Carnet n°296 Nomade des bois et des hameaux – vie d'un ermite itinérant (seconde partie)
Juillet 2023
14h45 – 15h préparation pour la rando
Se préparer pour la marche quotidienne
Harnaché pour la rando du jour ; sandales(1) (de marche), short court(1), t-shirt sans manche(1), sac à dos dans lequel on glisse une bouteille d'eau et une pochette(2) qui rejoignent la paire de jumelles et divers accessoires (couteau, corde, ficelle, poncho etc etc) rangés dans l'une des poches principales. Un parapluie(3), le sac de rando(4) de Bhagawan et notre inséparable bâton(5) viennent compléter la panoplie.
Voilà ! On est prêt à emprunter la première sente venue !
(1) ou, selon la saison, chaussures de randonnée, pantalon treillis et pull
(2) qui contient notre porte-cartes, nos lunettes et les clés du camion
(3) parapluie de randonnée contre les averses et le soleil – s'il fait réellement chaud et que le sentier n'est pas à l'ombre – que l'on attache à l'aide d'une sangle élastique
(4) Sac de transport porté en bandoulière transformé en sac de rando ; renforcé avec des bretelles allongées (et consolidées) muni d'un coussin (moelleux) et capable de supporter, chaque jour (expérience à l'appui), près de 9 kg sur des kilomètres et des kilomètres...
(5) un vieux bâton en bambou trouvé, un jour, sur le chemin
Journal poétique (extrait)
A demeure ; l'idée du monde
Et qui tourne – s'édifie ; pierre après pierre – d'une perspective à l'autre
Sous toutes les couleurs ; le rêve et la beauté
Le visage du réel affranchi des reflets
Au-delà du sombre et du chatoyant
A travers le feu ; et derrière le miroir
Au cœur du cercle ; aux côtés du vent – de la mort – de la joie ; déjà (parfaitement) entouré(s)
Sac à dos, voyage et poupées russes
Vivre en roulotte revient, d'une certaine façon, à voyager (à la fois de manière pratique et symbolique) avec un énorme sac à dos. Lorsque l'on prend la route, on emporte avec soi tout ce que l'on possède*. Dans cette perspective, on pourrait dire que le camion constitue la première – et la plus grosse – des poupées russes.
* Nous n'avons entreposé aucun objet personnel chez des parents, chez des amis ou dans un entrepôt de stockage destiné aux particuliers. Tout est rangé dans le camion ; et il ne nous faut pas moins de 3 bonnes heures pour le débarrasser de tout ce qu'il contient...
Lorsque l'on part en randonnée l'après-midi, on emporte un sac à dos qui contient les objets les plus importants(1) (nos papiers, nos lunettes et les clés du camion) et le nécessaire pour la marche(2). Sur les chemins, on pourrait donc dire que l'on porte (et emporte avec nous) la deuxième poupée russe – bien moins volumineuse que la première...
(1) ceux qui nous permettent d'adopter ce mode de vie et ceux – incontournables – qui nous donnent une « existence légale » dans la société des hommes...
(2) voir la rubrique précédente
Lorsque l'on doit renouveler nos provisions alimentaires dans une grande surface commerciale, on n'emporte que la pochette (évoquée quelques lignes plus haut) que l'on pourrait considérer comme la troisième poupée russe du dispositif...
Lorsqu'il nous arrive de nous promener nu* en été, on ne porte (bien sûr) ni vêtement, ni chaussures, ni sac à dos. Notre bagage se limite au corps, à l'esprit et à ce que l'on porte à l'intérieur. Et cette nudité pourrait être considérée comme la quatrième poupée russe...
* lorsqu'il n'y a personne aux alentours... On est un adepte assez enthousiaste – et assez convaincu – du naturisme. Ah ! Le bonheur de marcher dans le plus simple appareil ou de se baigner nu dans la rivière...
Enfin, lorsque nous mourons, nous délaissons le corps (en tout cas le corps organique) et, à cette occasion, il nous semble que l'esprit* voyage à sa manière vers d'autres lieux – vers d'autres mondes – vers d'autres cieux. Et cet esprit (presque pur esprit) pourrait, sans doute, être considéré comme la cinquième (et dernière) poupée russe...
* qui cesse, peut-être, en ces circonstances, d'être perçu comme strictement personnel
C'est ainsi que l'on appréhende le voyage – tous les voyages (les petits et les grands)...
Antoine de Saint Exupéry
« Celui qui veut voyager heureux doit voyager léger. »
Journal poétique (extrait)
Le souffle ardent ; intensément solitaire
A travers le monde – le pas – le vent – la poésie
Et les bêtes dans leur passage ; et certaines âmes dans leur voyage
A travers ce qui monte ; la source inconnue ; apprivoisée
Le poids de ce qui s'en va ; et la légèreté du reste
Journal poétique (extrait)
Comme un tambour ; le cœur – la vie – le rythme
Des vibrations sur le fil ; les barreaux de l'échelle
Le temps à rebours ; le monde couché – à travers les yeux de ceux qui respirent ; et ses règles du jeu que nul ne comprend vraiment
Il existe d'autres mondes – d'autres dimensions du réel
Inutile d'établir la liste des mondes possibles (ou probables). Limitons-nous à ceux qui sont accessibles à l'esprit humain à travers l'hypnose, le rêve, le sommeil profond, le coma, la mort, les expériences de mort imminente, le voyage astral, la transe chamanique ; au cours de ces moments ou de ces expériences, quels univers – quelles contrées – traversons-nous ? Sommes-nous capables de répondre à cette question de manière satisfaisante...
Et qui sait où nous étions (et ce que nous étions) avant notre naissance et où nous irons (et ce que nous deviendrons) après notre mort ? Les religions offrent toutes quelques explications (avec des différences et des points communs) qui s'avèrent (en général) peu utiles...
Aucune réponse recevable ne peut être apportée ; il convient de chercher par soi-même (et, surtout, de se laisser trouver...). Selon sa sensibilité et sa compréhension* pourra s'esquisser une conviction ou une intuition, capable peut-être de se transformer en certitude – en évidence inébranlable – lorsque l’expérience intérieure offrira suffisamment d'éclairages et de précisions...
* qui évoluera, sans doute, avec l'expérience et la maturité...
Ibn Arabi
« Aller vers Lui est l'essence de l'ignorance, le repos en Lui est l'essence de la Connaissance. »
Journal poétique (extrait)
Ici ; au milieu de la lumière ; dont notre visage est le parfait reflet
Étranger au monde ; de plus en plus
Vers le haut et vers le bas ; simultanément
Laissant le désir hors du cercle
Comme effacé par l'immensité
Au-delà de la mémoire et du temps ; au centre de l'espace
Au royaume de l'âme et de la pierre ; là où l'arbre donne le rythme et la direction ; là où l'on peut (encore) s'initier à la vie haute et intime – à la vie vraie ; là où nous sommes – là où nous marchons – là où nous allons ; autant que l'endroit d'où nous venons
Journal poétique (extrait)
Temps d'apôtres à la bouche tordue ; à la parole grise ; à la tête lasse
L’œil si serré contre soi ; en ce siècle de sang et de cécité
En ces temps de hurlements et de cœurs blessés
Ni fleur – ni pierre – ni arbre – dans leur panthéon édifié à la gloire du monde
Ni bête – ni homme à la bouche droite ; au cœur plus large que le monde ; au sang si proche de la sève ; et à l’œil qui voit
Dans la proximité de ce qui n'a de visage ; familier du vide et de l'invisible ; dont le chant célèbre les feuilles et les pétales ; tous ceux dont l'âme est silencieuse
En plus de la danse – la joie – la beauté ; et la prunelle malicieuse
Lorsque la méditation remplace la marche
Les jours de pluie(1), il nous arrive de remplacer la marche par une séance de méditation(2). On s'installe(3) alors entre la table et le meuble de la cuisine – les jambes croisées en position du demi-lotus(4). On balance (très lentement) le buste à la recherche d'une verticalité équilibrée et confortable, puis on laisse la détente(5) et la paix se déployer naturellement. Et l'on demeure ainsi, le corps et l'esprit à leur aise, en se faisant le témoin à la fois attentif et détaché des sensations et des pensées, laissant tout advenir, laissant tout passer, laissant tout s'effacer ; n'étant rien, ne devenant rien ; un espace vide (peut-être) – une conscience-présence sans nom – indéfinissable – inappropriable...
(1) lorsque la pluie est dense et ininterrompue
(2) méditation formelle assise
(3) sur le vieux tapis qui sert à nos exercices physiques quotidiens
(4) posture que le corps prend naturellement tant elle nous semble naturelle aujourd'hui – nous avons pratiqué la méditation formelle pendant de nombreuses années (il y a longtemps) et, chaque jour, lors des pauses que l'on s’accorde, durant notre marche, on adopte, de manière naturelle, cette position qui nous paraît stable et confortable...
(5) un état entre le relâchement et la vigilance – ni trop tendu ni trop relâché – à la manière des cordes d'un instrument de musique comme le précisent certains préceptes du bouddhisme zen
Muso Soseki
« L'esprit affairé, le monde immense est trop étroit. L'esprit vacant, un coussin est assez large. »
Journal poétique (extrait)
Ne plus y être ; et y être encore
Entre le désir et la pierre
Ne nous agrippant à rien
Des paroles comme un ciel découpé ; et offert
Davantage – peut-être – que le monde – les étoiles et les rêves – réunis
Mais moins que la première fleur pourtant
Malgré l'infini qui – entre les doigts – se tend
Journal poétique (extrait)
Dans l'intimité (redoutable) de l'espace
Le visage penché sur le silence
Et le rire ; comme une respiration de l'invisible
A l'écoute du plus haut – en soi
Derrière ces rives étrangères ; l'inconnu
A travers des lèvres sans bouche ; des signes sans support ; jusqu'au premier souvenir – jusqu'au plus fantasque des sauts dans la matière
Et toujours passant – bien sûr
Méditations formelle et informelle
Aujourd'hui, on ne pratique la méditation formelle qu'à de très rares occasions – lorsqu'elle s'invite spontanément ; on ne s'y adonne jamais pour parvenir à quelque état (comme on le faisait autrefois). On s'assoit – une jambe repliée sur l'autre – sans rien chercher – sans rien fuir – seulement pour la joie d'être assis sur le sol...
Cette absence de pratique formelle n'est pas une paresse ; elle s'est imposée à mesure que la méditation informelle* – cette attention sereine et naturelle – s'est installée dans nos activités journalières et nos gestes quotidiens. Aujourd'hui (et depuis quelques années) l'esprit n'éprouve plus le besoin de vivre autre chose que ce qui est là – que ce qui, à cet instant, est offert par la vie, par le monde et les circonstances, il ne cherche plus à parvenir à quoi que ce soit...
* non formelle, non assise – qui advient, de manière naturelle, dans les activités et les gestes de la vie courante
Il n'y a plus ni désir, ni projet. Il y a cette tranquillité sous l'écume des gestes et des pas qui, parfois, s'animent encore avec vivacité. Il y a ce qu'il y a ; et cette joie, et cette paix malgré l'agitation du monde, du corps et de l'esprit quelques fois – malgré la tristesse, la nervosité ou l'inconfort. Tout est vécu d'une façon (assez) égale...
Les états et les événements sont accueillis comme ils arrivent, comme ils se présentent. On ne les transforme pas, on ne les amplifie pas, on ne les atténue pas, on cesse de jouer avec...
Tao Hsin
« La méthode authentique consiste à ne rien faire de spécial ».
Notes diverses
Il n'y a rien à changer à ce qui est, ni en soi, ni en l'Autre, ni en ce monde...
Journal poétique (extrait)
A se résoudre au feu – à la bêtise – au sacrilège ; à la matière malmenée
Comme de la fumée entre le sol et le ciel
Au-dessus des pierres ; et au-dessus des siècles
A coups de boutoir – sous la même étoile
A consentir jusqu'au rêve – jusqu'au sommeil – jusqu'à pactiser avec les forces les plus noires – les plus souterraines
Séance martiale
De temps à autre, on s'offre également une séance de bâton martial (avec l'un des nombreux bâtons rangés dans la roulotte). L'occasion de s'exercer à quelques mouvements (directs et circulaires) contre un ou plusieurs adversaires fictifs – une sorte de danse avec la terre et le vent – un exercice auquel on prend un réel plaisir. Une chorégraphie aérienne qui nous donne des airs de grand singe qui gesticule, avec une certaine grâce, à quelques centimètres du sol...
En de plus rares occasions, il nous arrive aussi de sortir quelques couteaux et étoiles de lancer ainsi qu'une cible fabriquée avec quelques planches épaisses ; et tel un adepte du kyudo(1), on se livre à une sorte de long exercice méditatif(2) qui requiert une forme d'attention libre et ouverte, un vide et un effacement ainsi qu'une synchronicité entre le souffle, la main et l'absence d'intention; une manière d'expérimenter la dissolution (partielle) des frontières entre l'esprit, le corps, le geste et l'espace et d'expérimenter la fusion entre le mouvement, la cible et l'arme projetée.
