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LES CARNETS METAPHYSIQUES & SPIRITUELS

A propos

La quête de sens
Le passage vers l’impersonnel
L’exploration de l’être

L’intégration à la présence


Carnet n°1
L’innocence bafouée

Récit / 1997 / La quête de sens

Carnet n°2
Le naïf

Fiction / 1998 / La quête de sens

Carnet n°3
Une traversée du monde

Journal / 1999 / La quête de sens

Carnet n°4
Le marionnettiste

Fiction / 2000 / La quête de sens

Carnet n°5
Un Robinson moderne

Récit / 2001 / La quête de sens

Carnet n°6
Une chienne de vie

Fiction jeunesse / 2002/ Hors catégorie

Carnet n°7
Pensées vagabondes

Recueil / 2003 / La quête de sens

Carnet n°8
Le voyage clandestin

Récit jeunesse / 2004 / Hors catégorie

Carnet n°9
Le petit chercheur Livre 1

Conte / 2004 / La quête de sens

Carnet n°10
Le petit chercheur Livre 2

Conte / 2004 / La quête de sens

Carnet n°11 
Le petit chercheur Livre 3

Conte / 2004 / La quête de sens

Carnet n°12
Autoportrait aux visages

Récit / 2005 / La quête de sens

Carnet n°13
Quêteur de sens

Recueil / 2005 / La quête de sens

Carnet n°14
Enchaînements

Récit / 2006 / Hors catégorie

Carnet n°15
Regards croisés

Pensées et photographies / 2006 / Hors catégorie

Carnet n°16
Traversée commune Intro

Livre expérimental / 2007 / La quête de sens

Carnet n°17
Traversée commune Livre 1

Récit / 2007 / La quête de sens

Carnet n°18
Traversée commune Livre 2

Fiction / 2007/ La quête de sens

Carnet n°19
Traversée commune Livre 3

Récit & fiction / 2007 / La quête de sens

Carnet n°20
Traversée commune Livre 4

Récit & pensées / 2007 / La quête de sens

Carnet n°21
Traversée commune Livre 5

Récit & pensées / 2007 / La quête de sens

Carnet n°22
Traversée commune Livre 6

Journal / 2007 / La quête de sens

Carnet n°23
Traversée commune Livre 7

Poésie / 2007 / La quête de sens

Carnet n°24
Traversée commune Livre 8

Pensées / 2007 / La quête de sens

Carnet n°25
Traversée commune Livre 9

Journal / 2007 / La quête de sens

Carnet n°26
Traversée commune Livre 10

Guides & synthèse / 2007 / La quête de sens

Carnet n°27
Au seuil de la mi-saison

Journal / 2008 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°28
L'Homme-pagaille

Récit / 2008 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°29
Saisons souterraines

Journal poétique / 2008 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°30
Au terme de l'exil provisoire

Journal / 2009 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°31
Fouille hagarde

Journal poétique / 2009 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°32
A la croisée des nuits

Journal poétique / 2009 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°33
Les ailes du monde si lourdes

Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°34
Pilori

Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°35
Ecorce blanche

Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°36
Ascèse du vide

Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°37
Journal de rupture

Journal / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°38
Elle et moi – poésies pour elle

Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°39
Préliminaires et prémices

Journal / 2010 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°40
Sous la cognée du vent

Journal poétique / 2010 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°41
Empreintes – corps écrits

Poésie et peintures / 2010 / Hors catégorie

Carnet n°42
Entre la lumière

Journal poétique / 2011 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°43
Au seuil de l'azur

Journal poétique / 2011 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°44
Une parole brute

Journal poétique / 2012 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°45
Chemin(s)

Recueil / 2013 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°46
L'être et le rien

Journal / 2013 / L’exploration de l’être

Carnet n°47
Simplement

Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°48
Notes du haut et du bas

Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°49
Un homme simple et sage

Récit / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°50
Quelques mots

Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°51
Journal fragmenté

Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°52
Réflexions et confidences

Journal / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°53
Le grand saladier

Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°54
Ô mon âme

Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°55
Le ciel nu

Recueil / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°56
L'infini en soi 

Recueil / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°57
L'office naturel

Journal / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°58
Le nuage, l’arbre et le silence

Journal / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°59
Entre nous

Journal / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°60
La conscience et l'Existant

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°61
La conscience et l'Existant Intro

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°62
La conscience et l'Existant 1 à 5

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°63
La conscience et l'Existant 6

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°64
La conscience et l'Existant 6 (suite)

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°65
La conscience et l'Existant 6 (fin)

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°66
La conscience et l'Existant 7

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°67
La conscience et l'Existant 7 (suite)

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°68
La conscience et l'Existant 8 et 9

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°69
La conscience et l'Existant (fin)

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°70
Notes sensibles

Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°71
Notes du ciel et de la terre

Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°72
Fulminations et anecdotes...

Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°73
L'azur et l'horizon

Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°74
Paroles pour soi

Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°75
Pensées sur soi, le regard...

Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°76
Hommes, anges et démons

Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°77
La sente étroite...

Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°78
Le fou des collines...

Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°79
Intimités et réflexions...

Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°80
Le gris de l'âme derrière la joie

Récit / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°81
Pensées et réflexions pour soi

Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°82
La peur du silence

Journal poétique / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°83
Des bruits aux oreilles sages

Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°84
Un timide retour au monde

Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°85
Passagers du monde...

Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°86
Au plus proche du silence

Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°87
Être en ce monde

Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°88
L'homme-regard

Récit / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°89
Passant éphémère

Journal poétique / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°90
Sur le chemin des jours

Recueil / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°91
Dans le sillon des feuilles mortes

Recueil / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°92
La joie et la lumière

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°93
Inclinaisons et épanchements...

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°94
Bribes de portrait(s)...

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°95
Petites choses

Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°96
La lumière, l’infini, le silence...

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°97
Penchants et résidus naturels...

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°98
La poésie, la joie, la tristesse...

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°99
Le soleil se moque bien...

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°100
Si proche du paradis

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°101
Il n’y a de hasardeux chemin

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°102
La fragilité des fleurs

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°103
Visage(s)

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°104
Le monde, le poète et l’animal

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°105
Petit état des lieux de l’être

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°106
Lumière, visages et tressaillements

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°107
La lumière encore...

Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°108
Sur la terre, le soleil déjà

Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°109
Et la parole, aussi, est douce...

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°110
Une parole, un silence...

Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°111
Le silence, la parole...

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°112
Une vérité, un songe peut-être

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°113
Silence et causeries

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°114
Un peu de vie, un peu de monde...

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°115
Encore un peu de désespérance

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°116
La tâche du monde, du sage...

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°117
Dire ce que nous sommes...

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°118
Ce que nous sommes – encore...

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°119
Entre les étoiles et la lumière

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°120
Joies et tristesses verticales

Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°121
Du bruit, des âmes et du silence

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°122
Encore un peu de tout...

Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°123
L’amour et les ténèbres

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°124
Le feu, la cendre et l’infortune

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°125
Le tragique des jours et le silence

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°126
Mille fois déjà peut-être...

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°127
L’âme, les pierres, la chair...

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°128
De l’or dans la boue

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°129
Quelques jours et l’éternité

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°130
Vivant comme si...

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°131
La tristesse et la mort

Récit / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°132
Ce feu au fond de l’âme

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°133
Visage(s) commun(s)

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°134
Au bord de l'impersonnel

Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°135
Aux portes de la nuit et du silence

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°136
Entre le rêve et l'absence

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°137
Nous autres, hier et aujourd'hui

Récit / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°138
Parenthèse, le temps d'un retour...

Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°139 
Au loin, je vois les hommes...

Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°140
L'étrange labeur de l'âme

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°141
Aux fenêtres de l'âme

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°142
L'âme du monde

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°143
Le temps, le monde, le silence...

Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°144
Obstination(s)

Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°145
L'âme, la prière et le silence

Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°146
Envolées

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°147
Au fond

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°148
Le réel et l'éphémère

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°149
Destin et illusion

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°150
L'époque, les siècles et l'atemporel

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°151
En somme...

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°152
Passage(s)

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°153
Ici, ailleurs, partout

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°154
A quoi bon...

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°155
Ce qui demeure dans le pas

Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°156
L'autre vie, en nous, si fragile

Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°157
La beauté, le silence, le plus simple...

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°158
Et, aujourd'hui, tout revient encore...

Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°159
Tout - de l'autre côté

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°160
Au milieu du monde...

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°161
Sourire en silence

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°162
Nous et les autres - encore

Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°163
L'illusion, l'invisible et l'infranchissable

Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°164
Le monde et le poète - peut-être...

Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°165
Rejoindre

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°166
A regarder le monde

Paroles confluentes / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°167
Alternance et continuité

Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°168
Fragments ordinaires

Paroles confluentes / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°169
Reliquats et éclaboussures

Paroles confluentes / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°170
Sur le plus lointain versant...

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°171
Au-dehors comme au-dedans

Paroles confluentes / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°172
Matière d'éveil - matière du monde

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°173
Lignes de démarcation

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°174
Jeux d'incomplétude

Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°175
Exprimer l'impossible

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°176
De larmes, d'enfance et de fleurs

Récit / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°177
Coeur blessé, coeur ouvert, coeur vivant

Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°178
Cercles superposés

Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°179
Tournants

Journal / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°180
Le jeu des Dieux et des vivants

Journal / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°181
Routes, élans et pénétrations

Journal / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°182
Elans et miracle

Journal poétique / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°183
D'un temps à l'autre

Recueil / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°184
Quelque part au-dessus du néant...

Recueil / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°185
Toujours - quelque chose du monde

Regard / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°186
Aube et horizon

Journal / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°187
L'épaisseur de la trame

Regard / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°188
Dans le même creuset

Regard / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°189
Notes journalières

Carnet n°190
Notes de la vacuité

Carnet n°191
Notes journalières

Carnet n°192
Notes de la vacuité

Carnet n°193
Notes journalières

Carnet n°194
Notes de la vacuité

Carnet n°195
Notes journalières

Carnet n°196
Notes de la vacuité

Carnet n°197
Notes journalières

Carnet n°198
Notes de la vacuité

Carnet n°199
Notes journalières

Carnet n°200
Notes de la vacuité

Carnet n°201
Notes journalières

Carnet n°202
Notes de la route

Carnet n°203
Notes journalières

Carnet n°204
Notes de voyage

Carnet n°205
Notes journalières

Carnet n°206
Notes du monde

Carnet n°207
Notes journalières

Carnet n°208
Notes sans titre

Carnet n°209
Notes journalières

Carnet n°210
Notes sans titre

Carnet n°211
Notes journalières

Carnet n°212
Notes sans titre

Carnet n°213
Notes journalières

Carnet n°214
Notes sans titre

Carnet n°215
Notes journalières

Carnet n°216
Notes sans titre

Carnet n°217
Notes journalières

Carnet n°218
Notes sans titre

Carnet n°219
Notes journalières

Carnet n°220
Notes sans titre

Carnet n°221
Notes journalières

Carnet n°222
Notes sans titre

Carnet n°223
Notes journalières

Carnet n°224
Notes sans titre

Carnet n°225

Carnet n°226

Carnet n°227

Carnet n°228

Carnet n°229

Carnet n°230

Carnet n°231

Carnet n°232

Carnet n°233

Carnet n°234

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Carnet n°236

Carnet n°237

Carnet n°238

Carnet n°239

Carnet n°240

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Carnet n°261

Carnet n°262

Carnet n°263
Au jour le jour

Octobre 2020

Carnet n°264
Au jour le jour

Novembre 2020

Carnet n°265
Au jour le jour

Décembre 2020

Carnet n°266
Au jour le jour

Janvier 2021

Carnet n°267
Au jour le jour

Février 2021

Carnet n°268
Au jour le jour

Mars 2021

Carnet n°269
Au jour le jour

Avril 2021

Carnet n°270
Au jour le jour

Mai 2021

Carnet n°271
Au jour le jour

Juin 2021

Carnet n°272
Au jour le jour

Juillet 2021

Carnet n°273
Au jour le jour

Août 2021

Carnet n°274
Au jour le jour

Septembre 2021

Carnet n°275
Au jour le jour

Octobre 2021

Carnet n°276
Au jour le jour

Novembre 2021

Carnet n°277
Au jour le jour

Décembre 2021

Carnet n°278
Au jour le jour

Janvier 2022

Carnet n°279
Au jour le jour

Février 2022

Carnet n°280
Au jour le jour

Mars 2022

Carnet n°281
Au jour le jour

Avril 2022

Carnet n°282
Au jour le jour

Mai 2022

Carnet n°283
Au jour le jour

Juin 2022

Carnet n°284
Au jour le jour

Juillet 2022

Carnet n°285
Au jour le jour

Août 2022

Carnet n°286
Au jour le jour

Septembre 2022

Carnet n°287
Au jour le jour

Octobre 2022

Carnet n°288
Au jour le jour

Novembre 2022

Carnet n°289
Au jour le jour

Décembre 2022

Carnet n°290
Au jour le jour

Février 2023

Carnet n°291
Au jour le jour

Mars 2023

Carnet n°292
Au jour le jour

Avril 2023

Carnet n°293
Au jour le jour

Mai 2023

Carnet n°294
Au jour le jour

Juin 2023

Carnet n°295
Nomade des bois (part 1)

Juillet 2023

Carnet n°296
Nomade des bois (part 2)

Juillet 2023

Carnet n°297
Au jour le jour

Juillet 2023

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© Les carnets métaphysiques & spirituels

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8 avril 2024

Carnet n°305 Au jour le jour

Mars 2024

Embrasser la dérive ; la succession des errances – et toutes les ruptures nécessaires au voyage...

Jetant son souffle et ses armes – comme son dévolu – sur la terre...

Marchant dans un déséquilibre équivoque ; au milieu de l'indifférence...

Sans se dérober à la douleur ; à la débâcle ; aux effondrements...

Vers la lumière ; le cœur envoûté par ce rayonnement discret ; cette puissance autonome – sans mainmise – sans domination...

Creusant le lit du possible – à même le ciel et le silence – pour donner naissance à un lieu où le geste et la parole pourraient célébrer la joie...

 

 

Rien ; au regard de l'espace...

Quand bien même les conséquences seraient meurtrières...

Ne récusant ni les faits ; ni la folie de ce monde...

Allant (si douloureusement) par les chemins...

Comme après une déflagration...

Dansant dans la poussière avec moins d'ardeur ; et moins de volonté...

Traversant l'existence – les peines et l'affliction – avec plus de respect et de dévotion...

 

*

 

Présent désormais ; en dépit du froid...

Aux limites de la lumière...

Malgré les épreuves et la mort...

Soutenant la flèche et la fuite ; le geste incarné...

Et cet irrésistible sourire face à l'épaisseur de la matière ; face à la grossièreté de l'esprit...

 

 

Sur le chemin ; le passage...

Au milieu des arbres et de la lumière...

Libéré de cette bouche braquée sur la faim...

A travers le silence ; le monde exploré...

Au fond du lit de la fortune...

Le destin éclairé et solitaire ; avec tous les rires – le soleil et les rencontres – à l'intérieur...

 

 

Le désir si proche du silence...

De presque rien à plus rien...

Le cœur en fête ; l'âme en joie...

Face à ce monde stérile – absurde – infernal...

Effacé (peu à peu) par cette présence radieuse – rayonnante – qui se déploie sur la pierre...

 

 

Du côté de la part dansante du monde...

Humble et silencieux au cours du passage...

Vivant comme à la dérobée ; loin des lumières mensongères...

Célébrant la joie et le rayonnement...

A la manière d'un engagement ; le sacre de l'inconnaissable – à travers le sourire et le geste ordinaire...

 

 

L'émergence de l'immensité ; et l'entrée dans l'intime – concomitamment...

Et à recommencer autant de fois que nécessaire...

A l'invitation du silence ; à l'invitation des sommets...

Sans rien ressasser des désastres successifs...

Sans plonger dans le repentir...

Pendant des millénaires...

Le difficile apprentissage de l'humilité...

 

 

Surplombant tous les soleils et toutes les lois...

Ayant (depuis longtemps) renoncé à courir dans les couloirs sombres et labyrinthiques...

Ayant (peu à peu) appris à s'élever silencieusement au-dessus des simagrées – au-dessus de la cécité...

Parcourant l'âme – le monde – l'espace – avec de plus en plus de légèreté...

 

*

 

Le regard sans pitié ; face à la débâcle...

Comme une résistance à la paresse – à l'abondance ; le refus du spectacle...

Au profit du plus élémentaire ; ce qui sous-tend toute survie...

A l'écoute de l'enfance qui cherche et s'oriente ; l’œil attentif – l'âme dévouée...

Sous tous les feux que l'on allume ; le cœur – la joie – le plus opiniâtre...

 

 

Soumis à cette passion (un peu folle) pour l'en deçà et l'au-delà du festin ; l'en deçà et l'au-delà de ces pauvres choses qui se trament sous les étoiles – sur cette pierre minuscule...

Bien plus qu'une fenêtre ; qu'un foyer ; une perspective...

Ce qui libère des entraves et du sang...

Ce qui affranchit de toutes les faims...

Le désir le plus haut – le plus vif ; ce que vise (parfois) l'esprit humain...

 

 

L'allure (bien) plus légère que la peur...

Vers cette terre qui ôte à l'âme tout son poids...

 

 

La nuit parcourue...

Le sourire aux lèvres en voyant le jeu ; les bouches tordues ; les mains suppliantes ; tous ces gouffres qui nous engloutissent (à petit feu)...

Les corps et les âmes malmenés sur la pierre...

Ce si peu d'espace envahi par les fables et les effigies...

La réconciliation (encore) impossible entre le cœur et l'esprit...

Le monde tel qu'il nous apparaît aujourd'hui...

 

 

L'écoute ouverte...

L’ascèse et l'étreinte ; et le plus visible derrière le visage...

Et la voix qui nomme (encore assez furieusement) les choses de ce monde ; le doigt qui pointe l’absence et les excès ; et ce besoin (fondamental) de lumière...

Par tous les chemins ; ce qu'il faut explorer – découvrir – rencontrer – abandonner – pour renverser l'obscur (en lui laissant la part qui lui revient) ; ce qui nous est (innocemment) destiné...

 

*

 

Quelque part ; là où l'absence domine ; là où les têtes impatientes façonnent ce monde obscène et sans tendresse...

Trait pour trait ; notre visage ; alors que l'âme souffre de ce manque d'Amour et de silence...

Comme des meurtriers sans conscience qui fouillent dans le ventre des dépouilles ; et qui arrachent les entrailles de leurs doigts grossiers pour les fourrer dans leur bouche...

Au lieu de servir et de s'incliner ; au lieu d'honorer l'Autre et la différence...

 

 

Trop passant(s) ; trop déraciné(s) – trop peu incorporé(s) au reste – sans doute...

Sans lieu ; et sans ressource...

Face à cet affolement sans faille...

Vivant sans alternative ; le geste et le verbe si pauvres (terriblement appauvris)...

Ânonnant ; au lieu de s'élancer ; triste(s) et transpirant(s) au lieu d'obéir et de suivre la trace...

 

 

Profondément ; la lumière et la nuit...

Ce qui apparaît ; aussi exaltant que les profondeurs...

Certes passager ; et (assez douloureusement) soumis à l'usure et à la disparition...

Mais né pour la fête ; rejoindre la danse ; participer à la célébration ; oser tous les franchissements...

Sur cette ligne de crête qui traverse les mondes...

 

 

Cette pierre ; sur soi...

Et sous cette chair rouge et suffocante ; gorgée d'histoires – de larmes et de sang...

Usant les dents ; usant les rêves ; usant les doigts...

Sous le règne du ventre ; tous les destins...

Ce qui nourrit et ce qui enfante ; la fête et les festins...

Les yeux entre le feu et la mort...

A la traîne de l'âme ; sans aucune intimité – ni avec les choses – ni avec le ciel...

Et brûlant (pourtant) de s'explorer ; et de se reconnaître...

 

*

 

Au faîte ; silencieux...

La douleur éparpillée sans cérémonie...

Entre nous ; le jeu – les astres et le foyer ; ce qui nous tient (tous) ensemble...

Sans mur ; sans indifférence...

Si fraternellement...

 

 

Par instant ; la tête à l'envers – l'âme chahutée – bousculée (et qui bascule quelques fois)...

Abreuvant le désir à la nuit...

Répandant – comme tous les Autres – les cadavres et les tempêtes...

Le cœur abîmé – tapageur – tumultueux ; l'esprit si avide – réifiant le corps (tous les corps) au profit d'un rêve plus sombre que le monde...

 

 

Alternativement [mais le plus souvent entremêlé(e)s] – la clarté et l'illusion ; le geste et le sommeil – le réel et le rêve...

Comme plongé(s) – piégé(s) peut-être – dans une perspective (complexe et plurielle) qui subordonne tout ce qu'elle entraîne dans son sillage...

 

 

Amoureusement ; comme le soleil sous la peau...

Comme une caresse des profondeurs...

Cet être au monde (trop souvent) pendulaire...

A devancer l'aversion...

Assez seul ; et si singulier dans ses manières...

Usant du langage comme d'un chemin ; à travers la forêt – des lignes qui tracent leur sente ; qui dessinent (peut-être) un destin...

Auprès de soi ; une présence ; ce qui nous habite ; et des forces qui nous traversent...

Savoureusement enfoncé(e)(s) ; et du côté (pourtant) du plus élémentaire...

Comme une fête ; au milieu des étoiles et des illusions...

 

 

Peu à peu déclinant ; comme tout ce qui a été édifié...

Disparaissant avec fracas ou sur la pointe des pieds...

Le corps – le souffle ; jusqu'à la route qui s'arrête devant les grilles...

Comme brusquement interrompu(e)(s)...

Sans savoir (ni même deviner) que quelqu'un veille ici ; et nous accompagne de l'autre côté...

 

 

Jamais séparément ; le cœur et la beauté...

Des premières aux dernières fois...

Le visage éclairé par la lumière...

L'infini qui se jette dans nos bras...

Le silence qui (peu à peu) remplace le cri...

L'âme parfaitement présente ; en dépit de la chair dépecée que l'on entasse (un peu) partout...

Le Divin (nécessairement) appelé – et accueilli – jusque dans nos pires excentricités...

 

 

A quelles têtes s'adressent donc ces lignes...

Le feu qui enflamme la noirceur ; et la densité qui remplace l'épaisseur...

Au cœur de cette nuit et de cette matière ; si florissantes...

 

 

L'être ; livré au monde – et se jetant (avec vigueur) dans toutes les batailles...

Le sourire aux lèvres ; le cœur (profondément) engagé...

Et l'esprit dans ses limbes clairs...

Au cœur de toutes nos tentatives ; ce qui se redresse – ce qui périclite – ce qui s'éloigne – ce qui s'incline – ce qui dure (un peu) – ce qui disparaît...

 

 

Dans la continuité du glissement...

D'ici à la source ; en pointillé de toutes les existences...

Sans pouvoir se dérober...

Face au jour comme face à la nuit...

Au milieu des rumeurs et des ombres...

Dans ce (très long) couloir rempli d'horreurs et de cris ; cette sorte d'antichambre de l'inconnu...

Avançant – somme toute – assez machinalement...

 

 

Hors de la horde ; alors que partout scintillent les illusions...

Longeant le long mur de pierres grises...

(Très) naturellement...

Le cœur primesautier...

Passant (soudain) de la tristesse à la félicité...

Le soleil à la place du visage...

Et l'inquiétude qui s'estompe face à l'éclat de la lumière...

Sans rien oublier de la bêtise et de l'obscénité de ce monde ; et des mille possibilités rencontrées au cours de la traversée...

 

 

Cette nuit ; jusqu'à l'autre nuit...

Sur cette terre si peu concernée ; si propice à la création du simulacre...

Et, en nous, sous les secrets ensemencés ; l'intégrité du mystère ; de moins en moins perceptible à mesure que s'intensifie la comédie ; à mesure que s’accentue la cécité...

 

 

A travers les larmes et le vent ; l'esprit triste et ébouriffé – (totalement) inconsolable...

Alors que la saison s'étire vers sa fin...

De quoi se lamenter sur le sort des vivants...

Sans que rien ne puisse nous réconforter...

Toutes lumières éteintes ; jusqu'au seuil de l'immensité...

Et le cœur toujours palpitant ; et presque aussi serré qu'autrefois...

 

 

Alors que s'amplifie la dévastation ; et que s'approfondissent les sillons...

L'aube en son royaume ; (un peu) oubliée – le cœur pensif et le visage penché...

 

 

La longue (la très longue) ligne commencée au sortir de l'enfance...

Vers le plus lumineux...

Et face au soleil ; à présent...

Qui s'est (progressivement) éloignée des dévoiements et des compromissions...

Sans rien déplacer ; sans rien comptabiliser...

Laissant la banalité disparaître et ressurgir ; et disparaître encore...

Témoignant des merveilles et de la boue ; des accolades et des trahisons – à travers toutes les rencontres expérimentées...

S'abandonnant (sans résistance ni surprise) autant aux entraves qu'au mystère...

 

 

Vers l'invisible ; l'insaisissable – le voyage...

Froissant tous les désirs ; tous les projets ; tous les repères...

Offrant l'incertitude et la liberté...

Le goût de soi ; à travers le reste...

Et le goût du reste ; à travers soi...

Finissant par se fondre dans un seul visage...

Sous l'autorité (attentive et bienveillante) du regard...

Le lieu du jeu et de la lumière ; à peine plus loin que le poème…

 

 

Aux cœurs rompus par tous ces cercles nocturnes...

Pris au-dedans même du voile ; au-dedans même de l'épaisseur...

Ce si peu vécu (sans doute par manque de curiosité)...

Au(x)quel(s) s'adresse (pourtant) cette voix claire et sans superstition...

Porté(e) par le feu et le vent...

Offrant son souffle et ses flammes...

Comme le couronnement du destin – cette tâche si banale ; et capable (bien sûr) de s'adresser à chacun...

 

 

Auprès de cette lampe posée sur la pierre...

Au milieu des chants d'oiseaux crépusculaires...

Au cœur du plus quotidien ; au cœur du plus ordinaire ; les gestes et le cœur à découvert...

Sous la lune ; la roulotte établie...

Dans le froid des cimes...

La solitude assise...

Et ce rire qui émerge des profondeurs de la chair...

L'esprit (parfaitement) apaisé ; et l'âme à son aise...

Infiniment vivant ; face à cette lumière fraternelle...

 

*

 

Après l'effondrement ; au-delà de l'altération ; au-delà même de l'anéantissement...

Sous la surface ; ce qui règne – l'invisible à la manœuvre...

L'esprit (curieux et insatisfait) qui apprend (peu à peu) à échapper à l'illettrisme du cœur...

Comme pour s'extirper de cette impasse (de cette sorte d'étau) entre l'enfantement et les viscères ; entre l'asphyxie et la nuit traversée...

Prêt (enfin prêt) à se dégager des conséquences du sang et de l'inconscience...

A sauter par-dessus la balance qui oppose à la peur le dérisoire et l'obstination...

Qu'importe les élans contradictoires ; tant que la nécessité nourrit l'ardeur...

 

 

Sur la coulée du temps ; le devenir...

Entre ces parois si épaisses...

Le cœur appliqué à chérir hypocritement...

Au milieu des crimes – des masques et des déguisements ; au milieu de la danse et des défilés ; au cœur du grand carnaval...

Dans l'assentiment (enthousiaste) de tous les paradigmes de ce monde...

Faisant gonfler la pâte comme le levain...

Cette malheureuse baudruche sur le point d'éclater...

 

 

Le ciel – en soi...

Sous la caresse des arbres ; et jusque dans ce souffle et ce sang qui assurent notre survie...

Face à une foule de visages ; à une armée d'ombres au cœur aussi dur (et aussi froid) que le marbre...

Ce qui s'offre à l'étendue...

Face au déclin d'un monde sans promesse...

L'abandon et la lumière ; comme les seules armes envisageables...

 

 

Comme se répand le jour...

Sur toutes ces têtes piégées au cœur du labyrinthe ; pénétrées par l'ignorance ; atteintes de cécité ; comme dépossédées du plus essentiel...

S'enfonçant dans cette nuit sans perspective ; sans horizon...

Guidées par le plus sombre de l'homme...

Ravageant le monde ; dilapidant les merveilles ; aveugles à tous les miracles...

Courant dans le noir ; construisant (méticuleusement) la débâcle ; aggravant chaque jour l'ignominie ; échafaudant (presque toujours) le pire...

Répandant l'horreur et la mort – sans tressaillir [éclairées par un sourire de satisfaction (incompréhensible) sur les lèvres]...

Anéantissant tout espoir de lumière...

 

*

 

Au cœur du sacrifice ; ce si long sommeil...

Sans aveu ; au bord de l'inexistence...

Comme une parenthèse dans le voyage ; une sorte de séjour (un repos, sans doute, nécessaire)...

Un suspens au cours duquel la violence se déchaîne...

Sans question ; sous le même soleil (depuis tant de millénaires déjà)...

Sans rien comprendre ; sans rien saisir de ce monde apparemment réel...

L'esprit (bien) trop étroit ; (bien) trop épais ; (bien) trop empêché ; bien sûr...

 

 

Enchevêtré(s) dans la trame des choses et du mystère ; et comme entravé(s) par elle...

Parfaitement incapable(s) de déchiffrer cette existence et ce monde qui demeurent (à bien des égards) profondément énigmatiques...

 

 

Précipité par la force ; face à la loi...

Comme l'infini qui heurte un mur de poussière ; qui passe à travers une porte sans porte – qui franchit un seuil (une frontière fictive – une démarcation illusoire – inventée de toutes pièces par l'esprit de l'homme)...

Vers lui-même ; à coup sûr (ou, tout au moins, vers une forme d'élargissement) ; l'espace qui se rejoint (qui tente de se rejoindre) – en quelque sorte...

A travers l'effacement de l'artificiel ; à travers le renversement de l'illégitime...

Glissant (allègrement) vers la subversion nécessaire (requise par l'état pitoyable de ce monde)...

 

 

Au plus bas de l'âme ; au plus bas du monde ; là où les ténèbres rencontrent le cœur...

Sans faille ; sans fable ; sans fraude – possibles...

Sans qu'intercède ni la pensée – ni la prière...

Dans un état d'abandon décisif ; au plus haut degré (peut-être) de la déréliction...

Au-delà du cri et de la plainte ; au-delà des larmes et du refus...

En ce lieu où l'absence et l'obscurité peuvent se transformer en présence et en lumière ; aux confins du vide et de l'individualité...

 

 

Installé là où nul ne vient ; là où nul ne passe (là où nul ne peut venir ; là où nul ne peut passer)...

En ce lieu où la mort est le seul visage ; le seul usage ; la seule possibilité...

Accroché (si fébrilement) à nos lacunes et à nos faiblesses...

Alors que tout se déroule ; que tout se dévoile ; que tout se révèle ; émergeant de la véritable figure du monde...

La porte ouverte ; à genoux devant ce qui se lève ; à genoux devant ce qui s'avance (vers nous)...

Comme une lampe à la place de l'âme défaillante ; à la place du jour défectueux ; et ces larmes (involontaires – intarissables) qui ruissellent face au miracle...

 

*

 

Si férocement logique ; le monde...

Toutes les courbes ; redressées – et alignées...

Du plus anodin au plus essentiel...

Si atrocement industriel...

Et sans cesse répétant – réinventant – recommençant ; jusqu'à l'épuisement ; jusqu'à l'extinction ; jusqu'à l'anéantissement...

Toutes les alliances (naturelles) ; contredites – écrasées – oubliées – évincées – corrompues – détournées...

Sous le règne (absolu) du désir et de la terreur...

Jusqu'à exploiter (jusqu'à inquiéter) le plus infime brin d'herbe...

L’œuvre (monstrueuse) de l'homme...

 

 

Affleurant le reste ; le plus simple...

L'éternelle solution...

Vers ce dénuement lumineux...

Pour retrouver la joie des vivants...

 

 

Sans frontière – sans territoire ; l'étendue...

Propice à toutes les transformations...

Initiant l'élan ; puis laissant faire le reste...

Le monde en actes ; le monde agissant – tel qu'il nous habite ; tel que nous le vivons...

 

 

Place nette ; à l'approche...

Au seuil avancé de l'angoisse...

Avec ce surcroît de fatigue ; en plus du tourment...

Le cœur suffisamment vide – pourtant ; comme si toutes les ombres s'effaçaient...

Emporté(e)(s) par les songes ; dans une sorte de ruissellement...

 

 

Dans l'obscurité du chemin...

En plein hiver...

Le plus vivant...

 

 

La preuve criante de la défaite...

Sur le parvis des jours...

En plus de la source et des eaux boueuses...

A sangloter (inutilement) devant l'entrée du temple...

Face à l'adversité ; face aux reconquêtes (perpétuelles)...

Comme une nuit dans la nuit...

Aux prises avec la pensée complice...

Assis sur la pierre ; sans même le souvenir du premier pas...

Le cœur si mal accordé au sol et au ciel...

Le corps exalté ; inféodé au souffle (très provisoirement) victorieux...

 

*

 

Sur la neige invisible du monde ; l'âme – les yeux ; le geste et la parole...

L'être comme trempé dans la glace et la nuit ; au cœur de la matière la plus sombre et la plus insensible...

Des ombres dépeçant d'autres ombres...

Sous le soleil hiérarchique des valeurs...

D'un bout de chair à l'autre ; toutes les croyances éprouvées...

A gémir en plein vent ; alors que d'autres agonisent (atrocement)...

Mille armées qui s'affrontent ; jusqu'à l'extermination ; jusqu'à l'anéantissement...

L'insanité et la barbarie partout célébrées ; et leurs plus dignes représentants couronnés – et hissés jusqu'aux cimes du royaume...

A se traîner si tristement sur ces rives où, sous les masques de la morale et de la probité, se succèdent (sans s'interrompre) les pires impostures et les farces les plus cruelles...

 

 

Sur le territoire de la démesure ; au milieu des dérives et des trahisons...

Comme si les cœurs et les têtes obéissaient aux plus viles ambitions...

Ce que l'on violente ; ce que l'on asservit – derrière les sourires et les révérences...

Ce qui contamine l'entière étendue ; ce qui s'insinue sous la surface – jusqu'à souiller les profondeurs...

Prisonnier(s) de cet atroce spectacle* ; qui nous glace les sangs ; qui nous joue (à tous) des tours effroyables ; et qui finira (bien sûr) par avoir notre peau...

* qui relève (à la fois) de la mascarade et de l'escroquerie

 

 

Au cœur du quotidien...

Le geste habité ; la parole nue...

Le vide – le vent et la vérité...

La peur et le sommeil ; comme effacés...

Plus qu'un temple ; plus qu'un chemin...

Ce que nous sommes ; ce qui nous constitue...

Parfaitement libres ; parfaitement écoutés ; parfaitement vivants...

 

 

Comme s'il suffisait d'un peu de souffrance et de solitude...

Comme si tout pouvait s'effacer...

Comme si les ombres ne peuplaient que la mémoire...

Comme si l'on n'avait qu'à repousser la violence et le sommeil...

Cette nuit ; et toutes ces lois ; si vivantes – si épaisses ; par-devers soi...

Emporté(s) – déjà – au-delà de l'angoisse...

Au-dessus des cimes et des feux...

L'horizon ouvert ; comme un miracle...

Seuil après seuil ; tout ce que l'on parvient à franchir...

 

*

 

Sur le sol ; hurlant...

Le cœur enragé ; au bord de la suffocation...

Alors que rien n'a encore (véritablement) commencé...

L'esprit vide ; l'âme comme détachée...

Incapable de s'habituer à la puanteur de ce monde ; à l'étroitesse des interstices ; à l'indifférence des vivants...

Comme si un (insupportable) silence recouvrait la terre à la manière d'un linceul...

 

 

Dissident ; indissociable de la révolte ; de cette résistance (nécessaire) à l'oppression...

Porté par un souffle réactif (et viscéral)...

Plutôt le feu que les yeux vides ; que les yeux baissés ; que les yeux qui se détournent...

La bouche hargneuse ; en guise de poème – en guise d'horizon...

Le poing levé vers le ciel ; et cette prière (enflammée) adressée aux hommes...

Essayant d'offrir un peu de lumière à cette profusion d'obscurité (à la manière d'un vent jeté sur la poussière)...

Un geste infime ; à contre-courant ; face à ce qui nous opprime ; face à ce qui nous indigne ; face à ce qui risque (bien sûr) de nous engloutir (avec le monde)...

 

 

Ici ; le trouble...

Ce qui se crie ; dans ce bouillonnement (presque) insupportable...

Au seuil du trop serré...

La gorge au bord de l'asphyxie...

A tenter de reprendre souffle...

Comme un élan (naturel et un peu désespéré) vers l'étendue bleue...

 

 

Incliné ; sans calcul...

Alors que tout est rompu...

Toutes les alliances sur le dos...

Seul ; face à l'insoutenable...

Comme une plongée au cœur de l'inconnu...

 

 

Par-dessous le sang ; l'horreur que l'on exacerbe...

Dans ce monde irréel ; gouverné par le rêve...

Déplaçant des armées et des montagnes...

Accentuant la douleur – le supplice – le carnage...

Au nom de quelques têtes qui s'imaginent savantes (sachantes)...

Au nom du songe dans lequel tout est précipité...

 

 

Ce que nous avons créé ; à la manière d'une bouche – d'un ventre – d'un gouffre – qui engloutit tout ce que nous accomplissons...

 

 

Sans oser se risquer au-delà du songe...

Le monde d'avant la mort (et qui – irrésistiblement – y conduit)...

La vie éparpillée ; qui s'éreinte dans la poussière...

L'inexistence démultipliée...

En plein sommeil...

Qu'importe le jour et les yeux ouverts...

Qu'importe la lumière lancinante...

Au fond du gouffre ; l'errance...

Sur cette bande de terre étroite et trop peuplée...

 

 

Le Dieu pressenti ; et ce qui nous cingle...

L'histoire obsédante dont nul ne peut s'affranchir...

Et l'aube – au loin – insondable ; et que l'on parvient à atteindre pourtant à mesure que l'on s'abandonne ; à mesure qu'on se laisse pénétrer par l'Amour – le monde – les circonstances...

 

 

L'esprit vide...

Les mains dociles...

Le cœur enfin éclairé...

 

*

 

Le souffle prisonnier qui s'évade ; pour échapper à l'étouffement ; pris dans ce tournis qui conduit à l'asphyxie ; pour franchir les frontières – élargir l'horizon – arpenter l'univers...

Comme une rive (des rives – mille rives) nouvelle(s) à explorer...

Dans cet air vicié du déjà vu ; dans ce monde de l'éternelle répétition...

 

 

Ni plus ombre ; ni plus chaîne...

Dédommagé – en quelque sorte – de ce plongeon dans la nudité...

Plus loin que le sang ; plus haut que le ciel des hommes...

Comme cette goutte de rosée ivre du chemin parcouru – du périple qui l'attend – du cycle qui (inlassablement) recommence...

Infime et dérisoire ; mais émancipé(e) du monde et du temps [par son enchevêtrement (infini) avec le reste]...

 

 

Par-delà la fièvre et les embuscades fomentées par le temps...

Dans l'instant affranchi des attentes...

Comme l'écume – consciente des profondeurs immuables qui l'ont fait naître – qui acquiesce (avec d'autant plus de joie) à sa petitesse – à son insignifiance – à sa fugacité...

 

 

Bouche bée ; face à l'obscurité...

L'ombre de la joie partagée...

Sur cette pierre sans prestige où les hôtes – pourtant – sont accueillis...

 

 

Sans rien reconnaître du gîte...

Et passablement désappointé(s)...

Sur ces chemins de sable et de poussière ; enchevêtrées (et obsédantes) – la quête de l'origine et la course à l'étreinte...

Et bientôt gisant au milieu des Autres ; à même la déchirure – à même l'indifférence...

 

 

Le jour comme porté par le visage...

Les mains hautes ; sans dague ni épine...

L'âme (parfaitement) lumineuse ; sans accablement...

Le cœur fort et fidèle...

A travers toutes les expériences...

Ce que nous sommes ; au cœur de la résonance...

(Profondément) incliné ; à la verticale de ce monde ; à la verticale de toutes les assemblées...

 

*

 

Manœuvre du recul et des profondeurs...

Distance haute et langage (assez) mystérieux...

Gestes amples et lents...

L'âme vive – pourtant...

Au milieu des créatures et des choses qui, sans cesse, se renouvellent ; et qui, sans cesse, recommencent...

Notre univers – en somme ; avec ses forces – ses courants et ses danses ; s'essayant simultanément à l'obscurité et à la lumière...

 

 

Parcourus et déchirés ; tous les rêves...

Puis, plus loin – ce qui mène au-dedans...

Comme quelque chose à explorer – à élargir ; un passage peut-être...

Un non-sens (sans doute) à désagréger...

Une sente vers le soleil ; vers la beauté ; sans rien meurtrir ; sans rien amasser...

A la manière d'un équilibriste ; au-dessus des corps et des cris – entre la pierre et l'infini...

 

 

Entre le ciel et la pierre ; celui qui vit – celui qui voit – celui qui se laisse traverser par la poésie...

Comme des éclats d'infini accrochés aux signes – aux yeux – aux gestes – au cœur...

Le secret de l'âme ; ce qui s'expérimente et s'écrit (de manière quotidienne)...

Dans cette trame ; un peu à l'écart du monstrueux...

Ce qui compte ; ce qui s'impose ; le plus juste – l'essentiel (sans doute)...

Tel un fragment dérisoire ; si humble – si infime – si réticulaire...

Ce qui est offert ; de façon (presque) fugitive – l'impénétrable...

 

 

Le soleil et la simplicité des forces naturelles...

Comme un surcroît de temps...

Dans le regard ; le frémissement de l'enfance...

Et tant de fils à démêler ; et tant de sentes à explorer ; et tant de racines à reconnaître...

Vers l'abrupt ; sans pirouette – sans promesse – sans prouesse...

La hache virevoltant pour essayer d'éparpiller les malheurs et les tempêtes ; pour essayer de récupérer un peu d'air – un peu d'or – reconquérir une (infime) portion du territoire...

Et ce à quoi l'on parvient ; à mesure que l'on s'enfonce au cœur du chaos ; à mesure que l'âme et la joie retrouvent leur envergure (initiale)...

 

*

 

Qu'on aille là où les grilles sont des chemins ; jusqu'à se distendre – jusqu'à se liquéfier – pour franchir les limites – atteindre toutes les extrémités...

Sans calcul – sans cécité...

Avec le souffle clair ; et le cœur ardent...

A coup sûr ; hors du labyrinthe – à travers le franchissement (assez aisé) des murs...

Vers ce lieu où ne subsistent que la poussière – la lumière et le vent...

 

 

Parmi les charognes et le sang...

Dans cette nudité solaire – pourtant...

La pensée courbée jusqu'à la rupture...

Un pas dans le regard ; et un autre dans l'abîme...

Jamais à reculons ; jamais avant l'heure...

Au milieu des ombres ; au milieu de ce qui n'a jamais compté ; au milieu de ce qui se désagrège...

Comme l'âme fidèle ; comme la parole vivante...

 

 

L'illusoire insuffisance de l'âme ; face au monde...

Assez ample (qui le sait ?) pour absorber les ombres – les cris et les atrocités...

Ce qui persiste ; ce qui s'obstine dans cette espèce de péché que l'on porte (que l'on semble porter) ; cette manière si orgueilleuse de croire en l'individualité...

 

 

Sans rien réclamer...

Face au délabrement...

Face au déclin du nom...

Seulement l'apparition du chant...

Le temps jeté au feu ; au milieu des souvenirs et des rêves...

Dans ces flammes plus hautes que la mort...

Le voyage ; cette sorte d'éloignement du monde pour célébrer la perte – l'agenouillement – notre (parfaite) capitulation...

 

 

Très lentement ; l'émergence de la lumière...

La figure dressée sur la glaise...

Au milieu du monde dévasté...

Ce qu'il reste ; une fois la tristesse dissipée...

 

*

 

Le cœur ravaudé ; piqué à l'aiguille...

Encore incapable d'accolade...

Après avoir été (sans doute) trop traîné dans la boue ; après avoir été (sans doute) trop déchiré...

Convalescent (peut-être) jusqu'à la fin du voyage...

Vivant pourtant ; sans que rien ne puisse entacher l'Amour ; sans que rien ne puisse entraver l'immensité...

 

 

La lumière pas même voilée par l'insoutenable (bien que nous soyons incapables de le voir depuis ces rives)...

D'ici ; trop de lourdeur et d'opacité ; trop de douleur(s) et de peine(s)...

A remuer tous ces rêves ; tout ce sable...

A ramper sur la terre ; sous ce ciel...

Dans cet entre-deux inconfortable ; (assez) désastreux – et, pourtant, porteur de potentiels...

(Presque) exclusivement – dans le lieu du dehors ; sans même imaginer l'ampleur de l'espace habité...

Seul (si seul) face à l'insanité (apparente) de ce monde...

 

 

Si près de soi ; le jour – la nuit – le ciel – le sol – la fenêtre – l'envol – la dérive – l'effondrement...

Encore trop de possibilités – sans doute...

 

 

Des sanglots ; une pierre dressée vers le ciel et quelques croyances – voilà nos (seules) réponses face à la mort...

L'âme dévastée qui ploie sous le poids de la peine...

L'incompréhension sur les lèvres ; au fond des yeux – devant la chair fragile (et blafarde)...

Sans voir ni l'enfance ; ni le passage – au cœur de cette nuit (si courte – et qui semble, pourtant, interminable) ; comme enfoncé(s) au plus profond de l'hiver..

Si tristement vivant ; d'un jour à l'autre...

Et jusqu'à la fin (apparente) ; avec tant d'amertume et de naïveté...

 

 

 

Trop longtemps ; les reflets du monde dans les yeux...

L'écume projetée sur la rive...

Les seuls reliefs – si souvent...

Sur notre (étroit) lit de pierre...

Dieu penché sur le bois mort...

Entre le désirable et l'éblouissement...

 

*

 

Sans voir le sang...

L'hilarité et l'indifférence ; comme incorporées au cœur...

L'esprit mesquin et intermittent...

A se balancer entre la bouche et le bas-ventre...

Dans une violence froide (et déterminée) ; la main agissante...

Solidaire des crimes (de tous les crimes) ; jamais du reste – jamais des Autres...

Et l'âme tremblante des moins insensibles ;

Dans ce monde de viscères et de poignes qui relègue la terre à un territoire de chasse (à un vulgaire sac à provisions dans lequel on plonge une main avide)...

 

 

La trajectoire ; comme enroulée sur elle-même – autour du feu...

Trémulant dans l'air léger...

Du plus illisible à la clarté ; à mesure que l'on s'enfonce en soi...

 

 

L'infini ; au-delà des configurations et des possibles...

 

 

Ce qui s'entrouvre ; dans ce murmure (à peine audible)...

Au plus sombre du jour ; au plus haut du cri – à travers cette longue plainte (presque) silencieuse...

La bouche remplit d'absence...

L'inconnu encore ; au fond de soi...

Et le cœur antique emporté avec le reste...

Au loin ; vers l'horizon noir...

Ce sur quoi tombent les yeux ; partout à la ronde...

Et ce bleu toujours introuvable...

 

Partagé entre l'ombre et le rire...

Debout ; face au vent moqueur (presque persifleur)...

A travers le miroir et le songe...

La lumière solidaire...

Qu'importe l'envergure des rêves...

Qu'importe l'intensité du trouble et l'épaisseur de la pierre...

Ce qui se cherche ; caché sous le sommeil apparent...

 

 

A travers l'écume et les images en flammes...

Le rougeoiement de l'aube...

Ce qui pourrait advenir ; derrière la figure du possible...

 

*

 

Après tant de mensonges (et de trahisons) ; la riposte naturelle (et légitime) de l'authentique...

Au milieu des masques et des escroqueries...

La seule réponse ; la transgression des conventions...

 

 

Toutes les couleurs courbées vers la lumière...

A la lisière du geste...

Entre l'âme et la main...

Pour rendre inacceptables la douleur et l'obscurité...

Pour oblitérer la férocité et l'indésirable...

Retrouver l'alliance avec le monde...

Être à l'écoute des inflexions persistantes...

Et se laisser traverser par ce qui surgit...

 

 

Dans l'effleurement du temps...

Ce qui s'enfonce ; ce qui nous alourdit – comme le sommeil et la monstruosité...

Et rien que le soleil pour faire face à ce qui nous obscurcit...

 

 

Au milieu des Autres ; du Divin...

Quelque chose dans le geste juste et la parole vraie...

Comme une main et un verbe intègres ; sans fioriture – sans apparat...

Un élan né du dessous du rêve ; de l'autre côté du réel – pour ainsi dire : clair et spontané – parfaitement impartial...

 

 

Sur la pierre noire ; comme acculé(s) – le corps contraint de chercher l'âme – l'esprit – l'espace – la liberté...

 

 

Lentement ; par-delà la voix qui s'élève au-dessus du monde...

Plus haut que le rêve qui surplombe cette terre incertaine et intranquille...

Du feu (pur) jeté sur l'étoffe souillée...

Le cœur frémissant...

Comme un peu d'éternité froissée – entre nos doigts malhabiles – à travers nos gestes si maladroits...

Encore trop loin du soleil ; ce qui tourne (désespérément) autour de la mort...

 

*

 

Attestées ; la neige – la marge et l'obscurité...

Très précisément – touché(s)…

Au plus proche comme au plus lointain...

Le cœur (peu à peu) vidé de sa substance ; au profit de la peur (qui le submerge et l'engorge)...

L'esprit résigné – entravé par ses croyances ; et qui abdique face au monde – face aux circonstances...

Comme si l'on nous inoculait un poison (de façon assez insidieuse)...

Nous condamnant à l'immobilité et à ces (atroces) relents de moisissures...

 

 

Trop loin de la trame ; comme écarté(s)...

Empêtré(s) dans une imposture ; entre la mort et l'irréalité...

Une forme (puissante) de rêve dont on étire les bords ; jusqu'à la limite ; jusqu'à la rupture...

Une manière d'inventer un sol – un ciel – un horizon – une perspective...

Prêt(s) à (presque) tout pour s'offrir le sentiment d'une échappée ; la possibilité d'un mouvement ; l'espérance d'une évasion...

 

 

La cendre (si légère) des morts ; emportée au loin ; et qui efface l'essentiel de l'histoire...

Comme une image (quelques images – peut-être) de plus en plus floue(s) ; et qui se fissure(nt) davantage avec cette poussière d'os qui se disperse...

Avec la complicité du temps...

Et ce qui demeure dans les têtes ; et qui persiste ; et qui résiste ; et qui insiste – comme pour ne pas quitter ce monde – ne pas disparaître ; et ressusciter peut-être...

Dans cette nébuleuse imprécise – vaporeuse – inconsistante ; ce que l'on y découvre (en approchant les yeux) ; mille interstices – mille anfractuosités – dans lesquels sont retranchés quantité de souvenirs vivants...

Comme si ceux qui étaient morts n'avaient pas suffisamment vécu ; n'avaient pas suffisamment existé ; par-devers nous – à nos côtés ; comme si l'esprit voulait (en dépit de tout) conserver la trace de leur bref passage...

 

 

D'une faille à l'autre...

Sur ce chemin de pierre...

Comme tiré vers soi...

Dans les pas lents de l'enfance...

Affectueusement dissimulé(e)...

Sans brouiller les pistes ; en essayant de suivre les traces...

En dépit de ce qu'il reste de terre et de ciel enchevêtrés...

Entre nos rêves et la boue de ce monde...

 

*

 

L'innocence rehaussée par cet afflux de lumière...

Sans remontrance ; sans jamais se soustraire...

Par-delà les filtres et les canaux...

Par-delà le scintillement (trop) ostentatoire...

Plus haut ; juste au-dessus du fil au bout duquel sont suspendus les destins...

 

 

Derrière le grondement sourd (et presque silencieux) des âmes qui dévalent les pentes du monde sur lesquelles on les a jetées...

Sans comprendre leur désir d'ailleurs ; leur impératif de sublimation...

Trop ouvertement du côté de la course et de la terre ; du côté de l'agir et du faire...

Vers l'en-bas...

Comme pour se défaire du linceul noir qui recouvre les secrets...

Prisonniers des tourbillons incessants...

Comme quelque chose jeté en pâture à ceux (à tous ceux) qui sont torturés par la soif depuis trop longtemps...

Un irrépressible élan ; à travers l'éphémère...

 

 

Plus bas que le ciel...

Le costume du prisonnier dont la chair aimerait se défaire...

Le cœur aussi vaste que le monde ; tant que durera le rêve ; et qui pourra se déployer bien davantage après...

Et ce feu que l'on croit éternel...

Et cet infini de lumière (trop souvent inaccessible)...

L'Amour – à nos côtés – depuis le premier jour – depuis le premier pas – pourtant ; le visage caché de l'espace qu'ignorent les figures tristes ; tous les esprits las de marcher dans la boue...

 

 

Le temps de découvrir – et d'expérimenter – la palette des couleurs...

Au cours de cet étrange séjour sur le sol...

Comme coincé(s) entre la vase et la sève ; entre la braise et le sang...

Sous ce ciel si haut ; si lointain – si irréprochable...

L'âme pensive au milieu des choses ; au milieu des danses ; au milieu des ombres...

 

*

 

Le souci de soi ; comme un secret enfoui sous le silence ; et dont on ne peut se défaire...

A la manière d'un feu ; d'une lumière – qui nous anime ; qui nous éclaire – opiniâtrement – (presque) avec brutalité...

Si proche ; en dépit de tout ce qui nous sépare ; comme cousu dans les replis du cœur...

 

 

Ici – déchiré(s) ; comme une torture alors que le plus simple s'invite – s'impose ; alors que l'or ruisselle sur l'âme...

Ensemble ; détaché(s) – inséparable(s)...

Comme étreint(s) alors que l'âtre (et l'être) semble(nt) déserté(s)...

Comme si un poids invisible nous écrasait ; comme si nos pas sur ces chemins trop étroits étaient inutiles ; prisonniers(s) – en quelque sorte – du périmètre du monde...

Si magnifiquement seul(s) ; sans savoir que la solitude rend le cœur léger...

 

 

L'âme troublée par la course du monde ; ce qui pèse (atrocement) sur les âmes...

Comme sous un ciel d'ombres qui a tout recouvert ; jusqu'au désir d'un ailleurs – jusqu'au désir d'un autrement...

Sans compter la douleur de vivre sans Amour ; sans liberté...

 

 

Achevé en un éclair ; au lieu de l'absence...

Le temps courbé par trop de hâte...

Dans un monde sans fondateur ; qui s'organise à travers les relations qu'entretiennent ses membres (tous ses membres)...

Pris entre la mort et la lumière...

Avec un horizon constitué de perspectives et de possibles qui s'expérimentent jusqu'à l'ivresse ; jusqu'à la folie ; jusqu'à l'impossible ; jusqu'au renouvellement (incontournable)...

 

 

Née (pourtant) de la nuit ; cette parole rougeoyante...

Dense – festive – efflorescente – (parfaitement) silencieuse ; en dépit du déferlement (un peu) hiératique – (un peu) tapageur...

Vouée à ce qui demeure au cours du passage ; à l'impérissable logé au cœur de l'éphémère...

 

*

 

L'enfance éternelle – turbulente et trébuchante ; inféodée au jeu – au désir et à la curiosité...

Qu'importe l'envergure du monde – la chair chétive et l'âme apeurée...

Vers l'ardeur et la nouveauté...

Vers le feu et l'étreinte...

Et ce goût (irrécusable) du cœur pour la joie et la liberté...

 

 

Comme si trébucher portait hors de soi (trop loin de son monde familier)...

Comme si l'on n'était pas le reste...

Comme si la lumière naissait du désir de connaître...

Comme si la fraternité était un mirage – une divagation – une extravagance – une folie...

Comme si nul ne voyait l'impéritie et la grossièreté de l'homme...

Comme si l'on ignorait comment habiter cette terre qui continue de tourner (avec une profonde indifférence à la tournure que prend le monde)...

 

 

Renouer (enfin) avec le bancal – l'ébréché – le provisoire et l'infini ; trémulant dans la moindre voix – crissant sous le moindre pas ; inséparables de ce que nous sommes...

 

 

Dans l'ivresse naissante du jour...

Consentant à la langue et au silence...

Dans la pleine solitude de l'âge...

Nous frayant (discrètement) un chemin vers l'infini...

 

 

Dans cette trame étrange élaborée peu à peu (sans arrière-pensée – sans conspiration)...

Faisant glisser, au fil du temps, les marges vers le centre ; agrandissant, sans cesse, son envergure...

A travers une longue (et lente) dérive ; sans bannière – ni corruption...

Fragments d'autres choses...

Sur la crête des cris ; ce goût de l'espace pour lui-même...

Jusqu'au silence ; jusqu'à la lumière – vivants et enchevêtrés...

 

 

Ici ; à travers le geste et la contemplation...

Ce qui s'étreint – ce qui s'atteint – ce qui se réalise...

 

 

Accaparé par le rythme qui creuse ses fondations dans la matière en mouvement...

Sur les ruines du monde d'autrefois...

Sur l'étendue vide...

Dans l'écoute (précieuse) du premier silence...

 

 

Sans rien imaginer...

Tout sens dessus dessous...

Les lèvres (comme le cœur) labourées par le silence...

Le front près du ciel (et sur lequel viennent se poser les oiseaux les moins farouches)...

Dans le ventre ; la puissance de l'arbre...

Et l'âme qui sourit aux aléas du monde...

Ce que les hommes appellent le hasard...

 

 

Nomade ; au pays des arbres...

Entre neige et collines ; entre sève et soleil...

La respiration si proche des saisons...

L'âme légère et les pieds (fermement) posés sur la pierre...

 

 

Le cœur révélé...

Comme si nous portions l'ombre et la faute – le gris et la guerre...

Dans cette manière (si heureuse) d'être...

Envoyant au Diable les principes et les mesures trop précises...

Acceptant Dieu – le feu – la joie ; toute la folie de l'incarnation...

 

*

 

Alors que le cœur adoucit la terre...

Alors que la chair rencontre la pierre...

Tout devient nôtre ; et nous disparaissons – avalé par l'espace (comme si les murs du labyrinthe s'étaient effacés)...

 

 

Là-bas ; au-dehors...

Dans l'interstice étroit de la pensée...

Ce qui produit une parole verbeuse – ampoulée (si dérisoire au regard de ce qu'elle prétend exprimer)...

Et en deçà de toute intention ; ce qui jaillit de l'ombre et de l'en-bas – de la franche humilité – d'un Autre sans doute (encore recroquevillé dans nos profondeurs)...

La flèche juste du dedans ; ici même – à cet instant – un verbe d'envergure capable de traverser l'invisible et la matière pour toucher l'immensité que nous portons en secret (et qui a, sans doute, été très adroitement dissimulée à notre regard par un Dieu malicieux)...

 

 

Le cœur noueux – comme le bois du chêne – qui se déploie vers la lumière ; les hauteurs du monde ; l'enfance (inoubliable) de la terre...

Un trait (un simple trait) qui donne la direction aux vivants ; à toutes les formes d'existence...

Peu à peu – vers son dénouement ; et déjà (bien sûr) enraciné au ciel (parfaitement établi en sa demeure)...

 

 

L'aile qui nous porte vers l'immensité et la mort...

Au-delà de l'attente et de la faim...

Sans modifier le déroulement des destins...

Accueillis dans tous les cercles...

Avec leur or et leurs malédictions...

 

 

Debout ; face aux grilles du monde...

Au plus réel du chagrin...

Au milieu de ce qui dissimule l'invisible ; à travers un voile diaphane...

Passant d'une déception à l'autre ; jusqu'à ce que tout se dissipe – s'efface – se révèle – s'inverse...

 

*

 

Au plus loin ; alors que tout signifie...

Comme si un masque – mille masques – recouvrai(en)t le visage des vivants...

Comme la réplique du même nœud autour de la gorge...

Une (véritable) épreuve au pays du passage...

Sur ces pierres ; comme en suspens...

Le front contre le mur...

Depuis des millénaires que l'on attend...

 

 

Tel un point dans l'espace – précipité dans l'immensité ; pour dessiner un trait de funambule – un fil autour duquel s'enrouler...

 

 

Dans les pattes du monstre-écraseur de créatures...

Comme un (minuscule) caillou dans sa chaussure...

A peser (pourtant) de tout son poids ; pour freiner l'allure – retarder la débâcle – tenter l'impossible...

 

 

Dans le toujours oui de ce qui vient...

La chute – l'abîme – l'envol ; le déploiement ou la restriction...

Bien plus qu'un rêve ; bien plus qu'un cri...

L'acquiescement ; au carrefour de toutes les voies – au cœur de tous les bruits de la terre...

Par-delà le refus – la grossièreté – le sommeil et la folie...

Ce qu'il nous faut vivre (de manière impérative)...

 

 

Dans la proximité (obsédante) du dedans...

Se rapprochant et s'éloignant...

Dans le flux et le reflux de la lumière...

Ici ; sur cette pente de pierre...

Le vide sous les yeux...

Alors que scintillent tous les reflets...

Alors que la vérité partout se révèle...

Nous préférons détourner le regard ; vivre autrement – accroître l'absence et la déchirure – nous éloigner plus encore (comme si notre exil ne nous privait déjà de l'essentiel)...

 

*

 

Nous encore ; alors que le vent passe...

Inconnu dans l'inconnu ; alors que se transmet le connaissable...

L'espérance de l'aube ; comme un tourment...

Quelque chose qu'il faudrait lancer contre les forces réfractaires...

A deux doigts du poing levé...

 

 

Si clairement dans la dissonance ; à présent...

Comme un épuisement du désir qui, autrefois, se dressait dans la boue...

Des tempêtes (en pagaille) sur la tendresse...

Sur le corps du premier venu...

Et l'ivresse face aux tremblements de la lumière...

(Sans doute) à la marge la plus lointaine du monde...

 

 

Des lignes disjointes qui excusent les lacunes – les manquements – l'inauthentique...

La voix dans le corps ; et la langue dans la voix...

Et ce silence qui se détache au fond des choses...

La main glacée ; le cœur coupant et déchiqueté...

 

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11 mars 2024

Carnet n°304 Au jour le jour

Février 2024

Un peu de chaleur ; quelque chose...

Une âme vivante ; sur la pierre – sous la peau...

Au fond des bois ; à proximité de cette rivière qui serpente entre la roche et les racines...

La beauté aux lèvres ; le ciel en contrebas...

Si près du sol ; l'Absolu...

Et l'esprit silencieux...

 

 

Comme un dôme ; à la pointe du jour...

Un tertre ; un peu de lumière – peut-être...

Les paumes lancées contre le vent...

En plein vol ; le langage...

La parole engagée...

L'absence pointée par le verbe ; au terme de l'effacement...

Et ce qui viendra ensuite ; ce que nous serons – instantanément...

 

 

Sans rupture ; et sans fin – le regard...

En dépit de l'indolence du monde – du cœur – des âmes...

 

*

 

Devant soi ; les yeux étendus...

Les pas qui défilent ; les voix qui murmurent...

Les ombres (toutes les ombres) projetées par la mort...

Réellement ; comme des vies entre parenthèses...

Des parts surgissantes ; et qui réintégreront bientôt l'immensité ; le fond du regard...

Sans tristesse ; sans le moindre regret ; avec un sourire (énigmatique) sur les lèvres...

 

 

Le long de l'arbre ; sur l'écorce – les mains sensibles...

Si paisiblement ; l'étreinte...

Le corps tactile ; la peau frémissante – comme un échange de sentiments...

Ce qui est partagé ; le plus vif – le plus vivant – peut-être le plus précieux ; ce qui nous constitue...

Quelque chose comme un bout de ciel ; et ce sol qui nous unit...

L'un dans l'autre ; entre nos propres bras...

Une sorte de fenêtre ouverte ; un secret (très délicatement) caressé...

Ce feu commun qui nous relie ; au cœur du même Amour...

Entre émerveillement et abandon ; le rapprochement des cercles intimes...

 

 

Dans les failles du verbe ; la lumière...

Ce qui s'éveille en silence...

Comme un chant délivré ; une offrande au monde...

Une halte à proximité de l'indicible ; quelque chose à sa portée...

 

 

Sur cette rive ondulante (et peut-être rêvée) qui favorise la parole – la rencontre – le rayonnement...

Jusqu'au cœur ; le plus essentiel ; jusqu'à percevoir ce qui ne se voit pas...

Comme un déchirement de l'espace et du temps...

Une sorte d'arrêt (soudain – et assez inespéré) de ce qui nous engendre et nous dévore ; et qui nous propulse au cœur de cet espace caché au fond de l'âme ; en ce lieu qui nous invite à rejoindre le grand vide salutaire ; cette immensité habitée par un feu et un vent impérissables...

 

 

De façon si furieuse (et si sanglante) ; ce qui devrait relever de la grâce et de la magie...

Quelque chose d'effacé dans le regard...

Comme une lumière très ancienne sur le point de disparaître...

 

*

 

Le regard précipité...

Dans l'évidence du spectacle...

A travers ce qui semble réel...

Le monde tel qu'il nous apparaît...

Dans la continuité du temps perçu...

Comme si le rêve prenait forme...

 

 

Ensemble ; les reflets inventés (plus vivaces que jamais) ; et qui semblent constituer le monde...

Cette fraternité d'apparat...

Dans la proximité du sol et du nom...

A la manière d'un droit de naissance...

Palpitant dans le même sommeil...

Entre les parois d'un esprit borné...

Et le vent qui tarde à se lever...

 

 

Le ciel martelé à coups de prières ; à coups d'espérance...

Couvert de cette brume noire née de la terre...

Comme un espace animé ; quelque chose qui semble vivant...

Au-dessus d'un monde de cris et d'ombres qui passent...

 

 

La chute ; le lieu de l'homme...

Réfractaire (si réfractaire pourtant) à ces eaux noires qui emportent...

L'âme hors du temps ; et sans regard – comme égarée dans cette (inévitable) déroute...

Vers la capitulation ; assurément...

 

 

Sans rien peser (sans plus rien peser) dans la fuite...

Ce qui s'éloigne du monde ; au profit de la lumière...

 

 

Au milieu des cris et des pleurs – des rires et des battements de paupières...

Un regard porté au loin ; sur l'horizon...

Ce qui (nous) est nécessaire pour continuer le voyage...

 

 

Habitant la terre et le ciel ; la vie et la mort – avec la même grâce et la même impuissance...

Comme le jour qui se lève ; comme la nuit remplacée...

Oscillant entre l'innocence et l'incrédulité...

Sous l'emprise de ce qui nous habite ; de ce qui nous anime ; de ce qui nous précède ; de ce qui nous surplombe...

Si peu volontairement existant(s)...

 

 

Le corps léger ; sur ces ailes neuves...

Du sol ; et des frémissements...

Ce qui s'élance ; ce qui s'élève...

L'esprit affranchi de tous les pièges ; de toutes les cages – espiègle – aérien – vaporeux...

A se demander ce qui existe encore ; ce qui peut résister à cet allègement – à cette féroce nécessité de ciel (et d'envol)...

 

*

 

L'évidence enchevêtrée au monde ; composé(e) de matière et d'invisible (parfaitement entrelacés)...

Jusque dans le silence noir des masses...

Jusque dans les hurlements coincés au fond des gorges...

Jusqu'au cœur des âmes plongées dans l'impuissance et le désarroi...

Jusque sur les pierres endormies...

Un peu de vent sur rien ; un peu de vent sur personne...

Quelques (dérisoires) désastres sous le ciel étoilé...

Et l'oubli à l’œuvre ; sans cesse – entre la vie et la mort – entre la terre et le ciel ; ce qui passe (en un instant)...

 

 

La gorge déployée ; le chant qui monte (sans jamais s'interrompre)...

Sans rien reconnaître ; le recommencement...

La ferveur de l'élan oscillant, sans cesse, entre ce qui fut et ce qui sera...

Les mots qui coulent – qui se déversent – qui s'étalent ; comme le sang dans les veines des vivants qui se répand (si souvent) sur les rives de ce monde...

Sans rien oublier du reste (bien sûr)...

 

 

A l'intersection de tous les territoires...

Cette chair appartenante...

Comme un vertige ; ce balancement entre le monde et la lumière...

 

 

Au milieu des arbres et des chants d'oiseaux...

Sur la pierre ; le bleu qui respire...

Et ce goût (jamais démenti) pour la vérité à vivre...

 

 

Table rase ; à la verticale...

Comme une fenêtre ouverte sur le monde...

Comme une plongée au cœur du plus intime...

 

 

Ce qui brûle la tête...

Le cœur qui s'enflamme ; le corps (parfaitement) réceptif...

Animé par ce feu ; cette soif si ardente...

Au milieu de ces existences qui se soldent (toutes) par un immense soleil...

 

 

Sur cette terre couleur de ciel...

Le vide ; la solitude ; le mirage de toute présence...

Au cœur même du monde...

 

*

 

Un ; sans Autre – sans le reste ; sinon ces parts nées de lui-même...

Des fragments qui ignorent (à peu près) tout de leur origine commune...

Et qui se vivent – et qui se pensent – séparés ; à la manière de bouts de matière dispersés...

Le cœur si vert – l'âme encore si enfantine – dans cette chair qui se gâte – qui se fane – vouée à une perpétuelle transformation...

Et qui reviennent – et qui recommencent – de mille manières – jusqu'à leur parfaite (et consciente) réintégration...

 

 

Quelques signes sur la (longue) route des siècles. Ce temps d'homme si minuscule ; la petite histoire du monde...

Sous le joug d'une main immense et méconnue ; éternelle et indéfinissable ; que certains attribuent à quelqu'un aux traits (étrangement) humains...

Un peut de nuit ; un peu de brume ; un peu de vent ; échappant aux contours du (trop) visible...

Et nous autres ; quelque chose au milieu de la chair ; et qui s'anime avec un peu de souffle – un peu de feu – un peu de sang ; vivant – bâtissant – cherchant – comme si la vie entière en dépendait...

 

 

L’œil (solitaire) posé sur la beauté des reflets ; nombreux – infimes – illusoires...

Plongé dans la contemplation de cette danse ; comme envoûté par les mirages de ce monde...

 

 

Le cœur ; comme un ciel zébré de rires...

Et en dessous ; le front large et embarrassé – à la vue de toutes ces têtes incrédules (face à tant d'incompréhension)...

A se balancer au-dessus des douleurs du monde...

Manquant – à chaque instant – de tomber dans l'abîme...

Apercevant toutes ces ombres au fond du précipice ; au milieu des cris – des mains tendues – des yeux qui supplient...

Le regard tourné vers le ciel pour invoquer les Dieux ; implorer la providence ; réclamer un miracle (la possibilité d'un renversement)...

Ici-bas comme un passage perpétuellement encombré d'âmes pressées (et passantes) ; montant et descendant au fil des circonstances ; sans rien comprendre aux forces qui les poussent – qui les tirent – qui les animent...

 

 

Les yeux posés sur ce qui nous porte ; le silence – le chant ; l'ardeur et la joie...

Tout ce qui nous traverse ; et la manière dont on habite le monde...

 

 

Et cette nuit étouffante collée à la langue ; qu'il faut détacher d'un coup de fouet qui claque...

Les mains face au vent qui emporte des monceaux de paroles fébriles...

L'âme partagée entre son dévouement au ciel et sa loyauté envers le verbe d'autrefois...

Si indifférente à ce que réclament les oreilles du monde...

 

*

 

Revenir à ce temps d'avant le commencement du temps ; et y plonger profondément pour s'affranchir de la durée...

Puis, sculpter l'effacement du monde (presque de la même manière) en réintégrant l'origine ; ce qui précéda la création de la matière...

Afin de (ré)apprendre à vivre libéré des contraintes et des restrictions ; de cette peur consubstantielle à la naissance du corps...

 

 

Passer outre ce poids qui pèse...

Au-delà du monde ; au-delà (même) du visage...

Ce qui s'enchaîne jusqu'à l'effacement...

 

 

Un parmi d'Autres ; aimant le seul – au milieu de la multitude...

Allant et venant ; de proche en proche...

Sous cette peau ; parmi ces figures et ces âmes – si familières...

Quittant la colère – retrouvant la couleur et la lumière...

Devenant roche et manteau d'étoiles...

Devenant frère et liberté ; presque rien – la possibilité d'un monde (un peu) moins âpre pour les vivants...

 

 

Le cœur parcouru ; qui s'élève paisiblement...

Vers l'aube...

Sur ce sol recouvert de braise et de glace...

A la fois source et support ; comme le geste et les yeux ouverts...

 

 

D'une chair à l'autre ; changeant de silhouette et de langage...

Sans confusion possible avec ce que l'on édifie par orgueil...

Plutôt à la manière d'une passerelle jetée entre ce qui semble (si) dispersé...

Célébrant d'autres réalités que le monde ; et privilégiant des territoires sans tristesse...

Invitant ainsi les fleurs à pousser entre les lèvres – dans les gestes – sous les pas...

Comme une vie revivifiée qui laisserait intactes la terre et l'innocence...

 

 

Ce que ne peut exprimer le langage...

L'impossible à apprendre...

Ce qu'il faut expérimenter au fond de sa chair...

Le cœur aiguisé par le monde – et les siècles ; qui se frottent (qui jamais ne cessent de se frotter)...

Et qui polissent l’esprit (et les choses) jusqu'à la transparence ; au-delà du plus intime ; au-delà de la plus haute nudité...

 

 

Invisiblement ; la vérité qui se révèle...

Dans le pas ressenti...

Dans le geste juste...

Dans la parole spontanée...

Toutes les couleurs du ciel sur le sable foulé ; dans l'air respiré ; dans la main qui offre le nécessaire ; sur les lèvres qui honorent et embrassent...

L'âme ; le visage et le monde ; transformés en soleil ; comme l'unique réconfort possible sur cette terre...

 

*

 

Tourné vers la rencontre ; et la lumière...

L'âme ardente qui veille ; attentive (patiente – sans impétuosité)...

La bouche légèrement entrouverte ; silencieuse...

L'oreille tendue ; qui perçoit le chant lointain – ce son venu du ciel et de la forêt qui dévale les pentes pierreuses...

Le cœur large – ouvert – amoureux...

 

 

[Modeste hommage à Jean Malaurie – le 5 février 2024]

Sur son lit de mort ; sur son lit de glace ; le corps (et le monde) réenchanté(s) – pourtant...

Ami de tant de cercles ; jusqu'au royaume de Thulé …

Sur la trace des pierres et des hommes – au milieu de ce désert peuplé d'ours et de chiens ; sur la piste des anciens ; en quête de l'invisible et du geste sacré...

Ardent défenseur de la sagesse des peuples premiers ; panthéiste (atypique) porté par une insatiable curiosité et un cœur incandescent ; qui a voué sa vie à lancer des ponts entre toutes les rives de la terre et de la connaissance ; à essayer de réconcilier deux manières d'habiter le monde...

Humblement – parmi d'autres hommes – dans l'assemblée ; la parole simple et savante ; et qui s'est toujours élevée face aux outrances de l'ouest ; face aux offenses de ses ressortissants ; ne cessant de blâmer la démesure et l'absurdité des ambitions du monde moderne...

Une âme s'en est allée rejoindre le ciel ; les compagnons de route qui l'ont précédée...

Marchant vers de nouveaux horizons ; au-delà des terres humaines – le vent favorable...

De toutes ses forces ; vers le nord...

 

 

Le cœur flamboyant ; dans ces battements obstinés...

Les yeux clos ; submergés par l'ardeur et l'émotion...

Dans cette longue veille qui a commencé avec la naissance du temps...

La chair frémissante ; sous les caresses du ciel ; l'âme (toute) tremblante...

Le regard empli de vertiges et d'abominations...

Et dans les bras ; le monde – cette fulgurante transparence...

 

 

Le cœur comme piqué d'épines ; face aux murs des hommes...

Partout ; si injustement...

Courbé sur la cendre ; à essayer de sauver du désastre quelques restes vivants...

Réceptacle docile d'un ciel sans cesse ruisselant...

Laissant la semence s'enfoncer dans les ventres – dans la terre ; partout où pourrait se perpétuer la danse de la vie ; et la respiration du monde...

Comme une plongée au fond du temps...

Une manière de multiplier les possibles et les horizons ; autant qu'une tentative de se hisser au-dessus de la multitude – des têtes braillantes – des tourbillons...

 

 

L'âme nue ; comme le corps – comme la terre...

Sous le ciel ; le temps déchiré...

Les mains levées vers les étoiles et la pluie...

Le visage fouetté par le vent...

Dans cette danse ; sur la roche – au milieu de la forêt ; invisible comme le sang qui coule dans nos veines ; et ce sourire (indicible) sous notre front...

A travers le langage des arbres et des bêtes ; cette intimité – comme un lieu (secret) à soi...

 

 

Au chevet de ce dehors si mal en point – à bout de souffle – presque moribond...

La tête lasse ; les yeux au sol ; épuisé...

Découragé par ces guerres sur tous les fronts – dans toutes les têtes – par ces chemins d'irrespect et de compromission – par ces ténèbres éclairées avec quelques lampes incertaines et vacillantes ; par ce rejet de toutes les évidences...

L'impuissance du ciel à crever les yeux ; et à fracasser les cœurs corsetés...

Le mystère et la joie bannis au profit de la tristesse et de l'obscurité...

Ce si peu de lumière dans le monde ; et les esprits...

 

 

L'immensité enfermée ; sans possibilité d'échos – réduite à ses (plus pâles) reflets...

Honnête et univoque – inattaquable – pourtant...

Si vaste au regard du minuscule archipel humain...

Porteuse d'une vérité profonde et silencieuse...

Sans jamais se départir de sa splendeur (malgré toutes ces amputations)...

Qu'importe l'oubli ; et la bêtise de ce monde...

Sur l'autel du silence ; l'espace et le grand feu qui lui est associé ; infiniment résilients ; et réparateurs...

 

 

Écartelé par toutes les directions prises par la volonté (et par la pensée)...

Divisé jusqu'à l'éparpillement...

Et ce morcellement de la vérité (à travers la diversité des actes et de la parole)...

L'imaginaire (bien) trop présent ; à la manière du rêve ; de l'échappée...

Rien du geste habité ; animé par les vents du monde et la conjonction des intentions...

Juste – ample – précis ; au-delà des circonstances apparentes...

Comme une fulgurance de l'esprit ; au-dedans de l'âme et de la chair – dans le parfait alignement des mouvements de la terre et du ciel ; comme un surgissement spontané né des profondeurs les plus mystérieuses...

 

*

 

Le verbe innocent ; qui s'abreuve à la source...

Sans poids – sans secret ; et ne dissimulant jamais sa joie de rencontrer un visage ; et une âme derrière le visage ; et un espace – et un feu – communs – derrière l'âme...

Une manière d'honorer une fraternité (à la fois) libre et enchaînée ; porteuse du mystère qu'elle cherche à résoudre...

Allant de par le monde comme d'un soleil à l'autre en découvrant (peu à peu) l'incontournable inconsistance des rives...

De tout à plus rien ; du monde à personne...

A travers ce voyage insensé...

 

 

 

Au cours de la succession (ininterrompue) des jours...

Et l'obscurité du vivant qui (encore trop souvent) nous harcèle ; pointant du doigt ce qui, en nous, demeure obscur...

Et ce rire ; et cette lumière – sur nos cris – sur nos larmes – sur nos défaites ; annonciateurs du renversement de la tragédie...

 

 

Parmi les arbres ; la parole claire...

Comme un ruissellement de lumière...

Invitant toutes les couleurs du langage ; remplaçant le blanc (un peu insipide) de la page et le noir (un peu triste) de l'encre – toujours trop strictement séparés...

Comme une affirmation du réel qui (enfin) trouve un réceptacle réceptif – ouvert – libre – sans a priori – où les mots peuvent se tisser aux choses de ce monde – à tous les mouvements du vivant...

Offrant ainsi (espérons-le) une danse joyeuse et virevoltante où tout est célébré ; et où rien n'a (véritablement) d'importance...

Une fête de la chair et de l'esprit ; qui associe l'âme à cette orgie de terre et de ciel – honorant (à la fois) l'abondance et le dépouillement – le déguisement et la nudité – la plus terrible cacophonie et le plus haut degré du silence...

 

 

Le regard sur le monde qui se déploie – qui s'échappe – qui se replie – qui réapparaît – qui s'absente – qui s'enfuit – qui succombe – qui s'efface ; suivant (très) précisément l'insolente (et dérisoire) chorégraphie...

 

 

Les yeux aimantés sur la blessure (comme envoûtés)...

Au centre de ce qui a commencé...

Au milieu de la lumière ; sur ce sol sans âge...

Quelque chose de la mort ; et de l'unité perdue...

Sans compter (bien sûr) cette aspiration à rejoindre le jour ; à retrouver le réel ; à vivre (enfin) le silence – la joie et la paix – promis par tous les prophètes...

 

 

Alors que la pierre nous hante...

Face à tous ces édifices construits dans le vacarme...

La tête somnambulique...

Autour de la prophétie ; plongé(e)(s) dans cette longue errance...

L'âme taciturne...

Le cœur effrayé par l'épaisseur du sommeil – les tremblements (inévitables) de la chair et l’étrangeté de cet interminable voyage...

L'esprit aveuglé par ces siècles de contentement paresseux...

Comme un rêve inabouti ; interrompu par cette peur maladive de la métamorphose – de l'abîme – du néant ; ajournant sans cesse ce différent (puis, ce plus rien) qui nous guette...

 

*

 

L'heure passagère ; démultipliée...

Sous des monceaux de ciel...

Et une foison d’étoiles étourdies...

Et des paupières en cercle ; attentives et silencieuses...

Et mille messages lancés aux quatre vents...

Dans l'ordre du monde...

Ce qui finit par advenir ; après les pleurs et la prière...

Avec le même insuccès – pourtant ; comme s'il n'y avait (strictement) rien à faire...

 

 

Dérisoire serviteur du reste...

Soumis à cette (implacable) loi du ciel...

Cloué(e) entre le sang et l'espérance ; la possibilité d'une vie nouvelle...

Comme le fils (hautement) sacrificiel...

L'homme pêcheur, puis l'homme pénitent...

Si loin du papillon de Tchouang-tseu ; mais appartenant au même rêve – sans doute...

 

 

A se balancer entre l'ombre et la nuit...

Contre les parois du monde ; contre les parois de l'esprit...

Dans l'illusion de la matière et l'espérance de la lumière...

En digne (et indécrottable) représentant de l'espèce humaine...

 

 

Le cœur immortel ; sur son trône de vent...

Et l'homme ; sur son trône de terre...

Si proches – pourtant ; en dépit de la matière...

Sous la même arche ; en dépit des noms donnés...

Les yeux vivants...

Et des traces superposées...

Qu'importe (alors) la brume ; qu'importe (alors) le réel...

La même solitude ; et l'immensité de l'espace – à même de tout rapprocher...

 

 

Au-delà des ombres et du blanc escompté...

Ce qui invite les âmes...

A travers cet étroit passage ; le pas sans mémoire...

Et la possibilité du souffle et du feu...

La vie offerte ; sans même la preuve de Dieu ; sans même devoir obéir aux lois des hommes...

Le corps ; amoureusement – jusqu'aux cendres dispersées...

Guidé par le plus haut désir...

Vers le détachement ; en dépit de l'ignorance ; en dépit de la cécité...

L'esprit qui (imperceptiblement) se rapproche...

 

*

 

L'immobilité...

Au milieu du monde ; des âmes errantes et des esprits obstinés ; du temps à la dérive...

Encerclé(e)(s) par cette danse perpétuelle...

L'infini qui se rétracte et se déploie ; sous nos yeux – à la manière d'une respiration sans fin...

Ce qui tourne jusqu'au vertige ; jusqu'au déséquilibre ; jusqu'à l'effondrement...

Les courants – les reflux – les remous ; et le déferlement des vagues scélérates...

Avec, au centre, l’œil – maître des mouvements – le grand ordonnateur des naissances – des morts – des redéploiements...

Sous le règne (permanent) de la métamorphose...

 

 

Soit dissous ; soit dévoré ; le surplus – le superflu – l'évitable...

Sans reniement ; mais sans autre possibilité...

Vers le seul horizon propice au voyage – à l'exploration – à la découverte ; en dépit du dérisoire ; en dépit de l'éphémère...

Le lointain ; à peine nommé – pourtant ; et toutes ces caisses de rêves à déplacer ; au lieu de tout jeter au feu...

 

 

Aux jours passés ; le ciel revenu...

Contre le temps ; le corps frémissant – et les battements (ininterrompus) du cœur...

Et au fond de la place vacante ; la lumière...

Et l'esprit clair (et ouvert) ; sans le moindre souvenir – sans la moindre résistance...

Et comme le reste ; l'invisible dans la somme des traces...

Ce qui est perçu par les yeux (autant que l'on peut voir)...

Et la parole de plus en plus audacieuse ; qui s'essaye au monde – qui s'essaye au vent et aux flammes ; prête à répondre à l'appel ressenti ; vers le vide – assurément...

Vers l'imperceptible ; au-delà de toute vision...

Ici ; sans jamais contester la perte – les faillites – l'abandon...

Dans le dédale du temps ramifié ; soudain – l'immortalité que l'on découvre – au fond d'un recoin obscur (et oublié)...

Et plus loin ; plus lumineux et plus accessibles aux vivants ; au terme d'une succession d'instants perdus – Dieu et l'oubli – le présent – cette promesse d'un éternel recommencement ; ce que certains appellent l'éternité – cette sorte d'interstice (étrange et étroit) – infiniment reconduit – qui s'est (parfaitement) débarrassé de ce qui le précède et de ce qui le suit...

 

*

 

Accoudé au ciel ; comme accordé...

L'âme légère – aérienne ; au-dessus du sol...

Allant et venant ; entre ici et ailleurs – toujours (un peu) plus loin ; jusqu'au vertige ; jusqu'à l'incandescence ; jusqu'à la folie...

Les mains vides...

Le cœur happé par la course ; en infatigable pèlerin...

Le corps vagabond (toujours aussi vagabond)...

Là où résonnent le ciel et la forêt ; au milieu du silence et des oiseaux...

 

 

Comme Dieu devant soi ; le monde...

Comme l'âme vibrante ; Dieu en soi – répondant à l'appel du monde...

A la mesure de l'espace ; le dialogue – ce long voyage jusqu'aux retrouvailles...

Le corps abandonné ; avec le reste...

Pour retrouver le lieu de la joie et de l'intimité...

 

 

Les paupières lourdes ; puis comme arrachées par la lumière...

 

*

 

La tête des Dieux et la tête des hommes – (parfaitement) interchangeables ; et qui se balancent assez négligemment entre la terre et le ciel...

Sur tous ces fils entrelacés...

Jusqu'à fissurer la lumière...

Sans parvenir – pourtant – à dissiper la nuit...

 

 

Le même visage ; maintes et maintes fois...

Sur toutes les îles de l'archipel...

Dans l'espace vide...

De métamorphose en métamorphose...

En ce même lieu...

Pour apprendre à habiter la matière ; et à rendre le vide vivant...

 

 

Le jour qui glisse...

Comme un esquif (fragile) sur les eaux du monde...

Sur la terre tournante...

Sous les étoiles tremblantes...

Entre la voûte et le précipice...

De vertige en vertige...

Et dans son sillage ; ce surprenant spectacle – la danse effarée des ombres...

 

 

Mille manières de parcourir le versant noir du monde...

Avec la nuit alentour ; sous les frondaisons épaisses...

Derrière le grand rideau de feuilles qui protège notre silence ; le territoire (si précaire) du sauvage (habité aussi par quelques solitaires)...

La lumière (étonnamment) braquée sur les étreintes ; et l'entente un peu étrange (si peu commune) entre ceux qui parlent – ceux qui crient et ceux qui poussent...

Sur cette sente vierge (quasiment vierge) de traces...

Au milieu des rires et des murmures (discrets)...

Comme invité au cœur de cette danse secrète...

Ensemble ; et sans pudeur...

 

 

A deux doigts de ce sommeil ravageur...

Échappant (de justesse) à cette fièvre de fantômes affairés – au corps triste et froid – au cœur cadenassé – aux yeux bandés...

En ce lieu où le ciel s'invite sur la roche ; où le monde devient (à la fois) le temple – l'autel et la chose à célébrer ; parmi ceux qui vivent à l'écart ; l'Absolu penché sur cet irréductible territoire...

 

*

 

Sur la feuille ; le monde...

Le silence originel ; dans son dialogue avec l'âme...

Défait(s) des exigences des siècles et du temps...

Témoignant (si volontiers) des évidences perçues les yeux ouverts...

En signes clairs (et abondants) ; presque solaires (presque efflorescents)...

Solitairement entrevu(e)s...

Au plus près (sans doute) de la source ; au plus près (bien sûr) de la roche ; à la portée de l'esprit de l'homme...

 

 

La joie offerte aux obéissants ; soumis aux lois fondamentales et aux mille mouvements qui parcourent l'espace...

Suffisamment vides au-dedans pour se laisser traverser sans encombre ; sans que rien ne puisse former le moindre embâcle*...

* par accumulation des traumatismes – des blessures – des regrets – des désirs – des ressentiments...

Participant (sans attente – sans ambition – sans espérance) au mystère à l’œuvre...

Et conservant intact le secret ; agissant en instruments dociles – joyeux et consentants – des jeux initiés par (toutes) les forces en présence...

 

 

Plus loin que le ciel ; ce que le regard perçoit...

Ne négligeant pourtant ni la terre ; ni la faim...

Laissant tout se déployer ; jusqu'à la plus grande confusion (parfois)...

S'étendant sur ces rives interminables ; et éclairant même les alentours...

Attaché (très attaché) aux forces qui s'opposent et se complètent...

Ne prenant jamais parti ; privilégiant le mélange et la diversité...

Favorisant l'incertitude – l'engagement du cœur et le détachement de l'esprit...

Impartial et précis (si impartial et si précis) dans ce qu'il éclaire...

Projetant sa lumière jusqu'à l'effacement [jusqu'à ce que toutes les choses de l'âme et du monde disparaissent – deviennent des non-sujets (de véritables non-sujets)]...

 

 

Ici ; déchargée la masse des objets...

Et la nuit déversée comme une eau froide...

Laissant briller le plus précieux...

A demeure ; en ces lieux éternels...

A la manière d'un règne ; ce rayonnement...

Le plus haut (sans doute) de l'homme et de la civilisation (jusqu'à présent)...

 

 

Au cœur ; le feu...

Et cet alignement ; dans l'exact prolongement du ciel...

Sous les arbres qui se dressent au passage de la lumière...

Comme face à celui qui règne...

Le mystère (un peu) plus pénétrable ; à mesure du vertige...

Qu'importe l'ampleur (et l'authenticité) du témoignage...

Dominé par l'urgence de l'appel...

Ce qui nous gouverne – si souverain en ce royaume...

 

 

Sous le règne de l'errance…

L'ailleurs agissant (avec force et détermination ; et si involontairement)...

L'âme (naturellement) penchée du côté du versant opposé à la peine...

Déplié sur la pierre...

Et le vent qui s'engouffre ; comme pénétrant dans un temple...

Presque une sorte de socle pour aller – confiant – sur les chemins...

Affranchi des lois de la foule...

Laissant les rencontres nous disperser ; reconstituer l'absence de forme initiale...

D'un pas allègre et joyeux ; si parfaitement consentant...

Dans le vent – la poussière et l'effacement...

 

 

Ici ; l'espace sans le silence...

Les visages affairés ; les cœurs en état d'ébriété...

Et les âmes terrorisées par ce monde ; s'inquiétant (sans doute) à outrance ; mais si peu habituées à cette innocence corrompue et à cette férocité (farouche et fébrile)...

Sans même savoir ce qu'est l'ignorance...

S'imaginant lettré(s) – sensible(s) – savant(s) – civilisé(s) ; s'abandonnant à la plus haute idée de l'homme...

Plongé(s) pourtant dans le bavardage – la bêtise et la barbarie...

Ce que l'on prend pour de l'intelligence et de la lucidité ; ainsi (trop souvent) se considère-t-on au royaume de l'illusion...

 

 

A écouter ce qui sourd ; à travers la roche et le vent...

Ce ruissellement du temps sur les visages...

Au cœur même du jour ; cette nuit inconnue (non reconnue)...

Au fond du ciel ; (pour le moins) malmené...

Et cheminant ainsi sur la terre ; sans la moindre révolte – sans la moindre contestation...

 

 

Sur ces rives (bien) trop terrestres ; l'immensité à la peine...

Le sol occupé – découpé ; ravagé par l'occupant...

Tout qui saigne ; sur la pierre fracassée...

Des plaies béantes et des dépouilles entassées...

Comme un immense mausolée noir et des corps ruisselants...

Comme le règne du pire ; au nom de l'homme – cette démesure et cette ignominie...

 

*

 

Parfois l'Autre ; sans raison...

En un éclair...

Remplissant l'espace (la totalité de l'espace)...

Ainsi se dessine (parfois) le destin...

Sur cette ligne de vie entre la source et l'abîme...

Sous la lumière silencieuse...

L'existence qui s'efface et se déploie ; comme tourne le monde...

 

 

L'oubli ; maintes et maintes fois – déjà...

Sans le moindre souvenir du monde précédent...

Comme une ivresse tourbillonnante ; une sorte de vertige qui fait basculer l'esprit sous le seuil de lucidité...

Pour que l'ombre s'étende ; et recouvre tous les chemins empruntés – tous les horizons parcourus...

Le regard voilé ; derrière cet épais rideau – cette frontière infranchissable...

Et l'âme prête à repartir ; à tout recommencer (un peu différemment – peut-être)...

 

 

Sous la neige noire de l'humiliation ; cette rage forcenée qui donne l'élan nécessaire pour s'extirper du piège...

Ainsi tourne la roue ; de l'obscurité à la lumière...

 

 

Le cœur nomade...

Entre deux rives ; deux patries peut-être...

Entre pierre et ciel...

A la suite du jour errant...

Comme abandonné aux exigences des vivants...

 

 

Ce qui transforme le voyage en itinéraire ; sans imprévu – sans incertitude...

Comme une route ; un circuit – balisés...

Le danger à peine imaginé...

Au revers de la solitude aventureuse...

L'avenir sans autre perspective que cette longue suite de repères sur cette sente mille fois empruntée...

 

 

Dans la foulée du paraître ; la parole codifiée...

Sans restituer (sans pouvoir restituer) l'authenticité du verbe ; et moins encore celle de l'intention – cette manière si sensible d'habiter le monde – cette (incorruptible) fidélité aux ressentis...

 

*

 

Des yeux au geste ; sans sourciller...

Le cœur à la lisière...

Lui autrefois si rêveur – si mélancolique...

Et si fidèle à la légende...

Moins qu'un homme à présent...

Figure du jeu ; bien davantage...

Œuvrant presque clandestinement...

 

 

Les mains liées à la justesse ; au lieu de l'artifice...

Animé(es) par l'intention sous-jacente – antérieure ; simplement obéissantes...

Dédaignant la raison et les conséquences...

Porteuses de cette beauté sans nom ; comme le début d'un rêve ; une spontanéité...

Au service du plus souverain ; au service de la nécessité – neutres (pour ainsi dire)...

Dans le sillage même de la lumière et de l'innocence ; quand bien même devraient-elles répandre les ténèbres...

 

 

La nuit silencieuse ; qui recouvre le sommeil ; et les âmes qui veillent – attentives au retour de la lumière...

Faible fanal dans l'obscurité du monde...

Le cœur au milieu des légendes...

Sur ce sable noir qui engloutit les corps...

La vie face à sa source ; face à ce qui l'éclaire...

Ce grand défi qui s'offre aux vivants...

 

Ce qui s'exhibe ; ce qui s'éclipse...

Au plus près de l'ombre ; toujours...

Sur ce sol flamboyant...

Et les yeux qui font éclore...

Sous la clarté patiente des étoiles...

Ces ténèbres provisoires...

 

 

Le ciel statufié par ceux qui appellent – et prient – celui qu'ils ont élu ; au lieu d'embrasser la vie et l'invisible ; la douleur et la fièvre de l'âme qui cherche Dieu dans chaque geste – à chaque instant – la vérité vivante et quotidienne qui s'offre à tous les cœurs qui se sont dépouillés...

 

*

 

Le ciel courbé par la tristesse ; et ce déversement de sang insensé...

Incapable de stopper la violence et le temps...

Et le monde mû par les eaux des profondeurs...

Tiré du néant ; et projeté vers le plus sensible...

Là où nul ne peut échapper au passage et aux blessures...

A travers ce qui renouvelle le souffle des générations...

 

 

Entrevue de travers ; cette lumière...

L'étoile éternelle qui resplendit jusqu'à l'aube ; de l'autre côté...

A s'imaginer puiser sa force au cœur de la source ; là où l'homme se perd ; là où l'homme s'épanche...

Emporté au-delà ; par cet excès de liberté...

Allant jusqu'à traverser toutes les frontières pour parcourir l'autre versant de l'opacité...

 

 

Au voisinage du monde...

Sans défiance ; sans envie...

Comme tiré par le soleil...

Sur l'arc-en-ciel du jour...

En déséquilibre ; prêt à chuter de l'autre côté du regard...

Assis sous la pluie dense ; l'âme heureuse dans cette chair épaisse (et peureuse)...

Dans cette silhouette si humaine ; l'envol et le prophétique...

Le cœur ravi par cette envergure (enfin) reconnue...

 

 

Le corps enchaîné à la roche...

Et la couleur du temps qui coule dans les veines...

Dans cet élan ; l'essor du regard...

L'ascension sans perspective ; simplement libératrice ; affranchissant des aimantations triviales (si communes)...

Vers la lumière ; au-dessus des ombres et de la vie minérale...

 

*

 

Le jour qui se lève ; et l'âme invitée...

Incertains dans leur émergence...

Comme une parole hésitante...

Et entre deux battements de cœur ; ce qui pourrait advenir ; l'impossible – peut-être...

A la verticale de l'identité ; entre tant d'autres...

 

 

La chair présente ; auréolée de mystère...

Sous ses airs marmoréens ; la fragilité et l'inconsistance...

Érigée et vacillante ; façonnée et tremblante...

Se fanant (irrémédiablement) au fil des saisons...

Sans prestige durable...

Après cette apparition victorieuse (quasi miraculeuse) ; perdant, peu à peu, à tous les jeux...

Hors des retrouvailles ; laissant à l'âme le soin des voyages plus lointains...

Endossant le supplice ; et lui laissant l’extase...

 

 

Sur ces pentes étrangères ; ce désert d'hommes...

Loin de l'écume (grise) du cœur...

L'âme tapissée de solitude...

Et dans la sueur ; et sous la chair – ces restes de rêves vénérés par le monde...

Dans notre chambre de roche et de bois ; en ces lieux des marges où s'organise la résistance ; où se fomentent de maladroites (et nécessaires) révolutions...

Gorgé(s) d'idées – d'ardeur et d'Amour...

Prêt(s) à aborder l'existence et le monde sans la moindre intention (ni la moindre résolution) ; et à irriguer la terre de cet Autre (et de tous ces Autres) qui nous habite(nt)...

 

 

Un jour de caresses et de lumière ; comme une ascension au-dessus de la terre...

Entre l'âme et les mains ; ce qui tremble et circule...

Et nous rejoignant (presque tous) face au même visage...

Sans inquiétude ; le sort qui se décline de mille manières...

Au seuil des apparences ; sur ces hauteurs mystérieuses – toutes ces merveilles qui prolifèrent...

Comme si l'on avait brûlé tous nos vieux restes de sommeil...

 

*

 

Sur le bord déclinant du jour...

Seul face au crépuscule...

Le cœur humble (si humble) devant la nuit qui s'avance...

Cherchant le territoire de l'être...

Derrière l'apparence du monde et du temps...

 

 

Le cœur creusé par les tremblements...

En ce lieu où se résolvent les existences (toutes les existences)...

Délaissant les mythes et les masques ; le cheminement des étoiles...

S'aventurant sur les terres les moins humaines...

Derrière les visages auréolés de fumée noire...

L'Absolu ; et dans son sillage – cette longue traînée bleue...

 

 

Entre les mains du possible...

Le destin écrit sans hasard...

Au-delà de toutes raisons...

Le tendre – la carte et l'horizon...

L'infini – de bout en bout – comme recollé dans nos bras ; et sous la chair rouge et palpitante...

Acceptant (enfin) l'obéissance ; à travers l'âme agenouillée qui accueille ; à travers le cœur conquis qui s'abandonne...

Scellant ainsi la restitution des pleins pouvoirs à ce qui nous habite – à ce qui nous anime – à ce qui nous manœuvre...

 

 

Longtemps après le monde ; cette brume crépusculaire ; cette clarté par trop ténébreuse...

Les yeux percés ; l'âme (un peu) perdue...

Face à tous les présages...

Sourd aux chants qui montent...

Le front lourd face au règne des ombres...

Aux abords de l'inconnu ; le bleu encore – si secrètement...

 

 

Loin de cette procession de visages aux yeux fermés...

Ce long (ce très long) cortège de silhouettes à la démarche d'automate...

Le cœur et les pieds ; enneigés...

A parler sans rien dire...

Déferlant ; au milieu de l'écume...

Transformant (malgré eux) le voyage en mirage – en fantasme – en rêverie ; comme placé(s) sous le signe de l'illusion...

Et léguant à la terre une descendance stupide et désastreuse (depuis tant de générations déjà)...

 

 

Aussi proche de la bête que du Divin...

A hurler à l'Amour ; la main tendue vers l'impossible ; entre le monde et la nuit...

 

*

 

Atteint jusqu'au sang ; et ce qui s'ensuit...

Ni meilleur ; ni moins bon ; simplement différent – sous ses peaux si provisoires...

L'aventure terrestre ; de la roche à l'aurore...

Sur le même chemin ; mais, peu à peu, affranchi de l'hérédité...

Goûtant (progressivement) aux joies du déconditionnement...

Jouant (apprenant à jouer) avec tous les masques ; et nous abandonnant (de bonne grâce) à la nébuleuse des identités...

Nous laissant mener successivement par la lumière et l'opacité ; par le refus et l'obéissance ; par l'étroitesse et l'immensité...

Et revenant (très régulièrement) à ce que l'on était (juste) après les origines ; avant la danse (un peu folle) qui succéda à l'aube ; puis, parcourant (un à un) tous les sillons nés du jeu entre le souffle et le feu...

Ici et ailleurs ; autour et au-dedans...

Sans jamais fuir ; debout (toujours) face à ce qui se présente ; face à ce qui nous échoit...

Dans le provisoire et le fantasmagorique autant qu'au cœur du réel – des profondeurs – du mystère ; aussi droit que possible dans les bottes que nous avons chaussées...

 

 

(Irrésistiblement) marqué(s) par le passage...

Comme projeté(s) vers la chute et les étoiles ; simultanément...

Le corps à la suite du tournis de l'âme...

Autrefois si atrocement entouré...

Le cœur pourtant amoureux ; au milieu des silhouettes inconsistantes – indifférentes – persécutées...

Puis, peu à peu (et sans la moindre raison apparente), happé(s) par le ciel...

 

 

La main hardie (et ardente) des mortels...

Face à la solitude (et à la mort) ; le cœur si courageux...

Malgré l'invasion des images – des reflets – des fantômes ; en dépit des coups – des cris – des crimes – des couleurs...

Au-dessus des profondeurs méditatives...

A la surface des eaux vives qui entourent ces continents peuplés d'étranges créatures...

L'âme de plus en plus dénudée ; qui apprend, au cours du voyage, à explorer l'intimité (et l'envergure) des liens...

Aimant, d'une égale façon, ce qui se rencontre et ce qui se transforme...

Vers l'Amour ; assurément ; la lune en rond – hors du cercle de ceux qui savent...

 

*

 

Sous le linceul du temps

L'horizon découvert...

Ce qui, en nous, aime les fleurs ; et le grand ciel solitaire...

Ici ; comme un homme avec son ombre...

Et là-bas ; plus qu'un sourire ; un peu de lumière...

Se tenant par la main ; face à face – dans cet étrange corps à corps...

Les bras offrant leur bouquet de tendresse et de vérité...

Sans un mot ; à même le geste – le regard – la terre...

 

 

Autour des spectacles ; les mains qui applaudissent...

Et par-dessous ; l'étreinte...

Le cœur plongé dans la chair...

Et le regard ; en surplomb des tragédies...

La veulerie et le sommeil ; l'innocence et la tendresse – comme les sévices les plus atroces – honorés de la même manière...

Jusqu'au fond de l'abîme ; jusqu'aux plus lointaines périphéries de l'arène ; la même ardeur et le même entêtement...

Ainsi tout frappé par le sublime (par touches discrètes) ; en dépit de ce qui crie – en dépit de ce qui se déchire – en dépit des âmes épouvantées...

 

 

Les vestiges d'un très ancien promontoire...

Au-dessus de l'impossible...

Et plus haut encore ; l'intimité qui s'offre à celui qui est de retour (à tous ceux qui sont de retour)...

Après les excès de monde ; l'abondance et la satiété trop facile ; ce qui met un terme à cette odieuse comédie...

 

 

Au-delà de l'ombre ; le plus précoce...

Ce sur quoi débouche ce long sommeil...

Après la rage et l'abandon...

A travers le plus simple ; le territoire habité – comme en terre conquise...

 

 

Si involontairement ; le chemin...

La figure qui révèle l'envers du monde...

Au terme de la quête ; l'inespéré qui s'offre aux âmes exsangues – défaites – agenouillées ; parfaitement capitulantes...

Comme un soleil ; une seconde naissance après l'abdication...

(Enfin) le sacre du plus naturel qui vient se substituer à des siècles d'artifice et de déguisement...

Le temps (béni) de la délivrance...

 

*

 

Depuis peu ; les agréments du voyage ; cette grâce au-dedans même de la peine...

Si désinvolte ; face à l'éternité...

Si précieuse ; la sente empruntée...

Qu'importe ce que l'on a parcouru ; et qu'importe ce qu'il nous reste à parcourir...

Tout ; en dépit de l'indifférence et du poison (patiemment) inoculé...

Sans (jamais) se moquer ; sans même fustiger l'horreur...

L'existence ; pareille à un rêve – à un mystérieux flottement...

 

 

Sans emprise ; la lumière – quelque part...

Avec mille couleurs ; et mille influences – le monde tel qu'il nous apparaît...

A la surface de l'expérience...

Et ce rire ; sans gagner la moindre partie...

Nous évaporant ; nous liquéfiant...

A l'épreuve de l'air et du feu...

Jusqu'à tout subir ; au-delà même de l’insupportable...

 

 

Plus rien ; à côté du chaos...

Le réel et l'âme ; si amoureusement réunis...

Sous le signe tantôt du néant ; tantôt de la fécondité...

Toujours à la manière d'une fête...

Définitivement associés à la danse...

Entre l'aube et la mort ; la saveur et la lumière...

 

 

Si (douloureusement) sensible aux malheurs...

L'Amour comme la seule affirmation ; in(com)parable...

Contre le courant commun ; et le pavillon noir de la propagande si haut hissé avec ses franges en dentelle et son tomentum de velours sombre et soyeux...

De l'écume (corrompue et contaminée) sur les plaies ; comme un onguent tissé d'épines et de mensonges...

Le monde (nous ne le savons que trop) ; tel un grand brasier dans lequel tout se jette (sans qu'aucune tête ne puisse y échapper) ; telle une grande cage au fond de laquelle les créatures tournent en rond en rugissant – comme de grands fauves enfermés derrière des grilles de papier...

 

*

 

Au commencement du tout ; cette fulgurance – comme une rupture avec l'insouciance...

Et dans son sillage ; la naissance de la durée – du devenir – de la finitude et de la mort ; et ce qui leur est consubstantiels ; l'angoisse et l'inquiétude...

Créant cet inévitable entre-deux ; et une sorte d'horizon à atteindre – poussant l'homme à entreprendre (et à obtenir) mille choses (qui varient au gré des valeurs prônées par le monde)...

Sans plus rien de la joie et de l'Absolu ; sans plus rien de la grâce et de la gratuité ; reléguant la folie à une incapacité et l'imaginaire à une forme de distraction...

Éradiquant l'infini des possibles pour ne faire subsister que des moyens pour parvenir (à ses fins) ; réaliser ses ambitions ; donner un sens à l'éphémère et au dérisoire...

Sonnant le glas du réellement vivre – en quelque sorte...

 

 

L'espace de la répugnance...

Et cette vanité vagabonde (dans son parcours si prévisible) ; qui migre au gré des territoires conquis...

Si loin de ce monde ; notre solitude...

Et de cette pratique honnie et répudiée ; pour continuer à vivre humblement et sans itinéraire établi...

 

 

Loin de la foule ; le nécessaire – l'essentiel – la joie – ce qui (nous) est familier...

Au milieu des lèvres et des yeux ; l'inconsistance...

Et pour soi seul ; la mélancolie et le sentiment de trahison...

Comme écrasé par les promesses (presque toujours) dolosives de l'Autre ; puis abandonné au désert et au feu...

Nous éloignant (peu à peu) des simagrées du monde et des amours humaines...

Sans autre destinée que l'infortune (avant d'expérimenter les bienfaits – la grâce et les privilèges – de la solitude)...

 

 

La chute ; un peu plus qu'en songe...

Vers ce néant magnétique (si envoûtant)...

Par des voies si fréquentées ; jusqu'au basculement...

Ce qui sera (sans doute) à jamais...

Qu'importe le monde – l'envergure du cœur – l'errance – la solitude – les possibilités de l'esprit...

De mort en mort ; jusqu'à ce plus rien...

Ainsi s'achève la participation (volontaire et enthousiaste) au grand cirque (avec ses spectacles – ses clowns – ses déguisements – ses numéros périlleux d'équilibriste)...

Au milieu des massacres et de l'innocence où rien n'est épargné ; ni les postures – ni les prières – ni l'empyrée promis par les prophètes...

 

*

 

La nuit filamenteuse ; ramifiée – envahissante ; dont le parfum enivre longtemps après sa disparition...

Comme une portion de ténèbres étoilées qui ravit cette partie du cœur rétive à la lumière...

Ce qui nous sauve de toute légende et de cette idée (absurde et illusoire) de béatitude et de beauté absolues...

Un espace (autorisé – Ô combien) d'oubli et de sommeil ; d'excès et de faiblesse...

La part oubliée de Dieu ; la part du Divin (en réalité) qui favorise (fort heureusement) la chute – l'abîme – l'imperfection de l'invisible et de la matière...

Le soleil de la douleur (dans tout son éclat) ; alors que le jour (et la joie) resplendi(ssen)t...

Là où l'ombre de l'esprit résiste – se rebelle – se déploie...

 

 

Veilleur ; à travers le prisme du cœur rougeoyant...

La solitude destinée ; et lumineuse...

Ce que l'aube infuse ; dans l'âme...

 

 

L'empreinte de la multitude...

Sur la peau vivante (sur la peau sensible) de la terre...

Sans être entendu(e)...

Étrangement déserteur...

D'aucun nom ; d'aucune appartenance apparente...

Issu de mille lignées – pourtant...

De la patrie de l'invisible...

Sans trace ; comme une poussière dans le vent...

Rayonnant du royaume de l'innocence ; à travers le geste – le pas – la parole...

L'âme si discrètement incarnée...

Et à peu près rien d'autre...

 

 

Hissé sans heurt de l'autre côté du miroir ; là où naissent le jour et le monde ; là où la lumière est silencieuse ; là où la douleur disparaît ; là où cesse la malédiction ; là où la défaite écrase toute forme d'ambition ; là où la chute devient triomphale ; là où la solitude rejoint l'Absolu ; là où tout se rencontre – cohabite – se mélange – se confronte – sans la moindre arrière-pensée...

A la verticale des apparences...

 

*

 

Si peu de chose ; le grand ciel de l'homme...

Comme sa plus haute promesse...

Loin de l'Absolu ; de tout impératif...

Avant ce retour qui fait naître tant de larmes et de cris ; simple propédeutique (pourtant) nécessaire à l'émergence d'une joie affranchie des circonstances...

Comme si l'univers se courbait au passage de l'âme (de chaque âme) ; ouvrant le cœur comme une boîte (à trésors) sans fond ; faisant converger toutes les lignes de vie vers le franchissement du temps...

 

 

A travers le souffle ; les prémices de la dépossession...

L'éphémère célébré ; et exultant...

La lumière (intermittente) gravée sur la peau – le fond même de l'âme ; alors que les alliances se tissent sous le ciel silencieux...

Le signe (manifeste) du passage ; malgré l'aube que l'on voudrait éternelle...

 

 

A perte de vue ; le sang – et toutes ces têtes folles...

Ce néant célébré sans indignation...

Avec tous les rêves dessinés à la craie sur la peau – sous la chair – des Autres...

Le cœur opaque et brutal...

Les destins (tous les destins) enfientés par nos actes – nos désirs – nos conspirations...

Ce qui se dilapide ; sous les drapeaux qui flottent au vent (avec fierté – avec ostentation)...

Uniformément ; le signe du malheur...

 

 

Entre toutes les mains ; entre toutes les âmes – ce qui passe (si imperceptiblement)...

De sommeil en sommeil ; sur le même horizon...

Si peu soucieux des choses sensibles ; de cet enchaînement (interminable) d'épreuves – de désastres – de disgrâces – d'infortunes...

Comme un piège qui se referme sur la pierre...

L'envergure de la malédiction qui nous écrase – qui nous dévore – qui nous foudroie ; sans oser relever la tête et regarder dans les yeux ce qui nous tyrannise...

 

*

 

L'espace formé par le regard...

Laissant tout apparaître...

Mille phénomènes ; mille jeux provisoires ; mille formes périssables...

Et laissant battre les cœurs...

De tout leur poids dans la balance...

Pour que l'Amour puisse naître au grand jour ; s'entrelacer à la matière...

Dans ce mélange de visible et d'invisible...

Ce qui revient (bien sûr) à dire ce que nous sommes...

 

 

Présent à soi ; à l'Autre ; à la chair – autant qu'à la lumière...

Le cœur vivant ; le corps animé...

Et qui sait pourtant que nous ne sommes qu'un rêve ; le théâtre d'un esprit sans attache – né, peut-être, d'un rêve précédent...

Comme si l'histoire (toutes les histoires) ; comme si le monde (tous les mondes) – n'étaient qu'une succession de songes ; des bulles d'air dans le vent ; que ne parviendraient à percevoir ni nos têtes infirmes – ni nos cœurs trop insensibles...

Si inaptes encore à discerner le réel...

 

 

S'aventurer ; au bord de l'inconnu – les pieds mêlés à l'ombre et à la magie...

Au crépuscule ; déjà émerveillé par le monde...

Seul ; sans cortège...

Hors de la file folle et inhumaine...

Les yeux brûlés par le mystère...

L'existence (en partie) révolue...

A contempler le silence – les étoiles – les visages...

Presque confondu au reste...

 

 

 

A l'occasion du vivre...

A tort et à travers ; parfois – si joyeusement...

Le bleu déployé au fond du rire...

La langue comme un bouquet de fleurs vivantes...

Orienté vers ce qui transcende le verbe et la pensée...

Depuis cet horizon courbe ; à même le socle de l'enfance...

Inspiré par le cœur et l'enchaînement des circonstances...

L'âme innocente (bien sûr)...

Face à la mort (et à l'absence) ; les larmes – la douleur et la possibilité...

 

*

 

En procession intermédiaire...

Le fantastique en tête...

A la manière du seigneur des lieux...

L'âme – et les yeux – fixés sur son règne...

Remplaçant la rumeur par le chant ; et imposant (naturellement) aux ombres le silence...

 

 

A petits pas ; vers la lumière...

Absorbant la présence sans préliminaire...

Pénétrant l'intimité ; et abandonnant le reflet...

Le front contre les brumes successives...

Et le ruissellement des signes dans le regard...

Le cœur de plus en plus ouvert...

 

 

A la mesure de la plus ancienne envergure...

En dépit de l'itinéraire et des tentatives de repli...

La pente aussi libre que l'être...

Allant vers sa naissance les yeux fermés ; comme porté par le vent...

 

7 février 2024

Carnet n°303 Au jour le jour

Janvier 2024

L'oreille étirée ; vers le moins perceptible...

Heureuse d'être poussée ; jusqu'au miracle...

Et qui n'obéit qu'aux forces du vent (qui parcourt l'espace)...

Et la bouche qui apprend, peu à peu, à rire de toutes les impostures...

Et les yeux qui s'étonnent du nombre (incalculable) de recoins inexplorés ; de tous ces cercles inconnus et concentriques...

Et le cœur – prêt à lever l'ancre – à quitter le sommeil – à reprendre le voyage ; cette longue odyssée à travers les ruines et le néant...

 

 

Aux portes des lieux et des âges sacrés...

Dans l'exploration des plaies et des possibles...

Tout droit le chemin ; à travers l'étendue...

Et dans le dos ; tous les souffles de la terre...

Prêt à affronter toutes les circonstances ; l'angoisse et les malheurs – derrière soi...

 

*

 

Au demeurant ; ce qui éloigne...

Le cœur sans intention ; comme regardant passer le monde et le temps ; (très) vaguement souriant...

Dénué de ruse et de malice ; foncièrement (très foncièrement) innocent...

Libre des forces qui le traversent ; et laissant le reste œuvrer à sa guise...

Témoin, parfois, d'un rapprochement...

Le bleu (parfaitement) ressenti...

La nuit (parfois) interrogée ; comme la neige (en hiver) qui recouvre la roche et l'échine des bêtes...

Obéissant au temps des arbres ; au rythme lent de leurs désirs...

Cherchant – peut-être – la perte ; à retrouver cet état si proche du plus rien...

 

 

L'âme ; sans lieu – déjà...

Et errant comme au premier jour du monde...

Cherchant à comprendre ; jamais à demeurer...

Trop consciente du passage ; de l'admirable fugacité des choses ; de l'incroyable beauté de l'éphémère...

 

 

Ce qui se cherche derrière le désir qui s'embrase ; derrière l'absence...

L'immensité – perceptible à travers l'embrasure...

Et l'impalpable ; et l'infini – au-dessus de la fable...

Et en deçà de la poussière ; les fantômes et l'incompréhension...

Comme s'il suffisait de franchir le seuil des interdits...

 

 

Dans cette nuit tournoyante ; le feu qui se propage ; d'abord, de bouche en bouche – puis, de cœur en cœur...

Et le plus sensible ; remerciant...

Comme un cercle qui s'élargit ; et dans lequel les marges (peu à peu) s'effacent...

Soustrayant au visible ses chaînes...

Agrandissant (de manière considérable) l'étroitesse des cellules ; et l'esprit des prisonniers...

Favorisant ce parfum (assez méconnu) de liberté qui, soudain, emplit l'air et (en partie) les têtes...

A travers les âmes ; quelque chose – peut-être – du Divin auquel on a, pendant si longtemps, adressé ses prières...

 

*

 

Dans le sillage du vide...

Nous ; (profondément) pénétré(s)...

Jusqu'au soleil ; l'âme et la blessure traversées de part en part...

Après cette fièvre et cette attente ; interminables ; à la suite du détachement naturel ; comme une sorte de récompense (estiment, en général, les esprits un peu étroits)...

Comme des ailes nées du désir éteint ; et ce grand ciel au-dedans de la tête ; et cette étendue découverte au centre du cœur...

Ce qui pourrait favoriser la poursuite (inespérée) du voyage (nous qui l'avions tant négligé – nous qui l'avions presque oublié) ; au-dessus des ruines du monde...

 

 

Plus rien du visage ; plus rien du nom ; plus rien de la mort...

Plus rien du cœur ; plus rien de la foule ; plus rien de l'exil...

L’étreinte ; seulement...

Et l'ensemble et la singularité ; (très) étroitement enlacés ; dans un parfait emboîtement...

Comme enveloppé(s) par les bras de l'âme ; par les bras du monde – qui (aujourd'hui) se confondent ; et cet autre ciel (à présent perceptible) au-dedans des choses...

 

 

Désespérément ; la main tendue...

Et avec trop de vanité et d'ostentation ; ceux qui offrent le pain...

Comme une terre chargée d'orgueil – d'ombres et de représailles (toujours possibles)...

D'un côté – le cœur percé qui se vide ; et de l'autre – le cœur exsangue – incapable de se remplir...

Sans jamais s'extraire de cette parfaite asymétrie ; le monde (terriblement affligeant) construit (et entretenu) par les hommes...

 

 

Conjuguer l'absence et l'intensité ; la figure et l'effacement ; le temps et l'éternité...

Dans le bleu (impénétrable) du regard...

L'âme (toute retournée) qui acquiesce à l'inexplicable...

S'extirpant (apprenant, peu à peu, à s'extirper) d'un très profond sommeil...

 

 

A la manière d'une langue qui se risque ; qui s'aventure ; qui explore...

Dans une sorte de pas de côté ; et une profondeur supplémentaire accordée au mystère...

Les mots qui s'affranchissent des règles – du sens – de la mémoire...

Parcourant (essayant de parcourir) le réel ; l'indéchiffrable à notre portée...

Fouillant l'invisible jusqu'à trouver sa couleur...

Allant et faisant halte au gré des surprises – des miroitements – des résonances ; et n'emportant presque rien dans ses bagages ; un peu de nudité ; et ce qu'il faut pour ressentir et remercier...

 

*

 

Corseté(s) par le manque et les revendications...

L'hostilité (plutôt) crépusculaire...

Sans jamais renoncer ; l’œil têtu...

Au bras du loup et de la mort...

Et cette tâche en tête ; si obsessionnellement...

Dans ce long cortège terrestre qui écrase et piétine...

Coupé(s) du jour ; la vie comme à travers des barreaux...

 

 

La main tendue vers le ciel et le chant...

Avec tous les vivants autour de soi...

Ne réclamant rien d'autre que l'intimité ; et aidant l'âme (bien sûr) à s'y employer...

 

 

Plus cœur que tête ; face au miroir...

Ce qu'offre la main heureuse ; et ce que l'âme récolte...

Un peu de lumière ; et un peu de joie – supplémentaires...

Sans rien ignorer des reflets ; sans jamais confondre le sourire des lèvres et celui de l'âme...

Quelque chose du silence (profondément) expérimenté ; quelque chose que l’œil a (très longuement) examiné...

 

 

Plus proche (de plus en plus proche) de la roche – de l'arbre – de la bête que de l'homme...

Plus proche (de plus en plus proche) du sensible – de la lumière – du silence que des bavardages et des (folles) aspirations de ceux auxquels on prête (en général) un visage...

Le cœur (assez) radicalement penché ; au risque de basculer ; de franchir (ou d'effacer de manière définitive) la frontière établie par ceux auxquels on ressemble ; et qu'ils n'ont eu de cesse de consolider pour essayer de se différencier des Autres ; du reste...

Dans le prolongement de l'oreille – du sol et du ciel ; à croître humblement – discrètement ; l'âme émergeant (peu à peu) au-dehors ; de plus en plus certain du chemin et de l'évidence qui se dessinent...

De moins en moins étranger à la respiration de l'invisible...

 

 

A travers l'éternité de l'espace...

Dérisoire fragment d'ignorance – pourtant...

L'esprit émergeant (à peine) de cette longue suite de songes...

Empruntant (sans même le savoir) un itinéraire très ancien – presque pas perceptible...

Entre encre et errance ; sillonnant ces rives où l'on passe en un clin d’œil ; à travers un rideau de larmes et de souvenirs ; et une multitude de monuments humains...

Quelque chose (à la fois) de la solitude et de la cohorte ancestrale ; l'homme et l'éternité – en quelque sorte – dans leur (singulier) face à face...

 

*

 

Perdu(s) à la lumière ; derrière le rideau opaque ; cette frontière devant laquelle les hommes s'affairent ; lancent leurs flèches – leur feu – leurs prières – leurs pensées – leurs paroles – pour essayer d'en franchir les grilles ; et pouvoir ainsi échapper, pensent-ils, aux malheurs et aux malédictions...

Arpentant la terre ; avec cette détresse sur l'épaule ; le poids de millions d'années...

La proie rêvée des Autres ; et le pas si lourd ; et l'âme comme écrasée...

Dormant d'un sommeil de plomb...

Sur ces rives que l'on piétine ; l'essentiel de ceux qui pensent (à tort – bien sûr) être dotés d'une conscience...

 

 

Hanté par l'envol et la volupté...

A travers le filtre de la tristesse...

Prisonnier du rêve et de la nuit...

Comme devant une image ; derrière des grilles peintes par on ne sait qui (pour on ne sait quelle raison)...

La tête dodelinante ; et les yeux baissés sur une (maigre) piste ; l'esquisse d'un (pauvre) chemin...

 

 

Au cœur de ce monde pourrissant ; mille visages ; et autant d'étreintes (malhabiles et malaisées)...

Dans l'ombre immense et fertile du songe...

Dans la tête de l'homme ; pleine de nuit...

Au milieu des tours et des ruines...

La vie – la mort – la soif ; l'inévitable faim du ventre ; et ce qui incite l'âme à cheminer...

Au-dessus de l'épaisseur ; au cœur de ce labyrinthe insensé...

Sur cette sente qu'il faut, sans cesse, réinventer...

 

 

Sous les hurlements insupportables (et, pourtant, silencieux) de ceux (de tous ceux) que l'on assassine sans sourciller...

Le sourire aux lèvres ; et le cœur joyeux...

Sans même comprendre ; sans même deviner – la multitude des drames ; sans rien saisir de l'envergure de la tragédie qui se joue devant tous les yeux...

Comme poussés jusqu'à l'extrême pointe de l'ignorance – de la bêtise – de l'ignominie...

La cruauté ordinaire de l'homme (crasse et quotidienne) ; cette façon (absurde et insultante) d'habiter le monde ; si insensible aux souffrances de ce qui se tient sous sa botte...

 

*

 

A force de creuser le miroir...

Ce qui se révèle ; la danse (inévitable) des reflets ; et l'ombre marionnettiste...

Ce qui se cache derrière la faim et le sang ; derrière les larmes et les rêves...

Ce qui n'a de prix ; ce qui se goûte ; inexorablement – l'insondable réel ; et ce qui se donne par surcroît ; le rire et la joie...

Notre vrai visage – sans doute...

 

 

La tête tiraillée entre la soif et l'étoile...

Comme partagé entre deux possibles...

L'un – l'aventure solitaire et sauvage – incertaine ; et l'autre – la petite naissance avec son cortège d'aisances et de facilités...

Et la voix qui entraîne ; de douleur en douleur ; sur cet étrange chemin d'épines ; sans jamais pouvoir choisir – sans pouvoir (véritablement) s'engager...

 

 

Marcher vers l'appel ; qui se renouvelle ; à travers un chemin – toujours inconnu ; indéfiniment...

Ce qu'on réalise ; avec de plus en plus d'Amour – d'obéissance – de liberté et de joie...

 

 

A vivre sur cette terre de mort ; sur ces rives fatiguées...

Entre le règne des entrailles et celui de la férocité...

Le sauvage qui déferle – par intermittence ; entre deux sommeils...

Abandonnant la beauté ; la livrant en pâture à l'odieuse mécanique...

Vivant entre la menace et la pierre ; entre les griffes et les crocs...

Laissant les jours se succéder ; parfaitement identiques...

 

 

Dans la nuit épaisse (et interminable) ; lézardée de clôtures et de frontières...

Cette marche ; comme pour épuiser un intarissable chagrin ; sans jamais (bien sûr) parvenir à terme ; sans destination précise sinon cette fin apparente...

Et nous livrant ; et nous adonnant – à l'obscur et à la souffrance ; et nous en délectant (malgré nous)...

A la manière de somnambules fantomatiques – la bouche ouverte et les bras tendus devant soi ; nous cognant à toutes les choses en rêvant...

 

*

 

Là où le jour est si intimement lié à la joie...

Le temps effeuillé ; l'âme à la renverse...

Et ce silence au fond des yeux ; au lieu de la fatigue...

Comme un murmure (un long murmure) que nul jamais n'entendra ; à l'intention (seulement) du cœur – de la vie – du reste – que nous sommes (presque intégralement) devenu(s)...

 

 

Le bruit (feutré) des pieds nus dans l'herbe ; au rythme de la danse – le corps et l'âme (langoureusement) enlacés...

Qu'importe les épines ; qu'importe la destinée...

Ce qui a remplacé les gémissements et les cris...

Ce qui a remplacé la nuit et le travail de forçat...

Les yeux emportés par la ronde des pas...

Dans le refuge (insoupçonné) de ce qui nous côtoie...

 

 

Insoucieux du monde et du temps...

Dans cette étrange contre-allée de l'histoire ; (assez) invisiblement...

L'enfance émerveillée...

Sans la moindre querelle ; sans la moindre réclamation...

Qu'importe les ronces – la semence ; et (même) les coups de semonce...

Par-dessus l'obscur ; par-delà les malheurs et les chagrins...

Le cœur suffisamment vide (joyeux et solitaire) pour aller par tous les chemins...

 

 

Si près de l'illisible ; nous autres vivants...

Sans rien espérer ; sans jamais s'efforcer (sinon continuer à être)...

Tantôt sente ; tantôt fenêtre ; sans rien décider – sans rien laisser paraître...

Sur l'épaule ; le jour et le verbe léger...

Et infiniment reconnaissant pour ces jours d'angoisse et d'épuisement qui offrirent, peu à peu, la possibilité d'un dépassement...

 

 

Passager(s) d'un temps (depuis longtemps) révolu...

Encore au cœur de ce monde construit à grands cris...

Sans même percevoir son emprise et le nombre incalculable de promesses non tenues...

Engagé(s) dans l'apparence plutôt que dans ce qui semble inconcevable...

Homme(s) de la parenthèse (à bien des égards)...

 

*

 

Des béquilles et de l'ivresse ; l'esprit enfermé dans sa cage ; son territoire étroit...

D'un reflet à l'autre ; comme s'il s'agissait de soleils...

Comme dans un rêve ; avec ce bruit de chaînes (que l'on n'entend plus)...

Seulement la fièvre et l'envoûtement...

Et quelque chose d'introuvable ; trop éphémère (sans doute) dans cette nuit sans fin...

Ce qui est ; ce que nous sommes et le reste ; constitués de vide et de vent...

 

 

Une lampe ; derrière – accrochée au miroir...

Les clés lancées vers le soleil...

Et les apparences, peu à peu, négligées...

Le visage devenant figure ; puis, reflet ; puis, ombre s'amenuisant et finissant par disparaître...

Et le mystère – à présent – si palpable (si concret) dans ce qui s'observe ; plus de différence – plus de frontière – entre ce qui regarde et ce qui est regardé...

 

 

Au jour passant ; l'innommable...

La cécité du dehors ; et l'absence...

La destruction et le froid...

Sans âme ; sans personne...

Au fond du cœur ; au fond du noir – le même désert – la même désolation...

 

 

Le cœur chapardé...

Dans ce hasard ; cette souffrance – ce (bien trop) visible...

Les vérités du monde ; si dérisoires...

L'illusion d'un territoire ; et (presque) le même songe chez chacun...

Et la même nuit ; assurément – en tous ces lieux...

 

 

A cet instant ; agenouillé...

Aux marges des choses...

Dans ce blanc qui surplombe (très légèrement) le monde...

Le verbe humble et (pourtant) flamboyant...

Comme une (soudaine) trouée de lumière ; une éclaircie sur ce qui tangue ; sur ce qui sombre…

Le bleu ; en dépit des orages et de la couleur (bien trop souvent grise) du ciel – dans les yeux de ceux qui ignorent...

 

*

 

Le silence ; au fond de la respiration...

Comme un espace caché ; une étoile au-dessus de la mort...

Quelque chose au-delà de la pierre...

Du vent pour désarçonner le sommeil ; et secouer les ensommeillés...

L'une des rares manières de (re)découvrir son cœur (intact en dépit des millénaires passés) ; et de comprendre que l'âme a toujours porté des ailes...

 

 

Cette perte qui s'ignore ; sous les paupières...

Comme un soleil égaré ; des yeux fermés...

Un écho qui aurait tout englouti...

Le trajet d'un désir vers son propre deuil...

Des pas entravés...

Le jeu du monde ; et ses (innombrables) conséquences sur l'âme...

Et une main (parfois) qui émerge (un peu désespérément) des décombres...

 

 

Le temps ; entre les mains d'un Dieu trop pressé...

Comme projeté dans l'espace ; à la vitesse de la lumière...

Dans le sillage (bien sûr) du secret...

L'œil fermé sur le trajet...

Et l'esprit qui cherche encore à s'en affranchir...

 

 

A travers la nuit métamorphique...

Le temps d'une existence ; d'un récit...

Un regard sur le désir...

Comme une fenêtre qui s'ouvre sur un flux d'intentions (engendrées par un faisceau de courants mystérieux) ; comme une coïncidence entre un manque et mille possibilités...

La danse de l'âme – en quelque sorte ; sous un visage (apparemment) décidé ; (apparemment) volontaire ; (apparemment) engagé...

Et le feu – dans l'ombre – qui exulte...

 

 

Le cœur frappé ; tantôt par l'engourdissement ; tantôt par la lumière...

Endormi ou ébloui...

Dans l'ombre – toujours – d'une force ; au-dessus ; intérieure – pleinement souveraine...

Et l'esprit – attentif et frémissant – profondément affecté, lui aussi, par ce qui arrive ; par ce qui le traverse...

Soulignant ainsi l'insuffisance des vivants ; cette manière passablement impuissante d'être au monde...

 

*

 

Refuser cette intimité chimérique (bien trop fausse – bien trop feinte – bien trop mimétique)...

Un régal pour les yeux ; mais une torture pour l'âme...

Avec tous ces gestes simulés ; vides (bien sûr) du secret...

Dans la réserve ; alors que l'autre est un feu – une brûlure – une incandescence...

Noire ; et la tête qui prime ; alors que l'autre est un cœur ensoleillé...

Ostentation ; alors que l'autre est oubli – humilité et discrétion...

Au hasard (apparent) des pas ; ce qui nous est donné...

 

 

Solitairement commune...

Comme la joie qui fleurit sur la rumeur et le murmure...

Comme le regard vivant – sur la pierre...

Comme l'invisible caresse sur la plaie...

Comme le mystère qui se rejoint...

A travers nous ; en dépit des malheurs...

 

 

Sur le chemin ; revenu...

Sans plus aller ; se faisant (simplement) plus attentif (et plus réceptif) à l'évidence d'un Dieu perpétuellement présent ; de plus en plus tangible à mesure que s'éteignent les interrogations ; à mesure que cessent les bavardages – tous les bruits de l'esprit...

Identique à autrefois pourtant ; mais suffisamment dépourvu de volonté aujourd'hui pour que puissent advenir l'obéissance et la souveraineté...

L'ascension du regard ; le ciel descendu ; et le monde amoureusement habité...

 

 

Imperceptiblement ; les ombres et les monstres qui se dissipent...

Le temps qui bascule dans l'imprévisible...

Et ce qui s'érige (en vain) vers le ciel ; abandonné...

L'espace au-dedans de l’œil ; qui se déploie...

La joie qui s'intensifie...

Le cœur chanceux (si chanceux) dans sa chute...

Reconnaissant ; alors que le visage s'estompe ; au profit de l'impérieuse figure des forces de vie...

L'équilibre (partiellement) défait entre le désir et le manque...

D'éloignement en approbation ; jusqu'à la disparition (progressive) de ce qui nous hante...

De plus en plus vide – en somme...

 

*

 

Comme rivé au vent ; l'esprit de la lumière...

Dans cette course éternelle...

Au cœur du spectacle...

Au creux de l'hiver ; au creux du néant...

Et des lanternes disséminées sur la route...

Tantôt fortune ; tantôt sommeil...

A travers le même passage...

 

 

L’œil fixé sur la tragédie des ténèbres...

Observant le sang – la sueur et la semence...

Accroché(s) à l'étoile funeste...

Les têtes entassées à la hâte ; par-dessus les corps...

Tout un territoire peuplé de barbares ; entouré de barbelés...

Au milieu des ruines de l'âme...

Abandonné(s) (presque totalement) par l'esprit...

 

 

Marchant encore ; le verbe porté comme une invisible bannière ; au service de toutes les causes (désespérées)...

Sur ces rives (si) crépusculaires...

Sous le règne des passions tristes ; le silence comme suspendu...

Avec la survivance de quelques rêves ; de quelques baisers – volés sur la pierre ; et le souffle de quelques-uns qui vient s'ajouter au vent...

Dans un (immense) désir de tempête ; et la nécessité de tout emporter...

 

 

Rien n'est donné ; tout est donné...

 

 

Pas même possesseur du plus rien ; pas même possesseur du possible...

Homme ; (très) vaguement homme ; moins dans son rapport au monde que dans son identité apparente...

A travers le rayonnement élémentaire des choses...

Ce qui s'impose à l'âme ; et ce que l'âme dicte aux gestes et aux lèvres...

Approchant le jour sans jamais bannir la nuit ; plaçant l'innocence et la sensibilité au premier rang des vertus...

 

 

La figure du monde ; sans que rien ne change (sans que rien ne puisse changer)...

L'impatience et l'obscurité ; sur fond de mystère...

Le désir et la violence ; si profondément...

Aliénés ; en dépit de l'Amour ; en dépit de la lumière...

Qu'importe l'existence ; qu'importe l'effroi ; qu'importe le cri...

Ce qu'énonce (avec insistance) cette voix ; quelque chose que nul ne pourrait récuser...

 

*

 

Le cœur couronné ; bien plus qu'un ciel dessiné à la craie ; bien plus qu'une légende pour légitimer la liberté...

Détruites ; les sentinelles – dans le sillage des grands espaces...

Dans le cortège de l'Amour ; à la proue du monde...

 

 

L’œil humide au carrefour de nulle part...

La tête appuyée sur le visage d'un Autre...

Sans servitude – sans attachement...

Le bleu de l'écume aux lèvres...

Un peu plus qu'une parole ; sans rien bâtir ; sans rien dévoiler des rives promises...

Offrant aux liens la seule place...

Délaissant le carré pour l'ardeur...

Devenant l'espace et la destruction des murs...

 

 

La mort et le vide qui se révèlent à celui qui parvient à traverser le chagrin ; à celui dont l'élan vise le ciel...

 

 

Sans rien accroître ; la source...

Le son de nos pas...

D'un monde à l'autre ; entre silence et sensibilité...

A travers la forêt...

Au milieu des bêtes discrètes et dispersées...

Le souffle sans l'anxiété de la fin...

Sans rien heurter ; l'oubli de la figure et du nom...

L'herbe – la roche – la neige ; le soleil et l'inconnu...

Tout ce qui invite à la connaissance ; au cœur humble et aimant...

 

 

Aux heures les plus intenses de l'étreinte...

Étranger à toute ruse...

Le grand vent – seulement ; et cet étrange va-et-vient entre l'âme et la chair...

Au chevet du plus secret ; auprès de l'hôte pressenti depuis si longtemps...

Alors que l'esprit s'extasie sur la légèreté du monde...

Alors que le cœur se fait (particulièrement) solitaire et joyeux...

Alors que le corps s'enfonce (avec délectation) dans l'intimité de l'enfance...

La vie ; sous un ciel sans poids...

Comme un vertige dans l'espace lassé par l'abondance – la mémoire et le sang...

 

*

 

Sous le jour transparent ; le mystère...

Comme sous la neige ; la terre...

Comme ce qui s'envole vers le ciel...

La gorge déployée ; la bouche silencieuse...

Qu'importe l'attitude face à l'énigme ; face au monde...

Qu'importe l'épaisseur de l'ignorance ; et l'ardeur de la quête...

Des larmes automnales (si souvent)...

Après le temps monotone du rêve...

Et le courage qui vient à manquer face à la douleur ; face à l'inconnu...

L'inévitable expérience de la peur – de l'impossibilité – de la fin (cette sorte d'inaboutissement apparent)...

L'esprit (de l'homme) face à tous les enjeux de l'existence terrestre...

 

 

La parole hâtive (trop hâtive) ; et toujours trop tardive pourtant ; comme condamnée à ce funeste décalage avec le réel ; incapable de s'unir à la vie passante ; de coller au déroulement des circonstances...

Comme si l'on picorait la poussière pour essayer de décrire l'infini et l'éternité...

Mieux vaudrait plonger dans le silence pour expérimenter sa texture – sa légèreté – son épaisseur...

 

 

Sourd aux histoires inventées ; au récit des existences où chaque mot est un mensonge (pour soutirer des rires ou des larmes – quémander la moindre approbation)...

Ombres – partout – dans cette géographie de la fiction (dont l'usage – toujours – dessert et pervertit le réel)...

Sentes et temps de la convivialité apocryphe ; à travers ces figures chaleureuses qui cachent (trop souvent) le calcul et l'indifférence ; quelque chose d'une effroyable froideur...

 

 

Portes ouvertes sur la défaite ; et ses alentours...

Dans cet étrange intervalle de ressemblance...

Ne cherchant plus le chemin ; le laissant apparaître ; puis, renouvelant l'incertitude et le pas...

Pénétrant tantôt le cercle – tantôt la fable ; et qu'importe ce qui est traversé – (presque toujours) submergé par cette joie ruisselante...

Laissant la dérive advenir ; et nous porter jusqu'au centre du souffle...

Au cœur de cette (minuscule et apparente) part du monde ; particulièrement sensible et vivante...

 

*

 

Involontairement ; le silence...

Le pas entre l'herbe et le vent...

L'âme entre la pierre et le vertige...

Le cœur entre le ciel et le sang...

Et le reste ; vivant...

L'esprit sur ces rives étranges...

A demeure ; et affranchi du temps...

Au-dessus de ce qui passe (de ce qui semble passer) ; et qui, peu à peu, se métamorphose (semble se métamorphoser) en songe et en (dés)espérance...

 

 

Dégagé de l'attente et de la soif...

La faim et le sommeil ; satisfaits et asservis [enfin asservis ; comme un (assez juste) renversement de l'assujettissement]...

L'illusion privée de ses pointes ; et se désintégrant (peu à peu) dans ce dont ses frontières la séparaient...

Offrant à la tête son feu ; et à l'âme son allant...

Au cœur de cette solitude (très sensiblement) penchée sur le monde...

Sur le même rivage que le reste...

Délicatement ; l'œuvre (fragile et éphémère) de l'homme...

Le manque et les réclamations ; comme effacés...

Sous le couronnement (et la gouvernance) de ce qui décide ; ce qui s'impose au cœur – en quelque sorte – avec (bien sûr) le consentement nécessaire...

 

 

Le regard ; penché sur l'éphémère...

Apprenant à défricher d'autres chemins que ceux qu'empruntent (habituellement) les hommes...

Libéré de ce temps scandé par les habitudes (qui semble s'inscrire dans la vitalité du corps et le rythme dicté par la tête)...

Glissant partout ; effaçant le superflu ; conservant les nécessités...

Réunissant ce que l'on a (artificiellement) séparé...

Rassemblant le dehors et le dedans ; ce que l'homme assimile au cœur et ce qu'il assimile au monde – réunifiés ; parfaitement rétablis...

D'un seul tenant malgré la diversité (manifeste) de l'invisible et l'éparpillement (apparent) de la matière...

 

 

Emportées ; l'ombre et la parole...

Au fond de cette poitrine qui se déploie – qui s'étend – qui se disperse...

Passant du parcours au cercle ; puis, du cercle au centre...

Traversant (d'un seul trait) le monde et le temps ; se laissant parcourir par les paysages et les saisons...

Escaladant et dévalant toutes les pentes escarpées...

La figure grimaçante face aux chimères ; et cette moue persistante face à la force (inépuisable) des rêves ; face à l'usage permanent du mensonge...

S'affranchissant de tout ce qui fait obstacle...

Marchant seul ; et droit – vers ce qui semble impossible (au plus commun)...

Laissant la vérité émerger dans ses gestes et ses pas ; la laissant remplacer les Dieux et les monuments inventés par les hommes ; la rendant profondément humaine et vivante...

 

*

 

De la douceur encore...

Contre la matière ; et la peau du monde...

La voix gelée au fond de la gorge...

L'âme comme une pierre suspendue au-dessus du vide...

Les mains plongées dans l'abîme et l'illusion...

Devant ces larmes – et ce sang – sur le sol – qui sont (toujours) les nôtres...

 

 

Le cœur métamorphosé en main et en étoile...

Sans plus de raison d'être que l'homme...

Se détachant ; allant comme les nuages...

Offrant à la terre ce qu'elle réclame...

Se souciant aussi peu du monde que les âmes...

Dans cette course sans fin ; l'esprit sans désir – sans prière – sans insistance ; et que la tête habite avec légèreté (à la fois engagé(e) dans les gestes et détaché(e) des histoires des vivants)...

 

 

Au-delà du seuil ; ce qu'il reste à vivre...

Et du monde ; et du temps...

L'espace des choses où apparaissent (parfois) des visages...

Une forme d’espièglerie face à la douleur et à l'adversité...

Une manière (sans doute) de traverser l'impossible...

 

 

Personne ; autour de soi – la parole...

Le monde sans exister ; comme un rêve façonné par la langue...

La possibilité d'un lieu – en quelque sorte ; que le verbe désigne – tente de circonscrire ; et qui demeure (inévitablement) extérieur et étranger...

Comme si pour habiter le réel, il fallait s'affranchir de tout commentaire ; éteindre la mémoire ; plonger (silencieusement) dans ses profondeurs ; et se laisser gagner, peu à peu, par sa texture – ses teintes – sa légèreté – son amplitude – son épaisseur – son inconsistance...

 

 

Sans rien dire de la source claire ; du bleu qui compose – et entoure – la nuit ; des yeux ouverts ; hormis (peut-être) la manifestation de quelques marques de ferveur (et d'émerveillement) ; cette irrésistible admiration pour ces pans de lumière inconnus...

Et l'impérative nécessité de les traverser ; et de se laisser pénétrer – jusqu'à l'infranchissable...

Une fleur légère entre les lèvres ; comme porteur d'un ciel – d'une perspective – d'un horizon – énigmatiques – illimités – indéfinissables...

Les signes (évidents) de l'infini et de l'éternité que l'esprit ne peut appréhender qu'à travers l'innocence ; en dépit des résistances et de la forte incrédulité du cœur humain...

 

*

 

Rien qui n'apaise le sang ; sinon la mort

Les gestes barbares qui déchirent la chair nue...

L'écume furieuse qui cingle ; et s'abat...

Cette guerre éternelle qui ronge le monde ; qui hante les âmes...

Sur tous ces sentiers sombres ; le cœur désarmé – réduit à résister en silence...

 

 

Le cœur creusé par les voyages ; la longue exploration...

Surplombant le monde et le sommeil...

L'esprit droit ; l'âme vouée à s'offrir...

Sans commerce ; sans compromission...

Rien qu'un regard ; et ce long agenouillement auprès des vivants...

Une vie d'homme tombée entre les mains d'un ciel à sa mesure...

 

 

Pressenties ; toutes ces palissades sur la route...

Les difficultés de l'exil...

La gravité des peines ; les plaintes interminables...

Et cette ardeur féconde pour approcher le mystère ; et demeurer dans son cercle...

A la lumière (toujours) de ce qui grandit...

 

 

Porté(s) par la nuit et l'exigence de l'étendue...

Peu à peu rejoint(s) par le silence ; et toutes ses nécessités...

Le chant qui, peu à peu, se dénoue ; et qui gagne en amplitude...

La voix plus basse ; et plus intense...

A contre-sens de ce qui va...

Du côté du retour ; assurément...

Sans rien cacher ni du règne – ni de l'obéissance ; parfaitement docile et souverain...

 

 

Comme emporté ; entraîné dans cette sorte de traversée descendante...

Disposé (de plus en plus) à s'abandonner...

A s'offrir à ce (très léger) frémissement de l'espace...

Ce qui circule ; de la source aux (innombrables) périphéries...

Qu'importe ce qui apparaît ; qu'importe ce qui nous quitte...

L'éternel inachèvement...

Et ces âmes ; et ces visages – tantôt proches – tantôt confondus – tantôt étrangers...

Par la sente la plus rude – la plus étroite – la plus escarpée...

 

 

Le vent ; pour une parole offerte – enflammée – agissante...

Vers la lumière ; ce qui s'élève – inéluctablement...

 

*

 

Forces faméliques et désordonnées...

Sur ces berges désuètes où le temps passe ; étonné(s) – depuis des lustres – sous la même voûte mal éclairée ; en ces lieux où l'or est (à la fois) la cime et la raison...

Ainsi défilent (tristement) les marcheurs et les siècles ; sur cet étrange territoire – vers ce devenir peu glorieux...

 

 

Le seul bagage ; avec le silence...

Face au monde ; cette (grande) sensibilité...

Contre les cris et l'affairement ; contre cette fièvre confuse...

Et la survenue (plus qu'évidente) de l'imprévisible...

Signe du surnaturel (pour les esprits naïfs)...

L'invisible (comme le savent certains) derrière l'apparence et le sommeil ; derrière ce qui semble relever de la magie (ou du miracle)...

A se rejoindre au cœur de cet espace où la lumière étanche la soif et les appétits...

 

 

Parole encore ; sur les jeux et la faim...

Se dépossédant plus que jamais ; le cœur humain...

 

 

Le cœur étreint ; désenchaîné ; duquel suinte une souffrance obsolète (devenue presque inoffensive)...

Au milieu d'infatigables somnolences...

Personne ; jusqu'à s'y perdre...

Et quelques fois (très rarement) ; cette interrogation discrète (presque dissimulée) au fond du regard ; que l'on redresse avant qu'elle ne s'abîme et ne meurt...

Comme emporté(e)(s) par les eaux légères du destin...

 

 

A la merci de la mort et du plus tenace...

Ce que nous sommes (si l'on savait)...

A deux doigts de l'ombre ; et à deux doigts du feu ; sans jamais pouvoir se départir de cette présence...

Si impalpable – si lumineux – sans visage ; et si fragile – et si provisoire – en sa possession...

Dans ce perpétuel balancement ; dans cette incertitude sans échappatoire ; en plus des caractéristiques de l'espace – en plus des risques (très relatifs) de la traversée...

 

*

 

Encore tourmenté par le venin (insidieux et maléfique) du cœur humain...

Comme suspendu à un crochet qui meurtrit les chairs...

L'âme recroquevillée (terrorisée – presque sans force)...

Penché sur cette insupportable plaie...

Sans pouvoir se résigner à cette geôle invisible...

Défiant cette folie ; les paumes en avant...

Le ciel dans les yeux tristes...

Et l'âme tachée de larmes et de sang...

 

 

A l'infini ; sans hasard...

Dans ces (si glorieux) naufrages ; ce à quoi l'on aspire tous (en secret)...

La ferveur anonyme et endiablée...

Cette manière (magistrale) d'émietter les espoirs et les rêves...

L'homme à genoux ; rompu et rampant – comme condamné...

L'esprit étranglé ; écartelé ; sans alibi ; renvoyé à ce qu'il porte ; sans pouvoir compter sur ce qui semble exister...

Puis, un jour – sans crier gare – le renversement du sommeil...

Et le cœur qui (soudain) semble basculer dans l'immensité bleue...

 

*

 

Pierre aux dents affûtées – au ventre vorace...

Comme l'occulte sa légende...

Prédisposé à l'édification et à la destruction (à – somme toute – égales proportions)...

Utilitariste en diable ; pragmatique dans l'âme ; et parfois porté (pas si fréquemment) à réfléchir sur ce qui est vécu [adepte peu exigeant d'une philosophie (assez vague) de l'existence]...

Exploiteur forcené ; et explorateur infatigable...

Cherchant (néanmoins) plus à (sur)vivre qu'à apprivoiser la mort (ou à approcher la vérité)...

Pierre vivante – en quelque sorte – roulant (assez furieusement – assez inconsciemment) sur sa pente...

 

 

L'âme écorchée par la (longue) course...

Ah ! S'il nous était donné de voir son visage...

Destiné(e) à s'abreuver à la source ; à renouveler son émerveillement ; en dépit des misères subies et des malheurs provoqués (plus ou moins intentionnellement)...

L'Amour – invisible encore – entre les mains...

A la tâche (pourtant) depuis bien plus longtemps que l'homme...

 

 

Si vastes ; le rayonnement – et la trace – du cœur sur le monde ; et si invisibles encore (pour l'essentiel)...

L'envol de la parole au-dessus du sable ; et du ciel...

Le désastre du froid sur les fleurs et le sang...

L'espace (méconnu) qui habite le souffle et le feu...

A la mesure du possible de l'homme (et du reste) – bien sûr...

 

 

Aux limites du perceptible ; du plus lointain...

Le mûrissement de ce qui se révèle (peu à peu – très progressivement)...

A travers la nuit ; l'ampleur et l'emprise de l’inconnaissable...

A travers la mémoire ; l'étendue et la lumière...

Et derrière les encombrements déposés depuis des millénaires...

La même unité ; ces liens (si tangibles) entre le cœur et le monde...

 

 

Le cœur offert au verbe – au monde – à la lumière...

En plus des gestes ; et du regard sur les visages et les choses...

Cette intimité miraculeuse qui éloigne les ombres et le hasard ; et qui participe à tous les effondrements – si nécessaires au rétablissement des liens impérissables...

 

*

 

Le jour inencerclable...

Le cœur (tout) piqué de signes ; presque perforé...

Sous le joug de cet infini (parfois) porté à la fureur et à la folie...

A l'ombre d'une immense lumière...

Fourmillant de voix et de possibilités (trop souvent lointaines)...

A notre place ; au milieu du bleu et des vents

Au fil des métamorphoses...

 

 

Comme bercé par cette halte océanique...

L'âme blottie contre le ciel ; et assortie aux couleurs des pierres...

Sans bruit ; les souvenirs qui s'effacent...

Rétablissant le règne de la joie et de l'oubli...

Et toutes les promesses tenues dans le silence...

A force de revenir ; à force de recommencer...

 

 

Au milieu de toutes ces bouches griffues ; les lèvres en prière...

Cherchant Dieu à l'économie (si paresseusement)...

Entre deux fringales ; au milieu de la faim...

Comme un piège auquel nul ne peut se soustraire...

 

 

Vicissitudes des vivants arrimés au monde ; un peu trop triomphalement (sans doute)...

Les yeux déchirés ; le cœur mal ouvert...

Marchant en colonnes sur des voies (très) fréquentées...

Cherchant dans les traditions (la mémoire des générations) à légitimer la brutalité et la barbarie d'aujourd'hui (la brutalité et la barbarie de toujours)...

Penchés distraitement sur les ondulations légères (et quasi consolatoires) du temps...

Au cœur d'une pénombre aux allures de labyrinthe fermé...

S'initiant (sans fantaisie) au passage des saisons ; sans jamais fouiller du côté de l'origine (ou de la vérité) ; ne se consacrant qu'aux récoltes et aux labours ; qu'au labeur pragmatique des non-curieux (qui se refusent à découvrir et à explorer)...

Comme des créatures infiniment terrestres (à l'âme balbutiante – presque souterraine) ; porteuses d'étroites perspectives (incapables même d'imaginer un autre monde)...

 

 

Le jeu des visages et des ombres...

Du buisson à l'étoile ; les mêmes règles...

Et ces cœurs (tous ces cœurs) qui s'agitent...

Et ces têtes (toutes ces têtes) sans envergure – sans interrogation...

 

*

 

Les mains errantes ; sur la terre des possibles...

Cherchant le testament de la lumière ; l'horizon boréal...

Les cœurs arqués sur leur convoitise ; obsessionnellement...

Dans l'attente (assez vaine) d'un ciel réparateur...

Espérant là où subsistent encore quelques étoiles...

 

 

Les hommes dévorant la terre ; niant le bleu ; haïssant l'esprit ; exploitant le reste ; anéantissant (à peu près) tous les possibles...

Et l'empyrée sur toutes ces lèvres fausses...

 

 

Démesurés ; le cœur ancien (le cœur premier) ; et l'insensibilité contemporaine...

Aussi comment se résigner à cette cendre ; à ce (pitoyable) constat...

Et cette espérance en l'avenir dans toutes ces têtes idiotes et analphabètes...

Encore englué(es) dans le rêve et le mensonge...

Ne sachant que tirer parti ; alors qu'il faudrait renouer les liens avec le plus précieux – le plus sacré et s'abandonner aux exigences de l'âme...

 

 

Le cœur étagé – circonscrit – emmuré ; soumis à la monotonie des jours et à la nostalgie du réel...

Au milieu des siècles bruyants ; en ces temps furieux et bavards...

Les jours usés par les coups...

Avec des visages plus ou moins vivants ; selon les habitudes – selon les prédispositions...

Au-delà (bien au-delà) des figures contestataires...

L'esprit du retour ; vers la figure (éternelle) des origines...

 

 

Le ciel ; le regard – silencieux...

Comme cachés par ces chemins de sable qu'empruntent les pas ; et qui éloignent (assez magistralement) de ce qui se cherche...

Échos – portes – changements ; à travers le passage ; l'ordre du monde ; et les lois (toutes les lois) qui régissent les liens...

D'une géographie à l'autre ; grâce aux prières – à la semence – aux (perpétuelles) métamorphoses...

Ce que l'on vit tous ; avec le cœur qui, parfois, devine ; qui, parfois, s'interroge...

 

 

Le cœur hivernal ; alors que le temps se déforme ; alors que l'esprit désapprend ; alors que l'âme délaisse ses (sempiternelles) questions...

A être seulement ; qu'importe l'épaisseur de la nuit ; qu'importe ce qui nous entoure ; qu'importe ce qui nous compose...

Quittant (peu à peu) le singulier pour l'impersonnel ; le seul mode d'existence (en vérité) ; n'en déplaise à ceux qui se prennent (encore) pour des individualités...

Ce qui sonne (bien sûr) le glas de toute quête (préalable inévitable – et, très souvent, éperdu)...

 

 

Sans autre lieu que l'errance...

Sans autre pas que l'inconnu...

Éphémère et incertain...

Pas même sûr d'exister (réellement)...

Ce qui passe ; et ce qui demeure – l'un dans l'autre ; (très) intimement intriqués...

Le père et le fils – dans leur danse étrange ; sous la férule de l'ardeur et de la tendresse...

 

*

 

Là où l'instant demeure ; le bleu exaucé...

Les yeux baignés de joie ; au milieu des ombres...

Entre l'épreuve et la chance ; l'oreille attentive...

Sans autre recours que les lèvres émerveillées ; et ce qui en sort – comme un présent offert (sans panache – sans ostentation)...

Les plus belles matières à vivre (sans le moindre doute)...

 

 

Quelques traces de chair ; dans la mémoire...

Un chemin fauve ; un feu – l'eau (tumultueuse) d'un fleuve...

Puis, la cérémonie de l'oubli ; nécessaire à toute célébration...

Jusqu'aux racines ; jusqu'à la source...

Cette danse entre la terre et les étoiles...

Au milieu des orages et du royaume...

 

 

Entre le cœur et la chair ; la fougue passagère...

Sous les cris et les battements de paupières...

Une chance offerte au regard ; dans cet étrange entre-deux du naître et du mourir...

 

 

Sans jamais aller ; l'ignorance...

Portes ouvertes sur la nuit ; le souffle obscur qui désire...

Et l'absence dissidente (le pas de côté) pour échapper à la fable orgueilleuse ; à cette édifiante hagiographie de l'homme qui occulte ses manquements et ses infirmités ; et sa saisissante incapacité à se hisser à la hauteur de ses prétentions...

Fantôme né de la poussière à la cognition embryonnaire – balbutiante ; et résolument dépourvu de conscience [et ceux qui en doutent n'ont qu'à ouvrir (un peu) les yeux sur la manière dont (presque) chaque homme considère – et traite – ce qu'il pense ne pas être]...

Et (par-dessus tout) privé de cœur (amputé de toute sensibilité)...

Porteur d'une moisson d'idées idiotes et étroites ; initiateur de gestes médiocres et dérisoires – (profondément) maladroit(s)...

Des yeux froids et indifférents greffés sur un bout de chair chaude et animée...

 

*

 

L'attente sibylline ; presque évasive tant la soif mord les yeux ; tant est grand (parfois) le découragement...

Comme un front pierreux devant le paysage ; le défilé (insensé) des têtes (non pensantes) ; cette étrange procession de naïfs qui s'en va (un peu négligemment – un peu inconsciemment) vers la mort...

Loin du soleil ; loin du voyage...

La danse (toujours) un peu triste ; et les yeux de l'âme pas assez ouverts...

Aussi ; qu'importe la lumière ; qu'importe que nous disparaissions...

 

 

Tous les masques tombés ; face à la mort ; face à la lumière...

Et ce qui se reconnaît ; au fond des yeux...

Au cœur de cette fête ; ce goût si singulier pour le vivant (et la vérité)...

 

 

Tombé(s) là ; puis (fort heureusement) rattrapé(s) [en partie rattrapé(s)] par la lumière...

 

 

Comme un chemin buissonnier sous les étoiles...

Avec ce chant qui monte ; depuis l'âme – jusqu'à la gorge ; et que le ciel déploie dans son immensité...

Quittant notre cellule étroite – notre fatigue coutumière – pour cette rive silencieuse sur laquelle n'existent ni le hasard – ni l'absence...

Des yeux privés de désir ; mais gorgés d'Amour...

Le cœur prêt à vivre les mille possibles qu'offrent l'existence et le monde...

 

 

L'être ; impondérablement...

Au milieu des visages et des choses...

Au plus profond ; derrière les apparences...

Avec des échos en chaîne ; une longue suite de résonances...

Ni pose – ni figure ; ce qui se manifeste avec nécessité (avec la plus grande des nécessités)...

A la place du sommeil – des mains en prière et des lèvres pleines d'espérance...

 

*

 

Des liens démesurés ; en dépit des (innombrables) ombres qui habitent l'abîme ; en dépit des solitudes apparentes...

Comme un soleil qui effacerait toutes les inquiétudes...

L'être vers son retour ; après l'impasse de l'homme célébré – maître des spectacles...

 

 

Inspiré par la terre rouge ; et par ces heures passées auprès du monde – dans son sillage ou à son chevet (selon les époques et les circonstances)...

Loin (de plus en plus) de ce naufrage ; du mystère sacrifié – du secret (partout) que l'on dénie...

L'homme abandonné aux reflets de la lune qui recouvrent toute l'étendue terrestre...

A ce point délaissé(e) ; l'esprit – la lumière ; masqué(e) par l'espérance et la prière...

Sans jamais compter l'impossible entre toutes les mains ; ni l'aptitude de la matière à réaliser des miracles...

 

 

Dans ce chenal qui relie le plus simple à la beauté...

Dans ce festin de ciel ; et ce nombre de fois incalculable...

L'âme brûlante ; le cœur en partance ; comme un feu – un voyage – inaltérables...

Comme le déploiement d'un destin riche – involontaire et coloré ; et ce qui, dans les profondeurs, semble être (assez secrètement) à la manœuvre...

 

 

Sous les masques changeants ; des sourires retors et des sabres tranchants...

Et derrière (plus profondément encore) ; l'enfance méconnue – celle qui, trop souvent, cède la place à la peur...

Au fil des astres ; des figures sombres et dansantes – l'orbe du jour ; et ce qui rend possible le passage des crêtes...

A l'ombre de ce grand soleil qui cache (et protège) le monde...

 

 

Éparpillées et opiniâtres ; ces représailles...

Ce qui rôde (instinctivement) sous la lumière...

Au cœur de toutes ces fêtes nocturnes où l'on vocifère – où l'on s’étrille – où l'on s'obstine...

Le ciel brûlant sous le feu de l'escroquerie...

Et le sang des idoles qui abreuve ces terres impies...

L'Amour et la liberté que l'homme muselle et emprisonne ; à coups de calculs – à coups de ruses et et de stratégies...

Jetant les âmes sur ces tristes chemins ; condamnées à traverser ces anciens horizons propices que les rêves ont transformés en lieux funestes...

Moins destin que malédiction ; toutes ces existences inconsolables ; au cours de ce (lugubre et détestable) séjour sur la pierre où s'est, peu à peu, bâti un empire de mort et de tristesse...

 

 

Sur la sente indéchiffrable de l'arbre ; comme si rien ne pouvait nous détourner de cette route...

Vers le moins visible ; assurément – en dépit de la hauteur apparente...

Sans même deviner ce qui se fomente – ce qui se bâtit – au cœur de la pénombre – des profondeurs – de l'obscurité...

A la manière d'un hommage (cryptique) à la surface du monde ; aux premiers temps des origines – au commencement de la mémoire...

Et ce qui sourd – à travers chaque pas – au cours de chaque avancée – le consentement et la gratitude ; et cette joie indéfinissable (et presque magique) d'être vivant...

 

 

La vie oubliée ; sous les gestes poussiéreux – toutes ces existences inertes...

Sans cet élan vers l'inconnu ; sans cet étonnement qui réenchante les jours...

Sans jeter la moindre passerelle entre l'ignorance et ce qui a été abandonné...

Une manière de s'éloigner toujours davantage du plus lointain ; de refuser de transformer les liens ; et d'élargir le territoire de l'intimité...

Sans itinéraire ; sans la moindre trace à suivre – sinon celle des larmes laissées par l'absence...

De rive en rive ; dans cette longue suite de possibles et de retrouvailles – et, parfois, jusqu'à laisser le mystère nous pénétrer – jusqu'à retrouver le cercle – jusqu'à rejoindre le centre du secret...

 

*

 

Rien qu'un rêve – un semblant d'ivresse – au fond des yeux...

Insensibles (si insensibles) aux jeux de l'univers...

Inattentifs (si inattentifs) aux soleils du monde ; et à la liberté offerte...

Presque infirmes tant l'air (nous) semble lourd ; offensés rien qu'en respirant...

 

 

De la terre encore ; dans cet essoufflement...

Comme un épais rideau de poussière ; au fond de la poitrine...

En plus des murs de pierres que l'on doit franchir...

Comme un destin en déshérence ; entre ruines et désert...

Et ce qu'il faut encore abandonner ; au cœur de ce chaos...

 

 

Ce qu'il nous reste de pas ; avant la grande capitulation...

Dans l'obscurité ; la guerre gratuite – et (presque) systématiquement reconduite....

Entre nos mains ; le désir du plus sauvage ; et cet halo de désespoir qui plane comme un énorme nuage noir au-dessus de l'horizon...

 

 

La vie nourricière et silencieuse...

L'âme sobre ; et infiniment sensible...

Et ces pas sur le sol ; et cette paix...

La peau contre celle des arbres ; contre celle du ciel...

Si heureux de cet apprentissage (ininterrompu) de l'innocence et de la lumière...

 

 

Ici ; où il n'est plus question d'ombre et de trace ; où il n'est plus question de source et de désarroi...

Sans indice ; à même le vent qui souffle...

Qu'importe la nuit – le bruit – le froid ; ce que s'obstine à être l'homme...

Sans aile – sans appui ; dans le seul emploi qui nous est offert ; ressentir et contempler – la vie belle – la vie simple – qui se déploie...

Et cette joie ; et ce silence – qui grandissent sous la peau ; et qui ouvrent un passage (une sorte de passage) entre l'espace du dedans et l'espace du dehors ; convergeant en un seul point – en une seule étendue ; que l'on habite (assez involontairement) tantôt avec indifférence – tantôt avec rudesse – mais le plus souvent avec saveur et reconnaissance (tout entier dans cette ardeur qui s'y emploie)...

 

*

 

A la cime du vide ; époustouflé...

L’œil béat ; l'âme chavirée ; le cœur à la renverse...

Comme à la pointe d'une flèche qui pénètre l'espace ; qui se fiche dans le vide – dans tous les centres démultipliés...

Et derrière les apparences du monde – derrière les apparences de la matière – ses contours ; et derrière ces contours – la danse irradiante...

Mille fêtes ; au rythme de la lumière...

A travers la fertilité des bouches ; à travers la fertilité des corps ; dans une pagaille joyeuse (et si réjouissante)...

Et nos yeux (tous nos yeux) qui roulent au milieu du chaos...

 

 

Invisiblement ; les bras ouverts...

A l'image du jour ; le secret de l'homme...

Sous le geste ; le miracle – dans le sillage de celui des origines...

Porteur(s) de cet étrange accord entre la nécessité et le plus intime ; et qui donne la direction...

Et toutes les intentions ; et tous les élans – tournés vers la même lumière...

 

 

Fragments de mille Autres – en soi ; et soi – élément de toutes les combinaisons du reste ; d'un seul tenant ; changeant – mouvant – vivant (si vivant)...

Émerveillé par ces mille compositions – par ces mille chorégraphies – qui ne forment qu'un seul corps – qui ne forment qu'une seule danse...

Et leur apparition ; et leur essor ; et leur effacement – dans l'infini déployé...

Sous la férule de l’œil qui voit...

 

 

La roue du temps ; à travers ses pirouettes et ses cabrioles – comme une toupie folle dans l'espace...

Et l'homme ; ce peu de boue – entre la terre et les étoiles...

Entre le désir et le deuil ; l'inquiétude (comme vissée au cœur)...

Entre les yeux et les heures ; entre le rire et les larmes ; entre Dieu et la mort ; ce qu'il nous faut vivre...

Quelque chose qui circule ; et quelque chose qui demeure...

A se demander (encore) comment tourne le monde ; comment aimer ce qui nous entoure ; ce que deviennent les âmes ; et à quoi peut bien rimer toutes ces existences...

 

 

Ces vies disjointes – croyons-nous – alors qu'il n'existe qu'une seule étendue – sans intervalle – sans interstice ; où se cacher – où trouver refuge...

Tout rassemblé ; tout emboîté – sous la lumière ; comme une chose indéfinissable et, sans cesse, changeante ; sans que rien (ni personne) ne puisse échapper à l’implacable mécanique et à la longue (à la très longue) série de métamorphoses...

Des déséquilibres – des mouvements – des chemins (qui s'inventent – qui se goûtent – qui s'expérimentent) ;

Ce qui se déchire – ce qui se sépare – ce qui se retrouve – ce qui s'étreint...

Ce qui bifurque – ce qui se raccorde ; ce qui recommence – ce qui se réinvente – ce qui s'éteint...

Dans l’œil qui voit ; depuis la source...

 

*

 

La danse de l'espace ; ce qui édifie le monde – et ce qui l'anéantit...

Comme un dialogue (permanent) entre le feu et la mort...

L'invisible et la matière ; main dans la main...

Comme un rêve qu'aurait annoncé le verbe...

La réponse à toutes les interrogations...

Le lieu où apparaissent – et où s'effacent – toutes les formes...

Ce qui se manifeste ; et ce qui se défait – le plus haut degré de la poésie...

 

 

L'encre jetée sur tout ce sang ; comme la preuve de l'homme...

A la fois tête et esprit...

Le rêve vêtu de chair...

Sous la puissance de l'intime ; quelque chose qui allège ; et quelque chose qui aggrave...

Sans jamais pouvoir choisir...

 

 

Et ces yeux éperdus sur l'inaccessible...

 

 

Le mystère et la source ; obstinément...

Jusqu'à vivre l'impensable...

Docilement ; sans interrogation...

A la manière d'un soleil qui rayonne...

A la manière d'une particule de poussière portée par les vents...

A l'écoute ; silencieusement...

Dans le perpétuel recommencement du monde et du temps...

Ici même – à cet instant ; parfaitement vivant...

Jusqu'à l'épuisement de l'ardeur...

 

 

Dispersés sur les pierres ; l'abondance ; la multitude – tous les visages de l'Autre...

Comme baignés de tristesse et de boue...

Dans l'ombre du (toujours) trop lointain...

Le cœur inquiet ; sur ces rives inconnues (et menaçantes)...

Sans rien reconnaître de soi...

Comme caché par le scintillement de la surface...

Le front et l'âme penchés sur la terre – pourtant ; sans espoir – sans la moindre amitié...

Seul(e)(s) et nu(e)(s) ; face à la douleur et à l'incompréhension – plongé(e)(s) dans cette étrange sensation d'avoir été jeté(e)(s) dans le monde...

 

*

 

En deçà – et au-delà – du miroir ; le secret – le passage – le poème...

Cette force contre le froid – l'étroit – la tiédeur...

Cette lumière que cherchent les yeux...

Le chemin de l'indistinction où tout devient notre visage ; cette figure unique lorsque le reste est (enfin) parvenu à nous effacer...

 

 

Le cœur perpétuel ; ni désireux – ni chagriné...

Engagé – pourtant – dans le moindre élan ; et la moindre conséquence (jusqu'aux gestes les plus infimes)...

La cible de personne...

Attentif (seulement)...

Prêt à fondre (en chacun) ; pour peu qu'il y décèle assez de sensibilité...

 

 

Cette fièvre affairée ; si préoccupante...

Comme si toutes les têtes étaient peuplées de pensées étranges – de désirs indicibles ; et qui pousseraient les corps à essayer ; en se heurtant aux murs du réel ; sans souci de la mort – sans souci de l'horizon – sans jamais comprendre la nécessité des limites et de l'impossibilité...

 

 

Le temps clos sur la nuit ; les ruines (froides) de l'âme ; éperdument immergé(s)...

En ces lieux d'absence ; sans recours – sans regard ; là où les cœurs souffrent autant que les corps...

Révélant aux yeux du monde (et d'ailleurs) le sacrifice de cette chair impuissante ; livrée au piège terrestre ; happée par cette roue sombre et violente ; qui finit par bannir les âmes ; et chasser l'espérance et la lumière...

 

 

Sur le chemin sombre et tortueux ; du temps – des paupières ; ce qui se cherche (non sans ruse – non sans mal)...

Des corps – des âmes – des voix – des vies ; si maladroitement habités...

Et sans rien comprendre au silence (ou si rarement)...

Pur Amour – pourtant – au lieu de l'absence (de l'indifférence, si souvent, ressentie)...

Au-delà du monde ; au-delà (bien sûr) de toute pensée...

Ce ciel parfait qui compose – et entoure – ce qui semble exister...

 

*

 

Le silence renversé ; comme la terre des arbres – l'eau des fleuves – les pierres des chemins...

Comme un temps d'ombre et de nuit...

Une parole fantaisiste qui attend l'aurore...

Un néant froissé entre deux paumes...

Des limites ; un adieu...

Et la possibilité du monde...

 

 

Ce lien aux pierres et au ciel...

Lié à la source sauvage ; preuves à l'appui...

Et cette soif que dissimule le sommeil...

Au cœur de ce royaume de sable...

Cet éloignement ; vers le retour (involontaire – pour ainsi dire)...

Si naturellement...

 

 

Sans croire ces cris de forçats...

Cette inquiétude enfantine...

L'arrière des visages...

Ce que l'on dissimule (si maladroitement) ; ce qui nous rend si captif(s)...

Nos vies minuscules et sans miracle ; sous ce ciel sans promesse ; à travers l'effroyable lenteur des métamorphoses...

 

 

L'ordre des choses ; à travers ces grilles apparentes...

Des pierres – des arbres – des bêtes ; et de plus en plus d'hommes – de bruits – de paroles ; le mystère à l’œuvre...

Qu'importe la solidité des barreaux – l'étroitesse des cellules – la couleur de la roche...

Partout ; le sol – le ciel ; et cette ignorance (si angoissante parfois)...

Ce qui se lègue ; à travers les récits...

Entre le premier et le dernier souffle ; mille choses – mille rêves et quelques visages – auxquels on s'accroche (assez désespérément) ; mille coups que l'on donne et que l'on reçoit ; quelques rires et son lot (inévitable) de larmes...

Sans savoir où chercher ; sans savoir où l'esprit doit creuser ; sans savoir comment être au monde ; sans savoir si Dieu (et l'âme) existe(nt) ; sans savoir ce qui nous attend après la mort...

Invariablement humain ; devant le même mur [orbe et (apparemment) infranchissable]...

 

 

Dans le bleu de la parole qui palpite...

Le ciel dessaisi qui s'offre

A se balancer entre l'âme et le monde...

Dans la construction d'une voix qui servirait de pont...

 

*

 

Du côté du vivre droit...

Comme un socle...

Deux bras pour offrir ; en plus du cœur ; en plus de l'expérience ; en plus de la pensée...

Sans prélude ; sans intermédiaire ; sans le moindre profit (personnel)...

La seule manière possible d'être au monde...

 

 

Le verbe jamais séparé du vivre ; jamais séparé du geste...

Dans le même sillage ; et la même appartenance...

Au cœur de l'être ; cette (parfaite) probité du cœur...

 

 

Du silence ; dans presque rien...

Jamais pour s'entendre dire...

Sans même le manque d'une bouche aimante ; de lèvres affectueuses...

L'esprit en paix ; le cœur caressé ; l'âme épanouie...

L'apothéose du temps solitaire...

 

13 janvier 2024

Carnet n°302 Au jour le jour

Décembre 2023

Ce qui navigue – ce qui serpente – ce qui s'insinue...

A travers l'invisible et le mouvement (bien plus qu'une pensée qui traverse le front)...

Sans jamais dégrader le jour ; la lumière (toujours) libre et florissante...

Qu'importe le seuil atteint par l’œil et l'esprit...

Qu'importe les profondeurs de l'âme...

Qu'importe l'écume du cœur...

Voué(s) à la puissance de l'informulable...

 

 

Vers le premier homme ; assurément ; revenu (en train de revenir vers lui – plus précisément)...

Ni près des uns ; ni près des autres...

Parcourant encore l'inconnu ; la terre la plus périphérique ; dans cette sempiternelle liminarité...

Se laissant traverser par toutes les expériences ; par tout ce qui pourrait faire office de réponse...

S'abandonnant aux possibles qui (à leur insu) défrichent le chemin ; cherchent une issue...

Passant ; comme une larme sur la joue...

Le cœur et l'esprit ne pouvant échapper à leur vocation ; la sensibilité et la lumière...

En célébrant la tendresse de l'hôte et de l'hébergement...

En dépit de tout ; dans les pas d'invisibles géants...

 

*

 

Le cœur encore ; comme un feu sous la chair...

Et les reflets du monde qui s'y engouffrent ; et qui, parfois, s'y perdent...

A travers l'âme ; le tumultueux et l'éternel...

L'infini et la pierre à toutes les questions...

Ce qui demeure malgré la ronde...

 

 

Notre visage – le seul Visage peut-être – sur l'autre miroir...

L’œil au milieu des arbres et de la neige...

Posé sur la peau écarlate de la terre ; sur ce qui habille le désir – l'essence – la chair...

Et du côté du monde ; rien que des cris – des larmes – des rumeurs...

Et le sommeil en bannière ; comme le rêve et l'ivresse...

Ni réel – ni lucidité ; des songes (une foison de songes) les yeux grands ouverts...

Et les mains pleines d'argile et de sang ; et la tête gorgée d'images et de mots ; alors qu'ici le cœur se balance entre le ciel et la joie ; comme affranchi des peines terrestres...

 

 

L'oubli – peut-être ; comme la seule fenêtre...

Vers le vide ; le monde décapité...

Et notre langue qui lèche le sable froid...

Et notre âme dans le rythme du tambour...

L'invisible discret (si discret) à nos côtés ; qui nous accompagne (d'une infaillible manière)...

 

 

Lentement ; les rêves qui s'effilochent ; qui, un à un, se détachent...

En équilibre entre le monde et le miracle ; de l'autre côté des mythes – vers la seule possibilité...

Avec mille échanges de lumière au cœur de cette matière circulante...

 

 

Le temps – des hommes ; ce que la route avale...

Et ce que l'on sème ; tantôt sommeil – tantôt ténèbres ; guère autre chose (le plus souvent)...

Mille manières – ici-bas – d'essayer de se maintenir vivant...

 

 

A chaque jour ; ses découvertes – ses révélations – son éclat...

Teinté de ce sentiment (tenace et déterminant) du voyage ; comme vissé au cœur...

Dans cette grande épiphanie solitaire...

A chaque rencontre ; l'aventure de la métamorphose...

 

*

 

Sur les cendres du monde ; l'épanchement...

L’œil de la pyramide ; compatissant (pour un court instant)...

L'échéance qui détourne (très provisoirement) de la pulsion créatrice ; de la folie mégalomaniaque...

Une parenthèse (particulièrement) illisible (et peu appréciée) ; comme condamné(s) à plonger (momentanément) dans la plèbe et l'incompréhension...

L'esprit (très légèrement) claudiquant ; dans une sorte de suspens – un malentendu peut-être – dans la course vers le soleil ; vers le royaume ; dans la construction de l'empire ; dans la quête du Saint Graal...

Puis – très vite – le retour (en force) des illusions ; la reprise (impatiente) de cet étrange destin de bâtisseur(s) ; comme une manière (un peu enfantine et un peu folle) de défier l'éphémère – la mort – l'éternité...

 

 

Le monde meurtrier ; impuissant face à la part indestructible du cœur – de la chair – de l'esprit...

Inattaquable(s) ; ce qu'ils sont (fondamentalement) – dans leur essence...

Comme un espace impossible à atteindre – à étreindre – à anéantir ; sur lequel glissent tous les élans ; et qui rend inoffensives toutes les armes...

Révélant leur absurdité à tous les gestes assassins...

 

 

Dans l'ombre des fleurs ; le nom – ce qui oublie l'étroite appartenance...

Comme une fenêtre à travers laquelle tout se précipite et se perd...

Un ciel mort – en quelque sorte ; auquel on adresse des prières (afin de rassurer la tête qui s'inquiète – qui s'effraie – qui s'affole)...

Des yeux fermés qui veillent sur leur pauvre trésor – sur leurs pauvres secrets...

Tournant en rond (ne pouvant que tourner en rond) ; de seuil en seuil – sans jamais franchir les grilles de leur territoire...

 

 

A la source des yeux ; et dans leur prolongement ; l'illusion (la grande illusion)...

Ce piège aux allures de diamant ; propice au délire – au pillage – à la barbarie...

Comme une corde passée au cou du monde ; au cou des Autres...

Jusqu'au faîte de la nuit ; tous ces élans obstinés...

Jusqu'au fond de la nasse ; dans laquelle finissent même par s'enferrer les esprits les plus exigeants...

 

*

 

L’œil dans la langue qui cherche le silence au cœur des mots ; une lucarne sur l'infini...

Le territoire de l'inconnu ; dans ce tourbillon de signes ; comme une danse entre les lignes et le soleil – entre l'encre et le sang – entre le souffle et la possibilité du monde...

A la manière (non paradoxale) d'un recentrement et d'une échappée ; comme un effacement des frontières – une dissolution de ce qui regarde dans ce qui est regardé ; et inversement ; une connivence si parfaite que tout pourrait disparaître en souffle et en feu...

Mille mouvements dans l'immensité ; et le cœur toujours ardent et immobile...

Ici même ; au milieu des vents...

 

 

Rien qu'une parole ; un peu de terre – un peu de foudre ; notre seul foyer...

 

 

La vie broyée ; sans alternative – sans autre proposition...

La terre atrocement asservie ; sous l'égide (indiscutable) de l'homme...

Les sans-voix (tous les sans-voix du monde) opprimés – réifiés – exploités ; décimés en masse ; presque sans résistance (mais non sans dignité – mais non sans courage) face à la ruse sournoise de leurs oppresseurs...

Fuyant (autant que possible) vers les périphéries ; investissant tous les interstices – tous les recoins laissés vacants...

Vivant à l'écart ; à l'abri des regards...

Et parmi eux ; nous aussi ; derrière les fourrés et les grands arbres enlacés ; à la lisière...

 

 

L'absence de cœur ; l'une des expressions de l'homme ; dans l'exact prolongement de la créature organique...

Le noir sur l'épaule ; allant par tous les chemins ; prospectant – s'installant – s'appropriant – opprimant – asservissant ; avec ses machines – ses ambitions – ses grimaces – ses danses et sa férocité...

Si absorbé par ses appétits et ses convoitises ; ne sachant aimer – ne sachant offrir – ne sachant respecter ; les yeux presque toujours fermés...

Pillard sans scrupule ; laissant derrière ses pas des cendres et du sang ; creusant partout – jusque dans le ciel – des trous et des tombes ; métamorphosant la terre en champ de mines – en champ de ruines – signes (incontestables) de son passage – de sa fièvre – de sa folie...

 

*

 

Dans le bleu des livres plutôt que dans l'obscurité des coffres-forts...

Comme un éclat de lumière ; la possibilité de l'envol ; au-dessus des rives terrestres – au-dessus des prétentions de l'homme ; au commencement de la parole ; et accompagnant (presque toujours) cette naissance...

Au temps du silence et du vertige ; dans la proximité (débordante) du mystère...

A travers les parois si fines – et si poreuses – de l'âme ; la joie balbutiante ; une clarté – les premiers signes de l'aurore peut-être – entre les lignes du poème...

Et la bascule, parfois, dans le cercle infini ; à travers la trajectoire inversée des étoiles ; à la fois vers l'intime et l'immensité ; de seuil en seuil – jusqu'à l'explosion de l'attelage guidé par la raison ; vers le jour – l'éclaircissement – l'apesanteur des origines – la seule destination possible...

 

 

La mort de l'Autre ; la fin du rêve...

L'esprit ; et son cortège de songes...

D'ici à plus loin ; jusqu'au plus noir...

Roulant avec le reste ; à travers toutes ces chimères...

L’œil familier du décor – des parures – des ornements...

Couché dans le souvenir ; sans jamais regarder...

Allant, lui aussi, vers sa propre fin ; comme toutes les choses de ce monde...

 

 

Dans les rouages du temps ; l'oubli...

Le sang et la mélancolie...

Tous les fantômes de la pénombre...

Et les histoires que l'on se raconte à la tombée de la nuit pour apaiser la peur...

La tête close ; et la chair terrifiée...

Et les rides ; et les blessures ; et les larmes – sur la peau ; à mesure que se rapproche le terme...

Quelque chose du bruit et de l'étrangeté...

Quelque chose de l'inquiétude et de la périphérie...

Les yeux tristes (et encore affamés) posés sur cet inévitable inaboutissement ; la seule apothéose (malheureusement) dans cette sinistre suite de jours...

 

*

 

Obstinément vivant ; jusqu'à la lumière...

Sans rien interrompre des origines...

Retiré en soi ; jusqu'à la reprise...

Et le recommencement de tout (avec tant d'insistance)...

La parole ; au-delà du son et du sens...

Auxiliaire des profondeurs...

Avec ces restes de souffle ; en dépit du désastre apparent...

 

 

Le roc entaillé ; jusqu'aux entrailles ; à force d'explosions ; à force d'écrasements...

Le sillon devenu sente ; puis chemin ; puis route ; puis envahi par une foule massive – passive – immobile ; devenant, peu à peu, un espace de vie collectif – une aire commune et familière ; dont se réjouissent tous les thuriféraires du piétinement et de la stagnation ; sans schisme – le signe même du progrès pour ce monde sans (réelle) ambition – dont les membres sont (en général) incapables d'inventer une voie singulière – respectueuse – innocente ; cantonnés à avancer les uns derrière les autres ; œuvrant sans relâche à amplifier les dévastations (parfois irréparables) des espaces naturels et des esprits (étroits et formatés) ; une forme de mutilation du monde ; une forme d'amputation de la sensibilité et de l'intelligence*...

* l'une des pires conséquences sans doute ; rédhibitoire à bien des égards pour la suite de l'histoire...

 

 

Seul ; face à la noirceur du monde...

Les fenêtres grandes ouvertes ; à laisser l'obscurité entrer ; à laisser s'enfuir les rêves...

Remontant le long du temps ; jusqu'à l'origine...

Nous retrouvant avec Dieu – devant soi ; par intermittence – émergeant (de temps à autre) de l'âme pour guider nos pas...

Débordant de nous-même(s) ; si majestueusement silencieux...

Parcourant l'étendue nocturne ; tous les parvis du monde...

Et le mystère dans son sillage...

Le cœur bleu regagnant l'espace intime du regard ; dans l’étroite proximité des visages et des choses...

Le lieu que nous n'avons jamais (réellement) quitté ; juste tiraillé(s) par l'impression tenace (et illusoire) d'une distance ; le sentiment étrange (et désappointant) d'une permanente (et irréparable) séparation...

 

 

La parole ; silencieusement...

Et dans le cœur ; l'immobilité et le vent...

Ce qui s'égare et ce qui demeure...

Dans l’œil ; le temps qui se balance – inexorablement ; alors que nous rejoint l'inespéré ; en dépit de ce que l'on croit ; l'une des rares possibilités en ce monde...

 

*

 

Le visage appuyé contre la tendresse ; qui caresse notre joue de sa main attentive – affectueuse – réconfortante...

Au-dedans du reste aussi...

Insistant sur nos fêlures ; chair et âme...

Ne livrant jamais ses gestes au hasard...

 

 

Transporté ; raidi par le froid...

Comme enfoncé dans la glace...

En état de guerre ; jetant la mort sur tout ce qui passe...

Engoncé dans une enfance naïve – belliqueuse – angoissée (profondément immature)...

Et toutes les larmes qui glissent le long du cœur ; jusqu'à la prochaine tentative...

Sans autre avenir que la même noirceur ; les mêmes possibles – la même éternité...

 

 

Le long d'un murmure ; le soleil...

Comme agissant sur le bois de la solitude...

Parlant aux êtres comme à des frères ; les poussant (peu à peu) dans les bras d'un plus grand que leurs rêves...

 

 

Sur la pierre circulaire ; assis...

Face aux arbres ; face au ciel ; hors saison...

Dans ce temps qui échappe au temps ; au creux de l'hiver...

Loin du monde ; de son vacarme...

L'oreille attentive ; l'âme aux aguets ; les lèvres closes...

Comme un funambule sur le fil du secret...

A travers la fente du mystère ; la lumière...

Comme un nom donné à notre voyage...

 

 

La parole née de l'espace sans mémoire...

Intarissable ; infatigable – pour toutes les mauvaises raisons...

Collectionnant – en quelque sorte – les menus signes de l'irréfutable ; de l'invisible ; de l'indéchiffrable...

A la manière d'une vocation ; une sorte de sacerdoce poétique voué au témoignage...

Carnet(s) de notes d'une traversée ; à travers des expériences et des yeux humains...

Le temps que le soleil décline ; le temps que la nuit passe...

 

*

 

Un chemin à travers le temps...

Et que rien n'arrête ; en dépit du repos apparent...

A travers un monde où tout semble passer – filer – aller vers sa fin...

Avalé – peu à peu – par l'abîme ; comme par une bouche vorace...

Chair de cet appétit ; si près – pourtant – de l'éternité...

Ah ! Si seulement l'esprit pouvait ressentir l'inexistence du temps...

 

 

Sur la crête ; sur le fil ; si fidèlement...

Foi ni en l'homme ; ni en l'avenir...

Sans tristesse face au monde (de plus en plus lointain) ; sans crainte face à l'inéluctable (de plus en plus certain)...

Mêlé à l'invisible ; et voué, tôt ou tard, à l'apercevoir...

Assis sur la pierre ; si tranquillement – l'esprit ; à même la matière...

 

 

A travers les courants qui nous entourent – qui nous traversent – tant de pièges – de guets-apens...

Confronté(s) à des fissures – à des fosses – à des flèches – à des coups – à des cœurs – qui surgissent – qu'on nous lance ; qui nous blessent...

Les accueillant – les célébrant (autant que possible) ; sans jamais (toutefois) parvenir à conjurer le sort terrestre...

 

 

Au creux du temps ; des abysses – comme retenu(s)...

Envoûté(s) par l'ombre (grandissante) des yeux...

Enveloppé(s) [si parfaitement enveloppé(s)] par la brume et le bruit...

Sans rien percevoir des assauts du silence et de la lumière...

 

 

Seul ; sans hommage – sans prière – sans contestation...

Debout ; face au monde et à la mort...

Sans même sourciller...

Confiant en ce passage ; en ce que l'on porte ; en ce que révèle l'intériorité...

 

 

Les apparences (beaucoup) moins flatteuses qu'autrefois...

La foi devenue sévère et exigeante (très exigeante)...

Et en dépit des lois (de toutes les lois) que nous avons enfreintes ; Dieu présent dans le souffle ; présent dans la main – sans restriction...

Flamboyant sans même être reconnu ; sans même être célébré ; et nous – de plus en plus discret – effacé – silencieux – invisible...

Mais amoureusement (si amoureusement) présent ; jusqu'au déraisonnable...

 

 

A sentir le monde ; le cœur ouvert – les yeux fermés...

Le corps lové contre le roc ; absorbé – intégré – et (progressivement) assimilé ; avec des yeux qui dépassent; et le souffle à la pointe de l'âme...

 

*

 

Le temps de la rencontre ; cette étrange lumière sur l'inattendu ; et l'aveu du plus sombre...

A l'étage supérieur de l'obscurité ; et l'attente comme un phare ; dissoute – et, avec elle, l'espérance d'un feu – l'assurance du moindre fanal...

Au fond de la détresse ; sans perspective – sans apitoiement ; en pleine confusion...

Et cette (surprenante) chaleur sous les larmes ; qui bientôt se transformera en rire ; et toute notre bêtise ; et toute notre douleur – embrassées (d'une étonnante manière)...

Et la chair secouée de spasmes ; et le cœur brûlant (jusque dans ses failles)...

La tête impuissante...

A la croisée des courants ; dans l'espace qui accueille ; là où l'Amour aime – sans la moindre restriction...

 

 

La forêt ; au cœur de l'étendue...

Le ciel – la chair ; entremêlés...

Par-dessus la mort et le changement...

Ce qui tient de l'évidence ; au-delà (bien au-delà) des possibilités habituelles de ce monde...

 

 

La main intime et caressante ; sur la peau de l'Autre...

La voix qui se lézarde ; devant tant de beauté ; devant tant d'émotion...

Comme un soleil dans les veines ; entre les tempes ; l'évidence du miracle...

Un peu de lumière ; face à la place vacante...

Le cœur comme écartelé entre la parole et le silence...

Le regard qui dévore la mémoire et la pierre ; qui dénude la pensée ; jusqu'à l'essence...

Dans l'incandescence de l'invisible qui rayonne...

Et jusqu'à s'affranchir de cet instant de grâce ; comme une offrande supplémentaire ; un retour vers le plus simple ; l'esprit le plus élémentaire ; ce qu'il y a de plus digne en l'homme – peut-être...

 

 

Ce qui consume le vivant...

Ce qui ronge les os et la confusion...

Ce qui dévore la terre et la faim...

Et ce qu'il reste ; sous la tristesse – en plus de la surprise...

Un sourire ; une tendresse – et cette ardeur qui fait jaillir une parole brûlante...

 

 

La mort comme une balafre sur le déjà vu...

N'importe où ; n'importe quand...

Et ce que l'on essaie de recoller ; (assez) maladroitement...

 

*

 

A travers la langue ; l'Amour – les mots ; le déploiement de la création ; ce qui s'enfante et grandit ; ce qui renouvelle le cycle...

Mille fois ; comme un miracle ; le fruit de l'alliance entre la lumière et le vent...

Loin (très loin) du hasard et de la folie ; et de mille manières – indéfiniment...

 

 

Dans cet étrange balancement entre le corps et l'éternité...

Sans masque ; sans parure ; l'esprit nu ; sans rien connaître de la mort ; dans un état (extrêmement) vivifiant...

Sans tenter d'anticiper la transformation ; de deviner les effets (bénéfiques ou délétères) de la métamorphose...

Dans un tournoiement ; sur le même fil pourtant...

Sans la moindre promesse ; la chair parfois durable – parfois éphémère...

Traversant la vie – le rêve – le monde ; à l'allure appropriée ; et le terme arrivant (toujours) à point...

 

 

Contaminé(s) jusqu'à la moelle par la couleur des ombres...

Le corps décharné ; l'âme anxieuse...

Privés(s) de sens et de raison...

Le soleil immuable – inflexible – sur son orbe ; la pensée ankylosée ; le cœur versatile...

Les yeux vides (si peu vivants) ; en dépit de l'invisible (très vaguement) pressenti...

En deçà du temps ; en deçà de la plénitude – de l'être sans âge...

Face à la mort ; face aux vivants – le même dénuement ; et cette absence (funeste) de devenir commun...

 

 

L'étreinte et le festin...

Cette présence ; jusqu'au vertige ; affranchie des alliances et des corps à corps...

Sans autre poids que celui (très passager) de la perte...

Avec le goût (inoxydable) de l'éternel ; vissé au cœur...

De jadis à plus jamais ; dans cette extinction (si bénéfique) du temps...

Sur le versant nord ; à l'envers de l'artifice (et des inventions humaines)...

Ce que nous sommes ; ce que nous fûmes ; ce que nous serons ; inéluctablement – le cœur dans son essence ; le plus immuable de l'être...

Aussi loin que possible de la duplicité et du mensonge...

 

*

 

En arrière-plan (à peine perceptible) ; ce qui se balance entre la vie et la mort ; entre la fin et le recommencement ; à la manière d'une respiration infinie – et (presque) inaltérable...

Sans bruit – en soi – autour de soi – partout...

Comme une enfance qui se cherche ; une enfance qui ne sait pas ; et qui aimerait inventer un langage pour donner à voir ce qui ne se voit pas...

 

 

Dans les bras du monde ; le soleil sans l'homme...

Des ailes pour remplacer la mémoire...

