Carnet n°41 Empreintes – corps écrits
Poésie et peintures / 2010 / Hors catégorie
Peintures : Nicole Blaustein
EMPREINTES
Corps écrits
Un corps sans bruit
Aux frontières partagées
Aux sinuosités et aux ombrelles
Propices aux gestes
Aux trajets et aux traversées
Gît comme une sirène démaillotée
Qui défilerait le temps de ses prunelles
Des cavités dans la plaine
Et des cicatrices en pagaille
Quelques bourgeons coupés à la diable
Attendent l’heure propice des retrouvailles
Sous l’ocre de la peau
Le désir de gémissement
Etouffé entre les veines
Lance son cri au désert
Le miel sur la hanche
Et le mamelon accort
Accrochent la prunelle
Invitent (encore) à la paupière close
Il se souvient…
Au creux du territoire
Bordé d’étoiles
Au-delà de la chair
Où règnent la joie et l’égarement
Le souffle coupé
Où tout crépite
Par-dessus les flots saturniens
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Des envies de fraises
Et de fureur endiablée
Arpentent la chair
Quelques gouttes sur la joue
Et sous les rêves de pétales
Les paupières en chamade
Et l’affolement des cils
En pareilles circonstances
Le visage balafré de chimères
Il patiente
Efface le corps de sa peau
Et toute présence de sa mémoire
Relègue les cheveux hirsutes
Et les odeurs en pagaille
Aux circonstances lointaines
Le miroitement des lèvres
La foule des prunelles sourdes
Le grain vivace de la chair
Consumés par le souvenir
Le séant posé entre les rencontres passées
La largesse des épaules
Qui soulevait son rire
Sans réponse et sans espoir
A moitié effacé déjà
Par les rides et le poids des fleurs de pierre
Qui recouvriront son tombeau
Il patiente encore
Un don pur
Sans attente
Où le temps s’étiolera en images
Et les images en miettes
Pour qu’apparaisse enfin
Une silhouette sur la toile
Un filon de pierres émiettées
Suspendu entre les glaces
Et les congères amoncelées
Par les saisons froides
Au seuil des portiques vacants
L’éloignement et la transparence des horizons
L’empreinte de ses pas frêles
Sur la surface craquelée
L’assise imparfaite
Le déséquilibre étalé
En soubassements inconnus
Les courbures défaites
Et la nuque tendue
Au seuil de l’épreuve
Implorent le sol
De contempler l’infortune
La main ancienne offerte au râle
Les mugissements sauvages
Etouffés parfois
Le fauve en extinction
Et le buisson jadis si ardent
Recouverts aujourd’hui d’un rugueux tapis
Les pluies insomniaques qui l’agitaient
La nostalgie des saisons chaudes
Qui s’écaillent sur le mur lézardé
L’éphémère de toute vie
Et le monstre qui guette aujourd’hui
De ses yeux avides
L’ensemence déjà de son pouls diaphane
La nuque posée sur les draps d’argile
Il se souvient
Des baisers volés à la mort
Sur son cou exsangue
Et sa peau de cuir
Le renoncement aux étoiles
La demeure inenchanté
Le visage caché des replis
Le destin fragile des amours
Le front encore arqué de désirs
Et la candeur hésitante de la peau
Il songe au ciel
Quand reviendront les beaux jours ?