(1) Tir à l'arc japonais – activité pratiquée par les adeptes du zen au même titre que la calligraphie, la cérémonie du thé ou l'art de l'arrangement floral
(2) séance qui dure, parfois, plusieurs heures
En dépit de notre attitude pacifique, cette pratique martiale s'avère violente (on le ressent très intimement – pénétration agressive de la pointe d'acier dans la chair tendre du bois – activité symboliquement très masculine) ; elle génère, malgré la douceur et l'absence d'intention malveillante, une sorte d'énergie négative ; aussi ne s'y exerce-t-on que de manière (très) occasionnelle...
Journal poétique (extrait)
Ce qui sait – en nous ; comme une force inébranlable
Comme un livre ouvert – pourtant – à travers ce qui vient – ce qui passe ; à travers la moindre circonstance
Comme des flèches pointant vers le centre – cet espace que chacun recèle ; à disposition de ceux qui ont capitulé ; de ceux qui ont abandonné toutes leurs armes
15h – 15h15 en balade / en rando
Un pied devant l'autre sur une sente étroite qui traverse le massif forestier. Au milieu des hêtres et des pins. On marche en silence – attentif à ce qui nous traverse et à ce que nous traversons ; l'esprit vide, humble et respectueux. Allant là où se dirigent les pas* – là où le cœur et l'intuition nous guident – au gré des pistes et des pentes.
* sans le moindre enjeu sportif
Notes de la forêt
A larges bords ; les chemins. La possibilité du monde ; la possibilité de soi. A égales proportions ; selon la sensibilité et les prédispositions.
Notes de la forêt
A dévaler les pentes ; à explorer le royaume caché. Entre les troncs et le cœur vertical.
Journal poétique (extrait)
Au milieu des éboulis ; la même lumière pointée par le doigt
Moins longue – peut-être – la route
Comme un retour vers le haut
Vers l'élargissement vertical du monde
Par la voie la plus escarpée
L'âme (toute) frémissante
Rencontre forestière
Cet après-midi, on a croisé une martre. Sur un étroit sentier dans les sous-bois. Elle a traversé à quelques mètres devant nous. Elle s'est arrêtée un instant, nous a regardé(s) puis a sauté derrière le talus et s'est éloignée – échappant à notre regard... Belle et furtive rencontre !
Journal poétique (extrait)
Le ciel ; quelque chose du monde
Là où s'attardent les bêtes ; et les âmes silencieuses
Instants de communion
Longs instants de communion silencieuse avec ceux qui peuplent la forêt...
Un regard – un geste – pour une pierre – un rocher – une fleur – un arbre – un insecte ; et quelques paroles toujours pour les vaches, les brebis, les chèvres, les chevreuils, les oiseaux, les lézards, les serpents, les chats, les renards, les chiens et les sangliers rencontrés...
Mille gestes – mille regards – mille attentions – à l'intention des bêtes – visibles et moins visibles. Comme si notre humanité essayait (assez maladroitement) d'offrir – de partager (un peu) – ce qu'il y a de plus beau (et de plus respectable) en l'homme...
Une humanité qui ne place le bipède ni au centre – ni au-dessus – des autres créatures ; un vivant parmi d'autres vivants. Et pas davantage...
Notes de la forêt
Si proche des arbres – des bêtes ; de ceux qui s'enivrent de terre et de liberté.
Journal poétique (extrait)
Le cœur touché par le plus simple ; cette fraternité sauvage ; sous les mêmes étoiles que les hommes – pourtant
La terre naturelle – authentique ; véritable peut-être ; sans croyance – sans préjugé – sans interdit
Le règne du passage et de la nécessité ; le règne de l'éphémère et de l'essentiel
L'appartenance et l'indistinction sur chaque visage ; relié(e)s (très) instinctivement
Et le pressentiment du plus proche – du plus profond – du plus commun ; ce qui manque – si cruellement – à l'esprit humain
Organisation et attitude humaines funestes
Affligé(1) par l’œuvre de l'homme – par ce que l'organisation humaine (à laquelle on appartient et à laquelle on participe malgré soi(2)) fait subir aux êtres – à tous les êtres – de ce monde ; une terre, un sous-sol et des océans indûment pollués et exploités, des végétaux piétinés, arrachés, mutilés(3), plantés de manière industrielle – réduits à un usage alimentaire, à un moyen de chauffage ou à un décor revitalisant, des animaux réduits à des conditions de vie infâmes (de la viande sur pattes) ou qui voient leur territoire drastiquement restreint et/ou saccagé et des hommes réduits à l'état de misère et d'esclavage...
(1) selon les jours, attristé ou en colère
(2) d'une manière ou d'une autre
(3) Partout le spectacle désolant de haies lacérées ou taillées jusqu'au moignon – jusqu'au sang, de grumes entassées, de parcelles essartées, de territoires abîmés, détruits, vandalisés par la brutalité indifférente et irrespectueuse des engins mécaniques ; tondeuses, débroussailleuses, tronçonneuses, scies démesurées et engins forestiers monstrueux qui coupent et découpent – détruisant – déchiquetant – écrasant indistinctement tout ce sur quoi ils passent et anéantissant en quelques secondes le lent, beau et patient travail du vivant...
Notes de la forêt
Et cette réminiscence cruelle des ambitions humaines ; visibles jusqu'ici – au fond des forêts ; cette lèpre qui exploite – qui saccage – qui fait feu de tout bois pour tirer profit. Au nom de l'odieuse (et pitoyable) souveraineté de l'homme.
Notes diverses
Beauté encore ; beauté toujours – de ce monde parallèle au monde – de ces vies qui s'inscrivent dans les marges laissées par le peuple dominant ; volontaire – régulateur – exploiteur – industrieux.
Paroles à charge (évidemment) ; éminemment réactives aux dégâts commis ; et à la blessure ressentie.
Journal poétique (extrait)
L'absence conjuguée par toutes les figures noires et hostiles ; (atrocement) prétentieuses
Le regard menaçant ; le bleu oublié au fond de la béance
Et le silence pour appuyer toutes les sentences prononcées
Les paumes pleines de haine et de (fausses) vertus
Au cœur même du sommeil ; l'autorité et le monde réifié ; l'empire des hommes
Journal poétique (extrait)
Le cœur – trop souvent – annexé par le drame
De lieu en lieu ; (presque) à chaque circonstance
L'âme terrestre ; comme embrigadée par la chair et l'épaisseur
La parole douloureuse ; comme exercice (simple exercice) de confession
Et dans l'expectative (angoissée) de la sentence
Sur nous ; à la fin des jours – à la fin des temps – sur le point de nous écraser ; un tombereau de jugements – d'interdits – de damnations
Encore trop humain – sans doute
Au moins deux manières d'appréhender la crise écologique (et climatique) actuelle
Au vu des problématiques et des enjeux contemporains – la crise écologique et climatique – l'extinction des espèces – la disparition de la biodiversité – les ambitions et aspirations (aveugles et aberrantes) des sociétés humaines(1), la monstruosité de leur organisation et les nombreux préjudices qu'elles engendrent, 2 camps principaux semblent s'opposer ; d'un côté, les partisans du (soi-disant) progrès, du monde d'avant qui avance (du monde de toujours qui progresse vers un idéal assez mal défini – et même absurde(2) à certains égards – toujours plus de confort, de bien-être, de facilité(2)) et, de l'autre côté, ceux qui ont pris conscience de la nécessité d'un changement radical de paradigme, de perspective et de priorités...
(1) d'un grand nombre de sociétés humaines
(2) comme s'il nous était possible de répondre (grâce au progrès technique) à nos exigences croissantes – qui semblent tendre vers un infini irréaliste, déraisonnable et fou...
Journal poétique (extrait)
La chair et l'âme du monde que l'on enchaîne et que l'on assassine ; au nom du progrès ; au nom du confort de l'homme
Le cœur caché du secret ; et l'horreur perceptible – comme une drogue
L'Amour si loin de ces éclats rouges ; et habitant aussi leurs profondeurs (d'une manière apparemment paradoxale)
Dérisoires ; nos pages – le jour – toutes les promesses de la lumière ; face à cette souillure – face à cette dévastation
16h15 – 16h30 pause pendant la rando
Haïku
« Dans la forêt
au milieu des nuages
la salle de méditation »
Notes de la forêt
Une bête – au milieu des siens – au milieu des fleurs. Le séant posé sur la pierre ; dans le mimétisme de la roche ; la rudesse et l'immobilité ; un support à lichen ; une alliance avec la mousse ; si l'on restait ainsi pendant des jours et des semaines – pendant des mois et des années – pendant des siècles ; dans ce contact direct avec le sol et le ciel ; laissant le vent et la pluie œuvrer aux rapprochements – aux assemblages – aux communions.
Rencontre sylvestre
Debout – immobile – sous un grand chêne dont on ressent (avec évidence*) la bienveillance – une sorte de tendresse pour le petit bout d'homme qui le regarde – émerveillé – le cœur empli de gratitude et de respect. On sait – on sent – qu'il comprend – qu'il perce – en une fraction de seconde – ce qui nous habite à cet instant. En un éclair, il devine ce qu'abrite notre cœur – la nature de nos intentions...
* presque avec certitude
Et on le (et on se) regarde encore plus intensément – impressionné – une main timide sur son écorce rêche – comme un grand-frère – un vieux sage (à la sagesse encore inaccessible à l'homme) – commeun être – quelqu'un – qui aurait tant à nous apprendre si l'on savait l'écouter – si on prenait le temps de vivre à ses côtés...
Notes de la forêt
Et le vert sur la peau qui a – sans doute – commencé sa métamorphose ; le corps façonné par la patience et l'immobilité.
Journal poétique (extrait)
Auprès des arbres encore ; sous un ciel plus haut ; sans autre horizon
Le vide ; et l'absence de temps
Le règne du seul et de l'ensemble
A la cime du cœur ; vers l'envol
Au-dessus de l'abîme et des bruits
Rien qu'en se tenant là ; parmi ceux qui écoutent ; si verticalement présent(s)
Journal poétique (extrait)
Le verbe ; tantôt reclus dans ses tranchées ; tantôt perché sur son promontoire
A entendre le vent ; et à le sentir devenir nôtre ; indissociablement
Sans incident ; alors que s'opère l'effacement
Encore assis sur cette grosse pierre ; le cœur moins morose (moins gris) qu'autrefois ; léger (bien plus léger)
La pâte humaine – dans son gouffre – prise dans les filets de la lumière
Rencontrer l'Autre
Écouter le monde, écouter les arbres et la roche. Ressentir les vibrations et les énergies. Être humble, poreux, ouvert, attentif, vide (suffisamment vide de soi – vidé de soi), disponible, sans volonté, sans a priori. S'effacer. Ne plus désirer, ne rien attendre. Écouter... Alors la connexion – la communication – avec les non-humains peut s'établir...
Le monde de l'esprit et des esprits
L'esprit. Les esprits. Celui de la terre, celui de la forêt, celui des arbres, celui des plantes, celui des roches, celui des bêtes, celui des hommes. L'esprit des morts et des vivants. Partout présents, provisoirement insérés au cœur de la matière ou momentanément affranchis de la chair. Ici même – et partout – ressentis – entraperçus* – en particulier lorsque l'attention se dilue, semble sortir de la boîte crânienne pour flotter – devenir assez inconsistante pour se situer, à la fois, nulle part et (un peu) partout. Le regard parvient alors à percer (un peu) le visible et le monde des apparences, à traverser le rideau de la matière et des images, à faire disparaître (momentanément) les frontières les plus grossières entre les formes.
* encore très superficiellement – sans doute...
Journal poétique (extrait)
Adossé à l'ombre, peu à peu, grignotée
L'azur – en soi ; autant que la lumière
Au zénith de la poussière
Les liens défaits ; à nos pieds – les plus grossiers (les plus élémentaires) ; et les plus subtils qui s'affinent – se renforcent – se déploient ; au lieu de l'abîme – au lieu du sommeil
Sans trêve ; les yeux fermés sur les Autres – le monde – le temps
Comme attendant (sans impatience) le début du jour
Le contact avec la terre
Les pieds nus sur le chemin qui caressent le sol, qui sentent la terre, l'humus, le sable, les graviers, les racines, les pierres, toutes les aspérités. Ce qui vibre dans le sous-sol. Et le vent sur le visage, et la sueur sur la peau, et le souffle dans la poitrine, et l'ombre des arbres, et la joie (la joie tendre et enveloppante) qui nous envahit. Comme si l'on était parvenu à ouvrir quelques canaux de connexion avec le monde – avec le réel – avec la matière et l'invisible – avec nous-même(s) sans doute...
Notes de la forêt
A la folle saison du désamour. Le retour en grâce de la solitude (de toutes les solitudes). Entre la mousse et le nuage – entre l'humus et le vol de la buse. Et dans l'herbe mouillée aussi (bien sûr). Cette fragrance des bois ; narines dilatées. La sauvagerie dans l'âme ; et dans les mains aux doigts courts et solides.
Notes de la forêt
A la jointure de ce qu'offrent l'âme et la terre. Dans le bleu du monde (sans oublier le gris qui, parfois, le traverse).