Et – partout – des frères au visage différent...

Et le cœur qui se serre en les croisant...

Et le besoin (obstiné) de vivre dans leur intimité ; au plus près de celui qui passe ; au plus près de celui devant lequel nous passons ; la nécessité (presque) vitale d'exalter toute rencontre ; d'intensifier la communion ; de se familiariser avec l'effacement et la dissolution des frontières...

Et l'âme qui abrite un chant si ancien qu'elle ne peut s'empêcher de l'offrir au bleu des figurants...

 

 

La nuit intense ; froide et sirupeuse ; enveloppante ; et qui parvient à recouvrir la grâce et la beauté des plus innocents...

Comme une cire épaisse sur l'esprit ; un rideau de poix qui enferme et englue ; qui emprisonne...

Et là-haut ; un peu plus loin ; quelques étoiles ; un peu de lumière ; comme une promesse pour les moins paresseux (pour les plus valeureux – peut-être) ; ceux qui auront la force d'élever leur âme ; de la hisser au-dessus des enlisements terrestres...

A la manière des arbres et des cœurs brûlants (à la chair irréprochable)...

 

 

Quelques signes dans le jardin peu éclairé...

Une parole offerte ; comme un murmure déposé au creux des âmes curieuses et innocentes – assez insensées pour transgresser les assignations (ce qu'imposent et ce à quoi aspirent les masses) ; et dont se saisiront (peut-être) quelques esprits indociles...

Plus qu'une promesse ; une porte qui s’entrouvre sur mille chemins ; un miroir gigantesque et précis ; comme un encouragement ; deux bras ouverts ; et un doigt pointé sur l'invisible – sur l'immensité ; et la joie ; une affectueuse accolade pour que toute rencontre devienne intime et toute étreinte, vivante ; pour que se révèlent (enfin) le monde – l'être et la nature de l'homme...

 

*

 

Au commencement du monde ; un rire et quelques larmes...

Quelque chose du jeu et de la tentative (une sorte de défi)...

La résultante (sans doute) d'un long désir contradictoire – d'une attraction ambiguë...

Né (peut-être) de la rencontre entre un visage colossal – vertigineux – sans territoire établi – et son reflet aperçu (presque par inadvertance) dans un angle mystérieux – secret – méconnu – de l'espace ; d'abord comme une sorte de clin d’œil du hasard ; puis, comme une obsession (féroce et inflexible) à (re)trouver cet Autre inconnu...

Et le temps (diaboliquement long) pour séparer – fragmenter – et donner forme – au vide ; comme d'infimes parcelles tourbillonnantes de lui-même ; pour inventer la naissance et la mort – le vent – le souffle – l'eau et les rivages – le cri et, en germe, la possibilité du langage...

Voilà pour la genèse (très hypothétique) ; voilà pour le point de départ (disons) conjectural...

Et de cette volonté (assez étrange et assez vague) – générée par quelque chose entre le rêve et la grimace – et qui tient à la fois de l’orgueil démesuré et de la plaisanterie – émergea dans un long gémissement (que les plus sensibles entendent encore et qui s'achèvera avec la fin du monde) une longue suite d'objets – de visages et de spectacles – hétéroclites – particuliers – merveilleux et dérisoires ; voués, d'une manière inéluctable, au retour...

 

 

Plus loin que le jour perçu...

Au-delà (bien au-delà) de la nudité minérale ; au-delà des arbres furieusement échevelés...

La réponse mystérieuse (et persistante) ; offerte sur la roche – quotidiennement ; autant qu'à travers la tendresse de la chair esseulée...

Au fond de ce qui demeure ; à l'abri de l'ombre...

Emporté – peu à peu – par le vent ; le souffle divin...

Dans un éclat de lumière interminable qui éclaire les alentours de la vie et de la mort...

 

 

Dans le vertige (tenace) du va-et-vient...

L'indistinction ; le rassemblement des différences – peu à peu...

Et l'éternité déjà ; dans la proximité de l'Absolu...

Et la lumière ; à tout propos...

Ce qui s'érige ; ce qui se maintient dans le mouvement...

Les signes de la solitude...

Ce qui s'avance dans le noir ; silencieusement – au cœur de la chair ; au milieu des mots...

 

*

 

Sous le souvenir (humble) de la joie...

L'ancienne démarcation née de l'ignorance et du doute ; ce qui sépare la chance et l'infortune – la soumission et la liberté – le désert et l'abondance...

Si loin de cette manière d'aller là où pousse le vent ; et de s'asseoir là où il nous dépose...

Glissant (imperceptiblement) d'ici à ailleurs ; d'ailleurs à plus loin ; jusqu'au pays natal ; puis, revenant – errant – baguenaudant (très souvent) ; nous perdant (quelques fois)...

Écoutant l'enfance qui cherche son origine ; qui aimerait retrouver sa demeure ; et aller partout ; et tout visiter – tout goûter – tout habiter – de la plus déraisonnable des manières...

 

 

Les choses et le cœur généreux...

Et nous ; poussant (ou soulevant) notre pierre comme un fardeau ; un ballot embarrassant...

Dans cette perspective absurde ; (quasi) criminelle...

Estropiant le réel ; à force de labeur – d'efforts – de corvées ; anéantissant toute possibilité de paix – de joie – de gratitude ; à force de peine – de torture – de supplice...

Nous frottant à la matière avec tant de lourdeur et de sérieux ; au lieu d'y voir un jeu ; le désir d'envol d'un miroir ; une sorte de pas de côté ; la nécessité (peut-être) d'un affranchissement...

D'y voir une danse – et mille caresses ; au lieu de cette charge pénible ; de cette longue poussée plaintive...

Voilà résumé ici (presque) tout le malheur de l'homme ; faire de son existence (en ce monde) un poids – un faix – un bagage encombrant – à porter avec douleur et affliction...

 

 

Le cœur qui s'épanche – qui s'écoule – se déverse...

En pleine nuit ; en plein froid...

Quelques larmes ; une minuscule flaque de sang...

Et le corps sur le flanc ; et l'âme renversée…

En dépit des milliers d'années d'expériences et de civilisation...

 

 

Ici même ; commençant – continuant – persévérant – sans pensée ; prolongeant l’œuvre de la longue lignée...

Dans le plus grand silence ; laissant le verbe émerger...

Un chant qui monte pour célébrer le monde et la lumière ; au-dehors – au-dedans ; dans cet (étrange) entremêlement...

Manière de dire ce que – jusqu'alors – on ne voyait pas (ce que – jusqu'alors – on ne pouvait pas voir)...

Le jour né du plus ténu ; et qui, à son tour, enfante l'infime...

Soleil vivant ; et l'invention – la participation (parfois un peu précipitée) – du poème...

Avant le temps des pierres ; avant le déroulement des siècles ; en ce lieu où il n'y avait que le vent et l'espace ; l'Amour et la nuit ; le socle brut (et nébuleux) des possibles...

Et ce long (ce très long) voyage pour que le cri puisse s’élever jusqu'à la gorge ; et surgir, un jour, entre les lèvres...

Sans doute une façon pour le ciel de se déployer ; et de désarçonner ce qui le chevauchait ; le faisant chuter sur ces rives nées d'une très ancienne cicatrice (et toujours suintante) ; livrant l'âme et l'esprit – les visages et les choses – à la fortune terrestre et aux jeux (parfois incompréhensibles) des Dieux...

 

*

 

Au pays des ombres et des tempêtes...

La lanterne au bout des doigts ; sous le souffle venteux...

La langue alerte ; au-delà des rives et des tourbillons traversés...

L'âme humide ; aveuglée par le givre...

Chancelant dans la lande...

Comme figé sous la même étoile ; là où l'on naît ; là où l'on se couche ; là où l'on meurt...

Avec, sous la neige, quelques braises récalcitrantes ; et, sans doute encore, un désir de caresse...

 

 

Au cœur de l'expérience ; le paradoxe...

Le destin malaisé ; le temps à partager...

Comme un défi au feu ; malgré le désir enflammé...

La silhouette tremblante qui trahit sa couardise...

Allant partout ; errant – sans attache – sans gouvernail...

Jusqu'au fond des ténèbres ; là où l'âme demeure...

 

 

Les couleurs ; dans la paume – jetées sur tous les visages ; et teintant les âmes...

Et le verbe – habillé de lumière – lancé par-dessus les têtes...

L'invisible dans les mains jointes...

Se laissant mener par le vertige...

Le cœur, malgré lui, voué à l'Absolu ; à la vérité à vivre...

S'affairant au témoignage de l'expérience terrestre...

Nomade et saltimbanque solitaire...

La poésie comme geste vital ; et le reste (tout le reste), à travers elle, aussi intensément vécu...

Un être au monde (presque exclusivement) tourné vers la ferveur – le regard – le quotidien ; et, dans ce sillage, mille actes fraternels...

Dans un dialogue (permanent) entre la vie – le silence et les mots ; qui, peu à peu, répond à toutes les interrogations (à toutes les curiosités) de l'homme...

 

 

Porté à la chute – et à l'exploration – sans fin ; dans cette fosse où l'on se jette ; dans ce trou où l'on se perd...

Sans rien endommager ; en dépit des déchirures et des cicatrices qui témoignent de la brutalité du voyage ; de la férocité des profondeurs...

 

*

 

Le plus simple ; glissant au fond ; avec l'ivresse...

Veilleur pour l'essentiel...

N'ensommeillant ni l'hôte – ni la matière ; mettant au jour le feu – partout – qui brûle...

Et explorant ; et déployant l'écoute ; au détriment des chimères...

Sans s'attarder ; avec encore quelque chose de soi ; indéniablement...

 

 

Désormais sans honte...

Les forces revenues...

La grâce et la création...

(Presque) oubliées ; l'arrogance et les récriminations...

Sur cette étendue ; mille possibles...

Et les rêves ; et la tendresse ; infiniment partagés...

Au fil du voyage...

Et ainsi ce qui s'apprend – ce qui se révèle...

Le cœur – de plus en plus – anonyme...

 

 

Les rêves largués ; avec le nom...

L'inconnu et le vent ; sur cet horizon précaire...

Les yeux contre la roche ; la caresse du bois...

Puisant dans les profondeurs ; le désir (encore puissant) de faire éclore...

 

 

La terre recouverte...

Sous le linceul du temps...

Chaque jour ; les reflets miroitants ; les gestes – la danse et les excréments...

Chaque jour ; la mort et le même recommencement...

Ce qui monte ; à travers la terre ; à travers le regard ; et ce qui se dissout – peu à peu ou en un éclair...

Cet inépuisable quotidien...

Dans l'espace tourbillonnant ; les aspirations de l'esprit...

Et les vibrations de la matière...

 

 

Aux confins du plus commun ; aux extrémités de la substance ; l'exploration de l'espace puis, l'ascension...

Ce qui efface (peu à peu) les différences...

Les mains qui abandonnent les yeux à leur sort...

Au contact des arbres – du monde ; tissés dans la même trame...

Au contact de l'éternité cachée au fond de la neige – dans les os des morts – dans la moindre étreinte – le moindre enlacement...

A l'exacte jonction du soleil et de la fleur...

La lumière et le silence ; perpétuels...

Et nos racines (particulièrement) vivantes...

 

*

 

A moitié monde ; à moitié passage...

Le plus essentiel ; déjà...

L'aventure solitaire...

Du fond de l'âme...

Sans destination précise ; sans récompense apparente...

Du nom au plus anonyme...

 

 

L'invisible sous l'écume...

Ce que les assassins ignorent ; le prix de la chair...

Et d'autres voies plus âpres encore...

A seule fin de se laisser approcher...

 

 

A même la dévastation ; cette paire d'ailes...

A mieux regarder le ciel ; à vivre hors du nombre...

Sans jamais (pourtant) parvenir à s'affranchir de la terre...

Dans le vertige de tout phénomène ; l'essence...

Authentiquement...

A ne rien comprendre...

 

 

Dieu en embuscade derrière le monde...

 

 

Immobile ; au centre du temps...

Au cœur de la ronde...

Au milieu des errances et des reflets...

Juste en deçà des foules...

Au-dessus des poussières pyramidales...

Sur la crête qui surplombe toutes les voies en escalier...

Avalant les soleils – les tempêtes et les vents...

Au fond de la bouche nourricière ; le miracle en boucle...

 

 

Face aux ratios du recommencement...

Fragments de terre à bâtir...

Avant la mort ; (assez) furieusement...

L’œuvre (le grand œuvre) à ériger en monument...

Le cœur indemne ; en dépit du feu ; en dépit des promesses non tenues...

Sous les souffles qui lacèrent...

Le ciel comme un abîme qui appelle à verser le sang...

En dépit des pierres que l'on porte ; les jambes campées (bien campées) ; et l'âme qui lutte contre l'écume ; en plein front...

 

*

 

En soi-même ; l'entente ; et la vérité vécue...

A se tutoyer jusqu'à l'étourdissement ; avant de disparaître...

Dans une traînée de poudre aussi blanche que la neige...

Pas très loin ; à l'envers du visage – là où se cache cette autre figure ; cette face méconnue...

Au-dedans du pas ; au-dedans de l'horizon...

Dans ce vertige et cette lumière ; ombres comprises...

Dans l'ignorance (provisoire) de son obscurité...

 

 

La poitrine collée à la forêt ; à ses couleurs ; à sa vitalité...

Écoutant à travers les racines – les troncs – les houppiers – les chants de la terre...

Dans les bras d'invisibles géants ; et portés par la fièvre des vivants...

Brûlant les sons ; si fou(s) – si féru(s) de silence...

Et donnant à voir la surprise – l’innocence – et, sans doute, le plus précieux – dans la feuille passante...

Entraîné(s) au-delà (bien au-delà) du rêve et du fardeau que s'acharnent à porter les hommes...

 

 

L'espace ; à travers la géographie poétique...

Sans préférence ; tous les lieux – dans une parfaite résonance...

 

 

La traversée des siècles...

Avec pour seule aspiration ; l'Absolu...

En dépit de l'enfance inconnue ; le cœur choyé...

Et la danse des pas...

Aux confins de la terre ; la lumière ; sous les paupières tremblantes – le corps désarçonné...

La mort et le réel ; si transparents...

Et, dans l'air, cet imperceptible parfum de maturité...

 

 

A travers le passage ; des traces...

Des lèvres ; des pas ; le bruit des ailes qui s'élèvent ; le crépitement des racines qui s'éveillent après un long sommeil...

Le chant des âmes captives qui rêvent de voyage et d'aventure...

Et toutes ces ombres que le soleil désagrège...

Et tous ces restes d'écume que dispersent les vents...

 

 

D'un geste ; tout se brise ; et tout se recompose ; comme si rien n'existait (vraiment) ; comme si les circonstances n'étaient qu'un rêve...

Et, à chaque instant, ignorée (si ignorée) ; la possibilité (miraculeuse) des retrouvailles...

 

*

 

Le seuil franchi de l'étrangeté ; la main familière...

La contemplation de l'étendue...

Comme une fête sans artifice – sans sacrifice – sans ostentation...

En dépit des cruautés de ce monde ; à cause d'elles – peut-être ; une manière de rééquilibrer l'odieuse balance ; avec ses frayeurs et ses (médiocres) espérances...

L'âme et la paix ; inébranlables ; et qu'importe ce que pensent les hommes...

 

 

Porteur de ces lignes ; plus offrande que labeur ; plus découverte que témoignage...

Comme la retranscription d'un vol ; un trait – un éclair – dans la nuit obscure ; un fanal peut-être pour les plus audacieux ; une accolade pour l'esprit ; un encouragement à s'élancer dans les bourrasques – à s'enfoncer dans les déserts – à plonger dans les abîmes – à fréquenter les cimes – à survoler les crêtes ; puis à découvrir, un jour, la nécessité de s'effacer devant l'énigme ; de s'extraire du sommeil pour disparaître dans la géographie du mystère...

 

 

Les mains arrachées au labeur et au temps...

Dans l'espace dessaisi...

Autrefois trop désespérément captif...

Le visage et le ventre attachés au sol...

Au milieu des ombres ; sans un seul geste de secours ; sans la moindre tentative d'extraction...

Puis – on ne sait comment – grimpant le long de l'âme ; s'y hissant pour apercevoir les alentours – l'horizon ; un peu plus loin ; ce que dissimulent les murs de l'enceinte – les barreaux de la cage – les fils d'acier du piège qui nous retient...

Né pour voir – comprendre – et aller au-delà...

Et apprenant – peu à peu – la joie d'être humain...

 

 

Au cœur du vivre ; la poitrine battante...

Seul au milieu de cette immensité verte ; parmi les âmes que les hommes ne voient pas...

Nous reposant dans la lumière...

Sur cette ligne qui traverse le front...

Habitant là ; au-dessus de la pensée...

Proche du ciel – des oiseaux – des terriers...

Le regard attaché à l'orbe du jour ; le séant au milieu des mousses et des étoiles...

 

*

 

Trop loin de la terre ; les yeux rêveurs – crépusculaires ; alors que l'hiver fait rage – ensevelit l'écoute et la lumière ; déloge le cri et l'âme qui se désespère...

Et cette caresse tant attendue qui ne vient pas ; et qui, sans doute, ne viendra jamais...

 

 

Le vent dans la pénombre ; immobilisant les rêves et la danse...

Exacerbant le désespoir ; et le départ des âmes – en ces lieux sans étoile...

Initiant une longue marche contre les parois (vertigineuses) du dedans...

Avec des chutes (à prévoir) et des pentes à gravir...

Seul ; de plus en plus à mesure que le voyage prend forme ; à mesure que l'itinéraire se précise...

Toutes les existences ; toutes les postures et tous les visages – progressivement démasqués...

Et en dépit de tout ; l'étrange périple qui se poursuit ; et, à notre insu, la tradition oubliée – méconnue – qui se perpétue...

 

 

Silencieux – discret – effacé – de plus en plus – dans cette longue procession bavarde – arrogante – tapageuse...

Jusqu'au pas de côté – inévitable ; entraînant l'âme (docile) qui, un jour – elle aussi, décide de s'engager...

Puis (quelque temps plus tard) le cœur, à son tour, s'empare de l'aventure...

Et aujourd'hui ; le corps (toujours hésitant) se balance encore – entre la grâce et la mort ; à deux doigts de basculer...

 

 

A travers une transparence particulière ; quelque chose d'habité – une île peut-être enveloppée d'un voile – d'une distance – chimérique...

Et la joie irriguée ; ce que l'on sent monter dans la poitrine – et qui s'élève plus haut encore...

Vêtu(s) de chair et de temps ; à la manière d'une cape fine et légère...

Au fond de cet abîme partagé ; jusqu'au lieu de la lumière où les choses se déroulent – s'amplifient – s'espacent puis disparaissent...

 

 

Présent ; à la verticale ; autour des corps pétrifiés...

Assailli par le souffle ; le signe (évident) que l'on respire encore...

Et contre toute attente – hissé jusqu'au bleu qui s'étale ; l'âme hésitante – vacillante – (quelque peu) perturbée ; le ventre enlacé par cette nudité outrancière…

Vibrant ; comme le bois brûle – aussi naturellement...

Et tout cela offert (donné pour presque rien) ; en plus de la soif étanchée...

 

 

Le cœur à découvert ; exploré, peu à peu, par le regard...

Prolongeant l'ivresse jusque dans les mains démunies ; laissant entrer le soleil qui transforme (presque aussitôt) l'obscurité en fièvre et les chimères en festin...

 

*

 

L'immensité ; jusqu'au plus profond...

Qu'importe l'obscurité du ventre...

Qu'importe l'innocence des yeux...

Qu'importe les rêves et les expériences...

Ce qui brille – déjà – à travers l'opacité...

Derrière les sentinelles qui nous tiennent la main ; et qui donnent aux âmes leur couleur...

 

 

Quelques pas dans la tristesse ; avant que ne puisse émerger le sourire...

A travers le dédale ; et les gestes qui comptent ; ceux de l'intimité – ceux qui transpercent la brume ambiante – ceux que nul ne peut voir...

Dans le renversement des valeurs (habituellement) prônées...

Délicatement ; comme un funambule sur son fil qui, soudain, se retourne pour marcher sur les mains ; la tête (enfin) à l'endroit...

 

 

A force de poésie – de regard et de silence ; autre chose que le monde ; autre chose que ce que l'on voit (habituellement) ; ce qui nous incite à continuer ; ce qui insuffle la vie ; ce qui éclaire la mort...

La vaillance du cœur face à l'hostilité et à la mélancolie...

 

 

Entre le rire et la caresse ; notre vieille carcasse...

Face à l'ombre de la peur ; ce que réclame le corps...

A cœur ouvert ; qu'importe la profondeur du précipice...

L'âme ensoleillée ; tissée dans la trame (avec tous les miracles de la terre)...

 

 

Quelques pas timides ; sous la lune et les feuillages...

Dans ce corps à corps nocturne et forestier...

Les yeux qui s'ouvrent et s'élèvent...

Comme une fleur sous la neige...

S'abreuvant à la même source que les âmes...

Dans le silence des lèvres ; la bouche éclatante ; la langue qui s'offre – la langue qui nous vient...

 

 

Inaudible l'inouï que l'on crie (que l'on s'autorise à crier)...

Dans le feu magnétique du réel...

Quelques paroles à l'intention des vivants – de ceux qui ont trouvé refuge dans la pénombre du monde ; dans les marges et les interstices délaissés par la communauté des hommes...

 

*

 

A glisser sur la pierre ; la mine réjouie – le nom dans la poche ; si dérisoire...

Sur ce coin de terre ; à cet instant ; alors que le reste (tout le reste) est triste et attaché...

Hors de la fosse commune ; comme un fugitif à courir les bois ; alors que la nuit a recouvert le monde...

 

 

Figurants d'un drame périmé ; dans cette réalité rugueuse – aux murmures suspects...

De vague en vague ; contre les mêmes rochers ; la tête entraînée par le noir...

Et ce sang ; et cette absence de souffle – à la fin – comme la signature (manifeste – incontestable) de la mort...

Des mains munies de pieux – de piques – de pierres ; des pas pressés ; et des figures tristes et confuses...

Allant en cortège au son de tambours invisibles...

Sur tout le territoire...

Avec des remparts en guise de frontières ; et des bannières en guise de salut ; et tentant de hisser ce bazar (cet effroyable fatras) vers le soleil...

 

 

Le langage mélangé ; mêlé aux choses – à l'âme – à l'invisible...

Pointant vers la lampe ; les têtes survivantes ; au-dessus du marasme et de la confusion...

Élevant – en quelque sorte – ce qui peut encore l'être...

Sauvant (essayant de sauver) en chacun ce reste de clarté passablement assombri par l'expérience du monde...

Sur ces terres corrompues et dormantes...

Dans les bras d'un Autre à défaut d'une main familière...

Et sans même espérer...

Un geste plutôt qu'une pensée ; plutôt qu'une fiction qui confine (presque toujours) à la falsification et à l'escroquerie ; et qui, (bien) malgré elle, apporte une paix trompeuse...

Au milieu des ombres qui dansent ; jusqu'à embrasser l'impensable...

 

 

Au-dehors ; le rouge que l'on pressent ; et que l'on a même imaginé en songe...

Toutes les cartes en main ; pour apprendre à terrasser le temps...

Dans l'attente d'une issue ; ou (tout au moins) d'un miroitement ; le signe (la preuve) que ce à quoi nous aspirons est encore vivant...

 

*

 

Les battements du monde ; sous la peau...

Sans pensée ; ce que cherche le cœur...

Traversant chair et miroir pour atteindre le lieu de l'âme ; pouvoir habiter le soleil brûlant...

Situé peut-être (situé sans doute) au milieu du corps ; au milieu du ciel ; en deçà des désirs et des vertiges ; là où l’œil réside ; là où la main tremble devant la vérité – qui se devine – qui se dessine – qui se donne ; comme la seule matière à vivre...

 

 

La langue fauve qui s'efforce de dépeindre le monde ; si féroce face aux viles prouesses des hommes ; et qui creuse jusqu'au fond des yeux ce qui se défait ; les visages – les âmes – les choses ; ce qui semble si froid – et si étriqué – en comparaison du soleil – en comparaison de l'étendue...

Le plus infime de la terre face à la grandeur du mystère...

Et le sable qui s'obstine ; comme si la poussière (le moindre grain de poussière) cherchait à enrayer la mécanique du cœur ; et parvenait à obstruer l'horizon que nous contemplons depuis notre (minuscule) lucarne...

 

 

Courbé sur les chaînes du monde...

Ahuri ; la bouche bée devant toutes ces barricades ; devant tous ces barbelés...

Incapable du moindre geste ; trop estomaqué sans doute...

Et criant haro sur les âmes si promptes à se détourner de cette terrifiante perspective ; si promptes à s'éloigner vers des parcelles moins tristes ; vers des contrées plus tranquilles...

Le cœur quand même interloqué ; à voir tous ces yeux peureux qui ne peuvent se détacher du sol...

Dans ce long pèlerinage ; soumis aux tourbillons et à l'ivresse ; où nul n'est épargné – ni par la barbarie – ni par la bassesse...

 

 

Reflets de soi ; reflets du monde – cristallisés en signes et en vibrations...

Comme un archipel posé – flottant – dérivant – entre deux rives – entre deux continents habités par des ombres et du vent...

Sans jamais avoir la force de céder sa place...

Errant – divaguant (l'essentiel du temps) ; essayant d'aller là où subsistent encore quelques possibles...

 

*

 

L'être excentrique ; le visage souriant...

Pas même fier de son (éphémère) appartenance ; parfaitement conscient (et heureux même) de cheminer vers sa perte...

A travers tous les mythes ; et avant toute (re)formulation du monde ; avant même le règne des ombres...

A la parole (presque) intraduisible ; ancré dans son seul rayonnement ; dans l'évidence du mystère dont on ne peut rien dire...

 

 

Les vents de la disgrâce ; condamnés à tourner...

Accompagnant (seulement) les circonstances ; dans leur exact sillon – précisément ; alors que les courants convergent pour offrir une longue suite d'expériences...

Et tout ; et chacun – obéissant ; l'âme alerte – l'échine courbée – le cœur (plus ou moins) consentant...

 

 

A regarder (attentivement) le ciel et la mort ; et l'âme des vivants...

Et à travers quelques signes ; deviner les malédictions qui frapperont les ignorants ; et ce qu'il reste à découvrir...

 

 

Le cœur fouillé par le cri...

Et toutes ses parts à partager...

Vers la même destination ; à travers les oscillations du temps...

Comme un festin de couleurs ; en dépit du deuil ; en dépit de la mort...

A la manière d'un vent (irréel) qui souffle sur le monde...

Avec – au centre – le regard ; et l'âme au milieu de la splendeur ; assistant (sans la moindre tristesse) à l'exploration et au déblaiement ; certains, sans doute, de retrouver l'essentiel...

 

 

Dans cette brèche si brusquement découverte ; des tourbillons d'apparences – une foison d'apparitions...

Et les mots qui tournent ; de ligne en ligne – de page en page...

Livre après livre ; comme une valse (incessante) de la pensée qui va [de manière inéluctable (et joyeuse)] vers son inachèvement...

 

 

Du côté du retour et de la préservation ; cette insatiable faim...

Ce qu'offre le cœur ; et ce dont l'âme se repaît...

A la manière d'un funambule nocturne ; laissant aller sa plume et traversant les saisons ; cheminant sur son fil au rythme du cœur battant ; la main et le pas – dociles ; sous la férule du vivant – obéissant au règne de ce qui se devine...

 

*

 

Le cœur déplacé ; reconnaissant...

De l'autre côté de l'histoire ; de l'autre côté du temps – hors de portée de toutes les traques...

Sans rien saisir ; et n'échappant à rien – engagé involontaire – en quelque sorte...

Libre (bien plus libre) qu'autrefois...

Si près de l'enfance – à présent...

Riant des siècles et des Dieux sans même sourciller...

S'habillant d'une nudité (légère et joyeuse)...

Regardant le monde au fond des yeux ; et réussissant à traverser les choses les plus épaisses...

Laissant se détacher (naturellement) les chimères et le superflu ; laissant se transformer (spontanément) la bêtise et la folie...

Le cœur redressé ; assurément...

 

 

A travers les murs ; la lumière...

Et ce silence au-dessus des têtes ; au-dessus des tombes...

A travers l'effacement du nom ; et la mémoire renversée ; plus rien pour personne – depuis si longtemps (en vérité)...

Vers ce lieu inconnu où tout est indistinct et (parfaitement) mélangé...

 

 

Le front s'épanouissant – puis s'évanouissant ; transformant (peu à peu) l'enthousiasme en lassitude et en désenchantement avant de disparaître (presque entièrement) ; cédant (progressivement) sa place au corps et au cœur...

Ainsi, sans doute, se découvre (et s'expérimente) le silence ; la paix de l'esprit...

Sans même avoir besoin d'effacer le monde ; sans même avoir besoin de réinventer le temps...

Ce qui demeure ; en plus de la nudité...

Et l'invention – peut-être – d'un langage pour essayer d'esquisser un chemin entre le brouhaha et cette contrée secrète et (très) feutrée...

 

 

Les yeux sur la blessure ; ouverts (grands ouverts) sur la mésentente – sur cette (apparente) séparation qui s’accommode si mal à la résolution de l'énigme...

Vers cette fin – pourtant – qui pousse à recommencer en apprenant (peu à peu) à s'affranchir de l'âge et du temps...

 

 

Au-delà de la chair ; cette (curieuse) transparence...

Comme un halo de beauté ; en dépit du monde dévasté ; en dépit de ce qui s'entasse sur la pierre...

La pourriture – la marmaille – les dents carnassières...

Et ce rire (presque incongru) face à l'obscénité de ce qui brille – de ce qui crie – de ce qui pue...

La liberté (vivante) de s'inscrire – en somnambule – à contre-courant de ce qui semble si indécent – bien trop visible – presque scandaleux...

 

*

 

Il y a ceux qui savent ; et ceux qui s'agitent...

Il y a ceux qui voient ; et ceux qui essaient de deviner...

Selon les questions – les circonstances et les dispositions de l'âme...

Sur cette terre ; sur le cadran – le même monde – le même temps – qui tournent – pourtant ; le jour et la nuit ; dans cette ronde perpétuelle ; et la voix qui interroge l'homme – le ciel – l'esprit ; l'absence ; et le cœur qui ressent, parfois, le parfum de ce qui mûrit...

Jamais juste(s) (en général) ; jusqu'à ce que la mort surgisse...

 

 

Ici et là ; sur la grand-route...

Le cœur dénudé ; si sec – presque exsangue – comme essoré ; à force de rencontres ; à force de mains tendues ; à force de mendicité ; et qui a vu la source se tarir...

L'âme, sans doute, trop humaine...

Et entourée, peut-être, par trop de semblables...

Le vent et la vérité ; qui brûle ; qui emporte – tous les souvenirs – toutes les images ; et jusqu'à l'espoir du moindre changement – de la moindre éclaircie ; presque assuré de ne jamais voir une eau nouvelle pour battre – et brûler – et donner encore...

Impuissant et triste face à ce sort affligeant…

Rien que des coups ; rien que des cendres ; et cette effroyable atrophie qui confine à la souffrance – à la détresse – à la sclérose – à cette (insupportable) paralysie...

 

 

Masse inerte et pierreuse ; comme déposée là ; au milieu de la fumée et des combats ; qu'une seule parole parvient, parfois, à fissurer...

Témoin de ces terribles éboulements ; sous la lune rousse qui, elle aussi, observe (et participe à sa façon)...

Des mots cruels ; à la manière d'une boucherie silencieuse...

Pour en finir avec l'absence et la domination ; pour rééquilibrer les forces ; redonner leur place aux minuscules ; à l'invisible ; à ceux qui ont toujours vécu sous la botte (apparente) de ceux qui gouvernent – de ceux qui décrètent – de ceux qui ordonnent...

Et ce que l'on réclame – ce que l'on exige ; un peu de conscience (un rien de conscience) pour siéger à la table des décisions...

 

 

Vérité encore ; à la place du monde ; et ces ailes naissantes ; et ces possibles qui s'offrent...

Le cœur et le vide qui, (presque) aussitôt, se rassemblent...

Au fond du sanctuaire secret ; là où tout se célèbre – sans sacrifice – sans (même) la nécessité du nom...

Dieu dans son face à face – en quelque sorte...

 

*

 

Glissant (avec aisance) au-dessus des sillons...

Allant vers on ne sait quoi ; l'inconnu (sans doute) qui surgit à chaque instant...

Apprenant à gommer le trop noir et le trop blanc ; à estomper d'un doigt habile les frontières (trop marquées)...

Survolant les angles et, parfois, ces hautes crêtes énigmatiques où la matière se fait rare...

Avec – assurément – de plus en plus de lumière et de joie...

 

 

Nous installant là ; pour quelques instants (pour quelques saisons – à peine)...

Et pour l'essentiel – immobiles – sous la même étoile ; et pour d'autres (plus rares – beaucoup plus rares) parcourant le plein ciel ; explorant ces lieux où la lumière élève ; où les vents redressent ; où rien n'existe vraiment...

Au plus près ; (presque) toujours ; de ce qui compte et ne se voit pas ; au plus près de ce qui se ressent...

Sans rien changer au monde – sans rien changer aux hommes et aux âmes ; que l'on cesse de considérer comme des victimes ou des bourreaux ; laissant libres toutes les circonstances ; et se réaliser tous les possibles...

Le cœur comme un univers au-dedans ; le centre (véritable) – sans doute – autour duquel se déploie la danse...

 

 

Les mains agiles (si agiles) à défaire les ombres...

Retirant, un à un, les voiles qui obstruent ce que pourraient voir les yeux...

Jusqu'au cœur blessé ; enveloppé d'une brume blanche – comme un (épais) résidu d'écume...

Défrichant le chemin ; déblayant le passage ; s'inventant une sente au milieu des obstacles et des entassements...

Ravivant le feu et la simplicité ; exaltant le dénuement et la nudité ; éliminant tout superflu pour que le geste et le pas (chaque geste et chaque pas) (re)deviennent intenses et amoureux ; et porteurs de cette lumière si nécessaire aux âmes et au monde...

 

 

Le cœur blanc des prophètes ; affranchi des secousses et du ressac...

Éloigné du désir et de la mémoire...

Aussi léger qu'un copeau de bois...

Se laissant porter par les vents...

Flottant au-dessus des feux allumés par les foules...

Guidant le monde (de façon humble – discrète et involontaire) sur le chemin qui mène en ce lieu où règnent (sans partage) l'Amour et la lumière...

 

*

 

Bientôt ; ce lieu – cette terre au-delà de la terre – ce continent sans rive...

Au cœur de cette géographie (méconnue) de l'invisible...

Dans ce bleu parfait ; sans frontière – sans quadrillage...

A l'angle du plus rien ; dans ce débordement d'Amour et de lumière...

 

 

Le ciel au-dedans de l'hiver ; sans tache – sans corruption...

Et y plongeant sans jamais se noyer...

Et s'y perdant jusqu'à s'y retrouver...

Qu'importe la couleur de la terre et l'ampleur du chagrin...

Qu'importe la carte et la (longue) liste des pertes et des disparitions...

Sur la feuille ; sous les vents ; vers ces lieux où l'on se laisse porter ; vers ces lieux où la joie s'est libérée du monde et du temps – présente à la jonction (à l'exacte jonction) de l'âme et des circonstances...

 

 

Sur le sol ; du cri à l'oiseau...

Sans jamais compter les pas jusqu'à l'envol...

 

 

Ciel d'ici ; tantôt vide – tantôt lumière...

Et qui lézarde la mémoire ; et qui érige le monde en place vacante...

Écartant ce qui résiste ; détachant ce qui persiste...

Dénué (pourtant) de volonté ; comme l'invisible qui règne...

Dévorant (malgré lui) le temps et ce qui œuvre ; à sa merci...

Laissant la confusion devenir le centre ; et devenant le reste – et ce qui prime...

Comme un vent (violent et inévitable) sur les élans – les idées et les expériences ; sur toutes les tentatives et les manières d'expliquer...

Incandescent ; comme le cœur qui brûle les édifices et les larmes ; et qui donne à la joie une grandeur que lui envie la mort...

 

 

Sans même voir ; cette liesse au milieu du dérisoire...

Le vivant qui rampe ; l'invisible qui se cache – jusqu'à ce que le monde se rompe...

Et partout ; le temps qui ronge (peu à peu) le périssable...

Et ce rire – derrière les drames ; celui de l'essence, sans doute, qui se sait inattaquable...

Ce que savent (naturellement) tous les sages ; et qui (bien sûr) n'en disent rien...

 

*

 

Naufragé(s) d'une existence à la dérive...

Mis au monde ici (pourtant) ; bien que venu(s) (très probablement) d'un ailleurs (plus ou moins) lointain...

Parmi les bêtes et les hommes...

Sur ce sable noir...

En ce lieu de bavards sans parole...

Comme nous ; jetés sur ces tristes rives...

Sans rien devenir ; et étalant (pourtant) leurs désirs et leur espérance...

Du vent ; comme si rien ne pouvait arriver...

 

 

Heurté ; et étourdi ; comme tombé là ; parmi eux – sur ce sol sec et inhospitalier...

Encore étonné ; quelques millénaires plus tard...

Comme dans un rêve ; tous ces mirages érigés...

En dépit du sang et de la douleur ; en dépit de cette béance ressentie au fond de l'âme...

En dépit de la vigueur du corps et de l'intensité des élans...

Quelque chose – en soi – de (parfaitement) désengagé ; comme (très singulièrement) étranger au monde ; notre seule issue – peut-être...

 

 

Les yeux ; entre le sol et le jour...

Dans l'intimité du vide ; et sur la rugosité de la pierre...

Auxiliaires (précieux) de la lumière...

Ouvrant ici-bas tant de possibilités ; et façonnant (malgré eux) l'histoire du monde...

 

 

Ramassis de choses (trop) mortelles...

Aujourd'hui ; confinés au fond de leur chambre...

Dans l'impasse du corps à corps...

Seul(s) face à leur ignorance...

Sans même se révolter face à un Dieu hypothétique ou imposé ; sans même tendre l'oreille à la vérité qui, en eux, cherche à éclore ; sans même envisager la moindre rencontre (ni au-dehors – ni au-dedans)...

Négligeant (avec fierté – et presque avec délectation) l'Absolu ; peu soucieux de ce feu si nécessaire pour essayer de vivre la réalité de l'âme et du monde ; laissant à d'Autres le soin de connaître (et d'apprivoiser) l'intensité du regard et du lien ; rêvant seulement ; ne se souciant que de se soustraire à la condition originelle (du vivant) ; ne cherchant qu'à se distraire et à se réconforter...

Concevant la terre comme un décor ; et un sac dans lequel piocher quelques plaisirs et mille choses pour satisfaire leurs appétits...

Oubliant le plus essentiel (sans doute) ; ce qu'il faut ressentir pour comprendre le sens – les potentialités et l'envergure – de ce (si bref) séjour ; de cette (infime) portion du voyage...

Pas encore (véritablement) des hommes ; des figures incomplètes et rudimentaires ; de (bien) ternes reflets du possible ; de dérisoires fragments du réel [sans profondeur ni (véritable) mystère]...

 

*

 

La chair écorchée...

A nu ; à la lisière de leur territoire...

Sous le ciel gris ; et triste (pour celui qui sait voir)...

Gardien (à sa manière) ; réduit à l'impuissance...

Pas aussi crédule (pourtant) que le pensent les hommes...

L'esprit posé au-dessus des drames et de la pensée...

Convaincu, sans doute, de l'innocence et de la loyauté de toutes les créatures...

Attendant, sans impatience, le règne (généralisé) de l'âme ; et le remplacement (progressif) du vieux monde...

 

 

A la condition des Autres ; pas toujours (très) sensé(s)...

A la surface du plus familier ; tant de choses (celles qui, bien sûr, apparaissent nécessaires)...

Et le reste ; pas connu ; et moins encore désiré...

S'appuyant dessus pourtant ; sans la moindre gratitude ; comme le socle des lois bâti sur d'invisibles piliers...

Protégeant la ronde tribale...

Et la terre – tout autour – transformée en territoire hérissé de pièges – de piques et de frontières ; comme prisonnier(s) de ce minuscule dedans gorgé d'images erronées du dehors...

 

 

Parmi les vivants endormis...

Rideaux tirés sur les souffles et les miracles...

L'étreinte triste ; et la matière inerte...

Les étoiles – au-dessus des têtes – vaguement allumées (et jamais scintillantes)...

A l'image du monde ; glissant dans un long soupir ; ce qui précède le sommeil – (presque) une forme d'hibernation...

La conscience minuscule (horriblement atrophiée) et (assez largement) altérée...

Tous les signes d'une obscurité persistante...

Entre l'être et la poussière ; tous ces visages ; et tous ces lieux communs...

 

 

Et à force de pourriture ; sur cette terre – la puanteur qui s'amplifie ; et qui persiste...

Au milieu de la fièvre – des cadavres – des fantômes...

La roue du temps bloquée sur l'horreur et les gémissements ; et cette terreur qui suinte par tous les trous...

Sans autre espérance que cet (horrible) dénouement...

 

*

 

Brûlant ; l'âme vive – de l'intérieur...

Devant des visages sans forme ; des yeux et des lèvres – seulement ; à peine dessinés...

Comme des traits qui regardent ; qui jaillissent...

Et tant de matière(s) à éclaircir – à démêler ; et tant de manières d'exposer...

Sur ce sentier sans fin qui s'enfuit loin du gris ; emportant avec lui le monde et sa boue sombre...

Si risiblement en exil ; et si risiblement parmi eux...

Et nous tous ; (infiniment) inconsolables – sans doute...

 

 

Le rêve (le grand rêve) parfaitement défiguré...

Dans un égarement (une longue embardée) de la pensée ; gorgée de certitudes et d'illusions...

Et ce que l'esprit – à travers le regard – parvient (parfois) à reconstituer...

Bien plus que des lignes à défricher avec les yeux ; des univers entiers ; capables, peut-être, de rassembler toutes les parts du cœur éparpillées...

Le début d'un chemin que la main a esquissé ; comme un appel irrésistible pour les âmes les plus affamées...

 

 

Au loin ; cette lueur qui persiste...

Et cette (irrépressible) soif qui cherche ; qui effleure la déchirure...

Dans un vertige – une douleur...

Comme emporté progressivement (très progressivement) vers le centre du cercle...

Éventrant les murs ; anéantissant les territoires ; jetant à terre toutes les histoires...

Les mains solides et solitaires ; les lèvres pleines de signes et d'ardeur ; et la poitrine légèrement inclinée (à la fois) vers le sol et le ciel...

Réinventant la langue pour accéder au monde ; au réel (perpétuellement) neuf et sans mémoire...

 

 

Dans cette lumière brûlante...

La nuit qui se déverse ; qui se dissipe (peu à peu)...

Dans un crissement de cendre et de soi...

Ce qui habite – et habille – la chair – les visages et les objets ; trempés dans le feu de l'âme – dans le (délicat) crépitement des flammes...

A travers la précieuse (et précise) douceur des mains...

Le monde qui glisse – imperceptiblement – vers cette sente scintillante sur laquelle tout (presque tout) est (organiquement) amené à recommencer ; à se renouveler ; et à essayer (malgré lui) de parachever la (longue) boucle...

 

*

 

Le sauvage redécouvert...

Sur le sol sylvestre ; roches et racines...

Peu de paroles ; au milieu des âmes silencieuses...

L'invisible agissant ; à même la mousse...

Et nous ; à notre aise...

En phase avec le chant...

Qu'importe la syntaxe ; et qu'importe ce qu'exigent les siècles...

Comme un retour ; le cœur consigné...

Dans le plus grand silence ; la plus belle intimité...

 

 

Dans les bras de la chance...

Sans mépriser la faim ; sans négliger la soif...

Réponses éternellement neuves aux questions les plus anciennes – atemporelles (sans doute)...

Face aux périls ; le ciel ouvert...

Auprès de l'âme ; comme monté sur ses épaules...

Au cœur d'un royaume vivant ; et Dieu à sa place ; jusque dans les plus infimes recoins ; jusque dans les interstices les plus secrets...

Vers tous les chemins ; entre le rêve et la vie ; entre l'Amour et la mort – rien auquel on ne puisse échapper ; et quelques paroles (un poème peut-être) pour dire ce que nul ne peut choisir...

 

 

L'amor fati ; l'existence – jamais (bien sûr) sans les circonstances (et malheureusement – trop souvent – sans le consentement)...

Le dehors délié ; et le dedans en accord...

Dans un parfait emboîtement ; une exacte correspondance des architectures...

Et le reste qui se désintègre...

Jusqu'à la réintégration de l'espace et du silence communs...

Ce à quoi l'homme (sans doute) s'entend le moins – en ce bas-monde...

 

 

La petite musique du cœur ; façonnée par l'esprit (et ses affreuses habitudes)...

Les incessantes manigances que construisent ces amoncellements de savoirs ; mille choses hétéroclites qui s'entassent ; faisant glisser (imperceptiblement) l'homme vers la facilité et les fausses évidences...

Érigeant une tour de la connaissance en une monstrueuse (et monumentale) escroquerie...

Et pour se préserver de ce sortilège – mieux vaudrait (bien sûr) préférer le vide et la neige – l'absence (absolue) de socle...

Ainsi seulement la vérité pourrait nous surprendre ; comme mille flèches décochées (de manière opportune et impromptue) par le mystère ; et qui viendront se ficher au fond de l'âme ; exactement entre le cœur et la chair...

 

*

 

Comme une couleur écarlate ; dans l'âme silencieuse ; un feu sous-jacent – peut-être...

Un espace – une ardeur ; l'essence de ce qui est – de ce qui fut – de ce qui sera...

Sans l'odieuse tyrannie du cœur contraint qui accorde ; qui consent ; qui concède...

Plus haut (bien plus haut) que le faîte du monde ; loin (bien plus loin) que le dernier horizon...

A portée d'innocence ; seulement...

 

 

Près des racines ; là où la pensée patauge – se protège – capitule (ne peut que capituler) ; par incapacité ; par manque d'imagination ; comme devant un seuil impossible à franchir ; à la manière d'un juste retour ; elle qui n'a jamais cessé d'écarter – d'exclure – de destituer – le réel...

Au premier cercle du miracle...

 

 

Le seul paysage ; le jour vivant...

Et cette joie (ineffable) du passage ; que l'on ne peut (bien sûr) partager ; mais qui s'offre au terme (évident – manifeste) d'une longue (et inévitable) quête...

 

8 décembre 2023

Carnet n°301 Au jour le jour

Novembre 2023

Au seuil – déjà – du dernier jour...

Au terme du temps passé...

Derrière les masques ; derrière les choses et les visages auxquels on donne un nom...

Comme décapité(s)...

A la même source pourtant ; la profondeur des yeux ; sur ce chemin inchangé...

Et la parole – toujours – qui se dresse contre les fronts délirants...

 

 

Qu'importe le séjour et l'hostilité des hommes...

Qu'importe l'éclat et l'importance du noir...

Qu'importe la profondeur du piège et la distance qui nous sépare...

Les yeux tressés aux mailles du monde...

Et le cœur ; et le regard – juste au-dessus...

 

 

Entre l'insulte – le sommeil et la promesse...

Dans cette eau blanchie par les rêves...

Sans même connaître l'origine du monde et de l'ignorance...

 

*

 

Le froid ; comme un masque sur le visage ; une manière de dissimuler la lumière...

Comme un cœur errant ; pétrifié dans son mensonge et ses illusions ; cherchant la joie là où la nuit est la plus noire ; cherchant à s'installer là où la mort a remplacé l'Amour...

Dans cette chute abyssale ; jusqu'au fond de l'épaisseur...

Et le bleu partout – pourtant ; jusqu'au lieu où tout est tombé ; jusqu'au lieu où tout est devenu grouillant et grossier...

Comme si chaque chose – chaque figure – savait où il se trouvait ; comme si chaque chose – chaque figure – savait où se retrouver...

 

 

Et le plus sauvage ; dans cette langue qui a enfourché le mouvement...

Dans une longue cavalcade ; vers le silence...

A travers les ombres et le sommeil...

Et par-dessus le monde – au-delà de son resserrement et de ses distorsions ; sans doute – la plus aventureuse des chevauchées...

 

 

Aux premiers jours de la mort ; cette douleur alentour ; et cette lumière – juste au-dessus ; entremêlées...

Sur la monture blanche de l'écume ; auprès de cette méconnaissance mystérieuse qui, peu à peu, s’éclaircit...

Dans le grand ordre des choses (qui semble si peu cohérent – si chaotique – aux yeux des hommes)...

Sans la moindre faute ; de ce qui grouille aux profondeurs – à l'immobilité...

Qu'importe les ornements et l'épitaphe sur la tombe...

 

 

Entre les mains du jour...

L'esprit desserré...

Quittant la mémoire et l'obscurité...

Debout face à la fenêtre ; sur la pierre fleurie ; sur ces rives séculaires...

Dans l'incessant va-et-vient du temps...

Abreuvé(s) d'étoiles et de promesses...

A reculons ; alors que s'infiltre la lumière...

 

*

 

Au cœur de ce nomadisme lunaire – intérieur – hasardeux...

De soi à l'infini ; sans changer de lieu (sans jamais changer de lieu)...

Du bleu-soleil sur la cendre ; sur les ruines et la cendre...

Sans rien effacer ; sans rien trahir...

Cette perpétuelle rechute ; ce perpétuel éparpillement...

L'âme ouverte ; et la matière malléable...

Dans cet infernal chaos...

Cette existence sans arsenal ; le cœur comme seul instrument...

 

 

A l'envers de la pente ; l'autre dévoration...

Ce qui fait irruption ; ce qui irradie...

D'une pierre à l'autre ; (presque) tendrement...

La béance qui, peu à peu, nous avale...

Autour de la corde à laquelle nous sommes (tous) suspendus...

Comme un hommage (très involontaire) à l'invisible ; à l'inconnu...

 

 

Un peu de poussière sur nos constructions...

Puis (très vite) ; des ruines ensevelies sous des monceaux de terre...

 

 

Tout creusé – fouillé – pillé – par le désir...

Jusqu'à l'extinction – jusqu'à l'épuisement ; jusqu'au plus rien...

Dans une sorte d'ivresse funeste ; sans compter les morts et la douleur...

Le tête enfouie au plus noir de l’œil ; en son point le plus aveugle...

Sans même envisager la chute du ciel sur cette débauche de rêves et d'inconscience...

 

 

Dans le cortège des vivants...

Côte à côte ; entre solitude et regroupement ; entre querelle et collaboration...

Sans sacrifice – sans sacrilège ; simplement soumis à l'ordre des choses...

Avec, parfois, le cœur attelé au dépassement des usages et des lois ; au dépassement des ruses et de la faim ; au dépassement des ambitions et des interdits...

S'essayant à cela ; en s'éloignant de ceux qui ignorent – de ceux qui jamais ne s'aventurent hors du périmètre commun ; de ceux qui se contentent de quelques pas...

Sous ce ciel étranger à tout périple – à toute rumeur – à tout frémissement ; ce qui s'avance (et qui n'est, peut-être, lié qu'au désir de l'homme)...

 

 

Dans les rouages du monstre à la marche mécanique...

Enfoui dans la chair ; comme une brèche ouverte...

Avec sur les lèvres ; un peu d'étrangeté...

Comme des bruits rouges ; et cette solitude assez proche de la source...

Et ce cri intarissable...

Entre la neige et les braises (encore fumantes) d'un Dieu introuvable...

Le cœur et les yeux débordant de substance et d'images...

Quelque chose de la soif et du voyage ; en plus du souffle et de l'assentiment...

 

 

L'âme qui se balance entre les rives du temps...

Entre le ciel et la terre ; entre le bleu et le rêve...

Enfoncée dans l'espace intime ; auprès du regard ; auprès de ce qui embrasse...

Présente ici ; le temps de quelques saisons...

 

 

Les pas fructueux offrant au cœur sa part de vent ; et le mystère fiché au milieu des arbres et des fleurs...

 

*

 

Des ailes – du temps ; et le vaste ciel visité...

Sur la ligne ; (assez) divaguant...

Contre la nuit et la faim...

L'âme nue et l'infini ; tissés dans la même trame...

Face au monde ; face au chemin...

Sur cette minuscule pierre qui tourne...

 

 

Le cœur fracturé ; et pénétré par la vie qui s'écoule...

Ruisselant de terre et de sang...

Entre l'Autre et l'inconnu ; un peu de soi...

Et tant de chair ; et tant de voix – englouties...

Capable d'ouvrir la cage ; en dépit des barreaux et des fils d'acier...

 

 

Dans cette obscurité étouffante...

Au cœur même du sommeil ; ce cachot...

Déserté par toutes les promesses de lumière...

La nuit ; comme chaque jour...

Et notre air ahuri et malheureux...

Et notre incompréhension devant tant d'impossibilités...

 

 

La terre à genoux...

Sous le souffle (puissant) qui soulève le monde ; les paupières fermées ; les mains crispées sur les choses ; comme si le sommeil et la terreur pouvaient être défiés – combattus – anéantis...

Du vent – du sable et de l'eau – à profusion – qui se déversent indifféremment sur les visages ; les existences ; comme une brume épaisse ; un lourd rideau de matière ; et cette force capable de surgir (à tout instant) pour débusquer les âmes dans leur refuge ; et les expulser de leur abri...

 

 

Incroyablement mobile ; comme si le cœur courait après le temps...

Envoûté par les charmes (nocturnes) du monde ; l'insidieuse mélopée des intentions...

Le visage caché sous un masque...

A se figurer la marche – à imaginer l'itinéraire ; mais avare du moindre pas véritable (inapte peut-être au voyage)...

A compter les jours ; à se balancer entre la terre et le trésor (supposé) ; au-dessus des chemins...

L'âme trop amère – et trop engourdie sans doute – pour ouvrir les bras ; et embrasser ce qui vient vers elle ; allant seule et silencieuse – (assez) déboussolée – vers un lieu qu'aucune carte ne saurait répertorier...

 

*

 

Dans la nuit passagère ; la couleur du sommeil...

La figure absente...

L'âme ; à travers les rêves ; comme des coups de tête contre les barreaux de cette cage immense...

Le cœur (quasi) analphabète devant la danse du sang ; et tous ces sourires incompréhensibles – impénétrables...

La respiration restreinte...

Et la soif qui se heurte à ce noir édifié comme un mur – comme un rempart – comme une citadelle inexpugnable...

Suspendu(s) au revers de l'Amour ; et alourdi(s) par le poids (écrasant) du monde...

 

 

La voix ; contre le ciel ; plutôt que le voir...

A grands traits ; sur le papier...

Cette sorte de miroir vivant...

Le cœur battant ; contre toute attente...

Et cette pugnacité face aux créatures alentour...

Comme dépossédé ; à cause du nombre (en dépit de l'indifférence)...

Et la tête dans un trou ; et l'âme dans sa tanière ; essayant d'échapper à la mainmise du monde et à l'humiliation...

 

 

Là où demeurent la parole et la pierre...

Intimement liées au ciel et au silence ; au cercle des vivants...

Émergeant de la nuit la plus ancienne...

L’œil de l'épaisseur ; acquérant sa particule nobiliaire ; au-delà de toute formule ; offrant une lumière inespérée aux profondeurs ignorantes...

 

 

La main délicate sur ces restes de cécité...

Dans la droite ligne du souffle...

Sur l'étroite crête de l'âme...

Effleurant la séparation et les figures cachées dans les replis du cœur – dans les interstices de la terre...

Se prêtant à tous les jeux ; explorant tous les espaces de l'homme...

Se confondant même avec le geste involontaire ; nécessaire pour s'affranchir de la faim et du sommeil...

 

*

 

Des traces sur la plaie vivante...

Notre (étrange) hébétude face à l'invisible...

Le gisement de l'infini...

Au-delà du sang et de la fascination...

Au-delà de ce qui grouille dans les entrailles...

Comme une odyssée ; un plongeon au fond de la poitrine...

Le corps et le vide ; au seuil de l'étreinte...

Et le mystère à débusquer entre le chant et la pierre...

 

 

La nuit écorchée...

A la source du jaillissement...

Au cœur du triangle magique...

A travers l'épaisseur ; au milieu des couleurs...

Là où s'entassent les possibles ; la semence et la peur...

Dans le sillage du seul ; à contre-courant du nombre...

A seuil du déchirement ; là où l’accomplissement et la nudité se chevauchent avec ardeur...

Peu à peu ; vers l'effacement...

 

 

L’œil sur la fratrie des visages ; éparpillés ; séparés par ce qui les distingue...

Le ciel ; comme labouré à l'envers ; depuis ces amoncellements de terre...

Sur la pierre ; sous les paupières ; ces prières que l'on crache vers les hauteurs ; dans toutes les directions...

Par-dessus la neige entassée ; par-dessus le sommeil (et les yeux fermés) ; ces mots jetés vers le plus grand ; ces mots mendiants...

 

 

L'or et l'obscur ; dans leur face à face ; dans leur (féroce) tête à tête ; au milieu des figures et des ruines ; attentives et (très) anciennes...

L'un scintillant ; l'autre rayonnant...

Sur leur pente escarpée ; vers le sommet de l'âme ; à la pointe du cœur ; bien au-dessus du front...

Prisonnier(s) de cette danse qui, parfois, prend des allures de pugilat...

 

*

 

Sur ces rives arides et reptiliennes...

Sous le soleil...

Le corps vibrant...

Et la couleur de la lumière...

Sur les traces de ceux qui échappèrent aux dents carnassières des humains...

 

 

Au-dehors ; dans le contact des cieux...

L'âme altérée ; moins simplement qu'elle-même...

Entre la grâce et la faim...

Dans un état non répertorié par le langage...

Au-delà (bien au-delà) de l'idée et du trait...

Comme une transparence ; comme une soustraction...

Là où la nuit commence à se dissiper...

 

 

L'improbable éclaboussant le corps – le cœur – l'esprit ; et par ricochet – le mot – la ligne – la page – le livre ; l'existence et les gestes quotidiens...

Sans peine ; au-dedans...

Alors que les hommes crient (comme les bêtes) ; alors que la vérité scintille dans les âmes défaites ; alors que le monde tourne (continue de tourner) sans même se soucier de nos élans – de nos explorations – de nos découvertes...

Allant ainsi ; d'étreinte en perspective – sur ce fil fragile qui serpente entre l'invisible et l'inconnu ; et qui traverse, peut-être, l'infini de part en part...

 

 

Le tombeau vide ; et le ciel par-dessus ; de plus en plus étrange et énigmatique...

Généreux jusque dans ses gouffres et ses éclipses...

Et l'âme au sortir de l'abîme ; poussée à regarder ce qui gesticule sur la pierre (l'étrange manière qu'ont les vivants de s'agiter et de se débattre face aux circonstances)...

Au milieu des Autres ; et de la stupeur...

Avec des restes d'enfance désirante...

Au cœur du monde ; des aléas et des tremblements...

Sans jamais se méfier de ce que le cœur étreint...

 

 

Au-dessus des grilles ; l’œil...

Et au-dessus de l’œil ; l'hôte et la lumière...

Et plus haut encore ; le vide et l'oubli ; ce lieu qu'aucune géographie ne pourrait inclure ; la partie du monde la plus mystérieuse – la plus méconnue – la plus secrète – la plus immergée...

 

 

Au gré des retraits – des querelles – des dissemblances...

De moins en moins étonné par cet écart – cette distance – cette (effroyable) confusion...

 

*

 

Les bras lourds de tant de vécu ; comme l'âme et la tête ; comme le cœur tiraillé...

Et ces pas qui résonnent sur le chemin désert...

Sur les pierres et les feuilles ; au fond de la forêt...

Entre les cimes et le précipice...

Sans se presser ; comme envoûté ; se déchargeant de tout ce poids ; attiré par la lumière et la respiration naturelle du vivant...

 

 

Sous les ruines pyramidales du monde ; la voix qui s'élève ; l'âme qui se détache...

Loin de la débâcle ; loin de la barbarie et de l'abjection...

Sur ces cendres sombres et ces restes de braise ; le recommencement qui apprend (peu à peu) à s'affranchir du sommeil...

Des yeux ; avec, au-dedans, des éclats de bleu...

Et les dés jetés avec ce qui tombe ; avec ce que le précipice attire et engloutit ; au milieu des débris du temps...

 

 

Le mystère enfoncé dans la chair ; dans l'âme – l'esprit – la terre – la fleur...

Au-dedans même du mouvement ; entre les astres et la pierre...

L'infini jamais (r)attrapé ; seulement nommé par ceux qui ne savent le voir – le vivre – l'habiter...

Quelque part ; dans la nuit (interminable) du monde...

Jouant au milieu des morts et des vivants...

Entre le plus proche et le plus lointain...

Expérimentant partout l'intimité...

 

 

Au milieu des dépouilles ; le ciel immobile...

L’œil fixé au-delà de la mort ; vers le retour – peut-être ; qui sait...

Venu du plus lointain de la mémoire par des chemins enneigés ; avec des traces de pas sur la couverture blanche...

Et des couleurs foisonnantes...

Et un regard capable d'embrasser la vastitude...

Ce monde ; à nos côtés – dans un angle minuscule de l'espace...

Et renouvelant – toujours – le passage et la traversée...

 

*

 

Les livres – les arbres ; la pierre – le bois...

L'ombre et le ciel ; l'intime et l'infini...

Le sauvage – la solitude et la joie...

Humble et effacé ; au milieu de l'essentiel...

La vie qui vient ; le cœur qui bat...

 

 

Ce que la mort et le temps ne peuvent détruire...

Sur le fil ; au bord de l'éparpillement...

Là où la plaie suinte encore ; parfois...

Aveuglé tantôt par la blancheur ; tantôt par l'opacité...

Farouchement abandonné ; à la suite du mythe...

La chair et les chimères qui claudiquent...

Aligné(es) sur la fuite et la nuit...

A l'écart ; au fond des bois...

 

 

Au revers de la renommée ; le poème et le geste quotidien...

Au-dedans du plus proche...

Sur la pierre ; cette étrange intimité...

Sans rien saisir ; la discrétion – la transparence – l'effacement...

Sur les traces de l'invisible ; le cœur vivant...

 

 

Sur la pierre ; encore ; dressé – découvrant la nudité – le ciel et la matière naturelle...

Le cœur adossé au jour...

En ce lieu où l'âme se renouvelle...

A trembler devant la perte ; devant le manque et la mort...

Sans omettre ni la grâce ; ni les mots...

Quelque chose des profondeurs et du miracle... 

 

En ce lieu où se réalisent les serments ; sombre(s) (si souvent)...

Comme une aube à l'éclat terni par la terre (l'excès de terre)...

Le cœur connecté à ce qui porte vers le plus lointain ; (presque) à la périphérie de la nuit ; à l'envers du décor familier ; là où règnent l'origine et l'étrangeté...

Capable d'entendre le silence effacer – peu à peu – le besoin de réponse ; soumettre la tristesse aux exigences de la joie ; transformer l’œil et les larmes en soleil et en soif ; puis, en apaisement...

L'espace de toutes les métamorphoses ; là où s'expérimentent les possibles...

 

*

 

Les yeux sur le souffle ; le visage de personne...

Hors de la trame (présomptueusement) érudite ; (supposément) connaissante...

Plutôt du côté du rêve et de l'errance...

Plutôt quelque chose de la rencontre...

Comme un feu (presque) invisible sous le sommeil ; et les apparences...

Ce qui – peut-être – transformera le monde ; (très) provisoirement...

 

 

Sous le règne du recommencement (quasi) magique des choses...

Là où les traces s'effacent ; là où la couleur apparaît...

Autant que les grilles et la lumière ; autant que le piège et la possibilité de l'issue...

Derrière un épais rideau d'illusions ; et ce qui s'en détache ; et ce qui le traverse ; et ce qui le survole...

Et tous ces signes qui se révèlent à quelques-uns ; exposés là à l'intention des yeux qui rêvent de s'ouvrir ; de s'aventurer au-delà des étoiles et de la raison...

 

 

Bouche ouverte ; rassemblant l'écume et les profondeurs...

Sous le ciel ; l'âme fébrile...

Au-dedans du dédale ; au cœur des cercles outragés – équivoques – litigieux...

Du côté de ceux que l'on immole ; les lèvres cousues – les fers aux pieds...

Comme crucifiés sur la beauté bleutée des pierres ; tous ces pièges ; tous ces cris étouffés...

Et ce qui cherche à transcender toutes les alliances...

 

 

La face arrachée aux images ; rivée à la terre – au chemin – à l'immensité...

Si près du cœur-infini ; si poreux – si sensible à l'étreinte...

Colorant la chair au gré des émotions passagères...

Élargissant (parfois de manière spectaculaire) l'espace du dedans...

Sachant écouter ; et laissant agir la main...

Guettant ce qui vient d'un œil attentif et accueillant ; abandonnant le monde et le temps à ceux qui ne peuvent s'en passer...

 

*

 

Captif(s) du rêve et de l'éphémère...

Captif(s) du dehors et des industries complices...

Comme pris au piège ; coincé(s) dans la spirale...

Sans autre fuite possible que le ciel et le dedans ; qui, à terme, se rejoignent (au bout de quelques pas – en vérité)...

Pénétrant – en quelque sorte – au cœur du mystère ; au fond du même abîme – pourtant ; dans l’œil de la matière ; là où la conscience – à force de présence – s'est effacée...

A jouir des spectacles – de l'âme engagée et du regard qui contemple...

 

 

Plus même étonné par la faim – par le désir et par le monde ; ce qui apparaît puis s'efface ; et la nécessité de revenir et de recommencer...

 

 

Ni faucille – ni infirmité – ni réticence...

L'inconnu et l'incertitude devenus si familiers que tout entre en résonance ; et attise le jeu – le rire et la joie...

 

 

Un pas de côté ; et l’œil au-dessus...

Au milieu d'autres cercles ; au milieu d'autres visages...

A l’œuvre ; eux aussi...

Et dans le sillage du regard ; le réel...

Moitié ciel ; moitié chemin ; dans cet entre-deux...

Et cet espace que l'on arpente ; guidé(s) par l'âme et l'intuition...

Et mille choses à renouveler tant que persisteront l'obscur et l'étrangeté...

 

 

Aussi près que possible de l'insaisissable...

Les uns dans les autres ; jusqu'à la confusion ; jusqu'à l'indistinction...

Enchevêtrés (pour le moins) ; la chair – l'âme – l'esprit...

Sans compter le reste ; et ce qui se trame sous la volonté...

Mille états – mille possibles – mille itinéraires – qui se font et se défont ; quelque chose qui se dessine ; entre l'invisible et le sang ; entre l'ineffable et le plus grossier...

De plus en plus proche(s) ; en somme (ce qui, au vu de l'origine, relève d'une logique implacable)...

Le retour comme une évidence ; sans doute – la voie la plus simple ; ce qui s'impose de manière naturelle...

 

*

 

Au milieu des fleurs et de la pluie...

Les portes ouvertes sur le réel...

Présent ; (très) humblement – parmi les Autres (tous les Autres) ; presque indistinctement...

Animal de la parole – pourtant ; et qui découvre ce qui ne se dit pas ; ce qui ne peut se dire – sans doute...

Donné pour rien ; comme un secret ; pour la joie du commun...

A l'orée des yeux ; de part et d'autre ; déjà l'indicible...

 

 

Comme un grand chamboulement ; à l'intérieur...

Dans tous les recoins du cœur ; jusqu'aux plus lointains replis de l'âme ; jusque dans les plus infimes méandres de l'esprit...

Quelque chose ; sans doute – quelque chose ; mais qui donc serait en mesure de l'affirmer avec assurance – avec certitude...

Rien ; peut-être – ce qui est offert pour survivre ; échapper à l'écrasement et à la suffocation...

L'offrande la plus bouleversante – en vérité ; à peu près tout ; le plus précieux ; l'essentiel (à bien y regarder) sur ce bord (très périphérique) de l'espace...

 

 

Dans l’œil animal ; ces restes de lumière...

Et cette sauvagerie du rêve terrestre...

Ce qui devine ; et ce qui se cache...

L'âme (toujours) au cœur du mouvement...

Le corps gorgé d'ardeur ; et l'esprit, de silence...

Prêt à fuir – à combattre – à vivre – à mourir...

En un éclair ; comme une étincelle ; un claquement de doigts ; l'insaisissable puissance du vivant ; et cette vivacité si passagère...

 

 

Seul(s) ; au cœur de l'étrangeté...

Entouré(s) par tant de mondes – et tant de visages – différents...

Ce qui passe devant les yeux...

Et ces miroirs tenus par ces mains inconnues dans les zones les plus étroites...

A dessiner l'ombre des grilles de nos cages imaginaires...

Devenant notre effroi ; le possible ; et ce qui nous fait face...

Au-dedans de l'esprit et de la chair...

Explorant les profondeurs dans lesquelles on a été plongé...

 

*

 

La soif qui soulève la chair – l'esprit ; toutes les forces et l'inanimé...

Qu'importe ce que nous sommes ; qu'importe ce qui nous entoure ; qu'importe ce que l'on rencontre...

A l'infini ; jusqu'à cette insoluble satiété...

Et l'apprentissage de l'équilibre et de la mesure ; entre le manque et l'impossible...

Le destin de l'homme – peut-être...

 

 

Le grand nord ; et ce vent comme craché au visage...

La parole (plutôt) rare ; dans ce face à face avec le délitement...

Ce qui creuse l'âme jusqu'à la dévastation ; jusqu'au grand renversement...

Comme une grâce ; entre le supplice et le possible...

Réduit à moins que rien ; et, dans l'air, ce bleu qui irradie...

Comme porté jusqu'aux cimes par le ciel ; en dépit du rêve ; en dépit du monstre ; en dépit de la raison et de la démesure...

 

 

Au cœur de la chair ; déjà ; cette lumière épineuse – (presque) réactive...

Comme une prière au milieu du néant ; une île au milieu du sang...

Et les pieds dans cette vase vivante – vivace ; plongé(s) dans cette boue infâme et insidieuse – faussement inerte ; un abîme qui avale et dans lequel l'âme s'enfonce ; essayant vainement d'échapper à la matière et au temps...

Comme un long (un très long) apprentissage...

 

 

Dans l'ombre ; la blessure béante ; grandissante – s'enténébrant...

Ravivant la douleur ; l'intensifiant ; comme un poids – et une brûlure – supplémentaires...

Si sensible à l'étrangeté du monde ; à l'étrangeté de l'Autre...

Écartant tous les murs ; effaçant toutes les frontières ; élargissant le territoire ; et rehaussant la pente pour y accéder ; exacerbant la perception et la porosité...

Devenant (à sa manière) le centre et la lumière ; le lieu de tous les possibles ; bien davantage qu'un angle – qu'un recoin de la périphérie – qui accroîtrait sa perspective et ses sensations...

 

*

 

Sur le sol ; le cœur ; si peu ensoleillé...

Dans l'aveuglement du monde ; de l'homme ; comme face à un mur – devant leurs (innombrables) constructions...

Blessé par ce sang frais qui (sans cesse) se déverse...

L’œil écarquillé...

Et la mort qui se rue sur chaque parcelle...

 

 

Des traces animales dans l'âme...

La peau-infini ; tel un instrument...

Et cette sente à inventer...

Parmi les choses ; et le poids de la lumière...

Comme un écrasement...

Et ce rire lorsque apparaît (enfin) l'Amour...

La gorge écarlate...

L'esprit creusé par ses propres hallucinations...

Comme si on lacérait le vide ; comme si on giflait le vent...

Arc-bouté(s) sur notre refus de la vérité face à l'évidence de la soif...

Relégué(s) au périmètre de l'homme – en somme...

 

 

Au milieu du cœur ; cet écart – ce léger décalage – avec le reste ; comme une incompréhension ; quelque chose de bancal – d'imprécis – d'incomplet...

Ballotté par les vents qui tournoient ; et emporté par les tourbillons que forment les courants qui se rejoignent ou s'affrontent ; extrêmement changeants – tantôt s'élargissant – tantôt s'amenuisant...

A chaque fois ; comme une rencontre – des rencontres ; dans notre isolement...

Et ce que fait durer le temps ; en plus de cette (incroyable) tromperie du territoire...

 

 

La feuille qui a (peu à peu) remplacé la glaise et la pierre ; et le signe qui a (peu à peu) remplacé le cri...

Sans que ne soit transformée, au fond, la nécessité de dire : « regardez donc, mes frères »...

 

 

Ce qui va ; ce qui roule – vers son heure...

Lentement ; vers la lumière...

Entre la chute et l'ascension...

 

*

 

Le jour dansant et miraculé ; à sauter sur la mort ; à dessiner son visage ; à embrasser la confusion...

Et ce trouble dans l'air ; comme une naissance ; une figure désenfouie...

Singulièrement ; derrière tous les masques ; et jusqu'au dernier...

Sous l'apparence du grognement nocturne et solitaire ; l'étreinte – le voyage ; au-delà de tous les livres ; au-delà de tous les fantômes...

Ni supplice – ni séquelle ; au cours de cette (étrange) traversée...

 

 

L'âme et la peau ; poreuses...

Comme cet œil sur les passions et la folie...

Laissant s'écouler le sable ; et l'eau ; et les lois ; et les interdits...

Devenant le feu – la peur – le miracle...

Pris dans la cavalcade des saisons ; du temps en cascade...

Et l'angoisse ; et la terreur – face au monde ; face à l'infamie...

Et le cœur ; et les possibilités – intacts...

Là où mènent les pas ; dans cette tranquille continuité du périple...

 

 

Grimper au faîte de la nuit ; là où il n'y a ni étoiles – ni lumière ; mais des visages insensibles rongés par le souci ; des cœurs couchés dans le noir...

Quelque chose entre le sommeil et la mort...

Là où l'esprit de l'homme piétine...

Au milieu de nulle part ; entre l'enfer et le paradis que nous avons inventés...

 

 

Obéissant(s) et recouvert(s)...

Avant que la chair ne devienne cendres...

L’œil larmoyant...

Particule(s) dans la tempête...

Comme accroché(s) au pire pan du ciel ; celui qui dédaigne et terrifie...

Débroussaillant notre chemin ; au fond de l'inhospitalité...

Engagé(s) de travers (si souvent) dans l'étroit orifice ; et présageant ainsi (avec une quasi certitude) une traversée longue et difficile ; un voyage à l'issue presque impossible...

 

*

 

Ce qui pénètre les yeux ; à travers cette étroite meurtrière...

Comme une mince entaille dans la chair...

Et la lune au-dessus du corps...

Le grand ciel perdu...

Et tout ce noir qui nous engloutit...

Et la langue pour dire la peur et la possibilité...

L'esprit jeté dans la matière ; et qui pousse ; et qui pousse ; comme un rêve de protubérance et d'extirpation ; un grand rêve d'infini et de liberté...

 

 

De chaîne en chaîne ; glissant dans la glaise...

L'âme attachée à la précédente ; attachée à la suivante ; cherchant une issue – un chemin – un abri ; un lieu pour échapper à la trajectoire ; un repli pour s'extraire de la durée et du temps...

Un œil vivant pour se soustraire du piège – du monde – de la mort...

 

 

Cercles invisibles dont est formé le monde...

Des déferlantes de couleurs ; des forces et des puissances qui mêlent leur souffle ; qui jouent à créer des espaces et du temps ; et quelques figurines qui font office de figurants...

Pétrifiant et emportant – tour à tour – toutes les pièces du puzzle ; jusqu'au dernier visage ; jusqu'au dernier rire ; jusqu'à la dernière larme...

Et – peu à peu – la fumée – en soi – qui se dissipe...

 

 

Des traces grises sur le visible...

Entre les temples et la lumière...

Ce à quoi l'homme s'accroche [n'épargnant (presque) jamais sa peine]...

Dialoguant (essayant de dialoguer) avec les Dieux...

Tentant de se familiariser avec l'ineffable et le silence...

Abandonnant trop rarement son langage pour en inventer un autre plus propice à l'intuition et à l'entente ; et que comprendraient ; et que parleraient – les pierres – les plantes – les bêtes ; autant que les émissaires au service du Divin...

 

*

 

Le cœur lové contre le dehors ; hanté par la lumière...

Si près de l'implosion à la vue de tous ses doubles ; à entendre toutes les histoires du monde...

Sans jamais renoncer ; sans jamais s'effacer ; sans jamais se résoudre...

Vaillant dans toutes les tempêtes...

 

 

Au cours – au cœur – de cette énigmatique traversée...

Sur cette terre de si peu ; et – toujours – l'infini en point de mire...

Quelque part ; là-bas – plus loin ; en soi...

Recréant (poussé sans cesse à recréer) le cycle ; et la nuit ; et la venue de l'Autre ; comme une dissipation ; un éparpillement des forces ; un affaiblissement du mouvement...

Et ces hauteurs (toujours) inaccessibles...

Et ces tressaillements ; et ce sang si vif qu'il faut sempiternellement tout recommencer ; avec (approximativement) la même trajectoire...

 

 

Ce que nous ignorons encore ; et ce que nous ignorerons toujours...

Sans effet (pratiquement sans effet) ; là où nous sommes...

Dans ce désert érigé par le temps et les hommes...

Sous le vent et les étoiles ; sous ce ciel tempétueux...

Au milieu du reste ; au milieu des Autres qui (à bien y regarder) nous ressemblent...

Ce voyage en terre d'inhospitalité où l'on met un point d'honneur à survivre (bien davantage qu'à comprendre et à aimer)...

 

 

Ici même ; perdu(s) – oublié(s) – sans le moindre appel ; sans la moindre résonance...

Comme englué(s) dans l'argile ; comme abandonné(s) par le ciel...

Et le chemin qui se dessine ; à travers la parole...

Vers cette lumière épargnée par le carnage...

 

 

Silencieusement ; les noms que l'on épelle...

Face aux grands arbres à l'ossature céleste...

Bénissant les âmes – la légèreté et les scories...

Indistinctement ; indiscutablement – le monde où nous vivons ; le monde que nous sommes...

 

*

 

En équilibre ; sur les interdits...

A la fois l'enfance et le feu ; leur exubérance et leur déploiement...

Inscrit(s) dans l'aventure du vivant – en somme...

Avec un œil sur la route ; et l'autre sur la lumière...

Dans le sens du ciel et du vent...

A hauteur variable ; comme l'ardeur – l'audace et l'exploration...

De l'eau qui coule en des lieux jamais définitifs ; traversant tous les états de l'invisible et de la matière...

A sillonner la vastitude de l'espace ; à jouer avec le temps...

Entre l'origine et le néant ; à travers l'infini et l'éternité ; cet incessant voyage ; entre retour et découverte ; avec, indéfiniment, de nouvelles perspectives ; et tous les recoins à visiter...

 

 

Le temps du passage ; naissance et mort – intimement liées...

Du silence entre les mains qui œuvrent...

Sur ce chemin sans trace...

De l'or et de la fumée...

Ce qui, sans cesse, nous transforme en autre chose...

 

 

Sous le poids (inévitable) du monde...

Les épaules voûtées sur la pierre...

Autour de l'abîme ; la nuit arpentée...

A chercher des mains – un visage – un refuge ; quelque chose pour survivre à la douleur ; quelque chose pour échapper au néant...

 

 

Le cœur déconcerté par le reste ; tantôt hostile – tantôt indifférent...

Dans la boucle de l'être ; du vide – du bleu – des figures et de la matière ; sans bien comprendre le jeu des cercles et des appartenances...

Et l’œil amendé à mesure que se révèle la vérité...

 

*

 

Au commencement du voyage ; le souffle – juste après l'immobilité – nécessaire pour entreprendre le long (le très long) périple pour y revenir...

A travers les pas et les circonstances...

A travers la multitude rencontrée...

A travers la danse et la folie...

A travers l'errance et la direction...

A travers la mesure et les excès...

La ligne ouverte ; comme le cœur ; comme l'âme ; de plus en plus...

A travers l'absence et la cruauté...

A travers l'écoute et la main tendue...

Ce qui ravive l'innocence et la sauvagerie...

Toutes les possibilités ; jusqu'à la destination finale (provisoire) ; jusqu'à l'effacement de toutes les expériences...

Et ainsi ; le retour réussi au centre ; avant une nouvelle expulsion vers la périphérie...

 

 

Là où les yeux baissés renseignent...

A l'envers des traces ; à l'envers de ce qui nous distingue...

Ce qui contient l'étreinte ; au-delà de la prière et du cri...

Ici ; entre la pierre et la langue ; les couleurs du monde...

A mi-chemin entre le royaume des vivants et ce qui rend la mort si souveraine...

 

 

Le cœur grignoté par la pensée ; et l'Autre sous les paupières ; puis, régurgité par petites giclées – entre les lèvres...

A travers la parole qui se déverse au milieu des éboulis – au milieu des hécatombes ; quelque chose de vivant là où ne règnent (trop souvent) que la mort et l'inertie...

De bas en haut ; vers ce qui est désirable ; comme catapulté par-dessus les murs qui enserrent la cour étroite où nous vivons...

A travers les airs ; vers le large – le plein ciel ; naviguant ; pour que la lumière remplace le malheur et la tristesse...

 

 

Détaché du voir ; ce qui devient nôtre ; l'alentour...

A la périphérie de l'âme ; l'ensemble...

A traîner (obscurément) sur la pierre ; dans l'inévitable sillon tracé par nos aînés...

De moins en moins de couleurs et de prières à mesure que se précise le périple ; à mesure que s'élargit le territoire...

Sur un chemin de plus en plus désert ; sans trace – sans nuit – sans couronne...

Avec soi et de l'or tissés dans l'air...

Ce qui s'offre (très naturellement) ; une (bien) plus vaste respiration...

 

*

 

La terreur et le rire ; sous la même lumière...

Ce qui s'abandonne ; et ce qui s’endurcit...

Dans la même poitrine ; cherchant leur équilibre au gré des expériences...

Comme un perpétuel balancement ; quelque chose qui cherche sa résolution...

Sur ces rives étranges où tout semble au-dehors...

 

 

Les vivants sous surveillance ; investissant les lieux ; occupant le terrain – installant leur drapeau dans les interstices du reste...

Animés tantôt par la soif – tantôt par la faim...

Compulsivement reproductifs à seule fin de ne pas disparaître – de continuer à être (de matérialiser leur présence)...

Au milieu des blessures et des chaînes...

Survivant à (presque) toutes les contradictions...

Sur les décombres des mondes précédents ; et initiant (malgré eux) ce qui adviendra dans les temps à venir ; ignorant (pour l'essentiel) l'ensemble qu'ils composent...

 

 

Murmures établis ; en soi...

Pas si douloureusement ; sur le chemin des mots...

Dans cette sorte d'exil ; à l'écart des noms que l'on épelle ; des têtes que l'on glorifie ; à l'écart des semences fructifiées et des ambitions communes...

Hors du ghetto ; aux marges lointaines du collectif...

Hors des cercles prestigieux ; là où le sauvage est relégué ; là où l'existence devient un (véritable) voyage ; une (réelle) aventure...

Si près de la mort – de l'infini – de la possibilité – que tout s'intensifie ; et que l'âme devient merveilleusement vivante...

Hors de portée pour les yeux mimétiques ; pour les âmes suspicieuses et peu inventives...

 

 

Oubliée ; cette partie du cœur ; apparemment transformée en bordure du monde...

Éloignée (si éloignée) de l'innommable...

Plantée entre la terre et l'invisible...

Insensible à ce qui se passe au-dessus de l'abîme...

Au milieu de l'étrangeté ; imperméable aux influences des marges et aux courants inconnus...

Si peu vivante – en somme...

 

*

 

Abandonné(s) à l'ordre du monde ; sans jamais s'atteindre...

Ne rencontrant que l'absence sur le visage – et dans le cœur – de l'Autre...

De terre en terre ; jusqu'à devenir un cadavre esseulé...

Recouvert de cette boue et de ces lambeaux de chair...

La fin du voyage assez inconfortable (et passant – pourtant – inaperçue)...

Comme une lente dissolution ; et, au dernier souffle, un minuscule soulèvement de poussière (à peine perceptible)...

 

 

Sans argument (valable) face à la barbarie – face au sommeil...

L'inévitable du dehors ; et ce qui hante – et ce qui ronge – à l'intérieur...

Comme contaminé(s) par le mécanisme du désir – de la violence – de la torpeur...

Tous les territoires envahis par la nuit...

A gueuler – à gesticuler – à se débattre – dans la vacance du monde...

Face au nombre et à l'indifférence ; l'éloignement et l'invisibilité ; l'écart nécessaire pour découvrir – et explorer – l'autre versant de l'homme ; au revers de la prétention et de la supériorité supposée ; cette part mystérieuse et (très largement) insoupçonnée...

 

 

Disposé (pour le moins) à recevoir ; et à se mélanger...

Redevable de toutes les rencontres antérieures ; de cet entremêlement actuel ; de l'effacement à venir...

Laissant aller ce qui vient ; et se réorganiser (sans cesse) tous les royaumes...

Étant tous ; étant chacun ; sans frontière – ni discontinuité...

Dans cette zone de neutralité et de silence où chaque état – chaque visage – chaque chose – est accueilli(e) ; y compris les blessures et les résistances...

Là où tout s'écoule – s'amplifie – se disperse – s'effiloche – s'accomplit...

 

 

Du ciel à la terre rouge...

De la chair et des âmes ; guidées (si souvent) par des yeux trop peureux...

Sur ces rives ; aux lisières de l'infini...

Devenant l'absence et la possibilité de l'issue...

Entrecroisés ; le bleu et la couleur des destins...

Dans ces échanges de courants et de matières...

Cette vie qui, peu à peu, s'alourdit ; qui, peu à peu, devient trébuchante ; s'offrant avec (de plus en plus de) maladresse à l'Autre – au temps – aux champs stellaires qui peuplent l'immensité et qui circulent au-dessus des têtes...

 

*

 

Le désir de l’œil ; au milieu du jour...

Séparant la montagne et la machine ; l'or et le plus précieux ; la solitude et la compagnie des Autres, le chemin et les sentes communes...

Réunissant (réussissant à réunir) le sauvage et la civilisation – le visible et l'invisible...

Inventant l'homme naturel tissé de respect, de franchise et de simplicité...

L'une des issues (peut-être) à ce monde souffrant – fiévreux – en perdition...

A travers l'éclosion d'une humanité capable d'enchevêtrer l'homme – l'arbre – la bête – la pierre et le Divin ; de les insérer dans tous les cercles du vivre afin qu'ils puissent cohabiter de la plus sensible – de la plus intelligente – de la plus respectueuse et fraternelle – des manières...

 

 

Souillé(s) de trop d'humains – de trop d'ignominie – de trop de débilité ; ce que ce monde a (si brillamment) façonné...

Et jusqu'au reste – qui lui a (miraculeusement) échappé ; imbibé, lui aussi, de misère – de douleur et de crasse...

Le silence (entièrement) dissipé ; l'infini (totalement) négligé ; et la beauté (parfaitement) ignorée...

Creusant (sans fin) le sillon des malheurs que nous sommes (presque) tous condamnés à arpenter...

 

 

La tête au faîte ; enneigée – secouant sur la feuille un peu de lumière et quelques flocons...

Contre les épaules des Autres (habitants de la forêt) ; réunis pour écouter le vent...

L'un des rares chants capables de défier les frontières (et la prétention) des dominants ; de transformer les rythmes de la terre en offrande au Divin le plus vivant – présent dans le cœur de tous ceux qui ont écarté le sommeil – l'irrespect – l'inattention...

Dans cette dépossession du signe et de l'espace ; sans se soucier des noms – du nombre – de ceux qui s'empressent – ni de ceux qui dédaignent l'invitation...

Pour soi seul – en somme ; au-dessus de la pensée et de la lumière des hommes...

 

 

Vertigineusement ; le recommencement du cœur – comme un miracle...

La renaissance des possibles ; pour l'âme et la chair – pour la terre et le ciel...

Ce qui succédera au royaume de la bêtise – de la barbarie – de la fatuité ; un chemin entre les pierres et l'Absolu que pourraient emprunter quelques âmes particulièrement sensibles et disposées...

 

*

 

Le feu silencieux de l'âme ; intense – discret – qui s'initie loin du monde (loin des lumières du monde) et de l'affrontement ; loin du cirque et des arènes...

Fidèle – loyal – constant ; consumant le cri – le désespoir – la quête – l'impossible...

Portant vers le ciel et la découverte...

De surprise en surprise ; et que l'on tait ; de plus en plus insoucieux des jeux et des alliances qui se tissent – et s'exercent – sous le soleil...

 

 

Par paliers – par saccades ; le sauvage et l'infini...

Dénaturant peu à peu (et profondément) l’artificialité de l'homme (ancien et moderne) ; élargissant (considérablement) l'étroitesse de son univers...

Comme une nécessaire guérison de toutes les maladies humaines...

 

 

La joie du poème qui ruisselle – en se mêlant à l'âme et à l'herbe ; grimpant – sautant – dansant – pénétrant l'invisible et la matière ; œuvrant discrètement à sa tâche modeste et inconsidérée – si essentielle (pourtant) pour défendre le plus naturel – le plus fragile – le plus précieux – de ce monde...

 

 

Le langage, peu à peu, déplacé ; du côté du cœur – incliné – vers le ciel (sans la moindre surprise)...

Et ce qui fait silence ; à travers ce tourbillon de paroles...

Et, en filigrane, la simplicité – le retrait – la soustraction...

Comme s'effaçant derrière l'inébranlable et la transparence...

Témoignant (humblement et à sa manière) de cette lente éclipse ; de cette (très) progressive dissolution...

 

 

Dépourvu (totalement dépourvu) ; des yeux seulement...

Au milieu des arbres et des étoiles ; sur ce chemin invisible qui serpente entre la terre et le ciel...

Juste au sortir du plus opaque (du plus tragique – peut-être)...

Aussi longtemps que durera la marche...

Avant le règne de l'inconnu et de l'incertitude ; de plus en plus proche ; et qui, peu à peu, remplacera ce qui nous est familier...

S'initiant ainsi à l'infini...

Sur l'autre versant du même voyage...

 

 

L'enfance ; dans laquelle tout a été puisé...

En ce monde qui (quoi qu'il en dise) l'offense – l'oublie – l'abomine...

 

*

 

Sur le fil ; l'équilibre – le mouvement – la lumière...

Comme un corps à corps entre le vide et la matière...

S'insérant – s'entremêlant – se chevauchant – se séparant ; selon les nécessités du monde et du marcheur...

Comme en pointillé sur l'étendue ; quelque chose du souffle et de l'élan ; quelque chose du jeu et de la mort...

Sans ailes – sans intention – sans croyance...

Seulement la justesse et l'intensité du pas ; et la joie offerte par la danse...

Et partout – sur la piste – la beauté du bleu qui se livre – qui s'abandonne – aux cœurs – et aux yeux – les plus fébriles – les plus brûlants...

 

 

Ce qui s'invite dans l'absence ; selon sa nature...

Les frontières ou l'infini...

La paix ou la frénésie...

La beauté ou l'ignominie...

Les entrailles ou la poésie...

Et les yeux ouverts (toujours ouverts) pour froisser les bords du territoire...

 

 

Devant le jour ; la silhouette déposée...

Sans même une ombre sur l'herbe enneigée...

Le cœur désobscurci par le regard qui s'émerveille...

Quelque chose – en soi – qui demeure ; alors que tout passe au-dehors...

A travers ce voyage vers le plus intime...

 

 

Perché sur la terre des mots discordants ; le plus poétique teinté de silence et d’immensité...

Sur toutes ces petites choses infimes – passagères et mortelles...

Qu'importe ce qui habite l'esprit ; qu'importe ce que le corps recèle...

Couché au cœur du secret (sans doute – le plus délectable) ; dans cette trame où se tissent le gouffre et le ciel...

Au fond de l'ineffable...

Entre le rêve et le détachement...

Cette joie née du plus vaste qui porte l'âme au-delà de ce monde...

 

*

 

Au fond de l’œil ; cette cécité...

Et dans la béance ; tout ce rouge déversé...

Si peu de chose(s) ; en vérité...

Du vide et des tourbillons ; tous ces gestes – tous ces mots – tous ces cris ; des rires et des larmes – des émois et des tremblements ; creusés dans le même sillon – à la suite du vent ; séparés en apparence mais amalgamés dans leur apparition – dans leur accomplissement et leur délivrance...

 

 

Dans la fissure ; tant de rêves entassés – oubliés – piétinés...

Roulant sur eux-mêmes dans la nuit noire...

Et que les plus audacieux accompagnent d'un rire (si énigmatique aux yeux du monde)...

 

 

L'enfance ; entre le mur et la roue...

Indisciplinée ; échappant à toute frontière ; à toute mainmise – y compris aux tentatives d'assaut de la terre et du ciel...

Réenchantant (malgré elle) l'existence – le geste et la langue ; s'affranchissant de ses manquements et de ses outrances ; libre (parfaitement libre) des lois et des impératifs de son royaume...

 

 

Nous accompagnant ; au-delà des foules – au-delà des rêves – au-delà des gouffres...

Les pieds plantés dans le réel – composé de matière et d'invisible ; et partie intégrante du ciel (bien sûr)...

Proche (si proche) du monde des origines...

Le cœur couché dans les profondeurs...

Bourlinguant entre les cimes...

Nous laissant porter par les vagues...

L'âme brûlante ; la gorge déployant son chant...

Vers le bleu ; entre les feuillages...

 

 

L'hiver ; par-delà le monde et les naufrages...

Au-dessus (juste au-dessus) de l'abîme étagé...

Les yeux qui, peu à peu, se détournent de l'or et des galeries du dehors...

De l'autre côté du délire ; vers l'errance et l'ivresse...

A rebours des itinéraires humains ; dans le sens des courants naturels (invisibles et souterrains)...

L’œil – le souffle – le cœur ; comme seul chargement...

 

*

 

Sans demi-mesure...

Le feu plutôt que la braise...

Le vrai plutôt que la légende...

Le geste plutôt que la parole...

L'enfance plutôt que la raison...

A travers cette alchimie qui coule entre l'âme et le ciel ; et, parfois, dans les veines des plus innocents...

Sans compromission ; à la manière du silence qui résonne comme un chant dans les bourrasques...

 

 

Face au vide ; ce que l'on avoue – ce que l'on offre – ce que l'on abandonne (ce que l'on doit avouer – ce que l'on doit offrir – ce que l'on doit abandonner)...

Et la même chose (à s'y méprendre) face à la main tendue qui, parfois, traverse l'épaisseur de l'enfer...

Soulignant l'équivoque (remarquable) de l'esprit de l'homme ; et sa terrible indécision...

Face au bleu et aux déguisements ; le même œil aveugle ; la même chair tremblante...

 

 

Des cœurs en enfilade ; à travers la mort ; jusqu'à l'ultime métamorphose ; avant que ne se réinitialise le cycle ; avant que ne s'invite – et ne s'invente – la phase suivante...

 

 

Avant d'être ; la bouche grande ouverte...

Les yeux posés sur les larmes...

Le cœur exsangue et la dent sournoise...

Le clinquant exposé ; comme les vagues prouesses de la main et de l'esprit...

Le tambour que l'on frappe à son passage ; au milieu des têtes indifférentes qui, elles aussi, s'adonnent à cet inutile tapage...

Un monde de bruits, de miroirs et d'âmes renversées...

Un monde où il ne fait pas bon naître...

 

 

Couchés encore sur ces images (si souvent considérées comme un trésor) ; sous l'égide des dés qu'on lance au hasard...

Autour de sa propre vie ; ne cessant de tourner...

Si éloignés du mystère tout proche...

Les yeux posés sur ces cercles d'ombres (innombrables)...

Poussant le monde jusqu'au délire ; jusqu'à la folie...

Essayant (obstinément) de se façonner un nom (et une existence) dont tout le monde se moque ; et dont nul ne conservera le souvenir...

 

*

 

Le cœur tantôt bondissant – tantôt opaque et réticent ; au gré des visages rencontrés...

Jusqu'au jour où la soif devient si vive que l'on quitte le monde pour la franche solitude...

S'éloignant de tous les simulacres...

S'offrant la proximité de l'infini et la diversité du vivant ; l'arbre – la fleur – la pierre – la bête ; et cette présence – en soi – qui, peu à peu, se révèle comme le seul trésor...

Au cœur des liens qui unissent le naturel et la lumière...

La vie vraie ; au milieu des véritables vivants ; apprenant à voir en chaque être – en chaque chose – un visage – une âme – un esprit ; et la possibilité d'une authentique rencontre ; faisant ainsi grandir la joie d'appartenir à la grande communauté...

 

 

A travers la semence du rêve (animique et exalté) ; au-delà (bien au-delà) de son rôle et de sa place habituels (dans ce monde si peu poreux)...

Allant par les chemins ; traversant les rives et les continents ; comme naguère – au temps d'avant la matière ; au temps d'avant le temps...

Teintant l'esprit (et la terre) de sa couleur ; défaisant les âmes de l'obscur – de l'errance – de la douleur ; aidant à franchir tous les seuils et à rejoindre la lumière (en s'affranchissant même de l'idée de voyage)...

 

 

Toutes les forces jetées dans l'impénétrable...

Le souffle du vrai ; entre les tempes...

Le cœur criblé de flèches invisibles ; inoffensives ; tendres et salvatrices – substituant au sang une substance plus douce ; remplaçant la violence par le secret...

Hissant dans les veines – sur la pierre – au fond de l'âme – la lumière – le feu – la tendresse ; catapultant l'esprit par-dessus le plus tangible (par-dessus l'objectivable) – jusqu'au faîte de l'être – peut-être...

 

*

 

Le plus haut de l'Autre ; entre le corps et l'esprit ; dans cet étroit (et étrange) interstice...

Dans le fondement même du feu ; à travers la pierre et le sang...

Dans le bleu insoupçonné de l'âme...

Quelque chose du rire ; face au dérisoire – face à l'infini...

Qu'importe les aléas – les malheurs et la mort...

Qu'importe que tout se dissolve ; devienne cendres et désert...

Qu'importe les traces vers le centre ; et qu'importe celles qui rejoignent les plus lointaines périphéries...

Dans cette écoute démesurée...

 

 

Sur l'axe ; le soleil et le désenvoûtement...

Seul dans ce face à face avec la folie...

Ni monstre – ni crime ; et l'impossibilité de fuir – d'échapper à ce que l'on porte – à ce qui nous habite...

Le dedans incertain et inconnu ; au cœur de l'espace...

Entre la brûlure et la mort...

Cette étrange immensité ; cette grandiose (et souveraine) respiration...

 

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10 novembre 2023

Carnet n°300 Au jour le jour

Octobre 2023

Parfois le rose ; et le scintillement de la pierre...

Quelque chose du chemin et de la lumière...

L’œil (très) attentif ; en dépit du souvenir de l'homme...

Devant soi ; la cendre du monde emportée par le vent – éparpillée sur le bleu des collines...

Et les tremblements de l'âme devant la beauté des arbres...

Un carré de terre où poser ses pas (et, de temps à autre, son séant) ; et un carré de ciel pour y déposer ses prières...

A travers les paysages ; sans bruit ; le cœur aussi discret que les bêtes sauvages...

 

 

Là où l'eau coule...

Là où l'oiseau prend son envol...

L'âme à l'écoute ; loin du plus sanglant ; du plus indélicat...

L'ombre immobile et silencieuse...

Et ce soleil ; dans l’œil qui brille...

Au cœur de cette solitude brûlante et sans concession...

Sur cet horizon où nos frères côtoient les hauteurs ; Dieu et la beauté...

Dans l'intimité du plus sensible ; (en partie) affranchi(s) des exercices (trop) terrestres...

 

*

 

Le rire ; comme un rite – un rythme ; une sorte de prière – une forme de respiration...

Entre le ciel et le sang ; cloué(s) à l'ombre et à la douleur...

Se trompant – peut-être – de monde ; le cœur (sans doute) trop généreux...

A l'envers de la forme ; le vide – pourtant – clairement ressenti ; alors que d'Autres dorment ou récitent dans l'ordre (et de manière très mécanique) toutes les leçons des siècles (et quelques-uns, tous les versets des livres sacrés)...

 

 

A peine ébauchée ; la bouche qui – déjà – cherche des lèvres ; un baiser ; et qui ne parvient (qu'à grand-peine) à avaler les substances terrestres qu'on l'oblige à ingurgiter...

Comme un rêve d'innocence arraché ; le cœur (très) récalcitrant ; comme condamné à un assujettissement au monde tel qu'il est ; grossier – primitif – archaïque...

Le visage abattu ; ivre de cette lumière (sans doute) trop secrète ; trop peu reconnue...

Et des larmes et des râles sur la pierre ; ce qui écorche l'âme et la peau ; à force de résistances – à force de ruptures – à force de frottements...

 

 

La peine grandissante ; des cris silencieux qui montent vers le ciel ; et la proximité du monde à travers l'âme et le sang...

Face à l'obscurité des visages ; sans la moindre tendresse ; sans la moindre consolation...

A l'ombre d'un souvenir plus grand (bien plus grand) que soi ; et qui aurait brouillé les pistes qui mènent au lieu de la délivrance...

Vers la lumière ; à courir partout ; autour de la blessure ; à la recherche d'une étreinte qui pourrait nous sauver...

 

 

Et cette chose déchirée dans le cœur qui se serre ; le chemin qu'il faudrait emprunter ; peut-être – le lieu où se rendre...

Sous le craquement des pas ; dans l'ombre (grandissante) de la solitude ; vers l'ailleurs ; là où le silence est un baume ; là où le bleu et la lumière éclairent l'horizon ; et l'âme défaite...

Moins angoissé (beaucoup moins angoissé) par le passage du temps – la fugacité des existences – la disparition et l'absence...

Déjà perceptible ; cette partie de l'invisible – dans le regard et le geste – reconnaissable entre toutes...

 

*

 

Sous la charrue du monde ; l'horreur – le carnage – la débâcle...

Sous le règne glorieux des assassins ; des cannibales et des assassins...

Sur la pierre ; les arcs et la chair tendus...

Dans des boîtes ; la matière et l'invisible ; et jusqu'au vent que l'on emprisonne...

Plus ni bêtes – ni forêt...

Du bitume et des objets ; sous la tutelle de la technologie dominante...

Le royaume des petits rois...

 

 

Ni l'âme – ni la main ; tendues – mendiantes...

Le plus cruel devant les yeux – pourtant ; et pire derrière – la machinerie en marche...

Ce qui nous éblouit ; et nous achève déjà...

Épaule contre épaule ; et rien de l'ombre reconnu...

Comme face à un aigle aux ailes folles – aux serres acérées – qui se réjouirait d'effrayer le monde – de transpercer le cœur et la chair et d'abandonner les restes de son festin sur la pierre...

 

 

L’œil posé aux frontières du temps – entre cendres et soleil – sur cette parcelle de terre où rien ne distingue les morts et les vivants...

Dans le jour (à peine) envisagé...

Au creux de cette lumière faible (et grise) ; des cris – des rires (quelques rires) ; des âmes et de la chair froissées ; et toute une armée de mains laborieuses au service de l'immuable...

Et en contrebas ; sur l'enclume – sous la fumée ; la matière qui, sans cesse, se métamorphose...

Des racines à l'éblouissance ; en quelques pas passés (presque) inaperçus...

 

 

Au pays des songes – du ciel ; des blessures...

L'écume tremblante devant les flammes et l'écho des Dieux...

Et dans le sillage du plus propice ; une myriade de bouches ensanglantées...

Et le silence de la terre – à notre passage...

 

*

 

Au gré de la prière...

Sans pudeur ; sans adieu...

La main sur le cœur...

Les yeux rieurs...

Sans rien demander...

Le ciel dans les cheveux...

Et le bleu dans l'âme ; déjà...

L'épitaphe – sur la tombe – éclairée par le soleil...

Et la lumière – indistinctement – sur les morts et les vivants ; invitant (ainsi) à tous les passages ; désacralisant (ainsi) tous les territoires...

 

 

A travers la fenêtre – ce que le cœur perçoit ; le monde ; tant d’imbécillités...

Des rites et des croyances – au pays des vertébrés...

De la peur et de la faim ; et peu (bien peu) de tendresse ; et peu (bien peu) de probité...

De l'épaisseur ; de l'ignorance ; de la cruauté et du sang...

Tant de manque(s) – tant de nuit – dans cette chair – dans ces âmes ; comme des existences reléguées au désir – à la ruse – à l'absence...

 

 

Aux confins du plus proche ; comme l'éclair ; quelque chose qui s'éveille au fond de l'âme...

A la lumière d'un feu noir et inquiétant...

A la pointe du temps ; un pas (un simple pas) de côté...

Entre la pierre – la mort et le chemin...

A deux doigts de l'ombre...

Entre l'oubli – la fièvre et l'écho...

Dans une sorte de songe ; en un lieu à peine imaginable ; à travers lesquels on remonte (on peut remonter) jusqu'à l'origine...

 

 

L'aube ; au pied de la mort...

A travers le souvenir ; d'horizon en horizon ; de voile en déchirement – jusqu'au retournement du miroir...

Et le lointain comme figé sur la rive qui nous fait face...

Étreint par le ciel ; ce que l'on a dessiné à la craie ; et que la moindre pluie ; et que la moindre larme – pourrait effacer...

Dans le regard ; l'écume – le vent – la vie et la mort ; aussi vides – en vérité – que ce qui les contemple...

 

*

 

Clowns tristes et affligeants ; épris de ce qui les dévore...

Assis en rond ; autour de leurs âmes frigorifiées – malmenées jusqu'au crime – tourmentées jusqu'à la folie...

Des jours durant ; sur la piste des désirs ; sur la piste des souvenirs – à se dévisager – à se mentir – à se quereller ; l'étoile accrochée au fusil ; et le fusil accroché à l'épaule ; déambulant devant leur petit carré de terre entouré de fleurs et de palissades...

En plein sommeil – sans promesse – sans fortune – sans ressource ; comptant les jours chichement (très chichement) vécus et le nombre de pas qui les séparent de la mort...

 

 

Face au vent ; la lumière souveraine...

Le dehors qui se tait ; et le silence à l'intérieur...

La mort qui ouvre les portes de son royaume...

Et les yeux ébahis ; et la chair ne cherchant plus même à échapper à la douleur ; et l'âme recluse qui, soudain, redresse la tête...

 

 

Ce que l'on a oublié ; la couleur de l'origine – la géographie du vivant – l'essence du monde...

A peine ; une portion du tout ; quelque chose comme un frémissement ; un peu d'absence ; un morceau de miroir brisé – peut-être...

Et ce que le sang ensemence et dissémine ; et ce dont l'âme hérite ; et ce qu'elle propage...

Et l'incessant labeur de chacun pour inventer sa route ; sans jamais (presque jamais) s'aventurer au-delà des frontières répertoriées ; sans jamais (presque jamais) se risquer à explorer l'envergure (et les profondeurs) du réel...

La tête plutôt que l'esprit ; la matière plutôt que l'invisible ; comme ensorcelé(s) par la danse des masques et les reflets de l'écume...

 

 

Abandonné aux marges ; le plus sauvage...

Comme livré à l'absence ; à la mesure même de l'oubli...

Dans les interstices de cette nuit commune...

Jusqu'aux premiers temps du mythe ; lorsque ni la chair – ni le territoire – n'avaient encore été découpés ; lorsque la fureur et la lumière se chevauchaient sans s'effaroucher ; lorsque le rêve pouvait encore résister à la lourdeur des paupières...

 

*

 

Plus haut que soi ; les fils...

Et plus haut que les fils ; les mains joueuses...

Et l'homme ; au centre de rien – comme le reste – (très) périphérique ; et (clairement) instrumentalisé...

A l'avant-garde des endormis – peut-être...

Comme sur une île perdue au milieu de nulle part...

Arraché à personne ; rien que des ailes repliées...

Et ce sourire mystérieux ; au-dessus des mains joueuses...

 

 

La chair sclérosée (presque croupissante) ; peu encline au voyage...

Et l'âme ; comme une fenêtre – un passage ; une manière d'aller à la rencontre du reste...

Poussière dans le vent ; quelque chose entre le rôle et le nom...

Et le cœur accablé par ces terres inhospitalières – par la funeste indifférence des visages...

 

 

De la neige ; sur le chemin ; des choses...

Comme des bouts de ciel à la place du miroir...

Le visage dénudé ; sans masque – sans fard (totalement dénué d'artifice)...

Un peu de poussière sur la pierre jaune ; et tous les bruits passés au tamis du silence...

Rien d'une attente ; une veille attentive ; avec dans la prunelle – comme un feu que l'on tiendrait au creux de la paume...

Et l'horizon nimbé de bleu que le regard éclaire – déploie – enflamme...

Sans un seul rêve ; ni même un écho – en tête...

Capable d'effacer toutes les frontières ; en dépit de quelques restes de mémoire...

Ce qui s'offre ; seulement – en plus du souffle et du sang...

 

 

Ce qui patiente ; dans la besace des jours ; comme une eau vive sous l'écume de ce qui brille ; de ce qui s'affiche ; de ce qui se laisse admirer...

Comme le bleu et le gris dans l’œil qui sait ; dans l’œil qui voit...

Au seuil de toutes les solitudes ; la lumière qui éclaire ; et qui donne à regarder – l'ampleur de la perspective...

 

*

 

Aimer encore ; et la soif ; et la folie ; et toutes les éclaboussures...

Ni sage ; ni forçat ; au-delà du désir ; au-delà de l'humain ; un pas (minuscule) juste après ; à peine une incursion ; un bout de tête – un bout d'âme peut-être – dans l'embrasure...

Et ce qui vient – dans le désordre...

Tant de possibles ; tant de nouveautés...

Et ce qu'il faut abandonner encore...

Au-delà de la servitude ; l'obéissance (très) joyeusement consentie...

Qu'importe la boue ; qu'importe la joie ; qu'importe la distribution et le partage...

Ici ou là ; ni pour plaire ; ni pour inventer – ni pour se distraire ; et moins encore pour affabuler...

Les bras autour de la désespérance ; et tant de fois hanté par la mélancolie ; au fond de la mémoire ; ce qui n'a pu encore glisser vers l'oubli...

Ne pouvant s'imaginer vivre dans la proximité d'un soleil que l'on a toujours cru trop lointain – inaccessible ; et dont on était, en réalité, séparé d'un seul pas ; un abîme franchi par le regard qui a, peu à peu, transformé la volonté et l'ambition (individuelles) en perspective impersonnelle...

 

 

Rien qu'un cœur pour transformer le monde...

Et tant de choses (presque tout) emmêlées au corps – à l'âme ; à la voix...

Sous l'arbre ; la lumière et le chemin...

Sans la nécessité de l'Autre ; sans même recourir au miroir...

Seul(s) ; sans rêve ; hors du cortège des fausses vérités inventées par ces siècles ignares et meurtriers...

Seul(s) ; dans le frémissement de ce qui voit...

 

 

L'aube (très) furtivement frôlée...

Ce que l'on abandonne à la pierre et au vent...

Comme une étreinte ; et, soudain, la tristesse qui vacille...

 

 

Les cœurs (habiles) qui cherchent à se défaire de leur gangue ; et les yeux (malins) qui cherchent à transformer la couleur des rêves ; ce qui nous hante et nous emprisonne...

Et derrière le jeu des apparences ; l'esprit qui cherche l'essence ; et toutes les possibilités du monde – sous les paupières...

Au bord du ciel ; aux confins de l'innocence ; au-delà du désert – de l'oubli – du néant ; au-delà (bien au-delà) de ce qui effraie les hommes...

Et en silence ; le bleu (presque) parfaitement habité ; et la chair luisante sous la lumière qui décline...

Au milieu de l'automne ; déjà...

 

*

 

Là où persiste la couleur ; et l'essence du vivant...

A travers le geste ; à travers ce qui nous éclaire ; à travers ce qui nous enflamme...

A travers l’œuvre et la loyauté...

La faim (enfin) reléguée à l'accessoire ; et l'âme se satisfaisant (seulement) du substrat...

Et pour celui qui sait voir ; quelques traces de sagesse dans la nuit...

Au milieu de la mort qui rôde ; et l'Amour juste au-dessus qui distribue les rôles ; et qui dessine (à la perfection) les itinéraires...

Dieu et la tendresse – en soi – à chaque instant – pour ainsi dire...

 

 

Le cœur transpercé par la parole ; couleur de sang...

Sur la neige ; les noces de la chair et de la lumière...

Avec le bleu ; et la substance de l'âme – mêlés à toutes les teintes...

Et, au loin, ce qui flotte au vent comme une bannière étoilée ; le foyer du monde ; la bonne fortune ; ce qui oriente les pas vers l'invisible et la transparence...

 

 

Par-dessous la feuille ; le ciel ; ce qui jamais ne renonce ; ce qui jamais ne s'arrête ; l'or invisible de ce monde ; le plus précieux du vivant...

Ce que l’œil et le cœur n'aperçoivent que très rarement ; trop envoûtés (sans doute) par l'écume ; par l'incessante transformation de l'ombre...

Ce que l'on tait (en général) ; et que l'on a raison de garder par devers soi...

 

 

Comme de la neige brillante ; ces pelletées de mots ; cette parole née de la lumière...

Issue de la même source que le bleu – que le monde – que les arbres – que les pierres et les nuages ; celle qui, un jour, donna (aussi) naissance aux bêtes et aux hommes ; comme la promesse d'une chance supplémentaire...

Et qui, en dépit de tous les espoirs, ont continué à entretenir cette nuit déjà ancienne...

Et ce noir que l'on creuse encore aujourd'hui – au-dedans de ce qui sert la mort – au-dedans de ce qui passe en coup de vent ; avec cette angoisse terrifiante devant le cœur qui bat et qui, un jour, s'arrête ; devant toutes ces formes qui, sans cesse, se transforment...

 

*

 

Émerveillé par l'âme affranchie du sommeil...

Le destin de la chair hors du cercle des vivants...

La transformation (involontaire) de la matière ; les vertus de l'effacement et de l'oubli...

La mort apprivoisée...

Les liens (indéfectibles) entre le cœur – le ciel – le monde...

Et la possibilité du merveilleux qui se renouvelle à chaque instant du jour ; et ce qu'il fait naître dans l'esprit...

 

 

Coincé (en quelque sorte) entre l’innocence et la multitude...

Sous la lumière ; sur cette terre ; sans mythe – sans histoire – sans prince – sans princesse – sans conte de fée...

Au ras du sol ; le règne du désir au milieu des choses et des visages ; comme une fièvre qui se heurterait à toutes les contradictions – à toutes les carences – à tous les interdits...

Fidèle à l'enfance ; en dépit des impossibilités ; en dépit des sentiers tout tracés...

Dans le vertige de cette existence ; s'essayant indéfiniment au franchissement à l'endroit de la brèche ; là où tout peut se faufiler (même les formes les plus grossières)...

 

 

Les prémices pas même achevées ; et, en filigrane, l'attente (assez vaine) de l'aube...

Immobile sur la pierre ; le destin suspendu...

Une étoile au-dessus de la tête – tranchante ; et prête à tomber...

Et le chant qui monte encore ; (très) faiblement...

L'âme offerte ; dans les mains en prière...

Au milieu des arbres encore ; au plus proche de ce sang qui coule entre les feuilles...

Le pas – le geste – le feutre ; sans autre reflet que le ciel – que le cœur – que la forêt...

Un pied – déjà – dans l'immensité...

Attendant le signal (l'appel peut-être) pour se laisser glisser vers l'ailleurs ; pour s'abandonner à ce qui nous mènera (un peu) plus loin ; (un peu) plus haut – peut-être...

Par-delà le gris et la cécité – sans doute...

 

*

 

L'âge éparpillé...

Dans le ventre bleu du monde...

Rien ; ni nulle part ; ni personne – en vérité ; rien que des fables et des idées...

Du vent et de la fumée ; que l'esprit (dans son hallucination) solidifie ; et dont il ne cesse de redessiner les contours...

Ainsi se construisent les murs – les chemins – les impasses – les retournements et les issues ; l'ensemble des pièces qui constituent le (notre) labyrinthe...

Et quoi que l'on fasse ; quoi que l'on entreprenne ; du vent et de la fumée ajoutés ou soustraits au vent et à la fumée...

Et depuis la naissance du monde – des cascades de générations plongées dans le dédale ; engluées dans le piège ; condamnées à croire à la peine – à la délivrance – à la nécessité d'inventer un itinéraire...

Rien qui ne soit – qui ne passe – qui ne demeure...

Un peu de feu et de lumière – peut-être ; ponctués (parfois – de temps à autre) par des interstices – des passages – des possibilités...

 

 

De l'aveu même de la fortune...

Partout l'aventure et l'inconnu...

 

 

La voix entendue ; comme l'écho du plus proche (perçu d'une manière étrangement lointaine par l'esprit)...

S'atteignant déjà ; depuis le dedans...

Au cœur de l'absence la plus brûlante...

Aux limites du temps ; là où l'infini remplace le monde et les vivants ; là où le ciel remplace le voyage et les pas...

Sur la même pierre – pourtant...

A travers la danse ; le renouvellement incessant des perspectives...

 

 

Le secret se révélant, soudain, au plus sombre...

Comme jetée (avec brusquerie) vers le soleil ; l'obscurité...

Et ce qui grince ; et ce qui ne se voit pas...

L'approche de la lumière à travers la matière ; et le jeu de l'invisible par-dessous les nécessités...

Sur l'interminable (sur l'éternel) chemin ; avec dans le cœur – des yeux de plus en plus clairs ; et un espace habité ; au lieu des songes d'autrefois...

 

*

 

La joie déguisée en solitude...

Abandonné au froid et à la nuit...

Sans refuge – sans ami – sans main tendue...

La chair douloureuse ; le front contre la pierre...

Les paupières (encore) rivées à la soif...

Quelque chose de l'air et du mur ; comme si le bleu se prolongeait et devenait gris à force de malheurs – à force de découragement...

Comme si l'esprit avait oublié que la terre est un temple ; que nous sommes à la fois Dieu et le sacrifice ; la peine et la félicité...

En boucle ; au fond de la chambre – au fond des larmes ; l'impossibilité ; alors que l'Amour est tout proche ; et que toutes les ombres nous sourient...

Sans rien chercher ; sans rien comprendre ; déjà – au cœur du royaume...

En pleurs – devant tant de beauté et d'ignorance ; devant tant de tendresse et d'abjection ; devant tant de créatures courageuses...

 

 

Tendrement terrassé par les contingences du monde et les forces du ciel...

Invisible dans le vent ; glissant, peu à peu – et de manière incessante, du fugace vers l'après...

Au-delà du crépuscule ; au-delà de tous les songes humains...

A l'écoute – en soi – de ce qui parle...

Dans le geste ; le soleil et le silence...

A la place de l'homme ; entre l'écume et l'immensité ; entre le sol et les profondeurs...

A mi-chemin de tout ; au centre du cercle des désirs qui éparpillent ce(ux) qui l'habite(nt)...

Entre l'absence et ce si peu de chose(s)...

 

 

L'aube à venir ; et ce parfum qui nous enivre ; au milieu du chemin...

Là où le cœur retrouve ce lieu d'avant les âges ; l'au-delà de l'au-delà ; en dépit de ce qui nous hante ; en dépit de l'angoisse ; en dépit de ce qui nous retient...

 

*

 

Le cœur cannibale ; (très) amoureusement cannibale ; qui avale – en plus de ce qu'on lui offre – tout ce qui lui résiste – tout ce qui se révolte contre son règne...

A genoux ; le monde – l'âme – l'esprit ; ce qui s'imagine affranchi du cercle brûlant...

Les fronts – les tempêtes – les soucis et la mort ; engloutis...

Et emporté(s) aussi – le reste ; la terre et le ciel – l'espace qui nous entoure ; jusqu'à l'infini...

Rien qu'un feu qui consume – qui transforme ; et qui porte à la joie...

 

 

Autour de soi ; tant de miroirs brisés ; tant de reflets ternes et exsangues (eux si scintillants autrefois)...

Seul – à présent – assis sur la pierre blanche ; face à la lune – au milieu des arbres ; un grand sourire sur les lèvres – parmi les figures de l'invisible...

La joie au cœur – rayonnante – offrant ses éclats à toutes les âmes sensibles ; à toutes les âmes présentes...

 

 

Aux fenêtres du temps ; le monde qui tourne – les destins qui se déroulent ; et, au-dessus (juste au-dessus) l'immensité immobile...

Et ce qui contemple ; ce regard habité qui n'appartient à personne (et que nul ne peut s'approprier)...

Qu'importe l'ombre – qu'importe le feu et l'éclairage ; ce qui semble proche et ce qui semble lointain...

Prêt à mourir ; à franchir tous les seuils...

Encore un peu homme ; assurément...

 

 

Les heures brûlées par cet étrange défilé ; ce perpétuel déferlement des apparences...

A allure régulière ; ceux qui s’effacent – ceux qui disparaissent ; et ceux qui n'étaient plus qui reviennent ; qui revivent ; qui retrouvent cette ardeur (un peu folle)...

Sans jamais imaginer une autre issue que la fin...

Comme empêtrés dans les mirages (tous les mirages) de ce monde...

Quelque part sur ce long chemin qui s'enfonce jusqu'aux tréfonds des songes ; à peine à la surface de l'esprit...

Des yeux et des mots inaptes (si inaptes encore) à percer le mystère ; à rejoindre l'invisible ; à quitter l'aventure (strictement) humaine...

 

*

 

Aux pieds de ce qui nous piétine ; indolent – (parfaitement) impavide...

Le bleu déjà révélé ; et qui a pris possession de l'âme...

Au fond de la nasse ; le sourire aux lèvres – au milieu des morts et des vivants...

La chair exposée aux dents et aux étoiles...

Sans un cri – sans une larme ; sans la moindre plainte...

Stoïque face à l'impossibilité du miracle – face à l'absence d'issue et de consolation...

Paumes ouvertes...

Et devant soi ; le ciel – la route ; toute l'ivresse du monde...

Étranger – de plus en plus – à ce qui se manifeste ; les yeux posés sur l'invisible ; contemplant le cœur qui joue avec la lumière...

 

 

Le cœur ardent ; jamais épuisé par l'ampleur de la tâche ; prodiguant (sans attente) son Amour ; résistant aux poings brandis – à la cruauté des gestes – à l'indifférence des visages – à l'ignorance des esprits – à la haine qui rôde et s'amplifie – à ceux qui exploitent – à ceux qui s'approprient – à ceux qui blessent et assassinent – à ce monde (assez) désespérant...

 

 

L'âme si près de l'arbre que le sol et le ciel s'inversent ; que le bleu émerge des entrailles ; et que les racines et les étoiles se frôlent – s'emmêlent – entament une danse étrange...

Au cœur ; l'enfance du geste ; et le souvenir (brûlant) de l'origine...

Le corps tremblant face à la force des songes...

Et l'ombre véhiculée par le feu ; en plus des cendres...

Ce qui crépite dans la mémoire...

Une douceur – un parfum ; quelque chose de la joie – de l'inexprimable – que seul peut goûter l'esprit solitaire...

 

 

Comme arraché à l’écœurement ; l'esprit collé au sol et au sang...

Seul ; dans le noir ; immobile...

A la fois mélancolique et lumineux...

A travers cette (indescriptible) perspective...

 

 

Et aujourd'hui encore ; le cœur de l'homme – l'écho du monde – le corps courageux...

Comme un silence ; cette traversée du cri ; à la manière d'une flèche à travers l'espace – décochée depuis le fond de l'âme ; et errant sans but – sans cible – sans destinataire ni destination...

Au milieu du ciel vide ; à l'intention d'un Dieu bien plus qu'hypothétique...

Contre le vent qui a fait fuir tous les visages...

 

 

Dans la pénombre ; la tendresse et le tumulte nécessaire...

Les heures qui s'écoulent ; en dépit de l'immobilité...

Lentement (très lentement) ; le devenir ; le temps d'arriver...

Et cette lumière que l'on guette ; par-dessus – comme une promesse ; un regain du possible ; un peu de poésie ; un peu d'éternité – peut-être...

Le seul Amour ; la seule chose qui (nous) soit favorable...

 

*

 

L'Amour – les étoiles – l'enfance désordonnée...

Et cette échelle posée sur la rosée...

Et ces visages – et ces yeux – voilés de cendres...

Ébahis ; et parfois brisés – par l'âpreté de cette géographie...

Autant de temples que de promesses ; autant de prières que de malédictions...

Et ce sommeil – et cette triste destinée – au ras de l'herbe...

Et la cime des solitudes – si près du ciel et du dernier homme...

Du sable et du vent ; et ce qui peut nous en affranchir...

 

 

Des ondes jusque dans l'échine ; comme une (douce) torture – un piège insidieux...

Avec des cascades de noms ; comme les corps – comme les âmes ; comme le reste ; voués à la chute – à l'effacement et à l'oubli...

Et cette voix suspendue qui n'ose plus même s'aventurer hors du silence...

 

 

Le monde ; comme le lieu de l'impossible rencontre...

Condamné(s) – en somme – à explorer la géographie intérieure de l'espace...

En soi ; la fenêtre et l'autre perspective...

Entre les noms et le misérable (et inégal) partage ; et, au-dedans, l'abandon ; et l'éclat du merveilleux...

En dépit de cet (irrésistible) appel du lointain...

Le ciel dressé contre la peau ; et que l'âme frôle parfois avec impudence – parfois avec délicatesse...

Des cendres et du silence ; dans la voix...

Et cette mémoire défaillante et éparpillée...

En attendant l'aube ; le vent qui se lève...

 

 

Comme une rumeur ; à l'approche de l'hiver...

Le monde – peut-être ; trop abreuvé de soleil...

Et nous ; dans l'enchantement des arbres – du secret – du silence...

Le rire ; et le jeu ; et la danse...

Le cœur joyeux ; et qui se réjouit de cette promesse qui persiste sous l'écume et la neige...

 

*

 

A l'ombre des étoiles...

Sous le masque de la solitude ; cette fraternité étrange – intègre...

Derrière tant de ruines ; et tant de voix par-dessous...

Dans les replis ignorés de ce monde ; l'invisible ; et la possibilité de l'enfantement – du regain – du renouveau...

Et là où l'on s'est (très provisoirement) installé ; les images (toutes les images) humaines déchirées ; et balancés tous les écrans – et anéantis tous les remparts – et supprimées toutes les frontières ; comme, peu à peu, révoquées – renversées – éliminées – les chimères (une bonne part des chimères) de ce monde...

Pour rejoindre – retrouver – la terre trahie – le vivant sauvage ; qui résistent – qui s'enfuient ; qui luttent et cherchent à échapper à l'abjecte domination de l'homme ; et qui rêvent (en secret) à une alternative (à mille alternatives) pour que cessent l'assujettissement et la barbarie...

Dans l'écho (de plus en plus puissant) du reste ; dans la tête ; sans doute la seule résonance essentielle...

Avec ce goût pour l'infini et le silence ; et cet (indestructible) attrait – et cette (inébranlable) sympathie – pour les marges...

Vivre enfin en pouvant s'abandonner à un plus grand que soi ; un pas – déjà – dans la lumière...

 

 

Sans rien compter ; ni l'or – ni les pas – ni les lignes – ni les jours hors du monde...

L'âme joyeuse ; le visage souriant ; le geste poétique...

Une vie comme une incursion dans ce qui succédera au règne de l'homme...

Et la parole pour soi ; tendre et silencieuse...

 

 

Sans rien affronter ; sans rien accueillir ; se laissant porter (et emporter) par le souffle – les forces et les courants ; sans rien désirer – sans même se souvenir (ou si peu)...

Être et s'abandonner ; infime reflet de la lumière et des mouvements...

Dans les bras (immenses – infinis) de la tendresse...

Au cœur du feu – au cœur du monde – au cœur de l'enfance ; dans le grand désordre des choses – dans le tumulte de l'âme...

Prêt à traverser les plus lointaines frontières ; et autorisant le reste à se livrer aux jeux les plus funestes – les plus invraisemblables...

En dépit des tremblements ; en dépit du cœur encore empêtré (parfois) dans la perte et le manque...

Comme une ombre insistante sur le visage...

Nous rapprochant, peu à peu, de cette liberté affranchie de toutes formes d'exigence...

 

 

Très lentement ; le renouveau...

Le grand vide ; et ce qui tourne autour...

Entre la pierre et les nuages ; entre le dernier instant et le temps révolu...

Comme un rire – au-dedans ; une sorte d'écho – une voix inconnue...

Derrière les grilles – pourtant – les mêmes âmes et les mêmes visages – plongés dans des songes identiques...

Et nous ; à travers le temps et les flammes ; au milieu de la lumière – déjà...

 

*

 

Le jour – le mystère ; pas si clairement identifiés ; comme le reste ; aux frontières changeantes – fluctuantes – jamais définitivement établies...

Rien que le jeu et l'audace ; et, parfois, le courage face à l'adversité ; au cœur du tumulte – au milieu des remous...

 

 

Face à cette solitude gravée dans le miroir...

Dans les premiers retranchements de l'homme ; les conditions du questionnement et de la fouille ; avant la nécessaire exploration ; avant le voyage vertigineux...

 

 

Indéfiniment ; le même prolongement – sur cette boucle sans fin ; qui semble disparaître – et réapparaître – épisodiquement...

De l'enfantement au nom ; à travers tous les lieux – tous les états – toutes les couleurs...

De la cage à l'affranchissement ; à travers tant d'épreuves et d'obstacles...

Comme une lente dissolution – un effacement (progressif) des frontières – une porosité des territoires – avant que ne se reforment les barreaux ; avant que ne renaisse cet inexpugnable désir de liberté...

 

 

La parole lancée entre le ciel et le monde ; oscillant, sans cesse, entre le temps et l'éternité...

Soumise au règne du sang et du silence ; et à toutes les couleurs de l'homme...

Au pied des heures tranquilles ; offerte(s) à celui qui s'est assis au milieu des arbres...

 

 

Au-dehors – le corps ; comme un flottement et des manières obscures...

Et tous ces cercles – vides – autour de soi...

Rien que l'écho déclinant des plaintes anciennes sur la pierre grise et nue...

Des choses – des vagues ; quelques bruissements lointains...

Et au-dedans ; ce qui coupe – ce qui arrache – ce qui résonne ; ce qui ne peut être retranché...

 

 

A regarder les jeux et la danse (un peu poussive) des possibles ; le prolongement des mêmes pas – les mêmes rengaines ; le monde tel qu'il va – se répétant sans cesse ; à travers cette surprenante litanie des vivants...

 

*

 

La nuit déposée dans les bras de l'enfance...

Apaisée – à présent – presque rieuse – presque ensoleillée...

Enfin arrimée au bon rivage...

Et le sommeil caressé...

Et l'orgueil pas même révoqué...

Sans résistance – sans rival – sans affrontement...

Le cœur (parfaitement) permissif ; au-delà de toute raison...

Se laissant harceler jusqu'à ce que tout (la moindre chose) se transforme en rencontre...

Et la faim même, peu à peu (et très délicatement), recomposée...

Puis tout réduit à la pierre – au vent – à la rosée ; tout réduit à la même possibilité...

Le feu – la tête et les étoiles ; dans la proximité du plus sensible...

Dans la stricte (et joyeuse) obéissance qui ouvre sur cette grandiose expérience de liberté...

 

 

De la poussière et de la fumée ; dispersées...

Le monde – à présent ; dans un mélange de ciel et d'absence...

 

 

Dans un autre espace – un autre temps ; semble-t-il...

Ce qui paraîtrait enviable ; ce à quoi l'on aspirerait ; plus proche – plus intense – sûrement (et bien plus aisé)...

Alors qu'il suffirait d'un pas de côté ; de se pencher sur l'invisible ; de s'abandonner au silence...

Dans la proximité (perpétuelle) de la source...

Entre les ruines d'hier – le monde d'aujourd'hui – et ce que nous deviendrons ; à l'exacte jonction des temporalités ; là où l'instant rencontre l'éternité...

 

 

Sous l'écume du temps ; cette grisaille persistante...

Des ronds dans l'eau ; l'estomac affamé...

Au cœur de la même fable que les Autres ; que le reste...

Derrière la vitre – en somme...

Quelque part dans l'obscurité...

 

 

Le lieu de la perte – de l'Amour – de l'effacement...

Partout ; sans désir – sans mémoire – sans perspective...

Ici même ; à cet instant ;

A l'envers de toute image ; la fin des ambitions ; les mains qui (enfin) se desserrent ; et l'âme qui découvre cette joie et cette ardeur si anciennes...

 

 

Au seuil de l'arbre ; la terre et le ciel rassemblés...

Seul ; avec le cri des bêtes au fond de la gorge – au fond des yeux – au fond du cœur...

L'âme et le feu ; tissés ensemble ; jusqu'au crépuscule – jusqu'au silence – jusqu'à l'immobilité ; jusqu'à ce que cessent le supplice – la persécution – la cruauté...

 

 

En un éclair ; de l’œil à l'enfance...

Du passé à la suspension du temps...

Du chemin à la disparition...

De l'étoile au geste ; puis, du geste à l'étoile...

En dépit du monde qui tourne (qui semble tourner) ; en dépit des cris des hommes (qui semblent s'agiter)...

Le sentier discret ; autant que les pas ; autant que l'existence...

Sous l'écorce déjà ; l'écho qui a fait exploser le cœur – la chair – l'esprit...

Plus rien d'obscur ; plus ni rêve – ni peine...

Un feu ; de la joie sur les ombres et les cendres dansantes... 

 

L'aurore décapitée ; comme si les rêves l'avaient emporté(e)...

Bien plus qu'un temps de neige ; sous les ombres silencieuses...

Le sommeil effrayant...

Sur ces quelques restes d'enfance ; des massacres – des fêtes – de l'atrocité ; toutes les traces de l'homme...

Et les paupières si lourdes que même l'Amour se sent impuissant...

Immanquablement ; du côté de l'accessible ; et ce mépris pour l'inconnaissable ; et ce déchaînement de violence sur le plus fragile...

Rien que des corps qui (se) roulent dans la poussière ; rien que des âmes recroquevillées – aveugles à l'Autre – au ciel – au silence – au chemin...

 

 

Avant le temps de la lumière et des baisers...

Comme submergé par une force indomptable...

Rien de la lutte ; une sorte d'étonnement...

Et la sensation de vivre dans la proximité (diffuse) du silence et du secret ; dans une forme d'intimité avec le plus sacré ; comme un abandon (joyeux) à ce qui surgit ; qu'importe ce qui nous quitte ; qu'importe ce qui arrive ; la main et le regard tendres et accueillants...

 

 

Au croisement de la brusquerie et du sang...

L'âme réservée – délicate – silencieuse ; en retrait...

Au cœur de cette longue nuit sans répit...

Presque sans clarté ; la lumière (très largement) dissipée...

De l'ombre – de l'écume ; auxquelles se mêlent quelques souvenirs (et un reste d'ambition)...

Et le vent qui vient frapper les murs et les grilles du monde...

Et la pierre usée par tous les pas ; sur ces rives obsolètes...

Et ce ciel sans rumeur au-dessus des têtes...

Comme plongé(s) dans le ventre de l'inhospitalité...

 

 

Sur ce tertre gris caressé par le crépuscule...

L'hiver à son comble...

Le bleu – peu à peu – brûlé par l'absence...

Et ce qui recommence ; avec la route qui se déplie ; avec le monde qui se déploie ; à mesure que les yeux s'ouvrent ; à mesure que la perspective s'élargit...

 

 

Au pays des arbres ; la pierre et le mystère...

Là où naissent le jour et les échos...

Au cœur même de la vie ; au cœur même de l'obscurité...

Ce qui résonne ; ce qui s'amplifie ; comme une lumière ; comme une tendresse – quelque chose de vivant – à la place des rêves...

 

*

 

Le long de l'eau ; humide – dégoulinant...

Dans l'air ; léger et vaporeux...

A suivre ce qui dépasse ; dans l'au-delà...

Et sur terre ; trahissant ; comme une sorte de signature...

Le cœur qui roule ; le cœur déloyal...

Scellé dans la ruse – l'artifice – la félonie...

 

 

Et ce rire – en soi ; en dévisageant les malheurs qui s'avancent...

Et cet attachement au vide et à l'invisible...

Et le piétinement de toutes les idoles...

Et les idées ensevelies ; et le chemin qui se perd...

A vivre loin des hommes ; de leurs peines – de leurs plaintes – de leurs tourments ; la solitude (solidement) arrimée au front et aux poignets...

Affranchi de rien ; et (sans doute) guère éloigné de la mort...

 

 

Dormir encore – sous terre ; après le sommeil des vivants...

Dans les mailles mouvantes (et mystérieuses) de la terre...

Éclairé(s) par l’œil des mythes et du temps ; sous le poids (écrasant) des légendes...

Surnageant (avec peine) dans cet océan de malheurs ; s'essayant aux rites et aux prières ; avant de mourir ; avant de renaître et de revivre – tant de fois encore ; jusqu'à l’affolement ; jusqu'à la folie ; jusqu'à ce que quelque chose cède au fond de l'âme ; jusqu'à ce que quelque chose – en soi – s'abandonne...

 

 

Ce qui peuple le monde ; en secret...

Le miracle gorgé d'ardeur et de lumière ; de mille potentialités...

Le vivant sur la pierre...

Ce qui bruisse – sous le front ; au fond du cœur...

A travers le merveilleux et le plus terrible de ce monde...

Dans la lenteur du geste ; et ce qu'offre la main ; et ce qu'offre l'Autre ; et ce que permet le temps ; et la parole poétique...

A la croisée du regard et du jour ; le mystère (parfaitement) habité...

 

 

En deçà du bruit ; l'impérissable...

Et le souffle qui tremble (comme le geste et la parole)...

Et tant de larmes sur l'inachevé...

Toujours ; le devenir ; et le temps qui file ; et l'instant qui passe ; comme s'évaporant...

Et la chair qui s'épaissit sans même que l'âme puisse s'affiner...

Entre l'origine et l'homme ; là où la blessure réapparaît – s'élargit – se fait plus vive...

A l'exacte intersection entre le silence et le monde – entre le vivant et la beauté ; ce sur quoi nous posons des yeux émerveillés ; ce sur quoi se penchent toutes les âmes ; Dieu ; là où l'éphémère essaie de se faufiler ; dans le plus grand secret ; comme pour goûter – et célébrer – l'infini et l'éternité dans lesquels le corps – le cœur – l'esprit et l'âme sont plongés...

 

*

 

La mort cachée – mystérieuse – des êtres et des choses ; dans une sorte d'abandon ; dans une sorte de vertige...

L'un des rares talisman – sans doute – contre la faim...

Vers le ciel ; tendu(s) ; et la chair éparpillée...

Et étouffant sous le ventre de l'ombre ; ce feu sauvage...

L'épaisseur qui se transforme – et tourbillonne – dans l'espace...

 

 

Entre l'enfance et l'obscurité...

Dos à dos ; le message et l'enfermement...

Au-dedans du même songe...

Sans intermédiaire ; sans le moindre émissaire...

Réduit à être son seul représentant – en somme...

La voix mêlée aux nœuds du sol...

Par tranche de ciel ; la parole – tantôt assombri(e)(s) – tantôt éclairé(e)(s)...

Et ne sachant à peu près rien...

Demeurant immobile ; les doigts crochetés – par peur de tomber dans le gouffre des damnés...

 

 

Le cœur ; une fois encore ; présent par-dessous le vide et les paupières fermées...

Comme replié dans l'invisible ; accolé au ciel et nous escortant jusque dans nos plus lointaines contrées ; et formant une boucle autour de l'oubli...

Quelque chose de l'origine qui semble résister aux circonstances et au temps...

A la manière d'un jardin de pierres et de silence...

Qu'importe alors que la lumière décline ; qu'importe alors que l'enfance s'éloigne...

Le regard posé sur toutes les cachettes et tous les tremblements...

Le signe – sans doute – d'une (très) grande sensibilité au monde ; et à l'infini qui s'y est caché (avec beaucoup de malice)...

 

 

La main et l'âme – la voix et l'encre ; couleur de ciel...

Avec des cris qui roulent sur la page ; et qui rêveraient de se transformer en paroles pour échapper à la rouille – aux cendres – à l'oubli ; de pouvoir escamoter l'ombre (toutes les ombres qui planent au-dessus de toutes les têtes) pour faire goûter aux yeux et aux âmes la joie et l'enfance ; de mêler l'écume de ce monde aux profondeurs et à la lumière...

 

*

 

Sur l'échafaud du monde ; toutes les têtes en rangs – dans le long cortège – (parfaitement) alignées ; alors que la lumière éclaire les absences...

Et rien contre la vie ; et rien contre la mort ; pas le moindre grief – pas le moindre outil – pas le moindre dispositif à leur opposer...

Le même sourire ; comme si, au fond de l'âme, quelque chose savait ; sans même interroger le secret...

A travers la multitude – l'angoisse et l'indifférence ; le plus épouvantable (si souvent)...

Et le vent – implacablement – pour accompagner toutes ces têtes qui attendent de rouler dans la poussière ; tous ces corps bientôt déchus – bientôt défaits ; et, derrière, les mêmes figures impatientes...

Et l'Amour toujours – par-dessous – essayant de sauver l'innocence ; essayant d'atténuer la détresse...

 

 

Front contre front ; les hommes et les bêtes...

Du même côté de la vitre ; sans repère – sans gloire – sans joie ; la figure enfoncée dans les malheurs...

Dans ce manque (évident) de clarté...

Et derrière les apparences ; quelque chose de joyeux et de caché ; et qui se dresse – et que l'on hisse – parfois (très involontairement) après les effondrements...

 

 

Au cœur ; ce qui compte...

Au-delà de ces vieilles frontières érigées par les hommes...

Rien au-dehors ; et ce que le vent emporte ailleurs...

Dans un long frisson ; en silence...

Quelque chose dans l'âme qui sourit...

Et les caresses de l'air sur les lèvres ; offertes...

Et cette sensation vibrante – et grandiose – d'être vivant...

 

 

A genoux ; sous la pluie ; l'âme et la main alignées sur la page ; sous la même étoile que les Autres ; sous la même étoile qu'autrefois...

La chambre posée au milieu des arbres ; avec la lumière par-dessus – offrant son éclat au jour – aux mots qui défilent – aux gestes quotidiens...

 

 

Ni choc – ni soupir ; dans cet éblouissement...

La nécessité (involontaire) du partage ; comme un (irrépressible) débordement...

 

*

 

Comme des traces de craie sur la lumière...

L'ombre du cœur (en partie) fauchée ; comme un peu de magie réfugiée là ; en gardien du secret – peut-être...

Et la danse qui, parfois, se déguise en tourmente...

A voyager (un peu) partout – en laissant, ici et là, quelques souvenirs ; des empreintes fugaces qui disparaîtront avec la première pluie...

(Presque) assuré (et rassuré de savoir) qu'il ne restera, à la fin des jours, que la lumière et le chemin...

 

 

Ce qui émerge de l'étrangeté ; l'inconfort de l'homme ; puis, le plus proche – le plus familier – le merveilleux...

Après la (longue) tyrannie du désir ; l'abandon et l'exploration des contrées inconnues...

Au-delà de l'expérience ; l'apprentissage de l'éblouissement...

 

 

A peine ; le jour – le temps – la lumière des yeux ; ce qui brûle encore dans l'âme ; alors que tout s'éclipse ; alors que tout s'enfuit et disparaît ; alors que tout recommence ailleurs – peut-être...

Si près du silence ; si près du visage – pourtant ; tandis que nous soupirons...

 

 

Les gestes habillés de bleu ; jusqu'à l'essence...

Caressants – vertigineux ; alors que la nuit fait sens dans l'âme (et dans le monde) ; alors que l'hiver élargit son périmètre ; alors que le ciel redéfinit ses contours et que le chemin s'abîme dans le silence...

Sur la pierre ; le désir disparu ; la mémoire déchirée...

Une main sur le cœur ; et l'autre posée sur le sol...

Le soleil ; à travers le sang – qui circule – jusqu'aux tréfonds de la chair – jusqu'aux tréfonds de l'âme...

Comme de l'or qui se propage ; comme de l'or qui se partage...

De l'infini jusque dans les yeux fermés ; et le privilège d’appartenir à ce qui contemple ; et la chance de participer à ce qui se transforme...

 

*

 

Au gré des jours ; des gestes – quelques-uns...

Familiers de la mort ; habités par l'origine – dans l'intimité de la pierre et du vivant...

Hommes d'un autre âge ; d'aucune époque – peut-être ; incroyablement humains – pourtant (bien davantage que les Autres – semble-t-il) ; véritablement humains – sans doute...

Assidus à la tâche ; se consacrant au nécessaire – à l'essentiel ; offrant leurs forces – leur existence leur labeur...

L'esprit lucide et intuitif ; le cœur sensible et généreux...

Loin des cercles surpeuplés ; loin de la grossièreté et de la barbarie...

 

 

Un bout d'aventure ; quelque chose de l'immensité...

Offert(s) à tous les vagabonds – à tous les naufragés ; le visage de l'océan...

Avec les mille reflets de l'infini ; dans les ombres qui passent ; dans l'écume du monde ; dans les yeux qui regardent cette partie infime du réel au cœur de laquelle se trouve (si souvent) coincé – enfermé – l'esprit de l'homme...

 

 

En un éclair ; l'ailleurs qui surgit...

En silence ; le chemin...

Et ce feu ; et ces images – qui aveuglent les âmes affamées...

Et ces cris qui se mêlent aux offrandes ; comme un sacrifice ; malgré le cœur indemne...

Les yeux suppliants ; et qui rêvent de lumière et de gestes à hauteur de ciel...

Comme des millions de visages...

 

 

 

Des millénaires sur la pierre...

Un peu de nuit par-dessus les racines...

Et l'invisible ; et la tendresse – qui affleurent...

Dans cette solitude inachevée ; tous les noms du monde que l'on épelle...

Sans rien entendre ; sans rien écouter...

Un peu de vent ; et ce bleu qui scintille et poudroie ; et qui tombe sur toutes les figures qui attendent l'aube ; sur toutes les âmes qui rêvent d'approcher la lumière...

 

*

 

L'enfance si nocturne de l'homme ; aveuglé – prétentieux – incorrigible...

Et disparaissant comme il est apparu ; sans maturité...

A tourner en rond ; sur ces rives étroites ; l'individu et la civilisation...

Sans tête à tête...

Ne cessant de s'approprier l'espace et le temps ; de décider à la place des Autres ; à la place de Dieu – à la place du vent...

S'imaginant unique – glorieux – grandiose – irremplaçable...

La bouche béante – la main mendiante – pour apaiser la faim du ventre ; la misère de l'esprit...

Le cœur gris ; et l'âme repliée...

Inventant ses propres malheurs et ses propres récompenses...

Comme une pierre vivante qui se prendrait pour le démiurge originel...

 

 

Sous l'imaginaire ; nos constructions...

Nos rêves ; la nuit inventée ; et quelques restes de poésie – ici et là – éparpillés...

L'invisible vivant ; sous tout ce noir...

Pas même étonné par cet amoncellement de couches sombres et tristes ; et pénétrant l'épaisseur à l'instant opportun...

 

 

L’œil dessaisissant ; et se destituant lui-même...

Ni le bleu – ni l'écume ; la terre d'autrefois – le monde d'avant les mythes – d'avant le temps...

Quelque chose du vent et des étoiles...

Du silence et de la lumière...

Lorsque tout était mélangé ; lorsque tout était rassemblé ; enveloppé d'Amour et d'infini...

Lorsque l'âme était désobéissante...

Sous le règne de la nudité et de l'innocence...

Un lieu (une sorte de lieu) ; un espace sans ciel ni chemin...

Les premiers instants du monde...

 

 

Le corps-éclair ; lumineux – foudroyant...

Comme un seul instant sur la pierre...

Et la source dans la semence ; et l'essence dans le geste et la voix ; et le cœur en voyage (sans cesse en partance)...

Le visage de l'aube sur les cimes du monde...

Et le silence qui, soudain, rejoint le présage...

 

*

 

La parole ; étrangement confondue avec le vide ; avec le reste...

Le jour et le monde comme en pointillé...

Et l'esprit (en partie) absorbé...

L'âme poussée jusque dans ses derniers retranchements...

Et la mort qui se perpétue comme si l'on souhaitait supprimer le royaume...

Indéfiniment ; entre l’œil et le secret...

 

 

Le cœur absent – oublieux ; trop malmené – sans doute...

Et le temps qui passe ; dans les poings serrés...

A reculons ; pierre après pierre...

L'homme ; au fond de l'âme – perplexe (assurément)...

Passant de l'écume à la source ; puis inversement ; ne sachant encore mêler l'essence à ce qui danse...

Entre désert et multitude ; le cœur – il est vrai – assez rarement exaucé...

 

*

 

Le ciel – sous ces cils ; l’œil qui cligne ; (forcément) intermittent...

Et sous l'étoile ; le cri que l'on transmue (que l'on parvient, parfois, à transmuer) en parole...

Au ras de l'herbe ; les premières tentatives ; puis, s'élevant (peu à peu) au-dessus de l'écume ; au-dessus de l'épaisseur ; se mêlant aux tremblements et parvenant, de temps à autre, jusqu'à la lumière ; transformant la douleur et la nuit – en quelque sorte ; leur offrant une espèce d'éclat humain...

 

 

Le feu ; la lumière – dans leur quête incertaine...

S'offrant à l'obscur ; réchauffant le cœur ; éclairant le chemin...

Faisant parfois passer l'esprit du gris au bleu ; en quelques pas ; en quelques chants...

Des facettes à la profondeur ; peut-être l'une des plus belles expériences ; comme une perpétuelle invitation au voyage...

 

 

Le bleu ; très haut...

A travers le froissement (quasi imperceptible) des feuilles...

A travers la neige et le silence qui se sont, peu à peu, déposés pour célébrer l'absence...

A travers le sillon creusé par le regard et le feu...

La traversée – l'échappée – l'essentiel du voyage...

Le cœur ravi de jouer avec les ombres et les illusions...

D'un temps à l'autre ; d'un monde à l'autre – les mêmes âmes – les mêmes visages – s'essayant à toutes sortes d'exercices ; creusant la pourriture ; explorant les profondeurs du sommeil et de la mort...

Toujours à la recherche de cette lumière qui leur fait tant défaut...

 

 

Très loin de l'écume et de l'accablement...

La terre et la tête ; assiégées par cette interminable attente...

A hauteur du plus haut désir ; quelque chose de secret – de fragile – de déterminant...

Et devant tant de pertes ; devant tant de possibilités ; l'âme particulièrement tremblante...

 

*

 

Ici – la terre ; et à l'autre extrémité de l'âme – l'oiseau – le ciel et l'oiseau...

Ce que l'invisible ne trahira jamais...

Et entre ; tous les passages possibles ; à l'image de l'arbre...

 

 

Égaré – indécis ; par manque de légèreté...

Sans même s'appartenir – pourtant...

Circulant avec peine – presque aveuglément...

D'une frontière à l'autre ; sans plan précis – sans comprendre – sans même percevoir l'invisible géographie...

Enchaînant les routes ; à la manière d'une triste errance ; vers le naufrage – assurément...

 

 

Sans Autre ; le visage franc ; simple et fragile...

Le cœur sensible à la douleur...

Comme libéré de toutes les frontières ; si poreux au reste que, peu à peu, il disparaît ; comme si tous les territoires avaient été recombinés en espace solitaire – insécable – infrangible – souverain...

 

 

L'existence d'autrefois – survivante et angoissée ; comme arrivée à son terme...

La tête inclinée vers l'étoile...

Au centre du monde de l'homme...

Écartelé(e) – absent(e) – inapproprié(e) – en quelque sorte...

L'âme ignorée ; la vie vraie oubliée ; pas même en rêve ; pas même en songe...

Trop de désirs et de bruit(s)...

Trop d'attente(s) et de larmes...

Trop de visages et de précipitation...

A se balancer entre les Autres et la mort – entre le possible et la promesse...

Et refusant même de s'accompagner dans le malheur...

Rien (presque rien) d'une traversée ; un (très) triste séjour...

 

 

Le cœur – la main – le front – si près du visage et de l'âme de l'Autre...

Jamais oublieux du silence – des tremblements – de la lumière...

Quand bien même marcherait-on à tâtons dans le monde – dans le noir et la peur ; la douleur (désespérément) accrochée à la chair...

 

 

Sous le temps ; déterré comme un trésor – oublié – éparpillé...

Ignoré par tous les naufragés du monde en quête d'une durée – d'un voyage – d'une destination...

Inaptes encore à vivre l'Absolu dans un espace sans repère – sans visage – sans écume – sans remous...

Entre rien et rien ; seul – au milieu de nulle part...

Les mains – le cœur et le regard – vides et ouverts ; comme un immense soleil – brûlant pour lui seul – réchauffant et éclairant malgré lui (sans même l'intention de se célébrer)...

Obéissant aux lois de l'invisible ; soumis à l'ordre (changeant) des choses...

Dans une existence involontairement (presque accidentellement) habitée ; sans le moindre désir – sans le moindre calcul – sans la moindre résolution...

 

 

Comme un basculement du manque vers la plénitude...

Dans une sorte d'étrange (et très provisoire) accomplissement de l'âme et du geste...

Ne refusant ni le drame – ni la cendre – ni les adieux déchirants ; accolés au jour et à la nuit ; se laissant porter par les circonstances ; au gré des vents et des chemins...

 

*

 

Ceux d'avant qui jouissent encore du sommeil ; innombrables – incorrigibles – célébrant, malgré eux, l'absence...

Visages autoritaires ; organisés en colonnes (ou en petits comités)...

Tournant autour de la porte fermée...

Pas même sauvés par la part du cœur (jusque-là) miraculeusement épargnée...

Encore trop peu intéressés (sans doute) par la lumière...

 

 

Des mots clairs (à l'apparence – il est vrai – parfois abstruse) ; en terre si peu conquise...

Trop proches du miroir – peut-être ; trop proches du miroir – sans doute...

Le cœur à découvert...

Se heurtant à la frilosité des âmes et aux impératifs du spectacle...

Paroles sans âge où il n'est question que de silence – d'infini – d'éternité ; offertes à ce monde infime – bruyant – éphémère...

De la beauté et de l'intelligence jetées à la bêtise et à la cécité...

Les oreilles trop basses...

Et le regard droit et honnête face à ceux qui ne jurent que par les jeux – les paris et les dés qu'on lance pour décider des destins...

 

 

La lumière ; encore – au-delà des couleurs et de la joie ; au-delà du voyage et des chemins...

Comme une flèche plantée au milieu du front ; sans détour – sans remords – sans tremblement...

Et ce reste de sable – de cendres et d'errance...

Comme une lente dérive vers le vide...

Au lieu du monde ; au lieu de l'absence...

 

 

La couleur cachée du dedans...

A la fois perte et scintillement...

L'effacement de l'Autre – de soi – du monde...

A chaque instant ; l'équilibre (fort précaire) entre le mouvement et l'immobilité...

Prisonnier(s) de l'enchevêtrement ; puis, s'affranchissant (apprenant à s'affranchir), peu à peu, des mailles...

Juste au-dessus du labyrinthe et des illusions...

Entre les décombres et la sente...

A travers la nuit et le sang ; vers la neige – la lumière – la transparence...

Loin de la débâcle ; comme un plongeon...

 

 

Les yeux à naître...

Sur le monde et le poème...

Dans l'équilibre de la chair et du mot...

A rêver moins ; à être davantage...

Loin des murs ; à travers l'invisible et le sang...

Et l'espace au lieu du chemin...

Et la tendresse au lieu du désir...

Quelque chose qui nous emportera...

 

 

A l'heure où s'achèvera la route...

Sous le feuillage des grands arbres...

Près de l'herbe et de l'oiseau...

Aux fenêtres de l'homme ; le monde lointain...

Et ce retournement du sommeil...

Juste au-dessus des larmes – des illusions – du soleil...

 

 

Le front creusé par la lumière...

Sans la fatigue – sans le naufrage...

Encore la soif ; plutôt que l'abîme ; plutôt que l'épaisseur...

 

10 octobre 2023

Carnet n°299 Au jour le jour

Septembre 2023

L'écart et le désir du monde...

Et ce chemin ; et cette voix – qui nous empruntent ; et l'impossibilité du retour ; et l'impossibilité de l'autrement...

Vers le nord ; le grand large – peut-être...

Hors de l'histoire qui se déroule...

Entre la feuille et l'arbre ; entre le feutre et la pierre ; les pas – les lignes ; et tout ce qui nous précède ; et tout ce que l'on ne voit pas...

La tristesse – les mille désastres ; ce qui crève ; et l'impuissance de nos larmes par-dessus...

Et le bleu encore ; et le bleu toujours ; ce à quoi l'on aspire – invariablement (que l'on soit ou non affranchi des volontés personnelles)...

Ce qui cherche à s'atteindre ; à se retrouver ; dans l'effacement des frontières ; dans l’effacement de la distinction ; à travers le trésor mille fois entrevu ; déjà – au fond de l'âme...

Avec rien derrière ; et l'inconnu devant soi...

 

 

Nous éloignant de toutes les absences...

Qu'importe l'éternité et l'existence des Autres...

Qu'importe les promesses du réseau...

Inévitablement ; nous laissant congédier...

Nous détournant de ce qui (nous) détourne...

Vers l'exil des pas – des murs – des solitudes...

Dans l'intimité de ce qui nous ébranle ; de ce qui nous explore ; de ce qui nous fait exploser ; de ce qui nous fait disparaître...

Avec, à nos pieds, ces éclats de miroir et d'identité...

Et sans moquerie – sans épaisseur – sans surprise – ce sourire face au vide rétabli...

Comme une trouée de lumière dans la brume édifiée [et que le monde solidifie ; et dont chaque geste (humain) renforce la consistance]...

Une terre – une matière ; et de l'ineffable ; à la découpe ; liquidés à bas prix pour la gloire de quelques-uns ; au profit de personne...

Et en attendant la fin – l'inévitable déclin – l'ultime danse des choses – peut-être – ce que l'on aperçoit aujourd'hui ; les derniers tours du monde et du temps avant la grande braderie (qui a déjà commencé) ; avant la grande liquidation – la grande métamorphose qui s'annonce...

 

*

 

A pieds joints sur l'évidence...

Le sans nom ; déjà là ; et qui s'enfonce (encore) plus profondément...

A la manière d'un royaume sous la neige du monde ; et sous les confettis colorés des hommes...

Sans rien saisir des lois ; et de la lumière...

Sans rien savoir (sans rien même deviner) de notre (véritable) visage...

Au service – seulement – de ce qui est là ; de ce que l'on porte ; de ce qui nous habite ; sans même nous en douter...

 

 

Le jour précipité ; au cœur de l'infime...

Comme des vibrations ; un rythme – une cadence ; une ouverture – une perspective – peut-être...

A flux tendu ; à travers les failles et les interstices ; à travers toutes les faiblesses...

On devine ; on ne sait pas ; on n'en sait rien ; qui pourrait donc voir (et décrypter) l'invisible ; à qui pourrait être donné ce privilège...

 

 

L'aube et le crépuscule ; d'un même élan ; dans le même tournis...

Quelque chose de l'immobilité dans le mouvement ; et l'inverse aussi (évidemment)...

Presque imperceptible tant que rien n'a fait silence ; au-dedans...

 

 

Le cœur affaibli ; comme épinglé par ceux qui rêvent d'habiter la lune et de collectionner les étoiles...

Percé de toutes parts ; criblé de flèches enflammées...

En dépit de ceux qui dansent (qui continuent de danser) – les chaînes aux pieds – autour du feu – pour célébrer la vie et l'univers...

Et lentement – l'entièreté de la surface que l'on recouvre de laideur et d'infamie...

Avec des histoires plein les yeux ; et que les lèvres se mettent à raconter...

Avec en guise de médaille ; en guise de tatouage ; les épreuves du monde qui marquent la chair et les esprits...

Soulignant cette arrogance (naturelle) de l'homme (nourrie par sa longue lutte pour la survie et la domination) qui s'imagine libre et brave alors que son cœur et sa langue – que ses mains et ses pieds – sont mus par l'invisible au gré des rencontres entre la lumière et l'obscurité ; sans savoir que tous les fils sont emmêlés à ceux de la danse – à ceux de la trame ; à ceux de la nasse ; et que nul ne peut s'en extraire ; et que nul ne peut y échapper...

Indistinctement ; l'espace et les créatures terrestres ; et tous les yeux prisonniers du même angle mort...

 

*

 

A travers les fureurs et les hécatombes ; les bras soulevés par la peur...

Les reins surchargés ; sur lesquels on entasse tous les objets du monde...

Et ça avance – cahin-caha – au milieu des champs de bataille – manquant de se disloquer – à chaque pas ; et de faire tomber le lourd chargement...

Sans explication ; parmi le long défilé des têtes qui passent ; qui émergent puis qui tombent et disparaissent...

Sur le territoire oublié où le temps file et appelle la mort...

Et la faim crispée dans le sang qui pousse au crime et réduit l'âme à une sorte de bête fauve (et furieuse) qui tente de briser (en vain) les barreaux de sa cage...

 

 

L'air irrespirable du monde...

Vidant le ciel de son essence ; de sa lumière...

Des choses pâles ; des âmes exsangues...

Et le rouge qui nourrit (qui continue de nourrir) la terre ; et le noir que déversent (que continuent de déverser) les cœurs...

Une longue suite de peurs ; puis, des pierres tombales alignées...

Ce qui ressemble à notre histoire ; trait pour trait – notre visage ; notre destin...

Le bleu si lointain ; et même plus de larmes pour pleurer...

 

 

Quelque chose que l'on attend ; et qui tarde ; déjà là – pourtant ; si imperceptible par le cœur (et les yeux) des vivants...

Comme une lumière liée à notre manière de vivre – de respirer – d'entrer en relation avec le reste...

Parfois lueur – parfois étincelle – candélabre (plus rarement) dans la nuit (continue) du monde et de l'âme...

Ce qui se voit – ce que certains voient – comme un nez au milieu de la figure...

 

 

Là où l'autorité s'éclipse ; la joie comme un feu qui crépite...

Les lois arrachées à mains nues ; sur la demande du plus insistant...

Comme une évidence ; l'espace à partager ; les frontières piétinées par la danse...

Relié(s) ; sans autre obstacle – sans autre muraille – que ses (propres) absences...

 

 

Le feutre qui glisse ; le feutre qui danse...

Entre la joie et l'effacement ; sur le désespoir et l'attente ; sans rien espérer ni du monde – ni de ceux qui serrent les dents (ou les poings au fond de leurs poches)...

Apôtre de l'impossible et de l'insolence...

A l'intention de ceux qui parcourent (et cartographient) le réel et l'existence en s'abandonnant à ce qui les excite – à ce qui les éclaire – à ce qui les enflamme...

Funambule sans miroir ; au milieu du vide ; au milieu des vents ; au milieu des siens ; seul – sans personne (évidemment)...

 

 

L'errance encore ; dans ce repli du ciel descendu...

A la lumière des étoiles ; et en silence...

Les mains tendues ; sans impatience...

L'être ; en dehors des rails...

Au grand dam des chiffres (et des statisticiens) ; au grand dam de ceux qui assassinent l'aventure...

Gravé sur la plaque ; le sans nom...

Sous le règne de l'invisible qui se gausse ; et qui s'en fout ; quand bien même remuerait-on la terre et le ciel pour le découvrir ; et vivre dans son intimité...

Pas plus que de la neige qui brille – et qui fond – sous le soleil...

Dans les pas de l'éphémère ; le socle du monde balancé derrière soi...

Et, au loin, ce qui frappe ; ce qui assomme ; la catastrophe à laquelle on échappe...

 

*

 

Dans la lumière ; l'équilibre des ombres ; le fil du temps cassé net ; et les pas qui cherchent l'espace ; ce qu'il reste lorsque tout fusionne ; lorsque tout s'efface...

Le cycle du feu ; puis le vent qui éparpille les cendres ; puis l'eau qui réapparaît ; et dans laquelle naîtra le nouveau monde qui enfantera les générations nouvelles qui s'élanceront avec une énergie vierge (et incandescente)...

Jusqu'à la fin des temps ; et cet intervalle de vide nécessaire pour que tout puisse recommencer d'une autre manière...

Dans cette perpétuelle respiration ; les existences – toutes les existences ; entrevoyant à travers le souffle – chaque instant – l'implacable déroulement de l'histoire – le cours inéluctable des choses ; de vie en vie – de monde en monde – sans que rien ne puisse s'y opposer...

 

 

En aveugle esseulé ; l'irréfutable...

Parmi nous ; le souffle creusé par l'angoisse...

Le cœur en détresse ; comme une absence...

Entouré(s) de murs infranchissables ; à la manière d'une citadelle...

Et nous ; sans perspective obsidionale...

L'essence du monde ; et l'écume tragique bien en peine d'échapper à son destin...

Voué au miroir et au manque ; et à découvrir – ici et là (presque par hasard) quelques éclats de vérité – sans jamais pouvoir réunir toutes les pièces du puzzle...

La risée des Dieux – peut-être ; la risée des Dieux – sans doute ; sur ces rives où la nuit s'est installée...

 

 

Le cœur (vaguement) nimbé de bleu...

La matière – l'épaisseur ; et la lumière en filigrane...

Des ombres clouées au rêve ; et vouées à la possibilité céleste – seulement...

L'ignorance et la barbarie ; à l'intérieur ; projetées sur le monde ; à la manière d'une exhibition – d'un spectacle ; comme un grand cirque ; une foire d'empoigne...

Suivi(s) (presque) aussitôt par les blessures – la douleur – les peines et les pleurs ; jusqu'à l'autre extrémité de l'âme et de la terre...

L'enfance chahutée ; et, peu à peu, désinvestie ; et dans les têtes – plus qu'un rêve d'innocence ; de plus en plus lointain ; de plus en plus abstrait ; un éden disparu – en quelque sorte – devenu introuvable ici-bas – inaccessible aux cœurs tels qu'ils sont devenus...

Et le monde allant vers les os et les fantômes ; à travers le chant et la fatigue des hommes et des bêtes...

La vie éprouvée ; un peu de sable – un peu de sang – un semblant d'existence ; un peu d'éternité...

La ronde funeste des cœurs qui tournent – dans tous les sens – autour de l'abîme et du bleu...

 

*

 

L'espace redessiné par l'esprit...

De plus en plus vide ; comme le monde – l'invisible ; et que le regard continue de creuser...

Comme une présence qui s'ouvre...

Avec, chaque jour, un peu plus de rien (qui éclipse tous les précédents – et qui continue leur œuvre néanmoins) ; jusqu'au règne (absolu) de la lumière...

 

 

Un peu de bleu sur l'écume (sur l'écume blanche) qui feint (qui a toujours feint) l'allégresse et la liberté ; et qui a toujours confondu l'exubérance de la séparation avec l'ivresse de l'essence et la dissolution des contours ; et à laquelle il faudrait offrir un cœur et des yeux (ouverts) pour commencer à voir – à sentir et à comprendre (un peu)...

 

 

Des hurlements ; en face...

Des larmes dans le silence...

Ce qui se tient là ; en déséquilibre (d'une manière affreusement asymétrique)...

Ni jour – ni visage ; l'ombre tremblante de l'enfance...

 

 

Les lèvres trempées dans les hautes eaux de la terre ; miroir des Dieux...

Et le plus funeste à venir...

Dans la perspective de l'horizon naufragé...

Du sable et de la nuit ; sans un seul oiseau de passage ; sans une seule bête rescapée...

Aveuglément ; plongé(s) dans la vitesse et le progrès ; de manière si profonde – si abrupte – si violente – que tout s'inverse – que tout s'empale dans la chair – que tout se transforme en image – en abstraction – que l'esprit déroule (à sa guise) dans la durée...

Existences et pensées vides où ne se reflète – en creux – que le visage livide (et fantomatique) de nos inventions...

La terre saccagée ; négligée – oubliée ; comme tous ceux qui l'ont, un jour, habitée...

Vivant – survivant (à peine) – et mourant – en écrasant le peu qui reste ; sans jamais avoir vu (ni même imaginé) le déploiement (magistral) du bleu...

Seulement une (affreuse) couronne de papier sur toutes ces têtes têtues qui se pavanent dans la plus parfaite indifférence au reste ; sans un seul regard (sans la moindre attention) – ni pour le sol – ni pour le ciel...

L'invention de l'enfer dans lequel nous vivons...

 

 

Tant de pierres portées par les bêtes...

Et tant de têtes tombées par l'épée...

Des éboulis et des amas de chair ; l'empire de l'homme ; sans conteste – le royaume du pire...

L'ivresse de la main agentive – du désir qui se projette – du pouvoir qui s'incarne – élargissant la plaie – aggravant la douleur – intensifiant les cris – déployant sur la terre entière le mythe de la civilisation qui feint d'ignorer son absurdité et sa barbarie...

L'affirmation de soi et la soif de puissance ; et cette (absolue) tyrannie de l'extension – dans la tête de tous les conquérants (petits et grands – illustres et anonymes) ; et l'origine du mal dans le cœur des Autres – de ceux qui nous font face – de ceux qui ne nous ressemblent pas ; et que notre ardeur – et notre influence – altèrent – éradiquent – anéantissent ; fort heureusement...

Comme plongé(s) dans cette longue nuit qui jamais ne verra l'aurore ; des esprits et des âmes piégés dans l'épaisseur et l'opacité...

 

 

Et le geste ; et le cœur – qui creusent l'âme – l'Autre – le monde – la matière et l'esprit ; toutes les géographies – le visible et l'invisible – le grossier et l'indicible – le mouvement et l'immobilité ; jusqu'à l'effacement ; jusqu'au plus rien ; jusqu'au vide ; jusqu'au (juste) retour de l'infini qui pourra (enfin) reprendre sa place (et son rôle) ; jusqu'au parfait déploiement de l'espace ; jusqu'au complet rétablissement de l'intelligence et de la sensibilité ; jusqu'à ce qu'il n'y ait plus personne (ni visage – ni voix) pour inventer des mythes – raconter des histoires – s'approprier le monde...

 

*

 

La compréhension pâle et plate ; comme le corps ; comme le monde ; parfaitement ternes – éteints – bidimensionnels...

Et le regard qui leur offre leur relief – leur couleur – leur éclat...

Un peu de lumière sur les paysages que nous sommes tous (au fond)...

 

 

Saurait-on dire ce qu'est le silence ; ce qu'est le regard ; et ce qu'ils procurent ; et ce qu'ils soustraient ;

Et comment décrire les visages et le temps – l'Autre – le monde et l'Absolu ; ce que nous traversons ; ce qui nous échoit ; ce que nous sommes...

Dans le désordre et la confusion ; des fragments de ce que l'on perçoit ; à l'image du cœur versatile et de la main qui se pose devant elle ; et qui sentent que quelque chose existe – un monde, peut-être, au-dehors et en soi (qu'il nous appartient de découvrir) ; et qui apprennent peu à peu (au fil des expériences – à mesure que la sensibilité s'aiguise) à faire disparaître la frontière qui semble les séparer...

 

 

La voix – de plus en plus – basse ; la bouche – de plus en plus – taiseuse...

Le corps – comme l'âme – de plus en plus immobile...

Et le monde – de plus en plus – transparent...

Quoi d'autre que l'espace ; que le vide – que le centre – que la tendresse et la lumière – que nous avons déjà atteints ; sans rien faire – sans même bouger...

 

 

Grassement offerts ; le destin et le dénuement...

Et l'intervalle sans possession – sous le règne tantôt du cœur – tantôt du sommeil...

Et le parfum (enivrant) de la chair vouée à la putréfaction...

Dans cette lumière qui caresse le visage ; et qui éclaire l'âme – quelques fois...

La solitude constellée de petits riens...

Dérisoire et vertigineux ; le poids de l'existence...

 

 

Dans la démesure du temps ; le royaume du sang et l'énigme de ce qui se joue...

La folie monstrueuse ; à la fois chimère et malédiction...

Face aux déconvenues et à la férocité...

Rien qui n'incite à la tendresse ; à répliquer plutôt – comme sur la scène d'un théâtre d'ombres...

Des surprises et des retournements jusqu'au dénouement de la pièce – jusqu'à la fin du spectacle...

Et l'âme triste et sans souffle ; à la fin [après que le (grand) régisseur a baissé le rideau]...

Avec le ciel comme seul spectateur ; et son silence comme seuls applaudissements...

 

 

La buée de l'Autre ; sa parole – comme une brume intraduisible...

Comme une plongée dans les eaux (assez troubles) du monde...

Les mâchoires serrées pour conserver intact le cri ; cette rage qui fait loi chez les hommes (et, plus encore, chez les assassins)...

Sans même que soit posée la question du vide – du monde – de l'altérité...

Mâchant – et remâchant – (de manière mécanique) cette chair inerte et odorante pendant que les jours (et les saisons) passent ; (assez) inutilement (à vrai dire) ; avec cet affreux rictus – cette sorte de grimace résignée – qui déforme les lèvres épaisses – ignares et grasses...

 

*

 

« Entre » ; porteur, peut-être, de toutes les vérité du monde ; le plus essentiel (sans doute) de cette expérience terrestre...

 

 

A même le ciel ; l'existence installée...

A chercher le jour et la lumière ; déjà présents...

A chercher la tendresse au-dehors alors qu'elle a été assez maladroitement* enfouie au fond de l'âme par des mains malicieuses...

* à dessein – évidemment...

Trop enfoncé(e)(s) dans la matière – peut-être – pour comprendre (et réaliser)...

De la fumée ; un passe-temps ; tous ces gestes sans autre utilité que celle d'emprunter des routes propédeutiques – d'initier un parcours préalable qui, un jour – au détour d'un chemin, pointera vers le centre – à l'intérieur ; ainsi commencera le (véritable) voyage qui nous mènera – après une marche plus ou moins longue* – jusqu'au royaume...

* au cours de laquelle il faudra se débarrasser de tout superflu...

 

 

Sans solution ; le corps – l'esprit...

La matière épuisée ; l'invisible négligé...

Qu'importe notre manière de faire face à l'usure et au merveilleux...

Le sentiment (incurable) du sacrifice ; et des limites trop fréquemment ressenties...

En ce monde ; ces rives et, parfois, cette innocence trop intensément investi(e)(s)...

Comme relégué(s) (en dépit de tous nos efforts) à la périphérie de tous les centres...

L'haleine et le geste (vaguement) saupoudrés d'un peu de lumière...

Le regard (infiniment) triste – dans ce jardin aux allures si terrestres – sur ces destins si provisoires...

 

 

Ressuscitée – sous les paupières – la clarté...

Hors du cercle des songes et des (communes) divagations...

Assez égaré (en vérité) ; sans repère précis ; et, de manière (très) concrète, tournant en rond...

Avec sur les lèvres – le givre des visages ; et les pas englués dans l'épaisseur et le froid ; en plein hiver...

Enfoncé(s) dans la neige – jusqu'au cou ; jusqu'à hauteur d'âme ; au milieu des Autres qui sourient (un peu bêtement ou, parfois, un peu béatement) en s'imaginant vivre sous une bonne étoile ; heureux du minuscule carré de ciel au-dessus de leur tête qu'ils s'obstinent, chaque jour, à repeindre aux couleurs (changeantes) de l'espérance...

 

 

Rien jamais d'offert ; sans la nécessité de se dessaisir – de se débarrasser des scories du cœur – de l'esprit – de la chair – des amas superflus qui encombrent (et étouffent) leur support...

Créatures (pauvres créatures) du monde aux yeux (parfois) sages – aux yeux (parfois) fous – remplissant la blessure de leurs jeux et de leur substance – se livrant à mille rituels – obéissant à mille croyances – à seule fin (s'imaginent-elles) de réduire la distance avec le ciel – avec Dieu ou la providence...

En plein rêve ; en plein sommeil ; et le destin déjà qui s'achève ; et l'âme, au dernier souffle, (passablement) mélancolique...

 

*

 

En pointillé – le voyage...

(Presque) sans jamais croire celui qui parle depuis le dehors...

Sous la lumière blafarde de ce qu'il a appris ; et de ce que l'on enseigne – sans (véritable) expérience du propos...

Trop extérieur – trop à côté – en quelque sorte ; la parole si peu juste ; l'âme si peu engagée ; alors que les circonstances du monde sont si éloquentes...

Le regard des cœurs taiseux ; et le rayonnement des objets ; et ce que dessinent les ombres...

Sans s'encombrer des jeux de ceux qu'ignore l'esprit...

Rien ni personne (bien sûr) ; et le besoin pourtant si farouche (si impératif) de découvrir son identité (véritable) ; et la lignée – la longue lignée ; et la famille (la grande famille) – auxquelles on appartient...

 

 

Des cris ; des effacements ; face au miroir...

Quelque chose qui jaillit ; et quelque chose qui disparaît ; par bribes...

La silhouette de l'âme dont les contours, peu à peu, apparaissent – se dessinent – s'étoffent ; le dedans en creux – en quelque sorte ; dans les interstices laissés par le monde...

 

 

(Pauvres) pénitents peinant sur la pierre ; gravitant autour de la même croix – accablés par le poids du péché ; agitant à tout va leur crécelle ou leur crucifix...

S'enfonçant dans le sillon de la souffrance creusé par leurs (illustres) aînés ; infatigables apôtres de la pauvreté et de la mortification ; chantres du paradis et du pardon tentant de convertir le monde et leur prochain – d'affermir leur foi et de faire advenir ici-bas les lois du ciel à seule fin d'échapper au châtiment divin...

 

 

Sans Graal – sans épopée – sans disciple (sans même le moindre compagnonnage)...

Seul avec le plus secret ; et le plus corrosif ; la connaissance tapie au fond de l'âme...

Face au ciel – face à ce qui se tient devant soi ; les yeux baissés ; la présence (si intensément) rayonnante quelque part dans ses tréfonds (et qui, parfois, irradie jusqu'au-dehors)...

Le visage tourné tantôt vers l'Autre – tantôt vers l'abîme ; dont les frontières, si souvent, se confondent...

Sous le ruissellement continuel de la source qui parvient (un peu) à adoucir l'existence de ceux qui sont condamnés à vivre (et à s'épanouir) au milieu des ombres – au milieu des rebuts – au milieu des pièges et des plaies à vif...

La bouche muette (toujours muette) ; de trop de douleurs ; et sans mot dire face à l'immensité et à l'ordre (assez convainquant) de ce monde...

Se découvrant là ; étrangement au cœur de toutes ces peines et de toutes ces étreintes...

Toutes les créatures – au même titre que Dieu ; de part et d'autre ; (à peu près) partout pour ainsi dire ; les uns bruyants et (Ô combien) saisissables et l'Autre demeurant invisible et silencieux au milieu de tous ceux qui crient (ou dénoncent) son absence*...

* son indifférence ou ses carences...

 

 

Un suaire (un peu suranné) sur toutes les lois et toutes les théories...

L'esprit et la tendresse plutôt que le mythe et l'hécatombe...

L'abandon plutôt que l'assouvissement du désir (et ses innombrables prolongements)...

Laissant l'Autre – l'homme – le monde – sillonner l'écume de long en large ; tourner en rond sans percevoir ni le ciel – ni la direction...

Au cœur du vide – de l'essentiel – déjà ; auprès des âmes et des choses ; aux confins du visible et de l'ineffable...

 

*

 

A chaque instant ; quelque chose de traversé...

Comme une flèche ; la pointe de l'esprit...

Le monde comme il va ; la vie comme elle vient...

Entre le silence et l'intensité...

Un feu et des étincelles nés des cendres de l'instant précédent...

La silhouette qui disparaît, peu à peu, dans les paysages ; après la dissolution du visage et du nom...

 

 

Le geste aussi blanc que la feuille...

Porteurs d'un peu de silence ; d'un peu de lumière – parfois...

Ce qui s'offre ; le cœur naturel et l'esprit poétique ; cette manière (si singulière) d'être au monde...

L’œil ouvert ; et l'âme obéissante et sans sommeil...

Invariablement penché sur l'ouvrage du jour...

 

 

Corollaire du dehors ; la multitude agitée...

Comme contaminée par l'inquiétude du monde et son désir (singulier) d'aventure ; et niant (presque toujours) l'effroi et la frénésie – l'ignorance et la blessure...

A coups de têtes et de répliques (seulement)...

Un peu de soleil ; et qu'importe le proche ; et qu'importe le merveilleux ; tant que persistera dans l'esprit la possibilité de l'après ; la possibilité de l'ailleurs – toutes les conjugaisons (imaginables) d'un autrement...

 

 

Le souffle dissipé ; le souffle réincarné...

Célébrant le ciel et le secret ; la lumière et ce qui se cache (à dessein – bien sûr)...

Ni totalement satisfait(s) ; ni totalement accablé(s)...

Comme écartelé(s) entre l'ordre (la surface) et la profondeur – le fantasque...

Voué(s) – en quelque sorte – à recommencer (inlassablement) sans (réellement) comprendre l'esprit – les lieux et la récurrence...

Abandonnant leur cœur à des bras trop étroits ; ballotté(s) entre l'espace (ses possibilités) – les promesses de ce monde et l'envergure (très limitée) de l'homme...

 

 

Fuyant le nombre et l'histoire...

L'âme attelée aux vents ; se laissant mener vers l'inconnu ; l'impensé ; l'improbable ; le point de non-retour...

Sans défi – sans enjeu ; sans rien gager de soi ; sans engager le monde...

Désertant l'épaisseur et la gravité...

Se plaisant à goûter le bleu dissimulé au cœur des visages et des choses...

Laissant la place à l'errance ; s'abandonnant aux forces invisibles ; malgré notre (inconditionnel) penchant pour l'immobilité sage...

Disposé à l'effacement et au règne de la plus grande subjectivité ; qu'importe ce qui nous fait face ; qu'importe les moqueries – les grimaces et les sourires en coin...

 

 

S'agitant dans leur gangue étroite ; essayant même de danser ou (pire) de s'échapper (à la moindre occasion) ; comme si la liberté consistait à s'extraire (ou à oublier) ; alors qu'elle trouve les sages parfaitement tranquilles – immergés et consentants...

 

*

 

Véritablement ; l'être...

Le blanc effacé pour laisser place à la couleur...

Le monde trop pâle (enfin) éclairé par la lumière...

Sans rien définir ; sans rien délimiter...

Dans le désordre – l'abondance et le foisonnement (qui dissimulent – presque parfaitement – le vide)...

Le fond de l'indistinction par-dessous ce qui crépite et circule ; à travers la danse des éléments...

Le dehors qui tourne autour du dedans ; là où se tient l’œil-maître du mouvement...

 

 

Le monde ; rien – comme volatilisé...

Emporté par les veines ; avec le sang...

Circulant dans le vivre et le vivant...

Traces de poussière (fugaces) jusqu'au dernier souffle ; et après aussi (bien sûr)...

Des corps – des yeux – des âmes ; le visible et l'invisible aspirés et recrachés par le regard ; comme tous les paysages du monde...

La vie qui vient ; la vie qui va ; et tout qui s'arrête ; et tout qui reprend ; et tout qui recommence et continue...

 

 

Envoûté par le réel ; ses profondeurs – ses replis et ses recoins...

Les rails pulvérisés; et jetés contre les fantômes...

En roue libre (à présent) ; en mesure (enfin) d'échapper au monde – aux hommes – aux lois...

Seul ; et sans autre recours que soi (et ce qui est porté au-dedans)...

Allant au-delà des horizons où s'entassent les carcasses ; où s'arrêtent les yeux...

Les vertèbres (parfaitement) alignées sur les étoiles et les pierres du chemin...

Se laissant aller à la dérive entre les bords (inimaginables) de l'immensité...

S'abandonnant à la surprise et à l'émerveillement...

La chair (peu à peu) limée par l'imprévu...

L'âme aguerrie et sensible ; vers le centre et l'essentiel – assurément...

 

 

Et, de plus en plus, cette folle envie de fête silencieuse qui nécessiterait de vivre au-delà du périmètre ; de renverser les tables et les cartes du territoire ; de faire sauter les postures et les points cardinaux ; de faire table rase – en quelque sorte – afin de s'aboucher avec toutes les âmes dénuées de parole [mais pourvues de langage – (encore) incompréhensible par les hommes]...

Le pied (et le poids – un peu lourd – du secret) posé(s) sur toutes les têtes prétentieuses qui continuent à dénier l'Autre (le grand Autre) dans son existence et ses droits ; et dont elles sont (pourtant) le prolongement ; et sans lequel elles ne pourraient vivre...

Bien décidé – à mesure de l'éloignement – à mesure du grand bouleversement – d'envoyer valser les plaintes et les (absurdes) (r)appels à la raison ; pas dupe du grand manège ; pas berné par les ruses et les subterfuges...

Heureux dans la compagnie des humbles – au milieu des rebuts et des sans-voix ; le cœur sensible à leurs vibrations ; sans aucun souci des doigts pointés et du qu'en-dira-t-on...

 

 

Méthodiquement ; la danse ; (presque) le tournis...

Dans la résonance des pierres ; le sel de l'âme...

La marche qui octroie et soustrait ; sous des yeux moqueurs et incrédules ; les (incessantes) transformations de la perspective...

 

*

 

Le cœur et les yeux clos et infirmes ; comme estropiés par la proximité des hommes – du monde...

Par toutes ces ombres envahissantes – qui avancent (toujours) en nombre ; à la manière d'une armée immense ; face à la lumière ; face à l'innocence ; face à ce qui pourrait les détourner de leur tâche ; face à toutes les autres possibilités...

Tout ; happé(s) par le plus commun ; ce que l'on aimerait dire ; et l'interrogation des âmes...

Qu'importe que la parole soit née du silence ; et qu'elle puisse (parfois) se transformer en chant (presque) sacré...

Avec (bien sûr) quelque chose d'immobile dans ce qui résonne ; et quelque chose de l'immensité dans le plus infime...

Ignorant qu'à terme, la multitude sera réduite au seul [sans compter l'incommunicabilité et la solitude de toutes les créatures – de tous les (bons petits) soldats]...

Et ce goût – inaltérable – pour le silence et la tendresse – pour la subjectivité (naturelle) – qui nous sauvera (un jour) de cette triste (et misérable) uniformité...

 

 

Le cœur malmené par cette permanente façon d'invoquer le monde ; de le convoquer à tout propos ; à tout bout de champ...

L'air qui vibre – à travers le jour – soudain vicié par cette référence ; par cette intrusion...

Et les âmes chargées de peines et de paroles ; blessées – défaites – silencieuses – jusqu'à leur dernier souffle...

Contraint(e)(s) de traverser (avant la mort) ce lieu où l'on perd pied ; ce lieu où l'on défaille ; tremblant(e)(s) [tout(e)(s) tremblant(e)(s)] devant ce qui nous quitte ; devant ce qui se présente...

 

 

La danse féroce des créatures animées par la peur et la faim ; et troublée(s) (de temps à autre) par quelques éclairs d'intelligence...

Comme des trouées de lumière dans l'épaisseur sombre et opaque...

Un (minuscule) pas de côté ; les linéaments d'une dérive – peut-être...

A prédire (avec tant de facilité) le sort du monde (inéluctablement) voué à la récurrence des cycles ; aux catastrophes et aux hécatombes ; à moins d'un grand bouleversement que l'histoire opère déjà...

Avec des tremblements sur la pierre et des yeux hagards ; et des âmes perdues...

A travers ce basculement ; emportés (inévitablement) vers l'en-bas ; sans que rien (ni personne) ne puisse s'y opposer...

 

 

Comme un chant silencieux au fond du crâne...

Reflet impartageable du vide et de la liberté ; laissant l'écho se répercuter en contrebas – contre les grilles grises de notre cachot (commun)...

Une existence sans rituel – sans prière – sans sortilège ; aussi naturelle que possible ; l'individualité sur le point de se dissoudre – de s'effacer ; et de s'offrir au reste – à travers un détachement du corps et de l'âme qui apprennent (peu à peu) à se fondre dans l'invisible et la matière ; qui regagnent (progressivement) leur juste place (celle qu'ils n'ont pourtant, l'un et l'autre, quittée que de manière apparente)...

 

*

 

L'infime et l'immensité ; face à face – l'un dans l'autre ; puis, un jour, la rencontre ajournée (comme suspendue)...

Et, à la place, le goutte à goutte ; comme une très longue (et très lente) plongée dans le gouffre...

L'esprit parfaitement engagé dans la chair (sans la moindre explication) ; et qui se frotte (et qui apprend à se frotter) aux parois du vide et du réel ; ce que semble être le monde ; en plus de la multitude...

Et la tête si capricieuse – si défaillante – si infidèle – qui ne se souvient ni du premier visage – ni de tous ceux qui lui ont succédé...

A vivre un instant – une existence ; à vivre pour toujours ; comme si le temps (et le voyage) n'existai(en)t pas...

 

 

Les larmes ; sur le même trajet que la sueur ; de l'âme vers la chair ; de la chair vers la peau ; de la peau vers le monde ; nourrissant la terre, peut-être, des plus invisibles aspirations des bêtes et des hommes...

L'esprit très près des yeux devinant quelques fois les étreintes discrètes (et délicates) du secret et de la matière...

Et avec, de temps à autre, un rire pour se rappeler que nous ne sommes pas réduits, en ce bas monde, au labeur et au tombeau ; qu'il existe aussi un ciel qui, parfois, se laisse entrevoir...

 

 

A pas comptés ; à tourner en rond ; depuis tant de siècles – depuis tant de millénaires ; et puis, soudain, l'emballement et la furie ; le règne du désir et de la vitesse pour le (plus grand) malheur du monde...

Dans chaque œil ; le prix – la proie ; le reflet de ce qui brille ; dans une forme d'aveuglement collectif – primitif et primesautier – totalement généralisé – totalement incontrôlable...

Et la multitude attelée à la tâche ; édifiant – bâtissant – agrandissant – développant ; déployant son ardeur et son imaginaire au profit de sa gloire (jusqu'à la démesure) ; à l'image, sans doute, de son architecture mentale ; œuvrant dans une sorte d’éblouissement obscur...

Et ainsi a-t-on précipité l'histoire – et, avec elle, toutes les créatures de ce monde – dans le piège de l'essor et de la complexification ; sous le diktat de la domination humaine...

Comme soumis aux caprices d'une enfance tardive – fébrile et orgueilleuse ; poussant toutes les têtes à une étourdissante et funeste surenchère ; se taillant (en vérité) un scalp pour l'avenir ; dressant (sans même s'en rendre compte) une large et haute potence au bout de laquelle se balancera bientôt la dépouille de cette civilisation absurde ; et qui, dans sa chute et son pourrissement, deviendra, peut-être (espérons-le), le terreau d'un monde moins bête – moins ingrat – moins borné...

 

*

 

Sous la terre brûlée ; quelque chose qui se débat...

Identique à ce qui circule dans le souffle et le sang...

La vie brute – primitive – invincible peut-être ; malgré sa (très) grande vulnérabilité...

Ce que l'on entend (parfois) se dresser à la verticale ; vers le ciel...

Quelque chose que nul ne peut ignorer...

Comme une vibration dans les tréfonds de l'âme ; le seul legs possible ; le plus précieux – sans aucun doute...

 

 

Des âmes serrées les unes contre les autres ; en dépit de la chair...

Manière (sans doute) de se réchauffer ; à défaut de lumière (au-dedans)...

Comme un grand corps abandonné sous le ciel...

Comme des ombres nées des yeux ignorants...

Reflet (involontaire) du temps originel ; du règne du plus que soi qui, aujourd'hui, appartient à l'invisible – (presque) à l'impossible...

 

 

L'invisible à la place du monde...

Et des âmes vivantes à la place des choses...

En ce lieu ; en cet état – sans conteste...

Du silence – du retrait – de la solitude ; toutes les conditions requises pour rencontrer l'ineffable ; ce qui nous habite...

L'esprit apaisé ; pas même à l'affût ; pas même impatient...

Le cœur libre ; le corps immergé...

Ouvert à l’insaisissable...

Les infrastructures (internes et externes) parfaitement démantelées...

Vide et attentif ; l'âme s'abandonnant – laissant agir les coïncidences et la porosité...

 

 

L'incessant voyage de la matière dans l’œil immobile ; ce qui se meut (indéfiniment) sous la lumière inchangée – perpétuelle ; avec quelques éclipses, parfois, sous les paupières...

Dans l'infiniment rejoignable – déjà ; tous les horizons ; et dans l'intimité inaltérable aussi ; oscillant sans cesse (selon la perspective et les circonstances) entre l'écart (la distance) et l'effacement (la dissolution)…

 

*

 

L'infime – toujours – à portée des yeux du plus grand...

Parmi les pierres et les rafales de vent...

La beauté sans contour ; illimitée et incernable – bien sûr...

Le dehors et les frontières aussi inexistants que le reste ; et le temps qui semble borner l'expérience...

Aussi merveilleux que le poudroiement de la parole parvenue ; au fond – et au faîte – de l'âme...

Dans les fêlures de la matière ; un peu de lumière ; puis, la traversée de l'improbable (dans le meilleur des cas)...

Les yeux fermés ; se laissant guider par ce qui voit ; à l'intérieur...

Dans le désordre ; l'abandon et l'immobilité...

Le cœur qui (enfin) découvre le relief et la couleur du monde...

Et s'approchant ; et s'éloignant ; ce qui aide à changer d'angle (et de point) de vue ; ce qui aide à la découverte de l'inconsistance ; et (en partie – plus tard) à la transformation du regard et à l'effacement...

 

 

Sans légende ; le goût de l'Autre...

Au plus haut de la terre ; les mains soutenues...

Des choses ; indéfiniment ; et émergeant (quelques fois) de la mélasse, un visage – un cœur – une paume tendue ; quelque chose d'apparemment vivant ; vouant au ciel une sorte de culte (vague et imprécis) encombré de croyances, d'appels et de rituels obscurs...

Et nous ; le cœur vide – sans dogme – ni certitude ; accueillant (autant qu'on peut l'être) ; lançant, selon les circonstances, un bras ou une parole pour essayer (en vain) d'extraire les malheureux de leur supplice (et de leur plainte)...

Les yeux tristes ; les poings serrés et les joues ruisselantes ; bien des fois ; apprenant à nous abandonner à l'impossibilité et à l'impuissance ; éclaboussé pourtant (chaque jour) par l'écume et chamboulé par les cris qui montent de ce magma de matière ; au bord du vertige – entre cette rive (légèrement en surplomb) et cet océan de malheurs...

L'âme écorchée par le rude apprentissage de la place de l'homme ; les aspirations coincées entre l'épaisseur de la chair et les grilles du monde ; sous un ciel changeant et silencieux ; énigmatique (à bien des égards) ...

 

*

 

La force de l'en-bas ; une poussée verticale ; comme un chaos rassemblé ; et (maladroitement) redirigé vers l'immensité...

Et le sort des créatures terrestres (provisoirement) scellé ; vouées au voyage – au plus lointain ; dans un perpétuel va-et-vient entre l'ici et l'ailleurs...

Une sorte de danse ; des yeux au fond de la nuit...

Du rien à la plénitude ; puis, de la plénitude au lieu où ont émergé la discorde et le temps...

Et tout au long de ce périple ; la profondeur de l'ombre ; la lumière envoûtée ; et le désir ; et la peur ; et les tremblements de ceux qui parcourent ces rives (un peu) ternes et tristes...

 

 

Le bleu – (presque) toujours arrangeant ; et essayant de s'accentuer dans les pires cas d'obscurité – dans les pires cas d'indélicatesse...

A travers le chevauchement des choses et des visages ; autant que dans l'incise et la pénétration ; l'une des seules réponses au désordre de ce monde – aux carences des âmes ; s'insinuer – imprégner – tout submerger jusqu'à ce que le noir devienne brillant ; jusqu'à ce qu'il puisse refléter la lumière (après avoir absorbé tous les manquements et tous les malheurs)...

 

 

L'âme et l'air ; poussés ensemble dans le précipice ; avant de se mêler au feu et à la terre ; avant d'être plongés dans l'eau ; puis, secoués pour agencer (un peu) la forme...

Entre vertige et turbulence...

Sur la roche et l'étendue ; une masse grise et monumentale ; entre horizontalité et (très) légère inclinaison verticale...

Et le souffle qui apprend, peu à peu, à la traverser ; et à l'habiter (très provisoirement) ; initiant le passage de la matière à la chair...

Puis le gris qui s'assombrit (un peu) jusqu'au brun ; ou qui pâlit (un peu) jusqu'au rose ; éclairé(e) par la lumière qui cherche un interstice ; une anfractuosité pour s'y loger (en quantité infime)...

Ainsi (sans doute) naquirent les premiers visages du monde animé...

Puis apparut le règne du mouvement ; à travers un chahut et un débordement de gestes – de courses et d'ardeur ; qui engendrèrent mille tentatives – mille apprentissages – mille transformations...

Entre collisions et collusions ; entre défi et fragilité ; et après avoir été (très laborieusement et très miraculeusement) façonnée, la matière vivante enjointe, elle aussi, d’œuvrer à la création ; entre réplication et prolongement ; dans les marges (très) étroites qui lui ont été (assez chichement) octroyées...

