Une chute dans l'inespéré. Un envol vers l'infini. Un saut du regard dans ce qui le contemple. Un retour ignoré vers ce qui sait – et ne peut trahir – et dans lequel tout finit par se noyer... Comme une réconciliation avec notre plus haute ignorance : l'innocence et l'oubli, les ailes de la vérité...

 

 

Un mur, une fenêtre et l'espoir à enterrer au dessous des peines et des soucis. Dans les profondeurs insoupçonnées de l'oubli. Comme l'appel (bienveillant) de l'infini et de sa sœur jumelle, l'éternité pour que les retrouve ce qui s'érige, ce qui sépare et s'efface... L'infime rappelé à l'innocence et à l'espace sans restriction...

 

 

Ni terre ni eau. Une lumière naissante qui efface la brume des âmes et le sang sur les visages. L'asphyxie des vies retirées – assombries par l'ombre puissante des rêves. Comme une invitation au plus simple pour redonner au monde le sacré, oublié et piétiné depuis les origines, par les siècles, l'instinct des bêtes et les songes des hommes...

 

 

Peut-être aurons-nous l'honneur de voir naître le jour – et s'effacer ces affreuses nuits de tempête et de silence...

 

 

Ne pas témoigner de l'indicible. Incarner son possible visage... Sans doute est-ce cela être sage... Vivre sur terre, humblement auréolé d'une lumière intacte, parmi les bêtes et les hommes...

 

 

Rien ne peut éclore sans le silence. Ni la pluie, ni les jours ni les pleurs. Pas même le chagrin de son absence...

 

 

Au dedans de nous, cette lumière – infirme – comme séparée, coupée de son fleuve, large et solide, où elle pourrait s'écouler libre et heureuse, remplacé par des ruisselets, étroits et sombres, de peurs et de longs canaux souterrains où se déversent les égouts : l'espoir et le souvenir...

 

 

Dans le brouillon de notre vie, que de ratures encore, de gribouillis d'encre noire et de paroles muettes à force de silence... Quelques feuillets emplis de traits dérisoires que personne n'a pris – ni ne prendra – la peine de lire. Indéchiffrables, impartageables, illisibles peut-être... Comme si nous étions les seuls, toujours, à pouvoir écrire – et tourner les pages de notre infime, et presque inutile, existence... Palimpseste ignoré où tout ce qui se note s'efface (presque) aussitôt... Comme une invitation permanente à l'innocence (la blancheur de la page) et à la lumière (l'accueil sans restriction des circonstances – du flot permanent de la vie et du vivant). L'infini du regard sur l'immaculé perpétuel de la feuille où ne cesse de s'inscrire et de disparaître une foule de signes et d'événements – tous plus insignifiants les uns que les autres...

 

 

Ce regard infiniment curieux et solitaire d'avant le langage qui confère aux yeux l'émerveillement silencieux – béat et reconnaissant – que la parole vient, si souvent, corrompre...

 

 

Quelques notes pour dire l'homme à l'homme. Les fondamentaux qui fondent et façonnent l'humanité. La traversée du monde et de l'inhumain pour éveiller à un au-delà de l'homme déjà présent en lui mais encore infécondé... Une façon peut-être de donner vie à cette part en nous qui sommeille...

 

 

Qu'offririez-vous à celui qui ne sait* donner un peu de lui-même ? Rien, ou à peu près rien, n'est-ce pas ? Aussi, voilà, sans doute, pourquoi le monde est toujours ce qu'il est...

* Qui ne peut ou, pire, qui ne veut pour mille mauvaises raisons...

 

 

Les loups sont derrière les visages. A peine dissimulés par nos yeux de chien docile. Les crocs – et la bave rageuse – cachés par les sourires de façade. Hobbes transposé en une perspective plus vaste : le monde est un loup pour le monde. Et la vie qu'une chair à écorcher. Une matière dont on se repaît...

Corps repus et âmes faméliques. Ainsi vivons-nous, nous autres, folles créatures de la terre. Chair massacreuse de la chair...

Et nul soleil à l'horizon. Le sombre régnera encore pendant des siècles avant que les visages et les âmes ne découvrent l'innocence...