Journal poétique (extrait)
Déchiré par le haut
A travers le ciel ; le fond du monde
Et ces cris (tous ces cris) que reflètent les miroirs
Les mains tendues en guise de drapeau ; et la faux sur l'épaule ; l'essentiel de la réponse face au mystère
Par-dessus les apparences ; ces sortes de boucles qui suivent (très) fidèlement les reliefs de l'invisible
Et la découverte stupéfiante de ses contours – de ses centres et de ses confins (apparents) ; inimaginables
L'un et l'autre
L'esprit et la matière – l'un dans l'autre – entremêlés – notre état (l'état des êtres vivants) en cette vie incarnée. Et d'autres fois – à d'autres moments – presque pure matière – comme la roche et la pierre ou presque pur esprit – comme après la mort...
Journal poétique (extrait)
Tâtonnant ; la main sur la paroi qui explore ; et découvre ce monde privé de soleil
La tête trop prétentieuse pour s'accroupir – offrir à l'âme les richesses du sol ; et parmi elles, l'issue – le passage vers les hauteurs que nous cherchons (presque) toujours au-dessus des cimes – dans les sphères d'altitude que nous croyons côtoyer alors que l'esprit de l'homme ne s'est pas encore affranchi de sa lie souterraine – de sa gangue de glaise
16h30 reprise de la marche
Notes de la forêt
Dans l'humus sombre ; la sueur et la sève mêlées. Des pas tantôt légers – tantôt besogneux. Le cœur de chair ; le cœur du chemin ; le cœur de l'arbre ; au milieu de la forêt. Ainsi se dessinent les jours et le voyage ; silencieusement ; les pas qui caressent la pierre ; la semelle enhardie ; l'âme enivrée par la substance – excitée par la semence – des sous-bois.
Apprenti botaniste
Malgré nos longues marches quotidiennes dans les forêts et les sous-bois, sur les routes et les chemins, nos connaissances botaniques restent modestes. Un peu moins de 200 espèces de plantes nous sont assez familières pour les reconnaître (et en donner les principaux usages) alors qu'il en existe, sous nos latitudes, environ 8000* ; et 386 000 sont répertoriées dans le monde (sans compter, bien sûr, toutes celles que l'on ne connaît pas – et qui doivent être nombreuses).
* dont 1000 que l'on peut utiliser à des fins culinaires et/ou médicinales – 300 sont toxiques et, parmi elles, 50 sont mortelles
Notre rapport au vivant – assez fortement teinté de respect – réduit, de manière radicale, nos prélèvements botaniques. On éprouve, en effet, une grande réticence à utiliser les plantes pour notre usage personnel. On a déjà peine à piétiner le moindre brin d'herbe ; on est donc très peu disposé à arracher les feuilles d'une plante et les rares prélèvements que l'on s'autorise consistent à couper*, ici et là, quelques feuilles ou quelques sommités fleuries en laissant toujours la plante vivante et en essayant de ne pas perturber, outre mesure, son cycle ou sa croissance...
* lorsque la plante pousse abondamment sur la zone (ou la parcelle)...
Quelques plantes comestibles et/ou médicinales* estivales et automnales
Coquelicot, bardane, cirse, sauge des prés, achillée millefeuille, valériane, mauve, vipérine, campanule, millepertuis, mûre, centaurée, brunelle, reine des prés, angélique des bois, origan, verveine, carotte sauvage, polypode, vergerette, amarante, picride, chénopode, armoise, renouée des oiseaux, benoîte, pariétaire, pourpier, presle, fenouil sauvage, acanthe, tanaisie, ravenelle...
* que l'on trouve en abondance sous nos latitudes
Instants d'exaspération
Moments d'énervement parfois lorsque des nuées d'insectes s'invitent, en plus de la fatigue, au cours d'une marche qui se prolonge de manière inhabituelle (lorsqu'il nous arrive de nous perdre, lorsque la chaleur se fait trop accablante, lorsque l'on a suivi – par inadvertance ou par défaut de signalisation – un autre itinéraire...).
Un homme comme les autres (bien sûr) avec ses limites et son étroitesse...
Notes de la forêt
A travers la pente herbacée – une sente étroite – le pas harassé. Et quelque chose qui surgit ; quelque chose de l'abandon ; l'annihilation de la volonté – en quelque sorte ; Dieu – les forces – qui nous portent.
Journal poétique (extrait)
Piégé(s) par la nuit
Cette (si brève) conservation de la matière
Sous la lumière ; sans l'essentiel
Des choses et d'autres ; et des visages à profusion
Une multitude d'objets – de gestes et de jours – (assez) inutiles
La laideur – l'indigence et le saisissement – à portée de rêve ; à portée de main
Ce que nous partageons tous (sans pouvoir nous en défaire)
Pollution forestière
Il nous arrive de croiser des « randonneurs motorisés » – 4x4, motos cross et autres quads – qui arpentent les pistes et les sentiers forestiers, les pentes et les montées à la recherche de sensations fortes – qui dégradent les chemins et détruisent les plantes, en pétaradant pendant des heures, et tournant parfois en rond sur le même circuit, distillant à la ronde leur pollution sonore, visuelle et olfactive. Et nous les regardons passer, selon les jours, avec colère ou affliction...
Pauvres forêts ! Pauvres randonneurs ! Pauvre ermite !
Journal poétique (extrait)
Toutes ces choses déchirées ; autour de soi
Et dans ces gestes ; le fond de l'âme
Le cœur chaviré par tout ce noir
Au plus sombre du rêve – sans doute
Mésaventures forestières
Il nous est arrivé(1), à plusieurs reprises, d'être pris au milieu d'une battue(2) – encerclé par un groupe de chasseurs et leurs chiens – coincé entre des 4x4 lancés à pleine vitesse et une meute hurlante courant derrière une harde(3) de sangliers. Devant l'imminence du danger, une (salvatrice) décharge d'adrénaline transforme le randonneur placide et contemplatif en « bête de guerre » alerte et vigilante (comme si de vieux instincts archaïques se réveillaient). La situation est analysée en une fraction de seconde et, selon le contexte(4) et la configuration des lieux, en un éclair, l'esprit prend une décision(5) ; s'aplatir au sol, se cacher derrière un tronc d'arbre, nous signaler en criant, rebrousser chemin, courir à travers bois, continuer à marcher sur le sentier...
(1) au cours de nos balades hivernales (la période de chasse débute en septembre et s'achève fin février)
(2) chasse au grand gibier comme l'appellent les thuriféraires de l'activité cynégétique
(3) On a coutume d'appeler « compagnie » un groupe de sangliers mais ce terme nous semble trop « humainement » connoté...
(4) qui évolue à chaque instant
(5) Au cours de l'une de ces rencontres, à peine quelques secondes après nous être réfugié sur un petit sentier perpendiculaire à la piste sur laquelle on marchait, un tonnerre de détonations (pas loin d'une cinquantaine) a décimé une groupe entier de sangliers à quelques dizaines de mètres de l'endroit où l'on se tenait (à la fois) tremblant, en colère et malheureux... Et à plusieurs occasions, on a été le témoin direct de sangliers abattus – devant nos yeux ; drames qui jamais ne nous laissent indemne...
Journal poétique (extrait)
Le nez baissé sur le sol et le sang
A l'envers ; l'étreinte ; et l'âme (assez) sérieusement atteinte
Sur le trésor dispersé ; un peu de neige et d'argile
Et dans nos gestes ; et au cœur de ce que nous vivons ; l'innommable ; et tant de possibles ; et tant d'impossibilités
Toute l'histoire du monde – en somme
Journal poétique (extrait)
L’œuvre de la faim sur ce qui peuple l'étendue ; la moindre rive
Qu'importe l'or – l'encens – la prière
Des courants de larmes et de sang
Tantôt vers l'un – tantôt vers l'autre ; acteur et témoin ; bref passant
Et ne pouvant s'en empêcher
Attristant l'âme et meurtrissant la chair
En ce monde si peu affamé d'ineffable
Mantra pour les temps difficiles
Ce n'est rien, ce n'est pas grave, c'est juste la vie. Un petit mantra qu'il nous arrive de répéter, lors de déconvenues ou d'événements douloureux ou peu favorables. Lorsqu'on a l'impression que la vie s'acharne avec malice...
Notes de la forêt
Les muscles saillants à force de montées éreintantes ; le souffle et la sueur ; le pas lent et caressant ; la tête comme effacée. La joie de l'effort – de la marche sans but – presque errante. Dans la juste foulée ; l'âme et le monde – indistinctement ; l'infini que nous sommes et qui nous porte.
Indistinction et indissociabilité
Ce monde aux formes apparentes distinctes prend, parfois, des allures (bien réelles) de soupe énergétique – de magma de matière – où rien ne peut être différencié. Une sorte de lave mouvante dont rien ni personne ne peut s'extraire comme si tout était à la fois indistinct et indissociable, comme s'il était impossible de se séparer (de nous séparer) du reste du monde – de ce qui nous semble si loin – si étranger – si indésirable...
On est alors contraint (malgré soi) de faire corps – et d'être solidaire (ne pouvant nous en désolidariser) – avec « cette chose » – avec ce grand Tout – et avec tous les éléments qui le composent (et qu'importe qu'ils nous semblent plaisants ou déplaisants).
Édouard Glissant
« Rien n'est vrai, tout est vivant. »
Notes de la forêt
La peau et l'âme poreuses – respirant les alentours – devenant ce qui les entoure ; l'abolition éprouvée des frontières. Juste des yeux ; et un cœur qui bat ; et un souffle comme une cadence – la respiration du monde ; et le reste mélangé – indistinctement.
Journal poétique (extrait)
A quoi ressemblerait notre visage ; sans l'origine du temps – sans l'incessante succession des noms et des titres dans la mémoire
Un point minuscule – peut-être ; muni de prunelles délicates (et perçantes) et d'un cœur discret et ardent
A la manière d'une fête perpétuelle ; d'une danse sans cérémonial ; au faîte de l'absence – la plus légère – la plus consciente
Journal poétique (extrait)
Comme un peu de matière ; une sorte de pâte (informe et malléable) entre les mains du ciel
Et le poids ; et la nuit ; et l'immensité
Et cette tristesse ; et cet écrasement
A chaque parole ; à chaque recommencement
Et ce qui nous façonne ; inlassablement
Journal poétique (extrait)
La nuit à vif ; comme le temps retroussé ; la voix qui puise dans le langage
Un chemin à gravir ; à inventer
Avec des ombres – des reflets – des gémissements
Un semblant de ciel sur les vivants
La vie ; la chair – se laissant traverser
Dans une sorte de long épuisement sans (véritable) interrogation ; un songe – peut-être
Il n'y a personne en ce monde
De manière (assez) similaire, il nous arrive également de ressentir (avec force et clarté) que le monde n'est pas le monde – qu'il n'y a personne ici-bas – aucun homme – aucune bête – aucune créature. Seulement des mouvements – des élans et des courants – d'énergie comme si les uns et les autres (qui semblent exister en apparence) n'étaient que des ombres – des silhouettes – des formes animées et instrumentalisées par un enchevêtrement monstrueux de forces irrépressibles (parfois opposées – parfois complémentaires).
Malheureusement, cette perception est, en général, assez vite balayée par une perception plus habituelle (et, sans doute, plus commune) où les apparences retrouvent une certaine consistance...
Feng Kan
« Fondamentalement rien. »
Notes diverses
Tout réduit à l'essence – à sa condition ludique et métaphysique ; en tant qu'élément et parfait dépositaire du reste. Liens encore – liens toujours ; sans doute – la seule chose qui soit.
Journal poétique (extrait)
Si mortel(s) ; comme des ombres qui cheminent l'espace d'un instant
Sur des pierres (presque) éternelles ; sous un ciel hérissé d'intentions
Si loin (encore) de la nudité attentive
Un voyage sans témoin ; et sans la nécessité du témoignage
Du cœur noir à la transparence
Sans rêve ; sans alliance
Dans la compagnie de l'Amour ; que l'on découvre peu à peu
Journal poétique (extrait)
Dénué de soi ; en dépit du sang et de la pierre
Rien ; ni personne ; ce qui semble avoir lieu ; des choses qui arrivent diraient certains ; de la matière qui s'anime – en quelque sorte ; de (très) brèves apparitions
L'invisible derrière ; jamais très loin ; tirant des abîmes – pour un instant ; et y replongeant (assez vite) ce qui a eu l'audace – la folie peut-être – d'en émerger
Un peu de poussière et de temps sur fond de bleu intouchable
De l'écume ; et le mystère (toujours aussi) insondable
Journal poétique (extrait)
L'esprit offert ; et ce qu'il porte ; en plus du souffle ; en plus du cœur
A la fois flèche et théâtre ; avant-scène de l'immensité et champ de bataille (effroyable)
Associé (quasiment soumis) à une ardeur effrayante ; monstrueuse (si souvent) dans ses conséquences
La réponse de l'homme ; face au monde et au mystère ; guère plus (bien sûr) qu'un instrument
Journal poétique (extrait)
Et tous ces vents sur la pesanteur ; pour chambouler les rites inventés par les siècles ; manière de s'assurer de la consistance de la matière – des existences ; de donner un sens à ce chaos ; à cette souffrance
Le théâtre des vivants – entre édifice et plaisanterie ; entre funeste et espérance ; pas si loin du secret en définitive
17h-30 – 18h retour de balade
On range notre équipement de randonnée, on se déshabille, on enfile « nos vêtements d'intérieur* », on se désaltère (une longue gorgée bue directement à la bouteille) et l'on s'assoit un instant sur la banquette du salon.