Toute une histoire – tout un destin ; qui s'écrit – qui se dessine ; et nous autres – là-dedans ; poussés – tirés – brinquebalés – malmenés ; parfaitement enferrés dans le cours des choses et l'évolution du monde...

 

*

 

L'âme miraculée ; qui peut (enfin) se réjouir après cette interminable attente...

Sous l'ombre des ailes d'un grand oiseau noir...

Conservant le rire ; et le souvenir du ciel...

Au cœur de la lumière – déjà ; en dépit des peurs et des corps meurtris...

Et ce que les lèvres murmurent à ce que le cœur devine ; à ce qu'il a (très subrepticement) entrevu...

 

 

Tant d'ombre(s) et de peine(s)...

A être là ; à vivre là ; sans rien comprendre – sans rien découvrir – sans rien décider ;

Côte à côte ; bien plus qu'ensemble...

L'Amour (au mieux) comme un rêve ; pas même un désir...

Et tirant sur nos chaînes ; et secouant (en vain) les barreaux de notre cage ; comme si l'on pouvait briser ses attaches ; s'extraire de sa servitude...

La corde si serrée autour du cou que le moindre mouvement – la moindre tentative d'évasion – nous serait fatal(e)...

 

 

Au sortir du monde ; une halte...

Sans craindre la vie – sans craindre la mort – sans craindre le temps ; sans craindre ni l'après – ni l'au-delà – ni l'autrement...

L'inespéré aux allures d'hérésie ; ressenti avec force – avec clarté...

Et le peu donné à la chance ; jusqu'à la folie mortelle – jusqu'à la gloire des assassins – jusqu'aux confins de l'imaginaire...

Effacée la frontière gardée par les spectres de l'esprit...

Le visage neutre (à présent) ; et tous les masques jetés au feu ; avec les traditions et les lois du père...

Et, à travers les voiles déchirés, la soudaine apparition de la lumière ; les prémices de son règne sur ces rives obscures – sur ces têtes enténébrées...

 

 

A l'instant même de la capitulation...

De l'agacement au miracle...

Des singeries mimétiques au regard singulier ; et la longue suite de gestes conséquents...

De l'inadvertance à l'immobilité...

De l'incompréhension à l'impensable – en quelque sorte ; et tout l'itinéraire à défricher (l’œuvre de l'âme – bien sûr)...

Jusqu'au monde – jusqu'à la vie – jusqu'au cœur – dénudés ; jusqu'au regard vide ; et les pas (toujours) dans le sens du vent...

 

*

 

Cette fatigue tragique qui, peu à peu (si vite), nous étreint ; nous accable ; nous assomme...

A peine le temps de tourner la tête ; de faire quelques pas ; et nous voilà déjà en train de tomber à la renverse...

Qu'importe que la lumière brille encore ; qu'importe que le fond de l'âme continue de désirer...

Des bruits – de l'incertitude ; quelques visages aperçus (au loin) dans la brume ; puis le renversement ; la chute ; le noir et le silence...

Et cette peur qui nous envahit avant d'être happé par la mort...

 

 

A aller ; sans savoir où ; avec quelques restes qui résistent ; qui s'accrochent ; qui ne souhaitent pas quitter les lieux ; qui ne veulent pas abandonner ce qu'ils connaissent...

D'une rive à l'autre ; de jardin en jardin ; entre l'enfer et le paradis ; déjà...

En plus du nombre ; les bruits ; les coups et le sang...

Et ce qui en réchappe ; jusqu'au prochain piège ; jusqu'à la prochaine embuscade ; et la mort au bout de la vie ; et la vie au bout de la mort ; dans une sorte de prolongement – entre recommencement et continuité ; et ainsi indéfiniment...

 

 

L'errance ; jusqu'au vertige ; jusqu'à l'inexistence ; jusqu'à l'effacement...

Et tous les sorts conjurés...

De la vitesse à la lenteur ; et de la lenteur à l'immobilité...

Ce à quoi nous invitent tous les chemins ; toutes les déambulations ; l'essence même du mouvement et de la géographie...

Sous le soleil ; dans la poussière ; cette (très) lente dissolution ; au goutte à goutte...

Le cœur (toujours) collé aux choses – au monde – à la nuit – aux routes qui s'éparpillent et se perdent ; aux paysages traversés ; sans rêve – sans fantasmagorie...

La chair mêlée au reste ; et ce qui subsiste ; le souffle et les yeux – unis au regard...

Qu'importe ce qui nous entoure ; qu'importe l'imprécision...

Des larmes de joie devant l'évidence...

Et cette lumière sur les gestes – le passage ; ce que nous sommes...

Qu'importe la langue – le rythme – la foule ; ce que l'on nous glisse à l'oreille...

L'étreinte silencieuse – inimaginable – entre la matière et l'esprit ; et dans laquelle on s'insère (d'une parfaite manière)...

 

*

 

Le temps écoulé ; jusqu'à la dernière goutte ; jusqu'au dernier grain ; essoré par la terre et le vent ; consumé par le voyage...

Et le cœur immergé dans la coulée puis, dans l'assèchement ; comme planté dans l'entaille...

Persévérant jusqu'au désespoir ; jusqu'à l'abandon...

Et là où il s'arrête ; cessant de battre ; et espérant que le désir le mène plus loin – au-delà...

Et lui ; et nous (par conséquent) – parcourant l'espace par intermittence ; au rythme des sauts et des saccades ; et par à-coups – seulement...

Avec la chair (à porter comme un faix) ; et apprenant, peu à peu, à s'apparier ; à s'emboîter de manière suffisante pour s'élancer ensemble vers l'inconnu ; dans le monde – vers l'étendue mystérieuse ; pour s'essayer à l'envergure promise par les Dieux...

 

 

Au jour le jour ; indifférent aux voix et aux visages (trop) lointains...

Faisant corps avec le monde et le vent ; avec ce qui s'inscrit dans la proximité...

D'intervalle en intervalle ; et se révélant dans le vide déplié – sans recoin...

Traversant, peut-être, les premières frontières de l'impensable...

 

 

A l'image de la vie ; l'homme – simple élément du vivant – tentant (depuis très longtemps) de créer son propre itinéraire – ses propres mondes – son propre destin...

L'évolution de la matière ; le cours des choses ; de révolution en bouleversement ; à travers cette longue série de transformations et de métamorphoses...

Et devinant déjà vers quelle apothéose – vers quelles épreuves – vers quel désastre – mènera cette œuvre collective involontaire et inconsciente*...

* pour l'essentiel des esprits contemporains

 

 

Dans la tension d'un souffle incertain...

Un halètement ; aux marges du monde et du temps ; hors du cercle des visages et des questions...

Comme une forme de présence ; née d'un (très) long surgissement ; créant des obstacles dans l'air qui circule au-dedans...

Rien ; pas même une inclinaison de l'âme ; une sorte d'accident – une manifestation involontaire (née de trop de désir et d'un empêchement)...

De la fumée qui a obstrué – et lézardé – le dispositif naturel...

A la manière d'une ombre qui s'est insinuée ; et qui, avec elle, a apporté l'absence ; une certaine orientation...

Favorisant – sans conteste – une altération des possibles ; de la lumière en moins ; condamnant cette existence à une forme de demi-mesure ; à une diminution (assez drastique) des capacités habituelles ; et l'acheminant (lentement) vers son épilogue...

A bout de souffle ; comme une lacune susceptible de provoquer une (conséquente) soustraction des jours...

 

 

Sans pouvoir ignorer l'élan et l'inscription...

A la verticale du monde ; les soubresauts de l'âme qui se débat avec l'indifférence (pathologique) des visages et les (innombrables) surprises du voyage ; ce à quoi on se sent (malgré soi) relié ; en dépit du nombre de dépouilles (qui s'accumulent d'une extravagante manière)...

 

*

 

Le cœur noir et flétri ; comme recroquevillé dans l'ombre ; sans rien – sans l'Autre...

Défaillant ; et insensible aux cris de l'âme qui cherche le jour – le monde – la lumière ; des vibrations et des rencontres ; du vent et de l'intimité ; pas une caverne obscure et hermétique...

Des étreintes avec ce qui passe ; même furtivement ; même des amours à la dérobée ; de quoi enfanter de la différence et du toujours ; un peu de l'Autre ; un peu d'éternité...

 

 

Ce qui reste en retrait du murmure ; derrière les lèvres entrouvertes ; quelque chose du mélange et de l’ambiguïté ; entre l'élan et le silence...

Un visage – un parfum – un secret – que l'on aimerait (à la fois) partager et conserver pour soi ; le signe d'une immaturité encore – d'une incompréhension ; impossibles, peut-être, à dissiper...

 

 

Sur la courbe enraillé(s) ; un séjour au cœur de l'abîme...

Entouré(s) de chutes – de menaces – d'ignorance...

Condamné(s) aux élans et aux agissements...

Comme poussé(s) vers l'avant ; dans les traces des précédents ; et devançant de peu tous les suivants...

Périple sans au-delà ; destin sans dérobade...

Le cœur abandonné ; sans écho – sans résonance...

Façonné(s) pour le geste et l'action ; et le reste comme atrophié...

Vivant la déchirure et (presque) jamais la transformation...

 

 

Comme une main hagarde tendue vers le monde – la misère – les cœurs déchirés – les corps infirmes et mutilés – les âmes hantées par le manque et l'absence...

En vain ; tant tout est soumis à l'ombre et au rêve ; tant le chant et la fièvre (si souvent) se confondent ; tant la terre est blessée et la fable monstrueuse...

 

*

 

Ce qui nous sied ; là où la lumière va ; là où l'âme se faufile (parvient à se faufiler)...

Près du bleu ; (tout) tremblant ; près du monde qui tourne...

Sous les bruits intermittents ; là où suinte le sang ; là où s'enferrent les yeux fermés...

Partout où nous sommes ; partout où nous nous obstinons...

 

 

Le regard et l'espace ; se confondant (parfois)...

Et cette ombre grandissante sur le monde – sur les visages qui ne savent pas ; qui n'osent imaginer que par à-coups de peur que le ciel ne se fende ; que le feu ne se propage sur la terre ; jusque dans le cœur et la parole ; et que tout ne devienne invivable et incandescent ; et que l'odeur de ce qui brûle ne soit infecte et insupportable ; et qu'après il ne reste que des cendres ; des cendres et des regrets...

Des existences où ne régneraient que la nostalgie de l'enfance et la possibilité d'un avenir sombre ; qui (nous) éloigneraient (inexorablement) de la maturité et de la joie...

 

 

Là où se cache le plus précieux ; le secret des Dieux et des vivants...

Derrière ; encore derrière ; toujours derrière...

Au cœur de l'invisible ; et comme mélangé au reste aussi...

Perceptible depuis la perte ; et qui grandit ; et qui redresse l'âme – à l'instant même où il a été découvert – et reconnu ; et qui transforme la débâcle en une grande fête silencieuse ; et qui amorce un grand voyage qui offrira à chaque pas – à chaque paysage – au moindre geste – le bleu et la joie qui leur manquaient...

 

 

En secret ; la dissolution et ce qui – en soi – goûte et jubile – sans rien attendre – sans rien affronter...

Qu'importe l'hostilité (et la violence) du monde ; qu'importe les offenses et la douleur – les ténèbres et la mort ; partout – le règne du jeu et de la danse...

 

*

 

Le gris encore ; seul reflet de l'homme d'aujourd'hui...

Comme les objets ternes que le cœur amoncelle...

Paysages de toujours ; dans cet espace apparemment saturé...

Des choses à faire ; et du temps à tuer ; sans très bien savoir – sans très bien sentir – ce qui flotte autour des corps et des âmes...

Et, parfois (trop rarement – sans doute), un rire – une étincelle ; comme pour se rappeler du bleu ; et quelque chose de notre présence ici-bas – sous ce ciel changeant et mystérieux...

 

 

Rien qu'un nom pour définir ce si peu de chose ; à peu près rien ; un souffle fragile et provisoire ; un bout de chair infime et (à peine) saillant qui semble (très légèrement) émerger de la masse sombre et grise composée de milliards d'Autres dont les postures et les gesticulations donnent sa couleur et son mouvement à la matière ; une sorte de magma (quasi) immobile qui semble se déplacer au milieu de nulle part – piétiner dans le vide ; un peu de bruit – quelques bousculades – quelques gémissements – des heurts – des remous – des secousses ; mille contusions – mille fêlures – mille échanges – mille passages – lorsque les éléments se frottent ou se rencontrent ; de l'air (un peu d'air) qui tourbillonne...

 

 

Contre la terre ; le front obstiné...

La nuit si parfaitement partagée ; blanche – spectrale ; teintant jusqu'à la lumière du jour...

Et le reste – angulaire ou arrondi – parfaitement réel – (bien) plus qu'emblématique ; comme une évidence...

La danse du vide ; à la manière d'une épopée – entre le ciel et la terre ; l'impérative nécessité de l'espace...

Haut ; plus haut que le rêve ; que le désir et le rêve ; l'expression de l'Absolu à travers ses prolongements ; à travers toutes ses possibilités...

La seule ambition qui soit [entendable – (réellement) raisonnable] ; dans cette confusion des esprits qui tremblent à l'idée du monde ; à l'idée du bleu ; à l'idée du grand mélange ; à l'idée de la séparation (apparente)...

Peu certain(s) [si peu certain(s)] du socle sur lequel se sont bâties les légendes et les civilisations – toutes les histoires humaines ; ignorant(s) – en définitive – ce qui est vrai (ce qui existe – ce qui est vivant) et ce qui relève du mythe et du mensonge...

 

*

 

La voix encore ; qui chuchote à l'oreille de l'âme...

La bouche muette ; le geste à la place de la langue...

Le cœur ouvert ; lumineux ; de cette lumière qui n'appartient à personne...

La solitude rayonnante ; tous les liens en évidence ; sans rien demander...

Au faîte de l'écoute ; le silence et le rythme du monde...

La joie sans intermittence...

 

 

Sur l'épaule ; le souffle de l'espace ; tendre – léger – sensuel – amical ; si singulièrement impersonnel...

Les choses ; simplement ; et quelques visages – parfois...

Le vide – le monde – la lumière ; et l'esprit sans attente – sans mémoire...

Le silence et le chant des oiseaux ; ensemble – en paix – sous les frondaisons...

 

*

 

Du visible à l'invisible ; d'un seul regard...

Seul(s) à nous accompagner...

Le feu au-dedans ; et le rire face au monde ; face aux étoiles...

Devant cette immensité qui (nous) laisse sans voix ; si minuscule(s) ; sauf le cœur et les yeux...

Comme une fenêtre à travers laquelle on aperçoit la vie qui défile ; le destin qui se déroule ; le temps qui semble passer...

Du noir et de la lumière ; dans leur danse obscène et merveilleuse...

 

 

Le sourire ; les jours illuminés...

Tournoyant comme un grain de sable dans le vent...

Sans nom ; le monde ; aussi proche que présent ; sans se départir de la vitesse et des reflets ; si indistinctement ; là où nous sommes ; déjà arrivé(s)...

 

 

Le monde et le silence ; jamais entiers – jamais soumis ; et que nul ne peut conquérir...

Et qui réprouvent la haine et l'appropriation ; à travers tant de malentendus...

L'histoire de l'homme ; et ses mille dynasties ; et ses mille civilisations...

Cette hégémonie dictatoriale ; ce déferlement de violence ; écrasant et asservissant le reste (et l'essentiel des siens) ; avec le prétendu assentiment de Dieu et des étoiles...

Ce grand cirque présomptueusement ascensionnel ; comme si l'on pouvait échapper au déclin et au pourrissement...

Comme la terre et le ciel ; comme la matière ; comme la langue et la mémoire – provisoire et mouvant – inconsistant et périssable ; un peu d'air – à peine une idée ; et quelques images dans les yeux peu clairvoyants...

Tout voué à l'abîme et à la transformation ; soumis à cette volonté farouche de l'Absolu qui chérit la métamorphose de ses constituants qui (pour la plupart) s'imaginent croupir dans une inaltérable obscurité...

 

*

 

Le cœur acquiesçant...

Comme le jour...

La main caressante...

La voix que l'on reconnaît...

Les lèvres que l'on attend...

Et ce long frisson sur la peau...

Son visage – son souffle ; tout proches...

Et cette tendresse offerte ; et, sans cesse, renouvelée...

 

 

Ensemble ; le rire et l'enfance ; dans la poitrine ouverte...

Le ciel se répétant la prière (maladroite) des hommes...

Un tour de soleil comme un tour de manège...

Le bonheur autour des yeux...

A moins croire ; et à voir davantage...

Le cœur comme seule boussole ; comme seule lumière...

 

 

D'une abstraction à l'autre...

Du sable – du vent – entre les doigts...

Et en un éclair ; l'explosion de l'absurde...

 

 

Toutes les mains du monde tendues ; l'essentiel pour prendre (ou quémander) ; et de très rares pour donner (ou secourir)...

Chacun tentant sa chance ; trouvant, ici et là, un peu d'or ou de tendresse ; parfois un peu de lumière...

La terre creusée – et parcourue – de long en large – à la recherche d'un cœur – d'une aile – d'un rire – d'un visage ; ce qui pourrait nous hisser – pour un instant – vers le ciel ; ce qui pourrait nous extraire de ce bourbier...

 

 

Le cœur emmuré ; avec des restes (assez) conséquents d'indifférence ; dans la proximité du monde et du secret...

Sans même savoir ce qui circule avec le sang...

Si incrédule(s) face aux cris – face aux ombres – face aux souvenirs du premier royaume...

 

*

 

Les yeux habités ; comme une fenêtre ouverte – un territoire infini – une lumière sans reflet...

Au milieu des Autres et de la nuit...

Porté(s) par le regard franc ; et la voix vierge...

Promu(s) par le silence ; et le visage de l'innocence...

Quelque chose de la beauté ; capable de faire taire la douleur et les cris...

 

 

Assis sur la pierre ; l'herbe plus haute (beaucoup plus haute) que le nom ; et ce sourire sur les signes et les dates – sur tous les reflets de l'ineffable (qui défilent en ordre dispersé)...

Le corps dissous dans la matière environnante ; vivant (éminemment vivant) et presque imperceptible ; la force à l'intérieur ; et les yeux posés sur le vent...

L'âme dressée vers le ciel ; déjà...

Face à la mort ; confiant ; ni peur – ni adieu ; comme une tendresse – plutôt ; une forme (parfaite) d'abandon...

 

 

La route intime ; dans le sens du contraire...

Anonymement ; dans l'espace ; l'éloignement ; puis, le retour...

Le souffle à travers les circonstances ; par-delà toutes les chimères et toutes les inventions...

Le monde – encore ; et, sous ses (multiples) masques, son vrai visage...

L'apparence ; et tous ses miroitements...

L'abîme et le vertige...

Mille fragments de l'esprit...

Et cette fièvre ; jusqu'au non-sens...

De jour en jour ; vers la chute et le dénouement...

L’œil et la voix essayant d'échapper au brouillard...

Sur la crête ; cette piste lointaine (peut-être imaginaire)...

Et cette soif ; cet élan vers le plus proche...

La vie miraculeuse...

Et la main folle – et fière – de ses crimes...

Et la possibilité du rêve ; et la possibilité de soi ; au cœur des mêmes profondeurs...

 

 

De manière décisive ; l'ignorance et l'immobilité...

L'éclipse et le viatique...

Dans la même flèche ; vers le centre [inversé(e) par l'aube]...

Et sous la même lumière ; la faim et les prières ; et quelques conversions – parfois...

Des paysages ; des trappes et des chemins...

Quelque chose du manège et de la circonvolution...

Autour du mythe et du mystère ; cette danse – ces agenouillements ; cette folle agitation...

 

 

A s'exhiber devant l'incertain...

A sillonner les crêtes et l'étendue...

Et dans son sillage ; des restes de signes – des paroles à décrypter ; qui invitent les lèvres à abandonner leur psalmodie pour se tourner vers le silence...

L'âme vide et égarée face au ciel ; face au monde ; plongée (en quelque sorte) devant le même abîme...

Et dans les arcanes de la solitude et de la joie ; la découverte (inattendue) d'un royaume insoupçonné...

 

*

 

Vacillant ; dans le silence ; les lèvres muettes – juste un sourire ; un sourire et le vent...

Face aux visages ; notre voix (ou celle d'un Autre – qu'importe)...

Du jaune partout ; sur ce fond bleu immobile ; comme de l'or...

Et le monde qui tourne (qui semble tourner)...

Et le temps qui passe (qui semble passer)...

Et le mystère toujours ; dans lequel chacun est plongé...

Quelque chose à la main ; et que la mort emporte...

Et nous ; tant de fois écartelé(s)...

 

 

Sans même le désir ; les yeux qui pétillent...

Sans même les livres ; sans même le monde ; à la même fenêtre – l'espace...

Cette succession d'instants dans la lumière...

La joie dans l'âme ; dans l'encre et dans la voix – pour célébrer cette danse (étrange) entre l'écume et le mystère...

Et la place (solennelle) de l'ombre...

Comme une (très singulière) entrée en matière...

 

 

Le cœur comblé ; insaisissable et sans réplique...

Fouillé depuis des millénaires pour y trouver le secret (mal enfoui) ; la réponse au mystère...

Et aujourd'hui ; la caresse et le coutelas pour seule sagesse...

Ce qui accueille et ce qui tranche (le moindre superflu) ; dans cette myriade d'êtres et de choses – ce flot d'images insensé(es) – la plus infime croyance...

Ce qui (nous) gouverne comme un somnambule en proie à la folie ; et qui rêve (malgré lui) de faire basculer le monde dans sa chute...

Et tous les remparts ; et toutes les histoires ; anéantis d'un seul regard ; et que la main balaie d'un geste (très) précis...

Et ce qui subsiste ; le verbe (la parole rare et vraie de celui qui s'est abandonné à l'inexplicable) ; les contours (si variables) de l'âme ; l'absence de frontière ; et le centre qui avale tout ce qu'on lui offre ; pierres – mots – noms – objets – visages – fatigue et prières...

Indéchiffrablement ; sans doute – le plus élémentaire...

 

*

 

Au cœur de l'intime ; tête renversée...

La douceur sur les lèvres...

Le monde et la lumière ; si proches...

Le souffle sur la peau ; et le silence...

Le jour et la vie...

L'âme et le ciel...

Et passant ; et demeurant ; à la fois – sur cette terre ; comme la fleur et l'éternité...

Sur la roche ; éclairée par le soleil ; rien qu'un peu de glaise ; rien qu'un peu de boue – l'énigmatique reflet du mystère...

 

 

Là ; dans notre misère ; et notre splendeur...

Et tous ces besoins bégayés par la bouche...

Et toutes ces merveilles cachées au fond du cœur...

Comme un grand voyage ; partout (ou à peu près)...

Et le parfum de la douleur ; là où se posent les pas ; et plus loin – là-bas – toute la fortune à venir ; sans voir ce qui nous file entre les doigts...

 

 

Le ciel ; au-delà – comme une exaltation...

Évaporés ; le corps – l'âme – la moindre frontière...

Sans défense ; sans rien (pouvoir) saisir ; plus qu'offert – à la merci...

Si présent ; si disposé ; et si (incroyablement) disponible ; dans la haute intensité de l'inconsistance – le mystère (partiellement) ressenti...

L'espace réunifié ; l'invisible et la matière ; indiscernables – entremêlés...

Plus ni lieu – ni nom – ni chair ; la joie et le feu dans le regard ouvert ; et le cœur désobstrué...

La nuit pourrait bien tout envahir ; l'esprit (de toute évidence) s'en moquerait...

 

 

Sur la route squelettique ; qui se perd sur l'étendue ; avalée peut-être ; avalée sans doute...

Et avec elle – tous les espoirs ; nous abandonnant à ce qui subsiste ; à ce qui demeure lorsque l'invisible remplace le monde...

Le cœur dans son rythme singulier ; la chair dans sa forme particulière ; très pacifiquement (très involontairement) identitaires ; le souffle et les yeux – intacts et déployés ; et le reste dans la confusion ; la chair rouge mêlée à la terre noire et aux pierres blanches...

A travers l'infinité des combinaisons – le règne du possible...

 

*

 

Ce qui se savoure ; sans pourquoi – sans comment...

Des bribes de rien ; un ruissellement de joie...

Ce qui nous appartient ; pas même l'empreinte de nos pas...

De la reconnaissance ; au fond des yeux...

Comme un visage trop longtemps oublié...

Des larmes ; et le plus sauvage...

Ce qui bruisse dans l'être ; à la place du monde ; à la place des cris...

Cet indescriptible frémissement de l'infini entre nos murs de chair...

 

 

Et ce vent qui nous empale ; qui nous enfile ; comme si l'on était des perles – comme si l'on était des proies...

Dans la longue suite de morts ; en rangs (très) serrés...

Parfaitement incapable(s) de comprendre – et de suivre – les rouages du mécanisme ; cette machine qui semble briser les élans et qui, en vérité, les prolonge – les déploie – leur offre un regain d'ardeur ; sans compter (bien sûr) la félicité...

 

 

Le geste juste et audacieux contre la tyrannie du monde ; de l'Autre...

Cette solitude enchantée qui côtoie le ciel – les cimes ; et les songes ancestraux...

Ce qui pactise avec l'écho ; la moindre résonance...

Le cœur affranchi de tous les sédiments...

L'esprit sans cesse renaissant ; échappant au doute et au ressassement ; libéré de cette terre dévastée par les malheurs...

Et l'âme ; alliée du plus vaste ; devenue intouchable en quelque sorte...

 

 

La voix hantée par l'invisible ; le mystère jusque dans ses récréations ; comme la chair (et toutes ses substances)...

Au milieu des sables que le vent soulève ; et emporte...

Plus qu'un décor ; l'âme immergée dans le supplice – dans la douleur et l'abandon...

Au lieu exact où naissent les cris ; l'envie de fuir ; toutes les nécessités...

Dans cet espace nu ; tremblant ; vacillant – sous le regard ; comme un vertige face à ce que l'on ne voit pas...

 

*

 

La couleur du ciel ; et la vie pleine d'autre chose ; sous cette épaisseur un peu sombre...

Par-dessous le refus et la mélancolie...

Le temps arrêté ; la faim suspendue...

Et la bouche qui ne sait que dire ; et qui, parfois, se calque sur le cœur ; et l'expression des yeux ; plus étincelle que lueur ; bien plus que les mots...

Et, en creux, l'invisible ; le jeu et la joie qui se célèbrent...

En ligne directe avec le plus sensible ; le plus lumineux...

 

 

S'accompagnant ; plus qu'idéalement...

Dans la vibration et le clignement...

Jusque dans cet antre où tout résonne ; où tout rejoint l'imperceptible...

Sur le grand registre du monde ; la lumière qui sélectionne le meilleur ; en laissant (toujours) la place au pire...

Le merveilleux ; sur la partie de l'âme – et du visage – qui s'ignore(nt) ; sans autre langage que la tendresse...

 

 

Sans hâte ; la boucle infinie à réaliser (involontairement)...

Plus nu(s) et plus intense(s) ; à mesure du périple...

Moins aride(s) et moins assoiffé(s) ; aussi...

Sous le même soleil ; exactement ; le reste, peu à peu, délesté de son statut de décor et d'instrument...

Partout ; la possibilité du merveilleux et de la transition...

Avec le vent ; toutes les douleurs ; et toutes les questions – emportées...

Et la blessure qui s'ouvre et se referme ; à mesure de la compréhension...

Sans appel ; le regard et le jour – pourvoyeurs du plus précieux ; au cœur même du secret ; l'âme – la chair – le trésor – la tendresse et l'esprit...

 

 

Autant néant qu'absence...

Ici comme ailleurs ; le même nulle part ; et le même désir (stérile) de conquête et de domination ; comme si l'on ne possédait pas tout déjà ; comme si le manque gouvernait encore la tête ; comme si l'ignorance était maître de l'âme...

Au corps à corps ; et inscrit(s) au cœur de la distance ; la même séparation ; la même fragmentation de la matière et de l'espace ; les yeux et le cœur soumis au même sortilège...

 

*

 

Le surgissement de la joie ; ce qui disperse les malheurs ; et ce qui se cherche encore...

Pas de mots ; contre les ombres ; avec tendresse...

Les siens – partout ; sous ce grand ciel...

Et ce bleu au fond des âmes...

Dans la poussière et le sang ; et le rire qui, peu à peu, creuse sa place ; dans ce détachement des choses et des visages...

L'espace libre ; le ciel et la possibilité d'accueillir ; qu'importe les nécessités de vivre...

 

 

Comme un bruit de feuilles et d'écorce ; au fond de la voix...

Au milieu des grands hêtres ; inspiré par leur beauté et leur lumière...

Dans la même chambre ; au-dehors – avec le reste...

Dans la surprenante intimité de l'invisible et du merveilleux ; à cette place que l'on nous a offerte...

 

15 septembre 2023

Carnet n°298 Au jour le jour

Août 2023

Dans l’éparpillement du sens et des visages...

La chair indistincte de la pierre ; et ce cœur énorme – immense – qui bat au rythme des chants qui montent – des poitrines vers le ciel...

L'envergure et l'éternité ; vivant à travers ce qui passe...

Une courte halte ; le temps (si bref) de l'écume et de l'épaisseur...

Qu'importe les fenêtres et l'opacité...

L'âme enfouie dans son absence ; et condamnée – comme le reste – au tumulte du monde – au désordre des choses...

 

 

A s'étrangler dans la dissemblance...

Le cœur haineux et lézardé...

Et la parole reléguée au dogme et à la propagande...

Au cœur de cet étrange cortège – épargné (jusqu'à présent) par les vents – en attente d'un chemin plus large – plus ouvert – plus fécond – qui ne pourra s'offrir que lorsque l'esprit saura s'arracher au désarroi et à la puissance des certitudes...

 

*

 

Vie mensongère sur les lèvres trop bavardes ; dont s'habillent toutes les âmes oublieuses du Divin ; qui rêvent de parures et de couronne princières...

Choisissant (malgré elles) le gouffre des miroirs et des éclats plutôt que la longue (et sinueuse) route vers la vérité...

A s'imaginer respirer auprès des Dieux ; auprès des rois ; et oubliant que leur ventre est rempli de vers et d'excréments...

 

 

La peau nue ; et l'âme barricadée...

Le cœur derrière ses barreaux de chair – derrière ses grilles d'images et de mots...

La respiration du monde ; comme oubliée...

A s'endormir, chaque soir, entre le ciel et les malheurs ; l'esprit condamné à choisir – croient-ils – en imaginant leur corps pourrir au fond d'un trou...

 

 

Du vent – toujours – vers l'invisible...

A travers la mémoire qui s'épuise...

A travers les étreintes du temps...

La terre immobile ; et régulièrement submergée par les eaux de la tristesse...

L'âme ; couleur de neige – couleur de ciel ; regardée comme la résistance la plus haute à l'esprit de l'homme...

Au cœur du sommeil ; des tourbillons de rêves et d'insomnies ; mêlant leur langue et leurs frontières...

Jamais séparé(s) de la torpeur ; la danse – le monde ; ce qui tournoie avec le reste ; les alentours ; au plus près de l'essence des choses...

 

 

Sans nom – sans signature...

Simple réceptacle – entre l'enfance et le cri ; là où s'esquissent le destin et les pas ; en amont de l'oubli ; en ce lieu qui appelle au retour – à traverser l'ombre et la terreur pour retrouver l'innocence initiale ; et pouvoir (ainsi) rejoindre le silence et la lumière...

Une manière (assez méconnue) de vivre la joie et l'étonnement perpétuels...

 

*

 

Au dernier degré de l'innocence ; la neige...

Loin du brouillard et de l'attente ; des esprits fats et des âmes empesées...

Le cœur tendre ; aussi bleu que la route ; aussi rieur que le ciel – applaudissant la parole vraie – les bras affectueux – les gestes qui cajolent ; et barrant la route à toutes les images – à toutes les ruses –à toutes les illusions de ce monde...

Sans rien penser ; la douceur de ce qui se tient en retrait ; et l'ardeur de ce qui tranche l'ignardise et la prétention ; derrière la figure (changeante) d'un Dieu vivant ; le plus nécessaire (sans doute) ici-bas...

 

 

A l'ombre des mots et de la mémoire...

Dans l'insécurité du refuge...

Hors du cercle ; et hors du silence...

A travers ce qui peine et résiste...

Si éloigné encore de cette respiration ample et naturelle – sans artifice – sans aménagement...

A chanter au milieu des ruines – dans la pénombre commune...

La tête inclinée contre la nuit – contre la pente...

Sous le rire franc de la lune rousse...

 

 

Rien d'inavouable dans le cœur des assassins...

Dans cette chair – sur cette terre – qui pousse au crime tant la faim et l'ambition semblent indépassables...

Sous le règne d'une morale sans perspective où s'affrontent les partisans de l'armistice et ceux qui prônent la flagellation...

 

 

Au-delà de tous remèdes ; le regard et les lèvres aimantes ; gorgés de silence et de joie ; s'offrant (d'un même élan) au ciel et à la poussière ; sans rêve – sans exigence ; (sûrement) l'une des seules possibilités en ce monde...

 

*

 

Moins à dire qu'à comprendre...

Dans le silence et la grâce ; quelque chose du vent et des étoiles ; poussière vagabonde – poussière changeante – en quelque sorte...

Et la mort – belle – majestueuse – admirable – complice – qui a tout envahi ; jusqu'aux entrailles du plus personnel...

 

 

A revenir – encore et encore – pour embrasser ce qui peuple la terre...

Aujourd'hui comme hier ; et demain comme aujourd'hui ; au-delà des saisons et du temps – au-delà des âges de l'homme et de la pierre ; au-delà même des âges cosmiques...

Le visage penché sur ce qui souffre ; sur ce qui gémit ; sur ce qui appelle (et réclame)...

Et venant ; comme pour offrir au reste ce qui leur est dû...

 

 

A l'ombre de l'éloignement...

Dans la neige qui s'épuise ; quelques traces ; une lumière fragile – sur le point de s'éteindre...

Comme échoué(es) sur ces rives perdues ; l'âme et la parole...

Et cette voix ; et cette présence ; si ignorées du plus commun...

A traverser le monde comme les oiseaux qui jouent dans le vent ; d'un air enjoué ; et sans laisser la moindre trace de leur passage...

 

 

Sur la pierre bancale et éphémère ; le temps parvenu – le temps sacrifié – comme sur un trône de papier...

Au milieu des fleurs colorées – indifférentes à toute mainmise – à toute autorité...

Dans les bras du soleil et des saisons ; comme si elles détenaient la clé du passage qui affranchit des siècles et des heures...

 

*

 

A perte ; toute poursuite...

Plutôt l'immobilité...

L'accueil plutôt que la mémoire et la volonté...

Tantôt naissance – tantôt silence...

Comme l'éclosion des corps ; ce qu'enfante la semence des Dieux...

En cercles (presque trop) parfaitement circonscrits...

A vivre sous le même soleil que les fous...

 

 

Le coin de l’œil plutôt philosophe...

A contempler les luttes et les concertations...

Découvrant, peu à peu, la source de la tendresse ; et la couleur des yeux aveugles ; et toutes les douleurs de ce monde (sous l'indolence apparente)...

A grand-peine ; cette reconquête du rien – de l'espace ; aussi épique que l'aventure des arbres en ce monde...

 

 

Brusquement ; l'invisible au lieu de la cécité...

La même poussière – pourtant ; mais délivrée de la tristesse...

Un visage à la place de l'ignorance...

Déjoués ; le jeu et la vitesse...

Et le bleu (bien sûr) qui a remplacé l'abîme et la nuit...

Dans le cercle – sans frontière – des circonstances...

Sans trace – sans reflet – en dépit de la multitude ; en dépit de l'abondance...

 

 

A l'écart des apparences ; à proximité de ce qui s'efface...

Au cœur de la source – du mystère – du périple ; au centre du triangle d'or – en quelque sorte...

Inscrit dans le lieu du tumulte et de la bonté ; à se laisser porter par le monde et l'indigence ; au milieu des courants – cette solitude – peuplée – amoureuse – aimante – (très) joyeuse...

 

*

 

Par-dessus la tête des fous...

Sur la route ; abandonné(e)(s) ; la nuit – les âmes – le monde ; et les pas vacillants...

Loin des foules hystériques et des histoires qui ravissent l'esprit des hommes...

Au-delà des mythes ; au-delà des fables et des rêves lénifiants...

Lentement ; le regard – attentif à ce qui respire ; à ce qui est vivant...

Ôtant le poids sur les épaules...

La souffrance ; et le reste ; à la merci de la lumière...

 

 

Aux malheurs du monde ; la réponse (mesurée) des feuilles noircies...

L'âme tremblante ; et ce rien de lumière offert par les gestes et les mots...

Et cette joie dans le sillon des pas ; sur le sol tremblant...

Comme autant d'étreintes ; et de coups de pouce – à ce que l'on appelle le destin...

 

 

A écrire ; la parole enfouie dans le silence ; et qui émerge à travers le feutre qui danse – la main qui s'anime – l'âme qui se révèle...

Comme un soleil – un royaume – un univers – sous l'écorce des jours...

Le feu et la lumière ; à travers l'apaisement...

La mort ; l'hiver ; et l'attention nécessaire...

 

 

Le cœur ; autrement...

Si éloigné des fables ; et des fils qui nous relient à l'ombre...

L'alphabet du réel ; plutôt que la conjugaison des rêves...

Et le sol plutôt que la carte...

Sens dessus dessous ; l'âme chamboulée par les instincts du monde ; et le silence qui se dissimule derrière l'existence des êtres et des choses...

 

*

 

Sur le sol ; inguérissable – engourdi...

Dans l'ombre du seul ; au seuil du monde...

Gorge déployée – sur le chemin ; et l'âme timide...

A osciller entre l'attachement et la liberté...

A offrir, peut-être, ce qui s'est (en partie) perdu...

A hisser le rire au-dessus de la pierre...

A vivre quelque chose que nul ne saurait expliquer...

 

 

Dans la grandeur du mystère...

A hauteur de l'infime...

Des histoires et des particules...

A exister au-dessus du mensonge...

A offrir une parole depuis le plus haut silence...

Au cœur de la tourmente et de l'illusion – pourtant...

La langue ; et les mains – sur l'écorce vivante du monde...

 

 

La porte ouverte sur le mélange ; au cœur des entrailles du reste...

Au seuil de l'enfance (puérile) qui prolonge l'origine...

A l'écart des hommes et des Dieux fainéants – pourtant...

Sur la roue (branlante) des incertitudes...

Parallèle(s) aux sentes communes...

Une chose à la fois ; et sans hasard...

Qu'importe les pertes et la gloire (que peut connaître l'esprit humain)...

Les existences (toutes les existences) comme des grains de sable dans l'océan...

Et ce qui respire ; dans tous les interstices creusés par la lumière...

 

 

La figure bleue ; inscrite sous l'étoile florissante...

Qu'importe les ombres ; qu'importe le temps...

Une succession de gestes – de lignes – de pas ; dans le prolongement de ce qui ne peut connaître l'épuisement...

 

*

 

Au premier sourire du monde ; la confiance accordée...

Et la main devant la bouche pour s'excuser...

A mesurer l'envergure de l'âme et la gentillesse des visages...

Avec, au fond du cœur, la peur (terrible) du dos et de la poussière ; de la volte-face...

Et tout ce noir ; et tous ces cris – dont on ne sait que faire...

Comme la croyance d'une lampe accrochée sous chaque front...

L'illusion d'une fraternité en éveil...

Le ciel oublié – plutôt...

Les seuls bras tendus ; ceux qui pendent le long de nos flancs...

 

 

Au cœur de la blessure et de l'hiver...

Rien – ni personne ; aucun appui – aucune possibilité...

De la douleur et du froid ; seulement...

Pour notre peine de pénitent(s) terrestre(s) (en pleine expiation)...

 

 

Le cœur solitaire dans la broussaille...

Ce qui précède le vertige et la métamorphose...

Ce qui se conjugue avec la découverte du monde...

L'Autre en tête ; puis la mort...

A regarder par-dessus la confusion...

A s'exécuter avec obéissance alors que le silence et l'oubli (déjà) se manifestent...

 

 

Dans le vide et le ventre ; le ciel sans âge – la charge – le change ; et (parfois) le chant de l'oiseau...

Un chemin de pierre ; tantôt vers le rire – tantôt vers le pire...

Dans le plus sombre – le plus enfantin ; déjà le déploiement ; et même l'allégresse...

Le plus neuf ; et l'interrogation ; en dépit des figures grises...

 

*

 

La terre défaite sous le ciel parfait...

Sous les cris incessants de ceux qui vivent ; et qui rêvent d'échapper à la mort...

Le faix sur l'épaule ; allant (malgré eux) vers l'au-delà ; et la lumière...

Pauvres mortels qui s'inquiètent et se querellent ; affolés – aveuglés – par le peu de jours qu'il leur reste...

 

 

Le partage réalisé – à travers la main apparemment inique – par le ciel sans reproche (ni défaillance)...

Dans l'exactitude du geste et de la proportion...

Parfois rêve – parfois trésor – parfois papillon...

Qu'importe ce que le destin dessine...

A disparaître – à s'effacer bientôt alors que subsiste le désir d'Absolu ; et (si étrangement – si mystérieusement) aussi cette folle envie de s'attarder (un peu)...

 

 

Au cœur du jour ; l'immensité du monde ; l'intimité de la chambre ; et l'âme imprévisible ; comme soumise aux caprices de l'enfance...

Et ceux qui tentent de pénétrer le ciel à coups de prières ; et qui font entendre leurs psalmodies ; et leurs cris ; et qui affichent leurs crimes (avec fierté) ; au nom de Dieu...

La bouche enflammée ; et la chair meurtrie sur la pierre...

Et nul lieu (bien sûr) où se réfugier ; et personne (bien sûr) pour nous consoler...

Et le désir (encore) de vivre – de s'étendre – de se perpétuer ; comme les seules ambitions terrestres ; ces forces – cette volonté – à l'insu des hommes...

 

 

Le silex pointé vers la lune – vers l'azur...

Et les pieds pris dans les jeux du monde ; et l'impatience de l'âme face aux figures tristes – voilées – inattentives...

 

*

 

Vers ailleurs – le ciel (sans doute) – le cœur et la ligne ; cette prière silencieuse – sans les mains – sans les lèvres – sans personne ; sans même le recours aux âmes charitables...

Le sacré en lui-même – sur lui-même ; s'appartenant ; et s'offrant au reste (si l'on peut dire) ; et se répandant secrètement sur le monde...

Comme une terre sans ombre au milieu des murs....

Et les grands arbres comme gardiens des lieux...

 

 

Avant l'écriture ; avant même la parole...

Quelque chose des Dieux et de la pierre...

Quelque chose qui précéda les mythes...

A l'origine de la terre et du ciel ; l'espace brut (et indistinct) – peut-être...

Et qui subsiste encore dans le plus primitif du langage ; et dans les gestes qui savent embrasser ; et dans les âmes rugueuses et indociles aux lois des hommes...

Un avant-goût de l'après ; comme autrefois – aux temps originels ; ce qui est né avec le premier enfantement...

 

 

Impérissable ; ce pays de chocs – de heurts – de ruptures...

Et cette pente qu'il faut (sans cesse) dévaler pour se (re)mettre à niveau ; atteindre l'altitude à laquelle vivent les hommes (l'une des plus basses de ce monde)...

A vivre dans l'effacement (indiscutable) des Autres ; et la mémoire (atrocement) cumulative ; des prix comme des proies ; mille choses à convoiter ; en plus de la place de ceux que l'on envie...

Le visage rageur – le visage ravi ; devant le monde ; le miroir...

Nimbés de sommeil et d'éclats...

A édifier (très ostentatoirement) des monuments à la gloire du factice et de la démonstration...

L’œil inévitablement fermé...

Des existences vouées aux victoires apparentes ; des jours – des siècles – de strates amoncelées – terriblement mensongères ; et ce mirage – cette chimère – cette imposture – (très) douloureusement vécu(e) lorsque le regard s'approfondit ; lorsque l'invisible se laisse approcher ; lorsque l'esprit comprend (enfin) la nécessité du retrait – de l'effacement – de la soustraction ; et le dérisoire des reflets...

La vie trahie qui, soudain, (nous) saute à la gorge...

 

*

 

Au cœur des tentatives ; de l'irrésolution...

Sous le ciel – bas – infime – précaire – des hommes ; exactement...

Si loin de la traversée du plus intime...

Sur la route sinueuse et bruyante ; entre les pierres – les cris – les songes – les mirages...

Au milieu des Autres et des édifices ; au milieu des tombes et des ruines à venir...

Nous éloignant (peu à peu – imperceptiblement) des murs – et des miroirs – du labyrinthe...

De manière précise ; pas à pas – vers l'élargissement et la suppression (du plus personnel)...

 

 

Un monde de figures ; si profondément...

Des yeux ; de la chair...

Entre l'abîme et la lumière ; ce que creuse le ciel par-dessous la pierre...

Entre le désir et l'effroi ; dans le sillage (mystérieux) du jour...

 

 

Voyage intermédiaire...

Des rives intranquilles au pays où l'on se perd...

Jusqu'à la source dispersée du silence...

Le ciel sous nos pas ; et les vents du monde...

Et le souffle déployé au cœur du passage ; l'énergie comme décuplée...

L'âme (presque) entièrement dévolue à la traversée...

Des siècles enjambés en un instant ; l'histoire qui défile en un éclair...

Et l'oubli à l'issue de la découverte...

Et ainsi – inlassablement – recommençant...

 

 

Le sable – le soleil et l'impossible ; côte à côte...

Sur le sol ; devant les yeux – au fond de l'âme...

Bien plus qu'une hypothèse...

A travers la multitude ; l'absence ; et le territoire inconnaissable...

Dans l'intrication mystérieuse de l'essence et des apparences...

A défricher (encore) le chemin...

A déchiffrer (laborieusement) les premières lettres du mystère...

Au seuil de l'invisible ; au bord du vide – le secret pressenti...

 

*

 

Briques de terre empilées sous la charpente recouverte de chaume...

Abri des bois ; refuge du lointain ; au-dessus du monde...

Dans l'oubli des visages et des noms ; plongé dans cette (sur)abondance de vert ; au milieu de la forêt ; les pieds sur la pierre...

Arbres – feuilles – herbes – mousse ; le front à hauteur d'humus...

La peau couverte de fleurs sauvages...

A l'ombre ; les jours qui passent...

Loin des hommes endormis ; piégés dans cette somnolence qui s'épaissit au rythme des bruits de la ville [emprisonné(e)(s) dans les filets colorés – et prometteurs – de la modernité]...

En plus du vert ; le jaune et le bleu qui nous accompagnent...

Dieu au-dessus de la rocaille ; et parmi elle, le plus souvent...

Nous autres ; à l'égal des bêtes ; de tous ceux qui habitent sous les frondaisons...

Dans l'harmonie des teintes et des prérogatives de notre lignée (ascendance et fratrie) – membre (à part entière) de notre parentèle ; et la douleur des hommes comme suspendue ; soustraite sûrement...

Plus la moindre tache ; plus le moindre labeur ; la danse du feutre et des pas ; des signes parmi d'autres – réunis dans les mains qui décident du sort et du partage ; le cœur affranchi du noir ; jusque dans ses battements – le soleil et la joie ; ce qui (jamais) ne nous abandonnera ; comme l'amitié du ciel pour ceux (pour tous ceux) qui vivent hors des cercles humains...

 

 

L'histoire du monde ; dans tous ces riens accumulés...

A travers le retour – en soi – de l'origine ; comme le prolongement direct de la lumière qui traverse l'épaisseur...

Une sorte de géographie (changeante) du cosmos ; et l'impression d'un exil ; d'un éparpillement hivernal ; à la manière d'un archipel aux îles (très) dispersées...

Avec mille itinéraires et mille voyages – possibles ; séparés (en apparence) les uns des autres ; et au terme desquels attend (sans impatience) le visage (souriant) de la mort ; et le grand mélange...

 

 

Comme une fenêtre sur un monde né d'une autre source ; matrice première – peut-être – du feu et de la matière...

Perceptible depuis d'infimes interstices (terrestres)...

Dans les intervalles d'un temps suspendu ; déconstruit – en quelque sorte...

Et sans autres usages que la gratitude – la contemplation – l'émerveillement...

 

*

 

Au-dehors ; comme arraché...

Antérieur à la source du temps...

Bien avant l'invention de la matière ; bien avant que l'usure et la fatigue n'asservissent la chair...

Dans la matrice même de la blessure ; là où sont nés les univers et les mondes ; et que l'esprit, parfois, dédaigne ; et que l’esprit, parfois, balaie d'un geste lorsque, de nouveau, il aspire au silence et à la tranquillité...

 

 

Là ; dans l'un des recoins abandonnés par le sommeil et l'ignorance...

A travers tous les possibles ; l'espace rejoint – indemne – intact ; aussi neuf qu'avant l'extinction de la soif...

Inlassablement occulté et repeint ; jusqu'à ce que se ternissent toutes les couleurs ; jusqu'à ce que disparaisse la folie ; jusqu'à ce que les yeux soient capables de rester (suffisamment) ouverts pour que puissent ressurgir la transparence et la lucidité...

 

 

Au creux des mots qui cheminent ; d'un monde à l'autre ; intermédiaires – en quelque sorte...

Entre les pierres et la dissipation...

Alors que le gouffre est assiégé – et envahi – par les ignorants ; et que les vents ne sont assignés qu'à l'éparpillement des cendres ; ces restes d'histoire(s)...

Comme piégé(s) dans la boue – au fond d'un trou (profondément) nocturne...

Sous le regard (tantôt amusé – tantôt compatissant) de ceux qui ont fait un pas de côté ; et qui vivent (à présent) au milieu des arbres ; hors des cercles inventés par les hommes...

 

 

A travers les lois du père ; la défaillance ; le jour manqué – les rêves ; et l'exil du réel (inévitablement)...

Sur ces rives peuplées de figures tristes et criantes ; ignorantes et irascibles...

A travers ce sable amoncelé en édifice ; jusqu'au recouvrement total – jusqu'au recouvrement parfait – du monde...

A travers mille guerres picrocholines ; et l'esprit (laborieusement) labyrinthique...

Quelque chose du bavardage – de la farce et de la tragédie ; infiniment théâtral...

Et des paroles à perte ; perdues à jamais – sans doute...

Comme étranger(s) à ce trop-plein de luttes et de rivalité ; à ce trop peu de veille et de lucidité...

Le jour – le silence – la vérité – la lumière ; des choses parmi d'autres – sous le règne du dérisoire ; le monde régi par les lois absurdes – ridicules – insignifiantes – des hommes...

 

 

Du brouillard ; du repos à bon marché...

Sans importance ; le monde ; en comparaison des songes ; et la place (bien sûr) prépondérante des illusions...

La terre saccagée par les ambitions ; et toutes les promesses des hommes ; de tous ceux qui se pensent maître sans savoir qu'ils sont les instruments – et les serviteurs – d'une main qui les utilise à des fins qu'ils ignorent (encore)...

 

 

Les yeux de l'enfance parvenus jusqu'aux confins du monde...

Si proche d'un ciel à la dérive ; entre ici et la vérité ; dans cet écart infime...

Le jour hissé au-dessus (bien au-dessus) des hommes et du temps...

L'âme (très légèrement) penché sur l'éphémère...

Le cœur – et le chemin – entre les mains de ce qui a abandonné l'étude des (innombrables) tablettes du monde et qui marche, à présent – à petits pas tranquilles, sur la voie qui s'invente (et se réinvente) à chaque instant ; comme une danse (involontaire) vers la justesse et la légitimité...

Et le reste qui oscille entre la joie et le silence...

Une existence discrète et naturelle nourrie d'essence et de simplicité ; ce qui, ici-bas, semble si peu désiré...

 

*

 

Personne ; dans le cercle – l'existence...

Des âmes seulement ; dénudées...

Et l'esprit affranchi des signes et des symboles...

Sur cette ligne qui semble séparer l'exil et la nuit...

Les fils du destin défaits ; et jetés – devant soi – sur le sable...

Au-dedans ; l'espace – le bleu ; jusqu'au cœur de la transparence...

 

 

De proche en proche ; le rose qui s'édifie – recouvre les yeux – plonge dans le regard – colore l'âme – les mains – la peau ; cherche à détrôner l'or et le rêve ; toutes les lois du monde...

De l'intérieur vers l'extérieur...

La teinte des lèvres et des fleurs qui creuse son sillon ; sa voie dans cette grisaille – cette opacité – cette épaisseur...

Comme la joie et le silence ; (pleinement) engagé(e) dans la bataille ; et dans chaque recommencement...

Et de plus en plus visible (et évident) ; à mesure que se dessine – et s'approfondit – ce sourire ; sur notre visage...

Ce qui s'impose de manière manifeste ; la couleur de l'inaltérable...

 

*

 

Gorges rouges ; sur la terre...

Criant ; se souvenant ; s'essayant au monde ; à mille choses ; avant de défaillir...

Se réchauffant (essayant de se réchauffer) entre elles ; et distillant la peur – en attendant...

Ouvrant les veines ; au lieu du cœur...

S'imposant par la force ; et brandissant la menace et l'imprécation – et le coutelas (si nécessaire)...

Parcourant les cimes et les ténèbres ; se croyant parvenu(es) au faîte et aux confins...

N'ayant – en vérité – pas même commencé le voyage...

 

 

La chair tremblante ; face à la mort...

La nuit rehaussée par les bords...

Aux côtés des cendres des anciens – ancêtres connus et aïeux lointains – que le vent a éparpillées sur la terre...

Et des âmes – qui donc s'en soucie ; qui donc s'en souvient...

Dans les bras (invisibles) de la tendresse (sûrement)...

 

 

Gestes et pas timides ; propitiatoires ; dans l'élan et la perspective – naturels ; ceux qui ont été (singulièrement) choisis pour cette expérience terrestre...

Sous le sceau du secret ; l'anonymat et la fraternité discrète et assidue ; manière, peut-être, de se hisser (sans volonté – sans orgueil) à la hauteur des Dieux – à l'altitude qui convient ; là où le ciel et les chants s'intensifient ; là où le silence et la pierre dansent ensemble ; et dont les étreintes révèlent le mystère et la profondeur de leur intimité...

Caché(s) derrière une épaisse couverture verte ; les arbres – nos frères – nos alliés...

Si proche(s) de nos lèvres ; l'invisible – et les âmes rassemblées ; et ces lignes ; et ces feuilles – qui échappent aux lois du monde – au règne de la séduction et de la discorde...

 

*

 

Ce qui se balance dans l'esprit...

L'air que l'on fredonne...

Accompagnant le chant des arbres au crépuscule ; lorsque les bruits des hommes se dissipent...

L'apprentissage de la douceur ; contre la bêtise (et le mépris) de ceux qui ignorent ; de ceux qui exploitent...

L'âme qui s'incline face au soleil ; et le cœur qui suit (docilement) le cours des choses ; le rythme naturel du monde et des astres...

Un bout de terre rien que pour soi ; où cohabitent le feu – la pierre – le ciel et le sublime...

A nous abandonner au bleu de toujours ; à vivre – comme les bêtes – l'instinct et la mort en tête...

 

 

Le cœur chantant sous les poils – sous les plumes...

L'âme enivrée de terre et de liberté...

Sur la branche ; sur le sol – au rythme de la faim...

Comme s'il y avait un Autre – quelqu'un – derrière soi ; et tous nos tremblements devant les larmes et le sang qui ruissellent sur la pierre...

 

 

Au loin ; le chant ; et les corps calcinés ; et les têtes enfumées...

Au cours de la traversée ; le règne du dérisoire...

A l'image des vies éparses et froissées...

Des histoires sans trace ; malgré d'émouvantes trémulations dans la voix...

Si peu disposés aux chemins qui parcourent le monde ; en ignorant l'Autre (le grand Autre) ; et la source ; et la vérité..

L'ultime pauvreté – peut-être ; ce que nul ne saurait cacher...

Le ciel et le silence – et le regard – piétinés à coups d'intentions – à coups de prières et de paradis fallacieux...

L'esprit comme piégé dans ses délires – dans ses inventions ; si peu soucieux des (innombrables) répercussions de ses hourras – de ses enivrements – sur les usages du monde...

 

 

Quitter l'argile et le désenchantement ; le manque et le sentiment d'inachèvement ; la faiblesse et l'étroitesse du passage ; pour la possibilité d'une âme réellement engagée et clémente...

Ce que l’œil décèle dans le fouillis des perspectives – la pagaille des pas – le désordre impétueux (et tapageur) de ce monde affairé ; en plus du ciel silencieux...

 

*

 

Du sable encore ; malgré le vent...

Des lieux mouvants ; et l'obéissance de l'âme...

Des racines au silence ; à travers mille chemins ; mille découvertes – mille obstacles – mille traversées...

La fièvre nourrie par l'ardeur et le sang ; et qui pousse le pas...

De feuille en feuille – de pierre en pierre – d'arbre en arbre...

Et sous la surface ; et au-dessus – l'invisible à la manœuvre...

 

 

Le dehors animé par le dedans...

Qu'importe le regard ; qu'importe l'opacité...

A se réjouir – encore et encore – inlassablement...

En se dégageant du faix à mesure que la charge s'alourdit – se précise – devient insupportable...

Comme un peu de lumière sur la pierre ; sur la danse ; et le silence environnant...

 

 

A l'âge de l'autre nom ; à corps perdu...

Dans les fissures creusées dans l'épaisseur ; et les gestes (tout) tremblants...

Par-dessus les Dieux et les histoires inventés ; s'éloignant au-delà ; en ce lieu où la vérité relève de l'imposture ; en ce lieu où la honte et le temps se détachent (naturellement) de l'esprit...

A chaque regain ; l'ouverture (laborieuse) des yeux ; auxquels on soustrait l'enivrement et la prétention...

Dans l'entremêlement joyeux des âmes et de la matière qui apprennent à danser – ensemble ; au cœur de l'espace ; réconciliées...

 

 

A l'orée de cette démesure poussiéreuse...

Les cœurs qui renoncent à s'affronter...

Par-delà la douleur ; et la rupture consommée...

A l'aplomb du plus clair – l'impossible ; guère plus loin qu'une main qui se tend...

 

*

 

Au bord de l'impénétrable...

L’étreinte vertigineuse...

L'invisible qui révèle ses failles ; des puits de lumière ; l'Amour qui abonde ; à disposition...

Des ruissellements de tendresse ; et ce vide (parfaitement) habité...

La nuit – l'abîme – la mort ; constellés de lointain...

Et – à grands pas – l'intimité qui se rapproche – qui s'insinue – qui se déverse sur les ombres enchâssées...

La langue muette ; face au visible qui se transforme...

Le cœur qui (malgré lui) charrie des restes de monde et de temps...

L'irréprochable comme suspendu...

 

 

L'éphémère rassemblé en horizons...

Ni relique – ni prière...

Des fleurs – du ciel et de la joie...

Aucun versant à gravir ; aucun verset à réciter ; ce qui est offert ; (très) généreusement...

 

 

A attendre – patiemment – la venue de l'impossible qui, au loin, se dessine...

A l'heure où les miroirs s'opacifient ; où les reflets se ternissent...

Dans le silence (éprouvant) de l'hiver...

Des choses et d'autres ; plus ou moins sombres – plus ou moins grises ; à travers les grilles du monde et du mystère qui (si souvent) se confondent (ou se superposent)...

Sous les ombres angoissantes de la pierre...

La tristesse et le rire  ; le temps d'un (bref) passage...

Ce qui est éprouvé jusque dans les tréfonds de la chair...

L'âme si légère – si transparente – pourtant...

Le bleu à fleur de peau...

Invariablement ; entre les murs et le sommeil ; le corps rivé au même rivage ; le cœur tourné vers le même visage ; sur cette grève étrange et trop peuplée...

 

 

La parole amoureuse ; à la limite du guérissable...

Léger(s) ; dans la neige scintillante ; les pas qui s'égarent...

Et ce qui craque sous la foulée fuyante...

Des signes au-delà (bien au-delà) des mots...

Le bruit (terrifiant) des heures qui se succèdent (sans jamais s'interrompre)...

L'âme (encore) vive et palpitante...

Dans cette résonance quelques fois partageable (et partagée)...

Les voix (toutes les voix) de l'intérieur...

Par-dessus les légendes du monde ; par-dessus la pierre et le sang ; les humeurs noires et changeantes ; les alliances et les ambitions...

Par-dessus les rêves et la violence ; par-dessus les cascades et les coups ; le déferlement de la haine ; le ruissellement des illusions – face à la stupeur et à l'incrédulité...

Les hommes dans leur cécité et leur obstination ; condamnés à l'errance...

La garde resserrée ; un œil sur ce qui chancelle...

Un pied sur le désir et l'autre sur les apparences ; comme écartelé(s) par les reflets de l'écume ; comme appuyé(s) sur la verticalité la plus bancale...

Et tous les fils rassemblés – entremêlés – dans la poigne du moins tangible...

 

 

Éparpillé(s) ; le monde – l'Amour – le langage...

Le silence renversé ; à l'intérieur...

Un chemin – mille chemins – qui nous rapprochent – qui nous éloignent – qui nous égarent...

Des mots qui s'élèvent ; contre la voix...

Des récits à partager...

Des yeux qui scrutent (avec attention) la terre ; l'histoire qui se déroule ; le temps qui se prolonge...

Au milieu des créatures (de toutes les créatures) qui s'attardent dans la longue traîne sinueuse...

La tête enfouie dans le froid – la brume – l'angoisse...

Dans l'impossibilité de soi ; l'impuissance démultipliée...

Quelque chose (bien sûr) de l'argile...

A travers le fouillis du monde ; l'invisible transparent...

 

 

A vivre ; à voyager – sans lieu d'attache...

Dans le bruissement du bleu à travers les feuillages ; la traversée du front ; ce qui remonte (ce qui finit par remonter) dans l'âme...

Et ce qu'éructe le cœur ; une gerbe de mots et de silence ; un peu lumière – un peu de poésie – peut-être ; comme un geste – un peu de vent ; au milieu du bruit et des hurlements...

 

 

Le cœur défait par la route ; (très) amoureusement dénudé...

Avec quelques mots dans la balance ; comme contrepoids (infime contrepoids) au plus grossier ; un peu d'invisible face au monde...

Avec le merveilleux dissimulé à l'intérieur...

A la manière d'une voix qui s'élève au-dessus des bruits...

La parole amoureuse qui résonne au milieu du désert ; comme un signe – une offrande – une (vague) proposition peut-être...

Une façon (sans doute) de susciter l'écoute ; d'inviter à vivre (simultanément) sur – en deçà et au-delà – de la pierre...

De traverser l'arche ; vers un ciel sans attente...

 

 

A travers le regard ; si profond ; et quelque chose aussi de l'écume ; de la trace...

Comme un centre oublié ; l'essence même de l'éphémère ; ce que l'homme a coutume de jeter avec l'ombre et les rebuts ; tout en bas du monde ; sur la pente de l'oubli...

 

*

 

La lumière qui déborde...

L'âme (les âmes) assouvie(s)...

A l'ombre du secret...

Le mystère vivant ; au milieu des murs ; au cœur même de la pierre et du pain...

Tout en douceur ; en équilibre – le silence et la respiration...

Devant nos frères ; sur la roche ; sur la table de bois – le contraire du sacrifice...

L'offrande involontaire ; parfaitement désintéressé(e)...

Seulement le soleil et l'espace...

Le sourire et la joie ; comme un jaillissement (spontané) de la source...

 

 

Ce que l'on ne voit pas ; et que l'on interroge de temps à autre...

Le souffle et le monde ; dans leur danse continuelle...

Et l'inconnu parfois rehaussé contre les parois des grottes et du crâne ; à la lisière du cri ; magistralement ; à travers l'immobilité et le voyage ; à travers les saisons ; l'âme sur les chemins du monde...

 

 

Les mains liées à la terre ; et l'âme à l'éternité...

Parfois rumeur – parfois présence...

Parmi les bruits et les choses...

Le cœur irrégulier...

Quelques traces ; et les empreintes du temps...

Des détours ; des attentes ; et le prolongement du legs ; mêlés à la veille et au périple...

Glissant avec les ombres ; sur la terre – dans le trou – vers le ciel...

Le visage – de moins en moins – reconnaissable ; à mesure que l'envergure se précise – à mesure que l'immensité s'installe ; dans nos tréfonds...

 

 

A recommencer (sans cesse) le voyage ; la traversée du même passage ; jusqu'au prochain tronçon...

Le monde expulsé ; le temps arrêté ; et qui, soudain, reviennent et recommencent...

Qu'importe le nombre (et la profondeur) des tombes et des plaies ; qu'importe l'épaisseur des résidus de matière et d'orgueil...

Qu'importe le déclin et le pourrissement...

Qu'importe l'ardeur et les possibilités...

En ce lieu dénué de paroles ; où l'innommable est (silencieusement) célébré par l'âme – la chair – l'esprit...

Le vivant désincarcéré ; (en partie) affranchi de la fatigue et du sommeil...

Par-delà les barreaux nocturnes ; au plus haut (peut-être) de ce (minuscule) tertre terrestre...

 

 

Au-delà des limites et de l'appartenance...

Les fils du monde sectionnés...

Parfaitement engagé dans les jeux du reste ; parfaitement conscient de la malice des Autres...

Sans image – sans histoire – sans hypothèse...

Le cœur ardent malgré la pierre – le sable – les pièges tendus par la chair...

Jour après jour ; sous l'immensité ; les mêmes bourrasques – les mêmes tempêtes ; et, de temps à autre, quelques trouées de lumière dans ce ciel sans promesse...

A nous rassembler autour des os ; le regard oublieux de l'épaisseur et de la boue enfoncée dans les crânes ; par-delà la mort et la désolation – le vent et l'amplitude...

 

 

Au cœur du naufrage ; le monde...

Dans ces vieux restes de lumière...

A travers le regard fébrile ; engoncé dans l'ardeur...

A travers les fables et l'inquiétude ; les déchirements et les rumeurs du langage...

L'hiver et la nuit...

Et notre départ précipité ; des pas effectués à la hâte...

En deçà (bien en deçà) de la blancheur (et de la poésie) espérée(s)...

 

 

La rupture ; ce qui cesse ; le cœur encore vivant ; à travers l'oubli – tous ces résidus de mémoire...

Et la mort étreinte par le temps dilapidé...

A chercher (en vain) au milieu de la multitude...

Le sommeil posé contre le front...

Parmi les herbes ; parmi les arbres ; et les grands chiens noirs de la forêt...

Sous la lune rouge ; et les astres lointains...

La blessure apparente...

Au cœur même de ce voyage ; la dissipation des tourments ; et la lente émergence de la légèreté...

 

*

 

Ce qui s'élève ; ce qui tombe ; ce qui se redresse encore ; et disparaît...

Au milieu de l'écume (opaque – encombrée) de cette terre...

Le plus bas ; aux marges du territoire en ruine...

Le temps comme un trou ; un puits sans fond ; un ruissellement sans fin...

A la manière d'une danse et d'un évanouissement ; ce qui semble encadrer tous les jeux (et tous les enjeux) du monde...

L'épreuve (malaisée) de la matière...

Penché(s) au-dessus de l'abîme...

Notre royaume ; et le défilé des visages et des saisons...

 

 

Inséparable(s) du monde ; des frontières...

L'oubli ; les gestes quotidiens ; et la grande imposture...

Au terme du temps ; et ce qui survient après la mort...

En plus du reste ; ce que l'esprit engourdi ne saurait percer (en dépit des yeux – apparemment – ouverts)...

 

 

Le voyage – et le monde – gâtés par la hâte...

Comme des oiseaux de glace jetés sur la chair et le temps...

Du haut de l'ombre ; à chuter dans l'espace...

Entre le feu – la fenêtre et l'invention du monde...

Dans l'éloignement (imperceptible) de l'intimité – de la tendresse – de la lumière...

A essayer de réinventer le ciel et la mort...

Face à l'irrépressible ; l'existence et ses possibilités (toutes ses possibilités)...

L'élan et le chemin ; comme un (vibrant) appel ; et les obstacles – et les faiblesses – et les impuissances – à l'intérieur...

 

 

Le visage (inchangé) du désir ; ce qui s'impose ; la puissance des nécessités ressenties...

Le cœur engagé dans l'aventure ; comme le geste ; comme la voix – à travers la longue série de circonstances  ; les facettes du monde – de soi – qui se révèlent à travers les figures rencontrées...

Au-dehors – le jeu ; et au-dedans – la foi (et, de temps à autre, l'espérance égratignée)...

Ce à quoi l'on rêve ; et ce que l'on fuit...

La possibilité de l'enfance ; comme un (réel) retour à l'origine ; au source de ce que nous sommes ; parmi tout ce qui nous compose...

Et la solitude – toujours – en filigrane ; en dépit des Autres ; toutes les rencontres – à l'intérieur...

 

 

Dans l'ombre (démesurée) du langage...

Un paquet d'images et d'idées ; un amas de songes et d'histoires...

Ce qui – à l'origine – fit naître le temps ; et la durée...

Des restes de poussière ; comme une (très) longue traînée...

Un peu d'argile sous la pluie...

Dans le fouillis des rêves et du mensonge...

L'inextricable ; et ce qui relève de l'interdit...

 

 

Toujours ; l'or – le jour – la mort...

La multitude irréductible ; (encore) aveugle au rayonnement...

Des croyances et des mots ; ni parole – ni (véritable) prière ; plus proche du cri et de l'espérance que de l'intimité ; que de l'inconcevable...

Un cœur qui bat – au milieu des cœurs sourds et défaillants qui refusent de se prêter au reste...

 

*

 

La lumière ; quelque part ; au bord du temps...

Aux marges du monde...

Dans la simplicité naturelle de l'esprit ; ce qui se révèle...

A travers l'errance (si ancienne) de ce qui se cherche...

Les yeux ; à la manière d'un voile sur le monde ; (trop) rarement déchiré...

Pacifiquement ; le voyage – la défaite et le déclin...

Ouvert(s) sur l'infini ; cette succession d'horizons rassemblés...

Un chemin désert ; et la joie qui apparaît (et nous pénètre – peu à peu)...

Avec tous les paysages – à l'intérieur – qui se déploient...

Au milieu du silence et des choses (très mystérieusement) réunis...

Avec, au fond des têtes, des rives – des étoiles – des mélanges...

Ce qui prolifère dans l'abandon et le désordre de la matière ; une perspective que néglige (si souvent) l'esprit ; comme une chose (à ses yeux) inconcevable ; et (presque) impossible à réaliser...

 

 

Le jour ; sans le savoir...

Enhardi par les chants...

Oublieux des rêves (et des ambitions) des hommes...

Au cœur de ce qui se rejoint ; de ce qui guérit ; et que quelques-uns parviennent à deviner derrière la tristesse – la douleur et l'incurie...

 

 

Ouvertes ; les fenêtres de l'âme ; partout – sur l'horizon...

A travers l'écorce épaisse ; le tégument terrestre...

Et l'homme barbotant dans son bain d'ignardise ; en dépit de l'esprit offert – en dépit des possibilités...

A gigoter devant son image – ses reflets ; derrière ses écrans...

Cherchant à jouir du monde ; et à retarder sa fin...

Et dissimulant sa laideur (et ses limites) à seule fin de pavoiser devant l'Autre ; à essayer (naïvement) de tromper l'éternel...

Les yeux faussement baissés sur le sol ; sur la terre rouge et luisante – abreuvée de larmes et de sang...

Le corps (très) vaguement assouvi ; le cœur (très) vaguement satisfait ; saturé(s) de chair et d'images...

Élevant (parfois) la voix jusqu'au cri ; et la main jusqu'au ciel à sa mesure (inventé à sa mesure)...

L'esprit d'os et de chair (presque) à son aise ; ici-bas...

 

 

Sur la route...

La mémoire à son comble...

Les lèvres closes ; comme le cœur et les yeux...

A inventer encore ; et à croire plus que tout ; s'imaginant parvenu sans même sentir cet étrange fardeau qui pèse sur l'âme et les épaules...

Immodeste en son empire qui empiète sur celui des bêtes et sur celui des Dieux...

Insensible aux trémulations du cœur ; seulement le corps douloureux ; et l'ardeur vaillante...

La tête à l'ouvrage ; à l'ombre d'un ciel sans faille – sans interstice...

 

 

La nuit bue jusqu'à la lie...

Les poches pleines de pain et d'acrimonie...

Le jour – en contrebas – invisible...

Quelque chose du vent – dans le pas – sombre – pourtant – lourd en dépit des tentatives du reste...

S'éloignant du vrai ; à mesure que se perfectionnent l'abri et les outils ; à mesure que s'organisent (et se complexifient) le progrès et la résistance...

 

*

 

Cette intimité désolante avec l'Autre...

Au cœur du monde ; de la chambre – chacun protégé derrière ses douves – ses tours – ses remparts ; mendiant les nécessités (visibles et invisibles) qui lui font défaut ; et offrant le surplus – tous les rebuts dont il n'a l'usage...

Une lanterne devant lui ; éclairant tous les échanges...

Les yeux comptant les bénéfices ; mesurant les avantages – les gains de chaque transaction ; à l'aune des rêves établis...

A la manière des ombres condamnées aux lumières artificielles du monde...

Le cœur atrophié ; et au fond de l'âme – l'Amour oublié ; et sous le coude ; les cahiers où sont consignés tous les trésors amassés ; de loin – ce qu'ils jugent le plus précieux...

 

 

Des lignes – des pas ; le moment venu...

Écoutant et contemplant ; depuis l'intérieur ; les profondeurs ; tous les passages...

(Très) solitairement...

 

 

Entre la poussière et la cendre ; mille lieux – mille états...

Sur la pente ; endormi(s)...

Au cœur du vide ; aussi inconscient que le sommeil ; aussi bref que le rêve ; ce qui vit...

L'image (parfaitement) dépliée dans l’œil...

Jusqu'au plus sombre – la danse...

Et l'incroyable variabilité des pas...

Et cet allant ; malgré la gravité...

Sans (jamais) savoir ce qui vient...

Le non-sens même du voyage...

Le saut et l'immobilité ; à même l'immensité ; qu'importe l'ardeur ; qu'importe l'envergure...

 

 

Entre chaque fosse ; l'éternité ; comme entre chaque élan – entre chaque respiration – entre chaque instant...

L'écume jetée – avec les souvenirs – par-dessus l'épaule...

Insoucieux de ceux qui tournent (en rond) sur leur étroite parcelle ; sans jamais détourner les yeux des choses qui s'entassent sur leur (petit) carré de terre...

Au milieu des fleurs et des chants...

Le séant sur le sol ; ici-bas comme sur un trône ; au royaume des humbles...

 

 

Dans les mains hasardeuses des étoiles lointaines (si lointaines) qui firent naître la blessure et la lumière ; et que le monde a, peu à peu, appris à creuser ; révélant le courage (et l'audace) de ceux qui fouillent dans le noir – dans la terre – dans la chair ; là où la plaie ouverte suinte cette matière sombre – au destin funeste – à la recherche de la lueur originelle ; la première étincelle – peut-être – de ce feu très ancien...

Des mots et des mains capables de se détourner de la halte – des règles et des lois – du plus commun si docile ; si peu rebelle – si peu enclin à remettre en cause ses certitudes ; tous les savoirs du monde...

Quelque chose du piège et de l'illusion auxquels bien peu rêvent d'échapper...

 

 

Partout ; le même cirque ; le défilé des vivants qui cherchent un bout de terre – un tertre – un ravin – un refuge – où ils pourraient s'installer ; et un peu d'or – un peu de gloire – et, quelques fois (plus rarement), une lampe (un peu de lumière pour comprendre) ; de quoi apaiser (très provisoirement) les peines du corps – les tourments du cœur ; de quoi offrir à l'esprit quelques instants de répit ; un peu de tranquillité ; avant l'épuisement et la mort...

 

 

A cheval sur le vent ; à chaque naissance ; à chaque recommencement...

Entre l'ombre et le sourire...

Entre la fortune et le malheur...

Et, parfois, les signes d'une quête ; la nécessité d'un sens ; un besoin d'intimité avec le reste ; quelque chose de la fusion* ; une parfaite appartenance au monde...

* une forme de dissolution qui ne se présente pas ainsi de prime abord...

Et, parfois, la découverte d'une (très) ancienne lignée ; et l'appartenance à deux familles ; l'une liée à la pierre ; et l'autre dépositaire des étoiles...

Des figures et du soleil pour encourager la marche – embellir la chambre et le jardin ; et inviter la lumière jusqu'au plus noir de l'âme et du voyage...

Une manière, peut-être, de jeter un peu de terre sur la mort ; d'intensifier la vie* et de déployer ce que l'on porte dans ses tréfonds...

* et le sentiment d'être vivant...

 

*

 

Dans le cœur passager ; l'absence...

Et l'inconnu qui résonne en vain ; comme une certitude non reconnue ; comme une partie de sa chair reléguée...

L'âme trop étrangère au sans nom...

A marcher sur un chemin inachevé (et inachevable) ; une (très) longue impasse – en quelque sorte – qui, indéfiniment, prolonge sa fin ; jusqu'au lieu où les vents balaieront tous les superflus et pousseront au retour...

Comme convoqué(s) (enfin) par une nécessité...

 

 

Le souci de la transparence plutôt que la mémoire...

La totalité de l'histoire déjà présente dans la chair – le geste – le pas – la voix – d'aujourd'hui...

Comme si le vivant (et la matière) pouvai(en)t s'affranchir des codes et des frontières du temps gradué ; et s'inscrire dans le toujours – en quelque sorte ; à la manière d'un bout de ciel – un bout d'éternité – peut-être...

 

 

Couleur de chair et d'étreinte ; le cœur...

Dans la proximité de l'espace – du soleil ; et des tremblements ; plutôt que soumis au règne des images et de l'impatience ; plutôt qu'assujetti aux lois des périmètres circonscrits...

 

 

Presque rien ; des jours qui passent...

Des amas de poussière que l'on porte d'un lieu à l'autre...

Ce que l'on accumule ; au fil des ans – au fil des générations...

De jour en jour ; de siècle en siècle ; l'espace qui se remplit ; l’œuvre des âmes peu interrogatives...

Et ce qu'il en reste ; presque rien...

Aujourd’hui – demain – dans mille ans ; peu importe l'époque et le temps...

 

 

Le ciel renversé par tant de saisissements ; et la terre ravagée...

Et les mains tremblantes ; et le cœur qui brûle encore...

Ah ! Si seulement la source savait...

 

 

Détaché du feu ; le bâton hors du cercle...

La pierre au cœur des calculs...

Les lèvres badigeonnées avec un peu de silence...

Ce dont on s'est libéré ; l'argile qui recouvre l'essence ; avec quelques bouts de tissus par-dessus...

Comme les couvertures et l'écume ; tout ce dont l'homme se pare (tout ce dont il aime se parer) ; l'obscur et la lumière dont il s'est défait ; et que l'on retrouve intacts le jour de l'affranchissement...

La bouche et les mains (à présent) libres d'offrir ; le cœur contre la paume et le front...

Et tout ce sang évaporé ; remplacé par le vent ; et qui cogne contre les tempes ; au-dedans des galeries et des passages...

Les joues ruisselantes des larmes des bêtes ; et de quelques Autres (incroyablement humains)...

Bien davantage que de la matière vivante...

Aussi près du sol que du mystère ; enchevêtrés ; et le cœur engagé dans l'un et dans l'autre – d'une égale manière...

 

 

Ensemble ; tantôt vers l'éveil ; tantôt plongé(s) au fond du sommeil ; les mêmes âmes ; le même esprit ; au gré des cycles – ce qui se déroule...

 

*

 

L'architecture du nombre...

La multitude organisée ; du désordre à l'équilibre (et inversement)...

D'un chaos à l'autre...

La matière devenant chair ; et la chair cherchant son avenir (ce qui lui succédera)...

Par-delà les visages et les signatures...

Par-delà les paris et les assemblées...

Par-delà même les possibles d'aujourd'hui (et de demain)...

Allant vers son origine ; à travers son perpétuel enfantement...

Jusqu'au tournis ; jusqu'à la perte du plus inutile ; du plus singulier...

A rebours vers l'indistinction ; et déjà au cœur de l'unité (sans aucun doute)...

 

 

Dans la célébration de l'intime ; et de l'équivoque...

Sous le règne de l'ombre et de l'imperfection ; fort heureusement (à dire vrai)...

Dans l'étonnement du bleu changé en une myriade de couleurs ; et jusqu'à la lumière qui s'amuse à prendre les habits les plus obscurs...

En ce monde où les visages et les choses sont soumis au règne du masque et de la métamorphose...

 

 

Auprès de ceux qui peuplent – si discrètement – la terre...

Dans notre chambre du dehors...

A sentir l'air et le vent ; le soleil et la pluie ; la chaleur et le froid...

La masure au milieu des arbres et des pierres...

Les sandales aux pieds ; et l'âme proche (si proche) de la main qui œuvre sur la (petite) planche de bois...

Le mystère – ressenti – (presque) dans chaque geste ; (presque) à chaque respiration...

Et toutes ces têtes de papier qui trônent au milieu des vivants sans parole ; au cœur droit et sensible...

Riche(s) des mille trésors de l'être ; réunis ; et d'un seul souffle ; embrassés...

Hors les murs ; de l'autre côté – aux confins des marges...

 

 

Dans l’œil qui guette ; les gardiens du ghetto ; le temple des Dieux acolytes – des Golems dociles...

Sans incise sur les siècles ; le sommeil (presque) d'une seule traite...

Avec des larmes factices ; et des émotions falsifiées ; l'âme inchangée – imperturbable ; heureuse même des malheurs et des malédictions qui s'abattent sur les Autres...

A prévenir le changement pour lisser tous les obstacles – toutes les aspérités – possibles ; et pouvoir (ainsi) organiser le voyage en une longue ligne droite – glabre – douce – vernie...

Ainsi vivent ceux qui ont peur (et qui s'imaginent clairvoyants) ; et que la vraie soif (et que la vie vraie) n'atteignent jamais ; et qui bannissent de leur territoire ce(ux) qui habite(nt) le monde et l'invisible ; et qui ignorent (qui continuent d'ignorer) les lois inaltérables du mystère ; et ce qui favorise la lumière...

 

*

 

L'après ; comme le lieu de l'ombre...

L'esprit ensorcelé par la mémoire et la possibilité ; l'attraction du plus loin – de l'ailleurs – de l'autrement...

Comme une fuite ardente ; au-delà des pierres connues ; au-delà des chemins arpentés...

Comme un grand écart ; un grand départ – peut-être ; qui sait...

Et la charge qui s'accroît ; qui nous suit ; qui s'aggrave à mesure que l'on s'éloigne...

Voyageur égaré plutôt à l'avenir sombre ; poursuivant toutes les chimères du monde...

 

 

Le cœur criminel ; la main levée à la gloire des assassins...

Dans une sorte de suicide déguisé (ou à peu près) ; et une forme de cannibalisme silencieux (qui, jamais, ne dit son nom – et qui, toujours, se réfute)...

Ce qui se tait ; à mille lieues de ce qui s'efface ; et qui sautera, tôt ou tard, au visage de ceux qui s'y livrent (en feignant de ne pas y toucher) comme un diable triste jaillissant de sa boîte ; porteur d'ombres qui tomberont en cascades sur tous les bourreaux...

 

 

L'éloignement du nombre...

A la manière des ombres ; à s'épuiser dans l'étreinte...

Au cours de ce voyage ponctué de larmes et de gestes fictifs...

En chemin ; des Autres – des coups ; et des lampes (quelques lampes) de temps à autre ; ici et là...

Et le faix à porter ; à chaque instant ; à chaque recommencement...

Et l'homme – comme le monde – ignorant jusqu'à son propre sommeil...

Et à son heure ; qu'adviendra-t-il ? Que fera-t-il ? Qui pourrait donc le dire...

 

 

Une sorte de vision ; à travers le ciel...

Un peu de vérité – peut-être – au milieu de la poussière qui tourbillonne...

Le bleu aussi ; assurément ; en dépit du plus grossier ; en dépit de la tristesse ; en dépit de la nuit que l'on a fait nôtre...

Dans l'écart – le pas de côté ; puis, l'effacement ; ainsi se mesure la justesse d'une existence – d'un geste – d'une parole ; le retrait de la figure derrière ce qui s'exprime (jusqu'à la disparition de la plus infime trace)...

La seule chose qui compte dans ce monde d'ostentation et d'arrogance – dans ce monde de postures et d'apparat...

La révélation de l'être ; sous ses (multiples) masques ; à mesure que le mystère se découvre – se dévoile – se révèle...

 

 

L'inévitable tumulte de la source qui se prolonge ; qui se réinvente ; qui se perpétue ; arrivée à notre hauteur ; se cognant à tous les angles ; se perdant dans tous les recoins ; inscrivant son empreinte sur la pierre – sur la chair ; dans les cœurs trop hermétiques – trop peu tourmentés...

Au rythme de ceux qui peuplent le monde ; à travers la danse des songes...

Et une voix, de temps à autre, qui émerge de cet océan de cris et d'ignorance ; un peu de vérité – peut-être – qui se dresse au-dessus de l'apparente gloire de l'homme ; comme un peu de vent et de soleil dans la torpeur hivernale ; à la manière d'un remède (une sorte de panacée sans doute) pour l'humanité triste – affligée – souffreteuse...

 

*

 

Les yeux plaintifs ; à genoux...

Couchés sous le mauvais sort...

Le cœur parmi les pierres ; de plus en plus dur à mesure que le vrai s'éloigne ; à mesure que nous quitte la seule condition apotropaïque ; l'antidote à toutes les fables – en quelque sorte...

Avec ce goût amer au fond de la gorge...

Et les lèvres muettes ; qu'importe l'encens ; qu'importe la prière – face au ciel ; la même grimace...

La langue surannée ; impuissante à favoriser les conjurations...

Et cette liqueur qui coule le long de nos mains ; le sang du monde – que nous ravalons – avec nos larmes...

 

 

Enfant des pierres ; enfant des arbres...

Éloigné de ses semblables...

Seul – sage – inventif ; au milieu de sa chambre ; au milieu du monde – sans doute...

Revenant à la plus vive innocence ; par-dessus les jeux et les enfantillages...

Quelque chose du cri, peu à peu, transformé en silence ; quelque chose de la mélancolie, peu à peu, transformé en joie ; s'élevant à hauteur d'homme (peut-être)...

 

 

Un pas – une parole ; à même la feuille ; à même la pierre...

Sous la lumière du jour ; en équilibre sur cette (longue) ligne invisible...

Dans la proximité de ce qui sépare le sable et le temps ; et le monde des éboulis ; révélant ce qui nous est inconnu ; ce versant où rien ne peut s'achever ; le lieu de tous les prolongements (et qui apparaissent, aux yeux des hommes, comme de simples (re)commencements)...

Comme aboli(e)(s) ; le règne du rêve ; les constructions de l'esprit ; les façades d'argile et de vent ; l'obscurité du cœur qui se repose ; ce monde inattentif – mécanique – sans question ni réponse...

Trop insoucieux du plus bas ; ce que les hommes jetteraient (volontiers) avec les ordures (avec les ordures et les malheurs) ; et qu'il faudrait, au contraire, rehausser et mettre en exergue ; comme une priorité (la première – la plus urgente – sans doute) sur la longue liste des choses à faire...

 

 

L'âme ouverte...

Sans cette fatigue au fond des yeux...

Sur cette voie invisible ; parallèle au monde...

Le ciel uni à la tristesse ; et la terre sous les pas...

Sans trace – sans vertige ; le front clair – le front droit et lucide (presque lumineux – presque transparent) enfoncé – pourtant – dans l'épaisseur ; au cœur même des possibles ; là où l'oubli prend sa source...

Avec partout – alentour – le silence ; le sommeil et les yeux fermés...

Tout ce sable ; toutes ces ombres ; dans cet univers esquissé à la craie (de manière bien trop approximative)...

Le cœur si lointain – si glacé...

Déplorant l'absence de bleu alors qu'il s'évertue à diluer l'obscurité du monde – la noirceur des têtes – le fond intrinsèque des choses ; alors qu'il s'évertue à se partager (offrant l'essence à la surface floue – opaque et changeante)...

Sans legs – sans succession ; l'esprit en déshérence ; pris dans les filets du monde et du temps ; soumis aux règles du jeu inventées par les hommes ; sans voir (sans même apercevoir) l'amplitude de l'espace – ni la lumière – ni la tendresse – qui logent dans ses tréfonds...

 

 

Intenses ; la traversée et les interrogations...

Ce qui est ressenti ; tantôt déclin – tantôt renouveau ; tantôt illusion – tantôt clarté...

Dans le désordre fou des tentatives de réponse ; le jour comme écartelé entre l'âme et le silence (entre leurs nécessités parfois contradictoires) ; et tentant de soustraire la douleur ; et d'initier un sourire (une tendresse et une gratitude) pour toutes les expériences qui (nous) sont offertes – pour tout ce qui (nous) est octroyé...

 

 

Le cœur fléché...

Le cœur qui souffre ; le cœur qui saigne ; le cœur qui soigne (trop rarement)...

Le cœur de l'homme et celui de la bête ; assassins et fraternels ; et dont la proximité et la ressemblance sont (trop souvent) mésestimés par les livres et par les lois...

Intimes jusqu'au tremblement – jusqu'au frémissement – jusqu'au hurlement – communs...

Au service du sang – de la danse – du soleil...

Sur ces rives apparemment injustes et poussiéreuses...

Ce que l'on ne peut refuser ; en plus des crimes ; en plus de la faim...

 

 

Immobile(s) ; passablement entravé(s)...

Les yeux au seuil de ce que l'on distingue ; de ce que l'on aperçoit...

Et sur un plateau ; ces murmures offerts...

Les lèvres – le ventre – la lune...

Et les mille choses que l'on ne voit pas...

 

15 août 2023

Carnet n°297 Au jour le jour

Juillet 2023

Par bonheur ; le jour délicat – le chant de l'invisible – le parfum de la terre dans la mémoire ; et le goût inaltérable du ciel...

Ce par quoi l'âme doit passer ; après que le cœur s'est arrêté ; après que le sang se fige dans les veines...

Dans le silence éternel du temps...

 

 

Au fond de l'abîme habité ; la souffrance autant que la joie – le seul et la multitude ; l’entièreté du monde avec ses possibles et ses entraves...

La danse du vivant infestée d'images et de mots ; ce qu'invente l'esprit pour rendre la pierre (plus) vivable...

 

 

Ici ; dans l'âme et le silence ; la justesse ; contrairement au monde – à la langue – gorgés de méprises et d'approximations...

 

*

 

Le dos – droit ; comme la terre – un arbre – peut-être ; comme une fenêtre sur le monde et la nuit ; comme une chose assez peu distincte du reste...

Trop tard – peut-être ; trop longtemps après les premiers frémissements...

L'âme et les pages du livre ; écornées...

Seul – dans le passage ; avec tout ce noir blotti contre soi...

 

 

Sans même aller ; l'âge déjà...

Comme une vieille étoile éteinte ; dérisoire (si dérisoire) dans l'immensité ; et le regard de l'homme – et le regard de l'Autre...

A notre place (pourtant) dans l'attente d'une joie – d'un ravissement...

Quelque chose né de l'ombre ; et qui est parvenu à s'en affranchir...

 

 

Des larmes ; comme une résistance ; une manière pacifique – innocente – de contester...

Du sang le long du glaive ; s'écoulant ; après avoir transpercé la chair ; le cœur du monde – de l'homme – de l'aube – de la roche – de la bête...

Et les eaux – et les prières – et les chants – pour balayer les traces funestes ; le sort effroyable de la matière...

En attendant l'aube – l'Amour ; la violence (insoutenable) de la terre ; plongé(s) au cœur même de la tragédie...

 

 

Vêtu de ciel et de peau...

Enveloppé d'argile et d'invisible...

Au seuil de l'évidence – le plus tangible...

Au seuil des remontrances – la liberté...

Et le chemin qui invente – et qui façonne – le pas ; pour se retrouver...

 

 

Comme le jour passé – comme le jour passant ; la lumière à travers nos cris ; à l'image du désir – une faiblesse – peut-être...

La marque – le manque – d'une rencontre...

Le regard porté au-dedans ; et au-delà ; essayant de découvrir – tentant de trouver une issue – un nuage – un mirage – une solution ; une présence – sans doute...

 

 

Depuis toujours ; le sommeil ; cette chape de plomb apportée par la nuit...

Des couleurs sombres posées contre soi ; et qui passent de main en main (au fil des générations)...

Le rêve ; le sens de l'histoire peut-être...

Comme un cri qui monte jusqu'aux lèvres ; pour que le monde sache enfin ; apprenne à voir ; commence à regarder...

 

 

Éclairés ; la marche – le pas – les jours...

Quelque chose du monde ; sans aide – sans personne...

Affranchi de cette terreur sans écho...

Entre le masque et l'oubli ; un étroit passage – un peu de lumière – l'issue tant recherchée – le doigt dans la chair – la blessure ; là où est la douleur – à l'exact endroit d'où sort le cri...

 

 

L'espoir encore ; comme une promesse...

Entre les mains des hommes – entre les mains des Dieux...

Sous le règne triomphant de la terre – du provisoire ; les armes brandies par-dessus les instincts...

A se frotter au monde ; aux aspérités – à l'épaisseur...

A l'horizontale ; puis, à la verticale ; et inversement ; cherchant (en vain) comment être vivant ; comment se tenir (réellement) debout ; comment être un homme...

 

 

Comme un parfum – un peu de consistance dans le néant des vies ; comme une malédiction inoculée depuis le plus faible de l'âme ; à peine une morsure mais qui – insidieusement – distille son poison pendant des siècles...

La tête chavirée – basculée vers l'arrière – sous l'effet puissant de la drogue ; de cette illusion qui, peu à peu, envahit le cœur et le sang...

Debout – les yeux entrouverts – entre sommeil et somnolence ; enchaînant les gestes mécaniques et se croyant lucides – éveillés...

De la terre et de l'engourdissement ; entassés dans le regard – les mains ; et les poches pleines de cette argile sombre parsemée d'éclats...

Vivants se disent-ils ; créatures de l'ombre – à peine...

 

 

Une fois de plus ; le corps criblé de lumière – jusqu'à la douleur – jusqu'à l'étourdissement...

Le vertige du monde – peut-être ; ou le délire de l'homme – qui sait...

En attendant le regard ; en attendant la joie...

 

 

Au-delà même de la chair – de la terre ; ce qui nous est (chichement) offert...

L'alliance – le mariage ; et la trahison...

La gorge serrée ; comme si une main – une poigne – nous saisissait...

Les cadavres ; les blessures et le sang – l'impossibilité...

Et quelque chose du manque ; par-dessous...

Entre la caresse et la cuirasse ; un chemin nous est proposé – se dessine ; une issue – l'éternité peut-être...

 

 

Échapper aux hordes et aux tribus...

Aller par-delà le monde – par-delà la terre et le ciel partagés...

Vers un peuple sensible à l'invisible et aux origines...

Moins crédule qu'innocent ; sachant repérer les méprises et les impostures...

Œuvrant au rythme de la sève qui monte...

Le cœur louant tous les règnes...

Encore plongé dans les eaux tourbillonnantes du monde...

S'enivrant de tous les contentements...

Sous le ciel ; l'âme bleuie déjà...

 

 

Riant seul ; au milieu des murs effondrés ; au cœur du labyrinthe d'autrefois...

Espace – vaste espace, à présent – qui laisse libre cours à l'âme ; et qui livre à la justesse et à la possibilité de la graine...

L'ensemencement du monde...

 

*

 

La main posée sur la solitude ; touchant sa chair – sentant sa texture – appuyant comme sur du moelleux...

Apprenant à mourir ; à éprouver tous les deuils...

L'ultime rive ; la dernière île peut-être...

Sans lèvres – sans l'Autre – sans simulacre...

L'existence et le bleu ; rassemblés ; comme un bagage ; le seul baluchon que l'on ait jamais porté...

Abandonnant les os et le sang à la terre...

Nous rapprochant du plus familier...

 

 

L’œil et le ventre ; cheminant ensemble...

Face à l'auditoire en demi-cercle...

Ignorant tous les secrets ; ceux de la terre et ceux des Dieux...

Participant au spectacle ; et (assez) prépondérant dans son rôle de témoin ; spectateurs – aux mains enchaînées – d'un monde collé contre eux...

 

 

Sur les voies moissonnées ; l'âme prise dans les filets du temps – se hâtant – précipitant le sable ; dans le vide – déjà ; chutant ; immobile...

A craindre encore les rumeurs du monde et les grondements de la terre...

Fenêtres ouvertes sur la nuit et les sentes nocturnes...

Au rythme de l'éclair ; et la foulée rapide ; et l'âme pensive qui erre dans ses rêves d'altitude et de grandeur...

Alors que rien ne peut s’achever ; alors que tout (toujours) est à recommencer...

 

 

A deux doigts des larmes – du sang – de la neige...

Si proches ; la vie – le monde – toutes les possibilités...

Ce qui initiera un chemin ; le sens du destin...

La prochaine étape de ce voyage sans fin...

 

*

 

La couleur du monde sur la peau ; et l'âme poreuse...

Couvert de cette boue grise ; et de ces pierres bleues quelques fois...

Face au vent ; le cœur sur le visage...

Dans les mains de celui qui écoute et qui voit...

La fièvre jetée sur l'appel...

A la haute saison des carences...

 

 

A hauteur d'un ciel raclé par les ongles de ceux qui prient...

A fêter la ressemblance des images – à regretter l'enfance perdue ; à fustiger les origines et la longue déchéance...

A participer aux agapes (à toutes les agapes) terrestres et au déclin (à l'inévitable dépérissement) de ce monde finissant...

 

 

Sous l’œil de la pluie ; ces larmes blanches ; et cette nuit des temps anciens...

Les malheurs qui guettent aux coins du monde – aux coins des yeux ; et sous leurs airs méfiants ; par-dessus la moelle intacte...

L'essence même de la chair – trop peu souvent – reconnue et visitée...

Le cœur encore si infranchissable...

 

 

L'âme assujettie au monde ; et ces jours – et ces lignes – qui ne parviennent à s'affranchir de la langue...

Sous le même silence ; depuis tant d'années...

Les mains liées par le doute ; trop de questions ; et trop peu de réponses...

Et la même possibilité ; à chaque fois ; ce passage qui échappe au temps (et à l'essentiel des hommes)...

 

*

 

L’œil vif sur les jeux serviles ; en ces lieux où se tiennent tous ceux qui veulent vivre ; condamnés à mendier leur part ou à s'en emparer par la force...

Les uns derrière les autres face au (terrible) festin ; comme dans la longue file d'attente devant la porte des cimetières...

 

 

La chair louée par Dieu ; proche du ciel par sa fièvre ; et ses souvenirs des premiers temps...

A la manière d'une danse ; à la manière d'un crime...

Sous la lumière basse (et bleue) de l'aube...

Le reflet de l'invisible ; hanté par le mouvement...

Au cœur du vivant ; avec tous les troubles (entremêlés) du manque et de l'abondance...

 

 

Les flammes lancées contre les croyances...

La figure imposante du monde...

Le casque par-dessus le front étoilé...

Là où le sommeil s'exerce ; là où le sommeil s'impose ; et condamne...

Là où la bonté détale ; s'enfuit à toutes jambes...

Dans le haussement du sombre hissé par les mains en prière...

 

 

La terre grillagée contre le vent...

A remonter la fumée noire des charniers...

L'âme songeuse ; le séant en sueur...

Comme un cœur à la traîne dans cette longue file descendante...

 

 

L'enfance des confins ; en ce lieu où règne-nt le rire – le ciel et le rire...

Sans caresse – sans sanglot...

Sans effroi face au silence qui habite les recoins...

Sous une étoile aussi lumineuse que le jour...

Quelques feuilles à la place du rêve...

Et la solitude revêtue comme une cape...

 

 

Animé par la vie triomphante ; et le souffle animal...

Dieu dans la main ; et sous les canines luisantes ; et dans la chair inerte...

Davantage que les songes et le sang...

Dans le jour facilité...

Au même titre que l'Amour et l'abandon...

A travers cette enfance continuelle...

L'humilité et la sauvagerie de vivre encore...

Et cet appel (inépuisable) vers la lumière...

 

 

A notre tour ; la toile tendue par les vents...

La lanterne à la main ; au milieu de la tempête...

Affaibli et consentant...

Le souffle peu aisé ; comme si les yeux s'étiraient (péniblement) par-dessus l'enfance...

Embrassant ce qui nous quitte ; ce qu'il (nous) faut abandonner...

Au cœur de la grande nuit qui se replie...

 

 

A l'arrière du silence...

Sous le bleu un peu lisse – un peu usé – des voyageurs...

A l'ombre de l'âme ; porté par des chants et des mains inconnues...

Mal portant – peut-être ; mais le cœur paisible et clairvoyant...

 

*

 

A genoux – face aux yeux anonymes...

Le voile remonté...

Lèvres au ciel – psalmodiant leur prière...

Le fiel – comme une flaque – à nos pieds – s'asséchant au soleil – au milieu des images écornées...

Dans le silence désorganisé de l'âme ; dissimulé derrière les bruits – et le désordre – du monde...

A l'écoute – peut-être – d'une réalité inconnue que la route révèle (peu à peu)...

 

 

 

Et le bleu – et le vent – qui entremêlent leurs couleurs – faisant naître une rivière sans pareille ; une voie – peut-être – où l'on pourrait laisser glisser ses pas vers une démesure – un possible impartageable – quelque chose de la terre et de l'immensité – un lieu inaccessible peut-être...

 

 

Sous un ciel variable ; cette terre labile soumise aux caprices et aux ténèbres de l'enfance ; si peu raisonnable(s) aux yeux des prophètes et des sages...

Et cette laine qui pousse sur le dos de tous les hommes – bêlant à faire trembler le sol...

Rusant ou baissant les bras devant tant d'impossibilités...

Des têtes malheureuses à force de coups et d'impuissance...

Sous un ciel impénétrable; condamnés à la débilité des jeux ; le cœur (sans doute – encore) trop insensible...

 

 

Et cette chair habillée de vent – promise à la terre...

Et le cri de l'âme ; silencieusement...

 

*

 

Face à la terre la plus haute...

Les yeux poussant le ciel ; essayant de transformer la lumière ; et la couleur du jour...

Agitant nos bracelets de chair...

Courant sur tous les rivages...

Comme des enfants perchés sur les toits – jouant au-dessus des remparts d'une cité invivable...

 

 

Le cri scellé dans le geste ; cherchant à remonter vers le plein...

A travers ce défaut (si patent) de tendresse...

Coiffé à la hâte par la main des Autres...

Au seuil d'une sagesse recouverte d'étoffe brodée d'or et de richesse ; ostentatoire ; comme la coupe que l'on emplit de cette joie anguleuse et circonscrite qui réclame son lot de prières criardes ; comme s'il nous fallait vivre à genoux sur des pierres tranchantes ; comme si le monde n'avait rien d'autre à (nous) offrir...

 

 

Face au monde...

Sur le cercle se hissant...

Étrangement mêlé au songe...

La langue trop près de la tête...

Sur cette île entourée par les eaux sombres...

Entre les larmes et le miel des Autres...

Encore trop peu sensible ; trop étranger aux miracles et aux lois de l'invisible pour échapper au devenir ; et pouvoir rejoindre l'enfance...

 

 

A l'envers ; dans le déversement du ciel...

Fontaine sur la pierre offerte à tous les mendiants...

L'eau joyeuse éclaboussant la folie des fronts...

S'écoulant (à sa manière) entre les hommes et les alentours...

Ne sachant quelle couleur arborer ; se voilant de transparence...

Au cœur du cirque et des âges archaïques (un peu perdue – il va sans dire)...

 

 

La chair rouge livrée aux yeux et aux mains affamés...

Au nom de l'espèce – de la race ; quelque chose d'édifié – de guingois...

Englué(s) dans une perspective hiérarchique du monde ; de la brume au-dedans du front...

Et cette lumière à peine visible depuis la fosse où vivent les vaincus et les vainqueurs apparents...

 

 

Devant les yeux ; et en arrière du front ; ce rire indicible...

Jusque dans nos yeux trop graves et trop noirs...

Comme une caresse – un vent rafraîchissant – un saut dans la joie contagieuse...

Une enjambée – un pas immense – au-dessus du cercle des malheurs...

 

 

La langue poussiéreuse ; éreintée – sans doute...

A travers les mots et les impasses du chemin...

Sous le regard (étonné) des fleurs ; sous les branches (hébétées) des arbres...

A l'abri du sang – de la mort – des guerriers...

Au milieu des ombres qui remontent le cours du fleuve intranquille...

Jusqu'à la source ; dans les mains déjà – enfouie – dissimulée – discrète – tant que persistera la quête ; tant que se perpétueront les massacres...

Tant de cœurs dans le lointain ; et tous ces regards à désobscurcir...

Malgré l'incessant labeur du ciel sur les âmes égarées...

 

 

Entre la plainte et la confusion...

Quelque chose de la folie où se sont glissés – subrepticement – la gloire et l'éblouissement...

 

*

 

Des yeux perçants ; une âme douée de persévérance...

Les bras puissants ; et le cœur pacifique...

Sur ses jambes ; si près du lieu où brillent les étoiles – si près du lieu où naissent les vents...

La tête à genoux ; suspendue au secret...

Là où l'homme se balance entre les honneurs et l'humilité ; dans la proximité du mystère...

 

 

Passant encore ; dans cet écart croissant...

Les souvenirs (tous les souvenirs) piétinés...

Près des âmes qui ont revêtu leur costume de poils...

Là où le cœur bifurque ; là où la tête doit apprendre à s'égayer face aux malheurs...

En ces lieux de piteuses apparences ; là où Dieu s'est caché pour murmurer à l'oreille des plus humbles ; et les guider jusqu'à la lumière – en entraînant leurs gestes et leurs danses vers une joie sans orgueil...

 

 

Tranchant comme la pierre...

Et la chair tendre – si fragile...

A se frotter contre la rocaille et la sécheresse des âmes...

Les visages anguleux comme des choses...

Dans le labyrinthe du monde ; de l'esprit...

Au milieu des souffles de la terre...

 

 

Les têtes gorgées d'images et de signes...

Insensibles à la beauté du monde – au réel brut – abrupt – sans filtre...

Et penchant du côté de la folie et de l'absurdité plutôt que du côté de l'inconnu ; du côté du dogme plutôt que du côté de l'invisible...

Le cœur de l'homme si étrange – si peu familier des forces sous-jacentes ; et des lois qui régissent les lieux où il a cru bâtir son royaume...

 

*

 

Et d'autres voix – en nous – qui s'élèvent...

Du secret vers le plus simple...

Le ciel fréquenté ; le cœur en paix...

De l'invisible nourricier à l'âme frémissante...

Du lieu le plus haut vers le plus intime...

Et l'un dans l'autre ; qu'importe l'abondance ; qu'importe la pauvreté...

A la lisière ; à la lumière ; tout (à peu près tout) à démentir ; et tous les seuils (bien sûr) à inverser...

 

 

Sous le règne de la fièvre et du front...

La sagesse – pourtant – au fond du sommeil...

Discourant sur ses terres ; comme si le monde leur appartenait...

Le silence sous l'horreur et les ornements...

 

 

Reconnaissant ; le visage déployé...

Comme la lumière sur son territoire ; partout à son aise – jusque dans les plus obscurs recoins...

Et la joie promulguée sur toutes les pentes exposées aux rayons de l'astre...

L'âme et la chair ouvertes ; engagées dans la brèche...

Et le vent ; bouleversant tous les sommeils ; ébranlant les certitudes et la mainmise du dehors...

 

 

Le jour étagé ; à l'altitude offerte par la qualité de la veille...

Sans (jamais) perdre pied ; ce carré de ciel dans le regard...

A exister jusqu'à se confondre – jusqu'à s'effacer – jusqu'à disparaître ; et le peu qu'il reste (à la fin) à se partager...

 

*

 

Assis face à l'étendue...

Entre des bras étrangement longs et parfumés...

Dans le cercle ; hors de la cage...

Le temps amassé au fond des poches ; et autre chose par-dessus – comme un ciel – un abîme peut-être...

Et ce sursaut dans la langue ; comme du sang neuf versé hors de la tombe...

A arpenter encore la lumière – le reflet de la lumière ; et ces résidus de cendre...

De très haut ; par les fissures...

 

 

Entre le miroir et l'Autre ; ce passage où l'âme peut se faufiler...

Sur les traces du vent ; vers le précipice – assurément...

Et le souffle qui nous emporte...

A même le ciel ; (très) spontanément...

 

 

Nul conseil de sagesse...

Les choses de l'esprit...

D'une route à l'autre ; en passant, parfois, par l'ailleurs...

La condition de l'homme ; des créatures sombres...

Et les lois de l'ombre ; écrasante(s)...

Jouant déjà au cœur du royaume – pourtant...

En tous les lieux propices au monde – à l'Autre – à la solitude...

Au cœur de nulle part ; assurément...

Et – en soi – comme plongé au centre (à son insu)...

 

 

Au jour descendant ; le guide ; arrimé...

Avec le monde – mille choses – sur le dos...

A notre place – derrière les bêtes ; éclaireuses du mouvement – de la liberté...

Dans les herbes hautes ; mélangés les fronts et les têtes à cornes...

Membres du même cercle...

Sur des chemins (de plus en plus) silencieux ; où les silhouettes se ressemblent – se confondent – forment d'étranges alliances – pactisent, parfois, avec les étoiles ; en s'approchant (peu à peu) des promesses de la lumière...

 

*

 

La main infirme de ceux qui fuient – de ceux qui passent – de ceux qui raillent l'incapacité et la défaillance des Autres...

Le cœur dans sa carapace de cuivre ; et l'âme couleur de cendre...

Les yeux fermés ; comme deux billes opaques glissées sous les paupières – aussi malhabiles que celles qui s'affairent devant des pages pleines de signes à la recherche des lois qui régissent le cercle du monde – le cercle des vivants...

Les bras chargés de choses et d'ardeur ; et un peu de sensibilité ; ce qui nous est offert pour survivre...

Au son (perceptible) des flûtes invisibles ; les danses nouvelles et anciennes ; les danses d'hier et d'aujourd'hui ; les danses de toujours ; ce à quoi nulle âme ne peut échapper...

 

*

 

Le temps du chagrin et des malheurs rassemblés...

La langue du peuple léchant le miel du monde – sur la roche comme sur une lame effilée...

Sous le règne des instincts ; et le sang des vivants...

Entre l'ordre et le néant ; la loi de ceux qui se tiennent en rangs serrés...

Les lèvres gonflées d'orgueil et de haine ; crachant leur fiel à travers les barreaux...

Comptant, chaque jour, les nouvelles stèles dressées sur la pierre noire...

Au sommet des âges ; cette violence arc-boutée...

Et ainsi ; davantage – au fil des siècles qui passent...

 

 

A déverser leurs rêves sur ces fleurs trop blanches...

Les poches emplies d'espoir et de science...

Encore si loin du ciel – de la poésie – de l'innocence...

 

 

L'âme si étrangère au monde...

Saluant ce qui passe...

Sous le soleil ; souriant...

Au milieu de l'air et de l'herbe ; au milieu des Autres...

Agissant de mille manières...

Au-dehors comme dans l'intimité de l'étreinte...

Mille chemins ; mille regards – qui se croisent ; des cœurs et des peaux qui se frôlent – à peine...

 

 

A la saison inaugurale...

Loin des anabases chimériques – inventées...

Incorruptiblement ; la puissance et le rayonnement...

Sans (jamais) présumer des possibilités de l'esprit...

Ce qui monte ; ce qui s'élève en silence – si secrètement...

L'âme (de plus en plus) humble ; dans cette absence de nom qui se balance au-dessus des têtes et des choses – hélé par ceux (par tous ceux) qui peuplent ces rives faméliques et qui rêvent de se hisser eux aussi...

 

*

 

Quoi d'autre dans ses bagages sinon le regard et l'humilité ; l'impossibilité et la capitulation de l'homme...

De ces yeux – de ces pas – capables de percer l'épaisseur pour rejoindre l'autre côté de la peau – du monde – de l'esprit...

Comme une fenêtre dans le regard – comme des ailes à la place des pieds ; et l'espace suffisant pour se déployer...

Et dans le cœur cette évidence ; la source et l'absence de frontières ; à travers (tout) ce qui se manifeste...

 

 

Des mots ; comme une gifle ; et l'orgueil, peu à peu, défiguré – méconnaissable – et qui finit comme une chose tiède et avachie – une masse informe et affaiblie – qui s'effondre ; et qui se répand sur le sol...

Et les remparts détruits ; comme tous les voiles déchirés ; jetés aux pieds de ceux qui rêveraient de comprendre ; et qui sont animés par un élan – une brûlure – comme un appel (irrésistible) du ciel ; une ardeur que le mystère déchaîne ; et qui s'empare de leur âme encore inapte (bien sûr) à toute résolution...

 

 

Le jour ; au cœur des saisons...

Dans le fondement de la loi inaugurale...

La terre généreuse ; et l'âme incorruptible ; quels que soient les attraits – les scintillements – les invitations...

Du côté de l'esprit ; face à la puissance – face à l'autorité...

Sur des routes sans promesse...

Au cœur d'un réel sans alternative...

Sur la pente la plus naturelle – en quelque sorte...

 

 

A l'abri des hantises et des malédictions...

Le chant secret – invisible ; louant le merveilleux du monde ; et ses mille possibilités...

La soif étanchée par le ciel et la poussière...

Et le mystère – tenu (et révélé) par nos mains ancillaires ; et notre âme complice de toutes les veilles – de tous les jeux – de toutes les tentatives...

 

*

 

Derrière les couleurs et la chair agile...

Enroulé autour de l'âme ; mélangé à l'argile...

Autre chose que le sang ; en d'autres lieux que la terre...

Et des offrandes ; et des prières – en guise de filet...

L'invisible ; et les tempes marquées de son sceau – sans s'inquiéter de la malice des hommes – ni du vent – ni des chimères – ni du temps qui passe...

 

 

A contempler ce qui s'organise ; ce qui se déroule ; ce qui s'affale...

Les gestes trempés dans la douleur ; puis, dans la joie ; alternativement...

A vivre appuyé contre les forces sous-jacentes...

Puis, disparaissant avec ce qui, peu à peu, s'efface...

A s'offrir ainsi – l'air de rien – à l'invisible qui décide ; à l'invisible qui forge et qui s'insinue ; à l'insu de toute volonté...

15 août 2023

Carnet n°296 Nomade des bois et des hameaux – vie d'un ermite itinérant (seconde partie)

Juillet 2023 

14h45 – 15h préparation pour la rando

 

Se préparer pour la marche quotidienne

Harnaché pour la rando du jour ; sandales(1) (de marche), short court(1), t-shirt sans manche(1), sac à dos dans lequel on glisse une bouteille d'eau et une pochette(2) qui rejoignent la paire de jumelles et divers accessoires (couteau, corde, ficelle, poncho etc etc) rangés dans l'une des poches principales. Un parapluie(3), le sac de rando(4) de Bhagawan et notre inséparable bâton(5) viennent compléter la panoplie.

Voilà ! On est prêt à emprunter la première sente venue !

(1) ou, selon la saison, chaussures de randonnée, pantalon treillis et pull

(2) qui contient notre porte-cartes, nos lunettes et les clés du camion

(3) parapluie de randonnée contre les averses et le soleil – s'il fait réellement chaud et que le sentier n'est pas à l'ombre – que l'on attache à l'aide d'une sangle élastique

(4) Sac de transport porté en bandoulière transformé en sac de rando ; renforcé avec des bretelles allongées (et consolidées) muni d'un coussin (moelleux) et capable de supporter, chaque jour (expérience à l'appui), près de 9 kg sur des kilomètres et des kilomètres...

(5) un vieux bâton en bambou trouvé, un jour, sur le chemin

 

Journal poétique (extrait)

A demeure ; l'idée du monde

Et qui tourne – s'édifie ; pierre après pierre – d'une perspective à l'autre

Sous toutes les couleurs ; le rêve et la beauté

Le visage du réel affranchi des reflets

Au-delà du sombre et du chatoyant

A travers le feu ; et derrière le miroir

Au cœur du cercle ; aux côtés du vent – de la mort – de la joie ; déjà (parfaitement) entouré(s)

 

Sac à dos, voyage et poupées russes

Vivre en roulotte revient, d'une certaine façon, à voyager (à la fois de manière pratique et symbolique) avec un énorme sac à dos. Lorsque l'on prend la route, on emporte avec soi tout ce que l'on possède*. Dans cette perspective, on pourrait dire que le camion constitue la première – et la plus grosse – des poupées russes.

* Nous n'avons entreposé aucun objet personnel chez des parents, chez des amis ou dans un entrepôt de stockage destiné aux particuliers. Tout est rangé dans le camion ; et il ne nous faut pas moins de 3 bonnes heures pour le débarrasser de tout ce qu'il contient...

Lorsque l'on part en randonnée l'après-midi, on emporte un sac à dos qui contient les objets les plus importants(1) (nos papiers, nos lunettes et les clés du camion) et le nécessaire pour la marche(2). Sur les chemins, on pourrait donc dire que l'on porte (et emporte avec nous) la deuxième poupée russe – bien moins volumineuse que la première...

(1) ceux qui nous permettent d'adopter ce mode de vie et ceux – incontournables – qui nous donnent une « existence légale » dans la société des hommes...

(2) voir la rubrique précédente

Lorsque l'on doit renouveler nos provisions alimentaires dans une grande surface commerciale, on n'emporte que la pochette (évoquée quelques lignes plus haut) que l'on pourrait considérer comme la troisième poupée russe du dispositif...

Lorsqu'il nous arrive de nous promener nu* en été, on ne porte (bien sûr) ni vêtement, ni chaussures, ni sac à dos. Notre bagage se limite au corps, à l'esprit et à ce que l'on porte à l'intérieur. Et cette nudité pourrait être considérée comme la quatrième poupée russe...

* lorsqu'il n'y a personne aux alentours... On est un adepte assez enthousiaste – et assez convaincu – du naturisme. Ah ! Le bonheur de marcher dans le plus simple appareil ou de se baigner nu dans la rivière...

Enfin, lorsque nous mourons, nous délaissons le corps (en tout cas le corps organique) et, à cette occasion, il nous semble que l'esprit* voyage à sa manière vers d'autres lieux – vers d'autres mondes – vers d'autres cieux. Et cet esprit (presque pur esprit) pourrait, sans doute, être considéré comme la cinquième (et dernière) poupée russe...

* qui cesse, peut-être, en ces circonstances, d'être perçu comme strictement personnel

C'est ainsi que l'on appréhende le voyage – tous les voyages (les petits et les grands)...

 

Antoine de Saint Exupéry

« Celui qui veut voyager heureux doit voyager léger. »

 

Journal poétique (extrait)

Le souffle ardent ; intensément solitaire

A travers le monde – le pas – le vent – la poésie

Et les bêtes dans leur passage ; et certaines âmes dans leur voyage

A travers ce qui monte ; la source inconnue ; apprivoisée

Le poids de ce qui s'en va ; et la légèreté du reste

 

Journal poétique (extrait)

Comme un tambour ; le cœur – la vie – le rythme

Des vibrations sur le fil ; les barreaux de l'échelle

Le temps à rebours ; le monde couché – à travers les yeux de ceux qui respirent ; et ses règles du jeu que nul ne comprend vraiment

 

Il existe d'autres mondes – d'autres dimensions du réel

Inutile d'établir la liste des mondes possibles (ou probables). Limitons-nous à ceux qui sont accessibles à l'esprit humain à travers l'hypnose, le rêve, le sommeil profond, le coma, la mort, les expériences de mort imminente, le voyage astral, la transe chamanique ; au cours de ces moments ou de ces expériences, quels univers – quelles contrées – traversons-nous ? Sommes-nous capables de répondre à cette question de manière satisfaisante...

Et qui sait où nous étions (et ce que nous étions) avant notre naissance et où nous irons (et ce que nous deviendrons) après notre mort ? Les religions offrent toutes quelques explications (avec des différences et des points communs) qui s'avèrent (en général) peu utiles...

Aucune réponse recevable ne peut être apportée ; il convient de chercher par soi-même (et, surtout, de se laisser trouver...). Selon sa sensibilité et sa compréhension* pourra s'esquisser une conviction ou une intuition, capable peut-être de se transformer en certitude – en évidence inébranlable – lorsque l’expérience intérieure offrira suffisamment d'éclairages et de précisions...

* qui évoluera, sans doute, avec l'expérience et la maturité...

 

Ibn Arabi

« Aller vers Lui est l'essence de l'ignorance, le repos en Lui est l'essence de la Connaissance. »

 

Journal poétique (extrait)

Ici ; au milieu de la lumière ; dont notre visage est le parfait reflet

Étranger au monde ; de plus en plus

Vers le haut et vers le bas ; simultanément

Laissant le désir hors du cercle

Comme effacé par l'immensité

Au-delà de la mémoire et du temps ; au centre de l'espace

Au royaume de l'âme et de la pierre ; là où l'arbre donne le rythme et la direction ; là où l'on peut (encore) s'initier à la vie haute et intime – à la vie vraie ; là où nous sommes – là où nous marchons – là où nous allons ; autant que l'endroit d'où nous venons

 

Journal poétique (extrait)

Temps d'apôtres à la bouche tordue ; à la parole grise ; à la tête lasse

L’œil si serré contre soi ; en ce siècle de sang et de cécité

En ces temps de hurlements et de cœurs blessés

Ni fleur – ni pierre – ni arbre – dans leur panthéon édifié à la gloire du monde

Ni bête – ni homme à la bouche droite ; au cœur plus large que le monde ; au sang si proche de la sève ; et à l’œil qui voit

Dans la proximité de ce qui n'a de visage ; familier du vide et de l'invisible ; dont le chant célèbre les feuilles et les pétales ; tous ceux dont l'âme est silencieuse

En plus de la danse – la joie – la beauté ; et la prunelle malicieuse

 

Lorsque la méditation remplace la marche

Les jours de pluie(1), il nous arrive de remplacer la marche par une séance de méditation(2). On s'installe(3) alors entre la table et le meuble de la cuisine – les jambes croisées en position du demi-lotus(4). On balance (très lentement) le buste à la recherche d'une verticalité équilibrée et confortable, puis on laisse la détente(5) et la paix se déployer naturellement. Et l'on demeure ainsi, le corps et l'esprit à leur aise, en se faisant le témoin à la fois attentif et détaché des sensations et des pensées, laissant tout advenir, laissant tout passer, laissant tout s'effacer ; n'étant rien, ne devenant rien ; un espace vide (peut-être) – une conscience-présence sans nom – indéfinissable – inappropriable...

(1) lorsque la pluie est dense et ininterrompue

(2) méditation formelle assise

(3) sur le vieux tapis qui sert à nos exercices physiques quotidiens

(4) posture que le corps prend naturellement tant elle nous semble naturelle aujourd'hui – nous avons pratiqué la méditation formelle pendant de nombreuses années (il y a longtemps) et, chaque jour, lors des pauses que l'on s’accorde, durant notre marche, on adopte, de manière naturelle, cette position qui nous paraît stable et confortable...

(5) un état entre le relâchement et la vigilance – ni trop tendu ni trop relâché – à la manière des cordes d'un instrument de musique comme le précisent certains préceptes du bouddhisme zen

 

Muso Soseki

« L'esprit affairé, le monde immense est trop étroit. L'esprit vacant, un coussin est assez large. »

 

Journal poétique (extrait)

Ne plus y être ; et y être encore

Entre le désir et la pierre

Ne nous agrippant à rien

Des paroles comme un ciel découpé ; et offert

Davantage – peut-être – que le monde – les étoiles et les rêves – réunis

Mais moins que la première fleur pourtant

Malgré l'infini qui – entre les doigts – se tend

 

Journal poétique (extrait)

Dans l'intimité (redoutable) de l'espace

Le visage penché sur le silence

Et le rire ; comme une respiration de l'invisible

A l'écoute du plus haut – en soi

Derrière ces rives étrangères ; l'inconnu

A travers des lèvres sans bouche ; des signes sans support ; jusqu'au premier souvenir – jusqu'au plus fantasque des sauts dans la matière

Et toujours passant – bien sûr

 

Méditations formelle et informelle

Aujourd'hui, on ne pratique la méditation formelle qu'à de très rares occasions – lorsqu'elle s'invite spontanément ; on ne s'y adonne jamais pour parvenir à quelque état (comme on le faisait autrefois). On s'assoit – une jambe repliée sur l'autre – sans rien chercher – sans rien fuir – seulement pour la joie d'être assis sur le sol...

Cette absence de pratique formelle n'est pas une paresse ; elle s'est imposée à mesure que la méditation informelle* – cette attention sereine et naturelle – s'est installée dans nos activités journalières et nos gestes quotidiens. Aujourd'hui (et depuis quelques années) l'esprit n'éprouve plus le besoin de vivre autre chose que ce qui est là – que ce qui, à cet instant, est offert par la vie, par le monde et les circonstances, il ne cherche plus à parvenir à quoi que ce soit...

* non formelle, non assise – qui advient, de manière naturelle, dans les activités et les gestes de la vie courante

Il n'y a plus ni désir, ni projet. Il y a cette tranquillité sous l'écume des gestes et des pas qui, parfois, s'animent encore avec vivacité. Il y a ce qu'il y a ; et cette joie, et cette paix malgré l'agitation du monde, du corps et de l'esprit quelques fois – malgré la tristesse, la nervosité ou l'inconfort. Tout est vécu d'une façon (assez) égale...

Les états et les événements sont accueillis comme ils arrivent, comme ils se présentent. On ne les transforme pas, on ne les amplifie pas, on ne les atténue pas, on cesse de jouer avec...

 

Tao Hsin

« La méthode authentique consiste à ne rien faire de spécial ».

 

Notes diverses

Il n'y a rien à changer à ce qui est, ni en soi, ni en l'Autre, ni en ce monde...

 

Journal poétique (extrait)

A se résoudre au feu – à la bêtise – au sacrilège ; à la matière malmenée

Comme de la fumée entre le sol et le ciel

Au-dessus des pierres ; et au-dessus des siècles

A coups de boutoir – sous la même étoile

A consentir jusqu'au rêve – jusqu'au sommeil – jusqu'à pactiser avec les forces les plus noires – les plus souterraines

 

Séance martiale

De temps à autre, on s'offre également une séance de bâton martial (avec l'un des nombreux bâtons rangés dans la roulotte). L'occasion de s'exercer à quelques mouvements (directs et circulaires) contre un ou plusieurs adversaires fictifs – une sorte de danse avec la terre et le vent – un exercice auquel on prend un réel plaisir. Une chorégraphie aérienne qui nous donne des airs de grand singe qui gesticule, avec une certaine grâce, à quelques centimètres du sol...

En de plus rares occasions, il nous arrive aussi de sortir quelques couteaux et étoiles de lancer ainsi qu'une cible fabriquée avec quelques planches épaisses ; et tel un adepte du kyudo(1), on se livre à une sorte de long exercice méditatif(2) qui requiert une forme d'attention libre et ouverte, un vide et un effacement ainsi qu'une synchronicité entre le souffle, la main et l'absence d'intention; une manière d'expérimenter la dissolution (partielle) des frontières entre l'esprit, le corps, le geste et l'espace et d'expérimenter la fusion entre le mouvement, la cible et l'arme projetée.

(1) Tir à l'arc japonais – activité pratiquée par les adeptes du zen au même titre que la calligraphie, la cérémonie du thé ou l'art de l'arrangement floral

(2) séance qui dure, parfois, plusieurs heures

En dépit de notre attitude pacifique, cette pratique martiale s'avère violente (on le ressent très intimement – pénétration agressive de la pointe d'acier dans la chair tendre du bois – activité symboliquement très masculine) ; elle génère, malgré la douceur et l'absence d'intention malveillante, une sorte d'énergie négative ; aussi ne s'y exerce-t-on que de manière (très) occasionnelle...

 

Journal poétique (extrait)

Ce qui sait – en nous ; comme une force inébranlable

Comme un livre ouvert – pourtant – à travers ce qui vient – ce qui passe ; à travers la moindre circonstance

Comme des flèches pointant vers le centre – cet espace que chacun recèle ; à disposition de ceux qui ont capitulé ; de ceux qui ont abandonné toutes leurs armes

 

15h – 15h15 en balade / en rando

Un pied devant l'autre sur une sente étroite qui traverse le massif forestier. Au milieu des hêtres et des pins. On marche en silence – attentif à ce qui nous traverse et à ce que nous traversons ; l'esprit vide, humble et respectueux. Allant là où se dirigent les pas* – là où le cœur et l'intuition nous guident – au gré des pistes et des pentes.

* sans le moindre enjeu sportif

 

Notes de la forêt

A larges bords ; les chemins. La possibilité du monde ; la possibilité de soi. A égales proportions ; selon la sensibilité et les prédispositions.

 

Notes de la forêt

A dévaler les pentes ; à explorer le royaume caché. Entre les troncs et le cœur vertical.

 

Journal poétique (extrait)

Au milieu des éboulis ; la même lumière pointée par le doigt

Moins longue – peut-être – la route

Comme un retour vers le haut

Vers l'élargissement vertical du monde

Par la voie la plus escarpée

L'âme (toute) frémissante

 

Rencontre forestière

Cet après-midi, on a croisé une martre. Sur un étroit sentier dans les sous-bois. Elle a traversé à quelques mètres devant nous. Elle s'est arrêtée un instant, nous a regardé(s) puis a sauté derrière le talus et s'est éloignée – échappant à notre regard... Belle et furtive rencontre !

 

Journal poétique (extrait)

Le ciel ; quelque chose du monde

Là où s'attardent les bêtes ; et les âmes silencieuses

 

Instants de communion

Longs instants de communion silencieuse avec ceux qui peuplent la forêt...

Un regard – un geste – pour une pierre – un rocher – une fleur – un arbre – un insecte ; et quelques paroles toujours pour les vaches, les brebis, les chèvres, les chevreuils, les oiseaux, les lézards, les serpents, les chats, les renards, les chiens et les sangliers rencontrés...

Mille gestes – mille regards – mille attentions – à l'intention des bêtes – visibles et moins visibles. Comme si notre humanité essayait (assez maladroitement) d'offrir – de partager (un peu) – ce qu'il y a de plus beau (et de plus respectable) en l'homme...

Une humanité qui ne place le bipède ni au centre – ni au-dessus – des autres créatures ; un vivant parmi d'autres vivants. Et pas davantage...

 

Notes de la forêt

Si proche des arbres – des bêtes ; de ceux qui s'enivrent de terre et de liberté.

 

Journal poétique (extrait)

Le cœur touché par le plus simple ; cette fraternité sauvage ; sous les mêmes étoiles que les hommes – pourtant

La terre naturelle – authentique ; véritable peut-être ; sans croyance – sans préjugé – sans interdit

Le règne du passage et de la nécessité ; le règne de l'éphémère et de l'essentiel

L'appartenance et l'indistinction sur chaque visage ; relié(e)s (très) instinctivement

Et le pressentiment du plus proche – du plus profond – du plus commun ; ce qui manque – si cruellement – à l'esprit humain

 

Organisation et attitude humaines funestes

Affligé(1) par l’œuvre de l'homme – par ce que l'organisation humaine (à laquelle on appartient et à laquelle on participe malgré soi(2)) fait subir aux êtres – à tous les êtres – de ce monde ; une terre, un sous-sol et des océans indûment pollués et exploités, des végétaux piétinés, arrachés, mutilés(3), plantés de manière industrielle – réduits à un usage alimentaire, à un moyen de chauffage ou à un décor revitalisant, des animaux réduits à des conditions de vie infâmes (de la viande sur pattes) ou qui voient leur territoire drastiquement restreint et/ou saccagé et des hommes réduits à l'état de misère et d'esclavage...

(1) selon les jours, attristé ou en colère

(2) d'une manière ou d'une autre

(3) Partout le spectacle désolant de haies lacérées ou taillées jusqu'au moignon – jusqu'au sang, de grumes entassées, de parcelles essartées, de territoires abîmés, détruits, vandalisés par la brutalité indifférente et irrespectueuse des engins mécaniques ; tondeuses, débroussailleuses, tronçonneuses, scies démesurées et engins forestiers monstrueux qui coupent et découpent – détruisant – déchiquetant – écrasant indistinctement tout ce sur quoi ils passent et anéantissant en quelques secondes le lent, beau et patient travail du vivant...

 

Notes de la forêt

Et cette réminiscence cruelle des ambitions humaines ; visibles jusqu'ici – au fond des forêts ; cette lèpre qui exploite – qui saccage – qui fait feu de tout bois pour tirer profit. Au nom de l'odieuse (et pitoyable) souveraineté de l'homme.

 

Notes diverses

Beauté encore ; beauté toujours – de ce monde parallèle au monde – de ces vies qui s'inscrivent dans les marges laissées par le peuple dominant ; volontaire – régulateur – exploiteur – industrieux.

Paroles à charge (évidemment) ; éminemment réactives aux dégâts commis ; et à la blessure ressentie.

 

Journal poétique (extrait)

L'absence conjuguée par toutes les figures noires et hostiles ; (atrocement) prétentieuses

Le regard menaçant ; le bleu oublié au fond de la béance

Et le silence pour appuyer toutes les sentences prononcées

Les paumes pleines de haine et de (fausses) vertus

Au cœur même du sommeil ; l'autorité et le monde réifié ; l'empire des hommes

 

Journal poétique (extrait)

Le cœur – trop souvent – annexé par le drame

De lieu en lieu ; (presque) à chaque circonstance

L'âme terrestre ; comme embrigadée par la chair et l'épaisseur

La parole douloureuse ; comme exercice (simple exercice) de confession

Et dans l'expectative (angoissée) de la sentence

Sur nous ; à la fin des jours – à la fin des temps – sur le point de nous écraser ; un tombereau de jugements – d'interdits – de damnations

Encore trop humain – sans doute

 

Au moins deux manières d'appréhender la crise écologique (et climatique) actuelle

Au vu des problématiques et des enjeux contemporains – la crise écologique et climatique – l'extinction des espèces – la disparition de la biodiversité – les ambitions et aspirations (aveugles et aberrantes) des sociétés humaines(1), la monstruosité de leur organisation et les nombreux préjudices qu'elles engendrent, 2 camps principaux semblent s'opposer ; d'un côté, les partisans du (soi-disant) progrès, du monde d'avant qui avance (du monde de toujours qui progresse vers un idéal assez mal défini – et même absurde(2) à certains égards – toujours plus de confort, de bien-être, de facilité(2)) et, de l'autre côté, ceux qui ont pris conscience de la nécessité d'un changement radical de paradigme, de perspective et de priorités...

(1) d'un grand nombre de sociétés humaines

(2) comme s'il nous était possible de répondre (grâce au progrès technique) à nos exigences croissantes – qui semblent tendre vers un infini irréaliste, déraisonnable et fou...

 

Journal poétique (extrait)

La chair et l'âme du monde que l'on enchaîne et que l'on assassine ; au nom du progrès ; au nom du confort de l'homme

Le cœur caché du secret ; et l'horreur perceptible – comme une drogue

L'Amour si loin de ces éclats rouges ; et habitant aussi leurs profondeurs (d'une manière apparemment paradoxale)

Dérisoires ; nos pages – le jour – toutes les promesses de la lumière ; face à cette souillure – face à cette dévastation

 

16h15 – 16h30 pause pendant la rando

 

Haïku

« Dans la forêt

au milieu des nuages

la salle de méditation »

 

Notes de la forêt

Une bête – au milieu des siens – au milieu des fleurs. Le séant posé sur la pierre ; dans le mimétisme de la roche ; la rudesse et l'immobilité ; un support à lichen ; une alliance avec la mousse ; si l'on restait ainsi pendant des jours et des semaines – pendant des mois et des années – pendant des siècles ; dans ce contact direct avec le sol et le ciel ; laissant le vent et la pluie œuvrer aux rapprochements – aux assemblages – aux communions.

 

Rencontre sylvestre

Debout – immobile – sous un grand chêne dont on ressent (avec évidence*) la bienveillance – une sorte de tendresse pour le petit bout d'homme qui le regarde – émerveillé – le cœur empli de gratitude et de respect. On sait – on sent – qu'il comprend – qu'il perce – en une fraction de seconde – ce qui nous habite à cet instant. En un éclair, il devine ce qu'abrite notre cœur – la nature de nos intentions...

* presque avec certitude

Et on le (et on se) regarde encore plus intensément – impressionné – une main timide sur son écorce rêche – comme un grand-frère – un vieux sage (à la sagesse encore inaccessible à l'homme) – commeun être – quelqu'un – qui aurait tant à nous apprendre si l'on savait l'écouter – si on prenait le temps de vivre à ses côtés...

 

Notes de la forêt

Et le vert sur la peau qui a – sans doute – commencé sa métamorphose ; le corps façonné par la patience et l'immobilité.

 

Journal poétique (extrait)

Auprès des arbres encore ; sous un ciel plus haut ; sans autre horizon

Le vide ; et l'absence de temps

Le règne du seul et de l'ensemble

A la cime du cœur ; vers l'envol

Au-dessus de l'abîme et des bruits

Rien qu'en se tenant là ; parmi ceux qui écoutent ; si verticalement présent(s)

 

Journal poétique (extrait)

Le verbe ; tantôt reclus dans ses tranchées ; tantôt perché sur son promontoire

A entendre le vent ; et à le sentir devenir nôtre ; indissociablement

Sans incident ; alors que s'opère l'effacement

Encore assis sur cette grosse pierre ; le cœur moins morose (moins gris) qu'autrefois ; léger (bien plus léger)

La pâte humaine – dans son gouffre – prise dans les filets de la lumière

 

Rencontrer l'Autre

Écouter le monde, écouter les arbres et la roche. Ressentir les vibrations et les énergies. Être humble, poreux, ouvert, attentif, vide (suffisamment vide de soi – vidé de soi), disponible, sans volonté, sans a priori. S'effacer. Ne plus désirer, ne rien attendre. Écouter... Alors la connexion – la communication – avec les non-humains peut s'établir...

 

Le monde de l'esprit et des esprits

L'esprit. Les esprits. Celui de la terre, celui de la forêt, celui des arbres, celui des plantes, celui des roches, celui des bêtes, celui des hommes. L'esprit des morts et des vivants. Partout présents, provisoirement insérés au cœur de la matière ou momentanément affranchis de la chair. Ici même – et partout – ressentis – entraperçus* – en particulier lorsque l'attention se dilue, semble sortir de la boîte crânienne pour flotter – devenir assez inconsistante pour se situer, à la fois, nulle part et (un peu) partout. Le regard parvient alors à percer (un peu) le visible et le monde des apparences, à traverser le rideau de la matière et des images, à faire disparaître (momentanément) les frontières les plus grossières entre les formes.

* encore très superficiellement – sans doute...

 

Journal poétique (extrait)

Adossé à l'ombre, peu à peu, grignotée

L'azur – en soi ; autant que la lumière

Au zénith de la poussière

Les liens défaits ; à nos pieds – les plus grossiers (les plus élémentaires) ; et les plus subtils qui s'affinent – se renforcent – se déploient ; au lieu de l'abîme – au lieu du sommeil

Sans trêve ; les yeux fermés sur les Autres – le monde – le temps

Comme attendant (sans impatience) le début du jour

 

Le contact avec la terre

Les pieds nus sur le chemin qui caressent le sol, qui sentent la terre, l'humus, le sable, les graviers, les racines, les pierres, toutes les aspérités. Ce qui vibre dans le sous-sol. Et le vent sur le visage, et la sueur sur la peau, et le souffle dans la poitrine, et l'ombre des arbres, et la joie (la joie tendre et enveloppante) qui nous envahit. Comme si l'on était parvenu à ouvrir quelques canaux de connexion avec le monde – avec le réel – avec la matière et l'invisible – avec nous-même(s) sans doute...

 

Notes de la forêt

A la folle saison du désamour. Le retour en grâce de la solitude (de toutes les solitudes). Entre la mousse et le nuage – entre l'humus et le vol de la buse. Et dans l'herbe mouillée aussi (bien sûr). Cette fragrance des bois ; narines dilatées. La sauvagerie dans l'âme ; et dans les mains aux doigts courts et solides.

 

Notes de la forêt

A la jointure de ce qu'offrent l'âme et la terre. Dans le bleu du monde (sans oublier le gris qui, parfois, le traverse).

 

Journal poétique (extrait)

Déchiré par le haut

A travers le ciel ; le fond du monde

Et ces cris (tous ces cris) que reflètent les miroirs

Les mains tendues en guise de drapeau ; et la faux sur l'épaule ; l'essentiel de la réponse face au mystère

Par-dessus les apparences ; ces sortes de boucles qui suivent (très) fidèlement les reliefs de l'invisible

Et la découverte stupéfiante de ses contours – de ses centres et de ses confins (apparents) ; inimaginables

 

L'un et l'autre

L'esprit et la matière – l'un dans l'autre – entremêlés – notre état (l'état des êtres vivants) en cette vie incarnée. Et d'autres fois – à d'autres moments – presque pure matière – comme la roche et la pierre ou presque pur esprit – comme après la mort...

 

Journal poétique (extrait)

Tâtonnant ; la main sur la paroi qui explore ; et découvre ce monde privé de soleil

La tête trop prétentieuse pour s'accroupir – offrir à l'âme les richesses du sol ; et parmi elles, l'issue – le passage vers les hauteurs que nous cherchons (presque) toujours au-dessus des cimes – dans les sphères d'altitude que nous croyons côtoyer alors que l'esprit de l'homme ne s'est pas encore affranchi de sa lie souterraine – de sa gangue de glaise

 

16h30 reprise de la marche

 

Notes de la forêt

Dans l'humus sombre ; la sueur et la sève mêlées. Des pas tantôt légers – tantôt besogneux. Le cœur de chair ; le cœur du chemin ; le cœur de l'arbre ; au milieu de la forêt. Ainsi se dessinent les jours et le voyage ; silencieusement ; les pas qui caressent la pierre ; la semelle enhardie ; l'âme enivrée par la substance – excitée par la semence – des sous-bois.

 

Apprenti botaniste 

Malgré nos longues marches quotidiennes dans les forêts et les sous-bois, sur les routes et les chemins, nos connaissances botaniques restent modestes. Un peu moins de 200 espèces de plantes nous sont assez familières pour les reconnaître (et en donner les principaux usages) alors qu'il en existe, sous nos latitudes, environ 8000* ; et 386 000 sont répertoriées dans le monde (sans compter, bien sûr, toutes celles que l'on ne connaît pas – et qui doivent être nombreuses).

* dont 1000 que l'on peut utiliser à des fins culinaires et/ou médicinales – 300 sont toxiques et, parmi elles, 50 sont mortelles

Notre rapport au vivant – assez fortement teinté de respect – réduit, de manière radicale, nos prélèvements botaniques. On éprouve, en effet, une grande réticence à utiliser les plantes pour notre usage personnel. On a déjà peine à piétiner le moindre brin d'herbe ; on est donc très peu disposé à arracher les feuilles d'une plante et les rares prélèvements que l'on s'autorise consistent à couper*, ici et là, quelques feuilles ou quelques sommités fleuries en laissant toujours la plante vivante et en essayant de ne pas perturber, outre mesure, son cycle ou sa croissance...

* lorsque la plante pousse abondamment sur la zone (ou la parcelle)...

 

Quelques plantes comestibles et/ou médicinales* estivales et automnales

Coquelicot, bardane, cirse, sauge des prés, achillée millefeuille, valériane, mauve, vipérine, campanule, millepertuis, mûre, centaurée, brunelle, reine des prés, angélique des bois, origan, verveine, carotte sauvage, polypode, vergerette, amarante, picride, chénopode, armoise, renouée des oiseaux, benoîte, pariétaire, pourpier, presle, fenouil sauvage, acanthe, tanaisie, ravenelle...

* que l'on trouve en abondance sous nos latitudes

 

Instants d'exaspération

Moments d'énervement parfois lorsque des nuées d'insectes s'invitent, en plus de la fatigue, au cours d'une marche qui se prolonge de manière inhabituelle (lorsqu'il nous arrive de nous perdre, lorsque la chaleur se fait trop accablante, lorsque l'on a suivi – par inadvertance ou par défaut de signalisation – un autre itinéraire...).

Un homme comme les autres (bien sûr) avec ses limites et son étroitesse...

 

Notes de la forêt

A travers la pente herbacée – une sente étroite – le pas harassé. Et quelque chose qui surgit ; quelque chose de l'abandon ; l'annihilation de la volonté – en quelque sorte ; Dieu – les forces – qui nous portent.

 

Journal poétique (extrait)

Piégé(s) par la nuit

Cette (si brève) conservation de la matière

Sous la lumière ; sans l'essentiel

Des choses et d'autres ; et des visages à profusion

Une multitude d'objets – de gestes et de jours – (assez) inutiles

La laideur – l'indigence et le saisissement – à portée de rêve ; à portée de main

Ce que nous partageons tous (sans pouvoir nous en défaire)

 

Pollution forestière

Il nous arrive de croiser des « randonneurs motorisés » – 4x4, motos cross et autres quads – qui arpentent les pistes et les sentiers forestiers, les pentes et les montées à la recherche de sensations fortes – qui dégradent les chemins et détruisent les plantes, en pétaradant pendant des heures, et tournant parfois en rond sur le même circuit, distillant à la ronde leur pollution sonore, visuelle et olfactive. Et nous les regardons passer, selon les jours, avec colère ou affliction...

Pauvres forêts ! Pauvres randonneurs ! Pauvre ermite !

 

Journal poétique (extrait)

Toutes ces choses déchirées ; autour de soi

Et dans ces gestes ; le fond de l'âme

Le cœur chaviré par tout ce noir

Au plus sombre du rêve – sans doute

 

Mésaventures forestières

Il nous est arrivé(1), à plusieurs reprises, d'être pris au milieu d'une battue(2) – encerclé par un groupe de chasseurs et leurs chiens – coincé entre des 4x4 lancés à pleine vitesse et une meute hurlante courant derrière une harde(3) de sangliers. Devant l'imminence du danger, une (salvatrice) décharge d'adrénaline transforme le randonneur placide et contemplatif en « bête de guerre » alerte et vigilante (comme si de vieux instincts archaïques se réveillaient). La situation est analysée en une fraction de seconde et, selon le contexte(4) et la configuration des lieux, en un éclair, l'esprit prend une décision(5)  ; s'aplatir au sol, se cacher derrière un tronc d'arbre, nous signaler en criant, rebrousser chemin, courir à travers bois, continuer à marcher sur le sentier...

(1) au cours de nos balades hivernales (la période de chasse débute en septembre et s'achève fin février)

(2) chasse au grand gibier comme l'appellent les thuriféraires de l'activité cynégétique

(3) On a coutume d'appeler « compagnie » un groupe de sangliers mais ce terme nous semble trop « humainement » connoté...

(4) qui évolue à chaque instant

(5) Au cours de l'une de ces rencontres, à peine quelques secondes après nous être réfugié sur un petit sentier perpendiculaire à la piste sur laquelle on marchait, un tonnerre de détonations (pas loin d'une cinquantaine) a décimé une groupe entier de sangliers à quelques dizaines de mètres de l'endroit où l'on se tenait (à la fois) tremblant, en colère et malheureux... Et à plusieurs occasions, on a été le témoin direct de sangliers abattus – devant nos yeux ; drames qui jamais ne nous laissent indemne...

 

Journal poétique (extrait)

Le nez baissé sur le sol et le sang

A l'envers ; l'étreinte ; et l'âme (assez) sérieusement atteinte

Sur le trésor dispersé ; un peu de neige et d'argile

Et dans nos gestes ; et au cœur de ce que nous vivons ; l'innommable ; et tant de possibles ; et tant d'impossibilités

Toute l'histoire du monde – en somme

 

Journal poétique (extrait)

L’œuvre de la faim sur ce qui peuple l'étendue ; la moindre rive

Qu'importe l'or – l'encens – la prière

Des courants de larmes et de sang

Tantôt vers l'un – tantôt vers l'autre ; acteur et témoin ; bref passant

Et ne pouvant s'en empêcher

Attristant l'âme et meurtrissant la chair

En ce monde si peu affamé d'ineffable

 

Mantra pour les temps difficiles

Ce n'est rien, ce n'est pas grave, c'est juste la vie. Un petit mantra qu'il nous arrive de répéter, lors de déconvenues ou d'événements douloureux ou peu favorables. Lorsqu'on a l'impression que la vie s'acharne avec malice...

 

Notes de la forêt

Les muscles saillants à force de montées éreintantes ; le souffle et la sueur ; le pas lent et caressant ; la tête comme effacée. La joie de l'effort – de la marche sans but – presque errante. Dans la juste foulée ; l'âme et le monde – indistinctement ; l'infini que nous sommes et qui nous porte.

 

Indistinction et indissociabilité

Ce monde aux formes apparentes distinctes prend, parfois, des allures (bien réelles) de soupe énergétique – de magma de matière – où rien ne peut être différencié. Une sorte de lave mouvante dont rien ni personne ne peut s'extraire comme si tout était à la fois indistinct et indissociable, comme s'il était impossible de se séparer (de nous séparer) du reste du monde – de ce qui nous semble si loin – si étranger – si indésirable...

On est alors contraint (malgré soi) de faire corps – et d'être solidaire (ne pouvant nous en désolidariser) – avec « cette chose » – avec ce grand Tout – et avec tous les éléments qui le composent (et qu'importe qu'ils nous semblent plaisants ou déplaisants).

 

Édouard Glissant

« Rien n'est vrai, tout est vivant. »

 

Notes de la forêt

La peau et l'âme poreuses – respirant les alentours – devenant ce qui les entoure ; l'abolition éprouvée des frontières. Juste des yeux ; et un cœur qui bat ; et un souffle comme une cadence – la respiration du monde ; et le reste mélangé – indistinctement.

 

Journal poétique (extrait)

A quoi ressemblerait notre visage ; sans l'origine du temps – sans l'incessante succession des noms et des titres dans la mémoire

Un point minuscule – peut-être ; muni de prunelles délicates (et perçantes) et d'un cœur discret et ardent

A la manière d'une fête perpétuelle ; d'une danse sans cérémonial ; au faîte de l'absence – la plus légère – la plus consciente

 

Journal poétique (extrait)

Comme un peu de matière ; une sorte de pâte (informe et malléable) entre les mains du ciel

Et le poids ; et la nuit ; et l'immensité

Et cette tristesse ; et cet écrasement

A chaque parole ; à chaque recommencement

Et ce qui nous façonne ; inlassablement

 

Journal poétique (extrait)

La nuit à vif ; comme le temps retroussé ; la voix qui puise dans le langage

Un chemin à gravir ; à inventer

Avec des ombres – des reflets – des gémissements

Un semblant de ciel sur les vivants

La vie ; la chair – se laissant traverser

Dans une sorte de long épuisement sans (véritable) interrogation ; un songe – peut-être

 

Il n'y a personne en ce monde

De manière (assez) similaire, il nous arrive également de ressentir (avec force et clarté) que le monde n'est pas le monde – qu'il n'y a personne ici-bas – aucun homme – aucune bête – aucune créature. Seulement des mouvements – des élans et des courants – d'énergie comme si les uns et les autres (qui semblent exister en apparence) n'étaient que des ombres – des silhouettes – des formes animées et instrumentalisées par un enchevêtrement monstrueux de forces irrépressibles (parfois opposées – parfois complémentaires).

Malheureusement, cette perception est, en général, assez vite balayée par une perception plus habituelle (et, sans doute, plus commune) où les apparences retrouvent une certaine consistance...

 

Feng Kan

« Fondamentalement rien. »

 

Notes diverses

Tout réduit à l'essence – à sa condition ludique et métaphysique ; en tant qu'élément et parfait dépositaire du reste. Liens encore – liens toujours ; sans doute – la seule chose qui soit.

 

Journal poétique (extrait)

Si mortel(s) ; comme des ombres qui cheminent l'espace d'un instant

Sur des pierres (presque) éternelles ; sous un ciel hérissé d'intentions

Si loin (encore) de la nudité attentive

Un voyage sans témoin ; et sans la nécessité du témoignage

Du cœur noir à la transparence

Sans rêve ; sans alliance

Dans la compagnie de l'Amour ; que l'on découvre peu à peu

 

Journal poétique (extrait)

Dénué de soi ; en dépit du sang et de la pierre

Rien ; ni personne ; ce qui semble avoir lieu ; des choses qui arrivent diraient certains ; de la matière qui s'anime – en quelque sorte ; de (très) brèves apparitions

L'invisible derrière ; jamais très loin ; tirant des abîmes – pour un instant ; et y replongeant (assez vite) ce qui a eu l'audace – la folie peut-être – d'en émerger

Un peu de poussière et de temps sur fond de bleu intouchable

De l'écume ; et le mystère (toujours aussi) insondable

 

Journal poétique (extrait)

L'esprit offert ; et ce qu'il porte ; en plus du souffle ; en plus du cœur

A la fois flèche et théâtre ; avant-scène de l'immensité et champ de bataille (effroyable)

Associé (quasiment soumis) à une ardeur effrayante ; monstrueuse (si souvent) dans ses conséquences

La réponse de l'homme ; face au monde et au mystère ; guère plus (bien sûr) qu'un instrument

 

Journal poétique (extrait)

Et tous ces vents sur la pesanteur ; pour chambouler les rites inventés par les siècles ; manière de s'assurer de la consistance de la matière – des existences ; de donner un sens à ce chaos ; à cette souffrance

Le théâtre des vivants – entre édifice et plaisanterie ; entre funeste et espérance ; pas si loin du secret en définitive

 

17h-30 – 18h retour de balade

On range notre équipement de randonnée, on se déshabille, on enfile « nos vêtements d'intérieur* », on se désaltère (une longue gorgée bue directement à la bouteille) et l'on s'assoit un instant sur la banquette du salon.

* caleçon ou pagne en été – pantalon de jogging en hiver

 

Buanderie provisoire

Après une balade sous la pluie, le camion se transforme (provisoirement) en étroite buanderie. On y tend, ici et là, des cordes pour y suspendre nos affaires trempées ; short (ou pantalon) accroché à proximité du t-shirt, le sac et le coussin de Bhaga dans la salle d'eau, le sac à dos, le pull et les sandales (ou les chaussures de marche) entre la cellule et la cabine etc etc. Après s'être (consciencieusement) essuyé avec une serviette-éponge, on enfile quelques vêtements de rechange et on prépare une infusion que l'on savoure confortablement installé sur le canapé du salon en regardant, par la fenêtre, la pluie tomber...

 

Journal poétique (extrait)

Parmi les pierres ruisselantes de pluie

Et le parfum enivrant de la terre

Au milieu des arbres séculaires

A même le sol mouillé ; l'âme et les pieds nus

Au fond des bois ; là où les hommes et le temps ne pénètrent plus

Le visage fouetté par l'averse et le vent

Et le cœur déjà au ciel ; bien à l'abri

Goûtant par l’œil et la peau la grandeur – et la beauté – du spectacle

 

Orages d'été : entre étuve et inondation – le dilemme

En été, la roulotte se transforme (assez rapidement) en fournaise. Aussi a-t-on l'habitude de laisser les portes(1) et les fenêtres ouvertes jour et nuit (les fenêtre latérales et les lanterneaux). Mais la situation devient problématique lorsque surviennent les orages d'été – en particulier la nuit(2). En effet, si on laisse les baies ouvertes, la cellule peut être inondée en quelques minutes(3)(4) et si l'on décide de les fermer, l'atmosphère devient (très) vite irrespirable(5).

(1) Durant les nuits les plus chaudes(lorsque les températures nocturnes ne descendent pas au-dessous de 20°C), la porte de la cellule est laissée ouverte. On fixe alors à l'entrée une sorte de grille en bambou(constituée de 2 longs bâtons verticaux et de 5 bâtons placés horizontalement fixés ensemble à l'aide de boulons et d'écrous papillon) pour permettre à l'air de circuler à l'intérieur sans être importuné par d'éventuelles intrusions importunes (humaines ou animales).

(2) période de la journée où l'on est censé dormir...

(3) en particulier, en cas de fortes pluies

(4) Les jours de pluie intermittente, on passe la journée à ouvrir et à fermer la porte et les lanterneaux. 5 fois, 10 fois, 20 fois, 50 fois en l'espace de quelques heures. Comme si l'on était investi d'une vocation temporaire ; à la fois groom et gouvernante qui assurent la protection et la bonne tenue de la maison...

(5) On étouffe littéralement – et laisser les fenêtres entrebâillées s'avère insuffisant pour que l'air circule de manière satisfaisante

Face à ce dilemme(1), on a opté pour une solution en demi-teinte (mais qui a fait ses preuves(2)) : on accroche (à l'aide de pinces serre-joint) un large carré de toile cirée (transparente(3)) aux extrémités de chaque baie vitrée(4) (baies latérales et lanterneau principal) sur lequel on place deux aimants pour éviter que le vent ne le soulève. Ainsi peut-on laisser les fenêtres ouvertes sans que la pluie entre à l'intérieur...

(1) Seuls ceux qui ont vécu (même de manière temporaire) dans un véhicule en été – camion – camping-car, roulotte ou caravane – peuvent comprendre « l'enjeu » de cette problématique ; ça n'a l'air de rien... Et pourtant...

(2) même en cas de fortes pluies ; même lorsque le vent se met à souffler

(3) pour conserver, pendant la soirée, un peu de luminosité et une visibilité sur l'extérieur...

(4) soit 3 morceaux par baie, le premier disposé sur le côté gauche, le deuxième sur le côté droit et le dernier faisant la jonction entre le premier et le deuxième.

 

Journal poétique (extrait)

Si fugace ; le temps du monde

La durée de la terre ; de la chair ; des noms que l'on célèbre

Des nuées de visages et de choses ; sous la voûte sombre ; sous le soleil sans écart

L'instant (à peine) d'un orage d'été

 

La hantise de l'infiltration

Lorsque la pluie tombe (forte et drue) durant plusieurs heures ou lorsqu'il pleut à verse (sans discontinuer) pendant plusieurs jours, une crainte (légitime) traverse la tête du nomade ; celle de l'infiltration ; l'eau qui s'insinue par les baies ou à travers des joints défraîchis peut, en effet, inonder l'intérieur de la cellule et/ou faire pourrir la structure en bois de l'habitacle(1).

La hantise du nomade(2) !

(1) à ce titre, les concessionnaires de camping-cars conseillent de réaliser, chaque année, un test d'étanchéité de la cellule (à l'aide d'un testeur d'humidité) afin de détecter d'éventuelles infiltrations et d'y remédier au plus vite...

(2) et d'un bon nombre de camping-caristes !

 

Journal poétique (extrait)

La pluie sur la peau

L'âme qui s'éveille – peu à peu – au froid et à l'humidité

A trembler sous les coups des hommes – sous les coups du temps

Au cœur des braises – au-dedans ; le cœur qui se soulève – noirâtre ; prêt à renaître du dessous des cendres ; et à recommencer

La tête tournée vers l'embellie plutôt que vers le rêve

 

17h45 – 18h15 séance d'écriture (retranscription des notes de la veille)

On sort notre carnet d'écriture, on en détache les pages écrites la veille (et parfois les jours précédents). On allume l'ordinateur et on commence à retranscrire – mot après mot – phrase après phrase – un œil sur la feuille manuscrite et l'autre sur l'écran et le clavier.

 

Notes de la forêt

Dans notre paume ; la ligne et la feuille ; le destin du carré blanc et la destinée de l'âme ; que chaque pas, en ce monde, dessine. La joie (humble et sans exubérance) du solitaire qui marche – guidé par la main qui le porte ; et par un cœur – une sensibilité – qui dessine, peu à peu, l'itinéraire.

 

Journal poétique (extrait)

Des lignes ; pour personne

Sous les yeux du monde – pourtant ; si loin de la danse

Au cœur de notre chambre – mobile – ouverte à tous les vents ; roulotte sur les chemins ; le destin désincarcéré ; en dépit des apparences ; en dépit de l'étroitesse de la matière

Et alentour ; et plus haut ; et partout – l'invisible ; dans toutes les profondeurs

Au milieu des existences aux chaînes brisées

Rien d'une surprise (bien sûr) ; l'être à travers toutes ses possibilités

 

Journal poétique (extrait)

A l'âge de la rouille

Les yeux écarquillés ; la parole infirme

Des larmes de joie ; là où l'être se repose

Vivant (si vivant) ; le feu à l'intérieur

Pour soi seul ; à présent

Au seuil de l'autre monde

Ivre de ces lignes bleues que d'une main légère – que d'une main joyeuse – le ciel dessine ; quelques signes – quelques traces – qui caressent – effleurent à peine – la terre – ces rives isolées où nous vivons

 

18h30 Trouver un lieu pour passer la nuit

Il arrive (pour mille raisons possibles(1)) que l'on ne puisse passer la nuit à l'endroit où l'on s'est stationné durant la journée. Il nous faut donc reprendre la route pour trouver un lieu de bivouac plus approprié(2).

(1) lieu trop visible, trop bruyant, trop fréquenté, trop pentu etc etc

(2) repéré le matin en camion, repéré lors de la balade quotidienne, repéré sur la carte ou qu'il nous faut trouver au hasard de la route

La carte de la région dépliée sur la table, les lieux déjà visités marqués d'un point*, on jette un œil attentif à la zone non encore explorée à la recherche d'une piste forestière.

* Légendes qui permettent, en un coup d’œil, de voir tous les lieux où l'on a passé la journée et/ou la nuit, les villages et hameaux qui n'offrent aucune possibilité de stationnement diurne et/ou nocturne, les lieux découverts et non encore explorés etc etc

 

Notes de la forêt

Et dans le dégradé de verts de la carte ; l'invitation au voyage – à l'exil – à la découverte. L'appel des profondeurs et de la solitude ; l'exploration de nouveaux horizons. A l'altitude qui convient.

 

Immersion forcée en territoire humain

Il nous arrive parfois de ne trouver aucun lieu désert, aucun lieu sylvestre, aucun lieu à l'écart du monde pour passer la nuit*. On doit alors se résigner à trouver une place sur un parking ou dans une rue, au cœur d'un village. Et on se gare là, au milieu des voitures, stores baissés – rideau occultant tiré entre la cellule et la cabine – en nous faisant le plus discret possible. Les dimensions relativement réduites de la roulotte (guère plus longue qu'une grosse berline ou qu'un pick-up) nous permettent de nous garer à peu près n'importe où.

* en particulier en hiver lorsque les chemins forestiers sont boueux et/ou peu praticables

Et de l'extérieur, le camping-car ne jure pas (outre mesure) au milieu des voitures et des camionnettes environnantes – il s'insère (sans trop dépareiller) dans le paysage villageois. Malgré l'éclairage à l'intérieur de la cellule, aucune lumière n'est perceptible du dehors. Le camion semble inoccupé comme si ses propriétaires l'avaient déserté pour aller passer la nuit chez des parents ou des amis qui habitent l'une des maisons alentour...

 

Journal poétique (extrait)

A notre place ; en retrait – touché par le silence

Sans résistance face à ce que l'on ne reconnaît pas

Le soleil joyeux dans le sang

A deux pas de l'enfance ; le regard – émerveillé

Le ciel serré contre soi

 

Observer le monde

La cellule du camion constitue un poste d'observation du monde – forestier – animalier mais aussi humain. Ainsi lorsqu'il nous arrive de nous stationner dans un village, sur un parking de départ de randonnées ou, plus rarement, sur une aire de loisir (parc, lac etc), l'occasion nous est donnée d'observer, depuis la table de travail ou installé sur la banquette arrière du coin salon, le comportement des hommes. Sans véritable surprise...

En général, le « bipède moyen » se montre autocentré, porté à défendre ses intérêts (et ceux de sa famille ou de sa communauté), il semble peu soucieux des autres humains (et moins encore de l'environnement, des animaux et des végétaux), il aime bavarder (de tout et de rien – et pendant des heures) avec ses congénères et il paraît apprécier les barbecues, l'alcool, la musique et les loisirs (farniente, apéro, pétanque, partie de foot, moto cross – selon l'âge et les goûts). Il fait preuve d'une indifférence à l'égard de (presque) tout ce qui n'est pas lui, suit son mouvement (comme une pierre suit sa pente) sans s'occuper du mouvement des autres (excepté si ce mouvement vient perturber, freiner ou arrêter le sien)...

Et depuis quelques années, il ne semble pouvoir se défaire d'un petit objet rectangulaire* qui accapare ses doigts, ses yeux et sa tête de façon quasi permanente – oubliant que le moteur de sa voiture tourne – que ses enfants se sont éloignés de l'aire de jeux – que son chien l'attend depuis 1/4 d'heure – qu'il existe un monde avec des êtres et des choses réels...

* qui l'accompagne en tous lieux et à toute heure du jour et de la nuit

Voilà un portrait peu flatteur... mais est-il si éloigné de la réalité ? Certaines caractéristiques sont-elles exagérées ? Il semble, malheureusement, assez conforme à ce qu'est l'homme contemporain...

 

Ralph Waldo Emerson

« Le profond aujourd'hui que tous les hommes dédaignent, la riche pauvreté que tous les hommes haïssent, la solitude peuplée, toute aimante, que les hommes abandonnent pour le bavardage des villes. »

 

Haïku

« On s'affaire, on s'affaire

pour chercher quoi

au juste ? »

 

Journal poétique (extrait)

La garde – les poings serrés – abandonnés ; les genoux au sol ; inutile toute forme de résistance – toutes nos fiertés – après tant de soustractions

L’œil-vigile pourtant ; pas dupe (jamais dupe) des filouteries de ce monde

Là où les flèches sont tombées ; comme tant de royaumes – dans cette sordide pénombre

De la boue façonnée sur la pierre ; légèrement érigée ; sans exception – sans lumière

Sur ces rives où seule compte la chair

A quelques pas de l'or – pourtant ; ce qui brille dans l'invisible

 

Journal poétique (extrait)

Introuvable ; l'oasis des aveugles

La tête criblée de rêves et d'étoiles ; aussi longtemps que les yeux puiseront dans la terre ; aussi longtemps que l'or sera la seule richesse du monde

De quoi vivre un peu ; survivre grâce à la chance et au labeur

(Presque sans regret) ; dans l'inconscience de son infirmité

 

18h45 On installe un petit tapis élimé entre le coin salon et les sièges de la cabine. On y pose notre séant – jambes croisées en demi-lotus – pendant quelques instants (manière de « vider l'esprit » et de retrouver une connexion plus fine – et plus intense – avec le corps et l’environnement). Puis, on effectue quelques exercices corporels(1) (assez élémentaires) que l'on complète, en fin de séance, par 2 ou 3 postures de yoga(2).

(1) entretien des muscles du buste et des bras pour compléter le travail musculaire naturel des jambes réalisé au cours de la marche quotidienne

(2) que l'on pratiquait assidûment autrefois ; aujourd'hui on se limite aux postures dont on apprécie particulièrement la beauté et les effets plaisants (et bénéfiques)...

  

Entretien et aguerrissement du corps et de l'esprit

Ces exercices physiques sont pratiqués (bien sûr) pour l'entretien (musculaire) du corps, mais ils nous permettent également de satisfaire notre goût pour l'effort, notre besoin de dépassement(1) et notre appétence pour la martialité ; une manière d'affermir le corps et d'aguerrir l'esprit (une partie de l'esprit) qui (nous) semble nécessaire pour faire face au monde – à la part la plus hostile du monde – et contrebalancer, peut-être, notre grande sensibilité(2).

(1) aller toujours un peu au-delà de ses possibilités...

(2) la « dimension féminine » de notre esprit que nous avons appris à chérir (et à remercier) au fil des années...

 

Journal poétique (extrait)

Le vivant ; ce qui existe ; dans nos murmures

En nous ; entre le bruissement et le chaos

D'une heure à l'autre ; d'un siècle à l'autre

Sur le fil qui serpente entre les mondes (qui se chevauchent et se prolongent)

Sur la roue obscure qui mêle la terre et les pas ; le ciel et la lumière

Et là – quelque part – la possibilité d'un passage ; la possibilité du retour

 

19h – 19h15 préparation du repas de Bhagawan

On sort les casseroles, une flopée de boites qui contiennent les divers ingrédients qui composent son repas* (viande, abat pour le jus, pâtes, haricots verts), quelques croquettes, divers ustensiles culinaires (ciseaux, louche, passoire, balance alimentaire, couvercles de casserole). On met les ingrédients à cuire dans un peu d'eau et l'on surveille, d'un œil attentif, la cuisson.

* ses problématiques de santé nous contraignent à lui administrer divers médicaments mais aussi à préparer des rations ménagères équilibrées et adaptées...

 

Haïku

« Du panier en osier

monte le parfum

des pommes sauvages »

 

19h45 – 19h55 préparation de notre repas

Après le repas de Bhagawan, on s’attelle à la préparation* du dîner qui consiste, le plus souvent, à réchauffer un fond de boîte de conserve, quelques féculents (préparés pour plusieurs jours) et une moitié de steak végétarien.

* beaucoup plus rapide

 

20h – 20h15 dîner.

 

Au menu

Un demi-steak de soja avec des haricots verts et des pommes de terre, un bout de fromage, une ½ banane, 2 biscuits*, 2 carrés de chocolat au lait et une ½ pomme.

* A l'heure du dessert, Bhagawan a également droit à quelques friandises ; une madeleine émiettée ou une part de quatre-quarts présentée dans une petite coupelle en verre

 

Haïku

« Je lève ma coupe

face

à la montagne du sud »

 

Régime alimentaire

Les menus ne varient guère(1) au fil des jours – au fil des saisons. De temps à autre, la confiture de fraise remplace la confiture de prune, le riz alterne avec les pommes de terre ; les concombres avec la salade ; et le seitan(2) s'invite, parfois, dans l'assiette à la place du tofu...

Régime quasi végétalien (et végétarien depuis plus de 20 ans). Par conviction ; un choix qui s'est brutalement imposé(3)...

(1) Au cours de la saison hivernale, on se livre parfois à la confection de quelques plats inhabituels ; poêlée de châtaignes (ramassées au cours de nos balades), préparation de compotes etc etc

(2) Gluten de blé

(3) On n'a jamais eu beaucoup d'appétence pour la nourriture. Et, au fil des années, cette inclination s'est renforcée...

 

Han Min Yimg

« Le chant des oiseaux, le cri des insectes, ouvrent l'esprit au sens du vrai ; le Tao se révèle dans les fleurs et les herbes. L'homme éveillé trouve en toutes choses sa nourriture. »

 

Journal poétique (extrait)

Chaque jour comme un surcroît de ciel

Sous l'étoile montante ; la terre claire

Sur le seuil ; comme l'arbre et la fleur

A la jonction des invisibles

La chair simple ; et le rouge au cœur

 

Repas méditatif

Manger en silence face au monde dans la quiétude crépusculaire

 

Notes de la forêt

Le plus sacré du silence ; sans la moindre dissipation. Dans les profondeurs et l'effacement.

 

Notes de la forêt

A la table des géants ; le festin invisible. La fête silencieuse ; et rien de l'estomac. Le cœur plutôt apprêté pour le rire ; sans parure ; oublieux de tout ce qui n'est pas la joie.

 

Un départ précipité

Il y a quelques semaines, après plusieurs jours passés au même endroit – en pleine forêt – dans une large et belle clairière, on a dû se résoudre à quitter les lieux (un peu précipitamment) en début de soirée(1). Alors que l'on s'apprêtait à passer à table, 4 ou 5 voitures(2) sont arrivées en trombe (moteurs vrombissants, dérapages et musique tonitruante) et, après quelques « tours de piste », se sont arrêtées à quelques mètres du camion. Les occupants en sont descendus pour s'installer un peu plus loin – avec au programme (réjouissons-nous des festivités!) ; feu de bois, barbecue, partie de foot, partie de pétanque, rires et éclats de voix sur fond sonore musical assourdissant et ininterrompu. Comprenant que cette bande de joyeux drilles allait passer la soirée (voire, peut-être, une partie de la nuit) à proximité de notre bivouac, on a transvasé le contenu de la poêle dans une boîte, on a verrouillé les placards, on a fermé les baies et on est parti sans demander son reste(3).

Voilà aussi à quoi peut ressembler la vie nomade ! Se tenir prêt à partir dans l'instant...

(1) aux alentours de 20h-20h15

(2) chacune occupée par 3 à 4 jeunes

(3) aussi naturellement et discrètement que possible...

 

Charles Baudelaire

« Si tu peux rester, reste, pars s'il le faut. » 

 

Journal poétique (extrait)

Des cris lancés contre le ciel ; à peine quelques échos – quelques éclaboussures ; malgré la chair déchiquetée

Aux commandes ; Dieu – des mains – des forces – personne

Aucune tête sous la couronne

De la neige et du vent ; ce qui habille et dénude ce monde

Des gueules ; de la glaise industrieuse et fertile

A bouffer encore du sang noir ; de la bave au coin de la bouche

Sous un déchaînement de violence et de hourras ; des larmes et des rires

Une partie de la fange se flagellant ; et l'autre essayant de se défiler ; essayant de se faufiler entre les hurlements et les substances ruisselantes pour échapper aux massacres et à la mascarade

Ici ; en ce pays où l'on se pense flamboyant ; grand(s) seigneur(s) ; les mœurs vulgaires – l'usage prosaïque – l'instinct vengeur – (bien) plus sûrement

 

Journal poétique (extrait)

Encore du bleu ; sans compter depuis quand ; sans compter les jours qu'il (nous) reste

Grandissant ; à travers les épreuves ; à travers tous les adieux

Si seul – à présent – que le cœur s'enfle – se gonfle – efface ses contours – agrandit son territoire – embrasse le monde – absorbe l'espace ; comme une bête en train de muer ; de l'intérieur – la métamorphose

Devenu si sensible que les larmes ont remplacé le sang ; et cette tendresse que pulse le cœur

Et la pierre inondée ; comme pour laver tant de tueries – de massacres – de cruauté ; des siècles – des millénaires – sanguinaires – cannibales – dévastateurs

Du rouge à la transparence pour faire voler en éclats l'horreur et la bestialité – s'éloigner des âmes barbares et instinctives ; échapper à l'inconscience de ce monde

 

Journal poétique (extrait)

Éprouvé par l'ébranlement du monde

Parmi les choses ; l'éclosion de l'infini

A marche forcée ; ponctuée de haltes et de meurtrissures

Le jeu de l'indignité ; (presque toujours) en faveur de l'offense – de l'avanie

Du côté de la nuit et du bannissement

Condamnés – sans même que nous le souhaitions – à la naissance – à la mort – aux saisons ; et, à terme, à l'acquittement – à la suppression du temps – au triomphe de l'étendue et de l'effacement

L’œil ; et le visage – déjà bleuis par le ciel

 

Partout chez soi, nulle part chez soi

Ne pas céder (ne jamais céder) à la tentation de l'installation. Ne pas s'approprier un lieu dont la tranquillité et/ou la beauté ravive « nos vieux instincts » d’accaparement...

Combien de fois s'est-on laissé surprendre par cette « mentalité de propriétaire » ; maugréant et dévisageant le moindre pékin traversant ou stationnant sur « notre territoire » provisoire...

De passage ; éternellement de passage...

Simple passant (bien sûr)...

« Partout chez soi, nulle part chez soi » comme le dit l'adage des voyageurs.

 

Journal poétique (extrait)

Là – ailleurs – dans l'abondance du présent

L'âme courbe ; et la main tendue

La voix qui enfle ; qui serpente entre les bruits

Sans erreur possible

A cet instant ; au-delà des mondes ; au-delà de l'imaginaire

A la fois ancré dans le silence et le feu

Sans doute – inexistant

 

Lieux-refuge

Par définition, le mouvement caractérise la vie nomade. L'ermite itinérant ne cesse de changer de lieux – arpentant, jour après jour, les routes et les chemins. Il peut néanmoins éprouver, de temps à autre*, le besoin de faire une halte – de s'octroyer « une pause » – dans son incessant périple.

* et pour mille raisons possibles

Et il n'est pas rare qu'il dispose de ce que l'on pourrait appeler « des lieux-refuge », quelques endroits où il se sent particulièrement à son aise – où il a le sentiment d'être « comme à la maison » ; des endroits découverts lors de ses pérégrinations ou un terrain prêté(1) par un.e ami.e ou un membre de sa famille ; un lieu où il peut s'installer pendant quelque temps(2) ; une manière de « se poser » comme on le dirait d'un oiseau migrateur, une manière de « souffler un peu » comme on le dirait d'un voyageur lancé dans une longue course.

(1) ou mis à disposition

(2) pour quelques jours ou quelques semaines, quelques mois – si nécessaire

Malgré la grande beauté de ce mode de vie, il est indéniable que le nomade doit maintenir, jour et nuit, une forme de vigilance minimale(1)(2) – en particulier lorsqu'il vit seul(3). Exposé de manière (quasi) permanente au monde, l'esprit et le corps conservent une (très légère) tension. On reste donc aux aguets ; on regarde, on écoute (on évalue les bruits), on repère, on jauge et calcule (instinctivement) les risques et les possibilités. Et l'ermite itinérant peut occasionnellement(4) ressentir le besoin de s'accorder un intermède dans un espace « parfaitement » sécure où il pourra se détendre corps et âme...

(1) Vigilance adoptée par la très grande majorité des animaux sauvages (à l'exception, peut-être, des prédateurs les plus imposants). Tous, en effet, restent sur le qui-vive, prêts à faire face ou à s'enfuir, prêts à lutter et à défendre leur peau si nécessaire...

(2) Seul l'homme moderne* qui a, peu à peu, neutralisé l'essentiel des dangers et des menaces de son environnement (autres prédateurs, affrontements inter et intra-spécifiques, risques pathogènes etc etc) peut fermer les yeux (dans tous les sens du terme) et se laisser gagner à la torpeur. Ce qui semble assez commun et répandu en ce monde. Et force est de constater que ce relâchement a engendré chez l'homme une sorte d'assoupissement permanent – une sorte de somnolence constante – un état peu enviable, peu propice à vivre et à ressentir la vie (et le vivant) avec force et intensité et peu favorable à l'attention (et à la disponibilité affûtée) que requièrent la découverte (et l'exploration) de l'espace et des richesses que l'on porte à l'intérieur...

* ainsi que les animaux de compagnie qui vivent en ville

(3) contrairement à d'autres voyageurs qui vivent à plusieurs, en famille ou en clan, et qui peuvent donc s'appuyer sur la vigilance des autres, l'ermite itinérant ne peut, en effet, compter sur personne (sinon sur son attention, son intuition et son discernement ainsi que sur la vie, sur ce qu'il porte et sur la confiance qu'il leur témoigne)...

(4) très occasionnellement

 

Haïku

« Allègre

dégagé des affaires du monde

ici, enfin, libre »

 

Premier lieu-refuge

Une large clairière sur un chemin de terre et de pierres – une impasse d'environ 2 km au milieu d'une forêt clairsemée (essentiellement des chênes verts et des érables de Montpellier) – fréquentée uniquement l'hiver par les chasseurs. Les villages alentour se situent à 5 ou 6 km. On y séjourne, en général, au printemps et en été*.

* Pendant plusieurs mois, nous y avons passé toutes nos nuits (on était contraint de rester dans la région pour effectuer des analyses bimensuelles auprès du vétérinaire qui s'occupe de Bhagawan). Pour rester discret (et éviter de se faire repérer par d'éventuels promeneurs), on quittait les lieux après le petit déjeuner, vers 9h30 – 9h45 pour passer la journée dans les environs (en changeant de spot diurne assez régulièrement – et tournant ainsi, pendant plusieurs mois, sur une vingtaine de lieux différents) et l'on revenait le soir vers 19h en prenant soin qu'aucune voiture ne nous suive ou ne nous croise avant de nous engager sur la piste de terre. Un lieu, une zone et une région que nous connaissons relativement bien (et dans laquelle on se sent un peu comme chez soi).

 

Journal poétique (extrait)

La terre – au milieu des étoiles ; comme un bain d'enfance

Encore la nuit ; malgré la couleur – la lumière

Et ce bleu ; sous les arbres

A l'abri des lourdeurs humaines ; des horizontalités trop grossières

Un anneau à chaque doigt

Et le cœur au fond du regard ; à mesure que les noms deviennent fenêtre ; à mesure que l'espace remplace le monde – la fièvre – le rêve ; à mesure que disparaît l'écume

 

Deuxième lieu-refuge

Un lieu cryptique – dissimulé dans la forêt – à l'écart de la piste forestière. Un endroit que l'on affectionne particulièrement ; caché – désert – pas (ou très peu) fréquenté – un ou deux randonneurs tous les 2 ou 3 jours. Des pins (douglas) – quelques hêtres et quelques bouleaux. Un ruisseau sous les frondaisons. Juste la place pour poser la roulotte. Une foison de chemins pédestres à proximité (mais pas trop près du lieu de bivouac). Du silence, une ambiance et des odeurs sylvestres, plongé (véritablement) au cœur de la forêt. Accessible par une piste carrossable (mais assez cabossée) d'environ 4,5 km. Un petit paradis que l'on fréquente de temps en temps et sur lequel on reste toujours plusieurs jours...

 

Journal poétique (extrait)

En ces lieux ; l'invisible

Des mots – des seuils ; le soleil

Qu'importe ce qui guide les pas ; et la parole

Penché(s) sur le temps qui passe ; comme une eau intarissable

Et la nuit ; et ce qui nous relie

Comment pourrions-nous l'oublier

 

Troisième lieu-refuge

Au fond d'une impasse mal goudronnée (de quelques kilomètres) au cœur d'un hameau abandonné (3 ou 4 habitations relativement bien conservées). Au sommet d'une étroite colline – la roulotte posée à proximité d'un chemin de terre (herbacé et caillouteux) fréquenté occasionnellement par quelques promeneurs* (habitant les hameaux alentour) – entre deux bâtiments en ruine et un vénérable noyer – entouré de friches et d'anciens vergers. A bonne distance de la route qui traverse le massif forestier. Lieu que l'on fréquente de manière régulière lorsque l'on est de passage dans la région.

* que nous saluons avec courtoisie lorsqu'ils passent devant la roulotte et avec lesquels il nous arrive, parfois, d'échanger quelques mots

 

Journal poétique (extrait)

Dieu ; plus intensément

Autant que l'âme et la matière

La terre si haut perchée ; le ciel si accessible

Plus ni exil ; ni étrangeté

L'étreinte – le silence – l'origine

 

Dernier lieu-refuge

Un terrain familial que l'on utilise en cas de nécessité ; une sorte de pied-à-terre – un endroit où l'on peut déposer sa roulotte, effectuer de menus travaux qui nécessitent une immobilisation du camion pendant quelques jours ou qui imposent que l'on passe la nuit hors de la cellule*.

* pour éviter, par exemple, les odeurs et la toxicité de certains produits lorsqu'il nous arrive de peindre ou de vernir le mobilier « fait maison »

 

Journal poétique (extrait)

Au pays du monde ; des arbres haut comme des collines

Et nos espiègleries (enfantines) ; et nos (interminables) parties de cache-cache avec ceux qui se tiennent debout ; dans le bruit et la prétention [et qui nous prennent pour leur congénère]

Et notre souci de vivre comme les bêtes ; aussi loin des hommes que possible

Dans le désordre des pierres – le tumulte tranquille du temps ; et le parfum (enivrant) des fleurs sauvages

Comme un refuge – un repos – un sanctuaire – fragiles et passagers ; un retour à la terre natale

 

20h30 – 20h45 vaisselle

Le repas achevé, on pose la poêle et les couverts* dans l'évier, on essuie la table et le plateau et l'on s'attelle au nettoyage des divers ustensiles de cuisine en prenant soin d’utiliser l'eau avec parcimonie.

* après les avoir soigneusement essuyés à l'aide d'un papier essuie-tout

 

Une micro pollution quotidienne(1)

Lorsque l'on vit en roulotte dans les bois, on ne dispose (bien sûr) de tout-à-l’égout. Une fois la vaisselle terminée, il nous faut jeter(2) au-dehors les eaux grises du jour(3). On déverse donc le contenu de notre cuvette (soit environ 2 litres d'eau) à quelques mètres du camion(4) – et, si possible, sur un espace vierge d'herbes et de plantes (pour ne pas les endommager avec certains composants irritants)

(1) en plus du gazole utilisé...

(2) On pourrait les stocker dans la cuve d'eaux grises fixée sous la cellule mais cela nous contraindrait à fréquenter plus régulièrement les aires de camping-car qui disposent d'un lieu dédié à cette vidange...

(3) Les eaux grises de la vaisselle (2 litres d'eau avec un peu de liquide vaisselle 100% biodégradable) et les eaux grises de la douche (environ 2 litres d'eau avec un peu de savon 100% bio)

(4) loin de tout cours d'eau (bien sûr) : ru, ruisseau, rivière

 

Journal poétique (extrait)

Pierres et visages – sous le ciel haut et cru

Un peu de bruit ; ce qui bouge

Étrangement attiré(s) par les étoiles

La matière ; obscurément

 

La réserve d'eau

200 litres répartis dans une cuve de 100 litres et 5 bidons de 20 litres auxquels s'ajoutent le bac du filtre à eau (environ 5,5 litres) et quelques bouteilles d'eau en réserve...

De quoi tenir approximativement 3 semaines (un peu moins en été*)

* période au cours de laquelle on s'hydrate davantage.

Cette autonomie nous évite de nous aventurer, de manière trop fréquente, dans les cimetières (presque tous dotés d'un robinet) et les aires réservées aux camping-cars*

* aire destinée aux voyageurs qui met à leur disposition (gratuitement le plus souvent) un robinet d'eau potable, des prises électriques (pour se raccorder au réseau si nécessaire) et un lieu pour déverser les eaux grises et les eaux noires

Le réapprovisionnement s'effectue, en général, à l'aide d'un bidon de 20 litres(1) ou d'un arrosoir(2). Et l'on essaie (autant que possible) de se ravitailler à des heures où nos congénères désertent l'espace public(3)...

(1) En faisant la vaisselle ou en prenant sa douche, on ne peut oublier le labeur (souvent long et fastidieux) que nécessite le remplissage de la cuve et des jerricans, et l'on est (beaucoup) plus enclin à utiliser l'eau avec parcimonie...

(2) selon la hauteur entre le sol et le robinet et la discrétion que nécessitent les lieux – plus ou moins habités ou fréquentés

(3) en début d'après-midi ou après la tombée de la nuit

On s'astreint également à se réapprovisionner sur la route – dès que l'occasion se présente* (robinet en libre service derrière une salle polyvalente – derrière une mairie – en passant devant un cimetière ou à proximité d'une aire de services pour camping-cars déserte etc).

* L’œil du nomade s'aiguise au fil de son périple – au fil de son expérience. Étonnante et remarquable devient sa capacité à repérer un point d'eau, des poubelles pour les ordures, pour le verre, pour les déchets recyclables, un endroit pour se poser durant la journée, un lieu à l'ombre, un lieu pour passer la nuit etc etc

 

Journal poétique (extrait)

L'épreuve du vide ; au cœur de l'abîme

Et toute chose considérée comme une charge – un encombrement

Dans le silence nu des pas qui tâtonnent ; sur le fil tendu entre le temps et l’absence de temps

Au-dessus (bien au-dessus) du royaume des hommes ; là où le vent s'avère un allié crucial et dangereux

Le destin et la mort ; en équilibre – sur le balancier

Si loin du sommeil – de l'écume – de l'imposture

En ce lieu où règne – en souverain solitaire – l'oubli

 

Journal poétique (extrait)

Au soir assagi ; le mouvement encore

En amont de toutes choses

Au cœur de l'opposition des forces ; de ce qui se heurte avec violence

Sans cri – sans douleur – sans étendard

L'amoncellement du feu et du vent qui (perpétuellement) ruissellent

Dans le sillage de l'eau ; le vide creusé – en relief

La matière du jour et la matière de la nuit ; se précipitant

Dans la danse tempétueuse

L'accord parfait à même le chaos ; pas moins réussi que la ronde des Dieux

 

Trouver de l'eau potable en hiver

En hiver, les points d'eau potable se raréfient drastiquement (mise en hors gel dans la plupart des communes) ; il faut donc faire preuve d'ingéniosité et/ou d'audace ; repérer les toilettes publiques non fermées avec lavabo(1), les fontaines de certains villages où l'eau coule à flots (même en hiver), les imposantes fontaines vertes en fonte (qui, en général, restent ouvertes) et les rares aires de camping-car dont la borne(2) continue de fonctionner durant la saison froide, ou, pour les plus téméraires, déplacer la dalle de béton qui donne accès à la trappe souterraine du robinet d'alimentation d'eau dans les cimetières et les aires de camping-car suffisamment isolés afin de pouvoir utiliser le robinet extérieur (sans oublier, bien sûr, de remettre le système hors gel après utilisation).

(1) en utilisant un court tuyau pour faire la jonction entre le robinet et l'arrosoir

(2) borne composée de 2 robinets – un pour l'eau potable et l'autre pour nettoyer la cassette des toilettes chimiques utilisées dans la très grande majorité des camping-cars

 

Journal poétique (extrait)

Comme effacé par la lumière et le mouvement

Sans ombre – sans écho ; un (simple) ruissellement – une (parfaite) dissolution

Sous des yeux stupéfaits ; cet étrange bouleversement

 

Une sobriété joyeuse

Une sobriété (très) joyeuse(1). On consomme peu d'eau (5 litres pour boire et faire la cuisine, 2 litres pour la vaisselle et 2 litres pour la douche, soit moins de 10 litres par jour). On consomme peu d'électricité(2) (le strict nécessaire pour recharger nos outils de travail et s'éclairer). Seul bémol, le gaz qui permet de faire fonctionner le réfrigérateur, le chauffe-eau et les feux de la gazinière : environ 1 bouteille de 15 litres de propane par mois.

(1) et des gestes en conscience...

(2) voir la rubrique « le dispositif électrique »

 

Journal poétique (extrait)

Le trésor ; et le surcroît

Au plus bas du monde

Au plus près de l'âme

Au fond du plus rien – en quelque sorte

Et ce qu'il (nous) a fallu abandonner pour y descendre – s'y retrouver – s'y rejoindre

Un travail de titan (pour l'homme – si familier des ajouts – des accumulations – des amoncellements)

Jusqu'au dernier geste soustractif ; et moins encore

 

Journal poétique (extrait)

Dans la transparence discrète de l'effacement

Sous l'arbre ; la main posée

En ce lieu d'exil ; à l'écart de ce qui se gonfle d'orgueil

Le cœur à deux doigts du bleu

 

Distance, refus, accueil, douleur et inconfort

Quelques problèmes de santé nous astreignent à une prise de médicaments quotidienne. Ces défaillances corporelles engendrent, de manière cyclique et régulière, un inconfort qu'il nous faut accueillir – qu'il nous faut accepter.

A l'instar des événements qui peuvent nous blesser (ou nous attrister) et des émotions (ou des sentiments) désagréables qui peuvent nous traverser, il convient de faire corps – d'être un – avec ce que nous vivons et expérimentons.

En réduisant la distance* avec la sensation, l'émotion ou l'événement déplaisants, on parvient assez aisément à s'unir avec ce qui nous semble fâcheux, incommode ou désagréable ; un peu comme comme si nous l'absorbions – comme si nous l'intégrions – pour que ce qui nous semble extérieur devienne partie intégrante de ce que nous sommes ; et la difficulté ressentie cesse (presque aussitôt) d'être difficile à vivre – le problème cesse d'être problématique...

* jusqu'à nous coller contre ; peau contre peau en quelque sorte...

A l'inverse lorsque nous nous arc-boutons sur notre refus de vivre ce qui se présente ; lorsque nous essayons de mettre l’événement (la sensation ou l'émotion) à distance ; lorsque nous résistons à ce qui est là – en le considérant comme un corps étranger à combattre – ce que nous refusons se renforce et devient encore plus difficile à vivre...  

 

Notes diverses

Est ce qui est ; et l'on devient ce qui est – sans le moindre écart.

 

Journal poétique (extrait)

La terreur accréditée ; et la terre (étonnamment) consentante

Irrépressiblement la proie

Que le regard et le souffle s'habitent ou qu'ils fassent défaut

Perdu(s) à jamais ; dans la trame des chemins ; et la cendre à venir

Sans retour possible ; sans même la possibilité d'un ailleurs

 

Journal poétique (extrait)

Comme des bêtes dispersées par l'orage ; et que l'aube appelle

Au milieu des rêves ; comme déposées

Assis – vagabond ; par-dessus le chaos ; là où tout s'avance – là où tout ébranle ; jusqu'à la plus parfaite familiarité

 

Accueillir : le « oui » à la vie

On ne refuse rien de ce qui est donné à vivre. Nos préférences* n'ont pas disparu mais elles s'effacent (presque) toujours face aux circonstances (face à ce qui s'offre – face à ce qui s'invite – face à ce qui s'impose).

* Il est assez naturel de préférer être en bonne santé plutôt que malade ; et selon ses goûts et sa sensibilité, on préfère le pamplemousse aux myrtilles, l'été à l'hiver, vivre dans les collines boisées plutôt que dans une grande ville etc etc

 

Journal poétique (extrait)

Comme sommeillant à la lisière du temps

Sous le ruissellement (perpétuel) de la lumière

Le reflet dansant de l'enfance

Comme un rêve ; un flot d'images astreintes à la mobilité

Une foule d'ombres (en fait) sans pourquoi

Des regrets et des cruautés

Ce que nous n'avons su éviter

 

Journal poétique (extrait)

Au-delà des pas hasardeux ; ces parts de ciel accessibles ; lorsque le temps et l'horizon se resserrent ; lorsque la route se rétrécit ; lorsque les choix n'en sont plus – deviennent d'impératives nécessités

Ce qu'il y a ; ce qui demeure – sous les ruines – le sol craquelé

 

20h45 – 21h Rituel vespéral

 

Modeste présent

Offrande journalière* à nos amis des bois ; miettes de repas mais aussi « friandises » à l'intention des fourmis, des belettes, des martres, des renards et des sangliers.

Une manière de compenser notre « intrusion » sur leur territoire ; malgré notre discrétion et notre attitude respectueuse, notre présence en ces lieux perturbe, parfois (on le sent) les habitudes et les déplacements des habitants de la forêt.

* en période de canicule, il nous arrive aussi d'offrir un peu d'eau à quelques fleurs, à quelques plantes, à quelques jeunes arbres en souffrance (causée par un stress hydrique estival de plus en plus fréquent en cette ère de dérèglement climatique)

 

Journal poétique (extrait)

Face aux grands chiens des collines ; farouche(s)

Au cœur de la forêt foisonnante

Le regard fauve ; fébrile

Dans cette lumière du soir

Sous les apparences de l'automne ; le jour qui se retire

L'âme (encore) désirante qui s'approche

Dans l'écume du plus sauvage

Aux marges du monde ; notre tentative d'habiter au plus près de la lumière – au fond de notre trou – dans l'oubli de l'humain ; quelque chose qui, peut-être, se dessine

 

Journal poétique (extrait)

A distance de soi – encore – quelques fois (de temps à autre)

Hanté (toujours) par ce qui bouge ; les bruits ; les malheurs qui courent devant nos yeux

Les arbres – les pierres – les rivières – que nous chérissons

Et les bêtes ; nos égales devant Dieu ; et ceux qui les assassinent

Cette fraternité d'enfance qui se risque hors du cercle des conventions (très au-delà du plus commun)

Plus folle – et plus sage – que les rêves des hommes

 

Journal poétique (extrait)

Au cœur de cette fraternité silencieuse ; immense

Loin des murs ; loin des Autres

Ensemble ; comme si de rien n'était ; comme si la vie – le monde – la mort – avaient été (parfaitement) compris – accueillis – apprivoisés

 

21h collation

Une infusion avec une friandise au caramel

 

Haïku

« A une tasse de thé

je confie

mon sentiment poétique »

 

Un instant, mille instants quotidiens

Seul et silencieux face à la beauté du monde

 

Haïku

« Appuyé à la porte

dans le crépuscule je regarde

les montagnes bleues »

 

Le temps est une construction de l'esprit

Le temps est une illusion – une construction de l'esprit qui appréhende les événements de manière linéaire – additionnant les instants et les transformant en durée* – séparant le présent de ce qui a eu lieu avant et de ce qui adviendra après. Mais inutile de chercher à saisir le passé et l'avenir, l'un et l'autre n'existent pas ; ils semblent exister grâce à la mémoire et à notre capacité de projection mais nul ne pourra jamais vivre dans le passé ou dans le futur. Tout ce qui est vécu aujourd'hui – tout ce qui a été vécu avant et tout ce qui se vivra après – ne l'est – ne l'a été et ne le sera que dans l'instant – dans le présent.

* un peu à la manière d'un film composé d'images juxtaposées – 24 images par seconde qui défilent et donnent le sentiment d'un mouvement...

« Ici et maintenant » dit l'adage zen.

