Epigraphes associées aux carnets
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Carnet n°3
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Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et qui, paradoxalement, est peut-être notre moteur le plus sûr.
NICOLAS BOUVIER – L'USAGE DU MONDE
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Carnet n°4
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Only the secret heart survives
Only the dreamer stays alive
ALAN DAY
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Carnet n°5
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Ce que tu fais dans la vie, je veux dire non seulement comme artiste, mais aussi en tant qu'homme, époux, père, ami, voisin etc., tout cela s'apprécie en fonction du « sens » éternel du monde et d'après les critères de la justice éternelle, non par référence à quelque mesure établie, mais en appliquant à tes actes ta propre mesure, unique et personnelle.
H. HESSE – LETTRE A UN JEUNE POETE
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Lorsque quelqu’un éprouve le besoin de justifier sa vie, ce n’est pas le niveau général de son action, considérée d’un point de vue objectif, qui compte, mais bien le fait que sa nature propre, celle qui lui a été donnée, s’exprime aussi sincèrement que possible dans son existence et dans ses activités.
H. HESSE – LETTRE A UN JEUNE POETE
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On exige de l’homme qu’il renonce une fois pour toutes à lui-même et à l’idée qu’à travers lui, quelque chose de personnel et d’unique pourrait être signifié ; on lui fait sentir qu’il doit s’adapter à un type d’humanité normale (…) ; qu’il doit se transformer en un rouage de la machine, en un moellon de l’édifice parmi des millions d’autres moellons exactement pareils.
H. HESSE – LETTRE A UN JEUNE POETE
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Quand Dieu te jugera, il ne te demandera pas : « As-tu été un Hodler, un Picasso, un Pestalozzi, un Gotthelf ?» Il te demandera en revanche : « As-tu été et es-tu réellement celui en vue duquel tu as hérité certaines dispositions ? » Questionné de la sorte, aucun homme n’évoquera sans honte et sans effroi son existence et ses errements ; tout au plus pourra-t-il répondre : « Non, je n’ai pas été cet homme, mais je me suis du moins efforcé de le devenir dans la mesure de mes forces. » Et s’il peut le dire sincèrement, il sera alors justifié et sortira vainqueur de l’épreuve.
H. HESSE – LETTRE A UN JEUNE POETE
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(…) il n’existe pas de chemin qui nous conduirait hors de nous-même vers quelque chose d’autre, (…) il nous faut traverser la vie avec les aptitudes et les insuffisances qui nous sont propres et strictement personnelles et il nous arrive alors parfois de faire quelque progrès, de réussir quelque chose dont nous étions jusque-là incapables… après cela, la part la plus intime de notre moi ne tend à rien d’autre qu’à se sentir croître et mûrir naturellement. C’est à cette seule condition que l’on peut être en harmonie avec le monde.
H. HESSE – LETTRE A UN JEUNE POETE
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Carnet n°7
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Je vais, je viens, mais je ne puis aller aussi loin
que ce brin d'herbe au bord du chemin.
JEAN-MARIE KERWICH
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J'ai posé au ciel mille questions sur la souffrance et l'injustice.
De simples gouttes de pluie furent sa réponse.
Et ce fut à moi de comprendre.
JEAN-MARIE KERWICH
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Carnet n°9
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Si l'on demandait à chacun de dessiner la carte des souffrances et des bonheurs humains, nul ne s'entendrait ni sur les territoires ni sur l'itinéraire pour traverser l'existence sans encombre.
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Il y a dans la vie de chaque homme des parcelles de bois sombres, des clairières lumineuses, des coins de terre obscurs et des bouts de ciel bleu, une infinité de paysages inexplorés.
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Le vrai voyageur quitte sa demeure pour aller arpenter le monde.
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Nous pouvons avoir recours à tous les conseils, à tous les repères et à toutes les indications du monde, mais nul ne peut apprendre à marcher sans devenir son propre guide.
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Nous croyons construire notre vie. Il n'en est rien. C'est la vie qui, à travers nous, fait son œuvre.
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PIERRE VALMONT – PENSEES VAGABONDES
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Carnet n°13
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Bruits de papiers froissés, nos vies. Ecrits dans tous les sens.
Un centre demeure, ignoré, d'où pend un fruit entièrement mûr.
VINCENT LA SOUDIERE
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La plus grande partie de notre chemin reste cachée et irréalisée.
C'est pourquoi nous avançons en aveugles dans l'évidence d'un but.
Notre unique trésor n'est déployée qu'à l'intérieur de nous.
VINCENT LA SOUDIERE
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Carnet n°15
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Quand on voit ce monde, on voit l'autre en transparence, comme le filigrane pris dans la trame du papier.
CHRISTIAN BOBIN
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Carnet n°16
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J'ai simplement éprouvé, tout au long de ma vie, le besoin irrépressible de dire ce que m'inspire la vie. Je ne sais qui pourrait trouver de l'intérêt à lire ce que j'écris ici. Mais cela n'a aucune importance. Ce que je sais, c'est que je dois l'écrire. Ne pas le faire – si absurde que cela, vu du dehors, puisse paraître – serait à mes yeux une faute grave, par rapport à la vie. Quelque chose comme une offense à elle. Ou, si on veut, encore vilipender un bien qui vous a été confié, le privilège d'une certaine disposition intérieure. Les privilèges de vie qui nous sont accordés ne doivent nous rendre que plus exigeants dans la recherche de l'essentiel. (…) Pour devenir par notre ouverture d'esprit et de cœur – indissociables l'un de l'autre – précisément – homme pour les autres –.
GEORGES HALDAS
Notre tâche (…) n'est pas de donner la recette d'un sens à la vie et à celle de chaque être humain, mais de travailler à ce que chacun parte lui-même et librement à la recherche de ce sens en considérant que c'est à travers cette recherche et grâce à elle qu'il deviendra – ce qu'il y a de plus précieux et donc d'essentiel – toujours plus homme.
GEORGES HALDAS
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Carnet n°17
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En voyant l'aveuglement et la misère de l'homme, en regardant tout l'univers muet et l'homme sans lumière abandonné à lui-même, et comme égaré dans ce recoin de l'univers sans savoir qui l'y a mis, ce qu'il est venu faire, ce qu'il deviendra en mourant, incapable de toute connaissance, j'entre en effroi comme un homme qu'on aurait porté endormi dans une île déserte et effroyable, et qui s'éveillerait sans connaître [où il est] et sans moyen d'en sortir. Et sur cela j'admire comment on n'entre point en désespoir d'un si misérable état. Je vois d'autres personnes auprès de moi d'une semblable nature. Je leur demande s'ils sont mieux instruits que moi. Ils me disent que non ; et, sur cela, ces misérables égarés, ayant regardé autour d'eux et ayant vu quelques objets plaisants, s'y sont donnés et s'y sont attachés. Pour moi, je n'ai pu y prendre d'attache et, considérant combien il y a plus d'apparence qu'il y a autre chose que ce que je vois, j'ai cherché...
BLAISE PASCAL
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Carnet n°18
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La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement. Et cependant c'est la plus grande de nos misères. Car c'est cela qui nous empêche principalement de songer à nous, et qui nous fait perdre insensiblement. Sans cela nous serions dans l'ennui, et cet ennui nous pousserait à chercher un moyen plus solide d'en sortir, mais le divertissement nous amuse et nous fait arriver insensiblement à la mort.
BLAISE PASCAL
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Carnet n°19
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Malgré la vue de toutes nos misères qui nous touchent, qui nous tiennent à la gorge, nous avons un instinct que nous ne pouvons réprimer qui nous élève.
BLAISE PASCAL
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Carnet n°20
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(…) Dès l'instant qu'on a conscience que la graine d'éternité vivante est en nous, tout, et jusqu'aux moindres choses, prend consistance et saveur, comme si elle aussi (la moindre chose) avait une part d'éternité : une promenade, une station sur un banc, un morceau de pain qu'on coupe ou une gorgée de vin, l'attente d'un train qui va venir etc. Bref, c'est tout ce quotidien qui prend soudain une secrète dimension.
GEORGES HALDAS
(…) il y a (…) cette disposition intérieure pareille à une grâce qui fait que la moindre pépite de la réalité autour de nous fait sentir, en son obscure plénitude, le miracle d'être.
GEORGES HALDAS
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Carnet n°21
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Quand vous reconnaissez ce qui est inconscient en vous, ce qui rend cette reconnaissance possible est en fait la conscience émergente. (…) vous ne pouvez pas vous battre contre l'obscurité. Il faut simplement que la lumière de la conscience éclaire l'obscurité. Et cette lumière, c'est vous.
ECKHART TOLLE
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Lorsqu'un humain a acquis un certain degré de présence à ce qui est, une attention vigilante mais quiète dans ses perceptions, il peut percevoir l'essence de la vie (…), la conscience ou l'esprit unique émanant de chaque créature et de chaque forme de vie, et la reconnaître comme ne faisant qu'une avec sa propre essence.
ECKHART TOLLE
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Carnet n°22
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Je suis tout entier dans ce que j'écris. Non dans ce que je parais au quotidien.
Plus on entre dans le royaume du dedans et plus celui de ce monde nous paraît pesant, opaque et même criminel. En même temps que plus urgente se fait sentir la nécessité d'y être présent. Pour, si on peut dire, l'ensemencer.