A l’ombre des hanches
Il s’endort
Couvert de déchirures
Par la nuit étoilée
Et ses épaules dévêtues
Perdues à l’azur
Son espérance
Il disparaîtra bientôt
Et sous sa peau marbrée
Intacts resteront
Le mystère et la virginité
Arc-boutée en son sommeil
Elle court à travers ciel
Songes d’étoiles
Noyés d’innocence
Aux fers du réel
Déchaînent son lit
De glace et d’étoffe calcaire
Une main la frôle
Invisible
Libère le lit conjugal
De son coussin de clous
De ses lèvres
Tachées de poussière
L’abandon lointain
Au râle murmuré
L’étreinte du prince d’ébène
Qui buvait à la rosée
En ses lèvres ouvertes
Le soleil des tropiques
Laissant au creux de son cou
Un feu, un sable
Une ardeur de bois de santal
Bon sauvage
Qui éclairait ses gorges pleines
Ebranlant sous sa peau
Un continent bercé
Par le crépitement du feu
Un prolongement de sa chair
La hante et la secoue encore
D’un rire
Un souvenir d’extase
Où la chair oubliait ses horizons
Se mêlait aux larmes
Au vent
Et au souffle
Unissant la bouche des amants
Souvenir de la chair déployée
Du sacre et des unions
Coulant en leurs veines
Et débordant de leur lit trop sage
Un cri étouffé dans l’ondée
La peau sous les flots
Et le feu qui assaille ses dérives
Les mains ouvertes aux vertus
Se rejoignent en prière
Sur le foyer des sentiments
Un collage impossible
Un égarement des tentations
Une tristesse qui reflue aux coins de la chair
La pagaille sous la peau
Tressée de soupirs et de mensonges
S’offre aux cendres de l’espérance
Au sable des rencontres improbables
Entre les brumes et les fumées
Le brasier s’épuise
S’abandonne à la rengaine
Des amours passés
Main offerte à la tenaille
A l’aménagement des concessions
A la nudité du métal
Brûlant le pourpre de la chair
Tout rêve se consume
En songe d’Aphrodite
Tiraillée par la faim
Et le visage déjà ailleurs
Comme la pièce manquante
Dans le puzzle dérisoire des amours
Présent toujours
Entre le gris des fumées
Jusqu’à la disparition des sens
Effacements
Au soleil de l’étreinte
Le firmament
Les mains contre la pierre
L’échelle invisible
Où poser le pas
Et les mille empreintes
Qui entaillent la roche
Au centre se dessine
La lumière
A ses bords la nuit de glace
Et ses remparts protecteurs
Où se jettent les hommes
L’inaccessible râle
Tapi dans la poussière
Comme un sursaut d’espérance
Vers Dieu
On dresse des cathédrales
De dérisoires édifices
Pour entrevoir au lointain
Ce qui nous éclaire déjà
D’une autre saveur
Qui brille, encore terne
Dans le regard triste des hommes
Qui contemplent le ciel
De leurs misérables murailles.
Souffle d’abnégation
Efface la silhouette
Défigure le visage emmuré
Désagrège la chair
Ensemence l’ondée dévastatrice
De l’horizon en ses contours
Perce le mystère de toute existence
Déploie ses trésors
Eparpille les peines inutiles
A l’origine des saisons
Le labeur acharné des eaux
Agitées par les vents d’ailleurs
Poussées en leur centre
Par le rougeoiement de l'astre
Qui se déploie sur toute forme
Jusqu’à la confusion
Des frontières
Une tempête salvatrice
Que les hommes craignent
L’eschatologie des horizons (personnels)
En attente
Comme la preuve et la garantie
D’un au-delà de soi
Saisissant et insaisissable
Qui poursuit sa course à travers
Et partout alentour
Un bout de chair à l’aurore
Un amoncellement dans les veines
Et une coulure ocre
Vers l’obscur intérieur
Des ombres bleutées
Où se reflètent toutes les espérances
Des zébrures ternes où se lisent
Les servitudes
Et l’abnégation du corps
Le refus de jouissance
L’appel de l’extase
Au-delà des territoires
Et des horizons circonscrits
Un avant-goût d’éternité
En cette ornière de fange et de plèbe
Où s’entassent les espoirs et les craintes.
Failles
Frotter sa chair
Aux murs des entrailles
Déchirer l’horizon des résistances
Ouvrir le ciel entre ses mains
Jusqu’au cœur de toute désespérance
Griffer la pierre de signes
Sans conséquences
Comme un cri jeté par-dessus les frontières
Un appel à l’horizon
Caché dans l’incrustation
Du ciel dans la matière
Dérisoire destin de l’homme
Humble tâche du poète
Rejoignant leurs œuvres
Aux pieds des murs
Au cœur de toutes séparations
Voilà l’unique espérance
Le seul labeur de l’homme