 

Notes de la forêt

Sans devenir ; le temps aboli. A la vue du sourire un peu triste – et un peu solitaire – d'un enfant aux yeux sensibles – à l'esprit à l'affût ; lorsque le vent perce les frondaisons ; lorsque le vent éparpille les images et les pensées ; lorsque nous devenons simplement sensations.

 

Journal poétique (extrait)

Le songe à perte ; comme condamné(s) à ce trop peu de raison

Comme prisonnier(s) ; comme séquestré(s) – contraint(s) d'évoluer au milieu des ronces du temps ; entre griffures et frissons – jusqu'au plus noir – jusqu'au plus tragique de ce séjour intranquille...

L'achèvement du vivant ; l'agonie ; et la continuité du malheur

A travers le souffle ; le défilé inépuisable des saisons ; la douleur – jusqu'au dernier soupir...

De métamorphose en métamorphose ; et disculpé(s) (à la fin) de tous les crimes – de toutes les offenses ; dissimulée(s) au fond du secret peut-être – la culpabilité ; la peur et la culpabilité ; l'origine de la fuite – de la course – de la débâcle

A travers cette écume si inquiète face aux puissances des profondeurs – face à la monstruosité apparente du monde ; ce qui se joue (si souvent) sur la pierre

D'île en île ; l'itinéraire – à l'intérieur

Soumis à l'incessante recomposition des rôles et de la terre ; notre passage – notre partage ; et ce qu'il restera – peut-être

 

21h – 21h15 séance d'écriture

Fenêtres ouvertes. Lumières éteintes. Seule une veilleuse posée sur la table et entourée d'un abat-jour* est allumée. Le soleil s'est couché depuis quelques minutes et la pénombre commence à s'installer. On sort un feutre et notre carnet d'écriture. Un œil au-dehors, un soupir de satisfaction et la main se met presque aussitôt à dessiner une longue série de traits secs et rapides (presque illisibles) sur la feuille blanche – réceptive – offerte. Un instant de rencontre – un dialogue avec ce que l'on porte – une manière de devenir l'instrument – le scribe – de l'espace qui nous habite...

* abat-jour « fait maison » pliable, fabriqué en carton et recouvert à l'intérieur de papier blanc pour réfléchir la lumière vers l'unique ouverture orientée de manière latérale (vers la table) et qui empêche la lumière d'être perçue de l'extérieur.

 

Haïku

« Un havre de paix

Quelques feuilles écrites

De l'encens qui brûle »

 

Notes de la forêt

Et le monde – ainsi – sans doute – éclaboussé par ces échos – ces ruissellements de ciel et d'innocence.

 

Journal poétique (extrait)

Le langage amendé – en quelque sorte

A se risquer aux limites de l'intelligible ; pour inventer un passage – une passerelle peut-être – entre l'ancien monde et un autre ; le suivant sans doute

Une manière de vivre – et de célébrer – la vie – la terre – le mystère ; le silence et le verbe ; la joie en étendard involontaire

 

Journal poétique (extrait)

La nuit de l'ouest ; libre du monde et des étoiles

Saupoudrant quelques feuilles de l'automne sur tous les jours – tous les siècles – vécus

Sans doute – la manière la moins disgracieuse de se prêter aux jeux du monde ; sans s'y frotter intensément

Derrière notre table de pierre ; à laisser la parole arriver – s'inscrire ; et se déployer ; vers le ciel – sûrement

Sans même vouloir que les yeux des hommes s'y attardent ; sans même y attacher de l'importance

A écouter (seulement) ce que nous portons ; ce qui nous traverse ; ce que nous traversons

Légèrement ; sans rien dégrader – sans offenser personne (sinon, peut-être, les esprits sots) ; sans brandir le moindre étendard

Le doigt discret pointant vers la lumière et la tendresse ; et révélant (plus sûrement) ce dont nous sommes constitué(s)

 

Journal poétique (extrait)

Dans l'épaisseur de la nuit ; les yeux abandonnés

A travers le temps – le cercle – le mystère ; le déploiement (sans obstacle) de la lumière

Et cette vue dégagée à présent – imprenable – sur l'ombre – l'étendue ; le bleu (un peu blafard) du poème

 

Journal poétique (extrait)

Le geste poétique ; sans intention – la tête effacée

A la place de la nuit ; le sourire

Penché non sur le mot mais sur le vide

Le visage accroupi

En ce lieu déserté par les hommes

Et tous les arbres ; et toutes les bêtes – autour de soi ; la peau à portée de tremblement

Vers le jour – la fraternité – la transparence – (substantiellement) partagés

Ainsi vécues ; les joies essentielles de l'effacement

 

Dans la pénombre

On passe toutes les soirées d'été et une bonne part des soirées d'automne et de printemps sans le moindre éclairage pour éviter d'attirer les insectes nocturnes(1) (qui se feraient piéger à l'intérieur) et éviter de nous faire repérer par les voitures et les promeneurs qui pourraient circuler sur les pistes et les routes alentour(2).

(1) en particulier les papillons de nuit mais aussi les frelons qui, contrairement aux guêpes et aux mouches, sont attirés par la lumière – à 2 reprises, un frelon s'est introduit dans le camion ; intrusion relativement dangereuse puisque l'on est allergique aux piqûres d’hyménoptère...

(2) malgré les arbres, dans l'obscurité, la moindre lumière peut être perçue à des kilomètres à la ronde

 

Journal poétique (extrait)

Éclairé(s) par ce qui passe ; et surnage

La neige par-dessus la terre

Et cet exil (si compréhensible) des poètes – des nomades ; qui vivent toujours à l'écart – loin du cirque – loin des cris et des masques de cire

Éclairé(s) par ce qui passe ; et surnage

La neige par-dessus la terre

Et ce qui s'achèvera, un jour ; le mensonge et l'insupportable face à la félicité – face à la lumière – chaque jour, grandissantes

 

Dispositif électrique

250 kWh de panneaux solaires. Ce qui nous offre une autonomie suffisante pour nous éclairer le soir (en hiver), charger un ordinateur portable, un téléphone portable, 2 lampes de poche et utiliser quelques accessoires électriques (rasoir – ventilateur* etc etc)...

* indispensable en été ; l'intérieur de la roulotte devient (assez vite) une véritable étuve...

Un convertisseur permet d'obtenir du courant en 220V. Et deux batteries de 95 Ah complètent le dispositif qui répond (très largement) à nos besoins électriques (très modestes – il est vrai) – y compris lors de la période hivernale où le soleil (en général) se fait plutôt rare* et où son inclinaison est loin d'être optimale pour recharger les batteries avec les panneaux solaires...

* variable, selon les régions (bien sûr)

 

Journal poétique (extrait)

Pourquoi Diable – de passage

Si peu équipé(s) pour les réponses

A travers la tête ; (trop) aveuglément

A s'imaginer percevoir le réel ; le temps qui s'écoule

Le front obstiné ; obscurci

Bricolant des solutions avec quelques bouts de ficelle trouvés sur le chemin

 

Journal poétique (extrait)

L'évidence du sol – du souffle – du centre

D'un lieu à l'autre ; sans se déplacer

Dans la jonction ; la (perpétuelle) continuité

Alignés ; sous la lumière

Comme si la nuit n'existait pas

Comme si l'aurore était une invention

 

Rencontre crépusculaire

A quelques dizaines de mètres de la roulotte, on aperçoit, soudain, dans les sous-bois, une troupe de sangliers – la mère avec ses marcassins (âgés de quelques mois) et un juvénile d'une précédente portée, groin au sol, à la recherche, sans doute, de quelques vers ou de quelques racines.

 

Journal poétique (extrait)

Par petites touches ; les créatures façonnées

Se dispersant ; partageant le sacrifice ; et le trésor commun

Terre et ciel – scellés ensemble ; durant cette traversée – à genoux

 

Instant de fin de journée

Les derniers instants du jour. Face à la fenêtre – face à l'horizon. Le feutre posé sur la table. Quelques pages noircies de mots devant les yeux. Et cette joie qui nous étreint – qui nous enveloppe – qui rayonne peut-être...

 

Haïku

« Un dernier rayon

illumine

les pics enneigés »

 

Notes diverses

Au cœur de la création – dirait-on ; et à la marge du monde aussi. Ainsi – sans les yeux des Autres.

 

Journal poétique (extrait)

Du bleu dans l'herbe

Le sol métamorphosé

Le monde serré contre soi

A la saison du détachement

Personne ; seulement la lumière ; la lumière et l'infini

L'Amour – sans doute – qui nous a pris dans ses bras

 

21h30 – 21h45 espace récréatif

 

Séquence de fin de soirée

On range le feutre et le carnet dans un angle de la bibliothèque, on pose la tasse sur le plan de travail de la cuisine, on fixe la table sous la banquette du coin salon, on tire les rideaux, on ferme les stores et l'on s'installe sur le canapé avec, selon les jours, un livre ou nos écouteurs pour suivre une émission à la radio, reprendre le podcast ou le film documentaire commencé la veille.

 

Journal poétique (extrait)

En soi – les chimères ; mains tendues ; aussi mortelles que le reste

Sous la même lumière ; et les saisons changeantes

Sans importance – sans impatience ; jusqu'au dénouement

 

Et le monde (bien sûr) continue de tourner

On ne se tient guère informé de l'actualité du monde (humain). On ne peut néanmoins échapper aux événements majeurs que distille la radio (que l'on écoute de manière régulière*).

* essentiellement des podcasts et, quelques fois, des émissions en direct. Et le journal de la mi-journée de temps à autre

Mais, au fond, à quoi bon écouter les malheurs et les (petites) joies de ce monde – les affres et les turpitudes de nos contemporains ? Qui peut ignorer que depuis que l'homme est homme, la terre est témoin des mêmes histoires qui se répètent indéfiniment* au fil des jours, au fil des années, au fil des siècles ; un monde inlassablement occupé par le plaisir, la richesse, le pouvoir, les revendications territoriales, les parades, les alliances, les crimes, les trahisons, les petites (et les grosses) « combines » et miné, de façon régulière, par diverses catastrophes individuelles et collectives (d'origine humaine ou naturelle). Et qui peut ignorer que le cours de l'histoire tend toujours, depuis que le monde est monde, vers plus de possibilités, vers plus de confort et de facilité(s)...

A quoi bon, dès lors, demeurer dans l'écume du monde ?

* sans varier d'un iota

 

Haïku

« Dans la montagne pas de calendrier

les saisons passent

on ne sait quelle année »

 

Journal poétique (extrait)

Au fond de la gorge ; le jour inépuisable ; le souffle lumineux ; si peu advenus – (presque) toujours inconnus

Et le désir ; et la nuit – bus jusqu'à la déraison ; sans interroger l'absence – sans interroger l'espace – ni la possibilité d'un Dieu désincarné

Les paupières lourdes ; entre l'extase et le sommeil

Un long filet de bave entre les lèvres entrouvertes

A dormir encore ; en dépit du corps redressé

 

Journal poétique (extrait)

Le ciel enjolivé ; trop agrémenté d'images

Comme le fond du jardin – l'autre côté du monde ; auréolé de mystère

Sous l'arbre encore ; un livre à la main – celui de la terre vivante

Et le vent sur le visage

Sans doute – au milieu du voyage

Familier de la mort et du feu

Fidèle aux ramures et aux nuages

Nous tenant là ; près de ce qui passe ; près de ce qui se dit ; écoutant et offrant la parole nécessaire ; aussi utile que la lumière et le silence des fleurs

La possibilité de l'aube ; qu'à l'intérieur ; en ce monde qui ne célèbre – et ne vénère – que l'inconscience et le chaos

 

Le téléphone portable, un outil polyvalent

Le téléphone portable est une boîte à outils indispensable ; il constitue l'un des rares moyens pour nous relier au monde humain. Outre ses usages nomades (GPS, applications pour voyageurs(1), applications pour localiser les commerces et les stations essence), il nous sert essentiellement de dictionnaire, d'encyclopédie(2) et de radio. Il nous permet également d'écouter des podcasts et de regarder, de temps à autre, des documentaires(3). Et il nous arrive aussi d'en faire usage comme téléphone (appels d'ordre pratique pour les réparations à effectuer sur le camion et des appels assez irréguliers avec les membres de la famille).

(1) que l'on utilise « à l'envers » en quelque sorte, évitant soigneusement tous les lieux répertoriés pour les nomades – touristes et vacanciers essentiellement – infrastructures pour les voyageurs, aires de services, sites touristiques, sites remarquables, parcs de loisirs etc

(2) Wikipédia en particulier

(3) Youtube et Arte

 

Haïku

« Joyeux

j'ai oublié

les intrigues du monde »

 

Journal poétique (extrait)

Parcourus ; le monde et le refus

La route dans le vent

Et l'intériorité qui affleure ; sous la peau – les paupières

Face au ciel ; la paroi contre le dos

Et ce silence – au milieu des cimes ; sauvage(s) – nécessaire(s) – paroxystique(s)

Les lèvres grandes ouvertes

Avec déjà l'essentiel en soi ; au milieu du fouillis des images

 

Les yeux au ciel

A observer (pendant près d'une heure) la beauté du ciel nocturne – le lent et lointain mouvement des étoiles. Sous le plafonnier cosmique jusque tard dans la nuit...

 

Journal poétique (extrait)

Entre nous ; trop d'étoiles ; le devenir et le néant

Des mondes et des cieux ; là où l'on se trouve

Encore séparés (trop séparés) ; évidemment

Ce qui nous échoit ; la même chose qu'au-dehors (exactement)

Le cœur qui se frotte à la pierre et à la peau des Dieux ; avec malice – avec désespérance et sagacité

Sans (jamais) rien exclure des oracles ; ainsi se dessine – se construit – le sort de ceux qui s'imaginent pénitents

 

Des frères humains

Rencontres radio (ou podcasts) avec une humanité « choisie » – sensible et éclairée*. L'un des rares liens au monde (humain) que l'on apprécie...

* autant qu'elle puisse l'être

Et parmi ces rencontres, quelques-unes qui restent en mémoire : Lhasa de Cela, chanteuse – Anouk Grinberg, actrice – Thierry Thieû Niang, danseur et chorégraphe – François Sarano – plongeur et océanographe – David Le Breton, ethnologue – Félix Billey – aventurier existentiel – Edmond Baudouin, auteur de BD – Olivier Roellinger, cuisinier – Isabelle Laffon, autrice, comédienne et metteuse en scène – Madeleine Riffaud, résistante, journaliste et poétesse – Olivier Quénardel, père abbé de Citeaux, Claudie Huntzinger, plasticienne et romancière...

Hommes et femmes qui nous émeuvent (jusqu'aux larmes – très souvent) – qui nous enchantent et nous réconcilient, d'une certaine manière, avec cette part si belle (et si émouvante) de l'humanité et une partie de nos frères humains...

 

Journal poétique (extrait)

En ces heures nocturnes ; accompagnatrices d'un autre sort ; révélant un autre monde ; la possibilité d'un destin plus conscient – plus léger – plus épanoui

Une ville entière ; un pays entier ; un empire peut-être – à travers un chemin entièrement inventé

Ce qui se glisse par la fenêtre – au fond des yeux – au fond de l'âme

Sous le régime du cœur ; la parole (seulement) nécessaire

A charge pour l'esprit de se défaire du faix ; et d'offrir le vide et la joie que l'on réclame

 

22h45 – 23h ablutions quotidiennes

 

Rituel (journalier) de fin de soirée

Prendre sa douche constitue une activité à part entière. Il ne s'agit pas, comme dans la vie sédentaire, de se glisser dans la baignoire, de laisser couler l'eau à sa guise, d'y rester pendant des heures et de laisser sa serviette par terre en sortant de la salle d'eau...

En outre, pour un nomade qui vit dans un espace si restreint, la salle de bain fait, très souvent, office de débarras où l'on entrepose (parfois pêle-mêle(1)) mille choses utiles(2) qui n'ont trouvé de place plus appropriée.

(1) ou de manière organisée et fonctionnelle – ce qui est notre cas...

(2) Dans notre roulotte, la salle d'eau – qui mesure 1 mètre 30 de longueur sur 70 cm de largeur – accueille, en plus du mobilier habituel dévolu à la toilette et à l'hygiène, un placard et une étagère amovibles « fait maison », un petit meuble fourre-tout (amovible également) sur lequel est fixé le filtre à eau (pour l'eau potable), un panier pour le linge sale, un ventilateur colonne (pour les journées estivales étouffantes), une caisse pour les fruits et légumes, quelques planches, les plateaux pour les repas, un étendoir (pour les vêtements et les serviettes), des fixations pour un tableau que l'on accroche près du coin salon (en mode sédentaire), un panier pour les éponges de cuisine, une claie de séchage (pour les micro-prélèvements botaniques) et deux socles-rangements qui accueillent, chacun, un bidon d'eau potable de 20l.

Aussi pour prendre sa douche*, on doit ôter une bonne part des objets entreposés pour les placer dans « la pièce à vivre » puis (bien sûr) les replacer une fois ses ablutions terminées. Sans compter l’essuyage des parois, du sol et du caillebotis pour éviter (dans endroit si fermé et exigu) d'endommager l'habitacle par un excès d'humidité...

* et être en mesure de tirer les rideaux et de fermer la porte en plexiglas

Prendre sa douche dans une roulotte nécessite donc de la manutention et un temps non négligeable*. Un vrai rituel de fin de soirée !

* environ 10 à 15 minutes pour dégager l'espace, préparer la pièce et attendre (en hiver) que l'eau devienne suffisamment chaude (grâce au chauffe-eau), 10 minutes de douche (passées essentiellement à se savonner – en utilisant un bol et en se rinçant en quelques secondes avec un mince filet d'eau) et 15 à 20 minutes pour essuyer tous les éléments de la douche et remettre en place les objets déplacés.

 

Journal poétique (extrait)

Mille images piétinées ; celles de l'Autre – celles du monde – celles de la nuit

Tailladées dans l'esprit ; la chair toujours indemne – vive – ardente

Et contre nous ; la douceur et la suavité

Quelque chose de la tendresse qui s'offre

Affranchi du temps et des injonctions ; et de l'idée même de liberté

Et au-dessus de nos têtes ; des étoiles suspendues – pendantes ; au cœur du vide exactement

Là où l'esprit et la pierre dansent ensemble

Dans l'intensification du silence et du chant ; cette joie si singulière d'être au monde

 

La douche estivale

Le plaisir inégalable de la douche en été (pendant près de 6 mois en vérité). Un caillebotis* sous les étoiles...

* fabriqué avec du bois récupéré

Le flexible de la douche glissé par la fenêtre de la salle d'eau nous permet d'utiliser le pommeau à l'extérieur. Et une sorte de bras articulé* (extrêmement rudimentaire) permet d'actionner le robinet mitigeur à travers l'étroite ouverture...

* fabriqué en bambou (avec un vieux bâton de marche inutilisable)

Une serviette, du savon. Et la joie de se laver face au panorama, face à l'horizon, face au spectacle vivant de la nature estivale.

 

Haïku

« Le bruit de l'eau

dit

ce que je pense »

 

Journal poétique (extrait)

De la couleur de l'eau ; le regard et la main – libres

Dans l'intimité des choses ; devenu elles – en quelque sorte

Soi ; et le reste du monde – comme effacés – absorbés ; sans la moindre extériorité

Au cœur du cercle bleu ; là où l'on naît ; là où l'on respire

Et ce qui passe ; comme un rêve (l'impression d'un rêve)

Une longue marche ; une longue suite de pas et de mots – pour tenter d'approcher la transparence

 

Journal poétique (extrait)

La nuit ; moins que la parole

Comme le mutisme des étoiles

A rebours des saisons ; le chemin

Et par les interstices ; la somme

Ce qu'il nous faudra (immanquablement) soustraire

 

23h30 – 23h45 fin de soirée

Le silence nocturne entrecoupé, de temps à autre, par le hululement d'une chouette hulotte(1)(2) qui marque sa présence et son territoire. La lune, au loin, rousse, belle, majestueuse dans un ciel qui oscille entre le noir et un bleu sombre et métallique. La nuit prend tranquillement ses aises. Quelques insectes s'affairent discrètement. Enveloppé par la beauté et la quiétude des lieux – au cœur de la forêt. Et l'âme qui savoure – qui se délecte – qui se réjouit...

(1) chouette hulotte mâle

(2) ou, d'autres soirs, par « l'aboiement » d'un chevreuil qui alerte ses congénères d'une présence importune ou d'un danger

En nous – devant nos yeux – la même féerie – le même spectacle – le cycle éternel du monde...

 

Haïku

« Avec la lune

je m'attarde

à danser »

 

Notes de la forêt

Véritablement ; le pays de la poésie ; là où le cœur reflète l'infini...

 

Journal poétique (extrait)

Le chant déchiré ; des étoiles qui bruissent

Désenfermé par le ciel ouvert – très haut ; fenêtre dans l'ombre des orages

Quelque part – encore imperceptible – le silence

Et cette joie prémonitoire de l'absence – du bleu

 

Journal poétique (extrait)

L'enfance en fête

L'âme ragaillardie

A jouer avec le ciel et la boue (d'une manière assez différente)

Entre la chambre et le ciel

Et ce qu'il reste à découvrir ; et ce qu'il reste à traverser

 

23h50 préparatifs avant de se coucher – installation du lit

 

Au cœur du silence

Sous la nuit étoilée. La chambre ouverte sur la clairière. Parmi les hautes herbes que le vent fait danser.

Dans le silence sylvestre ; ce qui se révèle – les liens de l'invisible – l'indissociabilité de soi et du monde – le socle commun des choses ; ce qui nous tient (tous ensemble)...

La beauté de l'être – comme un pur don – sans but – sans raison – sans explication. Comme une lumière – une présence – fragile – dans la pénombre...

 

23h55 La pluie s'est mise à tomber – une pluie fine et légère...

 

Minuit passé

Bercé par les gouttes qui dansent sur le toit. Comme un délice – une douceur – l'âme enfouie sous la couette – au contact et à l'abri des éléments naturels. Quel bonheur !

Si près des étoiles ! Si près du paradis !

Et l'on s'endort. Le corps en joie. Le cœur en paix. Demain sera un autre jour...

 

15 août 2023

Carnet n°295 Nomade des bois et des hameaux – vie d'un ermite itinérant (première partie)

Juillet 2023 

Note : tous les haïkus sont extraits de l'ouvrage d'Hervé Collet « dieu et moi » et ont été écrits par divers poètes chinois et japonais, parmi lesquels Han Shan, Li Po, Tu Fu, Ryokan, Issa, Bashô, Buson, Hosai

 

Depuis près de 5 ans, on vit sur les routes et les chemins(1) ; on habite une roulotte motorisée (un camping-car de taille modeste(2) – acheté d'occasion). On y travaille, on y mange, on y dort, on y prépare les repas, on s'y repose, on s'y lave ; bref, on y passe l'essentiel de nos journées.

On ne voyage pas, on arpente les forêts et les hameaux en quête de lieux déserts(3) et silencieux ; de lieux sauvages et peu fréquentés ; des clairières, des sous-bois, des friches, des collines, des bords de routes peu passagères, des accotements improbables, des impasses, des chemins de terre, des pistes forestières, de minuscules parkings, des cimetières, des places de villages reculés, des parvis d'églises isolées, des aires un peu à l'écart où l'on recycle le verre et les déchets plastiques et où l'on pose, parfois, ces énormes poubelles grises destinées aux ordures ménagères (et dont personne n'a l'usage durant la nuit) ; tous les lieux à la marge, tous les lieux peu fréquentés, délaissés ou abandonnés par les hommes...

(1) avec Bhagawan, un petit chien croisé Jack Russell, compagnon de vie depuis plus de 12 ans ; Shin'ya, notre vieille chienne, est morte durant le voyage – après 2 ans de périple

(2) un peu plus de 5 mètres 50 de longueur

(3) ou très peu peuplés

On est ce que l'on pourrait appeler un ermite séculier ou sauvage – lié à aucune religion particulière, ni à aucun dogme mais engagé, depuis de nombreuses années, dans une perspective spirituelle impersonnelle* qui s'est, peu à peu, déployée dans notre existence au point de devenir un axe central de notre quotidien.

* spiritualité non dogmatique qui invite à découvrir les dimensions non personnelles de l'être (voir la rubrique « la présence en soi ») que les traditions religieuses appellent de différentes façons ; Dieu, la Vie, le Soi, la Conscience, la nature de l'Esprit etc etc

Depuis le plus jeune âge, on s'est toujours (plus ou moins) senti en décalage avec les hommes et le monde humain ; et après une existence sédentaire (passablement instable), les circonstances nous ont conduit vers ce mode de vie qui s'est imposé, malgré nous, comme la manière la plus appropriée de vivre ce qui nous semble essentiel ; dans cet écart avec les hommes – dans cet éloignement de la société humaine*.

* même si subsistent de nombreux liens...

 

Une vie à la dérobée

Une vie discrète et anonyme ; presque clandestine tant on s'évertue à éviter la présence des hommes, à raser les murs du monde (humain), à vivre à l'écart ; tant on essaie de se fondre dans les paysages, de disparaître, de nous effacer, de devenir aussi invisible que possible...

A la manière des bêtes sauvages...

 

Journal poétique (extrait)

Plus vieux que le sang et l'indifférence

Qu'importe les hommes et la mort

Au milieu des simples ; au fond des bois

Dans cette solitude sans égale ; dans cette joie que l'on partage avec les nôtres – le ciel ; la vie et le merveilleux qui nous entourent

 

Un rapide portrait

Petit, râblé. Silhouette massive et musclée. Épaules larges et jambes bien campées. Cheveux ras, barbe de plusieurs jours (très souvent) et petites lunettes rondes.

Simple, franc, authentique, solitaire, solidaire, loyal, fidèle, fiable, intransigeant, discret et respectueux.

Voilà pour le portrait. Caractéristiques principales du bonhomme. Sans grand intérêt...

 

Journal poétique (extrait)

Sous l'aube éblouissante

La paix étreinte

Le cœur désenclavé ; affranchi du glaive

L'avènement du langage ; la bouche silencieuse ; la parole nue

Quelque chose (bien sûr) de la lumière

 

Journal poétique (extrait)

Visages cherchés ; à demeure

Jusqu'à la plus haute intimité

Attaché (très attaché) à l'écart – pourtant

Attendant on ne sait quoi

L'hiver et la mort – peut-être

L'inévitable désapprentissage du monde – de soi

Et tous ces restes de mémoire

 

Emploi du temps journalier

8h45 : lever

9h15 : petit déjeuner

9h45 : sur la route – prospection d'un nouveau lieu pour la journée(1)

10h15 – 10h30 : écriture (correction)

12h30 : déjeuner

13h : écriture

13h30 : espace récréatif (lecture et sieste)

15h : marche en forêt

18h : écriture (retranscription des notes de la veille)

18h45 : exercices physiques (entretien musculaire)

19h – 19h30 : préparation du repas(2)

20h : dîner

20h30 : vaisselle

21h : écriture

21h45 : espace récréatif (radio – podcast – film documentaire)

23h : ablutions quotidiennes

23h45 – 00h15 : coucher

(1) distant de quelques kilomètres (en général)

(2) en particulier celui de Bhagawan avec des rations ménagères adaptées à ses problématiques de santé

Cet emploi du temps peut, bien sûr, varier selon les jours ou les saisons ; lorsqu'il nous faut, par exemple, trouver un lieu de bivouac en fin d'après-midi* ou lorsque l'on doit renouveler ses provisions alimentaires ou lorsque les jours raccourcissent en hiver etc etc.

* différent de celui où l'on a passé la journée ; ce qui arrive très fréquemment en été...

Disons qu'il constitue le socle sur lequel s'organisent nos activités quotidiennes...

 

Haïku

« Toute la journée

le cœur libre

à l'aise »

 

Journal poétique (extrait)

Le front accolé au sol et au temps

Nous réchauffant au soleil de l'exil

Ermite (à part entière) désormais ; nomade du fond des bois

L'âme proche des arbres et des bêtes

Mille visages au gré des chemins

Et la vie éternelle – fraternelle ; au-dedans

N'ayant plus rien à partager avec les hommes

Célébrant la joie et le silence auprès des siens (sans même le besoin d'en témoigner)

 

8h40 L'alarme du réveil retentit. On s'étire, on sort la tête de la couette, on regarde la lumière – quelques rayons de soleil timides percent à travers les stores. On baille et s’octroie quelques instants supplémentaires pour achever de se réveiller (en douceur).

On ôte les bouchons de protection auditive pour écouter les bruits matinaux de la forêt, le chant des oiseaux, quelques voitures qui passent sur la petite route située, non loin de là, derrière les grands arbres qui nous abritent des regards.

On sort enfin du lit (en prenant appui sur l'étroit plan de travail de la cuisine), selon la saison, on éteint le chauffage ou l'on ouvre toutes les baies vitrées, on tire les rideaux, on replie les stores, on jette un œil au-dehors, on plie sa couette, on remonte le lit(1), verrouille le dispositif, on embrasse Bhagawan(2) qui dort encore sur son coussin(3) posé sur le canapé du coin salon. On enfile, selon la saison, un caleçon ou un vieux jogging, un pull ou un t-shirt, on ouvre le réfrigérateur, sort la gamelle de Bhagawan, la margarine et la confiture, on prend une tasse et une casserole dans le placard. On prépare le petit déjeuner. La journée commence...

(1) lit pavillon mobile actionné par un moteur électrique – que l'on fixe au plafond au cours de la journée et que l'on descend pour la nuit

(2) enveloppé, pendant l'hiver, dans une épaisse couverture de laine

(3) un coussin moelleux recouvert de longs poils synthétiques et bordé de mousse

 

Journal poétique (extrait)

Sans étonnement ; la lumière

Le lieu désert ; et l'infinité des liens

Le retentissement des sons

Au milieu des bêtes et des bois

Témoin(s) de l'aube qui s'étire ; et que le jour absorbe

Mille choses transparentes ; au lieu de la fumée du monde

 

Ni vacances, ni jour de repos

Depuis de nombreuses années*, on ne s'octroie ni vacances ni jour de repos (on n'en a jamais éprouvé le besoin) ; comme les arbres, les bêtes et les moines. Comme tous ceux pour qui vivre (chaque journée) est nécessité et vocation...

* depuis la fin de l'adolescence

Il faut sans doute que le quotidien nous comble et nous offre le plaisir et la joie indispensables pour nous y consacrer sans relâche – sans changement (majeur), jour après jour, année après année...

Chaque journée nous procure ce qui nous est nécessaire ; la solitude, le silence, le contact avec le monde naturel, les arbres et du temps consacré à ce qui nous semble essentiel...

 

Journal poétique (extrait)

A la source du voir

Aux confins des forêts

L'âme et la lumière

Ce pour quoi nous sommes né(s) – sans doute

 

Activités essentielles et (principaux) centres d’intérêt

  • La quotidienneté

  • La spiritualité

  • L'écriture et la poésie

  • La nature et les arbres

  • La marche

  • Les savoirs

  • La martialité

  • La vie sauvage et autonome (autarcique – autant que possible)

  • Des exercices corporels et énergétiques

  • Et tous les types de rencontre sensible et authentique (avec les pierres, les plantes, les arbres, à travers les livres, la radio et les podcasts, avec les bêtes et les hommes rencontrés, avec l'espace que l'on porte en soi*)

* que chacun porte en lui (voir la rubrique « la présence en soi »)

  

Journal poétique (extrait)

Deux rêves ; à contretemps

L'oubli ; à la place du sablier

Le chemin qui se devine – qui se profile – qui s'invite

Un voyage sans trace – sans rumeur – sans personne

La joie accolée au souffle ; tandis que la douleur se défait

Moins de nœuds ; à moins farfouiller en soi

Vers le Nord ; comme en témoigne le climat

Et le cœur plus vif – plus prompt – plus ardent ; à mesure que l'ascension se précise

 

9h – 9h15 petit déjeuner

 

Menu matinal

Un thé et 5 biscottes beurrées* avec de la confiture de prune

* margarine

 

Une existence comme les autres

Ni modèle, ni exemple. Un simple témoignage. Un portrait peut-être...

 

Siddharta Gautama

« Ne place aucune tête au-dessus de la tienne. »

 

Journal poétique (extrait)

Le cœur ; prêté (pour quelques instants) pour s'essayer au chemin

Aux côtés du monde ; et du silence

Et la couleur du destin qui, peu à peu, apparaît – se dessine

A portée (toujours à portée) de lumière ; en dépit du sombre que l'on côtoie

Comme le vent dont le chant se renouvelle ; et s'éternise

Comme un clin d’œil au temps qui a prolongé l'origine

 

Pourquoi vivre à l'écart des hommes* ?

Parce que le comportement des hommes (trop souvent) nous blesse ou nous ennuie ;

Parce que les hommes se montrent (en général) peu intéressants, peu ouverts et peu sensibles ;

Parce que les hommes semblent apprécier (à peu près) tout ce que l'on déteste et parce qu'ils semblent détester (à peu près) tout ce que l'on apprécie ; parce que nous avons peu de centres d'intérêt en commun et peu de choses à partager ;

Parce que nous ne nous reconnaissons pas dans la plupart des rituels humains (individuels et collectifs)

Parce que l'humanité se comporte comme un peuple dominateur qui colonise, s'approprie, instrumentalise, réifie, exploite et extermine de manière éhontée ;

Parce que l'essentiel des hommes vit et agit (presque toujours) de manière autocentrée et mécanique ;

Parce que les hommes semblent absents au monde et à eux-mêmes. Parce qu'ils suivent aveuglément leur(s) mouvement(s) sans prendre en considération celui (ou ceux) des autres. Parce qu'ils sont (souvent) très peu enclins à se remettre en cause ;

Parce que nous* ne portons (presque) aucun intérêt à ce que l'on pourrait s'offrir mutuellement...

* nous et le monde

Parce que notre existence nous a permis de fréquenter une multitude d'individus (dans des milieux très divers), de vivre quantité d'expériences, avec et auprès de nos congénères, dans tous les domaines possibles et imaginables (amical, amoureux, affectif, sexuel, familial, social, professionnel, spirituel etc etc), et qu'en définitive, il nous semble qu'il y a plus (beaucoup plus) d'inconvénients que d'agréments à vivre en leur compagnie ;

Parce que l'on est de nature solitaire (et plutôt individualiste)...

Parce qu'il y a un temps pour tout ; et que semble venu, depuis quelques années, le temps de l'érémitisme...

* hommes et femmes, bien sûr...

 

Notes de la forêt

Ici ; au détriment des hommes – peut-être. Mais nous l'avons tant de fois vécu ; nul ne peut rien pour personne. Il faut savoir rester seul ; et se garder de regretter une fréquentation – et une proximité – (presque) impossibles.

 

Journal poétique (extrait)

Au gré des couronnes ; et des coins découverts ; et des coins détestés

Ce que l'on rencontre ; de la glaise qui baille et qui gueule

Un monde de fables et de surgissements

Au milieu de la chair affamée de chair ; digérant la chair ; ne cessant de se transformer en mille choses surprenantes

 

Journal poétique (extrait)

A s'étioler dans la (triste) compagnie de ses semblables

Contraint d'assister aux bavardages et aux agissements les plus stupides – les plus futiles

Et rien pour apaiser nos cris – et notre rage – séculaires ; hérités de ce séjour incompréhensible sous les étoiles

Aux prises avec toutes sortes d'hostilités

Et caché – avec le secret – au fond de soi ; le seul abri que nous continuons d'ignorer – ou de négliger (dans le meilleur des cas)

Invalides et insatisfaits tant que nous refuserons le face à face avec ce que nous portons ; avec cet infini de lumière et de tendresse

 

Journal poétique (extrait)

Le sommeil comme ensemencé

Et l'invisible ; et l'horizon ; des perspectives oubliées

Juste quelques pas avant de mourir

Le cœur insensible

Alors que d'autres (plus rares) tâtonnent ; avancent – reculent – s'égarent – emportés par le tournis de l'âme qui explore

L'homme tentant de se dépêtrer ; obéissant aux nécessités du voyage

Essayant d'échapper aux légendes millénaires dans lesquelles s'inscrivent toutes (à peu près toutes) les histoires humaines

 

Habiter le monde au moindre coût

Vivre en roulotte motorisée constitue, sans doute, l'un des modes de vie les moins coûteux* sous nos latitudes. Ni loyer, ni impôts locaux, ni facture d'eau, ni facture d'électricité.

* hormis l'entretien et les réparations mécaniques qui peuvent occasionner des dépenses assez conséquentes...

Le prix du carburant* est le prix de la liberté ; celle de pouvoir s'installer ici et là – sur un petit chemin de terre – sur les hauteurs peu fréquentées d'une colline – dans une clairière cachée au fond des bois accessible par une étroite piste forestière – au bord d'une rivière ou d'un ruisseau – à l'abri du bruit et du regard des hommes...

* gazole

 

Journal poétique (extrait)

Le cœur sans séquelle ; en dépit des épreuves

Plus libre qu'autrefois ; et sachant mieux accueillir ce que déteste la tête ; et sachant, à présent, mêler les pas et les paroles aux prières et aux étoiles

Le verbe bleu ; comme des bouts de ciel ensemencés ; (très) discrètement souriant

Moins de mots ; et moins du nom ; davantage du chant anonyme

Ce qu'offrent les lèvres ; ce que la source déverse

La mort livrée à l'immortel

Ce qui se dit offert à l'indicible

Moins (beaucoup moins) sérieusement humain

Avec cette tendresse qui affleure

Une plus juste manière de vivre – sans doute ; d'être vivant

Quelque chose de l'arbre et de la pierre – de la rosée et du vent

Pas exactement le même homme ; la gravité moins sévère ; réjouie – ravie – joyeuse

 

La roulotte

La roulotte motorisée mesure environ 5 mètres 60 de longueur sur 2 mètres 10 de largeur. Elle est composée (selon les termes en usage) d'une cellule* (la partie habitable) et d'une cabine* (la partie réservée à la conduite). L'espace habitable mesure environ 6m2 – espace tout confort ; salon-salle à manger-bureau – chambre – cuisine – salle d'eau – toilettes (sèches)

* La cellule évoque, bien sûr, la pièce où vivent le moine et le prisonnier (celui qui est détenu en prison) – immobilité volontaire et involontaire – et la cabine évoque, bien sûr, le voyage (le voyage au long cours en camion ou en bateau). Le voyage et l'immobilité – simultanément ; casanier mobile – casanier itinérant. On passe, en effet, l'essentiel de nos journées dans la cellule (porte et fenêtres ouvertes une bonne partie de l'année – y compris en hiver).

 

Journal poétique (extrait)

La vie simple ; (éternellement) voyageuse

Invariablement ; entre ciel et terre

Sans rien chercher ; la route – ce qui apparaît

Ni doute – ni pensée ; la main tendue

Et ce que l'on traîne ; dans notre sillage ; la parole qui s'offre sans attente

Comme de petites pierres – au milieu des rêves ; un peu d'infini au cœur de l'infime ; sous des yeux (presque) toujours trop lointains

 

Journal poétique (extrait)

Ce qu'il faut inventer de parole – de chambre – de monde

En plus du temps – du chemin – de la lumière

Un univers entier à l'intérieur de l'autre ; et mille possibles ; et mille passerelles – pour ne jamais entraver la liberté de se mouvoir ; d'aller à la manière du vent

 

L'espace de vie : un volume – plusieurs plans

La configuration intérieure de la roulotte (avec un lit pavillon qui constitue une sorte de mezzanine amovible) offre un volume que l'on peut séparer en 3 plans superposés distincts :

l. du sol à la table : l'espace dédié aux exercices corporels quotidiens(1) et à la méditation(2)

2. de la table au lit (lorsque ce dernier est en position haute – remonté jusqu'au plafond) : l'espace de vie où l'on travaille, où l'on mange et où l'on demeure une bonne partie de la journée

3. du lit au plafond (lorsque le lit est abaissé) : l'espace dévolu à la nuit et au sommeil.

Un espace de vie fonctionnel, pratique, modulable, polyvalent ! Que demander de plus à une maison – à un abri ?

(1) entretien musculaire élémentaire effectué par terre en position couchée

(2) méditation formelle assise occasionnelle – lorsque le temps ne se prête pas à une séance à l'extérieur

 

Journal poétique (extrait)

Miroir encore ; au fond du noir

Étendue infinie ou chambre close ; le même ciel ; et l'âme (toujours) enchevêtrée au reste ; (parfaitement) engagée dans le geste

Qu'importe la pierre ; qu'importe la neige ; lorsque le jour a tout recouvert

Nul autre ; et mille fenêtres

Au bout du monde ; au bout des doigts ; partout – son propre visage

A présent ; simplement ici ; en sa présence

 

Une fabrication sur mesure

Plusieurs éléments du mobilier de la cellule, des housses de coussins, des rideaux (etc etc) ont été fabriqués ou réalisés afin de répondre, de manière adaptée, aux besoins éprouvés.

- Un coffre en bois (large et profond) surmonté d'un coussin placé entre les deux sièges de la cabine

- Une sorte d'escalier (constitué de 2 coffres de bois amovibles de hauteur différente fabriqués « maison ») à l'avant et à l'arrière pour que Bhagawan (9 kg) (et Shin'ya – 45 kg – lorsqu'elle était encore avec nous) puisse(nt) grimper librement sur les banquettes arrière de la cellule et les sièges de la cabine.

- Un tabouret-placard-escabeau dont les 3 fonctions servent quotidiennement

- Un meuble fixé à la paroi pour y placer le filtre à eau

- Un socle mobile attaché au plancher pour y fixer les 5 bidons d'eau de 20 litres

etc etc

Les objets, le mobilier et le bonhomme se doivent d'être aussi polyvalents que possible ; dans un espace si restreint, tout doit pouvoir servir à plusieurs choses (ou activités)...

 

Journal poétique (extrait)

Penché sur la pierre

Le souffle lumineux

Auprès de ce qui brille davantage que les étoiles

Contre les murs ; des miroirs

Et des reflets rouges qui franchissent toutes les enceintes

L'immensité déjà ; malgré le sang et les instincts

 

Habiter un espace exigu

Habiter un espace réduit (et qui plus est mobile) nécessite une organisation particulière ; chaque objet doit trouver une place appropriée à l'intérieur – on ne peut, bien sûr, rien stocker au-dehors. Les placards doivent pouvoir accueillir les vêtements et les équipements d'hiver et d'été. Et l'on doit être en mesure, pendant la journée, de circuler sans encombre.

La décoration (si tant est que l'on éprouve le besoin d'apporter une touche personnelle à l'endroit où l'on vit) doit être fixée de manière à ce qu'elle ne se déplace pas (ou ne tombe pas) lorsque le véhicule est en mouvement.

Mais il y a une joie (une joie véritable) à habiter dans un espace si restreint ; de pouvoir réaliser l'ensemble des actes de la vie quotidienne (et toutes les activités que nécessite la vie) dans quelques mètres carrés ; travailler là où l'on mange, dormir là où l'on se lave, se reposer là où l'on médite, préparer à manger là où l'on défèque, remplir ses bouteilles d'eau potable là où l'on urine etc etc.

Et être capable de rester dans cette minuscule pièce à vivre pendant de longues heures chaque jour, et pendant plusieurs jours (quasiment sans sortir) lorsqu'il pleut (ou lorsqu'il neige). L’œil posé à la fois sur son univers familier et sur l'environnement extérieur (sur les arbres et l'horizon) grâce à la grande baie amovible et à la porte munie d'une ouverture vitrée situées devant la planche sur laquelle on écrit et l'on prend ses repas.

 

Haïku

« Une petite chambre

une fenêtre basse

un poêle en terre profond »

 

K'ieou Wey (cherchant en vain l'ermite de la colline de l'Ouest)

« Au sommet de la colline, il y a une cabane, un sentier de trente li y mène tout droit. Je frappe à la porte, personne ne répond. Je regarde à l'intérieur, il n'y a qu'une table et un banc. »

 

Journal poétique (extrait)

Le cœur aussi bleu que la neige

Et le ciel en contrebas

Jardin d'autrefois peut-être où les Dieux étaient vivants

Monde simple affranchi des hommes – affranchi du temps

Baigné de lumière et de tendresse

 

Au-dedans et au-dehors

Le tabouret de bois et la table sont positionnés de manière à ce que le regard se porte sur l'extérieur ; ce qui donne l'heureuse sensation d'être à la fois au-dehors et au-dedans, dans cet entre-deux singulier – à l'intersection des frontières. Ainsi a-t-on l'impression de se tenir pour tous les actes de la vie quotidienne (et, en particulier, lors des repas et des séances d’écriture) à la fois chez soi et au milieu du monde – au milieu des arbres...

 

Haïku

« A l'intérieur, à l'extérieur

c'est clair, net

sans obstacle »

 

Journal poétique (extrait)

Dans les herbes hautes de la terre

Auprès du mystère ; des adieux incessants

Le visage face à la vérité

Le pressentiment de l'abordable

Sans doute (sans aucun doute) sur les chimères qui rassurent les hommes

L'ardeur de l'âme au contact du réel

Et l'inconnu qui chasse toutes les croyances – toutes les certitudes – toutes les illusions

La grâce et la lumière ; dans l'instant (pleinement) vécu

Et le vent qui cingle (qui continue de cingler) la chair du monde

 

Habiter un espace exigu (suite)

Se réjouir de pouvoir, en hiver, réchauffer cet espace minuscule en quelques minutes et de maintenir une température acceptable (entre 10 et 18 degrés Celsius) avec une consommation énergétique relativement modérée*...

* le chauffage est branché sur le réservoir de gazole avec un thermostat réglable.

Il y a du merveilleux dans cette polyvalence et cette fonctionnalité de l'espace. Un petit coin intérieur au contact direct avec le monde et pleinement ouvert sur les vastes étendues forestières environnantes. On est à la frontière (et à l'interface) entre l'intérieur et l'extérieur qui se mêlent et se transforment – sans cesse ; on ressent ainsi une profonde intimité avec le proche et le lointain...

En outre, (presque) chaque jour, le paysage change. Ainsi, en regardant par la fenêtre, a-t-on l'étrange (et savoureux) sentiment d'avoir changé de place sans nous être déplacé...

 

Haïku

« Loin du rempart

de la ville

une véranda spacieuse »

 

Journal poétique (extrait)

Dans la vibration du monde ; le bleu

Qu'importe la rive ; qu'importe le chemin

Sous le sol ; dans l'âme – disparaissant

La peau et le ciel ; frémissants

En ce lieu présent en tous les lieux

Comme une lumière sur la carte et la terre ; précieuse – abondante – inestimable

 

Conversation impromptue

Un minuscule moineau s'est posé devant la fenêtre ; nous avons échangé pendant deux longues minutes. Notre bavardage* terminé, il s'est envolé sur la branche d'un jeune chêne à la lisière de la forêt.

* A chaque rencontre (animalière), on se montre (en général) trop bavard ; porteur de cette inclinaison (très) humaine...

 

Journal poétique (extrait)

Un peu de lune sur la langue

Le miracle au-dessus du bavardage

Au-delà de la bouche et du mot ; au-delà même des lèvres talentueuses ; des lèvres amoureuses

Comme un tourbillon de liberté ; un imprévu dans le trop habituel humain

Un saut du temps ; une faille ; une (véritable) surprise

Et l'âme – bien sûr – qui se fait hospitalière ; contrairement au monde – à l'Autre – déjà recouverts d'un épais sommeil – d'une indifférence à toute épreuve

 

9h45 avant de prendre la route

On pose notre bol dans l'évier, on essuie le plateau du petit déjeuner, on range la casserole, on ferme les placards et les baies, on vérifie que tous les objets sont soigneusement arrimés. Puis, on ferme la porte de la cellule, on fait le tour du camion (en enlevant les cales* – si nécessaire), on s'installe sur le siège de la cabine, on tourne la clé de contact et on prend la route.

* voir la rubrique « un lieu et des cales »

 

Plusieurs modes : nomade et sédentaire – diurne et nocturne

La vie nomade en roulotte nécessite un constant passage du mode mobile (on roule) au mode immobile(1) (on est stationné(2)) et du mode diurne au mode nocturne(1) (table ou lit qui se range selon les heures).

(1) et inversement (bien sûr)

(2) pour quelques instants ou pour quelques heures – et, plus rarement, pour quelques jours

Tout doit être également soigneusement fermé, attaché ou arrimé (portes de placard, bidons, ustensiles, bocaux etc) afin d'éviter que les tiroirs s'ouvrent, que les objets tombent et que les récipients se renversent (ce qui est déjà arrivé, bien sûr) ; chutes qui occasionnent, en général, quelques dégâts (plus ou moins préjudiciables)...

2-3 ou 4 fois par jour, installer et désinstaller la table(1), descendre ou remonter le lit, remettre les ustensiles de cuisine à leur place ou les laisser sur le (minuscule) plan de travail (situé entre l'évier et les feux de la gazinière), abandonner la tasse de thé sur la table ou la ranger dans le placard, laisser traîner l'ordinateur sur la banquette ou le glisser dans son sac de protection, ouvrir ou fermer les portes coulissantes de la petite bibliothèque(2) etc etc.

(1) qui se fixe sur un socle aimanté – et bricolée par nos soins

(2) qui contient approximativement une soixantaine d'ouvrages

 

Journal poétique (extrait)

Les yeux peints (et repeints) aux couleurs de l'espérance

Presque clos sur le souvenir et le rêve

Le devenir par-dessus l'image ; et cette (inébranlable) croyance aux miracles

Du feu sur notre infortune

Et la route à reprendre

 

Journal poétique (extrait)

En partance déjà ; en dépit de l'Amour

La ronde des adieux

Au bord du gouffre ; à bout de souffle – face à l'immensité

En ce lieu hors du monde ; en ce temps hors du temps

Comme une pause fantôme

Dans la poussière infime ; personne excepté l'impalpable – l'invisible présent

 

Jour de neige

Les jours de neige, on évite (en général) de prendre la route. On ne s'y résout* qu'à de très rares occasions – lorsqu'il faut, par exemple, se ravitailler en eau, en gaz ou en provisions alimentaires.

* Après avoir fixé les chaînes (sur les 4 roues), on peut s'élancer (avec prudence) sur les pistes enneigées.

Cet « arrêt forcé » nous laisse tout le loisir de contempler la beauté des paysages ; les arbres, les collines, les routes et les chemins recouverts de ce manteau poudreux. La beauté des flocons que le vent fait virevolter. La beauté des arbres habillés de blanc. Et en admirant la féerie des paysages, nous avons presque aussitôt une pensée pour les bêtes des prés et de la forêt – oiseaux, vaches, biches, chevreuils, sangliers – qui n'ont ni abri – ni chauffage (bien sûr)...

L'après-midi, on se risque à une courte promenade. On enfile un vieux pull de laine* et l'on se glisse au-dehors pour s'immerger dans la splendeur – et la poésie – du monde hivernal.

* Bhagawan blotti dans son sac – et emmitouflé dans son manteau et une couverture polaire

 

Journal poétique (extrait)

Dans les bras de l'hiver ; ce qui est délaissé – inentendu – balayé

Le jour ; à la pointe de la veille

Et le courage du solitaire

Le cœur à la renverse ; dénudé sans indulgence – sans la moindre pitié

Les lèvres joyeuses – pourtant – porteuses de la parole que le ciel a initiée

De la couleur de la pierre ; et destinée à fendre l'épaisseur

Homme aux pieds libres – sans âge – rompu à toutes les pertes ; œuvrant, à présent, sans sacrifice

 

Journal poétique (extrait)

Des pas dans la nuit ; dans la neige

Sans se hâter ; la chair et le temps (minutieusement) programmés

Derrière les rideaux du monde ; ce que l'on imagine ; sur cette terre – cet espace inventé – sous un ciel trop haut – inaccessible – impénétrable

 

Vers 10 h sur la route

On roule à allure modérée, un œil posé sur le bitume et l'autre sur les paysages.

 

Chaque jour, de nouvelles perspectives

On aime (particulièrement) découvrir de nouveaux lieux, explorer de nouveaux territoires, parcourir de nouvelles collines, arpenter de nouvelles pistes, apprécier de nouvelles configurations géographiques (et géologiques). Et la vie nomade se prête, d'une merveilleuse façon, à ce goût pour la nouveauté.

 

Journal poétique (extrait)

Les mains pleines de songes et d'étoiles ; jetés au hasard de la route – sur les uns et sur les autres

Bordé(e)(s) par la lumière et le sommeil

Sans discernement ; avec hésitation

D'une rive à l'autre ; comme autrefois – avant l'ère de la raison et des remontrances

 

Journal poétique (extrait)

Trop loin des morts ; et des eaux vives – les rives inertes

Entre le temps passé et le temps déposé

Par des routes trop rapides (pourtant) qui forment un entrelac de boucles

Sans aile – sans (véritable) destination – en vérité

L'ardeur errante déployée tous azimuts ; dans le (plus joyeux) désordre

 

Journal poétique (extrait)

L'aventure depuis si longtemps commencée

Oscillant entre la poussière et l'Absolu

Et, aujourd'hui, le cœur et l'absence de nom pour seules ambitions

A regarder – impassible – les alliances se nouer et se défaire ; le déferlement de l'affection et de la haine

Avec (toujours) cette tendresse (presque surnaturelle) au cœur de la violence déployée ; rayonnante – secrète – souveraine

Et le scintillement (si perceptible) de la vérité – à travers toutes les illusions ; Dieu – comme une évidence – à travers toutes les circonstances

Le voyage de plus en plus immobile ; à mesure que nous comprenons ; à mesure que l'âme reconnaît les lieux

Et la chair ; et l'esprit – libres d'aller sur leur chemin ; alors que les bras s'offrent au monde – à ce qui passe ; et que le silence souligne – confirme – son approbation

 

Exploration motorisée

On éprouve une joie réelle (et un peu coupable*) à rouler chaque jour (quelques kilomètres en général) sans jamais connaître le lieu où l'on passera la journée. Au gré des routes et des chemins, au gré des indications sur la carte, au gré de ce que l'on trouvera, au gré de ce que le cœur décidera, au gré de ce que la vie proposera...

* à cause, bien sûr, de la pollution occasionnée par la combustion du gazole...

Heureux de chaque découverte ; des topographies et des paysages nouveaux, des villages – des hameaux – des forêts et des collines nouvelles, des chemins ou des pistes forestières qui montent, qui descendent, qui serpentent, qui se perdent...

 

Journal poétique (extrait)

Dans l'attente ; les doigts impatients

Le jour rêvé

Sur ces rives arides ; un semblant de porte au milieu des interdits

La hâte au lieu de la sensibilité pour précipiter le voyage et échapper au froid

Un chemin (sans doute) à réinventer qui prendrait en compte les boucles et les retournements ; et l'impossibilité (bien sûr) d'arriver quelque part

 

Exploration des lieux et repérage

L'expérience de la route et des chemins nous a appris à explorer un territoire (un parc naturel régional, un massif montagneux et/ou forestier, une zone sylvestre) d'une manière (un peu) systématique comme si l'on cartographiait (réellement) l'espace – cheminant, chaque jour, de village en village, de hameau en hameau, localisant le moindre emplacement potentiel(1) (parking de salle polyvalente, cimetière, départ de randonnées, lieu à l'écart ou suffisamment éloigné de la route principale etc etc) et empruntant (presque) chaque chemin et chaque piste forestière dans les zones sans habitation, repérant ici et là, tous les lieux où l'on pourrait passer la journée et/ou la nuit(1)(2) ; accotements, impasses, clairières, parkings « sauvages »...

(1) L'expérience nous a appris qu'un lieu apparemment désert et/ou isolé peut être fréquenté, selon les jours et les heures de la journée, par « les gens du pays » sans même que l'endroit ne porte la trace de cette fréquentation ; empreintes de pneu, détritus divers, restes de feu de camp...

(2) Une bonne part des lieux pour passer la nuit (appelés couramment « spots nocturnes ») sont découverts lors de nos randonnées quotidiennes – au gré des sentes, des routes et des pistes forestières arpentées...

 

Journal poétique (extrait)

Autour du même cercle bleu ; de (minuscules) carrés amovibles et clôturés

La fumée des hommes ; (très) précisément mesurée

Leur territoire ; comme un monde pétrifié ; dont on hérite ; et que l'on s'évertue à agrandir

Le seul jeu (l'un des seuls jeux) qu'ils connaissent

Des murs et des temples que l'on édifie ; et qui, jamais, ne feront apparaître la lumière ; juste l'image d'un Dieu servile et emprisonné ; pâle (bien pâle) reflet du mystère qui plaît aux âmes grossières

Moins que l'herbe et la pierre qui s'abandonnent à la pluie ; moins que la terre naturelle sur laquelle nous vivons avec les bêtes

 

Modeste aventure motorisée

La semaine dernière, alors que l'on s'était engagé (avec le camion) sur une route forestière à la recherche d'un lieu pour passer la journée, on a dû rebrousser chemin – le levier de vitesse positionné sur la marche arrière* – pendant plusieurs centaines de mètres, roulant, à l'aide des rétroviseurs (et de la caméra de recul) sur cette piste de terre – étroite, pentue, sinueuse et cabossée.

* sans trouver un espace pour faire un demi-tour

Ce genre de mésaventure nous arrive assez régulièrement lors de nos explorations forestières motorisées. Et plus d'une fois, il nous a fallu rouler ainsi en marche arrière, parfois sur plusieurs kilomètres, pour nous extraire d'un sentier forestier délicat ou peu praticable* et inapproprié au bivouac.

Séquence aventure (modeste – très modeste – il va sans dire) !

* En sortant des sentiers battus, le risque d'embourbement augmente (assez substantiellement). A plusieurs reprises, les roues du camion sont restées bloquées dans une boue épaisse. Il nous faut alors placer les plaques de désembourbement (et, parfois, des pierres et des branches) sous les roues motrices pour nous extraire de ce mauvais pas – et, très souvent, de multiples tentatives sont nécessaires...).Il nous est même arrivé, une fois, de faire appel à une dépanneuse – après 3 heures d'âpre bataille, il a fallu se rendre à l'évidence, il était impossible de s'en sortir sans une aide mécanique extérieure...

 

Journal poétique (extrait)

Des lieux ; des épreuves

Rien auquel on ne puisse échapper

Des Autres – des pierres – des flaques de boue

La clarté fangeuse du monde ; et des angles où se cogner ; et des arrêtes où s'écorcher

Mille choses ; et autant d'obstacles que d'accablements

Ce qu'il (nous) faut nécessairement endurer

 

Journal poétique (extrait)

A nouveau l'errance

De la joie au fond des yeux

La suite du voyage ; aventureux (s'il en est)

L'oubli du nom – du monde et du temps

La liberté renaissante – peut-être

Ce qui se presse entre nos lèvres – sous nos pas ; ce qui anime nos gestes

Dieu sorti de l'imaginaire ; (très) spontanément

 

Une mécanique mise à rude épreuve

Liste (non exhaustive) des entretiens, avaries et problèmes rencontrés avec le camion :

- Remplacement des pneus avant (qui s'usent incroyablement vite – environ tous les 2 ans)

- Vidange (3 fois)

- Changement d'un soufflet de cardan (3 fois)

- Remplacement des 2 batteries auxiliaires (alimentées par les panneaux solaires)

- Remplacement d'une poignée-serrure qui permet d'ouvrir et de fermer la soute

- Remplacement de la courroie de distribution

- Remplacement de l'alternateur

- Changement de la pompe à eau (qui amène l'eau au robinet et au pommeau de douche) (2 fois)

- Changement des patins et des disques des 4 roues

- Renforcement du plancher de la cellule qui commençait (assez sérieusement) à se déformer

- Nettoyage des brûleurs du réfrigérateur

- Remplacement des bougies du moteur

- Remplacement des pneus arrière

- Rafistolage et renforcement de la porte de la cellule qui, un jour, s'est disloquée

- Pose de 2 poignées en bois pour remplacer la poignée en plastique de la porte de la cellule

- Réparation du store extérieur (mal installé) – indispensable sous le soleil estival et, parfois, lorsque la pluie tombe sans discontinuer pendant plusieurs jours ; ce qui offre un espace extérieur à l'abri, une manière d'agrandir (un peu) le volume habitable de la roulotte...

- Remplacement des joints des baies vitrées dont l'une commençait à fuir les jours de pluie

- Réparation et renforcement du plancher à l'arrière de la cellule qui commençait à pourrir avec les projections d'eau et de boue

Et on en passe...

 

Journal poétique (extrait)

L'usage et l'usure des choses ; au cœur du périmètre familier

De proche en proche ; à travers l'exactitude des calculs

Condamné à la rigueur (implacable) des chiffres et du déclin ; le monde

Bêtes et hommes ; arbres et pierres ; privés de beauté et de poésie ; privés de rire et de merveilleux

La fin (programmée) de l'éphémère et de l'à-peu-près – du joyeux désordre – des enchevêtrements en pagaille

Enfonçant l'invisible encore plus profondément dans le secret

 

La dépendance au monde humain – le paradoxe de l'ermite

Mille liens existent entre l'homme et le monde ; et chacun, bien sûr, est lié (et relié) aux autres de mille façons. Il serait fastidieux (et presque impossible) de tous les détailler. On n'évoquera donc ici que nos liens les plus tangibles – les plus évidents...

  • L'arrérage mensuel dont on bénéficie(1)

  • Les provisions alimentaires

  • Le gazole, l'entretien et les réparations du camion

  • Les médicaments(2)

  • L'ordinateur et le téléphone portable(3)

(1) une somme modique – (assez largement) inférieure au seuil légal de pauvreté en vigueur dans notre pays – mais qui permet de subvenir à une large part de nos dépenses mensuelles

(2) pour nos problèmes médicaux et ceux de Bhagawan

(3) ainsi que l'abonnement pour la connexion internet

Notre assuétude au monde humain est indéniable et s'avère irréductible à bien des égards. Étant peu bricoleur(1), étant peu disposé à occuper un emploi quelconque(2), étant soucieux (a minima(3)) de notre santé(4), étant peu enclin (jusqu'à présent) à nous alimenter uniquement grâce à la cueillette sauvage et à nous passer de la technologie numérique(5), on se sent, pour l'heure, peu disposé, à renoncer à cette dépendance.

(1) en particulier en matière de mécanique automobile ; ce qui constitue, pour l'ermite nomade à l'esprit autonome, non seulement un coût important mais aussi, sur le plan symbolique, une forme d'aberration – mais vivre sur la route avec un sac à dos nous semble un mode de vie peu adapté (trop radical – trop exigeant – trop inconfortable)...

(2) à l'instar de la grande majorité des êtres humains – et comme l'on y a été contraint pendant de nombreuses années – ce qui nous donnait la très fâcheuse impression que l'on nous dérobait le plus essentiel...

(3) vraiment a minima

(4) et de celle de Bhagawan

(5) qui constitue un outil de travail, de savoir et de partage avec le monde humain

Mais qui, sur cette terre, peut réellement échapper au monde – y compris parmi ceux qui optent pour des formes radicales d'autarcie ? Et est-ce vraiment nécessaire ? Aucune loi – aucune morale – n'interdit quiconque de bénéficier de ce qui existe pour peu que notre usage du monde se limite au nécessaire...

 

Journal poétique (extrait)

Les yeux levés ; sur le seuil – la lumière

Après cette longue nuit parcourue (et, en partie, traversée)

D'une étendue à l'autre ; comme si les rêves et les étoiles se touchaient

D'un bout à l'autre de ce qui nous porte ; le désir

Dans la chair ; le dédale (encore)

Et cette mémoire qui nous éloigne ; et l'autre – plus ancienne – qui nous exhorte au retour

Naissant – marchant – mourant ; d'un même souffle

Et ainsi jusqu'au plus éloigné de l'enfance

 

Et quelles contreparties à ces avantages (et bénéfices) octroyés par la société des hommes ?

  • Nos livres – et les textes que nous publions (de manière gracieuse) sur notre blog – qui retracent nos expériences et nos découvertes existentielles, métaphysiques et spirituelles dans lesquels chacun est à même de piocher (abondamment) pour orienter ses propres recherches*

 * ridicule ou dérisoire – d'aucuns pourraient penser – peut-être... Il ne nous appartient pas d'en juger mais il nous a toujours paru évident d'offrir gratuitement le fruit de notre labeur et de nos expériences de vie... 

  • Notre parcours – personnel et professionnel ; avant d'adopter ce mode de vie, nous avons travaillé, pendant de nombreuses années, dans le secteur médico-social et dans diverses associations caritatives en France et à l'étranger, à différents postes – comme bénévole ou salarié ;

  • Notre attitude (générale) à l'égard du monde et du vivant ; vivre de manière heureuse – vivre de manière sobre, respectueuse et bienveillante (même à l'endroit des humains – contrairement à ce que pourraient, peut-être, laisser penser ces pages) offre, par des mécanismes complexes et souvent invisibles, mille choses favorables au monde et à ceux qui le peuplent – sans être répertoriées ni monétisées (de manière comptable) par le système humain actuel ;

  • Ce mode de vie et ces « facilités » se sont offerts (ou imposés) à nous ; et les refuser nous apparaîtrait comme une aberration – une résistance à la vie – au destin – à ce qui est ;

  • Le monde (humain et non humain) ne constitue qu'un seul corps, et chacun en est un élément indissociable, offrant ce qu'il est – ce dont il dispose autant que ce qui est dans sa nature et en son pouvoir aux autres parties et à l'ensemble. Et nul ne peut échapper à cette appartenance et à cette fonction involontaire et ontologique*.

 * inhérente simplement au fait d'être

Hormis cette dépendance (non négligeable) au monde humain, on est animé par un esprit d'autonomie. Et l'on essaie (en général) de se débrouiller seul et par nos propres moyens (autant qu'il nous est possible) selon nos goûts, nos capacités, nos prédispositions et notre sensibilité.

 

Jean Mabillon

« On perd toujours quelque chose auprès de Dieu lorsqu'on veut trop se justifier auprès des hommes. »

 

Journal poétique (extrait)

Rien ; depuis si longtemps

Plus même surpris par ces restes d'effacement (résidus de soi – sans doute)

Choses et visages ; dans la brume ; indistinctement ; qu'importe ce que désigne le doigt

La porte entrouverte du monde

De l'autre côté du rêve – de la trame – de l'esprit

A grands pas déjà ; vers le vide – le vent – l'autre extrémité de la perspective

 

Respecter sa nature

Il semble essentiel de respecter sa nature ; ce qui nous constitue, ce pour quoi l'on est « naturellement fait » – nos caractéristiques, nos goûts, nos prédispositions, notre sensibilité, nos aspirations profondes. Ainsi une girafe est naturellement constituée pour habiter la savane et manger des feuilles d'acacia ; et un pingouin est naturellement constitué pour habiter la banquise et manger du poisson. Il ne viendrait à personne l'idée de les contraindre à échanger leur nourriture et leur habitat (cela serait idiot, cruel et inopérant). Et ce qui est vrai pour la girafe et le pingouin l'est pour tous les êtres (plantes, arbres, bêtes et hommes).

Ne pas respecter sa nature (et celle des autres êtres) est une violence exercée contre le corps et l'esprit – contre la vie et contre l'espace qui nous habite(1)(2)(3).

Ainsi certains individus aiment la vie à la campagne, ont des prédispositions pour la musique et le chant et sont naturellement enclins à la solitude, il serait absurde (et regrettable) de les obliger à devenir mécanicien automobile et à habiter dans une colocation de 15 personnes située au cœur d'une grande agglomération...

(1) voir la rubrique « la présence en nous » 

(2) La vie nous confronte (assez régulièrement – et, parfois, de manière insistante) à une multitude d'événements âpres, difficiles, douloureux ; il ne s'agit pas, bien sûr, d'y résister – ni de refuser de les vivre ; cette confrontation à des circonstances indésirables participe, souvent, à l'actualisation de certaines dimensions intérieures nécessaires à une réelle transformation...

(3) Respecter sa nature ne signifie pas (bien sûr) qu'il faille demeurer, de manière permanente, dans sa « zone de confort »...

 

Journal poétique (extrait)

A se risquer jusqu'au grand large ; là où les vents saisissent les épaules – écartent les pas – font pousser des ailes aux âmes les plus craintives ; bousculent le sens et la destination du voyage

Nous retrouvant (parfois) à la cime des arbres ; sans réponse ; avec une joie sans explication

Auprès des nôtres ; sûrement

Dans les bras du secret ; et sans la moindre promesse

Au cœur du ciel ; immensément

 

Journal poétique (extrait)

Au commencement du rêve – du monde

L'anarchie des premiers instants ; ce qui précéda le givre et la danse (interminable) des pénitents

 

Être ermite sans que nul ne le sache

Vie des marges et des interstices. Vie invisible et secrète. Nul ne connaît – et ne pourrait deviner – en nous voyant passer sur la route, en nous voyant arriver en un lieu ou en nous voyant stationné en quelque endroit – notre mode de vie, notre manière d'arpenter les hameaux et les villages*, les collines et les forêts.

* à l'écart de toute zone urbaine d'attraction

Seulement un bonhomme dans un camping-car – peut-être un marginal impécunieux, peut-être un touriste, peut-être en vacances, en visite chez de la famille ou chez des amis ou en déplacement récréatif...

 

Haïku

« Qui devinerait

que je fais de ma vie

une longue ivresse ? »

 

Journal poétique (extrait)

Le chemin-mère ; le chemin bleu

Discret ; comme dissimulé sous les feuillages ; sur le sol persécuté

Entre désert et désir ; les signes – le soupir et la possibilité

La bouche toujours sèche ; parfois de trop de silence ; parfois de trop de mots

La voix – comme les pas – qui résonne

A se balancer entre le rire et le monde

 

Journal poétique (extrait)

La main en grâce ; et l'âme qui ne croit plus guère

A genoux ; au-dessus du vide

Sans la moindre renommée ; de plus en plus anonyme ; et invisible

Célébrant la danse – les étoiles – la nuit ; d'une égale manière à la lumière

Sans désir particulier ; pas même celui de changer la moindre chose en ce monde (si parfait)

Simplement présent

Dans le silence ; le cœur à son comble

 

Une vie « risquée »

Vivre sur la route – avec son véhicule-logement – n'est pas sans risque. En effet, en cas d'accident (accident de la circulation, chute d'arbre ou de branches, dégradation malveillante), l'ermite nomade peut brutalement se retrouver sans maison ni mode de déplacement.

Dans les cas les moins graves, le camion sera immobilisé pour une période plus ou moins longue (de quelques heures à quelques jours – et, parfois même, quelques semaines ou quelques mois(1)) – ce qui n'est pas sans conséquence puisqu'il faut trouver (à proximité et dans les plus brefs délais) un hébergement provisoire(2) (un camping, une location saisonnière, un hébergement chez des amis ou des parents).

Et dans les cas les plus graves, la mort peut surgir au détour d'un virage, d'un chemin, d'une clairière...

(1) selon les délais de prise en charge par les professionnels chargés des réparations.

(2) suite à une avarie (une fuite au niveau du toit), on a dû abandonner le camion chez un réparateur (après l'avoir entièrement vidé). Et on a dû louer un logement saisonnier pendant plus de 2 mois (ce qui a occasionné des dépenses non négligeables)...

 

Journal poétique (extrait)

Moins que soi ; et le reste

Tantôt surplus ; tantôt soustrait

Qu'importe le délire et la violence

L'instabilité de l'esprit et de la pierre ; et les instincts dans leur sac

A sa rencontre ; (très) secrètement

 

Journal poétique (extrait)

Là où l'ombre se reflète ; se régénère ; s'étale – s'amplifie – se déploie ; et qui se fracasse contre la plus infime part de solitude

Aussi proche que possible de soi – du ciel – de toute aventure

A voix haute – la parole ; et plus haut encore – le silence

L'ultime précision de l'être ; dans cette marche fluctuante aux faux airs hasardeux

L'âme et le corps ; comme un attelage asymétrique et bancal ; et dont la route paraît si tortueuse – presque aléatoire

En tous lieux du ciel – déjà ; pourtant

Sans le moindre orgueil ; et ici plutôt qu'ailleurs ; ce qui ressemble à nulle part

Entre d'étroits interstices et de larges bandes ; l'impuissance et la solitude ; ce qu'il nous faut (impérativement) découvrir

L'enfance prémonitoire ; dans le pressentiment de la fragilité du monde et de l'éphémère de nos vies si peu certaines

 

L'extinction progressive des peurs

L'homme est affublé de craintes. Faible et chétive créature face à la puissance (parfois hostile) du monde, face à l'immensité de l'univers, face aux mille menaces et aux mille dangers présents sur la terre, comment pourrait-il ne pas avoir peur ?

Lorsque l'on comprend que l'on est « habité » par « un plus grand que soi »*, que tout est « à l'intérieur »*, qu'il nous faut vivre exactement ce dont nous avons besoin pour nous découvrir et être pleinement ce que nous sommes*, alors les peurs s'estompent et disparaissent (en grande partie). Et l'on est heureux de vivre ce que la vie nous offre même si le corps, l'esprit et la sensibilité peuvent en souffrir (ou en pâtir) dans leurs dimensions terrestres et personnelles.

* voir les rubriques « la présence en soi » et « tout est à l'intérieur » qui abordent ces thématiques

 

Journal poétique (extrait)

La nuit allant ; comme les peurs

Et s'avançant aussi vers nous

A travers le nombre – la haine ; cet inévitable basculement dans la barbarie

Avec le même visage ; le Dieu de la douleur et du silence

Oblitérant la joie pour l'essentiel des mortels

 

Affronter ses peurs

Vivre – et voyager(1) – seul confronte nécessairement à des risques, à des menaces, à des dangers. Et l'ermite-nomade ne peut, très souvent, compter que sur ses propres ressources(2) (ressources matérielles, physiques, morales, intellectuelles). Et il y a – reconnaissons-le – une grande joie à n'avoir recours à un autre que soi...

(1) en particulier dans des lieux déserts ou peu fréquentés – dans des lieux isolés ou reculés

(2) en particulier, lorsque l'on est animé par un esprit d'autonomie ; on est, sans doute, moins enclin encore à faire appel aux autres (aux personnes ou aux institutions collectives)...

Confronté inévitablement(1) à des événements douloureux(2), à des instants (ou à des périodes) difficiles(3), à des individualités peu amènes (ou, disons, désagréables), on doit être capable de faire face ; et, en de telles circonstances, il nous faut, parfois, faire appel à « ce qui nous porte et ce que nous portons(4) »...

(1) comme chaque être vivant

(2) blessure, maladie, problématiques physiques diverses, décès d'un proche

(3) période de deuil, accablement, tristesse...

(4) voir la rubrique « La présence en soi »

Lorsque l'on affronte, seul et de manière autonome, les affres de l’existence (terrestre et humaine) et, l'adversité (parfois éprouvante) du monde, on se confronte, de manière assez régulière, à l'idée de la mort. Personne, bien sûr, n'est à l'abri d'un accident, d'une agression ou d'une maladie mais la vie nomade (en particulier lorsqu'elle est abordée – et vécue – avec un esprit d'autonomie*) oblige, peut-être, à davantage de courage (et de vaillance) que la vie sédentaire où l'on est, sans doute, plus enclin, au moindre problème – au moindre souci, à faire appel aux réseaux familial, amical ou institutionnel...

* c'est à dire sans avoir recours automatiquement à une aide extérieure

Et ce à quoi l'ermite-nomade est confronté peut, parfois, engager son existence d'une réelle façon. Il lui arrive donc, à ces occasions, d'envisager la mort – la possibilité de mourir* dans l'instant qui suit – seul et sans assistance – sans personne pour lui tenir la main pour le « grand départ ». Et regarder dans les yeux ce qui s'avance nous renseigne, d'une manière assez précise, sur notre disposition à quitter ce monde...

* chute, piqûre d'insectes (choc anaphylactique, œdème de Quincke), morsure de serpent, accidents divers, agression, malaise etc etc.

 

Pierre Charles Roy

« Glissez, mortels ! N'appuyez pas. »

 

Journal poétique (extrait)

De tous les miroirs et de toutes les filiations ; nos reflets et les yeux regardés

Déjà au-dedans des autres mondes

Sur cette voie qui échappe au temps

De mort en mort (de plus en plus somptueuses)

Devinant ce que nous serons à terme ; et après aussi (bien sûr)

Et sachant cela ; vivant de la plus intuitive des manières

 

Journal poétique (extrait)

La source – les cimes ; sans masque

Au fond de la plaie ; face à la mort

Que le monde nous rebute ou nous enchante

Et la neige ; et les paillettes d'or que l'on jette autour de soi ; et qui recouvrent le sol – l'issue – la moindre possibilité ; ce qui pourrait – pourtant – forcer la fortune ; nous aider à nous hisser jusqu'aux origines

 

En voyant passer les bétaillères

Et ces larmes qui coulent – et cette main qui se lève pour un dernier adieu – lorsque nos yeux croisent sur la route l'une de ces énormes bétaillères chargées de tous nos frères sacrifiés ; et qui ne seront plus dans quelques heures...

La part – en nous – la plus innocente qui se refuse à accepter la mort – et le monde – tels qu'ils sont... Et ces questions aussi qui restent sans réponse (jusqu'à aujourd'hui) ; qui – quels êtres d'hier – sont devenus les campagnols – les chevreuils – les vaches – les chiens – les sangliers – les hommes d'aujourd'hui ? Et qui – quels êtres d'aujourd'hui – deviendront – les chats – les renards – les brebis – les truites – les éperviers de demain ?

 

Notes de la forêt

Gorgé de tendresse pour ceux qui partent ; cahin-caha vers d'autres rives ; inconnues pour la plupart (diraient certains)...

 

Journal poétique (extrait)

La bouche tordue par l'âpreté – la haine – le mensonge

D'une douleur à l'autre ; sans étonnement

Le corps à peine vivant ; l'esprit absorbé ; l'âme se dégradant – s'étiolant peu à peu

Accompagnant (seulement) le nom – le legs – la filiation

Comme couché(s) au cœur de la plaie ; sous le règne du mythe et du manque ; au fond du gouffre surpeuplé

 

Journal poétique (extrait)

Au pays de la roche ; l'ardeur – la fatigue et la mort

Et des larmes (un ruissellement de larmes) dans la lie ; jusqu'à la noyade ; asphyxiés par la tristesse au fond des fondrières remplies par nos pleurs

 

Journal poétique (extrait)

Entrecroisés ; l’abîme et la chair

La matière-étendue

Oubliés à force d'histoires

Et des ponts à redécouvrir ; et à restaurer ; pour que le cri rencontre la soif ; et que la soif rencontre la source

Sur l'arche habitable ; sous la voûte recourbée

Avec patience ; jusqu'à la transformation de tous les hurlements

 

Une communauté fraternelle bien réelle

Chacun est porteur d'une personnalité composée d'une multitude de facettes – des parts intérieures en quelque sorte. Ainsi peut-on trouver, chez les uns et chez les autres, une part naïve, une part timide, une part combative, une part querelleuse, une part câline, une part aventureuse etc etc.

Chez l'homme, en général, ces différentes parts (ou aspects de la personnalité) ne communiquent pas (ou peu) entre elles ; elles s'ignorent et s'affrontent pour prendre la main sur les autres parts et gouverner l'individu – ce que l'on peut appeler sa personnalité. Ainsi les traits extérieurs apparents d'un individu ne sont, le plus souvent, que le reflet de son intériorité – c'est à dire de « la prise de pouvoir » de certaines parts qui ont écrasé, muselé ou rendu inactives leurs rivales ; toutes les parts qui aspiraient, elles aussi, à la gouvernance...

Les expériences de vie* et l'introspection permettent de se familiariser avec la grande majorité de ces parts. Autrement dit, on apprend, peu à peu, à se connaître. Au fil des années, peut alors émerger une part vouée à la médiation et à la communication qui permet à toutes les autres parts d'entrer en relation ; elles apprennent (progressivement) à dialoguer, à s'écouter, à prendre en considération les points de vue et les besoins des unes et des autres et à se respecter. Ainsi se façonnent une entente et une cohérence qui rassemblent et alignent, en quelque sorte, tous les aspects de la personnalité. Les querelles internes cessent (pour l'essentiel) et les parts s'organisent afin que toutes puissent s'exprimer, s'affirmer et exister (parfois simultanément – parfois successivement) afin qu'aucune ne se sente lésée.

* notamment lors de circonstances particulièrement heureuses ou malheureuses

Toutes ces parts représentent ce que l'on pourrait appeler une communauté intérieure – un cercle fraternel. Et lorsque la perspective s'affine et s'approfondit et/ou lorsque la part spirituelle devient prépondérante(1), on sent, avec évidence, qu'il existe des parts mûres, mâtures et avancées sur le plan spirituel – des parts réellement sages (à l'esprit sensible et aiguisé – si l'on peut dire) et d'autres encore très enfantines et immatures, des parts très naïves ou très rigides et même des parts qui ne pourront, sans doute, jamais se transformer (réellement). Et ainsi évolue, peu à peu, la communauté intérieure, les unes aidant, soutenant et encourageant les autres. Et lorsque survient (tôt ou tard) un événement difficile (ou douloureux), une circonstance particulièrement triste ou malheureuse, on peut ressentir(2), de manière réelle et organique, que toutes les parts se rassemblent, forment un cercle, comme si elles entrelaçaient leurs bras, autour des parts les plus affectées, les plus bouleversées, les enveloppant de leur présence, de leur tendresse, de leur amour, les consolant inlassablement, avec des gestes attentionnés et/ou des paroles réconfortantes, et demeurant à leurs côtés de manière indéfectible jusqu'à ce que le désespoir ou le chagrin se dissipe...

(1) endossant, en quelque sorte, le rôle d'un père abbé bienveillant dans un monastère

(2) et le solitaire, peut-être, mieux que quiconque puisqu'il ne peut compter sur la mansuétude de ses congénères

 

Journal poétique (extrait)

Partagé(s) ; à l'intérieur

Parfois arche ; parfois fenêtre ; mais grotte, le plus souvent, où l'on aime à se réfugier ; et au fond de laquelle sont nés tous les alphabets – toutes les légendes – toutes les insomnies

Plus proche(s) de la pierre que de la lumière ; comme le prolongement intermittent (et dispersé) de l'origine

Éternellement inscrit(s) au cœur de cette enfance naïve et illettrée

 

Journal poétique (extrait)

L’œuvre trop vivante du miroir

S'insinuant partout ; jusque dans les profondeurs les plus lointaines – les plus invraisemblables – les plus insoupçonnées

Et nous ; comme des îles ; comme des bouées surnageant au milieu des remous et des reflets

Au cœur des courants et du chatoiement ; comme pris au piège

Les yeux fatigués ; l'âme découragée ; le cœur (un peu) perdu ; comme enivré – déboussolé par cette hostilité ; et l'abondance des attractions et des scintillements

Si loin du bleu – des forêts ; et des couleurs franches du mystère

 

Une vie de solitude simple et singulière

De thébaïde en thébaïde (autant que possible)...

 

Han-Shan

« Je me laisse vivre dans les bois. Solitaire, je suis mon seul maître .»

 

Journal poétique (extrait)

Nourri de chant et du sauvage

A coups d'invisible

Au centre du cercle cerné d'or

Et le sommeil – en ce monde – qui navigue librement

Le ciel parfois couvert – parfois étoilé ; au-dessus de tous les fronts

Et cette écume nimbée de parole

Loin de l’œil ; loin de toute poésie ; alors que nous exultons au fond des bois – au seuil de tous les deuils ; avec la mort ; tout autour – et au-dedans

 

10h – 10h30 nouveau bivouac

Une large clairière au cœur de la forêt.

 

Exigences et orientation

Les lieux où l'on s'installe (pour la journée ou pour la nuit) ne doivent être ni trop bruyants, ni trop passagers, ni trop pentus. Autrement dit, ils doivent être silencieux, déserts et plats*...

* aussi silencieux, déserts et plats que possible

En hiver, on s'arrange pour placer le pare-brise du camion face au soleil pour réchauffer l'habitacle* et offrir aux panneaux solaires une exposition lumineuse suffisante...

* non chauffé durant la journée

Et en été, on essaie (autant que possible) de trouver une place à l'ombre – sous les frondaisons protectrices des grands arbres ou abrité derrière un mur ou un bâtiment*.

* durant les heures les plus chaudes de la journée

 

Haïku

« Un endroit magnifiquement simple

idéalement tranquille

d'où contempler le monde »

 

Notes de la forêt

Le regard par-dessus les cimes ; par-dessus les horizons trop humains. Parmi les nids et les terriers ; notre roulotte ; et nos pieds nus sur les épines de pins. Et notre cœur chantant ses louanges ; sa parole simple qui s'élève et porte (sans doute) au plus sacré...

 

Journal poétique (extrait)

Au bout de ce monde ; dans un retrait – une discrétion

Comme un éloignement du trop humain

Une hauteur – une suspension

Porté par les désirs du vent ; sa volonté ; obéissant

Comme un ressort dans la poussière

Le prolongement de l'alliance ; le trait d'union ; le prélude de l'effacement

 

Un lieu suffisamment plat et des cales

Lorsque le sol est incliné, on glisse des cales(1) sous les roues avant ou arrière(2) pour mettre le camion (à peu près) à niveau. Mais le dénivelé est, parfois, si important que l'on penche malgré tout d'une manière inconfortable : toutes nos tentatives de stationnement en de tels lieux, en particulier pour le bivouac, se sont avérées insatisfaisantes ; le sommeil est perturbé par d'incessantes glissades...

(1) et sous lesquelles on glisse des planches (épaisses de plusieurs centimètres) lorsque le terrain est très pentu...

(2) et, parfois, sous les roues avant et arrière droite, sous les roues avant et arrière gauche ou sous une seule roue – selon le relief du terrain

 

Journal poétique (extrait)

Aveuglément ; sans s'interroger

Nous consolant de l'infime et du dérisoire

Aplanissant les (minuscules) aspérités ; et remplissant les trous et les failles ; alentour – à notre portée

Insecte(s) en quelque sorte – rivalisant de ruses et de déguisements pour s'approprier une parcelle – se construire un abri ; les pieds et l'âme encore plongés dans la terre et l'insignifiance

 

Approvisionnement alimentaire

Tous les 15 à 20 jours(1), il nous faut reconstituer notre provende(2). On se voit donc contraint de reporter l'heure du bivouac en fin de matinée.

Le réapprovisionnement s'effectue dans une supérette de village ou un supermarché en ville. Et l'on s'irrite d'être obligé d'arpenter, de manière trop fréquente, ces affreuses zones commerciales qui entourent la plupart des agglomérations de taille moyenne. On se livre à cette tâche avec peu d’enthousiasme – et disons-le franchement – on ne s'y résout qu'à contre-cœur – passablement affligé (ou agacé – selon l'humeur) de devoir déambuler au milieu de nos congénères pressés ou nonchalants – assez insupportables à nos yeux (d'une manière ou d'une autre)...

(1) sauf pour les légumes frais (en été)

(2) Un réfrigérateur assez volumineux (doté d'un petit congélateur) nous permet de stocker les produits frais et/ou périssables

 

Journal poétique (extrait)

En ce pays de chair

L'âme sans audace ; façonnée par la (longue) liste des ambitions communes

Et la peur du scandale ; et la crainte de l'exil

Ce qui affleure ; (très) timidement ; (presque) sans poids face à ce qui enfonce

De la terre et du rêve ; et mille autres charges – sur les ailes (encore) repliées

Gisant ; parmi tous les yeux fermés – sous ce ciel (apparemment) impassible

 

Ni interlocuteur, ni bavardage

Il nous arrive de ne parler à personne* pendant plusieurs semaines (et, parfois même, pendant plusieurs mois). A peine un « bonjour » à la caissière lors de nos ravitaillements alimentaires bimensuels...

* pas même au téléphone...

 

Guillaume de Saint-Thierry

« Les ermites ne sont pas des isolés, mais une communauté de solitaires. »

 

Ermite

Ni compagne(1), ni famille, ni enfant, ni maison, ni emploi(2), ni collègue, ni ami.e, ni communauté. Aucune relation humaine intime. Ermite quoi !

Au ban du monde – seul(3) – avec les pierres, les arbres et les bêtes...

(1) ni compagnon

(2) au sens conventionnel du terme

(3) Et depuis la mort de G. – survenue il y a quelques années, pas même un.e alter ego à l'instar de Han Shan, poète ermite chinois du 8ème siècle qui vivait dans la montagne (dans le massif du Tiantai) et qui, de temps à autre, rencontrait Shi De et Feng Kan, deux amis et condisciples – ermites eux-aussi, pour deviser joyeusement...

 

Tchouang Tseu

« Qui sait se contenter de peu ne s’embarrasse pas de profit ; qui ne se préoccupe que de se trouver lui-même ne s'afflige d'aucune perte ; qui cherche sa perfection intérieure ne s'afflige pas d'être sans situation sociale. »

 

Notes de la forêt

La joie (merveilleuse – et toute simple) d'être là ; parmi les siens...

 

Journal poétique (extrait)

En silence ; recueilli ; les mains encielées (et sortant des ténèbres – pourtant)

L'âme à terre ; lumineuse malgré les cendres – malgré la grisaille du monde

Comme couronné ; sans le moindre quidam alentour ; ni la moindre trace à suivre

 

Journal poétique (extrait)

En harde solitaire ; nous éloignant pour des rendez-vous amoureux

Jour et nuit ; sur la rocaille ; le long des rivières ; au milieu des arbres ; derrière les broussailles

Comme une échappée vers l'enfance au visage tendre ; là où l'esprit se laisse porter par les forces qui le traversent

L'âme étreinte par l'innocence et la sauvagerie

 

Le monde dessiné

Au loin, les montagnes – comme une ligne d'horizon découpée à la serpe ; une longue ligne noire dentelée qui partage le ciel et la terre ; qui sépare le vert des arbres et le gris des nuages...

 

Au-dessus de nos têtes

Des buses tournent au-dessus des collines ; de longs et majestueux vols planés dans la lumière du jour. On les observe longtemps jusqu'à ce qu'elles disparaissent derrière la crête.

 

Séjour prolongé

Quelques fois, les lieux sont si paisibles, si déserts, si accueillants que l'on prolonge « notre séjour » d'une journée. Ce qui nous offre l'occasion de continuer à explorer les alentours pendant notre balade*

* en particulier, lorsque le hameau, la colline ou le massif forestier sont traversés par plusieurs sentiers pédestres.

Quelle joie de pouvoir ainsi adapter, au jour le jour, son existence – son périple – son emploi du temps ; de pouvoir aller et venir ici et là ; de pouvoir demeurer à un endroit ; de pouvoir prolonger sa halte (ou son bivouac) de quelques heures supplémentaires...

 

Kamo No Chômei

« Où faudrait-il s'installer, que faudrait-il faire, pour être un peu tranquille, et pour goûter, ne serait-ce qu'un instant, le contentement du cœur ? »

 

Laver son linge

Laver son linge(1) – lorsqu'il faut se rendre dans une laverie automatique(2) – ressemble fort à une corvée. On doit aller en ville(3), se garer sur un parking sans charme situé dans une zone périurbaine laide, populeuse et bruyante, disposer ses vêtements dans une machine à laver à la propreté parfois douteuse, puis (si le temps est froid, humide ou pluvieux) les placer dans le sèche-linge qui jouxte les machines à laver ; et attendre près de 2 heures dans un lieu peu avenant...

(1) environ tous les 2 mois – ce qui est très peu fréquent mais nous vivons presque nu – l'essentiel de l'année et en hiver, nous portons (sans vergogne) les mêmes vêtements pendant une semaine

(2) Ces dernières années, la plupart des grandes surfaces commerciales se sont dotées de laveries automatiques – placées, en général, sur le parking – entre les voitures stationnées et les caddies...

(3) On profite, en général, du réapprovisionnement alimentaire pour laver notre linge

 

Journal poétique (extrait)

Dans la tension du nombre

Trop solitaire(s) ; trop peu solidaire(s) – pour tendre les bras

A distance ; de plus en plus loin à mesure que le rêve se déploie

Des voix incomprises ; et (très largement) inentendues

Dans la cacophonie de la multitude ; chacun dans son coin

A l'ombre des Autres ; et le soleil trop bas (de biais) pour offrir sa chaleur et sa lumière

Comme enclos dans le périmètre (étroit) de l'obscurité et de la peur

 

Laver son linge (suite)

En revanche, lors de la période estivale, lorsque l'on se trouve près d'un cours d'eau* ou à proximité d'un robinet – et que l'endroit est désert et peu fréquenté, laver son linge devient une activité belle et poétique. On retrouve les gestes d'antan, on sort une cuvette, un bout de savon, on plonge les mains dans l'eau fraîche, on frotte, on retourne le linge, on ajoute un peu d'huile de coude – des gestes lents et répétés exécutés avec conscience, on ressort le linge, on le presse, on le tort et on recommence.

* on remplit sa bassine et on s'éloigne à une distance suffisante pour éviter toute pollution

Puis, vient le moment (si gratifiant) du séchage où l'on dispose ses vêtements sur une corde tendue entre l'avant et l'arrière de la roulotte et sur le vieux porte-vélo que l'on déplie pour l'occasion (et qui n'a, d'ailleurs, d'autre usage*) ; et l'on est saisi par la beauté de cette activité réalisée avec si peu de moyens ; un peu d'eau, du savon et du vent ! Merveilleuse quotidienneté...

* hormis celui de servir, parfois, de support pour accrocher le sac d'ordures – lorsqu'on ne trouve aucune poubelle dans les environs

On y passe, parfois, une bonne partie de la matinée, mais on a le sentiment d'avoir consacré quelques heures à une activité incontournable d'une belle (et très satisfaisante) manière...

 

Journal poétique (extrait)

Dévoilant l'invisible ; à travers le geste

La figure sensible

Malgré soi ; à la manière du soleil

Ici – à présent – le lieu de toute démonstration ; ni avant – ni après – ni préparation

L'âme qui frissonne face à la liberté ainsi exposée ; son potentiel – toutes ses possibilités

Le pas indéfini ; comme le trait – comme le voyage – comme le reste ; avec tous les méandres au-dedans

Au cours de cette sorte d'exil qui traverse le temps

 

L'adresse et le courrier du nomade

Comment obtenir une adresse et recevoir son courrier lorsque l'on ne possède ni maison ni boîte aux lettres ? Aujourd'hui, plusieurs possibilités s'offrent au nomade (domiciliation chez un parent, chez des amis ou auprès de différents organismes – courrier du voyageur etc etc). Pour notre part, nous avons opté pour une domiciliation dans une mairie – au sein d'une commune dans laquelle nous passons (au moins) deux fois par an et pour une dématérialisation de tous nos échanges administratifs (via les diverses applications du téléphone portable)...

Voilà ! Rien de très compliqué ! Ne nous attardons pas davantage ! Continuons le voyage vers des contrées moins bureaucratiques !

 

Journal poétique (extrait)

Du plus haut ; l'étreinte

Ce qui – dans le cœur – est atteint

A se découvrir ; et à disparaître

Avec ce qui reste ; le visage à l'horizontale

 

Visites et découvertes hors saison

En hiver, l'ermite itinérant peut se risquer à fréquenter des lieux (un peu plus) urbains – des villages (un peu plus) denses – et des sites (un peu plus) touristiques – sans grand risque de croiser la foule. Ses congénères sont, en général, peu enclins à sortir de chez eux ou préfèrent s'adonner à des activités qui se pratiquent à l'intérieur*. Ainsi peut-il profiter de la période hivernale pour visiter quelques sites archéologiques, des abbayes et des monastères, des grottes, des cascades, des points de vue panoramiques, des lacs et des étangs – tous les lieux qu'il prend soin d'éviter le reste de l'année.

* sauf les chasseurs qui fréquentent assidûment les forêts et les bois

 

Journal poétique (extrait)

La lumière affalée

Par le chemin le plus obscur ; souterrain ; aux lisières du visible

Les yeux creusés par le souvenir

La mémoire en galerie

Une manière (sans doute) de se tenir dans l'écume

Un voyage sans trace (durable)

A travers le silence millénaire

 

10h30 Une tasse de thé fumante posée sur le dessous de verre en bois. Le carnet d'écriture ouvert. L'ordinateur allumé devant les yeux.

La séance d'écriture (corrective) est ouverte !

 

Le labeur matinal

Ce travail de relecture (et de correction) s'avère (assez souvent) fastidieux(1) ; on l'effectue, néanmoins, sans déplaisir. Il s'agit de lire et de relire les textes non encore publiés sur le blog(2). Chaque opuscule mensuel est, en effet, lu de plusieurs manières ; une lecture où l'on s'attarde sur le rythme et la musicalité, une lecture où l'on s’intéresse davantage au sens des mots, à leur combinaison et à leur assemblage, une lecture qui se focalise sur les corrections orthographiques et grammaticales, une lecture d'ordre général (qui essaie de prendre en considération l'ensemble de ces aspects), une lecture à haute voix enregistrée (que l'on prend soin, bien sûr, d'écouter avec une oreille « aussi neuve » que possible) etc etc.

(1) Cette phase du travail d'écriture n'a pas notre préférence – loin s'en faut – mais un texte doit être corrigé (a minima) ; cet aspect un peu rébarbatif semble donc inévitable...

(2) Chaque année, nous élaborons également une maquette pour une publication en version papier des textes de l'année que l'on repartit, en général, en 2 volumes (environ 1000 pages par an) et qui constituent ce que l'on pourrait appeler notre journal poétique...

 

Journal poétique (extrait)

Au pays de la parole sans lieu ; reliée, à son insu, à la source

Le poème – bribes de vent – abandonné à la transparence et au temps ; allant du bleu au monde et, quelques fois (plus rarement) du monde au bleu

 

Journal poétique (extrait)

Comme l'arbre ; sur la pente naturelle des choses

Aussi enchevêtré à l'infime qu'à l'infini

Dans cette relation (assez) asymétrique à l'immensité

Dénué (pourtant) de crainte et d'intention ; se laissant parfaitement guider

Étincelant ; en étrange miroir de ce qui ne peut se refléter ; de ce que le monde (en général) ne voit pas

Comme l'aube que nous attendons (tous) derrière la vitre ; porté(s) par cette espérance (assez) désespérée de l'inexplicable [auquel ne peut rendre grâce ni l'abondance de mots – ni la parole poétique (à laquelle l'homme est si peu sensible)]

 

On ne désire pas ; on ne souhaite rien

On n'aspire à rien de particulier. On n'a ni projet, ni orientation existentielle. Cette absence d'attente ne signifie pas que nous sommes dénué de préférences ; on continue (comme tout un chacun) à préférer certaines choses, certains états, certaines situations et certaines activités mais l'on appréhende l'existence sans a priori, prêt à vivre ce qu'offrent les circonstances. L'expérience nous a appris que les rêves et les fantasmes ne correspondent pas à la réalité et que l'existence est une alternance d'événements heureux et tristes et de situations plaisantes et déplaisantes (pour l'esprit humain)...

Lorsque l'on ne souhaite rien, l'existence se simplifie – la vie devient facile...

 

Journal poétique (extrait)

Plongée dans le naturel ; en soi – alentour ; le même environnement

(En partie) affranchi de l'homme et des artifices humains ; par-dessus le néant et la séparation – en quelque sorte ; avec des résidus (assez substantiels) de l'esprit étroit qui se favorise

Continuant à être ; à distiller le bleu qui, parfois, abonde ; et, d'autres fois, ce qu'il reste (de manière assez absurde)

L’œil en son royaume ; sans la moindre attente ; sans la moindre priorité

 

Journal poétique (extrait)

Dénué de rêves

Le ciel juste au-dessus des yeux

Sous le ruissellement sacré du jour – l'aube ; l'éclaircissement sans explication

Tout ; comme une évidence ; à travers la clarté

Des vagues de vent vers le large

L'esprit libre ; la matière célébrée

En passe de servir le monde comme l'air et l'eau – la terre et le feu

Une infime parcelle de l'espace ; dans l'étrange intimité de l'infini

 

Journal poétique (extrait)

Ici ; à travers l'exigence de la lumière

La source ; en suivant l'ombre à la trace

Sans renoncement – sans (le moindre) déchirement

Dans le sillage du vent qui tourbillonne

La nuit et les tempêtes incluses dans ce bleu qui s'avance (quasiment) démasqué

L'âme sans désir ; acquiesçante

Des mondes ; et l'entière étendue ; au pied du souffle ; comme si c'était là notre seule volonté

 

Prêt à vivre ce qui se présente

On n'entreprend plus les choses (la moindre chose) pour accéder à un état ou à une situation ou pour obtenir une récompense (ou une quelconque gratification*) mais parce que certains gestes et certaines activités doivent être réalisés, parce qu'un élan irrépressible nous anime et/ou pour la joie de les accomplir.

* On n'entreprend plus les choses pour obtenir quoi que ce soit...

Cette perspective se réalise (bien sûr) de manière progressive ; à mesure que l'on épuise ses désirs et ses rêves – jusqu'à être vide de volonté et de projet (personnels). Après un certain nombre d'expériences, on comprend que tous les états, toutes les activités, toutes les situations se valent (une chose n'est pas plus désirable qu'une autre*). Tout (presque tout) peut alors être vécu avec une certaine équanimité. On est prêt à vivre ce qui se présente...

* faire la vaisselle ou écrire de la poésie, vivre seul ou en couple, avoir des enfants ou ne pas en avoir, être riche ou pauvre, être malade ou bien portant, tout cela se vaut d'une parfaite manière – même si l'esprit, bien sûr, conserve ses préférences...

 

André Breton

« J'ai cessé de me désirer ailleurs. »

 

Journal poétique (extrait)

A attendre ; les mains ouvertes

Sans rien désirer ; sans rien saisir ; sans rien écarter

Si proche(s) de l'Absolu et de la mort ; de nous-même(s) ; de tous nos semblables

Le legs déchiré ; avec tout un chemin à réinventer ; et la tête – et la chair – à apprivoiser – à aimer – à célébrer – avec toutes leurs salissures et toutes leurs corruptions

Dans l'impossibilité de vivre autrement ; autre chose ; condamné(s) à obéir aux circonstances ; à la confluence des nécessités ; à expérimenter ce qui nous échoit sans jamais rien décider

 

Journal poétique (extrait)

Sur la pierre saillante ; l'âme silencieuse

Au-delà (bien au-delà) du ciel grillagé gardé par des yeux fous ; des esprits délirants

Au-delà des prières (hâtives) et de l'affairement (dévastateur) des foules

Au-delà des images et des mots ; de ce blanc cotonneux (vaguement) auréolé de lumière

L'esprit au cœur de l'étrangeté pour tout rendre (plus) familier

Ici-bas ; exactement

 

Journal poétique (extrait)

Le visage diurne ; (plutôt) emblématique

Familier du plus haut soleil

Le regard (franchement) lumineux

Capable d'embrasser l'ombre et les images ; et de vivre au milieu des arbres silencieux

Existant sans nom – sans ami – sans personne

Sans volonté – ni intention

Sans rien ressasser ; pas même l'indicible

Debout ; l'enfance amarrée à la nuit

Pris dans les fils d'un ciel à la manœuvre ; ne décidant de rien ; pas même du rythme – ni du sens de la roue

La vie ; comme un langage – un possible – une île – un chemin ; remontant le cours du temps jusqu'à l'origine du monde ; jusqu'à la source des existences

 

Journal poétique (extrait)

Rouillée la hache ; dans l'herbe mouillée

Rouge et rosée

Comme la parole et le visage ; parfois ruisselants – parfois abandonnés

Le prolongement (consenti) de l'origine

Jusqu'à la courbure – parfois dramatique – de la lumière

Nul gain – nulle perte ; ni vainqueur – ni vaincu – (pourtant) en ce monde

Le franchissement du miracle ; la seule possibilité

 

De moins en moins de croyances (et d'idées sur les choses, la vie, le monde, la mort)

La tête apprend, peu à peu, à se désencombrer. On cesse de penser et d'imaginer, on fait face à ce qui est – à ce qui advient.

 

Journal poétique (extrait)

En secret ; la vie – la perte

Ce que l'on désire ; ce qui nous attriste ; et ce que l'on pleure

Le sang sous la neige

Et cette douleur (terrible) de ne rien savoir ; et celle (tout aussi terrible) de s'imaginer savoir

Toujours à côté ; toujours séparé ; jamais juste ; toujours en peine

En vie sans (réellement) être vivant ; et ainsi tant que durera l'ivresse – la cécité – le refus de s'engager ; le cœur (parfaitement) piégé dans la nasse cherchant, dans son délire, une rive trop lointaine alors que tout est là – déjà ; à notre portée

 

12h15 – 12h30 préparation du repas (et gamelle de Bhagawan)

On range les feuilles dans la bibliothèque et l'ordinateur dans sa housse de protection, on débarrasse la table des quelques objets qui traînent. On saisit un plateau, on ouvre le réfrigérateur, on sort les ingrédients nécessaires à la préparation du repas. On coupe, on lave, on verse, on assaisonne puis on passe à table.

 

Variabilité quotidienne

Gestes quotidiens tantôt vifs – tantôt tendres – et parfois mécaniques (hélas!)...

 

Journal poétique (extrait)

Là où le ciel recueille ; et rassemble

Sans commentaire sur la danse et les reflets

Ni mot – ni image

Le cœur noir – pourtant ; nous enfouissant

Dans un enchevêtrement de gestes et de fatigue ; le poids de l'obscur – comme un écrasement

 

Se laisser traverser par (toutes) les énergies

Il convient (autant que possible) de respecter les énergies qui nous traversent* – tantôt vives et rapides, tantôt lentes et calmes, tantôt superficielles, tantôt profondes, elles animent le corps et l'esprit de différentes manières. Être à l'écoute de ces énergies – reconnaître leur nature – leur texture – suivre leurs mouvements – leur être obéissant – faire corps avec elles – est la meilleure façon de ne pas créer d'obstacles et de résistances qui engendreraient un décalage, un déséquilibre, une disharmonie entre, d'un côté, le corps et l'esprit et, de l'autre, ce qui les traverse. Il y a, en effet, des moments où l'esprit et/ou le corps s'anime(nt) naturellement avec vigueur et intensité, d'autres moments où ils deviennent lents, indolents, presque paresseux, et d'autres moments encore où ils sont parcourus par de puissants courants qui semblent émerger des profondeurs.

* celles de notre environnement et/ou celles que les circonstances font naître en nous

Ainsi, chaque jour, les tâches quotidiennes ne sont pas réalisées (intérieurement et extérieurement) de manière identique. Certains jours, on prépare le repas ou l'on fait la vaisselle avec entrain, d'autres fois, les gestes, au contraire, se font extrêmement lents (comme si les mains et les couverts se caressaient mutuellement avec suavité – presque avec sensualité) et le moindre contact devient intime, profond et savoureux ; d'autres fois, lorsque l'énergie se fait superficielle et/ou que la tête est préoccupée (emplie d'images, de pensées, d'émotions ou de sentiments), les gestes deviennent mécaniques. On est là sans être là, on fait les choses de façon machinale – sans conscience ni sensibilité...

On pourrait être enclin à hiérarchiser ces différents types d'énergie et ces différentes manières de réaliser les actes de la vie quotidienne, mais, avec un peu d'expérience*, on comprend qu'il n'existe aucune hiérarchie. Une manière de faire n'est pas meilleure qu'une autre... On obéit seulement à l'énergie qui est là – et qui nous traverse ; et on la goûte pleinement (qu'elle soit profonde ou superficielle, qu'elle soit lente ou rapide etc). Lorsqu'elle se fait vive et brusque, les gestes se font vifs et brusques ; lorsqu'elle se fait douce et langoureuse, les gestes se font doux et langoureux...

* avec un peu d'expérience et de maturité

Il n'y a aucune résistance. Il n'y a aucun effort à fournir ; seulement se laisser porter par les énergies en présence...

 

Journal poétique (extrait)

La vie (secrètement) enfoncée dans l'âme ; et (presque toujours) la méconnaissance de l'inverse

Si près du jour ; si près de la mort

A hauteur de tête ; à longueur de nuit

La somnolence ; et le grand sommeil

Ce qui remplace, peu à peu, le visage de l'homme

La route (cette longue route) qui zigzague sur l'horizon

Et ce gris qui alourdit la chair ; et qui attriste le cœur

A s'interroger (encore) ; sans (jamais) se laisser porter

 

Au déjeuner

Un bol de salade, 4 biscottes, un morceau de fromage, un yaourt au soja (avec un peu de confiture), 2 biscuits et 2 carrés de chocolat noir.

 

Journal poétique (extrait)

A la table de la bonne fortune ; discrète – invisible – anonyme

Sur l'âme brûlante de déraison ; la démesure qui a remplacé le chagrin

Comme allongé sur soi

Dieu dans le chant ; à travers notre voix

Et le bleu ; à travers le festin d'aujourd'hui et toutes les famines d'autrefois

Le pays d'où nous venons ; le pays où nous vivons ; le pays où nous allons ; comme un hymne (un hymne éternel) à l'immobilité

 

12h45 – 13h séance d'écriture

Un feutre. Quelques feuilles blanches. Un livre de poésie qui traîne sur la table. Le regard comme posé (à la fois) au-dedans et sur le paysage – sur cette parcelle du monde offerte (et changeante). Instant de vide nécessaire pour faire jaillir ce qui sourd à l'intérieur – au cœur de cet espace qui nous habite. Instant de rencontre et de dialogue avec l'invisible – l'insondable – le silence – le merveilleux...

L'âme à l'écoute qui laisse surgir les mots – la longue suite de mots – comme une musique – l'eau d'une rivière ; et la main – dans son rôle de scribe – parfaitement obéissante...

Et sur la page de petites figures noires (ou bleues) apparaissent – se dessinent ; au-delà du sens – mille combinaisons – le tableau de l'instant qui émerge de cette rencontre quotidienne entre l'attention ouverte et les profondeurs.

L'insoupçonné qui se révèle – un peu de lumière qui se dépose sur le minuscule carré blanc. Et nous assistons, émerveillé(1), à cet enfantement – devenant (tour à tour(2)) le témoin, l'accoucheur et le théâtre de cette mise au monde journalière(3)...

(1) émerveillé et concentré

(2) et, parfois, simultanément

(3) biquotidienne en réalité – en début d'après-midi et en fin de soirée

 

Notes de la forêt

Parallèles à la lumière – le trait – la ligne – la trace ; ce besoin de solitude et de partage.

 

Journal poétique (extrait)

L'ardeur intacte ; au-delà de toute intention ; de toute conviction

D'encre et de ciel ; cette parole qui serpente entre l'incertitude et l'inconnu

Dieu ; sur ces rivages – déguisé en un peu de lumière ; en un peu de poésie ; et que ces siècles méprisent ; comme si les cœurs – comme si les mains – comme si les bouches – avaient effacé jusqu'à la possibilité de la tendresse – de la mansuétude – du détachement

 

Journal poétique (extrait)

Toutes les couleurs ; à travers le bruissement du langage

De l'érection à l'effondrement

Par lambeaux ; par pans entiers de ciel

Ainsi (sans doute) jouit-on de la solitude ; ainsi (sans doute) s'expérimente toute poésie

 

La présence en soi ; l'espace vivant que l'on porte (à l'intérieur)

Ce que l'on porte – en son for intérieur – se découvre(1) lorsque l'on s'est (en partie) défait des éléments qui composent notre individualité(2). Lorsque l'essentiel des rêves et des désirs ont été réalisés et que les circonstances ont suffisamment éprouvé, ébranlé et malmené nos croyances, nos valeurs et nos certitudes, des pans entiers de notre identité(3) finissent alors par se détacher, par s'écrouler et disparaître. Et l'espace ainsi « libéré » devient suffisant pour qu'une présence vivante (qui nous habite, sans doute, depuis toujours) puisse être ressentie.

(1) peu à peu ou d'une manière soudaine

(2) un amas hétéroclite de penchants, d'habitudes, de valeurs, de croyances, d'idées, de certitudes, d'a priori, de rêves, de désirs, de fantasmes, de sentiments etc etc

(3) l'identité de « surface » que nous avons, peu à peu, construite...

Qu'importe la manière dont on appelle cette présence – Dieu – la Vie – l'Amour – le Soi – la Conscience – elle devient, peu à peu, une « évidence » – une réalité – ressentie de manière sensible et organique – qui accompagne l'individualité (ce que l'on croit être). A mesure que l'on se familiarise avec ce qui nous habite, on comprend (peu ou prou) que nous sommes, sans doute, à la fois cette présence impersonnelle (non personnelle) et cette personnalité (très provisoire) ; l'une et l'autre, parfois l'une davantage que l'autre, parfois (presque exclusivement) l'une ou l'autre, mais toujours les deux ensemble – à la fois le Père et le fils diraient, peut-être, les chrétiens...

Présence parfois imperceptible* (parce que l'individualité occupe l'ensemble de l'espace intérieur), parfois présence discrète* (lorsqu'il arrive que l'on ressente « quelque chose », en soi, « quelque chose » de vague et d'indéfini – à certains moments ou à certaines occasions particulières), parfois présence intermittente*, parfois présence permanente* (ou quasi permanente)...

* ou, du moins, ressentie comme telle par l'esprit humain

Lorsque cette présence devient une évidence intime et quotidienne, elle se montre, tour à tour, selon les besoins ressentis par la personnalité, compagne (ou compagnon) – partenaire indéfectible – ami(e) ou confidente – père et mère – frère ou sœur – prenant le visage dont l'individualité a besoin.

Elle peut se faire guide, conseiller de vie et maître spirituel, se montrer tendre et sensuelle (et offrir un festival de caresses reçues et perçues de l'intérieur – corps tremblant et frémissant). Elle peut se faire amicale, fraternelle et devenir celui ou celle qui nous est, momentanément, indispensable – au gré des circonstances – au gré de ce que nous traversons – au gré de ce qui apparaît nécessaire...

 

Paul Valéry

« Tout accomplissement est suppressif. »

 

Journal poétique (extrait)

Derrière la vitre ; la même buée

Comme si un visage – des lèvres – un souffle – existaient de l'autre côté du monde ; Dieu peut-être – Dieu sans doute ; préoccupé (apparemment) par notre figure et nos (fugaces) interrogations

 

Journal poétique (extrait)

A distance ; le temps – l'effondrement

Cette béance de sable ; qui s'écoule – qui s'écroule ; et au cœur de laquelle nous capitulons

Du bleu – partout – pourtant – dans nos mains qui creusent et reçoivent

Des ombres perdues ; sans lieu d'attache – soumises à l'errance (labyrinthique) du nom

Le jour ; à notre mesure ; et de temps à autre (rarement – très rarement) l'inverse

Et la terre qui s'enflamme

Devant un si grand nombre

Si proche(s) ; le souffle ; de la source et du silence

 

Journal poétique (extrait)

A (grands) coups de malheurs ; le désespoir des cœurs

La vérité sous le nez ; pourtant ; sans en avoir l'air (bien sûr)

Pour que l'âme apprenne à voir ; cet indispensable apprentissage du regard qui doit, en (tout) premier lieu, s'exercer à soustraire

 

Journal poétique (extrait)

Dans l'ombre du seul ; ce qui se vit ; ce qui s'écrit ; parfois absurde – parfois vertigineux ; toujours nécessaire

Mais las du monde depuis trop longtemps ; dans l'expectation (si impatiente) de l'aube et du vide triomphant

Puis, un jour, comme pénétré – de l'intérieur – par cette lumière inconnue

Le regard éclairé ; et la chair réchauffée ; comme un surcroît de tendresse et de lucidité ; un (large) pan de ciel qui s'est offert

 

Journal poétique (extrait)

Au cœur du jour ; dans l'âme

La peau tremblante ; sous la lumière

Comme hissé au-dessus du monde ; au-dessus de tous les yeux indifférents – de tous les lieux inhospitaliers

Comme si s'achevait là la traversée du plus âpre

Comme libéré des corvées les plus communes

Capable – à présent – de se consacrer à la découverte (rafraîchissante) des autres dimensions du monde

Ainsi émerge-t-on, peut-être, de l'écume – de l'épreuve (incontournable) de l'écume – pour s'approcher de soi – aller à sa rencontre ; sur la courbe ascendante de l'effacement ; l'oubli en tête

 

13h30 – 13h45 collation

Une infusion avec une friandise au caramel

 

Les surprises de la cueillette sauvage

Au printemps dernier, après avoir fait infuser quelques feuilles (séchées(1)) de mélitte à feuilles de mélisse récoltées quelques jours plus tôt, on a pu savourer son goût plaisant, subtil et délicat, mais l'on a été (assez rapidement) pris – et surpris – par un besoin incessant d'uriner(2) lorsque l'on s'est, soudain, souvenu des propriétés (assez fortement) diurétiques de la plante...

Malheur au botaniste en herbe !

(1) sur la petite claie suspendue au plafond (fabriquée avec un peu de ficelle, 4 bouts de bois et un morceau de moustiquaire rectangulaire)

(2) à peu près toutes les demi-heures – pendant près de 24 heures

 

Quelques plantes sauvages comestibles et/ou médicinales* hivernales et printanières

Ficaire, violette, primevère, fragon épineux, nombril de Vénus, pulmonaire, lamier pourpre, cerfeuil des bois, berce commune, lierre terrestre, plantain, pissenlit, cardamine, ortie, mouron des oiseaux, consoude, oseille, gaillet gratteron, alliaire, asphodèle, lunaire annuelle, bugle rampante, laitue des murailles, capselle, pâquerette, aubépine, cymbalaire des murs, marguerite, laiteron, vesce sauvage, épiaire, gesse des bois, lampsane...

* que l'on trouve en abondance sous nos latitudes

 

13h30 – 13h45 sieste, lecture et espace récréatif

 

Moment de détente

Sieste (appréciable) de la mi-journée. Après notre séance d'écriture, on s'allonge confortablement sur le canapé du coin salon. Les fenêtres ouvertes en été (avec le chant des oiseaux pour bercer nos rêveries) et avec une couverture en hiver*.

* Le chauffage – un chauffage Webasto que l'on trouve couramment dans les camping-cars – n'est allumé que pour les nuits les plus fraîches, autrement dit une bonne partie de la saison froide que l'on passe (en général) en altitude – dans l'un des massifs de moyenne montagne que compte notre aire d'exploration.

 

Haïku

« J'ouvre un livre

et me réjouis

devant la fenêtre lumineuse »

 

Haïku

« Mes mains lasses

laissent tomber le livre

long rêve de sieste »

 

Journal poétique (extrait)

Au fond du sommeil ; autre chose

Une fête ; une lumière – la possibilité d'un temps nouveau

Un monde – un univers peut-être – en germe ; impatient (très impatient) de se déployer

 

Journal poétique (extrait)

Vivant ; par-delà le miroir

Entre l'infini et les contours ; mille visages – mille aventures – mille possibles

Derrière l'image – terne ou scintillante

Parfois davantage silence que reflet ; et, d'autres fois, comme un chemin qui s'éloigne – qui égare ceux qui l'empruntent ; vers un ordre que seul l'esprit de l'homme a banni ; et que l'Amour revendique (bien sûr – comme toutes les choses) – parcelle reconnue (et accueillie) à l'égale de toutes les autres

 

Une vie au contact – une existence à la merci

Une vie au contact des éléments naturels* ; le soleil, la pluie, le vent, la chaleur et le froid, la grêle et la neige.

* ressentis (avec force) au fil des saisons...

Une existence à la merci du monde et des événements ; exposé aux rafales de vent (qui font tanguer la roulotte comme si l'on habitait sur un bateau(1)), exposé aux éventuelles chutes d'arbre et de branches qui pourraient s'abattre sur le toit(2), exposé à la grêle(3) (qui pourrait endommager les lanterneaux et les panneaux solaires), exposé à la bêtise ou à la malveillance du premier venu, pas toujours doté des meilleures intentions, qui pourrait nous importuner(4) ou vandaliser le camion...

(1) et il faut l'avouer, nous n'avons guère le pied marin !

(2) et causer des dommages sérieux ou même nous écraser...

(3) L'occasion nous a été donnée, à plusieurs reprises, de subir une pluie de grêlons. Et il est peu dire que sous ce déferlement de forces naturelles, on se sent absolument sans défense...

(4) ou même nous agresser

Une cloison d'à peine 2 ou 3cm d'épaisseur et des baies fragiles (que l'on pourrait briser d'un coup de poing) nous séparent du monde extérieur. Autrement dit, nous vivons dans une carapace de papier mâché qui nous abrite de la pluie et (un peu) du froid – sans nous protéger du reste...

A l'intérieur, on se sent fragile et vulnérable – à la merci du monde* – et (disons-le) assez impuissant face à ce qui se manifeste (ou devant l'éventualité de ce qui pourrait arriver) – contraint (en quelque sorte) de desserrer l'étau de l'inquiétude (ou de l'angoisse), de vivre sans s'inquiéter (outre mesure) des risques, des menaces et des dangers (réels ou potentiels), de renouveler notre confiance en la vie – en la Providence – en laissant advenir ce qui doit advenir, nous abandonnant à ce qui arrive et remettant, chaque jour, notre destin entre les mains d'un plus grand que nous...

* A la merci ; autrement dit à l'exacte place de l'homme ; plongé au cœur de sa condition de créature labile et passagère soumise à des forces qui lui échappent (littéralement). Et n'étant guère séparé de son environnement, contraint de faire corps (intimement) avec lui. Et, de ce fait, invité à faire confiance, à dire un grand « oui » à ce qui se manifeste...

 

Journal poétique (extrait)

Au pied de l'indicible ; celui qui n'a de nom ; qui se meut avec l'âme et le monde ; avec la respiration de l'homme et la course des bêtes ; celui qui s'éveille et s'endort avec l'esprit ; sans jamais deviner la nuit qu'il porte ; en dépit de son éternel sourire

Ce qu'il nous offre ; ce qu'il nous impose

 

Le bruit (au-delà de notre misophonie(1))

Habiter dans un camion revient (sur le plan auditif) à vivre quasiment dehors ; les cloisons sont minces et, en été, toutes les baies et tous les lanterneaux sont ouverts (jour et nuit). Et selon les lieux où l'on est stationné – dans une forêt, dans un village ou près d'une ville ou d'une route (plus ou moins) passagère, tous les bruits sont parfaitement perceptibles. Ainsi le nomade est, sans cesse, confronté aux bruits du monde ; le vent, la pluie, le chant des oiseaux, les passages d'animaux sauvages, les cloches d'église, les tracteurs et autres engins agricoles, les rires et les éclats de voix, la musique, les motos et les scooters, les moteurs de voiture à l'arrêt, les véhicules en tous genres qui passent (parfois à vive allure), les klaxons, les tronçonneuses, les débroussailleuses etc etc.

Pour remédier (avec plus ou moins de succès) à cet aspect assez déplaisant de la vie sur les routes et les chemins, deux accessoires s'avèrent (presque) incontournables : les bouchons d'oreilles(2) (en cire de préférence) et le casque de chantier(3) anti-bruit. Les deux combinés parviennent à neutraliser, de manière satisfaisante, la (grande) majorité des pollutions sonores.

(1) aversion intense et irrationnelle envers des sons ou des bruits spécifiques dont nous sommes (malheureusement) affecté ; intolérance aux bruits répétitifs, aux bruits de bouche et à une large part des bruits produits par les êtres humains – voix, musique, moteurs en tous genres...

(2) indispensables la nuit – en particulier lorsque l'on dort dans un village ou près d'une route passagère...

(3) les plus sensibles peuvent remplacer le casque de chantier par un casque électronique (beaucoup plus onéreux)

 

Journal poétique (extrait)

Le souci de l'herbe et de l'arbre arrachés

Et la réparation que les habitants de la terre réclament

Roulé contre les bêtes plutôt que contre les rêves ; plutôt que contre les hommes

Lovés ensemble (tous ensemble) dans un terrier ; au fond d'une large galerie creusée sous la terre

Au seuil du jour ; la lumière présente – diffuse ; à travers la transparence

Au seuil d'un plus grand que soi ; se manifestant à l'intérieur

Avec – partout – la même présence ; la même joie

 

Insectes et protection

A l'arrivée (massive et printanière) des insectes – mouches, moustiques, guêpes et frelons en particulier – revient « le temps des moustiquaires » qui ornent, par bonheur, toutes les ouvertures de la roulotte. Ces protections s'avèrent absolument indispensables pour éviter une invasion intérieure qui serait, assez rapidement, insupportable. N'ôtant jamais la vie intentionnellement à la moindre bête – au moindre moucheron – excepté s'ils nous harcèlent avec opiniâtreté (moustiques et stomoxes* essentiellement), la cellule serait vite peuplée d'une myriade d'insectes vibrionnants.

* mouche du charbon, silencieuse et très résistante

Certes, les frontières entre l'intérieur et l'extérieur peuvent s'interpénétrer, se distendre et même s'effacer, il arrive néanmoins qu'il faille, de nouveau, les rétablir, et parfois même, les renforcer pour se protéger (a minima) des êtres et des choses qui nous paraissent indésirables...

On est, néanmoins, bien moins enclin qu'autrefois à circonscrire l’espace et à délimiter les territoires. Ainsi un peu de terre, un peu de sable, un peu de boue, quelques cailloux et quelques insectes (en particulier les mouches, les punaises et les cassides en automne) peuvent s'inviter à l’intérieur et y demeurer sans nous importuner*... A l'image de la vie et de la forêt où rien n'est séparé, où rien n'est « rangé », où tout se côtoie et se mélange dans un joyeux (et vivant) désordre...

* bien que l'on se montre de nature plutôt rangée – voire maniaque...

 

Journal poétique (extrait)

Sur nous ; les ombres et les silhouettes

A travers le bruit ; le lieu de l'infime

Le corps qui renâcle à se désobscurcir

Passant et repassant ; dans un éloignement (très) progressif

Et comme (presque) toujours ; encore quelque chose de soi

 

Journal poétique (extrait)

En soi ; le souffle ; et le vent

La tête arrêtée

Le temps suspendu

A respirer encore au milieu des choses

 

Journal poétique (extrait)

Séparément ; de moins en moins

Au fond de l'interstice

Parvenu jusqu'à l'embrasure ; la (parfaite) résolution

Par-delà la substance ; le plus lointain

Cette sorte d'intimité avec l'espace et le feu ; avec le reste – tous les Autres – en quelque sorte

Descendu(s) en soi ; sans le moindre résidu laissé à la surface

Les pieds sur le sol élargi (d'une certaine manière) ; au-delà du corps et de la tête ; le cœur pénétré ; et consentant

 

Tout est à l'intérieur

A certaines occasions(1), il arrive que la perception change de dimension et de perspective. La conscience que l'on a tendance habituellement à situer dans le cerveau(2) semble se distendre au point d'occuper la totalité de l'espace ; et tout semble s'y mouvoir ; soi (en tant que personne), les autres, le monde, l'univers. Tout semble à l'intérieur... Expérience (bien sûr) impartageable – subjective diraient certains...

(1) au cours de certaines expériences quotidiennes ou spirituelles

(2) « quelque part » dans le cerveau

De manière moins ésotérique (et moins spectaculaire), chacun est à même de comprendre que ce qui est vécu* n'est appréhendé qu'intérieurement. Sans conscience, rien ne serait perçu ; il n'y aurait que des mouvements et des interactions sans témoin – sans personne pour percevoir les événements et ressentir leurs conséquences (innombrables) sur le corps et l'esprit...

* les circonstances, les sensations, les désirs, les émotions, les sentiments

De manière encore plus évidente, chacun est à même de constater que le plus essentiel, dans l'existence, n'est pas ce que l'on vit mais la manière dont on le vit qui dépend (très largement) de la façon dont l'esprit appréhende et expérimente les circonstances.

 

Notes de la forêt

Si haut ; depuis ce promontoire ; (enfin) la possibilité du ciel ; et des retrouvailles. Le cœur encore empêtré (pourtant) dans quelques circonstances (fâcheuses).

 

Journal poétique (extrait)

Tout au long du mélange ; le chaos et la perte ; comme un voyage au terme duquel s'offre un orage de baisers

Le territoire (substantiellement) agrandi ; proche de la plus large envergure

Dans la compagnie d'un Dieu surprenant ; ce qui prolonge la route et le défilé du temps

 

Le monde n'existe pas

Le monde est une abstraction. Il y a autant de mondes que d'individus pour le concevoir. L'ensemble des éléments qui composent le monde (les êtres, les objets, les idées, les émotions etc etc) ne sont que des concepts définis par le langage qui permettent à l'homme de se faire une représentation*. Ainsi l'esprit humain s'évertue-t-il à différencier un arbre d'un visage, à différencier un visage d'une pensée, à différencier une pensée d'une larme etc etc à seule fin de comprendre ce qui semble exister en lui et autour de lui et de pouvoir échanger avec ses congénères...

* mille et une représentations qui permettent, d'une certaine manière, de se faire une idée du monde...

Il n'y a de monde ; il y a ce qu'il y a – ce qui ressemble à un enchevêtrement (mouvant et changeant) de vide, d'énergie et de matière auquel nous appartenons et dont nous sommes le témoin.

 

Haïku

« Transcendant concept et parole

dans l'air flotte

un parfum extraordinaire »

 

Rien n'est séparé

Grâce au langage (lui-même lié à la perception), l'esprit (humain) classifie les êtres et les choses – le visible et l'invisible de ce monde – en estimant que toutes les entités repérées – et dotées d'une définition (consignée(s) dans tous les dictionnaires et toutes les encyclopédies) – sont séparées et autonomes alors qu'elles ne le sont que de manière apparente. Qui, en ce monde, peut, en effet, respirer sans air, vivre sans eau et sans les éléments apparemment extérieurs dont le corps se nourrit ? Le corps de chaque individu abrite des milliards d'êtres (cellules, bactéries, virus etc etc) et constitue un ensemble d'écosystèmes, eux-mêmes, reliés à tous les écosystèmes extérieurs au corps... Et l'on pourrait multiplier ainsi les exemples à l'infini pour montrer que rien n'est séparé...

Tout, en ce monde, est relié et intriqué – de mille manières – à l'image d'un vaste réseau – d'une trame gigantesque ; ce que les bouddhistes appellent l'interdépendance.

 

Journal poétique (extrait)

Les arbres étreints ; comme une route nouvelle

Un lieu étrange ; un royaume sans roi ; où chaque croyance est visible et déchiffrée ; où la nuit brille (avec évidence) dans la mémoire ; où l'on rechigne à fréquenter les chimères et les Dieux (toutes les inventions des hommes)

Un lieu étrange ; une terre sans limite ; où l'on est capable de vivre avec les Autres et de jouer avec le temps ; et où l'on embrasse tout ce qui est exclu – tout ce qui n'est consenti

Aux confins de l'esprit ; à la pointe du monde – en quelque sorte

 

Journal poétique (extrait)

Ce qui nous hante ; trop obstinément

Sous la férule du genre ; de la famille ; de la communauté

Condamné(s) à l'infâme tyrannie du personnel ; dont chacun (bien sûr) se réclame

Et le reste ; comme oublié – relégué aux plus inaccessibles profondeurs

A jongler avec les rêves et les territoires

Oubliant (de manière si tragique) que rien – ni le monde – ni l'espace – ni les visages – ni les choses – ne peut être détenu et clôturé

Et si étrange ; et si risible ; de nous voir essayer (nous autres pauvres créatures) de nous approprier des parcelles de vent ; quelques riens dont on se croit possesseur

Sous le règne (millénaire – et encore inchangé) de la séparation ; entre loi – croyance et chimère – le monde (toujours) en construction

 

Journal poétique (extrait)

A bras-le-corps ; la distance

Au cœur de cette (perpétuelle) oscillation entre l'Un et le reste (ses fragments – sa progéniture – son prolongement)

De la chambre à l'inquiétude ; et de l'inquiétude à la lumière

Et le recommencement du cycle ; sans fin – à travers la matrice qui enfante (sans jamais s'interrompre)

D'un corps à l'autre ; d'un univers à l'autre

Et l'aube – chaque jour – comme une nouvelle épiphanie ; qui s'élève entre les rêves et les étoiles ; au-dessus des figures émerveillées

Quelque chose, à chaque fois, de la naissance du monde

 

Aspirations universelles

Chaque homme – chaque être vivant – aspire à être en lien avec les Autres – avec ce qui l'environne et à vivre en paix – dans une forme (minimale) de tranquillité. Ces désirs s'inscrivent avec force dans nos profondeurs et nos existences ; peut-être le besoin d'être relié tient-il à la nature même du corps – cette matière inséparable du reste – des Autres et de l'environnement – et que l'esprit humain sépare artificiellement parce que la peau semble être une frontière et que le corps semble être une entité autonome.

Et peut-être que le désir (profond et impérieux) de tranquillité n'est-il que le reflet de la nature de l'esprit (ou de la conscience) qui baigne dans cette paix – cette quiétude – cette sérénité ; comme posé en lui-même et affranchi de l'écume – de cette (inévitable) agitation qui anime la surface du monde – des êtres et des choses...

 

Journal poétique (extrait)

A travers la roue qui tourne ; le ciel – la terre – les hommes – les arbres – les pierres et les étoiles

Le désir puis, le silence ; l'inquiétude puis, la joie ; les temps fougueux puis, les jours tranquilles

Et, un soir, entre ces îles étranges ; tous les seuils atteints (comme par miracle)

Parvenu (peut-être) à la lisière du visible – aux confins du plus grossier ; de l'autre côté du monde ; de l'esprit

Cette part de soi que l'on a (semble-t-il) rejoint ; comme rassemblé (à présent)

Sans ignorer (bien sûr) que lorsque le cycle s'achèvera, nous referons le chemin – à l'envers ; en repassant par cet âge initial qui succéda aux premiers temps de l'origine

 

La tranquillité et la joie sont des états naturels

La tranquillité et la joie sont les états naturels de l'être. L'esprit suffisamment vide de désirs, d'exigences et d'individualité est naturellement tranquille et joyeux. Dans « cet état naturel », l'être que nous sommes, l'être qui nous habite (l'être qui nous porte et que nous portons) se laisse moins piéger par les apparences et les illusions du monde, il sait que tout est changeant et provisoire, que tout passe « comme un rêve », aussi se montre-t-il plus enclin à rire et à jouer (d'une manière innocente(1)), à goûter et à expérimenter tous les états de la conscience et de la matière(2), tous les états de la vie et du vivant – des plus plaisants aux plus effroyables...

(1) de manière non instrumentalisante

(2) et l'on pourrait même dire tous les états de l'énergie...

 

Notes de la forêt

Le cœur tiraillé entre l'arbre et l'enfance de l'homme. A saute-mouton par-dessus les obstacles et les interdits pour retrouver le centre du cercle ; là où l'être est en joie malgré les malheurs – les tristesses – les chagrins ; là où tout peut se pardonner ; là où tout peut être consolé ; là où les possibles se choisissent – se dessinent – nous emmènent – nous emportent. A la force du cœur...

 

Journal poétique (extrait)

Tous les chagrins d'autrefois dilués dans la joie d'aujourd'hui

Les yeux – à présent – dessillés par le rire et le jeu ; la légèreté de l'air

Comme la somme de toutes les enfances ; auxquelles on aurait soustrait le hasard et les malheurs

Personne ; juste un peu de vent et de lumière

 

Journal poétique (extrait)

L'enfance sans distinction

Bleue et silencieuse

Vénérant les arbres et le monde ; et les fleurs ; et les bêtes

Chantant – dansant – au milieu des décombres et des voix

Rapprochant les cœurs ; éloignant les cris

Jouant le jeu de la bêtise et de l'aube – indifféremment

Profonde ; au cœur de l'essence ; sans rien exclure de l'écume pourtant

Comme un vent ; comme un feu – fugace – fugitif ; le temps d'un (bref) passage

 

Inconfort et solidarité

Durant l'été – par les jours de fortes chaleurs – il nous arrive de rester dans l'atmosphère étouffante de la roulotte ou, lors de nos randonnées, de continuer à marcher sur des chemins écrasés de soleil(1) (parfois, jusqu'à la limite du supportable) à seule fin d'être en communion – d'être solidaire – avec ceux (avec tous ceux) qui ne peuvent échapper à la fournaise – qui ne peuvent s'abriter sous les arbres – trouver un refuge à l'ombre d'un mur ou recourir à quelque moyen artificiel pour atténuer (un peu) leur inconfort ; arbres, herbes, plantes, insectes, vaches, chèvres, brebis, ânes et chevaux(2)(3) condamnés à supporter, sans broncher, la rudesse du climat estival.

(1) sans nous protéger – sans utiliser le ventilateur

(2) sans compter les mouches et les taons qui harcèlent, durant les mois les plus chauds, tous les mammifères qui vivent à l'extérieur. Pourrait-on, ne serait-ce qu'un instant, se mettre à la place de ceux qui sont condamnés à vivre sous les bourdonnements et les attaques incessantes de ces insectes, sans pouvoir ni s'en défendre ni s'en prémunir ?

(3) sans oublier les animaux des élevages hors-sol enfermés dans des bâtiments et condamnés à (sur)vivre en été dans une atmosphère étouffante et surchauffée...

 

Journal poétique (extrait)

Dans l'ombre éparse ; se regardant

Se détachant de tout triomphe

La lucidité vive et modeste

Le monde ; à travers l'éternité – transparent

Presque rien – en somme

Quelques soubresauts dans les bras du vide

Une manière de s'approfondir ; d'apprendre à s'effacer

 

Journal poétique (extrait)

Dans l’œil familier de ces bêtes – ces sœurs à cornes – le sauvage (en partie) apprivoisé ; et (très) largement emprisonné

Et cette force tranquille face à la poigne (barbare et intraitable) des hommes ; et cette joie placide ; et cette douce mélancolie – dans lesquelles nous puisons le courage – et l'ardeur – nécessaires pour résister à la mainmise de ceux qui pensent gouverner ce monde ; et qui ont la sottise de croire qu'il leur appartient

 

Journal poétique (extrait)

Des larmes ? Pour quoi – pour qui – donc cette tristesse ?

Ce qu'il (nous) faut expérimenter ; sûrement – un bref passage

La lumière ; absente puis, réconfortante

Et ce qu'elle éclaire ; comme une évidence, à présent, au milieu des croyances – au milieu des malheurs – au milieu des chimères

Et la lampe ; et le mot ; illusions aussi ; cousus dans la même trame mensongère

 

14h15 – 14h30 un fruit pour le désert

Souvent une orange, parfois un kiwi ou une pomme. On saisit le fruit dans le filet* fixé au plafond. On l'épluche, le coupe en quartiers et on le mange lentement – morceau après morceau – bouchée après bouchée – savourant avec délectation la chair juteuse qui se répand dans la bouche. Moment d'intimité gustative (si l'on peut dire)...

* filet, très couramment, utilisé sur les bateaux et par quelques nomades – ce mode de stockage évite aux fruits de s'entrechoquer ou d'être écrasés lorsque l'on est sur la route...

 

14h30 – 14h45 de ce qu'il advient des nutriments non assimilés

 

Un peu d'hygiène

On défèque dans un seau muni d'un sac poubelle. Et l'on recouvre ses déjections, comme certains animaux enterrent leurs crottes, avec un peu de sciure.

 

Un seau et des copeaux de bois

Assis sur « notre trône » face aux arbres – au milieu de la forêt – porte ouverte ou posé sur une pierre devant la roulotte ; l'une des plus belles manières, sans doute, de vivre cette (incontournable) part organique de l'homme – dans un lieu sauvage qui offre un panorama souvent inspirant et, il faut bien l'avouer, un plaisir peu banal que ne procurent jamais les lieux d'aisance habituels (souvent étroits et fermés).

A la selle face au ciel ; l'espace ouvert où se mêlent les matières et les fragrances ; faire ses besoins devient, sans conteste, un (vrai) moment de contemplation...

 

Notes de la forêt

Collines au loin – à perte de vue ; du vert – des arbres. Ligne de crête – ligne de démarcation entre la terre et le ciel – la frontière des apparences alors que tout se mêle – s'interpénètre – se confond – naturellement – dans l'invisible – dans cette sphère du réel si méconnue – si peu fréquentée.

 

Journal poétique (extrait)

Au seuil des fleurs et des choses écloses ; dans cette période qui succède à cette sorte de chaos du corps

Avec un parfum (encore plus prononcé) d'automne et d'absence

Et, en filigrane, les bruits du désert et de la nuit

Et – partout – l'odeur des bêtes qui rôdent

Dans l'éloge (plus qu'évident) de l'anonymat et de la figuration

Le front (encore) dans l'ombre

Et la lumière qui éclaire par-delà la chair et la mort ; offrant le seul chemin parmi tous les possibles

 

Journal poétique (extrait)

Changé(s) en pierre ; chaînes aux pieds

L'âme et la bouche enferrées dans l'épaisseur

Le cœur et la tête scellés dans la fiente

Ce qui a perdu (depuis très longtemps) son caractère d'étrangeté

Parmi nous – pourtant – (bien) plus que des traces de ciel

 

Un peu d'hygiène (suite)

Et que fait-on (que fait le nomade) une fois son sac rempli d'excréments(1) ? Rien de plus simple ! Si on a la chance d'être dans la forêt – en un lieu suffisamment isolé – on creuse, à l'aide d'une petite pelle (pliable), un trou suffisamment profond, on y verse le contenu du sac(2), puis on rebouche le trou avec de la terre que l'on prend soin de tasser et de recouvrir avec quelques feuilles, quelques pierres et quelques brindilles. Ainsi on ne laisse aucune trace visible et, comme le font tous les animaux sauvages (et moins sauvages), on nourrit la terre. Et si on a le malheur de se trouver dans un village (ou dans une ville), on dépose alors sa litière(3) dans une benne à ordures comme le font tous les citadins qui vivent avec un chat.

(1) Le sac se remplit en quelques jours (une petite semaine, si on va à la selle quotidiennement) et est stocké, après chaque utilisation, dans un bidon étancheutilisé lors des randonnées en canoë et en kayak – ce qui évite les effluves déplaisants...

(2) ou, si on utilise un sac biodégradable, on y dépose le paquet ficelé

(3) litière que l'on aura pris soin préalablement d'envelopper dans un autre sac poubelle pour éviter d'éventuelles fuites et d'incommoder les éboueurs par des odeurs (trop) désagréables

 

Journal poétique (extrait)

Comme une tristesse ; un reste de monde ; déposé(e) sur le bord de la route

Quelque chose (à la fois) de la crête et du dedans

Un bout d'abîme et un vieux résidu de nudité ; l'un en face de l'autre

Et nous ; submergé par ce tête à tête ; par le flux et les relents ; par l'embrasement (soudain) de ce qui se cherche et s'affronte

En haut du passage – peut-être ; en haut du passage – sûrement

 

8 août 2023

Carnet n°294 Au jour le jour

Juin 2023

A se mouvoir dans le songe ; jusqu'à en perdre la raison...

D'un désert à l'autre ; au fond de la même chambre ; de l'étroit interstice...

Rien ; sinon l'azur et la terre ; et le temps qui semble passer...

Des images ; comme le prolongement (indéfini) du même séjour...

Dans la (fausse) tranquillité du rêve...

 

 

Si malhabile face aux métamorphoses ; le défilé des saisons ; l'effacement du ciel ; l'irrésolution du mystère ; l'incessante recomposition des mondes ; et l'interminable voyage des âmes...

Tout ce que l'on est – cherche ou fuit ; en somme...

Qu'importe notre existence ; ainsi vivrons-nous (continuerons-nous de vivre) tant que le silence – la tendresse et le discernement n'auront pas remplacé l'agitation – la volonté et l'aveuglement...

 

*

 

A marche contournante...

Le chemin comme emprunté de travers...

Ainsi le vent de face...

Des histoires d'herbe et d'ardeur...

Quelque chose d'assez grossier (évidemment)...

Et l'esprit si facilement berné par cette idée de trace et de territoire...

 

 

A cette heure ; trop peu raisonnable(s)...

Comme à cheval sur un rayon de lumière...

Fuyant le noir ; allant à travers les étoiles ; quelque part ; en un lien (authentiquement) avéré au cœur duquel rien ne peut se corrompre au contact de l'obscurité...

En soi ; cela est peu dire ; au centre de cet espace que l'on porte – aussi mystérieusement que nous nous obstinons à vouloir résoudre le mystère...

 

 

Au cœur de l'imprévu...

L'inavouable secret porté par les circonstances (chacune des circonstances)...

Livrant le chant et la lumière...

Le cœur rouge – en feu ; comme éclaboussé...

De toute évidence ; du côté du ciel et du chaos...

La patte attachée à un fil – pourtant...

 

 

Le front accolé au sol et au temps...

Nous réchauffant au soleil de l'exil...

Ermite (à part entière) désormais ; nomade du fond des bois...

L'âme proche des arbres et des bêtes...

Mille visages au gré des chemins...

Et la vie éternelle – fraternelle ; au-dedans...

N'ayant plus rien à partager avec les hommes...

Célébrant la joie et le silence auprès des siens (sans même le besoin d'en témoigner)...

 

*

 

En ces temps sensibles ; l'ouverture devant soi...

Et l'environnement attentif à nos gestes (à tous nos gestes)...

Nous hâtant – tâtonnant – autour de la béance tant cherchée...

Allant ; et dérivant ; jusqu'aux cendres humides...

L’œil cheminant avec le reste ; avec l'ensemble...

Et nous ; comme une particule dans le chaos ; dans l'immensité dansante (et déchaînée)...

Brinquebalé(e) – entraîné(e) ; la moindre brindille – le moindre tourbillon – le moindre scintillement...

 

 

Avant soi – le silence ; et après aussi (sûrement)...

Sous ce ciel parfait ; la terre (très) laborieusement engendrée...

La pierre s'essayant – apprenant à devenir la chair ; et la chair s'essayant ; vers un autrement ; moins fragile – moins funeste – moins tragique ; vers le synthétique – sans doute...

Le cerveau servile – et maintes fois utilisé (jusqu'à l'usure – jusqu'à la débilité) ; puis abandonné pour de plus ambitieux projets...

Le monde rétif – résistant – et tout de guingois ; à la traîne de ce qui se trame – de ce qui se concocte – souterrainement...

 

 

Entrecroisés ; l’abîme et la chair...

La matière-étendue...

Oubliés à force d'histoires

Et des ponts à redécouvrir ; et à restaurer ; pour que le cri rencontre la soif ; et que la soif rencontre la source...

Sur l'arche habitable ; sous la voûte recourbée...

Avec patience ; jusqu'à la transformation de tous les hurlements...

 

 

Au gré des couronnes ; et des coins découverts ; et des coins détestés...

Ce que l'on rencontre ; de la glaise qui baille et qui gueule...

Un monde de fables et de surgissements...

Au milieu de la chair affamée de chair ; digérant la chair ; ne cessant de se transformer en mille choses surprenantes...

 

*

 

Autour du même cercle bleu ; de (minuscules) carrés amovibles et clôturés...

La fumée des hommes ; (très) précisément mesurée...

Leur territoire ; comme un monde pétrifié ; dont on hérite ; et que l'on s'évertue à agrandir...

Le seul jeu (l'un des seuls jeux) qu'ils connaissent...

Des murs et des temples que l'on édifie ; et qui, jamais, ne feront apparaître la lumière ; juste l'image d'un Dieu servile et emprisonné ; pâle (bien pâle) reflet du mystère qui plaît aux âmes grossières...

Moins que l'herbe et la pierre qui s'abandonnent à la pluie ; moins que la terre naturelle sur laquelle nous vivons avec les bêtes...

 

 

La main en grâce ; et l'âme qui ne croit plus guère...

A genoux ; au-dessus du vide...

Sans la moindre renommée ; de plus en plus anonyme ; et invisible...

Célébrant la danse – les étoiles – la nuit ; d'une égale manière à la lumière...

Sans désir particulier ; pas même celui de changer la moindre chose en ce monde (si parfait)...

Simplement présent...

Dans le silence ; le cœur à son comble...

 

 

A (grands) coups de malheurs ; le désespoir des cœurs...

La vérité sous le nez ; pourtant ; sans en avoir l'air (bien sûr)...

Pour que l'âme apprenne à voir ; cet indispensable apprentissage du regard qui doit, en (tout) premier lieu, s'exercer à soustraire...

 

*

 

De tous les miroirs et de toutes les filiations ; nos reflets et les yeux regardés...

Déjà au-dedans des autres mondes...

Sur cette voie qui échappe au temps...

De mort en mort (de plus en plus somptueuses)...

Devinant ce que nous serons à terme ; et après aussi (bien sûr)...

Et sachant cela ; vivant de la plus intuitive des manières...

 

 

Entre nous ; trop d'étoiles ; le devenir et le néant...

Des mondes et des cieux ; là où l'on se trouve...

Encore séparés (trop séparés) ; évidemment...

Ce qui nous échoit ; la même chose qu'au-dehors (exactement)...

Le cœur qui se frotte à la pierre et à la peau des Dieux ; avec malice – avec désespérance et sagacité…

Sans (jamais) rien exclure des oracles ; ainsi se dessine – se construit – le sort de ceux qui s'imaginent pénitents...

 

 

Ce qui nous hante ; trop obstinément...

Sous la férule du genre ; de la famille ; de la communauté...

Condamné(s) à l'infâme tyrannie du personnel ; dont chacun (bien sûr) se réclame...

Et le reste ; comme oublié – relégué aux plus inaccessibles profondeurs...

A jongler avec les rêves et les territoires...

Oubliant (de manière si tragique) que rien – ni le monde – ni l'espace – ni les visages – ni les choses – ne peut être détenu et clôturé...

Et si étrange ; et si risible ; de nous voir essayer (nous autres pauvres créatures) de nous approprier des parcelles de vent ; quelques riens dont on se croit possesseur...

Sous le règne (millénaire – et encore inchangé) de la séparation ; entre loi – croyance et chimère – le monde (toujours) en construction...

 

*

 

En silence ; recueilli ; les mains encielées (et sortant des ténèbres – pourtant)...

L'âme à terre ; lumineuse malgré les cendres – malgré la grisaille du monde...

Comme couronné ; sans le moindre quidam alentour ; ni la moindre trace à suivre...

 

 

La folle équipée ; face au vide ; face à la lourdeur...

Confondant le nom et la chose...

Sur la terre-pensée ; dans l'antichambre de la mort ; dans le sas qui sépare des enfers...

Le destin ; quoi qu'il (nous) en coûte ; et d'une façon ou d'une autre – le chemin qu'il faut suivre...

La pierre et l'abîme ; et la peur – contre soi...

De nuit et d'absence ; le corridor méticuleusement arpenté...

Ici ou là ; qu'importe ; comme si l'on était à peine vivant (presque déjà mort)...

 

 

Piégé(s) par la nuit...

Cette (si brève) conservation de la matière...

Sous la lumière ; sans l'essentiel...

Des choses et d'autres ; et des visages à profusion...

Une multitude d'objets – de gestes et de jours – (assez) inutiles...

La laideur – l'indigence et le saisissement – à portée de rêve ; à portée de main...

Ce que nous partageons tous (sans pouvoir nous en défaire)...

 

 

En secret ; la vie – la perte...

Ce que l'on désire ; ce qui nous attriste ; et ce que l'on pleure...

Le sang sous la neige...

Et cette douleur (terrible) de ne rien savoir ; et celle (tout aussi terrible) de s'imaginer savoir...

Toujours à côté ; toujours séparé ; jamais juste ; toujours en peine...

En vie sans (réellement) être vivant ; et ainsi tant que durera l'ivresse – la cécité – le refus de s'engager ; le cœur (parfaitement) piégé dans la nasse cherchant, dans son délire, une rive trop lointaine alors que tout est là – déjà ; à notre portée...

 

*

 

Plongée dans le naturel ; en soi – alentour ; le même environnement...

(En partie) affranchi de l'homme et des artifices humains ; par-dessus le néant et la séparation – en quelque sorte ; avec des résidus (assez substantiels) de l'esprit étroit qui se favorise...

Continuant à être ; à distiller le bleu qui, parfois, abonde ; et, d'autres fois, ce qu'il reste (de manière assez absurde)...

L’œil en son royaume ; sans la moindre attente ; sans la moindre priorité...

 

 

Le visage de l'ombre ; des temps sombres ; des heures qui précédèrent l'avènement – la délivrance...

Celui d'avant la joie ; celui d'avant la couleur...

La gorge encore prise d'un haut-le-cœur en se souvenant de cette (terrible) emprise...

 

 

La nuit allant ; comme les peurs...

Et s'avançant aussi vers nous...

A travers le nombre – la haine ; cet inévitable basculement dans la barbarie...

Avec le même visage ; le Dieu de la douleur et du silence...

Oblitérant la joie pour l'essentiel des mortels...

 

 

A attendre ; les mains ouvertes...

Sans rien désirer ; sans rien saisir ; sans rien écarter...

Si proche(s) de l'Absolu et de la mort ; de nous-même(s) ; de tous nos semblables...

Le legs déchiré ; avec tout un chemin à réinventer ; et la tête – et la chair – à apprivoiser – à aimer – à célébrer – avec toutes leurs salissures et toutes leurs corruptions...

Dans l'impossibilité de vivre autrement ; autre chose ; condamné(s) à obéir aux circonstances ; à la confluence des nécessités ; à expérimenter ce qui nous échoit sans jamais rien décider...

 

*

 

Au milieu des éboulis ; la même lumière pointée par le doigt...

Moins longue – peut-être – la route...

Comme un retour vers le haut...

Vers l'élargissement vertical du monde...

Par la voie la plus escarpée...

L'âme (toute) frémissante...

 

 

Le verbe ; tantôt reclus dans ses tranchées ; tantôt perché sur son promontoire...

A entendre le vent ; et à le sentir devenir nôtre ; indissociablement...

Sans incident ; alors que s'opère l'effacement...

Encore assis sur cette grosse pierre ; le cœur moins morose (moins gris) qu'autrefois ; léger (bien plus léger)...

La pâte humaine – dans son gouffre – prise dans les filets de la lumière...

 

 

Le sommeil comme ensemencé...

Et l'invisible ; et l'horizon ; des perspectives oubliées...

Juste quelques pas avant de mourir...

Le cœur insensible...

Alors que d'autres (plus rares) tâtonnent ; avancent – reculent – s'égarent – emportés par le tournis de l'âme qui explore...

L'homme tentant de se dépêtrer ; obéissant aux nécessités du voyage...

Essayant d'échapper aux légendes millénaires dans lesquelles s'inscrivent toutes (à peu près toutes) les histoires humaines...

 

 

Au pays de Dieu ; la faim ; des loups...

Quelque chose (indéniablement) de la terre...

Au cœur de la magie de la chair ; et de ses misères aussi...

Des larmes – du sang – des chemins et des prières...

L’œuvre de mains savantes...

Et tous les rêves – sur la croix – qui s'épanouissent...

Toutes les créatures (à peu près toutes les créatures) de ce monde – épigones (qui s'ignorent) de l'origine ; héritières (involontaires) de tous leurs devanciers...

Entre murmure – chagrin – espoir et frémissement...

 

*

 

Le cœur sans séquelle ; en dépit des épreuves...

Plus libre qu'autrefois ; et sachant mieux accueillir ce que déteste la tête ; et sachant, à présent, mêler les pas et les paroles aux prières et aux étoiles...

Le verbe bleu ; comme des bouts de ciel ensemencés ; (très) discrètement souriant...

Moins de mots ; et moins du nom ; davantage du chant anonyme...

Ce qu'offrent les lèvres ; ce que la source déverse...

La mort livrée à l'immortel...

Ce qui se dit offert à l'indicible...

Moins (beaucoup moins) sérieusement humain...

Avec cette tendresse qui affleure...

Une plus juste manière de vivre – sans doute ; d'être vivant...

Quelque chose de l'arbre et de la pierre – de la rosée et du vent...

Pas exactement le même homme ; la gravité moins sévère ; réjouie – ravie – joyeuse...

 

 

L'aventure depuis si longtemps commencée...

Oscillant entre la poussière et l'Absolu...

Et, aujourd'hui, le cœur et l'absence de nom pour seules ambitions...

A regarder – impassible – les alliances se nouer et se défaire ; le déferlement de l'affection et de la haine...

Avec (toujours) cette tendresse (presque surnaturelle) au cœur de la violence déployée ; rayonnante – secrète – souveraine...

Et le scintillement (si perceptible) de la vérité – à travers toutes les illusions ; Dieu – comme une évidence – à travers toutes les circonstances...

Le voyage de plus en plus immobile ; à mesure que nous comprenons ; à mesure que l'âme reconnaît les lieux...

Et la chair ; et l'esprit – libres d'aller sur leur chemin ; alors que les bras s'offrent au monde – à ce qui passe ; et que le silence souligne – confirme – son approbation...

 

 

Le chant si humble face à ce sommeil si lourd – si imposant...

De l’innocence (un peu d'innocence) au milieu du tumulte et de la mort...

L'une des rares choses – peut-être – dont nous sommes capables...

 

*

 

La main – en soi – présente autant que la mort...

Durant le (peu de) temps qui passe...

De nouveau ; emmêlé avec le reste...

Jusqu'au plus grand nombre...

Très progressivement...

Comme une respiration ; un cœur qui bat...

 

 

Sans oublier le monde ; ces restes de soi...

Dérivant (très souvent) hors des cercles proposés...

Porté par les vents ; toutes voiles dehors...

Traversant l'obscurité et la lumière pour rejoindre l'après ; tous les au-delà possibles – successivement...

Par-delà la mort ; transformant (peu à peu) la sauvagerie et l'aveuglement...

Ce qu'offre – en vérité – tout voyage...

 

 

Si mortel(s) ; comme des ombres qui cheminent l'espace d'un instant...

Sur des pierres (presque) éternelles ; sous un ciel hérissé d'intentions...

Si loin (encore) de la nudité attentive...

Un voyage sans témoin ; et sans la nécessité du témoignage...

Du cœur noir à la transparence...

Sans rêve ; sans alliance...

Dans la compagnie de l'Amour ; que l'on découvre peu à peu...

 

 

Au seuil des fleurs et des choses écloses ; dans cette période qui succède à cette sorte de chaos du corps...

Avec un parfum (encore plus prononcé) d'automne et d'absence...

Et, en filigrane, les bruits du désert et de la nuit...

Et – partout – l'odeur des bêtes qui rôdent...

Dans l'éloge (plus qu'évident) de l'anonymat et de la figuration...

Le front (encore) dans l'ombre...

Et la lumière qui éclaire par-delà la chair et la mort ; offrant le seul chemin parmi tous les possibles ; toujours le plus juste ; le plus précieux ; exactement ce dont nous avons besoin...

 

*

 

Ici ; au milieu de la lumière ; dont notre visage est le parfait reflet...

Étranger au monde ; de plus en plus...

Vers le haut et vers le bas ; simultanément...

Laissant le désir hors du cercle...

Comme effacé par l'immensité...

Au-delà de la mémoire et du temps ; au centre de l'espace...

Au royaume de l'âme et de la pierre ; là où l'arbre donne le rythme et la direction ; là où l'on peut (encore) s'initier à la vie haute et intime – à la vie vraie ; là où nous sommes – là où nous marchons – là où nous allons ; autant que l'endroit d'où nous venons...

 

 

En ce pays de chair...

L'âme sans audace ; façonnée par la (longue) liste des ambitions communes...

Et la peur du scandale ; et la crainte de l'exil...

Ce qui affleure ; (très) timidement ; (presque) sans poids face à ce qui enfonce...

De la terre et du rêve ; et mille autres charges – sur les ailes (encore) repliées...

Gisant ; parmi tous les yeux fermés – sous ce ciel (apparemment) impassible...

 

 

Tout au long du mélange ; le chaos et la perte ; comme un voyage au terme duquel s'offre un orage de baisers...

Le territoire (substantiellement) agrandi ; proche de la plus large envergure...

Dans la compagnie d'un Dieu surprenant ; ce qui prolonge la route et le défilé du temps...

 

 

Dans l'ombre éparse ; se regardant...

Se détachant de tout triomphe...

La lucidité vive et modeste...

Le monde ; à travers l'éternité – transparent...

Presque rien – en somme...

Quelques soubresauts dans les bras du vide...

Une manière de s'approfondir ; d'apprendre à s'effacer...

 

*

 

Le cœur – trop souvent – annexé par le drame...

De lieu en lieu ; (presque) à chaque circonstance...

L'âme terrestre ; comme embrigadée par la chair et l'épaisseur...

La parole douloureuse ; comme exercice (simple exercice) de confession...

Et dans l'expectative (angoissée) de la sentence...

Sur nous ; à la fin des jours – à la fin des temps – sur le point de nous écraser ; un tombereau de jugements – d'interdits – de damnations...

Encore trop humain – sans doute...

 

 

Le cœur ; dans le balancement (erratique) du fil sur lequel le destin se tient en équilibre...

Des choses – des seuils ; du temps passé...

Comme de la neige accumulée ; et autant de visages croisés...

Condamné(s) à l'inepte (et récurrente) traversée des saisons...

A jouir par inadvertance ou par excès de volonté...

Les poches pleines de pierres ; et dans la tête – des prières entassées...

Des vies ; comme des ombres contraintes aux alliances pour faire face à la fatalité...

Le cœur trempé dans le sommeil ; et le crâne cogné à coups de marteau...

Ainsi la cadence que l'on s'impose...

Face au monde – de plus en plus dépossédé...

Jusqu'au terme de cette fatigue de vivant ; à chaque virage ; à chaque instant – à deux doigts de défaillir...

 

*

 

Au-dessus de la chute ; et du gisement...

Comme l'arbre et la lumière...

Comme le chant du moine et de l'oiseau...

Le cœur ciblé ; le cœur recommencé...

Moins vaniteux (bien moins vaniteux) que ceux qui paradent sur la rocaille ; que toutes ces âmes illettrées qui ne savent pas reconnaître une seule lettre de l'alphabet invisible...

 

 

Un peu de lune sur la langue...

Le miracle au-dessus du bavardage...

Au-delà de la bouche et du mot ; au-delà même des lèvres talentueuses ; des lèvres amoureuses...

Comme un tourbillon de liberté ; un imprévu dans le trop habituel humain...

Un saut du temps ; une faille ; une (véritable) surprise...

Et l'âme – bien sûr – qui se fait hospitalière ; contrairement au monde – à l'Autre – déjà recouverts d'un épais sommeil – d'une indifférence à toute épreuve...

 

 

Dans l'ombre du seul ; ce qui se vit ; ce qui s'écrit ; parfois absurde – parfois vertigineux ; toujours nécessaire...

Mais las du monde depuis trop longtemps ; dans l'expectation (si impatiente) de l'aube et du vide triomphant...

Puis, un jour, comme pénétré – de l'intérieur – par cette lumière inconnue...

Le regard éclairé ; et la chair réchauffée ; comme un surcroît de tendresse et de lucidité ; un (large) pan de ciel qui s'est offert...

 

 

L’œuvre de la faim sur ce qui peuple l'étendue ; la moindre rive...

Qu'importe l'or – l'encens – la prière...

Des courants de larmes et de sang...

Tantôt vers l'un – tantôt vers l'autre ; acteur et témoin ; bref passant...

Et ne pouvant s'en empêcher...

Attristant l'âme et meurtrissant la chair...

En ce monde si peu affamé d'ineffable...

 

 

En ces heures nocturnes ; accompagnatrices d'un autre sort ; révélant un autre monde ; la possibilité d'un destin plus conscient – plus léger – plus épanoui...

Une ville entière ; un pays entier ; un empire peut-être – à travers un chemin entièrement inventé...

Ce qui se glisse par la fenêtre – au fond des yeux – au fond de l'âme...

Sous le régime du cœur ; la parole (seulement) nécessaire...

A charge pour l'esprit de se défaire du faix ; et d'offrir le vide et la joie que l'on réclame...

 

*

 

Introuvable ; l'oasis des aveugles...

La tête criblée de rêves et d'étoiles ; aussi longtemps que les yeux puiseront dans la terre ; aussi longtemps que l'or sera la seule richesse du monde...

De quoi vivre un peu ; survivre grâce à la chance et au labeur...

(Presque sans regret) ; dans l'inconscience de son infirmité...

 

 

La bouche tordue par l'âpreté – la haine – le mensonge...

D'une douleur à l'autre ; sans étonnement...

Le corps à peine vivant ; l'esprit absorbé ; l'âme se dégradant – s'étiolant peu à peu...

Accompagnant (seulement) le nom – le legs – la filiation...

Comme couché(s) au cœur de la plaie ; sous le règne du mythe et du manque ; au fond du gouffre surpeuplé...

 

 

La chair et l'âme du monde que l'on enchaîne et que l'on assassine ; au nom du progrès ; au nom du confort de l'homme...

Le cœur caché du secret ; et l'horreur perceptible – comme une drogue...

L'Amour si loin de ces éclats rouges ; et habitant aussi leurs profondeurs (d'une manière apparemment paradoxale)...

Dérisoires ; nos pages – le jour – toutes les promesses de la lumière ; face à cette souillure – face à cette dévastation...

 

 

Changés en pierre ; chaînes aux pieds...

L'âme et la bouche enferrées dans l'épaisseur...

Le cœur et la tête scellées dans la fiente...

Ce qui a perdu (depuis très longtemps) son caractère d'étrangeté...

Parmi nous – pourtant – (bien) plus que des traces de ciel...

 

 

A la table de la bonne fortune ; discrète – invisible – anonyme...

Sur l'âme brûlante de déraison ; la démesure qui a remplacé le chagrin...

Comme allongé sur soi...

Dieu dans le chant ; à travers notre voix...

Et le bleu ; à travers le festin d'aujourd'hui et toutes les famines d'autrefois...

Le pays d'où nous venons ; le pays où nous vivons ; le pays où nous allons ; comme un hymne (un hymne éternel) à l'immobilité...

 

 

Comme une tristesse ; un reste de monde ; déposé(e) sur le bord de la route...

Quelque chose (à la fois) de la crête et du dedans...

Un bout d'abîme et un vieux résidu de nudité ; l'un en face de l'autre...

Et nous ; submergé par ce tête à tête ; par le flux et les relents ; par l'embrasement (soudain) de ce qui se cherche et s'affronte...

En haut du passage – peut-être ; en haut du passage – sûrement...

 

*

 

Au grand dam des hommes...

L'altitude de l'âme ; et l'impossibilité de s'y hisser...

Sur cette terre décadente – (strictement) continentale ; qui ne connaît le grand large qu'à travers les mythes et le récit des sages ; autant qu'à travers l'écume et les embruns charriés par les vents ; amenés avec les relents de chair putréfiée qui émanent des charniers (de tous les charniers) qui longent les rives où s'entassent les morts et les vivants...

Des joies (de petites joies) – des larmes (très souvent) – des vies (banales) ; si dérisoires – (infiniment) passagères...

 

 

Comme un tambour ; le cœur – la vie – le rythme...

Des vibrations sur le fil ; les barreaux de l'échelle...

Le temps à rebours ; le monde couché – à travers les yeux de ceux qui respirent ; et ses règles du jeu que nul ne comprend (vraiment)...

 

 

Au pays du monde ; des arbres haut comme des collines...

Et nos espiègleries (enfantines) ; et nos (interminables) parties de cache-cache avec ceux qui se tiennent debout ; dans le bruit et la prétention [et qui nous prennent pour leur congénère]...

Et notre souci de vivre comme les bêtes ; aussi loin des hommes que possible...

Dans le désordre des pierres – le tumulte tranquille du temps ; et le parfum (enivrant) des fleurs sauvages...

Comme un refuge – un repos – un sanctuaire – fragiles et passagers ; un retour à la terre natale...

 

 

Dans l’œil familier de ces bêtes – ces sœurs à cornes – le sauvage (en partie) apprivoisé ; et (très) largement emprisonné...

Et cette force tranquille face à la poigne (barbare et intraitable) des hommes ; et cette joie placide; et cette douce mélancolie – dans lesquelles nous puisons le courage – et l'ardeur – nécessaires pour résister à la mainmise de ceux qui pensent gouverner ce monde ; et qui ont la sottise de croire qu'il leur appartient...

 

*

 

A demi vivant ; assiégé(s) par le labeur et les images ; écrasé(s) par toutes les autorités (établies)...

A chanter encore ; sur ces pierres vouées à la nuit...

A prier encore ; sous ce ciel qui nous livre au sang ; à la faim et au sang...

Combien faudra-t-il donc d'histoires – et d'existences – pour déconstruire notre idée de l'identité et de l'appartenance ; pour apprendre (réellement) à briser sa gangue...

A réclamer encore de l'or – et le soutien du monde ; comme si cela pouvait nous aider à nous affranchir – à nous désincarcérer...

Vivre le moins inconfortablement la geôle et l'emprise ; voilà à quoi nous en sommes réduit(s) (pour l'essentiel)...

 

 

Dans les bras de l'hiver ; ce qui est délaissé – inentendu – balayé...

Le jour ; à la pointe de la veille...

Et le courage du solitaire...

Le cœur à la renverse ; dénudé sans indulgence – sans la moindre pitié...

Les lèvres joyeuses – pourtant – porteuses de la parole que le ciel a initiée...

De la couleur de la pierre ; et destinée à fendre l'épaisseur...

Homme aux pieds libres – sans âge – rompu à toutes les pertes ; œuvrant, à présent, sans sacrifice...

 

 

Plus vieux que le sang et l'indifférence...

Qu'importe les hommes et la mort...

Au milieu des simples ; au fond des bois...

Dans cette solitude sans égale ; dans cette joie que l'on partage avec les nôtres – le ciel ; la vie et le merveilleux qui nous entourent...

 

 

Deux rêves ; à contretemps...

L'oubli ; à la place du sablier...

Le chemin qui se devine – qui se profile – qui s'invite...

Un voyage sans trace – sans rumeur – sans personne...

La joie accolée au souffle ; tandis que la douleur se défait...

Moins de nœuds ; à moins farfouiller en soi...

Vers le Nord ; comme en témoigne le climat ; et le cœur plus vif – plus prompt – plus ardent ; à mesure que l'ascension se précise...

 

 

Ce qui sait – en nous ; comme une force inébranlable...

Comme un livre ouvert – pourtant – à travers ce qui vient – ce qui passe ; à travers la moindre circonstance...

Comme des flèches pointant vers le centre – cet espace que chacun recèle ; à disposition de ceux qui ont capitulé ; de ceux qui ont abandonné toutes leurs armes...

 

 

L’œuvre trop vivante du miroir...

S'insinuant partout ; jusque dans les profondeurs les plus lointaines – les plus invraisemblables – les plus insoupçonnées...

Et nous ; comme des îles ; comme des bouées surnageant au milieu des remous et des reflets...

Au cœur des courants et du chatoiement ; comme pris au piège...

Les yeux fatigués ; l'âme découragée ; le cœur (un peu) perdu ; comme enivré – déboussolé par cette hostilité ; et l'abondance des attractions et des scintillements...

Si loin du bleu – des forêts ; et des couleurs franches du mystère...

 

 

La source – les cimes ; sans masque...

Au fond de la plaie ; face à la mort...

Que le monde nous rebute ou nous enchante...

Et la neige ; et les paillettes d'or que l'on jette autour de soi ; et qui recouvrent le sol – l'issue – la moindre possibilité ; ce qui pourrait – pourtant – forcer la fortune ; nous aider à nous hisser jusqu'aux origines...

 

*

 

Moins que soi ; et le reste...

Tantôt surplus ; tantôt soustrait...

Qu'importe le délire et la violence...

L'instabilité de l'esprit et de la pierre ; et les instincts dans leur sac...

A sa rencontre ; (très) secrètement...

 

 

Nourri de chant et du sauvage...

A coups d'invisible...

Au centre du cercle cerné d'or...

Et le sommeil – en ce monde – qui navigue librement...

Le ciel parfois couvert – parfois étoilé ; au-dessus de tous les fronts...

Et cette écume nimbée de parole...

Loin de l’œil ; loin de toute poésie ; alors que nous exultons au fond des bois – au seuil de tous les deuils ; avec la mort ; tout autour – et au-dedans...

 

 

Dénué de soi ; en dépit du sang et de la pierre...

Rien ; ni personne ; ce qui semble avoir lieu ; des choses qui arrivent diraient certains ; de la matière qui s'anime – en quelque sorte ; de (très) brèves apparitions...

L'invisible derrière ; jamais très loin ; tirant des abîmes – pour un instant ; et y replongeant (assez vite) ce qui a eu l'audace – la folie peut-être – d'en émerger...

Un peu de poussière et de temps sur fond de bleu intouchable...

De l'écume ; et le mystère (toujours aussi) insondable...

 

 

Le nez baissé sur le sol et le sang...

A l'envers ; l'étreinte ; et l'âme (assez) sérieusement atteinte...

Sur le trésor dispersé ; un peu de neige et d'argile...

Et dans nos gestes ; et au cœur de ce que nous vivons ; l'innommable ; et tant de possibles ; et tant d'impossibilités...

Toute l'histoire du monde – en somme...

 

*

 

L'esprit offert ; et ce qu'il porte ; en plus du souffle ; en plus du cœur...

A la fois flèche et théâtre ; avant-scène de l'immensité et champ de bataille (effroyable)...

Associé (quasiment soumis) à une ardeur effrayante ; monstrueuse (si souvent) dans ses conséquences...

La réponse de l'homme ; face au monde et au mystère ; guère plus (bien sûr) qu'un instrument...

 

 

Des larmes ? Pour quoi – pour qui – donc cette tristesse ?

Ce qu'il (nous) faut expérimenter ; sûrement  – un bref passage...

La lumière ; absente puis, réconfortante...

Et ce qu'elle éclaire ; comme une évidence, à présent, au milieu des croyances – au milieu des malheurs – au milieu des chimères...

Et la lampe ; et le mot ; illusions aussi ; cousus dans la même trame mensongère...

 

 

Au cœur du jour ; dans l'âme...

La peau tremblante ; sous la lumière...

Comme hissé au-dessus du monde ; au-dessus de tous les yeux indifférents – de tous les lieux inhospitaliers...

Comme si s'achevait là la traversée du plus âpre...

Comme libéré des corvées les plus communes...

Capable – à présent – de se consacrer à la découverte (rafraîchissante) des autres dimensions du monde...

Ainsi émerge-t-on, peut-être, de l'écume – de l'épreuve (incontournable) de l'écume – pour s'approcher de soi – aller à sa rencontre ; sur la courbe ascendante de l'effacement ; l'oubli en tête...

 

 

A s'étioler dans la (triste) compagnie de ses semblables...

Contraint d'assister aux bavardages et aux agissements les plus stupides – les plus futiles...

Et rien pour apaiser nos cris – et notre rage – séculaires ; hérités de ce séjour incompréhensible sous les étoiles...

Aux prises avec toutes sortes d'hostilités...

Et caché – avec le secret – au fond de soi ; le seul abri que nous continuons d'ignorer – ou de négliger (dans le meilleur des cas)...

Invalides et insatisfaits tant que nous refuserons le face à face avec ce que nous portons ; avec cet infini de lumière et de tendresse...

 

*

 

Déchiré par le haut...

A travers le ciel ; le fond du monde...

Et ces cris (tous ces cris) que reflètent les miroirs...

Les mains tendues en guise de drapeau ; et la faux sur l'épaule ; l'essentiel de la réponse face au mystère...

Par-dessus les apparences ; ces sortes de boucles qui suivent (très) fidèlement les reliefs de l'invisible...

Et la découverte stupéfiante de ses contours – de ses centres et de ses confins (apparents) ; inimaginables...

 

 

La nuit ; moins que la parole...

Comme le mutisme des étoiles...

A rebours des saisons ; le chemin...

Et par les interstices ; la somme...

Ce qu'il nous faudra (immanquablement) soustraire...

 

 

En harde solitaire ; nous éloignant pour des rendez-vous amoureux...

Jour et nuit ; sur la rocaille ; le long des rivières ; au milieu des arbres ; derrière les broussailles...

Comme une échappée vers l'enfance au visage tendre ; là où l'esprit se laisse porter par les forces qui le traversent...

L'âme étreinte par l'innocence et la sauvagerie...

 

 

Dénué de rêves...

Le ciel juste au-dessus des yeux...

Sous le ruissellement sacré du jour – l'aube ; l'éclaircissement sans explication

Tout ; comme une évidence ; à travers la clarté...

Des vagues de vent vers le large...

L'esprit libre ; la matière célébrée...

En passe de servir le monde comme l'air et l'eau – la terre et le feu...

Une infime parcelle de l'espace ; dans l'étrange intimité de l'infini...

 

 

Comme un peu de matière ; une sorte de pâte (informe et malléable) entre les mains du ciel...

Et le poids ; et la nuit ; et l'immensité...

Et cette tristesse ; et cet écrasement...

A chaque parole ; à chaque recommencement...

Et ce qui nous façonne ; inlassablement...

 

 

La vie (secrètement) enfoncée dans l'âme ; et (presque toujours) la méconnaissance de l'inverse...

Si près du jour ; si près de la mort...

A hauteur de tête ; à longueur de nuit...

La somnolence ; et le grand sommeil...

Ce qui remplace, peu à peu, le visage de l'homme...

La route (cette longue route) qui zigzague sur l'horizon...

Et ce gris qui alourdit la chair ; et qui attriste le cœur...

A s'interroger (encore) ; sans (jamais) se laisser porter...

 

*

 

La nuit de l'ouest ; libre du monde et des étoiles...

Saupoudrant quelques feuilles de l'automne sur tous les jours – tous les siècles – vécus...

Sans doute – la manière la moins disgracieuse de se prêter aux jeux du monde ; sans s'y frotter intensément...

Derrière notre table de pierre ; à laisser la parole arriver – s'inscrire ; et se déployer ; vers le ciel – sûrement...

Sans même vouloir que les yeux des hommes s'y attardent ; sans même y attacher de l'importance...

A écouter (seulement) ce que nous portons ; ce qui nous traverse ; ce que nous traversons...

Légèrement ; sans rien dégrader – sans offenser personne (sinon, peut-être, les esprits sots) ; sans brandir le moindre étendard...

Le doigt discret pointant vers la lumière et la tendresse ; et révélant (plus sûrement) ce dont nous sommes constitué(s)...

 

 

Au pied de l'indicible ; celui qui n'a de nom ; qui se meut avec l'âme et le monde ; avec la respiration de l'homme et la course des bêtes ; celui qui s'éveille et s'endort avec l'esprit ; sans jamais deviner la nuit qu'il porte ; en dépit de son éternel sourire ;

Ce qu'il nous offre ; ce qu'il nous impose...

 

 

Le souci de l'herbe et de l'arbre arrachés...

Et la réparation que les habitants de la terre réclament...

Roulé contre les bêtes plutôt que contre les rêves ; plutôt que contre les hommes...

Lovés ensemble (tous ensemble) dans un terrier ; au fond d'une large galerie creusée sous la terre...

Au seuil du jour ; la lumière présente – diffuse ; à travers la transparence...

Au seuil d'un plus grand que soi ; se manifestant à l'intérieur...

Avec – partout – la même présence ; la même joie...

 

 

A la source du voir...

Aux confins des forêts...

L'âme et la lumière...

Ce pour quoi nous sommes né(s) – sans doute...

 

 

Là où l'ombre se reflète ; se régénère ; s'étale – s'amplifie – se déploie ; et qui se fracasse contre la plus infime part de solitude...

Aussi proche que possible de soi – du ciel – de toute aventure...

A voix haute – la parole ; et plus haut encore – le silence...

L'ultime précision de l'être ; dans cette marche fluctuante aux faux airs hasardeux...

L'âme et le corps ; comme un attelage asymétrique et bancal ; et dont la route paraît si tortueuse – presque aléatoire...

En tous lieux du ciel – déjà ; pourtant...

Sans le moindre orgueil ; et ici plutôt qu'ailleurs ; ce qui ressemble à nulle part...

Entre d'étroits interstices et de larges bandes ; l'impuissance et la solitude ; ce qu'il nous faut (impérativement) découvrir...

L'enfance prémonitoire ; dans le pressentiment de la fragilité du monde et de l'éphémère de nos vies si peu certaines...

 

*

 

Temps d'apôtres à la bouche tordue ; à la parole grise ; à la tête lasse...

L’œil si serré contre soi ; en ce siècle de sang et de cécité...

En ces temps de hurlements et de cœurs blessés...

Ni fleur – ni pierre – ni arbre – dans leur panthéon édifié à la gloire du monde...

Ni bête – ni homme à la bouche droite ; au cœur plus large que le monde ; au sang si proche de la sève ; et à l’œil qui voit...

Dans la proximité de ce qui n'a de visage ; familier du vide et de l'invisible ; dont le chant célèbre les feuilles et les pétales ; tous ceux dont l'âme est silencieuse...

En plus de la danse – la joie – la beauté ; et la prunelle malicieuse...

 

 

Le songe à perte ; comme condamné(s) à ce trop peu de raison...

Comme prisonnier(s) ; comme séquestré(s) – contraint(s) d'évoluer au milieu des ronces du temps ; entre griffures et frissons – jusqu'au plus noir – jusqu'au plus tragique de ce séjour intranquille...

L'achèvement du vivant ; l'agonie ; et la continuité du malheur...

A travers le souffle ; le défilé inépuisable des saisons ; la douleur – jusqu'au dernier soupir...

De métamorphose en métamorphose ; et disculpé(s) (à la fin) de tous les crimes – de toutes les offenses ; dissimulée(s) au fond du secret peut-être – la culpabilité ; la peur et la culpabilité ; l'origine de la fuite – de la course – de la débâcle...

A travers cette écume si inquiète face aux puissances des profondeurs – face à la monstruosité apparente du monde ; ce qui se joue (si souvent) sur la pierre...

D'île en île ; l'itinéraire – à l'intérieur...

Soumis à l'incessante recomposition des rôles et de la terre ; notre passage – notre partage ; et ce qu'il restera – peut-être...

 

*

 

Éclairé(s) par ce qui passe ; et surnage...

La neige par-dessus la terre...

Et ces barques (presque) immobiles au fond desquelles se glisse, de temps à autre, une silhouette ; une ombre que le jour a, peu à peu, façonnée ; et qui ne sera plus qu'un amas d'os et de souvenirs lorsqu'elle quittera ce monde ; lorsqu'elle sera emportée par les eaux – (irrésistiblement) aspirée par les profondeurs...

Et ces rails – tantôt parallèles – tantôt enchevêtrés – qui guident l'ardeur – les rencontres – les sévices – les pillages – les querelles – l'entière tonalité du voyage ; et les récompenses ; et les châtiments qui ponctueront ce bref périple...

Et cet exil (si compréhensible) des poètes – des nomades ; qui vivent toujours à l'écart – loin du cirque – loin des cris et des masques de cire...

Éclairé(s) par ce qui passe ; et surnage...

La neige par-dessus la terre...

Et ce qui s'achèvera, un jour ; le mensonge et l'insupportable face à la félicité – face à la lumière – chaque jour, grandissantes...

 

*

 

Le ciel enjolivé ; trop agrémenté d'images...

Comme le fond du jardin – l'autre côté du monde ; auréolé de mystère...

Sous l'arbre encore ; un livre à la main – celui de la terre vivante...

Et le vent sur le visage...

Sans doute – au milieu du voyage...

Familier de la mort et du feu...

Fidèle aux ramures et aux nuages...

Nous tenant là ; près de ce qui passe ; près de ce qui se dit ; écoutant et offrant la parole nécessaire ; aussi utile que la lumière et le silence des fleurs...

La possibilité de l'aube ; qu'à l'intérieur ; en ce monde qui ne célèbre – et ne vénère – que l'inconscience et le chaos...

 

 

Adossé à l'ombre, peu à peu, grignotée...

L'azur – en soi ; autant que la lumière...

Au zénith de la poussière...

Les liens défaits ; à nos pieds – les plus grossiers (les plus élémentaires) ; et les plus subtils qui s'affinent – se renforcent – se déploient ; au lieu de l'abîme – au lieu du sommeil...

Sans trêve ; les yeux fermés sur les Autres – le monde – le temps...

Comme attendant (sans impatience) le début du jour...

 

 

Tâtonnant ; la main sur la paroi qui explore ; et découvre ce monde privé de soleil...

La tête trop prétentieuse pour s'accroupir – offrir à l'âme les richesses du sol ; et parmi elles, l'issue – le passage vers les hauteurs que nous cherchons (presque) toujours au-dessus des cimes – dans les sphères d'altitude que nous croyons côtoyer alors que l'esprit de l'homme ne s'est pas encore affranchi de sa lie souterraine – de sa gangue de glaise...

 

*

 

Encore du bleu ; sans compter depuis quand ; sans compter les jours qu'il (nous) reste...

Grandissant ; à travers les épreuves ; à travers tous les adieux...

Si seul – à présent – que le cœur s'enfle – se gonfle – efface ses contours – agrandit son territoire – embrasse le monde – absorbe l'espace ; comme une bête en train de muer ; de l'intérieur – la métamorphose...

Devenu si sensible que les larmes ont remplacé le sang ; et cette tendresse que pulse le cœur...

Et la pierre inondée ; comme pour laver tant de tueries – de massacres – de cruauté ; des siècles – des millénaires – sanguinaires – cannibales – dévastateurs...

Du rouge à la transparence pour faire voler en éclats l'horreur et la bestialité – s'éloigner des âmes barbares et instinctives ; échapper à l'inconscience de ce monde...

 

 

Aux confins du jour deviné ; du ciel trop parfaitement dessiné ; sphérique ; à la manière d'un papier peint (vaguement céruléen) que l'on aurait collé au plafond...

Avec trop peu de diagonales et de place laissée aux marges...

Avec trop d'angles et de recoins où l'on pourrait cacher ce qui (nous) embarrasse...

Le cœur trop peu ouvert ; pas assez frémissant ; et des gestes plombés qui saccagent ; et des âmes qui s'approprient – et entassent – au lieu d'offrir – au lieu de partager...

Rien que des tâches à accomplir par ceux qui ont (tant bien que mal) conservé un certain sens du devoir ; et un immense espace récréatif dédié à la jouissance et au divertissement pour les Autres (pour tous les Autres)...

Ni joie – ni beauté ; des hurlements et de l’hystérie ; la nuit noire et la chair violentée...

 

 

Et des dunes – et des danses – encore ; à franchir – à expérimenter...

Autant qu'au temps des ancêtres...

Et autant d'âmes préoccupées par la possibilité d'une issue [d'une issue à cette (assez) misérable existence]...

Sans obéissance ; la volonté encore trop vive pour s'abandonner ; et se laisser porter par les circonstances...

A ânonner encore l'alphabet du monde offert (pourtant) avec tant de diligence...

Apprenant à naviguer (cahin-caha) au sein du royaume ; à conserver par devers soi les ruses et les trésors – toutes les richesses et toutes les supercheries...

Privés de cette ardeur – de cette audace – qui permettrait de se libérer des illusions...

Condamnés à la piété (la plus grossière) et à la préhistoire de l'âme ; à peine au début de la bipédie...

 

*

 

Entremêlés ; le jour et la parole ; la terre et le plus sombre ; tout ce qui aspire à la lumière...

La plaie béante et ce qui élabore les calculs – les manœuvres – les stratégies...

Toutes nos aspirations d'ensommeillés (encore) asservis...

La rage de l'homme cherchant le fruit et la (juste) saison ; et charriant (malgré lui) les mille choses qu'il a refusées...

 

 

Ce à quoi nous résistons ; avec nos cris et nos traces...

Vivant (essentiellement) en meute ; et dans l'écume...

Rien face à la nudité ; juste l'immensité du crime ; et le poids de l'ignorance...

Comme si le cœur se nourrissait du sang (et l'esprit, des malheurs) des Autres ; le front boursouflé de colère et d'ambition(s)...

 

 

Au milieu de la brume et des vivants...

Au milieu des cris et des rencontres...

Entre l'espoir et la pluie ; l'histoire du monde ; et la récurrence des saisons...

Baignant (tout entiers) dans l'imaginaire...

S'imaginant libres ; et emmêlant les fils qui animent leur âme et leurs mains...

Se croyant secourables et solidaires ; et édifiant autour d'eux – et jusque dans leurs profondeurs – une longue suite de douves et de remparts...

Comptant sur leur ruse et sur leur(s) force(s) ; et refusant leur faiblesse (pourtant) légendaire...

Incroyablement labiles – comme toutes les choses de ce monde ; sous un ciel qui leur apparaît sans mystère...

 

*

 

Des cris lancés contre le ciel ; à peine quelques échos – quelques éclaboussures ; malgré la chair déchiquetée...

Aux commandes ; Dieu – des mains – des forces – personne...

Aucune tête sous la couronne...

De la neige et du vent ; ce qui habille et dénude ce monde...

Des gueules ; de la glaise industrieuse et fertile...

A bouffer encore du sang noir ; de la bave au coin de la bouche...

Sous un déchaînement de violence et de hourras ; des larmes et des rires...

Une partie de la fange se flagellant ; et l'autre essayant de se défiler ; essayant de se faufiler entre les hurlements et les substances ruisselantes pour échapper aux massacres et à la mascarade...

Ici ; en ce pays où l'on se pense flamboyant ; grand(s) seigneur(s) ; les mœurs vulgaires – l'usage prosaïque – l'instinct vengeur – (bien) plus sûrement...

 

 

Éprouvé par l'ébranlement du monde...

Parmi les choses ; l'éclosion de l'infini...

A marche forcée ; ponctuée de haltes et de meurtrissures...

Le jeu de l'indignité ; (presque toujours) en faveur de l'offense – de l'avanie...

Du côté de la nuit et du bannissement...

Condamnés – sans même que nous le souhaitions – à la naissance – à la mort – aux saisons ; et, à terme, à l'acquittement – à la suppression du temps – au triomphe de l'étendue et de l'effacement...

L’œil ; et le visage – déjà bleuis par le ciel...

 

 

Au pays de la roche ; l'ardeur – la fatigue et la mort...

Et des larmes (un ruissellement de larmes) dans la lie ; jusqu'à la noyade ; asphyxiés par la tristesse au fond des fondrières remplies par nos pleurs...

 

*

 

Bras tendus – bras en croix ; à genoux...

Silencieusement...

Solidement imprégné de misère et de foi...

Le cœur haletant ; peu disposé à digérer sa peine...

Hors du cercle – hors de la danse ; aujourd'hui...

Alors que – partout – la nuit s'affole ; alors que – partout – monte le cri...

L’œil mauvais ; et la figure fiévreuse ; salis par le désespoir accumulé...

Comme de gros blocs de pierre qui obstrueraient la vue et la respiration ; qui embarrasseraient nos âmes (trop) insensibles...

Le Dieu malicieux – dans ses œuvres ; se dissimulant là où l'on pense qu'il ne pourrait se glisser...

Pour de vrai – pourtant ; en dépit de tout ce noir ; en dépit de ces apparences désastreuses...

 

 

A hurler aussi fort que les loups...

Berné (depuis si longtemps) par le monde...

L'attente – au quotidien – d'une chose qui n'adviendra jamais...

Le jour au-dessus de toutes les têtes – de tous les cercles – de toutes les tombes...

La lumière ; et rien du songe ; comme si nous n'avions rien compris au réel – rien saisi de la réalité ; à vivre ainsi avec des cœurs de bête...

 

 

L'index tendu vers l'Autre ; accusateur...

Et l'enfer – en soi – dissimulé ; et que l'on se garde bien d'exposer...

Brandissant le fer et le bâton...

Dans une optique de potentat ; à renverser l'idée même d'utopie ; avant que le moindre monument – avant que le moindre territoire – ne puisse être édifié – ne puisse être circonscrit...

 

 

A mi-chemin ; les chaînes (en partie) brisées...

L'or du monde remisé là où nul ne pourra le trouver – ni en faire un usage dévoyé ou dégradant...

Dans l'oubli de soi – des choses ; entre les deux – peut-être...

Le jour inondé – et dépeint – par la parole...

Des gestes – des astres ; des mouvements qu'approuve l'infini ; infimes et cosmiques...

L'oreille sertie de silence ; et le cœur en joie...

 

 

L'âme – autant que l’œil – qui témoigne...

Par défaut d'oubli ; ce qui émerge – ce qui fait saillie...

Qu'importe l'âge et le temps...

Qu'importe le rire ou la grimace...

Nos rires et nos larmes – sans fin...

 

*

 

A trop négliger l'âme ; le monde saccagé...

Qu'importe les rêves d'exploitation et de résistance...

Qu'importe que l'on renforce les colonnes de l'un ou de l'autre camp...

Sous l'ombre dévastatrice de la séparation...

Qu'on le veuille ou non ; ce qui alimente le crime...

 

 

L'essentiel qui affleure ; et que l'on frôle ; à désirer n'importe quoi ; à vouloir passer devant ; à espérer donner du sens (ou de l'importance) à chaque geste ; à ce qui n'en a pas...

Toujours le rêve – l'honneur – le lendemain ; au lieu de vivre la nuit et les circonstances ; l'envers du plus favorable ; ce qui nous est offert ; les mille états – les milles séparations – à expérimenter...

 

*

 

La tête trop pleine d'espoir et de temps...

Sur la balance – déséquilibrée ; le désir et ce qu'il (nous) faut abandonner...

Si peu de plaisir ; si peu de profondeur...

A pleurer sur ce que l'on nous offre...

Rien ; ni étreinte – ni embrassade...

A rebours du courant naturel...

En retrait ; et l'oubli (trop difficilement) soustrait...

Comme un sac de sable déversé dans la bouche ; et le cœur qui s'embourbe – qui s'étouffe – qui suffoque – qui s’asphyxie...

 

 

Le privilège entre les dents ; la hiérarchie de la longueur...

L'apparence de la puissance...

Et à l'autre extrémité ; ce qui se tient à la merci ; presque une manière de vivre – de se tenir en offrande ; cette force qui tient à la fois du don et de la confiance – le service ancillaire offert à ce qui le réclame – à ce qui advient...

 

 

Un peu de neige sur notre douleur ; et nos confidences...

Reflets d'un Autre – en nous ; dans les profondeurs – comme un espace habité – et dissimulé au monde ; où la nuit règne autant que le jour ; où les couleurs et les larmes jaillissent – comme une eau vive – des fontaines...

Le ciel riche de la multitude des visages – des étoffes et des voix...

L'aube aussi proche que possible...

 

 

Le jeu et l'horizon – tournés vers le chant ; ce qui favorise la blessure...

Ce qui se dissimule ; ce qui jamais ne se définit par son nom...

Comme un regard (de plus en plus) éclairé – éclairant – sur l'invisible et les choses de ce monde...

 

*

 

Encore du rêve ; sous nos manteaux colorés – derrière nos visages figés dans un sourire d'absent – emprunté à d'autres...

Debout ; et vivants – en apparence...

Des vies pétrifiées – immobiles – en dépit du mouvement – en dépit du désordre et du bruit...

De pauvres semences ; et de pauvres floraisons...

Et le fruit de leurs entrailles ; affublé de notre héritage – du legs commun ; les mêmes insuffisances – les mêmes négligences – les mêmes inconséquences...

Si bas ; sous ce ciel...

Et l'âme voyageuse – exploratrice – qui s'impatiente ; et les têtes (toutes les têtes) ébahies...

Et ce feu – et cette fièvre – qui nous fait défaut (et qui nous manque)...

A vivre – à croire – à espérer ; comme de pauvres idiots...

 

24 juin 2023

Carnet n°293 Au jour le jour

Mai 2023

Dans l'antichambre du temps...

Au chevet de ceux qui vont mourir...

Attendant la barque qui les mènera au fond de la nuit...

Incessants – les pas ; et éternel – le voyage ; comme l'ardeur et l'intention de ce qui nous mène vers l'intimité – l'intensité – l'immensité...

Et guidé(s) (parfaitement) par cette voix inconnue ; et allant (cahin-caha) au gré des possibilités...

Dans l'extinction intermittente du feu...

 

 

Habitables ; l'espace et ce langage nouveau...

Loin des objets et des rêves (trop chargés de matière)...

A mi-chemin entre le perceptible et les yeux ouverts...

Déposé(s) là ; sur la grève du monde ; l'infime au milieu des Autres...

Avec pour seul horizon ; la mémoire...

Au-delà (bien au-delà) du temps de l'indistinction...

 

*

 

A demeure ; l'idée du monde...

Et qui tourne – s'édifie ; pierre après pierre – d'une perspective à l'autre...

Sous toutes les couleurs ; le rêve et la beauté...

Le visage du réel affranchi des reflets...

Au-delà du sombre et du chatoyant...

A travers le feu ; et derrière le miroir...

Au cœur du cercle ; aux côtés du vent – de la mort – de la joie ; déjà (parfaitement) entouré(s)...

 

 

Sous l'aube éblouissante...

La paix étreinte...

Le cœur désenclavé ; affranchi du glaive...

L'avènement du langage ; la bouche silencieuse ; la parole nue...

Quelque chose (bien sûr) de la lumière...

 

 

L'usage et l'usure des choses ; au cœur du périmètre familier...

De proche en proche ; à travers l'exactitude des calculs...

Condamné à la rigueur (implacable) des chiffres et du déclin ; le monde...

Bêtes et hommes ; arbres et pierres ; privés de beauté et de poésie ; privés de rire et de merveilleux...

La fin (programmée) de l'éphémère et de l'à-peu-près – du joyeux désordre – des enchevêtrements en pagaille...

Enfonçant l'invisible encore plus profondément dans le secret...