Rien, à partir de là, ne m'apparaît plus risible et dérisoire que ce que l'on appelle une carrière littéraire. J'écris pour dire ce que je vis. Et à partir de là ce que je vise. Avec toutes les ambiguïtés et les contradictions que cela implique. Indissociable donc, en ce sens, l'écriture d'un chemin de vie. Les livres qu'on écrit dans ces conditions étant à travers toutes leurs imperfections et faiblesses, des livres de vie. Non des productions littéraires.
GEORGES HALDAS
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Carnet n°23
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Avoir le courage d'être médiocre, autrement dit d'être ce qu'on est.
GEORGES HALDAS
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Carnet n°24
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Je n'ai à proprement parler aucune idée. Je réfléchis seulement à partir de ce que je sens, ce que je vis.
Les mots (…) me viennent d'une contrée au dedans, si lointaine que je ne sais plus quelle instance les délègue. (…) Pour m'éclairer dans ma nuit ou m'y enfoncer.
(…) nous ne sommes pas faits pour vivre et surtout pas pour connaître la nature de la vie. Nous vivons dans les effets. Toute cause nous échappe ! Si cause il y a. Malheur donc à qui explique. Et veut par lâcheté se soustraire à la panique.
GEORGES HALDAS
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Carnet n°25
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Après la stérilité, l'abondance. Après la sécheresse et le manque, la grâce. Je ne cesserai au long de ma vie de pauvre homme qui écrit de m'émerveiller de cela qui en définitive – chacun son destin – fait la miraculeuse substance de ma vie.
GEORGES HALDAS
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Carnet n°26
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A quoi bon inventer des fables, des romans, des histoires quand on peut, en quelques mots seulement, toucher à l'essentiel.
GEORGES HALDAS
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Carnet n°47
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On me demande pourquoi j'habite la montagne de jade
Je ris alors sans répondre, le cœur naturellement en paix
Les fleurs des pêchers s'éloignent ainsi au fil de l'eau
Il est un autre ciel, une autre terre que parmi les gens
LI PO
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Carnet n°48
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Je ne suis rien.
Jamais je ne serai rien.
Je ne puis vouloir être rien.
Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde.
FERNANDO PESSOA
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Carnet n°49
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Je parle au vent. Je parle aux arbres.
Je parle au ciel. Et aux herbes folles des chemins.
Le monde surgit en moi. Et je lui sais gré de m'apparaître.
PIERRE VALMONT
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Carnet n°50
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Où faudrait-il s'installer, que faudrait-il faire, pour être un peu tranquille,
pour goûter ne serait-ce qu'un instant le contentement du cœur ?
KAMO NO CHOMEI
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Carnet n°52
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Il ne s'agit plus de se demander ce que rapporte telle ou telle activité,
mais ce qu'elle coûte en instants de vie pure.
FREDERIC GROS
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Carnet n°53
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Quand je monte sur la colline
tous les villages me semblent tristes
HOSAI
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J'habite ma propre demeure
Jamais je n'ai imité personne
Et je ris de tous les maîtres
qui ne se moquent pas d'eux-mêmes.
FRIEDRICH NIETZSCHE
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Pour le poète et pour le sage
toutes choses sont familières et sanctifiées,
tous les événement utiles, tous les jours sacrés,
tous les hommes divins
RALPH WALDO EMERSON
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Carnet n°54
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J'ai jubilé à l'approche du gouffre creusé par la lumière.
Je n'avais plus rien pour moi, je n'étais plus rien,
c'est pourquoi je n'ai pas craint d'y toucher.
VINCENT LA SOUDIERE
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La véritable liberté est d'être enchaîné par des chaînes de lumière
à ce qu'on a choisi pour sa plus haute aspiration.
Dès lors, le plus haut, le plus beau,
le plus vrai ne peuvent plus nous échapper.
VINCENT LA SOUDIERE
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Carnet n°57
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Ma maison
est au pied
de la montagne du sud
un endroit magnifiquement simple
idéalement tranquille d'où contempler le monde
le portail entrouvert
balaye les nuages blancs
FENGKAN
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Oubliez les années, oubliez les distinctions,
vagabondez dans l'illimité et faites en votre demeure
TCHOUANG-TSEU
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Carnet n°58
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Longue est la nuit
Le bruit de l'eau
Dit ce que je pense
GOCHIKU
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Carnet n°59
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Que laissé-je en héritage ?
les fleurs de printemps
le coucou en été
les feuilles rouges en automne
RYÔKAN
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Carnet n°60
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Notre civilisation moderne est consacrée en grande partie au culte de l’illusion ! Il n’existe aucune information générale sur la nature de l’esprit : les écrivains et les intellectuels n’y font guère allusion ; les philosophes modernes n’en parlent pas directement ; la majorité des scientifiques nie qu’elle puisse même exister. Elle ne joue aucun rôle dans la culture populaire ; elle n’est pas mise en chansons ; on n’en parle pas dans les pièces de théâtre et elle ne figure pas au programme de la télévision. En fait nous sommes éduqués dans la croyance que rien n’est réel au-delà de ce que nous percevons directement au moyen de nos sens ordinaires.
SOGYAL RINPOTCHE
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Il est facile de comprendre toutes les vérités une fois qu'elles sont découvertes ; le point est de les découvrir.
GALILEE
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Carnet n°70
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Ce que c'est au fond
je l'ignore, pourtant de gratitude
mes larmes coulent
SAIGYO
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En construisant les murs, on détruit le vent.
JEAN-MARIE KERWICH
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Carnet n°71
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Seules les forêts et les montagnes admirent les campagnes célestes.
Jamais les forêts ni les montagnes ne détournent leur regard du ciel.
JEAN-MARIE KERWICH
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Carnet n°72
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Au onzième mois, l'hiver est sombre,
La pluie et la neige sont abondantes
Mille montagnes, une même couleur
Dix mille sentiers, de rares passants
Mes voyages d'autrefois sont tous devenus des rêves
Ma porte en herbes bien fermée,
Toute la nuit brûle une bûche de bois blanc
Tranquillement je lis les poèmes des anciens
Qui dit que mes poèmes sont des poèmes ?
Mes poèmes ne sont pas des poèmes
Si vous comprenez que mes poèmes ne sont pas des poèmes,
Nous pourrons alors parler poésie.
RYOKAN
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Carnet n°73
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Vous me demandez pourquoi je demeure dans la montagne verte,
Je garde le silence et souris, le cœur paisible.
Les fleurs tombées du pêcher s’en vont au loin, au fil du ruisseau,
On vit autrement dans le monde.
[Dialogue dans la Montagne]
LI BAI
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Carnet n°74
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Digne dans mon humble hutte, à mon aise je bois du vin et compose des poèmes,
accordé au cours des choses, conscient de mon sort,
n'ayant plus ainsi aucune arrière-pensée.
TAO YUAN MING
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Si tu veux avancer dans l'étude de la sagesse, ne refuse point, sur les choses extérieures, de passer pour imbécile et pour insensé.
EPICTETE
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On ne supporte de vivre dans le conditionné et le fini que si le regard parvient sans cesse à atteindre l'inconditionné et l'infini.
HANS WALDENFELS
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Carnet n°75
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L'homme doit s'élever au dessus de la Terre – aux limites de l'atmosphère et au-delà – ainsi seulement pourra-t-il comprendre tout à fait le monde dans lequel il vit.
SOCRATE
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Ce que tu veux me dire, est-ce vrai ? Est-ce bien ? Est-ce utile ?
Sinon je ne veux pas l'entendre.
SOCRATE
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Carnet n°76
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Arbres et pierres sont mes amis. Je ne me soucie ni de grandeur ni de décadence
mais du nuage blanc, de l'eau fuyante, des matins et des soirs et de la brume bleue
sur mille montagnes immenses.
SHEN CHUN
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Carnet n°77
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Ne marche pas sur les traces des anciens.
Cherche ce qu’ils cherchaient.
Il y a des choses
qui ne peuvent s'enseigner.
Il faut les pénétrer soi-même.
BASHȰ
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Carnet n°78
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Les hommes et les femmes d'aujourd'hui, comme ceux d'hier, cherchent le chemin des nuages
Le chemin des nuages est obscur, nulle trace pour se repérer
Les montagnes sont escarpées, les précipices redoutables
Larges sont les torrents et troubles sont leurs eaux...
Devant, des pics de jade, derrière, d'autres pics de jade
Partout des nuages blancs, à l'ouest, à l'est
Voulez-vous savoir où se trouve le chemin des nuages ?
Nulle part, le chemin des nuages, c'est le vide !
HAN SHAN
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Carnet n°79
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Le bonheur ne m’a guère souri sur cette terre.
Où vais-je ? Je cherche dans ces montagnes
Le silence, la paix du cœur. C’est ma patrie,
Je n’errerai plus jamais loin d’elle.
Les cimes de partout redeviennent bleues,
Vais-je te dire adieu ? Non, qu’à jamais,
A jamais bruisse l’eau, refleurisse l’herbe !
YVES BONNEFOY
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Carnet n°80
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Ici la pierre est seule et d'âme vaste et grise
Et toi tu as marché sans que vienne le jour.