 

 

L'inouï né du langage que la vie même a du mal à imaginer... Comme si cohabitaient en nous, et ici-bas, deux univers, le vivant et l'imaginaire, aux passerelles rares et délicates... Et je ne sais lequel est le plus fabuleux... Mais ce que l'on ne peut ignorer, en revanche, c'est que le poète est l'une de ces précieuses passerelles...

 

 

Et nous mènerait-on au plus proche du plus fabuleux – de la vérité, il nous faudrait (encore) effectuer les derniers pas. L'essentiel du voyage...

 

 

Le poème, né peut-être de l'oubli du langage. Et de son usage le plus courant. Comme l'évidence que la parole ne vient ni de la terre ni des hommes...

 

 

Le monde n'accorde aucune place au poète et au penseur à l'exception peut-être d'une fonction de décorum dans l'oisiveté des jours et d'un regard, presque accessoire, sur le monde. Voilà les seuls rôles qu'on leur attribue... Si le poète et le penseur – et bien davantage qu'eux-mêmes, leurs œuvres – aspirent à exister, ils doivent se faire – s'inventer – une place, invisible souvent depuis le monde, entre l'herbe et les nuages, au cœur des forêts et des collines (et des montagnes parfois)... plus rarement au cœur des cités – et se laisser guider par le ciel et le silence – et se montrer loyaux et fidèles à l'innocence pour qu'émerge une parole, inentendue peut-être, mais si belle et si sage qu'un jour, plus tard, dans quelques siècles, les peuples se réuniront pour l'écouter. Et s'inspirer de sa sagesse et de sa beauté...

 

 

Hommes et bêtes. Les cris d'une bouche affamée. Une dépouille que s'arrachent – et dont se repaissent – les vivants. Et un crâne désossé par le temps. Un bref passage. Un court séjour sans grande incidence...

Seul subsiste, peut-être, un regard sur les silhouettes qui passent. Et un silence sur des paroles prononcées à la hâte – et qui s'effacent. Et qui éloignent plus encore du monde – et de cette beauté que nous cherchons partout...

 

 

La terre offre – se donne presque entièrement. Et le monde s'empare, les hommes saisissent et amassent... Comme des bouts de chair – des organes – inconscients et insoucieux du corps auquel ils appartiennent... Et qui sucent les parcelles, les vident de leur sang et les abandonnent en espérant (naïvement) que la terre pourra les régénérer et les renouveler indéfiniment...

 

 

Le monde agenouillé. Agonisant presque. Enveloppé de son linceul noir. Et peut-être que la lumière – et l'enchantement – viendront de ses eaux claires qui coulent sans discontinuer sur les jours. Il n'y a d'autre espérance pour la terre. Et il n'y a d'autre espérance pour les hommes...

 

 

Il y a partout cette misère, ces malheurs et cette solitude que nul ne peut dire – et que nul ne veut entendre... Et puis, au dedans, au dessus, en dessous, partout, il y a la joie et le silence. Et la beauté des âmes qui patientent sans bruit dans la pénombre...

 

 

Le travail des astres sur les âmes. Le travail des âmes sur le monde. Le travail du monde sur les corps. Et l'esprit qui ne voit rien... Et l'esprit qui ne comprend rien... Comment pourrait-on vivre ainsi parmi les hommes...

Il nous faut une lucarne, une colline, un espace où respirer et laisser naître la joie. Vivre loin des hommes, au plus près du monde et des âmes. Sous les astres. A notre juste place sous les étoiles...

 

 

La lumière – le silence – sont une présence parmi les hommes. Et parmi les bêtes. Sur cette terre envahie par le noir et les larmes. En ce monde où l'obscur et l’absence dirigent les corps et les âmes... Et les recevoir – et les accueillir –, il ne peut y avoir de plus grande joie. Et de plus grand salut. N'est-ce pas ce que nous espérons tous... et ce à quoi aspire la tristesse de nos visages...

 

 

Elle est là, à présent. Et je n'aspire qu'à rester auprès d'elle, immobile et silencieux...