 

 

Fils du sans nom ; de ce qui n'a jamais eu lieu ; de ce qui n'existe pas ; en dépit du sol – du jour – des visages apparents...

L'enfance du carnaval – en quelque sorte ; toujours au seuil de l'indicible ; le plus ordinaire ; ce que nous avons tous en commun (bien sûr)...

 

 

Trop loin des morts ; et des eaux vives – les rives inertes...

Entre le temps passé et le temps déposé...

Par des routes trop rapides (pourtant) qui forment un entrelac de boucles...

Sans aile – sans (véritable) destination – en vérité...

L'ardeur errante déployée tous azimuts ; dans le (plus terrifiant) désordre...

 

 

A quoi ressemblerait notre visage ; sans l'origine du temps – sans l'incessante succession des noms et des titres dans la mémoire...

Un point minuscule – peut-être ; muni de prunelles délicates (et perçantes) et d'un cœur discret et ardent...

A la manière d'une fête perpétuelle ; d'une danse sans cérémonial ; au faîte de l'absence – la plus légère – la plus consciente...

 

 

Plongé(s) dans un sommeil sans issue ; déjà mille fois éprouvé...

Des parois et de la pénombre...

Le cœur et le corps ; confinés...

De tentative en tentative ; dans l'impossibilité du retour...

Un espace sans initiation ; moins voyage que séjour – sans doute...

 

*

 

Grâce à nous ; qui serait assez fou – présomptueux – implorant – pour oser dire cela...

Noir(s) comme la terre ; gris comme le ciel ; et selon les jours – d'autres couleurs...

Rien qui ne nous différencie du monde ; nous sommes le monde ; le cœur parfois présent ; parfois cruel...

Aussi vide que le dédale de pierres dans lequel nous évoluons...

Un peu de vent ; un peu de bruit ; et quelques rêves ; pas grand-chose – en vérité – face à l'infini – face à l'éternité...

 

 

Jouant avec ce qui demande à naître – à vivre – à mourir...

Comme la fleur qui perce la terre craquelée...

Confiant en la graine et en le fruit ; et en l'ardeur nécessaire pour se transformer...

Le sol – les cimes – le chemin – dégagés ; et, en soi, la possibilité du repli et du franchissement...

Comme le reste ; soumis au temps et à la métamorphose...

 

 

Ici – au plus bas ; exactement sous les étoiles...

Malmené(s) par les ombres qui agitent la mémoire...

Sur la pierre grise et usée...

Au milieu des morts et des corps couchés...

Le cœur attentif aux restes de hasard et de sommeil (et à ce qu'on leur attribue habituellement)...

Allant là où le mystère (nous) convoque ; allant là où les circonstances (nous) appellent ; en ces lieux qui, de plus en plus, ressemblent à nulle part...

Dans l'ardeur suffisante ; et un grand silence – seulement...

 

 

Comme effacé par la lumière et le mouvement...

Sans ombre – sans écho ; un (simple) ruissellement – une (parfaite) dissolution...

Sous des yeux stupéfaits ; cet étrange bouleversement...

 

*

 

Du bleu dans l'herbe...

Le sol métamorphosé...

Le monde serré contre soi...

A la saison du détachement...

Personne ; seulement la lumière ; la lumière et l'infini...

L'Amour – sans doute – qui nous a pris dans ses bras...

 

 

Mille images piétinées ; celles de l'Autre – celles du monde – celles de la nuit...

Tailladées dans l'esprit ; la chair toujours indemne – vive – ardente...

Et contre nous ; la douceur et la suavité...

Quelque chose de la tendresse qui s'offre...

Affranchi du temps et des injonctions ; et de l'idée même de liberté...

Et au-dessus de nos têtes ; des étoiles suspendues – pendantes ; au cœur du vide exactement...

Là où l'esprit et la pierre dansent ensemble...

Dans l'intensification du silence et du chant ; cette joie si singulière d'être au monde...

 

 

Le vivant ; ce qui existe ; dans nos murmures...

En nous ; entre le bruissement et le chaos...

D'une heure à l'autre ; d'un siècle à l'autre...

Sur le fil qui serpente entre les mondes (qui se chevauchent et se prolongent)...

Sur la roue obscure qui mêle la terre et les pas ; le ciel et la lumière...

Et là – quelque part – la possibilité d'un passage ; la possibilité du retour...

 

 

Vivant ; par-delà le miroir...

Entre l'infini et les contours ; mille visages – mille aventures – mille possibles...

Derrière l'image – terne ou scintillante...

Parfois davantage silence que reflet ; et, d'autres fois, comme un chemin qui s'éloigne – qui égare ceux qui l'empruntent ; vers un ordre que seul l'esprit de l'homme a banni ; et que l'Amour revendique (bien sûr – comme toutes les choses) – parcelle reconnue (et accueillie) à l'égal de toutes les autres...

 

*

 

Pierres et visages – sous le ciel haut et cru...

Un peu de bruit ; ce qui bouge...

Étrangement attiré(s) par les étoiles...

La matière ; obscurément...

 

 

A se risquer jusqu'au grand large ; là où les vents saisissent les épaules – écartent les pas – font pousser des ailes aux âmes les plus craintives ; bousculent le sens et la destination du voyage...

Nous retrouvant (parfois) à la cime des arbres ; sans réponse ; avec une joie sans explication...

Auprès des nôtres ; sûrement...

Dans les bras du secret ; et sans la moindre promesse...

Au cœur du ciel ; immensément...

 

 

Comme des bêtes dispersées par l'orage ; et que l'aube appelle...

Au milieu des rêves ; comme déposées...

Assis – vagabond ; par-dessus le chaos ; là où tout s'avance – là où tout ébranle ; jusqu'à la plus parfaite familiarité...

 

 

Visages cherchés ; à demeure...

Jusqu'à la plus haute intimité...

Attachés (très attachés) à l'écart – pourtant...

Attendant on ne sait quoi...

L'hiver et la mort – peut-être...

L'inévitable désapprentissage du monde – de soi ; et tous ces restes de mémoire...

 

 

A distance ; le temps – l'effondrement...

Cette béance de sable ; qui s'écoule – qui s'écroule ; et au cœur de laquelle nous capitulons...

Du bleu – partout – pourtant – dans nos mains qui creusent et reçoivent...

Des ombres perdues ; sans lieu d'attache – soumises à l'errance (labyrinthique) du nom...

Le jour ; à notre mesure ; et de temps à autre (rarement – très rarement) l'inverse...

Et la terre qui s'enflamme...

Devant un si grand nombre...

Si proche(s) ; le souffle ; de la source et du silence...

 

*

 

Sous la neige ; le rêve et la férocité...

Cet instinct de vivre ; et ce besoin d'ailleurs...

L'âme et l'imaginaire – simples – pourtant...

Aussi élémentaires dans leur origine que dans leur prolongement ; et terribles (très souvent) dans leurs conséquences...

Quelque chose de bref ; au cœur de cet étrange sommeil...

Comme un obscur détour pour tenter d'apaiser ce qui nous agite...

 

 

Penché sur la pierre...

Le souffle lumineux...

Auprès de ce qui brille davantage que les étoiles...

Contre les murs ; des miroirs...

Et des reflets rouges qui franchissent toutes les enceintes...

L'immensité déjà ; malgré le sang et les instincts...

 

 

En partance déjà ; en dépit de l'Amour...

La ronde des adieux...

Au bord du gouffre ; à bout de souffle – face à l'immensité...

En ce lieu hors du monde ; en ce temps hors du temps...

Comme une pause fantôme...

Dans la poussière infime ; personne excepté l'impalpable – l'invisible présent...

 

 

Dans l'attente ; les doigts impatients...

La nuit rêvée...

Sur ces rives arides ; un semblant de porte au milieu des interdits...

La hâte au lieu de la sensibilité pour précipiter le voyage et échapper au froid...

Un chemin (sans doute) à réinventer qui prendrait en compte les boucles et les retournements ; et l'impossibilité (bien sûr) d'arriver quelque part...

 

*

 

A l'aube ; assagi ; le mouvement encore...

En amont de toutes choses...

Au cœur de l'opposition des forces ; de ce qui se heurte avec violence...

Sans cri – sans douleur – sans étendard...

L'amoncellement du feu et du vent qui (perpétuellement) ruissellent...

Dans le sillage de l'eau ; le vide creusé – en relief...

La matière du jour et la matière de la nuit ; se précipitant...

Dans la danse tempétueuse...

L'accord parfait à même le chaos ; pas moins réussi que la ronde des Dieux...

 

 

Les mains pleines de songes et d'étoiles ; jetés au hasard de la route – sur les uns et sur les autres...

Bordé(e)(s) par la lumière et le sommeil...

Sans discernement ; avec hésitation...

D'une rive à l'autre ; comme autrefois – avant l'ère de la raison et des remontrances...

 

 

Le chant déchiré ; des étoiles qui bruissent...

Désenfermé par le ciel ouvert – très haut ; fenêtre dans l'ombre des orages...

Quelque part – encore imperceptible – le silence...

Et cette joie prémonitoire de l'absence – du bleu...

 

 

Des lignes ; pour personne...

Sous les yeux du monde – pourtant ; si loin de la danse...

Au cœur de notre chambre – mobile – ouverte à tous les vents ; roulotte sur les chemins ; le destin désincarcéré ; en dépit des apparences ; en dépit de l'étroitesse de la matière...

Et alentour ; et plus haut ; et partout – l'invisible ; dans toutes les profondeurs...

Au milieu des existences aux chaînes brisées...

Rien d'une surprise (bien sûr) ; l'être à travers toutes ses possibilités...

 

*

 

Les yeux levés ; sur le seuil – la lumière...

Après cette longue nuit parcourue (et, en partie, traversée)...

D'une étendue à l'autre ; comme si les rêves et les étoiles se touchaient...

D'un bout à l'autre de ce qui nous porte ; le désir...

Dans la chair ; le dédale (encore)...

Et cette mémoire qui nous éloigne ; et l'autre – plus ancienne – qui nous exhorte au retour...

Naissant – marchant – mourant ; d'un même souffle...

Et ainsi jusqu'au plus éloigné de l'enfance...

 

 

Alors que s'éloigne le rivage...

La figure claire et silencieuse...

Le sommeil – à bout de bras – jeté dans la brume...

Et le vent ; et l'aube – qui se lèvent...

 

 

L'absence conjuguée par toutes les figures noires et hostiles ; (atrocement) prétentieuses...

Le regard menaçant ; le bleu oublié au fond de la béance...

Et le silence pour appuyer toutes les sentences prononcées...

Les paumes pleines de haine et de (fausses) vertus...

Au cœur même du sommeil ; l'autorité et le monde réifié ; l'empire des hommes...

 

 

Le langage amendé – en quelque sorte...

A se risquer aux limites de l'intelligible ; pour inventer un passage – une passerelle peut-être – entre l'ancien monde et un autre ; le suivant sans doute...

Une manière de vivre – et de célébrer – la vie – la terre – le mystère ; le silence et le verbe ; la joie en étendard involontaire...

 

*

 

L'enfance sans distinction...

Bleue et silencieuse...

Vénérant les arbres et le monde ; et les fleurs ; et les bêtes...

Chantant – dansant – au milieu des décombres et des voix...

Rapprochant les cœurs ; éloignant les cris...

Jouant le jeu de la bêtise et de l'aube – indifféremment...

Profonde ; au cœur de l'essence ; sans rien exclure de l'écume pourtant...

Comme un vent ; comme un feu – fugace – fugitif ; le temps d'un (bref) passage...

 

 

Au fond du sommeil ; autre chose...

Une fête ; une lumière – la possibilité d'un temps nouveau...

Un monde – un univers peut-être – en germe ; impatient (très impatient) de se déployer...

 

 

Les yeux peints (et repeints) aux couleurs de l'espérance...

Presque clos sur le souvenir et le rêve...

Le devenir par-dessus l'image ; et cette (inébranlable) croyance aux miracles...

Du feu sur notre infortune...

Et la route à reprendre...

 

 

Plus lumineux que la violence et la fascination exercées par le monde...

L'énigme du vivant ; ce qui est là comme une évidence...

Et cette manière d'être en vie – entre la pierre et la nuit ; sous un ciel inconnu (et auquel on attribue tous les mystères)...

Dans la méconnaissance de soi – des cycles – de l'Autre...

Toujours aussi bestial ; sous les arbres – la lune – les étoiles – à jeter encore au feu un peu de chair pour cuire sa nourriture...

 

 

Les arbres étreints ; comme une route nouvelle...

Un lieu étrange ; un royaume sans roi ; où chaque croyance est visible et déchiffrée ; où la nuit brille (avec évidence) dans la mémoire ; où l'on rechigne à fréquenter les chimères et les Dieux (toutes les inventions des hommes)...

Un lieu étrange ; une terre sans limite ; où l'on est capable de vivre avec les Autres et de jouer avec le temps ; et où l'on embrasse tout ce qui est exclu – tout ce qui n'est consenti...

Aux confins de l'esprit ; à la pointe du monde – en quelque sorte...

 

 

La vie ; comme la lune éclairée...

Des précipices et des échos ; sans jamais rien deviner des profondeurs...

Ignorant qu'à chaque geste ; qu'à chaque instant – Dieu se penche par-dessus notre épaule – notre bêtise – notre accablement – notre cécité – pour y insérer un peu de lumière et offrir (ainsi) à nos existences un peu d'espoir – quelques possibilités – une lueur suffisante pour continuer (essayer de continuer) de croire en l'homme...

 

*

 

Entre deux sommeils ; le monde – la respiration ; et cette immobilité de l'âme...

Vers l'aube – pourtant [certes lointaine ; lointaine et exigeante (très exigeante)]...

Trop – sans doute – pour l'enfant si naïf en l'homme ; l'esprit si crédule devant les choses du ciel – les choses de Dieu – les choses d'en-haut...

Reflet de son labeur dilettante et de ses prières hâtives...

Jusqu'aux origines – cependant ; jusqu'au regard affranchi – il devra aventurer son existence – transformer son voyage...

Avec mille chemins – mille paysages – mille épreuves – qu'il lui faudra parcourir – découvrir – traverser ; tant et si bien qu'il finira son périple à genoux – comme il se doit – les yeux clos – le sourire aux lèvres – finissant par se détacher de lui-même...

Allant ainsi ; n'étant déjà (au commencement) pas grand-chose et devenant, peu à peu, (presque) plus rien ; et un mince tourbillon d'air à la fin – à peine un souffle – un léger frémissement dans le vent...

 

 

Dans l'intimité (redoutable) de l'espace...

Le visage penché sur le silence...

Et le rire ; comme une respiration de l'invisible...

A l'écoute du plus haut – en soi...

Derrière ces rives étrangères ; l'inconnu...

A travers des lèvres sans bouche ; des signes sans support ; jusqu'au premier souvenir – jusqu'au plus fantasque des sauts dans la matière...

Et toujours passant – bien sûr...

 

 

Dans l'épaisseur de la nuit ; les yeux abandonnés...

A travers le temps – le cercle – le mystère ; le déploiement (sans obstacle) de la lumière...

Et cette vue dégagée à présent – imprenable – sur l'ombre – l'étendue ; le bleu (un peu blafard) du poème...

 

*

 

Comme sommeillant à la lisière du temps...

Sous le ruissellement (perpétuel) de la lumière...

Le reflet dansant de l'enfance...

Comme un rêve ; un flot d'images astreintes à la mobilité...

Une foule d'ombres (en fait) sans pourquoi...

Des regrets et des cruautés...

Ce que nous n'avons su éviter...

 

 

A nouveau l'errance...

De la joie au fond des yeux...

La suite du voyage ; aventureux (s'il en est)...

L'oubli du nom – du monde et du temps...

La liberté renaissante – peut-être...

Ce qui se presse entre nos lèvres – sous nos pas ; ce qui anime nos gestes...

Dieu sorti de l'imaginaire ; (très) spontanément...

 

 

A notre place ; en retrait – touché par le silence...

Sans résistance face à ce que l'on ne reconnaît pas...

Le soleil joyeux dans le sang...

A deux pas de l'enfance ; le regard – émerveillé...

Le ciel serré contre soi...

 

 

Ici ; à travers l'exigence de la lumière...

La source ; en suivant l'ombre à la trace...

Sans renoncement – sans (le moindre) déchirement...

Dans le sillage du vent qui tourbillonne...

La nuit et les tempêtes incluses dans ce bleu qui s'avance (quasiment) démasqué...

L'âme sans désir ; acquiesçante...

Des mondes ; et l'entière étendue ; au pied du souffle ; comme si c'était là notre seule volonté...

 

*

 

Engoncé(s) – dans le rêve – immobile(s)...

Alors que les vents poussent les ombres hors du monde...

Quelque part ; dans l'espace et le temps...

Dans le vide de la chambre ; le plus souvent...

Le ciel qui s'est, peu à peu, décollé de l'image ; et tous les songes qui ont dégringolé de leur socle bancal...

Plus que le sol – à présent ; et les cris qui repartent à l'assaut de la nuit...

 

 

Derrière la vitre ; la même buée...

Comme si un visage – des lèvres – un souffle – existaient de l'autre côté du monde ; Dieu peut-être – Dieu sans doute ; préoccupé (apparemment) par notre figure et nos (fugaces) interrogations...

 

 

A travers la roue qui tourne ; le ciel – la terre – les hommes – les arbres – les pierres et les étoiles...

Le désir puis, le silence ; l'inquiétude puis, la joie ; les temps fougueux puis, les jours tranquilles...

Et, un soir, entre ces îles étranges ; tous les seuils atteints (comme par miracle)...

Parvenu (peut-être) à la lisière du visible – aux confins du plus grossier ; de l'autre côté du monde ; de l'esprit...

Cette part de soi que l'on a (semble-t-il) rejointe ; comme rassemblé (à présent)...

Sans ignorer (bien sûr) que lorsque le cycle s'achèvera, nous referons le chemin – à l'envers ; en repassant par cet âge initial qui succéda aux premiers temps de l'origine...

 

 

Ce qu'il faut inventer de parole – de chambre – de monde...

En plus du temps – du chemin – de la lumière...

Un univers entier à l'intérieur de l'autre ; et mille possibles ; et mille passerelles – pour ne jamais entraver la liberté de se mouvoir ; d'aller à la manière du vent...

 

*

 

Miroir encore ; au fond du noir...

Étendue infinie ou chambre close ; le même ciel ; et l'âme (toujours) enchevêtrée au reste ; (parfaitement) engagée dans le geste...

Qu'importe la pierre ; qu'importe la neige ; lorsque le jour a tout recouvert...

Nul autre ; et mille fenêtres...

Au bout du monde ; au bout des doigts ; partout – son propre visage...

A présent ; simplement ici ; en sa présence...

 

 

Si fugace ; le temps du monde...

La durée de la terre ; de la chair ; des noms que l'on célèbre...

Des nuées de visages et de choses ; sous la voûte sombre ; sous le soleil sans écart...

L'instant (à peine) d'un orage d'été...

 

 

Dévoilant l'invisible ; à travers le geste...

La figure sensible...

Malgré soi ; à la manière du soleil...

Ici – à présent – le lieu de toute démonstration ; ni avant – ni après – ni préparation...

L'âme qui frissonne face à la liberté ainsi exposée ; son potentiel – toutes ses possibilités...

Le pas indéfini ; comme le trait – comme le voyage – comme le reste ; avec tous les méandres au-dedans...

Au cours de cette sorte d'exil qui traverse le temps...

 

 

Face aux têtes qui s'interrogent...

Face aux âmes qui piétinent ; qui s'impatientent...

Face aux vivants que l'on mutile – que l'on égorge – que l'on massacre...

L'indifférence des pierres ; et des lèvres qui savent...

Le silence qui s'offre ; à la manière du plus bel acquiescement ; le cœur et le regard sans exigence – heureux de ce qui est ; avec ou sans frémissement ; en dépit de ce qu'en pensent les ignorants...

 

*

 

Rien ; depuis si longtemps...

Plus même surpris par ces restes d'effacement (résidus de soi – sans doute)...

Choses et visages ; dans la brume ; indistinctement ; qu'importe ce que désigne le doigt...

La porte entrouverte du monde...

De l'autre côté du rêve – de la trame – de l'esprit...

A grands pas déjà ; vers le vide – le vent – l'autre extrémité de la perspective...

 

 

Le désir et l'attente ; trop patiemment soulignés...

Inutiles ; comme le reste...

Plutôt ce qui se manifeste spontanément...

A point nommé diraient les esprits enferrés dans le calcul et la raison...

Inséparable(s) de ce qui a lieu ; plus simplement...

 

 

Sur la pierre saillante ; l'âme silencieuse...

Au-delà (bien au-delà) du ciel grillagé gardé par des yeux fous ; des esprits délirants...

Au-delà des prières (hâtives) et de l'affairement (dévastateur) des foules...

Au-delà des images et des mots ; de ce blanc cotonneux (vaguement) auréolé de lumière...

L'esprit au cœur de l'étrangeté pour tout rendre (plus) familier...

Ici-bas ; exactement...

 

 

Dans l'indifférence des lieux – des Dieux – des Autres...

Jusqu'au dernier souffle sur terre...

Puis, la résorption de l'air – du feu – de la matière ; à travers l'agonie – la mort – le souvenir ; et toutes les possibilités du sol et de la lumière ; en attendant...

 

*

 

Malédictions encore ; au milieu des ombres ; (assez) invalidantes...

L'âme arc-boutée face aux refus ; comme condamné(e)(s) à résister aux jeux des choses – aux jeux du monde...

Les uns après les autres ; sans rien comprendre ; la longue suite des événements et des malheurs...

Et nos existences qui passent comme l'eau vive des rivières...

 

 

Pas un seul trésor dans le coffre des hommes...

Des mots – des promesses ; et son pesant de nuit ; et des rumeurs emmitouflées qui marchent en bande...

Pas une seule âme ; pas la moindre éternité...

Des cœurs tristes – des visages bouffis – qui cherchent un peu de sens ; un peu de joie ; l'esprit fuyant ; et l'ardeur rétive et grimaçante face au mystère...

 

 

Le visage diurne ; (plutôt) emblématique...

Familier du plus haut soleil...

Le regard (franchement) lumineux...

Capable d'embrasser l'ombre et les images ; et de vivre au milieu des arbres silencieux...

Existant sans nom – sans ami – sans personne...

Sans volonté – ni intention...

Sans rien ressasser ; pas même l'indicible...

Debout ; l'enfance amarrée à la nuit...

Pris dans les fils d'un ciel à la manœuvre ; ne décidant de rien ; pas même du rythme – ni du sens de la roue...

La vie ; comme un langage – un possible – une île – un chemin ; remontant le cours du temps jusqu'à l'origine du monde ; jusqu'à la source des existences...

 

*

 

Le cœur aussi bleu que la neige...

Et le ciel en contrebas...

Jardin d'autrefois peut-être où les Dieux étaient vivants...

Monde simple affranchi des hommes – affranchi du temps...

Baigné de lumière et de tendresse...

 

 

Comme l'arbre ; sur la pente naturelle des choses...

Aussi enchevêtré à l'infime qu'à l'infini...

Dans cette relation (assez) asymétrique à l'immensité...

Dénué (pourtant) de crainte et d'intention ; se laissant parfaitement guider...

Étincelant ; en étrange miroir de ce qui ne peut se refléter ; de ce que le monde (en général) ne voit pas...

Comme l'aube que nous attendons (tous) derrière la vitre ; porté(s) par cette espérance (assez) désespérée de l'inexplicable [auquel ne peut rendre grâce ni l'abondance de mots – ni la parole poétique (à laquelle l'homme est si peu sensible)]...

 

 

Au fond de la gorge ; le jour inépuisable ; le souffle lumineux ; si peu advenus – (presque) toujours inconnus...

Et le désir ; et la nuit – bus jusqu'à la déraison ; sans interroger l'absence – sans interroger l'espace – ni la possibilité d'un Dieu désincarné...

Les paupières lourdes ; entre l'extase et le sommeil...

Un long filet de bave entre les lèvres entrouvertes...

A dormir encore ; en dépit du corps redressé...

 

 

Dans la vibration du monde ; le bleu...

Qu'importe la rive ; qu'importe le chemin...

Sous le sol ; dans l'âme – disparaissant...

La peau et le ciel ; frémissants...

En ce lieu présent en tous les lieux...

Comme une lumière sur la carte et la terre ; précieuse – abondante – inestimable...

 

*

 

Auprès des arbres encore ; sous un ciel plus haut ; sans autre horizon...

Le vide ; et l'absence de temps...

Le règne du seul et de l'ensemble...

A la cime du cœur ; vers l'envol...

Au-dessus de l'abîme et des bruits...

Rien qu'en se tenant là ; parmi ceux qui écoutent ; si verticalement présent(s)...

 

 

La flèche – fichée là ; décochée depuis soi...

Là-haut ; plus haut ; au seuil de ce que les hommes appellent l'espace...

En plus de cette autre immensité – au-dedans ; l'un – prolongement de l'autre – évidemment...

La matière et la lumière ; comme démultipliées ; plurielles ; constituées du mystère ; et constituant (intégralement) tout ce qui existe ; sans discussion possible...

 

 

Au cœur de l'hiver ; désossé ; n'existant presque pas ; hormis (peut-être) dans la parole (involontaire)...

Sur la pierre ; sous forme d'énigme...

Entre le rire et l'angoisse ; quelque chose du mélange ; et, sans doute, même du nœud...

Sur terre ; au milieu des rêves qui circulent ; tentant (tant bien que mal) de survivre ; abandonnant la chair et l'ardeur à leurs usages habituels ; capitulant en quelque sorte...

 

 

Au pays de la parole sans lieu ; reliée, à son insu, à la source...

Le poème – bribes de vent – abandonné à la transparence et au temps ; allant du bleu au monde et, quelques fois (plus rarement) du monde au bleu...

 

*

 

Tous les chagrins d'autrefois dilués dans la joie d'aujourd'hui...

Les yeux – à présent – dessillés par le rire et le jeu ; la légèreté de l'air...

Comme la somme de toutes les enfances ; auxquelles on aurait soustrait le hasard et les malheurs...

Pas un adulte ; juste un peu de vent et de lumière...

 

 

Ne plus y être ; et y être encore...

Entre le désir et la pierre...

Ne nous agrippant à rien...

Des paroles comme un ciel découpé ; et offert...

Davantage – peut-être – que le monde – les étoiles et les rêves – réunis...

Mais moins que la première fleur pourtant...

Malgré l'infini qui – entre les doigts – se tend...

 

 

Le chemin-mère ; le chemin bleu...

Discret ; comme dissimulé sous les feuillages ; sur le sol persécuté...

Entre désert et désir ; les signes – le soupir et la possibilité...

La bouche toujours sèche ; parfois de trop de silence ; parfois de trop de mots...

La voix – comme les pas – qui résonne...

A se balancer entre le rire et le monde...

 

 

Partagé(s) ; à l'intérieur...

Parfois arche ; parfois fenêtre ; mais grotte, le plus souvent, où l'on aime à se réfugier ; et au fond de laquelle sont nés tous les alphabets – toutes les légendes – toutes les insomnies...

Plus proche(s) de la pierre que de la lumière ; comme le prolongement intermittent (et dispersé) de l'origine...

Éternellement inscrit(s) au cœur de cette enfance naïve et illettrée...

 

*

 

Les seules choses – peut-être ; sans hasard – le vide et l'oubli...

L'extinction de soi pour que revienne l'enfance...

La clarté primesautière ; comme un saut de la lumière – en elle-même ; et sur le monde...

Intensément ; l'absence...

 

 

 

Et tous ces vents sur la pesanteur ; pour chambouler les rites inventés par les siècles ; manière de s'assurer de la consistance de la matière – des existences ; de donner un sens à ce chaos ; à cette souffrance...

Le théâtre des vivants – entre édifice et plaisanterie ; entre funeste et espérance ; pas si loin du secret en fin de compte...

 

 

La nuit à vif ; comme le temps retroussé ; la voix qui puise dans le langage...

Un chemin à gravir ; à inventer...

Avec des ombres – des reflets – des gémissements...

Un semblant de ciel sur les vivants...

La vie ; la chair – se laissant traverser...

Dans une sorte de long épuisement sans (véritable) interrogation ; un songe – peut-être...

 

 

La lumière affalée...

Par le chemin le plus obscur ; souterrain ; aux lisières du visible...

Les yeux creusés par le souvenir...

La mémoire en galerie...

Une manière (sans doute) de se tenir dans l'écume...

Un voyage sans trace (durable)...

A travers le silence millénaire...

 

*

 

La garde – les poings serrés – abandonnés ; les genoux au sol ; inutile toute forme de résistance – toutes nos fiertés – après tant de soustractions...

L’œil-vigile pourtant ; pas dupe (jamais dupe) des filouteries de ce monde...

Là où les flèches sont tombées ; comme tant de royaumes – dans cette sordide pénombre...

De la boue façonnée sur la pierre ; légèrement érigée ; sans exception – sans lumière...

Sur ces rives où seule compte la chair...

A quelques pas de l'or – pourtant ; ce qui brille dans l'invisible...

 

 

Au-delà des pas hasardeux ; ces parts de ciel accessibles ; lorsque le temps et l'horizon se resserrent ; lorsque la route se rétrécit ; lorsque les choix n'en sont plus – deviennent d'impératives nécessités...

Ce qu'il y a ; ce qui demeure – sous les ruines – le sol craquelé...

 

 

Dans le sable ; le cœur enfoui...

L'esprit jamais rassasié de soleil...

Le silence qui (parfois – de temps à autre) interroge...

Cherchant (sans doute) une langue nouvelle pour s'aboucher (de manière opérante) avec Dieu ; l'entendre – et lui parler – autrement qu'en songe...

A travers le sang (inlassablement) propulsé par la pompe (épuisable – si fragile – si peu éternelle)...

Et les idées ; à la source...

A la limite de l'indécence – de l'épuisement ; (très majoritairement) cette traversée...

 

Comme des vagues ; le monde et le temps...

Et l'éternité pour tourner autour ; autant que pour découvrir la sagesse et le secret...

Tout ; dissimulé dans le même mouchoir ; au cœur du même cercle – le bleu et la transparence ; comme une évidence ; l'Amour – les drames – les choses – le plus futile – et notre présence ; très irrégulièrement – à la manière d'un ressac contrarié ; comme ballotté(s) entre le grand large et la grève...

 

*

 

De la couleur de l'eau ; le regard et la main – libres...

Dans l'intimité des choses ; devenu(s) elles – en quelque sorte...

Soi ; et le reste du monde – comme effacés – absorbés ; sans la moindre extériorité...

Au cœur du cercle bleu ; là où l'on naît ; là où l'on respire...

Et ce qui passe ; comme un rêve (l'impression d'un rêve)...

Une longue marche ; une longue suite de pas et de mots – pour tenter d'approcher la transparence...

 

 

Les vivants – sur leur chemin – qui laissent quelques traces ; une tanière ; une nouvelle génération ; quelques souvenirs (qui s'effaceront très vite)...

Et la pierre ; et le soleil – intacts – affranchis des choses du monde – de tous les passages – de toutes les tentatives...

 

 

De la peur ; rien que de la peur ; et qui prend racine dans l'ombre ; à la lueur d'un détour improvisé ; d'une parole proférée – pendant le passage vers le renouveau...

Et – entraperçue – cette lumière mystérieuse – insaisissable – au fond du renoncement...

En cours d'apprentissage ; les débuts (prometteurs – peut-être) de la (véritable) reconnaissance...

 

 

Au fil des pas – des saisons ; des voix – des visages – des corps et des blessures ; tant de rencontres si peu profitables...

Et des viscères à l'air (à foison) ; ici et là – pourrissant sur le sol...

Au fond du ventre ; l'origine de l'ombre...

Et le vide ; en chaque existence (invariablement) passante – et repoussante (quelques fois – il est vrai) ; et qu'importe ce que nous avons dissimulé ou conservé par devers nous ; implacablement le destin s'exprime (d'une parfaite – et impitoyable – manière) ; tout comme nécessairement extrait de sa lie – ou de sa gangue – pour se déployer ; et promis, immanquablement, au déclin – à la disparition et à l'oubli ; comme si tout, en ce monde, était soumis à la même nécessité ; comme si rien, en ce monde, n'avait la moindre importance ; comme si rien n'existait vraiment...

 

*

 

Parmi les pierres ruisselantes de pluie...

Et le parfum enivrant de la terre...

Au milieu des arbres séculaires...

A même le sol mouillé ; l'âme et les pieds nus...

Au fond des bois ; là où les hommes et le temps ne pénètrent plus...

Le visage fouetté par l'averse et le vent...

Et le cœur déjà au ciel ; bien à l'abri...

Goûtant par l’œil et la peau la grandeur – et la beauté – du spectacle...

 

 

A l'âge de la rouille...

Les yeux écarquillés ; la parole infirme...

Des larmes de joie ; là où l'être se repose...

Vivant (si vivant) ; le feu à l'intérieur...

Pour soi seul ; à présent...

Au seuil de l'autre monde...

Ivre de ces lignes bleues que d'une main légère – que d'une main joyeuse – le ciel dessine ; quelques signes – quelques traces – qui caressent – effleurent à peine – la terre – ces rives isolées où nous vivons...

 

 

Tombeau vide ; autant que la vie...

Corps-sarcophage et cénotaphe ; morts et vivants...

Bien que tout soit cousu ensemble avec le vent ; nul ne voit ; rien n'est vu...

Les bourrasques – sous les paupières – essayant (pourtant) de soulever les ombres et les voiles ; et de révéler le lieu de l'innommable...

En vain (pour l'heure) ; tant la terre est lourde ; et la multitude indigente...

Rien que du bruit ; de l'absence et des yeux fermés...

 

 

Là où le ciel recueille ; et rassemble...

Sans commentaire sur la danse et les reflets...

Ni mot – ni image...

Le cœur noir – pourtant ; nous enfouissant...

Dans un enchevêtrement de gestes et de fatigue ; le poids de l'obscur – comme un écrasement...

 

*

 

Aux abois ; le cœur apeuré ; face au temps qui passe ; sans rien savoir ni de la source – ni de la destination – ni du voyage...

Toujours – entre la fin et le recommencement...

Et cette angoisse violente qui pousse la tête à prévoir ; à accélérer ; à anticiper ; sans jamais vivre – et en oubliant (bien sûr) l'essentiel...

Comme une hantise obsédante ; et qui devient la (seule) réalité...

Des yeux tristes sur une existence – un monde – un ciel – trop lointains – si peu réels – si peu vivants – si peu habités...

 

 

Toutes ces choses déchirées ; autour de soi...

Et dans ces gestes ; le fond de l'âme...

Le cœur chaviré par tout ce noir...

Au plus sombre du rêve – sans doute...

 

 

A chercher – sans cesse – ce qui résiste ; ce qui se maintient – ce qui demeure ; alors que tout s'use – se délite – s'efface...

Innombrables ; dans le sommeil – l'illusion...

L’œil engorgé par ce trop plein d'images ; comme hagard – égaré – délirant – dans le brouillard...

Au seuil (pourtant) de tous les mondes ; sans rien voir – sans rien comprendre...

Et tout qui se dissipe – qui disparaît – déjà...

 

 

Face aux grands chiens des collines ; farouche(s)...

Au cœur de la forêt foisonnante...

Le regard fauve ; fébrile...

Dans cette lumière du soir...

Sous les apparences de l'automne ; le jour qui se retire...

L'âme (encore) désirante qui s'approche...

Dans l'écume du plus sauvage...

Aux marges du monde ; notre tentative d'habiter au plus près de la lumière – au fond de notre trou – dans l'oubli de l'humain ; quelque chose qui, peut-être, se dessine...

 

*

 

A distance de soi – encore – quelques fois (de temps à autre)...

Hanté (toujours) par ce qui bouge ; les bruits ; les malheurs qui courent devant nos yeux...

Les arbres – les pierres – les rivières – que nous chérissons...

Et les bêtes ; nos égales devant Dieu ; et ceux qui les assassinent...

Cette fraternité d'enfance qui se risque hors du cercle des conventions (très au-delà du plus commun)...

Plus folle – et plus sage – que les rêves des hommes...

 

 

A travers la boue dispersée ; l'ineffable toujours...

Sans question – sans réponse ; abandonnant la vérité à ceux qui la cherchent encore (assez désespérément) ; et leur laissant aussi la nuit ; et leurs églises ; et leurs prières...

Épaule contre épaule ; au milieu des cendres ; quelque part – avant l'aube...

 

 

L'épreuve du vide ; au cœur de l'abîme...

Et toute chose considérée comme une charge – un encombrement...

Dans le silence nu des pas qui tâtonnent ; sur le fil tendu entre le temps et l’absence de temps...

Au-dessus (bien au-dessus) du royaume des hommes ; là où le vent s'avère un allié crucial et dangereux...

Le destin et la mort ; en équilibre – sur le balancier...

Si loin du sommeil – de l'écume – de l'imposture...

En ce lieu où règne – en souverain solitaire – l'oubli...

 

 

Des pas dans la nuit ; dans la neige...

Sans se hâter ; la chair et le temps (minutieusement) programmés...

Derrière les rideaux du monde ; ce que l'on imagine ; sur cette terre – cet espace inventé – sous un ciel trop haut – inaccessible – impénétrable...

 

*

 

Dans les herbes hautes de la terre...

Auprès du mystère ; des adieux incessants...

Le visage face à la vérité...

Le pressentiment de l'abordable...

Sans doute (sans aucun doute) sur les chimères qui rassurent les hommes...

L'ardeur de l'âme au contact du réel...

Et l'inconnu qui chasse toutes les croyances – toutes les certitudes – toutes les illusions...

La grâce et la lumière ; dans l'instant (pleinement) vécu...

Et le vent qui cingle (qui continue de cingler) la chair du monde...

 

 

Le geste poétique ; sans intention – la tête effacée...

A la place de la nuit ; le sourire...

Penché non sur le mot mais sur le vide...

Le visage accroupi...

En ce lieu déserté par les hommes...

Et tous les arbres ; et toutes les bêtes – autour de soi ; la peau à portée de tremblement...

Vers le jour – la fraternité – la transparence – (substantiellement) partagés...

Ainsi vécues ; les joies essentielles de l'effacement...

 

 

Dans la tension du nombre...

Trop solitaire(s) ; trop peu solidaire(s) – pour tendre les bras...

A distance ; de plus en plus loin à mesure que le rêve se déploie...

Des voix incomprises ; et (très largement) inentendues...

Dans la cacophonie de la multitude ; chacun dans son coin...

A l'ombre des Autres ; et le soleil trop bas (de biais) pour offrir sa chaleur et sa lumière...

Comme enclos dans le périmètre (étroit) de l'obscurité et de la peur...

 

 

L'enfance en fête...

L'âme ragaillardie...

A jouer avec le ciel et la boue (d'une manière assez différente)...

Entre la chambre et le ciel...

Et ce qu'il reste à découvrir ; et ce qu'il reste à traverser...

 

 

La terreur accréditée ; et la terre (étonnamment) consentante...

Irrépressiblement la proie...

Que le regard et le souffle s'habitent ou qu'ils fassent défaut...

Perdu(s) à jamais ; dans la trame des chemins ; et la cendre à venir...

Sans retour possible ; sans même la possibilité d'un ailleurs...

 

 

Du côté du monde trop crédule...

Dans la naïveté du même visage...

L'âme bouleversée par le sang ; et le sentiment de l'étrangeté...

Le chant discret ; variable mais (fondamentalement) inchangé...

Qu'importe l'importance que l'on accorde aux ombres – aux songes – à la mort – au mystère – aux vivants – à la vérité...

Ce que nul encore ne sait ; mais auquel l'histoire, un jour, donnera raison...

 

*

 

Le cœur touché par le plus simple ; cette fraternité sauvage ; sous les mêmes étoiles que les hommes – pourtant...

La terre naturelle – authentique ; véritable peut-être ; sans croyance – sans préjugé – sans interdit...

Le règne du passage et de la nécessité ; le règne de l'éphémère et de l'essentiel...

L'appartenance et l'indistinction sur chaque visage ; relié(e)s (très) instinctivement...

Et le pressentiment du plus proche – du plus profond – du plus commun ; ce qui manque – si cruellement – à l'esprit humain...

 

 

L'ardeur intacte ; au-delà de toute intention ; de toute conviction...

D'encre et de ciel ; cette parole qui serpente entre l'incertitude et l'inconnu...

Dieu ; sur ces rivages – déguisé en un peu de lumière ; en un peu de poésie ; et que ces siècles méprisent ; comme si les cœurs – comme si les mains – comme si les bouches – avaient effacé jusqu'à la possibilité de la tendresse – de la mansuétude – du détachement...

 

 

Le cœur ; prêté (pour quelques instants) pour s'essayer au chemin...

Aux côtés du monde ; et du silence...

Et la couleur du destin qui, peu à peu, apparaît – se dessine...

A portée (toujours à portée) de lumière ; en dépit du sombre que l'on côtoie...

Comme le vent dont le chant se renouvelle ; et s'éternise...

Comme un clin d’œil au temps qui a prolongé l'origine...

 

 

La vie simple ; (éternellement) voyageuse...

Invariablement ; entre ciel et terre...

Sans rien chercher ; la route – ce qui apparaît...

Ni doute – ni pensée ; la main tendue...

Et ce que l'on traîne ; dans notre sillage ; la parole qui s'offre sans attente...

Comme de petites pierres – au milieu des rêves ; un peu d'infini au cœur de l'infime ; sous des yeux (presque) toujours trop lointains...

 

*

 

Au commencement du rêve – du monde...

L'anarchie des premiers instants ; ce qui précéda le givre et la danse (interminable) des pénitents...

 

 

Sans étonnement ; la lumière...

Le lieu désert ; et l'infinité des liens...

Le retentissement des sons...

Au milieu des bêtes et des bois...

Témoin(s) de l'aube qui s'étire ; et que le jour absorbe...

Mille choses transparentes ; au lieu de la fumée du monde...

 

 

Au cœur de cette fraternité silencieuse ; immense...

Loin des murs ; loin des Autres...

Ensemble ; comme si de rien n'était ; comme si la vie – le monde – la mort – avaient été (parfaitement) compris – accueillis – apprivoisés...

 

 

Invisibles ; le lieu et le visage...

Ce qui s'avance – en nous – en silence...

Ces chemins que nul n'emprunte – que nul ne (re)connaît...

En soi-même ; si profondément...

Cette lumière qui éclaire ces heures sans soleil...

Comme au fond de l'âme ; et au fond du crâne ; oubliée...

 

 

Le souffle ardent ; intensément solitaire...

A travers le monde – le pas – le vent – la poésie...

Et les bêtes dans leur passage ; et certaines âmes dans leur voyage...

A travers ce qui monte ; la source inconnue ; apprivoisée...

Le poids de ce qui s'en va ; et la légèreté du reste...

 

*

 

A bras-le-corps ; la distance...

Au cœur de cette (perpétuelle) oscillation entre l'Un et le reste (ses fragments – sa progéniture – son prolongement)...

De la chambre à l'inquiétude ; et de l'inquiétude à la lumière...

Et le recommencement du cycle ; sans fin – à travers la matrice qui enfante (sans jamais s'interrompre)...

D'un corps à l'autre ; d'un univers à l'autre...

Et l'aube – chaque jour – comme une nouvelle épiphanie ; qui s'élève entre les rêves et les étoiles ; au-dessus des figures émerveillées...

Quelque chose, à chaque fois, de la naissance du monde...

 

 

Toutes les couleurs ; à travers le bruissement du langage...

De l'érection à l'effondrement...

Par lambeaux ; par pans entiers de ciel...

Ainsi (sans doute) jouit-on de la solitude ; ainsi (sans doute) s'expérimente toute poésie...

 

 

A l'heure (sombre) des cendres ; la poussière et le silence...

Au-dessus du monde ; des songes (une multitude de songes) ; et autant de souvenirs...

L'esprit triste et assoupi ; avec le parfum (enivrant) des fleurs – et le flot (incessant) des larmes – qui accompagnent le (grand) sommeil...

Le visage livide ; le cœur défait...

Seul ; à l'autre porte ; et (encore) si près de ce monde...

Au seuil des rives oubliées...

 

 

Dans l’œil – et le ciel – de l'oiseau ; parfaitement ouverts – dépliés...

Au rythme de la danse ; le voyage ; cette ronde (interminable) autour de soi...

Avant l'entrée dans le cercle silencieux ; et ce qu'il faut d'écoute et d'entente pour se rejoindre – se retrouver...

Auprès de l'ensemble ; toujours (très) harmonieusement ; en dépit des apparences ; et n'en déplaise aux inquiets – aux alanguis – aux grincheux – que chagrinent toutes les circonstances...

 

*

 

Rouillée la hache ; dans l'herbe mouillée...

Rouge et rosée...

Comme la parole et le visage ; parfois ruisselants – parfois abandonnés...

Le prolongement (consenti) de l'origine...

Jusqu'à la courbure – parfois dramatique – de la lumière...

Nul gain – nulle perte ; ni vainqueur – ni vaincu – (pourtant) en ce monde...

Le franchissement du miracle ; la seule possibilité...

 

 

Des lieux ; des épreuves...

Rien auquel on ne puisse échapper...

Des Autres – des pierres – des flaques de boue...

La clarté fangeuse du monde ; et des angles où se cogner ; et des arrêtes où s'écorcher...

Mille choses ; et autant d'obstacles que d'accablements...

Ce qu'il (nous) faut nécessairement endurer...

 

22 juin 2023

Carnet n°292 Au jour le jour

Avril 2023

Le passage offert ; et que l'on obture – peu à peu...

Au fil des pas ; le merveilleux (par intermittence)...

Les yeux (trop souvent) ligaturés...

Comme emporté au loin ; là où commence la mémoire...

Dans le prolongement indéfini de l'élémentaire...

 

 

La matière, peu à peu, retranchée...

Se creusant ; comme les bruits et la langue...

A ciel découvert ; qu'importe l'ampleur de la faute ; l'ampleur de la faille...

La (simple) continuité des choses ; du voyage...

Comme condamné(s) à l'éternelle étrangeté du vivant...

A supposer (bien sûr) que nous existions...

 

 

Emporté par la parole qui nous assaille – qui nous martèle ses fables (ses croyances) ; et qui nous soustrait (trop souvent) au plus vrai – à ce qui (se) rapproche de la vérité vivante..

Hors du monde ; l'horizon ouvert – l'âme offerte ; le vide qui (enfin) se révèle...

 

*

 

La nudité accueillante...

Sous la lumière crue du jour ; le monde...

Les mains jointes (quelques fois)...

Le souffle déployé...

A travers l'esprit...

Et les lèvres tremblantes...

L'âme au bord du sommeil...

Près du refuge des bêtes...

Le Dieu vivant ; au-delà du rêve des hommes...

Le reflet grossissant du ciel dans les yeux confiants...

 

 

En dépit de cette présence sans fin – immobile...

Au milieu des rêves et des fantômes...

Des pierres et des étoiles...

Les lèvres serrées sur l'écume ; à l'image des cœurs crispés et des mains saisissantes...

Dans notre bain de boue quotidien ; cette frange du monde...

 

 

La tête dressée ; hors des siècles ; alors que l'asphalte se déroule ; alors que le voyage continue...

S’affranchissant (peu à peu) de la gangue...

D'un espace à l'autre ; vers les hauteurs ; l'immobilité...

Le cœur ouvert ; et les pieds (encore) dans la fange...

 

 

A l'abri ; dans les bois...

Enveloppé par le bleu souverain alors que partout ailleurs la violence sévit...

Le jour dans les yeux ; naissant – alors que les hommes s'obstinent à repeindre le monde ; en couches sombres qui alourdissent le poids du mensonge ; et qui opacifient les voiles déjà épais qui recouvrent la transparence – la lumière...

Comme un obstacle à vivre ; le rêve porté au pinacle ; pour le plus grand malheur du reste...

 

*

 

La terre – au milieu des étoiles ; comme un bain d'enfance...

Encore la nuit ; malgré la couleur – la lumière...

Et ce bleu ; sous les arbres...

A l'abri des lourdeurs humaines ; des horizontalités trop grossières...

Un anneau à chaque doigt...

Et le cœur au fond du regard ; à mesure que les noms deviennent fenêtre ; à mesure que l'espace remplace le monde – la fièvre – le rêve ; à mesure que disparaît l'écume...

 

 

Dieu ; plus intensément...

Autant que l'âme et la matière...

La terre si haut perchée ; le ciel si accessible...

Plus ni exil ; ni étrangeté...

L'étreinte – le silence – l'origine...

Moins (bien moins) distrait qu'autrefois...

 

 

Face à ce que l'on croit ne pas être...

Dressé ou aplani ; nous désolidarisant en cas de malheur – en cas de menace...

Gardien du peu ; de l'infime – face au reste ; sur la balance du dérisoire...

Alors que vit – s'offre et se déploie – devant nos yeux – l'inespéré...

 

 

Parcourus ; le monde et le refus...

La route dans le vent...

Et l'intériorité qui affleure ; sous la peau – les paupières...

Face au ciel ; la paroi contre le dos...

Et ce silence – au milieu des cimes ; sauvage(s) – nécessaire(s) – paroxystique(s)...

Les lèvres grandes ouvertes...

Avec déjà l'essentiel en soi ; au milieu du fouillis des images...

A la recherche d'une chambre – d'un passage ; un lieu qui servirait (à la fois) de refuge et de tremplin...

 

*

 

Carré de pierre – de ciel...

Tout penché(s) contre nous...

A écouter la parole des arbres ; et la sagesse ancestrale...

Face à la lumière à peine voilée par la danse des hommes...

Le visage (une partie du visage) recouvert(e) par les fables du monde...

Bras écartés ; sans (jamais) se dérober à son destin...

 

 

Dieu au cœur des dissemblances...

Bien que chacun brandisse (avec force) ses croyances ; son identité...

Ni ciel – ni halte ; dans les mouvements...

A chercher le souffle et le secret ; malgré l'obscurité et l'indifférence de ce qui nous entoure...

La main incertaine posée sur l'infini qui s'esquisse...

On a beau s'approcher – ou s'éloigner ; ni (franchement) proche – ni (franchement) lointain ; jamais séparé de la source – en vérité...

 

 

Comme respirant dans l'interstice ; indigemment...

Autour de soi ; le monde – l'air – l'eau – la terre – pollués...

Des formes de vie (sans doute – les plus grossières) drapées d'un peu de matière...

De l'argile maladroitement façonnée...

Et le surcroît laissé au fond de l'âme ; derrière les yeux...

Au milieu de tous ses congénères...

 

 

Le cœur comme un bloc ; soustrait aux risques...

A ses propres yeux ; comme la soif...

Et ce que nous refoulons plus loin ; par-delà le regard et les confins...

La chair – au-dehors – déchirée par tant de coups ; les brimades d'un monde indifférent...

A nous reconnaître – trop peu souvent – en l'Autre...

Au milieu des griffes et des crocs ; au milieu des dépouilles et du sang...

Au cœur de ce chaos – sous les orages et les tempêtes ; le front et l'âme qui, peu à peu, apprennent à s'ouvrir ; à se laisser pénétrer...

 

*

 

En soi – les chimères ; mains tendues ; aussi mortelles que le reste...

Sous la même lumière ; et les saisons changeantes...

Sans importance – sans impatience ; jusqu'au dénouement...

 

 

Au-delà des alliances ; le chemin ; et des rires...

Recueilli(s) dans ses propres bras...

La roue du temps ; inversée jusqu'à la suspension...

Puis des ondes – des vagues – des courants ; nous laissant emporter – comme une manière de savourer – et de célébrer – la fin du voyage...

Sur notre barque ; uni(s) – déjà uni(s) – à l'infini...

 

 

La peau déchirée ; et le vent...

Et la nuit dans laquelle on s'enroule ; et le ciel que l'on habille de noir...

A la manière de Dieu – des bêtes ; dans l'indifférence des yeux...

L'esprit en tête ; et le secret au fond de l'esprit...

 

 

Comme une secousse ; vers l'océan...

Ce qui se déplace d'un monde à l'autre ; l'esprit soulevé – l'esprit soulevant...

Au-dessus des montagnes et des toits...

A partir de nos lèvres inquiètes...

L'érosion qui frappe la roche ; et qui éparpille ceux qui se rassemblent pour assouvir leur faim...

Par défaut d'oubli ; ce que l'on attribue (en général) au monde – aux Autres – au temps...

 

 

Comme enroulés autour d'un sommeil cordial – sans retenue...

Accoudés au retrait et à la nuit...

Par nuées ; avançant (plus ou moins) masqués...

Colonisant la pierre...

Anéantissant à coups de piques et de pointes...

Le ciel et l'Autre – par l'embrasure – ignorés...

Et redevenant la terre ; sans la moindre larme – sans le moindre tremblement...

 

*

 

L’œil-univers posé tantôt sur la boue – tantôt sur le jour ; tantôt depuis la rive – tantôt depuis l'étendue...

Face à la lumière ; sans autre provision...

Le ciel – les choses ; sans rien changer...

Et ces visages tremblants devant tant d'incertitude(s)...

 

 

En ces lieux ; l'invisible...

Des mots – des seuils ; le soleil...

Qu'importe ce qui guide les pas ; et la parole...

Penché(s) sur le temps qui passe ; comme une eau intarissable...

Et la nuit ; et ce qui nous relie...

Comment pourrions-nous l'oublier...

 

 

Par petites touches ; les créatures façonnées...

Se dispersant ; partageant le sacrifice ; et le trésor commun...

Terre et ciel – scellés ensemble ; durant cette traversée – à genoux...

 

 

Les yeux au-dedans de la pierre...

Se consacrant à l'inventaire (inépuisable) du monde...

Parmi cette foule nombreuse – hostile – exigeante ; indifférente au labeur des Autres...

Le secret (savamment) dissimulé au fond du silence...

Et les mains qui tirent ; et les mains qui poussent ; et les cœurs qui prient et s'exaltent...

Et l'âme à la traîne ; et l'esprit étroit et retors à la manœuvre – toujours asservis à la matière...

 

 

Condamné(e)(s) à cet étrange vertige de l'arrachement ; l'âme – la tête – la chair – le monde...

Porté(e)(s) tantôt par le manque et la faim ; tantôt par l'invisible et la joie...

Sur ce fil tendu – le(s) destin(s) – par intervalles – entre ce qui emprisonne et ce qui libère...

Cherchant le souffle et la sente...

Jamais aussi près du ciel ; et de la terre...

Cette traversée de l'air vers le jour ; à égales distances des extrêmes et du centre ; au milieu de la poussière...

 

*

 

Le cœur en flammes...

Qu'importe le nom de Dieu face à l'indifférence ; face à la force du rêve qui a envahi la terre et les têtes...

La paix et l'intensité du cri...

A regarder l'invisible œuvrer sur le regard et sur le monde...

Qu'importe le degré d'embourbement de ceux qui respirent ; de ceux qui s'acharnent à vivre...

 

 

Évanouies – envolées ; les traces (si tenaces) de la souffrance...

Et l'approximation de l'exactitude au regard de l'immensité...

Et ce surcroît (colossal) d'intimité...

Sur ces berges où rien ne peut s'achever ; où la clameur du monde est (presque) toujours célébrée – entendue et répétée...

Dieu présent (pourtant) jusque dans les traits les plus obscurs...

Et le visage de l'aube ; au terme du voyage ; le commencement d'une autre vie – sans doute...

 

 

A entendre – en soi – le monde et le temps – s'écouler ; en un murmure infime...

Entre l'est et l'ouest ; entre le nord et le sud...

Au centre du ciel ; juste en face...

L'essentiel (sans même en avoir l'air)...

Assouvissant la soif – en flots continus...

Et les éclats si épars du visage ; (enfin) réunis ; (enfin) reconstitué...

A même le souffle ; et le cours des choses ; la réparation...

 

 

Au demeurant ; au milieu de l'eau – et de l'espace – sur la terre...

Le cœur au loin ; la tête en l'air ; l'âme en fête ; le corps se déployant  – marchant ; flânant auprès des autres solitudes...

Ne cessant (jamais) d'être ; à la fois surface et profondeur ; offre et réclamation ; jeu et tristesse – ensemble et élément...

De moins en moins séparé(s) ; rapprochant la chair du sol ; et le reste du vent ; la figure et le nom se laissant, peu à peu, effacer par l'infini...

 

*

 

Ce qui déborde ; comme la chair et le cri ; l'apparence d'une divulgation...

Le dedans qui ressort...

L'abondance et le noir expulsés peu à peu ; et (parfois) évacués à la main...

Dans les ornières du temps ; au cœur du plus précieux...

Quelque chose des bêtes et des Dieux...

A mi-chemin – peut-être...

Comme une floraison crépusculaire...

 

 

L'or et le monde ; tant (re)cherchés...

Comme si le cœur était équipé pour l'obscur ; les paillettes ; les chemins de fantaisie...

D'un lieu à l'autre ; sans Amour – sans pardon ; sans (véritable) possible...

L'esprit de la douleur comme seule étoile...

Sans que l'intelligence et la tendresse puissent s'inviter...

 

 

La soif au bord des lèvres...

Et le cœur froid – sur la pierre – qui attend...

Face à la blancheur ; l'incompréhensible...

Ce qui nous éclaire – peut-être...

Pour apprendre à se séparer (peu à peu) de l'inhumain...

 

*

 

Les mains pourvoyeuses de toutes les faims du monde...

Comme un consentement à l'improbable – à l'impossible – à la récurrence...

Le jeu de l'écume sous la lumière...

Entre l'excès et le sacrifice ; l'étroit chemin...

Et ces (maigres) retombées d'étoiles en guise de récompense...

Ce qui fait perdre (trop souvent) le sens et la joie ; au profit de la douleur...

Et rien pour contrecarrer le rêve ; l'irrésolution...

 

 

Au bout de ce monde ; dans un retrait – une discrétion...

Comme un éloignement du trop humain...

Une hauteur – une suspension...

Porté par les désirs du vent ; sa volonté ; obéissant...

Comme un ressort dans la poussière...

Le prolongement de l'alliance ; le trait d'union ; le prélude de l'effacement...

 

 

Du plus haut ; l'étreinte...

Ce qui – dans le cœur – est atteint...

A se découvrir ; et à disparaître...

Avec ce qui reste ; le visage à l'horizontale...

 

 

L'enfance ; à coups de rêve...

A nous débattre dans la fumée épaisse...

L'âme en feu ; et les pieds plantés dans les gravats...

Et nous encore ; sur tous les monticules de pierres...

A prier le ciel – la lumière – l'éternité...

Sans jamais consentir au repos ; asservi(s) à cette fièvre qui ne pourra nous arracher à la boue...

 

 

Nous ; mesuré(s) par cet écart infranchissable avec la transparence...

Comme un dessaisissement (involontaire) ; un chemin (indirect) vers l'abîme...

Rien de nouveau – pourtant ; sinon cette proximité du sol ; et l'impossibilité de la matière...

Qu'importe que le temps succède au temps ; que le monde succède au monde...

Blanc jusqu'à l'os ; malgré l'obscurité alentour ; malgré la noirceur des âmes...

Peu à peu – l'innocence ; en dépit de tout...

 

 

Tout réuni – dans l'espace ; la lumière – le silence – le monde – la confusion...

D'opacification en éclaircissement ; puis, le chemin inverse – invariablement...

Comme face à la montagne ; la même route – la même illusion...

 

*

 

A se résoudre au feu – à la bêtise – au sacrilège ; à la matière malmenée...

Comme de la fumée entre le sol et le ciel...

Au-dessus des pierres ; et au-dessus des siècles...

A coups de boutoir – sous la même étoile...

A consentir jusqu'au rêve – jusqu'au sommeil – jusqu'à pactiser avec les forces les plus noires – les plus souterraines...

 

 

Paroles et pas impatients – désincarnés...

Porté(s) par le tourbillon des chimères...

Avec sur les épaules (sur toutes les épaules) le poids du monde et le silence...

Défaisant (presque toujours) le plus simple ; au profit de l'ombre...

A vivre comme derrière une vitre ; avec tant de morts et de fantômes...

L'âme ; jusqu'à la moelle – rougie par la colère et le sang...

  

 

Pourquoi Diable – de passage...

Si peu équipé(s) pour les réponses...

A travers la tête ; (trop) aveuglément...

A s'imaginer percevoir le réel ; le temps qui s'écoule...

Le front obstiné ; obscurci...

Bricolant des solutions avec quelques bouts de ficelle trouvés sur le chemin...

 

 

Des origines à l'âge de la poussière ; durable – indéfini ; instants passagers certes...

A force d'exalter le souffle...

Une face amoindrie – accaparée ; et l'autre culminant au-dessus du sol – dans les hauteurs d'autrefois ; inchangées – inaltérables...

A moissonner les intervalles – les interstices – les anfractuosités...

Aux jointures de la parole et du rêve ; au lieu de poser les premières pierres de l'ascension...

 

*

 

Quelques traces (quasi) enfantines...

Entre la faim et la barbarie...

Au milieu des nuées de créatures dispersées dans l'invisible...

Et l'énergie qui, peu à peu, se structure – s'affine – se singularise...

Comme des ondes – des soubresauts – sur la terre ; dans l'eau et l'air sombres...

Avec des géniteurs unis par la même cause...

Et le jour descendu qui s'attarde un peu...

Entre mille nécessités ; la folle histoire de la métamorphose...

 

 

D'un monde à l'autre ; la parole prophétique...

Accompagnant l'obscur et la douleur...

Dans le bruit ; d'une extrémité à l'autre...

De mort en mort ; et entre les intervalles – la possibilité du renouveau (ou, au pire, celle du recommencement)...

A peine existant(s) depuis (presque) toujours – pourtant...

 

 

A l'instant du seuil ; les alentours...

Aux limites du rêve ; le monde des choses...

De l'abstraction à la totalité...

Comme un (très) progressif éclaircissement de l'esprit...

 

 

La figure mortelle désavouée...

Une manière d'éradiquer toute croyance...

Invoquer le silence plutôt que la raison ; et déployer l'esprit plutôt que l'idée du monde...

Le vivant à cheval sur la douleur et la mort ; et qui, peu à peu, s'en écarte (et qui, peu à peu, apprend à s'en écarter)...

Vers le seul appui – en soi – la blancheur ; et l'innocence du sol et de l'espace...

 

 

Ainsi constitué(s) ; jusqu'au réveil (plus ou moins rapide) de l'insatisfaction...

Par le truchement des traces suivies et la lucidité...

Une manière d'interrompre la tradition et d'initier un mouvement singulier (éminemment subjectif et personnel) visant à révolutionner le regard – la perspective – le geste et l'élan...

 

*

 

A extraire les traits du jour par les veines...

A reprendre en chœur le sang qui pulse...

D'une terre à l'autre par la même rive ; longue et continue...

A se détourner de la séparation ; et de ce qui éloigne...

La main caressant ce qui pleure ; et la figure penchée sur le reste...

De (très) bon augure ; cette présence – cette attention...

 

 

Loin des horizons communs...

L'angoisse (presque) entièrement consumée...

Au rythme du chant terrestre entonné pour (presque) rien ; vers le vide et la transparence...

Une sorte d'illumination invisible...

Avec tous les arbres et toutes les bêtes serrés contres soi ; et l'âme bercée par le mystère et la langue...

Et ce besoin d'aube et de solitude ; à partager de manière (parfaitement) équitable...

 

 

Minuscule ; comme oblitéré...

Et condamné au silence...

Un peu à l'écart du rêve – du monde...

Né avec l'apparition du jour...

Et mêlé à l'enfance et à la poussière...

Du début des âges ; comme la roche qui s'élève...

La perpétuelle réitération du voyage...

 

 

A travers la tête ; la pensée intarissable...

Le désir de l'homme ; face au manque – face au froid...

Simple particule au milieu des Autres – au milieu du reste...

Un peu partout ; et déjà fractionné(s)...

Dans les interstices du jour...

Entre la lumière et l'infini ; en dépit des apparences...

 

*

 

En chemin – entre le vrai et ce qui brille ; le cœur attiré...

Comme un sillon ouvert parsemé de rouge et de jaune...

Et sur fond de transparence ; l'espoir – la misère et la joie ; indistinctement...

De plus en plus immobile à mesure que l'immensité se rapproche – nous recouvre – nous efface...

 

 

Les signes de la fièvre peints sur les lèvres ; la parole hâtive ; inattentionnée...

Loin du murmure ; et de la suggestion...

Des airs d'absence alors que le ciel s'abaisse – se découvre – se révèle...

Entre l'infini et le néant ; les paupières fermées...

Le chant qui couronne l'ombre et la nuit...

Les yeux gonflés d'images ; la tête comme déformée ; et parfois (trop rarement) des ailes qui se mettent (spontanément) à pousser...

 

 

Suspendu(s) au rêve de l'indifférence...

Brinquebalé(s) pourtant...

Et nous dérobant (essayant de nous dérober) pour ainsi dire...

Émergeant (à peine) des éclats ; et bien décidé(s) à nous enfuir au plus vite...

D'ici jusqu'au point de ralliement – le lieu où se rejoignent les corps ; le lieu où se dispersent les âmes...

Jusqu'à ce que disparaisse toute cécité...

 

 

Aveuglément ; sans s'interroger...

Nous consolant de l'infime et du dérisoire...

Aplanissant les (minuscules) anfractuosités ; et remplissant les trous et les failles ; alentour – à notre portée...

Insecte(s) en quelque sorte – rivalisant de ruses et de déguisements pour s'approprier une parcelle – se construire un abri – et bâtir ce que les hommes appellent une existence ; les pieds et l'âme encore plongés dans la terre et l'insignifiance...

 

*

 

Un feu, parfois, pour enflammer les rêves ; faire taire les cris ; et réserver à la chair la promesse de l'étreinte...

Puis, attendre la joie qui envahira les cendres...

 

 

Le corps comme une étoffe qui flotte au vent...

Bout de ciel et de pierre ; si maladroit sur ces rives hostiles et grouillantes...

En dépit des apparences – conçu pour des lignées verticalisantes...

Édifiant depuis le plus bas – à hauteur de poussière...

Et cherchant (encore) à se baigner dans le sens des eaux...

Vers la terre ; toujours courbé ; malgré la voix et la prière...

 

 

Au jour précédent ; le peu de partage...

Étendu sur le flanc...

Servant de reflet aux étoiles...

Et jetant les pierres aussi loin que possible pour élargir le monde ; agrandir le territoire et l'enclos ;

La croix toujours sur l'épaule...

 

 

Sans cesse oscillant entre hier et demain – entre le centre et la périphérie ; comme si les lieux et le temps existaient réellement...

Bout(s) d'espace – seulement...

Dans le rire et la joie révélés ; malgré la tristesse et la souffrance apparentes...

Des tourbillons de poussière ; une figure ; quelques vibrations à même la trame...

Qui que nous soyons...

 

 

Dans la différence ; rassemblé(s)...

Sans qu'interviennent ni le parcours ni les commentaires...

Comme un franchissement ; quelque chose de nouveau ; à la fois seuil et prolongement...

Surprise sans précédent ; et s'amplifiant à mesure que nous nous effaçons...

 

*

 

Ce que nous n'abandonnons pas ; à sa botte...

Penché sur les saisons qui passent...

Et la lune ; magiquement ; et notre (lente) absorption...

Quelque part entre le désir et le rêve...

Dans cette faille qui ouvre l'espace ; et déplace les frontières...

Jusqu'à nous dessaisir de toutes possibilités...

Devenant ce qui voit ; sans les mots...

Ici – ailleurs ; comme une fenêtre éclairée...

 

 

Le regard ; comme un soleil noir...

Métamorphosant le pays de la mort...

Et dans son sillage ; ceux qui vivent – ceux qui croient – ceux qui boitent et bâtissent...

Infirmes ; toujours infirmes – quelque part...

De l'or plein les mains ; et (toujours) derrière la vitre...

Dans la profusion des pierres et des promesses...

Si loin encore de ce qui excède le désir...

 

 

Nous-même(s) ; comme figurant(s) ici...

Aussi bien que la parole ; comme un bruit – un décor – anonyme(s) de plus en plus...

Voix et silhouettes évanescentes émergeant du rêve et du sol...

Intelligibles par le cœur attentif...

Et comme des traces noires pour les Autres...

Quelque chose entre la douleur et la joie ; guère compréhensible (assurément)...

Puis, le silence ; la disparition de l'extérieur aussitôt suivie par notre effacement...

Nous-même(s) ; sans autre possibilité ; ne figurant plus même ici ; ni ailleurs...

Comme partout à la fois...

 

 

Allant là où cela doit être...

Entre le jour et le reste ; plus rien...

L'obscur révélant sa nature...

Parvenu comme autrefois ; en ces temps de toujours...

 

*

 

Comme l'eau ; libre de sa destinée...

En tourbillons de ciel ; dévalant les reliefs de pierre ; serpentant à travers les rêves...

Dans le sens du vent...

Autant de signes d'obéissance...

Effaçant – avec le reste – les (risibles) traces des hommes...

Pas même une entaille sur la peau ; et pas la moindre empreinte dans l'esprit...

 

 

Ramassé à la dérobée ; le trésor...

Les mains chargées de présent...

Cassant la pierre à coups de joie...

Offrant l'inconnu comme une caresse...

Et sur le chemin de la cendre ; des carrefours et des étoiles...

Tout ce dont le cœur a besoin...

 

 

Ainsi la parole ; plus faille et obstacle que tremplin ; plus réponse que découverte ; plus rempart qu'issue...

A ce point que le nous (jamais) ne peut être suspendu...

Simple prétention de la tête ; qu'un bruit infâme – un relent méphitique des temps passés ; sans jamais permettre ni la rupture – ni la jonction...

Aussi désarmé(s) avec que sans ; et plus empêtré(s) encore (sans doute)...

 

 

Redoublant de peines pour moins de clarté...

Poussière structurée qui entrevoit son passage ; sa durée (approximative) et sa disparition (apparente)...

Du côté de ce qui est plutôt que du côté de ce qui pourrait être (pour le meilleur) ; et inversement (pour le pire)...

Si malhabile encore ; et pas même à mi-chemin...

 

*

 

A tout cela ajoutés ; la nuit – le jour – la proclamation – toutes les naissances et toutes les morts...

Et le labeur supplémentaire pour nous faire taire au seuil du silence...

La paix en son cœur ; et l'étoile derrière la vitre...

Tout à sa place ; l'âme – le monde – le reste ; et nous qui avons disparu...

 

 

A crier plus haut que le ventre ; fort heureusement...

Entre les Autres et le ciel ; à cette place étrange...

Au-delà de l'image ; au-delà de l'espérance...

A la jonction et dans le prolongement ; maillon (exactement) de tout ; esprit et matière ; danse et épaisseur...

Sans séparation ; dans l'indistinction du cœur commun – du cœur uni ; l'entièreté de l'espace ; ondes et particules...

 

 

A la marge ; ce désir d'éclats...

Entamé par la saisie ; et l'impossibilité du renouveau...

Affleurant – à peine – durant la traversée...

La même figure ; se succédant (de manière perpétuelle)...

Jusqu'à l'émergence de la blancheur ; jusqu'à la fin des temps...

 

 

Hors d'atteinte ; la tête très près (tout exprès)...

Aveuglément ; les déplacements...

Sur le sol venteux ; dans la poussière qui tourbillonne...

Le cœur crispé sur la question...

Ce que l'on a vu ; et ce que l'on a entendu dire...

L'espace de quelques instants...

A obscurcir le front avec le rêve – le monde – la nuit...

Comme si rien ne s'était interposé entre nous et la lumière ; ce que nous découvrons (bien sûr) au fil du chemin...

 

*

 

Le Dieu vivant sous l'apparence...

Au plus près de l'ardeur ; et de ce qui brûle...

Dans tous les mouvements qui nous animent ; choses – êtres et astres...

L'univers en marche ; s'éclairant – se dissipant...

Jamais loin ; jamais au-dehors...

Contre le silence ; la tête foudroyée...

 

 

Le souffle sous l'apparence de la cécité...

Plus qu'une couleur ; des vibrations...

La fièvre qui nous agite ; et le sommeil qui nous saisit ; qui nous assomme...

Et dans le ciel aussi ; au demeurant ; sans la moindre exception...

Par-dessus les cimes du temps ; quelque chose d'éclairé – de lumineux...

Si violemment – si nécessairement ; comme l'encre qui gicle – qui se répand – qui envahit le carré blanc ; et qui colore l'âme (les âmes peut-être – espérons-le) de son bleu céleste...

Sur nous ; pauvre matière – la patte céruléenne...

 

 

Sans un seul mot retenu...

Et le même silence entre ; et à la fin...

Un chant ; à la manière de l'incertitude...

Le rêve et le vent tissés ensemble...

Non pour dire ; pour célébrer ; et la joie que cela offre ; un rayonnement peut-être...

Qu'importe l'obscur ; qu'importe l'insignifiance ; lorsque l'élan et le trait obéissent à la nécessité...

 

 

Entravé(s) ; par intermittence ;

D'un intervalle à l'autre ; les interstices de la chair et du rêve que la mort interrompt...

La marque (presque toujours) de la confusion et de l'emportement...

Jusqu'à l'avènement de la lumière ; cette étrange liberté...

 

*

 

Trop de terre dans la tête ; dans le sang...

Et le désir dans son expansion contrariée (pour le moins) ; invalide ; dans ses tentatives (infructueuses – il va sans dire) d'affranchissement de la pierre...

Poussé jusqu'au mutisme – jusqu'à la sidération ; tant son impuissance est patente ; tant son ambition est entravée...

Au cœur de la matière – pourtant – le plus grand soleil...

 

 

Dans l'Absolu du monde ; si mystérieux...

Épaule contre épaule ; et le souffle inégal...

A la lisière du signe ; le commencement – la solitude – le voyage...

Ce qui nous échoit (ce qui devrait nous échoir) ; avant l'étape du rougeoiement ; prélude (inévitable prélude) de la disparition et de la lumière...

L'au-delà du ciel – de l'écume – du langage...

 

 

L'évidence du sol – du souffle – du centre...

D'un lieu à l'autre ; sans se déplacer...

Dans la jonction ; la (perpétuelle) continuité...

Alignés ; sous la lumière...

Comme si la nuit n'existait pas...

Comme si l'aurore était une invention...

 

 

Cette (intrigante) confusion entre la figure et la poussière...

Comme un rêve qui scintille – accidentellement – à travers le gris (et l'opacité) des yeux ; et qui attend le vent et la mort pour disparaître...

De proche en proche ; et toujours le même éloignement...

 

 

Cet étrange vertige face à l'apparition – face à l'usure – face aux sévices du temps...

A la cime de l'insuffisance ; les yeux – l'homme – l'esprit – confrontés à la terre (cet amas de particules et d'images) qu'ils ont, eux-mêmes, inventée ; rive blanche pour les uns ; tertre sombre pour les autres ; et transparence pour quelques (rares) privilégiés qui ont su percer l'épaisseur (et l'insondabilité du mystère)...

 

*

 

Chaque jour comme un surcroît de ciel...

Sous l'étoile montante ; la terre claire...

Sur le seuil ; comme l'arbre et la fleur...

A la jonction des invisibles...

La chair simple ; et le rouge au cœur...

 

 

Communiant avec les âmes douloureuses de ce monde...

De nuit en jour crépusculaire ; le ciel bas (si bas – pourtant – quasi accessible à celui qui saurait hisser son cœur au-dessus du sommeil)...

La paix en feu ou sous les cendres de l'hiver ; et la joie qui ne s'enflamme qu'en rêve...

Le temps long (diaboliquement long)...

A croire (encore) aux vertus des images et du songe...

Célébrant l'espérance et l'illusion...

Attendant l'impossible offert par un Dieu qui habiterait le ciel – la prière – l'extase – le dehors ; jamais ni le monde – ni le dedans ; ni le plus quotidien ; comme une main tendue qui nous sortirait du brasier – des enfers ; qui nous préserverait (nous autres pauvres créatures) de toute immolation...

Entre foi et affolement ; avec des âmes damnées vouées aux supplices de la géhenne et des âmes à sauver de ces rives en perdition que l'on s'obstine (toujours) à recouvrir d'autels et de prédications...

Hors de soi ; comme la seule condamnation...

 

 

(Parfaitement) indissociable du reste (de ce que l'on perçoit habituellement comme le reste)...

Ici – au plus près ; qu'importe ce qu'en pense la tête...

A travers le rêve ; la clarté...

Polycentrique ; comme les reflets de la même source...

Ce qui fait jour pour se rejoindre ; après tant de siècles de fondrières – de cécité sans interrogation...

 

 

La parole fractionnée ; et (bien sûr) invisible – inaudible ; comme soustraite du monde...

Traits – traces peut-être – imperceptibles par les yeux et les âmes obstruées – prétentieuses – indolentes...

Éprouvée (pourtant) depuis les profondeurs...

A l'altitude appropriée...

Au cours de la double séance du jour ; habitée (peut-être) par ce qu'il y a de plus présent sur cette terre...

Et seulement interrompue par elle-même ; et le silence qu'elle porte...

 

 

Comme le rêve ; l’œil rieur – face au monde – face à ce qui lui échappe...

Ce qui nous manque (le plus souvent)...

La vie ; les yeux fermés ; la figure triste ; le cœur froid et barricadé...

Et l'essentiel (encore) du chemin à découvrir...

 

 

A compter les points ; l'âme indifférente...

Inapte aux querelles et aux combats ; à tous les jeux des hommes...

Comme amputé de ce qui se dresse – et se déploie – bruyamment (et avec fierté)...

Et le centre à la place ; et l'étendue en guise de parcelle...

Le jour ou rien ; aujourd'hui si facile – si différent d'autrefois où l'on était relégué au manque et à la frustration ; dans la (vaine) prolifération du rêve...

Achevé – à présent ; comme affranchi des images et de la durée ; installé dans le perpétuel recommencement – en quelque sorte...

 

*

 

Charroi d'Autres et de pierres ; insignifiant(s) – inconséquent(s) – malhabile(s)...

Sur la pente colorée ; les figures en sang – sous la lumière...

Dérivant peut-être ; s'abandonnant à trop de volonté(s)...

S'exténuant à faire le chemin...

Du rêve à la terre foulée...

Sans comprendre ni la violence – ni l'évanescence – ni la futilité...

 

 

Trop étroitement rassemblé ; ce qui s'éparpille ; ce qui aime (et aspire) à se disperser...

Comme les doigts d'une main retenant le cri ; retenant le sang ; cherchant la nouveauté...

Pointant le ciel ; le suppliant d'offrir à la terre d'autres voluptés...

Traversant (à contre-courant) la marée des morts ; à rebours jusqu'à la déchirure – jusqu'à l'origine de la répétition...

 

 

Redécouverte ; la blancheur – l'innocence de la ligne...

L'emportement ; loin du support...

Comme un ciel ; en guise de réponse...

Et le jaillissement de l'encre ; (assez) obscurément...

Comme un rêve dans la lumière...

L'écoute suspendue entre le murmure et l'effacement...

A la jonction du silence et de la possibilité...

 

 

Abouché avec l'arbre ; les lèvres collées de sève...

Et, par endroits, l'écorce qui a remplacé la peau...

Et dans les profondeurs du sol ; des vibrations...

Et nos cheveux ébouriffés par le vent qui chatouillent le ciel...

L'avènement d'un nouveau monde ; l'homme végétal ; dessinant (à grands traits) les prémices d'une civilisation prometteuse (d'une civilisation à venir peut-être) ; pacifique – solidaire – silencieuse – verticale...

 

*

 

Là – ailleurs – dans l'abondance du présent...

L'âme courbe ; et la main tendue...

La voix qui enfle ; qui serpente entre les bruits...

Sans erreur possible...

A cet instant ; au-delà des mondes ; au-delà de l'imaginaire...

A la fois ancré dans le silence et le feu...

Sans doute – inexistant...

 

 

Aperçu ; le mystère ; à travers la blessure...

Cette part de ciel qui n'en a pas l'air (qui n'en a jamais l'air)...

Et soudain – au milieu des pas ; le visage – la flaque – le reflet ; et l'ensemble du puzzle à reconstituer...

Aussi lumineux qu'inutile ; le jeu vocationnel...

 

 

Le ciel ; quelque chose du monde...

Là où s'attardent les bêtes ; et les âmes silencieuses...

 

 

Redoublant de peine ; dans l'obscurité...

Entre la poussière et l'infini ; indécis...

Porté(s) à croire (simplement)...

D'un bout à l'autre de la prière...

La tête si imprécise dans ses mirages – dans ses chimères – dans ses images et ses idées...

Soutenu(e)(s) par l'absence de l'âme...

D'écorchure en écorchure ; jusqu'à l'imperméabilité...

 

 

Ce qui nous constitue ; à l'endroit où nous sommes ; à l'endroit où l'on nous a (très provisoirement) posé(s)...

Sans pouvoir se résoudre (d'aucune manière)...

Et ce que nous laissons se corrompre – s'aigrir – se souiller ; faute de compréhension...

A nous éclairer (médiocrement) au milieu des mots sombres ; des cœurs vidés de leur substance...

Exténué(s) jusqu'à l'agonie ; au lieu de vivre ; au lieu d'exulter...

 

*

 

Encore des cris sur la pierre...

Blessé(s) par la main qui tient la hache et le couteau...

Avec – sur la chair – tout le poids du monde...

La barbarie ordinaire des visages ; parés pour le rire – la fête – le festin...

Le cœur lacéré ; et sur la feuille – et sur la terre – de longues giclées de sang noir...

La nuit sans la lumière ; l'innommable ; ce que célèbrent ceux qui vivent au pays de la mort...

 

 

Captif du désir – de la haine – de la délivrance...

A tous les degrés du délire – du chemin – de la fantasmagorie...

Comme s'il y avait une marche pour enjamber le temps ; échapper au monde ; rejoindre la vraie vie ; vivre la vérité...

Au lieu de plonger en son cœur sans tressaillir ; pour devenir ce que l'on cherche – ce que l'on fuit – jusqu'à la moelle ; jusqu'à dépasser l'essence et l'effacement ; pour revenir à l'indistinction – au socle commun et éternel de toutes les figures (infailliblement) éphémères...

 

 

Au plus vif de l'air ; à mesure que l'on approche de la source...

Dansant au plus haut du chemin – sans doute ; là où le jour et la terre demeurent silencieux ; gonflé(s) du mystère...

La tête au frais ; comme échappée de l'épaisseur...

Face au monde ; encore plus lointain...

 

 

Le parfum des siècles ; comme le socle du monde...

Le terrain de jeux des hommes sur lequel tout est dessiné à la craie...

Et la substance (blanche) du ciel qu'on lape comme s'il s'agissait d'un nectar – une sorte de délice réservé aux Dieux (s'évertue-t-on à penser) ; et donné déjà (bien sûr) à tous les Autres – à nos innombrables devanciers...

Et les lèvres – et la parole ; depuis des millénaires – identiques ; sans la moindre retombée...

 

*

 

De la même source ; du même espace...

D'un jet complice...

La mort et la matière...

L'esprit et le vent...

A nous arracher de l'eau stagnante...

Vers le mouvement...

Le visage mille fois peint et masqué ; la silhouette mille fois déguisée et travestie...

D'un passage à l'autre...

Du sable au sourire ; jusqu'à ce que tout cède – jusqu'à ce que tout éclate en vérité...

 

 

Entre deux surfaces ; la pierre et le vent...

Pénétré(s) jusqu'à l'indécence ; jusqu'au plus funeste...

Parmi les cris et l'herbe rouge...

A attendre l'éclatement du ciel ; la possibilité du triomphe...

La lumière sur le secret...

 

 

Contre le rêve ; la tête froide...

Les lèvres appuyées...

Et derrière la vitre ; le sang...

La chair vieillissante ; affranchie de toute ivresse...

Comme un surcroît d'attachement à la pierre...

Et la possibilité d'un visage – d'une présence...

Jusqu'à l'heure où la déchirure sera si forte que nous ne pourrons plus résister...

 

 

A se voir défaillir avant que la mémoire ne déraille ; avant de sentir son cœur succomber...

Et l'espoir aussi ; comme accru ; une manière plus forte de s'absenter ; de tenter de s'abstraire de la douleur – de la durée – de la finitude triomphale – triomphante...

Pas encore apte(s) au geste ; de simples gesticulations...

 

 

Là – parfois – vers cet autre espace – en soi...

Comme débordé par l'abondance des possibilités...

A hauteur variable ; le geste – le pas – la parole...

Entre la terre et la mort ; et de temps à autre – une tentative ; l'invention (peut-être) d'un langage – d'une perspective – d'un chemin...

Presque à la place du souffle...

Un au-delà de la neige et de la perte ; comme un monde – un voyage – un verbe – transcendés...

Pas si manqué ; pas si au-dehors – pas si extravaguant – que cela ; en fin de compte...

 

 

Comme (très) brusquement réuni...

Debout ; comme l'arbre et la montagne...

Aussi bleu qu'un baiser sur le front ; que la bouche béante de l'immensité qui nous implore – qui nous adore – qui nous embrasse ; (très) fraternellement...

Au-delà des instincts qui nous séparent (qui semblent nous séparer)...

 

*

 

Bloc(s) de chair ; grains de poussière agglomérés...

Au contact du dehors ; le monde et l'invisible...

Couché(s) par le vent ; (très souvent) en mauvaise posture...

Porteur(s) d'idées et d'images ; de rêves et de fictions...

Créant un monde (des mondes) au cœur de ce qui existe déjà...

Sans rien voir ; et vivant de manière très partielle...

Parcelle(s) infime(s) sur quelques rives perdues – anecdotiques (si dérisoires)...

Et l'orgueil ; et l'odieuse (et risible) prétention de se croire davantage...

Marionnette(s) malingre(s) et engourdie(s) – que la vie déguise – que la vie malmène – que la vie transporte ; que les vents dénudent ; et dont le monde se moque et se sert...

 

 

Au sol ; partagé – fractionné...

Comme amené au-delà de soi...

S'offrant sans doute ; et raclant le fond de l'âme pour s'offrir...

Sans jamais en finir ; au vu de la perpétuelle invention du chemin...

Du bleu en pagaille – en quelque sorte ; comme un surcroît d'abondance...

 

 

Porté par la soif ; davantage (bien davantage) que par la faim...

L'âme plutôt que le ventre...

Et le ciel autant que la terre pour peu que l'on se fasse obéissant ; et qu'on laisse le souffle nous enseigner...

Afin que le soleil – un jour – nous éclaire au-dedans ; devienne la seule lumière qui puisse éclairer l'espace – le monde – leurs murmures et leurs frontières ; avec l'ardeur complice de tous les mouvements ; en plus de ce nouvel éclairage...

Et ce qui demeure en ligne de mire ; comme un surplus de silence et de beauté...

 

 

A nos pieds – ces éclats de jour...

Devant nos yeux ; ce qui favorise l'éparpillement – la séparation et la cécité...

Une paume tournée vers la terre ; et l'autre vers le ciel...

Et sous le séant ; toute l'épaisseur ; cette matière entassée qu'il faudrait inciser...

Les pieds au-dessus (juste au-dessus) de la source...

Et la route (la longue route) qui continue de nous dénuder ; et sur laquelle il nous faut continuer le voyage...

 

 

Sur le sol ; des signes – des traces...

Quelque chose dessiné avec l'âme...

A travers la joie ; et le sommeil de l'homme...

Stupéfait face à la lumière ; et le visage de l'Autre qui veille – en soi...

 

*

 

La pluie sur la peau...

L'âme qui s'éveille – peu à peu – au froid et à l'humidité...

A trembler sous les coups des hommes – sous les coups du temps...

Au cœur des braises – au-dedans ; le cœur qui se soulève – noirâtre ; prêt à renaître du dessous des cendres ; et à recommencer...

La tête tournée vers l'embellie plutôt que vers le rêve...

 

 

Sous les frondaisons ; la mort et la boue...

Ce qui nous pénètre en cet étrange royaume...

Les pas lourds (si lourds) au seuil du possible...

Quelque chose de souterrain ; (peut-être) les prémices de la chute...

Et les bras ouverts – sur l'autre rive – qui (déjà) nous attendent...

 

 

Là où l'on se précède...

Face à la lumière ; l'âme auréolée...

Sur les hauteurs présentes ; malgré le froid et l'infirmité...

Debout dans l'espace ; l'esprit déployé...

Sans que rien ne se hâte (sans que jamais rien ne se hâte)...

Main dans la main ; avec toutes les choses vivantes...

Joyeusement ; la ronde...

Silencieusement ; le monde...

Ainsi tournons-nous le cœur plus compatissant ; l'âme moins écartelée...

 

 

Partout le vide – le rire – la fête ; malgré la chair que l'on oblige – que l'on dépèce – que l'on digère...

Comme si l'on avait (tous – à peu près tous) les pieds pris dans les sables du temps...

A se demander (encore) où est le jour ; où est la joie...

Au cœur de l'insoutenable ; parfois – la légèreté...

 

 

Alors que l'on s'enfonce dans l'épaisseur...

Les hommes du vent et du dedans ; sans distinction – comme piégés dans les profondeurs de la nasse...

De l'autre côté du possible – du désirable – du rationnel ; et sans la moindre alternative (bien sûr)...

Nous asséchant (finissant par nous assécher)...

Et soudain – contre toute attente (en dépit de tous les pronostics) – l'émergence d'une faille à la place du corps ; comme une bouée – une trouée – un peu d'air...

Et le bleu qui s'insinue ; au lieu du cri ; au lieu de l'arrachement...

Comme (momentanément) repoussés ; la chute – la cécité – l'aveuglement...

L'âme – in extremis – arrachée à sa geôle illusoire...

Au milieu de l'espace ; parfaitement nu et indemne...

 

 

A jamais ; le secret emporté...

Au fond des yeux ; au fond de l'âme – la tristesse et l'éternel recommencement...

Aujourd'hui comme hier ; et comme demain (sans doute) ; comme si le ciel n'avait jamais existé – était une simple invention...

 

*

 

Le visage – le chemin ; révélés...

Au plus noir du monde aussi...

Comme dans la lumière exaltée...

De ses propres yeux ; l'éclairage et le sens donné aux pas...

Entre la chambre et l'espace ; selon les jours et les prédispositions...

Sur le fil tendu...

La tête droite ; sans public – sans condamnation...

Au-dessus de ce qui s'obstine...

Le sourire ; si proche de la pierre pourtant...

 

 

Le soleil renversé ; derrière le plus funeste...

Le monde ainsi ; étrangement étagé...

Au hasard des chemins ; des yeux – des passages – la mort ; et ce sur quoi ils ouvrent ; pour la suite du voyage...

 

9 juin 2023

Carnet n°291 Au jour le jour

Mars 2023

La parole bariolée...

Du ciel et de la neige ; hospitalièrement engagé(e)s...

Comme le geste-témoin...

Glissant de l'âme à la bouche...

A rebrousse-gosier...

Le cœur moins aveugle...

Traversant la terre et le temps...

S’immisçant là où les yeux s'épuisent...

S'immobilisant là où l'on doit aller...

 

 

Sur nous ; les ombres et les silhouettes...

A travers le bruit ; le lieu de l'infime...

Le corps qui renâcle à se désobscurcir...

Passant et repassant ; dans un éloignement (très) progressif...

Et comme (presque) toujours ; encore quelque chose de soi...

 

*

 

A l'heure dernière...

Par-delà l'hiver qui, parfois, perdure (plus que de raison)...

Dans ses traces grimpantes (en quelque sorte)...

Nos silhouettes à l'abandon sur la pierre grise...

A la poursuite (permanente) des voyageurs précédents...

Le feu entre nos jambes ; (peu à peu) déclinant...

Le corps à son exacte place de mortel...

Et nous ; nous accompagnant (cahin-caha)

Au-delà des histoires et des noms...

 

 

Au cœur du gouffre ; couché(s)...

Au milieu des Autres ; invisible(s)...

Aussi intouchable(s) que le reste...

Aussi peu guerrier(s) que dans le pire de nos songes ; et le monde avec...

Au rythme des vagues qui nous assaillent – qui nous surprennent – qui nous caressent – qui nous bouleversent ; et qui finiront, un jour, par nous engloutir...

 

 

L’œil généreux ; le cœur sensible à la douleur...

Face aux figures du monde ; insoucieux des sentences et des règles du jeu...

Entre le reflet du feu et la désespérance...

Auprès de l'âme solitaire...

Chaque jour ; un peu plus ; un surcroît d'aventure – au fil des pas...

 

 

En ce lieu où la nuit voyage ; clandestinement (de plus en plus)...

L'épée plongée dans l'âme...

La tête (en partie) décapitée...

Et la perte que l'on précipite ; à la manière d'une eau chargée d'or (nos dernières richesses – sans doute)...

Et autour de nous ; des yeux – des cœurs – des mains ; plissés – orageux – de plus en plus serrés...

A deux doigts du fracas...

Comme si l'automne amplifiait la possibilité du jour ; et notre besoin de nudité...

Comme si rien ne pouvait plus désormais empêcher ce (puissant) désir de s'extraire du (triste) spectacle du monde (subrepticement) entrevu par la fenêtre fermée...

 

*

 

Aux cœurs repliés...

Aux prises avec le froid...

La chair rétractée ; au milieu de la neige...

Le chemin déployé ; et ainsi réunies les conditions de la rencontre...

Face au souffle – les lèvres pincées...

L'âme encore fraîche du visage précédent...

Et, en l'espace d'un instant, le temps qui s'accélère...

La possibilité du changement ; ailleurs – autrement ; avant l'abîme ; avant la mort (en cas de réelle nécessité)...

 

 

De rive en rive ; comme des îles au milieu de l'océan...

Des cris ; et de la roche...

Et la langue bleue de ceux qui se déplacent ; et la liberté de ceux qui savent ; auxquelles rien (bien sûr) ne peut être ajouté...

Là – quelque part ; dans la proximité (malheureuse et indésirable) des hommes...

 

 

Ce que l'on jette ; comme la parole...

Au-delà de la source...

Fidèle (si fidèle) à la noirceur qui nous habite ; qui nous gangrène...

Jusqu'à l'autre extrémité de soi...

Les yeux à la dérive ; et l'âme rebelle – peu soucieuse des tourments (et de la fébrilité) des masses...

Entrelacés – le silence et la joie ; dans le même cercle (et la même étreinte) ; au cœur de cet espace circonscrit par les cordes du monde...

Jusqu'au dernier souffle de la dernière créature...

 

 

Ici ; la nuit...

Tous les maléfices engrangés ; les uns après les autres – par-dessus le secret...

Et ce vide – à mesure des pas ; qu'il faudrait enlacer ; comme des mains qui laisseraient le sable s'écouler ; comme l'esprit qui se laisserait gagner par l'abandon...

Amoureusement ; et sans alternative...

 

*

 

Parce que le jour ; plus simplement...

A petits pas ; jusqu'à la hauteur qui se soustrait...

Au cœur de la vie où, sans cesse, l'on recommence...

 

 

En soi ; le souffle ; et le vent...

La tête arrêtée...

Le temps suspendu...

A respirer encore au milieu des choses...

 

 

Séparément ; de moins en moins...

Au fond de l'interstice...

Parvenu jusqu'à l'embrasure ; la (parfaite) résolution...

Par-delà la substance ; le plus lointain...

Cette sorte d'intimité avec l'espace et le feu ; avec le reste – tous les Autres – en quelque sorte...

Descendu(s) en soi ; sans le moindre résidu laissé à la surface...

Les pieds sur le sol élargi (d'une certaine manière) ; au-delà du corps et de la tête ; le cœur pénétré ; et consentant...

 

 

Dans les tresses du temps ; la mort cadenassée – inabolie ; et encore (trop souvent) brandie en guise de menace...

Comme un rappel à l'ordre – en quelque sorte – pour ceux qui s'imaginent mortels...

Comme une faute de goût ; une parure laide que l'on arborerait avec fierté – un excès de chair qui nous encombrerait...

Une vie sans trépas ; où seul meurt le corps – en vérité...

Au milieu des vivants à l'âme raidie (ou absente)...

Une compagnie – une amitié – en soi – à creuser – incontournablement...

La vérité à la main ; comme inscrite dans le geste...

Quelque chose qui, malgré soi, se rapproche...

 

 

A (trop) vouloir lutter contre le miroir ; l'exacerbation et le grossissement des reflets...

L'apparence changeante...

L’œil comme déplacé ; obstrué par l'excès de distance ; et ce trop peu de lumière...

 

*

 

Le temps insensé ; sans repos – l'âme vivante...

Alors que tout recouvre le ciel ; et que devant les tombes notre cœur se serre...

Comme si ce qui nous habite nous livrait (soudain) à sa volonté ; le vent peut-être ; et ses étranges tourbillons d'ombres et de lumière...

Au seuil de la (dé)raison – sans doute...

 

 

Jouant avec nos pas – nos mains – dans l'argile ; la terre s'insinuant – gagnant (peu à peu) du terrain...

Toujours plus profondément ; dans ce sillon – cette fondrière...

A l'ombre des grands arbres ; et, au-dessus, la mort...

A nous offrir, peu à peu et plus que tout, l'impensable ; le socle de tout chemin – de tout voyage...

Avec nos rêves (tous nos rêves) émiettés au fond de la tête ; nous évanouissant à mesure que le réel gagne en force – en réalité ; dans notre cœur (de plus en plus) vivant...

 

 

Jusqu'à l'épaisseur ; fendue, peu à peu, par la possibilité du silence...

Puis, emportée par les eaux...

Selon le cours des choses ; l'extrême variabilité des destins...

Cette (longue) traversée à gué...

Jusqu'au retournement (inattendu) de la soif...

Notre existence ; malgré soi – malgré le monde – malgré les Autres...

 

 

A la même source ; l'âme et les lèvres – s'abreuvant...

A en perdre la raison (plus sûrement qu'on ne le pense)...

La douleur indéfinie qui, peu à peu, se déprogramme...

D'une extrémité à l'autre ; le poids s'amenuisant...

Et à nos côtés ; parallèles sûrement ; la présence ; et le silence dans la parole...

Aussi longtemps que nous pourrons nous transformer ; le défi de l'abandon...

 

 

Cet œil ; le monde ; comme un attelage guidé par le désir ; et les instincts ; aveuglément vers le sacrifice...

Et contre nous – le vent ; les signes (assaillants) de la débâcle...

Le cœur (de plus en plus) étranger...

Comme un revêtement sur la charpente...

Et l'âme couchée par-dessous...

Avançant ; ne sachant que faire – ne sachant que penser...

 

 

Dans les rouages du monde ; du temps ; notre tristesse (cette très humaine mélancolie)...

Au cœur de cette pénombre qui séduit l'esprit ; et condamne la chair ; ensorcelé(e) (à certains égards) par la promesse du repli – par la promesse du repos...

Guidé(s) par le cœur insatisfait – (toujours) inassouvi...

La porte encore ouverte sur la nuit...

 

*

 

Au plus clair du cœur ; la respiration (naturelle)...

Ce qui rapproche les choses ; dans la plus haute intimité...

Et au-delà du proche ; le merveilleux...

Toute l'étrangeté métamorphosée ; le reste devenant (pour l'esprit) de la même famille...

Sans que rien n'ait changé ; ni les visages – ni l'apparence – du monde...

 

 

Au seuil de cette porte invisible – posée dans l'espace...

Là où l'épaule quitte l'épaisseur...

A la confluence des chemins...

La matière – comme la parole – dévalant la pente ; emportée par la furie des eaux...

Nous quittant ; nous rejoignant...

Dans cet entre-deux perpétuel ; corps et âme – (à la fois) ici et ailleurs – emmenés déjà vers l'après ; malgré l'impossibilité du devenir...

 

 

L’œil et les lèvres ; touchés...

Au creux des larmes ; et par-delà le rouge ; ce que l'on entrevoit...

Auprès de la source...

Et s'éloignant ; le bruit...

Dieu seul ; dans la noirceur autant que dans la tendresse...

A même le ciel qui – partout – s'est éparpillé...

Qu'importe l'ampleur de la fenêtre – qu'importe le monde entrevu ; l'esprit assoupi – l'esprit aux aguets...

Le long du même rêve ; la naissance des ailes ; et le même évanouissement...

 

 

Les yeux vides et aveugles ; derrière lesquels défilent les images – les reflets du monde...

Et dans la bouche ; et au fond du ventre – la chair mâchée et remâchée...

Jusqu'au débordement de la matière...

La ruse – au bout d'une corde – se balançant – jusqu'à ce que le fil se rompe – jusqu'à la chute (inévitable) – en cette étrange périphérie terrestre...

 

*

 

Dans la transparence discrète de l'effacement...

Sous l'arbre ; la main posée...

En ce lieu d'exil ; à l'écart de ce qui se gonfle d'orgueil...

Le cœur à deux doigts du bleu...

 

 

Le souffle ébauché par cette ardeur un peu folle...

Comme un désir insatiable ; boursouflé...

Traquant le vent ; et débusquant le sable ; sans voir la malice qui a envahi les têtes...

Posées nues (apparemment nues) ; contre soi ; les ombres du monde parées des plus séduisantes couleurs...

Sur notre peau ; l'inconsistance ; et la beauté par-dessous ; et ainsi jusque dans nos profondeurs les plus intimes – les plus secrètes – les moins parcourues...

 

 

Sacrifié(s) sur la pierre (encore trop souvent)...

Le corps déchiré...

Comme une tache ; dans cette couleur qui se répand sur le sol sombre...

A travers le même frémissement ; cette sidération – ce passage ; le souffle qui s'échappe ; vers l'âme...

A travers le ciel ébauché...

L'enfance retrouvée qui se faufile ; entre le dernier souffle et le silence...

 

 

Hanté(s) par l'ombre qui nous habite ; dévoré(s) par l'ombre qui nous hante...

Mis bout à bout ; la hâte et le terme ; successivement...

La mort en éclats ; au cœur de ce labyrinthe...

Comme une ascension à heure fixe ; invariablement...

A peine une ébauche de voyage ; (tout juste) quelques pas esquissés...

 

*

 

Approximativement comptées ; toutes les créatures du monde...

L’œil cherchant – à travers la multitude – la vérité...

Comme un secret ; le mystère reformulé à travers la surface grouillante...

Et aussi (bien sûr) tout entier dans le rien ; et peut-être même davantage...

 

 

La mort ; au soir le plus amer...

A présent ; au centre du cercle ouvert...

Et ce que l'on entend encore dire sur la pierre...

Avec le vent par-dessus qui recouvre les voix ; dans les profondeurs...

Et la nuit étoilée – jusqu'aux racines – que l'on implore – que l'on supplie ; par souci de rapprochement...

Comme des miettes de ciel que l'on jetterait à toutes les mains tendues...

Quelque chose de l’œil – de l'âme ; dans la cécité ; et l'obstination...

Et toujours (assez) incrédule ; malgré la présence de Dieu au-dedans...

 

 

A pas nommés ; le voyage...

Vers le lointain – au-delà des horizons perceptibles – au-delà des cimes et des océans...

Le long de l'hiver ; à petites foulées...

A travers les eaux noires ; et (parfois) sous les pointes de l'acrimonie...

Sans jalon ; sans réel prédécesseur...

Sous cette lumière rare (sans artifice – non inventée)...

A l'écoute de ce qui se dissimule ; à travers l'oubli – la mort – la séparation...

Jusqu'à se laisser pénétrer par cette étendue bleue qui se révèle – toujours davantage – à chaque nouvelle transformation...

 

 

Sans défi – entre elles – les têtes qui se font face...

A bonne distance de la lumière...

A notre rencontre – à travers les vibrations ; le jeu des résonances...

 

*

 

Profondément ; l'exemple amorcé...

Apprenant l'impudeur ; à mesure que le secret se révèle...

Disposé à se passer de mesure ; quand bien même serait-on séparé de sa propre figure...

Bien avant que ne s'imposent de trop obscures prières...

Quelque temps avant le jour...

 

 

Là-bas ; l'âme si lointaine...

Sur notre œil ; le monde collé – décollé – recollé...

Mille chemins – comme des détours – à travers le regard ; vers l'origine – le secret – le mystère – partout exposés pourtant...

La chair du ciel ; et, au-dessous, la terre ; et l'infini que nos larmes rendent plus proche – plus intime – imperceptiblement...

 

 

Le cœur nu ; et toutes les soustractions fructifiées...

Comme dégagé d'un piège ; miraculeusement...

Libre (à présent) de la broussaille et de l'encombrement...

Sans jamais s'exclure de la mêlée ; et du passage...

Nous laissant dévorer au lieu de nous faire justice...

Au pied des arbres ; marchant – dans leur silence...

Dans le désert ; comme au cœur du secret...

 

 

Les yeux brûlés par le réel ; et bercés par trop de rêves ; comme un cœur aveugle auquel on offrirait des images...

Infailliblement – la proie des Autres ; du monde...

Avec comme une sonde plongée à l'intérieur...

Au fond de la blessure ; regorgeant de souffrance et de sang...

En pleine nuit ; trop lourd (et trop lent) pour s'échapper – à moins que l'âme n'apprenne à voler...

 

*

 

Porté(s) par l'ombre...

Sous une cloche de verre...

La pierre ; et notre bavardage...

Face à la gloire de ceux qui grimpent sur les Autres...

 

 

Scellés dans la neige ; tous ces visages – toutes ces existences ; que la mort, un jour, emportera plus loin...

 

 

La chambre close ; invoquée...

Le lieu du désencombrement et de l'intimité...

Ouvert au ciel ; et ce qu'il convient de brûler...

Sans rien exclure du monde...

Le passage franchi ; les frontières contournées...

Dans l’œil de la justice ; devant nous...

Plus tenace que jamais...

 

 

L'âme froissée par le dévoiement du langage...

Le réel rejoint par la passion ; le feu au-dedans qui brûle la chair ; et consume l'ardeur...

La proie aux prises avec tous les rêves – tous les délires – toutes les divagations – du monde...

Incliné(s) sur les blessures infligées par le reste...

Du sang et des cendres – dans la main ouverte ; qui, peu à peu, iront rejoindre le sol – le vent – l'espace ; l'éternité...

En dépit des attaches qui nous empêchent de nous affranchir de cette nuit résiduelle – de nous libérer de ces éclats d'ailleurs auxquels on croit ; auxquels on s'accroche ; auxquels on s'enchaîne – comme tous les Autres...

 

 

Traînée de poussière et de sommeil ; dans les yeux – sous les pas...

La splendeur et le triomphe ; qu'en rêve...

Comme une mendicité ; ce que nous réclamons (si expressément)...

Sous l'égide de l'obscur ; assurément...

Aux ordres de la terre...

Écrasé(s) par le poids du monde ; et submergé(s) par ses impératifs ; et le reste dont on se débarrasse ; et le reste que l'on éparpille ; le cœur (presque) toujours inconsistant...

 

*

 

A hauteur d'arrachement ; l'âme libre...

L'irruption de la grâce dans la chair meurtrie...

Ce qui surgit sans nous heurter...

Et ce qu'il reste une fois soustrait le superflu...

Au cœur même de la perte ; au cœur même du chaos...

Cette possible reconnaissance ; cette possible réconciliation...

 

 

Le dessaisissement de l'empreinte...

La parole libre ; sans emprise...

Jeté contre les cimes ; sur le fil attaché entre le désert et la mort ; par-dessus les orages et les voix du monde...

Sans masque – sans nom – vers la plus haute nudité ; au-delà de toutes les corruptions possibles...

 

 

Des liasses de labeur ficelées ; et l'âme au-dedans (quasi) immobile...

Face au monde qui se dresse – qui se hâte – (immanquablement) voué au dehors et au désœuvrement ; et qui, dans sa folie, continue de nier la mort ; et qui, dans son égarement, continue de mépriser l'humilité et l'effacement ; toutes ces choses qui semblent si essentielles aux yeux des sages...

 

 

Dans les profondeurs (apparentes) du ciel...

Approuvé(s) ; la main au feu ; davantage qu'une promesse...

Généreusement (très généreusement) abîmé(s)...

La dernière existence ; sur la liste des vivants ; au plus près du vivre ressenti ; là où les larmes valent davantage (bien davantage) que les mots...

A se regarder avec stupeur...

Aussi haut – aussi loin – que (nous) mènera la mort...

 

 

La main tremblante ; et le cœur étreint...

Touchant celle – celui – des Autres...

Alors qu'autour de nous la nuit scintille ; à travers nos yeux...

Un éclair ; une fulgurance ; une traversée...

Un peu de lumière ; sur soi...

Le commencement (peut-être) de l'inoubliable...

 

*

 

Absent ; auprès de la pierre vieillissante...

Les lèvres contre la nuit ; la bouche grande ouverte...

Sur cette pente sans pause ; aux côtés de ce qui roule (inexorablement) ; semblable à nous-même(s)...

Étonné par tant d'ardeur – de crédulité – de confusion...

Cette errance – ce déclin – cette inévitable décrépitude – autour de soi...

 

 

Lèvre retroussée ; à humer le plus lointain...

Divisant le monde ; comptant les points ; et affermissant sa position (et sa posture) dans l'équipe...

De part et d'autre de la nuit à laquelle on est assigné...

Auprès de nous seul(s) ; sans pouvoir se résoudre au nombre de jours qui nous séparent de la mort...

Vers le plus proche (la plus haute intimité) ; toujours – au cours de cette (trop brève) traversée...

 

 

Des ailes par-dessus la chair sensible...

Vers la simplicité ; sans rituel...

De naissance en naissance ; jusqu'à l'origine...

Entre pierre et lumière ; à même la trame...

La nudité couronnée ; jamais arrogante...

Le voyage ; le souffle (initiateur des élans et des courants) que l'on suit à la trace...

Le gouvernail brisé ; le pavois en berne...

Entre les lambeaux d'espace et de temps...

Comme d'île en île ; une manière de vivre sans s'efforcer ; rarement interrompue...

 

 

Quelques signes calligraphiés ; trempés dans le feu – le ciel ; la possibilité...

Sans craindre – ni oublier – la mort qui se dresse – à chaque instant ; à notre suite jusqu'à ce qu'elle nous devance...

En rien ; séparé(e)(s) de nous...

Sous les mêmes étoiles ; avec la soif qui nous porte ; inentamée...

 

*

 

Endetté(s) ; et l'origine déficitaire...

L’œil – le ciel ; et la possibilité du voyage malgré la matière et la mort...

De très loin ; parfois depuis le commencement...

Au-dessus de l'abîme et de la neige...

La pensée foisonnante...

Par l'embrasure – le blanc ; ce qui nous regarde...

Comme niché en soi-même...

 

 

Là où l'arbre se renouvelle...

Auprès de l'invisible...

La grâce de la perte plutôt que le désir ; plutôt que la plainte...

De toutes nos forces ; malgré les grilles...

Traînant en tous lieux sans le moindre drapeau...

Par-dessus l'espèce et l'obscurité...

 

 

La terre tenue en laisse...

L'homme apeuré – conquérant ; ajournant (ne cessant d'ajourner) la rencontre...

Des signes éphémères ; dans le fractionnement du temps...

Si peu adéquat(s) ; tellement lacunaire(s)...

A la pointe de la lame ; la violence qui se déchaîne...

Sur le même fil que les funambules et les oiseaux – pourtant...

A tenir tête au feu ; dans cette vaine résistance souterraine – au lieu de côtoyer les cimes et le vent...

 

 

La terre et le vertige ; enjambés...

De la douleur à l'attente ; puis, de l'attente au souffle guérisseur...

L'amplitude du corps révélée par l'esprit de l'hiver...

Le cœur (parfaitement) affranchi de ce qu'il contient ; du peu qu'il a expérimenté...

 

 

Étrangement étranger(s) ; aux yeux des hommes...

Toutes ces choses – tous ces visages...

Et ce lointain ; et cette assise de pierres...

Comment pourrait-on comprendre ; le cœur si infirme...

Adossé(s) au mur ; la tête – les désirs – tournés vers les opportunités du sol ; et l'âme si peu exigeante...

Avec la terre – et ses labyrinthes – pour seul horizon...

Si loin (encore) du silence – de la sagesse ; de l'âge de raison...

 

 

Le temps – le jour ; à travers le monde – mille chemins...

L’œil mal équipé ; et cette bouche trop (grande) ouverte...

Et cette soif dont nous ne savons que faire...

Et le ciel sur nos lèvres desséchées...

Hors des cercles ; loin des aboiements...

Ce qui passe ; devant toutes ces grilles...

Et ces cris derrière ces remparts de chair et de papier ; et Dieu par-dessus – (assez) songeur – sans doute...

 

 

Sur le fil rouge ; débarrassé...

Nous détachant (apprenant, peu à peu, à nous détacher) de la débâcle...

Le monde et le temps délaissés ; abandonnés à ceux qui ne peuvent s'en passer...

Et le plus commun ; et la solitude – peu à peu – transfigurés ; d'une merveilleuse manière (comme si quelque chose de magique était survenu)...

Le séjour devenant voyage ; le voyage devenant porte et étendue ; l'espace rendu aux Dieux...

Transformé en serviteur anonyme ; le cœur (discret) à la place de la figure...

Et toutes les richesses de l'âme offertes au vent...

Si nu – si démuni – si impuissant ; si vide – si clair – si joyeux – à présent...

 

 

L'origine et l'allégresse ; autrefois si désespérément...

Bien plus qu'une folie ; et l'encre, à présent, mélangée aux larmes et au sang...

A hauteur d'homme ; l'infini décelable...

Et dans le vide creusé ; le mystère – comme une étrange (et perpétuelle) épiphanie...

 

*

 

La parole prisonnière...

Plongée dans le monde...

Trop souvent corrompue par les images...

Approchant l'esprit – la vérité (avec honnêteté et maladresse)...

Combinant l'invisible et la matière...

Servant (essayant de servir) ceux dont l'âme est restée humble...

Avec des larmes au fond du cœur ; au fond des yeux...

Apprenant, peu à peu, le détachement ; la liberté...

 

 

Aussi sombre(s) que servile(s)...

Emporté(s) par ce qui se présente...

Les paupières closes...

Comme attaché(s) à la roche...

Ouvrageant (toujours) sur la pierre...

Frère(s) du reste ; sans (même) le savoir...

Et encore cannibale(s) – en dépit de Dieu – en dépit de la ressemblance – en dépit de la proximité...

 

 

Personne pour soi ; sinon ce qui nous habite ; cet indicible – cette présence...

Le cœur sensible aux douleurs du monde ; et à l'intensité de la couleur...

Et dans la voix ; mille figures précipitées...

Comme si nous étions à la fois l'abîme ; l'éclipse et le feu de l'âme...

Si proche des bêtes – pourtant ; et du Dieu infaillible...

 

 

La rupture recouverte de rire ; avant que la joie ne survienne...

A la trace ; ce que l'on invente – au lieu de suivre ceux qui se parent ; au lieu de suivre ceux qui affabulent...

Au fond de la chair ; ces sanglots inguérissables...

Au milieu de la nuit ; nos bras – nos tentatives ; ce si peu de lumière...

 

*

 

Dans le corps du reste ; déjà...

Intégré(s) – assimilé(s)...

Dans la servitude et la déraison...

Dans l'infamie et le sang versé...

Aussi bien que dans l’allégresse et la lucidité...

En soi ; les mille combinaisons – les mille possibilités...

Tout ce qui pourrait nous détourner – puis, nous affranchir de la séparation (du sentiment de séparation)...

 

 

Si près du cœur – de l’œil – de l'Autre ; et du haut (du plus haut) quelques fois...

Dans un vertige ; bien au-dessus du rêve...

Si loin de l'homme terne et morose...

Comme un bain de lumière...

Le silence en pleine bouche – en plein front ; dans l'intimité de la matière...

En soi – à plusieurs ; le jeu et la simplicité...

Et la célébration du seul visage – au milieu de la multitude – au milieu de la confusion...

 

 

L'épreuve clandestine ; le plus immédiat ; comme des jalons successifs ; visant à nous extraire...

Vers le corps nu et transparent ; la chair morcelée ; l'espace réunifié...

L'extrême simplicité de l'exercice ; l'absence de volonté ; ce qu'ordonnent les circonstances...

Qu'importe la nuit – les yeux ouverts – le cœur cadenassé – pourvu que l'on jubile à chaque découverte ; et que la mort se mêle à tous les remous...

Incroyablement vivant – en somme ; malgré la fumée et les illusions...

 

 

La chute ; et ses (fameuses) retombées amoureuses...

Comme un chant ; le temps suspendu...

Au cœur de l'abîme permanent – sans échappatoire – sans imaginaire résiduel...

Et sur le seuil – la porte toujours entrouverte...

Déjà engagé dans l'issue ; en dépit du labyrinthe...

 

 

Le déchaînement des yeux sur la neige...

Au cœur de ce qui vient ; après le délire – le déluge...

Face à la lune ; la perte en premier lieu ; puis, l’ascension ; ce à quoi il (nous) faut renoncer...

Encore trop aveugle(s) – sans doute...

Tombant ; et retombant ; tantôt devant les grilles ; tantôt (juste) derrière...

 

 

Ce que nous sommes ; en plus du reste ; autant que lorsque tout a été soustrait...

Envahi(s) ; et envahissant ; puis, nous effaçant – déclinant les offres (toutes les offres) au profit de la lumière...

Le ciel plutôt que la chair ; plutôt que le néant...

La mort par devers soi...

Si proche(s) du bleu malgré les étoiles ; malgré la résistance de l'homme...

 

 

Au croisement du sable et de la malice ; la disparition décuplée...

(Presque) aussi fraternellement vivace qu'aux origines...

L'inconnu soulevé par pans entiers...

Et l'invisible, peu à peu, reconnu ; en dépit de l'obscurité ; en dépit de l'obscénité – apparentes...

 

 

Les yeux trop rouges pour se détacher de la terre...

Sur les épaules – le poids ; à la hâte vers le sang – la terre – les cendres...

Toute l'étendue de la course ; dans une seule foulée...

Fuite davantage qu'issue ; qu'importe que la mort soit souveraine...

A l'origine du monde et du silence ; la même lucidité – le même enchevêtrement – la même confusion...

 

*

 

Les mains dans l'ombre ; errantes...

Autour de la plaie ; pleine(s) d'épines...

Entre la lumière et le néant...

Éclaboussé par le sang des bêtes ; et la sève des arbres à l'horizontale...

Extirpé du sommeil par le sensible (le plus sensible)...

Cherchant au-delà des instincts – au-delà de l'homme...

De l'autre côté du monde ; puis, de l'âme...

Au fond de soi ; ce qui nous porte – en vérité...

 

 

Le cœur rouge et ruisselant ; aussi rouge que la terre ; aussi ruisselant que les larmes...

Sous la lumière ; tâtonnant ; puis, grandissant...

Aussi près des bêtes que possible ; sous l'égide du jour...

Le front (de plus en plus) rayonnant...

De pierre en pierre ; puis, d'arbre en arbre ; jusqu'à l'impénétrable...

 

 

L'air vif ; à travers l'espace...

Tous les remparts ; et toutes les frontières ; anéantis...

Alors que l'oubli règne (un peu partout)...

Plus ni lignes ; ni points – à compter...

L'étendue déployée ; avec quelques abris (ici et là) pour les âmes les plus craintives...

Comme les arbres ; sans jamais renâcler...

 

 

Nous éloignant, peu à peu, du manque ; et des hommes...

Dans la trame (de plus en plus) ; avec notre nom qui s’effrite ; qui s'éclipse ; que l'on oublie – comme un poids – une surcharge – un mensonge – qui nous quitte...

A se détacher du monde ; et du sommeil...

Invariablement présent ; l'assise en soi...

 

 

A s'étreindre ; comme les arbres – en secret...

Le sentier – dans la voix ; la lumière...

A rebours de la douleur ; les traits, peu à peu, s'éclaircissant...

 

*

 

La nuit pleine d’orgueil et d'étoiles...

Dans ce sommeil éveillé...

Cette obscurité si familière...

Au cœur de cette brume noire ; cette épaisseur...

Guère plus avancé(s) qu'en naissant ; et si loin (encore) de l'enfance...

A s'imaginer ; seulement...

 

 

A saluer la terre ; ce lieu d'incessants passages...

Comme un miroir ; l'essentiel de l'espoir déchiré...

A cette distance ingrate...

Rien que des paroles...

Comme une rive (hostile et trop peuplée) sur laquelle on échoue (sur laquelle on finit par s’échouer)...

Le désir de l'image qui amplifie (qui semble amplifier) la consistance des grilles...

Plus solides que jamais ; qu'importe le style – qu'importe l'élégance – lorsque l'on sabote le moindre labeur – la plus infime des possibilités...

 

 

Le vide jamais repoussé ; jamais franchi (non plus)...

Comme un lieu à découvert où seraient projetés l'esprit – le corps – le cœur...

Sur ses jambes – peut-être ; au milieu des pierres ; l'espace plus amplement...

Ce que dissimule (sans doute) le secret...

 

 

La substance du vent ; bleue...

Sans trace ; dans le ciel...

Sans que l'on nous arrache (sans que l'on parvienne à nous arracher) un seul cri...

Indolore – en somme – l'aveuglement ; sans compter les conséquences – bien sûr...

La chair boursouflée par-dessus l'ossature – indigente – misérable – si lacunaire...

Le goût sans la saveur...

Le cœur lisse ; et trop froid – sans doute...

 

*

 

Au fond des bois...

Au cœur de ce qui nous échappe...

Sans rien saisir ; sans déception...

Goûtant l'invisible ; et les fruits de la mort...

Obscurément ; comme l'ombre sur notre visage ; comme le temps qui éclaire le passage...

En s'achevant ; à la manière du rêve et du langage...

L'ivresse d'un Dieu qui brûle...

 

 

Dans le rayonnement de ce qui nous regarde...

Le cœur fébrile ; puis, réconcilié...

La mort dans nos veines qui se diffuse ; qui se propage (très insidieusement)...

A se souvenir du seuil jamais franchi...

A la manière d'un songe ; l'impossible...

 

 

Le trésor ; et le surcroît...

Au plus bas du monde...

Au plus près de l'âme...

Au fond du plus rien – en quelque sorte...

Et ce qu'il (nous) a fallu abandonner pour y descendre – s'y retrouver – s'y rejoindre...

Un travail de titan (pour l'homme – si familier des ajouts – des accumulations – des amoncellements)...

Jusqu'au dernier geste soustractif ; et moins encore...

 

 

Face à soi – toujours ; le vide – le monde – les pierres ; et l'Autre quelques fois...

Au coin des yeux ; l'amorce d'un sourire ; celui qui, peut-être, saura nous délivrer...

Au recommencement de tout ; d'est en ouest – puis, le retour vers le grand nord ; là où l'horizon devient le pas ; là où chaque visage se transforme en la pièce manquante – en la pièce maîtresse – de son propre puzzle ; bien davantage (Ô combien) qu'un peu de matière mouvante ; jusqu'à la lumière en face...

 

*

 

Le silence ; à demi...

N'étant plus que cela ; cet étrange mariage avec le monde ; avec les choses...

La multitude des visages...

Et des pelletées d'infini...

Et par-dessus la main qui donne...

Et le vide par-dessus l'offrande...

La même chair ; le même esprit – à travers la farandole des figures...

 

 

La part qui prend ; et la part qui s'élève...

La part qui sait ; et la part qui demande...

Sous les signes ; des étoiles et des divisions...

Ce qui semble se partager...

A travers la nuit terrestre ; le sort (éternel) des mortels...

L'esprit – le souffle ; à travers les feuillages et la poussière...

 

 

Être ; uniquement le creux...

Cet air qui tourbillonne d'un monde à l'autre ; comme un silence déguisé – une parole – à travers les bruits du jour...

Une pluie d'étoiles sur le front enneigé...

L'homme hissé jusqu'au plus haut de lui-même...

 

 

Sur cette corde branlante – fragile – très provisoirement attachée entre deux points fixes dans le temps...

Aux prises avec les vents et les risques de collision et de bascule...

Poussière suspendue – sous le soleil – en attendant la chute (inévitable – bien sûr) ; puis, l'envol (le déplacement vers d'autres contrées peuplées d'autres cordes – d'autres fils – d'autres particules)...

Ainsi se dessine le chemin des rencontres – l'itinéraire soustractif – la possibilité d'une histoire (infime) ; le monde affranchi du hasard...

 

*

 

Écoutant ; se redressant ; et découvrant son vrai visage...

La boue bleue ; rayonnante...

Les chaînes hissées au-dessus des têtes ; tournoyant...

La danse de la terre ; au fond de l'emprisonnement nocturne...

Et au seuil ; le leurre descellé ; arraché avec la chair – avec le geste et la chair...

Une existence – des signes ; sans la nécessité des Autres – sans (même) la nécessité du langage...

 

 

La bouche close ; vide de mots…

L'âme ouverte ; affranchie de l'assombrissement...

Et l'ardeur aussi fraîche que la sève nouvelle qui se hisse jusqu'au faîte...

Défaisant la charge ; et appelant la lumière...

Comme le couronnement de cette veille interminable...

 

 

Le souffle et le sens ; (parfaitement) accueillis...

A se réjouir de la perte consentie...

Ni tien – ni mien ; nôtre assurément...

Et l'infini en plus ; sans qu'il soit nécessaire de le mesurer...

Une certitude non chiffrable ; intelligible...

Face à soi – encore ; au cœur de la soif rassasiée...

 

 

Le jour – la tâche ; l'un s'épaississant – l'autre s'amenuisant ; sans que (jamais) ne cessent ni la lumière – ni le labeur...

Ce à quoi il faut, un jour, être confronté....

Rejoint(s) – en quelque sorte – par la nécessité du partage...

Ouvert(s) – en somme ; et indifférent(s) à ce qui nous est retiré...

 

*

 

Sur la terre ; passant...

Vers l'autre rive ; l'âme gorgée de matière...

Au fond des yeux ; dérivant...

D'une épaisseur à l'autre ; guidé(s) par l'intelligence (mystérieuse) de ce qui nous porte...

Enveloppés et recouverts ; par trop d'orgueil ; et quelques pelletées d'argile ; l'esprit – le chemin – la possibilité...

 

 

Tourné vers soi...

A la place du vent...

Les mains dans l'ombre ; discrètes...

L’œil aux aguets...

Penché sur ce qui a besoin d'attention...

Le froid – la faim ; et la grossièreté des âmes...

Le cœur ballotté par ce qui lui échappe...

Aux prises avec la (douloureuse) insomnie ; l'esprit qui s'attarde (incompréhensiblement)...

Au cœur de l'invisible – déjà ; la chair flamboyante...

Sous le feu de ce qui nous consume – pourtant...

 

 

D'autres habitants – peut-être – dans la chambre ; l'étendue...

A ne pas croire les Autres ; le Dieu absent...

L'oreille et la parole trop crédules...

Entre le retour et le recommencement...

La route ; pas à pas...

Entre le voyage et l'immobilité...

 

 

Face aux cœurs trop querelleurs ; face aux fronts trop fiers ; la figure humble (presque toujours)...

Offerte aux couleurs (changeantes) de la traversée ; l'âme agenouillée...

A notre place ; jusqu'aux lèvres muettes...

Et nous retrouvant, un jour, dans l'entre-deux du dehors et du dedans...

Avec quelques traces esquissées en silence...

Sur toutes ces pentes qui se succèdent ; glissant – peu à peu et de manière ininterrompue – jusqu'au centre de l'étendue...

 

*

 

Comme le cœur sur la pierre ; sensible et besogneux...

Là où règne le feu...

Là où la voix est arrachée au rêve...

A l'origine – peut-être ; avant que n'explose l'unité...

 

 

Le corps en mouvement ; le reste refoulé...

Contre le vent qui déchire – qui tourbillonne...

L'Autre – en soi – appelé ; et tournoyant avec nous...

Comme une flèche ivre lancée vers le ciel ; invalidée par sa nature ; la matière...

L'âme si malhabile au sein de cet attelage aveugle et bruyant ; et se dénudant (malgré elle – malgré nous) au fil du voyage...

Le prix de l'exil ; de moins en moins exorbitant à mesure que l’œil s'ouvre ; à mesure que le cœur voit et reconnaît...

 

 

En soi – le bruit – Dieu – la parole...

Au cœur du vide et du silence – pourtant ; là où la matière est célébrée...

A l’œuvre ; le temps – le monde et la lumière...

Le feu – l'infime et l'appel...

Comme un rêve ; et du sommeil...

La mort ; et un peu de couleur ; là où demeure l'infini ; là où l'on sait s'agenouiller...

 

 

La terre ; par poignées...

A écouter le jour paraître...

En plein silence ; au milieu des images...

Des corps ; et toutes les choses du monde...

Mille reflets sur le visage...

Et le sourire ; et les étoiles...

Le Dieu vivant ; au lieu du rêve ; au lieu de l'or ; plus proche que jamais...

 

2 juin 2023

Carnet n°290 Au jour le jour

Février 2023

Seul – à bout de force...

Las de l'étrangeté du monde...

Comme un cœur parmi les pierres...

A nous projeter trop bas – vers le plus commun...

Et roulant – avec le reste – dans notre chute...

Le cri de l'innocence au fond des yeux...

Nous abandonnant à toutes les larmes qu'exige notre vie...

Sans (jamais) pouvoir enjamber ni le langage – ni le bruit...

Devant la mort et les Autres ; notre mutisme (involontaire)...

Le silence et le monde ; dans leur face à face...

 

 

Équipé(s) pour la faim et la nuit...

La bouche parfois béante – parfois béate...

L'âme engourdie qui tente sa chance...

A travers tant d'opportunités apparentes ; (presque) jamais rien des profondeurs...

La torpeur et le manque ; la respiration en surface...

Et, aux lèvres, ce filet de bave ; entre torture et débilité...

Et cette (incompréhensible) folie de poursuivre sa route ; quoi qu'il arrive ; quoi qu'il nous en coûte ; de trouver un passage au milieu des tombes et des survivants (provisoires)...

 

 

Passionnément ; la montée du jour...

Le risque de vivre...

Au-delà des choses ; des découvertes...

Blanc ; comme l'étoile ; et la main assassine...

Sans jamais voir l’œil ; la disparition...

Offrant à l'âme ce rougeoiement tenace...

 

 

Adossée à la mort ; la parole...

Le poème ; tel un (infime) rouage du ciel...

Comme un chant obstiné...

Une résistance au mutisme et à la folie ; à cette cavalcade indifférente du monde...

Plongés au dernier degré de l'absence ; ces Autres aux traces si minuscules – si dérisoires ; aux existences si burlesques – si funestes – si tragiques...

Contre l'épaississement de la gorge et du cri ; cette sorte de silence habité...

 

*

 

A nos côtés ; insistant(s)...

Et cette compagnie – commune – discrète – anonyme – inconnue – essentielle – permanente – singulière ; que l'on pare (si souvent et à tort) des couleurs (tristes) de la solitude...

Comme un cercle que l'on ignore ; et qui ne cesse (pourtant) d'inviter l'âme à se révéler – à se réaliser – à naître au jour ; comme l'exercice le plus simple – et le plus quotidien – et le moins pratiqué (sans doute)...

A la manière d'une bouée – d'une embarcation – d'une île – dans l'immensité mystérieuse...

Qu'importe les grilles apparentes ; et la férocité de ceux qui peuplent les rives et les eaux qui nous entourent...

Nous pénétrant ; nous explorant – par à-coups – de plus en plus inséparable(s) du reste – laissant l'âme, le corps, l'esprit et le monde s'emmêler et se confondre ; comme la découverte d'une seule figure – d'une entité à mille facettes – à géométrie (très) variable ; et que les yeux humains découpent (en général) en parts distinctes qu'ils considèrent comme des objets circonscrits et (quasi) hermétiques...

 

 

A travers soi – l'Absolu peut-être...

De l'indigence à l'apothéose...

Dans l'attente d'un réveil qui brise ce qui nous enserre ; la carapace du monde ; cette sorte d'incarcération...

Le corps fêlé – au supplice ; comme une gangue au fond de laquelle l'âme s'est (subrepticement) glissée ; comme dans un piège...

Et, à présent, un feu – des flammes – dans le néant ; cette ardeur désespérée (et désespérante) pour tenter de se rejoindre...

 

 

Le fond du jour...

La langue tirée au cordeau...

Comme sur des échasses ; (très) maladroitement...

A fouiller tous les recoins de la terre...

Le cœur et l'esprit – infirmes ; deux béquilles brisées – nous obligeant à ramper sur le sol...

Indifférent à la légèreté de l'air – à l'immensité que nous sommes (et qui nous environne) – cet espace insensé qui passe (somme toute – assez) inaperçu...

Habité(s) seulement par la peur et l'ignorance ; et ce fond de gravité ; l’œil hagard et la tête ahurie; essayant de nous aguerrir pour faire face au reste du monde qui nous semble si hostile – si étranger...

 

*

 

A l'approche des rives mortuaires...

Le temple vide...

Le cœur serré ; l'âme légère...

Le corps dans son coffre de bois dur...

Avec pour seuls témoins quelques oiseaux criards – (parfaitement) vivants – se querellant pour d'autres raisons que l'infini (présent pourtant autant dans leur existence – et leur chant – que dans l'horizon immédiat des trépassés)...

Accompagné par les larmes – quelques larmes (discrètes) – d'un frère à cornes (paissant non loin de là) et la prière silencieuse d'une poignée de pâquerettes – légèrement inclinées par le vent et la solennité (joyeuse) de l'instant...

Ainsi seront réunis les conditions – et les rares visages – pour la cérémonie qui initiera notre passage dans le monde suivant...

 

 

L'enlacement quotidien...

Dieu et la mort ; détenteurs des souffles – des élans...

La durée arrachée à l'espace...

Le cœur à cœur improvisé avec le monde – le silence...

Là où tout s'engouffre...

De terre – de ciel ; et d’absence...

Ce qui est – involontairement – prôné ; ce qui est – involontairement – vécu...

 

 

Entre la parole et la pierre ; cette étrange dérive...

Ce long voyage sous l'égide de la lumière...

Des instincts – de l'innocence – qui s'emmêlent (amoureusement)...

Sans la nécessité du monde ; sans même le besoin de la proximité des hommes...

Ce que l'on recueille ; un peu d'écume – un peu de sang – l'essence et l'origine (supposées)...

Sur le sentier de la cessation et de la nudité (du moins – en apparence) ; ce que peut constater le cœur (authentique) de l'homme...

 

*

 

Aussi sombre qu'étranger ; le monde offert – le monde proposé...

Sous le joug de l’œil et du temps...

Sans cicatrisation possible...

Porté(s) – comme la veille – et depuis toujours – par le reste...

Sans sourciller ; d'une chose à l'autre...

Cette existence (triste et grise) sur la pierre...

 

 

La terre arpentée...

Sous l'étoile couronnée – inventée – accessible...

Le sang versé...

L'horizon rouge au cœur de l'immensité...

Et dans les yeux – ce vide criant...

Partout – le reflet de soi – jusqu'à ce monde ignare...

Aux lèvres – un rictus discret ; une sorte de grimace indifférente...

La figure inexpressive sur laquelle se lisent (pourtant) le dégoût et la lassitude...

Jusqu'à l'impossibilité du recommencement...

Ainsi se dessinent tous les préludes de l'absence...

Nos vies de (funestes) mortels portés à l’aguerrissement – de moins en moins innocents (à mesure que s'esquisse l'histoire)...

A aller toujours – le rêve en avant...

 

 

Égaré dans la fissure ; le trait...

Ce qui marque et s'insinue...

Comme ancré dans l’œuvre de l'élargissement (naturel)...

D'un écart à l'autre ; la légèreté...

L'esprit (incroyablement) sponsal de la lumière – sans emprise – sans embâcle...

Droite ; dans son (dans ses) interstice(s)...

Sans alternative ; comme le parfait reflet du monde...

 

 

Le dédoublement de la douleur...

Sous la férule des tentatives de rejet – de refus – d'amoindrissement...

L'esprit (pleinement) arc-bouté contre le corps...

Dans une lutte acharnée ; une lutte à mort...

Toutes les forces qui s'escriment – qui s'obstinent – à expulser le monstre ; au lieu d'élargir l'espace ; et se faire accueillant ; hôte et réceptacle acquiesçant ; capable d'héberger le plus sordide – d'embrasser le plus vil – d'étreindre (avec tendresse) ce qui semble le plus éloigné de l'Amour ; prêt à s'effacer – à se laisser dévorer – à laisser l'entièreté de la place ; seule perspective en mesure d'initier une altération (voire une suppression) de la souffrance [lorsque l'on sait disparaître de manière (plus ou moins) complète]...

 

*

 

L’œil cintré...

Paupières (presque) closes...

Sans un regard...

Ignorant le réel – l'Autre – le monde ; les imaginant seulement...

Le reste – et soi – comme un rêve ; malgré les murs labyrinthiques – malgré l'apparente proximité – malgré ce qui (nous) heurte (à chaque mouvement)...

Sans lumière ; l'âme amorphe ; sans même la force de deviner...

Tout bêtement étranger(s)...

 

 

Serrés l'un contre l'autre...

Le cœur et le silence...

La bouche et le bruit...

L’œil et le monde...

L'âme et le vide...

La chute et l'envol...

Le corps et l'effacement...

La mort et l'éternité...

Ce qui nous anime ; et ce que nous contemplons...

A chaque instant ; à chaque recommencement...

 

 

Se heurter ; sans résonance...

Ce qui compte ; à coups de saccages...

Égaré(s) ; du sol aux cimes ; (à peu près) la même chose...

Le cœur errant ; sans même explorer l'inconnu...

Une sorte de crucifixion (mobile) ; la poitrine contre le vent ; et la tête (malgré elle) qui pend vers les racines...

 

 

La peau lacérée par tous les maléfices...

Féroce ; sans (réelle) dignité...

Au cœur des ténèbres ; jouet entre les mains de la mort...

Trop indécis ; trop insipide ; l'esprit et ce qui est goûté...

Quelque part – à la marge – au fond d'un trou...

Dans une sorte de halte obscène pour échapper aux sévices et à la sauvagerie...

Avec le monde de biais ; (juste) au-dessus...

 

*

 

Sur cette terre épineuse et pentue...

Contre le ciel ; la blessure – notre néant...

Un voile (discret) sur la nudité du monde...

Devant soi – là-haut ; une étoile...

Et plus bas ; des bavardages ; des mortels obéissants ; des bouches inquiètes qui fouillent la rocaille...

Comme des ombres ; des traces sur la neige...

Ces (pauvres) vies qui passent...

 

 

Avec nos gestes ; un surplus de sommeil ; sans doute – l'un des seuls apprentissages possibles...

Debout ; les yeux fermés...

La lumière que l'on cherche – aveuglément – dans les ténèbres...

Les mains tendues devant soi – jusqu'à l'autre bout de la terre...

Dans le même sillon ; sans jamais voir le jour...

 

 

Le monde ; dans son reflet qui ricoche sur l'étendue brumeuse...

Le souffle éternel – en chacun...

L'aube et le sommeil ; sous leur masque grossier ; et qui aiment à se mélanger en toute chose – en chaque élan ; là où s'initient la structure et le mouvement...

Sous la lumière capable de métamorphoser ce qu'elle éclaire...

Au plus près ; au plus large ; (presque) jamais là où nous l'attendons...

Présente jusque dans les plus profondes fondrières...

Qu'importe l'échec – l'ampleur – la vérité – de ce que nous vivons...

Ce qui enveloppe la peur – le chemin et la mort...

Nos pas ; dans la (parfaite) continuité du voyage...

 

 

La chair tendre ; tremblante ; tandis que nous respirons ; tandis que nous traversons l’épaisseur du labyrinthe ; tandis que l'âme et le monde se révèlent l'un dans l'autre ; tandis que la langue et le pas approchent du silence ; avant que la mort ne nous emporte ailleurs ; avant que le temps ne nous porte vers un autrement...

 

*

 

Gracieuse – la danse des âmes...

Le tournoiement des couleurs dans la lumière...

Ces pas – tous ces pas – dans l'invisible ; le cœur au bord de l'indicible ; le plus sensible habité...

Si près du feu – de la source...

Le souffle (imperceptible) du temps sur la pierre...

Et nos fronts rayonnants...

Entre l'herbe et le vent ; le sourire aux lèvres ; comme si la joie s'était affranchie des circonstances...

 

 

La ligne portée à la rencontre...

Le ciel déployé sur tout le territoire...

Avec des ombres ; et des traces sur la pierre blanche...

Des étoiles ; et toutes les possibilités réunies ; dans la main – le geste qui sait...

A travers la matière – le monde ; l'espace – ce qui doit arriver...

 

 

Le vent ; encore...

Cette furieuse traversée de l'espace...

Contre soi ; les forces d'immersion...

Et ce qui nous hante ; soudain – redressé...

Des coups de hache pour détacher le bruit de la parole ; l'esprit de la matière...

Des signes à la silhouette gracile...

Vers la raréfaction – le tarissement ; et la possibilité (patente) du renouveau – de la transformation – du saut dans le silence ; vers l'issue la moins fatale...

 

 

De chaîne en chaîne ; ce tourbillon...

La figure intacte...

Sous cet amoncellement de couleurs...

La chambre simple ; la voix sans tremblement...

Qu'importe que la nuit nous ait pénétré(s)...

A travers le ciel ; l'âme qui se risque en dépit des périls que le monde recèle...

 

*

 

Parfois dedans ; parfois trop tard...

A l'angle du jour que la nuit a choisi...

Insidieusement – amoureusement ; la cendre...

Quelque chose de la blessure ; du retard...

L’œil triste...

Et le reste qui vacille ; emporté par quelques tourbillons ; éphémère(s)...

En nous ; ce qui s'érige ; une sorte de verticalité naissante...

 

 

Comme attrapé par le silence sous-jacent ;

L'idée et le mot ; à la place du ciel – trop souvent...

A la manière d'un couperet...

Comme une incidence sur le voyage – la volonté...

L'univers construit de travers...

A l'heure des réparations...

Le déferlement de l'invisible...

Et ces mains tremblantes ; et ce cœur battant...

 

 

Par-dessus la croix ; l'invisible...

Ce qui n'ose se dire en ce monde...

Sous quelques rais de lumière ; le temple et la prière...

Au bord de la perte ; déjà...

Des traces de blanc sur la pierre grise...

Quelques soubresauts sur le territoire...

A point nommé ; cette sorte de récompense...

 

 

Le reflet du ciel dans l'astre ; et la prunelle ; si mal regardé(e)(s)...

D'un autre monde – sans doute...

A cette heure où se dévoile (où peut se dévoiler) la vérité...

Le souffle perturbé par le vécu aveuglé...

Le feu croissant à mesure que s'estompe le gouffre ; la possibilité...

Ce qui pourrait provoquer le ruissellement de la substance ; et son débordement dans l'âme...

 

*

 

La joie-monde – soustraite du carcan...

Adossé contre la hampe ; inconfortablement...

Dans l'épuisement de ce qui s'est passé...

De part et d'autre de l'étendue rocheuse...

Sans bruit ; sans rien voir...

A cet instant ; le centre entrevu ; jamais atteint...

Au milieu des pierres ; le cercle – l'immobilité...

Appuyé contre la perte ; le salut...

A grandes pelletées de vent...

L'écoute ; le seul labeur – la seule possibilité – de l'homme...

 

 

Ainsi confondus ; l'âme et le point du jour...

A se heurter sans raison...

Malgré mille détours ; les obstacles du monde et du temps...

Les lèvres rêches ; et des mots du dedans ; quelque chose de soi (immanquablement)...

 

 

Ce qui se dresse – face au néant...

Parmi nous – (presque) sans effet...

Ici et là ; entre quelques étoiles...

Aussi vaste que l'espace...

Aussi lointain que l'origine...

Quelque chose qui veille ; de vivant...

Là où l’œil reste ouvert...

A mesure que l'argile se désagrège...

Sous le règne de la poussière ; le vide jamais déclinant...

Sans personne pour séduire ; et nous plaire...

A notre rencontre ; le rien qui fleurit...

Comme un chant au-dessus du ciel...

 

 

Par-delà le silence et la fusion...

Le secret délibérément exposé...

Au terme de toute les pertes ; l'âme si légère...

 

*

 

Dans le flot continu ; le monde et le temps...

L'espace mortifère...

Passages de mendiants et de rois ; mélange de bruit et de matière – dans le silence (presque) jamais célébré...

Comme mille traces de fumée à suivre...

Des pas dans la neige ; la nuit...

Automatiquement reconduits...

 

 

La douleur d'un Autre ; enfoncé(e)...

Le poids du rien ; des choses sans nom ; au fond de l'âme...

Ignorant cette voix qui nous appelle...

Dans le vide abyssal ; le cœur en désarroi...

Ici – contre soi ; tout près du ciel...

Ailleurs ; autrement que la vie assassinée...

 

 

Trop souvent prisonnier(s) de ce qui nous protège – nous soutient...

Là – contre soi ; la tentative d'un abri...

Dans l'optique d'une fuite...

La perspective du repli...

Sans pouvoir faire face ; à peine regarder...

La tête enfouie quelque part ; plus haut – plus bas ; ailleurs...

A côté de soi ; malgré le bleu qui s'est installé ; présent, sans doute, depuis tous les commencements ; et bien avant même – peut-être...

 

*

 

La terre répandue en prière...

Jamais rongée par l'ombre cachée sous les paupières...

Au-delà des mots – bloqués dans la bouche par d'étranges éboulis de pierres ; la raison des Autres transformée en paroles de plomb...

Le doigt arraché à la gâchette ; indocile – obéissant encore à la mémoire du corps méfiant – hostile à toute forme d'étrangeté – à la chair du reste – aux intentions dissimulées – à ce que représente le monde...

 

 

Là-bas ; au loin ; au large...

Quelque part derrière soi...

A l'origine de toutes les séries visibles – tangibles – terrestres ; et présent déjà dans ce qui leur succédera...

Lumineuse ; comme la bouée de l'ensemble – l'immensité...

Devinant (bien sûr) toutes nos attentes ; et leur devenir ; ce qui nous propulsera au-dedans ; ce que nous abandonnerons au monde...

 

 

La pierre chantante...

Contre la nuit installée...

Autrefois plus bas ; ailleurs – enfoui(e) peut-être...

Dans notre absence ; les figures assassinées...

Avec comme des mains dans le ciel...

Un buste béant – penché – semblable à un abîme...

Et sur la tête – une couronne cabossée...

 

 

Des yeux ; sous lesquels poussent des chemins...

Aveuglément ; tantôt vers l'obscur – tantôt vers la lumière ; l'immensité blanche...

Et entre la pierre et la prière ; la possibilité de la couleur – le monde étalé ; et, parfois même, la transparence...

Ce qui s'installe sous la couronne...

Le cœur – comme autrefois (bien sûr) – battu par les vents ; mais inaliénable – à présent...

 

 

Vers soi ; animé...

Le jour et l'histoire du monde...

Toutes les comédies inventées ; et qui s'achèvent (à peu près toujours) par le même drame...

Mille égarements – quelques détours – vers le bleu...

Ni leur ; ni nôtre ; sans appartenance...

Au milieu des fables et des gerbes de lumière...

 

*

 

Venir – aussi – à soi...

Prière seule – peut-être – non advenue ; éclipsée par trop de volonté...

Poussières d'or qui fascinent – qui continuent de fasciner – les yeux fermés...

Avec des noms auréolés de mystère...

Et des êtres dévoués à la dissémination de la semence...

Simplement ; quelques mortels sur notre chemin ; envahi par la terre ; la signature de ce monde promis à la perte – condamné à l'abîme...

 

 

Parvenu(s) ; le vide ; la voix...

Au plus fort de la tempête ; l'Amour enflammé...

Les formes entremêlées – folles – (trop souvent) insatisfaites...

Et de nouvelles choses pour contenter les impératifs du nombre...

Peu à peu – oublié le jeu initial...

Transformé, malgré soi, en naufrage – en sépulture (et, parfois, en charnier – en nécropole) ; dans un (lent) dépérissement sous l’œil (parfois amical – parfois narquois) de ce qui a initié le monde – le voyage...

 

 

En soi ; ce qui nous accompagne...

Sur toutes les voies de la terre ; entre elles (parfaitement) tissées...

Main sur le bâton ; au cœur des obstacles et des reflets...

Guidé(s) vers le haut – au-dedans – peu à peu...

Puis disposé(s) au milieu des pierres...

Nous montrant le seul chemin ; la seule direction parmi tant de possibles...

 

 

Le peuple des rives ; au cœur de leur territoire...

Sans arbre – sans forêt...

Sans voix pour dire la douleur – pour célébrer la beauté...

Le ciel ouvert – simplement – (atrocement) nuageux – encombré – parsemé de rêves qui entravent la vision – qui voilent la réalité...

Quelque chose de l'illusion et du poing levé ; et cette plainte continue qui s'élève depuis le premier frémissement – avant (bien avant) même la naissance du monde et du temps ; et qui se perd – s'abîme – s'efface – avalée – engloutie par l'immensité...

 

*

 

Au plus bas ; là où la glaise rejoint le ciel...

Là-haut ; là où la terre devient miracle ; merveille...

La clé de tous les voyages ; de tous les exils...

Tous les membres de la parentèle rencontrés – et retrouvés – sur ces pentes abruptes...

Et le cœur qui – peu à peu – se réchauffe...

Comme un feu (un feu nouveau) au fond de l'âme – elle, depuis si longtemps, éconduite – délaissée – abandonnée – ressuscitant, à présent, sous le regard fraternel – spacieux – sans sentence – qui autorise cet étrange balancement entre le ciel et la chair – entre l'Amour et la faim...

Réconcilié(s) – en quelque sorte...

 

 

Comme un passage à gué ; entre Dieu et les étoiles...

Devant ; des yeux qui interrogent...

Méfiant face à la neige offerte – face aux caresses invisibles – face aux malentendus de l'hiver...

Malheureux ; en dépit des épaules – et, parfois, des mains – qui se touchent...

 

 

Le jour – dans la main – recroquevillé...

Dégagé de tout langage...

Sur la blancheur ; la terre emportée...

Notre nom – dans le monde – chaviré...

Entre la tempête et l'étendue...

Au cours de ces quelques pas que l'on nous accorde...

 

 

Aux cimes recouvertes ; retiré...

Face au vent qui dissipe toute consistance...

La parole d'un Dieu que le ciel efface...

Entre deux eaux – le cri qui monte – au milieu des stèles dressées...

Et cette angoisse qui se propage ; qui prolifère – au détriment de la soif...

Nous pardonnant pour toutes les fois où nos gestes chiffonnèrent les âmes ; où nos paroles découragèrent les premiers élans de l'innocence ; à califourchon sur le monstre – dans cette posture inappropriée...

 

*

 

Au fond du filet ; enhardi...

A l'ombre des pierres ; vivant...

A se soustraire aux alliances trop nombreuses ; étouffantes...

L'âme rampante (et désabusée) – sous le sommeil...

Là où s'affrontent le monde et la liberté ; là où s'affrontent les créatures et l'innocence...

Sous ses airs belliqueux ; personne pourtant...

Assis dans l'espace ; à s'émerveiller du silence (trop rare) dans la parole...

 

 

Trop près de ce cœur dépossédé...

Dans ce désert sans sable – sans lumière...

A attendre un chant qui ne viendra pas atténuer la danse folle des hommes...

Qu'importe nos pensées incandescentes...

Pris dans le tumulte – le déclin – la débâcle – en dépit de la persistance du miracle – au-delà...

 

25 mai 2023

Carnet n°289 Au jour le jour

Décembre 2022

Ici – parcouru(s) jusqu'à la pourriture...

La chair recouverte ; l'âme contaminée...

Et le cœur en passe de devenir (Ô horreur!) l'allié du temps...

La mort inscrite sur tous les tableaux...

Comme une seconde peau dont il faudrait (peut-être) se départir...

 

 

Le corps emballé...

Vers cette lumière ; ce passage...

Dans le prolongement de l'ombre que le crépuscule étire vers le lointain...

La figure bleue ; et des ruissellements de têtes – de tous côtés – de la chair qui chute ; une partie du monde emportée...

Des cris – des gémissements ; une expulsion – un renouvellement ; une naissance peut-être...

 

 

Le vivre réticulaire...

Des liens partout ; rien que des liens ; pas d'entité vivante – existante – isolée...

Comme de la neige à la place du chagrin...

Du souffle ; et pas de finitude ; d'incessantes transformations [ce que récusent (bien sûr) tous les partisans de l'identité qui (en général) placent la mort au terme du temps et l'humain au faîte de la hiérarchie]...

 

*

 

Le temps offert ; le temps perdu...

Sous le même soleil...

Et le souvenir qui s'étire...

Le vent en face...

Comme si la figure des Dieux s'était détournée ; à mesure que nous vivions...

Et, à présent, rien que du sable dans nos mains tremblantes et ridées...

 

 

Dans le cercle des Dieux ; consentant...

L'Amour – la chute et le soleil...

Des luttes au fond de l'abîme...

Et notre longue veille – par-dessus...

 

 

Au-delà de la découverte ; l'invention du jour...

Plutôt l'arbre ; et la tendresse...

Plutôt la chambre que le monde...

La délivrance offerte par le vent ; et l'âme aussi impartiale que possible...

Des fleurs ; et de l'espace...

Qu'importe alors que l'existence puisse sembler quelconque (à des yeux ordinaires – trop peu aiguisés – trop peu aguerris) lorsque l'on sait que l'intensité et la profondeur – notre manière (assez métaphysique) de la vivre – ne cessent de l’embellir – de la magnifier – de lui offrir son éclat – son envergure – toute sa saveur...

 

 

L'âme contre la pierre...

Socle et siège de cette existence terrestre...

A hauteur d'un ciel disparu...

Le monde (à présent) recouvert de terre et de nuit ; si étrange – si étranger – aux yeux des Anciens...

Et ce souffle – et ce feu – au fond de la chair palpitante...

Comme une œuvre – inachevable – qui se poursuit...

Et notre visage – entre l'herbe et l'infini...

Cet espace – sans hasard – à habiter...

 

 

L’œil – sur la neige – apaisé...

La disparition vécue ; et regardée...

Au cœur de l'essence vivante de l'âme et du monde...

Qui sait ce qu'il restera lorsque les ombres (toutes les ombres) auront disparu...

Peut-être ; à nous débattre encore dans la (folle) chevelure du temps...

 

*

 

Peut-être la folie ; peut-être l'Amour ; qui peut (réellement) savoir...

La mort – sur notre route – tant de fois rencontrée ; et coïncidant avec la parole ; et l'impossibilité de dire (la mutité) ; et le silence décidé (et nécessaire)...

Au commencement du rien ; lorsque plus personne ne sera...

 

 

Les heures cristallines des croyances...

Des fables diluées dans les eaux du temps...

Des jours et des âmes mâtinés de monde et de cruauté...

L'existence humaine ; à peine quelques souffles – quelques levers de soleil – quelques saisons...

Et la mort ; comme sur les fleurs qui se fanent ; et les bêtes que l'on égorge...

Le malheur de se souvenir ; et d'espérer ; en plus de tous les autres...

 

 

Au gré du monde ; se transformant…

Comme l'eau de la rivière ; parcourant la roche – plongeant sous le sol – s'évaporant – débordant sur les rives – allant vers l'immensité...

Dans toutes ses trajectoires possibles ; simultanément ; et notre visage oublié – enroulé dans l'invisible...

 

 

Déployé(s) – dans notre trou ; et (très) mal assemblé(s)...

Oublieux de l'hôte qui nous loge ; ce qui nous habite ; et nous fait vivre...

Dans notre corps ; le souffle et l'ardeur du vivant ; ce feu qui, peu à peu, s'éteint ; qui, peu à peu, nous mène vers la fin...

A l'intérieur ; le saut – la chute – le déclin ; puis, sans doute, le retour et le recommencement...

 

*

 

Rien qui ne puisse (nous) consoler de la face triste (et hautaine) des hommes...

Bouts de ciel arrachés au profit d'ombres grises...

De longs chemins qui égarent ceux qui persévèrent dans leur marche collective – l'erreur commune – la foulée mimétique comme la (déceptive) garantie d'une issue – d'une possibilité – d'un espoir...

Quelque chose comme une perspective dans ce magma – cette opacité – ce mythe – ce mensonge – cette illusion – que l'esprit et le monde façonnent ; et auxquels nous nous agrippons désespérément...

 

 

Ce que l'on ne peut vivre ; ce qui n'a pas été vécu...

Quelques feuilles jetées dans les fossés ; au cœur de ce qui pousse sous les ronces en fleurs...

N'importe quoi entre le sol et le ciel...

Quelques pierres en guise de sourire...

Et une souille où l'on s'immerge (régulièrement) pour consolider la fange – renforcer les masques ; cette matière qui craquelle sous le poids du monde – des Autres – de la vérité ; qu'importe ce que nous dissimulons ; qu'importe ce que nous cherchons ; debout comme un piteux monument qui se lézarde ; et sous les ruines duquel, un jour (bien sûr), apparaîtra notre vrai visage...

 

 

Le saut – en soi – (presque) assuré...

Pas une seule trace de cette aventure sinon la transformation du cœur et du regard – redevenus (peut-être) ce qu'ils étaient avant cette sorte d'aveuglement – d'insensibilité ; cette bêtise et cette nuit enchevêtrées ; dans ce monde sans ciel où seules comptent l'espérance et la promesse ; dans l'absence de cette blancheur outrageusement recouverte...

Ainsi – sans doute – discrètement – secrètement – se rejoint-on (en partie)...

 

 

Près des arbres – encore...

Le cœur dans ses profondeurs ; proche de leur perspective...

Le silence – l'invisible – la lumière...

Le long chemin de l'âme et du regard – par-delà les lois – par-delà la mort et la mémoire ; dans ce qui continue de se détacher...

Le geste qui, peu à peu, apprend à s’affranchir de la parole – de cette (odieuse) pétrification du vivant...

Le vide – au-dedans – à la place du cri ; et cette tendresse – ce surcroît de tendresse – dans l’œil – la main – la voix...

 

 

Tourmenté par l'histoire du monde ; la furie des hommes ; cette façon de fuir devant l'évidence du mystère ; et la nécessité de sa résolution...

Peu à peu – sa part maudite ; grandissante...

Comme étranger (de plus en plus) à la famille – à la tribu...

Trop de voix – de pistes – de gestes – délétères ; et cette démesure exaltée par la peur et les instincts...

Du sang et de la poussière ; si centré sur soi...

A vivre à l'écart des Autres – au-dessus de l'air vicié ; et des têtes noires envahissantes...

Dans l'intimité de la roche ; un peu de lumière ; et de temps à autre – une nouvelle respiration ; notre seul réconfort...

 

 

Le ciel oublié ; après l'Autre...

Le dos offert à ceux qui blessent ; gémissant...

Et espérant – en secret – des saisons moins rudes ; des accalmies ; la fin de l'orage...

Et ce cri ; comme le seul portrait du monde (invalidé, bien sûr, par ceux qui le composent)...

Les épaules voûtées ; et la chair dont on se repaît ; (à peu près) les seules choses que l'homme connaisse...

 

 

Depuis le premier jour – réuni(s) ; puis, peu à peu, scindé(s) en deux parts inégales...

Dans l'architecture de la pénombre ; obsédante ; et au loin – la langue de la mort – trop bavarde – bien pendue...

Et nous – à bout de souffle ; asphyxié(s) dans notre abri – notre trou – par l'abondance de mots ; le tombeau à venir que l'on s'aménage...

Et le nom de Dieu que l'on murmure ; la seule prière – la seule perspective dans cette existence obscure...

 

 

Des têtes inclinées dans l'espace...

Comme courbées par un poids (invisible) posé sur la nuque ; l'intériorité à l'abandon...

Des vies simples ; des gestes et des mots prosaïques...

(Quasi) insensibles à la part manquante...

Envoûté(e)s par la matière – en quelque sorte...

 

 

Le geste de la mémoire ; dans le silence...

Un renversement du ciel noir aggloméré ; comme encaissé dans le crâne...

Et ce (soudain et surprenant) surgissement de la lumière – dans l'errance – du secret ; à travers les jours vécus comme une déperdition ; ce qui se cachait (depuis toujours) au fond de la matière ; parmi nos perspectives infondées ; ce qui s'est, peu à peu, révélé à notre insu – en vérité...

 

*

 

Ensemble ; comme un grand corps que nous partageons ; malgré les querelles – la violence – l'incompréhension – la cécité...

Sans doute ; la seule chose que nous sommes...

 

 

Du monde rêvé depuis si longtemps...

Sans jamais s'attarder sur la page ; ce qui s'est passé...

Jour après jour ; instant après instant – pour contrebalancer (sans doute) le poids du souvenir ; et celui de l'imaginaire...

Le réel rugueux sur notre peau rêche ; comme un aguerrissement ; et un accroissement de la sensibilité...

 

 

Et cette main – et cette âme – qui n'appartiennent à personne ; et que tous les courants agitent ; et qui approchent tantôt le soleil – tantôt la mort – tantôt la vérité ; et, de temps à autre, tout ce qui semble lointain – tout ce dont nous nous croyons séparé(s) – simultanément...

 

 

Le sort du monde – jeté dans les replis...

Dans le geste et la langue ; les seules forces de résistance...

De la chair (tendre – fragile – passablement molle) contre de l'acier trempé...

Des plaies et des béances...

Aux prises avec ce que courbent les étoiles...

Une manière (très) imparfaite de se tenir debout...

Quelque chose de l'infini qui porte le plus infime – pourtant...

Toutes ces lois qui régissent la condition terrestre...

 

 

La paupière lasse de jouer avec le monde – de repousser la mort – d'éviter (autant que possible) l'essentiel...

Dans l'abîme partagé ; ce que l’œil ne voit pas (ce qu'il s'obstine à ne pas voir)...

Le recours (trop souvent) à l'impossible ; et cette prière dolosive...

Les frontières et l'au-delà – déformés par toutes nos constructions...

La vérité profondément enterrée ; et qu'un seul regard (pourtant) saurait exhumer...

 

*

 

Depuis le début du monde – à genoux – sous la même étoile...

Des frayeurs – des réminiscences ; et l'espoir de découvrir le reste du jardin ; la part du secret qui nous anime...

Apprenant, peu à peu, à reconnaître la main de Dieu sur notre épaule ; et l'étreinte (passionnée) de l'âme...

Découvrant le déroulement du cycle ; une (infime) partie du voyage ; et (très) provisoirement – la possibilité du repos...

Et parvenant (parfois) au lieu où la paix devient certaine...

 

 

Fils de l'arbre et de la pierre...

Frère de la fleur et de la bête...

Tremblant de joie – parmi les siens – sous le ciel immense...

Dieu dans l'ombre de ce qui nous entoure – entre nous ; dans la farandole...

Porteur(s) de l'esprit commun dans l'espace partagé...

Une multitude de chemins ; d'un coin à l'autre ; d'un angle à l'autre ; une longue suite de pas et d'escales – où se dessinent – puis s'effacent – le bleu – l'Amour – la vie – la mort ; parfaitement porté(s) par les circonstances...

 

 

Effacées – sur la pierre – les traces de vie ; la souffrance et les larmes des générations successives...

L’œil posé sur la folie du monde ; les gouffres où l'on jette les noms et la chair encore vivante...

Entre deux sommeils ; la litanie des gestes bruyants et mécaniques...

Et de ces (tristes) spectacles – bientôt il ne restera plus rien ; sinon (peut-être) des os éparpillés et quelques têtes endormies (comme oubliées là après la bataille)...

 

 

Hanté – depuis le premier jour – par ce qui nous déroute – par ce qui nous fourvoie – par ce qui nous corrompt ; jusqu'à la moelle – jusqu'à la pourriture...

Les poignets liés face à la cendre promise ; corps et âme ligotés...

Engloutis ; et le monde – et l'obscur...

Comme un (minuscule) brasier dans l'immensité...

 

*

 

La pierre embrassée...

Une chose ; puis, une autre...

Le désir de l'espace ; ce qu'il nous insuffle...

Comme quelque chose qui nous pousserait...

Un feu ; un cri très ancien ; qui peut savoir...

De la même couleur que le ciel ; les arbres et la blessure...

Ce que nous portons (tous) au fond du ventre ; ce qui ne peut nous être arraché...

 

 

Des choses défaites dans la mémoire...

Dans un frémissement imperceptible ; ce qui refuse de mourir – de s'échapper – d'ouvrir la porte d'un autre monde...

Nuit après nuit ; dans la même obscurité...

Au cœur du pays noir et glacial – sans personne pour crier – sans personne pour écouter...

Et la soif qui nous happe – qui nous harcèle – qui nous déchire ; comme si l'on attendait quelque chose ; la part manquante – le plus précieux (sans doute)...

 

 

Le monde – d'un seul regard...

Parcelle de l'espace et témoin...

Neige et fumée noire (à égales proportions)...

Le soleil déclinant ; la terre impénétrable – enfouissant tous les secrets...

Et la course des astres vers la mort...

Des visages ; les uns après les autres ; éléments du costume (du déguisement) au fil des formes et des fonctions...

Le vide et le vent ; comme envoûtés par eux-mêmes ; et s'infiltrant à travers tous les orifices formés ; présents autant dans la parole que dans les excréments...

Ce dont nous sommes constitués...

 

 

Autant de ciels (bien sûr) que de prières ; et autant de promesses que de visages...

Et bien plus de possibilités que d'avènements ; que de naissances ; que d'apparitions...

L'oreille tirée hors du sommeil ; penchée vers l'écho du monde ; et tournée vers le silence ; son désir le plus secret...

 

*

 

Journalièrement – la figure dessinée...

Avec ses signes et ses labyrinthes...

A la manière d'une parole prophétique...

La même veille ; et la lumière juste pour dire...

Sans (réelle) importance ; moins qu'un arbre – moins qu'un oiseau ; mais égaux dans leur élan et leur nécessité...

Le monde (ce monde) – à notre portée...

 

 

Ici – tombé(s) ; debout pourtant...

Et l'ombre inclinée qui nous prolonge (ou, peut-être, l'inverse)...

Dans le creux de la terre ; dans nos refuges ; sous nos coquilles...

Parmi les ronces et la mort…

Et le peu que nous comprenons du monde – des Autres ; et tout ce qui nous relie...

Et déjà mille fois ressuscité(s) – pourtant...

 

 

Au commencement de la roche...

La chair des Dieux – clouée par la lumière...

Et le vent dans leur chevelure....

L'espace qui s'habite – peu à peu...

Des astres errants ; initialement ; et que le bas et la nuit ont expulsés ; hors du cercle...

Sous le regard de tous ; et leur assentiment...

Rien qu'un peu de neige sur la solitude des morts et des vivants...

 

 

Le sol recouvert...

Des paroles et des entailles...

La terre ; des fragments d'os et de ciel...

Trop séparé(s) des signes – des triangles – de la blancheur...

La tête face à la platitude ; décourageante – découragée...

Et la compromission qui gagne – peu à peu – l'esprit...

La fuite comme une évidence ; l'issue qu'il nous fallait trouver...

 

*

 

Vêtu(s) de sable et de vent...

L'arbre – l'étendue...

Le souvenir et le monde...

La parole et le sang...

Autant que le cri ; autant que l'espoir...

Autant que le ciel et que la terre que nous habitons...

 

 

L'espoir par-dessus la plainte...

Le cœur coincé ; et les lèvres qui tremblent encore...

A la cime des choses ; depuis trop longtemps inassouvi(e)(s)...

Ce que l'on invente pour duper le monde ; tromper l'esprit...

Au commencement de tous les chemins...

L'âme qui se rejoint – qui s'accomplit – dans la chair acceptée...

La nuit décousue par la cendre consacrée – accueillie...

Ce que l'on porte au fond de soi ; et ce que l'on tient dans la main ; en dépit du destin qui se dessine...

 

 

Habillé de chiffres et de manières...

Le monde à l'horizontale...

Le ciel par un (large) escalier dérobé...

L'espace ; et les mouvements ; et les destins – calculables ; et prévisibles (bien sûr)...

Tout ; ponctué de mots et de possibilités...

A l'intersection du froid et du front...

Entre la neige installée et le sommeil enfoui...

La terre qui s'attarde ; les têtes paressant...

Éternellement plongée(s) dans la reconduite du temps...

 

 

Muraille de peurs et de nuit...

Épars le savoir ; comme appuyé sur toutes les infortunes...

La pierre et le secret – au fond – inextricables...

De la couleur du monde – de la mort – des enfers...

Le cœur et l'esprit – prisonniers des éboulis ; par-dessus l'émerveillement ; le temps venu (peut-être) de la glaciation...

 

*

 

Le rêve accablant...

L'absence de l'oubli...

Des noms et de la neige ; d'épais flocons...

Comme une tromperie sur l'errance...

Du vent dans les pensées...

Et la tendresse ; et la douceur – que l'on n'attend plus...

 

 

La solitude du marcheur ; prince de ses pas (involontaires)...

Au cœur des paysages ; l'âme inclinée ; tournée vers le soleil – en dépit des jours qui passent – en dépit du temps...

Le sacre de l'infini dans le feu ; se consumant – renaissant...

Face au monde ; la même montagne...

Une fleur noire à la main...

Abandonnant tout à son passage...

Respirant pleinement le sable et le bleu (encore) lointain...

 

 

Au jour de la ressemblance ; du rapprochement...

La pierre présente ; l'arbre silencieux ; la bête gémissante ; et une larme dans l’œil de l'homme...

La possibilité d'un baiser – d'une étreinte – d'un accouplement – d'un mélange – d'une hybridation...

Le passé rappelé entre les lèvres ; puis, happé par tous les orifices ; se réclamant de l'indistinction ; de cette ère d'avant la séparation...

Fragment(s) de ciel et de sable – mêlé(s) à la tendresse et aux murmures des vents ; condamné(s) à l'attirance réciproque...

 

 

Promesse de décombres...

Le lien rudéral...

A même le corps ; à même la terre...

L'érection d'une langue destinée à enjamber toutes les frontières – tous les remparts – toutes les tranchées ; ce qui résiste au temps – à la tristesse – à la mort ; porteuse de joie et de liberté...

 

*

 

Quelqu'un peut-être ; une chose sûrement ; qui nous use ; et nous épuise...

Comme jeté derrière soi ; à l'abri en quelque sorte – protégé par cet étrange bouclier...

A manipuler le monde (comme s'il y avait quelque chose à prendre ; comme s'il avait quelque chose à donner)...

Le destin de l'âme (sans doute) – affranchie des circonstances (même si, à travers le corps, elle s'y trouve plongée)...

 

 

La transparence du voyage...

Des gestes de survie ; des gestes de partage...

Le ciel-compagnon qui veille durant notre sommeil ; qu'importe notre nom – notre destin – notre renommée...

Un chemin entre les pierres...

La figure des lieux ; et, en filigrane, la figure des Dieux...

A découvrir – (très) attentivement...

Avec les cris de la nuit tatoués sur la peau ; et qui s'effacent, peu à peu, au fil des pas...

En nous – le sorcier avec son tambour ; porté par cette magie que nul ne comprend...

 

 

Au terme du froid et des entassements...

Les mouvements libres ; et légers...

Le ciel du monde – à nos pieds ; et le cadavre des chimères – baignant dans le sang blanc (et parfumé) de l'Absolu...

Toutes les pyramides renversées ; aux côtés de la barbarie ; de la cécité...

Assis sur la mort agenouillée...

Les paumes effaçant les murs du labyrinthe mal dessiné(s)...

Riant – la tête à l'envers – sur le socle de la verticalité trop rigide...

La neige et la lune en collier ; joyeux ; et elles, pas même asservies ; pas même enchaînées...

 

 

La main blanche – sur le front trop sombre...

Nous prononçant (à l'unanimité) pour l'effacement sans prélude...

Qu'importe les cris et les plaintes inarticulées...

Au terme des signes ; la possibilité du geste juste offerte à ceux qui se sont (presque) toujours montrés si maladroits – si engourdis – si empruntés...

 

*

 

Porté(s) vers la mort...

Ce qui se dresse dans la fleur et le sang...

A coups de pierres – la route...

Agenouillé(s) devant la terre des hommes ; les lois et les larmes – indéfiniment ; les mêmes espoirs – les mêmes prières...

Fils de rien – en somme (si nos calculs sont exacts)...

Et personne pour écouter la plainte ; seulement le silence ; ses caresses et ses baisers ; ses mains dans les nôtres ; et son souffle chaud sur notre peau ; offrant à l'âme et à la chair un frémissement (inespéré)...

 

 

Jusqu'au dernier soir ; la lampe et le feu...

Le fardeau animé...

La part la plus humble et la plus vile ; que l'on n'a jamais cessé d'avilir et d'humilier...

Loin (si loin) du festin commun ; comme l'âme qui cherche le plus simple ; et la sagesse plutôt que l'abondance ; et la vérité plutôt que le confort ; et l'effacement plutôt que l'assouvissement du désir et de l'ambition...

Et pourtant nous vivons comme si nous ne savions rien de la douleur et de la mort ; du dérisoire de l'existence et du monde...

 

 

L'enfance violentée...

La mort comme un trait noir – une flèche qui se fiche dans la chair – un retour à la ligne...

Un vide où plus rien ne s'insère...

Le corps raide – à l'horizontale ; et l'esprit porté par l'espoir d'un autre monde...

Tout ; dans la possibilité d'un ailleurs ou d'un recommencement ; le prolongement (perpétuel) du même désir – en vérité ; au fil des hauteurs – des profondeurs – des transformations – éprouvées...

 

 

Au cœur du cri ; la plongée en soi...

Lèvres blanches ; et serrées...

Là où l'obscurité nous avale – nous engouffre – nous engloutit...

Comme un spectre chétif – et malmené ; vers l’œil qui patiente...

De la matière dégoulinante entre les doigts d'un plus grand que nous...

 

*

 

Ombre désuète – gigantesque ; comme un vieux manteau – une (seconde) peau élimée ; l'écorce d'un Autre (mort depuis très longtemps)...

Le ciel – à travers les frondaisons – comme une évidence ; le règne de la lumière...

La beauté du monde – malgré la faim et les territoires ; malgré l'agonie...

La figure dépliée au milieu du vide – au milieu du sable et de la cendre ; et que le vent balaye déjà...

Ainsi se résout – peut-être – l'énigme de la nuit traversée...

 

 

Personne pour embrasser les ténèbres – nettoyer le sang – et descendre plus bas encore (en l'homme) pour rejoindre ceux qui errent – les morts terrifiés...

Personne pour comprendre que la dernière chose que nous ferions devient la première à réaliser sur la liste des priorités...

 

 

Sous le regard – mille sentiers possibles ; et au-dessus – l'invisible ; vide – blanc – envoûtant – qui attire les âmes affamées – non repues par toutes les distractions du monde...

 

 

Frottés à la mort – les signes silencieux ; la parole désincarcérante...

Les lèvres bleuies par le froid des âmes et des tombes ; par l'immobilité des morts et l'inertie des vivants...

L'alignement des astres – dans la mémoire – (totalement) inutile...

Hors du cercle ; le jour définitif...

 

 

Emboîtés – tous les affrontements...

Les cris et l'écume...

La lumière qui éclaire tous les éclats...

Les bouches tordues ; et les âmes écœurées (et répugnantes)...

Au cœur même du tombeau ; la (misérable) survie des vivants...

Et la mort qui plane – qui frappe – qui happe – sans la moindre préparation funéraire...

Sur les lèvres – la déchirure ; la marque de l'absence – et de l'oubli – des Dieux...

 

*

 

L'étoile devant soi ; un peu de lumière dans la nuit ; trop lointaine dans nos sombres existences...

Un mot pour un autre ; rien à déchiffrer sinon la douleur qui se tient dans notre poing fermé...

Le détournement de la tendresse...

Et ceux qui font halte au cœur de la grande traversée...

Pas un apaisement ; une rébellion contre l'autorité instituée...

Un besoin (radical) de solitude et de vérité...

 

 

Une lampe allumée ; que l'on tient serrée contre soi...

Seul dans ce long cortège de fantômes...

Le sort du ciel – à travers notre destinée...

Des pas sur le sol ; sans cuirasse – sans allié – jusqu'à l'abandon – jusqu'à l'oubli – de la chair ; ni sacrifice – ni sacrilège ; un effacement ; l'acquiescement comme une parfaite célébration...

 

 

Des mondes emboîtés ; que la mutilation rassemble...

Comme un manque invisible (et convainquant) ; qu'aucune âme – qu'aucune main – ne peut combler...

Un trou sans fond qui avale tout ce qu'on lui jette ; au cœur duquel tout disparaît...

Comme un cri inaudible ; que le silence renforce...

Des vies ; le vide ; et cette transparence asymétrique avec des ouvertures infimes ; des interstices à peine entre les miroirs que les Autres brandissent devant nous ; et qui nous renvoient tous les reflets du monde ; comme des remparts – des tunnels – une forme d'enfermement ; piégé(s) par la multitude et le flot continu des images ; une sorte de géographie kaléidoscopique de l'espace et des visages qui divise tout en parcelles et en fragments ; et qui rend vaines toutes nos tentatives d'évasion ; et qui décourage l'esprit dans sa quête (naturelle) de liberté...

Et ainsi, en chaque for intérieur, des existences parallèles à la détention ; et mille possibilités adjacentes ; et mille issues simultanées...

 

*

 

L'horizon hasardeux...

Quelques traces (en partie) effacées...

Des poignées de terre – dans les poches – dans les mains ; notre seul trésor – peut-être...

Et le ciel – toujours – trop lointain...

Et les Autres ; sans geste – sans parole – sans soutien ; de vagues figurants – (presque) un décor ; laid(s) – hostile(s) – indifférent(s) le plus souvent ; des pierres – au milieu de nos jours – sur leur pente – invariablement...

Avec quelque chose dans l'âme – peut-être ; un frémissement – un appel (presque) imperceptible – très ancien – une voix (quasi) inaudible que très peu parviennent à entendre – que très peu (moins encore) parviennent à écouter...

L'inertie – dans sa force brute – la plus primitive (sans doute) ; dans le sillon des ancêtres – des aînés – que nous martelons du même pas...

La couleur grise du monde ; l'éclat si terne de nos vies souterraines...

 

 

A pas lents – l'endormissement...

Bercé(s) par les siens ; les habitudes et le langage (la parole et les contingences quotidiennes – atrocement prosaïques)...

Ce qui creuse – en nous – son sillon...

Nos mœurs inchangées – sous la voûte tournoyante...

Des mots – des gestes – des astres ; l'éternité...

 

 

Comme les morts sur leur barque...

Malmené(s) par le temps ; emporté(s) plus loin...

De l'intérieur ; des secousses...

Les yeux sur le monde ; guettant le surnombre ; attentifs aux menaces et aux dangers...

Très exactement ; à notre place...

 

 

Au recommencement du jour ; le même fragment...

Et ce murmure parmi les voix trop fortes ; et les cœurs trop grossiers...

L'invisible qui s'infiltre – comme une blancheur – entre l'extase et la douleur...

Le même vertige – jusqu'au dedans des os...

Et l'immobilité croissante ; et le règne (surprenant) des apparitions...

 

*

 

L'espace défait ou agrandi par le trait ; fiction (bien sûr) tant le vide est libre du monde et du langage...

Ni angle – ni sable – ni encre – ne l'atteignent – ne le corrompent – ne l'avilissent...

Le même soleil quels que soient les souffles – leur force ou leur absence ; autant que les mouvements et les calculs...

Les mains – et l’œil (si souvent) – pris dans la trame...

Et le regard – au-dessus – qui contemple les jeux et les tentatives ; si rarement accessible...

 

 

L'obscur dessiné...

Sans fierté ; le nom et l'homme dressé...

La nécessité et l'élan – vers plus haut – le ciel peut-être ; vers plus grand – Dieu sans doute...

Le souffle et le sang – en mal d'Absolu ; et le remède ici-même – au seuil franchi des frontières fabriquées...

 

 

L'espace païen – délaissé par le raisonnable...

Le monde qui brandit la tête ; la voix blanche – monocorde – dépassionnée...

Une langue comme un trait ; des orifices obstrués par des velléités pudibondes...

Les instincts superficiellement neutralisés ; et qui bouillonnent au-dedans – prêts à se jeter sur tout ce qui leur résiste...

Devant la glace ; l'image parfaite ; des fragments recollés et lissés ; des aspérités rabotées ; des angles arrondis...

Le front aveuglé par la terre et le ciel inventés...

Des vies engourdies ; et le monde qui tourne encore...

 

 

(Presque) la négation de l'esprit...

Le cœur endormi ; la dépouille (vaguement) domestiquée...

Face à la lune – le silence...

L'homme minéral qui se méfie du souffle et du feu ; des élans – de toute forme d'intimité avec ce qui dépasse de la roche...

 

*

 

Sur le sol jonché de têtes – tapissé de rouge...

Les ventres repus ; la chair épaisse...

D'un même élan – les bouches ouvertes...

Ensemble ; dans l'ombre qui s'étire...

Le ciel devenu terre...

L'esprit et les corps graisseux...

La faim ; et son linceul (très provisoire) de matière...

Dans la tourmente du manque et de la perte ; comme dans celle de l'avidité et de l'appropriation...

Les yeux fermés ; sans jamais se rejoindre...

 

 

Des preuves de sommeil ; suintantes – accablantes...

Bâtisseurs de rien dans ces chambres mal éclairées...

Un rêve tout au plus qui tourne dans la tête ; sur sa sombre couche...

Le songe d'une paroi que le moindre souffle anéantirait...

Nous – à l'horizontale – dans la torpeur – malgré l'incessant labeur du vent...

 

 

Une tache de ciel – sur la peau – au-dedans de l'âme – qui s'étend ; qui se déploie ; et qui, à sa manière, cherche ses aises – sur cette terre infirme et empotée...

Des étoiles dans le sang ; et la possibilité du monde ; cette danse infinie des combinaisons...

Le sol gratté avec les ongles ; à travers le mouvement du soleil et des Dieux...

L'achèvement impossible de la créature à moins qu'elle ne se livre à l'effacement – à ce qu'elle porte – à la transparence – à ce qui l'a créée...

 

 

Au-delà de la disparition...

Une lampe au cœur de la nuit...

Pas la moindre espérance ; ce qui se penche imperceptiblement – serré contre notre présence – notre attention...

Le souffle – sans ombre – sans image ; et le geste qui guide – qui devine – qui sait déjà...

 

*

 

Au cœur de ces rives luxuriantes ; sans homme – sans histoire – sans nom...

Des instants et des siècles de présence vivante...

Le lieu de la sauvagerie – des esprits – de l'invisible...

Parmi une faune effrayante ; et qui (nous) fascine...

Les joues habillées d'herbes et de lichen...

Les lèvres retroussées ; la narine alerte...

Le pas souple...

L'âme qui épouse le corps – les lieux – la soif...

Les yeux grands ouverts...

Et des vagues de réel qui déferlent – qui nous submergent – qui nous engloutissent...

Les préliminaires – peut-être – de l'alliance – des noces – du mélange – de l'hybridation ; cet ineffable (inespéré) que nous sommes, peut-être, sur le point d'incarner...

 

 

Au milieu des arbres...

Aux côtés de l'Amour..

Le séant sur la pierre...

L'écorce – la mousse et le vent...

La figure lovée contre le ciel...

Dans la joie de tout quitter ; de n'être plus rien ; un regard – une tendresse – des sensations ; la possibilité d'un au-delà de l'homme...

 

 

A l'échelle du monde ; le jour silencieux...

Confronté(s) à l'étroitesse des angles ; et à la terreur organisée...

D'une autorité à l'autre ; la volonté (assez) volatile...

A cet âge où l'aube se renouvelle ; devient inépuisable – en dépit de la bouche (toujours) collée à la pierre...

 

 

Antérieur au ruissellement de la fixité...

Au commencement du monde ; le premier geste ; l'inconsistance de ce qui émerge ; le règne du destin éphémère et labile...

La chair dansante avant les ossements...

Les bras tendus pour repousser ou se saisir ; puis, pour accueillir et étreindre – ce qui semble ne pas nous appartenir ; ce qu'amènent les vents...

L'existence comme mille passages – mille possibilités ; et des adieux permanents ; le seuil que doit franchir l'esprit pour éprouver la joie sur ces rives où se succèdent – sans discontinuer – la poussière – le provisoire et le pourrissement...

 

*

 

L'enfance distante ; comme abandonnée...

La tête derrière soi – accrochée à l'espoir d'une guérison impossible...

Condamné(s) au monde et au temps ; à ce rire qui pousse l'âme à comprendre – et à rejoindre – l'origine ; sans savoir ce qu'elle est (réellement) ; et la longue série d'épreuves et d'obstacles – à franchir – à traverser...

Du côté du cri et de la charge plutôt que du côté du ciel et de l'envol...

Au cœur de la trame – pourtant – la même couleur qu'aux plus lointaines périphéries de l'immensité...

 

 

A trop trembler devant la vie – devant la mort – devant le monde – devant les Autres ; face à ces reflets incompréhensibles issus du néant...

Avec (le plus souvent) trop de poussière et de larmes au fond des yeux...

Et l'âme rebelle à tout abandon...

Et tout ce sable – depuis trop longtemps – avalé...

A cheminer cahin-caha – et à reculons (parfois) – sur cette sente étrange – avec, sur l'épaule, ce grand sac de rêves – de mensonges – d'illusions ; dans lequel nous piochons à l'envi – pour rassurer l'esprit et distribuer, ici ou là, quelques terreurs – quelques faux-semblants – quelques folies – afin de tirer parti de ce qu'offre le monde...

Dans l'incapacité encore de rester immobile – dans sa chambre – face au soleil – face à la ruse de ceux qui nous font face...

Le temple des jours – et la lumière – au fond de l'âme – encore recouverts – encore à découvrir...

 

 

Au commencement du temps ; des mondes...

Le premier souffle ; un mouvement du ciel ; comme une contraction ; et l'émergence d'un visage...

De l'air expulsé qui tourbillonne ; et la naissance du langage...

Dans l'épaisseur de la nuit ; ce qui cherche la lumière...

Et nous tous – descendants de tous ces phénomènes inauguraux – poursuivant (sans même le savoir) l’œuvre commencée...

 

 

Témoin de ses propres jeux – jouant ; de ses propres yeux – regardant...

De l'opacité à la transparence...

Des enfers à l'extase...

Tout ; mesuré sur l'échelle de la joie...

Ce qui coule entre les doigts ; et qui vient de la terre et du ciel...

Le théâtre – l'étonnant théâtre – de la chair vivante...

 

*

 

Au milieu de la brume et des peut-être...

L'indicible apparaissant ; maître du monde – maître des songes et du temps...

Au cœur du murmure silencieux ; quelque chose de l'infime...

Un peu d'espace dans l'afflux de sang...

Et l'Amour – à chaque seconde – sur l'ombre de la faim...

A guetter encore ; comme s'il suffisait d'attendre...

 

 

En rien reconnaissable...

La hâte ici ; et la richesse là...

A s'interroger sur l'image ; le rôle et l'importance de l'image (pour le monde et la tête)...

L'honneur – la réputation ; le plus précieux (pour les hommes) – si souvent ; comme si les paupières étaient cousues à un candélabre dans une pièce obscure et vide ; sans lumière – sans personne...

Le monde et la tête – à l'envers – à certains égards (bien que la vérité aime à se déguiser – aime à se dissimuler – sous les apparences les plus étranges – les plus improbables)...

 

 

Cœur couvert de givre ; absorbé par l'ombre...

Dans la même terreur que celle des morts ; en plus de celle des vivants...

Derrière la vitre – sous la terre ; des visages et des os...

Et au-dehors – le reflet de la lune sur les grands arbres...

Le silence magistral de l'hiver...

Comme une longue nuit où tout sommeille ; sauf l'âme qui veille en retrait – dans un coin de l'abîme – à l'abri des bruits du monde...

 

 

Dans cette longue chaîne ininterrompue...

De l'immobilité à l'immobilité ; à travers tous les gestes – tous les vertiges...

Le soleil sur nos mains attachées...

Les visages qui disparaissent les uns après les autres ; et qui réapparaissent en des lieux dispersés...

L'invisible enchâssé dans la chair...

Dieu parmi nous – servant les choses et les circonstances ; le déploiement et la dissolution de toutes les trajectoires ; la parfaite respiration du monde...

 

*

 

Là où s'achèvent la plainte et le cri...

La tendresse – en retrait – (enfin) rejointe...

L'esprit du corps – affranchi du monde et de la mort...

Approchant – peu à peu – pas à pas...

Tous les fils de l'âme dans la main d'un plus grand que soi...

Qu'importe la fosse – les vers – l'arrachement...

La continuité de l'itinéraire ; et l'élargissement de la communauté d'appartenance ; bien plus qu'un espoir – une évidence...

 

 

A se réchauffer contre les Autres...

Engoncés dans la chair ; comme des barques amarrées au même ponton...

Soumis aux vieux ressorts de l'instinct...

De la terre – en amas – qui s'agglutine ; et la crainte de l'immensité...

La somme ; toujours – la somme ; jamais (presque jamais) le retrait de l'ensemble...

Le vide ; et l'Amour sans poids ; au fond de l'âme – la chaleur remuée – pour que les pas se perdent ; pour que la solitude et l'errance nous aident à nous rejoindre – à nous retrouver...

 

 

Le souvenir d'un lointain intérieur...

Après la chute ; le regret ; et l'extérieur, peu à peu, apprivoisé...

Des luttes – des remparts – des assauts...

A la suite de l'origine ; et à peu près rien d'autre...

Au bord de l'abîme – très souvent ; et le risque (permanent) de la dérive...

Et ce souffle qui manque pour rejoindre l’œil premier...

 

 

Seul ; dans la trace des (très) anciens ; les premiers hommes – les premières créatures peut-être...

La peau recouverte de plaies et de poils...

Encore enchevêtrés à la terre et au ciel...

Le monde ; du bleu recouvert d'herbe et de feuillages...

Et la vie – dans le prolongement de la mort ; et la mort – dans le prolongement de la traversée...

Le règne perpétuel du provisoire et du sauvage...

Le temps de l'âge authentique ; l'esprit sincère (sans mensonge) – en plein réel – sur la rudesse de la roche – dans la trame magmatique ; la matière réticulaire ; l'existence comme une évidence métaphysique...

 

*

 

La terre – soudain ; la terre renaissante...

Le sang neuf qui coule...

L'enfance à venir...

Le monde – la bouche ; remplis de merveilles ; et de possibilités...

La matière efflorescente – exubérante ; invasive (à sa manière)...

L'espace d'un instant ; la saison des amours...

L'herbe grasse ; les ventres féconds...

La danse des vivants...

Quelque chose devant soi ; et ce qui nous anime...

Jusqu'aux dernières feuilles de l'automne...

Jusqu'aux premières neiges de l'hiver...

A vivre encore – encore et encore – ensemble – sur cette rive ; de jour en jour – existence contre existence – au fil des siècles...

 

 

Ni mesure – ni calcul...

Ce qui occupe l'espace ; la terre transpercée...

Le soleil hâté dans son extrême patience...

Le vieillissement du monde ; et ce qui reconstitue ses forces vives...

D'une saison à l'autre ; le renouvellement de la chair ; et la même présence...

 

 

La pénombre par endroits...

Moins de rire et de jour...

Le nom – et la figure – que l'on vénère...

Un abîme spéculaire...

L'espace encombré de choses et de bruits...

La tête altière ; et l'intérieur tapissé d'images et de mots...

Comme étranger à toute poésie ; à la nécessité du vide – de la solitude – du silence...

 

 

Sur la trajectoire des astres...

D'un monde à l'autre ; d'un visage à l'autre...

L'esprit qui se découvre – qui apprend à se découvrir ; qu'importe le déguisement...

A plat ventre sur le sol – assis sur la roche ; debout – les vertèbres redressées...

A l'image du secret ; le reflet de la lune ; et les racines ; et l'origine...

Et la lumière ; et la mort – qui continuent de nous fasciner ; et la succession des traversées qui nous apprend, peu à peu, à élargir notre communauté ; à apprivoiser l'Autre – le lointain – l'(apparente) étrangeté...

 

*

 

Loin – engagé vers la source...

Sans mot – sans passé – sans séparation...

Et tout ce sable – à nos pieds...

L'âme fragile ; comme une peau ; l'étoffe de l'infini ; sur les épaules de Dieu...

Exposé à tout ; protégé de rien ; comme les fleurs et les bêtes ; avec des yeux pour pleurer...

La chair douloureuse ; et le cœur encaissé qui réapprend, peu à peu, l'envergure du territoire...

Ainsi jusqu'à l'instant de la mort ; puis, davantage après ; la possibilité de tous les au-delà...

 

 

La tête penchée sur le minuscule...

La réalité des pieds ; sans l'herbe – ni le regard...

Avec Dieu – dans les gestes – pourtant...

 

 

Autour de soi – la danse (très) en amont de la parole ; et qui évince toutes les (malheureuses) tentatives du langage...

Les corps qui s'animent – qui exultent ; fragments de terre enchevêtrés qui se meuvent et qui s'enflamment ; aux prises (éternellement aux prises) avec les forces invisibles du cercle ; endiablés – malmenés – envoûtés ; et qui s'usent ; et qui s'exténuent...

Le règne du mouvement ; et le néant (partiellement) recourbé pour tenter d'accroître un peu l'espace ; pour tenter d'intensifier la fête...

Les seules possibilités de l'abîme...

 

 

Les yeux tournés vers le ciel – suspendus aux branches – qui entrevoient le jour – à travers les apparences – en contrebas...

Quelques signes devant les paupières poussives – empotées – malhabiles – (à peine) entrouvertes...

Reflet(s) de l'âme recouverte de plaies et de bandages ; de la dureté de la pierre ; du front incroyablement dispersé ; du fond du gouffre ; du feu qui couve au-dedans du cœur...

Ici – sans la possibilité d'un autre monde – sans la possibilité du moindre ailleurs...

 

*

 

Le cœur lointain (si lointain) – sans que l'on s'en souvienne...

L'enfance vive et rebelle ; et la candeur – oubliées...

A compter les pas – et parfois les pierres – et parfois les regards – au fil du chemin au lieu de laisser les vents guider la danse...

Le corps et l'esprit – inquiets – perplexes – embarrassés ; chargés (à leur insu) de nuit et de matière – habillés de gras et d'arrogance – si peu habités – au seuil (presque toujours) de l'absence...

A cueillir des fleurs ; et à offrir des prières au sommeil – à tous les endormis – au lieu d'étreindre les Dieux – la terre – l'Absolu – l'éternité ; tous le possibles envisageables (et si rarement envisagés)...

Des promesses qui s'envolent ; et nous – inerte(s) – abattu(s) – engourdi(s) – qui les regardons s'éloigner ; l'âme triste – la tête pensive...

 

 

Le cœur épargné – fort heureusement...

L'esprit qui chante – malgré le corps qui vieillit – malgré l'ardeur faiblissante...

L'âme – le ciel – le vent – parfaitement alignés...

La posture et le geste (joyeusement) ensoleillés...

Au seuil d'une sagesse automnale ; le pas et la parole naturels et spontanés...

 

 

L'obsession du bleu ; et la hantise de l'inaccompli...

A l'intérieur ; le langage muet...

Et la pourriture qui guette...

Plongé(s) dans la terre ; la chair (à moitié) engloutie...

L'obscur encensé – couronné ; l'une des rares choses que nous connaissons...

Le monde ; sans le regard – sans la lumière...

Privé(s) de soleil et de lucidité ; comme condamné(s) à prolonger l'errance souterraine – au-dehors et au-dedans...

 

 

De la fumée noire...

Le ciel ; des signes – impénétrables...

L'espace contre la peau...

Le vent – le monde – la mort – en face...

Qu'importe les croyances ; qu'importe les pensées...

Ce qui brille au fond de l’œil ; et ce que le cœur renferme...

Sans compter l'ombre du vide qui inquiète les âmes naïves – dolentes – pleurnicheuses...

Au seuil du voyage ; au commencement (peut-être) du (vrai) périple ; au cours duquel les lieux et les choses seront (enfin) reliés...

 

*

 

Naturellement le rêve...

Le pas de côté...

L'intuition plutôt que la volonté...

Le geste plutôt que le pourquoi...

Sentinelle face au monde – face aux querelles – face à la désespérance...

La joie plutôt que le doute et le ressentiment ; et le goût de l'incertitude...

L'engagement plutôt que l'indifférence ; et l'esprit au-dessus de ce qui semble affairé...

Le cœur aimant ; qu'importe les visages et les circonstances ; ce qui nous est proposé...

 

 

Le jour dévoilé...

Loin de l'attente à genoux ; des paroles en l'air – de la terre promise...

Ici – sans invention – sans imaginaire...

Tout étreint ; y compris le plus vil – l'haïssable – le mauvais sort...

La route – la pierre – la mort ; que l'on suit – qui s'invite ; le lieu où l'on repose...

La vraie vie (pour ainsi dire) qui n'oublie rien – ni personne ; ni l'homme – ni les profondeurs – ni la sagesse – ni la tromperie ; et qui ressuscite la possibilité d'un acquiescement sans condition ; l'essentiel que l'on porte – l'essentiel qui nous anime ; ce qui s'est glissé (subrepticement) entre l'âme et la chair...