YVES BONNEFOY
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L'ascèse consiste à choisir perpétuellement l'essentiel. C'est en ne conservant que l'essentiel et le nécessaire que l'on trouve les forces de la vitalité et de la vérité. L'épanouissement doit être une ascèse, un dépouillement qui n'est pas une contrainte négative comme la mortification. La seule issue n'est pas la privation mais la joie dans le dépouillement.
MAURICE BEJART
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Carnet n°81
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Beaucoup seraient parvenus à la sagesse s'ils n'avaient pas crû y être déjà.
SENEQUE
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Quand le sage s'arrête-t-il d'étudier ? Lorsque l'on ferme son cercueil.
CONFUCIUS
Carnet n°83
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Celui qui dit ce qu'il sait dit aussi ce qu'il ignore.
FRANCIS BACON
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Carnet n°85
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Quand on a mission d'éveiller, on commence par faire sa toilette dans la rivière.
Le premier enchantement comme le premier saisissement sont pour soi.
RENE CHAR
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Carnet n°89
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Sur les voyageurs
Tandis que tombe la pluie
Le printemps est arrivé
IKEGAMI KOSANJIN
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Carnet n°90
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There is nothing you can see that is not a flower
There is nothing you can think that is not the moon
MATSUO BASHȰ
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Carnet n°91
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There is an idleness – more Tonic than Toil
(Il y a une oisiveté – plus Tonique que le Labeur)
EMILY DICKINSON
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Carnet n°92
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"Go traveling with us !"
Her Travels daily be
By routes of ecstasy
To Evening's Sea –
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"Viens voyager avec nous !"
Quotidiens soient ses voyages
Par des routes d'extase
Vers l'Océan du Soir –
EMILY DICKINSON
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Carnet n°94
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C'était mon visage
Sur ce miroir froid.
SANTOKA
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Carnet n°95
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Cette année encore
Le bon à rien que je suis
Dans sa hutte d'herbe
ISSA
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Carnet n°97
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Quiconque a eu, comme toi, l'âme tout entière meurtrie ne peut plus trouver le repos dans les joies particulières ; quiconque a senti comme toi la fadeur du Néant ne peut se rasséréner qu'aux plus hauts degrés de l'esprit, quiconque a fait comme toi l'expérience de la mort ne peut guérir qu'entre les dieux.
FRIEDRICH HÖLDERLIN
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Carnet n°98
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(Aux poètes)
Mais c'est à nous, pourtant, sous les orages de Dieu
Ô poètes ! à nous qu'il appartient de se dresser et tête nue,
C'est à nous de saisir de notre propre main
Jusqu'au rayon du Père et de le tendre ainsi,
Recelé dans le Chant, ce don du ciel, de l'offrir aux nations.
FRIEDRICH HÖLDERLIN
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Je peux seul continuer mes études visionnaires [...]sans être ennuyé ; je puis ainsi converser avec mes amis dans l'éternité, avoir des visions, rêver de prémonitions et de prophéties et déclamer des paraboles librement sans être assailli par les doutes d'autres mortels.
WILLIAM BLAKE
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Carnet n°100
La culture trace des chemins droits ; mais les chemins tortueux sans profit sont ceux-là mêmes du génie.
WILLIAM BLAKE
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Carnet n°101
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Il faut porter encore en soi un chaos pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante.
FRIEDRICH NIETZSCHE
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Carnet n°102
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Est-il donc impossible, Ern, d’être vrai ?
D’être ouvert à soi-même ainsi qu’à tous,
d’être une parole qui se fie et se rit
et qui ne dit jamais que le mal d’être séparé, le bien ensemble ?
MAURICE REGNAUT
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O monde immense
Et moi
En mes seuls mots.
MAURICE REGNAUT
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Ce avec quoi ils sont en contact le plus étroit sans interruption, ils s’en détournent et ce qu’ils rencontrent chaque jour leur paraît étranger.
HERACLITE
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Carnet n°103
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J'écris pour vivre plus haut et plus loin.
SAINT-JOHN PERSE
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Créer, c'est aimer. Aimer, c'est être seul.
GEORGES L. HENDEL
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C'est la même intuition diversement utilisée, qui fait le profond philosophe et le grand artiste.
HENRI BERGSON
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Carnet n°105
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Si tu n'as pas désespéré de tout, tu ne rencontreras pas l'Inespéré.
HERACLITE (selon une traduction de VINCENT LA SOUDIERE)
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Carnet n°106
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N’est-ce pas mon destin de retrouver toujours
Cette pierre froide et dure
De m’arrêter épuisé dans la nuit
De regarder la pluie se fracasser sur l’asphalte
Et de pressentir les ombres.
JACQUES PREVEL
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Jamais je n’avais senti, si avant, à la fois mon détachement de moi-même et ma présence au monde.
ALBERT CAMUS
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Carnet n°107
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Ne comptez pas sur moi
Je ne reviendrai jamais
Je siège là-haut
Parmi les élus
Près des astres froids
Ce que je quitte n’a pas de nom
Ce qui m’attend n’en a pas non plus
Du sombre au sombre, j’ai fait
un chemin de pèlerin.
Je m’éloigne totalement sans voix
Le Vécu m’a mille et mille fois brisé, vaincu
Moi le fils des Rois.
ANDRE LAUDE
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Face à face ils s'égorgèrent
Et connurent dans leur chute
La fraternelle accolade
MARIE-ADOLPHE GUEGAN
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Carnet n°108
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La mort et la vie sont le même visage de notre destinée.
La vie qui monte du sol s’empare de la mienne et se retire en moi.
Ta vie est un éclat de la vie de toujours, et ce toujours, en toi, se déploie comme une aile.
Tu ne veux rien conquérir, il te suffit d’effleurer le tronc d’un hêtre.
La profondeur de la terre dépend de tes pas et celle du ciel de ton regard.
Le soleil, mon étoile, en moi, si lointaine, si proche, que j’accueille comme un souvenir qui aurait pris racine dans le Noir, bien avant moi, et qui ressemble tant à la chute de quelques feuilles déjà rousses qui tombent sur la terre comme un regard intemporel.
J’épouserai le temps et l’âme des étoiles.
L’amour est un cri qui délivre le ciel.
RICHARD ROGNET
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Ce siècle présent est foutu s'il n'est pas fait contrepoids à sa nuit immense par l'assurance de quelques individus qui tiennent de leur volonté ou de leur vie le privilège de voir et d'éclairer... Je ferai ce que je pourrai pour lui, mais je le crois foutu. Jamais il ne comprendra que l'homme est un cœur, ou rien. C'est-à-dire : courage. Amour.
C'est le désastre obscur qui porte la lumière.
La vie est vérité. Traversée jamais achevée au terme de laquelle on reçoit son être véritable.
La poésie est le salut de ce qu'il y a de plus perdu dans le monde.
JOË BOUSQUET
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Carnet n°109
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J'attends
que sourde
la lumière
que meure
le temps
que jaillisse l'eau
dont j'ai soif.
CHARLES JULIET
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Adulte ? Jamais. Jamais : comme l’existence
Qui ne mûrit pas, reste toujours verte,
De jour splendide en jour splendide.
Je ne peux que rester fidèle
À la merveilleuse monotonie du mystère.
Voilà pourquoi, dans le bonheur,
Je ne me suis jamais abandonné.
Voilà pourquoi dans l’angoisse de mes fautes
Je n’ai jamais atteint un remords véritable.
Égal, toujours égal à l’inexprimé,
À l’origine de ce que je suis.
PIER PAOLO PASOLINI
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Carnet n°110
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Ce n'est pas le très grand ciel
découvert des sommets, c'est la route
difficultueuse et abrupte qui ouvre
le cœur du voyageur : d'en bas,
de l'étroite fenêtre du faubourg
le même ciel s'offre, c'est en toi
qu'il faut que tu montes et te déchires
aux ronces du chemin pour découvrir enfin
le soleil, la lune et les étoiles.
PAUL DE ROUX
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Et dans cette vanité des vanités
Tranchante, l’aurore.
MARINA TSVETAÏEVA
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Carnet n°111
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Every night and every morn
Some to misery are born
Every morn and every night
Some are born to sweet delight
Some are born to sweet delight
Some are born to endless night
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A chaque nuit et à chaque petit matin
Certains sont nés à la misère
A chaque petit matin et à chaque nuit
Certains sont nés aux délices
Certains sont nés aux délices
Certains sont nés pour une nuit sans fin
WILLIAM BLAKE_
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Carnet n°112
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[…] Insatiable dans ses projets d'agrandissement,
L'Empereur n'entend pas le cri de son peuple.
En vain des femmes courageuses ont saisi la bêche et conduisent la charrue ;
Partout les ronces et les épines ont envahi le sol désolé.
Et la guerre sévit toujours, et le carnage est inépuisable,
Sans qu'il soit fait plus de cas de la vie des hommes, que de celle des poules et des chiens […]
DU FU
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Carnet n°113
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Comment est né le premier homme ?
Et pourquoi ne naît-il plus ainsi ?