Beaucoup l'ont entrevue. Mais n'en comprenant ni l'envergure ni les exigences, l'ont abandonnée. L'ont livrée à elle-même en quelque sorte – et à son Amour, immense pour nous, mais si impuissant tant que nous ne savons le recevoir – et l'accueillir...

L'Amour ne peut se propager qu'ainsi – à travers nous qui l'accueillons et le faisons vivre...

 

 

Avant les mots, il y a la lumière. Le langage, lui, en voulant éclairer, obscurcit. Recouvre le monde de noir, d'espérance et de désespoir. D'incompréhension. De couches de plus en plus opaques. Et, très vite, infranchissables...

Et après les mots, il y a le silence. Et la parole qui accueille la lumière pour la restituer en petites notes gaies et colorées. Et la poésie, bien sûr, est l'un de ses visages...

 

 

L'encre est plus vagabonde que l'âme. Et la parole toujours moins lumineuse que le silence. Et le noir plus aisé, et envahissant, que la joie...

La présence s'offre à celui qui n'a pas – qui n'a jamais – rechigné au long labeur de l'âme. A son lent travail pour s'extraire des mots et des images. Pour se libérer de leur opacité. Et de leur indéracinable noirceur. L'innocence alors se faufile (peut se faufiler) dans l'espace laissé vacant. Et à sa suite viennent, sans effort, la lumière, la joie et le silence...

 

 

Cet ailleurs dont nous ne reviendrons pas. Comme un long voyage – une longue errance – qui nous éloignerait durablement (définitivement peut-être) de nous-mêmes... Ainsi cheminent les hommes, stupidement... Comme s'ils pensaient pouvoir échapper à ce que nous sommes... Ici, là-bas, partout présent où que nous soyons...

 

 

Ni aveuglement ni cécité. Une pleine ignorance qui rend inintelligible le silence... Et laisse la main d'une bestiale cruauté s'emparer du monde. Et exterminer ses peuples.

Une victoire ensanglantée qui ne cache sa joie – et savoure le progressif anéantissement du monde. Sa – presque totale – capitulation. L'homme dans tout son délire et sa splendeur...

 

 

Dans le secret du monde, une pudeur. Comme un instinct de survie. Qui ne se dévoile qu'au fil de la compréhension et de la sensibilité, les gages les plus sûrs du respect et de la gratitude nécessaires...

 

 

Peut-être le monde est-il dépeuplé – et nous seuls le savons... Mais à qui appartiennent donc tous ces visages s'ils ne sont les nôtres...

 

 

[Humble hommage au modeste Jean-François Mathé]

Surgi de ce monde, sous des dehors, le temps par moment s'efface sous le ciel passant. Comme sur la corde raide, au fil de l'eau. Une navigation plus difficile ou bien une absence, comme une contraction supplémentaire du cœur – des instants dévastés par l'inhabitant...

 

 

Il faudrait peut-être effacer le temps pour s'absoudre de ses cruautés. Devenir des âmes affranchies des heures. Libérées du souvenir et de l'espoir...

 

 

Quelle est la place du poète, du prophète et du mystique* dans ce monde aux goûts – et aux aspirations – si prosaïques et matériels... Seraient-ils nés pour d'autres siècles...

* Terme usité par des individus si peu, naturellement, sensibles au spirituel...

 

 

En épousant le temps, le monde, la vie, on célèbre l'éternel – cette blancheur invisible sur chaque visage. Cette joie qu'enserrent les âmes, encore si frileuses... La vocation de l'homme, du temps, du monde et de la vie. Les noces secrètes du sauvage et de l'innocence. Notre plus bel amour...

 

 

Vivre. Une manière peut-être d'éclore à la lumière parmi tant d'ombres et de larmes. A cette joie que l'âme devine au fond de sa tristesse...

 

 

Au détour d'une phrase, un visage. Au détour d'un visage, l'annonce parfois d'un autre chemin... Comme une farandole sans fin. Inexplicable... La mariage de la chair et du langage, de la vie imaginée et de l'imaginaire vécu. Comme la réconciliation peut-être de nos deux figures... Et le sacre de toute union. La célébration des voix et des routes nécessaires pour rejoindre cette unité si longtemps oubliée...