 

 

Le cœur et l'espace ; la chose commune – contenant et contenu ; le vide vivant ; et habité...

Qu'importe le ciel ; et les noms qu'on lui donne...

Qu'importe la tenue dont on habille les Dieux...

Qu'importe la foudre – les tempêtes – l'hostilité du monde...

La réponse – la clémence – la tendresse – en soi...

Qu'importe le pourrissement des corps et l'intérêt que l'on porte au mystère...

L'écho de l'infini – des origines – à travers nous...

 

 

Le sol qu'on éloigne ; déjà en soi – depuis toujours ; bien avant le premier jour ; et dont on ne peut (bien sûr) se défaire...

De la matière horizontale – en strates – que nous sommes aussi ; et qui a, peu à peu, appris à se mouvoir – à construire – à concevoir – à penser – à créer un langage...

Et la parole – à présent – trempée dans le sang...

Au cœur de l'obscurité ; sous quelques étoiles – ânonnant quelques réponses face au mystère – face au secret – essayant de dresser quelques signes – au cœur du néant – de l'incompréhension – de la solitude...

D'émouvantes (et malheureuses) tentatives...

 

*

 

La crainte féroce...

Le texte de la prière à la main...

Chantant – sans fin – le deuil et la plainte ; la blessure béante de l'âme...

Tous ces rêves auxquels on se livre ; cette effervescence du monde sous le soleil...

Sans que jamais l'Amour grandisse...

 

 

Endormis dans les bras du rêve...

La tête collée contre sa poitrine...

Dans le bleu des fables qui affaiblit l'ombre ; et qui, en secret, lui donne sa force...

Le réveil ; paupières ouvertes ; avec les mêmes images que dans le sommeil...

Comme du miel – et mille couleurs vives – sur les visages et les choses ; et tous les viscères arrangés ; et toutes les odeurs parfumées...

Tous rois ; en ce royaume...

Et cette disgrâce – et cette infortune – et cette cécité – que nul ne voit – que nul ne sent – que nul ne se risquerait à constater – sauf (bien sûr) le cœur lucide et silencieux qui sait ; et qui ne pourrait (quand bien même le souhaiterait-il) détourner de leurs songes – de leurs bruits – tous les endormis...

 

 

L'air – l'espace ; rudoyés – comme les astres – comme le reste – par les hommes...

Évincés du triangle d'or ; de la lumière...

La nuit-racine – comme une chape sur les gestes – les paroles et les pas...

L'impossibilité (avérée) de la blancheur ; et du soleil...

Aussi loin que remonte la mémoire...

 

 

Sur ces rivages – découvertes – la vie malheureuse des Autres ; la faim et la méchanceté instinctive...

La géographie de l'exil ; pour échapper aux supplices – à la sournoiserie – à la notation...

La hantise (maniaque) des chiffres et de la comparaison plutôt que le goût de l'intuition – plutôt que l'attrait pour l'horizon et la solitude...

L'illusion ancrée depuis le premier jour ; et sans doute, (très) antérieurement ; bien avant la naissance du temps...

L'installation (pérenne) du sommeil – sous les fronts – comme une loi – un royaume – une institution...

A vivre ainsi ; le ciel aussi bas que possible...

 

*

 

Depuis toujours ; comme si l'on était seul ; à marcher ensemble (apparemment)...

D'un lieu à l'autre ; sans jamais réduire la distance ; cette irréductible séparation...

A se méfier ; à aimer ; puis, à haïr (et programmé pour cela peut-être)...

A partager le plus commun...

A être ; à devenir ; ce à quoi l'on se destine (très naturellement) ; sans rien comprendre – sans même trouver la force ; sans même trouver les mots...

Ce que nous sommes ; et ce que nous faisons – semble-t-il...

 

 

On supplie ; au lieu de disparaître ; au lieu d'oublier...

On aimerait encore ; on aimerait davantage ; un peu plus ; des rations supplémentaires de tout – de temps – d'or – d'amour – de matière...

Et Dieu qui ne se montre pas ; que nos yeux et notre cœur (trop grossiers) ne parviennent à voir...

Si insensible(s) encore...

 

 

Murs de nuit – d'os et de sang...

La démesure (malhabile) du vivant sous ce ciel silencieux ; l'infini qui pousse au-dehors – au-dedans...

Sur les ancêtres – dispersés – ici et là...

Des tombes et des malheurs ; la même malédiction...

Tout s'oublie – et s'efface – sur cette terre...

Le monde et le mystère – enchâssés dans le même secret...

 

 

Des choses – au-dessus des têtes – (bien) étranges...

L'enfer et le firmament...

La mort irrécusable malgré les prières – les promesses – les ornements...

Ce qui (nous) fait disparaître – en apparence...

L'invisible (comme toujours) à la manœuvre...

Les mains impuissantes – en dépit des rituels...

Ce qui, ici, se transforme ; et ce qui est appelé ailleurs ; autrement...

Des mondes et des mondes ; l'esprit qui sait ; et les âmes qui voyagent (le plus souvent)...

 

*

 

La route parfaite des cœurs encaissés ; ce qu'ils disent ; ce qu'ils croient ; de leur victoire sur le sauvage – sur l'innocence... 

La peur qui pousse les âmes à se barricader ; à trouver protection derrière des murs de pierres et d'idées...

Les mains sur les yeux et les oreilles au lieu de relever la tête pour écouter le chant – et regarder le spectacle – du monde ; jouant (presque toujours) sa propre tragédie...

Et cet air que l'on se donne ; et cet air que l'on fredonne – pour se donner du courage ; rehausser les clôtures – renforcer les barrières ; et fermer les volets – et les paupières – à la nuit tombée...

 

 

A demi-mot – dans le noir...

Sur cette bande de terre devenue malévolente...

Médusé face à la folie galopante – face à la confusion...

Dans le désordre des signes et des têtes...

Au bord du vide ; dans l'agrément (le simple agrément) de l'attente...

 

 

Tous entassés au fond de la solitude...

Entre vivants et morts...

A genoux face aux esprits immatures...

Le cœur tourné vers plus haut...

L'âme lasse d'être condamnée à l'absence – éloignée (si éloignée) de l'Absolu...

Effacés par le nombre ; écrasés par la masse...

Des existences perpétuellement reconduites ; qu'importe ceux qui se présentent...

 

 

De la neige dans les mains ; lancée vers le ciel...

Avec des restes d'ombre collés à l'âme...

Entre spectre et témoin ; le signe d'un retour – d'une possibilité de retour – vers ce ciel depuis si longtemps oublié – occulté – repoussé ; comme s'il y avait mieux à faire en ce monde...

 

*

 

Aveuglément – la sensation du fragile ; la vulnérabilité...

A mille siècles de là ; plus loin (bien plus loin) que le premier souvenir...

L'antériorité vécue – au-delà du rêve...

Des choses nommées ; sans visage...

Et des larmes (des torrents de larmes) sur tant d'atrocités...

Mort ; mille fois déjà...

Et le même bagage à chaque printemps ; à chaque voyage...

La carcasse et la souffrance qu'il faut oublier...

Et chercher le souffle – dans le geste et la langue – comme les loups...

Quelque chose du côté de l'ombre – du secret – de la sauvagerie...

A travers la nuit et les tempêtes ; l'approche naturelle...

Qu'importe les doutes – les peurs – les résistances...

Une (très) progressive descente vers la compréhension...

 

 

L'enfant-pierre – retourné sous la terre...

Et l'ombre qui s'insère sous la peau...

Avec de la lumière sombre – par endroits ; et des signes (une infinité de signes) du monde souterrain...

Au recommencement du devenir...

Le regard porté ailleurs...

 

 

Les lèvres ; dans leur cri de partage...

Au cœur des perspectives plongées (avec nous) dans le gouffre...

Au bord de ce que l'on devine...

L’œil posé sur ce qui hante toutes les tombes...

Rompu à l'acharnement des hommes et de la langue pour offrir au monde – et à la mort – une autre lumière ; davantage que la possibilité d'une espérance ; davantage que le menu concours d'une croyance ou d'une prière...

 

 

Coûte que coûte – étreinte ; la blancheur au-dessus des ventres ; au-dessus des cendres ; et les âmes envoûtées...

 

*

 

La parole impuissante contre l'inertie du monde – contre la fatigue – contre l'idiotie et la cruauté des hommes (ce qui les pousse à agir ainsi – le plus souvent ; toutes ces forces obscures – instinctives – mystérieuses)...

Avec, parfois (et de manière évidente), trop de lèvres ; trop d'hiver ; sans compter cette eau noire dont on abreuve le monde ; et qui ampute l'écoute déjà engourdie – infirme – des hommes...

La tête inclinée ; puis, l'âme (à bout de force) qui s'incline – elle aussi...

Le dos courbé sous le poids de la peur ; ou sous l'emprise des Autres (toujours) trop nombreux...

Comme des trous (des trous infimes) dans l'immensité ; de minuscules interstices au fond desquels on a trouvé refuge...

Ici et là ; à défaut de terre – à défaut de ciel...

 

 

Jointe au ciel – l'âme ; et ce vent qui la fait tourner ; et nous, avec elle, tournoyant...

Comme une folie en train de se matérialiser ; une sorte de démesure imprécise ; un rêve peut-être qui s'abattrait sur nous...

Notre manière d'être là – jusqu'à la mort ; puis l'oubli qui nous porte – jusqu'au recommencement...

 

 

Rien – délibérément – qui ne protège le secret...

L'enfance – le labyrinthe – la lumière...

L'homme même ; dans sa folie...

Aussi loin que puisse remonter le temps ; et la mémoire...

Jusqu'au lieu originel ; la source matricielle à laquelle on prête tous les enfantements...

Le monde – les mondes ; la terre – le ciel et les astres ; et tous les chemins qui relient les points (tous les points) de l'étendue...

Et ici – nous concernant – la pierre et la parole – en partage ; la chair et l'esprit en commun...

 

 

Au-delà des heures et des âmes hurlantes ; prisonnières du temps et du carcan de la cécité...

De la matière emboîtée ; avec quelques minces orifices ; le secret comme pétrifié dans la trame invisible...

L'infini parallèle à toutes les existences ; des liens et des signes (parfaitement) inaccessibles...

 

*

 

Des lieux scintillants ; là où la pierre prend feu ; là où l'oiseau côtoie le ciel ; là où les pas dansent sur leur pente...

Sans rien savoir ni de la folie – ni de la vérité...

 

 

Réveillé par le cri ; le nom que l'on prononce...

A porter n'importe quoi ; à croire n'importe qui ; comme si nous appartenions à la même fratrie...

Trop loin des arbres ; et des fleurs dans le sommeil pour accompagner notre exil...

Et des soucis inattendus – à profusion – dans la pagaille...

Et l'Amour ; et l'écoute – qui s'approchent ; et qui s’arriment comme si l'âme était une rive – une jetée ; un réceptacle pour offrir à ceux qui peuplent la terre l'attention et la tendresse qu'ils espèrent encore...

 

18 mai 2023

Carnet n°288 Au jour le jour

Novembre 2022

Sur la feuille givrée – des giclures rouges ; et l'encre noire de la barbarie – instituée par ceux qui perpétuent le monde ; inchangé(e) dans ses traditions...

La mort sur l'herbe ; la chair des arbres et des bêtes...

Cette manière de ne pas être des nôtres...

La monstruosité de ce côté-ci de la barrière ; de ce côté-ci de la hache et du fusil ; à laquelle il semble si difficile d'échapper...

 

 

L'horreur établi sans fondement...

L'irruption inopinée de la puissance ; et l'invisible invité au cœur de cette matière fragile – brutale et brutalisée...

Le monde dans sa quête – son vertige – sa corruption...

Des choses et d'autres ; au cœur de la soif – au milieu du reste...

A grands traits – le monde tracé ; d'apparents quartiers – (prétendument) séparés par des frontières...

 

*

 

L’œil du miroir – moqueur – narquois ; face au reflet de l'ombre qui passe...

D'un trait furtif ; à peine un frémissement...

Comme un rictus au coin des lèvres ; comme un gouffre qui pourrait tout engloutir...

Pas quelqu'un – bien sûr ; quelque chose...

Une pensée sauvage qui saurait nous tirer de ce mauvais pas...

Le clin d’œil d'un Dieu facétieux – facilement railleur ; auquel il conviendrait de se soustraire...

 

 

Le dedans de la tête – macérant ; et offrant l'ivresse ; et le vacillement...

D'un sommeil boiteux ; d'un regard peu assuré...

A l'approche des rêves du monde – sur le sol froid...

La paume d'un Autre posée sur notre épaule ; et nous serrant la main ; et nous serrant la gorge – quelques fois...

L'étreinte lourde et inquiétante – faussement amicale ; là où, peut-être, s'achève l'humanité ; là où, peut-être, commence un autre voyage ; vers l'invisible – vers l'abandon ; vers toutes ces choses que négligent (si souvent) les hommes...

 

 

En soi ; la force vivante ; l'éclaircissement du regard – le souffle déployé ; au-delà des apparences ; au-delà des possibilités offertes par le temps...

Le présage d'un autre monde – d'un royaume suspendu ; de hauteurs habitables et sans frontière...

Un peu de sable – un peu d'exil – un peu d'éternité...

Comme une évidence – sans la moindre promesse – sans la moindre garantie...

 

 

L'édification toujours bancale du poème ; ce fol élan vers le réel – la vérité...

L'errance intuitive – vertigineuse ; si dérisoire...

Ce chantier perpétuel – comme la vie – qui s'enfante et se déploie – qui décline et se destitue – sans hâte – sans halte ni répit...

Le lieu du jour où tout s'invite ; l'espace des possibles où s'inventent – ne cessent de s'inventer – toutes les combinaisons (des plus élémentaires aux plus inattendues)...

 

*

 

La nuit ouverte sur la douleur...

Les larmes du temps qui coulent sur la peau...

La foi (encore) si pleine d'espérance...

Sur la balance ; des serments ; et quelques prédictions (évidentes)...

Le chuchotement des Dieux...

Le présence légère du vent...

Vers l'oubli – peu à peu ; ce qu'offre le monde...

 

 

Nos doigts sur le tambour du monde – sur le tambour du temps ; à un rythme endiablé ; le sable qui s'écoule...

Le cœur (très) mal nourri ; et l'âme dans son coin...

Et, à leur place, des urnes pleines de souvenirs et de cendre...

La vie – la mort – à grands traits rouges sur les visages ; du maquillage ; le masque de la transformation...

Et le long de la route ; des portes qui se referment ; la vie comme un rêve ; le monde comme une illusion ; et ce qu'il reste ; ce qui nous exhorte à continuer ; ce que nous faisons (malgré nous)...

 

 

Nuit commune – nuit singulière...

Tous les visages au seuil de tous les lieux ; poussant – poussant – poussant sans cesse...

Les dents en arrière – pour ne pas effrayer – tenter de faire bonne figure ; dissimuler (tant bien que mal) ses instincts carnassiers...

En se parant du parfum des vivants et de chair neuve...

Sous le ciel poisseux – composé de bric et de broc – parfaitement fictif – inventé de toutes pièces – mensonger sur toute sa longueur – et à l'envergure limitée (bien sûr) – (essentiellement) constitué de plaisirs et de rêves ; le noir oublié ou monnayé contre un peu de lumière (à bon marché)...

Le chemin des hommes – traversé(s) de circonstances – chargé(s) de chimères – bordé(s) d'interdits...

Le monde ; et son lot d'histoires banales – à dormir debout...

 

 

Les caresses du monde et du temps sur nos peaux (si) méfiantes – (si) rugueuses – (si) rétives au contact du réel...

La terre généreuse...

Et les jours qui passent ainsi ; dans l'indifférence (plus ou moins générale)...

 

 

L'homme-éponge – pillé – moissonné ; lui qui (à son insu) a engrangé toutes les richesses du monde ; tant et si bien qu'il ne lui reste que les malheurs (dont nul – bien sûr – ne veut s'encombrer)...

A ses pieds – des désirs de toutes sortes ; des lots d'insultes ; et quelques troubles (les plus graves – sûrement)...

Et qu'importe – l’œil magnifié qui fait la joie de tous ceux qui l'entourent – de tous ceux qui le rencontrent ; lui si solitaire...

Hormis les songes tristes – les grandes choses – et l'essentiel des désastres – chacun y puise avec excès – à outrance...

Et lui – innocent – (naïf – sans doute) y consent ; acquiesce sans un mot – sans la moindre volonté...

 

 

L'arbre et la pierre – ensemble...

Les fondations du monde ; cette appartenance à l'invisible et à la trame cosmique...

Le souffle et le feu qui offrent la respiration et le mouvement...

Comment a-t-on pu (à ce point) oublier l'origine et l'essence communes ; ce qui constitue (de manière fondamentale) tout fragment – tout regroupement – toute communauté...

 

*

 

L'âme ivre – perdue au cœur des boucles douloureuses du chemin ; dans cette sorte de voyage qui oscille (journalièrement) entre le merveilleux et l'affligeant...

Le cœur qui – au fil des jours – se flétrit ; sa surface – son apparence ; comme le corps ; indemne – éternel – dans ses profondeurs – dans son essence – lorsqu'il sait retrouver le noyau commun ; ce qu'il partage avec le reste...

La ferveur affaiblie – consumée alors que l'incompréhension et la cécité gagnent en ampleur (et en intensité)...

Chaque jour – le même sentiment qui s'accentue ; le même reflet qui apparaît – qui parade – qui s'épanouit...

L'illusion dans les deux sens ; aux deux extrémités de la perspective ; et le voyage qui tantôt nous éloigne – qui tantôt nous rapproche...

 

 

La voix solitaire ; comme le sang ; comme le reste ; ce qui n'appartient à personne...

Qu'importe la couleur du ciel et la lucidité des vivants...

L’œil humide ; et ce que laissent entrevoir les lèvres ; le fond de l'âme (d'une certaine manière)...

 

 

Les heures de liesse ; de l'aube au crépuscule...

La nuit repoussée – transformée en ailes portantes...

Dans le ciel – sans poids ; le noir vaincu – magistralement...

Souveraine – la lumière – jusqu'aux ombres assaillantes aux fenêtres...

Pêle-mêle ; le sable – les larmes et la joie...

Le monde et le temps – désertés...

L'âme étrangère aux affaires trop lointaines...

 

 

La veille déployée...

Dans le noir tendre – et protecteur – de la forêt...

Au milieu des bêtes et du froid...

Sans mur – sans attente – sans personne...

Des images à la douceur (authentique)...

La solitude étoilée...

Le labeur journalier – domestique – de celui qui laisse œuvrer – en lui – l'inaccompli ; étranger aux volontés (trop) individuelles...

 

*

 

Le nom des Autres – sans importance...

Le même visage – porté par chacun...

Le ciel enfoui – sous l'orgueil et la vanité...

A demi mort déjà – malgré la vitalité apparente...

Les yeux fermés – penchés sur le plaisir...

Qu'importe la taille de la fenêtre – qu'importe le paysage – pourvu que l'ivresse l'emporte...

Et l'hiver bientôt ; et la ronde inchangée des jours et des nuits...

Le nom des Autres – (toujours) sans la moindre importance...

 

 

Là – au fond des yeux – derrière l'opacité – cette lueur prise dans la nasse – comme ensorcelée...

La source même au cœur de la chair ; au cœur de la parole – le silence...

Et l'âme chavirée – anesthésiée – par l'expérience terrestre – par la malhonnêteté du commerce entre les créatures vivantes...

 

 

Sous les paupières – l'envol ; en rêve ; dans une sorte d'élan (médiocre) de l'imaginaire...

En silence ; se hissant à hauteur du réel...

Les lèvres serrées ; comme une grimace qui donne à la figure cet air cocasse – incongru...

Des résistances qui révèlent l'irrésolution de l'homme ; son clivage – son indécision – sa maladresse...

A la manière d'un carrefour où se rencontrent – où se percutent (si souvent) – toutes les forces opposées...

Des vies ambiguës ; sous l'emprise de l'équivoque – de ce qui cohabite férocement...

Ainsi sur cette terre – face à l'immensité ; cette incompréhension – cette impuissance – cette impéritie...

 

 

L'insanité de la main qui frappe – de la joue qui s'offre – de la chair violentée – du sang qui gicle – de la violence qui s'exerce – de l'innocence qui se plie au diktat de la force...

A peine quelques jours ; à peine un voyage ; et ainsi s'épuise (presque entièrement) la substance de l'homme...

 

*

 

Le soir venant – avec tendresse ; comme pour approfondir cette intimité avec soi – avec les choses – avec le monde...

L'automne du jour – en quelque sorte ; à cette heure où les pensées et les amours sont derrière soi ; presque plus des souvenirs ; des riens – des choses minuscules – qui rejoignent les (volumineux) amoncellements antérieurs – les nôtres et ceux de nos (innombrables) devanciers...

Ainsi apprend-on à marcher (à voyager – peut-être) – plus léger – (bien) plus légèrement ; à cet âge où le gris (si souvent) l'emporte (et accroît la charge – si substantiellement)...

Dans une progressive sortie du sommeil – à l'approche de la nuit – de l'hiver...

Paré – de plus en plus – pour la mort ; pour cette nouvelle traversée ; et ce qui viendra après – immanquablement...

 

 

Mille choses ; et rien que des sacrilèges...

Des injures à l'innocence...

Des stratagèmes – à travers ceux qui, sans l'être, s'imaginent rusés...

Personne – pourtant – ni ici – ni ailleurs ; le sacré s'offensant – riant de s'offenser – et s'efforçant du contraire – et riant de cela aussi – et finissant par s'effacer...

Non seulement personne ; mais rien (absolument rien) non plus ; juste le vide et ce rire – comme si quelque chose existait, malgré tout, dans cette sorte de néant...

 

 

Le temps broyé par l'imminence de la mort...

La monture foudroyée...

Le monde balayé...

La peur prégnante qui envahit le cœur – le corps – l'esprit...

Nous – nous réduisant à l'angoisse ; devenant l'angoisse ; l'angoisse vivante – sournoise – rampante...

Le signe que la tombe est proche...

Plus ni hargne – ni croyance ; ni ordre – ni désir ; l'âme recroquevillée au fond de la chair – apeurée par ce que brandit la mort ; cette main accusatrice – ce doigt pointé vers nous...

Nous – mais est-ce encore nous – nu(s) devant les mille éclats du miroir...

Dans l'axe des intentions et de la mémoire ; aspiré(s) déjà alors que le cœur défaille – alors que le sang se fige ; happé(s) par ce passage entre l'abîme et le sommeil ; et, au loin, cette fenêtre ; peut-être une nouvelle perspective...

 

 

Le jour dévêtu...

Dans la maille parfumée ; imprégnée de cette odeur de mort et de vivants...

Le souffle ; la respiration du tissu...

Comme un chant ; à travers la matière...

Et nous autres ; comme des mains émergeant du sable...

Aux limites de l'impossible...

Saisissant – soustrayant – saccageant ; comme une catastrophe ; une (simple) tentative peut-être...

L'incarnation ; dans un angle (très) lointain ; un recoin obscur du labyrinthe...

L'ardeur associée à l'espace qui s'essaie à la chair – à l'aventure – pour peupler l'immensité – jusqu'à l'épuisement – jusqu'à la saturation...

Une phase (parmi tant d'autres) dans le cycle éternel...

 

*

 

Les saisons passagères...

Le temps du retour ; cette récurrence...

Comme l’œil qui suit le jour et la nuit ; soumis à l'intermittence …

Le sommeil – l'obscur ; puis le corps qui se dresse ; le cœur qui cherche la lumière...

Cette mémoire très lointaine ; le premier souvenir – peut-être – qui guide l'âme et le sang...

Vivant ; sans même savoir pourquoi...

 

 

A ciel découvert ; le mensonge ; une longue série de voiles pour protéger le réel de cette incurable grossièreté...

Des mots comme des étoiles inventées – collées ici et là pour combler les trous – emplir les failles ; au lieu de creuser la terre jusqu'à la moelle...

 

 

Contre les choses – la langue ; leur histoire – le peuple immortel...

Et nous ; assigné(s) à cette lente dérive vers la mort ; les Dieux...

Pas à pas – au fil du temps ; l'infortune qui se dessine...

La terre ; et ses (très) lointaines influences...

Comme un sas qui délimiterait les points d'entrée – les confins des craintes et de l'enthousiasme...

L'inaliénable allégeance à la matière – aux chemins...

A la merci de ce qui nous détient...

 

 

La terre habitée – en silence – avec ferveur...

Sous des climats de soufre ; et des couleurs sombres ; des étendards pour asseoir notre mainmise – et notre réputation – sur les territoires conquis...

Contre les assaillants – les armes et les rêves brandis...

Sous les coups (assez) hasardeux des Autres ; du désordre et de l'agitation...

 

*

 

Les ombres familiales – cannibales – pourvoyeuses de mythes et de haine...

La chair malmenée – assignée à son rôle misérable ; sacrifiée en quelque sorte ; dans la ligne de mire de la faim...

L'ivresse de la violence ; le legs que perpétue chaque génération...

L’œil boursouflé – obstrué ; sous le joug de l'aveuglement et de la confusion...

De la boue et du sang ; asservis aux pugilats – aux batailles – aux tueries ; condamnant le vivant aux lois (ancestrales et terrifiantes) de la terre...

 

 

Sous la lumière rougeoyante du jour ; des gueules et des choses...

De la fumée épaisse qui s'élève de la fange...

Le temps fugace des vivants ; au milieu des morts et des disparitions...

L'usure et le déclin ; le destin de la matière...

L'usage mortifère du monde ; sous l'égide de l'absence...

Du sable qui s'écoule ; et que balaient les vents...

La source ; et les fontaines du temps...

 

 

A la source des songes ; l'absence de félicité...

La roche aiguisée sur laquelle on s'écorche – contre laquelle on se cogne ; l'âme sans perspective – la chair excoriée et meurtrie ; et cet obscur recoin où le corps s'est (très) provisoirement réfugié...

En attendant (assez fataliste(s) – inéluctablement) le tombeau...

 

 

Au seuil du jour – comme effacé...

L'âme encore sensible ; la paupière toujours émotive...

D'un instant à l'autre...

La mort à chaque foulée...

La vêture (de plus en plus) élimée...

L’œil hagard ; l'esprit confus...

Ainsi s'instaure cette étrange lucidité – sans rite – sans assemblée – sans sacrifice...

Le cours des choses – entre les grands arbres ; proche(s) du ciel...

Suffisamment désobscurci pour apparaître...

 

 

Sous l'étoile unique d'un ciel immense...

A ce point du jour...

Tant de grandes choses derrière nous...

A présent ; ni tendresse – ni connaissance ; l'obscurité régnante...

Au seuil de l'hôte ; toutes les portes ouvertes ; et l'âme calfeutrée – timide – renfrognée ; et l'esprit (encore) porteur de lances – de mensonges – d'épées...

Comme sous un linceul déjà ; étouffant...

 

 

Sur l'autel du monde – convié(s)...

Tant de gloire(s) ; tant de sable...

De longues errances – une longue divagation – dans l'abîme encombré de rêves et de fumée...

Des chemins et des lieux sans magie ; mille territoires sur lesquels s'acharnent l'essentiel des vivants...

Et sur ces amas de morts – le monde ; le monde sur lequel poussent quantité de légendes et de fleurs ; la terre de ceux qui inventent – guerroient – dupent et tirent parti...

 

*

 

L'aurore creusée par le jeu...

Le monde en noir et blanc – disparaissant (peu à peu)...

Sur le seuil – le prolongement de l'espace ; et de la danse...

A habiter ainsi la terre ; à la manière de ce que porte l'homme...

Des lettres et de grands chiens au fond de l'esprit...

Jusqu'à la tombe ; et au-delà – le jeu encore...

 

 

Désespéré ; celui que transperce le cri des bêtes ; comme une balle en plein cœur...

Le ciel offert au monde ; et le monde – territoire de l'homme...

Et la mort ; comme un rêve – le prolongement du voyage ; vers l'effacement ; et le récurrent sacrifice de la chair...

L'âme – sur son attelage ; franchissant tous les obstacles – bravant tous les interdits ; majestueuse – souveraine...

 

 

Du haut des voiles ; le chant des songes – attractif – inquiétant...

L'esprit au milieu des sables...

L'exil en somme ; et le vent ignoré ; et le monde méprisé...

La science de l'opacité – dans les yeux – entre les mains – des plus malhabiles...

Ainsi se prolongent – et s'accentuent – la séparation – le sentiment de l'étrangeté...

 

 

La marche du monde ; et ces foules grossissantes...

Le gonflement (anarchique) des empires ; la terre transformée en parcelles – en territoires...

Les proies de la faim – entassées en rangs serrés...

Les seules choses qui comptent chez les créatures...

L'usage et l'expansion ; et l'usure et le déclin de la matière ; et (presque) jamais l'essentiel – le retour vers l'origine...

 

*

 

L’œil rouge...

Devant l'âme qui mord la poussière...

Des signes vivants...

Le cœur au vent ; apprenant à s'abandonner...

Les impératifs de la solitude ; étranger(s) à toute forme de communauté...

Au-delà du rêve – du sang – de la mélancolie...

Autrement possible ; (très) lentement vers cette réalité...

 

 

Dans la pénombre close ; des restants de nuit...

La chair privée d’œil...

L'étrangeté des eaux dans lesquelles nous baignons...

Jusque là ; la bouche ouverte – bavarde ; le cœur taiseux ; et l'âme silencieuse...

Et sur la peau – des larmes ; et le rire (cinglant) des Autres...

Comme condamné à cette blessure inguérissable que ravive la proximité des hommes (et qu'accentue leur fréquentation)...

Parfaitement obéissant ; au-delà de tout orgueil – au-delà de toute intention...

 

 

Devant soi – de hautes murailles aux meurtrières obstruées...

Et derrière – le déclin honteux de l'homme ; mains sur le visage ; et, à terre, des miroirs brisés – pour tenter d'échapper à l'évidence...

Des plaintes partagées ; le lieu élargi des lamentations...

Et exsangue ; et, souterrainement, ce qui permettrait d'honorer la terre – de redorer le blason humain...

 

 

Entre des étoiles trop lointaines ; la terre – l'ivresse ; et le sentiment (inaliénable) de la liberté...

Face au sang et aux cendres qu'offrent le monde – les guerres ; avec son lot (atroce) de suppliciés ; et les égorgeurs que l'on glorifie...

Par là où s'écoulent la pestilence et l'infamie...

Si loin de l'homme ; cette autre race – cette sensibilité – la perspective (irréaliste aujourd'hui) d'un autre monde – impossible sans cet affranchissement des instincts et des illusions – (bien) plus qu'improbable en cette ère de jachère de l'esprit...

 

*

 

L'unité démultipliée ; la solitude plurielle...

L'infini empli de vide et de mouvements...

Pulsations – vibrations – aux mille couleurs ; contre l'immobilité et la noirceur (apparente) du néant...

Des bruits par la fenêtre entrouverte...

Rien que l'on exige du monde ; accroché (seulement) à son instinct de survie à travers le flux ; et le nombre proliférant...

Comme de la neige – mille flocons – des milliards de flocons – sur la roche ; un peu de blancheur dont la substance se pare...

Ce qui vient – ce qui va ; ce qui passe – à travers le défilé (naturel) des saisons...

 

 

Les Dieux qui dansent sur le dos des hommes – sur la tête du temps...

Pas un affront ; pas une offense ; une invitation au jeu – à l'évidence ; à creuser le cœur jusqu'à la joie – sous la couche apparente de tristesse et de gravité...

Et ainsi éradiquer l'espoir – le devenir – toutes les autres possibilités – jusqu'au (plein) débordement de soi – de l'être – jusqu'au (parfait) mélange avec le reste – jusqu'au plus irréprochable effacement...

 

 

Le cœur amer – le front haut...

Quelque chose de la pauvreté orgueilleuse...

Sur la pierre bleue – pourtant...

Si oublieux du sacré – de l'Autre – de la mort...

Réduit(s) à l'effort et à tendre la main – misérablement...

Comme plongé(s) au cœur d'une longue nuit d'hiver ; l'amour – le monde – ce qu'ils offrent (ce qu'ils daignent offrir)...

De l'argile plaintive et complaisante...

Aucune âme à notre rencontre...

Si désespérément seul(s) ; si atrocement humain(s)...

 

 

Le vent – les mains du vieil arbre ; sur notre peau...

Pris dans les filets du monde ; la ronde du temps...

A la manière d'un sémaphore dans les ténèbres...

Ce qui nous guide vers le grand large – le plein vent – au cœur de la désespérance – au cœur de la sauvagerie...

 

*

 

Au fond du corps ; le chant (le vieux chant) nostalgique du monde...

Le cœur rejoint ; l'Amour retrouvé – avant l'heure – en quelque sorte...

Une intention ; un désir [parfois – trop rarement (il est vrai)] suffisamment ardent...

De la terre au ciel ; vers le plus lointain...

De l'effleurement au plus intime...

L'essentiel du voyage – sans doute...

 

 

L'envol discret – presque hésitant – tant le silence s'est enraciné ; tant il a remplacé le monde – les bruits (et l'agitation) du monde...

En soi – la force – l'évidence ; ce qui demeure quelle que soit l'écume ; sa couleur – son parfum – sa puissance – son étendue...

Le bleu et le blanc déjà – en dépit des ambitions – en dépit des possibilités – en dépit des fenêtres closes (si souvent)...

 

 

En deçà des siècles en chantier ; la lumière...

Le jour triomphant ; dans l'agrément de l'âme...

Quelque chose de la vocation ; recevoir...

Au-delà des yeux – au-delà de la respiration du monde...

Ce qui enfle sur la pierre...

Au milieu du cirque ; l'annonce de la bonne nouvelle...

Et l'ensemble – à portée de regard...

Au cœur même du langage ; le silence...

Et cette joie contagieuse ; dans l’œil qui voit...

 

 

En ce très haut lieu de l’œil ; l'exil des princes...

La mémoire évidée ; l'oreille attentive...

Là où tout a lieu ; là où le trouble peut nous renverser ; là où s'invitent tous les possibles...

Au cœur de l'éclair ; avant que ne frappe la foudre...

 

*

 

Le souffle – contre soi...

Ce qui nous touche – nous porte – nous enlace...

Traqué(s) dans nos élans...

Débusqué(s) ; et recueilli(s) – jusque dans nos ombres déversées...

L'âme nourrie par ce qu'on lui offre...

Au cours du (pas si rude) séjour de l'homme sur terre...

 

 

Le cœur inconsistant ; plus encore que la chair...

Face à la nuit invisible – scélérate ; la torpeur – le corps inerte...

L'esprit emmitouflé au milieu de ses rêves...

Déguisé – défiguré quelque part...

Le secret parfaitement protégé ; si peu partagé...

Et en compensation ; un peu d'espérance...

Le ciel dans sa formule rapide ; octroyé contre quelques pièces ou quelques prières ; autant que les (prétendus) privilèges de la terre – inventés – illusoires – jetés en appât à l'intention de tous ceux qui manquent d'exigences et d'ambitions...

 

 

Scellé dans le jour ; le monde...

L’œil réfractaire aux noces et aux alliances ; à toutes les festivités trop bruyantes – ostentatoires...

Le chant de l'eau vive plutôt que la prière pesante – pressée – épuisante...

La fulgurance cristalline plutôt que l'effort et le labeur acharnés...

Et la lumière (presque toujours) attachée aux flancs des poètes ; qui essaie de distiller un peu de profondeur – de consistance – de vérité...

 

 

Aux confins d'un songe obscène ; la chute prévisible – inévitable...

A la manière d'une argile (très) maladroitement façonnée...

Avec des heures d'insomnie ; comme le prolongement du même sommeil...

Et ce rire – au fond du cœur – qui peine à se hisser jusqu'aux lèvres ; attendant peut-être – attendant sans doute – la résurgence d'un meilleur usage...

 

*

 

Dans le cercle des pierres...

Des jours et des paroles...

De grandes forêts sombres au cœur desquelles on trouve refuge...

Les mains qui fouillent dans les profondeurs de l'âme...

Au milieu du ciel – la nuit ; les ongles arrachés...

Et l’œil qui s'ouvre – peu à peu ; et le monde vu comme pour la première fois...

 

 

L’œil près de la flamme...

Le regard – la lumière...

Et cette manière pénétrante – chaleureuse – de voir ; et de tendre la main...

Autre chose que soi ; le reste (tout le reste) ; et ce que l'on porte...

Le visage soufflé ; comme du sable transformé en verre ; et qui se brise à la fin ; retrouvant la roche – retrouvant la terre...

Plus proche du sol – du ciel – que jamais...

 

 

Glaive à la main – dans le jeu belliqueux du monde – sans la moindre ordonnance...

Le rire et la légèreté – oubliés – assiégés – démunis...

Dans le bruit et la terreur ; le monde condamné à mort et à la confusion...

Sous le sang frais de ceux que l'on étripe – que l'on égorge ; la terre frémissante – la terre bafouée ; et ces larmes que nul ne verra jamais couler ; mais que les plus sensibles devinent (bien sûr)...

 

 

Lampe à la main – sous la pluie brûlante ; à travers les voiles suspects qui recouvrent (parfaitement) le réel...

La lumière dissimulée par l'ardeur des combats – par l'intensité des flammes...

Tout en haut de la terre éperonnée...

L'histoire tumultueuse – et dérisoire – de l'argile...

Et nous encore dans notre chambre ; au lieu du rêve – à danser encore...

 

*

 

Au fond de l'âme...

Mêlé à la substance...

Le cœur de l'être...

Derrière ce qui semble se dissimuler...

Exposé au grand jour ; disposé à servir...

Et se prêtant à tous les déguisements des figures ; et consentant même à se glisser dans leurs singeries et leurs stratagèmes...

 

 

Face au sommeil ; la même obscurité – sous les traits de grandes foulées blanches...

Comme un rêve ; ralliant le lointain d'un seul pas ; exhortant l'âme aux voyages; dépeçant la violence pour se saisir de ses éperons – de ses épées – et s'en servir à ses propres fins...

Ce que nous redoutons le plus (sans doute) ; au service du secret ; avec cette apparence du savoir qui fait passer notre labeur – notre honnêteté – notre innocence – pour de piteux mensonges...

Invité de l’œil ; invité du ciel ; sans (véritable) lien avec le monde...

 

 

A la source du salut ; dans l'herbe lointaine – dissidente...

A des hauteurs (parfaitement) respectables...

Au-dessus des ailes et des orages...

Au-delà des croix et des hantises...

Aussi loin que possible du commerce et du ciel inventé ; des prières trop promptes pour être honnêtes...

Et l’œil qui voit l'ardeur et l'âme, peu à peu, décliner...

 

 

Tous les masques suspendus au fil qui relie le sol aux créatures blessées ; avec leurs charges et leurs chaînes inutiles...

Sous la pluie – des pas...

Loin des querelles et des chambres sombres – ensommeillées...

Sans convoitise ; bien en deçà des songes auxquels s'attachent les hommes ; et qui construisent le monde...

Jetés parmi les semailles ; comme mille choses dérisoires...

 

*

 

L’œil griffé par le monde ; et que la forêt apaise ; et que la forêt guérit ; et que la forêt console et rétablit...

Au milieu de la fratrie silencieuse des arbres et des pierres...

A l'abri de toute violence...

Parmi les fleurs qui poussent...

Le ciel qui s'étire – amoureusement – au-dedans...

Et à travers nos larmes ; toute la tristesse des hommes...

Secouru par ceux qui ne comptent pas (qui n'ont jamais compté – sauf, peut-être, aux premiers temps du monde) ; tous – choses de personne – s'appartenant autant qu'ils appartiennent à l'ensemble...

Éléments rassurants ; comme un miroir clair – lumineux ; une lucidité (involontaire) salutaire – salvatrice ; ce que nous sommes fondamentalement – rappelé comme une évidence – une manière de vivre et d'habiter le monde – seul(s) – ensemble ; à sa juste place...

Et le regard – à l'intérieur : et cette assise incertaine que le vent ébranle ; que le vent, sans cesse, fait tourner...

 

 

Dans le secret du rêve incestueux ; la chair proche – la chair sienne...

Le souffle commun des haleines ; le parfum de la semence et du germe...

Du plus viril à la féminité ; de l'exultation au pourrissement...

En visites incessantes ; des uns et des autres – qui se partagent – qui se mélangent...

Le cœur même du monde ; inséparables...

Au milieu de ce magma d'argile – de ces éclats d'argile – masqués ; prenant et offrant ; évoluant avec toutes choses...

 

 

La carte du monde – de l'esprit – de l'espace – (très) amoureusement enchâssé(e)s – emboîté(e)s – entremêlé(e)s...

Au plus près du ciel – du sable...

Tout métissé ; jusqu'à la respiration – jusqu'au goût de vivre – jusqu'à l'invention des frontières – jusqu'au sentiment de séparation...

Des chemins de terre – de vent – que l'encre, parfois, parvient (assez malhabilement) à emprunter...

 

*

 

L'ombre parfaite – superposée – discrète ; portée – au loin – sur la pierre (sans que l'on y soit) ; comme si l'on était multiple jusque dans nos absences – jusque dans nos prolongements...

La disparition – la présence ; l'une dans l'autre...

Et ainsi glorifiés – la vie – la mort – le monde ; leur écume portée par les vents ; du grand large vers les rives ; puis, des rives vers le grand large...

Comme le ressac ; dans la main d'un géant...

Une respiration dans la poitrine de Dieu...

Comme si le ciel, soudain, nous recouvrait – nous absorbait ; comme si l'on n'existait plus ; comme s'il n'y avait jamais eu personne ; ni ici – ni ailleurs...

Le vide et ses (inévitables) tourbillons d'air ; des mouvements – comme une danse – des battements de cœur ; l'espace vivant qui se goûte – qui se découvre – qui se célèbre...

 

 

Le cœur errant – au goût de vivre incertain ; trop soucieux des souvenirs – des promesses – des présages...

Au fil (hasardeux) des saisons ; poursuivant son œuvre de déraison...

Fuite encore ; avec ce parfum lointain de nudité (introuvable – toujours introuvable) que l'âme apprend à humer pour s'éveiller, peu à peu, à son destin terrestre...

La figure vierge de tout espoir ; comme un long apprentissage...

 

 

Là où affleure le possible...

Les grandes choses ; et le ruissellement...

Les pentes naturelles vers lesquelles on se traîne (assez laborieusement – assez péniblement)...

Et l'essence du poème aussi...

Affranchi des ambitions guerrières ; et des revendications vindicatives...

Aux lèvres ; la fraîcheur – l'innocence...

Et dans les pas ; la danse...

Ce que le destin écrit ; au fond de notre âme ; cette encre de sang que la terre absorbe – et que l'ardeur dilapide...

Le monde (si souvent – trop souvent) plus lourd que le ciel...

 

*

 

Figures blafardes – rongées par le sommeil ; et qu'il faut consoler de leur défaut de splendeur et de sagesse...

Comme mortes déjà ; avant l'heure...

 

 

Façonné par l'or du jour...

Submergé par la lumière ; la matière obscure...

Des ombres dansantes que la joie libère...

En dépit des béances – entre les lèvres – qui appellent ; et qui happent...

Combats (sournois) de gladiateurs d'un autre temps...

L'enfer que l'on prolonge – en quelque sorte – pour éprouver l'expérience terrestre avant le retour à la terre...

Le destin de l'homme face au ciel – à l'abîme ; que l'esprit ne cesse de bâtir – de transformer – de reconsidérer ; comme s'il s'agissait d'une matière infiniment façonnable...

 

 

L'âme généreuse – face aux cœurs criards – aux visages défigurés par la tristesse – à la peur qui flotte – qui suinte – sur la pierre...

Au bas de la pente ; le monde étreint malgré la mort – la lâcheté et l'odeur de pourriture – qui nous entourent – qui nous dévastent – qui nous recouvrent...

 

 

L'absence prémonitoire du monde...

A grandes enjambées dans la mémoire...

Ce qui bat (encore) contre nos tempes...

A l'aube de l'infortune – derrière le sourire grimaçant des visages...

Au seuil du silence ; la nuit déjà...

 

 

Ici – sans (réellement) paraître...

Des paroles ; des choses et d'autres...

De la solitude et du silence...

Et la longue suite de gestes quotidiens – ordinaires (lents et sans cérémonial)...

Ici – présent ; l'esprit dans sa surprise – sa douceur – son allant ; et dans son innocence aussi...

A la surface du temps ; le déroulement habituel...

Et en profondeur ; le fabuleux – la joie et l'émerveillement...

Comme assis à la terrasse de l'immensité...

 

 

La joie – (à peine) perceptible ; si discrète qu'elle ne peut frapper ceux qui ont les yeux fermés ; cloués par l'ignorance – les malheurs – la misère ; toutes les (prétendues) épreuves jetées en ce monde par la main bienveillante d'un Dieu miséricordieux...

 

*

 

L’œil scintillant...

Sous la lumière de l'hôte...

L'obscur défait – invariablement...

Au sommet de la pierre – sous les étoiles – l'infini...

Et les hommes ; et les bêtes ; dépareillés – en combinaisons asymétriques – allant ici et là – s'enfonçant aux quatre coins du labyrinthe – seul(s) – ensemble – errant comme des créatures frileuses – engourdies – infirmes – amputées (sans doute) de l'essentiel ; engoncées dans leur furie ou leur ivresse...

Semblables (pourtant) aux Dieux les plus familiers...

Tous ; fils du ciel …

Si étrangers – pourtant – à l'essence commune que dissimulent leurs masques de chair et de poils...

Du côté de la cécité ; et de la confusion...

La nuit et la matière – enchevêtrées ; obligeant le monde à marchander ; réduit à l'échange et à la mendicité au lieu de célébrer ce qui le porte...

Et de l'oubli ; et de la neige – pour recouvrir les tombes ; et enterrer la mort...

 

 

L'âme qui creuse ; les heures passagères...

Sur ces terres dispersées par le vent...

Des rives encore ; et cette glace sur tous les chemins...

Transparence déserte ; parfois opacité grise...

L'étendue qui prolonge toutes nos absences – jusqu'à la mort – jusqu'à l'anéantissement...

 

 

Ce que l'usage honore...

La matière traitée avec tendresse et douceur...

Le long de la chair – un (discret) frémissement...

Sans croix – sans sacrifice...

Le cœur qui acquiesce ; l'âme qui sourit...

Le regard lucide ; s'offrant en toute innocence...

 

 

Les souterrains ravagés par cette atroce captivité...

Une longue détention sous la pierre noire...

Et ce chant – cette plainte (à peine perceptible) – qui monte des entrailles de la terre – de tous les ventres du monde – comme le prolongement (désespéré) de cette douleur muette et incurable…

 

*

 

L'âme de l'origine – avant (bien avant) la pensée – le prolongement du ciel avant que l'esprit ne lui fasse croire qu'elle s'en était séparée...

Un œil immense ; et une main tendre ; et tendue – pour soulager les manques (tous les manques) de la terre ; les plus grandes carences des créatures de ce monde...

 

 

Des allées et venues dans l'abîme...

Une manière de creuser le noir et d'effacer le blanc...

Dans une sorte de manichéisme primitif ; que nous avons repris et (très superficiellement) nuancé...

Le foisonnement mensonger du paraître et des apparences ; et mille mots pour décrire toutes les subtilités (perceptibles)...

Le plus grossier ; écrit à la craie ; que le regard embrasse et réunit ; et que la pluie efface et fait tomber dans l'oubli...

 

 

La solitude (parfaitement) épousée ; comme la force et l'élan ; l'invisible qui ne dit son nom...

Le sourire ; et cette présence...

Sans parti pris ; abandonné...

Comme unique témoin (possible) de l'immensité qui nous entoure – qui nous convoque – qui nous habite – qui nous réunit...

L'immersion de l'âme – des pas – du voyageur...

Comme un bain de joie ; une félicité intense et vivante...

 

 

Sans mot dire ; ce qui avance – ce qui s'installe – en nous – présent depuis (bien) plus longtemps que notre visage – que tous les visages qui se sont succédé depuis la naissance du monde...

Le destin des voies – et des espaces – parallèles...

Se frayant un passage (mille passages) entre l'âme et le souffle ; dans les interstices laissés vaquant par l'éradication (progressive) des instincts...

Réceptacle ancillaire ; (sans doute) notre seule (véritable) vocation...

 

*

 

L'air levé à la hauteur des Dieux...

A l'égal de l'eau et de la terre ; comme le feu qui habite l'espace...

Sur son lit ; la matière...

Et l'âme qui ressent la moindre secousse – le moindre frémissement ; qui devine les failles et les aspérités...

Sensible au souffle ; au gain et à la perte éprouvés par le corps et l'esprit ; autant (bien sûr) qu'à l'allure à laquelle on se rejoint...

 

 

Les grilles épaisses...

Le monde (terriblement) tentaculaire...

Des mains – des armes – des drapeaux – que l'on agite – que l'on brandit ; et toutes les histoires que l'on se raconte pour croire en ces gestes (en la réalité de ces gestes)...

Comme un écran devant soi pour éviter le monde – son visage ; l'horreur et la bêtise qui se perpétuent...

L'étrange serment que l'on se répète – involontairement – inlassablement – pour ne pas se reconnaître...

 

8 mai 2023

Carnet n°287 Au jour le jour

Octobre 2022

L'apparition (urgente) du jour ; plus qu'un vœu (la condition de notre survie)...

Dans le blanc des yeux ; les ailes déposées...

Le ciel à sa place (toujours à sa place) ; et la terre trop peuplée...

Le cœur pris dans cette résonance...

Indistinctement ; comme immergé parmi mille autres éléments...

 

 

Le rythme déréglé...

Comme une marche sur une voie de secours...

L'allure aussi prompte que possible...

L’œil ébahi...

Perdu au milieu des reflets du miroir...

Offert à la force indifférente du vent...

Au milieu des choses ; l'espace...

Le lointain ; et la figure du cri...

Des sourires et des grimaces ; par intervalles ; et de temps à autre – un masque de fer sur une plaie muette – purulente...

Sous des étoiles à la luminosité douteuse...

Ainsi s'élève-t-on – quasi seul – au cœur du désastre ; de manière plus ou moins discrète – de manière plus ou moins introspective...

 

*

 

Le cœur (parfaitement) mobile – (en partie) cisaillé...

D'un seuil à l'autre...

De lieu en lieu...

Monde après monde...

Au-delà – (presque toujours) – un peu plus loin...

Comme si la rive s'allongeait ; comme si le voyage se déployait...

Rien que du temps ; et la source intarissable qui renouvelle les désirs et la matière ; l'invisible et le décor...

Ici – sans autre ambition...

 

 

Au bord du temps...

Quelques restes de chemins (très peu empruntés) – (extrêmement) éparpillés...

Parmi les arbres qui parlent...

L'ardeur qui commence – imperceptiblement – à décliner ; les premiers signes crépusculaires...

A bout de souffle (sans en avoir l'air) – en quelque sorte...

L'extrémité de l'âme engagée dans la lumière...

Et notre tâche ; une manière de faire silence ; avant de s'effacer...

 

 

Le temps séculaire – inchangé – de l'attente (toujours aussi vaine)...

Des heures – des jours – qui passent ; et que l'on oublie...

Dans le sang – des mots qui dansent ; et que la bouche éructe à un rythme infernal – à un rythme endiablé...

Le rouge à l'honneur ; celui du monde – celui des songes...

Et ces larmes qui coulent sur ces visages qui jamais ne verront la promesse ; le règne de l'éternité...

 

 

Au fond des choses ; le rire...

Au fond du rire ; le vide...

Et cette fuite (inéluctable) du monde...

Vers la mort ; cette terre (supposément) relevée...

 

 

Le jour – peu à peu – éteint par la soumission – l'assuétude – l'agenouillement...

Et la possibilité de la lumière qui persiste – à travers la découverte du secret – la résolution du mystère ; à travers l'existence – comme un miracle...

 

*

 

Le cœur humble et hivernal...

Au milieu des choses ; et du silence...

Presque rien ; la joie qui monte...

La vérité du geste authentique – naturel...

Si loin de la plainte ; la parole dansante...

Le lieu de l'énigme sur la pierre...

Ce qui scintille derrière les couleurs...

Et la caresse du regard ; et la tendresse qui dissipe les murs et le sommeil...

Ce qui habite (parfois) le poème ; cette grâce discrète – (presque) imperceptible...

 

 

En chemin – comme la neige...

Le monde ; et la parole passante...

Davantage que des lettres – que des signes...

Le reflet – sans doute – du seul visage...

Le jour qui résonne...

Ce qui se détache – à l'intérieur du partage...

Le bruit de la rosée dans la voix amoureuse ; l'alphabet de l'invisible qui tambourine entre les mots ; comme si tous les possibles s'invitaient simultanément dans cette manière (vagabonde) de traverser la vie – à la façon du ciel – du sable – des oiseaux...

 

 

Comme étranger(s) au silence – au regard...

L’œil rond – surpris – inquiet...

Vers le haut – la lumière...

Et l'âme (bien sûr) qui devine la direction...

Penché(s) sur soi ; comme sur toutes choses...

Et les cœurs méfiants – craintifs – inquiets – serrés les uns contre les autres...

D'une certaine façon – une impossible idée du monde...

 

 

D'une plaie qui offre la force...

Cette étrange ascendance dont nul ne se réclame....

La terre rouge – couleur des origines – couleur du temps...

Contre soi – la nuit tombée ; l'effroi de la mort ; et les malheurs – sans discernement...

La gorge défaite ; pas même un bruit...

Tous les orifices qui suintent ; et les yeux qui regardent (vaguement) les substances s'évacuer...

Le vivant – sans rire – sans promesse – réduit à un peu de matière – à un peu de misère ; pas si différent des corps inertes que l'on brûle ou que l'on enterre...

 

*

 

La plaie originelle – encore ; comme indéfiniment partagée...

Insaisissable par le langage ; et que chaque existence reflète (pourtant)...

La pluralité éparse qui s'ignore ; inconnue à elle-même (en quelque sorte)...

Sous une chape de silence – épaisse – nocturne...

Mille chemins ; et autant de cris – d'espoirs – de gémissements...

Et cette douleur impossible à comprendre – impossible à éviter ; qu'il nous faut pénétrer...

Nulle part où se réfugier – nul lieu où aller ; ici ou ailleurs – qu'importe où l'on est – où l'on s'est (très provisoirement) installé ; à peine effleurée l'idée de s'enfoncer en soi (avec, bien sûr, tous ses empêchements)...

L'ombre – partout – qui nous encercle – qui nous assaille – qui nous envahit...

Sur cette terre (à bien des égards) – le règne du plus sombre...

 

 

L'arbre traversé par le ciel ; et, parfois (de temps à autre), par la parole...

La pierre gravée de ses initiales...

Un peu de lumière sur les songes du monde...

Comme une autre sente qui se propose ; un espace où l'on peut se ressourcer au lieu de s'épuiser ; à la lisière de soi – au-delà de toute question – au-delà de toute réponse ; au cœur de cette présence commune et silencieuse...

 

 

L'odeur brunâtre de la faim...

Le monde-gibier entre nos mains carnassières...

Le désir (presque) toujours fougueux du reste...

Ce jeu (inévitable) qui habite la vie (et les vivants) ; et sans lequel ils ne seraient pas...

Tour à tour – herbe – biche ou tigre ; glissant (involontairement) de l'un à l'autre – dans l'éternelle magie du retour et du recommencement...

Et, pourtant, comme une musique triste (et légèrement nostalgique du temps d'avant la séparation) dans la voix qui raconte le spectacle – passablement étrangère aux drames et à l'emprise du rêve...

 

 

Entièrement à Dieu – à l'Amour – à la mort – à ce qui se propose (très) provisoirement...

Au cœur du grand cirque de la terre et du ciel...

Le vivant en tous sens ; s'essayant (bien sûr) à toutes les combinaisons possibles (à toutes les combinaisons imaginables)...

Ainsi ose-t-on – peut-être – au fil du voyage – à travers la longue suite des existences successives – à se risquer, pas à pas – peu à peu, à vivre au-delà du connu – au-delà des remparts faussement protecteurs que l'on a (naturellement) érigés autour de soi...

 

*

 

Le cœur se souvenant du creux dans la parole ; ce lieu comme un silence où naissent le monde et les choses...

La possibilité d'un regard sur ce qui semble étranger...

Des traces de lumière si anciennes qu'elles donnent à l'écume cet éclat...

Le visage d'avant le temps...

Le seul sourire – la seule sagesse – qui compte – au cœur de ce désordre passager...

 

 

Le provisoire qui déborde de modalités – de conjectures – d'opportunités – affranchi (d'une certaine manière) du martèlement du temps ; de la fausse idée de liberté dont on rebat les oreilles de l'homme depuis des millénaires...

Soudain – la fulgurance de l'éclair et du trait...

Sans doute – le plus poétique de ce monde qui emporte (pour un court instant) la mort et les vivants vers un lieu où la nuit n'existe pas...

 

 

Enfin la lumière – immanente – horizontale – parfaitement quotidienne...

Entre les arbres et les pierres...

A la vue de tous ; et que la plupart ignorent ; et que la plupart ne voient pas...

Réuni(e)s – toutes ses parcelles – tous ses éclats – dans le cœur qui veille – dans le cœur vigilant – qui place le regard au-dessus du monde – au-dessus du souvenir – au-dessus de tout ; et pouvoir ainsi pénétrer le fond des âmes et des choses ; habiter la vérité vivante...

 

 

Le temps – le secret – le trésor – qu'éparpille le geste inattentif...

Comme condamné(s) à la course mécanique...

Les yeux fermés – la tête grise et triste – mouillée de larmes et d'incompréhension...

L'âme défaite – sous des avalanches de malheurs qui confinent à la malédiction ceux qui, par excès d'absence, ceux qui, par défaut de présence, ne sont pas véritablement vivants ; pas même ailleurs – (presque) inexistants...

 

*

 

Le silence aérien...

Lové contre le jour...

Et le monde affamé qui, sans cesse, doit assouvir sa faim...

Le cours des choses – sans heurts (véritables) – sans (réelles) interrogations...

Le rôle perpétuel de ceux qui habitent la terre...

A la manière d'un songe impatient et solitaire...

 

 

Le cœur chargé de douleurs...

Ce qui se retire ; ce qui se rétracte – en soi...

Notre présence apparente ; cette appétence pour les choses futiles ; une manière d'agrémenter son existence ; de survivre à tous ses malheurs...

La gorge irrégulière ; autant que l'âme ; parfois courageuse – silencieuse ; d'autres fois encline à la tristesse et à l'épanchement...

Quelque chose du bruit et du temps – sur ces rives sans tendresse où les hommes se sentent si seuls qu'ils amplifient la rumeur du monde au point de transformer le regard indifférent – le regard inventé – de l'Autre en loi essentielle – en loi irrécusable ; une terre étrange où chacun agit pourtant comme s'il n'y avait personne – comme s'il n'y avait que soi ; une terre où nul (sans doute) n'existe vraiment...

 

 

Toutes les offenses du monde – oubliées...

De la poussière emportée par le vent...

Des cris dans le vide – sans bouche – sans oreille – sans personne...

Qui pourrait donc comprendre...

La clarté du sang dans le froid...

La terre sombre ; et les bêtes – et les hommes – dans leurs tranchées...

Des adieux – par milliers – par millions – au milieu des éventrations...

Et ces paillettes d'or – virevoltantes – comme une pluie scintillante sous les étoiles...

Comment expliquer cette joie ineffable...

 

 

Les yeux baissés ; l'humilité dans son déploiement...

Face à l'orgueil – face à la cécité...

La dernière parole – peut-être – comme un chuchotement (à peine)...

Au fond du cœur ; l'obéissance révélée et le silence...

L'affranchissement de l'âme ; libre du monde depuis toujours...

 

*

 

Le surgissement de la lumière...

Dans un repli du voyage...

Après la terreur des temps immobiles et la frénésie...

Sous le pas glissant – naturel ; au rythme qu'impose la reconnaissance...

Un passage dans l'ombre ; à la pointe du détachement...

 

 

Dans la plaie semée à la naissance ; la lecture des possibles...

Des signes invisibles tatoués dans le sang...

Tout un destin qui se dessine – sous le joug de l'innommable...

Et tout qui étouffe ; et tout qui cherche à s'échapper...

Et les premiers pas qui (très souvent) se font dans le cri, puis (parfois) dans la parole...

Le sens de la marche dans le sable et la neige...

Le désert hivernal comme seul lieu – comme seule saison ; ce qu'il nous appartient d'apprivoiser...

 

 

Dans l'avant-monde du vivre...

Des terres brûlées ; et des cœurs dociles...

L'absence (manifeste) des âmes...

Des refus ; sous le règne (évident) des miroirs...

Étrangers à toute aventure réelle...

Les habitants du rêve...

 

 

Épuisés par la couleur du songe...

Ces yeux d'enfants mal éclairés...

La lumière qui coule sans jamais s'arrêter...

Et les passagers qui s'enlisent dans la lie – (totalement) privés de Dieu...

L'impatience et l'avidité au lieu d'une cueillette sage et frugale...

Sous l'égide des versets et des agenouillements...

De la souffrance ; et autant de tentatives d'échappée que de dislocations...

A perte de vue – des cohortes de cœurs inconsolables qui tentent d'aller par deux ; au milieu des champs de fleurs et des larmes ; l'espérance (pourtant) vissée au front...

 

*

 

La saison finale – peut-être...

Le terme du temps – en quelque sorte...

Là où le jeu commence ou s'éternise ; qui peut (réellement) savoir...

Sans raison – sans pourquoi ; avec le souvenir de plus en plus flou d'avant – substantiellement déformé à mesure que le rêve prend forme...

L'hypothèse d'une sorte de visage plutôt qu'une réalité...

Et ainsi de toute histoire ; et de son déroulé...

Dans l'arrière-scène des Autres – entre coulisse et décor ; et ainsi pour chacun – malgré la solitude (magistrale) et l'inconsistance des pactes et des mots...

 

 

Le ciel (assez) disgracieux – bas et froid ; comme une couche supplémentaire de matière sur la terre – la chair – déjà (passablement) enrobées...

Le poids des actes – peut-être ; ces mille gestes sans densité – (parfaitement) inconséquents...

Des têtes mortes ; et du côté des cœurs défaillants (bien sûr)...

Le fond de l'abîme – sans doute – comme un écrasement...

 

 

A demi nu déjà ; défait et dérivant – dans le brouillard poussiéreux du monde...

D'une terre à l'autre – dévalant le désordre et le déclassement (à grandes enjambées)...

En exil ; de plus en plus...

Et derrière le fouillis des images ; ce qui émerge ; ce qui (soudain) apparaît...

Dans les yeux – des reflets (de simples reflets) ; le sol craquelé des existences...

Et l'oubli – comme une succession de vagues ; une sorte de déferlement sur le temps – sur ce que nous avons su ; et sur le devenir – cet après qui ne sera plus...

En pure perte ; qui que l'on soit – quoi que l'on fasse ; des gestes et des cris – en désespoir de cause...

 

 

A respirer encore dans l'entre-deux du monde et du corps...

Le temps arrêté ; le souffle en suspens...

Et ce silence sans sommeil – comme un écart – la possibilité d'une écoute – d'une présence ; l'écho du vide et l'espace – dans nos têtes – toutes les résonances ; entre l'extase et l'enfer – d'une égale façon...

 

*

 

Sans cesser ; la mort éteinte...

L'incessant labeur de l’œil sur le temps...

Des siècles de sommeil jetés par la main neuve – la main nouvelle...

Dans la brume grise – opaque – au loin – le monde qui tourne – comme se courant après – après l'idée qu'il se fait de lui-même – et que renforcent (bien sûr) les jours qui passent – pendant des millénaires (quasi identiques) ; le front rivé sur le chemin réalisé et les pas qu'il reste à accomplir ; le progrès apparent comme une spirale fébrile et infinie dont la course folle est (inlassablement) nourrie par les solutions qu'inventent les hommes pour échapper aux désastres qu'ils ont engendrés...

Et nous – un peu à l'écart (bien sûr) – en retrait – invisible ; aussi loin que possible de cette foule aveugle (et aveuglée) – de cette fuite en avant inquiétante et mortifère...

Dans les collines – dans la forêt – là où les histoires et les fables s'étiolent – s'effacent devant la réalité irrécusable ; en ces lieux salvateurs où la nécessité se substitue aux désirs – où l'attention et le geste remplacent les images et les croyances...

Comme un refuge immense – l'espace entier peut-être – dans lequel vit ce que nous sommes – ce que nous portons – ce qui émerge (lentement) – à travers notre danse silencieuse et quotidienne...

 

 

Au sortir du monde – le temps arrêté...

La tendresse comme un bouquet de fleurs vivantes offert à chaque instant...

Le prolongement de la terre ; la caresse qui arrache aux profondeurs le désespoir enfoui – accumulé...

Vêtu de lumière – de grandeur et de lumière ; à toutes les altitudes ; le cœur et le corps à l'abri des larmes et des coups ; le sang et la sève (largement) indifférents au défilé des saisons...

 

 

Sous le règne effarant de l'offense et du sacrilège – en ces temps de susceptibilité affûtée – (totalement) maladive...

La foule – à l'image de chacun (presque chacun) – gorgée de principes – de fausses vertus – de doléances et de récriminations – blessée par quelques (dérisoires) égratignures (symboliques – l'essentiel du temps) aussitôt transformées en plaies béantes – en blessures quasi létales – en ce monde d'individus abrutis et bornés – en cette ère qui sait mêler (avec tant de talent) le sommeil et la violence – où l'on s'offusque à cor et à cri pour quelques riens ; où l'on est prêt à brandir la menace et les armes – à jeter sa vindicte sur celui (ou ceux) qui a (ont) osé nous outrager et à mettre à mort le (ou les) supposé(s) coupable(s) des salissures qui ont entaché notre honneur (ou notre réputation)...

Ainsi naissent – et se propagent – tous les lynchages – tous les massacres et toutes les tueries – en ce monde où chacun revendique le droit à « la dignité » ; et se sent bafoué, à la moindre critique – dès qu'il a le sentiment d'être remis en cause dans sa très (très) étroite identité*...

Un pauvre monde d'idiots susceptibles et vindicatifs...

* réaction exacerbée née de l'hégémonie de certaines catégories de la population ; de leur domination et de leur mainmise pendant des siècles (et, parfois même, durant des millénaires) sur certains groupes d'individus jugés minoritaires – insignifiants – inférieurs – que l'on a privés de presque tous les droits (allant parfois jusqu'à leur dénier le droit d'exister)...

 

*

 

Ensablé dans l'épreuve ; comme face à l'abîme...

Sans retour possible ; l'exact déroulé...

La tête dans l'alignement du temps...

Au bord de la fable ; au bord du discernement...

Et l'empreinte des pas sur le sol – à peine perceptible – mêlée aux traces de tous nos devanciers...

De plus en plus humble – et solitaire – à mesure que l'on s'éloigne de l'imposture...

 

 

Sans hâte – comme la neige – aussi régulière...

Le temps de quelques saisons...

La chair propice ; l'âme absente ; puis, inversement – sans (réellement) chercher à comprendre...

Des soubresauts ; un vague parfum d'errance...

A la verticale de la même étoile ; et sans jamais s'écarter (s'éloignant de quelques pas – tout au plus)...

Ce que l'on appelle – un destin tracé ; la vie comme sur des rails...

 

 

Ici – à larges bords – la débâcle...

Dans le remugle du temps...

Le cœur soulevé – au milieu des carcasses – par les caresses du vent...

Presque nu – à cet instant...

Sous cette étoile d'or...

En ce coin du monde ; une sorte d'angle mort...

Prêt à quitter ces remparts caverneux – d'un âge primitif...

Et nous exposant à la pente – sans contrepartie...

Le soleil sur la langue...

L'urne de la délivrance – sur ce sol sans récompense...

 

 

Le monde élevé au rang de muraille...

Les larmes balayées – une à une – d'une main rude...

Le cœur hostile – opiniâtre – apte à la guerre – âpre au combat ; se faufilant farouchement entre nos baisers tendres – essayant d'échapper à toutes les tentatives de réconciliation...

Se jetant sur le flanc des Autres – les dardant de ses pointes acérées – se livrant à toutes les joutes – sans (jamais) fléchir – refusant toute main tendue – se livrant (sans retenue) à son atroce destin d'assassin...

 

*

 

L'éclipse du monde – dans notre élan...

Une fuite éperdue vers ce retour (inévitable)...

Chemin du secret – et des origines – plutôt que rives et routes communes – surpeuplées – trop fréquentées – abominables...

Et ce qui est vécu – irrésistiblement...

La nécessité ; vers l'essentiel...

 

 

Trop aveuglément humain(s)...

Des inconséquences – des incidences – (très) nombreuses...

Le ciel – comme la mort – dénié dans sa nature ; et dans son rôle...

A la place – un amas d'inventions ; choses et idées – transformées (l'essentiel du temps) en édifice ; des murs – des remparts – des enceintes ; et des stèles et des colonnades pour glorifier l'homme (célébrer l'humanité)...

Sans doute – une plaisanterie ; tant la mascarade et l'illusion sont grossières...

La (grande) naïveté des têtes au milieu de la nuit noire ; l'esquisse du monde...

 

 

Autour de soi – le monde – l'enfance calfeutrée...

La disparition du jour ; le ciel gris...

Les regards perdus ; les âmes courant en tous sens...

L'effondrement (à peine perceptible) du jeu de cartes – des édifices (très) provisoirement érigés...

Au carrefour des possibles...

La fin de quelque chose ; l'incertitude exacerbée...

Et le balancement des cœurs ; et le sang fébrile – sous un soleil nonchalant...

 

 

Le jeu invoqué...

Des mots et des étoiles...

Des fenêtres ; et la lumière...

L'ombre de la beauté dans nos songes évasifs – si précis – si fabuleux...

Et sur la peau – et sous les pas – cette clarté naissante – heureuse d'apparaître ; heureuse d'éclairer...

 

*

 

Le front nocturne – inchangé...

L'invention de soi – malgré le sang et les instincts ; les limites de la matière...

La cassure de l'étrangeté ; et la possibilité de la perte – inhérente au jeu – ajournées (autant que possible)...

Parmi les ombres ; parmi les morts – déjà...

Rien que des rêves et des légendes ; et à peu près rien d'autre sur cette terre...

 

 

Des entraves – des étreintes – hissées sur toutes les bannières...

Du temps et de la poussière – ensanglantés – ensemencés – selon la vitalité des amoureux – selon l'ardeur des belligérants...

Le pays du prolongement et de l'oubli...

Réductible au rêve...

Face au mystère inexplicable ; hébétés – indifférents...

Ce que l'on nous prête ; le cœur battant...

 

 

Des lambeaux d'âme ; le cœur gisant...

Autour – le monde sans fin – parasitaire...

Les yeux rouges ; et noir – la couleur du sang séché...

Un carré de terre pour nos vieux jours...

Le sommeil – déjà derrière les yeux...

Et cette encre – vivante encore – très longtemps après la mort...

 

 

Ici – penché – bancal – maladroit – alors que d'Autres feignent la parfaite verticalité – la connaissance – la compréhension ; et l'expertise même en matière de lumière et de joie...

Séparé – de moins en moins – sans doute – du reste ; de l'amas – des choses indistinctes...

Comme un accord tacite – entre nous...

Bien plus secret et silencieux qu'autrefois...

Le monde et le temps – désempilés ; en voie de régression...

La seule réponse – peut-être – à cette terre qui tourne en rond – à ce monde qui marche sur la tête ; sans même la nécessité d'abaisser le ciel...

 

*

 

Derrière les rideaux – le brouillard...

Devant le miroir – le sourire ou la grimace – selon les jours...

Et sur les longues routes qui serpentent sur la terre ; des visages impassibles et des jeux enfantins...

Et ce silence – si proche – qu'il suffirait de se pencher pour disparaître – parfaitement caché(s) – totalement englouti(s) – par l'épaisseur salvatrice...

 

 

Le temps à la dérive...

Des voix parmi les étoiles...

Des rêves ; et l'invisible...

Et cette chambre isolée – au milieu de la forêt...

Comme une traversée de l'écume ; un éloignement (radical) du monde...

Et les bêtes – toutes proches – tapies derrière les fourrés et les arbres morts ; à pas lents sur l'épais tapis de feuilles...

Le passé de l'homme – comme abandonné (définitivement) derrière soi ; et tout le temps nécessaire, à présent, pour s'aguerrir – se familiariser avec le monde naturel – rejoindre – au-dehors-au-dedans – la part la plus ancienne – la moins humaine – la plus sauvage – du vivant ; l'en deçà du nom et du visage ; ce que nous serons tous amenés à (re)devenir un jour...

 

 

Au fil du voyage – la lumière ; et l'éloignement des étoiles...

Du langage à l'indicible ; de l'indicible au silence...

Le visage, peu à peu, éclairé ; et le geste (parfois) éclairant...

Ni trace – ni chemin – sur l'étendue désertée...

L'espace ; et le sourire...

La porte du cœur ouverte ; et ce que l'âme entend...

Le monde de plus en plus loin ; cet enfoncement dans les profondeurs...

 

 

Des histoires encore ; les ombres au-dehors...

Le temps secoué par les paumes impatientes...

La brutalité à travers le sang ; la barbarie (manifeste)...

Tourmenté – le séjour des bêtes et des hommes...

Et au fond des yeux ; l'antériorité (celle des ancêtres et celle d'avant le monde – trop souvent rivales)...

Et sur les pierres irradiées de soleil ; des questions et des prières – adressées à un Dieu hypothétique ; tous les signes de l'incompréhension exposés – mis au jour (avec évidence)...

 

 

Enchanté par la voix – les cris – les chants – le silence – les lieux...

Dans l'intimité des habitants des bois...

Amoureusement installé ; attentivement étendu...

A l'heure des solitudes couronnées...

Au cœur de l'hiver...

Une autre possibilité d'habiter le monde...

 

 

La tête inclinée – loin des reflets mensongers des miroirs...

Par-delà la blessure – les apparences...

Par-delà la tristesse et l'absence...

Au-delà des joutes et des jeux...

L'espérance brisée ; avec le temps qui se fracasse contre la pierre...

Les peines en noir et blanc – oubliées ; comme effacées par l'ambivalence des larmes...

Et cette disparition comme une fête ; le cœur et le monde (radicalement) inversés...

 

*

 

La force accrue par le souffle...

L'oreille attentive aux bruits de la forêt...

Un lieu ; des passages...

Le monde invisible qui se déploie ; qui nous exhorte ; comme un appel – un enchantement...

Le vent contre la joue...

La neige balayée par le vent...

Quelque chose de la joie ; l'inexplicable qui dure ; le cœur en accord avec l'émergence ; ce qui jaillit (naturellement) de la source...

 

 

Le jour ; sans le poids des mots...

Une autre manière d'être là ; une autre manière d'être présent au monde ; une façon plus directe (bien plus directe) d'entrer en contact – et de nouer des liens – avec les choses et le vivant...

L'âme silencieuse au milieu de la poussière...

La lumière au-dessus du sommeil ; et le vide au-dessus de la lumière...

L'espace qui intègre toutes les formes – tous les visages ; fouillant les moindres recoins du chaos – en quête de l'infime – de l'insignifiant...

L’œil qui déroule tous les paysages ; qui accentue l'intensité des couleurs ; tout – parcouru de long en large...

Et l'écoute – et l'attention – comme une danse avec le rêve ; l'alliance de la joie avec ce qu'il y a (sans doute) de plus sauvage chez l'homme...

 

 

De haute condition – l’œil vivant – la main tremblante – face à l'infini...

Au plus proche de la tendresse racinaire...

Sur cette vieille terre inestimable...

Sous des étoiles qui célèbrent sa courbe...

L'invention du monde ; le seul royaume de l'homme – sans doute...

Et cette lumière qui laisse à l'ombre sa part intacte...

 

 

Le désir assumé du plus haut ; ce qui confine à l'insignifiance les plus grandes richesses...

Dans cette sorte de jardin ; à travers l'enfance (estimée à sa plus juste valeur)...

La même chose qu'ici – aux lisières de l'entendement...

Davantage que le songe ; la reconnaissance du mouvement ; et l'immobilité au fond de la crevasse creusée par la fébrilité des ventres et des âmes affamés...

 

*

 

Le chant inséré...

D'une dimension à l'autre...

Comme un rayonnement...

Vers le monde ; l'indistinction...

L'écume éclatante...

Les rebonds de l'écho au fond de la fosse...

Éparpillées – l'épaisseur et l'opacité...

Vers cette absence de visage ; le sens actuel de l'élan – du voyage...

 

 

Rien d'étrange – en soi ; la saveur de l'inconnu...

Ce qui assouvit cette soif (qui nous anime) – sans eau sur les lèvres...

Des noms – des chemins – empruntés – parcourus...

Le cœur que l'on appâte...

L'attente du jour ; la venue (discrète) de l'invisible...

Vers l'étreinte et la transparence – à la place du corps – à la place du sang...

 

 

L'appel du vrai – au dernier étage de la folie...

Juste derrière – le cœur saisi par l'enfance...

L'espace où règnent tous les ordres ; et celui, souverain, de l'intangible – à son paroxysme...

Simplement aller ; et se laisser mener par ce qui surgit...

Sans heurt – sans résistance – sans affrontement...

Entre l'ombre et le songe...

D'une couleur à l'autre ; qu'importe le déguisement...

De l'or au creux de la main ; et mille soleils qui éclatent au fond du cœur...

 

 

Harcelé par toutes ces mains nocturnes – prétendument guérisseuses...

Face à l'aube blafarde à laquelle on offre sa sueur et le sang des Autres ; à laquelle on jette quelques riens – du menu fretin...

Et nous – déguenillés – sur cette travée étroite – au seuil de l'invisible ; et ces charrettes de pensées qui hantent la tête ; et qu'il nous faut (très laborieusement) pousser...

De la crédulité au fond des yeux ; et la vaine espérance d'un ciel accessible – d'un ciel sans ombre – sans recoin...

 

*

 

Contre la muraille détruite ; des ombres blanches...

Le jour ligaturé....

De la brume et du feu...

L'enfance apeurée – trop chahutée par les luttes et les alliances – par les ruses et les mensonges...

Comme un empêchement ; un rejet – (sans doute) l'oubli de l'essentiel...

Quelque chose de perdu – à jamais – peut-être...

Un lieu où la parole ne compte plus ; pas davantage que le silence...

 

 

Le souffle qui célèbre les jeux...

Le labeur sous-jacent du monde...

Rien d'étonnant – malgré les apparences...

La persistance du bleu – malgré l'obscurité – au cœur de la nuit la plus noire...

Et cette lueur au fond du sommeil – recouverte de rêves et de cendre ; vivante – malgré la force des illusions ; et qui se ravive – et qui s'intensifie – aussitôt que le silence s'impose ; et qui embrase le reste aussitôt que le vent remplace la volonté et les cris...

Rien ne saurait éteindre cette clarté première – originelle – que chaque cœur recèle ; que chaque âme réclame ; et qu'il nous appartient de reconquérir pour offrir au regard et aux gestes cette justesse qui leur fait, si souvent, défaut...

 

 

Lance à la main ; le cœur figé...

Le poids des ancêtres sur l'épaule – guidant le geste...

La terreur bien menée...

La rouelle serrée contre soi...

Sous la lune – les hommes en rang...

Toute une armée d'assassins – marchant à la pointe du sommeil ; les yeux comme des torches ; les cris comme des songes – joignant les bras aux lèvres pour attaquer leurs ennemis – leurs opposants – le reste du monde ; vivant de guerre et de chasse – depuis la nuit des temps...

 

 

Sous les feuillages – le parfum de la nudité...

Et au-dessus – l'arche du ciel richement étoilée...

Et les paumes qui se joignent ; et les chants qui s'élèvent...

Face à l'invisible ; les portes qui s'ouvrent ; accompagné(s) par le son des tambours ; à la manière d'une clé...

En compagnie des esprits de la forêt qui, un à un, apparaissent ; au cœur du bruit – le silence ; tout autour – et au-dedans – comme une épaisseur qui protège le secret...

 

*

 

Le cœur transvasé dans l'arbre – loin de l'horloge – loin de la mémoire...

Le vent ; vers ce monde infini – indéfinissable...

Ni plainte – ni offense – ni prière ; l'espace nu qui offre au regard la poésie nécessaire – la nourriture du jour ; et l'abri dans les branchages...

Une vie lumineuse ; au milieu des ombres silencieuses...

 

 

Le cœur qui murmure ; qui s'éloigne des heures épuisantes – du monde éreinté – des âmes éteintes...

Le rire – entre les lèvres serrées ; et, soudain, la bouche grande ouverte ; la voix douce qui a longuement patienté...

Par ce chemin diurne ; la lampe à la main...

D'une patrie à une autre – sans jamais quitter l'origine...

Le poids du ciel ; et des ailes – pour voyager...

 

 

En plein vent – la lune – ronde – rousse – étonnée – éclairant nos pas sur ce chemin nocturne – sans fin...

Les yeux sales de violence et de poussière...

La tête ornée de cette puanteur ; la chair trucidée – inerte et molle – que l'on ingurgite (tout au long de la journée)...

Que sommes-nous... qu'étions-nous ; et nous sera-t-il encore possible de devenir...

Dans cet abîme – dans cette errance – dans cette débâcle ; si peu vivant(s) – en vérité...

Les poings brandis avec orgueil – comme un enjeu – un défi – relevé pour soi-même...

Des songes entassés sous le front rude et obstiné...

Au bord d'un ciel possible – que l'on devine – que l'on entrevoit parfois – au plus clair des heures...

A l'orée de cette terre rouge sur laquelle on séjourne depuis trop longtemps...

 

*

 

L'ombre sévère engloutie par la brume...

Le cercle autour de soi ; cette présence discrète...

L'Amour ; et le futile qui (aussitôt) se dissipe...

Le bruit régulier des saisons...

Le visage du monde – sous un autre jour...

 

 

Tapie dans la lumière – cette veille inattendue...

Comme un passage après l'effacement...

Le cœur paisible – décousu – étalé – qui a repris sa forme initiale – commune – collective – partagée...

Le vent qui apporte quelques nouvelles des lieux secrets – cachés – les plus lointains...

Sous la parole – rassemblées...

L'ensemble des voix – accordées – entonnant le chant des morts – le chant du monde – le chant des lieux et des vivants...

Comme une fête ; quelque chose de la joie ; au cours d'un temps inépuisable...

Et la même appartenance célébrée ; avec tous ses manquements – tous ses excès ; et toutes ses possibilités aussi...

 

 

Le jour ébauché ; à partir de nos solitudes...

En songe – le mélange...

L'enfance et le chant – roulant ensemble sur la même pente...

Au fil de l'Amour continuel ; des vies qui se succèdent – dans les interstices du temps...

A remuer encore de vieilles fables pour réunir les parts les plus humbles et les plus sauvages...

Toutes les intériorités ; comme des tentatives...

Le cœur suppliant ; et les mains tremblantes...

L'âme offerte au versant du monde bleui par nos gestes – notre impatience...

 

 

Ici – dans le basculement...

La prière paisible – (presque) routinière...

A l'arrière de la charrette – traînée par les voyageurs...

A la pointe de la terre délaissée...

Au milieu des grands arbres ; brinquebalé...

Au fin fond du noir ; Dieu – en tête à tête – les yeux dans les yeux...

 

*

 

Le cœur révélé par le jeu...

Le commencement – sans pourquoi – du monde...

Bien plus qu'une hypothèse...

La transformation progressive (et radicale) de l'âme – à travers tous les déguisements de la chair...

Sur la scène – la foulée hésitante ; et le reste se pavanant...

Si près de ce ciel qui nous ressemble ; et, à certains égards, si loin de celui que nous méconnaissons (que nous nous obstinons à méconnaître)...

 

 

A mesure que l'on s'enfonce – tout ressurgit...

Comme des vagues très anciennes ; et de la boue charriée ; mille choses enfouies qui jaillissent – se répandent – nous envahissent...

Et dans le regard – cette attente bousculée – ces os enchevêtrés – la fatigue du monde – et cet (incurable) accablement des cœurs découragés face à la chair pourrissante qui s'entasse...

Le jour et la terre – au fond des âmes – mal mélangés...

Et dans les tréfonds de ce sillon, peu à peu, transformé en abîme – l'irruption soudaine de la lumière – comme au premier jour – cette clarté que nos jeux – que nos ruses – que nos aventures – avaient (insidieusement) recouverte...

 

 

Mieux que dire ; jeter sous les yeux...

L'intimité qui s'offre – sans ostentation...

Intense – au-delà (bien au-delà) du savoir accumulé (absolument inutile en la matière)...

La traversée ; et le rire face à l'insoutenable ; avec ce poids sur la nuque qui s'estompe – peu à peu...

Toutes voiles dehors ; et de grandes bouffées d'air pur ; la vie qui respire ; la tête et la chair qui se désengorgent...

 

 

Au bord du monde – le front étoilé – luisant sous la lumière...

A grands coups de rein ; le corps en guise de radeau...

Sur ce versant brumeux de la terre...

D'un bout à l'autre du voyage ; de mort en mort – sans (réelle) escale ; la vérité qui, peu à peu, se réalise – devient réelle – palpable ; et que le regard et le geste apprennent, peu à peu, à refléter ; la seule manière d'incarner la justesse...

 

*

 

Sans jamais cesser – la mort...

Le feu – dans l’œil et la chair – qui s'éteint...

Au cœur de la forêt impénétrable...

Près du sommeil agité – et attentif – des bêtes...

Le bleu – sans bouger ; dans cette lumière qui nous réchauffe...

La fin d'un cycle ; et un autre sort déjà ; la suite qui s'invite...

 

 

Le jour limpide ; comme des flaques de lumière sur cette terre triste...

Le miroitement des images et des mots ; des fragments de matière qui dansent...

Toute la lourdeur qui se dissipe...

Le monde amoureusement chahuté ; la tête en bas pour voir tous nos édifices s'effondrer...

Des cris de joie plutôt que l'amertume – plutôt que le désarroi...

Le temps de la dissipation et de l'évanouissement...

Dans un lent retournement de l'abîme ; le commencement d'un autre royaume...

Et ces quelques traits pour dessiner, dans le sable, le prélude – la préface du nouveau temps qui saura (de toute évidence) s'affranchir du sommeil et de l'écume ; de toutes les lois qu'ont instituées les hommes...

 

 

Au cœur de l'enfance des bêtes – joyeuse(s) ; dévêtue(s) du monde et du temps – affranchie(s) du joug des hommes ; sauvages – entre terre et ciel – ricanant face à ceux qui prétendent – face à ceux qui défendent la civilisation ; vouées aux gestes – promptes à la morsure – douées de tendresse pour tous ceux qui appartiennent au cercle de l'inquiétude – peuplant les interstices (désertés) du monde (humain) – toutes griffes dehors ; et l’œil distant – confiantes dans leur communauté – dans leur appartenance au sol et aux courants magiques (et réparateurs) de l'invisible...

 

 

Les yeux fermés ; la saveur à l'intérieur...

Silencieusement ; comme la sève qui monte...

Au pied d'un ciel immense...

Le prolongement (inattendu) de l'ardeur...

Glissant à travers le songe et la nuit – vers des contrées d'affinités ; parmi ceux dont le cœur est suffisamment sensible pour franchir le seuil...

 

*

 

Le cœur qui macère dans le sang des Autres ; encore faiblement palpitant...

Aveuglément vers le ciel – les Autres – la mort...

A la recherche d'un refuge – d'une promesse – d'une consolation...

La chair écorchée par les griffes – la roche – l'avidité des bêtes...

Le temps interminable ; l'errance – le séjour...

A se blottir au fond des grottes – à l'abri du froid et de la pluie...

Autour du feu – ensemble ; si seul(s) – dans cette promiscuité...

Recouverts par l'épaisseur de la forêt ; la terre primaire sans autres fruits que ceux de ses créatures...

 

 

Paré(s) de cendre ; aux poignets – des liens de sable...

Dans la poussière – plongé(s) au cœur de la trame...

Du souffle au silence ; de l'absence à l'éclipse ; sous tous les déguisements possibles...

Sous le règne des disparitions ; l'éphémère qui tremble ; et qui, parfois, se surprend à espérer...

 

 

L'enfance hasardeusement épargnée...

Dans un bruit de guillotine...

Ce monde auquel on soustrait les couleurs et le parfum...

Les hanches larges – élargies par les enfantements successifs...

Et la vieillesse à rebours ; sur le seul chemin...

Comme une île en plein ciel...

Le regard rêveur ; comme perdu dans ses pensées ; et se définissant ainsi (le plus souvent)...

 

 

Des rivages (partiellement) ravagés...

L'affolement des foules qui essaient de se hisser à la hâte vers les hauteurs (géographiques) pour échapper aux dangers...

La débandade – en tous sens ; dans les cris et l'odeur de la mort qui rôde – qui s'approche...

Le séjour – et son stock de chances – déjà (très sérieusement) entamés...

Rien (réellement) pour se tirer d'affaire ; sinon l'espérance – comme une glissade supplémentaire ; une façon (la seule que l'homme ait trouvée) d'ajourner la chute...

 

*

 

L'âme chantée qui s'invente...

Un nouvel espace ; un monde étrange – accolé à celui où nous avons l'air de vivre...

Un jeu (un autre jeu) – peut-être ; où l'on peut se perdre (et inventé, peut-être, pour cela)...

Comme un rêve – mille rêves – à parcourir – à traverser...

Et des paquets d'ombres accrochées à la chair qui se déplace...

Avec son lot de légendes ; et quelques bannières ; le déroulement de l'histoire ; le récit d'un engloutissement ; et mille tentatives d'évasion (toutes avortées – bien sûr)...

Le même convoi – des milliards de têtes – sur des rails – entre rouille et poussière – sous la pluie et le règne du temps qui effacent toutes les traces...

 

 

L'inexplicable – sur la terre – sur la mort – rayonnant...

Au-delà des pensées qui s'essaient à un commentaire – au-delà des mots qui tâtonnent...

Quelques notes ; au rythme de la nuit ; ce qu'elle prête ; et ce que l'espace ordonne ; un chant silencieux...

 

 

Les sanglots lourds – puissants ; comme une remontée des profondeurs ; le jaillissement déchaîné d'une tristesse trop longtemps refoulée...

La nuit entière ; à la manière d'un recouvrement...

Et, peut-être, l'amplification du secret ; et, peut-être, la possibilité d'une découverte...

Des pans de murs renversés – balayés ; les remparts qui se lézardent – qui se brisent sous la force des vagues ; le monde d'avant la parole – d'avant le cri – qui déferle sur les rives...

Le cœur submergé par ce magma d'avant la langue – d'avant la naissance de l'homme...

Une sorte de purification par les eaux providentielles...

Le déblaiement du surplus – des surcharges – des amas d'images et de matière accumulées depuis la séparation de la terre et du ciel – depuis la différenciation de la chair – des cœurs – des visages...

Et sur le parvis – ce rire des hauteurs – retentissant ; une sorte de soulagement – de délivrance (un peu tardive) ; bienvenue – (très) joyeusement accueillie...

 

*

 

Parmi les étoiles – en rêve...

Le chant imperceptible du monde...

Cette douleur des âmes – figée dans la mémoire – assujettie(s) au temps...

Le cœur flottant – léger – à la dérive...

Dans ce labyrinthe d'ombres et de miroirs...

Le jour et la parole – (parfaitement) accolés...

Entre le silence et l'abîme ; au milieu de tous ces riens ; le pas (la chair) qui se soulève...

 

 

Ce lieu sans mur – sans nom...

Le toit invisible ; sous les feuillages...

La chambre du royaume – peut-être...

Dans le silence des rêves éteints...

La voie qui se désagrège – qui s'enracine...

La lumière – entre l'étendue et le chemin...

Des collines et des forêts ; et cette entrée en soi...

Sur cet espace vivant ; le mot et le pas ; la joie venue – le souffle surgissant – qui guident le passage ; sur cette pente propice à l'effacement...

 

 

Agenouillé – offert aux choses de la terre...

Le regard posé sur le vaste monde...

Des coulées de lumière sur les arbres silencieux – impassibles...

Le bleu – au fond des yeux – comme une étincelle de tendresse...

La main câline qui distribue ses caresses...

L'aube – le jour – le crépuscule – au fil des saisons – célébrés par les gestes quotidiens...

La vie comme une danse secrète – indescriptible ; joyeuse – puissante – fragile ; les pas – les bras – la tête – éphémères – tendus – tournée – vers l'éternité ; le signe d'une gratitude – bien davantage qu'une prière...

 

 

Sous les paupières pourpres ; le cercle du monde que le regard, peu à peu, agrandit...

La source de l'oiseau – de la brume – de la lampe...

Les yeux tournés vers le regard ; au-delà de la mort – au-delà des apparences (trop évidentes)...

 

*

 

Le monde – le temps – le silence – invisibles ; hors du cercle du sommeil autant qu'au cœur de la cécité...

Le seul visage – peut-être ; celui qui se tient devant nous – face au miroir...

Sans un mot – sans un regard – l'espace qui se déploie...

Le vide – l'éternité – l'écoute – qui dansent...

La fête qui s'éparpille ; jusque dans les plus lointains recoins de l'âme et de la chair...

 

 

Au-dessus de l'absence ; rien...

Le même vide qu'ici ; qu'ailleurs...

Rien qui ne puisse être dit ; rien qui ne puisse être lu (ni déchiffré)...

Ni signe – ni chemin – ni témoin...

Seul(s) sur cette sente invisible qui s'enfonce dans les profondeurs de l'esprit...

Le vent – le jour ; et la lumière qui nous appelle ; et quelque chose – en nous – qui lui répond ; comme un lointain écho de l'origine...

 

 

Sous le sable entassé – la puanteur du monde...

Et dans la fissure ouverte – le remugle du temps...

L'âme ; et l'ombre ; et l'arbre – accolés...

Et la mort qui plane en dessinant de larges ronds au-dessus des têtes...

Et nos mains – et nos cœurs – qui s'agitent – sans savoir quoi faire...

 

 

La plainte – hors de la bouche ; rampante obscurément...

Comme une lave noire ; une vague qui submerge toutes les solitudes...

Et les yeux – témoins du massacre...

Les voix dolentes – comme des sons qui rayonnent confusément...

Dans l'ombre d'un éblouissement lointain (trop lointain)...

Et la peur regardée en face ; vers le grand large – comme emporté(s)...

 

*

 

La ressemblance invisible de la multitude ; oubliée...

Comme l'origine ; et le voyage...

Le fond des choses ; et le silence qui recouvre les cris...

L'intimité du feu et du souffle – partout – inconsciemment célébrés...

Le labeur de l'être ; le bleu qui sourit...

Une manière de se reconnaître...

 

 

Le temps de la respiration ; après tant de sauts sur les pierres...

Un répit dans la course ; ce qui s'arrête...

L'interstice du voyage – comme une fenêtre – une perspective – une réoxygénation...

Voyageur encore – qu'importe le chemin – qu'importe la destination – qu'importe la fatigue et l'égarement ; comment pourrions-nous ne pas continuer...

 

 

Le vent – l'espace – le silence ; ce qui nous rapproche à mesure que s'éloigne le monde...

 

 

L'âme douée de solitude...

Le cœur placide – pacifique...

Tous les faix déposés...

A genoux (pour d'autres raisons)...

L'invisible incarné (autant que possible)...

Dans cet écart avec l'ineffable ; le corps ensemencé que l'on dénude jusqu'au dernier désir – jusqu'au dernier souvenir...

Dans la plus pure tradition du premier homme...

 

 

La voix sommée de se hisser au-dessus du discours – entre le ciel et le geste naturel...

Et nous – avançant – ainsi – à tâtons – sans rien savoir ni de l'espace – ni du secret – ni de la parole...

Jamais oublieux – pourtant – du silence qui guide nos hésitations ; un pas (infime) vers le sacré – vers la beauté – peut-être...

 

*

 

Le ciel – la lune ; le temps qui sourit...

Sans image – le monde ; le sentir vivant...

Quelque chose comme un poème ; une langue nouvelle pour tenter de dire l'indicible...

La parole dans le silence ; comme une flamme dans un feu – une flamme infime dans un feu immense...

L'Amour qui envoûte le regard – et le cœur – pour embellir la laideur – pour donner un peu de saveur à ce qui en semble dépourvu...

Le lieu dans tous les lieux ; n'importe où – comme si cela suffisait pour vivre et trouver la joie...

 

 

La fatigue enroulée autour de l'âme ; comme la seule sentence terrestre possible...

Cette lassitude face au monde – face aux Autres...

L'impossibilité (irrévocable) d'un autrement...

Ce qui, peu à peu, nous éreinte ; ce qui, peu à peu, nous efface ; comme une mort à petit feu ; une (très) lente – et (très) progressive – exténuation ; de manière certaine vers l'anéantissement...

 

 

Sans discourir – la voix simple...

La tendresse à dessein...

Le recours au geste...

Le signe d'un siège partagé...

Au milieu d'émules dominés par le silence...

Le retour – poing derrière le dos...

L'âme qui se réorganise ; dans le redéploiement de la dilection – sans rien demander – sans même la grâce d'une prière...

 

 

La sagesse revivifiée par l'absence de parole...

Sans conseil ; à travers le cours probant des choses...

D'une secousse à l'autre – par la route privée de louanges et de commentaires...

Au bord du cœur ; le message qui se mêle à la poussière du monde – emporté par la danse – loin du manège des Autres...

La sagesse ricochant sur la chair trop peu sensible – sur l'esprit trop confus...

En l'honneur de l'homme ; de ce qui est vivant en l'homme ; de ce qui le porte au plus haut ; le chemin de biais ; plus matois que ceux qui se pensent rusés ; plus malin que ceux qui penchent vers la sournoiserie...

 

*

 

Plus sombre encore qu'autrefois...

La neige noire – le cœur sale – l'âme écœurée...

La parole descendante ; comme un cri arrivé à terme ; plantée dans le sol...

Enracinée à l'endroit où les vents l'ont posée – en quelque sorte...

Entre l'espoir et la nuit – enfermé...

D'un geste furtif – le ciel allumé...

Sur la pierre où se dessine – où s'édifie – l'invisible architecture...

 

 

La substance des fleurs ; et le mystère des origines...

Vers le centre, n'est-ce pas ? Sans erreur – sans dissipation – possibles...

La main maline – machinale – qui cherche son ombre – son mouvement – ce qui l'anime...

Le monde – la faim – les saisons – entrecoupés de (mauvais) sommeil...

Quelque chose comme une vie – en somme ; quelque chose de simple qui s'ignore ; guidé par ce qui ne se voit pas ; une forme de ciel ; des pas – une danse – des paroles – dans le ciel hésitant ; et qui, parfois, se laisse approcher...

 

 

Habillé de cette rencontre...

Drapé de cette nudité que l'on ne peut saisir – que l'on ne peut comprendre – que l'on ne peut corrompre – que nul ne peut s'approprier...

Sans commentaire – sans conclusion...

La source qui (à son insu) enseigne...

 

 

Simultanément ; le discernement et l'indistinction...

Sans même le recours à la prière – au poème...

Dieu dans nos pas – dans notre âme – autant que sur les chemins – autant qu'au fond des rivières ; dans l'arbre et la hâte – dans la fleur – la folie et le recueillement – dans le négoce et la guerre...

La mort aussi belle que la sagesse ; et les assassins...

La bêtise et la lumière – sans message (véritable)...

En l'honneur de ce qui arrive – de ce qui a lieu – de ce qui est vivant ; les visages – les choses – les circonstances ; ce qui passe le seuil du cercle ; tout ce qui existe (bien sûr) ; les dix-mille mondes aux formes provisoires...

 

*

 

Des murs de mots – trop souvent ; infranchissables – insurmontables...

Des amas d'ombres ; comme des remparts pour le cœur...

Du sable – des éboulis ; le prolongement de la catastrophe...

Des cartes pour le rêve ; pour déchiffrer le territoire du rêve...

Rien que des questions ; et des réponses ; pas grand-chose ; rien qui ne puisse permettre d'appréhender le réel ; d'offrir à l'esprit la clarté ; et au geste la justesse...

 

 

Du dessous du mélange ; là où le socle est lisse – homogène ; comme une seule pâte déformée à la surface ; le dedans de la trame – en quelque sorte ; là où la fatigue – la tristesse – la défiance – sont remplacées par l'Amour – l'enfance – le silence ; le cœur du monde au fond du cœur de chacun ; comme une évidence...

 

 

Au creux de la nuit – le corps ensommeillé...

Parmi les bêtes ; et la fraîcheur...

Le long des pistes fréquentées...

Un hochement de tête – le front hautement perché...

A la cime de la lumière ; ce qui se révèle ; l'Amour et le secret ; l'âme affranchie du hasard...

Le cœur libre qui prend la couleur de ce qui s'impose ; et la chair obéissante ; indistinct(s) dans la diversité des paysages ; et l'esprit au-dessus de l'ambition (et de l'inquiétude) des hommes...

Tout qui s'ouvre ; tout qui vibre ; et la route – plus vaste – qui surgit...

Le silence plutôt que la civilisation...

La solitude plutôt que la communauté...

Membre – à part entière – du reste ; sans orgueil – sans revendication...

 

*

 

Le bleu déplacé...

Comme ce qui commence ; du sol à la lumière...

Sans jamais s'épuiser ; comme le sable qui s'écoule ; à l'envers...

Sans rien compter ; des pas seulement...

Des lignes et des strates ; par tous les chemins possibles...

Ainsi se succède-t-on (sans jamais se prolonger)...

Sans rien perdre – sans rien briser – sans rien acquérir ; toute traversée...

 

 

Dans la gorge ; tendu(e) – le cri...

Une sorte d'écart avec la paix ; et le silence...

Cette manière douloureuse – angoissée – d'être au monde...

Le chemin ; les épreuves à braver ; et cette sente à inventer – au-delà du vertige ; la lente métamorphose du regard – à travers les circonstances...

 

 

Le sang versé...

La peur au fond des cages...

Paisiblement – au pays des prophètes...

Sur la plaine – ornée de feux et de palissades...

Parmi ceux-là ; dans le triangle où s'entassent les morts...

L'ardeur quasi fraternelle ; sans que jamais ne cessent les massacres – les tueries...

 

 

Ainsi le seuil franchi...

La terre nourrie par tous les rêves du monde...

De la fumée ; comme des remparts...

La vue plus opaque encore (plus opaque que jamais)...

Bien des songes (trop de songes) dans la tête des vivants ; les mains gantées ; le cœur chaviré ; et le reste dans son déguisement...

Et que restera-t-il une fois l'espoir épuisé ; combien s'imaginent (à tort) que nous plongerons tous dans la tristesse et le néant...

 

*

 

Gravé dans le vent – comme (à peu près) toute chose...

Volatil(s) – éphémère(s) ; sauf le secret – le silence ; ce qui se cache derrière l'apparence du monde...

L'enchantement sous la tristesse...

L'Amour au fond de soi...

Ce que le cœur interroge parfois (trop rarement – il est vrai) ; en proie à toutes sortes d'hallucinations...

Comme s'il nous manquait quelque chose...

 

 

L'élan derrière le geste ; le sourire derrière la figure triste...

Ce qui ressemble à une étreinte ; une passion tendre et joyeusement dépossédante...

Un rassemblement passager ; puis un pas vers la lumière pointée par la parole sage – entrecoupée de silence ; qu'importe l'âge et la prédisposition...

Ainsi se poursuit le voyage ; ainsi laisse-t-on (parfois) quelques traces ; d'infimes signes au détour d'une ligne – d'un sentier – d'un passage...

 

 

Au cœur de l'arc ; la guerre déjà – comme incrustée dans le bois dévolu au combat ; et le courage ; et l'orgueil – et le chagrin – du monde – aussi...

Les larmes des Dieux autant que la prière des femmes...

Les corps en rang ; la chair sacrifiée ; en ordre de marche...

Le cœur dévasté ; les cierges et les sébiles renversés...

L'esprit engagé qui fait bloc...

A coups d'instincts – à coups de traditions et d'instincts ; ainsi (sans doute) se perpétue l'infâme barbarie...

 

 

Assis face au soleil – (passablement) désespéré...

Sans rien voir de l'or qui coule sur la pierre noire...

L'ennui des hommes ; leur angoisse – leur impuissance – leur cécité...

Rien qui ne vaille (vraiment) la peine (selon eux)...

Le front ombragé ; la tête entre les mains...

A se questionner sans fin sur le mystère ; à pleurer sans fin sur son impossible résolution ; au lieu d'habiter (plus simplement – plus amplement) l'esprit – l'espace...

 

*

 

Ici – perdu(s) dans l'immensité...

Abandonné(s) à l'enfance...

Sans préparation (bien sûr) face à l'imprévisibilité du monde ; face à l'incertitude (apparente) de Dieu...

Des chemins vers la mort (assurément)...

Des heurts et des flammes ; et ses cargaisons de chair...

Des jeux tissés à même la trame...

Dans la magie vivante ; et le temps furtif...

Indéfiniment...

 

 

A la source – l'œil passager...

Autour du miroir – percé de sommeil...

Le silence...

Sans vestige ; avec son lot d'images ; traîné(s) dans la poussière...

Le souffle exhumé des profondeurs lointaines...

Écroulées – les terres anciennes...

Pas à pas ; au cœur de l'ivresse sans écho – jusqu'au vertige – jusqu'à l'ultime résonance – jusqu'à la disparition...

 

15 avril 2023

Carnet n°286 Au jour le jour

Septembre 2022

Debout – chantant...

Loin des yeux gris qui cherchent ; et des mains qui fouillent le sable sombre...

Sur la roche – contemplant...

Coupant net le fil des souvenirs – le fil des générations – les longues lignées ininterrompues...

Éclairé par le soleil – la lumière – sur les tombes...

Le cœur gonflé de joie et de beauté (contrairement à autrefois)...

Désengorgé ; le secret (en partie) désenfoui...

 

 

Au-delà des voyages et des légendes...

Sans nostalgie – malgré la brume et la peur qui, parfois, sévissent encore...

Les honorant – cherchant à les connaître ; et à les aimer – davantage ; aussi précieuses que le monde – l'inquiétude – la bêtise – l'ignorance et l'indécision...

(Passablement) déterminé (aujourd'hui) à célébrer ce que l'on a toujours trouvé honteux – haïssable – répugnant...

 

 

Le temps effondré ; comme oublié...

Vivre à l'écart – au loin ; marcher – en silence – à pas feutrés...

Parmi les feuilles et le bois vert...

En compagnie du monde accroupi...

Le feu brûlant – en soi – avec force et insistance...

Une solitude – au milieu des autres ; solidaires...

Peu d'images – peu d'étoiles...

Le soleil à l'intérieur...

 

 

A voix basse ; la tâche impossible...

La plus haute besogne – parallèle à la course des astres...

Le cœur guéri par l'amplitude du regard...

L'âme et la terre – intactes...

Loin des occupations des hommes ; sans autre activité que celle d'être – de chanter le monde – de vivre, à travers nos gestes et notre présence, l'expérience quotidienne – le sacre du plus familier...

 

*

 

Des nœuds, parfois, aussi gros – aussi larges – aussi bouffis – que le monde ; et des yeux affairés ; et l'esprit qui cherche à les défaire – au lieu de demeurer attentif – sans tentative – dans l'inconfort et l'ignorance – dans la tristesse et l'impuissance...

Rien que le temps qui passe ; et, parfois, la possibilité du désastre...

Et l'accueil encore timide ; et l'âme bouleversée par cette étrange perspective qui la contraint à percevoir le refus – les limites et les limitations – le manque et l'infirmité à vivre...

Sans rien – sans compagnie – sans compagnon...

Seul ; au fond de la misère...

Devant ces nœuds énormes – épais – inaltérables – qui forment des murs ; notre vie...

Toute la gloire du monde – et l'étrangeté des choses – devant nos yeux démunis...

 

 

Des bouchées de monde – grasses et dégoulinantes...

Et nos vies – pourtant – dessinées à la craie ; un peu de relief sur la roche...

La gorge – comme tous les passages – obstruée par l'excès de terre...

Et des vagues qui nous dorlotent ; et des vagues qui nous fracassent...

Proche (sans doute) de la langue mystérieuse des arbres...

Des gestes et des lignes pour rien ; pour la joie ; et le monde qui se chagrine...

 

 

Léger – léger ; comme le vent...

Sens dessus dessous...

Le monde et le temps qui abdiquent...

Le vide derrière la folie des visages et des horloges...

Penché sur nous ; ce géant aux mains couleur de ciel...

L’œil attentif ; et le geste juste...

A petites foulées ; à travers nous qui passons...

 

*

 

S'effacer encore – s'effacer toujours...

Face au monde engendré – face au monde inventé (peut-être)...

L'oubli et la monstruosité...

Ne sachant pas ; ne sachant rien...

Au même endroit ; l'éternelle traversée...

Sans rien comprendre ; sans rien apprendre...

Irrémédiablement emporté(s) par le cours des choses...

 

 

Ici – sans préférence...

Sur la rive des naissances et des morts...

Dans un recoin du dehors...

Sans frère ; sans parole à entendre...

La bouche muette ; comme quelque chose, en soi, d'enfermé...

Et l'impossibilité de vivre seul – de vivre ensemble...

 

 

Rien – le cercle seulement...

Un pas au-dedans ; un pas au-dehors...

Comment savoir ; qui pourrait deviner – la direction...

Parfaitement immobile (sans doute) – malgré la fébrilité et l'agitation...

 

 

Des âmes rompues...

Les bruits du monde – patiemment – insidieusement – qui nous assaillent...

Les secrets du jour – éparpillés...

Aveuglément – dans les profondeurs...

Et ce qui remonte avec les larmes...

L'amplitude et la paix – interrompues ; si sauvagement réprimées...

La souffrance à la source – en prise directe...

Qu'importe le sourire qui borde les lèvres...

 

 

En plein vent – la force (inébranlable) du murmure...

Le front orgueilleux écrasé contre la roche...

Le soleil et la terre – dans leur mouvement...

L'âme défaite par le mépris et la désinvolture...

Comme condamné(s) à la joie – malgré les courants sombres et souterrains – malgré l'emprise terrible des mondes...

 

*

 

Recentré – vers le point – l'infini – l'effacement...

La matière creusée jusqu'à la moelle...

Qui sait (qui peut savoir?) l'ordre passé – l'ordre à venir ; ce qui fait autorité aujourd'hui ; et de toute éternité...

La sphère entière – d'un bout à l'autre des rêves ; du premier au dernier de cette longue série...

Notre douleur ; et notre sommeil (à tous) ; et la possibilité de la transformation...

D'un changement à l'autre jusqu'au regard...

 

 

Le voyage – sans repère – sans exemple – sans imitation...

A faire corps (contraint de faire corps) avec le monde – avec le vent – avec le vide ; d'éprouver l'indissociabilité de l'invisible et de la matière – à travers la multitude des formes et des courants...

Vers la nudité – à pas lents (à pas très lents)...

Et la joie sans pareille – peu à peu...

Vers le plus simple ; et la diminution (inéluctable) des forces et de la volonté – jusqu'à l'abîme – jusqu'au sommet – jusqu'à la chute et l'envol ; jusqu'à l'abolition – comme une lente (et tendre) abrogation ; le plus amoureux des élans – sans doute...

 

 

Cisaillé par le monde...

La face décrépie...

Comme inversé – l'ordre des choses...

Pas une excuse ; pas même un alibi...

Le monstre à l'intérieur (déjà) ; nous envahissant...

 

 

L'arbre épris de nos longues ailes ; et de notre envol...

Curieux de ces battements sourds dans la chair ; et de ce goutte à goutte du sang sur le sol...

Le jour éclatant ; et la brume qui s'estompe – peu à peu...

Le silence et le prolongement ; et la possibilité [infiniment renouvelable – (fort) heureusement] du recommencement...

Un certain art de vivre – à mi-hauteur ; entre le monde et l'abîme – entre le monde et les cimes...

 

 

L'âme – la vie – les mains – débarrassées de ce qu'on leur impose...

L'esprit capable de boire l'aurore à grands traits ; l'illusion du monde – le vide vacant...

A peine vivant ; et déjà mort – ailleurs (plus sûrement)...

La chute – le départ et la disparition – que chacun pressent ; le cœur battant...

 

*

 

Dans l'ombre des choses...

La chambre close – (très) partiellement éclairée...

Ce que l'on voit avancer ; le plus humble et le plus sauvage...

A foulée lente – le corps affûté...

L'esprit des paysages ; grandiose et méfiant ; parfois le sourire aux lèvres – parfois ricanant...

Sur nos gardes ; le cœur légèrement tremblant...

A égales distances entre le ciel et le sol...

Animé(s) par ces forces (incroyables) que les hommes ont oubliées (depuis très longtemps)...

Dans l'herbe et la terre – jusqu'à l'ultime pointe du jour...

 

 

Au pied de l'arbre – de la feuille ; cette blancheur délicate – inexplicable...

Le souffle tendre...

Et l'horizon – comme absent...

De la neige dans la nuit ; toutes les faiblesses et toutes les possibilités – devant nos yeux – exposées ; à la merci de ce qui passe...

Et ce que la terre soulève ; et ce que nos mains saisissent ; tantôt offrande – tantôt effroi ; au gré des courants invisibles et des circonstances – au gré des exigences des âmes et du monde...

 

 

Sentinelle d'étoiles (trop) lointaines...

A bras le corps ; cette veille solitaire sur le monde endormi – l'aube et le crépuscule – le défilé des heures...

Le jour au coin du cœur...

Des symboles plein la terre – au lieu des faits – au lieu des gestes – au lieu de la lumière ;

Les hommes comptant les pierres...

Comme des îles – au milieu des Autres – au milieu du désert...

La célébration des liens sans attache ; à la manière d'une fête – d'une dérive – d'une errance...

Quelque chose du déséquilibre et du désordre ; parfaitement libre et organisé...

 

 

Ce qui harcèle notre faim ; la soif...

A voix basse ; les paroles sages de l'hiver...

Le ciel (très largement) apostrophé alors que les hommes (en général) l'ignorent...

Et nos jambes nues dans l'herbe haute...

Et cette course folle vers soi ; comme un pas vers le monde – la réconciliation ; comme un baiser rieur sur la peau (sensible) des étoiles...

 

*

 

La froideur invisible – concentrée – autour de la matière épaisse – éparse...

Dans le registre de la résistance...

Parmi le peuple des petites lueurs ; ni (très) profond – ni (très) efficient ; seulement plus rusé que les autres ; la cognition au service des instincts ancestraux – inchangés...

Contraint(s), comme toutes les créatures, à la traversée douloureuse du monde ; des pas au cœur d'un (immense) champ de mines...

Et les membres entravés ; et les âmes – et les ailes – repliées...

A se risquer, parfois, hors des rives fréquentées...

De la poudre blanche au fond des yeux...

De terre en terre ; de piège en piège ; et autant d'épreuves – et autant d'issues ; à travers le long mûrissement de l'âme qui goûte – qui découvre – qui expérimente...

La matière éprouvante ; et éprouvée...

Du sous-sol aux crêtes – par le même chemin – sinueux et intermittent...

 

 

A petits pas timides – à travers la nuit – jusqu'à l'aube naissante...

Vers ce bleu sans mémoire ; le temps inconnu...

Et l'émerveillement progressif – au cours de la marche...

La bouche muette sur fond de silence...

La lumière ; et (presque) tous les voiles à déchirer...

 

 

Des tourments étrangers au monde...

Des cœurs passables – (presque) médiocres ; et des cœurs passants...

Face aux grilles ; face au sommeil...

L'infini et la mort – sans nostalgie...

Sur le roc ; pour quelques instants (seulement)...

 

 

La solitude vissée au corps...

Et le verbe dans la gorge joyeuse...

Et l'intention de la semence – du renouvellement – partout – qui résiste...

Et certains – porteurs d'autres graines – d'autres fruits ; propices à une descendance moins criarde – moins visible – moins belliqueuse ; presque rien ; un peu plus de place, sans doute, pour l'Amour et le silence...

 

*

 

Nu – le fond de l'âme...

L'humeur (assez) égale face au mystère – face à l'inertie des pierres...

Ce qui affleure ; cet autre inconnu...

Et les routes des hommes ignorées ; autant que leurs gestes – autant que leur triomphe et leur maladresse...

Avant même que ne disparaisse l'épaisseur ; la lumière atteinte...

 

 

L'ombre sur le sol...

Le regard rompu – les traits écarlates...

L'âme et la nuit – balbutiantes...

Nos préoccupations ; et ce qu'elles cachent ; la chose que nous connaissons le moins au monde (bien sûr)...

Des vagues submergeantes ; et des tas de pierres ; ce que l'on édifie ; ce qui s'effondre – ce qui s'efface ; ce qui nous emporte...

Et notre cécité – et notre douleur – et notre acharnement – parfaitement incurables...

 

 

La vie qui se ravitaille – la vie qui se sustente ; à travers nos mains – nos bras – nos bouches – nos ventres...

L'esprit – le corps – le cœur – criblés de trous ; des anfractuosités naturelles pour laisser passer le vide – un peu d'air et de lumière...

Et les lèvres plaintives – geignardes – menaçantes – qui réclament leur dû...

 

 

L'espace imbibé d'enfance et de lumière...

La réponse à tous les « comment » – à tous les « pourquoi »...

Et l'Amour qui s'offre comme la seule vérité vivante – éprouvable – éprouvée...

Comme un fil sur lequel se tenir...

Entre les Autres et la nuit ; notre reconnaissance...

Sous le vent ; toutes ces paroles inutiles ; et tous ces gestes nécessaires...

L'harmonie du ciel et du sang (parfaitement complémentaires) ; jusque dans nos larmes ; et la présence (invisible) de la joie malgré le long défilé des douleurs expérimentées par les créatures terrestres...

Quelque chose – partout – de l'infini et du recommencement...

 

 

Le cœur chaviré – le jour déterré – par tant de solitude...

Au-delà de cette humanité haletante...

Au-delà du manque détourné et de la corruption des sentiments...

Au-delà des corps et des rêves éventrés...

A travers la peau ; le ciel – le sacre – la respiration ; toutes les possibilités du monde...

 

*

 

La tête et le souffle – enfumés...

L'imaginaire bridé par les murs et les lois...

De petites pierres – seulement – assemblées en tas minuscules...

Et après quelques jours d'édification – d'usage (et de triomphe) ; l'inévitable retour à la terre...

Et le ciel absent – sans pitié pour les âmes faméliques ; une idée – seulement – quelque part – au-dessus du sol...

La tombe ; et la lumière rognée par les yeux scellés...

La nuit – partout – à toute heure – en toute saison – recouverte par un voile épais et noir...

Le destin des morts et des vivants – ici-bas et (sans doute) partout ailleurs...

 

 

Ici – de manière certaine – avant que l'on ne s'égare ; plus loin – plus bas – ailleurs – peut-être plus haut – potentiellement...

Comme infime élément de l'espace qui plane au-dessus des têtes – au-dessus du monde et du sommeil...

Au-delà du désir ; au-delà de l'horizon...

La main ouverte ; et l'âme qui tournoie (involontairement) dans le vent...

Comme une girouette – un épouvantail ; agité(e) par ce qui passe – abandonné(e) par ce qui s'éloigne et disparaît...

Et en soi – et en deçà ; cette présence – ce génie des lieux ; et ce goût (intarissable) pour la transformation...

 

 

Le silence impartagé...

Dans l'écoute qui tourbillonne...

Au cœur des vents grossissants – encourageant quelques aventures supplémentaires à s'abattre sur nous ; porteurs d'étranges destins...

La terre – dans ses outrances – dans ses excès...

Les mains ficelées ; attachées au ciel...

Telles des marionnettes – les hommes...

Des instincts – des alliances – des articulations...

Et l'esprit ravivé, de temps à autre, par quelques tentatives ; de brefs interstices...

 

 

Quelque chose libre des lois et de la honte – affranchi des Autres – des discours – du triomphe et de l'insignifiance (supposés) – libéré des images et des exigences de l'homme...

Indéfini – immuable – changeant – sans borne...

Comme étranger à ce monde...

Une forme d'oubli ; le regard neutre – impavide – oublieux du reste autant que de lui-même...

Et ce qui vient – comme une bombe ; à la fois fenêtre et émerveillement...

Comme réémergeante – la nudité des choses – des mouvements – de l'espace...

La souveraineté du vide – en somme – qui se rappelle à nous...

 

*

 

L'âme ébranlée tantôt par la peur – tantôt par la beauté...

La tristesse accrochée au monde – veillant sur les esprits captifs...

Le cœur turbulent jouant avec celui des Autres...

Ainsi posés – le mirage – le tragique et la magie...

De la terre en dessous ; et de la terre par-dessus...

Et le souffle qui donne le rythme et la direction...

Un peu de ciel dans le pas – sur la page...

Face à notre inguérissable déchirure...

 

 

Rien qu'un lieu ; un minuscule carré de terre...

Le fond de l'âme ; notre respiration...

Face à la sauvagerie des corps vivants...

Le déguisement des hommes qui glisse à nos pieds...

La peau nue et tremblante – peu habituée à la lumière et aux vibrations du monde...

Déjà amputé du superflu – de l'idée – de l'accomplissement...

Et le bleu sous-jacent qui émerge – peu à peu ; heureux de retrouver cette parcelle du territoire que nous nous étions (involontairement) attribuée...

 

 

Ce qui s'insinue – et se réalise – en silence...

Ce qui atteint les tréfonds – sans rien changer aux terreurs – aux angoisses ; et qui les exacerbe plutôt...

La grande solitude ; ces étranges prémices du face à face avec Dieu...

Stoïque – sans supplication ; confiant dans le vent qui saura nous maintenir vertical ; dans notre assise naturelle...

 

 

Derrière le masque ; des lèvres – des baisers ; le visage (incroyablement expressif) de la tendresse...

La singularité des traits franchie comme une frontière ; une fenêtre à travers laquelle on aperçoit (parfois) le ciel – le vide – quelques étoiles ; et des éclats de chair éparpillés – le monde peut-être...

Et l'esprit – et les mains – impuissants à saisir ; sans consistance – sans mémoire ; seul(s) sous le rayonnement silencieux de la lumière...

 

*

 

Imbriqués – comme la route et le devenir ; les éléments épars du monde...

Avec (chez quelques-uns) cette pointe blanche au fond des yeux...

Et pour tous ; l'intermittence du vide ; l'existence en pointillé...

Dos au mur – parfois – la face contre la pierre...

Et le feu qui brûle – à l'intérieur ; comme une dévoration...

Et la séparation (le sentiment de séparation) qui gagne du terrain ; et d'autres fois – l'indissociabilité (le sentiment d'indissociabilité) ; comme si étaient présents – en nous – les deux versants de l'absence...

Le cœur-environnement ; et sa réserve (intarissable) d'ardeur et d'adoration malgré l'âpreté des choses – la rudesse du monde – la brutalité des circonstances...

 

 

L'ombre des Autres sur les épaules ; une sorte de poids – d'exigence ; ceux de la terre – ceux du passé (que chacun porte malgré lui)...

La rudesse (tranchante) de la pierre sur laquelle se posent nos pas – et nos vies – fragiles (si fragiles)...

Et la lumière – en soi – cachée depuis la naissance du monde – depuis la création de la roche – depuis la première créature vivante...

 

 

La vie – le corps – dansant...

Sans un mot ; l'existence caressante...

Des milliers de naissances – de morts – de bulles qui éclatent...

La matière changeante – sans cesse métamorphosée...

Et le regard émergeant – désagglutiné – qui contemple – (à la fois) indifférent et émerveillé – la ronde sans fin des spectacles...

 

 

Des grilles – par endroits...

Comme une ligne blanche interrompue...

Le temps qui cède au cœur de la nudité...

L'abondance lointaine ; et recluse...

L'âme soulevée par de très anciens restes de beauté...

Et autour ; rien que du sommeil – une forme (tragique) d'engourdissement ; les paupières ouvertes pourtant ; les yeux vides où se reflète la multitude ; tous les visages et toutes les choses du monde...

 

*

 

Le prolongement de l'Autre – de l'origine – de la violence – de la verticalité – du silence – de la prolifération...

La vie – le vide – la mort – dans notre âme ouverte ; cet espace...

Des vents en rafales – cette réalité ; des courants invisibles ; ce qui porte et emporte...

Et dans un coin – s'imaginant séparés du reste ; ce que pensent les hommes (si souvent) – sans parvenir (encore) à sentir la parfaite inséparabilité des choses...

 

 

Le cœur en feu – épuisé – qui embrase le monde...

Ce qui circule – entre les pierres et les herbes hautes...

L'invisible qui fait tressaillir les arbres ; et quelques âmes (de temps à autre)...

L'ardeur désordonnée...

De la consumation et de la cendre en guise d'offrandes ; et le silence que l'on réclame – un peu partout...

 

 

Une terre de lutte et de prolifération...

Des bruits rouges qui éclatent...

Des plaies, peu à peu, investies par la lumière ; et le rôle (infiniment secourable – parfaitement inévitable) de la tendresse...

Et des voiles noirs derrière lesquels on trouve (parfois) refuge – un semblant de repos...

 

 

Du sort des choses ; des amas – sans mémoire...

L'intime redécouvert – comme un prolongement de soi – peut-être...

Les yeux fermés ; sensible – comme la peau caressée par le vent ; comme la vie happée par la mort ; main et bouche ouvertes...

A revenir – dans cette (profonde) solitude – cette faille – ce (très) lent dépérissement...

 

 

Du désordre ; sans espoir d'harmonie (apparente)...

Selon des lois établies en d'autres lieux ; des principes premiers – universels – irrécusables...

Une terre étrange ; un ciel étrange ; quelque chose pour personne...

Une expérience sans témoin – sans commentaire ; des circonstances qui se déroulent (qui semblent se dérouler) ; ce qui a lieu – instant après instant...

Notre vie – notre essence (peut-être) – dévouée à l'invisible...

 

*

 

La fatigue déchue ; le front reconnaissant...

Membre du reste – à parts égales avec tous les Autres...

Sable et route ; vers ce qui nous manque (vers ce dont nous croyons manquer)...

Le pays du jour ; le visage de l'impossible (d'une certaine manière)...

Et l'évidence (progressive) d'une identité – d'une appartenance...

Le grand corps ; la seule (véritable) famille...

Et la solitude de ce qui voit...

 

 

Le pas qui roule sur la pierre...

Sans autre ressort que notre perte...

Au centre de la chambre – du cercle – qui, peu à peu, se dérobent...

L'espace comme agrandi ; sans frontière apparente – sans frontière souterraine – sans frontière décelable...

Le visage négligemment creusé par le vide...

La lumière (en partie) revenue...

 

 

La force (parfois) manquante...

Le temps des âmes recluses...

Encerclé(s) par le vide – les jeux – le monde ; des manières d'un autre âge (celui des temps anciens)...

Témoin(s) de cette nuit sans pareille...

A guetter la fin du sommeil...

Avec, au-dedans, le soleil infiniment présent...

 

 

La main sur l'écorce...

L'arbre et l'âme – réunis...

Et l'invisible qui s'insinue ; qui caresse nos fissures – notre (douloureuse) finitude...

Des doigts jusqu'aux racines ; la terre tremblante...

Et le ciel – sans équivoque – sans abstraction – qui fait le lien avec le reste – le temps aboli – la matière enchevêtrée – rendant, soudain, franchissable ce qui sépare de l'origine...

 

*

 

Le silence noir – parfois – comme contrepoids à l'agitation colorée ; une sorte d'antagonisme réactif ; le contraire de l'exactitude...

Une réponse instinctive – sans justesse – chargée des gravats du monde ; la sanie de l'âme – en quelque sorte...

Le lieu du sommeil et de la guerre...

Sans répit – face à la douleur...

 

 

Le cœur battant...

Le chemin devant soi – à reculons...

Vers l'immobilité intérieure – et (sans doute) davantage...

Juste au-dessus de la symphonie organique...

Les murs et l'épaisseur – abattus...

Du côté du regard et de l'effacement ; de plus en plus...

Sous les baisers du vent – amoureux...

Le lent écoulement naturel vers ce que les hommes désignent (habituellement) par le silence et la lumière ; l'espace originel (dont la matière – l'âme et le chant – sont les expressions)...

 

 

La musique du monde – envoûtante – ensorcelant la traversée – toutes les traversées...

La mémoire si proche des choses et des étoiles ; de l'abîme suspendu...

Les rêves déjà mille fois entendus ; déjà mille fois parcourus...

Et, partout, la nuit présentée comme la seule issue...

Une île sans espoir d'échappée...

Les horizons comme des murs qui encerclent l'espace – qui réduisent les possibilités – qui pointent vers ce saut – en soi – inévitable...

Avec (bien sûr) le temps à abolir ; et toute une envergure à réinventer...

 

 

A moitié vivant ; comme ces fantômes voilés de blanc qui se reproduisent dans les reflets des miroirs...

Affecté (de plus en plus) par cette humanité puérile – stérile – inattentive – irrespectueuse – décadente...

Indifférent à l'ordinaire le plus lointain – à l'exotisme d'un Dieu absent...

Bien décidé à nous éloigner (plus encore) de ce monde sans grâce ; à refuser les privilèges que s’octroie l'espèce...

 

*

 

Ici – sous ce ciel découvert – sautillant sur les pierres...

Comme arraché à l'air...

Le devenir ; de plus en plus obscurément...

Le visage dans l'ombre...

L'âme en retrait – décalée ; aspirée déjà par l'ouverture – l'espace – la nouveauté ; le renouvellement perpétuel des possibles...

Loin de l'inertie – des sillons terrestres (tous – plus ou moins parallèles)...

Comme hissé au-dessus du front – des murs – de toutes les restrictions humaines...

Dieu – le feu – dans le cœur – le pas ; la figure parfaitement empalée dans la matière...

 

 

Là où l'on est ; les genoux fléchis...

Dans l'éclipse (provisoire) du souffle et de la lumière...

L'ardeur interrompue ; le monde désinvesti ; le temps en suspension...

Du côté du tremblement ; de la sensibilité du sol...

Au seuil du ciel ; l'intimité – au cœur des vibrations ; comme si, soudain, nos yeux s'ouvraient ; comme si, soudain, le monde était une image – une simple figurine destinée aux enfants...

Le vide ; et le jeu des choses qui s'animent...

 

 

D'une voix pardonnable – le cri surgi de la nécessité – comme un saut par-dessus la souffrance ; son prolongement (en vérité)...

Trop étroitement lié aux hommes – à leurs fêtes cruelles et barbares – à ces libations de sang – si communes...

Plongé (malgré soi) au cœur de la grande divagation du monde...

Et ce besoin (impérieux) de silence et de solitude ; l'écart – l'exil qu'appelle le cri...

 

 

Dans le secret de rêves (trop) aveuglants...

Scellé dans le mystère et le monde qui nous accable (qui semble nous accabler)...

La trajectoire des hommes...

Tant de possibles ; et si peu de certitudes (aucune – en vérité)...

Sur nos épaules – sous nos pas ; les mains du vent...

Et le ciel balayé d'un seul geste ; et jeté, comme les autres choses, sur des amas (branlants et monstrueux) de bric et de broc – dans des sacs remplis de pelures et d'immondices...

 

 

Le vide qui enfante le jour – le monde – le ciel et les hommes ; l'arbre – les bêtes et le poème...

Le début de chaque histoire ; et tous les déroulements ; et toutes les fins – possibles ; que choisiront les circonstances successives...

 

 

Surgissant entre nos mains ;

L'immensité – trop longtemps – recroquevillée...

Sous le règne expansif (et quasi cumulatif) des soustractions...

Le terreau du déploiement ; et l'envergure infinie que goûtent tous les participants au processus...

 

 

Parcelles prédéfinies du plaisir octroyé ; abandonné aux hommes – à toutes les histoires humaines …

A travers la substance noire qui suinte sur notre manque et notre tiédeur...

De la sueur et des effrois ; et cette perte de goût pour toute aventure...

Le quotidien sans personne – sans trop savoir pourquoi – sans trop savoir où cela pourrait (nous) mener...

 

*

 

Le seuil élargi de la perte...

Rien qui ne dure ; rien qui ne reste...

L'air du jour ; à peine – quelques instants...

Et le labeur incessant du vent sur l'âme – la chair – la peau...

Et la clarté tourbillonnante...

L'art (le grand art) du délaissement ; l’œuvre (le grand œuvre) de l'abandon...

Le vide – posé sur lui-même – tournant sur lui-même – se dressant et s'effondrant sur lui-même – avançant et reculant sur lui-même – amassant et évidant ce qui le compose (très) provisoirement – apparaissant et s'effaçant avec toutes ses ombres passagères...

L'épuisement du monde ; et ce grand trou – et ce grand feu – au cœur desquels tout est jeté ; et ce reflet du gouffre et des flammes dans nos yeux égarés...

 

 

Le suspens et l'indécision – ineffaçables ; et comme scellés dans les actes et la pierre...

L'usure et l'étreinte...

A force de caresses – à force de coups ; le parfum insaisissable de la liberté...

La tête piétinée ; comme tous les rêves de transparence et de blancheur...

Rien qui ne rehausse ; rien qui ne rattrape ; la disparition de tous les cadres...

Cette absence (patente – explicite) de sol sous les pieds ; et cette baguette (intraitable) qui s'abat à chaque tentative de saisie...

Le vide dans le vide ; ni chute – ni envol ; exactement ce que nous vivons...

 

 

Ici – enchâssés – l'invisible et la matière – l'infime et l'infini...

Des strates de substance et de vide ; ce que la vie emmêle (à loisir)...

Le règne (apparent) du désordre et de la transformation ; et au-dedans – la métamorphose du regard (ce qui modifie – assez substantiellement – la perspective)...

Et à travers la parole (notre parole) ; le ciel – le miracle – la mort et la joie ; un peu de poésie – peut-être...

Le cœur (toujours – plus ou moins) gonflé de ce qu'on lui impose...

 

 

Par le mouvement et les étoiles...

Le lointain et l'intimité...

Ainsi croit-on avancer ; ainsi se croit-on habité...

Une danse qui invite – qui associe...

Le cours (naturel) des choses qui se déroule...

Ce qui a lieu ; qu'importe le silence – qu'importe l'agitation...

De la pierraille sous nos pas...

Entouré(s) de lumière ; et parcouru(s) de frissons...

Des fenêtres ; et des âmes aux couleurs diffuses...

Le monde des possibles...

 

*

 

Le cœur encore ; ce qui devance l'allure (et le pas)...

Une forme sans fenêtre...

Du côté du mur plutôt que du côté de l'arbre...

Le monde déjà ouvert ; et la tête en éclats...

Ainsi se précise le jour ; ainsi se précise la nuit...

Une manière de cheminer vers l'accomplissement (supposé) ; de plus en plus immobile (en vérité)...

 

 

L'étreinte altérée ; le cœur infirme...

Le vivant avide de chair et de lointain...

La terre, peu à peu, cartographiée ; et exploitée (à nos propres fins)...

Une façon (sans doute) de renouer avec la puissance – la domination – l'hégémonie...

La perspective – la route et le périmètre – qui (progressivement) se précisent...

Les rêves qui se répandent – qui se dilatent – qui se dispersent ; de l'autre côté de l'éblouissement...

Les pas qui encerclent les lieux ; et toutes les possibilités...

Les lèvres heurtées par le vent ; puis, l'âme qui chavire ; le délire des hommes...

Quelque chose du déplacement – de la transformation – de la permanence – de l'imperturbabilité...

 

 

Le temps assidu de l'attente...

Les yeux au ciel ; comme si quelque chose allait tomber ; comme si quelque chose pouvait arriver – en ces inertes contrées...

L'homme assis – en vain ; aussi inutile que celui qui cherche – qui fouille – qui s'anime – qui gesticule ; des actes – seulement – des actes ; et des intentions...

Les ailes posées sur la pierre froide...

Les yeux cernés par cette longue veille...

 

 

Le cœur à l'étroit – pressé – dégoulinant ; aveuglé par tous les nœuds qui l'enserrent...

Favorable aux grands travaux (extérieurs) – à la terre fouillée sans ménagement...

Sous des étoiles que personne ne regarde plus...

Au-dessus et au-dedans – ni lune – ni lumière ; le débordement des larmes qui accompagnent l'errance...

Jusqu'à l'aube – l'absence ; et au-delà – le mutisme ; l'absolue nécessité du mutisme...

Le monde à la merci de la bêtise – à la merci de l'homme ; et ce à quoi le silence nous engage – et ce à quoi il nous exhorte (autant qu'il est possible)...

 

*

 

Le jour décelé...

Du ciel qui subsiste – au fond des choses...

Des vagues aussi ; et un peu de nuit...

Et cette respiration du monde ; l'écho des profondeurs...

La bouche qui embrasse la terre ; et le souffle...

Le bleu à la place du reste ; au détriment de tout – l'insipidité des autres couleurs...

La surface et le regard qui, sans cesse, se transforment ; des échos – des reflets – jusqu'à l'essence...

 

 

Tôt ou tard ; ce qui se révèle...

Le monde tel qu'il est ; la trame du réel – le contraire du hasard...

Et l'évidence du regard ; comme retranché...

Le déplacement (inévitable) de l'identité et de la reconnaissance...

Toutes les choses – en nous – engagées – (parfaitement) égales...

L'attention qui offre sa métamorphose au monde – à l'ordinaire – à la banalité ; le plus précieux – ce qui est (intimement) vécu...

 

 

N'importe qui – n'importe quoi – ferait aussi bien l'affaire que nous – que l'Autre – que le monde – que le reste...

Le même visage – dans l'embrasure d'une porte – face à l'impossibilité...

Une simple ressemblance ; les mêmes lois – les mêmes règles du jeu ; et l'interchangeabilité (manifeste) des joueurs...

Des lèvres comme toutes les lèvres...

La vie (notre vie – toutes les vies) comme un baiser volé au chemin – au voyage – à la mort ; et une douleur à désincarcérer...

 

 

L'adhésion (spontanée) du signe au réel...

L'éclat du sensible...

Un peu de lumière sur l'ignorance ; et l'hébétude...

Tel que le monde (nous) apparaît – sans signification particulière...

Assujetti aux forces terrestres et immatérielles...

Le geste et la parole comme un débordement ; la révélation du corps...

Et le silence – et l'invisible – partout ; au cœur de cette origine dont le rôle est d'enfanter...

 

*

 

Matière et langage – dans les yeux attentifs – confondus...

La main dans celle du sol ; et dans celle du ciel – concomitamment établis...

L'intensité (irrécusable) de cette alliance naturelle...

Du feu  – en conséquence – nécessaire pour opérer ce glissement (très progressif) vers l'intérieur ; vers la joie – la gratitude – le silence – la célébration ; avec la suppression (graduelle) du temps et son (terrifiant) corollaire ; l'inquiétude...

 

 

Au cœur de la douleur – la tendresse décelée ; loyale – impavide...

Sans jamais sous-estimer ce qui lui fait face...

Le chaos qui nous accompagne ; vers le grand désordre de la liberté...

Au-delà de la performance et de l'ostentation...

Au-delà du triomphe de l'intelligence...

Ce besoin (irrépressible) en soi ; l'unité – le silence – l'authentique simplicité – qui se cherchent au milieu du bruit – de l'abondance – de la complexité apparente...

A l'intérieur – en sa propre compagnie (presque toujours) ; ainsi se vivent les élans – les rencontres – les évidences ; notre seule possibilité...

 

 

Oser l'éloignement – l'exil – l'effacement – l'intimité...

Si loyal envers l'âme et les circonstances...

Et ce qu'il reste du cœur – en ces contrées où l'on doit, sans cesse, se frotter à la pierre...

Des pas – des pages – sans la moindre certitude – sans la moindre fioriture – axés (pour l'essentiel) sur la nécessité de l'infini et du poème...

 

 

Ainsi la terre – quelque temps – habitée – inhabitée...

Sans soleil – autrefois ; ailleurs – autrement...

Selon d'autres lois ; et d'autres combinaisons...

Et s'assombrissant parfois (inévitablement) sous le labeur acharné de quelques-uns...

La douleur au front ; et le manque au fond du cœur...

La lutte ; et la course perpétuelle...

Un peu d'air ; inspiré et expiré ; guère plus qu'autour de nous ; dans le cercle de l'asphyxie...

Et à côté ; de temps à autre – le pied qui échappe au chemin – au destin de la créature...

Figure (malgré soi) des marges et de la résistance...

L'âme retournée par le vent – cherchant son pas – son rythme – sa direction...

Vers une autre terre – assurément...

 

*

 

Des fragments de mots – de monde ; toutes les formes en tête – en possibilité ; ce qui favorise les combinaisons ; et autant de nourritures affectives...

Le parfum de l'invisible ; à travers les poussées de matière...

Le corps et la parole – ciselés...

L'aire du rassemblement ; le temps de la réconciliation...

L'unité (la grande unité) qui se cherche dans l'âme – la phrase – l'espace...

Cet accompagnement perpétuel dont nous bénéficions (et dont si peu ont conscience) ; tantôt accroissement – tantôt prolongement – selon l'inclinaison de la perspective...

 

 

La lumière – à genoux...

Nous suppliant...

Au-dessus – encore...

Comme arrêté(s) ; l'origine et le chemin...

De jour en jour ; le souffle et la foulée – en suspens...

Nous désenchaînant...

 

 

Le voyage vers l'aube...

A travers le rêve ; et le sommeil...

La nuit qui résiste...

La multitude déployée...

A coups de caresses ; à coups de soleil...

Le monde (profondément) immergé...

Au fond de la chair ; l'essence de la terreur ; et la possibilité de l'oubli ; et celle de la transcendance...

Vers l'éternité ; à (tout) petits pas...

 

 

Le monde et le temps – morcelés...

L'esprit de la pierre dans l'âme...

Le sens du tragique ; au cœur de la farce ; entre les larmes et le rire...

Quelques pas – quelques paroles ; des yeux et des mains qui se posent sur ce qui s'avance – sur ce qui s'invite – sur ce que l'on désire – sur ce qui s'impose – aveuglément...

L'exercice du manque – de l'attente – de l'ennui (lorsque l'Amour fait défaut)...

Quelques jours ; à peine – quelques instants ; un peu d'absence ; des soucis et de l'inquiétude avant que la mort ne nous emporte ; ailleurs – assurément ; ce vers quoi nous sommes (tous) appelé(s)...

 

*

 

Se hisser à la hauteur du vent...

Au-dessus de la terre – simplement...

Debout sur la pierre noire...

Sous le ciel étoilé ; la nuit ouverte...

L'infini dans les mains qui se dressent (très lentement)...

Au cœur du périmètre humain ; le soleil déjà présent...

Du feu vers la lumière ; jour après jour...

 

 

Déjanté – ce retour ; ce saut par-dessus le froid – le monde – la ressemblance et l'uniformité...

A la pointe de l'éclat – la hampe du jour – la charge du monde...

L'âme submergée par la possibilité de l'élévation – par la possibilité du franchissement...

De l'autre côté du rêve – en quelque sorte...

La suppression des limites – des murs – des frontières ; notre évanouissement...

Et toute l’œuvre à venir (bien sûr)...

 

 

L'âme docile – sous les arbres – à l'ombre du monde ; cette forteresse trop lointaine – illusoire...

Des portes et des étoiles – au cours de cette longue veille...

Ni défi – ni chuchotement crépusculaire ; ce qu'offre la nuit – son plus précieux présent ; la possibilité d'un au-delà et d'un franchissement à travers notre accueil – notre assentiment...

L'Amour que nous portons – capable de rayonner – et d'inclure ce qui se présente ; d'ici au plus lointain ; la même matière – en quelque sorte...

 

 

Sous les frondaisons de la terre ; l'espace – sans conquête – le reflet des deux ciels réconciliés – (très) largement approbateurs...

Dans l'âme et la parole ; cette manière de renouer avec les temps anciens ; la présence d'un seul ; ce que l'on nommait Dieu autrefois (dans un murmure respectueux)...

Le plus sacré – dans le geste ; comme une prière ; la parfaite obéissance à ce qui se présente...

Le cœur et le monde – d'un seul tenant ; sans la moindre séparation...

 

*

 

Passagers – éternellement...

Le front attaché au temps et à la terre ; à ce qui nous est familier autant qu'à ce qui nous est inconnu...

Des jalons pour nos pas trop peu précis...

Le tour du périmètre ; et celui de l'univers (si l'on pouvait)...

Des traces à suivre – un territoire à explorer – selon la résonance...

Autour de soi – encore...

 

 

L'encre jaunie – sur les vestiges d'autrefois...

Et au loin – l'impensable ; et ici – l'épaisseur...

A l'affût du moindre éclat...

A marcher obstinément comme si l'on pouvait fendre le jour...

Aveuglé par la prégnance du temps ; et l'éternel retour...

Un peu plus haut – sur une pente escarpée – autant de fleurs que de coups – autant de pierres que d'accolades ; et quelques baisers supplémentaires (pour les plus infirmes – les cœurs insuffisamment amoureux)...

Sans valeur – la prière – face à la rudesse du monde – de l'Autre ; l'obéissance de l'âme – la seule issue ; le seul passage possible...

 

 

Dans la trace ; le ciel et le labyrinthe...

L'image d'une figure esquissée – à l'horizontale...

Nous dilatant...

Au centre du dehors...

Au cœur même du jeu...

Sur une (infime) parcelle de l'échiquier...

Le rythme saccadé de l'âme – sans cesse ballottée...

L'inconnu qui angoisse – qui inquiète – qui emporte...

Là où commence le voyage – peut-être...

Ce qui est là – à portée d'écoute...

Le monde entier ; l'espace où l'on se trouve ; l'espace où l'on se perd...

 

 

A la source désenfouie du voir...

L'absence réelle exaltée...

Du haut du temps ; tant de choses révolues...

Le passage vers ce lieu où il ne reste rien – excepté les vents qui offrent aux lèvres un sourire vivant...

 

*

 

Au ras du cœur...

La face heurtant le bord...

Au milieu des choses – au milieu des fleurs...

Ce que le bleu attire – en ce monde...

La route et le pas ; à travers la nuit qui dure ; et qui, peu à peu, se déverse et épaissit...

La terre ainsi (très) laborieusement parcourue...

Sous le jour – jusqu'à l'ultime soupir ; accoudé(s) au ciel (sans même le savoir)...

 

 

Le long du jour...

La glace et le feu...

La chair écorchée...

Des murs et des fronts ; les conditions propices à la guerre...

Et de tous côtés – la joie et la lumière – (presque) souterraines...

Et le cœur enflammé qui s'écarte du monde – de la folie collective – des âmes trop belliqueuses – trop craintives – épouvantables – épouvantées...

Un pas en arrière ; et ainsi de suite ; vers ce lieu – vers ce temps – d'avant la séparation...

Et, ainsi – peu à peu, redécouverte – la vérité dissimulée sous la poussière...

Et l'ardeur (bien sûr) d'aller par-dessus – par-delà – les pierres...

 

 

Le plus clair du temps – aussi vaste qu'embrouillé...

A califourchon sur la lumière...

D'un geste à l'autre ; et les lignes qui se succèdent...

Face au devenir incertain de la chair sensible...

Le monde jouant à inverser toutes les vérités (terrestres)...

Sans couronne – sans pouvoir ; né de l'enfantement direct de l'invisible ; au cœur de l'impensable...

Ailleurs – dans le cosmos – le même doute ; et la même étreinte ; avec des brassées de fleurs offertes aux (multiples) reflets du mystère...

 

 

La terre – la tête – retournées – par la folie des âmes – par la frénésie des cœurs...

Des gestes absurdes nés du manque ; des pas lourds – de trop peu de poids (pourtant)...

Et des cris qui accompagnent toutes les aventures ; l'expérience de la douleur...

Une immersion plus ou moins prometteuse – selon les prédispositions et l'antériorité...

 

*

 

Par le même chemin – le retour...

Tête au sol – camouflé pour échapper aux mains du monde...

L'oreille attentive à l'écho – aux vibrations de la terre...

Éclairé par la soif...

Le talon (profondément) ancré...

Le chemin qui s'ouvre ; s'élargissant...

Sans l'Autre – le souffle plus vaste – plus hardi...

Comme un long (et lent) glissement vers ce qui rayonne...

En soi – au fond du secret – la danse...

 

 

La blessure partagée ; autant que l'étreinte...

Au fond des choses – de la chambre – de l'espace ; les reflets changeants de l'âme ; et la vie miroitante ; la matière kaléidoscopique...

En roue libre – dans l'entaille – le sillon...

Seul – face au vent ; le ciel entier offensé par l'immodestie – l'insolence – la présomption – de la prière...

La blancheur désirée et la crainte plutôt que la tendresse et l'abandon ; l'angoisse et la pusillanimité plutôt que l'audace de vivre...

Tant de doléances – en ce monde – au lieu du silence – au lieu de l'humilité...

 

 

Au cœur du monde – des choses...

Des repères et des fenêtres ; le chemin quotidien...

L'appel – encore ; l'appel – toujours – de ce que nous avons (trop paresseusement) délaissé...

Ni Amour – ni dialogue...

Face à la rudesse ; la terre muselée...

Et cette tristesse indicible ; cette tristesse inconsolable...

Comme un cri qu'il faudrait expulser ; et que l'âme et la chair retiennent dans leurs profondeurs...

 

 

Hanté par l'Autre – ce que l'on appelle le monde ; cette irréalité fabriquée...

Et l'invention du reste ; tout aussi illusoire...

Pendant des siècles – des millénaires ; rien ; puis, un jour, à l'approche du mystère ; le mutisme – la sidération...

Ni cri – ni parole – ni exubérance...

L'ampleur du jeu et de la joie qui se déploient – silencieusement...

De l'autre côté de l'abandon – l'Amour à travers l'apparente indifférence des âmes...

 

*

 

Les ailes bleues repliées...

L'envol ajourné...

Contre le vent – encore...

Et ce cri lancé au ciel ; déchirant...

Comme une trouée dans les hauteurs...

A chaque tentative – la même ornière...

La part terrestre – animale – plutôt que l'ange – plutôt que l'oiseau...

Encore trop chargé de rêves et de matière pour prendre son essor...

 

 

Le ciel tenu dans une seule main...

Presque un exploit – si près du précipice...

Sous la lumière des premiers temps ; à cette époque où l'on n'avait encore fragmenté l'espace – où tout était profondément uni ; ni terre – ni ciel – ni matière – ni invisible ; Dieu dans toute sa force – dans toute sa grandeur – dans toute sa beauté ; et que nous avons, peu à peu, brisé pour tout transformer en éclats – en poussière – en territoire – enfantant ainsi une sorte de chaos (apparent) au cœur de l'harmonie...

 

 

A se remplir de ces riens qui jamais n'assouvissent...

Panse et pensée – insatisfaites et asservies...

Le vide – à pleines mains ; et désirant tout ; et voulant tout posséder...

L'âme désemparée face à ces forces et à cette terre facétieuses qui s'offrent avec parcimonie...

Sans innocence – l'esprit avide qui cherche l'abondance...

Comme de hautes (de très hautes) barrières – au-dedans de soi...

 

 

Le doigt – au fond du cœur – qui fouille...

Sous la douleur vive du monde...

Du bleu – et des fleurs – à nos genoux...

Et dans la prière – un peu d'envol...

Et le ciel descendu qui se laisse (très amoureusement) caresser...

Tout entier à notre expérience – à notre extase ; soucieux du chant qui monte à la place du cri ; une manière, sans doute, de transcender la misère terrestre...

 

*

 

Séjourner sur les routes...

Dans le grand vent...

A l'abri des arbres – du monde...

Le cœur déchiré – chaviré par la tristesse...

Des pas lourds dans la poussière...

Les secousses de la terre ; et l'hostilité des Autres...

Seul – sous la lumière...

Et toute la nuit pour panser ce qui a été meurtri...

Bien davantage qu'une manière de dire...

 

 

Aux côtés des pierres – des arbres...

A proximité des bêtes tremblantes au souffle puissant...

La chair et l'âme – sauvages...

Et l'éblouissement (en partie) entamé par la (trop grande) proximité – et la (trop grande) fréquentation – des hommes...

Comme une épaisseur supplémentaire (totalement) inutile...

Seulement le bleu – la route et la lumière ; la seule possibilité pour faire face ; la seule manière d'approcher le ciel...

 

 

Dans les replis du jour – la tête lasse ; et l'âme fatiguée...

Battant (mollement) des ailes dans l'obscurité...

Peu à peu effacé par le temps...

Peu à peu avalé par le monde ; et ses impératifs carnassiers...

Dans cette – trop distante – familiarité avec le ciel...

A notre place – discrètement ; en attendant la disparition...

 

 

Au-dessus du chant – l'Amour ; la possibilité du jour...

Cette gloire discrète attachée à tous nos gestes...

Le rayonnement secret – à l'intérieur...

Les conditions de la nudité...

Au gré des vents ; en l'absence de miroirs et de reflets...

Sans prière ; sans personne pour nous accueillir...

Le cœur ouvert à la lumière – à toutes nos tentatives...

Désarmé (si désarmé) face au monde – face à l'Autre – face à tout ce qui nous violente – à tout ce qui s'impose – à tout ce qui nous caresse et nous étreint...

 

*

 

En plein cœur ; le visage du jour...

L'ardeur du feu – face à l'orage...

Sur la route ; des pieds et des pierres...

Dans un coin du monde ; sur une corde qui surplombe (à peine) la lie humaine...

Un œil sur le pas ; et l'autre sur la lumière...

A la surface – passager d'une terre et d'une langue...

Des feuilles au relief râpeux ; comme un abri – un tremplin – pour cette âme et cette chair harcelées par le sable et le vent...

Le cœur en plein ciel ; et le front (très largement élargi) par cette perspective...

 

 

L'obscurité sous la lampe...

Ce qui nous précède ; et ce qui nous suit...

Ici – sans trop savoir ; cherchant ce qui nous anime – ce qui nous porte – ce qui nous mène – ce qui nous quitte ; et, par-dessus tout et de manière sous-jacente, ce qui demeure lorsqu'il ne reste plus rien...

Une façon (sans doute) de faire volte-face ; d'affronter ce qui nous échoit ; et de célébrer (sans même le savoir), à travers le jeu et les résistances, la beauté de ce qui est vivant...

 

 

Dressé conte soi – l'Autre – le monde...

Cette invention du reste ; aussi improbable que l'impossible...

Comme un décalage ; le prolongement du rêve ; et cet écart (irrésistible) qu'appelle le réel...

A l'image d'un Dieu sommeillant dans ses particules – soudain – heurté par la terre – par le vent – par le ciel ; contraint d'ouvrir les yeux...

Les mains lancées dans l'espace – transformant l'infirmité et le mutisme en étendue – en liberté – en silence vivant et habité ; la seule reconnaissance envisageable – envisagée...

 

 

Sans désir – sans promesse – sans mémoire...

Sans personne non plus ; à goûter le silence – sa présence et sa force – au-dedans et à nos côtés ; avec le goût de la vérité vivante entre nos lèvres ; comme un grand soleil sur notre rive sombre et désertée...

 

*

 

Le dehors inspiré ; comme une projection détournée de sa trajectoire...

Des ombres qui réintègrent la lumière...

L'air frais qui retrouve la chaleur ; et le sol, le ciel...

Le labeur continu de l'étendue ; abattant les murs – défaisant les territoires ; réhabilitant le vent – lui redonnant tous ses attributs...

Comme au commencement du jour...

 

 

Le pas lent sur la longue route...

L'élan premier – jamais interrompu ; dénouant les attaches pour échapper aux intervalles...

La terre ainsi foulée...

Le front entre le ciel et la plèbe...

L'endurance du corps ; la résistance de la matière...

Des glissades et des frottements ; quelque chose de la caresse et de la blessure...

L'existence ; guère plus qu'un peu de vent – qu'un peu de peau – qu'un peu de sang....

 

 

La nuit étreinte – une nouvelle fois...

Debout face au jour ; l'étendue brumeuse dans la voix...

La lune – au loin – teintée de rouge ; et la lumière fébrile...

Enserré ; dans les limites de la temporalité...

Agrippé à la roche – sous les (violentes) secousses du temps...

Dans les bras de la mère ; contre sa chair immense et tremblante ; la proximité du plus sauvage – sans pudeur – reniflant les effluves fauves du monde ; et dans notre bouche – ce goût (légèrement) âcre de la source – de la lignée – de l'enfance...

 

 

Au plus profond du doute – le rire...

Les cordes coupées ; la délivrance – l'éternel recommencement des possibles...

Au cœur du feu – le rougeoiement ; par-dessus le sommeil et la pluie ; un peu plus haut que le rêve – Dieu et l'humilité ; l'âme courbée et souriante ; à califourchon sur ce que les hommes appellent la vérité...

 

*

 

La face fermée ; le souffle glissant – vaporeux...

Des portes – en enfilade ; la plupart – cadenassées...

Sur l'épaisseur de la terre ; à hauteur d'obstacles (et jamais davantage)...

Le jour venant...

Au fond de soi – la peur...

Comme saisi par un courant ; un flot – une vague (parfaitement impersonnelle)...

Comme le reste ; le monde – la vie – le voyage ; une (simple) histoire d'écart – de chute et de retour ; un cycle – une boucle sans (véritable) destination...

 

 

Dans l'immensité ; les paupières closes incluses...

Le bleu (assez) mal ajusté aux angles du désir...

Mobile(s) – comme le cadre ; le chemin qui se dessine...

Au loin – hier – autrefois – ce qui n'existe plus...

Et demain – pas encore...

A nouveau – la soudaineté – (presque) la brusquerie – du présent ; ce qui s'invite – ce qui s'impose – sans rien séparer – sans rien démêler – ni du monde – ni du temps...

 

 

Ce qui pénètre l'espace – la chambre – la chair – l'âme ; le vide obsédant...

Qu'importe l'obscurité – qu'importe l'angoisse ; et l'acharnement du monde sur la blessure...

Un temps d'ailleurs – quasi magique...

Comme une outre – des baisers – au cœur d'un dédale de sable – au fond de la solitude...

Et l'écart suffisant pour respirer ; et échapper aux assauts des Autres – aux assauts du sommeil...

Le cœur habité par le ciel – guidé par la lumière – jusqu'au fond de la soif – jusqu'au fond de la plaie...

 

 

Au bord d'une folie passagère ; notre éternité...

A travers le vent (féroce) des désirs...

La vie – seulement – sans la vérité...

Sans doute – notre unique malheur...

 

 

Le cœur agile et précis...

L'âme emmitouflée d'histoires – au bord de l'asphyxie...

Et l'ensemble jeté dans l'abîme – précipité vers sa fin ; une chute sans triomphe – sans témoin ; à l'image de toute existence – parfaitement ordinaire – parfaitement anonyme...

 

*

 

Le poids inattendu du monde – au terme du voyage...

Comme un faix de neige sur nos épaules ensoleillées ; un peu de fraîcheur – en somme – pour la traversée...

Les lèvres douces face à l'insomnie...

Comme délogé ; contraint de s'exécuter – en quelque sorte...

Sans compter l'inconsistance du convoi vers l'inconnu...

Et la solitude accrue ; et l'impossibilité de l'appartenance à la moindre communauté...

Vers cette destination obscure que le monde et la langue ignorent ; et que le cœur devine (parfois)...

Vers un peu de lumière supplémentaire – peut-être...

 

 

La patrie du plus sauvage...

Sans grossièreté – sans approximation ; exactement là – parmi les arbres – au milieu du monde – devant les portes de l'invisible...

Vide ; et déchiré ; le front et le cœur prêts à tous les recommencements ; à l'impossibilité de la perfection et de l'achèvement...

A peine quelques instants sur la terre ; quelques respirations – quelques pas ; et, le plus essentiel – sans doute ; ce que le cœur a compris...

 

23 mars 2023

Carnet n°285 Au jour le jour

Août 2022

Des siècles – du temps ; au-dedans de tout...

Et des douleurs qui s'acharnent ; comme un élan naturel...

Ce qui nous convoque ; et nous condamne (si souvent) au pilori...

L'absence ; le monde ; cette sorte de royaume...

Le spectaculaire qui se fane ; comme une fleur immature – faussement prometteuse...

Les pensées – (presque) toujours – insipides...

La liste (quasi) exhaustive des souvenirs...

Des blessures – peut-être ; des blessures – sans doute ; qui ne cessent de nous tourmenter...

 

 

Le quotidien qui nous absorbe ; et qui nous révèle...

Tel que l'on vient ; porteur de cet inévitable éloignement avec le monde...

Le hors soi ; de l'autre côté du jour ; face à l'autorité – face à ce qui domine...

Au bord de l'innocence et de la confusion...

A deux doigts de défaillir...

 

*

 

Sans répit – le ciel donné – le ciel reçu...

La ligne qui retranche le monde...

Dans une succession (inlassable) de signes...

La terre à peine effleurée...

Le souffle initié par le vent...

Le cri métamorphosé en main – tantôt douce et caressante – tantôt âpre et rêche...

Une longue marche – assurément – comme si l'on accompagnait les pierres...

 

 

La flamme fragile – tremblante – au milieu du feu – au milieu des vents...

Le monde – si souvent – confondu avec l'horizon...

La plaie – au centre ; aux côtés de la folie...

Les yeux – comme l'âme – en devenir...

Sur terre – comme dans un champ de fleurs rouges – ruisselantes de sang...

Et ce reste d'espoir – pourtant – absurde – sous notre front obstiné...

 

 

Dans le silence – levé et effacé...

Au cœur du bruit – le vide attaché...

Une once de fatigue – parfois – face aux autres visages...

Une manière d'éprouver le monde...

L'essentiel et la joie...

Comme un don de soi à la solitude ; au vagabondage...

Une existence libre et sauvage – sans paraître ; discrète et anonyme...

Avec un grand sourire – à l 'intérieur – sous un visage aux traits sensibles et (si souvent) partagé – entre la colère et le pardon...

Si près des choses ; le regard intime – porté (à la fois) à la simplicité et à l'enchevêtrement...

La vie-sanctuaire – la vie-royaume ; où tout compte ; où rien ne pèse (réellement) ; où toutes les frontières inventées par la tête s'effacent – une à une...

 

 

L'espace encore ; le seul lieu à découvrir – à apprivoiser...

Le vide ; une sorte d'autoportrait (assez) satisfaisant...

Des lignes – quelques riens – pour dessiner le souffle – le monde...

Ce que l'on cherche ; l'Amour – l'entente – la communion...

Davantage que soi ; quelque chose que révèlent la solitude et le silence...

 

*

 

Le champ commun bordé de matière rouge...

Des mottes et des pierres ; la terre des ancêtres – aïeux (sans doute) de la première heure...

Le front scellé dans la roche ; excroissance (vaguement cognitive) de l'argile...

Des piles de choses sur les bras...

Et Dieu tatoué à l'encre invisible ; et l'immensité au-dessus des têtes – toujours aussi incompréhensible(s) (pour l'essentiel des hommes)...

 

 

Dans la manche – le bleu qui s'égaye...

La marche sans le moindre handicap...

Un peu de souffle – l'élan nécessaire – pris au feu...

De jour en jour – les yeux que l'on voit s'ouvrir ; et qui s'ouvrent réellement...

Du ciel – de plus en plus vide – ce qui marche ; ce qui a l'air de se mouvoir – d'exister – d'être peut-être ; en vérité – nul ne le sait (en ce monde où l'ignorance règne en maître)...

 

 

L'en-bas du monde – au cœur des pièges et des menaces...

Davantage qu'un territoire ; la fange rassemblée – la patrie du vivant – né des entrailles de la terre...

Installée(s) en nous – en bonne place ; et qui s'exporte dans tous les gestes – dans tous les souffles – tous les élans...

Le pas jamais hors du royaume...

Dans la parfaite continuité des épousailles de la roche et du sang...

Plongé(s) – à plein temps – dans un bain de semences et d'excréments...

Cette (piteuse) existence terrestre...

 

 

Le silence qui s'approfondit à mesure de la chute – à mesure de l'éloignement...

Sans devenir – sans espérance – sans personne ; de plus en plus...

Parmi les choses – des milliards de choses ;

Au cœur de ce qui est ; ni vraiment centre – ni vraiment périphérie ; le lieu de l'invisible et de l'invention – au-delà de toute matière – au-delà (même) de toute géographie...

 

*

 

Face à la lumière – ce que nous approchons – le cœur palpitant...

Des poignées de rien(s) offert(s)...

Les bras ballants ; les mains vides...

L'âme si peu commerçante...

Au fond des yeux ; des pierres – du feu – une joie crépitante ; le socle des ombres qui dansent...

Rien qui ne craigne l'ardeur ; rien qui ne craigne la clarté...

Pas la moindre cachette – pas le moindre mensonge – pas le moindre déguisement...

La vie brute et sauvage...

 

 

La verticale lisse (que rien ne peut agripper)...

La beauté de l'Autre – la beauté du monde – épanouies en soi...

Avec des éclats de roche fichés dans la peau...

La chair (pour un temps) sacrifiée ; et célébrante...

Des autels et des temples – dans tous les coins de l'espace – sur tous les chemins empruntés ; au fond de tout ce que l'on rencontre ; au cœur de chaque circonstance ; au fond de chaque cœur qui bat...

Ce que le vent amène ; et ce que le vent emporte – follement embrassé...

 

 

Le labeur de la lumière ; nous contemplant...

Rien au-dehors ; pas même ce qui est à voir...

La fraternité enlacée en elle-même...

Le baiser (passionnément) amoureux – des lèvres – sur cette parcelle de silence si joyeuse...

Un ou plusieurs ; qu'importe les visages que nous empruntons...

 

 

En soi – la terre – maintenant...

Face à ce qui advient ; face à ce qui apparaît ; comme lové contre les choses – au cœur des circonstances – sans la moindre résistance...

Jusqu'à la certitude – sans cesse – ajournée ; sans cesse remise à (un peu) plus tard...

La voix qui se perche ; le geste qui tranche ; comme le reste ; comme tout ce qui arrive...

L'absence manifeste de frontière – puissamment martelée...

Privé (si l'on peut dire) de projets et de peines ; pas même désirant...

La quiétude et le jour ; le grand ciel – par devers soi...

 

*

 

Le cœur mal en point – disqualifié...

Comme une vieille carcasse abandonnée...

Aussi froid que la pierre ; et les visages...

Aussi vain que l'écume ; trop ancré dans la terre...

Tournoyant au gré de ce qui passe...

Ignorant, au fond, ce qui lui manque...

 

 

Derrière le bruit – ce qui attend – ce qui espère ; trop souvent – en vain...

Sur la route ordonnancée – prescrite par le plus grand nombre ; la torpeur collective...

La nudité recouverte par trop de couches (épaisses et inutiles)...

La plaie dissimulée – cachée dans les derniers replis du cœur ; et la tête par-dessus – en gardienne des souvenirs...

De la rocaille – sur la pente – qu'il faut tantôt descendre – tantôt remonter...

Un voyage sans escale – sans (véritable) destination – dont nul ne comprend (véritablement) le sens...

 

 

Du côté des arbres...

La fraternité silencieuse...

L'existence simple ; et autosuffisante...

Nous rapprochant – peu à peu...

Des gestes ; et cette passion manifeste pour les hauteurs...

La lente découverte d'une respiration commune...

Et tous les liens qui nous unissent – à travers l'invisible...

 

 

Vers soi – de plus en plus ; Dieu – l'Amour – le silence – la solitude – (presque) à ne plus savoir qu'en faire...

Étendus – superposés...

Le passé qui s'effiloche ; le temps qui se disloque...

Et la joie – et le chant – aussi...

Cette sensation des profondeurs ; enveloppé d'immensité...

A corps perdu – nous enfonçant...

Du cri à la grâce – sans effort – sans une seule halte...

 

*

 

La boucle qui se répète – au-dedans de la lumière...

L'intermittence et le recommencement...

Le voyage ponctué d'escales ; des séjours guère bénéfiques (ce que laissent deviner l'âme et la figure de ceux qui se reposent – de ceux qui s'octroient une parenthèse)....

Le vent qui dissipe toutes les tentatives – trop hardies – (presque) insensées – d'accumulation...

Sur des millénaires ; des tas de pierres, peu à peu, édifiés en monuments – en territoires...

Le miroir du monde ; dans nos mains rougies...

De la matière qui se soulève...

 

 

Le souffle sombre qui unit les hommes...

La foule rassemblée dans la main maîtresse – celle qui donne – celle qui nourrit – celle qui prodigue...

Un torrent de boue par-dessus les épaules...

Et cette armée d'ombres qui s'ébranle ; qui s'avance dans l'obscurité...

 

 

Enfoncé dans la chair – le ciel – aussi peu épais que possible...

Moins réalité que manière de penser...

Une forme d'ignorance ; une tentative d'échapper à l'abîme...

Comme une prière trop volontaire...

Une sorte d'enténèbrement qui prend des allures de grâce – agenouillé – les mains jointes – non pour offrir – non pour s'abandonner ; mais pour s'octroyer un couronnement ; obtenir (à peu de frais) un rayonnement (très terrestre)...

 

 

Le temps répété...

Le pas au cœur de la danse...

L'élan ; et la nécessité du retour...

L'apparence d'une existence ; de quelque chose de vivant...

A travers nous – l'invention – le voyage – la découverte...

 

*

  

Une pierre arrachée à la roche – roulant ici et là – sur sa pente – sans rien savoir du jour et de la lumière...

Divaguant au fil des saisons – au fil des vents – qui se succèdent...

Se tenant dans l'air – sur la route que le ciel a inventée...

Et dans la nuit – notre souffle profond ; comme si la matière était aveugle et vivante...

 

 

A l'abri du bruit...

La nudité sans parure...

Sans quitter sa chambre – le voyage...

Le défilé des lieux devant les yeux de plus en plus impassibles...

Le cœur qui s'éloigne du sommeil...

L'âme à notre chevet...

L'esprit à cheval sur l'immobilité ; pendant que le chemin se déroule ; jusqu'à la disparition ; jusqu'au recommencement...

Indéfiniment – la même boucle – avec ses allers et retours...

 

 

Ignorant(s) – sans même le savoir...

Appartenant (déjà) à l'immensité...

(Totalement) indissociable(s) du reste...

Sans qualificatif particulier...

Gravitant – depuis les origines – dans les mêmes sphères ; et, souvent, dans les mêmes cercles étroits...

Au seuil de l'espace ; présent(s) à tous les passages ; comme la porte et la comète...

Déjà condamné(s) à la solitude et à la perte – en quelque sorte ; quoi que nous fassions ; le jeu même de la traversée...

 

 

Habité – animé – par ce que nul ne voit...

Avec ce qu'il faut de terre pour obéir aux lois de la gravité...

Les pas éclairés par une lumière supportable – (très) peu intense – insuffisante pour des yeux fermés...

Du mystère – des désirs – des prières...

Ce qui entretient le monde – peut-être – en vain...

 

*

 

Tambour battant – jusqu'au scintillement de l'étoile ; la face cachée du monde...

Avant la reprise d'un chemin très ancien ; antérieur à l'émergence du temps...

Jusqu'à l'aube première qui donna naissance au souffle et au feu – à l'air et à l'eau ; l'espace originel au cœur du vivant...

De l'autre côté de l'âme – là où l'Autre et les murs érigés autour de soi sont des miroirs – ses propres reflets – la face la plus sombre de notre visage ; et que la lumière, peu à peu, va éclairer ; et que la lumière, peu à peu, va éclaircir...

Une fois fondue toute l'épaisseur de notre existence...

 

 

La route qui précède le froid et la lumière...

Au plus près de la terre rouge...

La où le monde et la chaleur accablent...

Sous la déchirure authentique...

L'âme sans porte-à-faux – sans porte-voix ; l’œil droit...

Seul ; et le cœur fraternel et amoureux...

 

 

La couleur du miroir – vive – chantante – décuplée par les inventions du monde ; qui lisse – et égaye – efface (presque) – les soubresauts de l'âme...

L'homme soumis à sa propre dictature...

La ligne de fond capable – pourtant – de glisser entre la ruse et la cage...

Vers ce ciel énigmatique – rougeoyant...

Seul – face au mystère (s'il fallait préciser)...

 

 

A la jonction de toutes les traversées...

Le centre du périple – de tous les périples...

Pas un lieu ; une sorte d'enracinement...

Comme une évidence – artificiellement entourée de rêves (de tous ceux dont on la pare)...

Au cœur des luttes – au cœur de l'incertitude...

Quelque chose de l'espace et du silence...

Quelque chose de l'immobilité et de la lumière...

Une perspective qui englobe la parole et le pas ; toutes nos (vaines) tentatives ; une présence dont l’œil impartial se moque ; qu'importe l'ardeur que nous lui consacrons ; qu'importe l'indifférence qu'elle suscite ; ce qui invite (bien sûr) à s'abandonner à ce qui s'impose...

 

*

 

Par-dessus la fente qui s'élargit...

Le visage en feu...

Le ciel effleuré...

L'air entre la terre et le front...

Le souffle des Dieux sur les âmes en partance...

Et leur chant qui résonne dans quelques têtes – comme un écho – le refrain du plus haut...

Et devant le monde – le mimétisme et le dos courbé ; et pour quelques-uns (plus rares) la fuite ou la sidération...

Notre piètre vaillance pour faire face...

L'homme dans son apprentissage du monde...

 

 

Le jour sur nos pas...

Le ciel et la route – confondus...

La chair rétractée par le froid...

Les yeux rompus à la docilité ; et l'âme obéissante...

Vers le franchissement (involontaire) de l'aube...

A foulées lentes sur le sol – de moins en moins encombré ; comme un rapprochement (inévitable)...

Et en point de mire – la blancheur des sommets ; et le crépitement facétieux des cimes ; la joie et la liberté d'un chemin sans pénitence...

 

 

Libéré des luttes byzantines – des baisers imposés – des aménités d'usage...

Nous abandonnant à l'espace et au vent ; au vide et à la lumière...

Devenant le reflet – sincère et désintéressé – de l' Amour – le temps d'une longue expiration...

Et assassinant au souffle suivant...

Laissant la perfection agir – s'incarner...

Au plus près de la source ; ce qui surgit – sans penser – sans parti-pris...

 

 

Des courbes délicates...

Le jour – imperceptiblement – sur le seuil où l'on se tient...

L'esprit immobile tandis que la chair se déchaîne – tandis que la tête s'éparpille – tandis que les gestes tentent de corrompre (malgré eux – malgré nous) l'innocence et la beauté de celui qui ne sait pas ; et qui obéit aux forces qu'il porte (et qui le traversent)...

 

*

 

Dans l'herbe folle...

Le lieu de l'aube...

L'arbre et le ciel...

La roche et la bête...

Et nous – au milieu...

Les talons sur le sol ; le front dans la nuit ; le séant sur la pierre...

A l'abri des hommes...

A l'instant où le jour se lève...

 

 

La nudité innocente...

Adossé à la paroi de neige...

Dans la chambre – la montagne – déjà gravie ; et la blancheur au-dessus de ceux qui dorment (encore)...

Face à nous – la gueule du ventre ; les dents qui mastiquent ; l'éternel recommencement de la faim et du temps...

Ce qui traîne – ce qui tournoie – au lieu d'aller comme la flèche ; vers la source qui attend sa descendance...

 

 

Le silence – en ce recoin planétaire...

La terre aimante...

L'ignorance à décharge...

L'hypothèse de l'engagement – contre les assauts de l'indifférence...

Le regard ; et le geste spontané (sans réelle application) – juste (très) naturellement...

En faveur de l'innocence et du sourire...

Cette alliance commune et invisible...

 

 

Le soleil à l'horizon – comme une tête rouge...

Le cœur nu du monde – en offrande...

Le temple naturel aux autels innombrables...

Et nos vies – et nos gestes – comme d'incessantes prières...

Le désert qui vient en aide à nos désirs – à notre indigence...

Avec un surcroît de présence ; un regard plus affûté ; au lieu de l'abondance habituelle – au lieu de tous ces amas de choses...

 

 

Sans rien demander sur le voyage – sur la destination...

Allant l'âme baissée – le sourire (ou la grimace) aux lèvres...

Entre sagesse et idiotie – les pas de l'homme...

Sans rien découvrir sinon le parfum des fleurs – l'ombre des arbres – l'immensité du ciel ; et la faim des bêtes qui partout domine (en chacun) sur cette terre...

Avec quelques étoiles (parfois) au fond des yeux – aussi brillantes que l'or qui affame les cœurs cupides...

Le visage triste ou rieur – impassible (l'essentiel du temps) ; comme si l'on ne comprenait rien au monde – aux circonstances – comme si tout avait la plus haute importance – jamais (presque jamais) comme si nous n'étions qu'un rêve...

 

 

La terre complice de tous les mensonges – de tous les outrages – de toutes les inventions...

Des créatures et des choses – comme des instruments ; des paroles – comme des sons sans signification...

Sous les pas – au fond du cœur – la crainte – la terreur ; tant de facettes – tant de visages (apparemment) incompatibles avec l'Amour – la joie – le silence...

Nous ; exclu(s) et excessif(s) ; comme pris au dépourvu ; pris en flagrant délit d'existence – en quelque sorte...

 

*

 

Le monde éclairé par la route empruntée – le périple...

Par devers nous – la déchirure et l'incendie...

La violence du vent contre le front – au cours de la marche...

La chair lacérée ; les circonstances...

Face aux Autres – face aux murs et aux frontières ; notre propre visage ; le seul horizon terrestre – en définitive...

 

 

A travers le souffle – le feu...

Le monde ; un autre nom pour se nommer...

Sur le seuil de la même porte ; le vide – rien – à quelques vétilles près...

Ce qui nous distingue – peut-être – du ciel...

Et des poignées de fleurs vivantes – en offrande...

Et le sort des arbres ; et notre incompréhension à demeurer entre le sol et les premières hauteurs – au cœur de cet (éternel) entre-deux humain...

 

 

Frère des bêtes – ami des arbres – compagnon des fleurs et des pierres...

Habitant de la forêt – au même titre que la martre et le renard...

Le destin sylvestre et solitaire...

Proche du chant et de la source...

A sentir – en soi – croître l'Amour et l'indistinction ; le monde de l'invisible...

Muet – sans autre parole que celle qui s'écrit ; la seule floraison possible...

Attendant – comme les siens – le repos de l'hiver – le sol et les frondaisons nus – le désert et la neige...

Ancré(s) dans le refus des siècles et de la modernité (offerte par les hommes)...

Chacun à sa manière ; comme les oiseaux de passage – aussi libre(s) que possible dans cet espace sauvage qui s'atrophie...

 

*

 

Trait pour trait – le prolongement du monde – de l'origine...

Terre et ciel – projetés dans l'espace ; matière et symboles...

Dans le même lieu – Dieu et le magma mouvant – vivant – guère éloignés l'un de l'autre ; (très) secrètement – (très) savamment – mélangés – intriqués – sans qu'aucun ne soit capable de dire ce qui relève de lui et ce qui relève de l'argile...

Le vide ; et toutes ses têtes – penchés sur ce qui se fait entendre...

Une manière de s'accompagner ; le sol sous les pieds et l'immensité au-dessus du monde ; et dans le cœur de chacun...

L'infini en boucle ; des racines aux dernières nouveautés...

 

 

Le cœur en rivage – comme un commencement ; les débuts de l'âme – peut-être...

Et le monde comme de l'eau – un océan minuscule face à la grève qu'il heurte – qu'il caresse...

L'éternel jeu de l'invisible et de la matière – sans doute...

Ici – ailleurs – qu'importe – le même jour – la même ardeur – et le même silence (à la fin)...

 

 

L’œil du jour – l’œil du temps – face au visage du monde...

Et l'éternité – complice de cette assise – de ce périple – de cette (perpétuelle) transformation...

D'un lieu à l'autre – sans jamais rien quitter...

D'une nudité à l'autre – à travers l'abondance – à travers tous les déguisements – et tous les amassements – imaginables...

Et notre absence encore ; et le ciel en gage ; au cours de ce long voyage ; le pas vers le geste – le silence – le mystère...

 

*

 

La terre comme un seuil ; bien davantage qu'une épreuve – bien davantage qu'un horizon...

Une manière de vivre – de marcher – d'habiter le monde – de rencontrer ce qui nous entoure – ce que nous croisons – ce qui nous fait face ; les yeux ouverts – de plus en plus...

Le lent travail de l'âme sur la pierre...

Et – peu à peu – le ciel et la clarté ; et le cœur comme une évidence ; la seule nécessité de l'homme – des choses animées...

Sans peur ; ce qui a lieu ; et ce qu'il faut embrasser...

 

 

Au fond de la mélasse – l'usure et la fatigue...

Les parois lisses ; la verticalité impossible...

Et ça roule – et ça chute ; et ça s'enlise dans cette nuit brûlante...

Le périple terrestre – comme une fuite – une tentative de fuite – aussi vaine que l'espérance...

 

 

Nous rapprochant – autour de la pauvreté ; la vérité vivante de ceux qui respirent ; cette gloire humble – le front dressé face à l'épreuve – la tête baissée face au ciel…

Sûr(s) de rien ; mais jamais oublieux de l'essentiel...

Au bord de tous les cercles – dans l'intimité de ce qui existe...

Les forces – en soi – qui nous animent ; et qui nous portent...

Au plus près – toujours – du mystère qui, sans cesse, se réinvente ; et se révèle...

 

 

Comme toutes les farces ; le monde – indissociable du rire...

La légèreté face à la gravité des hommes...

Et l'austérité face à leur (incurable) frivolité...

Se tourner vers soi comme si les Autres étaient des mirages ; un chemin sans issue (véritable)...

Un ciel davantage qu'une terre à habiter ; et d'autres fois (tout simplement) l'inverse...

 

*

 

Le monde traversé – de part en part...

Et la neige – à notre seuil...

Et les éclats de la route incrustés dans l'âme et la chair...

Et le feu qui gagne – chaque jour – peu à peu – le fond du cœur...

En attendant l'union – l'immensité – le grand embrasement...

 

 

Face au mur – le lointain inchangé...

Le parfum du grand large ; et nos yeux aux aguets – cherchant une faille – un interstice – où se cacher – où se faufiler...

Vers le voyage ou le repli – selon le tempérament – selon la destinée...

 

 

Le souffle – le ciel...

Sur cette terre – trop longuement – parfois...

Jusqu'au plus haut – jusqu'à l'extinction...

Et tous les nœuds rencontrés jusqu'à ce que nous délaissions le fil...

Le regard un peu perdu face au vide – face à l'étendue...

 

 

La terre tournante – comme tous les astres – comme toutes les têtes...

Le temps qui, peu à peu, s'inscrit dans la chair...

Imitant la couleur (naturelle) des contrées initiales – à l'est du monde...

Mais que l'on ne s'y trompe pas ; ici – comme ailleurs – dans le cosmos – on sait que d'autres réalités existent – parallèles à celle dans laquelle la plupart s'imagine vivre [et auxquelles on a (plus ou moins) accès selon l'acuité du regard et le degré de sensibilité]...

Nous y sommes (déjà) – bien sûr – sans réellement y être...

Qu'importe que tout tourne – que tout change – que nous ne nous reconnaissions pas...

Le geste dans l'exact prolongement de la main ; et la main dans l'exact prolongement du cœur...

 

 

D'autres choses – d'autres horizons ; avec d'autres martyrs et d'autres bourreaux...

La terre-miroir – face au même soleil...

Face au monde – frissonnant...

A notre approche – la roue active...

L'émergence des possibilités...

 

 

L'apparence intacte ; en dépit du reste...

Tant de fissures dans nos certitudes ; et tant d'énigmes dans nos découvertes ; que nul ne pourrait deviner à moins qu'il sache ce qu'il porte aussi...

 

*

 

La voix – le souffle ; l'air tendu – l'air en attente...

Le ciel étreint – au-dedans de la parole...

Loin des tenailles d'autrefois – agrippant en pure perte...

Comme une offrande ; le ciel à soi – puis, soi au monde – à la périphérie de l'immensité...

Des embrassades en boucle – en quelque sorte...

Du bleu au bleu – à travers notre (incompréhensible et inévitable) labeur...

L'incessante recomposition du puzzle...

 

 

Des traces rudimentaires d'Absolu...

Des signes – des gestes – des pas ; une danse...

L'exact déroulé de l'attention ; le monde en désordre...

Tous les éclats de mensonge et de banalité – compris...

Un assemblage d'éléments apparemment disparates...

Au cœur de l'être – pourtant – bordé de jour et d'immensité – contrairement à ce que l'on voit – contrairement à ce qui semble avoir lieu en ce monde...

 

 

Au jour annoncé – trop prévisible – la déception...

La nuit résistante ; la clarté assombrie...

Comme toucher du doigt le bleu qui, soudain, se retire...

Le noir à la place de la couleur escomptée...

Croyances encore ; quelque chose entre la récompense et l'utopie...

La clameur du monde que notre ardeur ne peut faire reculer...

Et rien qui ne puisse amoindrir la fatigue et l'obscurcissement...

A nous obstiner ; tant que nous pourrons durer (jusqu'à nos dernières forces)...

 

 

Pourchassant – en vain – le silence – pour le soustraire ou s'en emparer...

Le voyage – sans bouger...

Du rêve et de la gesticulation – pourtant ; si communs qu'ils donnent à nos gestes – à notre respiration – à nos vies – des airs d'immobilité...

Ainsi va – et se vit ; et se pense – le monde...

 

*

 

La respiration métamorphosée – à l'intérieur...

Le souffle aéré...

Et de la buée sur le monde ; cette chose intermédiaire...

A terme – sans inquiétude ; la question de la mort et du vivant (en partie) réglée – en partie effacée...

Le lieu du commencement et de la (réelle) transformation...

A chaque extrémité du temps ; et au cœur de l'intervalle (bien sûr)...

A cet instant ; le pressentiment de l'éternité – peut-être...

 

 

Nulle part – le centre de l'espace...

Et la froideur du monde...

Et la naissance ; et la disparition...

Et l'existence que personne n'habite – que personne ne comprend...

Déclinant – sur ce chimérique chemin...

Le front face au ciel et au soleil...

Au milieu des morts et de la lumière...

Demain – peut-être ; demain déjà ; à moins que le vent ne se soit tu ; à moins que nous n'ayons jamais existé ; à moins que nous ne soyons que le rêve d'un Autre...

 

 

Au cœur de l'aube – la naissance ; la sève édificatrice...

Le labeur qui émerge des racines...

L’œuvre du ciel sur tous les horizons...

En notre propre compagnie...

La musique du monde vissée dans le souffle – dans le sang...

Notre humanité (strictement) naturelle...

 

 

Le jour matinal – à la cime des arbres...

La tendresse du chant qui monte...

L'Amour et la lumière – se rejoignant ; inondant le ciel et la terre...

La joie ruisselante – comme le seul présent possible ; issu(e) de la source...

Ce qui irradie – ce qui s'offre – ce qui se divise et s'éparpille ; l'invisible dans son œuvre de dissémination...

L'entente et le sens vécu...

Jusqu'au dernier jour ; l'histoire du monde ; ce qui remplacera, sans doute – un jour, la place (et le rôle) de l'homme (ceux qu'il s'est – orgueilleusement – attribué)...

 

*

 

A genoux – la lumière...

Le visage et le vent – tournés – ensemble – dans la même direction...

Le sol habité – la terre caressée – le soleil généreux et célébré...

Ce qui vient ; accueilli et honoré...

Considérés comme des Dieux vivants ; les êtres et les choses...

Ainsi se réalise l’éden ; le regard couronné...

 

 

La foulée agile...

A la hauteur appropriée...

Le ciel à son comble ; le cœur rassasié...

L'existence reçue – et vécue – sur cette pierre (d'apparence) solide...

Au juste emplacement...

Avec les cimes qui s'inversent à l'instant opportun – sans oublier (bien sûr) la place des morts...

Et le froid – tout autour ; parmi des éclats de tendresse...

La paroi parsemée de pointes et de promesses...

Et cette plainte – comme une clameur – qui monte vers l'autre versant de l'immensité ; ce bleu (vaguement) entraperçu – porteur d'innocence...

 

 

Le seul passage – vers l'immobilité...

Le cœur naturel et obéissant ; de plus en plus...

L'absence transmutée en œil – en attention...

A veiller au centre de l'espace...

Sans désir – sans prière ; confiant...

L'envol au-dedans ; hors du labyrinthe...

 

 

A voyager sans fin ; comme s'il n'y avait de lieu à atteindre ; quelque chose – un seuil peut-être – à franchir...

Ni refus – ni refuge...

Comme l'oiseau dans son vol sans repos...

Cette migration incessante et naturelle...

D'une rive à l'autre – sans (jamais) s'arrêter ; et la halte nécessaire – en soi – seul – au cœur de l'immensité...

Et l'élan (bien sûr) orchestré par les forces mystérieuses qui nous habitent – qui nous entourent – à l'intérieur...

De la source à la source – à travers toutes les péripéties – à travers toutes les identités ; et ainsi le voyage se poursuit ; et ainsi recommence la vie...

 

*

 

Bien avant que nous ne soyons...

Antérieurement à l'attente...

Dans la ressemblance des lointains...

Accolé(s) au jour ; affranchi(s) des malheurs...

Le soleil et la charge – confondus...

Au cœur de l'invisible ; ce qui circule entre le ciel – la roche et les vivants...

Porteur(s) de rêves bruts – proches de la source ; des vies (presque) incorruptibles...

Puis, l'oubli ; et la naissance du temps – du monde – de l'homme...

Le règne hégémonique de l'écume...

 

 

Le ciel ; de l'autre côté de la terre...

Des volutes bleues ; l'invisible à l’œuvre...

Ressenti – imaginé – davantage qu'aperçu...

Ni récolte – ni face à face ; plutôt une sorte d'évanouissement – de consumation ; une manière de s'effacer devant l'essentiel...

Sans attache ; le front obéissant ; et le talon directeur ; là où l'âme résonne plus fort...

 

 

Un pas ; le monde – dans la main – rassemblé...

Au cœur du chant et de l'aventure ; notre manière d'habiter la terre...

L'âme éprise du ciel...

Face à la feuille – le silence...

Au milieu des arbres ; quelque chose de la magie et du merveilleux...

De la joie ; et la parole prise au dépourvu...

 

 

Jouer entre le soleil et l'éternité – entre l'abîme et la mort ; sur cette terre hostile et généreuse...

Comme au commencement du monde...

Des brèches – des chemins – des disparitions ; la vie qui passe...

Cette traversée heureuse – sans rien savoir – sans rien espérer...

Debout – le front dressé – dans la nuit magnétique...

A contempler ce qui nous entoure ; ce que nous portons ; ce qui nous compose...

A s'offrir au labeur du reste...

Sans charge – sans parti-pris ; libre des jougs et des affranchissements ; ouvert à tous les possibles ; vivant peut-être – comme il se doit...

 

*

 

Le sol – sous nos pas – s'éclaircissant...

Les uns sur les autres – sous le soleil...

Aux heures sonnantes – le jour qui résonne...

L'âme précipitée dans la matière – contrainte de traverser l'épaisseur ; sans triomphe – sans coup d'éclat (aussi discrètement que possible)...

Jusqu'au plus ancien vestige des mondes d'autrefois...

Jusqu'au jour où l'on se retrouve – seul (bien sûr) – au seuil de l'immensité – face à la lumière qui vient inonder le regard...

 

 

Le baiser (raboteux) des aspérités – sur cette pente du monde empruntée...

Le cœur dans la poussière – poussif – se traînant – parmi des brassées de fleurs...

Et le nom épelé de tous les morts qu'ont connus les siècles – épinglé, un à un, sur l'autel des temples terrestres – sur le sol mouillé de sang ; sur les façades suintantes de sueur devant lesquelles se pressent – et patientent – les nouveaux arrivants ; l'âme transpirant (à juste titre) l'angoisse et la crainte...

 

 

Le bruissement du temps ; l'âme affolée qui parcourt le monde à grandes enjambées...

Le cauchemar quotidien de ceux que la mort angoisse – battant la ville et la campagne en quête de (quelques) consolations...

Sans rien voir – sans rien savoir...

La vie qui passe – jusqu'au dernier soir – jusqu'au dernier souffle – jusqu'à la dernière poignée de terre que l'on jettera sur la planche qui recouvrira le corps...

 

 

La tête occupée par toutes sortes de tentations...

Et l'espoir d'aller aussi libre que le vent ; pas davantage qu'une volonté défaillante face à un amoncellement d'immondices...

Jouant – sans cesse – jouant à faire semblant ; s'abritant derrière mille mensonges – se parant de mille déguisements – sous la lumière (toujours aussi) peu encline à la duperie ; et sévère (si sévère) avec les histrions et les usurpateurs...

Face à personne ; les mêmes attaques ; et autant (bien sûr) de coups d'épée dans l'eau ; ce qui (contre toute attente) décuple l'ambition – et la besogne – théâtrales...

 

*

 

Parmi d'Autres ; quelque chose comme le vent...

Le cœur du monde – aussi triste que les âmes...

Ce qui heurte ; et des fleurs aussi – comme un décor (principalement)...

La route qui serpente – la roue qui tournoie...

Le temps comme épris de lui-même – se courant après (en quelque sorte) – essayant de se rattraper...

Et l'air dans les bras de celui qui étreint...

Et le baiser dans le vide ou qui effleure la roche...

Comment ne pourrait-on apprécier la solitude...

Personne – sur ces rives – où la nuit s'étire sans fin...

Comme un long voyage ; ou un rêve, peut-être, que nul (jamais) ne pourra partager...

 

 

Écorché – contre les murs – des barbelés...

De la tendresse arrachée à coups de promesses – à coups de récompenses...

Et toutes ces pierres que l'on jette sur ceux qui résident hors du cercle...

Des assauts et des remparts ; ce qu'il faut pour tenter de sauver sa peau ; demeurer au centre du territoire et faire fuir les importuns – se défendre (et se battre) contre (à peu près) tous les Autres...

 

 

A mesure du voyage – l'abandon ; ce qui se détache ; tout bien pesé – pas grand-chose ; ce que nous portons ; un bric-à-brac d'idées et d'asservissements – des désirs et des illusions – qui finissent, peu à peu, par flétrir...

Puis – un jour – sans crier gare – l'âme toute racornie – face au vide ; ce qui prêterait à rire [si nous n'étions pas si grave(s) ; si nous avions compris – un tant soit peu – l'absurde et fabuleuse situation des créatures terrestres]...

 

 

La nuit inclinée...

La tête vers le jour qui se lève ; à cette allure lente de géant...

La marche à l'épreuve ; sur l'axe invisible des étoiles...

D'une extrémité à l'autre – sans croyance – sans promesse – sans tromperie...

Le temps qui s'oublie...

Et l'immensité – devant nous – qui s'ouvre – qui s'offre...

 

*

 

L'écoute ; la terre entendue...

Les rires ricochant...

Les grondements sourds des entrailles...

Dans les galeries du sous-sol – la faille encerclée par les vigies – les gardes vigilants de la psyché...

Et, au fond, la soif qui nous tenaille – qui nous assaille...

Et, à la surface, les âmes – sous le soleil – desséchées...

La suite du voyage par l'embrasure – l'étroit passage – réservée à ceux dont les forces portent naturellement au retrait et à l'effacement...

La seule issue – le seul succès – possibles ; discrets et involontaires (bien sûr)...

 

 

La route desservie...

La poussière qui s'agglomère sous les pas...

Le jour – le souffle – le feu ; ce qui nous anime ; et ce qui donne l'élan nécessaire pour marcher vers le mystère que l'on abrite ; et que l'on cherche (pendant quelque temps) au-dehors ; jusqu'à l'énergie du désespoir – puis au-delà ; lorsque l'on est (enfin) prêt à découvrir la seule foulée qui compte...

D'un seuil à l'autre ; de l'infime à l'infini – puis, de l'infini à l'infime – comme une respiration naturelle – (plus ou moins) libre – (plus ou moins) sensible et lumineuse...

 

 

Des rêves de fils et d'emmêlements ; ainsi (sans doute) se pense la trame...

Des nœuds dans l'espace...

Ni perte – ni gain ; seulement – des tâches qui s'accomplissent ; des choses qui apparaissent ; des choses qui disparaissent...

Des reflets passagers ; et l'Absolu qui scintille – à travers...

Qu'importe la lumière ou l'assombrissement ; qu'importe la venue – le départ – la transformation ; quelque chose – en nous – en chacun – en deçà et au-delà des choses – (parfaitement) affranchi du monde – qui contemple...

 

 

Ni bête – ni homme...

Des courbes arrondies ; et des recoins anguleux...

Des lèvres à la place de la bouche...

Et la soif à la place du ventre...

L'Absolu – en point de mire ; ce sur quoi nul (en ce monde) ne parierait...

 

*

 

La sève – jusqu'au bleu...

Du sol au ciel – d'un seul trait...

La terre chahutée ; des sillons – des ornières – où l'on glisse – où l'on s'enlise...

Le labeur de la créature – autour de la blessure – avant de plonger dans la douleur...

La chair dans laquelle on s'enfonce...

Les mains rougies – les mains brûlantes...