* caleçon ou pagne en été – pantalon de jogging en hiver
Buanderie provisoire
Après une balade sous la pluie, le camion se transforme (provisoirement) en étroite buanderie. On y tend, ici et là, des cordes pour y suspendre nos affaires trempées ; short (ou pantalon) accroché à proximité du t-shirt, le sac et le coussin de Bhaga dans la salle d'eau, le sac à dos, le pull et les sandales (ou les chaussures de marche) entre la cellule et la cabine etc etc. Après s'être (consciencieusement) essuyé avec une serviette-éponge, on enfile quelques vêtements de rechange et on prépare une infusion que l'on savoure confortablement installé sur le canapé du salon en regardant, par la fenêtre, la pluie tomber...
Journal poétique (extrait)
Parmi les pierres ruisselantes de pluie
Et le parfum enivrant de la terre
Au milieu des arbres séculaires
A même le sol mouillé ; l'âme et les pieds nus
Au fond des bois ; là où les hommes et le temps ne pénètrent plus
Le visage fouetté par l'averse et le vent
Et le cœur déjà au ciel ; bien à l'abri
Goûtant par l’œil et la peau la grandeur – et la beauté – du spectacle
Orages d'été : entre étuve et inondation – le dilemme
En été, la roulotte se transforme (assez rapidement) en fournaise. Aussi a-t-on l'habitude de laisser les portes(1) et les fenêtres ouvertes jour et nuit (les fenêtre latérales et les lanterneaux). Mais la situation devient problématique lorsque surviennent les orages d'été – en particulier la nuit(2). En effet, si on laisse les baies ouvertes, la cellule peut être inondée en quelques minutes(3)(4) et si l'on décide de les fermer, l'atmosphère devient (très) vite irrespirable(5).
(1) Durant les nuits les plus chaudes(lorsque les températures nocturnes ne descendent pas au-dessous de 20°C), la porte de la cellule est laissée ouverte. On fixe alors à l'entrée une sorte de grille en bambou(constituée de 2 longs bâtons verticaux et de 5 bâtons placés horizontalement fixés ensemble à l'aide de boulons et d'écrous papillon) pour permettre à l'air de circuler à l'intérieur sans être importuné par d'éventuelles intrusions importunes (humaines ou animales).
(2) période de la journée où l'on est censé dormir...
(3) en particulier, en cas de fortes pluies
(4) Les jours de pluie intermittente, on passe la journée à ouvrir et à fermer la porte et les lanterneaux. 5 fois, 10 fois, 20 fois, 50 fois en l'espace de quelques heures. Comme si l'on était investi d'une vocation temporaire ; à la fois groom et gouvernante qui assurent la protection et la bonne tenue de la maison...
(5) On étouffe littéralement – et laisser les fenêtres entrebâillées s'avère insuffisant pour que l'air circule de manière satisfaisante
Face à ce dilemme(1), on a opté pour une solution en demi-teinte (mais qui a fait ses preuves(2)) : on accroche (à l'aide de pinces serre-joint) un large carré de toile cirée (transparente(3)) aux extrémités de chaque baie vitrée(4) (baies latérales et lanterneau principal) sur lequel on place deux aimants pour éviter que le vent ne le soulève. Ainsi peut-on laisser les fenêtres ouvertes sans que la pluie entre à l'intérieur...
(1) Seuls ceux qui ont vécu (même de manière temporaire) dans un véhicule en été – camion – camping-car, roulotte ou caravane – peuvent comprendre « l'enjeu » de cette problématique ; ça n'a l'air de rien... Et pourtant...
(2) même en cas de fortes pluies ; même lorsque le vent se met à souffler
(3) pour conserver, pendant la soirée, un peu de luminosité et une visibilité sur l'extérieur...
(4) soit 3 morceaux par baie, le premier disposé sur le côté gauche, le deuxième sur le côté droit et le dernier faisant la jonction entre le premier et le deuxième.
Journal poétique (extrait)
Si fugace ; le temps du monde
La durée de la terre ; de la chair ; des noms que l'on célèbre
Des nuées de visages et de choses ; sous la voûte sombre ; sous le soleil sans écart
L'instant (à peine) d'un orage d'été
La hantise de l'infiltration
Lorsque la pluie tombe (forte et drue) durant plusieurs heures ou lorsqu'il pleut à verse (sans discontinuer) pendant plusieurs jours, une crainte (légitime) traverse la tête du nomade ; celle de l'infiltration ; l'eau qui s'insinue par les baies ou à travers des joints défraîchis peut, en effet, inonder l'intérieur de la cellule et/ou faire pourrir la structure en bois de l'habitacle(1).
La hantise du nomade(2) !
(1) à ce titre, les concessionnaires de camping-cars conseillent de réaliser, chaque année, un test d'étanchéité de la cellule (à l'aide d'un testeur d'humidité) afin de détecter d'éventuelles infiltrations et d'y remédier au plus vite...
(2) et d'un bon nombre de camping-caristes !
Journal poétique (extrait)
La pluie sur la peau
L'âme qui s'éveille – peu à peu – au froid et à l'humidité
A trembler sous les coups des hommes – sous les coups du temps
Au cœur des braises – au-dedans ; le cœur qui se soulève – noirâtre ; prêt à renaître du dessous des cendres ; et à recommencer
La tête tournée vers l'embellie plutôt que vers le rêve
17h45 – 18h15 séance d'écriture (retranscription des notes de la veille)
On sort notre carnet d'écriture, on en détache les pages écrites la veille (et parfois les jours précédents). On allume l'ordinateur et on commence à retranscrire – mot après mot – phrase après phrase – un œil sur la feuille manuscrite et l'autre sur l'écran et le clavier.
Notes de la forêt
Dans notre paume ; la ligne et la feuille ; le destin du carré blanc et la destinée de l'âme ; que chaque pas, en ce monde, dessine. La joie (humble et sans exubérance) du solitaire qui marche – guidé par la main qui le porte ; et par un cœur – une sensibilité – qui dessine, peu à peu, l'itinéraire.
Journal poétique (extrait)
Des lignes ; pour personne
Sous les yeux du monde – pourtant ; si loin de la danse
Au cœur de notre chambre – mobile – ouverte à tous les vents ; roulotte sur les chemins ; le destin désincarcéré ; en dépit des apparences ; en dépit de l'étroitesse de la matière
Et alentour ; et plus haut ; et partout – l'invisible ; dans toutes les profondeurs
Au milieu des existences aux chaînes brisées
Rien d'une surprise (bien sûr) ; l'être à travers toutes ses possibilités
Journal poétique (extrait)
A l'âge de la rouille
Les yeux écarquillés ; la parole infirme
Des larmes de joie ; là où l'être se repose
Vivant (si vivant) ; le feu à l'intérieur
Pour soi seul ; à présent
Au seuil de l'autre monde
Ivre de ces lignes bleues que d'une main légère – que d'une main joyeuse – le ciel dessine ; quelques signes – quelques traces – qui caressent – effleurent à peine – la terre – ces rives isolées où nous vivons
18h30 Trouver un lieu pour passer la nuit
Il arrive (pour mille raisons possibles(1)) que l'on ne puisse passer la nuit à l'endroit où l'on s'est stationné durant la journée. Il nous faut donc reprendre la route pour trouver un lieu de bivouac plus approprié(2).
(1) lieu trop visible, trop bruyant, trop fréquenté, trop pentu etc etc
(2) repéré le matin en camion, repéré lors de la balade quotidienne, repéré sur la carte ou qu'il nous faut trouver au hasard de la route
La carte de la région dépliée sur la table, les lieux déjà visités marqués d'un point*, on jette un œil attentif à la zone non encore explorée à la recherche d'une piste forestière.
* Légendes qui permettent, en un coup d’œil, de voir tous les lieux où l'on a passé la journée et/ou la nuit, les villages et hameaux qui n'offrent aucune possibilité de stationnement diurne et/ou nocturne, les lieux découverts et non encore explorés etc etc
Notes de la forêt
Et dans le dégradé de verts de la carte ; l'invitation au voyage – à l'exil – à la découverte. L'appel des profondeurs et de la solitude ; l'exploration de nouveaux horizons. A l'altitude qui convient.
Immersion forcée en territoire humain
Il nous arrive parfois de ne trouver aucun lieu désert, aucun lieu sylvestre, aucun lieu à l'écart du monde pour passer la nuit*. On doit alors se résigner à trouver une place sur un parking ou dans une rue, au cœur d'un village. Et on se gare là, au milieu des voitures, stores baissés – rideau occultant tiré entre la cellule et la cabine – en nous faisant le plus discret possible. Les dimensions relativement réduites de la roulotte (guère plus longue qu'une grosse berline ou qu'un pick-up) nous permettent de nous garer à peu près n'importe où.
* en particulier en hiver lorsque les chemins forestiers sont boueux et/ou peu praticables
Et de l'extérieur, le camping-car ne jure pas (outre mesure) au milieu des voitures et des camionnettes environnantes – il s'insère (sans trop dépareiller) dans le paysage villageois. Malgré l'éclairage à l'intérieur de la cellule, aucune lumière n'est perceptible du dehors. Le camion semble inoccupé comme si ses propriétaires l'avaient déserté pour aller passer la nuit chez des parents ou des amis qui habitent l'une des maisons alentour...
Journal poétique (extrait)
A notre place ; en retrait – touché par le silence
Sans résistance face à ce que l'on ne reconnaît pas
Le soleil joyeux dans le sang
A deux pas de l'enfance ; le regard – émerveillé
Le ciel serré contre soi
Observer le monde
La cellule du camion constitue un poste d'observation du monde – forestier – animalier mais aussi humain. Ainsi lorsqu'il nous arrive de nous stationner dans un village, sur un parking de départ de randonnées ou, plus rarement, sur une aire de loisir (parc, lac etc), l'occasion nous est donnée d'observer, depuis la table de travail ou installé sur la banquette arrière du coin salon, le comportement des hommes. Sans véritable surprise...
En général, le « bipède moyen » se montre autocentré, porté à défendre ses intérêts (et ceux de sa famille ou de sa communauté), il semble peu soucieux des autres humains (et moins encore de l'environnement, des animaux et des végétaux), il aime bavarder (de tout et de rien – et pendant des heures) avec ses congénères et il paraît apprécier les barbecues, l'alcool, la musique et les loisirs (farniente, apéro, pétanque, partie de foot, moto cross – selon l'âge et les goûts). Il fait preuve d'une indifférence à l'égard de (presque) tout ce qui n'est pas lui, suit son mouvement (comme une pierre suit sa pente) sans s'occuper du mouvement des autres (excepté si ce mouvement vient perturber, freiner ou arrêter le sien)...
Et depuis quelques années, il ne semble pouvoir se défaire d'un petit objet rectangulaire* qui accapare ses doigts, ses yeux et sa tête de façon quasi permanente – oubliant que le moteur de sa voiture tourne – que ses enfants se sont éloignés de l'aire de jeux – que son chien l'attend depuis 1/4 d'heure – qu'il existe un monde avec des êtres et des choses réels...
* qui l'accompagne en tous lieux et à toute heure du jour et de la nuit
Voilà un portrait peu flatteur... mais est-il si éloigné de la réalité ? Certaines caractéristiques sont-elles exagérées ? Il semble, malheureusement, assez conforme à ce qu'est l'homme contemporain...
Ralph Waldo Emerson
« Le profond aujourd'hui que tous les hommes dédaignent, la riche pauvreté que tous les hommes haïssent, la solitude peuplée, toute aimante, que les hommes abandonnent pour le bavardage des villes. »
Haïku
« On s'affaire, on s'affaire
pour chercher quoi
au juste ? »
Journal poétique (extrait)
La garde – les poings serrés – abandonnés ; les genoux au sol ; inutile toute forme de résistance – toutes nos fiertés – après tant de soustractions
L’œil-vigile pourtant ; pas dupe (jamais dupe) des filouteries de ce monde
Là où les flèches sont tombées ; comme tant de royaumes – dans cette sordide pénombre
De la boue façonnée sur la pierre ; légèrement érigée ; sans exception – sans lumière
Sur ces rives où seule compte la chair
A quelques pas de l'or – pourtant ; ce qui brille dans l'invisible
Journal poétique (extrait)
Introuvable ; l'oasis des aveugles
La tête criblée de rêves et d'étoiles ; aussi longtemps que les yeux puiseront dans la terre ; aussi longtemps que l'or sera la seule richesse du monde
De quoi vivre un peu ; survivre grâce à la chance et au labeur
(Presque sans regret) ; dans l'inconscience de son infirmité
18h45 On installe un petit tapis élimé entre le coin salon et les sièges de la cabine. On y pose notre séant – jambes croisées en demi-lotus – pendant quelques instants (manière de « vider l'esprit » et de retrouver une connexion plus fine – et plus intense – avec le corps et l’environnement). Puis, on effectue quelques exercices corporels(1) (assez élémentaires) que l'on complète, en fin de séance, par 2 ou 3 postures de yoga(2).