GREGORY CORSO
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Carnet n°114
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Blanche pluie de confettis, il neige des feuillets, il y a dix mille ans ou maintenant, qu’importe, et le calame gratte ses pattes de mouche, pendant que grain après grain le sable dans le sablier quitte le vase d’en haut pour le vase d’en bas, et ligne après ligne sur le feuillet, le calame trace la suite de l’inénarrable roman, tandis que le merle sur le faîte du toit ou le pinson dans la cage métallique s’égosillent, pur son dans un patois sans mots, le scribiteur peaufine inlassablement son Trionfo della Morte, variances toujours reprises du même éloge soleilleux et macabre de l’heureuse vie malheureuse, un cœur qui bat, un sourire qui éclot, une larme qui coule, et la blanche pluie des feuillets tombe monotonement muettement dans le paysage sans repères, le scribiteur écrit comme il respire, écrit billet après billet, et les billets tombent comme les grains de sable dans le sablier, et le merle s’envole, et le pinson quitte la cage, la terre n’est qu’un bilboquet qui fait des simagrées, et pendant ce temps le temps passe, encore dix mille ans qui tombent dans la trappe, et le scribiteur essaye de maîtriser le roman de la vie, il y place une cage et un sablier, et un égosillement, et une blanche pluie de confettis, j’écris feuillet après feuillet mon Trionfo della Morte, un jour tu me liras, feuillet après feuillet, milliers de feuillets, et parfois tu auras un sourire, et parfois une larme.
LAMBERT SCHLECHTER
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Carnet n°115
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Et l'aube dit à l'aube : ne crois pas perdue ta lumière
j'ai d'autres étoiles j'ai d'autres feux j'ai d'autres mondes
d'autres printemps te recouvriront de matin et de fleurs
et mes lieux sont plus beaux que leurs fleurs
et l'aube charme jusqu'à ces derniers jours pleins d'aube :
le frémissement du ruisseau ses cascades ses éclats
sont le vêtement de sa profondeur sont l'âme et la caresse
de son ombre croulez pommiers blancs et insectes de soleil
sur l'abîme du cœur lorsqu'il s'ouvre croulez
mes aubes et faites s'ouvrir l'aube qui naît des profondeurs
mes arbres beaux comme des épouses embrassez
l'aube de l'éternité je suis noire et belle aube pour elle
Et les derniers temps baissèrent les yeux et les aubes
dirent à l'aube : multiplie-toi par mes blancheurs
réunissons-nous pour l'un parfait reprends relève
dans ton seul soleil notre accablement de branches et de fleurs
BERNARD MANCIET
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Carnet n°116
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Le plus beau poème du monde ne sera jamais que le pâle reflet de ce qu'on appelle la poésie, qui est une manière d'être, ou, dirait l'autre, d'habiter ; de s'habiter. Toutes les réactions des hommes relèvent de la poésie. Ça ne trompe pas. La poésie, c'est l'indifférence à tout ce qui manque de réalité.
GEORGES PERROS
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Ce n'est pas parce-qu'un homme "écrit bien" qu'on l'admire, je veux dire qu'on l'envie, je veux dire qu'on le hait. C'est parce qu'il nous donne, grâce à son écriture, un témoignage de haute existence, qui nous trouble, nous laisse avec nos manques.
GEORGES PERROS
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Carnet n°120
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Rien ne tient entre nos mains, mais rien ne tient nulle part.
ROBERTO JUARROZ
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Peut-il y avoir quelque chose sans rythme ?
Toute l’énigme, sans doute, consiste à le trouver.
Nous pouvons commencer par le silence.
ROBERTO JUARROZ
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Nous sommes le reste de quelque chose qui nous consume.
ROBERTO JUARROZ
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Un poème sauve un jour.
Plusieurs poèmes pourront-ils
sauver la vie entière ?
Ou suffit-il d’un seul ?
ROBERTO JUARROZ
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Être.
Et rien de plus.
Jusqu'à ce que se forme un puits en dessous.
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Ne pas être.
Et rien de plus.
Jusqu'à ce que se forme un puits au-dessus.
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Ensuite,
entre ces deux puits,
le vent s'arrêtera un instant.
ROBERTO JUARROZ
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Carnet n°121
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Au bout, qui t'attend ? - Personne. Qui te feuillettera, te déchiffrera, t'aimera ? - Sans doute, personne. Tu es seul dans la nuit ; seul au monde. Ta solitude est celle de la mort. Un pas encore. Quelqu'un viendra peut-être, perforera le mur ; trouvera, pour toi, le chemin. Hélas ! Nul ne s'y hasardera. Le livre porte ton nom. Ton nom s'est replié sur soi-même, comme la main sur l'arme blanche.
EDMOND JABES
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Carnet n°122
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L'impossible à dire est devenu possible à vivre.
FLORENCE SAINT-ROCH
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Carnet n°123
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Le seul passage longe toujours un abîme.
FRANCOISE HÁN
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Mais ensuite il faut ouvrir l’être sur l’aube. Il faut parler encore et du haut de la joie.
JEAN-PHILIPPE SALABREUIL
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De cette parcelle, calcinée à tous les feux, le présent s'élargit, cercle à cercle atteint les confins, déborde. Tout chaotique, crevant de bulles, plein d'étoiles en formation, il devient l'ailleurs.
FRANCOISE HÁN
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Et je n’ai existé que dans mon chant.
STEINN STEINARR
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Carnet n°124
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Nous avions cru chanter sur la plus haute branche et nous n’étions qu’à peine au-dessus des grenouilles.
ANNE PERRIER
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Je me couche dans la poussière, les yeux fermés
La nuit sera totale, tant que l'aube
Et le grand jour de ta chair
Ne passeront pas au-dessus de moi
Comme un vol de soleils.
ALAIN BORNE
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Pour moi la poésie seule est la vie, tout le reste est subsistance.
ALAIN BORNE
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Carnet n°125
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Rien ne finit et tout commence. On n’a même plus besoin de mourir.
JEAN TARDIEU
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J’écris pour demeurer devant la porte ouverte
et renaître nomade en sachant discerner
en tout feu une escale, en tout lieu un sentier
et en chaque être ému une parole offerte.
MICHEL BAGLIN
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Il y a encore des chants à chanter au-delà des hommes.
PAUL CELAN
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Carnet n°126
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Seules des mains vraies écrivent de vrais poèmes et les poèmes sont des cadeaux qui transportent en eux du destin. Nous vivons sous un ciel sombre et il y a peu d'hommes, c'est pourquoi sans doute il y a si peu de poèmes.
PAUL CELAN
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Carnet n°127
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Pages, des pages, des mots, des mots,
Chaque page est un journal,
Chaque mot un instant
Des pages, des mots pour t’arracher à la mort(…)
Toi et les tiens, innocentes merveilles,
Puis déchirés, bafoués par les maîtres,
Privés de pain, privés de sens.
Des mots hélas ! Pour retrouver honte et misère,
Pour creuser à nouveau ta souffrance et la faim ! (…)
Des mots seulement des mots
Pour effacer la mort qui les efface.
GEORGES-EMMANUEL CLANCIER
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Carnet n°128
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Je veux mourir dans tes cheveux. L'âme est trop
lente ici. La chair ne connaît rien que sa blessure.
Tant de nuits sans désir. Ne tarde plus. N'attends
pas que ma sève se partage. Nous avions conjuré la
peur. Épouse-moi. Je suis seul. Je suis nu. J'ai mangé
tout le mal sur d'autres lèvres. Je veux mourir dans
tes sillons.
CLAUDE ESTEBAN
_
Aujourd'hui, c'est un envol de libellules
qui devient nuage
et le nuage
un tourbillon de pollens
tout est si libre, si
léger, j'existe à peine
je m'abandonne sans défense
à l'esprit de l'air.
CLAUDE ESTEBAN
_
Ce qui ne parle pas
je l’écoute.
_
Ce qui n’a pas lieu
je le retrouve dans
son lieu.
_
Ce qui tombe,
je me retiens à son assise.
_
Je vois vivre
tout ce qui meurt.
_
Je disparais
avec ce qui demeure.
CLAUDE ESTEBAN
_
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Carnet n°130
_
Là où tu es, sans être jamais revenu de nulle part, sans volonté de partir là où tu n'arriveras jamais, parce que là c'est déjà hier, je te rencontre. Tu me demandes de m'asseoir : et tous deux, à la table d'un des cafés de l'Éternité, nous écrivons des lettres que jamais personne ne recevra. Mais tu ris, sachant que Lui, l'inConnu, est en train de les lire, et probablement aussi de les écrire, à travers toi, pour un autre qui a ton visage et tes mains, et cependant ce n'est pas toi, et qui me regarde maintenant. Et tu me dis : c'est un fantôme ! Et tu ris davantage, dans ces limbes où commence à tomber un crépuscule qu'ailleurs on appellerait la Mort : mais que tu sais être plus que la mort et, en même temps, une vie à laquelle nul n'oserait aspirer.
NUNO JÙDICE
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Carnet n°134
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Je n’aurai pour tout dire
Écrit sur mon chemin
Que mon incertitude
La buée qui recouvrait la vitre
Mais jamais la fenêtre
Et jamais le chemin.
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Carnet n°137
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Dans l’obscurité éblouissante
mon visage est un charbon en fleurs
dans la blessure de la mémoire
et ma mémoire
est faite des villes qui meurent
effacées
par le déversement du temps dans un autre temps
FADWA SULEIMANE
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Carnet n°138
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L’Homme. – Est-ce vous mes amis dont la voix me parvient ?
Comme une aurore qui s’annonce j’entends la voix de mes amis.
Je fais un pas, j’avance. Je tends la main, j’attrape le vent.
Où êtes-vous ?
Non, je suis seul toujours.