Vers la brèche – le tombeau ; avant que ne s'ouvre l'espace – avant que n'apparaisse le bleu ; inopinément – au-delà de l'espérance – au-delà du désespoir ; lorsque le noir nous avale ; lorsque la mort nous désigne du doigt et que tout recul devient impossible...

 

 

Dans la chambre – la lumière – déjà...

L'avant-poste de l'Amour (sans même qu'on le sache)...

La solitude et l'immobilité...

A l'écart du monde des hommes...

Quelque chose comme une route – un éclair ; les prémices de la blancheur (sans doute)...

 

 

La tête écartelée par le temps...

Asservie à la patience – dans le cadre défini par les lois humaines – impropre, en somme, à occuper l'espace ; et, dans l'espace, la place centrale...

Comme un fauve – plutôt – le cœur en cage...

Et quelques étoiles pour s'occuper ; comme un apprentissage du sommeil ; le rôle essentiel de l'obscurité...

Et des rêves – en troupeau – que l'on harponne en gémissant – les yeux fermés...

Et l'épaisseur qui nous avale ; nous – la nuit – la tête – les rêves et les étoiles – brinquebalés dans le roulis des heures et des saisons...

D'une tempête à l'autre – sur notre couche – immobile(s) – déjà mort(s) peut-être...

 

*

 

Le ciel ouvert...

Les vents en enfilade...

Les tempêtes – en soi – apaisées...

Sur l'enclume – le fer martelé...

La respiration aride ; la lumière maculée...

Le feu – la force ; et la poussière...

La danse des bras dans l'air...

L'âme tournée (tout entière) vers cette trouée rouge vivante...

La lame façonnée par l'invisible et l'ardeur...

Ce qui apparaît ; et ce qui reste caché dans les profondeurs...

 

 

Au milieu des pierres...

Et, parfois, cette pluie poisseuse sur la parole ; la page fragile et déchirée...

Face au jour – face à la lumière...

Le souffle court – la main tremblante...

Trop d'hésitations – sans doute – pour maintenir le silence des Dieux – le bleu approbateur – dans l'encre jaillissante...

 

 

A l'orée du monde – là où se terrent les ermites et les bêtes...

Derrière d'épais taillis – aux pieds d'arbres centenaires...

Le jour – dans la main – qui se lève...

Le chant et l'encre – jamais taris – qui montent le long des âmes...

Au cœur du silence vivant de la forêt...

Sur toutes les cimes ; dans toutes les têtes ; le ciel complice – le ciel apprivoisé...

Ce pour quoi nous demeurons loin des hommes...

 

 

Boursouflés d'orgueil et d'absence ; ceux qui s'imaginent maîtres du monde et de l'espace ; et qui sont moins qu'une virgule dans le (très mince) volume de l'histoire de la terre...

Une injure (à peine) à l’ineffable – une indécente (et marginale) excroissance des lois et de la matière naturelles – tant ils sont insignifiants...

L'avènement de l'homme ; à peu près rien – aux yeux du temps et de l'éternité – aux yeux de la lumière – aux yeux de l'innocence et de l'immensité ; quelques tourbillons au cœur de l'infini – au cœur de la vacuité...

 

*

 

L'homme stationnaire – au bord du chemin...

La face ombragée – au milieu des vents...

Des rangées de pierres alignées...

Des milliers – des millions – de choses ; et une place pour chaque chose...

La route sous les pieds ; la tête s'imaginant...

L'ailleurs nécessaire ; juste à côté...

Des murs ; de longues séries de murs – à la manière d'un labyrinthe – d'une enceinte close – sans autre issue que la prière...

Et ainsi jusqu'à la mort – sans explication...

 

 

La terre défaite – embrassée...

Le front – et les lèvres – contre elle...

La parole douce ; l'esprit apaisé...

Les mains sur le sol rêche – caressantes...

Dans l'obscurité du désir...

A perte de vue – le ciel ; toutes les possibilités...

Et nous – passant (assez énigmatiquement) d'une combinaison à l'autre...

 

 

Ici – ni (vraiment) pour eux – ni (vraiment) pour nous...

Sans (véritable) innocence...

Ni mal – ni bien ; (très) instinctivement...

Le pas et la parole ; et le geste – mécaniques...

Une existence comme une autre – sans (réelle) importance...

Les yeux bandés ; et les mains comme attachées derrière le dos...

Et la tête pas assurée d'être là...

A peine – un souffle ; un peu de rêve et d'ardeur...

L'âme ailleurs – assurément – errant (sans doute) en de moins hostiles contrées...

 

 

Non coupable(s) – bien sûr...

Jusqu'à l'obscénité ; le regard clair ou torve – qu'importe...

Des images amassées – entassées – qui remplissent la tête et l'âme – jusqu'à la garde...

Des désirs et des souvenirs ; à l'origine (sans doute) des principaux élans…

Et le manque comme un cri que le monde apaise – (très) provisoirement – (très) médiocrement...

Et dans les tombes – des innocents aux mains rouges et armées qui n'ont jamais tremblé devant la mort...

 

*

 

Le jour – au loin ; si loin de l'expérience terrestre commune...

Attablé devant l'étendue – devant l'inconnu ; la sébile tendue ; et les yeux fermés...

Le monde rompu à l'ignorance et à la faim – jamais rassasié(es)...

Du feu – des murs – des morts...

Nulle (réelle) liberté au milieu des pierres et des vivants...

Comme encastré(s) dans la matière ; et l'âme étonnée qui s'agite – qui se débat – qui s'affaire – qui cherche (en vain) une issue – un passage – une possibilité...

Entouré(s) par les vents...

Au pied de (hautes) parois d'argile...

Le regard de l'homme tourné vers l'horizon – pataugeant dans sa flaque de boue – sous une lumière froide et lointaine...

Au cœur d'une nuit abyssale – conquérante...

Cherchant un intervalle – le moindre interstice – comme une respiration ; le début d'un voyage – peut-être...

 

 

Par le même chemin – le jour et la nuit ; pénétrant la terre – la chair – l'esprit...

L'itinéraire des abysses – des monts – des vallées et des prairies...

A travers la lumière – à travers la forêt – les arbres et les âmes qui se dressent...

Sans plainte – dévoué(e)s à la cause commune...

Sans pouvoir oser davantage (ou autre chose)...

Le dos voûté par la charge ; et le sens (assez vain) des responsabilités...

L'insouciance oubliée – comme les jeux de l'enfance – au bord de la rivière – où l'on passait (sans crainte – comme par mégarde) d'une rive à l'autre...

La vie – la mort – sans (véritable) distinction – sur le même chemin de pierres...

 

 

Les questions – en vrac – par devers soi...

A suivre – en silence – les indications des Dieux – les indications du vent...

L'itinéraire ; la direction de l'innocence...

Les yeux ouverts ; et le cœur accueillant – de plus en plus...

Et cette joie qui, peu à peu, efface – et remplace – toutes les questions...

 

*

 

Contre l'âpreté du monde – l'âme et la peau – irritées – hérissées...

Un peu de fraîcheur pour faire face – pour faire front ; de l'encre nouvelle et cette terre surprenante sur laquelle on parvient, parfois, à se hisser...

La vie – le voyage ; comme le jour ininterrompu...

Immobile – sur ce sol – sans attache...

Et pourtant...

 

 

Le corps – le souffle – entravés...

Au-dehors – le vent ; au-dedans – l'absence d'air...

Et ces Autres – tous ces Autres ; comme s'ils avaient envahi toute la surface de la terre...

Le soleil – à nos côtés ; et cette nuit contre laquelle, sans cesse, nous nous heurtons...

Jour après jour – le même abîme qui se creuse...

 

 

Ici – sans bénédiction...

A faire remonter la lie cachée sous les fausses amitiés – les fraternités apparentes...

De la terre – encore ; de la terre (presque) toujours...

Les instincts qui ont précédé le souffle – inaliénables ; cette âpreté à vivre sous les aménités...

Pas un seul espoir de ce côté-là (tant que la nécessité sera à l’œuvre)...

 

 

Nous enfonçant dans l'absence et l'obscurité ; la tête (parfaitement) immergée...

L'âme sans un cri...

Le passage – la transformation peut-être – vers le rien (le plus rien)...

Ensemble – apparemment ensemble – sans (véritable) entente...

La vie – le vent – la mort – comme ils viennent – comme ils se présentent...

Et cette éternité – et l'invisible – et la matière – qu'il nous appartient d'apprivoiser...

 

*

 

Là où l'épaisseur de la terre occupe (et préoccupe parfois)...

Sans oxygène – sans fenêtre...

Le labeur acharné (plus qu'acharné)...

Tout ; avec ces remparts – cet entrelac de murs – de frontières – de barbelés ; cet atroce sentiment d'enfermement...

Le sort – et la perspective – de tous les habitants du labyrinthe ; le petit peuple de la surface...

 

 

Le plus tangible ; ce qui brûle avec ce qui recommence...

Les seuls étais (sans doute) dont on dispose...

Trois fois rien (en vérité) ; et moins encore à l'horizon ; et moins encore dans l'espérance...

Pauvres infirmes qui ne voient que les chemins à angles droits ; jamais ce qui serpente dans le flou et l'invisible...

De simples reflets sur la pierre nue...

Des guerres ; et des jeux sans éclat...

Rempli(s) de ciel et de tendresse – paraît-il ; entre les pièges...

 

 

Ni songe – ni vérité ; rien de définitif ; seulement – le sens des retrouvailles et de l'éloignement...

La mesure de l'écart – en quelque sorte – que porte – malgré elle – malgré lui – tout geste – toute parole – toute foulée...

Le centre ; et le fond, parfois, pénétré par les Autres...

L'éternel mouvement – l'éternel voyage ; sans rien oublier ; ni la source – ni la plus lointaine périphérie...

 

 

L'ardeur chantée ; la clé du royaume ; une manière active de prier...

Toutes les zones du territoire – célébrées...

Le rythme pur – indicatif – porteur de joie et de liberté...

Hôte(s) de la lumière – en quelque sorte...

Communiant sans compréhension raisonnée ; quelque chose qui s'offre – se devine – se ressent...

L'essence de l'existence terrestre – sans doute...

 

*

 

En nous – le feu...

Et l'imaginaire comme une trouée...

Et devant – l'étendue ; ce que nul ne connaît (ce que certains disent connaître)...

La chambre – le monde ; le même appel...

Et quel que soit le lieu – toujours la même distance qui sépare des choses – des Autres – de nous-même(s)...

Trop dispersé(s) – peut-être...

Et cette fuite en avant ; et cette consumation (intérieure) qui nous guette...

 

 

La terre rouge – lavée par nos larmes...

Un pied sur la pierre ; et l'autre en déséquilibre sur l'âme...

Ce qui nous porte ; avec le ciel...

Le plus sauvage ; et cette (étrange) intimité avec les arbres...

A l'endroit du vide ; rien ni personne – bien sûr...

 

 

Là-bas – la terre indigène ; celle qui a connu l'ivresse des premières heures – la naissance du temps ; et leur exact contraire ; la corruption – la déperdition...

L’œil maintenu en déséquilibre – pendant des millénaires – angoissé – parasité par toutes les promesses du monde...

L'esprit veule et docile – le cœur avide et grossier ; le dos courbé et obéissant...

Peu à peu – incorporé(s) à la modernité – à la longue liste des chimères – à l'illusion commune – généralisée...

Si loin du premier enfantement ; et de l'authenticité initiale...

Comme une longue agonie ; le fruit amer – toxique – mortel – de l'uniformisation...

 

 

Devant soi – l'océan...

Aux abords de l'intériorité...

Assez loin des rives souffreteuses qui s'épanchent (et qui aiment s'épancher)...

Au-dessus des heurts et des ports de tête altiers...

Parvenu ici – sans aile – sans offenser personne...

Face à la source – face à l'immensité...

 

*

 

Entrecoupés de blancheur et de silence ; le monde – l'abstraction – la douleur – l'arbitraire...

Au royaume de la pierre et du rayonnement...

Au royaume de l'indifférence et des champs de bataille...

Placé(s) ici (sans préavis) – entre le sommeil – le feu et la folie...

A essayer (assez vainement) d'aller du côté du ciel – de l'invisible entraperçu...

Dans la même ornière (bien sûr) que tous les Autres parqués devant les murs de l'enceinte où nous sommes nés...

La vie en suspens – comme arrêtée...

 

 

Par-dessus la matière visible ; ce qui ne se voit pas...

L'écoute ; la présence de ceux qui prient...

Et des yeux sous les pierres – à l'affût...

Des bêtes et des Dieux ; tous ceux qui accompagnent nos vies – indistinctement ; des mains jointes – des mains qui se lèvent – des mains qui se tendent – des mains qui caressent et des mains qui frappent...

D'un seul souffle ; à travers tous nos cris...

 

 

Et cette veille commune qui ressemble à un rêve ; comme le monde – les Autres – ce qui semble exister...

Et au-dessus – l'imaginaire ; et par-dessus – l'espace inexploré...

Mille chemins bordés tantôt de fleurs – tantôt de visages – tantôt d'étoiles...

Et jusqu'aux sources de la lumière ; mille trébuchements ; et tous ceux qui piétinent depuis des siècles...

Sans que jamais ne sonne le glas du réveil...

 

 

Engoncé(s) dans la matière ; comme si elle nous recouvrait ; comme si la nudité était faite d'une autre substance ; peu visible – inconnue...

Et nous – ici – à nous débattre – comme si la vie – comme si le monde – comme si les visages et les choses – nous gênaient – comme si quelque chose nous étouffait...

(Presque) incapable(s) de satisfaire notre (insatiable) besoin de lumière et de liberté...

 

*

 

Autour de soi – réunis...

La terre et l'infini – confondus...

La plaie ouverte – sans douleur (à présent)...

A genoux sur la pierre...

La prière naturelle – incorporée aux gestes (à tous les gestes)...

La parole ; quelques riens ; un peu de vent...

Sur la page – les lèvres ; le ciel qui se prête au jeu...

Lui et nous – presque à égalité...

 

 

Sous les arbres – encore...

Le souffle sur l'épaule...

La terre blanche...

De l'autre côté du ciel – sur une autre rive (sans aucun doute)...

Dans notre main – la lampe et le lointain...

L'instant sans devenir...

Le visage couronné malgré les murs...

Au-dessus (bien au-dessus) du monde ; le vide et le silence...

 

25 février 2023

Carnet n°284 Au jour le jour

Juillet 2022

La chair nue et aride – derrière le miroir...

Et le même sentiment sur la pierre...

La présence – l'invisible – l'équilibre...

Le temps ajourné...

Au centre de l'espace...

Le serment du désert (pour les plus valeureux)...

L'écoute du vivant – le cœur battant du monde...

 

 

Le visage troublé par les remous ; l'affolement des Autres...

Le bleu – le ciel – à peine voilé...

Au sommet de l'arbre ; les chimères déchirées – l'éparpillement des fables...

Au-delà du monde consentant – replié...

Et entre nos lèvres – la parole et le silence (à égales proportions)...

Ce qui se brise et ce qui fleurit – au-dedans...

Notre ressemblance et nos insatisfactions...

L'identité commune (en partie) circonscrite...

La soif révélée derrière le rêve ; et le temps chamboulé par notre attente ; par la patience qui saura nous extirper du chaos...

 

*

 

La vie apparente – défaite...

Et cette voix bleue – à présent – que rien ne pourrait renier ; pas même l'effacement...

Le cœur dégrisaillé – sans recours au rêve – sans recours au fouet...

Le talon solide ; le seul appui ; souple sur le vent...

Ni sol – ni ciel ; affranchi des frontières et des partages...

Sur la faille comme sur le fil...

L'équilibre – les yeux fermés – entre le mythe et la chute ; le vide habité...

 

 

La nuit dans l'ombre – (juste) au-dessus du sommeil – enveloppante...

Qu'importe le lieu de la rencontre ; la chair curieuse et réticente...

Et l'esprit (profondément) assoupi...

Sous le règne (hégémonique) de la peur et de la jouissance ; une avalanche de caresses et de coups ; et l'âme inerte qui se cache – qui ronronne – (presque) toujours embarrassée par ce qui se passe...

 

 

Cette impatience à l'égard du dénouement – comme s'il y avait, en nous, trop d'espérance ; dans le monde, un état final ; et à tout phénomène – à tout processus – à tout voyage – un achèvement possible...

Des croyances et des promesses au lieu de l'inespéré...

Et en attendant l'improbable miracle – la roue du monde et la roue du temps ; tout ce qui nous fait tourner – tourner – et tourner encore ; prisonniers de la boucle répétitive [à laquelle (bien sûr) on aimerait échapper]...

 

 

Sans escale – la dérive – le déchirement...

Le feu continu qui alimente le mouvement...

Les clés (une partie des clés) autour du cou...

D'étoile en étoile vers ce qui brille (toujours plus puissamment)...

Un cercle de lumière ; et des pas (de moins en moins) sombres et taciturnes...

Un appel au centre...

Moins de rêves et de repli...

Quelque chose comme un ruissellement (le début d'un ruissellement) ; le goutte à goutte qui s'accélère...

Une naissance imprévue – un bout de chair supplémentaire – comme une excroissance...

Dos au mur – les pieds dans le vide ; à même le ciel – déjà...

 

*

 

Des mots encore – comme une poutrelle jetée au-dessus du vide – vers l'Autre – cette rive commune – inconnue – inatteignable – renfrognée – tremblante – apeurée ou rouge de colère – les yeux fermés – qui crie quelque chose – un son incompréhensible – une plainte inarticulée ; et dont l'image nous parvient déformée – comme un reflet...

Et notre hébétude – notre sidération – devant le monde – le miroir...

 

 

Vers la nuit absente – le Dieu inventé...

Le souffle neuf – l'esprit rajeuni ; le corps vieillissant ; les blessures mal cicatrisées...

Sur la pierre ; et l'herbe rase – jaunie – usée – la peau du monde...

Les yeux crevés par l'anxiété...

Et la sauvagerie de ce qui (nous) résiste – de ce qui nous fait face...

Le cœur qui palpite devant l'effacement – devant l'infini...

 

 

Au seuil d'un soleil dessiné par l'enfance...

Le jour jeté en contrebas...

Et des provisions de neige jusqu'à l'aube...

La danse martiale des bâtons...

Ce qui se lance en l'air – obscurément...

Des choses qui virevoltent – portées par des courants invisibles...

Le monde animé ; ce qu'il nous semble – en tout cas ; une facette de la réalité apparente...

 

 

Dissimulée derrière le cri – la fleur...

L'innocence et la nuit – déchirées par le même geste – indéfiniment répété...

Le lieu du consentement ; l'alliance nuptiale...

Et, en germe, le drame que les circonstances préciseront...

La douleur et la mort (presque) toujours occultées au profit de la quiétude et de la beauté artificielles dont on tapisse les parois du monde et de la tête...

 

*

 

Contre la lumière – l'effort et l'âme ; le jeu et la violence...

De l'un à l'autre – dans un long glissement...

Le cœur douloureux – si souvent ; en voyant les murs ; en voyant vivre les hommes...

L'intelligence clairsemée ; la parade et l'engloutissement plutôt que la discrétion et la tendresse...

Et ce rire – insupportable – à la vue du sang et des os...

La sensibilité (sérieusement) défaillante...

Entre l'offense et le châtiment – quelque chose qui nous lacère – qui nous transperce ; les crocs et les griffes du monde...

 

 

La nudité creusée par la mort...

D'une ligne à l'autre ; d'un livre à l'autre...

L'oubli et le dessin qui se précise...

A la manière d'une danse malgré les cercueils et la confusion alentour...

Comme aux premiers temps du monde – le vent au-dessus de notre berceau...

 

 

Dieu masqué par son œuvre ; le renversement opéré par le monde...

Le rêve – tous les rêves – taillés au couteau...

Ce que le feu sacrifie...

A moins d'accepter le silence ; de plonger (profondément) en son cœur...

Sans cri – dans les flammes...

Ce qui perçoit – (juste) au-dessus de la douleur...

Le voyage – et les découvertes – au rythme de ce qui est vivant – au milieu de la danse et des chants sacrés...

 

 

Partout – la distance superflue...

Dans le vent qui souffle – ce qui est retenu...

Des accroissements – des biffures – des déchirements...

Ce qui tente d'accroître l'inachevable ; l’œuvre, sans cesse recommencée, des créatures...

Dieu dans son sillon – au fond de toutes les entailles...

Quelque chose du ciel et du changement...

Ce que nous croyons vivre – ce que nous croyons façonner ; et ce à quoi nous participons – à notre insu...

Et la douleur croissante ; et le florilège de malentendus...

 

*

 

Le jour et le cœur – éparpillés...

Ce qui cogne derrière la vitre – à travers les barreaux...

La main tendue pour essayer de rattraper le retard – ce que les hommes ont jeté depuis la naissance du monde...

Et la douleur qui nous suit ; et qui migre avec l'âme vagabonde...

Gravir encore cette pente-prison – sur ce rocher des malédictions...

Le lieu où bavardent – et se querellent – tous les fous ; à vivre comme si l'existence comptait pour rien...

 

 

Le sang tatoué sur la peau ; comme une cage – à force de coups...

Les yeux fermés devant le monde et le sablier...

L'étendue interdite...

Rien que cette terre où coulent ces rivières rouges – au milieu de tous ces corps – parmi ceux que frappe la mort – sans la moindre possibilité d'évasion...

 

 

Aveuglé par l'avenir (supposément) florissant...

Du vent ajouté au vent...

De l'étoffe effilochée...

Un monde d'alliance entre les bêtes apeurées et la nuit...

Des lieux obscurs où se mêlent la douleur et le cri...

L'ignorance souveraine de l'homme ; la terre en déshérence ; et ce qui est légué – cette folie à la dérive...

 

 

Le silence ; le geste simple...

Sans manière – sans ostentation...

L'esprit et la main – vides...

D'une origine à l'autre – (très) naturellement...

Ce qui regorge – ce qui déborde ; coupés net – sans résidu...

Le plus précieux ; rien – ce qui est (involontairement) exposé...

La couleur des choses et la légèreté...

La vie terrestre (presque) sans matière...

Le feu – le vent ; et ce que la lumière absorbe ; cette manière de renouer avec la source...

 

*

 

La chair – le mot – l'Amour...

Au-delà de toute matière...

Sans substitut ; la langue – les vertèbres – le silence...

En deçà (bien en deçà) du jugement...

Près de l'ombre – tapi(s) – dans un coin...

De la peur à la soif – peu à peu ; ce glissement nécessaire vers l'élan – le voyage...

Le cœur (sans doute) déjà proche du suivant...

 

 

L’œil solitaire ; comme le rire...

Sans obscénité – sans équivalence...

Le séjour voué (presque exclusivement) au rapprochement – au labeur – à la vérité...

La paresse attachée à un pieu planté dans la boue ; libéré (en partie) de la fange...

A l'air libre – comme l'âme...

De plus en plus près de la lumière ; et la lanterne à la main – de moins en moins nécessaire...

 

 

Un cri – jusqu'au ciel – dans nos mains ouvertes...

Ni éternelles – ni (totalement) impuissantes...

Nées pour assouvir le désir ; et offrir à l'écume la lumière nécessaire...

Le vide – sous la vérité – dans notre bouche...

Et à travers la lueur jamais éteinte de l’œil – l'enfance – à travers le sens retrouvé...

Comme au service de ce qui vient (juste) après la douleur...

 

 

La parole dans son écrin – tantôt le monde – tantôt le feu...

Penché sur l'impossible – après avoir fouillé (en vain) la terre et le ciel...

Comme arraché aux éclats de la pierre...

Parvenu – peut-être – au seuil d'une certaine clarté...

La puissance vivante plongée au fond de l'âme...

Et le silence sur les lèvres souriantes ; face au monde – ce qui acquiesce...

 

*

 

A grands traits – le mouvent précis – la figure du monde...

Du soleil et du silence – le cœur enveloppé...

L'arbre – l'herbe et la pierre...

Au milieu des bêtes de la forêt – sous la lumière...

Rien qu'un corps – un peu de chair – effacé – amalgamé – dissous dans la matière – la masse vivante...

L'âme renversée d'où émerge la joie...

A même la roche restituée ; la terre – le sol – à la place des mots ; la nuit – les Autres – parfaitement intégrés...

 

 

Obéissant aux cycles – aux nécessités – à la tendresse...

La sensibilité vive dans l'âme ; et sur la ligne...

Au-delà de la chute ; au-delà de la perte et de la désespérance...

Comme porté par cette perspective sans socle – instable – incertaine ; et qui fait naître le plus simple ; et la simplicité...

Sans effort – sans éclat narratif...

Comme un discret tressaillement – malgré l'insignifiance – malgré l'abondance apparente...

La pierre et la feuille – sans inscription...

Le vide ; l'espace désaffecté à la place de la douleur et des ornementations...

 

 

Consentir à la voix éraillée – dépourvue – à la chair couchée sur la roche – à la perte et au déclin – à la solitude irrévocable...

En passant sous le ciel noir...

Affligé par les lois et les apparences...

L’œuvre chimérique des hommes ; la hargne des assassins ; le cœur endormi...

L'absence de lumière et le ronronnement de l'âme...

Un peu de hauteur ; une argile rehaussée...

Tout ce que l'on souhaite à ceux qui peuplent ces rives tristes et tourmentées...

 

 

Le ciel qui déborde d'allégresse – au-dessus des guerres – du sang – des ombres qui glissent dans la glaise – grises – sombres – en ce pays d'absence et de tressaillements...

Ce qui s'attarde (un peu – autant que possible) pour participer à tous les jeux ; aveugle à la nécessité de la métamorphose ; (totalement) insoucieux de l'essentiel...

 

*

 

Des nœuds pour extorquer la substance terrestre...

Comme de l'ombre au milieu de la lumière ; histoire de consolider la position de l'homme...

Des angles – et quelques recoins – ajoutés au destin – d'une certaine manière...

De quoi (sérieusement) assombrir la couleur des vivants...

Unanimement – la multitude ; une façon (peut-être) d'accroître nos chances (si l'on peut dire)...

 

 

Le pas et le voyage – indistinctement...

Le geste et la main – de façon identique...

Comme le corps et la danse ; la matière et le mouvement ; le monde en marche ; ce qui ne cesse de tourner – de changer – de se transformer...

Et enfoui – et plus haut – le point d'immobilité ; ce qui contemple et donne son accord...

 

 

Attaché (d'une certaine manière) aux différents degrés du ciel (changeant)...

La nuit embrasée ; le jour absolu...

D'une rive à l'autre – de façon incessante...

Le torse nu – penché sur notre visage...

La figure désentravée ; la posture sans quiproquo...

Et sous les voiles – ce qui enfle lentement...

Le mystère comme une colonne émergeante...

Vers le haut ; de toute notre ardeur...

 

 

Les yeux – sans horizon – (un peu) trop espérant...

A force de fuir – comme si l'on pouvait échapper aux désordres – aux renversements – aux transformations...

Au cœur de l'angoisse ; cette douleur ancienne (première peut-être)...

Le vieillissement de la chair ; et l'enfance réfractaire à sa restauration – à son renouvellement ; comme une inertie – une impasse souterraine...

Un mot après l'autre ; à travers la nuit – l'énigme posée ; et toujours irrésolue...

Et, soudain, le jaillissement de l'aube – insoucieuse de notre labeur – de nos prédictions – de nos pressentiments...

Porté(s) par la lumière qui se lève...

 

*

 

L'âme brûlante – l'esprit évidé...

Des lignes sans règle – sans dogme – sans certitude – sans ambition ; dispersées – anonymes – de plus en plus...

Dans les veines – cette audace ; la source de l'encre...

Sans distance – face à la vie – face à la mort ; et le monde au loin – presque inaudible...

Pas de fiction (jamais) ; rien d'impossible ; l'espace maître de l'inspiration et du mouvement...

Au cœur des cercles naturels...

Le ciel célébré – dans la lignée (la longue lignée) des hommes ordinaires qui ont (en partie) découvert le secret...

L'air de rien – en apparence ; et la sensibilité vive ; le cœur (presque toujours) en éveil...

Le labeur permanent ; comme une présence perpétuelle à faire émerger – avec laquelle se familiariser ; et qu'il nous faudra nécessairement devenir...

A l'affût (si l'on peut dire) de ce que le temps – et les siècles – n'ont eu de cesse de délaisser...

La danse (joyeuse) de l'âme avec l'invisible qui précède celle des signes sur le carré blanc...

 

 

L'or chargé de chaînes...

Sur le front et aux poignets des hommes...

Comme un trésor ancien – déjà disparu...

Les yeux rouges – les yeux brillants...

Sous des étoiles scintillantes...

Malheureusement – la seule richesse qui compte...

 

 

Dressé – au-dedans de soi – le lieu tragique de l'espérance...

Des choses et d'autres – nées de la même source...

Au milieu de quelques élans de beauté ; de quelques désirs de rassemblement...

Quelque chose du rêve et de l'errance...

Ce qui se mêle aux ombres et à la fièvre...

Comme un feu supplémentaire sur l'étouffement – un couvercle (incandescent) sur la grisaille...

Insensible(s) aux murmures de l'infini – à la parole caressante qui ricoche sur nos cœurs absents...

 

*

 

Le rouge nébuleux – au fond de la crevasse...

L'impersonnel – mine de rien – dans ces caractéristiques singulières...

La nuit – les cris ; ce qui bat au fond de la poitrine ; et l'âme effrayée...

Ce qui bouge – dissimulé dans la matière...

Ce qui craint l'ombre et la lumière...

La chair morte ; (tout) ce que nous avalons...

Sous l'emprise de la peur et de la faim...

Et l'échéance – comme un couperet – dans la longue (la très longue) chaîne de servitudes...

Et, de temps à autre (trop rarement – sans doute) – une parole façonnée avec les yeux et le cœur aussi ouverts que possible...

 

 

La lumière prescrite contre le sommeil et l'absence de raison...

Au-dedans vertical ; et ce qu'on lui oppose (ordinairement) ; le monde et le temps ; ce qui tourne – ce qui s'étire et s'allonge – ce qui s'attarde – au gré des désirs et des craintes ; à la surface du vivant – une part de l'âme offerte – sacrifiée...

 

 

Sans rivaux ; l'esprit – la terre – le ciel...

Sous la caresse des vents qui parcourent l'espace...

L'âme intacte ; et la réserve de malheurs dans laquelle on pioche (abondamment)...

La bouche aimante – bien plus que le cœur qui attend qu'on lui donne – impatient qu'on le porte au pinacle...

L'existence gouvernée par la ronde des saisons ; le cycle des âges...

Dans l'étreinte des Dieux ; sous la coupe du monde qui nous enserre...

 

 

L'écoulement du temps sur la pierre – comme une eau froide – une nuit d'angoisse constellée d'étoiles sombres...

Et des orages sur les têtes (sur toutes les têtes) qui osent s'aventurer hors du périmètre – piétinant le commun – à pieds joints sur les aiguilles et les lois...

Avec les jours en bandoulière – comme des cartouches de possibles...

A se dépêtrer encore avec l'aube lointaine – avec l'aube (si subrepticement) entrevue...

 

*

 

Face au labeur du monde – des jours ; une manière de se tenir...

Assez éloigné – au cœur de la masse verte et accueillante...

Le souffle léger – à voix basse – comme pour soi – un éclat de voix pour dénoncer les mutilations et les assassinats ; la trajectoire de l'homme – sans élucidation...

Immobile dans l'herbe alors que nos pairs usent le bitume et noircissent le béton...

D'un rêve à l'autre – sans jamais se rejoindre...

Et, ici, la hache à la main ; prêt à défendre cet espace qui (pour l'instant) échappe à la barbarie...

 

 

Dissous dans la durée – l'élan et l'exubérance ; cette résistance à la tiédeur – au souffle retenu...

Face au sommeil – le hurlement ; de l'autre côté – là où le temps devient (pour ainsi dire) anachronique ; et la douleur, une simple possibilité ; à peine – une supposition...

La voie qui nous invite ; la sente qui s'impose...

 

 

L'âme privée de sens et de joie – enfermée dans un peu de chair irriguée de sang ; de l'argile sensible et animée...

De la douleur ; et des pieds nus...

Et cette absence si particulière des créatures terrestres – yeux ouverts pourtant – douées de rêve et d'ardeur...

Le monde de la pierre et des étoiles ; le ciel rompu – le ciel disjoint – comme effacé...

La beauté ; et le plus simple – défaits (en dépit de ce que l'on clame un peu partout)...

Chaque souffle – comme un geste de résistance ; une manière d'échapper aux hommes et à l'humanité – de rejoindre l'instinct (naturel) des bêtes et la joie (spontanée) de ceux qui habitent les bois...

 

 

La folie penchée sur notre épaule – sur notre main et notre bouche...

La peau déchirée ; le reflet du désir dans les yeux fatigués ; et la lune aussi – aussi pâle que notre âme – que nos lèvres – décharnées...

Contre soi – la source ; et tous les rêves du voyageur...

A moitié parti – déjà ; et les paupières closes – celui qui croit savoir – celui qui croit avoir vu...

 

 

Se révéler – comme la pierre qui chante ; qui néglige les démons qu'elle porte ; qui ose défier le silence et la respiration des hommes ; qui pénètre l'infini préservé des étoiles factices ; qui contemple – tressaillante – la terre – le ciel – l'infâme et le merveilleux...

Inguérissable ; et déjà guérie...

 

 

A travers la blessure des mortels ; la charge et l'écart qui les caractérisent...

L'évidence qui émerge de l'incertitude...

L'être – en dépit de tout...

Rien – malgré l'abondance et la multitude...

L'énigme – sur la pointe du doigt – emportée par la danse – le vent qui n'épargne personne...

Le monde et la poussière – sous ce ciel (incroyablement) nocturne...

Et ce rire – sans égal ; comme un passeur d'enfance...

 

*

 

Répudiée – à tort – la liberté vacante ; à laquelle on préfère les petites secousses de l'inertie – l'attente sage et patiente de l'agonie (studieusement) préparée...

Ni élan – ni vertige ; ni ailes – ni incandescence ; la petite mort des jours qui se suivent (et qui se ressemblent) ;

Ni le grand saut – ni l'inconnu embrassé – ni l'incertitude (amoureusement) étreinte ; la ligne droite – le fil rouge vers la tombe fleurie...

En chacun – se perd – se dilue – l'infini – l'éternité – la joie ; la flamme vive des jours...

 

 

Sur le déclin ; là où tout commence...

La mort devancée ; la disparition avant l'heure...

Sans héritage – sans semence à disséminer...

Le lent effacement ; une manière de quitter le monde ; de (réellement) s'abandonner...

 

 

Ce que l'on comprend – obscurément...

Ce à quoi l'on acquiesce – aveuglément...

Le visage illuminé ; et l'âme étreinte...

Les privilèges (méconnus) de la solitude ; et du silence...

L'étendue – à perte de vue – à l'intérieur...

La pierre – le monde – le ciel ; en filigrane...

Là où la ligne s'attarde – là où l'encre et le mot deviennent le seuil...

Qu'importe où l'on se trouve ; le cœur toujours à sa portée...

 

 

Ce qui nous heurte ; ce à quoi l'on se heurte...

Le monde – égal à lui-même...

Et nous – (plutôt) du côté des signes et de la discrétion...

Sur le versant de l'épreuve et du labeur ; en soi – (presque) rien de la paresse...

Et la sensibilité qui erre à la périphérie du vivant ; cherchant la possibilité de l'aube et de l'oubli ; le corps encore englué dans l'insupportable...

 

*

 

Le dehors brûlé ; et nous – à la lisière...

Échappant (tentant d'échapper) au monde enragé – emporté par son délire...

Les ailes rabattues dans le silence – nous invisibilisant – arpentant (discrètement) le seuil à la recherche d'un passage réservé à ceux qui ont déposé leur nom – leurs armes – leurs couleurs et leurs bagages – qui ont laissé leur âme s'étourdir à l'approche du vide ; et entrant, à présent, humblement – la tête baissée – dans le lieu commun – découvrant l'étendue dont nul ne peut se réclamer...

 

 

L'âme – dans le ciel – déjà...

Partagé entre le monde et l'envol...

Entre la blessure et le silence...

D'un soleil à l'autre ; de manière équivoque...

Sensible aux hurlements et à l'espace que, sans cesse, nous refusons – que, sans cesse, nous révoquons...

Condamné(s) aux murs ; et à toutes les frontières inventées ; l'esprit en quête de quiétude...

 

 

Atrocement transformé par le manque...

Les mains retenues par l'absence...

La nuit – à la hâte...

Et l'aube (entièrement) repeinte...

Comme pour consolider l'illusion...

 

 

La mémoire passée au crible ; sans repère – sans étoile...

Et la foule insistante des souvenirs (très) antérieurs ; comme des vagues successives...

Une forme d'exercice pour tenter d'apaiser l'angoisse (fort compréhensible) du devenir ; et apprivoiser ainsi la boucle du cœur – des lèvres – du monde...

Une manière d'échapper à ces va-et-vient incessants – d'une terre à l'autre – sans rien comprendre des intrications – des entremêlements – entre la matière et l'esprit...

L'âme dispersée ; plongé(s) au cœur de ce voyage éternel...

Et la lumière – si imprévisible – et si salutaire – recouverte par cette épaisse enveloppe de boue étrangement animée par la peur – par la faim et la soif...

 

*

 

Autour du corps – le flot – le flux ; ininterrompus...

Et dans la tête – le tournis...

Mille rais de lumière sur la peau diaphane – la masse sombre...

Et les âmes – à la surface – comme coincées entre les cris et l'illusion...

Avec le désir du plus sauvage qui émerge – peu à peu ; de plus en plus manifeste...

Comme sortir – de son vivant – de son propre cadavre ; s'extraire de cette dépouille mal en point – de ce corps moribond...

Un pas peut-être – vers la lumière ; ce qui nous attend...

 

 

Un escalier – une parenthèse – à l'abri des bruits et des drames du monde – des Autres...

Un instant – un envol...

Quelque chose du feu ; ce qui se consume (ardemment) dans les flammes...

Le poème – à travers le prisme du regard qui fait la part des choses entre le râle et l'agonie – entre la trame et l'obscénité ; une perspective au-delà de tout calcul...

 

 

La rive descendue...

Le monde pris à témoin...

Le cœur libre et ouvert – penché sur l'âme ; et sur la feuille...

Des signes d'une main ferme – inhésitante...

Ni trésor – ni feuilleton...

La tête rassurée par le sourire esquissé par l'invisible...

Pour soi – le reflet de la forme – cet étrange miroir pour les Autres...

 

 

Du vent dans la parole – qui souffle en rafales...

Jusqu'à satiété – des mots – du monde ; quelque chose de l'abondance – de la profusion...

Des lèvres pressées les unes contre les autres ; et qui cherchent, ainsi – en vain, à s'abreuver à la source...

L'enfance caricaturée...

Et chez d'Autres – quelques-uns, une (farouche) volonté de s'élever au-dessus des bavardages et des attentes – des perspectives habituelles ; une manière (sans doute) d'échapper à l'humanité – en l'homme – qui sommeille...

 

*

 

Devant le monde – l'absence ; le précipice spéculaire ; ce que l'on offre (communément)...

Une opacité naturelle – sans surveillance...

Aux frontières de la rage et de l'indigence...

Devant des âmes faméliques – nos petits travaux ; ce qui a nourri le geste juste – le regard clair...

Collé au cours des choses – sans idée – sans image – sans a priori – sans arrière-pensée...

Le vide ; pas même en référence...

 

 

Sans filtre – la joie – le ciel – l'angoisse – le vent qui cingle ou qui caresse ; ce qui advient – ce qui s'invite ; ce qui s'impose...

Le monde en mouvement ; et les méandres de l'âme ; la vie brute – sans falsifier les circonstances – accueillies – et éprouvées – telles qu'elles se présentent ; sans déguisement...

Sur le fil – (presque) toujours...

Entre le miroir et la mort – entre le précipice et le sang – en déséquilibre – ajournant (à chaque instant) la chute au pas suivant...

 

 

Être – sans trace – sans brûler – à la manière d'un soleil affranchi – libéré de la matière...

Rayonnant d'une lumière invisible (et apaisante) – au milieu de la nuit – pour guider les lèvres et les âmes vers ce qu'elles portent...

De la tendresse et du silence pour remplacer le bavardage et la terreur...

Un lieu comme un point de retournement ; de l'apparence jusqu'à l'origine...

 

 

Dans la paume serrée – une pierre noire...

L'âme à flanc de rêve – en plein désarroi...

Des cris pour combler le manque – tenter de remplir le vide causé par la perte (supposément) originelle...

Le corps penché sur ce qui a été oublié...

Le cœur ratissant – en vain – toutes les routes du monde...

Seule une pierre noire – dans la paume serrée...

 

*

 

La somnolence pierreuse...

L'absence d'air dans la pénombre...

L'acharnement à vivre malgré la peur – malgré la faim – malgré l'horizon clôturé...

La survie (à peine) du corps ; l'âme comme oubliée – quasi inexistante – presque moribonde...

L'étrange accommodation à la pauvreté de cette existence...

 

 

L'aube sur le monde décomposé...

L’œil à la dérive ; vers la cécité...

La terre-pouponnière et la terre-mouroir...

Et de la naissance au trépas ; la guerre – le combat – le conflit ; sa peau à sauver pour si peu de chose(s)...

La filière de la destruction ; comme une longue (une très longue) lignée...

De la chair – des corps – des cadavres...

Du sang et des fissures ; et le parfum tenace (et envoûtant) de la mort – dans toutes les têtes – dans toutes les bouches...

Jusqu'à l'écroulement ; puis, un trou dans la terre...

 

 

La terre refoulée par les vents – par les mots...

Dans un tourbillon de chair emportée...

Le ciel – le vide ; sans appel...

Agrippés aux choses – sous la voûte – décalés...

Des torrents de boue – des ruissellements aveugles...

Et dans l'âme ; l'écho de la chute – juste avant l'écrasement...

 

 

Des bruits feutrés...

Des pierres en cascade...

Des brisures et des roulades...

La voix meurtrie ; le cœur (progressivement) arraché...

Le jour nomade qui se replie...

A la hâte ; la débandade...

Le ciel déchiré par la pointe du rêve...

Tout qui brûle ; l'étoffe déployée dans le sommeil...

Et dans les flammes – trop d'images épargnées...

Le monde ; pas (encore) prêt à quitter ses cimes imaginaires (minuscules et rafistolées)...

 

*

 

La couleur du monde ; et sa douleur...

Des yeux comme l'on écrit ; et à l'intérieur – cet espace et cette flamme...

Le voyage ; d'un bout à l'autre de l'âme...

Du rouge encore sur les ailes naissantes ; et un peu de chair encore entre les dents...

Qu'importe que le bleu nous ait (en partie) découvert...

 

 

La trame percée – la trame creusée – tantôt par les dents affamées – tantôt par le cœur assoiffé...

Jamais là où le plus précieux se retranche...

Sur des seuils trop lointains ; à des embranchements où la volonté égare...

Et sur la page où l'invisible se dessine – malgré soi – presque jamais...

 

 

Un chant dans les bourrasques et le brouhaha ; pour ce qui est, en nous, attentif – respectueux – agenouillé ; les autres parts se servant avec ruse – avec rudesse – du reste ; ce qui résiste ; et suscite (sans doute) la convoitise...

 

 

Rassemblés – la pierre et le ciel...

Notre visage humble et incliné...

A la verticale du monde...

Les ténèbres (enfin) éclairées...

Fidèle à la mort et à l'oubli...

L'étoffe dépliée ; l'étendue sur laquelle se côtoient (sans contradiction) la misère et la joie – ceux qui chantent et ceux qui tuent – les morts et les vivants...

Et au fond de l'âme ; ce qui est plus précieux que l'or...

 

 

Au faîte de l'arbre – quelques oiseaux familiers...

De ceux qui ne s'avouent jamais vaincus face à la nuit – face à ce qui guette dans le ciel – sous les frondaisons...

Le chemin des portes bleues qu'aucune ombre ne peut arpenter...

La sente des plus simples – de ceux qui se sont abandonnés aux courants et à l'envergure naturels...

L'ampleur et la spontanéité discrètes et anonymes ; l'infini et l'invisible apprivoisés...

 

*

 

Des liasses de choses défaites – abandonnées...

Les yeux hagards...

Sur le bas-côté...

Une enfilade de portes – franchies – d'un même élan...

Et la fatigue – à présent ; mille siècles de solitude (et, sans doute, davantage)...

L'âme sèche à force de refuser l'écume du monde...

Rien ; plus la moindre séparation...

La vie – la mort – le voyage ; le même pas ; et la même immobilité...

Ce que propose (humblement) cette parole...

 

 

Sans socle – sans trépied – sans visée...

Le corps et l'âme qui se soulèvent – au gré de ce qui les porte...

Le vent – la soif ; vers l'enfance – toujours...

Sans erreur possible ; avec des détours – parfois...

Du sommeil à l’œil ouvert ; de l'ignorance à la jubilation ; sans triomphe – sans tricherie – ni bouc émissaire...

 

 

Quelques années sur la pierre...

De manière auto-suffisante...

Parmi les bêtes – au cœur de la forêt...

Le ciel – le vent – les arbres...

La tête plus ample que le monde...

La joie sauvage et solitaire...

L'abri au fond de l'âme – protégé(e) par le silence et le hurlement nocturne de ceux qui vivent dans les bois...

La lumière et le cœur territorial...

En ce lieu qui n'a pas de nom...

 

 

Sans autre Dieu que ceux qui habitent le vide...

Sans croix – sans péché – sans cortège...

Sur l'autel naturel du monde – le soleil et la pluie – la vie brute – le visage incliné...

Absorbé par l'immensité...

Rien – ni personne ; seul un immense sourire qu'aucune circonstance ne pourrait altérer...

 

*

 

Les mains de l'enfance sur les murs de la terreur – le territoire du monde...

Rouge sang ; et la chair inerte – morte ou pétrie de peur...

Trop de pression – de frottement – de tristesse...

Des empreintes – seulement – (en partie) effacées...

Quelque chose du jour qui a disparu...

Et la honte – à présent – de voir la terre ployer sous les cadavres...

Et le ciel obstrué par toute cette noirceur...

Et la puanteur des corps en putréfaction ; et l'indifférence des cœurs ensommeillés...

En soi – partout – la désespérance de l'homme...

Qu'y a-t-il donc à aimer sur ces rives sinon ce qui est en deçà et au-delà ; et ce qui hurle à travers la matière animée – déchirée et déchirante – vouée à cet éternel sacrifice...

 

 

L'extrême transparence du ciel débarrassé de ses scories ; la mort – la lune – Dieu – les étoiles...

L'impossibilité de l'éclipse – de l'écart...

En plein cœur – intensément...

Au-delà des conventions – de la tiédeur commune – de la neutralité prescrite (par les sages)...

A travers le grand cirque ; et le simulacre des vivants...

La part indestructible du monde...

 

*

 

A ce point – la pierre...

Rien que la pierre ; et un peu de ciel...

Ni grille – ni Autre...

Le jour – en soi – penché ; fidèle à la courbure de l'âme...

Le côté sombre – devant – exposé – sans honte – sans retenue – sans interdit...

A la vie – à la mort ; (parfaitement) authentique...

Sans espoir – sans crainte...

Le pas devenu roche ; avec, dans le souffle – l'ardeur – l'immobilité ; un peu d'éternité – peut-être...

 

 

A humer l'essence du monde...

Sur la pierre – au cœur du poème...

La mort, peu à peu, apprivoisée...

Et des ombres encore (bien sûr) qui parsèment nos lignes ; sous nos pas...

Et des fleurs aussi ; plus belles que les étoiles ; vivantes...

Sous l'emprise – invisible – du bleu...

 

 

Dieu – dans les plis de la chair...

Parfois lampe – parfois cri – parfois horizon...

Le cœur vertical – sans hiérarchie...

Ni choix – ni désir...

Ce qui s'impose – toujours – l'emporte (sans souffrir la moindre exception)...

Dieu s'invitant dans la boîte – en quelque sorte ; tout – le monde – le temps – le geste – l'existence et le pas – initiés par ce qui nous porte...

 

 

La rage destructrice – sous le front – sur la ligne – et dans le geste parfois (plus rarement)...

Soi – déchiré – en quelque sorte – partagé entre l'aube et la roche noire...

Plongé au cœur de la foule ; et, à la fois, un pas de côté...

Entre solitude et appartenance – plus ou moins lointaine – plus ou moins nécessaire...

Plus proche de la trace que de l'écoute...

Encore si profondément animal...

 

 

A la dérive – sous le soleil – captif...

Au cœur de cet étrange face à face entre le monstre et la folie...

Notre visage et ses reflets (tous ses reflets)...

La mort accolée à nos gestes (à tous nos gestes)...

Sans garde-fou – l'un et l'autre...

Les fondements même de la pyramide et de la barbarie...

Le monde humain – tel qu'il s'éprouve – tel qu'on le voit...

 

 

L’œil éruptif...

Le monde – le bleu – comme évaporés...

A la manière d'un retour de boucle ; une sorte d'expansion...

Et rien pour dire – lèvres fermées ; la bouche occupée à ingurgiter ce que réclame le ventre...

La parole – comme une exaptation à venir – hypothétique – à réinventer (peut-être) ; lorsque la douleur et l'incompréhension seront à leur comble ; lorsque la faim sera suffisamment rassasiée...

Ainsi – sans doute – commencera la filiation...

 

 

A genoux – au cœur de la nuit maléfique – caressante...

Des lignes et des pas – comme des gestes ; de plus en plus indistincts...

La vie – l'Amour – la terre ; ce qui s'écrit – ce dont on témoigne...

Mu – de l'intérieur – par le souffle qui nous habite...

 

*

 

Le reflet du monde – dans le creux de la main ; paume ouverte – paume fermée...

Et ce trouble à la moindre pierre lancée...

Des ondes dans l'obscur ; des échos et une résonance – en quelque sorte...

Et la chambre hantée ; peuplée, pourtant – elle aussi, de vide et de lumière...

Et les rêves qui se brisent – un à un – sur ces rives posées entre le ciel et l'abîme – là où le noir et le rouge alternent – inlassablement...

Des chimères ; la mort et de la matière – au milieu de l'espace – au milieu de l'illusion...

 

 

L'esprit soucieux...

L'épaule appuyée sur l'écume...

Et cette respiration au cœur de l'impossible...

Des manques et des yeux clos ; des alliances – des ruses et des mensonges – (sans doute) les principales règles du jeu...

Le monde – entre l'escroquerie et la douleur – l'espérance...

Et ces inscriptions (émouvantes – pathétiques) que l'on voit gravées sur toutes les tombes ; et nos pensées – émues et authentiques – pour ceux qui n'en ont pas ; et qui se couchent (discrètement ou à grand bruit) sur le sol – avalés par la terre – oubliés par le monde...

 

 

Arraché à la masse moribonde – insouciante – jouant et commerçant – comme si sa survie en dépendait...

Lovée dans le sol – aussi confortablement que possible – plongée dans une sorte de parenthèse – un gouffre – un abîme – un suspens – à l'écart de tout vertige – de toute intensité...

Dans une routine ressassante ; dans le cumul des jours ordinaires...

Piégée – en quelque sorte – dans la matière ; et les excès de la psyché...

 

 

Loyal envers cette (longue) lignée anonyme...

Le vide et la langue – célébrés ; autant que le souffle et le geste...

Au commencement du silence ; adossé...

Loin du monde ; loin des hommes...

Étranger à tout bavardage – à tout superflu...

Le nom que l'on ignore (que l'on continue d'ignorer) ; au cœur de l'espace auquel on voue un culte – en quelque sorte...

Entre la simplicité et l'effacement ; face à la lumière qui vient – qui monte ; à l'intérieur – bleu – comme un attelage lancé vers l'infini...

 

*

 

Obscurément – la nuit ; et l'effervescence...

Ce qui rougeoie devant l'impossible ; et qui patiente ; et qui lutte ; comme condamné à l'effort et à la volonté...

Le ciel – loin – devant ; plus haut ; et vers lequel on ne parvient à hisser sa douleur...

Et l'ardeur – et le souffle – qui manquent...

Et le sommeil – trop profond ; et la charge – trop lourde – peut-être...

L'âme partagée – déchirée – qui ne peut se résoudre à la noirceur du monde ; et incapable, pourtant, d'affronter la lumière...

De long en large – sur le même rivage – indéfiniment...

 

 

Un chant – un chemin...

Sur le passage des Dieux...

Proche (très proche) des bêtes à l'âme légère – à l'âme rêveuse...

Mais encore trop humain – sans doute – pour se fondre dans le monde (naturel) ; et dans l'immensité ; alors en attendant – on essaie de se faire (très humblement) les lèvres – tendres et résistantes – de la terre...

 

 

Des souches de vent – arrimées à l'espace...

De l'énergie regorgeante...

Sur un fil de lumière...

Des éclats – un scintillement ; et de la sauvagerie...

Et cette mainmise (bien sûr) sur tout ce qui traverse le monde – le temps ; et l'immensité...

L'Absolu à l’œuvre ; quoi que l'on en pense ; quoi que nous fassions...

 

 

Seul – solitaire ; et s'assumant (autant que possible)...

Arpentant les profondeurs – sans jamais s'emmurer...

A la manière d'un goutte à goutte excentrique – démesuré...

De l'encre et de la sueur ; le prix des pas ; ce qu'il faut pour s'offrir ce (grand) voyage...

Dans les sous-sols de la joie ; et, quelque part, du soleil...

Au bord de l'épuisement – très souvent ; sur cette sente qui circule entre l'homme – les bêtes et les Dieux ; entre le rêve – la folie et la mort...

D'un angle à l'autre ; et l'écart qui se creuse ; pour finir (peut-être) – pour finir (sans doute) – introuvable – dans un coin...

Hors du monde – assurément...

 

*

 

Dans la trame – le jour pénétrant...

Le sol effiloché – le vent vigoureux...

Le soleil ; la terre – le ciel ; et toute la clique des créatures – à leurs côtés...

La foule essoufflée – grasse et inactive – complice de tous les rapts – de tous les forfaits – de tous les assassinats ; plongée dans cette folle indifférence – comme de la glace tranchante qui colle la peau au froid ; et qui finit par être arrachée par la masse excitée qui tire à hue et à dia pour s'offrir un bout de chair...

La bouche (grande) ouverte – affamée – dégoulinante de bave ; l'odieux outil d'un corps difforme – abject – monstrueux...

Et cette lumière – dans l'âme – et au fond des yeux – qui tarde à venir...

Comme coupée(s) de la source – la paresse et la barbarie ; cette inertie et cette cruauté – ordinaires – qui occupent (presque) toutes les têtes – qui occupent (presque) tous les gestes ; comme si nous vivions au fond d'un abîme recouvert de terre – une sorte de gouffre muni d'un couvercle inamovible que (presque) aucun ne peut voir...

 

 

Le pas troublé ; les battements du cœur – étranges – étrangers – de plus en plus...

Et ce cri enfoncé dans la gorge – comme un élan contrarié – stoppé net – comme embourbé ; timide – timoré – manquant d'ardeur – peut-être...

Et la mort – devant les yeux – comme une flamme dansante...

A contempler le jour ; et le sommeil autour de soi...

De plus en plus simples ; la vie – le geste – ce qui s'écrit...

La parole brûlante ; et l'âme (en partie) apaisée...

 

 

Bleu – comme l'espace qui déborde...

La lumière indéfinie qui se cache dans le désert ; et la main...

Immobiles malgré la ronde des rêves et des étoiles...

Comme la rivière – dans son lit ; la longue suite des circonstances...

Le cours des choses – variable(s) et inchangé(es)...

Au milieu des couleurs ; les oiseaux et ce qui mord la poussière...

Aussi vivant(s) que possible...

 

*

 

Vers le ciel – sans impatience...

Sans que ne sonne la moindre cloche...

D'hiver en hiver jusqu'à la saison de la lumière ; les mains en plein jour ; les gestes comme une longue prière...

Un feu avec quelques branches mortes pour réchauffer son âme ; et le corps endolori par les longues nuits de veille...

Simple – comme le silence – comme l'ombre qui s'approche...

Avec le poids des larmes ; et l'absence de sommeil...

La route ouverte (si ouverte) ; la route royale (si majestueuse) ; sans aucun doute – l'une des plus belles voies...

 

 

Sans conversion – sans lendemain...

Autour de la tristesse ; derrière le chemin clos...

Aux quatre vents ; près de la tête trop pensive...

Allant de son poids – sans retour possible...

A se balancer ainsi – sans fin – sur le fil du monde – sur le fil du temps – à contre-courant des foules – en déséquilibre ; en vérité – quelques pas (à peine) avant de mourir – quelques gestes (à peine) avant d'être capable d'aimer ; quelques souffles (à peine) avant la chute abyssale...

 

 

Sans souffrance – la lecture du monde ; l'horreur affichée – orchestrée ; et consignée sur la page...

Comme une corde lancée à ceux qui en pâtissent – à ceux qui rêvent d'une issue...

Engagé ; comme un contre-chant pour tenter d'accroître la clarté – d'offrir au souffle l'ardeur nécessaire pour une marche au long cours...

Un sursaut – de l'intérieur – pour résister à la dérive des hommes vers l'innommable...

 

 

Le réel – en face...

Une étreinte sans pincette...

Ici – à chavirer (si souvent) au cœur des vagues...

Jusqu'au ciel submergé – de temps à autre...

Unis – indéfectiblement – le bleu et la substance...

Agenouillé devant ce qui surgit comme un diable de sa boîte...

Rien qu'un mur à fissurer pour apercevoir toute l'envergure de l'étendue...

 

*

 

Une pierre – devant soi – ou, peut-être, un visage...

Le monde ; de la poussière et de la cendre...

Quelques traces ; et du sang – assez furtivement...

La même obscurité ; dans les gestes – dans les yeux...

La mort en filigrane de tout ce qui est vivant ; bien davantage qu'un point d'entrée et qu'un point de sortie ; ce qui se mêle à chaque mouvement – bien plus nombreux que les jours qui passent...

La vie – sans mystère – sans simplicité...

Ce qui se déroule – malgré soi...

Le feu – ce qui anime la matière ; et ce qui la dévore aussi (bien sûr)...

 

 

La lumière – au fond de ce que nous sommes...

Au bout de cette longue veille...

Quelques mots – dans le cœur confiant...

Avant le long silence qui va nous recouvrir...

 

 

Le cœur strié...

L'âme encore intacte – dans l'interstice ; comme protégée par l'épaisseur de la chair – malgré l'ampleur des menaces...

De la terre – dans les yeux ouverts...

Des traces (presque) invisibles – à essayer de suivre...

A nous croiser – à nous saluer – à nous rencontrer – sans en avoir l'air...

A travers l'inquiétude – l'enfance et l'allégresse...

Quelque chose du flux et de la lumière – malgré la gravité et l'enchevêtrement de la matière...

 

 

Le jour renversé – au plus lointain...

Parmi les mouvements ; et le silence...

L'aube graduée (au millimètre près)...

Des hauteurs à la vie encordée – puis, inversement...

L'apprentissage (progressif) du vide et de la liberté ; ce qui se trame avec ou sans acharnement ; la même boucle – aller et retour...

 

*

 

Le poids de tant de rien(s) sur la terre – en guise d'Amour ; en guise de lumière...

Du bruit – dans le cœur de ceux qui vivent ; et du silence – dans le cœur de ceux qui s'en vont...

Le vivant sur sa branche – traversé par le chant – le plus ordinaire – le plus sacré...

Et la clarté – au loin – sans pouvoir se méprendre...

Et en attendant – d'un souci à l'autre ; le cumul (inutile) des souvenirs...

Jamais de vie simple – de pas simples ; et acquiesçant (trop rarement) à la mort au jour dernier...

 

 

Au cœur de l'absence – l'échine courbée...

L'hiver déjà ; l'hiver toujours – la seule saison (sans doute) dans le cœur de l'homme...

A moitié bête – dans la pénombre – aux aguets ou pétrifié(e) de crainte ; et l'autre part – entre la folie et la mort ; déjà condamné(e)(s)...

Du rougeoiement et des cendres – sur ces rives blanches ; (presque) jamais d'âme éclairée ; (presque) jamais d'achèvement joyeux...

 

 

Ici – seul ; et le monde – au loin – qui (autrefois) servit de lieu d'apprentissage – un espace propédeutique (en quelque sorte) – simple préalable à l'exploration des profondeurs de l'âme ; un bref (et incontournable) passage avant la plongée en eaux troubles (et turbulentes) ; avant la (longue) traversée des rives solitaires où la seule ombre tient à notre présence encore trop consistante – encore trop circonscrite – encore trop peu familière de tous les processus de transformation nécessaires...

 

 

Comme un suspens – face à la peur ; et le cauchemar des Autres...

Le refus du délire – des règles monstrueuses ; des règles proliférantes...

Hors de soi ; l'impossibilité du réconfort ; l'impossibilité de l'éclairage et de l'issue...

Et ce que l'on privilégie ; le geste et la parole (libres – libérés) au lieu du rêve et des chimères ; la géographie de l'infini et de l'intime plutôt que la carte des désirs – la seule perspective acceptable en ce monde...

 

*

 

Cette longue ligne – sans cesse – reprise...

Un seul trait de plume ; vers le jour...

De l'origine à l'origine – en passant par quelques ténèbres...

Le feutre et le pas – peu à peu – qui se confondent...

Un seul chemin ; la page-vie – la page-monde ; l'existence qui offre son témoignage...

Ce qui est expérimenté ; ce qui est éprouvé ; au cours de cette étrange aventure...

Sans complaisance – sans affiliation...

Le pli qui, au fil du voyage, se referme ; et qui disparaît ; l'infini qui (enfin) se découvre...

 

 

Cet écart – comme un legs pour le monde ; notre effacement...

La tête évidée ; et à mesure du débarrassement – la parole plus incisive – bordée de silence – peuplée de silence...

Sans ornementation ; ce qui porte la lumière ; la clarté et le sourire – offerts (très) discrètement – (presque) de manière anonyme...

 

*

 

Sous le feuillage éclairé...

En quel pays – la quiétude...

Loin des mortels angoissés – gorgés de peines – de désirs – de pauvreté...

Ici – dans l'alignement des astres ; la terre tournante – le destin déclinant...

Emporté – à son insu – vers l'immensité...

Au cœur d'une nuit devenue introuvable...

A cheval sur le jour ; comme un salut ; bien davantage (bien sûr) qu'une solution...

 

 

Le bruit des Autres ; et le bruit du temps – dans la tête saturée – comme une menace ; les assauts (incessants) de l'obscurité...

A grands pas – à travers le monde – à travers le vent – vers le territoire naissant – vers le territoire ressuscité – vers le territoire éternel...

La vie de l'autre côté du mur ; les choses et le regard – transparents...

 

 

L'imaginaire par-dessus le monde...

Comme des lèvres souriantes dessinées sur un visage patibulaire ; un masque rose – en quelque sorte – comme pour oublier ce qui domine ; la guerre – la violence – l'obscurité...

Le jour écrasé par nos méandres et nos labours...

Une terre (trop) fertile où prolifèrent la bêtise – la maladresse – l'inconséquence...

 

 

Le temps écarté...

L'heure insomniaque...

L'enfance – la fleur – le cœur – naissant – puis déclinant...

L'univers qui consent à toutes les possibilités ; jusqu'aux têtes précipitées dans la folie – jusqu'à la mort indéfiniment...

L'obscurité comme un règne ; la nuit offerte – qui s'apprivoise...

Et l'encre qui joue avec le monde – avec le vide et le silence ; en laissant apparaître son jeu dans la parole inscrite – (très) provisoirement – sur la page...

De l'ardeur et des étoiles – (singulièrement) intriquées ; l'un des nombreux processus terrestres à l’œuvre...

Et la marche à rebours (bien sûr) – jusqu'au seuil (déjà mille fois franchi) de l'origine...

La vie – la mort – le voyage ; comme d'incessants allers et retours ; ce qui ne connaîtra (sans doute) jamais de fin...

 

 

A même la trame ; toutes les ombres – et la lumière ; ce qui s'y trouve ; ce que l'on y met ; ce qui s'invente ; toutes les combinaisons possibles...

Qu'importe nos râles et nos gémissements...

 

*

 

Le jour ensemencé – au fond du cœur – au fond des choses ; et qu'il faut aller chercher ; et qu'il faut remonter – pour qu'il naisse au monde ; les mains cherchant dans l'invisible – dans la glaise – un peu partout – à quatre pattes – la tête emmêlée aux racines et au ciel...

Sur le sol – sur la crête – en déséquilibre ; le pas hésitant – au-dessus de l'absurdité apparente...

Et – sans surprise – de plus en plus nu(s) – et lumineux – à mesure que la fouille avance – à mesure que l'immobilité et le silence s'imposent ; le trésor (déjà) au bout des doigts – au fond du regard qui sait (au-delà – bien sûr – de tout savoir)...

 

 

Accueillir – l'ombre et la terreur ; ce qui nous constitue – l'épaisseur – les pierres entassées ; le cumul des malheurs ; et le joyau éparpillé – dispersé aux quatre coins du cœur...

Des trappes – une (très) longue série de trappes – qu'il faut ouvrir ; des passages à travers lesquels il faut se glisser ; des seuils métaphysiques ; du ciel et de la boue...

 

*

 

De la pointe du pied ; l'air – l'eau – la terre – le jeu du monde...

La pierre sur laquelle on écrit...

Les yeux aveugles ; et les corps mutilés...

La foule réunie au cœur du brasier ; ce dont on s'éloigne...

Ce qui nous attend – depuis toujours...

Dans la perspective d'embrasser le plus sauvage – le plus vivant...

Le temps de l'effacement et de la disparition...

 

 

Tant de peines – dans la balance...

La main ivre – délirante – qui pioche dans un sac ; un destin et sa longue série de conséquences...

De l'absence ; et (bien sûr) l'impossibilité de l'achèvement...

Des chutes et des manquements ; toute la grisaille terrestre – comme un épais manteau sur notre peau grelottante...

 

 

Adossé au vide...

Ce qui passe – en un éclair...

Le temps d'un sourire – d'un geste...

La mort parvenue...

Sans compter les conséquences ; l'absence spéculaire – comme dédoublée...

Rien au fond des yeux...

Un semblant d'assurance...

L'infini en boucle ; l'infini répudié ; qui se joue de nos dissemblances – de notre (merveilleuse) aptitude à l'illusion...

 

25 janvier 2023

Carnet n°283 Au jour le jour

Juin 2022

La vie blessée – blessante – métamorphosée...

Comme des flèches dans le sang...

La chair rouge et tuméfiée...

Et cette substance que perforent – que déchirent – que dévorent – les Autres...

De la matière à vivre...

Ce que l'on expérimente ; de la fleur à l'oiseau...

 

 

Les couleurs changeantes de l'âme...

Comme des ombres dans le miroir qui tournoient au milieu des rêves...

Et comme le reste ; silencieusement mortel...

 

 

Des empreintes sur la peau du monde...

Et dans l'air – le parfum de la mort – le parfum de l'abandon...

Si proches (encore) des esprits ; si enclins aux caprices et aux coups...

A vivre au temps de la terreur qui perdure ; le cœur affolé...

 

*

 

Le jour dans l’œil qui voit ; qui s'est substitué à la roche...

La terre – le cœur battant...

L'âme (enfin) perceptible à travers le geste ; comme une (large) fenêtre...

Un peu de vent ; et du silence...

L'infini qui nous étreint ; bien décidé à nous accomplir – à nous effacer...

 

 

Sous l'écume emportée – vibrionnante...

L'épaisseur inerte ; des kilomètres de matière tiède et molle...

Du désordre et de la confusion sous l'indolence apparente...

Le bouillonnement des désirs ; des tourbillons qui se succèdent...

Le portrait d'un monde féroce et (déjà) obsolète ; l'humanité d'autrefois qui s'accroche à ses privilèges – qui renâcle à céder la place – à offrir un autre visage à l'espace...

 

 

Le cœur creux et soupirant – à force de s'aguerrir...

Oublieux de ce qui existe – à dessein...

Recouvert de piques et d'écailles – comme la figure légendaire du guerrier aztèque...

Lance à la main – prêt à empaler ce qui passe...

Chasseur blessé blessant ce qui pourrait (dans la tête de tous les barbares) faire office de gibier...

Le monde entier dans la main ; et le ventre plein ; l'âme asséchée – (presque) moribonde...

 

 

La substance emprisonnée...

Au cœur même de l'étoffe...

Des couleurs et des reflets ; ce qui ondule à la surface...

La terre dansante...

Sous la coupole grise du ciel...

Des choses édifiées dans le vide – au gré des ambitions – au gré des circonstances...

L'aurore figée dans la matière que nos tremblements parviennent (parfois) à libérer ; comme un trop plein d'émotion – un regain d'innocence...

 

*

 

L'esprit au large – au plus près des mots...

Au cœur du souffle – l'air et le geste libres...

La lumière offerte ; et, de temps à autre, le repos nécessaire...

Le bleu – à l'intérieur – qui remplace toutes les promesses des hommes...

Le secret qui, peu à peu, se dévoile...

Et toutes les choses abandonnées ; livrées au monde ; laissées telles quelles...

 

 

Coup après coup – sur la matière vivante – qui finit par rougir – par bleuir – à force de plaies – à force de contusions...

Le sang séché sur ce qui n'a de nom ; et qui nous est si cher ; bien davantage que l'homme – sans doute...

La communauté de ceux que l'humanité a toujours ignorés – méprisés – utilisés – assassinés ; le rire aux lèvres et le cœur insouciant ; ceux qui nous ont précédés et qui nous survivront...

Le plus précieux ; l'esprit sans ombre et l'âme innocente ; ce qui sauvera, peut-être, les cœurs les plus sensibles...

 

 

Le visage marqué par le feu – l'ardeur du trafic et du sang...

Le monde affairé – circulant ; là où se précipite le temps...

Le ciel à peine entrevu...

Le sol parcouru à la hâte ; et le territoire des Dieux ignoré...

Tout ; prétexte au pugilat...

Des rafles et des conquêtes ; des heures et des vies faussement héroïques...

Des hommes et des montagnes – déplacés...

De la sueur et de l'écume ; et son lot de morts – pour remplir les interstices de la terre...

Le doigt pointé vers l'horizon – vers de nouvelles terres – comme si l'Absolu (humain) ne se déclinait qu'horizontalement...

 

 

La main qui s'ouvre à mesure que le ciel approche...

L'âme alignée sur le cours des choses...

Qu'importe le rythme et l'impatience ; le cœur accueillant...

 

*

 

L'emprise déclinante du monde...

De moins en moins d'efforts – au-dedans ; et le dehors qui reflète tous les états...

La langue libre – déliée – à laquelle les ombres et les mots s'agrippent en vain...

Le centre de gravité qui s'allège ; et se déplace...

De plus en plus autonome – à l'intérieur ; et l'allégeance aux circonstances comme seul impératif...

En amont de la confusion et de la peur...

En soi – au-delà de l'impuissance – au-delà de la volonté – la sauvagerie première, peu à peu, apprivoisée...

Qu'importe les choses et les visages alentour ; l'âme bouleversée ; et le souffle court – au milieu du monde...

 

 

Au détriment de la charge – du surplus ; ce que l'on porte naturellement...

Par delà les apparences – l'essentiel (presque) toujours...

 

 

A travers le chemin – l'assemblée accueillante...

Les yeux humides ; et les lèvres tremblantes...

De la peur à la gratitude...

De ce qui s'accroche au dessaisissement...

Notre manière d'exister en apprenant, peu à peu, à s'effacer...

Le bleu à l'âme ; le blanc à la bouche ; pas si loin de l'infini ; l'apprentissage de la transparence – cette perpétuelle initiation offerte par le voyage...

 

 

D'abord le jour – puis, le chant...

La lumière et la grâce...

La matière poétique (par excellence)...

Au milieu des rêves – au milieu des choses ; des miroirs tendus – comme un ciel entre les mains – où l'on pourrait apercevoir son visage...

Paume contre paume – les doigts enchevêtrés – l'esprit indissociable du reste ; qu'importe l'épaisseur de la matière ; qu'importe la profondeur du sommeil...

Et au creux de l'oreille – le murmure des Dieux qui donne au monde son rythme naturel – entre l'inertie des masses et la cadence de forçat que nous nous imposons...

 

*

 

Le corps aérien – dans la matière – dans l'épaisseur ambiante...

Proche de la distance nécessaire avec l'homme – encore perceptible mais hors de portée de ses plaintes – de ses querelles – de ses manigances...

Plus âpres – et (bien) plus difficiles – qu'autrefois ; la proximité et la cohabitation...

Quelque chose d'imperceptible nous a éloigné...

Ni pourquoi – ni comment ; l'implacable obéissance à ce qui nous porte – à ce qui nous anime...

Sans surprise ; naturellement...

Sans faux-semblant – sans rien cacher...

Seules – aux manettes – les forces qui nous gouvernent – qui nous malaxent – qui nous façonnent...

Comme la pâte du monde entre les mains (habiles) de l'Amour – du silence – de la lumière...

L'esprit en train d'éclore – peut-être...

 

 

Le plus infime soleil...

En bordure du monde – la lumière perceptible...

De quoi éclairer ; et, éventuellement, ouvrir les yeux de ceux qui dorment...

Le vent – des ailes ; et l'immensité à parcourir...

De ciel en ciel jusqu'à découvrir le lieu où nous sommes...

La marche salutaire ; les alentours de l'ignorance...

Et, en définitive, ce que l'on apprend du voyage ; l'accueil inconditionnel du silence – la pure immobilité...

 

 

De l'ombre à l'absence – en un clin d’œil...

De la danse à la guerre – en un claquement de doigts...

Et de l'absence à la lumière ; et de la guerre à la quiétude joyeuse – pendant très (trop) longtemps...

Ce qui nous occupe tous – en somme ; le labeur commun incontournable...

 

*

 

Ce qu'il reste du vivant disparu...

Ce qui échappe à la mort...

Serré contre soi – le dehors...

Dans l'intimité des choses – les jours de liesse et de franche sensibilité...

Ce qui s'apprivoise – (très) naturellement...

Comme le soleil qui réchauffe les corps...

Comme la nuit qui enveloppe le sommeil...

L'expérience – peu banale – du quotidien ; la proximité et l'émerveillement ; ce qui (bien sûr) n'étonne plus personne...

 

 

A reculer encore face aux remous...

Le rire franc – la poigne ferme...

Un peu de lumière et un peu de temps...

Notre manière d'y voir plus clair – dans cette zone d'ombre où le manque est si patent – où la matière creuse sa propre mémoire...

Et notre langue – heureuse – qui racle les rives joyeuses du vide ; le silence...

 

 

Le deuil déclaré...

Ce que l'on porte à l'intérieur – plus authentique que les habits d'apparat – presque lumineux...

Comme un soleil rieur qui libère de la tristesse ; et des assassins ; et de toute chose – en vérité ; et qui révèle au monde une autre vocation (exempte de doléances et de plaintes) – une possibilité ; un (très) mince espoir – diraient certains...

Sous les étoiles et les branches des arbres – ailleurs – au milieu des bêtes endormies – dans l'herbe qui écoute nos râles et recueille notre sang...

Au loin – les canines luisantes du monstre qui transperce – qui dépèce – qui avale son lot d'âmes – son poids de chair ; avec, à chaque bouchée enfournée, un changement infime – quasi imperceptible – dans le cœur des victimes – dans le cœur des bourreaux – qui mettront des millénaires pour se transformer – pour manifester dans leurs gestes un peu de sagesse – un peu de sensibilité...

 

*

 

Au fond de soi – le sommeil...

Et au centre – comme roulée en boule – la lumière...

Les yeux de la terre – à travers l'encre noire – murmurant – se confessant – oubliant momentanément l'agitation du monde – retrouvant le silence (pour quelques instants)...

A travers quelques mots – le poids des malheurs – l'heureuse insomnie...

Entre l'arbre et le dedans – le chemin emprunté...

L'ordinaire des choses ; sans doute – le plus merveilleux...

 

 

Sans brutalité – la solitude – l'intimité...

La bouche muette ; seulement le souffle – la respiration naturelle...

Ce qui s'approche – ce qui daigne s'approcher – au plus près ; ce qui anime le sang – le corps qui bouge – la main qui se tend – le temps qui rétrécit – les créatures qui apparaissent et disparaissent...

Dans l'étroitesse de nos vies – l'infini ; le cœur palpable du vivant...

 

 

La terre et l'arbre – ensemble...

Sans se soucier du martèlement...

Dans le périmètre défini...

L'assise de la différence – en quelque sorte...

Suspendu(s) à leurs murmures – à leur respiration...

Dans le plus grand secret – sans même que nous nous en rendions compte...

Depuis des temps immémoriaux ; et quasiment inchangés – nos pieds nus sur le sol – notre abri sous les frondaisons...

 

 

L'alphabet du ciel – laborieusement déchiffré – comme si l'on pouvait ainsi percer le mystère – transformer l'histoire du monde – découvrir ce que le cœur renferme – arpenter le territoire des Dieux ; et se laisser étreindre par le silence – la vérité...

 

*

 

La trame mise à nu...

Tout contre soi – à même la chair...

Le cœur qui bat...

Des secousses et des avancées ; des allées et venues...

Le monde d'avant et le monde d'après – à cet instant – réunis – ensemble...

Et toutes les forces qui nous traversent – qui nous animent – qui nous agitent...

Des corps – des cris – des mots...

Aussi démuni(s) que le reste...

Ce qui demeure et ce qui se transforme ; dans le désordre – entremêlés...

Mille tourbillons dans le vide...

 

 

A la même hauteur que le jour – le chemin non balisé...

L'espace qui remplace le monde – qui remplace les choses...

Tous nos visages tournés vers nous-même(s)...

Au-delà de l'histoire – (presque) toujours...

 

 

L'immensité à la place des yeux – à la place de l'âme...

Une terre d'accueil et de mélange...

Comme une prière exaucée...

Un phare – une fenêtre – une main tendue...

Quelque chose qui ne s'embarrasse pas des représentations du ciel véhiculées par les hommes...

Ni demande – ni vestige du monde fantasmé ; le geste sobre – précis – nécessaire ; et cet incroyable espace dans le regard ; comme un sourire – une danse – l'impossibilité de l’épuisement ; ce qui demeurera éternellement après la pierre – après l'usage du monde...

 

 

Des mots en abondance ; moins aiguisés que le cœur qui accueille avec discernement ; suffisamment nu – et vide – pour intégrer (momentanément) ce qui surgit – ce qui advient – ce qui s'invite ; et sur lequel glisse ce qui n'est pas né de l'Amour ; très peu de choses – en vérité...

 

*

 

Sans poids – le temps qui passe – le temps qui s'écoule...

Une approche ; une simple perspective...

Un peu d'air dans la trajectoire du vent...

Ce qui se dérobe sous nos pieds lorsque la terre tremble – lorsque le sol s'effondre...

Des mains sur les yeux pour ne pas voir la chute...

Le piège de l'existence – de la durée – là encore – comme toujours – la ronde (infernale) des illusions qui fait tourner la tête...

Comme une ombre – une longue série d'ombres – qui efface l'essentiel de notre visage – de notre joie...

 

 

Indéfiniment – l'attente – la quête – le face à face – ce à quoi nous sommes destiné(s) – ce qui nous anime – ce qui nous (pré)occupe (très essentiellement)...

Une manière de vivre ; et, sans doute, davantage ; ce qu'il y a d'antérieur à la vie et à la mémoire ; la substance que nous sommes – jusqu'à la moelle – à travers la valse (étrange) des déguisements ; à travers la transformation (inévitable) des apparences...

 

 

Ici – sans promesse...

Adossé à ce qui ne peut se méprendre...

L'innocence portée comme une bannière – (très) involontairement...

L'homme d'autrefois – patiemment transformé – métamorphosé en espace d'acquiescement...

Dans un état de vivacité permanent...

La tête dégagée des enfers célébrés par le monde...

Installé en pays (très) incertain ; avec, pour seul horizon, le poème silencieux...

 

 

Né avec les tout premiers continents de l'enfance...

Sous la peau – édifiés en colonnes – le silence – l'architecture de l'ensemble...

A divers degrés – le point de convergence de tous les élans – de toutes les destinations...

 

*

 

Sur la chair – la caresse – la nuit agissante ; et, parfois, le pouvoir des mots...

Sans intention – pourtant – le poète exilé du monde ; presque innocent ; n'écoutant que le ciel et le vent ; l'ardeur juvénile malgré les années...

La main qui façonne l'argile ; les pieds dans la boue...

Toutes les forces tendues vers le silence ; à travers l'expression – quelques riens – dociles – sauvages – naturels – dévoués à la main d'un Autre (bien plus grand que nous)...

 

 

 

Les yeux ouverts – sur le monde – sans accusation...

Au-dedans – la distance nécessaire...

Ce qui passe ; ce qui a lieu ; comment pourrait-on l'ignorer ; comment pourrait-on y échapper...

Des choses qui bougent – des élans – des mouvements...

Quelques vibrations – quelques soubresauts ; une once d'espoir – son lot de tragédies ; et ce qu'il faut de vérité – pour y croire encore (un peu) ; en réalité – un chemin d'adieux que notre ignorance – que nos résistances – rendent (presque toujours) tragique – misérable – douloureux...

 

 

Si l'on vit encore – peut-être...

Qui sait les choses qui nous composent...

Cet amas de bric et de broc – condamné à des millénaires de disette intérieure...

Et le nom dont on nous a affublé ; et dont nul ne se souvient ; comme tombé en désuétude faute d'usage...

Pièce par pièce – morceau après morceau ; notre vie – notre infirmité croissante – notre effacement...

 

 

Le mystère – une partie du mystère – déposé(e) au fond de cette chair surgissante...

De l'argile en émoi face au monde et aux circonstances...

Des interrogations solitaires – sans réponse – sans locuteur...

Et ce qui ondule sous les apparences – l'écho du mouvement initial ; la vérité – peut-être...

 

*

 

Aux angles du monde – le manque et l'absence ; ce qu'aucun don ne saurait combler ; il faudrait tout démolir – fracasser les têtes et la roche – briser les murs et la mémoire – oublier le hasard et le sommeil – déplier l'espace et le temps d'une extrémité à l'autre ; et se rendre (enfin) à l'évidence ; il n'y a rien – nous ne sommes rien ; juste le vide...

 

 

D'une couleur à l'autre ; comme une vieille chair – mille fois – repeinte...

Et ce que l'on porte ; et, dans un coin de l’œil, cette attente – indécise – indéfinie ; l'ignorance plutôt – peut-être...

L'espérance d'une autre terre – d'un ciel moins haut – d'une âme plus pénétrante ; autre chose que cette veille indéterminée – que cette inertie de part et d'autre des yeux...

 

 

A tâtons – dans le ciel ; quelques signes avant-coureurs...

Sans artifice – l'âme seule...

Dans l'obscurité – la lune...

Le merveilleux et le sang – inscrits dans le corps – au cœur de la chair putrescible...

La main mendiante qui emprunte la lumière du dehors...

Et nous – avançant – sans certitude – vers d'autres possibles...

 

 

Ce dont nous héritons ; le plus simple à vivre – cette matière animée – apparemment vivante...

Et devant soi – des lignes toutes tracées ; la géographie ancestrale du monde avec ses routes – ses frontières – ses interdits...

Un territoire morcelé où abondent le sang et la cécité – les querelles et les morts...

Quelque chose d'incompréhensible entre nous...

 

*

 

Au-dedans – sans rien voir...

Ce qui tourne en rond – à l'envers...

Le moins naturel – sûrement ; ce qui se sent séparé ; et qui ne l'est pas (bien sûr)...

A demeurer dans la douleur alors que la joie est partout – saisissable – à portée de main...

Nous – respirant à la surface – comme si l'air était rare – fouillant le sol avec notre âme et nos yeux souterrains...

Le temps incontournable (et disgracieux) du labyrinthe et des malheurs...

 

 

La lumière à travers un trou – comme la vie – comme le rire...

Et la mort qui frappe indistinctement ; ce qui résiste comme ce qui veut en finir...

Et la douleur de se taire ; et la douleur d'attendre – comme si l'on pouvait nous guérir – comme si l'on pouvait nous sauver...

 

 

En soi – les ombres projetées ; et l'essentiel des sacrifices de la terre...

Face au ciel (face à l'idée du ciel) – (trop aisément) corrompu(e) – notre vertige – tourbillonnant – à même la respiration et le sang...

Le visible occupé à ses trébuchements...

Et au-dessus (très au-dessus) – l'impensé – intouchable ; ce qu'aucun rêve ne semble convoiter...

 

 

Pour nous-même(s) – sans (véritable) existence...

Comme des couches successives à soustraire...

Du souvenir au consentement...

Des instincts aux yeux ouverts...

Parmi les loups qui rôdent – dans le reflet aventureux de la lune...

Le seul périple – peut-être...

Et dire que nous n'avons encore rien vécu...

 

*

 

Sans réponse – en silence...

Acquiesçant – sans explication...

Ainsi ; comme l'air que l'on respire et le sol sur lequel nous marchons...

Les pieds nus sur la pierre...

Le bleu au fond des yeux – encore invisible...

Et ce carré de terre ; et ce carré de ciel – comme le lieu où nous habitons...

Le regard et la douleur – aussi libres que le reste...

 

 

La bouche close ; sans exemple à suivre – sans exemple à donner...

Très modestement (avec assez de naturel)...

Ce qui bouge – ce qu'on laisse bouger ; ce qui est immobile – ce qu'on laisse immobile...

Le souffle toujours circulant – sans effort...

Animé de l'intérieur...

Comme l'arbre et la fleur qui se dressent ; vers la lumière...

 

 

De jour en jour – l'immensité fluctuante...

La férocité du territoire, peu à peu, apprivoisée...

Des fils arrachés – au-dessus des mains – au-dessus de la tête...

(Un peu) moins marionnette qu'autrefois...

Paumes ouvertes face aux siècles encensés...

Seul – à notre place ; toutes les questions portées jusqu'au silence...

Le visage de plus en plus impassible...

 

 

Des choses et des mots qui passent...

Sans réels repères – un peu du monde – un peu de l'âme – un peu de poésie – peut-être...

Quelque chose comme une parole ; et le plus sacré qui s'y est enfoui...

Quelque chose du silence – de part et d'autre de l'espace...

Le Divin sans concession – comme un appel...

 

*

 

Vivre au-delà des murs – au-delà du nom – après l'effacement...

Parmi les pierres et les fleurs...

Au cœur du chant qui monte...

Sous le ciel froid et dense...

Sur le sol gorgé de vie...

 

 

L'air frais – dans l’œil – le renouveau du monde...

L'équilibre (délicat) entre le provisoire et ce qui semble durable...

Les feuilles qui se succèdent...

La main agile – le rythme de la langue...

L'âme à l’œuvre (dans son modeste labeur)...

Au-delà de l'attente ; l'accès à ce qui a disparu ; le monde d'avant – les morts – le vertige et l'intensité – ce qui nous transforme en vivant(s) immortel(s)...

Quelque chose du sable et de l'immensité – qui demeure – qui s'écoule – qui demeurera et s'écoulera à jamais...

 

 

Comme traversé(e) par le monde – la parole...

Des lignes sans appartenance...

A la rencontre de cette part du cœur des vivants qui cherche une boussole – une manière de vivre appropriée – un chemin – un feu – un fanal – un ami dans la solitude...

Quelque chose de plus rouge que le sang...

La seule communauté envisageable...

 

 

Ce qui nous met au monde – quotidiennement...

Des pas – des paroles – du silence...

Affranchi de tout désir – de toute prière...

Dans l'ainsité des choses – le sourire né de ce que l'on porte – tourné vers ce que nous reconnaissons comme part de nous-même(s) ; ce qui nous compose (ontologiquement)...

Le labeur des vents sous le regard impassible de celui qui sait...

Des étreintes réconfortantes (presque toujours) ; et l'âme engagée...

Le bâton qui sert à danser avec les éléments...

Et en tout lieu – l'intimité – cette matière plus précieuse que l'or...

 

*

 

La figure épaisse des hommes à l'âme absente ; de la matière qui advient – qui s'écharpe – qui s'écroule – qui se succède – qui se remplace...

Des murs autour de la nuit – hauts – (presque) infranchissables...

Un labyrinthe ; et mille voies sans issue ; et des batailles autant que de têtes qui tombent...

Et la vitre contre laquelle se cognent ces armées de brutes...

Une vie – des vies – comme une longue attente sous la pluie – au milieu des pierres et du sang – avec, partout, enivrante cette odeur de mort indélébile...

 

 

Sa part de boue (bien sûr) ; et tous les possibles (rarement réalisables)...

L'âme que l'on néglige – comme s'il s'agissait d'un rebut – d'une matière superflue ; seulement dénicher une sente où se glisseraient aisément les pas – à l'abri des Autres – à l'abri des yeux qui pensent – à l'abri des cœurs sensibles...

 

 

A rebours – la course du silence...

L'allure décroissante...

Ce que la mort nous confie...

Et ce que la solitude nous révèle...

Nos yeux dans l'obscurité...

Le voyage enraciné ; de désillusion en désillusion vers ce qu'il reste...

L'absence de soi – la fin de toute séparation (de tout sentiment de séparation)...

Au point de rencontre entre l'âme et le monde ; l'espace immense...

 

 

D'une seule traite ; du soi à tout – du tout à soi – de soi à soi ; comme un va-et-vient perpétuel ; l'aller-retour du même voyage – indéfiniment...

Et nos vies ; comme les traces de l'oiseau dans le ciel ; ce qui existe – ce qui est vécu – à cet instant même – le monde vivant...

 

*

 

La place forte abandonnée – livrée aux pilleurs et aux vents...

Le carré d'herbe verte offert aux déluges et aux tempêtes...

Laissant apparaître cette fragilité – comme un étrange jardin de lumière (jusque là dissimulé sous la solidité apparente) ; comme un présent (inespéré) accordé aux yeux ouverts...

Le silence qui percute le cœur et la pierre...

En ce monde encore étranger à la dimension magique de l'espace...

 

 

Des seaux de poussière que rien ne saurait pondérer – compenser – rééquilibrer ; pas même l'infini – pas même l'éternité – (toujours) inexistants aux yeux des hommes (aux yeux de l'essentiel des hommes)...

L'éclat terne des existences ; ce poids fragmenté – cette lutte contre la douleur – contre le froid – ce qui fait obstacle à la puissance...

La volonté comme seule force de frappe ; et le reste dans l’œil inerte – la place du monde et des habitudes qu'aucune ardeur ne pourrait déplacer...

Le sommeil ; des fenêtres closes...

 

 

On devine (parfois) la profondeur derrière le cri ; et les impératifs horizontaux...

Le défi de l'arbre ; et le défi du mur – en filigrane...

Ce qui s'érige ; et la distance qui sépare de la lumière...

Quelque chose de blanc – du brouillard dans les yeux ; la tête calée contre le sol – une manière de voir – et de vivre – l'épaisseur...

La gravité du monde ; et de l'autre côté – un peu plus loin – la neige et le ciel...

 

 

En retrait des masses...

Affranchi de la tristesse et des postures humaines ; une manière de se soustraire au poids du monde...

Et au loin ; comme un craquement dans le silence...

Un mensonge hautement reconnaissable...

Trop de sourires et de promesses ; trop de caresses et de mots – sur la pente à gravir...

Du bleu ; et des passages que l'on obstrue à force de bruits...

 

 

En soi – cet Amour clandestin et anonyme – ardent – magistral – qui anime la matière – qui rend la substance vivante – sans jamais se soucier de son sort...

Le monde – traversé de part en part ; des plus hautes cimes jusqu'aux plus profonds souterrains...

Le voyage en soi ; qui envahit le moindre interstice – qui submerge toute forme d'étroitesse ; sans jamais encombrer...

Ce qui, un jour, finit par déchirer les apparences ; transformant ainsi l'enfer et le néant en vide habité ; en joie perpétuelle...

 

*

 

Là où l'on séjourne – enveloppé...

A l'abri du monde et des circonstances...

Vie et mort (savamment) enchevêtrées...

Au cœur d'un passage – entre la pierre et l'immensité...

Un rêve d'éternité couronné par une forme d'errance et d'oubli...

A se laisser pénétrer par le silence et la lumière alors que d'Autres vénèrent (encore) les ténèbres et le bruit...

 

 

Au milieu des mots ; (un peu) plus d'absence...

La réponse – en chemin – silencieuse...

L'existence éprouvée ; d'une extrémité à l'autre – au cœur de l'obscurité...

Derrière la langue et les apparences...

Du possible à l'impensable...

L'éternel retour ; l'espace sous le labyrinthe...

Là où nous nous effaçons ; ce qui nous prolonge jusqu'à l'infini...

 

 

Profondément plongé dans la parole...

L'absence de temps – au cœur des siècles...

L'écho de l'origine dans l'univers...

L'Amour à travers les saisons...

La migration des âmes – la métamorphose des corps ; et ce qu'il reste au fond du cœur...

L'obscurité éparpillée au milieu de la lumière...

Le soleil et l'espace qui consolident l'impossibilité de la séparation ; et qui privilégient l'effacement au détriment de l'absence...

 

 

L'archipel intérieur ; le lieu où se déploient les ailes...

Le ciel à la place des images et de la pitance...

Ce qui, en nous, lentement s'éveille...

Une étreinte qui dure à la place des choses qui changent ; à la place du sable qui s'écoule...

L'âme tournée vers ce qu'elle porte...

Assis en silence face au monde ; le verbe passionnément poétique...

 

*

 

Plus haut que le jour – la modestie des visages – l'écoute discrète – la main qui caresse – le souffle rassurant sur ce qui, en nous, est livré à la peur – à l'angoisse – à l'effroi...

Quelques mots pour abattre les murs et rendre au sauvage sa liberté...

Des bêtes – des roches ; des arbres jusqu'au ciel – sans (jamais) avoir peur...

Ainsi pouvons-nous faire face aux hommes et à la fatigue qui gagne parfois ceux qui résistent...

 

 

L'âme chamboulée par ce qui passe – le silence...

Le dehors et le dedans – imbriqués sans savoir où l'un commence – où l'autre finit...

Une respiration naturelle – de plus en plus...

La solitude comme une couronne sur le cœur en joie ; la tête si près du sol – si près des cimes – si près du ciel ; de la couleur de la neige...

 

 

Simples et naturels – l'esprit qui voit – la main qui agit...

Sans calcul – dans l'espace...

L'âme apprivoisée...

Comme le soleil et le vent...

Ni superflu – ni arrière-pensée...

La parfaite obéissance aux circonstances...

Ce qui s'impose – sans intention...

 

 

Ni haut – ni bas ; ni gauche – ni droite ; ni surface – ni profondeur ; ni centre – ni périphérie – ni désert – ni peuplé...

Un espace – une présence – autonome – sans géométrie – en deçà et au-delà de toute géographie terrestre...

L'infini (plus ou moins) parcellisé – (plus ou moins) décomposé en fractales...

Des têtes et des soleils qui tournent – qui ont l'air de tourner...

Partout – le même rêve – en pointillé ; le monde en apparence ; et, en filigrane, l'esprit...

 

 

L'invisible évincé – comme un mythe – un mirage – une fiction ; une histoire pour fermer les yeux ; tout le contraire (bien évidemment) ; mais la force des illusions est si puissante chez les hommes que les apparences tiennent (presque toujours) lieu de vérité indépassable...

La tête engourdie ; l'âme obsolète – sans pouvoir même envisager l'impensable...

 

 

L'absence – comme le seul espace possible...

Les mains clouées à la faim...

Le ventre maître de la soif...

Ce qui sépare l'Absolu des contingences...

La trop grande proximité du monde – peut-être ; et sa manière (envahissante) de s'immiscer au-dedans...

L'inconfort et le vertige – simultanés...

Et le ciel suspendu – très au-dessus des jeux auxquels se livrent tous les vivants de ce monde...

 

*

 

Le plus précieux de l'hiver – en soi – déjà...

Le cœur – au loin – qui cherche...

Et devant les yeux – toutes les butées – les pierres avec lesquelles les hommes construisent des murs ; tous les horizons indépassables...

Les heures (trop) passagères...

Le vent qui emporte – qui révèle le dérisoire et la fragilité ; ce qu'il y a de plus nu – en nous...

L'indifférente monstruosité du monde...

Des barrières ; et de la souffrance...

Ce avec quoi l'on emplit – et entoure – le vide ; les existences...

 

 

L’œil éteint – sans préalable...

Sans pourquoi – sans comment...

La flèche fichée dans la chair...

Le mouvement et la vie – stoppés net...

Le corps fumant qui gît sous la lumière...

Et nos mains en prière – auprès des arbres – témoins de tous les assassinats – de toutes les atrocités...

 

 

Les mots-lumière – comme une transparence au cœur de l'hiver...

Des doigts qui courent sur la terre – la page entre nos mains...

Et au-dessus – l’œil ; et au-dessus de l’œil – le ciel et le vent – ce qui nous emporte – la fin d'un nom – d'une dynastie – d'une longue lignée...

Les traits du visage effacés ; et, à la place, un sourire et la candeur des bêtes ; et le regard acéré du sage ; qui accueille – qui acquiesce ; et qui (re)tranche tout superflu...

En soi – qui émergent – les gestes et les nécessités du jour...

Qu'importe le sommeil et les tragédies...

Qu'importe la douleur du monde et le rire des assassins...

Le verbe – comme une flèche ; et la parole lancée – comme une trouée dans les illusions ; et, peu à peu, le déchirement des voiles qui obstruent le regard ; et derrière lesquels brille le réel ; l'une des rares possibilités (pour l'homme) d'apprendre la clarté...

 

 

La terre désertée ; l'absence et le silence...

Le ciel sans distance...

A proximité de la source...

Le monde en soi...

Hors du temps...

L'âme au cœur de ce qui vient ; tous les possibles – simultanément...

Le sol comme espace de liberté...

 

 

Sans certitude – sans vérité...

Le destin qui s'affine – qui se précise...

Et le regard – comme un interstice au fond duquel s'ouvre l'espace...

La profondeur du réel sous les strates d'images et d'inventions édifiées par les hommes ; un (bref) aperçu – un (court) intervalle...

Du vent – de l'inconsistance – derrière les apparences...

Une dimension nouvelle – inconnue – ouverte par la perception et le langage – à travers l'âme réceptive qui tâtonne...

 

*

 

L'âme lasse – la chair fatiguée...

Au soir de l'horizon humain...

Le monde – par-devers soi – qui s'éloigne – qui s'efface...

Un peu de poussière sur la peur...

Des figures lointaines – de plus en plus...

Ce dont nous n'avons plus l'usage...

Une foule d'images enfouies dans la vase ; et la main inerte ; et le regard (presque) indifférent...

Au bord du sommeil – au bord de la mort – à présent...

Là – parmi le sable et les débris...

Pas d'apothéose – pas de perte légendaire ; la vie – seulement – qui s'étiole – qui s'éclipse – qui s'exile...

 

 

Au rythme de la lumière ascendante...

Le bleu aux oreilles...

Délaissé par le temps ; et les impératifs du monde...

Le front sauvage – silencieux – de plus en plus – dans la seule couleur qui vaille – dans la seule couleur qui soit...

 

 

Le cœur qui bat...

Le rythme du monde...

Notre essoufflement ; et cette lassitude à le suivre...

Le poids des siècles sur l'échine ; la poitrine oppressée...

Et toutes les portes closes auxquelles on frappe – auxquelles on continue de frapper...

Les os brisés à force de persévérance...

L'obsession du visible à participer à la danse...

Sans arrêt – sans retour ; ce voyage vers l'inconnu...

 

 

Aux confins de soi – le poème et la lumière...

Ce qui vibre avec l'herbe et les étoiles...

Le grand ciel peuplé de Dieux et d'oiseaux...

Les murmures passagers de l'Amour sur les berges bruyantes et surpeuplées...

Debout – les yeux ouverts – face au jour qui se lève ; et un sourire qui s'esquisse sur tous les millénaires passés...

 

*

 

En passant – sans rien collectionner sinon les désillusions et la tristesse ; notre trésor – la porte qui ouvre (tôt ou tard) sur l'inespéré – au milieu des larmes et de la désespérance...

Derrière la forêt des ombres – cette statuaire froide et illusoire qui trompe l’œil ; et qui trompe l'âme...

Seul – à présent – sous le ciel d'hiver ; à contempler l'espace ; et la vie spacieuse peuplée de silence...

Le goût de l'ivresse sobre – de toute évidence ; l'intensité du vertige – au-dedans ; et le regard imperturbable qui traverse le monde ; et au-delà...

 

 

Comme l'arbre – la verticalité un peu rigide ; et l'horizontalité qui cherche la lumière...

Le chemin – à l'intérieur – déployé...

Ce qui – en soi – continue à croître vers l'invisible...

 

 

Le feu – le jour – chemin faisant...

Le pas – le destin – en équilibre...

Et les paroles du monde rabâchées – mises de côté – comme un non-savoir – un florilège d'insanités présomptueuses...

Ce qui est colporté – ici et là – par toutes les bouches incultes – sans curiosité ; ce que répètent – inlassablement – toutes les générations...

Seul – sur ce fil – silencieux – au cœur de l'incertitude – au cœur de l'inconnu ; ce qu'offrent les circonstances ; par delà les baisers et les morsures des Autres ; ce qui s'impose – magistralement...

 

 

Des mondes imbriqués et parallèles...

Et un chemin qui serpente entre tous les seuils – portes ouvertes – sans dehors – sans dedans...

Et la respiration qui se déploie à travers l'espace ; et l'envergure du regard affranchi des répétitions et des psalmodies ancestrales...

Notre existence lorsque l'esprit sait transpercer les voiles – les reflets – les illusions ; lorsque l'infini devient notre seul territoire – notre seul horizon...

 

*

 

Dans la (totale) confusion du dehors...

Des choses – des mots – des choses ; et quelques visages parfois – comme une longue chaîne ininterrompue – des blocs de pierre accolés – un collier de poussière ; ce qui semble important – pourtant – aux yeux des hommes ; des insignifiances ; du ridicule et de la misère...

Et des fleurs – et le soleil – sur la terre – qui, chaque jour – à chaque saison, réapparaissent ; le changement imperturbable au changement ; et ce sourire – cet étrange sourire – face à tous ces petits riens qui passent...

 

 

La lumière vibrante – dans la tête secouée...

Et les ombres glissantes – sur la chair lisse...

Sans certitude – cette incursion dans le bleu...

Entre la bêtise et l'épaisseur – la possibilité (pourtant) de transformer la lassitude et le sommeil ; de percer ce qui nous sépare du ciel...

 

 

La chair changeante – au fil des saisons – au fil des âges...

L'irréalité du monde que nous continuons d'ignorer...

La vie ; ce qui existe – peut-être...

L'invisible en dessous du frémissement et du fracas...

Et le silence comme un funambule au-dessus des paroles et des cris...

L'âme craintive – apeurée – dissimulée derrière les apparences (boursouflées)...

Et nos pas – en boucle – d'une extrémité à l'autre de l'histoire – immobile – au fond de l'abîme...

Vers l'origine – à reculons...

 

 

Nos tremblements (parfaitement) accompagnés...

Entre le temps du soleil et le temps des horloges...

L'âme encore dans l'écho de ce qui nous a créés...

Bien davantage que l'histoire du monde...

L'époque d'avant le sol – le temps d'avant la pierre...

 

*

 

Le monde arpenté...

Face au mur – l'ombre et l'arbre ; et ce restant de lumière...

Et cette nuit qui n'en finit pas ; qui n'en finira jamais – peut-être...

Et ces lignes – et ces gestes – comme des fenêtres nécessaires – essentielles (qui sait?) – laissées un peu naïvement sur la table – offerts au monde – (très) discrètement – de manière (quasi) anonyme...

Les signes d'une clarté qui réunit – d'une sensibilité ; le désir involontaire d'une issue ; une réponse au sang et à l'indifférence qui se répandent...

 

 

La solitude durable ; un tête à tête ; face à l'essentiel...

La renaissance du monde ; l’œil fermé...

Personne ; l'écho d'un silence qui dure ; le prolongement de l'espace...

L'envergure (et l'attention) pour que le réel – la vérité (vivante) – en soi – puissent se déployer...

 

 

La neige – par couches – sur la parole passée...

Presque rien – en somme – sous l'enveloppe blanche...

Des mensonges – peut-être ; des mensonges – sûrement ; une vérité obsolète...

Le verbe à réinventer ; comme le geste – à chaque instant – qui doit jaillir – neuf – naturellement – à la fois porteur et affranchi de tout ce qui a existé...

Authentique – sans travestissement ; quotidien et spontané...

Entre l'ombre et le mirage – le réel tel qu'il se livre – tel qu'il advient – tel qu'on le reçoit...

 

 

Comme un fauve affamé ; la malédiction qui tourne autour du destin – cherchant une faille – une faiblesse – la part du rêve dans la solitude – l'angle d'attaque et le moment opportun pour pénétrer la chair – fondre sur l'âme ; et insuffler au cœur son poison ; un air de fantôme ; quelque chose du refus ; et le goût (inguérissable) de l'égarement...

 

*

 

Une lumière sur soi ; que les yeux savent refléter – parfois...

Ce qui se dit sans les mots...

Le ciel immense et accueillant...

Le geste né de l'espace ; et qui le traverse sans un remous – sans la moindre résistance...

Le vent complice – aimant – qui offre son souffle – son ardeur – son assistance...

Ce qui mélange toutes les couleurs – merveilleuses – (presque) indistinctes...

Les contours mouvants de la tendresse...

Ce qui nous circonscrit – d'une certaine façon...

 

 

Près du fleuve – l’œil stoïque...

Au milieu du bleu ; dans ce flot qui baigne le jour...

Le corps et le temps – figés...

Attentif à la beauté...

Une manière (assez) innocente de résister au monde – ce trop de langue – cette chance (très) moyennement tentée – toutes les forces unies vers le bas – vers la boue ; ce qui fait obstacle (de toute évidence) à la lumière – à la clarté...

Un pas permanent vers l'abîme – en quelque sorte...

(Presque) toujours en bordure de soi...

 

 

Agenouillé – parmi les ronces – parmi les fleurs...

Les yeux posés sur les jours qui passent...

Sans jamais s'établir dans le monde...

La vie à la manière d'une brève traversée ; un passage (sans cesse) réitéré...

Comme un rêve – l'existence ; ce qui semble (nous) arriver...

De la lumière (parfois) ; un peu d'ombre (très souvent) ; et notre étonnement ; et notre mutisme – face aux cimes et aux précipices – face à la violence et à la mort...

Comme plongé(s) dans la matière – un univers étranger...

 

 

De visage en visage – l'âme et la lumière – dans leur rôle respectif ; et, soudain, s'en affranchissant – choisissant de faire alliance avec la matière et l'ignorance ; histoire d'apprendre à ceux qui peuplent la terre qu'il existe d'autres perspectives que la vie – que la mort – que la poussière et les yeux fermés ; une manière légère – et joyeuse – d'être au monde...

 

*

 

Le ciel – à chaque foulée – plus léger...

On flotte – on épouse le vent...

On s'efface – entre soi et les limites du monde – au-dessus du sommeil...

On s'amenuise – dans le mouvement...

Ici même – à travers les jours...

La terre lointaine ; un chemin sans trace ; de plus en plus...

Sensible au relief ; l’œil rivé sur l'immensité...

Des gestes d'écume ; et le plongeon dans les profondeurs de l'âme...

Comme un rapprochement ; un début de délivrance – peut-être...

 

 

Au-delà du pays natal...

Plus loin que la cessation – que le voyage – que le repos...

Vers le grand large – de l'autre côté...

Comme sorti de l'interstice du temps...

A contre-courant de la durée – autour ; là où le silence et l'immobilité se mêlent aux affaires du monde – aux histoires des hommes – pénètrent la matière et le mouvement...

 

 

Au bord – parfois – de ce qui nous précède...

L'argile fragilisée par les pieds qui piétinent – par les mains qui pétrissent...

Le jour – (sans doute – trop) artificiellement aggloméré...

Si démuni(s) pour affronter la barbarie du monde – la sauvagerie des âmes...

Si peu conscient(s) de vivre ; si angoissé(s) par l'idée de la mort ; à peine existant...

Comme brisé(s) – écrasé(s) ; aussi peu vivant(s) que les Autres...

 

 

Sur la terre des forfaits infamants...

De la terre dont nous sommes issus...

A travers la terre – notre transhumance...

Vers la mort – la terre de nos ancêtres; ce trou dans le sol...

De toutes parts – la matière et l'impossibilité ; et la folie à l'affût...

Désespérants – ce désert ; et cette traversée du dédale – sous une lumière trop lointaine ; en nous et au-dehors – réunis – tous les signes de l'absurdité – tous les signes de l'incompréhension...

 

*

 

Sans détour – le pas – la parole...

Longues – la ligne – la marche – encombrées d'ombres – peut-être ; mais aussi authentiques que possible...

Les yeux détachés du désir ; près du ciel – dans son écho (de manière certaine)...

Et la résonance – au-dedans ; de la lumière...

Quelque chose de l'oubli et du temps déconditionné...

Le dessous de la boue ; au rythme du cœur qui bat...

 

 

La langue brûlante...

A bout de souffle tant l'air est chaud – à l'intérieur...

Le verbe au carré – sans cesse démultiplié...

Ni question – ni réponse ; un portrait – une sorte d'état des lieux donnant à voir l'abondance des visages et des possibilités...

Sans refuge ; (bien) au-delà des obstacles et des empêchements...

Sur la pente naturelle à laquelle le monde nous a livré(s) ; le fond des choses – pour soi – peut-être...

 

 

Au-dessus de la durée ; le temps pulvérisé...

Le vent qui s'engouffre...

Ce que la main désigne en se tendant...

Le ciel moins escarpé qu'on ne le pensait...

Par-dessus l'enchevêtrement...

Aucune ombre – aucun recoin – pour se cacher ; dissimuler sa crainte (ou son refus)...

Ce qu'il faut extirper de la mémoire...

Apprendre à respirer au-delà des murs de l'enceinte...

Dans le même espace – partout ; sans dehors – sans dedans ; le vide vivant à même le cœur – à même la peau – à même la pierre...

 

 

L'écoute déterrée ; qui émerge, peu à peu, de l'épaisseur...

Sans poids – sans passé – neuve malgré l'âge antique des oreilles...

Une présence capable d'effacer toutes les frontières inventées par les hommes ; et de rassembler tous les recoins et tous les continents...

Le lieu (primitif) de l'envergure et de la précision...

Ce qui accueille – ce qui acquiesce – de manière lucide – sans rien discriminer...

 

 

Comme chargé d'une parole secrète – silencieuse...

Comme porté par un courant invisible – mystérieux...

Tout un parcours ; une infime portion à travers nous qui sommes l'une de ses voix...

Au-delà de la pensée...

Au-delà de toute réponse...

Cette part du réel capable de désobscurcir l'âme – de désenfouir le cœur englué dans la peur et la matière ; et d'offrir une joie affranchie des circonstances...

 

 

Entre le rêve et l'imaginaire – la réinvention perpétuelle du monde ; ce collier d'apparences qui dissimule la poitrine et la respiration du réel...

Et le sang silencieux qui circule dans les veines des vivants...

Là où s'originent les visages et les choses ; en ce lieu étrange – et indéfinissable – où s'initient le regard et le poème ; l'apaisement et la réconciliation ; ce qui pourrait sauver les âmes de l'indifférence et de la barbarie...

 

*

 

Ici – comme retourné...

Happé par cet étrange mouvement – à l'intérieur...

Vers là-bas – sans pouvoir donner de nom – ni à la danse – ni à la destination...

Des pas légers ; une terre nouvelle – peut-être...

Porté – sans prise – par le courant – par le flux des vagues...

Et dans l'immobilité de l'air – et de l’œil – aussi (parfois)...

Ce qui bouge ; et ce qui contemple ; l'un dans l'autre – indistinctement...

 

 

Qui sait – qui peut savoir – où cela commence – où cela finit...

Qui sait – qui peut savoir – d'où vient le sable ; et son œuvre étrange sur les âmes...

Qui sait – qui peut savoir – les mots et le lieu où l'épaisseur ressemble à la chair – tous les points de fragilité...

Qui sait – qui peut savoir – ce que révèle l'écoute attentive du monde et du silence...

Qui sait – qui pourrait – rassembler l'ensemble des pièces à emboîter pour tenter d'achever l'inachevable ; le (très) surprenant puzzle du vide et de la matière ; le mystère vivant ; l'ineffable qui s'incarne...

 

9 janvier 2023

Carnet n°282 Au jour le jour

Mai 2022

Le temps sacrifié au profit de l'interstice...

La vie frémissante et souterraine (plus joyeuse qu'on ne le croit)...

L'espace intérieur ; le cœur intense et discret...

Une fête solitaire et silencieuse – affranchie des Autres – du sommeil – du manque – de la douleur...

Qu'importe le brouillard au-dessus des têtes – au-dessus de la terre...

Les cris et les couteaux se sont tus ; ne reste plus que l’œil et la page...

 

 

Face aux masses sans résonance – sans vocation...

Une brèche – seulement – où s'est insinuée la chair – la douleur et la chair...

Comme un égarement propice au crime...

Une dérive en terre inconnue ; un séjour monstrueux...

 

*

 

Le cœur lacunaire – aride ; moignon de chair – matière amputée...

La nuit agitée – assaillante...

A peine – un bout d'espace effleuré...

Et des ondulations de détresse ; une lutte – un face à face pour résister à l'injonction de mourir...

La pièce maîtresse ; ce qui était si noble – si précieux – si vital ; et qui finira (comme le reste) au milieu des ordures...

Le ciel trahi par la terre – en quelque sorte ; engluée dans son incompréhension...

 

 

Impénétrable – la bouche solitaire...

Le mouvement des lèvres – comme pour elles-mêmes...

La parole muette (pour ainsi dire) – comme une fleur au-dedans de la fleur – invisible ; trésor secret – part du mystère retranchée dans les replis – offert(e) (seulement) à ceux qui sauront laisser glisser le verbe au-delà de la gorge et dont le monde – s'il était sensible – et attentif – pourrait sentir le parfum et la vibration...

 

 

Le prolongement de l'empreinte dans l'âme pour secouer la vieille torpeur – retourner l'obscénité terrestre (ordinaire) – transformer la somnolence en sauvagerie (celle qui nous animait à l'origine)...

Comme un ricochet de la parole – une manière de retrouver l'ivresse – la marche joyeuse – le souffle princier...

Tout plutôt que la monstruosité ; et élucider le mystère (autant que possible)...

 

 

Au large – en jouant – l'infini échancré qui se laisse séduire...

Et nous – creusant le sol et la vérité – franchissant les frontières et la peur...

Face au songe – incurvé...

Oubliant les griffes et le soleil ; réinventant le corps et le monde...

Invitant la lutte à s'éteindre...

Nous abandonnant au feu et à l'effacement ; laissant le cours des choses remplacer le provisoire – les mains s'agiter et le regard plonger dans ce qui demeure...

 

*

 

Sur le sol – la table – des feuilles...

La vie qui passe...

Et cette lumière d'automne sur les arbres – la main...

Jusqu'à l'horizon – sans limite...

Le ciel déchiré – de part en part – comme si le feu – le souffle – le traversait...

Une corde au-dessus du vide pour guider notre cécité ; et le détachement lorsque le fil se rompra...

 

 

Des pierres – mille pierres – jetées (avec force) sur le sommeil – sans jamais réveiller les fronts endormis...

La tête ailleurs – aujourd'hui ; les yeux détournés du monde – sur la cime des arbres – sur le geste précis – sur l'enfance qui réapparaît...

Un plongeon – une séparation pour rejoindre cette part (trop longtemps) oubliée – insoucieuse de ceux qui vivent le cœur inerte – imperturbable – indifférent...

 

 

Au cœur du sauvage – sans raidissement...

L'aube et l'herbe – d'un commun accord – associées...

Aux périphéries du périmètre – au-delà du territoire qui tient lieu de cercle humain...

Sans retour – il faut le craindre (ou s'en réjouir)...

Aussi loin que possible de la rumeur – des bavardages...

L'espace naturel et solitaire – comme la seule issue...

Le temps débordé dans ses marges...

La langue inoccupée laissant entière liberté à celui qui a l'usage des mots...

Le secret et la lumière – par leur tranchant ; le silence par son versant le plus escarpé...

 

 

Gris-sonnaille ; le ciel hurlant...

La voix chevrotante...

Et l'âme placée là – (très) réfractaire...

La folie dispersée à coup de boutoir ; la meilleure – et la plus rude – place (sans doute) pour apprendre l'immobilité...

 

*

 

Effacés d'un trait de lumière – tous les amassements du monde...

Ici où tout arrive ; le plus miraculeux ; en ce lieu où se rejoignent tous les chemins – toutes les dérives – toutes les errances...

L'épaisseur de la trame qui se défait ; sans résistance face à la force déployée...

Rien – contre soi – l'Amour – ce qui advient ; et tous les possibles (évidemment)...

 

 

Au loin – la frontière des illusions – écartée d'un souffle – d'un geste précis ; sur le point de se disloquer...

Comme un rire qui éjecte la matière et le superflu – ce que nous avons inventé pour tenter de donner un appui à notre posture bancale ; et qui forme comme un couvercle suffocant sur la clarté...

Et la nudité – à présent – comme l'unique conséquence ; à la manière d'un décrochement...

Ce qui ose se montrer ; et ce qui ose nous surprendre ; le vide au fond de l’œil (presque) retrouvé...

 

 

Avec violence – l'esprit réfractaire...

Face aux forces d'exaspération...

Des signes d'effilochement – malgré l'ossature rigide...

Le corps contracté – au milieu de silhouettes folles – dociles – obéissantes...

Et le vent – fort heureusement – à notre rescousse...

 

 

Au fond du gouffre – haletant – cherchant une parade – une issue – quelque chose – une terre promise en soi – oubliée...

Le désir d'une solitude que d'Autres jugeraient extravagante ; un lieu au-dessus de la fange – un espace qui pourrait compromettre le reste – au-dessus de tout soupçon...

 

 

La douleur – emmurée – comme un barrage...

Un accroissement de la faille – recouverte de pétales roses – de fragments de joie inemboîtables ; comme une étoffe déchirée par-dessus la plaie...

 

 

Entre le désastre et l'aube – tant de tourbillons ; rien d'intact – rien d'indemne – sinon le regard et la nudité – ce qui demeure et que l'on habille de choses et d'autres...

Du vent ; et des chemins jusqu'à la chambre où l'on nous dépèce...

Ni torture – ni crucifixion ; des gerbes de lumière et des éclats de joie qui se renouvellent à mesure que le monde – l'existence – l'esprit – se simplifient...

 

 

Sur la crête tranchante – la parole en déséquilibre...

Le souffle angoissé – l'âme tressaillante...

La feuille tantôt livrée au ciel – tantôt dévalant la pente jusqu'aux plaines du monde – jusqu'à rouler dans la fange ; sacrifiée – en quelque sorte...

Le feutre cramponné à l'enfance ; et l'encre qui envahit la poitrine ; une résolution qui confine au silence – à une forme de quiétude approbatrice...

 

*

 

Sans alternative ; ce qui s'impose...

Les énergies du dedans et du dehors – étroitement liées – d'un seul tenant ; exactement la même – en réalité...

Comme une concentration (involontaire) des désirs – des intentions – des nécessités...

Une force qui déborde la chair ; et qui pénètre l'âme...

Comme jeté(s) sur la pierre – enchaîné(s) aux extrêmes – impuissant(s) face aux forces – face aux mondes – qui nous habitent – qui nous agitent...

Un point inerte – vacillant – dans la poussière...

 

 

Entre le passage et la dispersion – entre la possibilité et l'éparpillement...

Un corps ; et l'esprit à la verticale – comme détaché...

(Très) maladroitement (il va sans dire)...

Le partage – la fuite ou l'exclusion ; quelque chose à notre mesure ; quelque chose – en nous – qui obéit aux impératifs de l'invisible – aux objections du monde ; comme écartelé(s)...

 

 

Comme une courbure de l'air...

Quelque chose de compact – de décidé – malgré le bleu vagabond lorsque l'aube approche...

Comme une incertitude et une fulgurance...

Le retour et la réconciliation abouchés...

Un répit pour nos vertèbres malmenées sous la lumière...

Et l'écriture – comme un gisement de silence...

 

 

Enchaîné(s) à la cime et aux effondrements...

Ainsi la chute – ainsi les étoiles...

Le long voile de la nuit dans le regard...

La folie ruisselante ; et la mort épargnée par les désirs de la chair...

Notre âme – sous la voûte – sur la feuille noircie – saturée de silence et de mots...

L'obscurité des lieux (en partie) démythifiée...

Dans la chambre éclairée – la fin du face à face ; la voix et le vide – amoureusement enlacés...

 

*

 

L'Absolu ignoré – comme un trésor vacant – oublié...

Le monde aux prises avec son insensibilité...

Des gestes – comme des amputations...

Des corps et des âmes – infirmes...

Le reflet du commerce et des instincts...

L'absence d'inclination ; la mémoire plutôt que l'oubli...

Trait pour trait – l’antichambre de l'enfer ; l'axe que nous empruntons...

 

 

Trahi par l'histoire et le récit – par tous les mythes du monde...

L'esprit (trop) abstrait...

Le réel comme une image...

L'Autre (à peu près) inexistant ; au mieux – un instrument...

Chargé(s) de matière – inextricablement...

La vérité illisible – indéchiffrable ; des étiquettes que l'on colle ; des fragments que l'on ordonne selon mille critères possibles ; et tous nos gestes incroyablement lacunaires – des saisies et des arrachements incontrôlés – (presque) impardonnables...

 

 

Lieu perdu – dégagé des signes ; au milieu des broussailles...

En soi – le passage vers l'affranchissement ; découvert au détour des sentiers du monde ; comme un interstice nécessaire...

Les aventures froissées – dans la paume serrée...

Le cœur entamé par la peur...

Et des gorgées de réel pour panser les blessures – recoudre ces lambeaux de chair jetés à même la roche – parmi les herbes et les fleurs...

L'aube jusque dans notre errance – jusque dans notre vacillement ; et en tête – le dernier souffle...

 

 

De l'air mal inspiré...

Des jaillissements au cœur de la langue – (incroyablement) spontanés...

A deviner le monde – au loin – passablement subjugué...

Des traces dans la lumière – comme seul fil conducteur – jusqu'à l'invisible – jusqu'à l'effacement...

Des restes carbonisés de superflu – de part et d'autre du chemin...

L'esprit – sans interruption – dans le fracas – le retrait – la délivrance ; et tous nos efforts en pure perte – abandonnés sur le champ...

 

*

 

Le jeu (quasi) magique des remous...

Du feu et des engloutissements ; la lente (et inévitable) désagrégation de la matière...

De la fumée à la place du visage – à la place du nom...

L'enfance – sur la pierre – dansante...

De longues glissades – sans appui – dans l'espace...

Qu'importe les mouvements – le surgissement – la disparition...

Le recommencement comme la seule obsession...

 

 

Dans la trame de la forêt – des mots ; une succession de feuilles et de silences – quelques trouées de lumière...

Ni supplice – ni chimère ; la juste place – le geste précis...

Et, sans surprise, l'adoucissement de l'âme ; et les mœurs de moins en moins tranchantes...

L'usage (très) joyeux de l'incertitude...

Dans le giron immense (et surprenant) de l'inconnu...

 

 

Nous – tournoyant – engendrant – détruisant – disparaissant – et réapparaissant encore...

Du souffle – par grappes – enlacés – projetés ici et là – dans le vide ; et autant de traversées – de destins – de possibles...

La nuit irrésolue ; et des mouvements énigmatiques...

Au-delà de la raison ; l'irruption de la solitude...

Le ciel et le rire contre la joue pour apaiser l'intensité de la brûlure...

 

 

A l'origine – l'infini ; puis, le pas ; puis, la voix ; puis l'immersion dans la fissure vécue, peu à peu, comme un piège – une incarcération ; et toutes les tentatives pour s'en libérer ; du rituel à l'envol – jusqu'à l'effacement sur la pierre – jusqu'au baiser (discret) de la lumière...

Sans fil – dans cette trouée de ciel, sans cesse, renaissante...

 

*

 

Monde-miroir – ensemencé par nos gestes (tous nos gestes) ; cette manière de se débattre comme si l'on était dans une arène – au fond d'un gouffre – sans possibilité d'échappée...

Prisonniers de la chair-interstice et des Autres – toujours plus ou moins absents – ahuris – affamés...

Et un espace – à la lisière du vivant – embarqué avec nous – disposé à nous suivre où que nous allions – quoi que nous fassions ; et qui n'aspire qu'à une chose – que nous puisions le découvrir et l'habiter – afin de demeurer indemnes au milieu de la violence et des massacres dans lesquels toutes les créatures (terrestres) sont condamnées à vivre...

 

 

Au-delà du désastre – au-delà du dérisoire – l'enfance qui résiste ; comme un rire face à la mort – comme un funambule de papier au-dessus du feu – comme un pétale emporté par le vent – malmené mais confiant dans le voyage – qu'importe le lieu de départ – qu'importe le lieu d'arrivée...

 

 

Le retour de l'air – l'espace sauvage...

L’œil ouvert sur les signes et les circonstances...

Le cri – dans la gorge – (parfaitement) transformé...

Apôtre du silence plutôt que de la plainte – plutôt que du hurlement...

Une voix simple ; le geste qui tire vers le bleu – comme une calligraphie invisible – un rituel sacré – une danse dans la lumière...

Entre la blessure et la mort – la présence rehaussée...

 

 

Dans la chair entamée – le vide qui nous porte...

Nous – hautement substituable(s) – porteur(s) d'une série de fenêtres – de plus en plus – ouvertes...

Le cœur du cercle, peu à peu, rejoint par ses rayons...

Hanté(s) – pourtant – par le fugace et la disparition...

Le sommeil éventré ; et la trajectoire de l'âme – pénétrante – jusqu'à l'essence – traversant toutes les couches – tous les immondices – tous les éboulis ; toutes les catastrophes...

 

*

 

Comme une forteresse qui résiste aux assauts – aux excès – à l'intensité de la fatigue et de la peur...

Une paroi abrupte qui donne le vertige ; et l'élan d'aller plus haut – de dépasser toutes les frontières (terrestres)...

Sans prouesse – sans (véritable) graduation...

Vers le faîte – toujours – à l'intérieur ; de la périphérie vers le centre...

Le dedans ; et ses multiples passages vers l'étendue...

L'infini – ensemble – à l'affût ; comme une exigeante aventure – une (très) longue gestation...

 

 

Sinon la peine – l'exil – le déracinement ; les guerres (indéfiniment) reconduites – les terres, sans cesse, ravagées...

L'assuétude et l'asservissement – comme le socle – et les pierres angulaires – de l'édifice...

La corruption grandissante des fils ; des nœuds – des étranglements...

 

 

Le pas suivant – sortant de terre – venant à notre rencontre – s'insinuant profondément dans la chair...

Ici – toutes les choses – en soi – convergeant vers la même dérive – cette sorte d'errance entre terre et ciel...

Le voyage en une seule enjambée ; lente – longue – interminable – accordée à l'ascension et à la chute – simultanément...

Le souffle jusqu'au vertige – sans la moindre douleur – sans erreur possible...

L'issue – la marche – la foulée ; le long de la crête – sur ce fil tendu...

 

 

La parole sournoise – gorgée de sens et de possibles – multipliant les chemins et les interprétations ; et donnant à l'épuisement un caractère brûlant...

Le parfum du verbe au-dessus du monde – flottant dans l'air comme si le réel était insuffisant – comme si tout devait être transformé ; envoûté – par le langage – les images et la pensée...

 

*

 

L’œil face au ciel...

Plongé dans le vertige du regard...

La poussière virevoltante...

La soif enhardie...

Le cœur toujours (plus ou moins) sauvage...

Comme dissout – ce qui fait obstruction...

Comme effacée – la monstruosité du monde...

L'ardeur du feu ; et son impatience ; plus présentes que jamais...

Indissociable du territoire – des limites et de l'indistinction...

L'absence – comme de la fumée ; (très) épaisse parfois...

L'âme engagée – sur les traces du silence – l'invisible...

Comme abandonnée – la brusquerie...

Rien qui ne commence ; rien qui ne finisse...

La perpétuité de l'instant – éternellement reconduit...

Des chaînes lourdes – parfois rompues – de temps à autre – lorsque le dedans s'émancipe – lorsque le jeu prend une tournure légère...

Le monde – plus ombre que désastre – en définitive...

 

 

Face aux siècles – la figure hébétée...

La nécessité vitale face à l'imaginaire...

L'allégresse et l'intense férocité du vivant...

Et ce besoin d'ouverture pour résister aux assauts de la désespérance...

L'éparpillement de la matière et de l'esprit pour affaiblir la douleur ; et, peut-être, anticiper la mort...

Ce que l'on répugne (sans doute) à faire ; notre présence (involontaire) au milieu des Autres ; au cœur de la violence – de la terreur – de la folie...

 

 

La souplesse et la rectitude réactivées par la proximité du ciel...

Le resserrement de la trame au fond de l'âme – comme mille ponts jetés entre le monde et ce que l'on apparente (en général) au dedans...

La roche – les arbres – les fleurs – indissociables du regard et de la beauté...

Au cœur du plus fragile ; le sommeil enfin extirpé de l'interstice – offrant ainsi la possibilité de découvrir les (parfaites) ondulations de la lumière...

 

*

 

L'abondance – créditée – toujours davantage...

L'insanité jamais soustraite ; et que l'on déguise (à loisir) en raison...

L'exécration du monde humain – cette préhistoire qui s'éternise ; entre cannibalisme et barbarie ; les bras noueux à force de volonté...

La surface (à peine) explorée – et si douloureuse déjà ; comme une gangue de terre épaisse – protectrice – suffocante...

Des cadenas à profusion – comme si l'on pouvait dérober le plus précieux...

Toute une série de masques à ôter pour laisser apparaître la première couche du visage – sombre – disjointe – (très) superficiellement collée au reste ; et jamais entrevu(e)...

La lumière – l'espace – la vie – comme privés de silence (et de beauté) ; déguisés de manière exubérante – presque excentrique – auxquels on donne – ici et là – des airs vaguement révolutionnaires – histoire de se montrer sous son meilleur jour et de faire valoir sa part (supposée) de mystère – comme un bouquet de fleurs fanées que l'on offrirait à la fois aux morts et aux vivants – preuve (s'il en est) de la profonde ignorance des hommes...

 

 

L'aube – sur la page – déchirée...

Comme un peu de lumière sur la pierre triste...

Nous – nous assombrissant – (très) naturellement...

Du noir et de la haine ; et des pas rageurs sur toutes les tombes ; (sans doute) trop proches du miroir...

Des reflets fermés – comme repliés sur eux-mêmes ; et l'abîme (immanquablement) qui se creuse...

L’œuvre mystérieuse du voyage ; l'âme plus ou moins profondément incisée – fragmentée – partagée – qui apprend, peu à peu, à vivre au contact d'une chair affaiblie...

 

 

L'intime et le geste tendre plutôt que le goût de la collection...

L'oubli plutôt que l'obsession de l'entassement...

L'intensité sans le moindre enjeu – sans la moindre oppression...

Le territoire et l'illusion – (en partie) délaissés...

L'âme intègre ; le cœur ingénu et engagé...

Et le monde infirme qui continue de s'automutiler – à vivre en monstre affreux et difforme qui affame et ricane...

Et, un jour, sans crier gare – la lumière – la même que celle d'aujourd'hui – qui fendra la pierre ; et nos tremblements ; et nos hésitations...

 

 

L'argile grise – la fragilité des choses ; et les figures imaginaires...

L'ondoiement sans fin de ce qui sommeille...

Le monde sans vérification ; comme une masse de données brutes qui percute – qui pénètre ; l'exact contrepoids de l'âme – pour succomber...

Au bord de l'abîme ; et la douleur que l'on recouvre ou que l'on tait...

 

 

Embarqué(s) sur cette étendue éternelle – au milieu des remous – des changements ; une navigation chahutée – contrariée (si souvent) par la succession des vagues qui déferlent – qui poussent ici et là – qui emportent tantôt vers le continent – tantôt vers le grand large – au bord (toujours) de l'immensité...

Accroché(s) au corps comme à une bouée massive – encombrante ; et l'âme harcelée par les ombres assaillantes – nombreuses – qui exacerbent la blessure – la brûlure d'être vivant...

Vers l'engloutissement et la mort ; vers le découvrement de ce qui danse sous la chair ; l'apothéose peut-être de ce va-et-vient étrange au cœur de l'espace...

 

 

Une sorte de transe ; la danse de l'exclusion...

L'exil à la trace ; de la captivité jusqu'au grand ciel – de la fiction jusqu'au réel...

Et des millions de pas ; et des milliers de pages noircies...

A force de néant – peu à peu – dans le prolongement de soi – la perpétuation du vide qui se dessine...

De l'impossibilité au chemin – de la désespérance à la joie – de l'inertie à la frénésie ; et de la frénésie à l'immobilité...

Sans échappatoire – sans alternative ; le chemin qui s'éclaire ; l'étendue qui, peu à peu, se découvre et se laisse habiter...

Dans les bras de l'Amour ; et dans le champ d'investigation de la lumière...

 

 

L'écume dans nos craintes et nos sanglots ; dans nos désirs et nos défaites...

Le jour et la source – en amont du monde...

Comme un tourbillon d'air dans la diversité des flux ; un phénomène – quelques mouvements – parmi les autres ; quelque chose d'élémentaire – quelque chose de vivant...

 

*

 

Le courant qui s'impose à l'âme nue et obéissante ; en parfait réceptacle de la terre et du Divin...

Une présence au monde singulière et sans superflu...

Dans la résonance directe du cœur – sans barrage – sans écran – sans résistance...

Dans le droit alignement des choses...

Tantôt caresse – tantôt couteau ; le geste précis – le geste exact – qu'importe la beauté – qu'importe l'apparente barbarie...

A la fois la dernière pierre de l'éboulis et le parfait reflet du mouvement inaugural...

 

 

Le temps stérile des querelles et des débats...

La part animale de l'homme ; et la nécessité de l'éclat – comme un prolongement (raisonnable) de l'enfance naïve – (merveilleusement) crédule...

Disons un seuil à franchir plutôt qu'une issue favorable (n'en déplaise aux esprits archaïques ou bien pensants) ; l'entrée (à peine) dans le labyrinthe ; qu'importe la mort – qu'importe la jouissance ; des pas bruyants qui se hâtent...

 

 

Sans défense – l'illusion à terre ; brisée par la lumière ; et qui se réfugie (assez habilement) dans l'épaisseur du monde – défait – fouillé – retourné – par l'esprit qui la met à nu – la livrant à la langue et à l'acuité...

Comme un rideau de fumée devant les choses soudain décroché...

La pierre et la lumière – brutes – à présent – parfaitement dénudées ; et le regard sans socle – sans repère – comme suspendu au-dessus du vide...

Et nos vies – pulvérulentes – fuligineuses – qui s'envolent au vent – en nuages noirs et provisoires que le temps éparpille (peu à peu) dans l'immensité...

 

 

A travers nous – les courants – les vagues et les mouvements...

Ce qui naît et ce qui s'impose ; la force de toutes les nécessités...

Et le jeu entre l'étendue et l'épaisseur – entre le labyrinthe et le ciel – entre la matière – le rêve et l'origine...

Du chaos et du silence – partout – dans l'âme et l'espace – où que nous soyons...

 

*

 

L'errance – encore – aveuglément – la lampe au-dedans allumée...

L'âme sans défense – ouverte à toute découverte...

Et, en soi, le cœur ; ce qui a initié la lente dérive ; le voyage sur la pierre – dans l'espace intérieur...

Du désespoir au premier frémissement...

Un peu de poussière dans l'immensité – enjouée – virevoltante...

 

 

Pénétré – sans simagrée – sans dissimulation...

A corps perdu...

Emboîté au reste – mouvant ; et excessivement labile...

Au gré de ce qui passe – de ce qui nous porte – de ce qui nous traverse – sans censure – sans interdiction...

Toutes les ombres pendues à notre cou – terrifiées...

Ce qui pourrait (bien) s'achever – ce qui pourrait (bien) se résorber ; et disparaître...

Parvenu (peu à peu) au bord d'une autre surface ; une autre perspective – sans doute – où le rire et le silence se vivent intensément – au service (presque toujours) de l'innocence ; qu'importe l'état de l'âme – qu'importe l'état du monde...

 

 

Vif – comme le vent – comme le pas...

Dans la tendresse de l'interstice – l'âme parfaitement ajustée – jouant avec l'air et le monde – les alentours immédiats...

A même la roche brute – le cœur éprouvé – la poitrine angoissée – se soulevant en ondulations courtes et saccadées...

Et dans la voix – la parole détachée et le ciel (en partie) descendu...

Le visage enfoui dans le silence – attendant on ne sait quoi...

 

 

Par la fenêtre – le monde...

Ce que l’œil perçoit ; ce que l'âme ressent ; et le reste que l'on oublie...

Et sur le chemin – ce qu'il faut gravir – ce qu'il faut contourner ; et le cœur qui renâcle – et le front qui se perd en conjectures...

Et cette familiarité qui s'apprivoise – peu à peu – à force de côtoyer la même terre – malgré le mystère qui demeure intact – inentamé...

 

*

 

Seul(s) – face aux massives mécaniques assassines – où tout est happé – broyé – déchiqueté – qui transforment le monde en lambeaux – en amas de terre – de chair – de pierres...

Prisonnier(s) de cette nuit douloureuse (trop longue – assurément) ; et qui s'éternise encore un peu ; et qui fait vaciller les âmes qui patientent vaillamment ; et qui espèrent un miracle – un renversement – le dessillement nécessaire des yeux – l'impossible (sûrement)...

 

 

La même intonation dans ces voix si peu troublées par les couleurs – la rosée – la sauvagerie naturelle du monde – le prosaïsme de la pensée...

L'homme ordinaire – par excellence – muet – bavard – sans volonté – inapte à l'essentiel – animé par trop de forces – qui tourne et qui tangue – incapable de se mouvoir – de se décider ; girouette que le vent étreint – que le vent affole ; inerte et immobile....

Face contre terre – le cœur enfoui – les yeux fermés sur toutes les déchirures...

 

 

La route – encore – au bord des lèvres...

Un air de rien – au fond de la tête...

Le manque – cette entaille au creux de la chair ; l'appel des ailes et du vide...

Et ce qui se détache – peu à peu – du monde et du sommeil – du nom-étiquette qui nous colle à la peau...

La justesse du geste – la main qui œuvre – qui fend l'air – tantôt en caresse – tantôt en lame effilée – sans tremblement – sans hésitation...

 

 

Ce qui nous étreint ; au fond de la langue...

Comme l'essence de l'arbre au contact de la lumière...

Nos mains dans les siennes – aussi surprenantes que le cœur dénudé...

Et le parfum du silence qui s'incruste dans la voix – le verbe – la parole d'un seul trait – au-delà du noir habituel – au-delà de la douleur humaine...

La pierre d'angle où s'est réfugiée une parcelle d'éternité...

Comme à découvert...

 

*

 

Le geste ordinaire dégagé du monde – de tout résultat...

Fenêtre ouverte sur l'infini – sur la joie...

Libre de toute récompense nominale – de toute forme de reconnaissance identitaire...

Sans attribut – sans qualificatif – le mouvement qui prolonge ce qui a été originellement initié...

Ni commencement – ni fin ; l'oubli et la continuité qui échappe au temps...

Face à face avec ce qu'il (nous) faut accomplir...

 

 

Le jour dégradé...

L'effacement des limites ; toutes les indécisions enjambées...

Entre l'absence et l'immensité – l’œil involontaire...

L'engagement et le provisoire ; la faillibilité reconnue – et accueillie (comme le reste)...

L'énergie au-delà de l'abstraction – à l'origine du mouvement – de la justesse – de l'équilibre – qu'importe l'harmonie ou le chaos apparents...

Dans l'âme et la main – le sol et le ciel – réconciliés...

 

 

La pierre – la chair – fendues aveuglément – par défaut de lumière...

Comme des maillons supplémentaires sur la chaîne immense (et massive) qui enserre les cous ; grossissant à chaque geste quotidien...

Le monde que l'on étrangle – que l'on assassine – sans un regard – sans la moindre main tendue – dans l'indifférence et le ricanement...

L'homme universel (contemporain de toutes les époques) que le monde a toujours connu...

 

 

Parallèlement à la trace – le pointillé ; ce que l'on ignore – ce que l'on ne voit pas ; ce que l'on devine (parfois)...

L'autre part du voyage – l'autre part du réel ; invisible – déterminant – essentiel...

Loin des cercles et des couronnements...

Cette proximité accrue avec la terre – les bêtes – le ciel – l'ineffable...

Le vrai visage de l'homme – qui apprend, peu à peu, à s'extirper de la boue et du sommeil...

 

*

 

Pluriel – hybride – concomitant...

Le versant le plus coloré du monde...

Cette terre – ce minuscule caillou perdu dans l'espace...

Et notre enfance (assez) disgracieuse...

La multitude sur la même monture – engagée dans cette traversée – dans cette (fabuleuse et extravagante) chevauchée...

De lieu en lieu – au milieu des secousses...

Et dans la tête – et autour de soi ; le parfum de la peur et de la conquête...

Et le moindre pas – et le moindre geste – qui nous met en sueur...

L'exercice de l'organique – confronté à d'inévitables épreuves (bien sûr)...

Seul(s) – indigent(s) – merveilleux – indissociable(s) – indistinct(s) au milieu des Autres – au milieu de l'ensemble – selon l'orientation de la perception ; notre sort à tous ; ce à quoi l'on ne peut échapper ; ce parfait équilibre entre ce qui nous construit et ce qui nous défait – entre le dedans et le dehors apparents ; les conditions de l'aventure terrestre...

 

 

La soif resserrée sur la parole...

La distorsion du manque – au-delà de l'inconfort éprouvé...

La chose et le pas ; l'ambition du voyage...

Le délire et la frayeur – annihilés...

Et rien que des ombres ; et, autour de soi, la crispation de la garde rapprochée...

Notre transhumance en noir et blanc...

L’œil droit et le rire généreux...

Le vide comme manière de vivre – comme état d'esprit...

 

 

Ainsi offerte – ainsi exposée – l'énigme de vivre...

Les vivants en longue traînée de poussière...

De la terre et de la cendre – sous un ciel incompréhensible...

La lumière et l'infini crachant leurs signes indéchiffrables – laissant, dans le corps, un scintillement ; et, dans l'âme, un rébus ; et la possibilité d'une résolution (dont l'esprit, parfois, s’empare)...

 

*

 

L'enfance martyrisée...

Du rouge à l’œil d'avoir trop pleuré...

Le devenir devenant inerte – aveugle ; de la matière morte...

Dans l'attente d'une autre naissance ; une terre où il serait possible de grandir...

Une matière sans épaisseur ; un esprit sans illusion...

Un bout de ciel porteur de possibilités...

Une chose, en ce monde, presque insensée...

 

 

Le désastre né de la main trop besogneuse – de l’œil centré sur son mouvement – de la protubérance qui se pense (et se vit) hors de la trame commune...

Le défi du sang qui a rompu le silence ; et l'équilibre des mondes...

L'effondrement progressif – imperceptible – parallèle à la lente dérive – à cette besogne folle déjà accomplie...

Le cœur calciné – au cours de la course – avant (bien avant) que la tête ne s'en rende compte...

 

 

Le corps étendu sur le sol...

La tête dans les fleurs – au milieu des feuilles – des herbes – des épines...

L'âme au cœur de sa poésie ; au cœur de la forêt haute...

La pente adoucie par la liberté des signes – la liberté des pas...

Surgissant dans le rêve ; tantôt la marche – tantôt le repos – imaginaires...

Ne sachant où aller – ne sachant que faire...

Plongé à la fois dans la béance et l'épaisseur...

Seul(s) – assurément – sans que le piège ne fasse obstacle à nos tentatives...

L'esprit à l'écart – en suspension – au-dessus de la corde tendue entre le début apparent et la fin supposée – tournoyant au gré des cycles des mondes et du temps...

 

 

A genoux – entre l'air et la terre...

La langue posée sur l'invisible ; la bouche articulant des sons incompréhensibles...

Le sommeil au-dessus de la tête et des yeux ouverts – laissant la possibilité au monde – à la détresse – à l'abandon – d'envahir l'âme (selon la sensibilité et les prédispositions)...

 

*

 

La douleur trop abstraite pour atteindre l'impossible – le réel – la vérité...

Sur le fil de la désagrégation – indéfiniment...

En cet espace perpétuellement arpenté ; comme une exploration de l'étoffe depuis l'intérieur de la trame – sans jamais s'interrompre...

Et l'instinct – et l'intelligence – de poursuivre quels que soient la forme – l'ambition – le destin...

 

 

Comme un rêve – dans les combles de l'esprit...

Crispé (incroyablement crispé) sur le défilé des images – sur la longue série de possibles – sur toutes les alternatives (en réalité)...

Titubant ; la tête perdue et l'âme égarée – à chercher la sortie d'un labyrinthe imaginaire – au lieu de ressentir – au lieu de vivre...

 

 

Jeté(s) dans le récit des Autres – comme si le monde existait – comme si la cécité était l'état le plus naturel – le plus commun...

Et notre poitrine qui se gonfle (qui continue à se gonfler) – pourtant ; comme si nous étions (réellement) vivant(s)...

 

 

Ce qui porte à l'obscurcissement...

Face au chemin – la peur et la cécité...

L'absence de soleil – et d'attention – sur la pierre...

Les corps exténués – si las de tourner indéfiniment – d'errer ici et là – sans but – sans visée...

Le monde et la nuit – au corps à corps...

Et comme des hurlements de loup – au loin – pour se faire entendre (sans doute)...

Et ce que l'obscurité révèle ; et ce qui se déchaîne – accentué par la pénombre et l'anonymat...

Englouti(s), peu à peu, dans l'inconnu – avec nos manques et nos infirmités...

 

 

Pris au piège du monde – de mille manières...

Rongé(s) – balafré(s) – pénétré(s) par ce qui nous blesse – comme une lente mise à mort ; condamné(s) à cette sentence obstructive – jusqu'à l'épaississement de l'âme – jusqu'à l'étouffement...

Le cœur au bord de la déchirure – au bord de l'éclatement – devenant (à son insu) – à force de sévices – à force de mutilations – l'outil loyal – l'instrument docile – des forces que la vie terrestre exacerbe et glorifie...

 

*

 

Quelque chose – en soi – comme une longue série de portes successives ; un espace grossissant – s'élargissant – s'approfondissant – s'affinant...

A travers l'ascension – le plongeon – l'abandon...

Une présence vivante – de plus en plus – à mesure que les courants du monde – l'invisible – remplacent les pas et la volonté...

Qu'importe comment cela advient ; de mille manières différentes ; la flèche et le vide qui s’interpénètrent...

Et notre étonnement lorsque le cœur l'expérimente...

L'esprit-monde – sans méprise possible...

 

 

Sur les choses – nos mains ardentes...

De jour en jour ; puis, tous les suivants...

Comme une chaîne – un royaume – ininterrompus...

Face à la matière naturelle – notre allant et notre sauvagerie...

Et la nuit invasive qui gagne du terrain ; et que l'encre apprend, peu à peu, à déchirer...

La solitude contiguë à la chambre ; et la chambre contiguë à l'infini ; rien qui ne nous sépare – comment a-t-on pu l'oublier ; le vide égal au monde ; et le voyage égal à l'immobilité ; puis (bien sûr), le détachement...

 

 

La vérité sommeillante – la vérité impatiente – sous le masque ; la couleur de l'absence...

Ce qui se tresse avec l'insignifiance ; la surface perceptible de la trame...

Des passages dégagés par quelques figures ambitieuses – portées par la nécessité du ciel...

De l'air – entre les barreaux ; le même de part et d'autre des grilles...

Et plus haut que la tête – les rêves ; et plus haut que les rêves – la possibilité du jour...

Et toutes nos vaines gesticulations – sans la moindre contrepartie...

 

 

L'espace – le souffle – restreints – contenus...

Entre le hasard (apparent) et la douleur...

La cage et le manque – (sans doute) les seules évidences...

Et l'instinct de survie – à l'inverse d'une fraternité hors de soupçon – inappropriée ici – dans un autre monde peut-être – avec des créatures plus sincères – plus authentiques – moins équivoques – moins écartelées ; affranchies de toutes les faims – de tous les appétits...

 

*

 

La vie sans préliminaire...

Porté(s) par cette danse distraite...

Avec tous les bruits du monde dans la tête...

Ni ciel – ni (réelle) profondeur...

Rien que des échos et des rumeurs...

A l'ombre et à genoux...

Sur le versant le plus abrupt de l'existence (terrestre)...

Une (bien) étrange façon de recoudre le cœur...

Et, à nos pieds, l'infini – pourtant...

 

 

La clarté mille fois repeinte qui laisse entrevoir les épines – les subterfuges – les pièges et la nuit que l'on veut cacher ; le support de nos gestes mensongers – de nos vies illusoires...

Du sable dans la gorge – dans le sang...

Des corps qui se laissent choir ; et qui finissent en dépouille...

Le cœur (trop de fois) fracturé – qui baigne dans ses propres larmes – au bord de l'asphyxie...

Et l'esprit qui n'y comprend rien...

Et le ciel interminable – comme l'une des rares certitudes – auquel nous tournons le dos – par ignorance – par crainte – par excès de frivolité...

 

 

Le manque gravé à même le souffle...

La nécessité de l'air et du sang – dans cette geôle de chair...

Ce qui gouverne – sans défaillance ; ce qui porte le corps et la tête à s'incliner face à ce qui les anime...

La gueule grande ouverte pour demeurer vivant...

Moins (bien moins) autonome que la pierre que nous méprisons...

 

 

L'âme ombrageuse à force de défaites – à force de mensonges...

Les poches et les têtes pleines de ruses – de pièges – de croyances...

Le statut artificiellement rehaussé pour s'imaginer au faîte pyramidal...

Du vide à vivre – plutôt – sans étiquette – sans protocole [s'il nous fallait faire une (simple) recommandation]...

 

*

 

D'un pas de foudre – l'ascension...

Face au sommet – à bout de force ; implorant les Dieux du jour...

Le monde – si loin – dans notre dos...

Et la lumière sur nos cheveux sombres...

L'espace dans le ciel – dans la tête – dégagé...

Au-dessus des fleurs – sur la roche millénaire...

Ce qui nous étreint ; ici – la nudité – le cœur en fête...

 

 

L’œil au cœur de l'aventure...

Le bleu au bord de la lumière...

Les déchirures du monde (à peine) visibles – (à peine) éclairées...

L'âme étendue – devant nous...

La danse que dessinent les Dieux...

L'épaisseur et l'infini – côte à côte – à tourner ensemble – à s'entremêler...

Et notre silhouette qui se découpe sur l'horizon ; et qui se détache, peu à peu, du rêve dans lequel on l'a plongée...

 

 

La vie rayonnante ; l'âme ronronnante ; et ce qui mesure l'écart – la tristesse...

Le vide ; et ce qui se précipite pour le remplir...

Les uns (l'essentiel des hommes) – la torche à la main – tenue aussi haut que possible – pour éclairer le chemin...

Et d'autres (quelques-uns) – guidés par la clarté du ciel ; la lumière qui éclaire l'inconnu – en soi – devant les yeux...

 

 

A moitié enseveli ; d'un rêve à l'autre...

L'errance qui se poursuit...

La poitrine oppressée – comme si une main énorme l'écrasait...

Hors de soi – sûrement – aussi loin que possible...

Le sang qui circule – très laborieusement – dans les veines...

A l'ombre des choses ; et du temps qui passe...

Sur la pierre ; quelques signes ; l'encoche des jours – et la marche du monde ; la preuve (s'il en est) de notre (misérable) existence...

 

*

 

Le profil inhumain – sans étreinte ; quelque chose comme une bouche qui avale ; et un ventre qui digère...

Une faible lueur dans le noir ; deux yeux qui suivent – paresseusement – la danse...

Le souffle court – comme séparé du reste du monde...

Le geste tremblant ; comme un reste d'humanité...

Et devant soi – le ciel – à une hauteur légendaire...

 

 

Le retour – mille fois réitéré ; et la mort qui nous fauche – à chaque fois – trop précocement...

Le long de la même rive – le soleil qui apparaît ; le soleil déclinant...

L'âme assouplie par l'exercice incessant...

Le corps docile – comme le réceptacle des résonances ; et l'esprit qui scrute – de plus en plus large – comme si l'espace perdait, peu à peu, son étrangeté – sa sauvagerie...

 

 

Crevasses et pointes saillantes ; tel que se dessine l'impensable...

Sans erreur possible – le jour qui se lève sur le monde...

Le feu – au fond – qui gouverne ; maître des cycles et de la semence...

Derrière nous – la peur ; et devant, peut-être, la délivrance ; le déchirement ; l’œuvre qui s'accomplit...

 

 

Au cœur de la trame – le piège et l'issue ; ce qui nous sauve et ce qui nous retient...

Le va-et-vient des pas ; des vibrations et des âmes indécises...

La vie tremblante – colorée – sous la lumière ; et nos instincts reptiliens...

La vie fugace et le (grand) monstre endormi...

Des voix – l'Amour ; ce qui pourrait nous venir en aide ; et le hurlement des loups...

La vie – comme une nuit de pleine lune où tout pourrait arriver...

 

*

 

En chemin ; qui pourrait dire ? ; ici ou là – halte ou périple – seul(s) ou ensemble – sans raison ; et dans quel sens ? 

L'âme et la chair – aveugles ; et avides d'être rassasiées...

Et l'esprit captif – docile pour peu qu'on le tienne en laisse ; et la faim – et le sentiment (et l'image) de soi – qui y pourvoient – (très) largement...

A proximité – à la périphérie – presque toujours...

 

 

Comme si l'on n'existait pas ; dans cette profusion de choses – la multitude sommeillant dans l'abondance ; et que toute idée de vacuité rebute...

Comme une plaie malencontreuse – inévitable...

Heureusement que tout vacille – que tout sombre – que tout se décompose – devant le ciel silencieux...

Le bleu – l'ineffable – jouant la carte de l'effacement – au milieu de la matière qui se transforme – qui se déploie ; notre seul accomplissement – peut-être...

 

 

Au-dehors – la face lacérée...

Au-dedans – la terreur...

Sur la pierre – l'âme tremblante...

Sans engagement ; à ressasser la violence...

Arc-bouté(s) contre l'inéluctable – comme si l'on pouvait peser contre les forces du monde...

 

 

Dans l'intimité du pas...

La terre caressante...

Le monde qui s'étire...

Dans nos bras – ce qui vient – étreint et embrassé...

Au-delà de la résonance – ce qui ne peut être empêché...

Une voix – en nous – contre l'ombre...

Ce qui passe – au milieu des fleurs – sans rien endommager...

L'heure (presque) printanière – (presque) poétique...

L'âme comme désenvoûtée...

 

*

 

Bleu ; et barbouillé de blanc...

Ce que l'on a effacé – (assez) aveuglément...

Ce qui fluctue (ce qui peut fluctuer) ; du désastre à l'euphorie...

Notre labeur – jusqu'à la transparence de l'âme ; l'ampleur de ces lignes...

Un peu de joie – au-delà de la mort qui, un jour, viendra frapper...

Sans défense – au milieu des Autres ; à l'écoute de ce qui s'impose ; sans doute – le seul destin que peut offrir le monde...

 

 

Yeux dans les yeux – au contact de la source...

A compter (encore) les trébuchements...

La marche qui allège le poids – qui nous fait retrouver l'enfance...

A fonds perdu – le sommeil ; les coups – les mains qui s'abattent sur les joues ; toutes les armes qui servent la mort...

Ce qui doit périr ; et ce qui doit subsister – ce qui périt ; et ce qui subsiste ; sans doute l'une des rares leçons de l'expérience terrestre ; encore que – rien, en ce monde, ne peut être affirmé avec certitude...

 

 

Le geste sauvage ; le jour dissipé...

Notre destruction commune – qu'importe le règne – qu'importe les mots...

Rien qui ne puisse pondérer (favorablement) le poids de la cécité et du sang...

La ligne blanche franchie depuis bien longtemps...

La marche raisonnable – dit-on mensongèrement...

Des blessures et des chimères – mille désastres alignés – successifs – simultanés ; et l'écart qui – irrémédiablement – se creuse avec la justesse...

 

 

Sur le tracé de l'encre noire ; l'inconnu qui se dévoile – qui se découvre...

Comme des pierres – sur le sentier – de petits cailloux abandonnés par l'infini pour retrouver le chemin – s'affranchir de l'histoire – se ressaisir et se délester du reste...

Sans interdiction ; l'exploration – le voyage – l'aventure...

 

*

 

Le corps-ciel – vaste – dressé – librement (im)mobile – d'un état à l'autre – sans opposition – sans empêchement...

L'ignorance jetée hors du cœur ; de manière fluide et naturelle...

La tendresse pour ce qui s'approche ; et pour ce qui part ; pour ce qui nous étreint comme pour ce qui nous écorche...

L'interstice où tout se passe...

Vie et mort – lourdeur et lumière...

La matière équivoque et le Divin sans ambiguïté...

La marque – peut-être – d'un soleil profondément enchâssé dans la chair ; ce qui manquait à l'âme et au silence pour faire valoir leurs prérogatives...

 

 

Dans le souffle – le mouvement ; la mort qui s'insère – qui s'exerce – qui nous prépare ; des vagues successives jusqu'au dernier pas – jusqu'au dernier soupir...

Le lieu de l'être – indéfiniment...

 

 

La mort – comme le reste – qui s'impose...

La beauté du vivant – de l'éphémère – de ce qui passe ; élément de l'ensemble régi par les cycles...

Peu à peu – comme une succession naturelle – le rapprochement des uns et des Autres ; la longue lignée qui se perpétue – interminablement...

La nudité du cœur face à l'éternel...

Qu'importe le chemin – qu'importe la suite et le retour ; ainsi à jamais (tant que durera la matière)...

 

 

L'Autre – absent de notre jeu – de notre langue...

Un monde de débris et de déceptions – de souffle et de détritus...

Moins que les nuages poussés par les vents...

Rien qui ne puisse rivaliser (en particulier le monde) face à notre veille sur la jetée – face au ciel et à l'océan....

De la même couleur que la sente ; notre nudité...

 

*

 

Seul – sous le soleil...

Au cœur de la trame dispersée...

Sans attache...

Au recommencement de tout ; la ligne et la lumière...

Au-delà des grilles derrière lesquelles les hommes se sont réfugiés...

L'enfance pendue à nos signes...

Trait pour trait ; le même visage – celui qui résiste au devenir et à la mort...

 

 

Le pas – le feutre – dansant...

Entre le ciel et la béance – le joyeux écartèlement...

L'inconfort de la captivité ; comme pris au piège...

Et ce qu'il reste ; la fuite ou la résignation ; ou (pour quelques esprits assoiffés d'Absolu) l'immensité dans l’œil ; l'espace devant soi ; l'infini qui accueille le monde ; et notre impuissance ; et notre pauvreté...

 

 

Le pied posé sur la pierre – depuis la naissance du monde...

La danse envoûtante de la matière ; la chair sur la roche...

Sous la lumière – le sommeil...

La marche absurde – comme sur un manège – à tourner en rond autour de l'essentiel...

Comme un vide dans les vies qui ne savent pas voir...

 

 

Des couches de réel sur l'ineffaçable...

Ce que l'on croit important ; ce à quoi nous pensons appartenir...

Rien que des yeux fermés au fond de l'épaisseur...

Rien de tranchant ; rien de magistral ; de la terre qui remue un peu – en bâillant...

 

 

Devant la porte – le soir – l'automne – le monde – la mort...

Ce qui n'ose encore entrer...

Avec ce peu de lumière qui nous a pénétré(s) – (presque) par effraction...

Sur le seuil ; un pied au-dehors – un pied au-dedans...

A glisser tantôt vers le centre – tantôt vers l'horizon...

Le vide et la matière – sans la moindre fixité...

 

 

Les yeux perdus – à force d'usure – à force d'attente...

Un peu de clarté vers la terre – vers la nuit ; pour apprendre à regarder...

A la jonction absurde (et inconfortable) entre la surface et l'obscurité – au fond de cet angle qui déforme le réel ; et qui cantonne le regard aux apparences...

Au cœur du sang et des illusions ; au milieu des Autres qui nous embarrassent – qui nous indiffèrent ; auxquels nul ne prête attention ; dans un monde qui ne semble pas (réellement) exister...

Le cœur et le corps – soulevés...

Et au bord de l'abîme – le chemin des profondeurs ; ce qui mène, parfois, à la sagesse – à la vérité...

 

*

 

Sous le joug de la lumière – déjà...

(Très) mal chaussé pour le voyage...

La main nue qui, peu à peu, apprend le geste...

Le corps hésitant ; à porter le plus rare ; à cacher le plus précieux – à l'insu de tous...

Vers les marges du monde – là où les lettres et le nom deviennent inutiles...

L'effacement – comme un signe – la seule trace (si l'on peut dire)...

Le vide et le rien ; la tête et les choses non séparées...

Les premières hauteurs – peut-être ; à moins que le rêve ne s'approfondisse – ne change de dimension...

 

 

Comme sur une pierre tranchante – la prétention – la cuistrerie – qui laisse le pas et la langue sans support – humbles et involontaires pour qu'ils apprennent à œuvrer, à l'exemple de la main, au service d'une justesse sans modèle (strictement circonstancielle)...

Ainsi – au fil de l'expérience terrestre – l'esprit et l'âme comprennent la nécessité de se plier aux exigences du monde – aux prérogatives du silence ; ainsi retrouvons-nous – pouvons-nous retrouver – cette part d'innocence originelle...

 

22 décembre 2022

Carnet n°281 Au jour le jour

Avril 2022

Devenir – parfois – le pire...

Une douleur vivante – un désert aride...

L'âme et le monde – comme étouffés...

Des giclées d'angoisse et de sang – dans un silence hostile – incompréhensible...

Une voix – parmi d'autres ; toutes aussi inaudibles (se recouvrant les unes les autres)...

Un royaume privé de source et de fraternité...

Le jour percé – duquel suinte une substance tendre et visqueuse – une chose étrange...

Ce à quoi nous œuvrons – la tête penchée au-dessus du noir...

Une manière d'enjamber le gouffre ; et d'atteindre (éventuellement) l'autre rive – indemne(s)...

Le cœur rempli de choses et de haine – d'invisible et de matière...

Et cette ignorance que nous mâchonnons – comme s'il s'agissait d'un morceau de lumière...

Presque aucune chance (et combien le savent ?) d'approcher le silence salvateur ; à peine une fenêtre dans notre mur – une (minuscule) entaille dans nos remparts...

 

*

 

L'hiver – la pierre ; le monde métamorphosé...

Comme une halte dans la hâte habituelle...

Devant la source unique des cris...

Le visage penché sur la neige ; l'herbe recouverte...

La lumière de l'enfance – pendant un (très) court instant...

Comme une terre en déshérence dont les reflets, parfois, colorent le ciel...

Et la mort qui glisse comme si nous avions sur les mains le sang des Autres...

 

 

Ici – au plus haut – l’œil attentif...

L'âme aux aguets...

D'un côté, les vivants – en rangs serrés ; et de l'autre, les tombes – impeccablement alignées ; sur lesquels brille le visage de la mort...

Le monde partagé – des ombres et des gestes malhabiles ; le seul royaume que nous connaissons...

 

 

Rien que du creux ; des choses quotidiennes considérées (l'essentiel du temps) comme des corvées...

Un silence inatteignable – (presque) jamais entrevu comme une chance...

Des fenêtres à travers lesquelles on aperçoit le monde – la terre – le ciel – les Autres – les arbres – ce qui (nous) demeure étranger...

Rien qu'un débordement d'humeurs et d'instincts dans un décor figé...

A notre place – derrière la vitre ; la vie (notre vie) plus que malheureuse...

 

 

Des clés dans les yeux qui savent regarder ; et qui ouvrent (bien sûr) à peu près toutes les serrures...

Du ciel éparpillé dans la poussière...

Et ici – le monde à terre – vu tantôt comme une décharge – tantôt comme un jardin ; et un tunnel que l'on creuse (parfois) pour tenter d'échapper à cet univers désespérant...

Une lignée à remonter jusqu'à l'origine ; le seul (véritable) labeur de l'homme ; ce regard sans compromis qui – contrairement aux mains – au cœur – à l'âme – jamais ne s'immisce dans les histoires des vivants...

 

*

 

La chair écartelée par l'espace ; et qui se dilate pour que la lumière puisse se frayer un chemin – un passage à travers l'épaisseur...

Au milieu du bruit et de la puanteur ; cette horrible odeur – cet horrible vacarme – que fait le monde en vivant...

Et dans la foule – l'enfance que l'on ignore – que l'on piétine ; et à laquelle on s'adresse...

Du haut de nos falaises – le vent (et quelques paroles) qui s'élancent – les injures et les détritus que l'on jette – et la corde (bien sûr) sur laquelle on se balance...

Entre terre et immensité – toutes les existences – tous les déchirements – tous les tombeaux...

 

 

La tête encore sous l'orage...

La marche que l'on entreprend – toujours (plus ou moins) entre hasard et orgueil...

Tous les hommes – toutes les créatures – regroupés sur la même pierre...

Quelque chose sur la nuque ; comme un poids – une menace – l'épée des Dieux peut-être...

A glisser sur ces chemins – sans ressource...

Si désireux de mettre la main sur ce que l'on convoite – le plus précieux – invisible – emmailloté au fond du cœur...

Et cette transparence que l'on néglige – que l'on délaisse pour des jeux d'enfants ; un surcroît d'épaisseur...

 

 

Ça s'immisce en nous – comme l'effroi et la beauté – à travers toutes les fenêtres – tous les passages ; notre âme et notre corps – si poreux...

Comme endormi (depuis toujours) dans l'épaisseur de l'air...

Puis, soudain, l'explosion ; partout – des éclats – la matière déchiquetée ; la signature du ciel qui était tapi dans l'ombre que nous chérissons...

Une sorte d'insurrection – à sa manière – sans que le monde s'en doute ; sans même que les yeux de ceux qui nous entourent s'en rendent compte...

Le chamboulement – l'émotion pure – primitive – sous des apparences intactes...

Le même visage – le même chemin ; d'une nécessité à l'autre ; devant nous – le miroir et l'effacement (très progressif) du reflet...

Au milieu des Autres – du chaos – sans rien laisser entrevoir ; le surgissement inattendu de la paix ; une marche (involontaire – et sans méthode) vers une joie sans explication...

 

*

 

Un œil sur la frontière ; et l'autre sur l'étendue...

Pas l'ombre d'un mensonge ; les nécessités du réel – dans les gestes – sur les lèvres – en dépit de cette (inévitable) proximité avec les hommes – en dépit des règles – des lois – des mœurs et des usages – du monde...

Trop de fils à suivre ; trop de voix et de brouhaha...

Il faudrait un lieu sans repère – une (pure) invention – un perpétuel recommencement du silence...

Des pas – sur les traces de personne ; un voyage en hiver – un cœur à cœur (solitaire) avec ce qui habite le centre du royaume...

Davantage de ciel que d'étoiles (évidemment)...

Et de la chair – de moins en moins...

Des visages et des choses comme des débris – des ruines éparses ; pas même des souvenirs ; l'avènement radical (si l'on peut dire) du vide et de la nudité...

Du dénuement et de l'enfance pour que la joie devienne profonde – manifeste – acosmique ; suffisamment puissante pour rayonner jusqu'aux rives peuplées de naufragés et de tragédies...

 

 

Le jour ruisselant (sans autre témoin que lui-même)...

Le plus élémentaire de la lumière – sans doute ; perceptible par d'autres yeux...

Et toujours cette distance qui, de l'autre côté, désigne le monde ; cette séparation entre nous...

Et des mots – encore – de moins en moins interrogatifs (il est vrai)...

Et comment pourrait-on ignorer qu'en ces contrées, le cheminement (tout cheminement) demeure (bien sûr) une chance...

Au-delà de l'apprentissage des yeux et des doigts pointés ici et là (à tort et à travers)...

Quelque chose de vibrant et de majestueux ; notre âme (pleinement) engagée dans cette intimité croissante (et très largement évolutive)...

 

 

A ne plus savoir qu'en faire – de toutes ces têtes – jamais épargnées...

Avec leur lot d'absences – de craintes – de soucis...

Dans le froid des yeux des Autres...

Dans l'odeur du pourrissement et la couleur de nos tergiversations...

Un recueil de changements et de doléances ; tous ces cœurs démunis – si mal armés...

 

*

 

Des coulées d'espace – les unes sur les autres ; et qui finissent par dessiner des murs – un labyrinthe ; des seuils – des portes ; et de longs couloirs dans lesquels le vent s'engouffre...

Mille mouvements au cœur de l'étendue – peuplée – selon les jours – selon les époques – d’œils témoins et d'absents – en proportions (assez) inégales...

Des bouches pour crier – d'autres pour avaler – et d'autres encore (plus rares) pour embrasser – au gré des déchirements et des transformations...

 

 

Au cœur du chantier théâtral – nos têtes qui tournoient dans le grand incendie...

Et d'autres – comme si elles avaient élu domicile dans la demeure des Dieux – prophétisant – jetant à la figure de la plèbe – tous figurants (bien sûr) – quelques bonnes nouvelles auxquelles chacun (très tristement) s'accroche...

La petite musique des âmes dans l'espace en flammes...

Le monde – illuminé – grouillant de faux sages qui haranguent la foule – en plein sommeil...

 

 

Ce qui se réalise – dans notre absence...

Comme du vent et de grandes bottes...

La force d'un balaiement et de grandes enjambées – sans parole – sans commentaire – sans la nécessité du langage...

Comme un effacement et une valédiction perpétuels...

Ni ciel – ni pierre ; aucun repère ; rien à quoi s'accrocher...

Les seuils et la mort qui défilent ; une succession de deuils ; le processus de la séparation à l'envers en passant par ce point d'équilibre horrifique ; le plus rien – une forme de liminarité durable – sans cesse reconduite...

Seul – hors de l'ensemble – indéfiniment ; tel que cela est ressenti...

Le soleil – devant et derrière soi – partout ailleurs (en réalité)...

Plongé dans le noir et le manque (non encore transvalués)...

Humblement – de la plus authentique manière qui soit ; le point de franchissement qui mène à la réincorporation – au-delà même de l'idée de totalité...

 

*

 

L'orage stationnaire...

La seule saison que connaisse la tête...

Un bout de chair au-dessus duquel pend une (misérable) étoile...

Et des portes – mille portes – une série de seuils à franchir jusqu'à l'aube...

Des batailles ; et des peaux qui se déchirent ; des corps que l'on éventre...

L'ombre – l'angoisse et la mort – comme seules perspectives...

Poussé(s) là – comme si le ciel nous était interdit...

A se débattre ou à s'enfuir au lieu de faire face au jour – à la nuit – à ce qui vient – à ce qui naît au monde...

Comme un visage d'enfant écrasé contre la roche – à la verticale – en déséquilibre – très inconfortablement...

Et les filets du temps pour rattraper les souvenirs et les retardataires...

Et tous nos devanciers bloqués au même endroit – contre les mêmes grilles...

Le monde à la manière d'un cri ; une détention (individuelle et collective) ; quelque chose que l'on ne comprend pas...

 

 

Rien au-delà du mystère ; tout réuni dans les apparences ; la forme (chaque forme) reflétant l'ensemble – les profondeurs – ce qui semble caché...

Rien à percer ; vivre et ressentir – seulement...

De plus en plus sensible ; de moins en moins absent...

Une écoute brûlante – à chaque seconde – à chaque instant...

Une présence pleine...

Un geste – une voix – qu'importe les drames – qu'importe les joies...

Le vide et le silence ; capables de détecter ce que contiennent – et ce que dissimulent – l'effleurement et la frivolité ; à travers le sommeil et la peine – ce qui pourrait émerger...

 

 

La joue contre l'écorce – contre le monde...

Enlacés – les yeux fermés...

Ce qui se propage – se partage – sans doute ; un peu de chaleur et de lumière ; sous les paupières – la vie – l'Amour naissant ; ce qui patientait sous notre inertie et notre fièvre...

 

*

 

Entre ciel et sourire – le sable...

Les limites apparentes du territoire – au cœur de cette géographie sauvage...

Une tête sans calcul ; des pas – une danse – parfaits reflets de la lumière ; une forme de liberté primitive – presque barbare ; la chair qui roule sur cette sente jonchée de souvenirs et de ronces...

Des mains – dans le grand silence – qui battent la cadence...

La lune sur la pierre ; et notre visage...

Vers la source – sans hâte – à travers toutes les routes du monde...

Le franchissement d'une terre nouvelle – à moins que notre regard n'ait changé....

 

 

L'hiver intérieur – extraordinaire – comme un retour (inespéré) à l'enfance et au merveilleux...

Moins froid que neige – sur l'étendue où glissent les rêves...

Et cet étrange soleil – à nos fenêtres – qui éclaire l'espace ; comme un très ancien amour retrouvé...

 

 

De l'or – de la poudre – dans les mains...

Et le regard qui émiette et rassemble – qui pulvérise et autorise – tous les élans – tous les mouvements...

Sans impatience ; l'unité et les éclats...

De terre et de ciel ; le jeu de l'écume porté(e) par les vents ; et tous les horizons comblés...

Rien que des gestes et des pas ; une danse orchestrée par le souffle des vivants...

 

 

En suspension – la beauté – dans le tumulte – les tourments – inaccessible...

Au cœur de l'espace – cette veille – les yeux fixés sur quelques détails...

Dans le troupeau – au milieu de toutes les listes établies ; de longues séries de visages et de choses ; des fleurs – des noms – des étoiles et des interdits...

Ce que l'homme a créé ; un monde à côté du monde dont tous les passages ont été obstrués ; quelque chose entre le mensonge et l'invention ; les chimères (toutes les chimères) au cœur desquelles nous vivons ; une sorte d'étouffement...

 

*

 

A déchirer le monde – comme si l'on ornait une tragédie...

Une succession d'angoisses et de choses convoitées – simultanément...

Sur des kilomètres de terre ; sur des kilomètres de chair...

Le noir couronné – comme au théâtre – sur la pierre...

Des frontières qui protègent – et enferment – toutes les solitudes – les mains tendues – gesticulantes – cherchant (désespérément) à combler tous les manques – toutes les faims...

Des routes ; et des myriades d'oiseaux cloués au sol – prisonniers du ciel trop bas...

 

 

Le premier feu de l'hiver – sur cette rive froide et désertée...

Une moue joyeuse sur le visage – la chair figée – la face en plein vent...

Sans autres amis que les fauves et les fleurs – et les grands arbres qui dansent autour de nous – dans notre compagnie – prêt(s) à honorer – à célébrer – ce qui hissera l'invisible au-dessus de tout soupçon...

 

 

Des eaux noires, peu à peu, transformées...

Entre sorcellerie et croyance – la sensibilité de la main...

Le regard-oiseau d'où émerge le silence ; et l'essence du monde...

L'envol et la rivière ; l'étrangeté de l'arbre apprivoisée...

Au-dessus de l'imaginaire ; ce qui coule – ce qui advient – naturellement...

 

 

Ensemble – indistincts – indéterminés...

Le temps en fuite ; l'âme paniquée...

Des bouts de ciel – mal incorporés ; encore trop impatients...

Des douleurs indomptées ; quelques larmes et des rires...

Une main dans la nôtre pour apaiser l'angoisse...

De la puissance et de l'humilité ; la confiance et l'ardeur nécessaires pour se laisser emporter...

 

*

 

La figure pâlissante ; et la bouche tordue pour se moquer de la tiédeur de la chair – de l'incurie de l'âme...

La vie plus forte (toujours) que le monde en déroute – en émoi ; quelque chose de l'usage inapproprié...

Et cet éclat dans l’œil ; davantage qu'une image – le ciel présent ; le cœur ouvert qui reçoit son obole...

Ruisselant de gratitude ; ainsi (trop rarement – sans doute) pourrait s'achever l'histoire...

 

 

L'invraisemblable aventure – d'un point à l'autre du silence – dans l'indifférence absolue...

Quelque chose qui pousse – qui tire – qui emporte – le manque et la seule ambition qui vaille ; un surcroît d'être – pour toucher à la plénitude...

Un sourire autonome – libéré du monde – des visages – des circonstances...

Ombres ou reflets de l'ombre – qu'importe lorsque plus rien ne fait obstacle à cette (involontaire) intimité avec la lumière...

 

 

Sous l'orage – la ferveur imprévue – cette fureur contre le crime – sans relâche – contre la prière et le recueillement...

Des étincelles – en soi – des combats intestins – pour définir l'aventure ; et déterminer, peut-être, l'itinéraire vers l'aurore...

 

 

A ne rien saisir du poids du monde...

La succession des règnes et des déclins...

Des postures et des termes...

L'ensemble des espaces dédié à la violence – à la conquête – au pouvoir...

Des désirs et des perturbations ; un peu d'ombre sur ce qui semble souhaitable...

Le réel ; et son lot (inévitable) d'émotions...

 

 

Quelques traces déposées sur l'argile...

La rencontre du vent et de la rosée ; un peu de poésie...

La vie qui feint de se laisser saisir...

Et aussitôt prise – aussitôt prisonnière de l'encre noire – figée sur la page qui – lorsqu'elle est parcourue par des yeux réceptifs – la libère dans l'âme de celui qui la lit...

 

*

 

Ici – sans souvenir – sur ce sol sans promesse...

Parmi les fleurs et les rêves des Autres ; sensible (très sensible)...

Des mots ardents – découpant les territoires – recollant les portions – les parcelles – les morceaux – transmutant (essayant de transmuter) les idées en geste – tentant d'arrêter le sang versé – et priant la sève d'imposer partout le règne de la beauté pour remplacer celui de la sauvagerie et de la brutalité...

 

 

Vieil homme – déjà...

Près du trépas – peut-être ; et ce qui adviendra – déjà penché sur soi – sans doute...

Sans hasard – le déroulement du destin – sur la sente – le sable – la table...

Ce qui entre ; et ce qui sort ; ce qui est reçu et ce qui est abandonné ; tout ce qui (nous) transforme...

La respiration ; le chant qui invite à la prière – au silence – au recueillement...

Ce qui brûle ; ce qui est vivant – jusque dans la mort – par delà toutes les frontières inventées...

 

 

Découpée – par-dessus le ciel – la carte qu'ont inventée les hommes...

Des forteresses – des pièges – des barbelés...

La nudité habillée de (très) pauvres – et de (très) hideux – atours...

Des rêves – par-dessus les craintes...

Et tous les domaines en expansion – excepté l'essentiel (bien sûr) ; l'intelligence et la sensibilité...

Des vies – des têtes – des âmes – des cœurs – comme des coquilles vides, sans cesse, grossissantes ; et les ténèbres entièrement occupées – presque débordantes...

 

 

Des voix ; ce qui dédommage (parfois) de l'horreur devant soi – de toutes les atrocités commises (plus ou moins) intentionnellement...

Un chant ; et du silence – qui s'élèvent – de l'intérieur...

Comme la découverte – l'invention peut-être – d'un lieu superposable à tous les lieux terrestres ; un monde au-dessus du monde – pour respirer – exister – essayer d'offrir à l'Amour une chance d'embrasser les armes – la terreur – la violence ; les victimes et les bourreaux (d'un seul et même élan) ; ce à quoi (nous) condamne l'ignorance...

 

*

 

Serrés contre soi – un nom – une histoire – une réputation (peut-être) auprès de quelques têtes...

De l'insignifiance (essentiellement) – il va sans dire...

Quelque chose que l'on tient à la main et que l'on dresse (assez régulièrement) au-dessus du front ; un très mauvais usage du feu ; de l'ardeur à des fins moins que tribales – strictement personnelles...

Les épaules plus larges – une face plus visible (vaguement reconnaissable) ; et alors – que grand bien nous fasse...

Est-ce donc cela la vie – est-ce donc pour cette raison que nous venons au monde...

Comme un étrange éloignement de l'origine – presque un dévoiement – si commun – si naturel – qu'il rend l'homme bien plus risible qu'il ne le pense...

 

 

A cette fenêtre ouverte sur la nuit ; l'Absolu comme une certitude – une (soudaine) épiphanie...

Une fulgurance sur nos blessures et nos plaintes...

Le même visage du monde – de soi – vus de l'autre côté – légèrement en retrait – délicatement tournés vers le ciel – méconnaissables...

 

 

La nuit – tranchée à coups secs – puis dépecée – comme une vieille bête – un monstre antique ; et les entrailles laissées là – abandonnées à leur puanteur...

De toute évidence – une belle proie ; la seule proie véritable – peut-être...

Et le chemin – plus lumineux – à présent – qui appelle – qui invite à se rapprocher de ce qui éclaire – de ce qui réchauffe...

La poursuite du voyage libéré de l'obscurité...

Au-delà du rêve et du sommeil (plus que jamais)...

 

 

Au milieu des arbres – ce parfum de terre...

Le monde enjambé pour rejoindre le vide ; sauter à pieds joints au-dedans...

De l'ordre apparent vers le désordre naturel...

De la civilisation (supposément civilisée) jusqu'à la sauvagerie première – précieuse – salvifique ; une manière de se retrouver – de reconnaître la nécessité de l'enfance originelle...

 

*

 

Le ciel – encore – comme un en-deçà – la seule entité antérieure au monde – sans doute ; ce qui invite à la lumière et à l'immensité ; ce qui exhorte le voyageur à cheminer ; à maintenir (quoi qu'il lui en coûte) les yeux ouverts...

La main en visière pour découvrir la clarté et le secret ; très en avant de la tête ; et l'autre main dans la poche pour tâter la chair – vérifier le contenu de son viatique [de son (très) maigre bagage] – s'assurer d'être vivant et de pouvoir satisfaire aux nécessités quotidiennes...

Dehors – le déploiement ; et à l'intérieur – le retrait ; ce qu'il faut savoir inverser à partir d'un certain nombre de pas (et d'expériences) dans le monde (aussi tôt que possible)...

Le voyage – le seul voyage – qui se garde bien de dire son nom...

Entre terre et ciel – la course de l'homme et des étoiles – dans l'orbe et le sillon qui traversent tous les cycles de la vie et de la mort...

 

 

Ce qui s'inscrit – ce qui se détache ; ce qui doit arriver...

Le froid – le combat – la chair éprouvée...

Le seul héritage ; l'attente et le sommeil (plus profond que jamais)...

Une sorte d'inertie guerrière – obsidionale...

Des remparts – des chemins – comme des lignes que l'on trace ; sur lesquelles on passe et repasse – sans (véritable) destination – sans achèvement possible...

Avec des choses qui rôdent – en nous – autour de nous ; comme des fantômes...

Des monstres inventés et de l'angoisse (que l'on finit par serrer contre soi)...

Ce que l'on amasse (avec avidité) – considéré (très souvent) comme le seul trésor – le seul viatique (si tant est que l'on ait conscience de la nécessité du voyage) ; ce qu'il y a (seulement) à faire...

Comme un monde sans vent – sans Dieu – sans profondeur – sans infini – où l'on gesticule – comme une manière (à peine) de griffer la surface – de se battre contre une armée d'ombres invisibles ; des existences sans surprise – sans incidence – sans découverte ; une sorte de parenthèse dans l'aventure...

 

*

 

Sous le ciel – la nuit baroque...

Par-dessus le sillage des anciens ; de la fumée au creux de la parole ; beaucoup de mensonges (évidemment) et de la chair consumée...

Davantage d'images que de rêves ; et davantage de rêves que de visages...

Des mythes et des allégories...

La nuit qui s'étire ; celle d'hier et celle d'aujourd'hui qui se rejoignent....

La face du monde que l'on connaît – que l'on ne peut ignorer en vivant sur cette terre...

Les tempes vieillissantes – secouées par tant de tempêtes – frappées par tant d'éclats...

Le noir – la seule couleur ; avec l'espoir...

Des portes qui ouvrent sur le néant...

Entre l'abîme et la mort – des remous ; une série interminable d'incompréhensions...

Et pour nous tous ; la force de tenir et de croire ; et rarement davantage ; ce qui fait (sans doute) l'essentiel de l'homme...

 

 

Insidieusement entravé(s) – amarré(s) au magma et au vent – le seul socle terrestre...

Avec – autour de soi – des horizons abrupts et des têtes renfrognées...

Des sentes et des larmes ; et, parfois, un (très vague) sentiment océanique – en plus de l'écume...

Un périple sans (véritable) péril – sans (véritable) renoncement ; une sommaire (et commune) tragédie ; des fenêtres et des paroles qui ne débouchent sur (à peu près) rien...

 

 

Une révérence aux confluences des lenteurs...

L'âme dressée – saisie par son impossible chagrin...

Comme un rétrécissement à l'embouchure...

Un temps introuvable – aux heures les plus lucides...

En la défaveur de tout militantisme...

Sans ironie – sans réfutation possible...

Le cœur bouleversé par ces éclats de ciel servis par une encre sans déguisement ; une forme de contemplation naturelle – vaguement contagieuse (peut-être)...

 

*

 

Le corps émietté ; des trous dans l'air...

Quelque chose comme un lieu impalpable ; et une démonstration de force discrète aussi – comme les bras de l'immensité à l’œuvre ; le sens de l'histoire – en quelque sorte...

La trame parsemée d'or – de soleil et de fantômes...

Des papillons dans le silence...

Le ciel offert comme un message...

Et toutes les âmes portées à croire en elles ; autant qu'aux ailes et à la lumière...

 

 

Rien de la malédiction des sorcières...

Des signes (de simples signes) d'expansion...

Comme une étrange fascination pour la vie et les ténèbres ; ce qui croît et ce qui engloutit...

Des appels sans réponse ; et des fragments de langage...

L'infini penché sur lui-même ; et toutes ses parts parfois parlantes – parfois réduites au silence...

Du vide et de la matière ; un ensemble (incroyablement) vivant – tout au long du cycle...

 

 

Quelque part – toujours – quelque part – dans le cercle tracé par le silence...

L'odeur de la mort et le souvenir des anciens...

Quelque chose comme un cri – un geste – une tentative...

Une manière de vivre au milieu des Autres – en dépit des difficultés – des périls – des obstacles – des impossibilités...

Ensemble – comme nos têtes mal servies – comme nos cœurs éprouvés...

Contre les murs – l'écho de notre voix...

Des places vides ; du sang versé sans préambule ; et la foule sans alibi...

 

 

Des cascades de paroles...

La bouche faussement auréolée de sagesse...

Des relents de silence ; des reliquats de nausée...

Ce qui ressemble à une chanson – une sorte de rengaine – au milieu des ombres et de l'immensité – passablement inutile – comme si nous étions incapables d'inventer autre chose...

 

*

 

L'âme fascinée par la lumière ; et les malédictions de la terre ; cette vie terrestre qui abîme et qui brûle...

L'espace tapissé de vide et de matière ; la matrice démultipliée...

Et des messages invisibles tatoués au revers de la chair – au-dedans des choses...

L'univers qui nous étreint – fragment après fragment – simultanément...

Inaccompli(s) (bien sûr) à cette hauteur du langage...

Entraîné(s) dans la poussière – tourbillonnant avec le reste...

Le monde dans le sillage de cet aveuglement...

 

 

Dans l'axe et le mouvement ; ce qui demeure ; et ce qui est emporté – sans verdict – sans châtiment ; l'histoire de tous – entre émergence et disparition...

Le cycle sans fin ; d'un temps à l'autre – jusqu'aux extrémités...

A l'intérieur du cercle – toujours – malgré l'absence de fixité...

 

 

L'espace – au-delà...

Sans mur – le ciel ; d'immenses fenêtres – sans sol – sans socle ; rien ; aucun lieu où poser les pieds – aucun appui pour soutenir la tête ; et le cœur – déformé – qui enfle – se dilate – devient l'espace – la totalité de l'espace...

Le vide – partout – qui s'insinue à l'intérieur du vide...

Quelques signes et quelques étoiles – seulement – au-dehors – au-dedans...

Et des paroles pour précipiter la chute ; le bruit (imperceptible) de l'effacement...

 

 

Rien que des mots sur cette matière débordante...

Des ailes qui s'enfoncent dans la chair...

Les instruments de la défaillance ; ce qui est encore inapte à la caresse – à l'amour sans calcul – à l'accueil sans condition...

A la manière d'une porte pas totalement ouverte – tremblante à l'idée du monde et du vent – qui fréquente encore la crainte et la prière – asservie, de façon trop grossière, à la magie et à l'espérance...

 

*

 

Sans Dieu – sans armure ; auprès des arbres...

La solitude que le vide parachève...

Des noms qui crépitent dans les flammes...

Le ciel flamboyant ; le corps décontenancé – légèrement différent – un peu effacé...

Le jour comme pour lui-même – sans la nécessité du monde...

Entre alacrité et élation – dans l'âme – cette émotion inconnue...

Et devant soi – l'absence d'heure ; l'effondrement du temps...

Une présence intense – sans discours ; un langage métamorphosé en silence ; la quiétude – les yeux fermés...

 

 

L'envers de la fatigue – atteint peut-être...

Des mots comme des notes de musique...

L'orgueil évincé – plus que déshonoré...

A la recherche de ce que dissimulent le bruit et la rumeur...

Cette ardeur engagée dans le provisoire ; cet allant obstiné malgré la pourriture qui guette...

A reculons ; et à pleins bras – en fin de compte – contre toute attente...

 

 

Des rangées de corps au milieu du désordre des choses ; le signe d'une tête grossière – encore soumise à la rationalité...

Comme si le vent tardait à balayer les croyances – l'hérésie – les visages fermés – ces amas de chair plantés comme des piquets...

Un courant d'air frais sur cette tiédeur – cette inertie – cette suffocation...

Le souffle ardent d'un Dieu amoureux du vide – de la pagaille et de la nudité...

 

 

Le regard – soigneusement plié...

Le bout des doigts sensible...

Le cadre qui, subrepticement, s'élargit...

Un murmure – un souffle (à peine) – sur nos yeux éteints...

Un feu au fond de l'âme pour remplacer la faim...

A la place du sol – de l'inconsistance...

Et à la place de la matière – des tourbillons d'air – un léger parfum dans un songe obsédant...

 

*

 

Ce que nous fûmes jusqu'à présent – jusqu'au dernier souffle (très souvent) ; de la glaise animée par des forces invisibles – mystérieuses – incontrôlables...

De la chair ; de la faim et des pensées ; des désirs et des nécessités...

Un peu d'ombre projeté par la lumière…

Pas si réel(s) en dépit des apparences...

Des yeux sur ce qui s'évanouit...

Une anfractuosité dans un interstice du temps...

 

 

Soudain – le silence surgissant...

Une épiphanie au milieu du bruit et des malheurs...

Une présence – un sourire – quelque chose de l'invisible sur la pierre – au cœur d'une matière monstrueuse et affamée...

Comme une fenêtre dans notre étouffement ; une perspective dans notre détention ; le seul espace habitable dans ce monde de seuils et de saturation...

 

 

Le temps en marche ; et l'allure des hommes...

Le ciel comme un cercle de sortilèges qui jettent les vivants (tous les vivants) sur la pierre – dans l'ombre épaisse – la matière ; imposant aux créatures une longue série de gestes destinés à tromper le hasard – à conjurer le destin...

La main levée – dressée comme un piège ; le prolongement de la colère entre la lumière et la faim – à l'image du monde scellé dans la terre – coincé entre l'Amour et le désir carnassier – à la manière d'une toupie indécise tournée (à la fois) vers le ciel et toutes les opportunités du sol...

 

 

Dans la plaie – la sanie du monde...

Ce pour quoi l'on tue – l'on éventre – l'on égorge – encore...

Et au-delà des remparts – le bleu des promesses...

Et au-dessus – le vide...

Et le vent qui fait danser les choses – en vagues régulières qui se répandent sur le rivage...

L'épaisseur du désastre – d'une certaine manière – qui se déverse sur la grève – qui s'entasse sur le sable ; et – au loin – le parfum des possibles ; et l'écho (à peine perceptible) d'un rire très ancien que nul, ici-bas, n'est (sans doute) capable de reconnaître...

 

*

 

De l'ombre à l'immensité – par le chemin le plus naturel...

Et le vent aidant – en précieux auxiliaire...

Et les yeux qui s'ouvrent, peu à peu, à la lucidité et au merveilleux – à travers les grilles du monde...

Quelque chose du ciel découvert...

Davantage qu'une fenêtre ; davantage (Ô combien) qu'un savoir ; une manière d'être vivant...

Ce que la nuit dissipe ; et ce que l'âme partage ; sans doute – la seule humanité qui vaille...

 

 

Devant l'aube...

Sans secret – sans délire – sans parure – sans personne ; mais non sans fêlure...

Au cœur de ce que l'on considère comme la solitude ; l'effacement doublé d'une parfaite reliance au reste ; ce qui demeure – en vérité – lorsque tout a disparu ; la mort de son vivant – en quelque sorte...

 

 

Au fond de l’œil – l'or et la fange – au corps à corps...

Et la main tremblante – hésitante – partagée entre l'Amour et la mort...

Aux prises avec mille luttes intestines sur le choix des armes et des couleurs...

Entre le miroir et le rempart – la marche en désordre qui ravage le monde...

 

 

Quelque chose du cœur et de l'embrouille – dans le geste et la parole...

A grands traits – ce que l'on exécute...

Sous la lumière ; aux côtés du rêve...

Comme une confusion de l'âme qui se répercute en cascade sur le dehors sans refuge...

Et cette sensation d'oppression dans la poitrine...

Et ce goût de cendres froides au fond de la gorge...

En soi – le champ de bataille des origines ; le prolongement de l'équivoque et de l'indécision...

 

*

 

L'inconsistance ; nous comme objet(s) inqualifiable(s)...

Pas même fidèle(s) à la dérive du temps – au déclin des civilisations – à l'extinction des espèces...

Jamais fixe(s) – jamais fixé(s) ; ni ici – ni ailleurs...

Intermittent(s) – entre sommeil et insomnie...

Dans le jour grandissant ; puis, dans la nuit noire – sur toutes les rives – simultanément...

A la fois simple(s) – sobre(s) ; et monstrueux jusqu'à l'obscénité...

Écrasé(s) et écrasant...

Du vent – des flèches – sur des amas – dans l'immobilité...

Et de petits à-coups – pour soi seul(s) avant d'être ramené(s) à l'ordre dans la longue suite de tourbillons...

Vivre et mourir – dans le même vertige...

 

 

Le réel éteint dans les yeux de ceux qui dorment...

Une étendue noire – anguleuse...

La tête confuse ; le cœur saturé de cendres...

Et le même refuge – à la verticale des aiguilles...

L'âme inclinée (pour toutes les mauvaises raisons)...

 

 

La détention terrestre – partout – murmurée...

Dans le lacis des possibles – la frénésie...

Mille manières de s'arracher à la pente – d'abattre les murs qui (nous) condamnent à la soif et à la cécité...

Trop de morts déjà ; et la distance (grandissante) avec ce qui nous sépare...

Le monde comme un miroir où ne se reflètent que le sang – la tristesse et l'impuissance...

Et nous pris en flagrant délit de sournoiserie ; avec, au fond de l'âme, un défaut d'abandon et d'envergure...

Appuyé(s) de tout notre poids sur les malheurs et le déclin ; la posture qui s'appesantit et enfonce plus encore notre tête dans l'erreur et l'inertie...

 

*

 

A même le visage – l'infini – ses caresses – ses coups – ses éclats ; cette lente dévoration – parfois douloureuse – parfois savoureuse...

Le déroulement (inéluctable) de l'effacement – à travers tant de cris...

Le visible, peu à peu, renié...

Comme au commencement du réel ; plus tôt (bien plus tôt) que l'origine du temps...

 

 

La perpétuation de l'invisible – à travers le nom – tous les noms qui se succèdent...

Comme un abîme qui coule à pic dans ses propres tréfonds ; une montagne rehaussée jusqu'à la lumière...

Des morceaux de chair emmêlés au rêve...

Et dans la pénombre – le hurlement des bêtes...

 

 

Rien que l'usage des mains et de la terre...

Et la lumière patiente – sur les gestes et le sable...

Et la vie des hommes qui tentent de faire entrer Dieu dans ce désordre – dans ce fouillis – dans ce chaos – comme d'incurables mortels...

 

 

Aussi loin que le cercle l'exige – jusqu'au creux de la main tendue vers l'inconnu...

La tête offerte comme une obole – courageusement...

Au-delà de tous les paysages communs...

La perspective en deçà de l'horizon ; et l'horizon en deçà du rêve...

Quelque chose au bord de l'écume ; et pourtant...

 

 

Quelque part – plus léger – moins assoupi...

Là où la forêt accueille ; là où la nudité est le seul point d'ancrage ; là où la vie se réduit à l'incontournable...