(1) entretien des muscles du buste et des bras pour compléter le travail musculaire naturel des jambes réalisé au cours de la marche quotidienne
(2) que l'on pratiquait assidûment autrefois ; aujourd'hui on se limite aux postures dont on apprécie particulièrement la beauté et les effets plaisants (et bénéfiques)...
Entretien et aguerrissement du corps et de l'esprit
Ces exercices physiques sont pratiqués (bien sûr) pour l'entretien (musculaire) du corps, mais ils nous permettent également de satisfaire notre goût pour l'effort, notre besoin de dépassement(1) et notre appétence pour la martialité ; une manière d'affermir le corps et d'aguerrir l'esprit (une partie de l'esprit) qui (nous) semble nécessaire pour faire face au monde – à la part la plus hostile du monde – et contrebalancer, peut-être, notre grande sensibilité(2).
(1) aller toujours un peu au-delà de ses possibilités...
(2) la « dimension féminine » de notre esprit que nous avons appris à chérir (et à remercier) au fil des années...
Journal poétique (extrait)
Le vivant ; ce qui existe ; dans nos murmures
En nous ; entre le bruissement et le chaos
D'une heure à l'autre ; d'un siècle à l'autre
Sur le fil qui serpente entre les mondes (qui se chevauchent et se prolongent)
Sur la roue obscure qui mêle la terre et les pas ; le ciel et la lumière
Et là – quelque part – la possibilité d'un passage ; la possibilité du retour
19h – 19h15 préparation du repas de Bhagawan
On sort les casseroles, une flopée de boites qui contiennent les divers ingrédients qui composent son repas* (viande, abat pour le jus, pâtes, haricots verts), quelques croquettes, divers ustensiles culinaires (ciseaux, louche, passoire, balance alimentaire, couvercles de casserole). On met les ingrédients à cuire dans un peu d'eau et l'on surveille, d'un œil attentif, la cuisson.
* ses problématiques de santé nous contraignent à lui administrer divers médicaments mais aussi à préparer des rations ménagères équilibrées et adaptées...
Haïku
« Du panier en osier
monte le parfum
des pommes sauvages »
19h45 – 19h55 préparation de notre repas
Après le repas de Bhagawan, on s’attelle à la préparation* du dîner qui consiste, le plus souvent, à réchauffer un fond de boîte de conserve, quelques féculents (préparés pour plusieurs jours) et une moitié de steak végétarien.
* beaucoup plus rapide
20h – 20h15 dîner.
Au menu
Un demi-steak de soja avec des haricots verts et des pommes de terre, un bout de fromage, une ½ banane, 2 biscuits*, 2 carrés de chocolat au lait et une ½ pomme.
* A l'heure du dessert, Bhagawan a également droit à quelques friandises ; une madeleine émiettée ou une part de quatre-quarts présentée dans une petite coupelle en verre
Haïku
« Je lève ma coupe
face
à la montagne du sud »
Régime alimentaire
Les menus ne varient guère(1) au fil des jours – au fil des saisons. De temps à autre, la confiture de fraise remplace la confiture de prune, le riz alterne avec les pommes de terre ; les concombres avec la salade ; et le seitan(2) s'invite, parfois, dans l'assiette à la place du tofu...
Régime quasi végétalien (et végétarien depuis plus de 20 ans). Par conviction ; un choix qui s'est brutalement imposé(3)...
(1) Au cours de la saison hivernale, on se livre parfois à la confection de quelques plats inhabituels ; poêlée de châtaignes (ramassées au cours de nos balades), préparation de compotes etc etc
(2) Gluten de blé
(3) On n'a jamais eu beaucoup d'appétence pour la nourriture. Et, au fil des années, cette inclination s'est renforcée...
Han Min Yimg
« Le chant des oiseaux, le cri des insectes, ouvrent l'esprit au sens du vrai ; le Tao se révèle dans les fleurs et les herbes. L'homme éveillé trouve en toutes choses sa nourriture. »
Journal poétique (extrait)
Chaque jour comme un surcroît de ciel
Sous l'étoile montante ; la terre claire
Sur le seuil ; comme l'arbre et la fleur
A la jonction des invisibles
La chair simple ; et le rouge au cœur
Repas méditatif
Manger en silence face au monde dans la quiétude crépusculaire
Notes de la forêt
Le plus sacré du silence ; sans la moindre dissipation. Dans les profondeurs et l'effacement.
Notes de la forêt
A la table des géants ; le festin invisible. La fête silencieuse ; et rien de l'estomac. Le cœur plutôt apprêté pour le rire ; sans parure ; oublieux de tout ce qui n'est pas la joie.
Un départ précipité
Il y a quelques semaines, après plusieurs jours passés au même endroit – en pleine forêt – dans une large et belle clairière, on a dû se résoudre à quitter les lieux (un peu précipitamment) en début de soirée(1). Alors que l'on s'apprêtait à passer à table, 4 ou 5 voitures(2) sont arrivées en trombe (moteurs vrombissants, dérapages et musique tonitruante) et, après quelques « tours de piste », se sont arrêtées à quelques mètres du camion. Les occupants en sont descendus pour s'installer un peu plus loin – avec au programme (réjouissons-nous des festivités!) ; feu de bois, barbecue, partie de foot, partie de pétanque, rires et éclats de voix sur fond sonore musical assourdissant et ininterrompu. Comprenant que cette bande de joyeux drilles allait passer la soirée (voire, peut-être, une partie de la nuit) à proximité de notre bivouac, on a transvasé le contenu de la poêle dans une boîte, on a verrouillé les placards, on a fermé les baies et on est parti sans demander son reste(3).
Voilà aussi à quoi peut ressembler la vie nomade ! Se tenir prêt à partir dans l'instant...
(1) aux alentours de 20h-20h15
(2) chacune occupée par 3 à 4 jeunes
(3) aussi naturellement et discrètement que possible...
Charles Baudelaire
« Si tu peux rester, reste, pars s'il le faut. »
Journal poétique (extrait)
Des cris lancés contre le ciel ; à peine quelques échos – quelques éclaboussures ; malgré la chair déchiquetée
Aux commandes ; Dieu – des mains – des forces – personne
Aucune tête sous la couronne
De la neige et du vent ; ce qui habille et dénude ce monde
Des gueules ; de la glaise industrieuse et fertile
A bouffer encore du sang noir ; de la bave au coin de la bouche
Sous un déchaînement de violence et de hourras ; des larmes et des rires
Une partie de la fange se flagellant ; et l'autre essayant de se défiler ; essayant de se faufiler entre les hurlements et les substances ruisselantes pour échapper aux massacres et à la mascarade
Ici ; en ce pays où l'on se pense flamboyant ; grand(s) seigneur(s) ; les mœurs vulgaires – l'usage prosaïque – l'instinct vengeur – (bien) plus sûrement
Journal poétique (extrait)
Encore du bleu ; sans compter depuis quand ; sans compter les jours qu'il (nous) reste
Grandissant ; à travers les épreuves ; à travers tous les adieux
Si seul – à présent – que le cœur s'enfle – se gonfle – efface ses contours – agrandit son territoire – embrasse le monde – absorbe l'espace ; comme une bête en train de muer ; de l'intérieur – la métamorphose
Devenu si sensible que les larmes ont remplacé le sang ; et cette tendresse que pulse le cœur
Et la pierre inondée ; comme pour laver tant de tueries – de massacres – de cruauté ; des siècles – des millénaires – sanguinaires – cannibales – dévastateurs
Du rouge à la transparence pour faire voler en éclats l'horreur et la bestialité – s'éloigner des âmes barbares et instinctives ; échapper à l'inconscience de ce monde
Journal poétique (extrait)
Éprouvé par l'ébranlement du monde
Parmi les choses ; l'éclosion de l'infini
A marche forcée ; ponctuée de haltes et de meurtrissures
Le jeu de l'indignité ; (presque toujours) en faveur de l'offense – de l'avanie
Du côté de la nuit et du bannissement
Condamnés – sans même que nous le souhaitions – à la naissance – à la mort – aux saisons ; et, à terme, à l'acquittement – à la suppression du temps – au triomphe de l'étendue et de l'effacement
L’œil ; et le visage – déjà bleuis par le ciel
Partout chez soi, nulle part chez soi
Ne pas céder (ne jamais céder) à la tentation de l'installation. Ne pas s'approprier un lieu dont la tranquillité et/ou la beauté ravive « nos vieux instincts » d’accaparement...
Combien de fois s'est-on laissé surprendre par cette « mentalité de propriétaire » ; maugréant et dévisageant le moindre pékin traversant ou stationnant sur « notre territoire » provisoire...
De passage ; éternellement de passage...
Simple passant (bien sûr)...
« Partout chez soi, nulle part chez soi » comme le dit l'adage des voyageurs.
Journal poétique (extrait)
Là – ailleurs – dans l'abondance du présent
L'âme courbe ; et la main tendue
La voix qui enfle ; qui serpente entre les bruits
Sans erreur possible
A cet instant ; au-delà des mondes ; au-delà de l'imaginaire
A la fois ancré dans le silence et le feu
Sans doute – inexistant
Lieux-refuge
Par définition, le mouvement caractérise la vie nomade. L'ermite itinérant ne cesse de changer de lieux – arpentant, jour après jour, les routes et les chemins. Il peut néanmoins éprouver, de temps à autre*, le besoin de faire une halte – de s'octroyer « une pause » – dans son incessant périple.
* et pour mille raisons possibles
Et il n'est pas rare qu'il dispose de ce que l'on pourrait appeler « des lieux-refuge », quelques endroits où il se sent particulièrement à son aise – où il a le sentiment d'être « comme à la maison » ; des endroits découverts lors de ses pérégrinations ou un terrain prêté(1) par un.e ami.e ou un membre de sa famille ; un lieu où il peut s'installer pendant quelque temps(2) ; une manière de « se poser » comme on le dirait d'un oiseau migrateur, une manière de « souffler un peu » comme on le dirait d'un voyageur lancé dans une longue course.
(1) ou mis à disposition
(2) pour quelques jours ou quelques semaines, quelques mois – si nécessaire
Malgré la grande beauté de ce mode de vie, il est indéniable que le nomade doit maintenir, jour et nuit, une forme de vigilance minimale(1)(2) – en particulier lorsqu'il vit seul(3). Exposé de manière (quasi) permanente au monde, l'esprit et le corps conservent une (très légère) tension. On reste donc aux aguets ; on regarde, on écoute (on évalue les bruits), on repère, on jauge et calcule (instinctivement) les risques et les possibilités. Et l'ermite itinérant peut occasionnellement(4) ressentir le besoin de s'accorder un intermède dans un espace « parfaitement » sécure où il pourra se détendre corps et âme...
(1) Vigilance adoptée par la très grande majorité des animaux sauvages (à l'exception, peut-être, des prédateurs les plus imposants). Tous, en effet, restent sur le qui-vive, prêts à faire face ou à s'enfuir, prêts à lutter et à défendre leur peau si nécessaire...
(2) Seul l'homme moderne* qui a, peu à peu, neutralisé l'essentiel des dangers et des menaces de son environnement (autres prédateurs, affrontements inter et intra-spécifiques, risques pathogènes etc etc) peut fermer les yeux (dans tous les sens du terme) et se laisser gagner à la torpeur. Ce qui semble assez commun et répandu en ce monde. Et force est de constater que ce relâchement a engendré chez l'homme une sorte d'assoupissement permanent – une sorte de somnolence constante – un état peu enviable, peu propice à vivre et à ressentir la vie (et le vivant) avec force et intensité et peu favorable à l'attention (et à la disponibilité affûtée) que requièrent la découverte (et l'exploration) de l'espace et des richesses que l'on porte à l'intérieur...
* ainsi que les animaux de compagnie qui vivent en ville
(3) contrairement à d'autres voyageurs qui vivent à plusieurs, en famille ou en clan, et qui peuvent donc s'appuyer sur la vigilance des autres, l'ermite itinérant ne peut, en effet, compter sur personne (sinon sur son attention, son intuition et son discernement ainsi que sur la vie, sur ce qu'il porte et sur la confiance qu'il leur témoigne)...
(4) très occasionnellement
Haïku
« Allègre
dégagé des affaires du monde
ici, enfin, libre »
Premier lieu-refuge
Une large clairière sur un chemin de terre et de pierres – une impasse d'environ 2 km au milieu d'une forêt clairsemée (essentiellement des chênes verts et des érables de Montpellier) – fréquentée uniquement l'hiver par les chasseurs. Les villages alentour se situent à 5 ou 6 km. On y séjourne, en général, au printemps et en été*.
* Pendant plusieurs mois, nous y avons passé toutes nos nuits (on était contraint de rester dans la région pour effectuer des analyses bimensuelles auprès du vétérinaire qui s'occupe de Bhagawan). Pour rester discret (et éviter de se faire repérer par d'éventuels promeneurs), on quittait les lieux après le petit déjeuner, vers 9h30 – 9h45 pour passer la journée dans les environs (en changeant de spot diurne assez régulièrement – et tournant ainsi, pendant plusieurs mois, sur une vingtaine de lieux différents) et l'on revenait le soir vers 19h en prenant soin qu'aucune voiture ne nous suive ou ne nous croise avant de nous engager sur la piste de terre. Un lieu, une zone et une région que nous connaissons relativement bien (et dans laquelle on se sent un peu comme chez soi).