Il me semble que ma tête s’enfle et se distend de jour en jour.
Il me semble que ma tête est grosse de tous les vents de l’univers.
Qu’elle se gonfle comme un ventre où bourdonne la vie en bourgeon.
Se prépare l’essaim de la ruche qui gronde !
J’éclaterai comme une graine, je germerai comme le blé.
Ma tête porte des forêts, la marée haute des moissons l’habite.
Ma tête porte l’océan tout pommelé de vagues blanches.
J’éclaterai comme la graine. Ma tête engendre l’horizon.
Elle porte le flot des moissons, l’haleine de l’amour l’habite.
J’accoucherai de mes poissons, et mes oiseaux s’envoleront, ivres de ces torrents qui tournoient sur leurs rives.
J’enfanterai fatalement. J’éclaterai comme éclate en tombant le fruit trop mûr des branches.
MARCELLE DELPASTRE
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Carnet n°139
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J’étais l’exil même
la pierre arrachée du mur
et qui regarde le mur tomber.
-
Je veux
la joie rudimentaire
le simple recueillement
dans la passion.
COLETTE KLEIN
-
-
Carnet n°140
-
La continuelle obscurité devient clarté
irisation flamme
qui incendie le cœur de celui dont la tâche
est d’écrire et de regarder le monde à partir des ténèbres
humblement
voilà le travail auquel tu as été prédestiné
vivre et mourir
dans ce simulacre d’enfer
-
mon dieu !
j’ai dû choisir la meilleure manière de brûler
jusqu’à ce que de moi il ne reste plus qu’un os
et une demi-douzaine de syllabes sales
calcinées
AL BERTO
--
Carnet n°141
-
Moi seul, le poète, je sais que c’était
Plus que le désert désolé.
PIERRE MORHANGE
-
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C'est ainsi que je pénétrai dans la grotte du secret langage ;
et ayant été saisi par la pierre et aspiré par le métal,
je dus refaire les mille chemins de la captivité à la délivrance.
Et me trouvant aux confins de la lumière, debout sur toutes les îles de la nuit,
je répétais de naufrage en naufrage ce mot, le plus terrible de tous : ici.
OSCAR VLADISLAS DE LUBICZ-MILOSZ
-
-
Sans feu ni lieu j’arrive
au bout de ce voyage
Ne me demandez rien
Je n’ai pas de bagages…
GEORGES HALDAS
Carnet n°142
-
Je viens des sources de la joie.
Je viens des sources de la nuit…
Je viens des sources de la joie :
Dans le gravier pur,
Dans la prairie verte,
J’emporte avec moi un monde d’oiseaux,
J’entraîne avec moi une chaîne de montagnes.
J’emporte avec moi le concert des merles
Des nids dans l’ombre des buissons.
GUILLEVIC
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Carnet n°144
-
A-t-on déjà vu quelque chose de plus pur que ce blanc qui ruisselle à l'appel du noir ? Mon amour mon événement mon poème blanc. Page blanche et la tache du mot en noir. Sur un rouleau qui défie et l'espace et le temps, rouleau de soie blanche où quelques feuilles de bambou comme une écriture nerveuse. Tout respire, n'est que rythme, comme un pouls, une marée. Source secrète rendue visible. Promesse tenue. J'ai le goût d'écrire rien que pour voir vibrer cette lumière tout autour.
MARIE UGUAY
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Carnet n°145
-
Il suffit d’un baiser
Pour apprendre l’amour
Et d’un cil abaissé
Pour connaître la nuit
-
Il suffit d’un mort
Pour savoir en secret
Les machines de l’oubli
Les pièges du souvenir
-
Et de sable mouillé
Pour à jamais découvrir
Les industries de la mer
À effacer les pas
MAX-POL FOUCHET
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Carnet n°146
-
Si nous devons tomber
Que ce soit d'une même chute
Étincelants
Et brefs comme l'oiseau
L'arbre
La foudre
ANNE PERRIER
-
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Je voyagerai au creux d’une vague
d’une aile
Je visiterai les âges qui nous ont quittés
et les sept galaxies
Je visiterai les lèvres
et les yeux lourds de glace
et la lame étincelante dans l’enfer divin
-
Je disparaîtrai
la poitrine ceinte de vents noués
laissant mes pas au croisement des chemins
loin
dans un désert
ADONIS
-
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Carnet n°147
-
Lire ou écrire un poème, c'est s'absenter des masques de soi, retourner au premier cri du premier souffle qui nous jeta, déchirés, des forges de la galaxie ici sur cette terre, et retrouver l'éternel instant de l'éternel début (…)
WERNER LAMBERSY
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L’état poétique est le seul promontoire d’où par n’importe quel temps du jour ou de la nuit l’on découvre à l’œil nu la côte nord de la tendresse. C’est aussi le seul état de la vie qui permet de marcher pieds nus sur des kilomètres de braises et de tessons ou de traverser à dos de requin un bras de mer en furie.
RENE DEPESTRE
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Carnet n°148
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J’entends venir
les pas de ma mémoire
germes d’orages
et puis charge de bisons
et je suis seul
endormi au cœur
d’une vague géométrie
celle d’une prairie
et puis celle d’une prison
et je ne peux rien
j’entends de loin brûler
les bouts de bois de ma raison
AMIN KHAN
-
-
Mais je vous écrirai encore : j'ai tant de choses à vous dire ! (…) Désormais – mais vous le savez – ce n'est plus ma langue. J'éructe des mots étranges venus de loin, de là-haut et qui, lentement, de village en village, sont venus à ma rencontre. Ma bouche est pleine de sable. Et ma langue est salée. (...) Pardonnez- le moi : je ne crains plus la mort. La formule vaut ce qu'elle vaut, mais quel bel exercice mental de – sans cesse – comparer la réalité de ce relevé à celle du fleuve ! Il naît de tout cela un modeste bonheur dont j'ai presque honte de souligner l'impact. Somptueux tout cela ! Somptueux comme ces tapis que l'on déroule pour recevoir idiots et saints.
FRANCK VENAILLE
-
-
Carnet n°149
-
Voici vingt ou trente siècles
un poète mon frère
regardait l'insecte minuscule
cheminant le long de son bras.
-
Il s'étonnait avec violence
d'être là, au monde, en même temps que lui
dans un pli commun des immenses
combinaisons de l'univers.
-
Attentats, guerres, soleils en délire,
non loin brûlaient des villes.
-
Par hasard épargnés, par hasard ensemble,
entre les lignes
de l'inexorable
duraient le poète et la bête.
MARIE-CLAIRE BANCQUART
-
-
Carnet n°150
-
Prier le ciel que nul ne le regarde pour aller mourir au creux de la nuit.
Je suis un témoignage fendu de la tête aux pieds, une indication précise mais fugitive de ce qu'a voulu dire la création en remontant de nos jours jusqu'au commencement des termes.
PIERRE REVERDY
-
-
On supprimera la Foi
Au nom de la lumière,
Puis on supprimera la lumière
-
On supprimera l'Âme
Au nom de la Raison,
Puis on supprimera la raison
-
On supprimera la Charité
Au nom de la Justice,
Puis on supprimera la justice.
-
On supprimera l'Amour
Au nom de la Fraternité,
Puis on supprimera la fraternité.
-
On supprimera l'Esprit de Vérité
Au nom de l'Esprit critique,
Puis on supprimera l'esprit critique.
-
On supprimera le sens du Mot
Au nom du Sens des mots,
Puis on supprimera le sens des mots.
-
On supprimera le Sublime
Au nom de l'Art,
Puis on supprimera l'art.
-
On supprimera les Écrits,
Au nom des Commentaires,
Puis on supprimera les commentaires.
-
On supprimera le Saint
Au nom du Génie,
Puis on supprimera le génie.
-
On supprimera le Prophète
Au nom du Poète,
Puis on supprimera le poète.
-
On supprimera les Hommes du Feu
Au nom des Éclairés
Puis on supprimera les éclairés.
-
On supprimera l'Esprit
Au nom de la Matière,
Puis on supprimera la matière.
-
Au nom de rien on supprimera l’homme ;
On supprimera le nom de l’homme ;
Il n’y a plus de nom.
-
Nous y sommes.
ARMAND ROBIN
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Carnet n°151
-
Aujourd’hui, je rêve à un langage de couteaux et de becs, d’acides et de flammes. Un langage de fouets… Un langage qui coupe la respiration. Qui racle, taille, tranche. Une armée de sabres. Un langage de lames exactes, d’éclairs affilés, poignards infatigables, éclatants, méthodiques. Un langage-guillotine… Un vent de couteaux qui déchire et déracine et déshonore les familles, les temples, les bibliothèques, les prisons, les bordels, les collèges, les asiles, les usines, les académies, les tribunaux, les banques, les amitiés, les tavernes, l’espérance, la révolution, la charité, la justice, les credo, les erreurs, les vérités, la vérité…
-
La poésie est connaissance, salut, pouvoir, abandon. Opération capable de changer le monde,
l’activité poétique est révolutionnaire par nature ; exercice spirituel, elle est une méthode de libération intérieure. La poésie révèle ce monde ; elle en crée un autre.
Et l’homme acquiert enfin la conscience d’être autre chose qu’un pur passage…
OCTAVIO PAZ
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Et nous sommes partis sur les routes
jonchées de feuilles nouvelles
nous étions Rien
ce peuple heureux.