Comme un dialogue – une entrevue silencieuse – entre soi et soi où toutes ces parts oubliées de soi-même se retrouveraient – et se réuniraient – pour entonner un seul chant, prodigieux et magnifique – si précieux qu'aucune âme ne pourrait y résister...

 

 

Un silence, sans doute, nous est promis pour clore la quête si bruyante de l'âme. Une joie, sans doute, nous est promise pour effacer cette interminable tristesse. Et une lumière enfin, sans doute, nous est promise pour éclairer cette si longue et sombre errance...

 

 

Le poète écrit comme l'artiste peint, modèle et façonne. Comme le soleil brille et les vents soufflent et tournent. Sans raison et pour les plus hautes nécessités...

 

 

Le plus abominable et le plus fabuleux. Toujours côte à côte. Inséparables. Inextricablement liés. A jamais. Et en défaire les nœuds est la tâche du penseur. Et en célébrer le merveilleux, la tâche du poète. Et les accueillir (tous les deux), la tâche du sage... Et se livrer à cette triple besogne, le travail – la mission peut-être – de l'homme qui rêve de mettre l'Absolu à la portée de la terre et de l'humain – et qui aspire à célébrer son envergure au quotidien afin de se hisser jusqu'au regard d'un Dieu que nous avons cru si étranger et inaccessible...

 

 

Le cri n'appartient peut-être qu'à la nuit qui dort. La parole à l'aube naissante. Et le silence au soleil du plus haut jour... Les hommes avec leur langage, leurs plaintes et leur soif, n'en ont donc pas fini avec leurs rêves et leur sommeil. Et avec leur envie d'étoiles...

 

 

Le souffle du macabre sur nos âmes grises... Comme un funeste chemin, né de la terre, entre le corps et l'infime possibilité du ciel. Un pari à peine envisagé – et rarement tenu. Une défection sans choix du plus grossier vers l'invisible – l'impensable...

 

 

On ne nous dit rien du jour. Ni rien de la nuit. On nous empale avec des clous et des promesses. Des paroles et des mensonges insensés. On nous enjoint de vivre et de croire. D'essayer de survivre et d'espérer. On nous livre à nous-mêmes. Et cet abandon est notre chemin. Notre seul atout. L'unique salut possible...

 

 

Les peuples se taisent – et se sont toujours tus – pour écouter les programmes, les promesses et les mensonges des rois. Et ils meurent depuis toujours, décimés, bêtes et dociles, sur des champs où le labeur et les guerres flamboient. Comme des troupeaux stupides vouant une confiance aveugle (et puérile) à ceux qui les mènent vers l'épuisement et la mort.

Vivre à l'écart des peuples – à l'écart des foules – c'est commencer à s'extraire de l'imbécillité. Les premiers pas vers la douloureuse solitude nécessaire à la fouille et aux chemins de sa propre reconquête. Les premières foulées, en quelque sorte, aux avant-goûts de liberté...

Il faut être – et vivre – comme des enfants rebelles, le front posé contre la vitre – avec le regard fixé au loin sur l'inconnu du dehors, qui rêve d'une vie sans fers – et refuser les interdictions, les autorisations, les mises en garde et les remontrances de l'autorité (établie)...

La solitude des grands chemins, il n'y a d'abord d'autre liberté avant que n'éclose cet invisible sursaut du regard...

Plus qu'un éloignement du monde, un retrait – un désert nécessaire pour se dégager, aussi pleinement que possible, de l'humanité servile et malléable avant de succomber, un jour peut-être, aux dignes retrouvailles...

 

 

Il n'y a d'effluves plus joyeuses que celles de la grande solitude réconciliée où les visages, si éparpillés autrefois – et si solitaires malgré l'étouffant voisinage, se raccommodent (enfin) en une figure unique dont chacun prendrait les traits...