Journal poétique (extrait)
La terre – au milieu des étoiles ; comme un bain d'enfance
Encore la nuit ; malgré la couleur – la lumière
Et ce bleu ; sous les arbres
A l'abri des lourdeurs humaines ; des horizontalités trop grossières
Un anneau à chaque doigt
Et le cœur au fond du regard ; à mesure que les noms deviennent fenêtre ; à mesure que l'espace remplace le monde – la fièvre – le rêve ; à mesure que disparaît l'écume
Deuxième lieu-refuge
Un lieu cryptique – dissimulé dans la forêt – à l'écart de la piste forestière. Un endroit que l'on affectionne particulièrement ; caché – désert – pas (ou très peu) fréquenté – un ou deux randonneurs tous les 2 ou 3 jours. Des pins (douglas) – quelques hêtres et quelques bouleaux. Un ruisseau sous les frondaisons. Juste la place pour poser la roulotte. Une foison de chemins pédestres à proximité (mais pas trop près du lieu de bivouac). Du silence, une ambiance et des odeurs sylvestres, plongé (véritablement) au cœur de la forêt. Accessible par une piste carrossable (mais assez cabossée) d'environ 4,5 km. Un petit paradis que l'on fréquente de temps en temps et sur lequel on reste toujours plusieurs jours...
Journal poétique (extrait)
En ces lieux ; l'invisible
Des mots – des seuils ; le soleil
Qu'importe ce qui guide les pas ; et la parole
Penché(s) sur le temps qui passe ; comme une eau intarissable
Et la nuit ; et ce qui nous relie
Comment pourrions-nous l'oublier
Troisième lieu-refuge
Au fond d'une impasse mal goudronnée (de quelques kilomètres) au cœur d'un hameau abandonné (3 ou 4 habitations relativement bien conservées). Au sommet d'une étroite colline – la roulotte posée à proximité d'un chemin de terre (herbacé et caillouteux) fréquenté occasionnellement par quelques promeneurs* (habitant les hameaux alentour) – entre deux bâtiments en ruine et un vénérable noyer – entouré de friches et d'anciens vergers. A bonne distance de la route qui traverse le massif forestier. Lieu que l'on fréquente de manière régulière lorsque l'on est de passage dans la région.
* que nous saluons avec courtoisie lorsqu'ils passent devant la roulotte et avec lesquels il nous arrive, parfois, d'échanger quelques mots
Journal poétique (extrait)
Dieu ; plus intensément
Autant que l'âme et la matière
La terre si haut perchée ; le ciel si accessible
Plus ni exil ; ni étrangeté
L'étreinte – le silence – l'origine
Dernier lieu-refuge
Un terrain familial que l'on utilise en cas de nécessité ; une sorte de pied-à-terre – un endroit où l'on peut déposer sa roulotte, effectuer de menus travaux qui nécessitent une immobilisation du camion pendant quelques jours ou qui imposent que l'on passe la nuit hors de la cellule*.
* pour éviter, par exemple, les odeurs et la toxicité de certains produits lorsqu'il nous arrive de peindre ou de vernir le mobilier « fait maison »
Journal poétique (extrait)
Au pays du monde ; des arbres haut comme des collines
Et nos espiègleries (enfantines) ; et nos (interminables) parties de cache-cache avec ceux qui se tiennent debout ; dans le bruit et la prétention [et qui nous prennent pour leur congénère]
Et notre souci de vivre comme les bêtes ; aussi loin des hommes que possible
Dans le désordre des pierres – le tumulte tranquille du temps ; et le parfum (enivrant) des fleurs sauvages
Comme un refuge – un repos – un sanctuaire – fragiles et passagers ; un retour à la terre natale
20h30 – 20h45 vaisselle
Le repas achevé, on pose la poêle et les couverts* dans l'évier, on essuie la table et le plateau et l'on s'attelle au nettoyage des divers ustensiles de cuisine en prenant soin d’utiliser l'eau avec parcimonie.
* après les avoir soigneusement essuyés à l'aide d'un papier essuie-tout
Une micro pollution quotidienne(1)
Lorsque l'on vit en roulotte dans les bois, on ne dispose (bien sûr) de tout-à-l’égout. Une fois la vaisselle terminée, il nous faut jeter(2) au-dehors les eaux grises du jour(3). On déverse donc le contenu de notre cuvette (soit environ 2 litres d'eau) à quelques mètres du camion(4) – et, si possible, sur un espace vierge d'herbes et de plantes (pour ne pas les endommager avec certains composants irritants)
(1) en plus du gazole utilisé...
(2) On pourrait les stocker dans la cuve d'eaux grises fixée sous la cellule mais cela nous contraindrait à fréquenter plus régulièrement les aires de camping-car qui disposent d'un lieu dédié à cette vidange...
(3) Les eaux grises de la vaisselle (2 litres d'eau avec un peu de liquide vaisselle 100% biodégradable) et les eaux grises de la douche (environ 2 litres d'eau avec un peu de savon 100% bio)
(4) loin de tout cours d'eau (bien sûr) : ru, ruisseau, rivière
Journal poétique (extrait)
Pierres et visages – sous le ciel haut et cru
Un peu de bruit ; ce qui bouge
Étrangement attiré(s) par les étoiles
La matière ; obscurément
La réserve d'eau
200 litres répartis dans une cuve de 100 litres et 5 bidons de 20 litres auxquels s'ajoutent le bac du filtre à eau (environ 5,5 litres) et quelques bouteilles d'eau en réserve...
De quoi tenir approximativement 3 semaines (un peu moins en été*)
* période au cours de laquelle on s'hydrate davantage.
Cette autonomie nous évite de nous aventurer, de manière trop fréquente, dans les cimetières (presque tous dotés d'un robinet) et les aires réservées aux camping-cars*
* aire destinée aux voyageurs qui met à leur disposition (gratuitement le plus souvent) un robinet d'eau potable, des prises électriques (pour se raccorder au réseau si nécessaire) et un lieu pour déverser les eaux grises et les eaux noires
Le réapprovisionnement s'effectue, en général, à l'aide d'un bidon de 20 litres(1) ou d'un arrosoir(2). Et l'on essaie (autant que possible) de se ravitailler à des heures où nos congénères désertent l'espace public(3)...
(1) En faisant la vaisselle ou en prenant sa douche, on ne peut oublier le labeur (souvent long et fastidieux) que nécessite le remplissage de la cuve et des jerricans, et l'on est (beaucoup) plus enclin à utiliser l'eau avec parcimonie...
(2) selon la hauteur entre le sol et le robinet et la discrétion que nécessitent les lieux – plus ou moins habités ou fréquentés
(3) en début d'après-midi ou après la tombée de la nuit
On s'astreint également à se réapprovisionner sur la route – dès que l'occasion se présente* (robinet en libre service derrière une salle polyvalente – derrière une mairie – en passant devant un cimetière ou à proximité d'une aire de services pour camping-cars déserte etc).
* L’œil du nomade s'aiguise au fil de son périple – au fil de son expérience. Étonnante et remarquable devient sa capacité à repérer un point d'eau, des poubelles pour les ordures, pour le verre, pour les déchets recyclables, un endroit pour se poser durant la journée, un lieu à l'ombre, un lieu pour passer la nuit etc etc
Journal poétique (extrait)
L'épreuve du vide ; au cœur de l'abîme
Et toute chose considérée comme une charge – un encombrement
Dans le silence nu des pas qui tâtonnent ; sur le fil tendu entre le temps et l’absence de temps
Au-dessus (bien au-dessus) du royaume des hommes ; là où le vent s'avère un allié crucial et dangereux
Le destin et la mort ; en équilibre – sur le balancier
Si loin du sommeil – de l'écume – de l'imposture
En ce lieu où règne – en souverain solitaire – l'oubli
Journal poétique (extrait)
Au soir assagi ; le mouvement encore
En amont de toutes choses
Au cœur de l'opposition des forces ; de ce qui se heurte avec violence
Sans cri – sans douleur – sans étendard
L'amoncellement du feu et du vent qui (perpétuellement) ruissellent
Dans le sillage de l'eau ; le vide creusé – en relief
La matière du jour et la matière de la nuit ; se précipitant
Dans la danse tempétueuse
L'accord parfait à même le chaos ; pas moins réussi que la ronde des Dieux
Trouver de l'eau potable en hiver
En hiver, les points d'eau potable se raréfient drastiquement (mise en hors gel dans la plupart des communes) ; il faut donc faire preuve d'ingéniosité et/ou d'audace ; repérer les toilettes publiques non fermées avec lavabo(1), les fontaines de certains villages où l'eau coule à flots (même en hiver), les imposantes fontaines vertes en fonte (qui, en général, restent ouvertes) et les rares aires de camping-car dont la borne(2) continue de fonctionner durant la saison froide, ou, pour les plus téméraires, déplacer la dalle de béton qui donne accès à la trappe souterraine du robinet d'alimentation d'eau dans les cimetières et les aires de camping-car suffisamment isolés afin de pouvoir utiliser le robinet extérieur (sans oublier, bien sûr, de remettre le système hors gel après utilisation).
(1) en utilisant un court tuyau pour faire la jonction entre le robinet et l'arrosoir
(2) borne composée de 2 robinets – un pour l'eau potable et l'autre pour nettoyer la cassette des toilettes chimiques utilisées dans la très grande majorité des camping-cars
Journal poétique (extrait)
Comme effacé par la lumière et le mouvement
Sans ombre – sans écho ; un (simple) ruissellement – une (parfaite) dissolution
Sous des yeux stupéfaits ; cet étrange bouleversement
Une sobriété joyeuse
Une sobriété (très) joyeuse(1). On consomme peu d'eau (5 litres pour boire et faire la cuisine, 2 litres pour la vaisselle et 2 litres pour la douche, soit moins de 10 litres par jour). On consomme peu d'électricité(2) (le strict nécessaire pour recharger nos outils de travail et s'éclairer). Seul bémol, le gaz qui permet de faire fonctionner le réfrigérateur, le chauffe-eau et les feux de la gazinière : environ 1 bouteille de 15 litres de propane par mois.
(1) et des gestes en conscience...
(2) voir la rubrique « le dispositif électrique »
Journal poétique (extrait)
Le trésor ; et le surcroît
Au plus bas du monde
Au plus près de l'âme
Au fond du plus rien – en quelque sorte
Et ce qu'il (nous) a fallu abandonner pour y descendre – s'y retrouver – s'y rejoindre
Un travail de titan (pour l'homme – si familier des ajouts – des accumulations – des amoncellements)
Jusqu'au dernier geste soustractif ; et moins encore
Journal poétique (extrait)
Dans la transparence discrète de l'effacement
Sous l'arbre ; la main posée
En ce lieu d'exil ; à l'écart de ce qui se gonfle d'orgueil
Le cœur à deux doigts du bleu
Distance, refus, accueil, douleur et inconfort
Quelques problèmes de santé nous astreignent à une prise de médicaments quotidienne. Ces défaillances corporelles engendrent, de manière cyclique et régulière, un inconfort qu'il nous faut accueillir – qu'il nous faut accepter.
A l'instar des événements qui peuvent nous blesser (ou nous attrister) et des émotions (ou des sentiments) désagréables qui peuvent nous traverser, il convient de faire corps – d'être un – avec ce que nous vivons et expérimentons.
En réduisant la distance* avec la sensation, l'émotion ou l'événement déplaisants, on parvient assez aisément à s'unir avec ce qui nous semble fâcheux, incommode ou désagréable ; un peu comme comme si nous l'absorbions – comme si nous l'intégrions – pour que ce qui nous semble extérieur devienne partie intégrante de ce que nous sommes ; et la difficulté ressentie cesse (presque aussitôt) d'être difficile à vivre – le problème cesse d'être problématique...
* jusqu'à nous coller contre ; peau contre peau en quelque sorte...
A l'inverse lorsque nous nous arc-boutons sur notre refus de vivre ce qui se présente ; lorsque nous essayons de mettre l’événement (la sensation ou l'émotion) à distance ; lorsque nous résistons à ce qui est là – en le considérant comme un corps étranger à combattre – ce que nous refusons se renforce et devient encore plus difficile à vivre...
Notes diverses
Est ce qui est ; et l'on devient ce qui est – sans le moindre écart.
Journal poétique (extrait)
La terreur accréditée ; et la terre (étonnamment) consentante
Irrépressiblement la proie
Que le regard et le souffle s'habitent ou qu'ils fassent défaut
Perdu(s) à jamais ; dans la trame des chemins ; et la cendre à venir
Sans retour possible ; sans même la possibilité d'un ailleurs
Journal poétique (extrait)
Comme des bêtes dispersées par l'orage ; et que l'aube appelle
Au milieu des rêves ; comme déposées
Assis – vagabond ; par-dessus le chaos ; là où tout s'avance – là où tout ébranle ; jusqu'à la plus parfaite familiarité
Accueillir : le « oui » à la vie
On ne refuse rien de ce qui est donné à vivre. Nos préférences* n'ont pas disparu mais elles s'effacent (presque) toujours face aux circonstances (face à ce qui s'offre – face à ce qui s'invite – face à ce qui s'impose).