PIERRE-ALBERT JOURDAN
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Carnet n°152
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Être là, obstinément, jour après jour. Apprendre à vivre, à tenir, à se tenir dans la durée, malgré le poids de la fatigue, l’usure du corps, la maladie, la vieillesse. Malgré la solitude, l’étroitesse du corps et des choses. Se reposer, refaire ses forces. Un grand désir de silence, de calme, d’espace, comme une respiration. Et l’importance du jardin, des fleurs, des arbres, des paysages et de la nature. De la lumière et du ciel.
ANTOINE EMAZ
-
-
Je viens du chien – et du serpent. Je viens de
l’homme d’avant l’homme. Je me reconnais
dans la pierre.
-
Je viens du cri – et de la mort. Quand vivre
c’est être expulsé de l’Océan Doux. (Naître m’a tué.)
-
Je viens de l’eau – et du sel. D’où la mer a
puisé ses vagues d’où les algues ont des yeux
d’enfants. (Je viens de toi, mon amour.)
-
Je viens du feu – et de l’air. J’ai toujours soif,
j’ai toujours cri. Je marche à grands pas vers l’azur.
-
Je viens de moi, aussi.
ROLAND NADAUS
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Carnet n°153
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Ni ange ni bête
Ici et maintenant
Le plaisir d'être
Sans espoir sans regret
Purement simplement
Parmi l'ordre des pierres
La confusion des arbres
Les corps élémentaires.
EDMOND DUNE
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-
Je ne suis pas qui je suis
ce masque dans la nuit anonyme
cette voix qui monte comme un fleuve
ni ces pas ne sont miens.
-
Nous sommes seuls dans ce pays
de sel de pierre de vent
dans ce grand incendie de paroles
dans ce miroir tournant.
-
Qui es-tu qui que tu sois
ce mort en travers de ma route
cette chose de sang et d'ombre
qui bouge et ne bouge pas.
-
Tu vis à l'écart de toi-même,
quel est ce visage absent
cet étranger que tu traînes
et qui rame à contre-courant ?
LIONEL RAY
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Carnet n°155
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Écrire depuis toujours, pour quelqu’un, pour personne, écrire pour les pierres… écrire pour un inconnu, pour un aveugle, pour un inconnu aveugle… âcre le résidu de ce brasier, de cette fumée, de ce jet de pierres vers l’autre, vers l’ombre de l’autre, vers cet inconnu qui attend, qui est là, qui était là, depuis toujours…
Écrire sans point d’ancrage, sans point de mire, risque absolu, espace ouvert… précipice de la langue, laconisme de funambule, et le volubilis de la mort qui s’accouple à l’écriture, qui s’enroule autour…
Écrire, un mourir qui ne finit pas de s’éteindre entre mes doigts, de rougeoyer sous la cendre, et de reverdir sur l’abrupt de la falaise, comme une naissance de l’un adossée à l’agonie de l’autre, ¬ le partage à couteaux tirés de notre gémellité odorante…très loin de moi, seul, qui verse l’huile sur le feu de l’écriture, pour activer le brasier de la mort du livre, et graisser les minuscules rouages édentés de la poétique aphasie…
Écrire au fond du trou, écrire sur le fil, en disloquant, en moissonnant, en délivrant l’espace du vide vivant…
Écrire ce que chacun ¬ toi, moi, n’importe qui ¬ endure, appréhende en dormant, sous un drap de brume, avant le premier signe de l’aube…
JACQUES DUPIN
-
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Ne pas décrire. Laisser le monde parler. Au bout du compte, toujours se taire, sauf à n'être plus qu'une voix du monde, en sachant bien que l'on est soi-même qu'un petit bout de ce même monde, du reste autorisé, de ce fait, à l'existence, comme tout le reste.
Se taire assez pour que circule le flux de ce qui serait à dire.
GABRIELLE ALTHEN
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Carnet n°156
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Amour
Je suis l'enfant chéri de moi-même
Je suis celui qui me hait et qui m'aime.
Ah, nul amour jamais ne pourra
me comprendre aussi bien que moi-même.
Souvent, quand seul pendant des heures
j'étais couché, plongé en moi-même,
j'étais ma nuit, j'étais mon jour,
j'étais mon tourment et ma joie.
Je suis le soleil qui me réchauffe.
Je suis le cœur qui m'aime tant,
lui qui se donne et s'abandonne,
et pour son enfant chéri se chagrine.
ROBERT WALSER
-
-
(…) on voudrait pouvoir s’arrêter,
regarder simplement l’aube qui vient, poser la
main sur la pierre froide, saluer la lumière,
dire les premiers mots, écouter le crissement
du sable, le feu de l’air, le bruissement de l’eau,
la rumeur des choses qui commencent mais le jour
est déjà le soir, on n’a rien pu saisir, on reste
vacant à regarder ses mains dans l’éclat des lampes
ou sur la vitre l’attente du visage noir,
on se perd, on se retrouve, il y a des silences
remplis de voix, des matins tombés comme des soirs,
plus on avance et moins on sait, on cherche demain
entre des mots qui disent hier, ce qu’on a gagné
on l’a perdu, comparé à ce qu’on a été
on n’est rien, disait-il, mais c’est un rien qui insiste,
on guette entre les signes du corps l’imperceptible
grignotement tandis que sur la fenêtre brille
une sorte de splendeur, on voudrait y entrer,
être le courant et à la fois se voir couler,
on cherche, les choses semblent n’avoir pas bougé
mais quand on veut les prendre, les toucher, simplement,
c’est comme si elles reculaient et s’effaçaient
ne laissant sur les doigts qu’un peu de poussière à peine,
quelque chose qui peut-être ressemble à l’oubli,
et c’est dans cet oubli qu’on ne cesse d’avancer,
au moment où l’on croit ne plus rien tenir, c’est là,
un éblouissement minuscule, on est perdu
JACQUES ANCET
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Carnet n°158
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Voilà que je reprends tout
par le début comme
s'il me fallait une fois de plus
traverser le silence
et c'est d'abord beaucoup
de bruit dans la tête
sans doute les restes d'un vieux rêve
que je ne parviens pas
à séparer de moi et c'est encore
la menace d'un cri toujours
plus loin sur la route et les pierres.
CLAUDE ESTEBAN
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Carnet n°160
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Fuyons toute verbosité.
Disons seulement l'essentiel :
les mots grandir et aimer, et le nom
le plus utile et le plus simple de chaque chose.
MIQUEL MARTI I POL
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Vous le savez bien, jamais ne ment un poète ; le réel n'est pas suffisant, car il travestit ; Dites nous la vérité qui puisse remplir de lumière la pensée. Car sans chacun de nous, tout est nuit.
ATTILA JOZSEF
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Il y a des poèmes qui ne se nourrissent ni de roses ni d’oiseaux, qui ne boivent pas la rosée des fleurs, qui ne se penchent pas sur la source, qui n’aiment pas les jeunes filles à l’instant du bourgeon.
Ils ont un visage dur et une odeur d’hiver qui dédaignerait la neige.
Ils parlent de chevaux, de labours, d’humbles herbes, d’enfants sans jouets.
L’amour y semble caché mais apparaît soudain aux trous de l’étoffe avec son insolent éclat de toujours.
Ils sont avides comme des rustres. Ils ont de grosses mains. Leur rire est triste. Ils grelottent. Ils ont faim. Ils donnent à manger. Le sang coule d’eux, frais, rouge et vite noir, luisant comme un long regard échappé.
Les poèmes qui ne se nourrissent ni de roses ni d’oiseaux ont une santé à briser le monde.
Il leur arrive de montrer vraiment l’intérieur du corps qui est rouge et l’intérieur de l’âme qui est noir et vide.
ALAIN BORNE
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Carnet n°161
-
Ma chanson est comme la veine ouverte
ou une racine centrale dans la terre.
Ne pas me retirer d'ici, jamais je ne trahirai
le centre de la maturité de tous mes jours.
Seulement ici chaque minute change comme des rivages
et le jour est un lieu de rencontre, comme des carrés,
et le cristal pèse comme la beauté
sur la terre qui embaume en créant le monde.
Adieu, toi hermétique, pays de mort fausse.
Je bois cette heure comme l’eau, je me réfugie dans le séjour
lorsque l'aube se mélange avec la rosée et le fumier,
et je suis libre, je me sens enfin, définitivement
comme le temps dans le temps, et la lumière dans la lumière
et toutes les choses qui sont au centre, le cœur de
la réalité qui coule comme des larmes.
LÊDO IVO
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Carnet n°162
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J’ai tâché de me livrer tout entier à ce qui m’était donné. Puis-je dire que je ne m’en sentais qu’à peine l’auteur, ou encore qu’il m’arrivait, me relisant, de découvrir un poète inconnu ?
GERARD BOCHOLIER
-
-
L'amour parle sous tant d'apparences.
Un train illuminé traverse la chair de la nuit sans bruit,
le ciel se voûte à l'invisible,
la terre gorgée d'eau halète sans relâche,
les étoiles frissonnent,
une ville flamboie au centre névralgique de l'âme.
Un cri solitaire est emprisonné derrière les dents,
Il descend la gorge en tourbillonnant puis il arrache les cellules
dans sa bourrasque, jusqu'à l'explosion.