 

 

La perte toujours. Comme incessante invitation à l'abandon. Le plus sûr chemin de la délivrance – cette liberté d'être, à la fois uni et au dehors. Si extérieur(e) au fatras, si souvent égarant et inextricable, de l'intériorité que quelques mots résumeraient admirablement : le coeur-monde et le regard infini, si peu soucieux des élans et des aléas – des soubresauts et des volte-faces... Ce visage libre, et si oublié, que nous sommes depuis toujours...

 

 

Un surplus de monde comme un écœurement. A l'image de l'odieux gavage que l'on réserve, en certaines régions, à de malheureux palmipèdes...

 

 

Rassasiés de haine et de rancœur avec des peurs et des désirs en pagaille – et cette méfiance de l'Autre, comment pourrions-nous construire un autre monde... Voués, évidemment, à l'absurde et vain exercice tant que demeurera l'individualité...

 

 

Et cette ensorcelante lumière qui nous guide jusqu'à la pleine extraction de nos liens. Jusqu'à leur complète métamorphose en aire harmonieusement commune...

 

 

L'addition des absences ne forme qu'un vide. Une béance irremplissable... Il faut ôter l'inconscience et les automatismes de l'absence pour espérer les voir, un jour, se métamorphoser en présence...

 

 

Et ce désir d'écrire plus haut – et plus loin – dans l'infini. Dans cet élan de silence que tout contrarie... Invisible et inaudible, bien sûr, à force de volonté. Et qui traverse les hommes – leur absence, si évidente, et leur exil du monde à force d'y être trop présents... Comme un jet, livré à sa seule puissance, qui ne rebondit sur aucun espace. Abandonné, en quelque sorte, à la tyrannie espiègle du vide – et dont nul jamais ne se fera l'écho... Une parole (pourtant) joyeuse dans son retrait, et pas même mendiante, dite pour elle seule et que n'entendront, bien sûr, jamais ni les vivants ni les morts...

 

 

Peut-être n'y a-t-il, au fond, que des pas, du bruit et le silence... Et quelques plaintes pour dire l'effroi et l'incompréhension...

Ni maison ni main tendue. Une solitude immense qui ne sait cohabiter qu'avec elle-même...

Ni pente ni montée malgré l'illusion du temps et du mouvement. Mais une immobilité sereine, et sans doute hilare, ravie des jeux et des phénomènes malgré les larmes et le sang. Comme un avant-goût de ce que nous sommes. Cette chair et ce visage fragiles et éternels. Ce soleil adossé aux promesses et aux désastres...

 

 

Une parole, à nouveau, pour dire le silence. Et le silence pour seul écho de la parole. La plus parfaite et fabuleuse réponse à ce que nous ignorons encore. A cette orgie de questions insolubles...

 

 

Dieu si extérieur à soi lorsque l'on ne sait (encore) qu'il nous habite... Quelle est donc cette part de soi qui résiste – et refuse sa venue... ? Comme si nous ne pouvions nous empêcher de repousser ses avances et lutter contre son désir (légitime) de prendre notre place – cette place, en vérité, qui est la sienne et lui revient... Qui est donc l'usurpateur ? Et comment est née cette dimension sombre et ignorante qui s'y substitue en faisant feu de tout bois pour le détrôner et se propager partout – et que nos illusoires, mais si consistantes et pugnaces, individualités sans cesse alimentent... et qui, en la nourrissant, lui permettent de se répandre en tous lieux comme la peste. Comme une terrifiante et dévastatrice gangrène...

 

 

Quelle somme de souffrances nous faudra-t-il endurer pour nous extraire (pleinement) de nous-mêmes – et devenir ce visage infini, et si doux, que nous n'avons (pourtant) jamais cessé d'être... ?

 

 

Une inutile couleur demeure parfois sur la transparence. Celle de l'âme qui enveloppe les circonstances et teinte encore leur accueil...

 

 

Patienter jusqu'à la mort sans autre espoir que vivre (vivre encore un peu) et retarder l'heure du départ. Ainsi vit l'essentiel des hommes sans autre perspective que l'horizon et le tombeau...

 

 

Toute vie porte en elle son agonie. Et le regard que l'on porte sur elle, tous les deuils à venir...