* Il est assez naturel de préférer être en bonne santé plutôt que malade ; et selon ses goûts et sa sensibilité, on préfère le pamplemousse aux myrtilles, l'été à l'hiver, vivre dans les collines boisées plutôt que dans une grande ville etc etc
Journal poétique (extrait)
Comme sommeillant à la lisière du temps
Sous le ruissellement (perpétuel) de la lumière
Le reflet dansant de l'enfance
Comme un rêve ; un flot d'images astreintes à la mobilité
Une foule d'ombres (en fait) sans pourquoi
Des regrets et des cruautés
Ce que nous n'avons su éviter
Journal poétique (extrait)
Au-delà des pas hasardeux ; ces parts de ciel accessibles ; lorsque le temps et l'horizon se resserrent ; lorsque la route se rétrécit ; lorsque les choix n'en sont plus – deviennent d'impératives nécessités
Ce qu'il y a ; ce qui demeure – sous les ruines – le sol craquelé
20h45 – 21h Rituel vespéral
Modeste présent
Offrande journalière* à nos amis des bois ; miettes de repas mais aussi « friandises » à l'intention des fourmis, des belettes, des martres, des renards et des sangliers.
Une manière de compenser notre « intrusion » sur leur territoire ; malgré notre discrétion et notre attitude respectueuse, notre présence en ces lieux perturbe, parfois (on le sent) les habitudes et les déplacements des habitants de la forêt.
* en période de canicule, il nous arrive aussi d'offrir un peu d'eau à quelques fleurs, à quelques plantes, à quelques jeunes arbres en souffrance (causée par un stress hydrique estival de plus en plus fréquent en cette ère de dérèglement climatique)
Journal poétique (extrait)
Face aux grands chiens des collines ; farouche(s)
Au cœur de la forêt foisonnante
Le regard fauve ; fébrile
Dans cette lumière du soir
Sous les apparences de l'automne ; le jour qui se retire
L'âme (encore) désirante qui s'approche
Dans l'écume du plus sauvage
Aux marges du monde ; notre tentative d'habiter au plus près de la lumière – au fond de notre trou – dans l'oubli de l'humain ; quelque chose qui, peut-être, se dessine
Journal poétique (extrait)
A distance de soi – encore – quelques fois (de temps à autre)
Hanté (toujours) par ce qui bouge ; les bruits ; les malheurs qui courent devant nos yeux
Les arbres – les pierres – les rivières – que nous chérissons
Et les bêtes ; nos égales devant Dieu ; et ceux qui les assassinent
Cette fraternité d'enfance qui se risque hors du cercle des conventions (très au-delà du plus commun)
Plus folle – et plus sage – que les rêves des hommes
Journal poétique (extrait)
Au cœur de cette fraternité silencieuse ; immense
Loin des murs ; loin des Autres
Ensemble ; comme si de rien n'était ; comme si la vie – le monde – la mort – avaient été (parfaitement) compris – accueillis – apprivoisés
21h collation
Une infusion avec une friandise au caramel
Haïku
« A une tasse de thé
je confie
mon sentiment poétique »
Un instant, mille instants quotidiens
Seul et silencieux face à la beauté du monde
Haïku
« Appuyé à la porte
dans le crépuscule je regarde
les montagnes bleues »
Le temps est une construction de l'esprit
Le temps est une illusion – une construction de l'esprit qui appréhende les événements de manière linéaire – additionnant les instants et les transformant en durée* – séparant le présent de ce qui a eu lieu avant et de ce qui adviendra après. Mais inutile de chercher à saisir le passé et l'avenir, l'un et l'autre n'existent pas ; ils semblent exister grâce à la mémoire et à notre capacité de projection mais nul ne pourra jamais vivre dans le passé ou dans le futur. Tout ce qui est vécu aujourd'hui – tout ce qui a été vécu avant et tout ce qui se vivra après – ne l'est – ne l'a été et ne le sera que dans l'instant – dans le présent.
* un peu à la manière d'un film composé d'images juxtaposées – 24 images par seconde qui défilent et donnent le sentiment d'un mouvement...
« Ici et maintenant » dit l'adage zen.
Notes de la forêt
Sans devenir ; le temps aboli. A la vue du sourire un peu triste – et un peu solitaire – d'un enfant aux yeux sensibles – à l'esprit à l'affût ; lorsque le vent perce les frondaisons ; lorsque le vent éparpille les images et les pensées ; lorsque nous devenons simplement sensations.
Journal poétique (extrait)
Le songe à perte ; comme condamné(s) à ce trop peu de raison
Comme prisonnier(s) ; comme séquestré(s) – contraint(s) d'évoluer au milieu des ronces du temps ; entre griffures et frissons – jusqu'au plus noir – jusqu'au plus tragique de ce séjour intranquille...
L'achèvement du vivant ; l'agonie ; et la continuité du malheur
A travers le souffle ; le défilé inépuisable des saisons ; la douleur – jusqu'au dernier soupir...
De métamorphose en métamorphose ; et disculpé(s) (à la fin) de tous les crimes – de toutes les offenses ; dissimulée(s) au fond du secret peut-être – la culpabilité ; la peur et la culpabilité ; l'origine de la fuite – de la course – de la débâcle
A travers cette écume si inquiète face aux puissances des profondeurs – face à la monstruosité apparente du monde ; ce qui se joue (si souvent) sur la pierre
D'île en île ; l'itinéraire – à l'intérieur
Soumis à l'incessante recomposition des rôles et de la terre ; notre passage – notre partage ; et ce qu'il restera – peut-être
21h – 21h15 séance d'écriture
Fenêtres ouvertes. Lumières éteintes. Seule une veilleuse posée sur la table et entourée d'un abat-jour* est allumée. Le soleil s'est couché depuis quelques minutes et la pénombre commence à s'installer. On sort un feutre et notre carnet d'écriture. Un œil au-dehors, un soupir de satisfaction et la main se met presque aussitôt à dessiner une longue série de traits secs et rapides (presque illisibles) sur la feuille blanche – réceptive – offerte. Un instant de rencontre – un dialogue avec ce que l'on porte – une manière de devenir l'instrument – le scribe – de l'espace qui nous habite...
* abat-jour « fait maison » pliable, fabriqué en carton et recouvert à l'intérieur de papier blanc pour réfléchir la lumière vers l'unique ouverture orientée de manière latérale (vers la table) et qui empêche la lumière d'être perçue de l'extérieur.
Haïku
« Un havre de paix
Quelques feuilles écrites
De l'encens qui brûle »
Notes de la forêt
Et le monde – ainsi – sans doute – éclaboussé par ces échos – ces ruissellements de ciel et d'innocence.
Journal poétique (extrait)
Le langage amendé – en quelque sorte
A se risquer aux limites de l'intelligible ; pour inventer un passage – une passerelle peut-être – entre l'ancien monde et un autre ; le suivant sans doute
Une manière de vivre – et de célébrer – la vie – la terre – le mystère ; le silence et le verbe ; la joie en étendard involontaire
Journal poétique (extrait)
La nuit de l'ouest ; libre du monde et des étoiles
Saupoudrant quelques feuilles de l'automne sur tous les jours – tous les siècles – vécus
Sans doute – la manière la moins disgracieuse de se prêter aux jeux du monde ; sans s'y frotter intensément
Derrière notre table de pierre ; à laisser la parole arriver – s'inscrire ; et se déployer ; vers le ciel – sûrement
Sans même vouloir que les yeux des hommes s'y attardent ; sans même y attacher de l'importance
A écouter (seulement) ce que nous portons ; ce qui nous traverse ; ce que nous traversons
Légèrement ; sans rien dégrader – sans offenser personne (sinon, peut-être, les esprits sots) ; sans brandir le moindre étendard
Le doigt discret pointant vers la lumière et la tendresse ; et révélant (plus sûrement) ce dont nous sommes constitué(s)
Journal poétique (extrait)
Dans l'épaisseur de la nuit ; les yeux abandonnés
A travers le temps – le cercle – le mystère ; le déploiement (sans obstacle) de la lumière
Et cette vue dégagée à présent – imprenable – sur l'ombre – l'étendue ; le bleu (un peu blafard) du poème
Journal poétique (extrait)
Le geste poétique ; sans intention – la tête effacée
A la place de la nuit ; le sourire
Penché non sur le mot mais sur le vide
Le visage accroupi
En ce lieu déserté par les hommes
Et tous les arbres ; et toutes les bêtes – autour de soi ; la peau à portée de tremblement
Vers le jour – la fraternité – la transparence – (substantiellement) partagés
Ainsi vécues ; les joies essentielles de l'effacement
Dans la pénombre
On passe toutes les soirées d'été et une bonne part des soirées d'automne et de printemps sans le moindre éclairage pour éviter d'attirer les insectes nocturnes(1) (qui se feraient piéger à l'intérieur) et éviter de nous faire repérer par les voitures et les promeneurs qui pourraient circuler sur les pistes et les routes alentour(2).
(1) en particulier les papillons de nuit mais aussi les frelons qui, contrairement aux guêpes et aux mouches, sont attirés par la lumière – à 2 reprises, un frelon s'est introduit dans le camion ; intrusion relativement dangereuse puisque l'on est allergique aux piqûres d’hyménoptère...
(2) malgré les arbres, dans l'obscurité, la moindre lumière peut être perçue à des kilomètres à la ronde
Journal poétique (extrait)
Éclairé(s) par ce qui passe ; et surnage
La neige par-dessus la terre
Et cet exil (si compréhensible) des poètes – des nomades ; qui vivent toujours à l'écart – loin du cirque – loin des cris et des masques de cire
Éclairé(s) par ce qui passe ; et surnage
La neige par-dessus la terre
Et ce qui s'achèvera, un jour ; le mensonge et l'insupportable face à la félicité – face à la lumière – chaque jour, grandissantes
Dispositif électrique
250 kWh de panneaux solaires. Ce qui nous offre une autonomie suffisante pour nous éclairer le soir (en hiver), charger un ordinateur portable, un téléphone portable, 2 lampes de poche et utiliser quelques accessoires électriques (rasoir – ventilateur* etc etc)...
* indispensable en été ; l'intérieur de la roulotte devient (assez vite) une véritable étuve...
Un convertisseur permet d'obtenir du courant en 220V. Et deux batteries de 95 Ah complètent le dispositif qui répond (très largement) à nos besoins électriques (très modestes – il est vrai) – y compris lors de la période hivernale où le soleil (en général) se fait plutôt rare* et où son inclinaison est loin d'être optimale pour recharger les batteries avec les panneaux solaires...
* variable, selon les régions (bien sûr)
Journal poétique (extrait)
Pourquoi Diable – de passage
Si peu équipé(s) pour les réponses
A travers la tête ; (trop) aveuglément
A s'imaginer percevoir le réel ; le temps qui s'écoule
Le front obstiné ; obscurci
Bricolant des solutions avec quelques bouts de ficelle trouvés sur le chemin
Journal poétique (extrait)
L'évidence du sol – du souffle – du centre
D'un lieu à l'autre ; sans se déplacer
Dans la jonction ; la (perpétuelle) continuité
Alignés ; sous la lumière
Comme si la nuit n'existait pas
Comme si l'aurore était une invention
Rencontre crépusculaire
A quelques dizaines de mètres de la roulotte, on aperçoit, soudain, dans les sous-bois, une troupe de sangliers – la mère avec ses marcassins (âgés de quelques mois) et un juvénile d'une précédente portée, groin au sol, à la recherche, sans doute, de quelques vers ou de quelques racines.
Journal poétique (extrait)
Par petites touches ; les créatures façonnées
Se dispersant ; partageant le sacrifice ; et le trésor commun
Terre et ciel – scellés ensemble ; durant cette traversée – à genoux
Instant de fin de journée
Les derniers instants du jour. Face à la fenêtre – face à l'horizon. Le feutre posé sur la table. Quelques pages noircies de mots devant les yeux. Et cette joie qui nous étreint – qui nous enveloppe – qui rayonne peut-être...
Haïku
« Un dernier rayon
illumine
les pics enneigés »
Notes diverses
Au cœur de la création – dirait-on ; et à la marge du monde aussi. Ainsi – sans les yeux des Autres.
Journal poétique (extrait)
Du bleu dans l'herbe
Le sol métamorphosé
Le monde serré contre soi
A la saison du détachement
Personne ; seulement la lumière ; la lumière et l'infini
L'Amour – sans doute – qui nous a pris dans ses bras
21h30 – 21h45 espace récréatif
Séquence de fin de soirée
On range le feutre et le carnet dans un angle de la bibliothèque, on pose la tasse sur le plan de travail de la cuisine, on fixe la table sous la banquette du coin salon, on tire les rideaux, on ferme les stores et l'on s'installe sur le canapé avec, selon les jours, un livre ou nos écouteurs pour suivre une émission à la radio, reprendre le podcast ou le film documentaire commencé la veille.