Ensuite, il pleut, dans l'espace planétaire,
la poussière, le silence.
PENTTI HOLAPPA
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Carnet n°167
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Le vrai demeure introuvable si ce n'est qu'il
cherche des outils en nous.
Quelque chose a plus à voir avec ce qu'il faut
abandonner parce que le monde n'est qu'une
recherche et que nous n'avons que le temps.
L’œuvre seule passe par la terre – par le vide.
C'est toujours le dénuement.
Et chaque fois est un recommencement.
Vers ce qu'on ne sait pas.
THIERRY METZ
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Carnet n°168
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Je suis là
Je brûle
et je reviens pour en parler.
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Je vois la route – entre nous la route et la part de soi
dont sans se séparer on doit se détacher encore comme entre nous
plus loin la route sans paupière.
ANDRE DU BOUCHET
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Carnet n°172
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Il est indifférent de savoir sous quel aspect le poète se présente : prophète ou clown, rêveur ou fou, photographe ou visionnaire. Ce qui importe, c'est de ne pas faire de compromis avec sa propre direction.
BO CARPELAN
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Je m’aperçois d’une chose : au fond ce que j’aime, ce qui me touche, c’est la beauté non reconnue, c’est la faiblesse d’arguments, c’est la modestie.
Ceux qui n’ont pas la parole, c’est à ceux-là que je veux la donner.
Voilà où ma position politique et ma position esthétique se rejoignent.
Rabaisser les puissants m’intéresse moins que glorifier les humbles.
Les humbles : le galet, l’ouvrier, la crevette, le tronc d’arbre et tout le monde inanimé, tout ce qui ne parle pas…
Je suis un suscitateur.
FRANCIS PONGE
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Carnet n°173
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Sombre. Mais l’espace plus vaste.
Moins de gens. Le sentier dans l’obscurité
mène-t-il vers une solitude plus vraie ?
Peut-être est-ce à cet âge, en ce lieu, ici
que se partagent les routes.
-
Sombres heures, journées, semaines. Ainsi
dans la plaine de ton enfance, les eaux très lisses,
très silencieuses. Et noires. Le cœur
s’est lassé de courir. A pas plus lents.
à pas presque égaux, ce cœur
nous entraîne sans bruit vers l’ampleur de la nuit.
-
Il ne désire plus. Ne gambade plus. Ne se cabre plus.
Mais à voix basse, dans la brise obscure, il chante encore.
Lente chanson linéaire, horizontale,
sans grincements, sans grimaces, sans cris.
-
Il est temps de dormir. Faut-il présentement
attendre le retour d’une aube plus mûre
pour un travail plus régulier ?
Ou faut-il déjà, faut-il vraiment, faut-il
descendre vers les rives de la grande eau souterraine ?
JEAN-PAUL DADELSEN
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Carnet n°175
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Devant les bois, les blés j'étais béat benêt :
Je lisais ce qui ne se lit pas :
Les nuages, les vents, les rochers, les ébats
De la lune dans les bois.
-
Et le ciel avec son grand étang courbé
Où le soleil tout le jour accroît son caillou,
Onde par onde, et le déferlement changeant
Des nuages disposaient de moi.
-
Les arbres tournaient lentement en moi
Leurs pages tantôt bruyantes, tantôt muettes,
Tantôt épaisses et jaunies, les saisons
Me donnaient des leçons.
ARMAND ROBIN
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C’est un peu d’eau, de sel.
Un goût d’orphelinat à l’envers des mains.
Un rite éteint. La nuit, parfois un jour trop plein.
C’est la fiancée du silence, la paupière bleue du temps, le fruit du désert.
Rien. La vitre humectée de songes. La ride du souvenir qui se déchire.
La vie qui tremble l’œil sur la joue.
YVES LANDREIN
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Carnet n°176
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J’ai vu par l’abîme l’enfant
Le détour de tout homme
Loin du cercle
Loin de la chair qui tremble
ARNAUD MARTIN
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Carnet n°179
-
Contre la vitre vient battre
le bruit du monde.
Ce qu’il y a d’éveillé en toi,
-
Comme l’écho murmurant
d’une source, accompagne l’écriture
-
Des oiseaux. Le corps est devenu
plaines et montagnes. Sur l’axe du temps
tourne la roue des aubes.
LIONEL RAY
-
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Carnet n°182
-
J’ai donné mon nom
à la solitude
J’ai donné ton nom
à l’habitude
Nous sommes libres
hors d’atteinte
où tout est simple
EDMOND JABES
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Carnet n°183
-
Un jour, la poésie donnera aux hommes son visage.
EDMOND JABES
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Carnet n°191
-
Réveillez-vous, l’aveugle, le fou,
écoutez
quelqu’un crie mon nom au loin, quelqu’un
m’appelle et moi
je ne puis marcher, portez-moi,
portez-moi vite jusqu’à ce bois de saules
laissez-moi seul avec cette voix.
CLAUDE ESTEBAN
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Carnet n°193
-
On n’est pas à la hauteur
de vivre
on se maintient seulement debout
autant qu’il est possible
le front conte la vitre froide
-
on sait qu’au bout
il n’y a pas grand-chose qui tienne
et au fond
on s’en fout
ANTOINE EMAZ
-
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Carnet n°195
-
à la fin
qu’est-ce qu’on a donc à voir avec la vie
la mort
-
on bouge avec ce qui bouge
on se tait avec ce qui reste
-
il n’y a pas grand-chose d’autre
ANTOINE EMAZ
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Carnet n°208
-
Tu resteras dans la flaque au bas de l’échelle aussi longtemps que le vent n’aura pas soufflé sur toi.
VINCENT LA SOUDIERE
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Carnet n°209
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Au bout de toutes les soustractions, il y a un reste qui résiste et perdure. Dans son effrayante humiliation, il est le un, peut-être l’aurore.
VINCENT LA SOUDIERE
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Carnet n°212
-
Innocent
Du mal qui festoie
En moi contre moi.
GUILLEVIC
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Carnet n°213
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Il n’y a pas de chemin
Pour mener au chemin
Que l’on n’aurait qu’à suivre.
GUILLEVIC
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Carnet n°214
-
Il a le droit d’être maudit
Celui qui regardant
Le pis d’une vache
N’éprouve pas
Le frisson de l’universel.
GUILLEVIC
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Carnet n°216
-
Je vis dans un état
de capitulation permanente
la double couronne
du ciel et de l’enfer
sur ma tête
-
Je porte le feu de Lucifer
la croix du Christ
et m’installe
dans le paysage incertain
de l’horizon
ANISE KOLTZ
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Carnet n°225
-
Nulle part
le silence des pierres
n’est plus éloquent
la désolation
plus somptueuse
-
Sous un soleil pesant
l’éternité rôde
-
Le temps assis sur un roc
se repose d’être le temps
ANISE KOLTZ
-
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Carnet n°230
-
Feinte liberté ! L’errant, dans sa dépendance à la route, ne témoigne que de ses chaînes.
De cette solitude qui parle à soi-même pour rejoindre la solitude de l’autre,
la parole est le pas et l’ancre.
Un moment de distraction aura suffi à noyer les cinq continents.
La mer est sans remords.
Le dilemme et l’épi. Le champ n’est jamais que sol meurtri d’une innombrable naissance.
Un voyage, vous dis-je, un éternel voyage dans l’inconnu et dans la mort.
L’âme est plus vaste que le monde.
Nous sommes cette déchirure.
EDMOND JABES
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Carnet n°231
-
Ici la pierre est seule et d’âme vaste et grise
Et toi tu as marché sans que vienne le jour.
YVES BONNEFOY
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Carnet n°232
-
Il ne peut y avoir de sauvetage
quand le sang a noyé le monde.
Nous ne disposons que de nos bras
pour rejoindre, à la nage, la mort.
EDMOND JABES
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Carnet n°233
-
Tant que tu peux revenir, tu n’as pas vraiment fait le voyage.
ROGER MUNIER
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Carnet n°234
-
Je n’ai d’autre logis que cette phrase sans contexte, ronde à demi. Toute parole est consumée d’un parfum dérisoire. Je n’ai d’autre logis que cet absent visage.
ROGER GIROUX
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Carnet n°239
-
Chaque homme est une étoile où s’enflamme le fossile de l’univers. Nous sommes les enfants d’une lumière morte. Dieu créateur du monde est né d’un autre dieu, explosion de pur infini. S’il accepte de venir à nous, c’est par des chemins buissonniers où l’espace et le temps se font des politesses. Notre vie est ombre ou étincelle, capable quelques fois d’avaler un trou noir.
JEAN ORIZET
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Carnet n°245
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Je vis parmi des oiseaux coupés de leur bec. Les oiseaux sont entourés de chiens et les chiens de forçats. Quelquefois, au matin, on voit les barreaux. Mais toujours, à toute heure, des mains tendues ou crispées. Le chien s’écorche aux rires de la mort et l’oiseau à l’heureux temps des guillotines. J’écris, dans le sang, sous leur dictée.
EDMOND JABES
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Carnet n°246
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Dans le silence, comme dans le sommeil, vivre, aimer, mourir hors du monde.
EDMOND JABES
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Carnet n°247
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L’étrangeté du monde met mon cœur en feu.
Certes personne ne dure longtemps.
Ô ce peu de jours que tu nous donnes.