 

 

Les hommes ne s'adressent qu'aux hommes. On les voit se parler, ou plutôt, déverser les uns sur les autres leurs peines et leurs espoirs. Et relater leurs infimes aventures. De pauvres histoires en vérité... Et qu'importe que nul ne les écoute – et que nul ne soit entendu... Presque personne n'écoute... Presque personne ne sait écouter...

Mais je n'ai jamais vu aucun homme, ou si rarement, même dans la plus grande intimité, s'adresser aux arbres, aux fleurs, aux bêtes, aux pierres et aux nuages. De temps en temps, on entend, il est vrai, une plainte, un murmure ou un cri, lancé(e) à Dieu – au ciel – à ces grands inconnus auxquels l'on confie (parfois) ses secrets mais sans jamais rien comprendre à ce grand silence...

 

 

Qu'importe que l'âme soit ouverte ou close, elle sera emportée un jour, tôt ou tard, vers le noir le plus dense – là où naît la lumière. Et c’est dans ses bras que s'achèveront toutes les danses...

Et nous n'avons rien d'autre, sans doute, que cette espérance...

 

 

Un jardin, un secret. Là où commencent toutes les aventures. Là où s'achèvent tous les chemins. Là où nous sommes déjà sans le savoir... Au centre – au point le plus dense – où rayonnent toutes les lumières sur les abîmes qui nous habitent – et nous entourent...

 

 

Peut-être que la prochaine parole – et que l'ultime parole – seront plus silencieuses... Voilà notre seule espérance, poète : renouer de notre vivant avec nos origines...

 

 

On blâme – et condamne – la bêtise des hommes tant que l’on espère encore (et davantage) de l'humanité... Tant que l'on ignore qu'elle est leur bruit naturel – leur sceau en quelque sorte, le chant inévitable de l'homme, ni plus laid ni moins gracieux, en définitive, que le pépiement et le gazouillis des oiseaux...

Et que pouvons-nous y faire si la bêtise est le bruit naturel de l’homme...

On peut, bien sûr, s'en protéger, ou du moins s'en prémunir (en l'évitant ou en s'éloignant), comme l'on fermerait la fenêtre face à une nuée de mouches et de moustiques pour s'épargner piqûres et agacements...

 

 

Ami et compagnon de personne. Porteur de rien. Ni de rêve, ni de désir, ni d'ambition. Et pas même d'espoir. Voyageur sans destination. Passager sans famille ni destin. Passant sans attache, rivé à aucun fief. Une solitude errante et immobile, livrée à elle-même et aux bonnes grâces du vent, où nulle part – et tous les lieux – prennent (finissent par prendre) des allures d'infini...

 

 

En bordure de ciel, des étoiles nous ont vu naître – et passer nos mille vies inutiles, parfois rieuses comme si être là parmi elles, et tous ces visages inconnus, était déjà bien suffisant...

 

 

Dans l'oubli du silence demeurera, à jamais, notre ultime souffrance... Et se cacher dans, ou parmi, les étoiles n'y changera rien... Les yeux enfouis dans les matins gris et brumeux seront peut-être notre seul jour...

 

 

Derrière le silence, il y a l'infini. Et derrière l'infini, la lumière. Et devant, la foule des visages qui patientent. Ne sachant trop ce qu'ils attendent...

Des simagrées, un peu de poésie peut-être... Des espoirs (à la pelle). Des larmes, inévitables bien sûr... Les saisons qui passent. La pluie, le soleil et le temps. Des envies d'ailleurs, très souvent... L'âme du monde. Ses secrets plus sûrement. Des passants. De nouveaux visages. La mort quelques fois – et qui vient toujours clore, bien sûr, la fin des jours... Des vies toutes simples. Le plus bête – et le plus humain – sans doute de l'existence...

Et nous pourrons dire au crépuscule de l'hiver que les hommes et les siècles seront passés aussi vite qu'un bref orage d'été...

 

 

Des cendres et de la poussière. Une chair exposée à toutes les brûlures et à toutes les indigences mais adossée, toujours, au soleil...