Journal poétique (extrait)
En soi – les chimères ; mains tendues ; aussi mortelles que le reste
Sous la même lumière ; et les saisons changeantes
Sans importance – sans impatience ; jusqu'au dénouement
Et le monde (bien sûr) continue de tourner
On ne se tient guère informé de l'actualité du monde (humain). On ne peut néanmoins échapper aux événements majeurs que distille la radio (que l'on écoute de manière régulière*).
* essentiellement des podcasts et, quelques fois, des émissions en direct. Et le journal de la mi-journée de temps à autre
Mais, au fond, à quoi bon écouter les malheurs et les (petites) joies de ce monde – les affres et les turpitudes de nos contemporains ? Qui peut ignorer que depuis que l'homme est homme, la terre est témoin des mêmes histoires qui se répètent indéfiniment* au fil des jours, au fil des années, au fil des siècles ; un monde inlassablement occupé par le plaisir, la richesse, le pouvoir, les revendications territoriales, les parades, les alliances, les crimes, les trahisons, les petites (et les grosses) « combines » et miné, de façon régulière, par diverses catastrophes individuelles et collectives (d'origine humaine ou naturelle). Et qui peut ignorer que le cours de l'histoire tend toujours, depuis que le monde est monde, vers plus de possibilités, vers plus de confort et de facilité(s)...
A quoi bon, dès lors, demeurer dans l'écume du monde ?
* sans varier d'un iota
Haïku
« Dans la montagne pas de calendrier
les saisons passent
on ne sait quelle année »
Journal poétique (extrait)
Au fond de la gorge ; le jour inépuisable ; le souffle lumineux ; si peu advenus – (presque) toujours inconnus
Et le désir ; et la nuit – bus jusqu'à la déraison ; sans interroger l'absence – sans interroger l'espace – ni la possibilité d'un Dieu désincarné
Les paupières lourdes ; entre l'extase et le sommeil
Un long filet de bave entre les lèvres entrouvertes
A dormir encore ; en dépit du corps redressé
Journal poétique (extrait)
Le ciel enjolivé ; trop agrémenté d'images
Comme le fond du jardin – l'autre côté du monde ; auréolé de mystère
Sous l'arbre encore ; un livre à la main – celui de la terre vivante
Et le vent sur le visage
Sans doute – au milieu du voyage
Familier de la mort et du feu
Fidèle aux ramures et aux nuages
Nous tenant là ; près de ce qui passe ; près de ce qui se dit ; écoutant et offrant la parole nécessaire ; aussi utile que la lumière et le silence des fleurs
La possibilité de l'aube ; qu'à l'intérieur ; en ce monde qui ne célèbre – et ne vénère – que l'inconscience et le chaos
Le téléphone portable, un outil polyvalent
Le téléphone portable est une boîte à outils indispensable ; il constitue l'un des rares moyens pour nous relier au monde humain. Outre ses usages nomades (GPS, applications pour voyageurs(1), applications pour localiser les commerces et les stations essence), il nous sert essentiellement de dictionnaire, d'encyclopédie(2) et de radio. Il nous permet également d'écouter des podcasts et de regarder, de temps à autre, des documentaires(3). Et il nous arrive aussi d'en faire usage comme téléphone (appels d'ordre pratique pour les réparations à effectuer sur le camion et des appels assez irréguliers avec les membres de la famille).
(1) que l'on utilise « à l'envers » en quelque sorte, évitant soigneusement tous les lieux répertoriés pour les nomades – touristes et vacanciers essentiellement – infrastructures pour les voyageurs, aires de services, sites touristiques, sites remarquables, parcs de loisirs etc
(2) Wikipédia en particulier
(3) Youtube et Arte
Haïku
« Joyeux
j'ai oublié
les intrigues du monde »
Journal poétique (extrait)
Parcourus ; le monde et le refus
La route dans le vent
Et l'intériorité qui affleure ; sous la peau – les paupières
Face au ciel ; la paroi contre le dos
Et ce silence – au milieu des cimes ; sauvage(s) – nécessaire(s) – paroxystique(s)
Les lèvres grandes ouvertes
Avec déjà l'essentiel en soi ; au milieu du fouillis des images
Les yeux au ciel
A observer (pendant près d'une heure) la beauté du ciel nocturne – le lent et lointain mouvement des étoiles. Sous le plafonnier cosmique jusque tard dans la nuit...
Journal poétique (extrait)
Entre nous ; trop d'étoiles ; le devenir et le néant
Des mondes et des cieux ; là où l'on se trouve
Encore séparés (trop séparés) ; évidemment
Ce qui nous échoit ; la même chose qu'au-dehors (exactement)
Le cœur qui se frotte à la pierre et à la peau des Dieux ; avec malice – avec désespérance et sagacité
Sans (jamais) rien exclure des oracles ; ainsi se dessine – se construit – le sort de ceux qui s'imaginent pénitents
Des frères humains
Rencontres radio (ou podcasts) avec une humanité « choisie » – sensible et éclairée*. L'un des rares liens au monde (humain) que l'on apprécie...
* autant qu'elle puisse l'être
Et parmi ces rencontres, quelques-unes qui restent en mémoire : Lhasa de Cela, chanteuse – Anouk Grinberg, actrice – Thierry Thieû Niang, danseur et chorégraphe – François Sarano – plongeur et océanographe – David Le Breton, ethnologue – Félix Billey – aventurier existentiel – Edmond Baudouin, auteur de BD – Olivier Roellinger, cuisinier – Isabelle Laffon, autrice, comédienne et metteuse en scène – Madeleine Riffaud, résistante, journaliste et poétesse – Olivier Quénardel, père abbé de Citeaux, Claudie Huntzinger, plasticienne et romancière...
Hommes et femmes qui nous émeuvent (jusqu'aux larmes – très souvent) – qui nous enchantent et nous réconcilient, d'une certaine manière, avec cette part si belle (et si émouvante) de l'humanité et une partie de nos frères humains...
Journal poétique (extrait)
En ces heures nocturnes ; accompagnatrices d'un autre sort ; révélant un autre monde ; la possibilité d'un destin plus conscient – plus léger – plus épanoui
Une ville entière ; un pays entier ; un empire peut-être – à travers un chemin entièrement inventé
Ce qui se glisse par la fenêtre – au fond des yeux – au fond de l'âme
Sous le régime du cœur ; la parole (seulement) nécessaire
A charge pour l'esprit de se défaire du faix ; et d'offrir le vide et la joie que l'on réclame
22h45 – 23h ablutions quotidiennes
Rituel (journalier) de fin de soirée
Prendre sa douche constitue une activité à part entière. Il ne s'agit pas, comme dans la vie sédentaire, de se glisser dans la baignoire, de laisser couler l'eau à sa guise, d'y rester pendant des heures et de laisser sa serviette par terre en sortant de la salle d'eau...
En outre, pour un nomade qui vit dans un espace si restreint, la salle de bain fait, très souvent, office de débarras où l'on entrepose (parfois pêle-mêle(1)) mille choses utiles(2) qui n'ont trouvé de place plus appropriée.
(1) ou de manière organisée et fonctionnelle – ce qui est notre cas...
(2) Dans notre roulotte, la salle d'eau – qui mesure 1 mètre 30 de longueur sur 70 cm de largeur – accueille, en plus du mobilier habituel dévolu à la toilette et à l'hygiène, un placard et une étagère amovibles « fait maison », un petit meuble fourre-tout (amovible également) sur lequel est fixé le filtre à eau (pour l'eau potable), un panier pour le linge sale, un ventilateur colonne (pour les journées estivales étouffantes), une caisse pour les fruits et légumes, quelques planches, les plateaux pour les repas, un étendoir (pour les vêtements et les serviettes), des fixations pour un tableau que l'on accroche près du coin salon (en mode sédentaire), un panier pour les éponges de cuisine, une claie de séchage (pour les micro-prélèvements botaniques) et deux socles-rangements qui accueillent, chacun, un bidon d'eau potable de 20l.
Aussi pour prendre sa douche*, on doit ôter une bonne part des objets entreposés pour les placer dans « la pièce à vivre » puis (bien sûr) les replacer une fois ses ablutions terminées. Sans compter l’essuyage des parois, du sol et du caillebotis pour éviter (dans endroit si fermé et exigu) d'endommager l'habitacle par un excès d'humidité...
* et être en mesure de tirer les rideaux et de fermer la porte en plexiglas
Prendre sa douche dans une roulotte nécessite donc de la manutention et un temps non négligeable*. Un vrai rituel de fin de soirée !
* environ 10 à 15 minutes pour dégager l'espace, préparer la pièce et attendre (en hiver) que l'eau devienne suffisamment chaude (grâce au chauffe-eau), 10 minutes de douche (passées essentiellement à se savonner – en utilisant un bol et en se rinçant en quelques secondes avec un mince filet d'eau) et 15 à 20 minutes pour essuyer tous les éléments de la douche et remettre en place les objets déplacés.
Journal poétique (extrait)
Mille images piétinées ; celles de l'Autre – celles du monde – celles de la nuit
Tailladées dans l'esprit ; la chair toujours indemne – vive – ardente
Et contre nous ; la douceur et la suavité
Quelque chose de la tendresse qui s'offre
Affranchi du temps et des injonctions ; et de l'idée même de liberté
Et au-dessus de nos têtes ; des étoiles suspendues – pendantes ; au cœur du vide exactement
Là où l'esprit et la pierre dansent ensemble
Dans l'intensification du silence et du chant ; cette joie si singulière d'être au monde
La douche estivale
Le plaisir inégalable de la douche en été (pendant près de 6 mois en vérité). Un caillebotis* sous les étoiles...
* fabriqué avec du bois récupéré
Le flexible de la douche glissé par la fenêtre de la salle d'eau nous permet d'utiliser le pommeau à l'extérieur. Et une sorte de bras articulé* (extrêmement rudimentaire) permet d'actionner le robinet mitigeur à travers l'étroite ouverture...
* fabriqué en bambou (avec un vieux bâton de marche inutilisable)
Une serviette, du savon. Et la joie de se laver face au panorama, face à l'horizon, face au spectacle vivant de la nature estivale.
Haïku
« Le bruit de l'eau
dit
ce que je pense »
Journal poétique (extrait)
De la couleur de l'eau ; le regard et la main – libres
Dans l'intimité des choses ; devenu elles – en quelque sorte
Soi ; et le reste du monde – comme effacés – absorbés ; sans la moindre extériorité
Au cœur du cercle bleu ; là où l'on naît ; là où l'on respire
Et ce qui passe ; comme un rêve (l'impression d'un rêve)
Une longue marche ; une longue suite de pas et de mots – pour tenter d'approcher la transparence
Journal poétique (extrait)
La nuit ; moins que la parole
Comme le mutisme des étoiles
A rebours des saisons ; le chemin
Et par les interstices ; la somme
Ce qu'il nous faudra (immanquablement) soustraire
23h30 – 23h45 fin de soirée
Le silence nocturne entrecoupé, de temps à autre, par le hululement d'une chouette hulotte(1)(2) qui marque sa présence et son territoire. La lune, au loin, rousse, belle, majestueuse dans un ciel qui oscille entre le noir et un bleu sombre et métallique. La nuit prend tranquillement ses aises. Quelques insectes s'affairent discrètement. Enveloppé par la beauté et la quiétude des lieux – au cœur de la forêt. Et l'âme qui savoure – qui se délecte – qui se réjouit...
(1) chouette hulotte mâle
(2) ou, d'autres soirs, par « l'aboiement » d'un chevreuil qui alerte ses congénères d'une présence importune ou d'un danger
En nous – devant nos yeux – la même féerie – le même spectacle – le cycle éternel du monde...
Haïku
« Avec la lune
je m'attarde
à danser »
Notes de la forêt
Véritablement ; le pays de la poésie ; là où le cœur reflète l'infini...
Journal poétique (extrait)
Le chant déchiré ; des étoiles qui bruissent
Désenfermé par le ciel ouvert – très haut ; fenêtre dans l'ombre des orages
Quelque part – encore imperceptible – le silence
Et cette joie prémonitoire de l'absence – du bleu
Journal poétique (extrait)
L'enfance en fête
L'âme ragaillardie
A jouer avec le ciel et la boue (d'une manière assez différente)
Entre la chambre et le ciel
Et ce qu'il reste à découvrir ; et ce qu'il reste à traverser
23h50 préparatifs avant de se coucher – installation du lit
Au cœur du silence
Sous la nuit étoilée. La chambre ouverte sur la clairière. Parmi les hautes herbes que le vent fait danser.
Dans le silence sylvestre ; ce qui se révèle – les liens de l'invisible – l'indissociabilité de soi et du monde – le socle commun des choses ; ce qui nous tient (tous ensemble)...
La beauté de l'être – comme un pur don – sans but – sans raison – sans explication. Comme une lumière – une présence – fragile – dans la pénombre...
23h55 La pluie s'est mise à tomber – une pluie fine et légère...
Minuit passé
Bercé par les gouttes qui dansent sur le toit. Comme un délice – une douceur – l'âme enfouie sous la couette – au contact et à l'abri des éléments naturels. Quel bonheur !
Si près des étoiles ! Si près du paradis !
Et l'on s'endort. Le corps en joie. Le cœur en paix. Demain sera un autre jour...