On erre quelques saisons parmi les apparences
avant d’entrer dans la disparition.
JEAN GROSJEAN
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Carnet n°248
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Il ne s’agit pas de faire une œuvre, mais de faire acte de présence à moi-même.
STANISLAS RODANSKI
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Carnet n°250
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Pas toi mais la fraîcheur des murs
Pas toi mais l’herbe
Une absence de vent pour apporter ton nom
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Tu n’es pas essentiel au jeu
La cigale
Sait couper les vitres sans toi
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Les choses sans tes yeux trouvent l’espace.
MARIE-CLAIRE BANCQUART
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Carnet n°252
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Un regard qui serve à effacer la circonférence et à conserver le centre.
Un don qui serve à effacer la main et à conserver l’offrande.
ROBERTO JUARROZ
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Carnet n°258
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Rien de ce qui est n’existe en soi, mais le manque du dieu remplit le monde de douleur et de vide.
LIONEL RAY
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Carnet n°260
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Ce que dit le dieu, la forêt le comprend
dans l’étreinte innombrable de ses branches,
ses travaux souterrains et le pourrissement.
LIONEL RAY
-
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Carnet n°264
-
Je vis secrètement dans le sein d’un soleil à venir. Je me protège avec l’enfance de la nuit, abandonnant ma tête sur le genou du matin. Je m’échappe et j’écris les livres de l’exode. Aucune promesse ne m’attend.
Je suis prophète et semeur de doute.
Je pétris la levure de la chute. Je laisse le passé à son déclin et fixe mon choix sur moi-même. J’aplatis l’époque et je la roule. Je l’appelle : ô géant monstrueux, ô monstre géant ! Et je ris et je pleure.
Je suis argument contre l’époque.
J’efface les traces et les taches de mon être intérieur. Je le lave, je le nettoie, je fais place nette. Ainsi je vis au plus profond de moi-même.
ADONIS
-
-
Carnet n°265
-
Illisible visage, rien
qui change :
l’impatience est obscure
et désirable.
-
Le monde s’efface
avant l’aube
dans l’effroi des lointains violents.
-
Te voici séparé si profondément
cherchant en toi-même asile :
où est la voix ?
où est la rive ?
-
Dans les sillons : jour maigre
échappé à l’abîme,
l’irrécusable lumière
LIONEL RAY
-
-
Carnet n°266
-
Tes travaux de couture : une aiguille vers le nord, une aiguille vers le sud, une aiguille vers le cœur… Une aiguille plus fine pénétrant l’aiguille : douleur percée à jour, clarté nue.
JACQUES DUPIN
-
-
Carnet n°267
-
On peut écrire, et l’on écrit ;
On peut se taire, et l’on se tait.
Mais pour savoir que le silence
Est la grande et unique clef,
Il faut percer tous les symboles,
Dévorer les images,
Ecouter pour ne pas entendre,
Subir jusqu’à la mort
Comme un écrasement
Le poids vivant de la parole.
ARMEL GUERNE
-
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Carnet n°268
-
Dans le contre-jour. Dans le jour. Une écriture érémitique et nomade, à la fois. Qui déplace incessamment sa fixité, sa supplication tabulaire. Aveugle chaque nuit, naissante toujours…
Ecrire sans casser le silence. Ecrire, en violation d’un lieu qui se retire : quadrature du texte, visage désencerclé, non-lieu… La rapacité du vide, le calme, – étonne ses proies…
JACQUES DUPIN
-
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Carnet n°269
-
Je ne parle qu’au singulier
qu’au sanglier
à la première personne
au dernier venu
au lecteur inconnu derrière le masque
au solitaire de la harde
à son grognement
dans ma vitre chaque nuit
JACQUES DUPIN
-
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Carnet n°270
-
Ecrire les yeux fermés, écrire la ligne de crête. écrire le fond de la mer… creuser plus profond que le vagissement du nouveau-né, que le cri de la chasseresse, la plainte du supplicié … que l’enchevêtrement des racines, que l’exténuation des lanières de la terreur… écrire sans recul, dans le noir, dans la doublure. dans la duplicité, du noir…
Ecrire depuis toujours, pour quelqu’un, pour personne, écrire pour les pierres… écrire pour un inconnu, pour un aveugle, pour un inconnu aveugle… âcre le résidu de ce brasier, de cette fumée, de ce jet de pierres vers l’autre, vers l’ombre de l’autre, vers cet inconnu qui attend, qui est là, qui était là, depuis toujours…
JACQUES DUPIN
-
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Carnet n°271
-
Homme
de si peu de poids
dans l’incertitude
qui dure
ANTOINE EMAZ
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Carnet n°272
-
De temps à autre
les nuages accordent une pause
à ceux qui contemplent la lune.
BASHÔ
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Carnet n°273
-
Ces roses furtives
pour vous dire que nous sommes vivants,
encore un peu.
Tant d’énergie tremblante, pensive,
ne dérangera pas votre sommeil.
Vous sans rêve, si proche de Rien,
effacés, vacants, faces illisibles
sous l’impalpable parfum.
LIONEL RAY
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Carnet n°275
-
Il n’y a pas d’ombre maligne sur la barque chavirée.
Bonjour à peine, est inconnu dans mon pays.
On n’emprunte que ce qui peut se rendre augmenté.
Il y a des feuilles, beaucoup de feuilles sur les arbres de mon pays. Les branches sont libres de n’avoir pas de fruits.
On ne croit pas à la bonne foi du vainqueur.
Dans mon pays, on remercie.
RENE CHAR
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Carnet n°276
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Nous mangeons la terre qui nous mange. Faire un pas n’est pas moins coûteux que mourir. Le dehors est entré par les mille entailles du corps. Terre et nuit emplissent la bouche. Écrire met en péril un autre que soi.
JACQUES DUPIN
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Carnet n°278
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Je sens que le lac
Doit vivre son eau
Comme je vis le silence
Dans mon royaume,
Qu’il se possède lui aussi
Au long des heures,
Mais lui, sait-il
Qu’il a été mon maître
Dans l’art d’épouser le temps
Au sein du silence ?
GUILLEVIC
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Carnet n°281
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Il a plu.
L'heure est un œil immense.
En elle nous marchons comme des reflets.
Le fleuve de la musique
entre dans mon sang.
Si je dis : corps, il répond : vent.
Si je dis : terre, il répond : où ?
S'ouvre, fleur double, le monde :
tristesse d'être venu,
joie d'être ici.
Je marche perdu en mon propre centre.
OCTAVIO PAZ
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Carnet n°284
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Dès le premier jour de ma vie, derrière les barreaux des fenêtres de la folie, une note de lumière, – l'allégresse de respirer, de téter, de vomir, – avec l'interdiction de salir ou de rêver, de marquer, d'écrire – de refuser le lange, de regarder le jour... – le dur devoir d'être seul, d'écrire à genoux dans le sable pour atteindre le jour, pour jouir du corps et du jour...
JACQUES DUPIN
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Carnet n°289
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A ne désaltérer que l'absolu
l'eau
devient sèche.
CLAUDE ESTEBAN
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Carnet n°291
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Un regard qui serve à effacer la circonférence et à conserver le centre. Un don qui serve à effacer la main et à conserver l'offrande.
ROBERTO JUARROZ
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Carnet n°292
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… poussière au cœur du jour... au cœur des poussières, le jour...
ANDRE DU BOUCHET
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Carnet n°293
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Je me suis reconnu dans le regard
bleu des épaisses forêts,
dans l'éclipse et dans l'élan,
dans la promotion du fruit.
LIONEL RAY
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Carnet n°294
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Si moi j'étais le porteur de la lumière, je me cacherais aussi.
Là où la lumière n'éclaire pas, l'ombre éclaire peut-être.
ROBERTO JUARROZ
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Carnets n°295 & 296
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Il est un autre ciel, une autre terre que parmi les gens
LI PO
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Telle est la vie des hommes divins ; s'affranchir des choses d'ici-bas et fuir seul vers le Seul
PLOTIN
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Carnet n°297
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Laissez dormir les dieux
sous leurs pierres,
ils ne parlent qu'aux serpents
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Cette rumeur, c'est peut-être
une étoile
tombée dans l'herbe
CLAUDE ESTEBAN
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Carnet n°298
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Où vas-tu voyageur
sur quel chemin égaré
où le silence déborde ?
LIONEL RAY
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Carnet n°299
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J'appelle expérience intérieure un voyage au bout du possible de l'homme.
GEORGES BATAILLE
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Carnet n°300
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Je m'efforce de faire remonter ce qu'il y a en moi de divin vers ce qu'il y a de divin dans l'univers.
PLOTIN
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Carnet n°301
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Je suis sans identité
comme, coupant, par les bois
le pas d'un autre,
toujours
un autre, à la fin,
par les bois
JACQUES DUPIN
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Carnet n°302
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Pas
Une âme parmi les arbres
Et moi
Je ne sais où je m'en suis allé.
OCTAVIO PAZ
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Carnet n°303
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Le monde crée en moi le lieu de son accueil.
JEAN WAHL
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Carnet n°304
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Nous sommes tissés de la même étoffe que nos rêves. Et notre vie infime est cernée de sommeil.
TCHOUANG TSEU
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Carnet n°305
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Qui a pensé le plus profond aime le plus vivant.
FRIEDRICH HÖLDERLIN
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