 

 

L'ombre plus épaisse que la lumière. Mais où la clarté transparaît dans les interstices, lui donnant cette texture bigarrée, et presque grise, qui offre à la terre et au monde cette allure si reconnaissable...

 

 

L'homme, si craintif, plongé dans cet effroi permanent de la mort. Comment peut-il, à ce point, ignorer que vivre est plus dangereux que mourir – et que la mort scellera toujours ce qui n'a pas été vécu pour l'emporter vers ce que nous devrons vivre encore...

 

 

Ce monde odieux où tout nous est refusé (la chair, l'attention, l'Amour et la joie...) – et où il nous faut, si souvent, nous battre et lutter (et ruser quelques fois) pour s'emparer et se servir afin de se voir très partiellement, et très médiocrement, satisfaits... Ou alors, patienter dans la solitude et le dénuement pour que grandissent, en nous, le silence, l'infini et la lumière afin de pouvoir (enfin) incarner ce qui nous manquait* si cruellement...

* Ce que nous croyions qui nous manquait...

Il n'y a, malheureusement, d'autre alternative pour l'homme...

Et dans notre impossibilité temporaire d'aller parfois vers l'un ou l'autre – dans cet abîme et cet effroi où la vie nous plonge de temps à autre, il nous faut peut-être, et comme toujours, tourner notre regard vers les bêtes, ces frères si précieux, qui mieux que quiconque (et mieux que nous autres en tout cas) savent demeurer si étrangement placides et sereins malgré les conditions inconfortables et les situations atroces, abominables et désespérées dans lesquelles les laissent ou les relèguent la vie et les hommes...

 

 

Toute forme naît d'un entremêlement* d'énergie...

* Mélange, entrechoquement, union, fusion, cassure, fission, ajout, retrait etc etc.

 

 

Être à la fois l'hôte et l'invité permanents sans jamais nier (ou rogner sur) ses nécessités et ses besoins fondamentaux. Ne jamais déroger à ce principe essentiel – à cette loi naturelle de l'innocence et de la présence... S'y conformer en tout lieu et face à toute forme (qu'elle soit minérale, végétale, animale ou humaine...) – et quel que soit l'environnement... Nous éviterons ainsi la facilité de la tyrannie – la pente naturelle de ceux qui dominent et s'approprient – l'habitude de ceux qui s'imaginent maîtres et propriétaires...

 

 

Une nuée d'hommes, comme des insectes qu'ils prétendent nuisibles, qui envahissent la terre – tous les territoires. Qui transforment les reliefs et les paysages selon leurs désirs et leurs appétits. Qui saccagent, exploitent et anéantissent pour asseoir leur domination sans l'once d'une hésitation. Sans l'once même d'un remord. Et qui, dans leur marche folle et insensée, si aveuglée, ne sont plus même capables (mais l'ont-ils déjà été...) de percevoir la dévastation, l'infamie et la désolation qu'ils ont instaurées partout – et dont souffrent le monde, tous les peuples et les vivants de cette terre en sursis...

 

 

Les oiseaux, installés en nous depuis l'aurore, nous invitent à fuir. A nous cacher de l'innommable dans le plus précieux. Le seul salut qu'il nous reste peut-être avant la grande dévastation...

Et les bêtes et les arbres qui meurent par millions l'ont compris bien avant nous. Il n'y a d'autre espoir que la mort pour que cessent le saccage et les désastres... Il n'y a d'autre espoir que de laisser les hommes à leur carnage, seuls avec les malheurs qu'ils ont, eux-mêmes, enfantés...

La terre est – et a toujours été – plus sage que l'humanité. Elle sait – et a toujours su – trouver la voie de sa préservation. Et livrer l'homme à lui-même, aujourd'hui, sans autre appui que sa bêtise et ses folles ambitions, est le signe de son intelligence...

L'extinction du monde et de l'homme est en marche. Et sur leurs cendres naîtra – pourra naître – un monde nouveau, moins impatient, plus clément et respectueux du Bien commun et des lois du vivant, plus soucieux du silence et de l'infini que de conquête, de pouvoir et de profit... Un monde plus juste et solidaire, pacifié et réconcilié avec toutes les parts, tous les visages et toutes les âmes qu'il porte en lui... Le reflet de cette intelligence et de cet Amour que n'auront réussi à trouver les hommes...

 

 

Et pendant que paressent les hommes, le poète, penché sur sa besogne, œuvre à son chant, inaudible – presque invisible – comme un soleil noir qui repeint les grandes lignes de la terre sacrifiée. Comme une lucarne, minuscule, pour dire – rappeler sans doute – que la lumière ne s'éteindra malgré l'inertie, l'obscurité et l'obscurantisme du monde. Comme un espoir lancé aux corbeaux funestes qui ravagent les plaines de leurs cris, de leurs rires et de leurs insatiables appétits...

 

 

Un infâme et perpétuel ronronnement... Serait-ce donc cela vivre pour les hommes...

Et l'homme qu'est-il donc ? Qu'un rire stupide et affamé dans le silence qui ne comprendra jamais sa terreur. Qu'un œil incapable encore de se voir disparaître – et renaître au gré des peurs et des désirs – dans cette lumière inconnue...

On pourrait sourire évidemment de ce carnage et de cette ignorance (qui jamais ne disent leur nom...) mais l'ampleur du désastre et des malheurs où l'humanité nous a plongés invite davantage au cri d'effroi et d'indignation – de vaine colère sans doute – avant de pouvoir succomber, un jour éventuellement, à l'appel généreux du réveil...

 

 

Une frugalité du langage nous inviterait sans doute au silence. Et la parole vaincue, harassée par tant d'espace, s'initierait alors à cette lumière qu'elle porte sans le savoir – sans qu'elle puisse même s'y installer ou s'en défaire. Comme ligotée en quelque sorte malgré les ténèbres qu'ont inventées les hommes...

 

 

Ni question ni réponse. Ni murmure ni plainte. Pas même un cri. Ni Dieu ni anges. Pas même la présence du monde et des hommes. Une défection totale. Un abandon. Comme un avant-goût du silence où nous serons bientôt plongés...

Et des fleurs par milliers sur les chemins. Et des arbres par milliers sur les collines. La terre et les forêts merveilleusement renaissantes... Et des âmes par milliers retrouvant (enfin) ce qu'elles n'ont jamais quitté – mais sidérées, à présent, par tant de lumière – et cette disparition, si inattendue, des ombres... Ce paradis si proche des êtres qu'ils demeurent, pour la plupart, incapables de voir...

 

 

Le langage sera toujours trop pauvre – et trop terne – pour décrire le silence – et dépeindre la lumière... Quant à s'y installer, inutile d'y penser... Mieux vaudrait arracher à la langue, ses pics et ses fourches, la soustraire à toute ambition, alors peut-être saura-t-elle s'y plonger – et s'en faire l'écho... Il n'y a d'autre espérance pour le poète (et pour les hommes) que cette parole née de tous les abandons...

 

 

Le monde, un oubli et le renouveau possible de toutes les sources. Le gage – la certitude – d'une continuité... Comme un trait – un mouvement – une histoire – ininterrompus – et interminables dont le retour à l'origine ne serait qu'un passage – qu'une étape dans la récurrence et l'infinitude du cycle...

Ni délire ni récit. Ni mythe ni mensonge. La seule vérité peut-être...

 

 

Fuir ce monde où le sourire n'est qu'un effort pour ne pas haïr ce qui nous est inconnu – et ce qui nous blessera tôt ou tard... Pour ne pas prêter le flanc à la désespérance et à la solitude qui se jetteront sur nous, quoi que nous fassions, au fil des circonstances... Et nous pardonner cette lâcheté...

Mieux vaut encore les larmes qui, de solitude en désespérance, nous ouvriront les portes incongruement joyeuses du silence. Cette aire de joie infinie dont la beauté nous échappe encore...

 

 

Encore un peu de désespérance. Comme un nuage – quelques nuages – sans importance – sans conséquence – passagers comme tout le reste, dans un ciel de bleu et de joie parfaitement immobile et dégagé malgré les ombres – toutes les ombres – dont nous ne pourrons peut-être jamais nous défaire...

 

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