Au-delà du faux (et du flou) véhiculés par la tête...

Dans le miroir – bien davantage qu'un reflet ; la possibilité de l'acquiescement...

La justesse en étendard (discret et involontaire)...

Ce qu'aucun tourment ne saurait ébranler...

 

*

 

A bout de course ; celle du monde – celle des Autres...

A la manière d'un chant bloqué au fond de la poitrine ; né du silence et aspirant (soudain) à retrouver l'origine...

Devant et derrière soi – une longue suite de mots...

Au pied du temps – toutes nos chaînes défaites...

Tel un pèlerin – un vagabond – qu'aucune route ne rebute...

Au-delà de son essence apparente ; et la nécessité (impérieuse) du retour – à l'intérieur...

Hors cadre ; échappant (ainsi) à toutes les cases inventées par les hommes ; et à leurs (mesquines) ambitions...

Autorisés – à présent – les soubresauts du bleu – bloqué (depuis trop longtemps) entre les désirs et les pensées – saupoudré de quelques rêves (une sorte d' imaginaire primitif)...

Autorisés – à présent – le saut – le plongeon ; l'envol pour ainsi dire – afin de concentrer dans la présence et le geste l'Amour et la lumière (grandissant) ; hisser ses profondeurs et incarner l'essentiel, en quelque sorte, de la plus juste (et authentique) manière ; ce pour quoi nous sommes venu(s) au monde – sans doute...

 

 

En haillons – au-dessus des murs du monde...

Sans bruit – sur une esquisse de sentier (à peine) ; rien de très formel (évidemment)...

Un peu de blanc et de noir – mélangés jusqu'à la torture...

Des foulées – comme une danse – avec, dans les bras, des ombres et quelques reliquats d'innocence – un peu de nuit et de poésie...

Et tous les bâtiments écroulés – à l'intérieur...

La plus ancienne architecture du monde – offerte en festin aux masses sournoises...

Et de part et d'autre de la vitre – du soleil et des yeux percés ; des fenêtres aux carreaux de plus en plus opaques...

De la lumière et de la mendicité – en vérité ; chargées (indiscutablement) de souffrances ancestrales...

En haillons – encore ; toujours – au-dessus des murs du monde que l'on apprend, peu à peu, à éclairer...

 

*

 

Ainsi l'immensité et le silence...

Le règne des hauteurs affranchies de tout jaillissement...

Des chemins éparpillés dans la blancheur...

Et la dérive heureuse (très heureuse) des âmes – dans le ciel – libérées...

L'incessant défilé sur l'étendue...

Et sur terre – chaque chose – chaque visage – à sa place...

L'inévitable déroulement des destins dégagés de l'idée du hasard...

 

 

Le lieu de la malédiction – cette fissure dans la chair où s'épanche la substance...

Tous les matériaux ; le substrat et l'essence – passionnément enlacés...

Dans le corps vide comme une ombre...

La nuit inspiratrice que rien ne saurait dissiper...

Le gouffre creusé par tous nos gestes ; qu'importe les désirs – qu'importe le soleil...

L'anéantissement de tout ce qui naît – sans compter (bien sûr) la puanteur et le pourrissement...

 

 

Les yeux froncés – face au soleil...

Comme un effroi – un raidissement – à l'intérieur...

Au ras du sol – dans le même sillon...

Comme de la colle sous les pieds...

Dans l'attente de trop de choses...

Comme un pont trop lointain – impossible à franchir...

Encore en vie – en dépit de la distance...

L'âme toujours plongée dans son bain de misères...

 

 

Des élans sur la feuille...

L'âme immobile – silencieuse...

La folie de l'espérance démasquée chez chacun...

Et, à présent, ce sourire figé sur le visage – comme une peau faite de nuit et de lumière...

Le front souple ; le cœur ouvert...

Et l'interrogation jusqu'à l'essence – jusqu'à la cime – des choses...

Un immense tohu-bohu pour un si mince surcroît de compréhension – ce si peu de matière...

Au centre du cercle – pourtant ; ce que l'on dessine à la craie rouge ; ce que l'on souligne – à grands traits...

 

*

 

L'intimité avec le plus vaste – comme la découverte soudaine – spontanée – de ce qui ne meurt pas – de ce qui ne peut mourir...

Un visage sans ride – une absence de visage – le visage de tous – le visage de tout ; composé de chaque visage ; et que nul (ou presque) ne peut reconnaître – tant chacun, sur cette terre, est aveugle – ignorant – encombré ; comme envoûté par l'écume du monde...

Une leçon – peut-être – donnée aux hommes ; et qui échappera (encore) à la (très grande) majorité...

 

 

Des fleurs noires jetées à la face du monde...

Et ces heures – et ces vies – inertes – bruyantes – inhabitées...

Du vent et de la poussière que beaucoup prennent pour un destin – une raison de s’enorgueillir – de parader – de pérorer – de s'imaginer appartenir à l'aristocratie du monde – parvenus, en quelque sorte, au faîte de l'intelligence et de la sensibilité ; coincés (en vérité) au dernier sous-sol de la fange épaisse...

 

 

Ici – sans embarras – les yeux face au vent...

L'âme sans distance – sans intimité scélérate...

Libre des Autres et des affaires du monde (autant que possible)...

La nudité – au-delà des remparts épais – au-delà du grotesque des postures...

Au carrefour du vivre et de la poésie ; à la source des gestes nécessaires...

Le cœur battant qui, peu à peu, apprend à côtoyer l'inconnu – la confiance et la lumière...

Au bord de l'aurore – au bord de l'éternité – peut-être – qu'importe l'ardeur et la hauteur des flammes...

Le silence qui enveloppe nos tempes grises et obstinées...

 

 

La parole exposée – en plein soleil...

La tête cachée dans un recoin ; et le reste qui danse sur l'étendue désertée par tous les Autres...

Le vide et l'infini ; ce qui se prête (très volontiers)...

Et suspendue à l'oubli – l’œuvre que l'on dessine – pour soi seul (dirait-on)...

 

*

 

Au cœur de la persévérance – ce rire étrange – aérien – né d'autres lèvres...

Comme un intervalle dans l'effort – une pirouette dans l'assiduité (trop sérieuse) – un jeu dans la posture individuelle (illusoire – mensongère – intenable)...

Une manière d'ouvrir les yeux sur l'inconsistance...

Quelque chose qui se détache de l'incarnation...

Quelque chose au-dedans – et au-dessus – de la chair ; capable de vivre sans elle...

Le signe qu'il existe un centre – un autre monde – à même la roche ; la seule espérance des hommes – sans doute...

 

 

Nous – seul(s) – dans l'accompagnement d'un Autre – en soi...

Des prénoms – mille inventions – mille stratagèmes – dans l'interstice étroit...

Entre l'esprit – le fantôme et l'animal...

Ce que nous respirons ; notre (instinctive) obéissance aux forces terrestres – à l'invisible – au mystère...

L'espace ; ce que l'on entrevoit – parfois ; et ce que l'on entend (lorsque l'oreille sait se faire attentive)...

Une sorte de temple ; l'autel du vide – en quelque sorte...

Toutes les faces de l'être – plus ou moins sombres – plus ou moins rayonnantes – selon les jours et l'intensité de la lumière ; ce que reflète parfaitement le monde...

 

 

Le silence – tout à coup – comme un ruissellement de joie – une lumière (profondément) habitée – un lieu où le temps s'arrête – où tout prend place – où le voyage devient l'essence – au même titre que l'immobilité...

Ici – comme un coin du monde – une portion de l'espace ; et l'infini à portée de main ; un sas entre les ténèbres et la feuille ; et la possibilité du pardon ; comme d'implacables repères sur le chemin...

 

 

La rigueur du chagrin – au débouché si funeste...

Entre l'ombre et le faîte – l'homme sur son assise bancale – l'antichambre de la peur et des enfers – comme un insecte parvenu à la cime d'un brin d'herbe...

Et dans le ciel – ce miroir – ce portrait – que (presque) tous ont oublié..

Un assoupissement ; comme une chute au fond d'un rêve dont nul (sans doute) ne verra la fin...

 

*

 

L'abîme – le cap – la présence ; au cœur de cette (apparente) trinité du périple terrestre...

L'impénétrable – malgré soi – habité ; qu'importe la forme et les états...

L'esprit englué dans le vertige de ses créations ; réel – rêve – langage...

Le ciel et la nuit – colorés – bariolés – sans cesse ripolinés...

Et nous – au milieu des arbres – sur la pierre...

Face à l'appel de l'effacement ; la nécessité de l'écart et du silence...

 

 

La mendicité mimétique – (quasi) simiesque – des hommes et des générations...

L'indifférence face à l'innommable...

Et la démesure tribale et guerrière...

Comme des parts manquantes – (absolument) essentielles...

Et le plus vil – le plus abominable – en effervescence – placé sur l'estrade – sur l'autel du monde...

L'horreur – la peine et le charbon ; et la foule qui passe son temps à hurler sur on ne sait qui – sur on ne sait quoi – pour des raisons qu'à peu près tous ignorent...

 

 

Un œil – des mains – derrière la fenêtre ouverte...

Et par-dessus – le chant des oiseaux...

La roulotte posée sous les hautes frondaisons...

Des gestes précis – sans rêverie – sans imaginaire...

Des empreintes laissées par l'âme – condamnée à l'exil – au retrait – au repli...

Une danse où le vent tient une place centrale – aux côtés du silence...

Une fête joyeuse – quotidienne – discrète – sans effort – sans ivresse...

Du côté de ce qui observe – humblement...

Le cœur engagé malgré le déclin – malgré la débâcle...

 

 

Disloqué sur la pierraille...

La tête parmi les décombres...

Sans espoir – assujetti au jeu des possibles...

Ici ou ailleurs – partout – le même frisson et la même monstruosité – au bord de l'abîme ; pris au piège de l'immonde qui a envahi – et qui est en train de recouvrir – toute l'étendue...

 

*

 

Le front brûlé par la rumeur...

Le monde comme un tourbillon...

L'âme qui apparaît – et disparaît – au milieu des visages...

La moitié de la poitrine arrachée...

La gêne – la peine – le danger que représentent les Autres – sans trêve – sans pouvoir y échapper...

Au-delà du verbe – la transparence promise ; et la vulnérabilité de la forme...

Comme une toupie au milieu des épines – sous le regard tranquille des étoiles...

Quelque chose du vent – dans les yeux – dans les mots...

Et – soudain – emporté plus loin...

 

 

Le monde posé sur l'oiseau – sur l'aile – sur la plume – de l'oiseau...

Entouré davantage que par le ciel ; le bleu – le vide – l'infini...

Bercé par la démesure du temple vivant ; sans jamais choir...

La vie – la joie – le langage – immergés dans la danse...

Le vol au-dessus des ruines du temps...

 

 

Monstre éventré – entrailles à l'air – après la débandade...

Et le désert – à présent ; et tous ses mirages peut-être – après toutes les illusions du monde – largement égrainées...

Un étroit passage entre la folie et la mort...

Sans bagage – le cœur gros – puis, le cœur sec...

Le regard porté sur la dislocation – la fuite des Autres pour échapper à la catastrophe...

La tête encore engagée dans le labyrinthe ; l'âme écrasée – sous les décombres...

Des débris d'être ; et des mâchoires de fauve à l'affût – prêtes à saisir la chair tremblante – miraculeuse – qui passerait à proximité...

Eux – encore plongés dans cette crevasse ravagée ; et nous – sur l'étendue – plus que fragile(s) – entre la peur et le réconfort d'avoir échappé à la foule ; chacun coincé dans ce qu'il considère comme une issue – une échappatoire peut-être – sans savoir qui saura (véritablement) tirer son épingle du jeu...

 

*

 

Trop obscurément bestial – trop obscurément humain – pour percevoir le miracle – la lumière...

Les choses rayées dans les yeux avides – dans les yeux (trop) gourmands...

Le monde cloué par le ventre ; au cœur du temple de la faim...

L'épine et la substance ; et le langage (parfois) pour s'abstraire...

Des noms pour célébrer le réel ; l'infamie...

Des lieux jonchés de vivres et de semence...

Le temps des bêtes ; et le temps de l'homme ; le règne des créatures élémentaires qui tardent à inventer un monde nouveau – ce qui succédera (peut-être) à l'épaisseur labyrinthique...

 

 

En une fraction de seconde ; le recommencement...

Le prolongement de la lignée ; et le prolongement du monde...

Quelque chose dans le regard ; comme des reflets et des gerbes de lumière...

L'écho du premier bruit ; la répétition du mouvement originel – et l'impossibilité du dénouement ; la malédiction (sans doute) de la perpétuité...

 

 

La pensée inutilement rehaussée – sans ressort face à l'intuition – pour appréhender la vie – le monde – la mort – l'expérience terrestre...

La perception à travers des grilles – un trou – un interstice étroit...

Rien qui ne puisse restituer l'étendue – dans son épaisseur – sa complexité – son inconsistance – sa variabilité...

Des concepts et des mots incapables (bien sûr) de refléter le réel...

 

 

Un jeu – comme un ressac – porté jusqu'au délire – porté jusqu'au regret...

La gangue du mensonge étouffant toute possibilité d'éclaircissement...

Comme de l'opacité sur la transparence...

Une absence de vent sur le rêve...

L'abondance des choses ; et l'âme privée de saveurs et de frémissements ; saturé de terre jusqu'à la suffocation...

 

*

 

Bleu-jour ; comme le Divin vivant – la lumière jamais achevée...

Le cœur du mystère livré aux apparences – entre la naissance et le trépas – accessible – sous les paupières dessillées...

La terre si proche du ciel...

La sensibilité délicate ; le souffle puisé au centre de l'âme qui offre aux élans la force – l'intelligence et la lucidité...

Le silence – comme seul témoin ; et comme seul commentaire (bien sûr)...

 

 

Comme ces lettres dessinées à la hâte – le monde – la foule – ces hordes de partisans ; la fureur et la folie en marche...

Et toutes les images associées ; que les oiseaux survolent – (totalement) indifférents aux efforts de ceux qui vivent sur la pierre...

Fidèles qu'à un seul chemin – qu'à un seul voyage ; droit dans le ciel...

 

 

Au cœur de la tempête – l'effondrement de la façade...

Le rire comme un appel du sacré – devant nos tremblements...

Le Divin sur la langue ; le Divin sur le pont...

Sous la coupe de la lumière – le vivre et le mourir – sans reculer – sans (jamais) renâcler – sans illusion (non plus)...

Au détriment de l'orgueil ; à la place des honneurs et du perceptible...

Comme si tout – soudain – s'éclairait ; comme si tout – soudain – s'inversait...

Le soleil dans la nuit noire ; l'esprit s'affranchissant (douloureusement) du rêve et de la confusion...

Entre la houle et l'encens – la voix ; cette part vivante, en nous, de la vérité...

 

 

Le séant dans l'espace – sans cesse – glissant – se renversant...

Le corps cherchant le passage – l'équilibre – sur le sol – sous le ciel posé sur la terre comme un couvercle amovible...

La cabine avançant ; la cellule s'emplissant d'air et de joie...

Nomade traversant la brume et l'épaisseur – vers le soleil et le vent – à deux doigts de les rejoindre – qui sait...

 

 

Le vent – durablement...

Comme la musique du lointain – capable de métamorphoser la poussière ; d'agir sur les destins nocturnes et souterrains...

Une manière de s'attarder ; d'échapper (en partie) au hasard...

Comme un sourire dans le sang pour diluer les illusions et donner aux circonstances un air de fête...

Le ciel – en quelque sorte – s'invitant sur l'avant-scène ; et pressant la matière – légèrement dansante – d’accélérer le rythme à l'approche de l'aube – au seuil du jour...

 

 

Un point singulier – discret – anonyme...

Des vagues – un peu de roulis – sous les étoiles...

Le même ressac sur le même rivage – depuis des millénaires...

Le parfum (enivrant) de la rencontre entre les eaux et la terre ; que la poitrine respire ; et qui se diffuse à l'intérieur...

Ce que ni l'âme – ni la main – ne peut écarter...

Une feuille blanche qui restitue le regard ; ce qui pourrait permettre aux hommes de franchir les limites habituelles – dolosives – déceptives – inventées...

 

 

Des lignes pour que le monde tourne – apprenne à tourner – dans l'autre sens – au-dessus des instincts élémentaires – au-delà des bornes et des frontières...

Et notre âme – comme un oiseau aux grandes ailes rafistolées – face au vent – face à la rudesse du monde – prête à s'envoler ; et à affronter la solitude dans cette partie du ciel encore inconnue – encore inexplorée...

 

*

 

La bouche ouverte – au-dehors – qui assombrit la pierre ; qui porte à son paroxysme la cécité...

Jour après jour – le même festin – les paupières closes ; et ce sang séché – sur la roche blanche – qui s'entasse en strates...

Et cette tristesse immense au fond de l'âme impuissante – démunie – condamnée, comme la chair, au règne de la faim...

 

 

Des ressources plein les mains – plein les poches ; leur seule richesse ; le visage éclaboussé de sang – l'esprit fier des injustices commises – des crimes perpétrés...

Le seul trésor qu'ils trouveront jamais...

 

 

Au corps à corps – durant toute la nuit – jusqu'à l'aurore qui les trouvera défaits – exsangues – séparés – comme si l'amour n'existait pas...

 

 

La main sur le cœur – du noir sur le noir – promettant des récompenses – des jours meilleurs – on ne sait quoi ; des battements de cœur plus intenses – une proximité avec le ciel – une étendue de joie – des hauteurs inédites ; ce que croient – et ce qu'applaudissent – les fronts étroits – galvanisés par cette série de promesses ; l'inexpérience terrestre et la naïveté de ceux qui ont délégué à d'autres leur existence – la direction et le chemin...

De pauvres âmes – en vérité – qui devront encore se frotter au monde – aux chimères et aux désillusions – pour découvrir la valeur (et les joies) de l'autonomie...

 

*

 

La forêt enchantée ; non pas un lieu – une présence (en nous) – comme l'oiseau aux ailes d'argent – comme toutes les apparitions – les naissances et les apparitions...

Nous n'abdiquerons pas ; nous brûlerons avec ce que l'on brûle – jusqu'au dernier bois – jusqu'à la dernière brindille – jusqu'à la dernière feuille...

Nous mourrons ainsi ; dans le sable – solidaire(s) ; la lumière sur notre peau calcinée ; et le bleu qui nous étirera jusqu'à lui ; nous serons là à la pointe du jour – dans la nuit rougeâtre – baignée de flammes et de chants...

Vivant(s) – tellement vivant(s) – au milieu des vents du monde...

 

 

Enfant-roi – à genoux sur la terre – sur la roche damnée ; sous les arbres incisés ; notre chevelure d'or – vêtu de vent – sous l'averse rafraîchissante...

Dansant sans miroir – au cœur du temps aboli ; le regard contemplatif – magistral...

 

3 décembre 2022

Carnet n°280 Au jour le jour

Mars 2022

Au pays lointain – reculé – de l’exil…

A l'abri des hommes et de la folie du monde…

Seul – à présent (davantage encore qu’autrefois)…

Au milieu des arbres…

Chez soi – de plus en plus ; au cœur de l'intime ; l’Amour – le socle (bien sûr) de toute présence…

 

 

Le sommeil du monde si commun ; et si désespérant pour l’âme…

Impuissant(s) – démuni(s) – face à la tristesse et à l’exaspération (inévitables)…

Et – pourtant – toutes nos cartes sur la table ; honnête au jeu authentique où l’on risque sa vie…

Le dedans sans oracle – sans promesse ; et le cœur suturé ici et là…

Au fil des pas – vers le dénuement ; l’essentiel et la simplicité…

 

 

La peine partagée ; comme si nous n’avions que cela à offrir – comme si nous n’avions que cela en commun…

A ne plus savoir que faire ; à ne plus savoir qu’en faire – malgré nos supplications…

Les mots qui jaillissent pour creuser l’oubli – ouvrir une brèche et y trouver refuge – un peu d’apaisement ; comme un territoire qui se laisserait totalement traverser…

Vers l’effacement et la disparition – la seule issue – la seule solution…

 

 

Ce qui (nous) servait a disparu ; et ce à quoi l’on sert – à présent – presque exclusivement…

Oblatif et ancillaire ; pas une posture – pas une volonté ; un abandon…

Une manière de se perdre jusqu’au plus rien – jusqu’à l’invisible célébration ; comme un clin d’œil céruléen…

 

*

 

Des pensées écarlates – comme des abîmes à enjamber…

Une grande fresque de l’invisible – incroyablement grossière…

Des bouts de réalité sans profondeur…

Des choses qui laissent démuni face au ciel et aux malheurs…

Comment peut-on, à ce point, oublier qu’un sourire aide – console et encourage – (bien) davantage que mille traités de sagesse – que mille siècles de raison…

 

 

A la cime du temps – là où l’heure disparaît – là où apparaît l’instant ; qu’importe l’époque et la lassitude de l’âme – en ces lieux où l’on peut passer d’un monde à l’autre d’un claquement de doigts…

 

 

La roue des jours sur laquelle se tiennent (en déséquilibre) toutes les choses du monde ; avec, au-dessus, un ciel immense – comme posé à la verticale…

La lumière (bien) en face des yeux pour éclairer le front et ce qui nous manque…

Des miroirs – des présages ; et un retour possible (bien qu’improbable au regard des statistiques humaines)…

Et qu’importe le défilé des visages – la liste des images – le cortège des événements ; ce qui survient sur la terre – devant soi – entre la mémoire et le temps prétendument à venir ; une seule chose à la fois…

 

 

En chemin ; tels que se manifestent la blancheur – le jour et le silence ; ce qui résiste à nos pas – ce qu’il nous faut (nécessairement) affronter…

Tantôt un éloignement – tantôt une fuite en avant…

Du sable et de la poussière ; les seules traces que nous laisserons…

Et après la disparition – tout (sans doute) qui recommencera…

 

 

Après la route partisane – les pas sous le soleil…

La façon dont le cœur éprouve ce qui lui revient – sa manière de voir (si différente de l’ancienne)…

Plus ni fou – ni roi ; le chant que l’on entonne pour ceux qui savent se pencher – comme en nous-même(s), l’âme agenouillée…

Un sourire – et un peu d’innocence – au milieu de la mort et des absents…

 

 

Tout à oublier pour rendre le regard neuf et toutes les choses du monde merveilleusement indistinctes…

Juste ce qui se ressent ; et ce qui fait fondre l’âme – cette pâte miraculeuse…

 

 

Comme une mère penchée au-dessus du vide ; et serré contre elle un visage – ni le sien – ni celui de son enfant – ni celui d’un éventuel amant…

Un œil seulement pour l’accueil ; et le cœur chaviré qui chute – la chair et le ciel ensemble – pendant un (court) instant…

L’espace au creux de la main qui tient un bouquet de fleurs vivantes…

Ce qui demeure – en nous – bien davantage que le rêve du monde – que le rêve des Autres ; ce que le destin semble avoir choisi sous l’étoile qui brille (juste) au-dessus de notre tête…

 

 

Dans une grande confusion ; les bords et le centre ; ce qui se vide et ce qui se remplit…

Le sol et le ciel apparemment séparés…

La main qui guide et caresse ; et ce que l’âme parvient à infléchir dans la volonté…

La terre que, sans cesse, nous arpentons…

 

*

 

Visages quémandeurs…

L’âme qui s’éloigne des Autres et de la bouche…

Vers un autre monde – tant attendu (tant espéré)…

Des temples – des mots ; l’hiver qui se prolonge dans la simplicité des choses…

L’invisible quotidien – à notre porte…

La tête et les mains qui désapprennent tous les usages…

Les mythes que l’on oublie ; et les fables que l’on piétine…

Un autre regard ; le commencement (peut-être) d’un autre regard…

La nuit renversée (tout) juste avant l’effondrement…

 

 

L’instant disséqué qui nous interroge…

L’être recouvert de matière et de temps…

Des paroles – encore – comme s’il nous était possible de dire l'essentiel…

Et quelque chose – en soi – espérant (encore) l’improbable ; le silence et la réconciliation – la liberté affranchie des Autres – de la pensée – des oppositions (apparentes) – du pour et du contre inhérents au regard – à la diversité des visages et des objets de ce monde…

Le plus lointain qui, peu à peu, se rapproche…

 

 

Le bois – en nous – le cœur même de la forêt…

La terre – en nous – soudain silencieuse…

Le feu suspendu au ciel…

Et la source dans le brasier – comme une lumière qui éclaire chaque geste respectueux…

Des lieux – du vide et des lieux – pour préparer ce que l’on entrevoit – au loin – ce qui tarde à franchir le seuil de nos âmes malades – infirmes – estropiées…

Le souffle de l’immensité que réclament tous les élans…

De moins en moins fable – le monde…

Comme une suspension – presque une perspective – pour que les illusions se dissipent…

Plus rien – ni personne – dans l’intimité croissante de ce qui est là ; ce que dessine notre main – ce qu’appelle notre bouche – sur le sable – dans l’air – les mêmes vibrations…

 

 

Au-dehors – cette fragilité ; et ces bagages délaissés…

Le temps tout neuf sur nos minuscules carcasses…

D’un bout à l’autre de la chaîne – comme libéré…

A notre place – sans même y penser…

 

 

A moitié silence ; et l’autre part que l’on cache – que l’on tait – comme si nous avions honte de ce qu’est l’homme…

Du mépris pour ce roi et son royaume ; ce peuple de soudards et de fantômes ; et de la peine pour ceux qu’ils offensent – pour ce qu’ils bafouent – pour la douleur qu'ils infligent…

Encore trop près de la poussière que soulèvent leurs pas ; de la sève et du sang qu’ils versent ; de l’écume qu’ils brassent…

Des remparts et des montagnes de chair – devant notre bouche muette – notre âme sidérée…

Et cet étrange sommeil perceptible dans tous les yeux ouverts…

 

 

Quelque chose du cœur et de l’oiseau – dans cet émiettement…

Au plus proche de l’âme – l’orage…

Des éclats de lumière ; le bruit au plus près de la tête…

Ce dont se moquent les sages – équanimes…

Des déclins – des chutes – des envols – qu’importe l’itinéraire – qu’importe le voyage…

Un simple sourire sur tous les délires du monde…

L’absurdité – un peu partout – présentée comme le seul usage et la seule loi…

Fils de personne – ami de ceux qui se dressent en silence…

A danser comme d’Autres refusent l’honnêteté et la rectitude…

Et souffrant – parfois – comme le soleil en hiver ; avec une sorte de lassitude au bord des lèvres...

Le rêve plus noir que jamais ; et l’impossibilité (bien sûr) de s’établir quelque part…

 

*

 

Rien que le monde – sous les étoiles – comme enfermé…

La nuit épaisse – aux portes de l’absence…

Des voix – dans le lointain – inaudibles – qui soliloquent ; mais à qui pourraient-elles donc s’adresser ; personne à la ronde – à peine quelques ombres – quelques silhouettes furtives…

Des cellules où suintent la fatigue et l’ennui ; et cette solitude triste – seul(s) – à deux et à plusieurs ; et plus que tout – absent à soi-même…

L’impossibilité d’être ; comme flottant au milieu des Autres – malgré la pesanteur et la gravité ; malgré les airs que l’on se donne…

Enchaînés aux choses et à l’incompréhension ; la pitoyable figure des hommes…

 

 

Allumé – en soi – ce que la nuit tente d’éteindre…

Des terres parcourues en vain ; personne malgré le nombre de visages rencontrés – l’homme (presque) toujours – si manifestement déchiffrable – transparent jusqu’aux souvenirs qu’il entrepose au fond de son crâne ; les ambitions grossières et instinctuelles…

La hâte et l’ingratitude ; la veulerie et l’appropriation…

La vie (strictement) extérieure ; et l’âme obscure – inexistante…

A la manière de pantins manipulés – de l’intérieur – par on ne sait quoi ; toutes les forces invisibles à l’œuvre – tendues vers là où va le monde…

 

 

Penché sur la rupture et la perte – puis (fort heureusement) les oubliant…

De l’ignorance indigente au non-savoir joyeux ; ce voyage sans voyageur – ce parcours sur ces rives désertes…

A la fois présent(s) et absent(s) – comme si l’on existait et comme si l’on n’existait pas ; la seule énigme du monde – sans doute…

 

 

L’oreille collée au ciel – et la main comme un canal – le prolongement de l’invisible – la pointe de l’âme obéissante…

En soi – la respiration de l’enfance ; l’intimité retrouvée…

Le jour qui échappe à l’éternel découpage du temps…

Sur la même rive – pourtant ; mais étranger à tout ce que prônait l’ancien monde…

L’itinéraire de l’exil et de l’errance – de plus en plus – à mesure que le voyage se dessine…

L’éloignement des terres tristes et trop peuplées…

L’enjambement du rêve et de la terreur que trop de têtes ont institués en règle commune…

A présent – parmi les arbres et les bêtes des bois ; l’encre toujours plus rêche et rectificative ; comme une humble participation au mur de vent qui se dresse contre la bêtise et l’ignominie des hommes…

Un monument dédié au non-humain – qui célèbre tout ce qui peut porter le cœur au-delà des instincts coutumiers…

 

 

Au sortir du visible – ressurgit (parfois) cette tristesse très ancienne – ces larmes de pierre ; le balancement de l’âme qui hésite – qui se protège – qui aimerait se prémunir contre toutes les formes de disparition – l’effacement en tête – et la mort – et cette épaisseur qui nous empêche de voir – de vivre – d’aimer…

Tous les cercles qui s’opposent à l’abandon ; ce pré carré du mystère – du secret vivant, caché sous l’ignorance, qui œuvre à l’avènement de la lumière et de la liberté…

L’étendue dans toute son envergure (et toute sa profondeur) qui aspire à sortir de l’ombre pour révéler à ce monde obscur et laid, la présence de la beauté et du merveilleux – l’évidence (affirmative) du miracle au cœur même de ce qui semble voué à la disgrâce et à la monstruosité…

 

 

Sur la route faussement menaçante…

Vivant (pour tout dire) sur la terre – la tête inclinée…

Le cœur posé au milieu de l’hiver…

Face au vent – les lèvres froides ; les yeux plus ouverts que jamais…

Et cette ténacité qui résiste à l'indifférence du monde…

Au commencement de l’âme – l’émerveillement et le ciel qui gagnent, peu à peu, sur la folie…

 

 

Entre la mort et le presque rien ; ce qui nous définit – de plus en plus…

Un pas (considérable) vers l’effacement et l’oubli…

Et le reste livré à l’errance – à la possibilité du monde – à la possibilité du ciel ou du néant…

Ce qui s’offre ; à qui veut – à qui tend la main – à qui ouvre les bras – sans la moindre volonté…

 

 

D’un seul geste – très loin des Dieux…

Cet étrange déploiement sur la pierre…

La vue qui se brouille ; à même la nuit – ce que nous voyons…

Partout – la violence et la colère ; et cette chose très noire qui serpente entre les âmes…

Le feu comme un précipice – né de la chute récente d’un soleil très ancien…

Aussi fou qu’aveugle – ce qui réfrène tout élan ; il faudrait (au contraire) aller plus loin que le lieu de l’éclosion – plus loin que le lieu de l’hébétude – au-delà de la voix et de la solitude ; et habiter le fond de l’écoute pour être capable de douceur et de joie ; et devenir l’intimité qui efface la distance avec les choses – avec le monde et le silence ; s’éveiller – en somme – au plus près de soi…

 

*

 

Le corps reconnu…

L’enfant contre le monde – résistant…

La langue inventée par la joie – si différente de celle née dans le malheur…

Serrés contre soi – le ciel et la pierre…

Et cette corde (invisible) à laquelle on est – (très) mystérieusement – suspendu…

 

 

Des questions – comme autant de traces – des signes d’incompréhension…

Face à la source – le silence – le seul indice offert…

L’oubli après l’ignorance…

L’émiettement des états ; et le prolongement des émotions sur l’étendue battue par des vents de plus en plus forts…

En contrebas – les sommets les plus escarpés des rives habitées par les vivants…

Le monde – sans emploi – qui a perdu son attrait (une grande part de son attrait)…

Le mystère au cœur du nœud que tentent de démêler le souffle – les gestes et l’esprit…

Et la brusquerie (très) impatiente des Autres face à notre immobilité (apparente) ; loin (très loin) de l’inertie pourtant – une force brute – une énergie condensée – en suspens – dans l’attente d’un événement déterminant – l’avènement du bleu – dans l’âme – porteur de nos propres ailes ; la garantie d’un affranchissement de tout ce qui contraint et emprisonne ; sans doute – le lieu le plus prisé des hommes…

 

 

La même terre ; avec des étoiles à l’intérieur ; et le monde (entièrement) au-dedans…

La roue du temps retournée qui fait défiler les siècles à l’envers…

Et la sagesse jetée dans le jeu – avec le silence et la joie – au lieu de l’inquiétude et des désirs initiaux…

La vie – en nous – circulant avec intensité ; en chemin vers l’origine – du plus sacré jusqu'au plus sacré – à travers ce qui semble relever des instincts et de la grossièreté…

 

 

Une forêt de tombes – dressées au cœur du verbe…

Des paroles inanimées – des mots comme des taches de sang séché…

Ce qui nous échappe – dans les profondeurs du gouffre – la source tarie ; et le compagnonnage des Dieux remis en question…

La faute mise en exergue à la place de la découverte – à la place de la permission…

Tantôt le prolongement du bruit – tantôt le silence dans ses retranchements…

Guidé(s) (assez maladroitement) vers le pardon pour s’écarter du malheur ; jusqu’à l’immobilité affranchie du sommeil et du pourrissement…

 

 

S’attarder – seul(s) – au fond de la blessure…

Sous la neige et le souvenir – la sensation initiale ; comme un pays – une saison – très loin de ce que nous expérimentons à la surface…

Un (brusque) arrêt du répit – au cœur d’un brouillard que le temps a transformé en pâte – une partie de la route – au milieu des pierres – jusqu’au ventre – jusqu’au cœur…

Et la délicatesse des pas ; et l’âpreté du voyage ; ce retour involontaire jusqu’au point d’origine…

 

 

Le nom oublié des choses ; ce crime dont nul ne se souvient – à force de négligence et d’inattention…

L’absence sans autre remède qu’une veille attentive – et pénétrante…

Comme des pelletées de matière lancées vers le ciel…

Comme une voix qui s’attarde – avec nous – dans la poussière – accumulée en couches – en strates épaisses…

A la manière d’une prière pour rejoindre l’espace et la lumière – recouverts par mille siècles d’ardeur et de souvenirs ; les yeux (à peine) au-dessus des amassements…

 

*

 

Ainsi constitués – les lieux fabriqués par l’homme ; artificiels – suspendus au bout d’une hampe exhibée – et agitée sous le nez de tous – pour montrer et faire envie (semblerait-il)…

Comme un poids supplémentaire sur toutes les épaules…

Et tout en bas – les bêtes sur lesquelles le monde prend appui ; le socle de ce terrifiant royaume…

Exit donc la vie naturelle et la fraternité ; la marche à pas lents – et toutes les têtes du cortège tournées dans la même direction…

Le centre délaissé ; et partout ailleurs – le néant qui ne cesse de se répandre – d’envahir la terre et les âmes ; le règne périphérique (et généralisé) de l’abomination…

 

 

Personne ; une fuite au-dedans pour échapper à la décadence du monde – au déclin des choses…

Le temps comme arrêté ; les yeux aimantés par tous les reflets du miroir…

Dans la chambre – plus aucun mystère – plus aucune source ; l’obstination qui pousse au-dehors – au mimétisme et à la différenciation ; vers le plus facile – toujours – sans interrogation…

Le cercle où l’on piétine – où l’on se salue et où l’on fait des offrandes ; la comédie du collectif et du sacré ; la seule loi – l’œil de l’Autre ; et l’autel du confort placé au cœur du temple…

La joie (ou ce qui en fait office) suspendue à mille bouches étrangères ; et la certitude permanente que quelqu’un nous regarde…

Un monde de fantômes dont il faut apprendre à s’éloigner…

 

 

La nuit déconstruite – pierre après pierre – pour que le silence et l’intimité puissent détrôner la tristesse et le sentiment d’étrangeté…

Des deux côtés de la grille – l’esprit qui apprend, peu à peu, à se rassembler…

 

 

Sans voix – face à la mort – au déni – au mensonge…

Passant – silencieusement – comme si la parole n’existait pas – comme si toute explication était vaine…

Alerte et attentif – seulement…

Serviable (sans excès)…

Présent ; et caressant lorsqu’il convient de l’être…

La vie – en soi – maître des mœurs et des usages ; et la force de ce qui s’impose…

Rien que des élans nés de la nécessité…

Ni rêve – ni désir – ni ambition…

L’extinction des idées ; le visage devenu chemin ; et le chemin devenu enlacement ; la seule perspective – celle qui mène à l’intimité que réclament le monde – les choses – tous les vivants…

 

 

 

Ce qui advient – derrière les apparences…

Ce qui a lieu ; des événements – ni majeurs – ni négligeables…

Des froissements d’air et d’âme – plus ou moins durables – plus ou moins conséquents…

Des choses toutes proches – tournées vers nous – affranchies de ce que peut en dire la raison…

Tous les yeux posés sur la matière – sur tous ces amas de matière façonnés par les mains ; et que la tête considère comme un trésor ; ce qui pourrait être utile au cœur et au corps – ce qui pourrait apaiser la peur et la faim…

Rien d’important – en vérité ; dans tous ces cercles de lutte – dans tous ces cercles de protection et d’approvisionnement…

Et – en soi – un abîme – seulement – impossible (bien sûr) à remplir de cette manière…

La folie courante et coutumière de ceux qui s’imaginent lucides – avisés et prévoyants ; l’homme raisonnable à la figure triste – à l’existence sans profondeur – sans perspective – sans solution…

 

*

 

Vers ce blanc – en nous – qui attire – qui appelle – dans l’obscurité et l’incertitude…

Le geste et le pas – soudain – en pleine lumière – éclairés par le dessus – de l’intérieur…

Le pied et la main – déjà sur l’étendue – sur cette immensité vivante…

Ce qu’elle est ; et ce que nous sommes ; sans que quiconque puisse le certifier ou le contester (avec assurance)…

 

 

La voix rompue – comme la route sur laquelle on s’éreintait…

Oubliable – comme le reste (tout le reste)…

La terre – la mort – le silence ; dans n’importe quel ordre ; ce qui semble être – ce que voient les yeux…

Ce qu’offre l’espace ; et ce qu’il nous ravit…

Ce que l’on cherche dans l’indifférence (plus ou moins) générale…

La tête penchée sur le plus grave – un peu d’amitié – l’aube du monde – si prolifique…

Notre existence – comme suspendue à une corde au fond d’un précipice ; (presque) personne – au milieu de nulle part – en vérité…

 

 

Une écoute invisible – au milieu des pierres – loin des églises…

A genoux – face à la douleur…

Des choses dites – des choses faites…

Un sourire ; l’oubli de la tristesse…

Et ce qu’il nous faut regarder – les yeux grands ouverts…

Sans bannière – sans emblème – face au froid…

Et chemin faisant – le feu qui jaillit – qui éclaire – et qui réchauffe – peu à peu…

L’antre – à l’intérieur – qui émerge – et qui s’ouvre ; la sente à suivre jusqu’au lieu le plus familier…

 

 

Trop longtemps – les yeux fermés et l’âme absente…

Apeuré(s) par la tournure prise par le monde…

Aussi loin des hommes que possible…

La respiration coupée et les joues inondées de larmes…

Comme frappé(s) par la disgrâce…

Tenant à peine debout ; à la manière d’un survivant ahuri – sidéré…

La chair douloureuse comme si nous avions traversé la mort…

Le cœur et le pas lourds ; et encore (malheureusement) au prélude de l’épreuve…

 

 

Des paroles jetées dans tous les recoins – éparpillées ici et là ; et pénétrant (très) rarement les âmes…

Comme du sable qui coulerait entre les doigts ; qui glisserait le long de la peau et se répandrait sur le sol – comme une couche de matière supplémentaire ; le terreau, peut-être, du monde à venir – les fondations, peut-être, d’une nouvelle humanité…

 

 

Le même geste – mille fois répété…

L’histoire de l’homme – malgré son déclin (prévisible)…

La disparition progressive du savoir ; l’humanité en perdition…

Et toutes les fables que l’on se raconte

Comme le soleil qui, chaque jour, se lève ; comme le sommeil qui finit toujours par nous gagner – la nuit venue…

A présent – au pied de l’arbre – auprès des nuages – dans chaque goutte de pluie – sur tous les horizons – sur la ligne de partage entre la terre et le ciel…

Au-delà des malheurs au milieu desquels nous nous débattons…

 

*

 

Une foulée d’acrobate discret – sur un fil invisible…

Des gestes d’une grande clarté – à la lumière de ce qui ne se voit pas…

Un langage comme une errance – entre la source et l’invention…

Quelque chose du scribe sous la dictée de ce qui rayonne…

Une sorte de sagesse – sous les paupières – qui n’appartient à personne…

Un regard posé en lui-même – au cœur du vide – qui ne cherche rien – ni réconfort – ni compensation ; qui sait qu’il n’y a jamais eu (et qu’il n’y aura jamais) d’autres yeux posés sur lui…

La venue à maturité de ce qui s’est (très) longtemps cherché…

 

 

Le silence habité ; inépuisable…

Une source de compréhension – une aire du monde (enfin) respirable – qu’il est inutile t’interroger…

La quiétude éprouvée par l’âme ; et la tranquillité du souffle – indépendamment de la couleur du monde – de la nature des croyances et de la forme que l'on donne à Dieu…

Au bord d’une lumière – au seuil de l’inconnu – comme une (modeste) immersion dans l’au-delà de l’homme…

 

 

Le chemin de la disparition…

Dans le ciel – effacé…

Sur la terre – célébré…

Au-delà de l’ordre des signes – au-delà des visages (strictement) humains…

L’existence sans livre – sans carte – sans loi – où tout respire et se rassemble…

Le cœur accolé au cœur de tous les Autres ; ouvert et chaviré ; le commencement, peut-être, du règne (perceptible – ineffable) de l’Amour et de la lumière…

 

 

Au seuil de la consolation – l’impossible…

Les ombres qui s’agglomèrent…

Le soleil déclinant…

Le resserrement de ce qui nous attache ; le renforcement des liens…

Des brassées de ronces jetées vers le ciel…

Des mains rouges ; et des peaux écorchées…

A peine un souffle entre nos lèvres qui dessinent une (affreuse) grimace…

 

 

Dans la tourmente – parmi tous les monstres qui s’affrontent – entre les cris – les postures et les prises de position…

Au cœur de tous les conflits…

Comme le prolongement naturel de la première séparation…

Du silence à la prolifération du bruit ; du premier élan à la multitude ; cette efflorescence arborescente – monstrueuse – que rien ne peut arrêter – sinon un renversement – le retour vers le point originel…

Une route que l’on ne peut inventer – ni construire de manière artificielle – qui se dessine pas à pas – selon les nécessités de ceux qui l’empruntent – comme l’ultime périple du cycle…

 

 

Encore trop de noir et de questions dans la tête…

Ce qui cogne contre nos tempes – cette lumière déguenillée – appauvrie – indigente – telle qu’on nous la présente ; belle – entière – (pleinement) respirante – en vérité – dans notre souffle amoindri et corrompu…

Le ciel que nul ne peut détériorer – qu’importe l’oubli – les manquements – la nature des salissures…

 

 

Les choses de l'hiver – à travers les grilles...

Comme un Graal – à nos yeux ; quelque chose de la nudité et du mystère – exposé ; et (en partie) offert...

L'essentiel de notre visage – peut-être – en dépit des apparences...

Un soleil très bas et très pâle – au milieu de la brume et de la neige...

Des amas de pierres blanches – presque fantomatiques...

Le réel qui apparaît – et circule – entre ce qui semble exister...

Entre Dieu et le monde – le temps d'un souffle – peut-être...

 

 

Le cœur et les yeux – reconnaissants...

Comme si l'on habitait (pleinement) nos gestes et notre parole...

Le lieu où se dicte le poème...

Le lieu où l'Amour et le silence s'enlacent – bâtissent pour quelques instants le plus essentiel – à peine un bruit – à peine une vague ; un chant – une vibration dans l'âme – sous la peau – mieux qu'un rêve – mieux que l'espérance (bien sûr) – auxquels sont condamnés (presque) tous les hommes...

Une danse et des couleurs à la place des murs et du sommeil...

L'infini touché – à la limite du supportable – au seuil du cercle – de l'immobilité – du guérissable...

Le seul chemin – la seule possibilité – vers l'enfance ; un avant-goût de la lumière pour éclairer – et mettre au jour – ce que dissimulent les illusions – l'indigence apparente du monde...

 

 

Au cœur de l'hiver – ce portrait du monde – dessiné depuis cette pointe de ciel posée en territoire terrestre – sur cette minuscule parcelle de matière...

Le cri incurable de ceux qui ne voient pas – condamnés à chercher à tâtons – la lumière mêlée à leurs cheveux sombres – marchant dans la main du temps – capable de se replier en un instant...

Seul(s) – comme si l'on cherchait une issue sérieuse...

Prisonnier(s) – sans doute – d'un rêve de papillon – lui-même héros (involontaire) du songe d'un Autre – non recensé dans le grand registre du monde...

Ce qui donne au tableau un air flou et froid ; une sorte d'esquisse de l'inconsistance...

 

 

La main tendue vers le monde – vers le temps – comme s'ils pouvaient transformer notre quotidien ; faire apparaître l'Absolu dans nos gestes et nos paroles ordinaires...

Aucun soleil contre l'ombre qui s'est réfugiée dans l'âme ; un déchiffrement plutôt des signes qu'elle essaie d'esquisser...

Des vies – sur la pierre – qui n'appartiennent à personne : des corps comme le prolongement de la terre ; la terre comme élément infime de la matière ; la matière comme fragment négligeable du visible ; le visible comme part non essentielle de l'Existant ; ainsi nulle possibilité d'orgueil et l'évidence du ridicule de toute forme d'appartenance...

Un rire plutôt que des larmes – en ces lieux étranges – habituels – incompréhensibles – indiscernables...

 

*

 

En chemin – le bleu et la neige...

La parole centrée sur l'essentiel...

Le désir – puis, le désert...

Des signes dans la nuit ; notre résonance qui, peu à peu, s'éveille...

Une voix que l'on pourrait partager...

De l'intérieur – ce qui se liquéfie ; et ce qui s'édifie ; tout – et le reste – et le vide ; l'espace sur lequel on ne peut prendre appui ; l'événement brut vécu – à la manière du monde – comme notre continuité...

La poitrine (très largement) amoureuse ; le cœur et la main comme des liants pour enlacer le bleu – la neige et le chemin...

Ce que nous sommes – en nous – dans nos propres bras...

 

 

La vie – le cœur – le langage – protégés comme les reflets de l'esprit en lutte...

Quelque chose de la parfaite équivoque...

Tout et son contraire – simultanément ; et trop peu d'espace – en soi – pour les accueillir ; il faudrait, pour devenir l'infini, gravir un chemin entre l'ombre et les reflets – obéir joyeusement aux limites et aux contraintes du périmètre – être indifférent au ciel et à la terre – aux paroles et au silence – embrasser d'un égal élan le songe et le réel – oublier la nuit – la fatigue et le temps – ne craindre ni l'illusion ni la vérité – ne s'inquiéter qu'il n'y ait rien ni personne en ce monde ; s'unir à la vie – faire corps avec la multitude et l'entre-deux ; ainsi tout pourrait être vécu avec résonance et intimité...

 

 

Sans interrogation – aux lisières de ce qui ne s'entend pas – de ce que l'on pourrait être (si d'aventure l'on osait) – au-delà du possible et de l'esprit (ordinaire)...

Devenir l'impensable ; et (très) humblement – et de manière involontaire – s'en affranchir...

 

 

Au milieu des Dieux endormis – quelque chose de la farce – comme une paternité fragile – une inclinaison à la négligence – une manière d'être inadaptée au monde...

Une sorte de maladresse qui placerait le repos et le rêve au-dessus du face à face (possible – toujours possible) avec le réel...

Des paupières fermées plutôt que des yeux ouverts...

Et comme seule issue ; le fil de notre ascendance – l'ensemble de la généalogie – qu'il faudrait rompre – dont il faudrait s'affranchir...

A la manière du premier homme – confronté à ses propres ombres – confronté à l'étrangeté du monde...

 

 

La douleur étalée sur la pierre...

Le jour dénaturé par la peur...

Les battements du cœur – inépuisables – jusqu'à la mort...

L'Amour – aussi proche que possible – sans que l'on sache réunir les conditions favorables...

L’œil – au seuil de toutes les portes – ouvertes une à une...

Et cette curiosité inassouvie pour le bleu – (presque) toujours introuvable...

A vivre comme si le chemin pouvait s'arrêter demain – comme si l'on était prêt à tout abandonner – comme si la seule expérience essentielle échappait à notre volonté...

 

 

Des choses dans l'espace – en désordre...

Du feu – des pas – la possibilité du regard...

Ce qui – au fond de l'âme – semble arraché...

Un mot pour un autre – comme les visages...

Et – peu à peu – tout qui se défait – tout qui se détache ; et s'efface ; nos vies – notre destin – le cours des choses – inéluctables...

 

*

 

La peau sur l'écorce – la main sur la feuille ; les traits du feutre et du visage – esquissant – caressés...

Entre le ciel et la parole – l'arbre ; le tunnel que l'on creuse sous la pierre – sous la lumière ; le même chemin – en vérité – à travers la nuit qui nous épuise sans (jamais) nous interroger...

Un temps pour soi – pour conjurer l'horreur du monde – aux lisières du songe et de la barbarie ; un lieu pour reposer l'âme et les yeux...

 

 

Des traces – de l'écume ; ce qui nous semble le plus familier...

L'homme – depuis des millénaires – englué dans ses habitudes – débordant de certitudes au lieu de questionner la surface et la profondeur – le plus intime et le plus lointain (leurs évidentes intrications ; et leur périmètre fluctuant)...

L'esprit aussi près des fleurs que des étoiles ; et pourtant...

Jamais assouvi ; comme un secret – en nous – vivant – qui aimerait fréquenter le silence – s'écarter (un peu) du monde pour se rapprocher de la vérité (vécue) ; découvrir – et habiter – une respiration plus ample ; des gestes plus lumineux ; une manière plus spacieuse de vivre et d'aimer ; quelque chose qui (de près ou de loin) ressemblerait à l'infini...

 

 

Sur cette route que nul n'emprunte – que nul ne voit ; mille obstacles auxquels on se heurte – des idées – des croyances – des parts de soi...

Un long cortège précédé de cris et d'impatience...

Et tous nos travers – abandonnés, peu à peu, le long du chemin...

 

 

L'intimité entre l'arbre et le ciel – captée (en partie) par les saisons ; reflet du dialogue et des nécessités ; des enjeux et des possibilités du monde...

Et à travers le feuillage – le visage du vivant...

Et au-dessus – l'être – la main tendue – attentif – à l'écoute...

D'un côté – la lumière ; et de l'autre – un chant silencieux...

Et cette rencontre qui tient à la fois de l'humilité et du déploiement – de la jubilation et de l'abandon ; le seul passage possible (que si peu d'hommes ont su découvrir ; que si peu d'hommes ont pu traverser)...

 

 

Des voix qui montent – du fond de la chair...

Des vibrations portées par le vent ; et qui touchent, peut-être, l'âme de ceux qui pleurent – à genoux – devant l'innommable...

Des colliers de neige autour des paupières...

Rien de chiffré – rien de mesurable (bien sûr) – face à l'éternité...

Pareil à un miroir qui reflète toutes les formes – toutes les ombres ; l'infini en train de s'embrasser...

Et du temps en excès (bien sûr) ; et aucune main (pourtant) pour s'emparer du silence et jouer avec la mort...

Rien ; pas même le souvenir de Dieu...

 

 

A travers les yeux – mille hypothèses...

A travers le regard – l'obscurité, peu à peu, pénétrée...

Des pensées légères et nonchalantes ; ni poids – ni appui ; le monde réduit à du sable ; et le ciel rassemblé...

Pareil à l'esprit de l'enfant qui achève un puzzle immense posé devant lui – tantôt avec mille gestes malhabiles – laborieux – tantôt porté par une intuition – une fulgurance ; sans aucune autre alternative...

 

 

Le sommeil arraché à l'espace...

Le devenir (très) incertain des murs et des frontières...

L'extinction d'un bruit très ancien...

Ce qui peuple notre ventre – depuis le premier jour...

Un monde – en nous – qui se meurt ; au seuil (peut-être) du dernier souffle...

La mémoire qui se disperse ; et des pans entiers de souvenirs qui s'affaissent...

L'Amour nécessaire à notre délitement...

 

 

La nuit comme le jardin des Autres...

Trop loin de la source...

Ce qui rassemble la soif et la traversée...

Quelque chose qui, sans doute – quelque part, nous attend...

Indéfiniment – sur la même rive – sous la même étoile...

Un délire – un égarement – jusqu'au bout d'un rêve peuplé de luttes et de regrets...

Debout – quoi qu'il (nous) en coûte...

Notre figure dessinée sur le sable que le vent, d'un seul geste, pourrait (à tout instant) effacer...

Nos vies – nos paroles – nos pas – prisonniers de ce cœur exagérément labyrinthique...

 

 

Que tout s'arrête – avec soi – après la mort ; à moins que tout ne se déchaîne davantage – que la fièvre devienne furie – que le brouillard danse avec l'identité jusqu'à tout rendre indistinct – que le gris se mette à dégouliner de toutes les têtes – que l'existence révèle enfin sa forfaiture – que le découragement et la désillusion poussent à l'abandon ; que les conditions soient enfin réunies pour que nous puissions faire nos premiers pas vers la lumière...

 

*

 

Les mondes innombrables ; comme le sommeil qui complote dans l'ombre...

Du temps passé – au milieu des apparences – sans bouger...

Des lignes pour essayer de dissiper le doute...

Des peurs jetées en pleine lumière...

Le naufrage qui se précise ; l'âme fébrile – inquiète...

Entre fable et forêt – le cœur qui hésite encore...

Le visage face au silence – (à peu près) silencieux...

Moins nocturne qu'autrefois – le feutre qui décharge son encre bleue...

 

 

Le pas solitaire – désirant – entre la blancheur et l'eau stagnante...

A l'origine de l'écume et de notre manière d'amasser les choses ; toujours inassouvi(s)...

L'âme nauséeuse – la bouche ouverte – comme si l'on nous couchait vivant(s) sous la terre – sous les décombres du monde...

Un rictus sur le visage – comme une confusion – une inversion des lieux – peut-être – un mélange tragique d'événements...

Une tombe en contrebas du ciel ; une existence misérable sur le point de s'effondrer ; et le cœur chahuté par la lumière...

Tous les noms que l'on oublie...

Autre chose que soi et le monde...

Le sourire d'un ange – peut-être – d'un monstre qui aurait pris l'apparence de Dieu...

 

 

Cheminant – toujours – allant là où les mots ne peuvent aller – tombant et nous envolant – comme si le monde était un rêve – comme si nous n'étions pas (réellement) vivant(s)...

 

 

Le jour – à corps perdu...

Parmi les premiers sur la liste des serviteurs...

L'ombre et la chute – blotties contre soi...

De la naissance à la mort – en un seul pas...

Et un Autre à la place de celui qui chute...

Ensemble – au milieu des ronces et des caresses – qui nous écorchent et nous consolent...

Du sang plein les mains ; le seul souvenir de l'homme...

Et la forêt silencieuse au fond de laquelle nos pas s'enfoncent...

 

 

Notre main – au bord du cri ; juste avant que l'air ne tourbillonne...

Une peur – comme un abcès au fond de la gorge ; un poignard enfoncé depuis l'origine que nul ne pourrait nous arracher ; et qu'il faudrait dissoudre avec du miel dans la voix ou polir d'une main tendre et attentive – attentionnée – qui opérerait un rapprochement des cimes et de la source ; ce que nos tremblements réclament depuis si longtemps...

 

 

Aux cœurs suppliciés – le ciel en partance...

La tristesse avant que le (grand) saut ne s'accomplisse...

Tant de morts – à chaque instant – anonymes – solitaires (pour l'essentiel) – arrachés à ce monde pour un autre sur le point (sans doute) de s'inventer...

Une nouvelle nuit – un nouveau vêtement – pour habiller notre lumière et notre nudité...

 

*

 

Le masque de l'épreuve – entre le monde et la peau ; le front guerrier ; et au fond des yeux – cette flamme – et l'esprit déjà plongé dans la violence et le sang...

Mille fables sous le casque ; et tous les adversaires déjà désignés – déjà crucifiés ; et si peu de vent sur les certitudes...

La hache que l'on affûte à l'approche de la saison tribale...

Les Autres séparés de soi – de plus en plus ; bien en face...

L'imposture et l'hostilité ; ce qui agite l'écume et épaissit le sommeil...

Mille couches d'obscurité sur l'oubli – sur la possibilité d'un autre monde...

 

 

Piégé(s) par l'épaisseur calendaire – le temps – à pieds joints dans la mélasse des jours et des heures – (presque) entièrement englué(s)...

L'horloge qui nous rappelle l'écoulement ; la cloche qui sonne sournoisement...

Les années et les siècles qui passent ainsi ; l'esprit aveuglé et la chair complice (bien sûr) qui flétrit – qui vieillit – qui meurt et se dessèche...

Et là – à quelques pas (à peine) – à l'ombre de la terre – sur l'autre versant du ciel – ce qu'invente (ce que peut inventer) l'errance – l'insouciance consciente – comme un voyage interminable ; l'éternité qui s'offre – peut-être...

 

 

L'espace entrouvert par la naïveté...

Le secret des étoiles (en partie) révélé...

Notre souffle silencieux sur la poussière et le temps – comme figés dans le roc...

L'âme – le visage et le nom – affranchis de tous les cercles – de tous les clans...

Sur les chemins scintillants – appelé au-delà – par la possibilité du Vrai...

La foulée authentique et solitaire...

Et le regard qui apprend, peu à peu, à pénétrer toutes les épaisseurs...

Vivant en allié inconditionnel des bêtes et des bois ; humblement – à genoux – sur la terre ; ici comme d'Autres ailleurs (un peu plus loin) mentent – assassinent – s'enorgueillissent de leur existence désastreuse...

 

 

De la neige dans l'âme – à gros flocons...

Un peu de douceur sur quelques lames rouillées – un bric-à-brac de choses inutiles...

La forêt et l'océan qui émergent, peu à peu, du tumulte – des tourments du monde – des assauts des hommes...

Ni pensée – ni apprentissage...

Une seule voie – inclinée – nimbée de tendresse ; une existence déchargée des impératifs des Autres et du temps...

Le règne sacré de l'enlacement ; le début (sans doute) de quelque chose...

L'infini dans nos bottes et nos boucles...

L'incendie impartial qui consume les soucis...

Sur la pente (naturelle) de l'abandon – à proximité du sable bleu...

 

 

Le chant – l'oiseau – le soleil – face à la tyrannie qui anime le monde ; les hommes en tête – dans la nuit inséparable – portés par le vacarme et l'effleurement – comme s'il nous était impossible de vivre – comme si quelque chose s'était brisé dans l'âme – un élan, peut-être, vers le silence et la vérité – la part du monde la moins explorée – cette sente du cœur qui (pour beaucoup) reste inconnue...

 

 

L'ascendance – jour après jour – annihilée...

Ce qui nous accompagne – des gestes de partage – des seuils franchis...

De moins en moins tributaire des images...

La nécessité qui naît – peu à peu – à la place des injonctions du monde...

Dieu – tous les Dieux – et toutes les idoles – écartés...

Le visage qui – imperceptiblement – devient la route ; et le pas et le geste – la perspective ; notre manière [(très) imparfaite – sans doute] de nous établir hors du sommeil...

 

*

 

Notre langue abrasive qui transmute les bruits en silence...

A celui qui sait entendre – dépasser la voix de la raison...

Derrière les images – nul songe – nulle histoire...

Ce qui s'offre – avec les couleurs du destin ; et celles du monde – mélangées...

L'âme debout – sans drapeau – sans mise en scène ; authentique – mêlée à la poussière qu'elle soulève...

Par temps d'orage ; par temps de pluie ; au milieu des ombres et des broussailles ; plus seule que jamais...

Humble au milieu de ses sœurs – au milieu des mots qui rayonnent...

Par delà le rêve et la mort...

Dans la compagnie de ceux que le monde a bannis...

 

 

En chemin – le cœur battant – l'âme prête à s'effacer devant le silence – à devenir l'étendue que l'on méprise – que l'on ignore...

De la même couleur que le chant qui monte vers la lumière...

De nulle part – de tout temps...

La tradition de l'oubli qui se célèbre ; et se perpétue...

A même le sang – à même le soleil – ces vibrations dans l'air et dans la voix...

Le reflet infini de la beauté insulaire – infime – presque négligeable...

La portée extravagante du ciel ; des portes et des chemins – au pays de la joie...

Derrière les murs et les miroirs – mille contrées où règnent le vide et la contemplation...

Un grand sourire sur les lèvres – au milieu de rien – au cœur de l'abîme qui s'ouvre et nous révèle...

 

 

Au cœur de la découverte – les choses et l'intimité – ce qui remplace l'épaisseur et la nuit – la solitude au milieu du monde...

Ici – accompagné(s)...

Une partie des liens invisibles – révélée...

Les mains dans la pâte ; l'âme auréolée de matière et de ciel...

La douleur – le manque et la douleur – peu à peu remplacés par l'innocence et la joie...

Quelqu'un à l'aplomb de l'impensable...

Quelque chose à la place de rien...

Une manière de se tenir face à l'adversité apparente...

 

 

A travers l'imaginaire – la fenêtre commune du monde – comme une issue à la laideur – une compensation – un mensonge éhonté...

Le fil d'une histoire que l'on a inventée pour essayer d'échapper aux malheurs qui nous assaillent...

La tête à l'envers et l'âme retournée qui – soudain – aperçoivent le ciel – sans comprendre que cet horizon s'éloignera du pas tant qu'elles l'approcheront ainsi...

Si loin (encore) du geste – et du sourire – naturels – comme manière de se tenir au cœur du réel avec respect – effacement – intimité...

 

 

Au chevet du fardeau posé au bord du chemin...

Comme au dernier jour du monde ; à la place des choses – le poids de la promesse...

Des paroles anciennes pour cerner la mort ; et ce regard pour y pénétrer ; et notre ardeur – prête à l'enjamber...

Face au silence – l'âme – supposément plus sage – malgré l'incertitude et la douleur...

 

*

 

Des lieux interstitiels où le ciel s'invite – sans mur – sans chimère (où même la tristesse et la désolation peuvent devenir joyeuses)...

L'invisible présent dans le souffle...

L'impossible présent dans le geste...

Et l'âme – habitée (bien sûr)...

D'un côté – l'écume ; et de l'autre – le silence – mélangés avec les rêves et l'Amour...

Comme la visite (récurrente) d'un soleil oublié au fond du crâne ; et le cœur dansant dans l'ombre d'un partage très ancien...

Vivant en ces lieux où les collines et les arbres se marient à la roche et à l'invisible ; l'âme dans les mains de ce qui s'offre...

 

 

La parole dans le prolongement du chant des oiseaux...

Des lignes et des lignes de silence – en dépit des mots...

Une porte au fond de l'âme – comme une descente en soi – sur un chemin invisible...

Des instants d'écoute et d'attente ; une veille – en quelque sorte – qui précipiterait le passage et le déploiement de la solitude...

Ni pensée – ni image – symboliques ; des fenêtres par lesquelles se faufiler...

Une perspective vers ce monde transformé par le regard...

Et ce qu'il reste sur notre effacement ; le vent à la suite d'une longue série de soustractions ; le vide et le vent qui souffle les larmes et la joie sur ce qui ne peut durer ; nos existences si labiles – si passagères...

 

 

Au fil du ciel – l'arbre et la peau...

La fenêtre ouverte sur l'horizon intérieur...

A grands renforts de silence – l'effacement et les cérémonies de commémoration (inutiles)...

L'esprit vide qui se laisse bercer par la danse des choses – le chant des âmes...

La nuit traversée – peu à peu – jusqu'à l'autre rive...

Quelque chose d'une vie – d'une manière d'être et d'écrire ; ce que l'on pourrait appeler le style et le mode de vie qui trouvent leur souffle – leur rythme – l'essence de leur expression ; et qui assument (pleinement) leurs singularités et la façon dont ils nouent des liens avec le reste....

 

 

Le sang du monde ; à en perdre la raison...

Des naissances et des étoiles...

Quelques têtes dans un coin...

A mieux y regarder ; partout – le suintement de la blessure...

Le courage nécessaire face au noir et au froid...

La douleur indéchiffrable de l'esprit jeté sur la terre...

La part rebelle de l'âme qu'il faut apprendre à canaliser – à orienter vers sa pente naturelle...

Un détour – une folie (aux yeux des Autres) – pas à pas – comme une avancée dans le voyage ; un très léger écart avec le monde et ce qu'imposent les hommes...

 

 

Le cortège du vide et de la mort – au cœur des apparences...

De la chair et de la parole...

L'invisible au milieu des ombres et des malheurs...

Et la voix qui s'attarde pour découvrir le secret...

 

*

 

Les heures sombres – sous la poussière – le soleil bas sur la cendre et le silence (terrifiant)...

Les lieux de la peine et du sommeil...

Le néant sur tous les visages – comme incrusté...

La peur à la porte du langage...

Le ciel troué par tous les épouvantails...

Un mot – un œil ; et le cœur replié – (entièrement) cadenassé – à peine palpitant...

Et derrière ce monde si prévisible – la fête et la danse ; la figure plongée dans l'éparpillement et l'indistinction...

La lumière sur tous les pas – toutes les fenêtres ; une autre dimension, peut-être, de la fosse et de l'écume...

 

 

Présent – ailleurs...

La marche fébrile...

La voix qui épelle des noms étranges et inconnus – à la manière d'une prière psalmodiée dans une langue étrangère...

Le rayonnement de la parole – sans désir – sans désarroi...

Au milieu du vent – la somme des absences – à travers lesquelles les hommes ont (trop souvent) le sentiment d'exister...

Rien d'abouti – à peine un chemin ; et le devenir aussi sombre, sans doute, que les premiers pas...

 

 

L'invisible convoqué par l'âme insouciante...

Aimanté par le feu – l'ardeur affranchie du destin imposé par le monde – affranchie des cercles les plus tragiques...

La parole, sans doute, moins humaine que le sang...

Très simplement terrestre – en somme...

Parmi les rêves et les nuages – la tête (juste) au-dessus du temps qui passe....

Les yeux vides – comme posés en eux-mêmes ; et l'immobilité et le silence – couleur de ciel...

 

 

La course du sable – le vent sur nos traces – l’œuvre du monde sur les hommes...

Des pierres alignées ; et le soleil à l'horizon...

Au sein de ce décor (apparemment) immuable ; au milieu des choses entassées...

L'histoire terrestre – à la périphérie de l'espace...

De la matière animée ; et des âmes qui tremblent...

La soif et le sommeil – sans doute – à égales proportions...

Et quelque chose – en nous – qui brûle encore...

 

 

Des bouts de ciel qui s'effritent...

Des couleurs et des chants...

Des lèvres pour embrasser ; et des bras pour étreindre...

Et (presque toujours) le bâton à la main – dans cette marche qui semble circulaire...

De la terre (encore) dans les yeux et sous les pas – qui vient épaissir l'ardente mécanique...

Nos géographies variables – (très) aléatoires...

Dans un coin du monde ; le soleil qui recouvre tantôt les ombres – tantôt les épaules...

Et le souffle qui s'obstine à rester au fond de la poitrine – qui refuse le grand large ; l'immensité au bout des doigts...

A tourner en rond dans cet espace qui tarde à se faire plus dense – et plus lumineux ; qui tarde à s'affranchir de l'homme...

 

 

Au cœur de l'argile – une porte entrebâillée...

Des courbes et des bifurcations – tel que semble se dessiner l'itinéraire – le parcours apparent jusqu'au bleu que nous abritons...

 

*

 

L'architecture du vide ; ce dont nous sommes composés...

Des ombres – du désir – de la chair – sans visage particulier ; des amas de matière animés plutôt ; la signature d'une enfance joyeuse – d'une énième tentative peut-être – faite de chiffres et d'infini – façonnés par mille mesures et le balancement (incessant) de l'invisible...

Un cri devenu parole – puis, silence ; et qui, un jour, (bien sûr) redeviendra cri...

 

 

Le lieu équivoque de la circulation...

Deux faces variables sur une figure (assez) mystérieuse...

Dans l'étonnement des choses – l'être au cœur des saisons...

Une couronne de cendre sur ce que l'on connaît à peine...

Des heures qui passent sur un étrange sommeil – une sorte de rêve vécu les yeux ouverts – posés sur les ombres mouvantes – sur les ombres changeantes – du monde...

La mémoire comme une lampe – la seule (malheureusement) dans cette nuit hivernale...

Comme un grand écart entre ce que proposent les hommes et le silence...

Trop de résistance(s) encore à l'effacement...

 

 

La nuit inclinée...

Les corps perclus – débordant de matière – comme des ruines à la dérive sur les eaux du temps...

Au-dessus des assassins – l'âme des victimes – des égorgés dont la dépouille pend à un crochet...

Le ciel transpercé de flèches – éclaboussé de larmes et de sang...

La chair du monde – sous le poème...

Et ce rire – au cœur des malheurs – qui n'appartient à personne ; et qui (mystérieusement) consolera ceux dont on a précipité le départ...

 

 

Sans nom – sans main – dressé devant soi – à la manière d'un monstre...

Au seuil de l'immensité ; des hallucinations peut-être...

Le corps lancé contre le vent – face au ciel – quelque chose d'un mur – d'une frontière infranchissable...

Comme une condamnation à pourrir – seul – sur la pierre...

Interdit – étourdi – par ce plongeon inattendu au cœur du réel...

 

 

Des yeux aussi sombres que la nuit ; noir ébène...

Le monde ; les paupières cousues...

Et de la matière inerte – à l'intérieur...

Et de la tristesse et de la faim – aussi...

Et dans les prières – un Dieu faillible – un Dieu tremblant...

Comme une ombre sur les lèvres de l'enfance – condamnés à cette incapacité à communier – à cette impossibilité à vivre ensemble...

Dans la négation d'une infirmité (maladroitement recouverte par un linceul) ; une posture intenable – une escroquerie – tant la gangrène a déjà tout envahi...

L'arc de la mort pointé sur notre poitrine...

Les yeux fermés ; et tous les tourments à venir – le cœur (totalement) empêtré...

 

 

Comme un repli obscur dans ce grand voyage...

La main posée à proximité de nos sandales...

L’œil qui traîne dans un recoin – qui entrevoit le monde à travers une minuscule fenêtre – des ombres qui passent...

Et pendue à notre cou – la clé de la porte qui sépare la chambre du dehors...

 

*

 

Un écart – un pas dans la neige...

Le cœur et la parole – enlacés...

Entre le rire et les larmes – le passage des années...

Tous les chemins du monde – franchis ou contournés – comme des obstacles...

Tout qui tourne ; tout qui tombe – devant des portes fermées et des pierres froides...

Et la hantise du jour sur ces rives perdues...

 

 

L'origine suspendue à la dissipation...

Entre l'écriture et le silence – la parole incertaine – divagante – parfois enchantement (assez souvent – confessons-le)...

Du feu – du vent et de la lumière...

Ce que dessinent l'âme et la main ; des signes descendus du ciel qui éclaboussent la surface de la page...

Tantôt tombeau – tantôt apaisement...

Et en lisière de forêt – la mort partout présente – la mort partout qui veille...

Comme si nous étions une maison vide – une institution sans mur – une entité sans visage...

 

 

Des fables – au-dessus du cœur – qui virevoltent sur un fil tendu entre les pierres...

En-dessous – le vide – le sable...

Et les pas qui dansent au rythme de la musique...

Et des rêves – beaucoup (beaucoup trop)...

Et des langues inconnues – impossibles à comprendre – à déchiffrer ; des paroles obscures...

Des mondes en construction...

Des amas de certitudes...

Des croyances et du sommeil...

Quelques remous et son lot d'absences – entre le début (supposé) et la disparition (apparente)...

 

 

Cette dérive des Dieux – salutaire – vers le rire...

La légèreté au cœur du temple ; le plus sacré du quotidien (sans doute) – au-delà (bien sûr) des gestes rituels...

Plus qu'un homme (Ô combien) – le soi-monde...

Le couronnement de la beauté et de la poésie – le plus sensible à l’œuvre – autant que l'intelligence... 

Notre humanité (enfin) retrouvée...

 

 

A la pointe d'une folie passagère – au-delà de toute malédiction...

Dans la bouche – des fleurs immortelles...

Le cœur étreint...

Un baiser sponsal sur le front...

La parole – comme la salive – toujours au bord des lèvres...

Plongé dans ce voyage qui n'en finira pas...

 

 

Les yeux ouverts sur la bêtise...

Et cette cécité de l'âme qui ne reconnaît pas son mauvais sort...

Le cœur aussi dur que la pierre – malgré nos sourires et nos airs de tendresse...

L'impossibilité du monde et de la réconciliation ; le mépris et la haine qui déforment les bouches...

Sur notre couche encore – la figure toute froissée...

 

 

Rien – l'âme abandonnée – comme le reste – au ciel...

Des oreilles aiguisées à l'écoute ; et la main serviable – au service de ce que l'on ignore – au service de ce que l'on ne voit pas...

La solitude souriante sur le monde que le regard a bleui...

 

*

 

Le bleu déployé dans la lumière...

Là où le monde commence – là où les figures partagent la même intimité...

L'herbe sous nos pieds – les étoiles au-dessus de nos têtes ; le lieu où nous avons toujours vécu – bien avant l'invention des hommes et du temps...

Le silence – au milieu des ombres...

Et nos lignes aussi vivantes que possible pour tenter de dire ce qui a remplacé le temps – la bêtise et l'ignominie de ceux qui peuplent la terre...

 

 

Soustraites au sérieux et à la gravité – la joie et l'intensité du chemin...

La brisure consommée pour remplacer l'interrogation et le rêve d'envol...

La solitude et la cendre – dans cet écart – cet éloignement...

Le silence plutôt que la rencontre idéalisée...

Moins pénible – moins douloureux – le pas sur cette sente ascendante...

La légèreté et la lumière plutôt que le vertige et le fantasme de la transformation...

Ici – en ces lieux où nous sommes – à cet instant ; ni ailleurs – ni plus tard – comme un effacement et une ouverture dans l'épaisseur...

L'infini à portée de lèvres...

 

 

Sans autre bagage que le ciel et notre poids de terre...

L'esprit – le souffle ; et la possibilité du chemin...

Un parfum de pierre et d'éternité – dans l'étreinte et le regard – et jusqu'au cœur même de cette étrange poésie...

 

 

Le poids de l'âme et les ombres passantes...

Les traits particuliers de l'enfance insoumise...

A nos oreilles – les bruits du monde – de plus en plus lointains...

Et ce rire sur les querelles qui nous animent...

Et serré contre soi – le ciel partagé ; et le temps défiguré par l'impatience...

A écrire des livres – comme l'un des (nombreux – très nombreux) terrains de jeux où les Dieux se disputent l'espace et l'origine de nos tremblements...

 

 

Serviteur d'une poussière qui s'incruste partout ; dans l'âme – sur la langue – sous les pas – dans les interstices du cœur...

Pas même une muraille contre le vent...

Un désert qui accueille les insurgés et les hurlements...

Des couloirs vides ; et l'espace immobile où se déroulent tous les événements...

Et des yeux posés sur tous les seuils...

Et au-dehors – ce qui demeure sous l'emprise de la violence et de la faim...

 

 

Des jours – autant que de murmures...

L'incompréhension et la lumière – épousées jusque dans les tréfonds...

De la chair et du sang pour satisfaire les ventres – l'appétit des affamés ; de la substance pour que la semence puisse jaillir et peupler le monde...

Des couches de matière qui finissent par recouvrir le plus précieux...

Nos mains tendues et nos paupières closes ; et ces larmes qui indiffèrent les Dieux...

 

*

 

Le tranchant de la lame sur l'ombre du jour – comme si l'on pouvait écarter les malheurs – comme si l'on pouvait séparer les choses...

Tout – amené – et emporté – ensemble...

Et l'esprit de l'homme – sans réponse – désenchanté (dans le meilleur des cas)...

 

 

La figure foulée – la terre prise au mot...

Entre ciel et rive – cette étreinte – cette étendue...

Ce qui ressemble à une bouche ou (mieux) à un baiser ; un peu de vent pour hâter les saisons anciennes...

Ce qu'il (nous) faut abandonner à l'hiver – à l'immensité...

Le cœur de l'enfance ; le jouet de personne – jusqu'à présent...

 

 

Des mots sur la nuit – pour tenter de transformer l'irréparable – de défricher des chemins – de déchiffrer une langue très ancienne – de devenir la pierre sur laquelle on prend appui pour déployer ses ailes – de s'effacer jusqu'à n'être plus rien afin de pouvoir, un jour – peut-être, tout devenir – tout étreindre – tout embrasser...

Davantage (bien davantage) que le monde ; la totalité...

 

 

En soi – là où l'on repose...

De rive en rive – de main en main – jusqu'à l'apothéose – comme de la magie blanche...

Au-delà de tout désir – entre le ciel et la source – l'espace sacré – la danse silencieuse...

Des fragments de vérité sous le délire et les mensonges...

 

 

Ici – la chair qui se réchauffe à celle des Autres...

Peau contre peau – sans tendresse – dans cette odeur de sueur suffoquante...

Des cris – et parfois des cœurs – qui se rejoignent...

Des vivants et des morts – au corps presque identique...

Des chemins ; et des destins qui s'écartent...

A la manière d'une foule aliénée qui s'agite dans la fosse où on l'a plongée...

La folie qui s'empare des ventres vides ; des bouches ouvertes et des rangées de dents saillantes – prêtes à saisir tout ce qui bouge – tout ce qui pousse – tout ce qui passe...

Le spectacle du monde tel qu'il se déroule devant nous...

 

 

La somme des jours ; moins que l'Amour...

Et toutes ces expériences à soustraire de l'essence...

La nudité parcourue comme un territoire ; une étendue sans limite – sans sillon...

Le temps écarté d'un geste machinal...

L'esprit vidé de toutes ses récoltes ; des poignées de poussière jetées devant soi...

Plus ni homme – ni visage ; quelque chose qui appartient à l'ensemble ; et qui varie, selon les circonstances et les possibilités, entre l'infime et l'infini...

 

 

La place que nous occupons – ni précieuse – ni honorable – infiniment changeante...

Notre passage – pareil à celui de ces crânes entassés qui, à présent, servent de rempart...

A la pointe de l'attente – cette veille patiente – sans les yeux – aussi lucide que possible ; ce qui, sans doute, s'imposera lorsque prendront fin le règne de la prière et toutes les croyances inhérentes au royaume promis par les Dieux...

 

*

 

Une terre – sans jugement – sans témoin – qu'il suffirait de découvrir – et de gravir à l'envers...

Des ruptures – une longue série de ruptures – jusqu'à la source...

Dans l'ordre immuable des choses – sans signe – sans preuve – où l’œil solitaire – inlassablement – construit et déconstruit le monde (ce que les hommes appellent habituellement le monde)...

Le jour – en nous – vivant – dans sa marche imperturbable...

Le vide et des monuments ; tout ce que l'on déchire...

 

 

L'espace illuminé – soudain déblayé de toutes les images qui (nous) servent de décor...

L'écume blanche soudain mise à nu...

Sur le versant de l'invisible le plus inattendu où les usages et les croyances s'usent de manière constante...

Le vent et l'étendue ; et nous autres – incertains et ballottés – si maladroits face à la nudité – face au dénuement...

Des gestes – des paroles – de la poussière – aussi vivants – aussi naturels – que ce qui existe – que ce qui ne se voit pas...

 

 

Le soleil – si proche du cœur – que tout paraît brûlant – intense – lumineux...

Le sable – les doigts – la poésie qui s'inscrit dans les interstices du silence – la danse des pas à l'approche de la disparition...

L'effacement et l'écho sans fin des choses qui semblent exister...

 

 

Ce qui sépare le sable du reste...

Les souvenirs emportés ; les âmes qui résistent...

Sur la peau – ce soleil prématuré...

L'abîme entre ce que l'on nous raconte et ce qui est ; là où puisent tous les mythes – là où puisent toutes les fables...

Le mouvement naturel du monde...

 

 

Des résidus de douleur et d'étouffement...

Ce qui a pris naissance au cœur du plus obscur de l'espace – en soi...

Ce qui couve sous la peur...

A nos pieds – ce que l'on a soumis ; et ce qui nous fait face (le reste – l'essentiel des choses) tantôt devant les yeux – tantôt contre le cœur...

Mille possibilités de passage à tous les seuils (perceptibles)...

Ainsi – le plus lointain – le plus endormi – se réveille – se rapproche...

 

 

De la candeur au fond des yeux aguerris...

Une enfance vouée à revenir – à se redresser...

Des larmes et des chemins...

Quelque chose qui brille ; quelque chose qui ne semble avoir de fin...

La matière nue – de plus en plus...

Des lieux et des noms – peu à peu – remplacés par le ciel – en dépit des apparences inchangées...

Comme d'étranges trouées dans le sommeil et la prière ronronnante...

 

 

Toutes les âmes éprouvées par les coupes rases qui sévissent dans la forêt...

La désolation ; cette éradication – cette rupture radicale du renouvellement...

L'absence de ciel – malgré la place vacante ; et des étoiles pour personne dont le reflet se brise, à présent, sur la surface des pierres...

Et notre cœur sous les copeaux qui jonchent le sol ; une manière d'appeler le soleil et le vent – de favoriser les naissances – la régénération du bois ; d'offrir un surcroît d'Amour qui influerait sur le monde...

 

*

 

Les pas qui, peu à peu, effacent la rive...

L'étroitesse de l'abîme – enjambée...

Les sillons qui cessent, peu à peu, d'être un asile – le refuge de la peur...

Un saut vers l'aube (tant désirée autrefois) – icône désuète à présent...

Une voie sans voyageur – une âme sans visage – un espace auquel on ne peut donner de nom...

Vers la transparence et la lumière ; ce cœur qui bat dans la nuit dispersée ; et ce souffle, dans la poitrine, qui ira aussi loin qu'il pourra...

 

 

Des choses impossibles – immobiles – sur le sable...

Des choses que l'on imagine...

Des apparences – des hypothèses – autant que peuvent en voir les yeux – autant qu'en est capable l'esprit...

A la mesure de l'insensibilité – l'incompréhension...

A la mesure de l'absence – la cécité...

Rien que du sable – peut-être – sur lequel on ne peut faire aucun pas – sur lequel on ne peut pas même prendre appui...

 

 

Mot après mot – ligne après ligne – page après page – l'effacement...

L'étreinte assidue ; et le secret, peu à peu, transpercé...

L'horizon de la parole autant que le chemin qu'empruntent les pas...

Ni rêve – ni pensée...

Le silence comme un miroir ; et le reste – simples reflets...

Et en nous – l'enfance à rejoindre ; ce à quoi (bien sûr) nous nous consacrons...

 

 

Par milliards – le noir – la volonté – mis en avant – entre les mains de l'invisible – des forces sous-jacentes derrière les forces apparentes...

Sentinelles du monde et sentinelles de l'aube – en quelque sorte...

Sans désespoir – sans ressentiment – malgré les malheurs – malgré la dureté et la véhémence des cœurs...

La terre promise, peu à peu, pénétrée – en dépit de l'épaisseur...

 

 

Un chant – une fête – sans bruit – sans personne...

Parmi ceux qui sont là – simplement – sans inviter quiconque...

Sans orgueil – sans intention – ceux qui semblent suffisamment sensibles – seulement...

De l'invisible – des étreintes – du silence...

Peau contre peau ; souffle entrant et souffle sortant – le même air partagé...

Une communion naturelle – spontanée – sans privilège – sans exclusion...

Posés sur la pierre commune – plongés dans la soif qui anime tous les élans...

Ici – sans rien chercher – ensemble ; sans heurt – ni effort...

Les yeux grands ouverts qui émergent, peu à peu, du délire collectif...

 

 

Nos yeux – nos mains – qui jonglent avec la vérité et l'illusion...

Sur un fil – depuis longtemps – confondu avec le sol...

L'âme abusée par le rêve ; le réel, sans cesse, réajusté, à nos désirs – à nos ambitions...

Parmi tous ceux qui feignent – qui mentent et font semblant ; tous ceux qui agitent de faux soleils – qui soulèvent de fausses questions – qui offrent des perspectives qui n'en sont pas – qui leurrent le monde avec leur statut – leurs saluts – leurs caresses...

Un monde de visages et de choses – anonymes – interchangeables – où tout se vaut – où tout se monnaye – où la valeur (bien sûr) est ailleurs ; un monde qui prône (et célèbre) une uniformité délétère – loin (très loin) de l'indistinction salvifique à laquelle nous invitent les sages et les Dieux...

 

*

 

L'arbre – à la saison des étreintes...

Dans nos bras – contre soi...

Confidences et secrets ; ce qui passe entre nous – en silence...

Un chant qui monte – de très loin – des profondeurs peut-être – qui sait – de plus loin encore (sans doute) – de l'époque d'avant les hommes – d'avant les frontières – d'avant la séparation...

L'invisible pas même chuchoté – des frémissements sous les étoiles – à côté des ombres et du chaos au milieu desquels vivent ceux qui ont perdu toute intimité avec le monde...

La terre – comme un vertige – la réminiscence d'un état d'avant la mémoire...

Notre feu et notre sang ; ensemble – sur cette étendue...

 

 

Des notes – comme de la poudre – offertes à ceux qui ne peuvent retenir leurs larmes...

Un peu d'encre et de silence jetés dans la géographie des hommes – comme un peu de neige dans la chaleur moite et étouffante...

Une sorte de sentier dont on ignore s'il monte ou s'il descend ; un visage – une contrée – à explorer minutieusement ; et dont on ne peut faire le tour qu'avec respect et attention...

Les confins du jour entre le ghetto et l'étendue ; une fenêtre pour voir le ciel ; un seuil sur lequel s'avancer pour faire face à la mort ; une porte dans l'intervalle ; une manière de découvrir ce que nous ignorons encore...

 

 

Le cœur circulaire...

Dans le gouffre ; la foulée...

Une île dans la nuit...

Un peu de sable pour écrire un poème...

Comme un envol hors du trou – hors du cercle – vers le merveilleux qui veille au-dessus du monde – au-dessus des illusions...

 

 

Le vent face au ciel noir – face au sommeil – face au délire – des hommes...

La grande infortune du monde...

Des paroles arrachées ; et des esprits confus...

Au carrefour des possibles...

Et trop de songes (bien trop de songes) en tête pour voir le soleil et l'Amour à l’œuvre dans ce déblaiement ; juste mille flèches qui ont l'air d'aggraver la blessure ; le refus du seuil et du silence...

 

 

Perdu(s) – comme enclavé(s) dans un repli du rêve – une sorte de recoin enroulé sur lui-même – à la manière d'un refuge – d'un abîme – d'un sommeil ; un lieu pour échapper au monde – au réel – à la transformation...

 

 

Du bleu – des bruits et des fables...

Ce qui nous a initié(s) – ce qui nous a façonné(s)...

A l'ombre du premier mythe – là où tout s'origine...

Pareil(s) à une chimère – à une invention – pour (à la fois) défier et prolonger le rêve...

L'incroyable labeur de l'esprit si prompt à tout différencier et à tout confondre...

Une forme de va-et-vient (permanent) entre le réel et le songe – entre la vérité et ce que l'on se raconte...

De toute évidence – nous sommes cela – cette inclinaison à tout inclure et à tout rejeter ; cet amalgame partiel et l'ensemble du royaume ; la portion et la totalité ; tous les degrés de l'envergure entre le néant et l'infini ; le vide sous tous ses déguisements...

 

 

Sur ce chemin où tout se dissipe – les visages – les mots – les mondes – les histoires – les questions – toutes les choses en vérité ; tous les abîmes – tous les cercles inventés ; et l'ensemble des angles circulaires qui transforment l'espace tantôt en arène – tantôt en labyrinthe...

L'Amour – à présent ; du brouillard et du silence ; et le regard qui pénètre les apparences...

Et entre nos doigts – tout ce sable que les mains n'ont cessé d'amasser...

Et devant nos yeux – ce désert qui a toujours existé (et que nous avons toujours pris soin de recouvrir ou de dissimuler)...

 

 

Le monde à la dérive – jusqu'au déclin...

La vie – le souffle ; et le ciel approbateur...

Et cette halte – comme si quelqu'un avait peur ; mille obstacles à franchir – mille obstacles à contourner...

Et tout – emporté avec nous – dans le grand flux ; ballotté par le cours (inéluctable) des choses...

 

 

Le jour – plus lointain que le sourire..

La vérité – plus abstraite que le geste...

L'instant – plus précis que le temps...

Le monde – en soi – que l'on porte tantôt comme un trophée – tantôt comme un fardeau...

Et derrière nous – d'autres visages ; d'autres perspectives...

Des pas provisoires – comme le reste (tout le reste)...

Seul(s) – comme le regard qui contemple – comme la main qui s'engage – comme le cœur qui éprouve et l'âme qui expérimente...

A l'ombre d'une figure tutélaire – Dieu peut-être sur lequel tout glisse sans trace – sans souvenir – sans mémoire ; le grand silence au fond duquel tout tombe et s'efface...

Et nous – tantôt comme des îles – tantôt comme des naufragés – posés là – dérivant – emportés – au milieu de nulle part...

 

 

Altérés peut-être par l'esprit – la mémoire – ce qui existe – ce qui semble exister...

Des choses apparemment vivaces – vivantes ; et des visages grimaçants...

D'un lieu à l'autre – comme si partout les fleurs étaient les mêmes – comme si partout les paroles (et les promesses) étaient identiques – comme si partout l'impossible nous encerclait...

Et – pourtant – en soi – le ciel immobile – le ciel inchangé...

A peine le temps d'enfiler un nouveau visage – un nouveau costume ; et nous voilà déjà reparti(s) ; avec les mêmes interrogations – les mêmes infirmités – la même incompréhension...

 

 

Flottant – à la manière de Dieu – d'un oiseau – d'un poisson – qui peut savoir...

Comme un tour de manège – allant et venant entre le centre et l'oubli – entre l'incorruptible et la périphérie (toujours plus ou moins dégradée)...

Personne – autour de soi – ce qui défile seulement – comme une (petite) ritournelle – animé(s) par la force centrifuge jusqu'au point de renversement – ce suspens nécessaire pour plonger vers le centre intérieur...

Le lieu de la lisière – le point d'équilibre – où tout se joue entre l'exil et la folie – entre la transformation et l'étrangeté – entre l'effacement et la persistance du secret...

Vers la dissolution – vers la fusion avec le reste – à son insu – puis, le cycle de la différenciation – de la distanciation – qui recommence...

Du vide et du sable (en mouvement) – d'infimes particules dans la vacuité ; notre seule (véritable) identité – nos seuls (véritables) constituants...

 

 

Rien que la source et la transparence ; le bleu tendrement envahissant ; si léger dans sa présence – son étreinte – ses baisers – que le monde finit par peser aussi peu que l'âme ; le ciel descendu – dans lequel tout s'envole – dans lequel tout frémit...

De plus en plus proche de la joie et de la vérité...

 

 

Au même titre que soi – le monde – l'oubli – la forêt qui accueille – le froid qui fortifie – toute chose en vérité – jusqu'au délire – jusqu'à l'aveuglement...

Une distance – sans cesse – à réduire – à effacer – pour ne jamais être pris en défaut d'intimité...

 

 

Cette désespérance de la tête plongée dans le sommeil ; les hommes ont beau rire et festoyer – l'âme semble inguérissable...

Comme un ciel inventé parsemé de pièges et de trappes ; et en dessous – un labyrinthe jonché de morts et de vivants – condamnés à la détention et à l'attente...

Une halte (très longue parfois) – comme un prolongement (indéfini) du rêve...

 

 

Le monde jusqu'à sa perte...

N'importe où pourvu que nous soyons...

Ici ou là-bas – l'esprit à l'étroit dans sa boîte – le ventre et les bras qui amassent jusqu'à la saturation de l'espace...

Des objets et des victuailles comme des remparts – le seul socle que nous connaissons ; là où la route s'arrête – là où l'on retourne la terre – là où les existences écorchent et ne sont qu'écorchure...

Une folie qui mène (inéluctablement) à la déchéance et au déclin...

Et le désir – et la volonté – qui en redemandent encore...

 

 

Au bord du vide – dans les bras de ce qui nous accueille – sur les épaules de ce qui nous porte...

Et sur la page – et dans la tête – tous les signes de la fable ; trop souvent – notre seule manière d'exister...

 

*

 

Des flèches décochées tantôt dans les yeux – tantôt dans le ciel...

Qu'importe ce qui est touché pourvu que tout devienne gris – opaque – infranchissable...

Tout mélangé ; le haut et le bas – la droite et la gauche – le dehors et le dedans...

Une manière de pénétrer le sommeil en profondeur pour faire exploser la pierre et les hauteurs ; Dieu – l'homme et la bête ; les arbres et les fleurs (enfin) rejoints dans leur chant et leur beauté – à la frontière du vivable et de l'invisible...

Ce que l'on pourrait appeler une leçon naturelle...

 

 

Une voix ; des mots expulsés...

Des sons – du sens – sans détour – sans violence...

Ce qui pourrait nous ressembler (vu d'un peu plus haut)...

Plus que rassemblés – indissociables...

Et l'ensemble sans cesse traversé par le provisoire ; le monde et les visages – furtifs ; de passage – comme notre voix qui escorte les mots dans l'espace...

 

 

Des traces de pas – une présence – la vie qui circule depuis la source...

Ce qui n'a jamais cessé – au milieu des ombres – au-dessus des têtes – entre les âmes – les corps qui tournent ; ce qui s'éteint et ce qui renaît – autant de fables que de réalités apparentes...

La multitude ; la matière (monstrueusement) efflorescente...

Des bourrasques – des tourbillons ; un peu de sève – un peu de vent – dans le silence et la lumière...

 

 

Comme tombé(s) au milieu des choses...

Des époques et des âges – aveugles – oublieux – inconscients – amputés de l'essentiel – cette sensibilité qui tient à l'ouverture du cœur et des yeux ; des larmes et une perspective plus éclairée...

Quelque chose d'infiniment précieux – et d'infiniment fragile – comme un peu de ciel pour compenser l'indigence – le prosaïsme – la vulgarité – du monde...

Un saut (incontestable) vers des possibilités nouvelles...

 

 

Cette carcasse ; ce bagage infime – orgueilleux – encombrant...

A sa place – encerclée par la douleur qui emporte l'esprit – qui le fait voyager – de contrée en contrée – des plus abominables aux plus propices à l'éclosion du cœur...

L'esprit comme un attirail – sur un manège – porté – et tiré – engagé dans tous les délires – visitant tous les cercles et tous les royaumes – que le corps traverse et expérimente...

Aussi loin que le fil et l'écume peuvent mener...

 

 

La rectitude (involontaire) de l'âme qui se laisse gagner par les vents – les vagues du monde – les courants invisibles qui, sans cesse, déferlent sur nos rivages...

Qu'importe l'hiver – la fatigue – les baisers trop mordants – les blessures et la souffrance – la fièvre – l'hostilité et l'incertitude...

Sur la route – tenace – sans défaut – tel que se déroule le voyage des exilés – suffisamment inclinés pour échapper aux menaces et à la prétention ; les pieds sur terre – l'âme engagée – le cœur serein – la tête à sa place...

 

*

 

Le vent – dans son œuvre – sans distraction...

Assidu – attentif – incroyablement précis ; amenant et emportant exactement ce qu'il faut – l'indispensable et le superflu (parfaitement mesurés)...

Des racines qui se brisent ; des déploiements inattendus – des instants de pleine respiration...

Le visible et l'invisible éclairés par la même lumière...

Ce qui se redresse ; et ce qui s'incline...

Le même dépouillement – vers l'essentiel et la nécessité ; le noyau vêtu des singularités de l'âme pour incarner ce que nous sommes ; ce à quoi nous sommes destinés...

 

 

Touché – toucher ; semblable dans son être...

La forme dense et changeante...

Le regard et la pierre – inséparables...

Bras ouverts ; et la parole offerte...

Le cœur affranchi de toute forme de somnolence...

Au-delà de l'abîme – au-delà de la mort...

L'intimité accrue (maximale – sans doute) – au point de ne plus rien distinguer – de tout aimer – le magma – chaque chose – l'indistinction – d'une égale manière...

Comme des yeux – et l'Amour – émergeant de l'ombre – des tréfonds de l'âme et du monde où on les avait enterrés...

 

 

Là – présent – au nom de l'absence du temps – au nom de personne...

Décalé – fermement – échappant aux saisons et à toute saisie...

Miracle – peut-être ; de passage (bien sûr) – seulement...

Soi et le ciel – parfaitement enchâssés...

Ni pente – ni voyage ; et moins encore voyageur...

Ni lointain – ni étrangeté...

Soudé(s) au reste et à l'origine – depuis le début – de toute éternité...

 

 

Presque rien – en somme...

Le vide dans sa folie et ses errances...

La mort au goutte à goutte...

Des épreuves et des tremblements...

Ce qui évolue dans l'espace...

L’œil-témoin et la présence vivante...

Une multitude de jeux et de jouets...

Quelque chose d'insensé – d'inimaginable ; le réel...

Des successions – des amassements ; et mille dégringolades sur des pentes apparemment naturelles – fabriquées de toutes pièces (en vérité)...

Des cycles où cohabitent tous les contraires...

Du silence – de l'Amour ; et des arènes qui accueillent toutes les luttes et tous les ébats...

Sans que nul ne sache – sans que nul ne comprenne – réellement – ce qu'est la vie – ce qu'est le monde – ce que nous sommes – ce que signifie être vivant – la réalité...

 

 

Des émergences – des boursouflures – des déclins – des éclatements ; et tous les mouvements ainsi (à peu près) résumés...

Rien que des parcours – des traversées ; de (très) brefs itinéraires – en apparence ; mais qui prennent pourtant racine (faut-il le rappeler) au cœur même des origines...

Des choses sur des listes ; des choses que l'on coche...

Des paroles – des pourquoi ; et des gestes à profusion...

Des va-et-vient ; des allées et venues...

Ce qui s'expose ; et ce qui s'efface...

Des feux dans la nuit ; des îles au milieu de l'océan...

Des successions et des cycles ; l'héritage commun ; et ce qu'on lègue à son insu...

Des marches parallèles ; des chemins qui se croisent...

Des pas et des passages...

Rien – jamais – de définitif (ne l'oublions pas)...

 

 

Au milieu des fous – au milieu des voix – la tendresse-mère qui appelle ses ouailles...

Au cœur des bois – entourés par des murs de sommeil – l'attente qui dure – la veille qui se prolonge...

Le ciel à découvert – comme une clairière encerclée par des nuages noirs...

L'écoute – l'Amour – ce qui vient ; ce qui émerge de la terre...

Nos lèvres qui ne reflètent ni les illusions – ni les mensonges – ni l'aveuglement – du monde ; la vie pure – la vie qui passe – sans retenue ; tout ce qui nous échappe ; et après quoi il est vain de courir – et ce pour quoi il est vain de verser son sang...

Le compagnonnage (inaliénable) de l'infini et du plus intime – seulement ; sur cet itinéraire plus qu'incertain...

 

 

Jouer avec les démons et les Dieux...

La peau de plus en plus dénudée – à l'intérieur...

A même la roche ; le ciel continu sans le moindre défaut – sans le moindre faux pas...

A genoux – au milieu des fleurs...

A notre place – (juste) au-dessus des malheurs...

Et l'immobilité qui règne par delà les lois et les (grands) cycles de la matière et du monde ; au cœur même de ce qui ne peut s'interrompre...

L'Amour – en ces hauteurs – comme le socle – et le prolongement – de ce qui est si prompt à pourrir...

Des poignées de terre – de simples poignées de terre – sur nos yeux fermés...

 

 

Ici – là-bas – plus loin – en ces lieux où l'hiver règne sur la terre et les saisons ; le gel (permanent) du temps – la neige comme un bain qui saisit l'âme et ravive la clarté dans le cœur habitué au brouillard...

Une manière d'apprendre à vivre – à rire – à marcher – à mourir – avec plus de justesse...

Des lèvres – un éclat dans l’œil – un peu de peau et de lumière sur la pierre grise – sur le sol sombre du monde...

Un peu de vide autour – et au-dedans – de la matière...

 

 

Quelque chose d'avant le visible – une part de soi – substantielle – miraculeuse ; un panaché de ciel et de rire...

Des âmes légères ; et l'horizon qui applaudit (silencieusement)...

Des arbres et des rivières – des fleurs et des collines – des bêtes et des pierres ; le monde d'avant le règne de l'homme ; l'époque (bénite) de l'indistinction...

Une vie – des existences – hissées à des hauteurs effarantes (inimaginables aujourd'hui)...

Une présence (depuis trop longtemps) oubliée...

Des traversées qui avaient la saveur de la terre et l'ampleur de l'immensité...

Un harmonieux mélange de matière et d'Absolu qui offrait au sable – aux gestes – à la moindre respiration – une envergure et une densité incomparables...

 

*

 

A peu près – comme s'il y avait des règles à suivre et des manières de faire – des choses mesurables – des gestes conseillés (et d'autres à proscrire) – comme si l'on savait ce qu'est la vie – ce qu'est la mort – ce que veut dire être un homme ou appartenir à l'humanité (au monde des vivants)...

Une grâce – un miracle – combien l'ont oublié – baignant, il est vrai, dans son lot de malheurs – de souffrances – d'infirmités...

 

 

La terre étreinte – le ciel embrassé...

Des chemins de connaissance – parsemés (plus ou moins) de visages...

Des traits – présents depuis toujours...

Des rires et des larmes – presque à chaque pas...

Des yeux – des mains – des ambitions – tournés vers on ne sait quoi...

Tout près de nous – pourtant – le froissement de la matière ; le frémissement de l'invisible ; l'assentiment du silence...

 

30 octobre 2022

Carnet n°279 Au jour le jour

Février 2022

Des ailes blanches sur la chair bleuie par les coups…

A la nuit tombante – l’éclipse du mal ; une forme de providence…

L’enfer qui cesse pour quelques heures – au profit d’une réconciliation – du réchauffement des corps qui se rapprochent…

Les sourires silencieux qui remplacent les larmes et les cris…

Comme au cœur du temple ; la vie et ce que nous en faisons…

Le feu et la mort ; partout – sur le sol et sous les paupières…

 

 

Des mouvements sur lesquels passe – et repasse – le regard caressant…

A longueur de jour – l’une des rares activités immobiles sur la pierre…

A contempler les allées et venues de la soif erratique – des désirs contradictoires…

Le temps passé les yeux en soi…

Après l’ardente saison des fouilles…

Et, un jour, l’audace du front qui s’incline – qui daigne (enfin) s’incliner – devant la fragilité du vivant…

Tantôt propice au nomadisme – tantôt soumis au balancement…

Les yeux face au soleil ; et l’âme (presque) toujours fuyante…

Comme une danse (étrange) jusqu’à l’heure de la disparition ; avec de la lumière – à l’intérieur…

 

 

L’ombre – inlassablement…

Seul – au seuil de ce qui (nous) inquiète…

Mille dangers – et autant de manières de fuir et de lutter ; et à terme – quoi que nous fassions – la chute ; plus âpre que ce qui déboulonne nos images et nos statuts…

L’essence de l’être – à travers tous ses spectacles ; davantage (bien davantage) qu’un songe – le prolongement (inévitable) de la solitude…

 

*

 

Derrière les murs – l’absence – celle qui gouverne le monde – d’une double manière – autant à travers ce que l’on imagine être la raison qu’à travers l’invisible qui agit sans – et par l’intermédiaire de – ce que l’on imagine être l’individualité…

Le grand maître du jeu – en somme ; celui qui invente – celui qui préside à tous les spectacles ; celui qui initie et met un terme à tout ce qui existe…

Du grand art ; le seul chef d’œuvre – en vérité ; ce qui se crée – ce qui se façonne ; toutes les choses qui emplissent (très provisoirement) l’espace…

 

 

Ce qu’offrent les arbres…

Sur le sable ; tant de tristesse et de colère…

Le royaume des ventres – des bouches – des dents carnassières…

Terre d’élection – paraît-il…

L’antichambre de l’enfer – quoi que fassent les vivants – à l’ombre des frondaisons…

Sous la sagesse (inaccessible) des grands êtres – tant que le sommeil durera…

Et eux – apparemment impassibles – compatissants (bien sûr) devant toutes nos impossibilités…

La tête dans la lumière – comme pour nous indiquer la règle à suivre (ce que nous prenons – à tort – pour un privilège octroyé aux Dieux)…

 

 

Des bouts de terre – des bouts de vie – dans la tête – dans le corps – dans la bouche – dans le sang…

Toutes ces choses – ces idées – ces créatures – rampantes – gesticulantes – vibrionnantes – animées – agitées – qui finissent pendues à des crochets ou rangées dans des cases…

Le cœur à l’écoute de ce que l’on tait (en général) ; cet invisible dans les interstices du bruit et de la matière…

Le silence exposé comme un miroir qui reflète l’épouvante ; et nos figures détestables…

A vivre comme les bêtes qui s’entre-tuent et s’entre-dévorent…

Et pleurant sur la perte ; et heureux (et nous félicitant même) de ce qui tombe dans l’escarcelle…

 

 

Seul – face à l’ombre…

Au seuil de l’homme…

Ce qui cède devant la lumière…

Ce que la vie – apparemment – abandonne…

L’essence et le feu – sans conteste…

La solitude et le souffle…

L’évidence du sol…

Et dans l’âme – le ciel en apesanteur…

Ce qui restera, sans doute, après le naufrage…

 

 

Des abîmes à demeure…

Tout ce qu’il faut pour satisfaire notre goût pour l’impossible…

Des blessures et des rêves – à foison…

La perplexité de l’œil face à l’étendue – face à l’envergure du labyrinthe…

Au fond du cœur – la foi abandonnée…

Et dans les mains – ce miroir que l’on tourne tantôt vers soi – tantôt vers les visages rencontrés…

Et le feu nécessaire (bien sûr) pour changer d’horizon et de perspective…

 

 

En silence – sous les astres…

Assis sur le sol – le ciel à la verticale…

Et nous – encore dans l’herbe – le verbe – la faim ; la part organique de l’âme ; et l’autre – déjà surplombante – à une hauteur variable selon la lumière – selon les circonstances et l’angle du jour…

La terre – sans recoin – comme une fête – un banquet – une invitation ; ce que l’on pourrait considérer comme une récompense – une sorte de facilité…

Mille choses à cueillir – à ramasser ; et l’essentiel – en soi – à creuser ; comme un trou dans l’invisible pour accéder au vide…

 

*

 

Éreinté par la tâche à accomplir…

Comme une bête – en soi – animée par la faim – lancée à la poursuite de ce qui constituera son repas…

Une course folle dans l’herbe – à courir (à perdre haleine) au milieu des pierres…

Le visage tendu vers la chose à capturer – vers le but fuyant…

Rien qui ne sépare de la vie ; rien qui ne sépare de la mort ; le souffle mugissant – le souffle déclinant – jusqu’au soupir de la délivrance…

 

 

Ce qui guide la main du monde – entre le temps et la mort…

A pas lents – le trésor et le secret en partage – dissimulés au cœur de l’intimité la plus familière – au cœur du cercle le plus sauvage – inconnus de ceux qui explorent l’enveloppe – qui ne fouillent que la surface ; et que toute profondeur rebute – effraye – peut-être…

Occupés – trop occupés – à jouir du jeu et de la fièvre qui les anime – qui les emportent – à chercher (à peu près) toujours sous la même étoile…

 

 

Le cœur retourné par la violence et le sang…

Et tout ce rouge – à l’intérieur – impossible à soustraire…

Des cadavres entassés au milieu des racines…

Et ces cris – comme des flèches maléfiques qui s’enfoncent dans la chair…

L’immense chagrin – le cœur ébranlé jusque dans ses cercles les plus secrets…

L’invraisemblable – comme un cauchemar qui nous traverse – à l’instar du poison inoculé par les hommes à tout ce qui existe sur cette terre…

 

 

A force de brûlure – la peau-soleil – les lèvres closes…

Moins de calculs ; et davantage de poésie…

Ce que la mort recompose…

Sur le ciel-escalier – à compter (un peu vainement) le nombre de marches que nous avons montées…

Et la terre-prison – où les barreaux sont faits de rêves et de matière…

Auprès du bleu insaisissable dont nous sentons le rayonnement – jusque dans les anfractuosités de la pierre…

 

 

Par la fenêtre – le ciel et la forêt…

Le chant – à demeure – des oiseaux…

Notre univers – aussi précieux que l’éclat dans nos yeux…

La proximité des arbres et de l’infini ; et le fond de l’âme amoureux…

Les gestes et les pas qui respirent l’envergure ; à hauteur d’étoile – sans offenser personne…

Bouleversé par nos chaînes et nos infirmités ; et libre d’y consentir ou d’y échapper…

Sur un coin de page – au creux de la main ; bien davantage que le monde…

 

 

La foulée étreinte par la lumière – guidée par la nécessité du silence…

Sous les ruines – recouvertes – tant de merveilles…

Le destin – de plus en plus anonyme…

L’existence – faite de mille petits riens qui se défont…

Au-delà de la complexité apparente – l’abandon ; et au-delà de l’abandon – le vide et la joie ; notre nature délestée de la mémoire des hommes…

 

*

 

L’odeur du rêve – au-dedans des choses ; ce que l’on imagine qu’elles offriront…

De hauts plateaux – un peu d’altitude – une hauteur digne de nos attentes – un statut, peut-être, pour avoir l’air (encore) davantage…

Un peu d’abondance et de gloire pour compenser (tous) les malheurs…

 

 

Derrière la porte – la mort déjà – si impatiente…

Le cœur prisonnier du temps ; et l’âme qui rêve de liberté et d’affranchissement…

Et le ciel – maître du jeu et des angoisses – indifférent aux rites et aux fêtes que nous lui offrons…

Le doigt pointé sur les figures arrivées au terme de leur expérience ; l’œil lucide et éclairé – guidé, sans doute, par le contraire du hasard…

 

 

Déchirée – l’étoffe de la peur…

Les paupières agilement soulevées…

Par la neige et le froid – l’enfance redressée…

Et des empreintes à suivre – jusque dans l’invisible…

La véritable raison ; ce que les hommes prennent (encore) pour de la magie…

Le ciel dans la main – au plus près des choses – en silence – (très) discrètement…

 

 

Ici – l’espace – l’essentiel…

Le geste et le pas – face à la nuit qui s’approche – qui s’essaye à l’envahissement…

Les yeux ouverts – le cœur ouvert – face à tous les assauts…

La possibilité d’être pénétré – et traversé – sans que cela ne laisse de trace…

Comme une nudité impossible à enlaidir – à corrompre – à dégrader ; un réceptacle – un simple réceptacle – pour ce qui passe…

 

 

De la terre – le monde poussiéreux…

Et comme des cercles – sur la route…

Des communautés aux rideaux fermés…

Des murs d’épaisseurs différentes…

Des pierres en tas – des autels où l’on célèbre les Dieux – où l’on attire la providence – où l’on s’éreinte à façonner des destins plus prometteurs…

Et autour – des foules aux tenues identiques – si promptes à rejeter la différence…

L’esprit et les traditions – millénaires – des hommes…

De l’orgueil – des guerres et des conquêtes…

Mille choses à défendre – à obtenir – à réaliser…

Le règne des frontières ; et tous les instincts (ancestraux) érigés en règles civilisationnelles (que l’on saupoudre, au fil du temps – ici et là, de quelques aménités)…

Si loin du ciel – encore ; ce monde peuplé de bêtes à la figure (vaguement) humaine…

 

 

Le front impatient – l’œil (trop) désireux ; les pieds et les mains ligotés au temps – à la durée de l’aventure – au lieu de poser, à cet instant, les yeux sur le plus proche et de se laisser guider par ce qui vient (indépendamment de ce qui est préféré)…

Pleinement présent à ce qui est ; et affranchi du reste (de tout le reste) ; vivant simplement…

 

*

 

Au soir arrivé – les yeux brûlés à force de contempler le monde…

Que le souvenir – à présent – et l’imaginaire ; et lorsqu’ils seront épuisés – apparaîtra le regard – la beauté – l’évidence de ce que l’on porte – incarné…

 

 

Couleur de brume et de forêt – sur ce chemin que l’on devine à peine…

Senteurs boisées et odeurs de pluie…

Paysages blancs et ombres…

Quelque chose de réconfortant dans ce monde de certitudes et de lumières artificielles…

Un pas ; et le regard appuyé contre le vitrail ; ainsi le ciel se dessine derrière les yeux – au milieu des arbres et du silence…

 

 

La porte ouverte sur les profondeurs et l’éloignement…

Les mains posées contre l’invisible – à la fois socle et perspective – horizon et point d'appui…

La direction que prendra le jour ; et notre exil…

Le vide et la plénitude qui n’ont besoin de sens…

Comme une fleur offerte à la terre – au soleil ; confiant – (totalement) abandonné…

 

 

Aussi mystérieuse que ces longues stries blanches dans le ciel ; l’irréalité de la terre peuplée de figures étranges…

Des chemins au milieu de l’invisible – entre les cimes et les soubassements du monde…

La matière errante – au cœur de l’espace – vertical(e)…

L’infini contre la chair fragile – douloureuse – comme un miroir – les reflets superposés de l’abîme et de la lumière…

Ce qu’enseigne l’expérience ; et ce qui, peu à peu, se détache des nécessités du ventre…

Le doigt levé – pointé vers le (grand) mystère – en soi…

 

 

L’homme à l’état brut – comme la force – sans entêtement – la blessure exposée – la parole intériorisée…

L’essentiel qui s’exprime – sans sourciller…

Ce qui doit se réaliser ; et ce qui a lieu – simplement…

Dans la gorge – sur le visage – tous les bruits et tous les reliefs du monde…

L’énigme de la mort – sur les lèvres – entrouvertes – souriantes…

La possibilité de se relever de toutes les chutes ; et d’enjamber tous les abîmes…

Ce qui persiste – au-delà des apparences…

Une éclosion – une égratignure – une place quelconque dans l’espace…

 

 

Sur la pierre – bâtir – à la manière de la neige qui recouvre la surface – un peu de ciel sur la roche ; pas une stèle vouée à la célébration de l’homme ; un hymne à l’innocence naturelle – au provisoire – à l’effacement…

Les cimes et le sol – sans marque – sans masque – merveilleusement dénudés…

 

 

Porté par les couleurs du périple…

Le sens inné du voyage – en soi…

Et ce que la terre susurre entre nos doigts…

Des lignes et des lignes de silence – en dépit de ce qu’on lit – en dépit de ce que l’on voit…

Le fond des choses ; l’essence même de la pierre ; et l’invisible au cœur de l’essence…

Ce dont nous avons l’air ; et ce que nous sommes – profondément…

 

 

En bordure de soi – l’exil – si proche – si lointain – selon l’inclinaison du cœur – le besoin de solitude ; et le rôle (plus ou moins) prépondérant de la tête…

Ce qui veille sur les malheurs et l’absence – les jeux du monde ; et toutes les balançoires bruyantes qui bercent les hommes…

La métamorphose de la terre et le ciel froissé…

Le cœur entre les doigts qui s’interroge sur sa place ; et sur la nature des choses…

Les querelles incessantes et ce qui – inlassablement – vient contrarier tous les plans tirés au cordeau…

Tout ce qui amuse le vide – en vérité…

La nuit et son collier d’étoiles (qu’elle affiche orgueilleusement sur sa poitrine) – comme si elle voulait nous séduire – nous montrer son rang et sa richesse…

Et devant tous ces gestes – toutes ces farces – tous ces spectacles insolites ; un rire immense – irrépressible…

 

*

 

La pierre et l’arbre – à notre passage – qui nous saluent – en silence…

Le visage souriant – l’âme sensible ; de la gratitude au fond du cœur…

Un mot – et une révérence – comme une prière – qu’eux seuls percevront…

 

 

L’oiseau et la pluie – sur la même branche – au-dessus des fougères – face au vent…

Comme un dialogue dans une langue étrangère – inconnue – incompréhensible par les hommes…

Et tout se parle ainsi à l’insu de ceux qui se sont (orgueilleusement) placés au sommet de la hiérarchie – sans même qu’ils s’en rendent compte ; la plus belle ironie du sort – peut-être…

 

 

Entre nous – ce que l’on confond…

Peu d’indices – le cœur resserré…

Le temps qui s’effiloche – que l’on disperse en jetant des poignées de sable devant soi ; des grains comme autant d’instants figés ; le futur entièrement comblé ; et le seul espace qui reste à présent – cet instant suspendu au cœur du monde – cet instant où entre et sort l’air que l’on respire…

La terre devant soi – sans aucun visage…

Une main posée contre un arbre ; et l’autre qui s’éreinte (vainement) à soulever l’aurore pour apprendre à marcher à la verticale – juste au-dessus de notre tête…

 

 

L’existence entière passée à remuer de l’air – des choses – et, peut-être (rien n’est moins sûr), quelques idées (très communes)…

Et ce qu’il restera de notre vie ; un minuscule tas de poussière ou de cendre que le vent balaiera d’un geste débonnaire…

Le monde – comme un agrégat – une agglomération de visages indifférents – seuls – ensemble – occupés à mille choses (plus ou moins inutiles) ; et l’Amour ; cet étrange objet – sur lequel rien ne peut être dit – contre lequel rien ne peut être tenté…

 

 

Derrière les mots – la présence et les gestes de l’âme…

Ni affectés – ni complaisants ; témoins du monde tel qu’il se présente – tel qu’il va…

Besogne joyeuse et quotidienne…

Des feuilles volantes – au milieu de la forêt…

Assis dans notre roulotte ; la main qui – humblement – qui involontairement – compose un hymne au feu et à la terre ; des mots où se reflètent tous les visages…

A destination de personne ; juste un chant silencieux dans lequel se reconnaîtront (peut-être) tous ceux qui aspirent à vivre debout – un peu à l’écart de la société des hommes ; un hymne aux arbres et aux bêtes – à la vie sauvage réfugiée dans les interstices du monde pour échapper à l’hégémonie colonisatrice de ceux qui, partout, exploitent et instrumentalisent de manière monstrueuse – industrielle – éhontée…

 

 

La part la plus pauvre – et la plus éloignée – du ciel ; ce qui nous habite…

Et l’esprit inquiet qui s’enquiert de la nature du jour – réfractaire à toute forme d’avilissement – s’imaginant à l’abri derrière ses remparts d’images et de mots – rétif à l’idée de devoir fréquenter la plèbe – la lie de la terre – barricadé dans sa citadelle de papier…

Entouré de livres sans (véritable) poésie ; ce que nous désapprouvons nous autres qui prônons le réel ; ce à quoi (bien sûr) obligent l’existence et le monde…

 

 

Sans emblème ; sur le dos du jour qui serpente ; le monde – derrière nous – qui, peu à peu, s’éloigne…

Et la marche qui, au fil des pas, brise l’étrangeté et souligne l’inutilité des signes – à mesure que s’approche la lumière…

 

 

En chemin – sans cesse – le même passage…

Sans alibi ; ce qui s’échappe…

Et ce qui recommencera tant que l’esprit sera hanté…

Le corps pas même prisonnier ; la matière (seulement) soumise à ses propres règles…

Comme une combinaison – un équipage…

Et l’écoute – et l’obéissance – dont il faut faire preuve pour se laisser mener par l’invisible…

Vers l’Amour et la liberté – l’apothéose solitaire…

 

 

A l’abri de ce qui nous poursuit…

Au-dedans – au cœur de ce refuge de chair…

Dieu – cette pure affection (sans volonté) qui habite nos bras et notre carcasse autant que le fond de nos yeux et de notre âme…

En miroir – ce que nous percevons dans le regard et le geste de l’Autre…

Une œuvre grandiose – magistrale – nécessaire – à travers toutes ces portes et toutes ces fenêtres qui s’ouvrent – à travers tous ces murs et toutes ces frontières qui disparaissent…

Une besogne d’ampleur pour accéder à l’envergure…

 

 

Moins dialogue que soliloque…

Moins rencontre que croisement – effleurement (à peine)…

La solitude comme notre seule (bonne) fortune – qui ouvre sur l’espace que nous portons…

Le plus merveilleux (sans doute) enveloppé d’une douleur (apparente) – la blessure recouverte…

La plus courte des distances ; et (trop souvent) le plus long des voyages…

A faire le guet – comme si nous étions observé(s) et observateur(s)…

 

*

 

Les icônes – à nos pieds – piétinées…

En vrac – les Dieux et les choses…

Le sang qui ruisselle et les sacrifices – relégués au temps antérieur…

A présent – le silence qui se dresse contre tous les mensonges…

La fin des indulgences et des marches hâtives vers le ciel…

Le temps des naissances – du voyage et de la lumière…

La lente éclosion de la vérité au détriment du mythe – des fables – des histoires…

 

 

Ce qui ne peut se monnayer ; l’essentiel (bien sûr)…

Entre le silence et la joie ; la possibilité du monde…

Ermite – au-delà de toute aventure ; célébrant la neige et le vent ; la vie solitaire en compagnie des arbres et des esprits de la forêt…

Aux frontières de la violence et de la douleur…

Au cœur de cet espace révélé ; de plus en plus – pèlerin sans visage…

 

 

Le royaume le plus secret – au milieu des arbres et des mots – auprès des bêtes qui se cachent et que l’on abat…

A nos côtés – toujours…

Au fond du silence ; de ce que l’on porte…

Le plus précieux que rien ne peut entamer ; l’espace – l’Amour – la lumière – présents ; nous accompagnant jusque dans nos plus terrifiantes absences…

Loin – de plus en plus – de tous les manquements de l’homme ; de toutes les transgressions du sacré…

 

 

Cette parole forgée qui apparaît ; et, aussitôt, se délite – impersonnelle (de toute évidence) ; à la manière d’une (dérisoire) calligraphie – un (très) modeste avant-goût du silence dans le tumulte (inévitable) du monde et du temps…

 

 

Le jour – comme le reste – scindé en deux ; d’un côté – la danse ; et de l’autre – ce qui relève du langage ; d’un côté – le geste et l’immensité ; et de l’autre – ce qui tente de circonscrire…

Ainsi – pour l’heure – fonctionne l’esprit de l’homme…

 

 

L’existence et l’œil – ronronnants – à moins que n’aiguillonne la souffrance…

L’âme et la figure – absentes…

La futilité et la fête – histoire d’oublier la tragédie – le plus précieux…

Et tout – ainsi – qui se déroule – sans nous…

 

 

Le feu roulé en boule – au fond du ventre ; et qui se déplie dans la poitrine et les bras ; et qui se transforme en souffle et en gestes…

Le monde – simple excroissance de la matière brute – première ; comme un excès qui fait apparaître la vie ; et qui lui donne ses mouvements…

Et l’invisible – secrètement – qui tire les ficelles…

 

 

L'âme – comme plongée dans la lumière – si gracieuse – si aérienne – laissant, à son passage, des fragments de monde ébahis – quelque chose de sensible dans les cœurs ; la traversée du plus intime ; comme si l’innocence nous pénétrait…

 

 

Aucun murmure – face au miroir…

A travers le reflet – deux yeux qui pénètrent le secret – qui révèle la danse au danseur qui s’ignorait ; et la beauté à celui qui, partout, ne voyait que la laideur…

Une forme de miracle – entre la magie et le merveilleux – sur la route qui serpente – au-dedans – entre nos résistances et nos aspérités…

 

*

 

Sur la peau du monde – les lèvres craquelées…

La roche en sacrement…

Le vent ; et la mort qui se balance au-dessus des têtes – ravie – souriante – se moquant des rêves et du déguisement des vivants – jetant tous nos masques à terre ; et nos croyances par-dessus…

Et dans le miroir – la poitrine qui se soulève ; la respiration saccadée…

 

 

A pieds joints sur les Autres qui ne sont plus là…

Le feu – dans le regard – en éclats…

Dans les yeux – le reflet de l’absence…

Quelque chose d’un soleil gelé ; et des restes de rancœur…

Le malheur – sous la peau – qui a, peu à peu, fait disparaître ce que l’on aurait pu être…

 

 

Ce que l’on dure ; l’âme – la chair ; et ce rire – comme un grincement de dents dans les rouages du rêve ; la mécanique à exister…

Des rites désordonnés – célébrés par le corps rageur – désespéré par ce qui lui est offert ; ce si peu de chose(s) dont il ne sait que faire…

 

 

Du soleil – ces mots jaillissants – comme une explosion – une musique de l’âme – quelque chose du ciel – dans la poitrine et le sang…

La main exaltée – foudroyée – électrique – qui accouche de pierres et de sourires – de paroles et de passages…

Comme un chant pour que se décadenassent les cœurs et que les citadelles se transforment en arc-en-ciel…

 

 

Les pas épris d’espace et de liberté…

La foulée – de plus en plus légère…

Sans souci de destination ; chaque lieu comme une étape – un univers en soi ; et chaque lien comme une rencontre – la possibilité d’exprimer ce qui nous unit (et de révéler, parfois, à l’Autre ce qu’il porte)…

Et en chemin – la nudité, de plus en plus évidente, de l’âme – de la route et du voyage…

De la poésie ; et de la solitude – (fort) joyeuses…

Une danse – plutôt – avec les choses et les mots ; avec le vent sur le visage ; et cette inclinaison (obstinée) pour les points de suspension…

Entre deux souffles – entre les lignes ; l’instant et l’éternité qui s’invitent ; notre manière de célébrer le silence et l’infini – la vie naturelle des bêtes et du langage…

 

 

A coups de soustractions – s'érigent la liberté – la nudité – la qualité d’une présence – le degré de compréhension et la sensibilité de l’âme…

Et face à ce qui arrive ; face à ce qui s’en va ; la gratitude et l’humilité ; le sourire devant ce qui a lieu…

Les gestes et la foulée guidés par on ne sait quoi – par l’Amour – la nécessité – la joie de pouvoir approcher tous les visages du mystère…

Comme le silence et la lumière que tout appelle…

 

 

Ce qui vole vers nous – l’espace à la main…

Le verbe et le jour ; ce qui se révèle dans notre absence consentie et joyeuse ; bien davantage que nous-même(s)…

La parfaite vacuité – sans passé – sans devenir – sans interdit – sans restriction…

La part du vide – au cœur duquel peut se déployer le vivant ; et s’épanouir la joie…

 

*

 

Parce que trop persévérant – jaillit l’éclair…

La fulgurance du monde sur la vérité très laborieusement acquise

La lumière – en jets brûlants…

Jusqu’à la source – l’appel ; et le retour…

 

 

Que jamais la main ne se referme sur le message…

Inoccupée – offerte – disponible ; comme ce qu’elle offre ; comme ce que nous portons…

Cette quiétude bien plus que saisonnale – à l’heure juste – à chaque instant…

Cette neige sur les arbres en fleurs ; et ce souffle chaud sur les premières gelées…

L’enfance si ancienne ; et son devenir dans notre âme apaisée ; tous les possibles ; et (bien sûr) la nécessité grandissante du ciel…

 

 

Ne plus voir que le jeu dans les allées et venues de la douleur – dans le balancement du cœur impuissant – dans la main obstinée qui résiste – dans la précarité du monde et la variabilité du temps…

Tous les Dieux – toutes les bêtes – tous les hommes – à l’épreuve…

Au milieu des grands arbres qui ne disent rien ; qui nous regardent en silence…

 

 

Jamais l’Autre ; ce qui tombe – ce qui nous échappe…

Le feu dans le sang qui donne aux bras – et aux pas – leur frénésie…

Comme un manque – une douleur – que nous portons depuis des millénaires – bien avant (sans doute) la première naissance…

Le remplacement de l’éternité par le temps et la course…

Et le besoin cruel – désespérant – (de plus en plus) manifeste – de lumière et d’intelligence…

 

 

La terre touchée par nos yeux tristes…

Ce qui circule dans la parole et les larmes…

L’univers entier appuyé contre la vitre opaque…

Et cet espace – au-dedans – qui tarde à s’ouvrir et à s’éclairer…

Comme un défaut de lumière – une combinaison à haut risque – compte tenu de l’aveuglement…

L’humanité – comme un feu – des milliards de feux infimes – allumé(s) au milieu de la forêt…

 

 

L’espace – l’aire de l’oiseau et du vent…

Face à l’océan – tantôt l’angoisse – tantôt l’absence…

La soif au fond des yeux et des âmes curieuses…

Cet élan vers l’infini – l’au-delà des rêves et des certitudes…

Comme un cri poussé dans le gouffre du temps…

Une remontée des origines – la pierre comme fondation qui s’ouvre sous nos pieds…

Notre épaule contre celle du monde – sous le regard d’un Dieu ravi…

Le jour qui invite à emprunter son plus secret chemin…

A deux doigts du ciel – déjà…

 

 

L’expérience de l’enfance et de la couleur…

Au cœur du monde – l’âme revisitée…

D’un lieu à l’autre – d’une ligne à l’autre – le chemin qui se précise – au milieu des yeux aveugles et fermés…

Quelque chose de la fenêtre – du miroir – de la lumière…

 

*

 

Entre nos jambes – la fabrique de l’espèce ; la perpétuation du monde et de la folie…

Tant de labours – de semence – de peines perdues…

Ce qui se replie sous la chair ; et ce qui se déploie dans le ventre…

Tout un peuple à la dérive – qui peinera encore à se tenir debout ; et qu’il faudra encore éduquer…

Des corps entraînés à la copulation – des têtes programmées pour se reproduire…

Malgré le temps et les expériences accumulés – toujours aussi peu enclins à mourir et à disparaître – à transformer le processus instinctif et organique…

 

 

Au-dedans de soi – le miroir – la violence et la mort…

Ce qui égorge et éventre la vie ; ce qui contamine la chair…

L’âme assujettie jusqu’aux dernières volontés…

A compter les jours dans cette nuit si épaisse – irremplaçable…

De la glace sur le cœur et les yeux ; tous les gestes recouverts ; et la bouche gelée qui éructe sa plainte…

Et les os déjà en tas ; que la terre avale peu à peu…

 

 

Sur chaque pierre – le même monde – la même parole ; et le vent qui éclabousse la surface ; et qui la recouvre de peines et de poussière…

Et ces larmes qui coulent sur la roche ; tous ces visages défaits par le désastre…

L’absence terrifiante des âmes – comme un drame supplémentaire…

L’impossibilité de Dieu dans les regards…

Moins homme que rêve ; moins homme que désespérance ; le désir comme seule prière…

 

 

De jour en jour – l’écho (de plus en plus) déformé ; de la tendresse à la confrontation – de l’innocence à l’hostilité…

Chacun – derrière sa fenêtre fermée – claquemuré – arc-bouté sur sa ligne de défense – sur sa ligne de démarcation…

Les frontières du désir et de la volonté …

Et l’ensemble du périmètre transformé en territoires jonchés d’interdits et de barbelés…

L’édification de murs et de barreaux ; sans doute – l’une des principales activités de l’homme ; et, peut-être même, l’un de ses gestes fondamentaux – né (bien sûr) de l’ignorance – de la peur – de la faim – du manque érigé en institution…

 

 

La nuit partielle – marginalisée…

Comme le trait qui souligne l’appartenance des visages…

Ce qui engendre l’anxiété…

Sous le ciel qui s’affranchit de toute paternité…

L’œuvre de l’homme sur la terre…

Le naufrage de toutes les histoires – de tous les destins…

L’expérience de l’audace face au danger ; la naissance du courage face au péril…

La vie ; l’épreuve à laquelle nul – ici-bas – ne peut échapper…

Le jour – comme la seule ressemblance admise ; et la seule ascendance possible ; et le reste – simples contingences – excepté (peut-être) le verbe et le geste poétiques…

 

 

Porteur(s) des liens les plus naturels…

Ce qui est sauvage et spontané – (quasiment) indomptable…

Par-dessus la blessure – l’épaisseur et la transparence ; la plaie ouverte – inspirante – inguérissable – que l’Amour élargit jusqu’à la béance – jusqu’à devenir l’entière étendue ; un socle sur lequel peut se transformer le monde ; l’aire de tous les possibles – le cercle de tous les enfantements…

 

*

 

Comme de grands enfants boudeurs – rétifs à toute forme d’apprentissage – qui sautent dans des trous et des flaques de boue en criant – qui trépignent sur la terre puis qui, sans crier gare, se mettent à courir après les nuages ou à prier sous la première étoile – et qui finissent, un jour, par s’endormir, les paupières lourdes, sur l’herbe crépusculaire…

Et chaque matin – le même cirque – les mêmes élans – qui recommencent…

Le même rêve – la même folie – que reflète le monde…

 

 

Le rire et l’Amour – ce qui peut nous délivrer de toute forme d’emprise ; du sol – du ciel – du monde et du sommeil…

Comme deux hautes fenêtres que ne peuvent atteindre ni la lie – ni les images – ni les couleurs…

L’espace teinté de lumière – au dos de l’ombre – derrière les étoiles…

 

 

Le même frémissement – à chaque passage…

La feuille et le feutre à la main – dans leur tentative de témoignage…

Et la solitude blottie contre soi…

Dans nos bras réconfortants – celui qui s’inquiète – celui qui pleure – celui qui refuse d’ouvrir les yeux…

Au milieu du printemps et de la mort…

Comme chaque jour qui passe ; à nommer l’aurore depuis notre fragilité…

La beauté d’une présence que l’on oublie ; et qui nous efface…

Sur la courbe changeante du même ciel…

 

 

A l’heure tardive – hors du cercle des appartenances…

L’oreille collée au vent pour écouter le ciel – loin (très loin) du bavardage et de la plainte des hommes ; attentif comme si la neige allait nous révéler la part du mystère que nous ignorons encore…

A mi-chemin entre l’espace et l’oubli ; sans doute – l'une des plus belles manières d’habiter le monde ; de célébrer l'existence ; et de convertir en sacre chaque circonstance – chaque instant...

 

 

Par le même sentier que l’air – le silence…

Ce qui renverse notre idée de la lumière…

Le soleil par le versant opposé – de l’intérieur…

Et l’immensité au-dessus des vagues – comme un miroir derrière l’invention…

Au-delà du monde des possibles – à travers la langue…

Le réel – au-delà de la nuit et du sommeil – au-delà des ombres et des légendes passagères…

(Bien) plus conséquent que notre parole qui n’a davantage de valeur que le sang versé par les assassins…

Nos gestes sans limite ; le Divin dans sa volonté sans restriction…

 

 

Terre de source et d’asile – sur laquelle la pierre hante nos pas…

La chance de celui qui va – poussé par l’intuition et la complicité du vent…

Malgré les menaces – les blessures – la fatigue ; sur des sentes de plus en plus étroites – de moins en moins fréquentées…

D’ici aux cimes secrètes…

Entre l’arc-en-ciel et la neige des sommets…

Un regard qui ne croise plus que la roche et le déroulement naturel des saisons…

Sur le sable – toujours ; et encore toute la mémoire de l’homme à épuiser…

 

 

Au cœur de cette (étrange) étendue ; l’immensité qui semble exister et qui, peut-être, n’existe pas…

Comme une île – une vague ; une illusion comme une autre ; nous – comme n’importe quelle chimère…

L’absence et le délire ; sans doute – les seuls points d’appui – alternativement ; alors qu’il faudrait être présent(s) [bien plus présent(s)] là où la raison nous quitte…

 

*

 

Ce qui nous retarde ; ce qui vient à notre rencontre…

L’Amour et la joie – au cœur des apparences…

A travers d’infimes détails – l’essentiel…

La vibration de l’air – à chaque respiration…

Ce qui nous touche ; ce par quoi nous nous laissons caresser…

Aucune image – l’herbe – le vent – l’écorce…

Tout – à sa place – en dehors de la mémoire…

Ce qui arrive – ce qui se passe ; comme un écho du silence qui nous traverse…

A l’âme de trouver l’accord – la capacité d'accueillir et l’accord ; la justesse de l’être – à notre manière ; de la plus authentique façon…

 

 

Le soleil aux lèvres – autant que la pluie…

Le jaune et le gris – à chaque souffle – à chaque syllabe…

Et le retour à la ligne ; après le chapitre de l’oubli – la page blanche – éclairée de l’intérieur par la blessure et la possibilité de la guérison…

Rien de vain – entre l’os et le dérisoire ; à mesure que l’on approche l’essence…

L’épaisseur d’un cheveu ; l’envergure de l’univers ; et cet espace habité comme un rire ; une fête silencieuse où l'intensité de la joie se mesure à la profondeur à laquelle les yeux accèdent…

La nature de l’être et la besogne du cœur…

Rien que le regard et le geste ; et le reste qui s’efface…

Juste avant l’infranchissable ; ce qui n’est, sans doute, un secret pour personne…

 

 

Ce qui – en nous – tremble (imperceptiblement)…

La loi solitaire qui gouverne toute présence ; et jusqu’au moindre geste…

Rien qui ne puisse (véritablement) l’emporter sur soi…

Derrière tous nos voiles rivaux – et souverains…

La mort – l’œuvre (permanente) de la mort – à grand renfort de propagande…

A quoi d’autre pourrions-nous ressembler…

 

 

Le temps (quasi) éternel de l’errance…

Un peu partout – entre l’œil et notre pays

A longueur de temps ; en toute saison…

Et cette danse dans le cercle de la lumière ; le cœur proche de la plénitude…

Personne – à nos côtés ; seulement le silence – comme au-dedans ; le vide sans la moindre espérance ; ce qui nous rend intensément joyeux…

De toute évidence – l’essentiel entre nos mains dociles – sous la férule de ce qui ne s’explique pas…

 

 

La parole honnête – spontanée – naturelle – imprévisible – qui, malgré elle, accompagne le devenir du monde – la somme des malheurs et des chances…

L’exercice permanent du temps ; et le cours (inéluctable) des choses ; une longue suite de circonstances qui apparaissent dans l’ordre décidé…

Sans certitude – au cœur d’un univers fantomatique où les ombres et la mort se font face…

Un déroulement qui, sans cesse, s’improvise ; des décisions involontaires ; des alternatives dans le tumulte…

L’inconnu – la tête haute ; et nous, le plus souvent, sur la pointe des pieds…

 

*

 

Sans limite – la peau…

La terre – la chair – l’espace…

Ce qui nous relie ; ce qui nous unit…

La vie – la mort – qui se conservent – sans jamais (réellement) se répéter…

Ce qui nous saisit – d’alliance en trahison…

L’âme en dessous des vagues qui déferlent…

Dans ce bain commun – comme un baptême…

La chair tentée – tentante – malgré tous les cadavres fidèles à la loi…

Et l’âme qui s'efforce de franchir les limites de la mémoire (humaine) et d’écrire une histoire (la sienne peut-être) au-delà de la fable habituelle – si réelle – si vivante – que tous les enfants du monde la connaissent avant même qu’on ne la leur raconte…

 

 

Prophétie sans impatience – indifférente à l’instant opportun – à l’époque favorable – à la chute et à l’élévation…

Et l’âme qui guette, malgré elle, l’extinction du jeu des corps crédules ; et qui témoigne de la chair marbrée de veines qui s’imagine immortelle…

L’âme qui s’attarde – qui s’éternise même peut-être – pour apaiser les têtes inquiètes – les têtes angoissées ; et qui regarde la foule instinctive s’en remettre à quelques figures prétendument pensantes ; et qui attend (sans doute) le temps où la nudité sera privilégiée – le temps où le monde deviendra frugal – le temps où les cœurs seront prêts à s’ouvrir et les esprits prêts à se transformer ; ce jour où l’on pourra apprendre sans les lèvres – sans les mots – sans les Autres ; le jour où les prophéties n’auront plus besoin d’exister…

 

 

L’Amour étreint ; et la vie (presque) éteinte…

Sur l’Autre appuyé – comme le monde et la mort…

La marque du soleil sur l’âme ; et celle de la terre sur les corps…

L’œil vivant – posé sur la peau flétrie des vieillards et des nouveaux-nés…

Quelque chose de la douceur ; et cette ardeur (incontrôlable) entre les mains…

 

 

Indistinctement – les coups du sort et les battements du cœur…

Les échos de la langue d’autrefois…

Ce qui distingue et décortique – selon des critères (très) superficiels – en simple jouet des apparences…

Et entre la douleur et l’errance – la tentative du mot juste…

Comme un retournement de la pensée ; la transformation de la parole en silence…

La vie sans cri – sans empreinte…

Le glissement involontaire d’un lieu à l’autre – au cœur du même vide – tantôt enfoui – tantôt en apesanteur…

Et cette inclination à durer malgré la détresse et le néant…

 

 

Immobile face au jour infranchissable…

Sans appui – sans référence – sans fierté ; ce qui est (bien sûr) préférable…

La veille patiente – les yeux posés sur ce qui est en train d’émerger…

Des siècles et un instant – au milieu des éléments déchaînés – du désordre – entre les figures de l’ombre et celles qui se réclament de la lumière ; comme si cela existait – comme si cela avait un sens…

La présence – la perte et la démesure ; ce qui, en ce monde, semble le moins irréel…

 

 

Épris de nous-même(s) – à travers nos yeux – nos gestes – notre posture…

Entouré(s) de murs et d’interdits…

A l’abri des assauts les moins décisifs…

Gonflé(s) de soi – au lieu de la source…

A tous les endroits possibles et imaginables…

Et le nombre d’heures entrées dans la mémoire – comme si l’on pouvait venir à bout de l’infini – comme si l’on pouvait défier l’éternité…

 

*

 

L’invention du monde – de la lumière…

L’or avalé par l’œil ; et recraché par le ventre…

Ce qui ne tourne pas aussi rond que cela en a l’air…

Des obstacles – des blocages – au-dedans…

Des congestions – des obstructions – dans la tuyauterie qui va des pieds à la tête – qui parcourt la terre…

L’irrigation imparfaite de la chair – du ciel à l’âme…

Et cette absence ; et cette solitude à laquelle on renâcle…

Tantôt dans l’axe du cou – tantôt dans l’axe du sexe – comme s’il n’y avait nulle autre alternative…

Et toutes ces incidences (si particulières) sur la langue – la perspective ; et le devenir de l’intériorité…

 

 

L’essence et la peau – ensemble – parfaitement collées – sur la feuille – l’existence…

Ce que tout voyage enseigne – par mille détours (très souvent) – tant nous sommes soumis aux habitudes et à la défiance…

 

 

Un jour – face à la nuit – face à la mort – la tête sur les genoux pour pleurer et cacher notre angoisse…

Et un autre jour – la figure face au vent – prêt à vieillir au milieu des Autres et des choses…

Ce qui s’incarne ; tout et son contraire…

Tous les visages du vivant éclairés par toutes les possibilités du monde…

 

 

Ici – sans autre incarnation que celle de l’absence…

La nuit qui nous entoure ; tous les angles bouchés ; et les mille recoins nauséabonds où se cache la chair…

Notre attente – au seuil de l’oubli – entre l’exil et le monde…

Tout (encore) baigné de sommeil…

 

 

Tout dire – témoigner des choses du monde de façon exhaustive – mais qui pourrait donc l’entendre…

Ne suffirait-il pas – plutôt – d’accepter de tout vivre – pour comprendre ce que nous sommes…

 

 

Comme un équipage – au cœur de l’infini…

Comme un visage penché sur son propre reflet…

Des ondes – du feu – de l’eau ; et la respiration aussi peu scandaleuse que les armes attachées à notre ceinture…

Comment pourrait-on se tenir autrement devant le miracle – la douleur – l’incompréhension et la folie – de ce monde…

 

 

Au-dessus du gouffre – l’obscurité…

Au-dessus de l’obscurité – les étoiles…

Au-dessus des étoiles – le silence…

Et au-dedans de tout – la possibilité de la lumière…

Et au cœur de la lumière – l’inévitable aventure à laquelle tout est convié (de manière obsédante – de manière acharnée)…

 

 

Assis – dans la nudité et les cendres de l’ancien monde…

L’errance – au seuil franchi de tous les masques – de tous les rôles…

Le visage et la main – innocents – de plus en plus…

Le vide qui persiste ; et à tort ou à raison – nos résistances…

Ce que l’on ressasse au lieu de vivre l’espace…

Ce que l’on entasse au lieu d’habiter le vide…

Dans notre précarité – solitaire(s) ; l’être promis à l’unité – au retour vers l’un de ses états naturels – au même titre que tous les autres (bien sûr) – au même titre que ce que chacun d’entre nous est en train de vivre…

Qu’importe alors les circonstances ; qu’importe alors vers quoi nous sommes emporté(s) ; tout fait sens – tout nous mène d’un lieu à l’autre – d’une situation à l’autre – totalement familier(s) – parfaitement chez nous…

 

*

 

Entre la blancheur et le soleil ; l’insaisissable…

Les extrémités de l’espace ; tous les recoins infréquentés – non parcourus – non explorés…

Et la douleur effacée par ses propres principes…

L’attente perpétuelle annihilée…

L’exil intérieur grandissant ; comme un impératif naturel ; l'un des plus exigeants – sans doute…

Ce qui se glisse entre nous et les Autres – ce rien – cette distance – qui confinent au vide et à l’assemblage parfait ; la configuration du puzzle – avec toutes ses pièces – avec tous ses éléments et toutes ses combinaisons possibles…

Ainsi apparaît – devant nos yeux – l’apparence du monde ; cette chose qui, à force de tourner sur elle-même, finit (peu à peu) par disparaître…

 

 

Poussière d’autre chose que de nous-même(s)…

Tant d’influences et de couleurs – à l’intérieur…

Reflet plutôt que vérité – plutôt que consistance…

Et l’unité à chercher ailleurs – au centre du périmètre…

Quelque chose du secret – du regard – de l’immensité – à faire apparaître en chaque élément – au cœur de la solitude perpétuelle (qu’importe la distance à laquelle se trouvent les Autres)…

L’infini intérieur – bien plus vaste que le monde – que le ciel et le cosmos réunis…

Et en chacun – la même déchirure – le même voyage ; et la même possibilité de guérison ; ce qu’offre la réconciliation…

 

 

La vie-tiroir – la vie-caisse – la vie-étagère – où tout s’entrepose – comme si nous étions un magasin de choses et de rêves ; un lieu étrange où tout s’échange – s’achète et se vend…

Le monde – comme un grand bazar où le bonheur se mesure à ce que l’on gagne et à ce que l’on perd…

Une sorte d’enfer pour ceux qui n’ont pas l’âme marchande…

 

 

Et ce carré bleu à chaque fenêtre – qu’importe la hauteur et l’orientation – qu’importe l’horizon…

Au-dehors et au-dedans – cette même parcelle d’infini…

Présence calme – perpétuellement invitative…

Comme un espace au-dessus du monde – une manière de nous convier à contempler et à disparaître – à plonger (et à nous fondre) dans l’immensité céruléenne…

 

 

Le soleil tapi dans l’âme – comme un coin de ciel caché – invisible depuis le dehors…

Une réserve de tendresse et de joie pour les jours difficiles – les heures de tristesse – les instants gris…

Dieu au milieu des replis et des recoins – comme encagé dans le noir…

Au milieu de l’œil – au milieu du sang – invisible aux yeux des hommes…

Et une voix – parfois – à l’intérieur – pour guider nos pas entre les failles et les fissures ; et que chacun (bien sûr) peut entendre ; et écouter…

 

 

Des traces – esquissées comme pour elles-mêmes…

Rien qui ne puisse dessiner l’itinéraire entre le monde et l’infini – entre le corps et l’âme – entre l’âme et Dieu…

Quelque chose de soi – en tout ; et quelque chose du tout – en soi ; les mêmes couleurs – les mêmes substances – mélangées de manière différente…

Et ce manque inassouvi qui se jette à corps perdu vers l’idée de plénitude…

Sur nos propres ailes – la vie qui se porte ; ce qui se déroule entre la douleur et l’Amour…

Nous – nous perpétuant – tantôt vers l’éparpillement – tantôt vers l’unification…

Nous – vivant – au cœur de la (grande) respiration du monde – dans ce jeu (permanent) entre l’invisible et la matière…

 

 

L’amplitude variable du cœur et des mots – des bras qui enlacent – de la main qui offre…

Et l’âme – parfois – dans son ivresse sans objet – comme un présent – une traversée – qui (presque jamais) ne dit son nom…

La ronde perpétuelle qui se vide et se renouvelle ; la vie qui se façonne et se modèle…

Le fruit de toutes les expériences…

Et ce chemin que l’on invente pour tenter de rejoindre ce qui ne nous a jamais quitté(s)…

Le feu (sans cesse) reconduit pour que l’on puisse assouvir notre besoin urgent et pathétique de l’Autre – du monde ; comme un vide impossible à combler – sinon par la présence d’un plus grand que soi

Et l’âme et Dieu – dans leur secret tête-à-tête – à leur place – parfaitement installés – tantôt s’éloignant – tantôt se retrouvant – toujours solitaires – en dépit du reste…

 

*

 

De l’autre côté de l’âme – là où le silence s’épaissit (sans gravité) – devient palpable (si réel)…

Les yeux fermés ; sous notre aile – le monde…

Quelque chose qui respire ; sous la chair – la source…

L’évidence de la terre et du ciel (sans la moindre frontière)…

La nuit changée en porte ; et la joie qui persiste au-delà de la chute et de l’effacement…

Notre visage – et tous nos pas – et toutes nos lignes – sur la lame intraitable de l’oubli…

Le cœur en son royaume – en somme…

Partout – le rien ; et le vide souverain…

 

 

A contempler son existence ; le déroulement (inéluctable) des choses – à travers les fenêtres de l’âme ; la transparence du monde ; et ce puits de douleur au fond duquel stagne cette eau noire que nous accumulons et qui vient abreuver tous nos manques…

Le front appuyé contre la vitre – le seul refuge – si souvent – à nos tourments ; à ces jours sans sommeil – à ces jours sans joie – où les gestes et les pas s’exécutent mécaniquement – comme des machines programmées (et sans réinitialisation possible)…

Une façon (si facile) de rêver à d’autres horizons…

 

 

La lumière si loin du passage…

Et la chair – au fil des jours – s’effilochant…

Les racines – en tête – cherchant, en vain, un point d’ancrage…

Et partout le ciel – et partout le vent ; et dans certains cercles – les seuls éléments que l’on autorise…

 

 

Ici – sans promesse – sans dévoilement excessif…

Ce qui a lieu – cette pente sur laquelle nous glissons…

La mémoire vide – la main docile – l’âme réjouie – sans idée préconçue…

D’un bout à l’autre de l’espace – de l’expérience – de ce côté de la terre – sur ce chemin…

Et, sans surprise, une partie du monde (la plus vile sans doute) qui brûle – en nous – devant nos yeux…

 

 

Les yeux fendus en deux – de nos propres mains…

Un livre (le livre) ouvert à la juste page…

L’âme – la voix – le silence ; et ce qui saute au visage ; la nudité de la parole qui souligne notre insuffisance – notre absence d’appartenance aux diverses communautés humaines…

Et ce qui vient ; ce qui remplace le bruit et la possibilité ; la solitude et l’évidence…

La part divine – que nous dissimulons ; et qui, soudain, sort de son abri…

 

 

La langue contre le poing ; à la fois refuge et confrontation – simultanément ; et, parfois, l’un ou l’autre – question de vocable et de perspective…

Ce qui s’ouvre et se révèle…

Ce qui grandit – en soi ; tantôt la distance – tantôt le rapprochement…

Et tout entremêlé – y compris (et surtout – bien sûr) la vie – l’Amour – le temps et la mort…

L’éternité qui passe devant les yeux trop crédules ; et l’infini qui nous fait face…

La beauté et la faim – main dans la main – au milieu du miracle…

Ce à quoi nul ne peut (véritablement) renoncer – malgré la bêtise et la cécité – malgré l’illusion – malgré la peur et les résistances que portent tous les vivants…

Nous tous – au cœur du monde – au milieu des âmes aveugles et des paupières cousues…

 

*

 

Anonyme – depuis toujours…

Invisible – de plus en plus…

Tel le plus familier qui sort de son cercle…

Tel le voyageur qui renonce à son itinéraire et à ses archives…

Maintenant – la mort – à sa demande ; l’engloutissement et l’indistinction…

Quelque chose comme du blanc sur du blanc ; sans doute – un peu de bleu dans l’abîme…

 

 

Dans la profondeur du chant – le ciel…

Ce qui s’étend sans fierté – ce qui se répand sans bannière ; pas une conquête – le retour à l’origine – à l’étendue…

Et cette vibration dans la voix – comme le signe (la preuve peut-être) d’une âme passée du supplice au rayonnement…

A l’instar du silence ; la seule vérité ; et, sans doute, la seule issue pour la matière ; la transformation du regard et du vulgaire en sacré…

 

 

Vagabond de l’âme…

Dans ce face à face avec le monde ; la fuite – l’exil et l’errance…

La porte – à l’arrière – entrouverte – pour les éventuelles (et très rares – trop rares peut-être) rencontres humaines…

Et pour les Autres – arbres – fleurs – pierres – bêtes – rivières – tous les plus beaux visages du monde – les bras grands ouverts…

La langue comme un baume naturel…

Et une oreille pour écouter les doléances – apaiser (un peu) la souffrance…

Et un œil – et une main – pour caresser l’âme et la peau ; pour toucher du bout des doigts la beauté primitive du monde (non humain)…

Et une prière pour bénir le sauvage – l’indompté – l’inapprivoisable…

Et notre cœur – ému – vivant – parmi tout cela…

 

 

Ce que trace la main…

L’abîme trop peuplé…

La nuit alentour – enveloppante…

Les marges affranchies des règles et des hommes…

Ce dont témoigne le livre ; toutes lumières éteintes…

 

 

Sous un autre soleil que celui du jour…

Le monde porté à bout de bras – hissé au-dessus de la cécité…

La nuit entière – réduite en poussière ; et que l’on jette au milieu des étoiles ; l’ombre nécessaire au regard et aux choses…

Ce que l'on ne peut ignorer lorsque l’on a les yeux ouverts…

Et l’incessant labeur de l’âme et du feutre – malgré la fatigue ; comme un espace accru sur la feuille – dans la vie ; et jusque dans la respiration et les gestes quotidiens…

 

 

Le signe – de plus en plus évident – que l’on doit se taire – avancer avec discrétion – en deçà des yeux qui scrutent – sans abuser quiconque – sans jamais rien promettre…

Ni ici – ni ailleurs – là où poussent les vents – là où nous sommes involontairement emporté(s) – le jour et la nuit au fond de l’âme ; et au creux de la main…

Porté(s) par le jeu et la joie des Dieux qui s’amusent à nous voir rêver et nous débattre – se moquant de notre orgueil et de notre présomption – de tous nos gestes trop volontaires (comme si l’on se sentait capable d’influer sur la vie – le monde – les circonstances)…

Dans le désert – au milieu de la mort ; le corps et l’esprit – emplis de semence et d’a priori ; d’un terme à l’autre ; avec, parfois, quelques larmes qui coulent – malgré soi…

 

*

 

Un rêve de rondeur et de légèreté ; un nuage enveloppant ; pour guérir la tête – apaiser la raideur de la nuque et la rigidité de l’âme…

Une manière de plier le souffle – de le mettre en retrait pour qu’il devienne capable (par la suite) de se déployer totalement ; comme un envol – une giclée de sang neuf tournoyant dans l’air – un peu de matière ; une tentative humaine pour retomber en enfance – entre le ciel et la magie – une sorte de percée poétique nécessaire pour enjamber les choses du monde – si lourdes – si épaisses…

 

 

Trop (bien trop) de ce monde – les arrêtes très anguleuses de l’esprit – tous les périmètres circonscrits ; et les mille recoins de la terre fouillés et exploités…

Les désirs et les conquêtes…

Ce que l’on saisit – ce que l’on entasse – ce dont on se sert – tout ce qui pourrait nous être utile – bénéfique – favorable ; cette affreuse perspective où l’on est le seul point de mire – le centre de tous les cercles – et toutes les choses dont on a besoin à l’intérieur – et le reste que l’on jette au feu – au Diable – aux Autres – comme une simple manière de se débarrasser…

Cette si belle philosophie des mendiants – des accroupis – qui font bombance en cachette – à l’abri des regards – l’âme pauvre (si pauvre) – mus part l’étroitesse et le sentiment du manque…

Cette odieuse inclination commune…

 

 

Assis dans le sang des bêtes – pataugeant dans les entrailles – avec l’étrange assentiment des étoiles…

Nous autres – les barbares – les hôtes passagers des enfers que nous façonnons…

 

 

Au chevet d’un monde malade – à l’impossible convalescence…

La main sur le front de ce qui agonise – à l’avenir épuisé…

Et contre l’arbre – la source ; et la rivière qui serpente entre les survivants…

Et dans le houppier – l’oiseau dont le chant célèbre l’héritage préservé…

En nous – à la fois le rire et les larmes – la colère et la tristesse…

Le cœur trop tendre – l’âme trop sensible – pour vivre au milieu des choses terrestres

 

 

Au-delà – au-dessus – là où le secret est partagé – comme le trésor qui s’offre à tous…

Sans âge – l’œil et la main qui s’éveillent ; et qui échappent au temps…

Au cœur de la blessure – les ailes et l’envol…

La joie qui se tient dans l’ombre – patiente (très patiente) ; et ce qui résiste à l’épaisseur – à la gravité…

 

 

Rien que l’oubli et la mort – des tombes et du néant – la puanteur de la chair – la crasse et le sang…

Le ventre vide ; et la bouche ouverte…

Loin (très loin) du bleu censé nous accompagner – guider nos pas d’égarés…

Au fond de l’âme – le ciel – pourtant – l’ouverture et le salut ; et la possibilité du vide à chaque foulée – à chaque instant…

Un peu de vie ; et la soif nécessaire pour continuer à vivre ; et découvrir la source…

Nous autres – avec nos désirs – nos histoires – nos tentatives – encerclés par tous les horizons…

 

*

 

A peine le temps – le dessein du jour…

Sans limite – la parole – sur toutes les lèvres délicates…

Ce qui se laisse contempler – entre deux courses…

La vie ainsi – disciplinée – faussement attentive…

Au cœur de ce mensonge creusé en nous-même(s) ; les bruits de la terre ; et quelques reflets du ciel…

La tête comme un papillon – d’un lieu à l’autre – sans même parvenir à butiner – à virevolter…

Une existence frivole et distraite qui s’enveloppe de rêves et de prétention…

Et pas même un sourire (le moindre sourire) dans le sommeil…

 

 

La chair caressée par la respiration – le souffle intérieur – comme un ciel suspendu aux ordres de ce qui s’impose ; tantôt le jeu – tantôt la nécessité…

Le monde aux mains rouges délaissé – abandonné à ses images et à ses croyances – à ce que l’esprit de l’homme a inventé…

La douceur et la tendresse plutôt que toutes ces histoires sculptées à la serpe…

Le moelleux de la solitude plutôt que les piquants de l’Autre (de tout Autre)…

La clé – ici – qui se tient dans la main libératrice…

Des larmes et du feu – de l’ardeur et de la sensibilité…

La vie surprise par elle-même ; et nous (bien sûr) à l’intérieur…

 

 

Tout – lié à l’être…

Et ici – et en soi – et partout – la poésie et le sacré (autant que possible) ; et le vulgaire – et la violence – aussi – lorsqu’ils s’invitent ; lorsque l’âme ou les circonstances l’imposent…

Docile et obéissant – dans tous les cas…

Ainsi s’inscrit-on dans le réel – sans jamais s’opposer à ce qui surgit – fût-ce le rêve – le sommeil – l’imaginaire…

Plus inconsistant qu’humain – sans (véritable) qualificatif – comme (à peu près) toute chose…

 

 

L’eau et le temps – qui coule – s’écoule ; en plus de l’eau – en plus du temps…

La terre – la surface du monde ; toutes les existences…

Et l’air – et le feu ; en plus du reste…

Et cette soif de savoir – de se reconnaître

La vie en chantier ; et la besogne de l’âme…

Sans rite – sans cérémonie ; ce qui nous est, sans doute, le plus naturel…

 

 

A tourner en rond dans la nuit qui nous encercle…

L’absence comme recroquevillée sur elle-même – à la manière d’une toupie d’air dans le vide déjà tourbillonnant…

Du noir sur le noir – un surcroît d’obscurité – de la matière opaque – sur l’épaisseur déjà sombre du monde…

Sacrifié(s) – sans laissez-passer – au centre de l’enceinte – livré(s) au sommeil et à la mort…

Notre déroute ; ce désastre dont nul ne se soucie…

 

 

Le ciel – entre le désert et la lumière – le sol irrigué – le sable où tout s’enfonce – s’enterre – où les passages ne laissent aucune trace ; et le vent sur toutes les vies déjà penchées – achevant la besogne – effaçant les empreintes trop visibles…

A ce point que le chemin invite à l’abandon et au soleil – à la contemplation du vide et des rives rivales ; ce à quoi nous sommes occupés – ce que nous laissons derrière nous…

L’immensité vierge – malgré les étoiles – malgré les yeux – malgré la mort…

La seule présence – le seul décor – en vérité…

 

*

 

Des étoiles au fond des yeux – comme un cierge face à la mort – contemplant sa propre lumière…

Le sacré corrompu par l’orgueil – par ces hordes de guerriers qui défilent depuis l’origine – presque toujours – trop fiers…

Sur la route – des coups d’éclat et des coups de sang…

La majorité – perpétuellement – écrasante…

Des menaces ; et nous – en retrait – passablement désespéré(s)…

 

 

La raison mise en échec par le geste et la danse…

La fausse intelligence qui tient davantage du rêve que de l’esprit…

Toutes ces constructions sophistiquées et pyramidales…

Le monde – hébété – renvoyé à son apprentissage…

Vers le socle le plus sûr…

Le cœur et l’expérience qu’il faudrait restaurer – seul gage de connaissance – aux antipodes du savoir qui construit des murs et fabrique des chaînes…

Ce qui ouvre et libère plutôt que ce qui édifie…

Porté(s) à redevenir pleinement l’espace ; l’accomplissement soustractif ; l’effacement plutôt que l’absence…

 

 

Rien du nom ; tout du jeu…

L’essentiel au milieu des choses…

Du sommeil aux fleurs – sans trop s’attarder sur les images et les rêves…

Le séant et les paumes – sur la terre…

Et toujours davantage de sable – à mesure que nous grandissons – sous les pas – dans toutes les mécaniques (trop) machinales – pour accéder au royaume ; entre la chambre et l’infini ; le lieu de l’inconsistance et de la métamorphose…

 

 

Sur la stèle vers laquelle on s’avance – en lettres noires – violentes – une célébration de l’arrière-monde – louant l’orgueil et les passions sanguinaires – le rôle de l’épée et du feu au sortir de l’enfance…

L’aveu d’une ignorance ; le signe que le vulgaire gouverne le monde…

Une inclinaison – un versant – qu’il faudrait inverser – renverser – pour s’affranchir des instincts – du meurtre – de la superficialité – pour qu’émerge (pour que puisse émerger) un peu de ciel au cœur des fils de l’homme…

 

 

Les mains dans la neige – à nettoyer le sang du monde avec quelques restes de nuages ; et à désenfouir ce qui n’a jamais vu le jour…

Le visage bleu – illuminé – de ce qui ne peut être arraché à la matière ; cette part de vide – comme un voile translucide (attaché à la trame) – ce qui soigne le manque et l’infirmité – cette tristesse d’en être réduit à cela ; un peu de matière terrestre…

Comme une lumière discrète – presque clandestine – qui nous habite…

 

 

Les mots alignés sur le trouble – le destin – au point de garder le silence…

Un léger sourire – peut-être ; un imperceptible tremblement…

L’avenir jeté devant soi – se vidant de toute possibilité…

Et le passé – en contrebas – antérieur à la chute – inutilisable…

Ne reste donc que ce qui est là ; et ce qui vient ; l’existence – le monde entier – en somme…

 

*

 

A mesure que s’étiole la tristesse – la chambre s’éclaire ; le noir de la tête bleuit – peu à peu…

Le cœur laisse passer l’absence…

Le miroir s’opacifie ; et les reflets deviennent de plus en plus flous…

Le monde – l’avenir – la bête – dont nous avions si peur – perdent leur puissance de dévoration…

Vers la transparence – vers la maturité…

Au bord de la perte ; fidèle à la pierre – au ciel – au chemin…

 

 

Égal au visage de la bête – à l’herbe coupée – au fossé que l’on néglige – à la main tremblante qui hésite – au cœur qui aime en secret – au temps que l’on découpe – à la terre que l’on piétine…

Parmi tous ces fragments de monde (si) familiers ; une immersion au milieu des choses – au milieu des Autres – dont nul (bien sûr) ne se souviendra…

 

 

Comme le soleil qui monte dans le ciel – à son propre rythme – sans discrimination – sans secret ; tous les signes exposés ; et les profondeurs (sans doute) insoupçonnées…

L’homme qui sait et celui qui imagine savoir…

Recouverts de la même enveloppe – et pourtant – aussi différents que la pierre et l’étoile ; que le sang et la bête que l’on assassine…

Le cœur retourné et le cœur creux – ce qui se vide et ce qui s’épanche…

L’un à la dérive – l’autre retranché…

Et leurs racines communes qui s’enfoncent dans le silence – entre les fleurs qui partagent le mystère…

 

 

L’infernale machinerie du monde et du temps sur l’être – l’essentiel – la soif ; l’écrasement de ce qui résiste – de ce qui aimerait émerger du sol tassé – comprimé – du poing qui se lève au-dessus de l’uniformité – de la volonté de trouver une forme de salut – d’échapper à la pesanteur conventionnelle et collective…

Une main hissée aussi haut que possible qui saisirait un fil sorti d'on ne sait où ; et une autre qui s’appuierait sur le ciel – pour s’extraire du labyrinthe…

 

 

Sans être vu par le monde…

Sans être touché par la mémoire et le bruit…

A la marge du songe…

L’aventure au-delà de la sauvagerie des fauves et de la férocité des flammes – dans un périmètre sauvegardé – à l’abri des Autres – des attentes – des soucis…

A l’avant-garde ; (presque) hors du temps…

 

 

La route et l’infini – décrits par des signes esquissés à l’encre noire – jamais très durables – à la façon d’un doigt qui dessinerait sur le sable quelques hiéroglyphes – quelques gribouillis ; et qu’effaceraient (très vite) la mer et le vent…

Et ce sourire – énigmatique (pour la plupart) – et fort compréhensible (pour quelques-uns) – face à l’incessant défilé des saisons…

La présence et le regard – plutôt que le geste et le mot – face au vide – au milieu de rien…

 

 

L’absence célébrée de mille manières…

Nous – à demeure – en plein réveil – en plein rêve – en pleine insomnie…

L’intermittence tout au long du voyage…

Et la forme des murs qu’épousent les yeux – les mains – les âmes…

A califourchon sur la bête immobile – le chemin que nous avons emprunté – parmi les mille manières de voyager…

 

*

 

La peur – la pierre ; la main qui hésite…

Le cœur sans étoffe – l’âme quasi matérielle – presque minérale…

Autour de nous – le monde et le silence ; ce qui ouvre tantôt sur la neige – tantôt sur le vertige…

 

 

L’enfance face aux malheurs…

Et nous – dans l’assemblage…

Emmêlé(s) avec les cris et la terre…

Pas encore délivré(s) ni de l’espoir – ni de la mort…

L’essentiel – notre manière de nous tenir face au vent – dans le noir…

L’invisible – dans la profondeur des gestes et du langage…

 

 

De la fumée – sous les paupières – le passé…

Devant l’arbre – l’absence (absolue) d’histoire…

Une présence épaisse et verticale…

Et cette façon de s’élancer dans le ciel et de trouver une assise sur le sol…

Comme une vigie entre la terre sombre et la lumière…

Ce que l’on nous invite à réaliser ; le regard vide – le regard bleu qui se laisse envahir par le passage et la force des vents…

 

 

Ce que nous sommes – de mille manières ; la seule chose dont nous disposons…

 

 

L’âme ouverte – même par temps de grand froid – lorsque la faim et la peur nous saisissent…

Les mains posées sur le vide – bien à plat…

Sans prière – en guise d’offrande plutôt – prêtes à se laisser guider par les courants du jour…

Sans aucun sens – seulement ce qui est donné ; qu’importe la force et la direction…

 

 

Sous le règne de l’éternité – que dire du temps – de la durée – de l’instant et du provisoire…

Et ces heures – et ces siècles – et ces millénaires – et ces éons – innombrables – au cours desquels les âmes oscillent entre le sommeil et la lumière…

Une terre arrachée au doute ; et des fleurs (bien) droites sur leur tige qui, parfois (sans raison), se courbent devant l’espace…

Quoi que l’on en dise – sans doute – l’une des plus belles aventures…

 

 

De l’autre côté du monde ; le soleil-douceur – l’enfance du cœur et le reflet de l’océan…

L’immensité qui sait contenter tous les désirs…

Et ici – les larmes – les ailes – posées – ruisselantes – sur le rocher…

Mille nuits sans pareilles – comme un poignard que l’on nous enfoncerait sournoisement dans la chair – pour nous rendre raison – paraît-il…

Les bras en croix – à la suite de celui que l’on avait autrefois coiffé d’une couronne d’épines – mort avant l’heure en quelque sorte ; comme s’il nous était possible aujourd’hui de ressusciter en d’autres lieux – ou de renaître ici différemment…

Le ciel partagé en parcelles – en territoires – un côté pour la mort – un côté pour la tristesse – un côté pour l’imaginaire et l’espérance ; et tous les autres mélangés – aux contours et aux desseins (très) imprécis…

Et les ombres qui collent à la peau – sur le sol ; et qui allongent les silhouettes – sous le soleil parfois indifférent – parfois complice…

Et nous – entre nos quatre murs – à l’étroit – entre nos désirs et ceux des Autres – entre ce qui est possible et notre (très partielle) compréhension ; et cette âme bancale (et chavirée) qui nous est offerte pour apprendre à naviguer entre ces rives incertaines…

 

*

 

La disparition de la crainte…

Au jour qui vient – les yeux fermés…

Ce qui se donne – sans plus chercher le sens…

A voix basse – le périple raconté (sans détail particulier)…

Davantage que l’expérience – davantage que le récit…

L’existence vécue – face au miroir – face à ses propres reflets…

Ce qui s’inscrit dans l’âme ; et sur la pierre ; et que le vent emportera pour l’ajouter ailleurs – plus tard – à ce qui n’existe pas encore…

 

 

En ce centre – rejoint – comme une naissance…

La pierre angulaire du temps – en quelque sorte…

La matrice et la récurrence des saisons…

Là où s’effectue le passage (sans peine ni application particulière)…

A l’instinct ; comme ça – l’air de rien…

Le seul indice que nous ayons…

 

 

Des oiseaux au-dessus du soleil…

Une traversée – sans préparation – qui se réalise (presque) par effraction – en laissant les masques brûler sous la lumière ; et l’intensité des prières sur la roche…

Le monde qui s’effrite – par pans entiers d’images…

La pensée (quelque peu) amère face au vent des hauteurs qui joue (délibérément) avec les idées qu’on lui lance…

L’esprit – et le langage – si étrangers à l’espace – à la surprise – au merveilleux – comme déconnectés de la danse – de ce qui tourne naturellement…

Sans parade face à la parodie du réel…

Un rêve seulement – contre soi – contre l’homme – pour tenter d’apaiser l’angoisse de l’affrontement…

 

 

Sentir le souffle et le resserrement du temps…

Face à la flamme – le rêve et la terre qui s’assèchent…

Et le devenir du monde – déclinant – sous l’aile de ceux qui disparaissent…

 

 

Entre le sommeil et la mort – déjà…

Des rires plein les lèvres – comme pour nous tenir compagnie…

Des brassées de fleurs jetées dans le vent…

Ici – à entendre l’esprit soulever le monde – toujours plus haut – sur la terre – et sous le ciel inchangé – en dépit du cours des choses qui semble, peu à peu et inéluctablement, se dérouler…

L’oubli – comme fixé à la pointe de l’âme – malgré la tristesse qui, souvent, nous accable…

 

 

Tous les visages arborés – au fil des rencontres – au fil du chemin…

Comme des traits déguisés en masques…

Et ces yeux tristes (tous ces yeux tristes) derrière la vitre ; la vie immobile qui se traîne depuis des années – d’un bout à l’autre du périmètre – de la pièce exiguë…

La main qui ne touche que son propre reflet ; la bouche qui n’embrasse que le carreau froid…

Presque mort alors que d’Autres semblent déambuler (avec nonchalance) dans la joie – et dessiner, pas à pas, un itinéraire qui a des allures de danse et de célébration – comme s’ils jouaient avec la liberté qui se déployait (et se laissait incarner)…

 

 

La foulée qui épouse le vent ; et l’âme, le sol ; et la parole, le ciel…

Un regard qui porte de plus en plus loin…

Un chemin sans visage ; un voyage sans retour possible…

Le sommeil comme abandonné derrière soi – posé sur un amas de rêves et de désirs obsolètes…

Et ce chant – puissant – profond – en attendant le lever du jour – la lumière…

 

*

 

Le crachat de l’homme sur le monde…

Et nos larmes – derrière les taillis – sous les frondaisons…

Pas un seul compromis possible jusqu’à l’aurore…

Personne – jamais ; tel que la vie passe…

Assis dans les cendres d’un feu très ancien…

Et sous le sable – la conscience oubliée…

 

 

La folie du sang – partout célébré(e)…

L’âme oblique ; et sur le seuil des présages – des yeux aveugles…

Ainsi se bâtit le monde – avec de grands gestes frivoles et instinctifs…

Le regard planté dans la main armée qui s’active – comme hypnotisé(s) par les barreaux de notre cellule que nous prenons pour une aire de (grande) liberté…

La débâcle de l’esprit que l’on ne parvient jamais à hisser au-dessus du ventre…

 

 

Le visage de la joie sur l’ultime douleur…

Au milieu du jour – ce qui se lève là où autrefois se poussaient des cris…

L’hiver devenu naissance ; et la hâte devenue sagesse…

Rien (absolument rien) en dehors de la lumière…

 

 

L’arbre – sans doute – plus honnête – plus vrai et authentique – que le voyageur…

En ce lieu où s’attardent les ombres – où se déroule le récit…

Chez l’un – la fable ; chez l’autre – la réalité…

Et la même inscription – pourtant – sur l’écorce et sur la peau ; le signe tantôt discret – tantôt ostentatoire – de l’aventure…

 

 

En ce monde où tout est périssable – excepté (bien sûr) l’Amour – l’espace – le silence ; et la possibilité du passage – d’une rive à l’autre de l’infini qui nous contemple…

 

 

Au fond des larmes – la vertu de ce qui s’épanche…

Nous-même(s) – bâti(s) comme un (étrange) château de cartes…

Face au ciel – nos mains qui brassent de l’air – des moulinets (quasi) comiques – de grands gestes inutiles…

Fragile(s) – comme tous les miracles…

A la merci du premier venu – du premier fou qui passe – du moindre souffle de vent – du moindre élan de destruction…

 

 

Épaule contre épaule – soi et le ciel – sur la route – le visage penché – la tête de moins en moins pensive…

Pas à pas – à travers tous les rêves et toutes les idées du monde – jusqu’à l’étendue aux bras ouverts – affranchie des saisons – des fables (humaines) et des astres qui tournent ; cette chose – encore – si parfaitement – inconnue…

 

 

A la croisée du miroir et de la chute…

Le chant qui surprend les lèvres closes – les lèvres muettes…

A la dérobée – mille rendez-vous ; et (parfois) autant de rencontres…

La lampe allumée jusqu’à l’aube pour accompagner la résistance au sommeil…

L’étreinte vagabonde et solitaire – parmi nos frères silencieux à l’âme verticale…

L’Amour et la vérité (telle qu’on se la représente) – soudain à notre portée ; à se demander ce qu’ont manqué les hommes…

 

 

Toutes les craintes cessantes…

Les adieux – sans cesse – reculés ; et ce qui s’attarde – coupé net – comme les liens qui entravaient nos pieds et nos poings…

Et – en nous – cette lente remontée du fond de l’abîme labyrinthique…

 

*

 

D’un lieu à l’autre de l’héritage…

Le voyageur en son royaume…

Du dedans et du dehors…

Les yeux aux aguets ; l’âme à l’affût…

Fouillé – pas à pas – sans que la sagesse ne se dévoile…

L’expérience du monde ; et toutes les émotions au contact des visages et des choses – ce qui (à certains égards) ressemble au chaos…

Autant de violence que de caresses ; errance ou promenade – un apprentissage permanent…

Et l’œil témoin – compagnon de tout séjour – de tout périple…

Avec le sens du déguisement et de l’équivoque ; ces mille situations où nous sommes plongés…

 

 

Jour après jour…

Sous le joug de ce qui s’impose…

Les lèvres jointes – la chair cadenassée – pour affronter les événements…

Couteau et carapace plutôt qu’ouverture et sacrement…

Le vent et la pierre contre la possibilité du rêve…

Jusqu’à la mort – et parfois davantage – les fesses (très) serrées…

 

 

La chair nue célébrée…

Du désespoir à l’œil apaisé…

Au-delà des rites et des prières…

Quelque chose d’accordé à l’incertitude et au foudroiement ; l’espérance de la lumière remplacée par la confiance et l’abandon…

Ni ailleurs – ni autrement ; ce qui est présent – exactement – qu’importe le sourire ou la grimace – qu’importe la taille des piquants…

Sous le règne du jour ; ce qui démasque le mensonge et l’illusion ; la vie-et-le monde-arcs-en-ciel…

 

 

La douleur et la mort – dont on s’approche – regardées de plus près…

Sur la terre – le chemin ; ce qui brille encore dans les yeux éteints ; ce qui palpite encore dans la chair souffrante (et éprouvée) ; ce qui espère encore dans l’âme confrontée aux malheurs et au provisoire…

Des chants d’oiseaux plein le cœur ; ce qui sifflote au milieu des arbres qui ont réussi à inventer une autre sente…

La possibilité de l’homme – au-delà de son infirmité – de son épuisement – de ses embarras…

 

 

Le ciel – tout entier – peuplé d’étoiles et de vent…

Sur la terre abondante ; les âmes démunies…

Cet étrange partage ; la (grande) diversité des destins…

Et – en nous – la réjouissance à l’œuvre ; et la compréhension façonnée par l’expérience ; qu’importe qui nous sommes – qu’importe ce que nous faisons ; en chemin – vers la chute – vers ce qui meurt – peu à peu…

 

 

Brisé(s) – comme si nous ne pouvions aller plus loin…

Étranger(s) au reste – de plus en plus…

Ce qui cherche – en l’homme – comme désactivé…

Un pied dans la tombe ; et l’autre à la dérive au milieu du désastre – sur le point de le rejoindre…

Le manque accru malgré la soif arrachée ; et l’impossibilité du voyage qui entame, peu à peu, la joie (le peu de joie) récoltée…

La vie – le périple – comme un songe indéfini – et interminable – au milieu de nulle part ; le prolongement (peut-être) du même cauchemar…

 

*

 

Sous l’arbre – l’appel…

Le ciel entrevu ; le corps calme et vertical…

La matière à l’apparence immobile et la danse (perpétuelle) des périphéries…

Et les saisons qui passent (insidieusement) ; et le silence (à peu près) égal…

Les hauteurs tantôt peuplées de neige – tantôt peuplées d’oiseaux…

L’existence et la nécessité…

L’enfance croissante guidée par (et vers) l’essentiel…

Le sol – à l’épreuve des possibles ; l’assise et la légèreté – la puissance et la vulnérabilité…

Offert(s) à tous – offert(s) à chacun ; à la merci du premier qui passe…

 

 

Les mots qui viennent…

Une sorte de face à face avec la prolifération et l’exubérance…

L’existence – le monde et la poésie ; le cœur dans ses allées et venues…

Ça jaillit – ça ruisselle – ça éclabousse ; comme le sang de l’âme – peut-être…

L’encre éclairée par la lumière – le silence – l’immuable…

La danse du provisoire qui s’imprime sur la page ; et qui fait tournoyer les yeux ; et le cœur aussi (espérons-le)…

La bêtise tenue à distance (autant que possible)…

L’or et la parole – dans leur corps à corps – subtil et délicat…

Les vibrations de l’âme et du feutre ; l’anneau de l’être passé à tous les doigts sensibles et respectueux…

Sans embarras – comme un goutte à goutte versé dans l’océan ; l’intimité qui s’expose à l’espèce (entière) ; des yeux que le ciel, sans doute, aura choisis…

Comme une prière – à genoux – devant le monde incrédule…

 

 

L’homme qui cherche – des yeux – des mains – de toute son âme – le mystère – sa résolution…

Ce qui l’habite – par-dessus tout – au-delà du temps – au-delà des terres – au-delà de la douleur – au-delà de l’ignorance et de la mort…

Cette soif qui s’exerce sans le moindre contentement…

 

 

Distraitement vivant – le cœur, pourtant, assis sur un feu…

A compter les jours – les choses amassées – les visages aimés ou rencontrés…

Presque immobile sur le fil tendu entre la naissance et la rosée…

Respirant par habitude – vieillissant par impuissance…

Entre claques et caresses – reçues et distribuées – ici et là – sans (vraiment) savoir ce qui anime le monde et les gestes…

(Très) instinctivement – la nécessité du confort et de la tranquillité – en tête…

Mille actes guidés par la paresse et la facilité…

Toute une vie (presque) interdite…

 

 

Des râles et des conspirations…

Des intentions florissantes…

Des espoirs et du sang…

Des fêtes et des morts (à ne plus savoir qu'en faire)…

Le visage figé (comme un masque) ; et l’âme insensible…

Quelques surprises (minuscules) qui entrecoupent une sorte de long sommeil…

 

 

L’âme – les mains – le ciel – complices ; qu’importe les gestes – les événements – les conséquences…

Et malgré l’inertie du monde et l’indolence des bêtes et des hommes – l’attente (toujours vaine) d’une transformation…

La lumière écartée par impatience ; et le rôle – si puéril – de la prière…

Au milieu des hyènes et de la corruption ; la bouche entrouverte ; ni (vraiment) mort(s) – ni (vraiment) vivant(s) ; soumis (seulement) à la faim et au temps qui passe ; sous le joug (inévitable) du monde et des Autres ; et contraint(s) de vivre ainsi asservi(s) jusqu’à notre dernier souffle…

 

*

 

Les mains tendues vers le temps ; les pas de plus en plus rapides ; le monde qui tourne ainsi…

Et au fil des saisons – chez ceux que la ronde a happés – la lassitude de l’âme et l’usure (quasi) mécanique du corps…

Comme une course perdue d’avance (bien sûr) ; pas même une préparation à la mort ; plutôt l’illusion de l’immortalité et le caractère frivole (et insignifiant) de l’existence (presque toujours) occupée à mille broutilles…

 

 

Des siècles d’attente – pour rien…

Partout le néant – inscrit en lettres sombres…

Mille couches de matière qui interdisent toute lumière…

Le corps recroquevillé ; l’âme repliée…

Le règne de l’absence qui, depuis si longtemps, s’est installé…

Et la mort qui vient – pas même considérée comme une délivrance ; la continuité du même néant – sans doute…

 

 

A même la neige – l’Amour ; ce qui semble froid et lointain – et pourtant…

A travers le vent – le geste – la parole ; ce qui est capable de remuer la chair – de caresser la pierre – de guetter la moindre larme – d’embrasser le sensible en train de naître…

Les yeux du monde sur la peau du temps ; et les yeux du temps sur la peau du monde…

Et de temps à autre – un visage sur le chemin de la source ; en quête d’un unique regard…

 

 

La forêt miraculeuse ; l’ombre à la lisière…

Contre le visage – le bois tendre…

L’âme étreinte par les bras ouverts…

Les yeux et les lèvres – au seuil du vent – comme à travers une fenêtre…

Le ciel en plein cœur (si l’on peut dire)…

Et le secret – et le rire – qui, soudain, ruissellent sur la pierre…

Le pas enraciné ; et ce qui s’enfonce – et s’élargit – à l’intérieur…

 

1 octobre 2022

Carnet n°278 Au jour le jour

Janvier 2022

La seule patrie – peut-être – (bien) plus qu’un territoire ; l’esprit – ni tête – ni psyché – bien sûr ; l’espace silencieux – cette présence invisible – vivante et habitée ; et qui s’incarne quelques fois…

Avec – ici et là – une foule de peuples à instruire – à éduquer – si ignorants de ce qu’ils sont – de ce qu’ils portent – de la nature des choses et du monde…

Et toujours – d’une seule manière ; avec l’expérience – à travers le rire – la joie et les malheurs…

Comme mille fragments de cœur attirés les uns par les autres ; et mille parts se retrouvant – s’agglomérant – se remboîtant ; ne formant plus que deux bras ouverts ; une bonté capable de pardonner – et de dissoudre – toutes les blessures – tous les engorgements…

 

 

A courir sous le ciel – sans ailes – avec des pavés dans les poches – en espérant s'envoler [animé(s), il va sans dire, par une bêtise acharnée]…

Un monde d’âmes obstinées – prêtes à pleurer – pendant des millénaires…

Un mythe – une légende – qu’il faudra un jour – le moment venu – faire voler en éclats…

Et en attendant – vider les têtes et les poches ; éclaircir le regard et explorer l’espace – celui du dehors et celui du dedans (et comprendre puis, percer ce qui semble les séparer) ; ce qui prendra, sans doute, quelques millénaires supplémentaires…

 

 

Le rêve et le temps – l’humanité – trop honorés…

Il faudrait apprendre à s’écarter – et à méconnaître – à ignorer toutes les règles et toutes les lois – les mille mensonges et les mille explications inventés – bricolées – par nos aînés ; et tendre l’oreille à tous les échos – à toutes les résonances – en soi…

Découvrir ce que porte l’homme au lieu de célébrer son image ; briser (peu à peu ou d’un coup sec et décisif) la toile des illusions tendue comme un piège ; s’accorder à rompre toutes les choses – et apprendre à regarder – et apprendre à écouter – comme pour la première fois…

 

 

Dans la lumière ; comme effacé…

Vivant – plus que jamais pourtant…

Des ailes – une allure de phare et de flèche…

Quelque chose d’insensé ; de franchement déraisonnable…

A la pointe de l’obéissance ; au-delà de la volonté…

La seule réponse, sans doute, face aux jeux terrestres ; et la seule issue aussi pour mettre un terme à l’épreuve…

 

 

La pente sur laquelle on se perche – comme une hampe qui émergerait du sol – une tête au-dessus des autres – non pour se singulariser (bien sûr) mais pour échapper à la foule – s’extraire de la mélasse ; amorcer un passage pour gagner le ciel approbateur…

 

 

Blessé – attristé – par tous ces rassemblements – par tous ces reflets – par cet envahissement de l’espace – par la place du rêve et de la distraction – par la suspension de tous les voyages – par l’obstruction de tous les passages – par cet empilement de choses et d’idées – par la terre malmenée – par les bêtes que l’on extermine – par le désastre du monde et l’indifférence des hommes ; comme englués dans la peur – la bêtise et l’inertie…

Et quelque chose – en nous – plus fort (bien plus fort), sans doute, que l’assombrissement et le désespoir – au-dessus des têtes et des danses tristes ; une présence – un peu de distance – un peu de joie – à habiter…

 

 

Trop heureux de s’approfondir – de s’élargir – de s’affiner – en tâtonnant – en traversant le monde et la nuit – au-delà des agonies – au-delà des retrouvailles…

Tout entier dans ce cri qui monte comme un surplus de joie – une explosion tonitruante du jour ; sans doute, une autre manière d’être vivant…

 

*

 

Quelque chose de l’inquiétude en chaque pierre qui nous regarde – en chaque arbre qui nous supplie – en chaque bête qui courbe l’échine plus bas encore…

Et quelque chose de libre aussi que jamais les hommes ne pourront dompter – que jamais ils ne pourront s’approprier ; cette sauvagerie naturelle qu’ils ont perdue – à force de civilités – à force de civilisation…

Ce collectif devenu mou et tiède – doucereux et pleutre – qu’on ne peut désormais plus arracher à ses exigences de protection et de confort ; ce que nos congénères appellent (avec, dans la voix, cet orgueil puéril et déplacé) le progrès au service de l’humanité…

 

 

La terre noire – au-delà du soupçon…

Nos gestes et nos chuchotements – discrets – tenus à distance de l’officiel – du solennel…

Si réfractaire à tous les rites humains…

D’un seul regard – d’un seul élan – si loin déjà – si seul aussi (bien sûr) ; à l’écart de ceux qui désirent – de ceux qui gémissent – de ceux qui briguent des récompenses et des consolations…

Sans effort – sans fierté…

Au cœur de l’enfance dépenaillée – presque gisant ; et les lèvres (délicatement) posées sur l’aube – cette contrée lumineuse – ce pays accueillant…

En soi – le lieu de l’origine et des liens réparateurs – sans lutte – sans personne – merveilleusement ouvert et exposé…

Dans notre chambre sombre – et le cœur ailleurs – l’âme juste au-dessus – à veiller ainsi sans raison ; pleinement impliqué dans ce geste d’innocence absolue ; si profondément humble et anonyme ; si heureux de n’être plus rien…

 

 

A aimer comme d’Autres s’entre-tuent – écartent et bannissent…

A accueillir comme d’Autres refusent et rejettent…

A contempler comme d’Autres s’agitent – gesticulent – fabriquent et édifient…

A demeurer comme d’Autres voyagent – séjournent et visitent…

A être comme d’Autres survolent – papillonnent – se distraient…

Et si nous n’étions tous qu’un rêve – un équilibre – une sorte de complémentarité – un peu de fantaisie ; aussi inutiles et inexistants les uns que les autres…

 

 

En cette vie – ou avant – ou après – ou jamais – dans la lumière ou l’obscurité – sous les caresses ou les coups – la terre en tête ou sous les pas…

De passage – brinquebalé(s) – assurément…

 

 

En silence – la marche et la parole – en deçà des têtes – l’horizon – oublieux de l’histoire des hommes…

Sans le monde – sans la nécessité des Autres – sans la nécessité de se raconter…

Une veille assidue et familière…

Porteur(s) et porté(s) – au gré des courants qui se heurtent ou se chevauchent…

Nous – au cœur de l’absence – au cœur de ce qui se manifeste…

Jamais coupable(s) de ce qui survient – de ce qui a lieu…

 

 

Autour de soi – la terre…

Des ombres sans appartenance…

Quelque part – en des lieux qu’exige la douleur…

Involontairement ; selon les circonstances ou la nécessité des Autres…

Ce qui blesse ; ce qui s’éprouve ; ce qui fait mal…

Des innocents – guidés par une main fébrile – qui s’entre-tuent – l’âme attachée à ce qui l’affame…

Le souffle et le ciel ; et, quelques fois, le regard implorant…

Aussi peu assuré(s) que leur chemin…

 

 

L’existence – sans crainte…

Ce qu’il y a à écouter ; à découvrir – à suivre ; le vagabondage ; ce qui nous emporte – plus exactement…

Sur l’étendue – sans maître – sans destination – sans plaidoyer…

Et, en désespoir de cause – parfois…

Comme une invention – à chaque fois ; loin des fables communes…

Des heures et des Autres – contournés…

A être – à vivre – sans se poser de questions ; l’âme en avant – en retrait – discrète ; et la tête en voie d’effacement…

 

*

 

Ce qui naît de nos préférences – de nos partialités…

Des angles morts en série ; l’essentiel de l’étendue voilé…

L’impossibilité de comprendre…

L’œil et le pas – trop étriqués…

Et l’irritation – et la colère – qui monte – qui gronde – face à l’insaisissabilité de l’infini qui s’offre – de manière permanente – pour que naissent, peu à peu, l’envie de l’embrasser sans restriction – et le souffle – l’élan nécessaire – pour y consacrer tout son temps (et toute son énergie) ; pour que cette perspective devienne notre seule préférence – celle qui englobe toutes les autres…

 

 

Ensemble – la fraternité des profondeurs…

Et les hommes – assis à la surface des choses – si loin de la source première – immobiles et dispersés – eux qui s’imaginent raisonnables – lucides et avisés ; hors du cercle des rencontres – à la périphérie de la lumière ; pas encore assez ouverts au mystère – à l’invisible – qu’ils prennent (trop souvent) pour une illusion – un égarement – une étrangeté…

 

 

En soi – la tendresse de s’appartenir – sans autre appui – sans autre référence que celles que l’on porte – secrètement – involontairement…

Sans le souci de l’ordre – des Autres ; sans le souci de la distraction et de la fête…

Passager – intensément passager…

Une vie proportionnelle à la puissance du souffle (ou à peu près)…

A travers soi – déjà le rêve – déjà le monde…

Et ce qui demeurera après nous…

 

 

Le monde – ainsi – devant nos yeux…

Et nous – peut-être – comme le reste – nous adonnant à mille choses (et nous abandonnant quelques fois – trop rarement – sans doute)…

Relié(e)(s) à l’âme – au regard – la bonté…

Ce à quoi l'on aspire ; et ce que l'on aimerait savoir – sans être maudit – sans être relégué aux marges – aux confins du cercle…

Au cours de cette vertigineuse existence – une succession d’instants sans pareils…

 

 

Ce qui, en nous, est exalté – involontaire – éteint ; comment pourrions-nous le savoir sans le vivre…

L’espoir soustrait – comme toutes les choses inutiles…

Heureux l’œil qui s’élève et surpasse son support apparent…

L’amitié de ce qui nous entoure ; et l’Amour que l’on porte – au-dedans…

Responsable(s) – en aucun cas – des couleurs qui nous ont été assignées…

Le souffle du beau et l’inexistence du monde ; l’illusion de toute vie et de tout chemin ; sans la moindre singularité significative…

Ici – seul – en cas de besoin…

 

 

Autour de soi – l’absence et le mouvement…

Ce qui jamais ne console…

Enfoncé dans la disparition – sans jamais se faire entendre…

Ce qui ne viendra jamais ; ce qui ne pourra se dire…

Cette lueur – cet avant-goût d’éternité avant la mort – au plus près de l’humus – comme dévoré avant l’heure – sans douleur – sans malédiction ; et même le contraire – au grand étonnement des yeux (trop) naïfs…

 

*

 

A la surface – installé(s) – imitateur(s) sans doute – ici – sans (réellement) chercher…

Le corps – à même le sable et le vent – comme une illusion soulevée de terre ; moins qu’un fait – une réalité corrompue – dégradée – travestie…

Quelque chose – sous le ciel ; un peu plus que rien – peut-être…

Ce qui dure (ce qui a l’air de durer) un peu – sur la roche ; quelques jours – tout au plus ; rien de très stable – rien de très net – rien de très précis ; une image dans la nuit déjà floue…

Ce qui pourrait nous ressembler ; bien davantage qu’un air de famille ; l’une des figures du monde – semblable à toutes les autres – à bien y regarder…

 

 

Un jardin plus qu’une terre…

Seul avec l’eau – les arbres – le ciel – les bêtes ; toute la fratrie – dans le désordre…

Avec ceux qui n’ont jamais (vraiment) quitté leur demeure – le temps des origines ; partout chez eux pourvu que l’homme (cet étrange habitant du monde – aussi provisoire qu'inquiétant) n’y soit pas…

Familiers des pierres – de la nécessité – de la poésie…

Transportant, avec eux, l’invisible – le chant imprononçable – la parole inaudible – l’essence du langage et de l’offrande…

Brûlant toutes les tristesses – (presque) toujours à proximité de la source…

Nous – entre la joie et la poussière – dans l’œil du monde et du cyclone – immobiles au milieu des danses qui nous font bouger (qui ont l’air de nous faire bouger – à la surface – en apparence) – au milieu des têtes tournoyantes – au milieu des tourbillons et des tempêtes…

Dans la grande solitude de ceux qui se savent délaissés – écartés…

Comme le temps et l’oiseau ; insoucieux des choses (trop) terrestres – contrairement à ce que l’on pourrait penser…

 

 

La source qui s’écoule sans cesse – intarissable ; l’origine de tous les royaumes ; ce qui enfante la matière depuis le commencement du monde…

Le vide ressenti – en communion…

Partout – à ce que l’on devine…

Ce qui se donne avant d’être repris – un jour…

La danse – joyeuse et tragique – de ce qui est né…

 

 

Le ciel – au fond de soi…

Ce qui s’impose ; et ce que l’on croit subir ; au-dessus de la faille qui s’élargit à mesure que grandissent le refus et la colère…

Réceptacle que nous sommes ; et dont (en général) nous ne savons rien…

L’équilibre qui se cherche dans les profondeurs de l’âme ; qui échappe aux yeux trop superficiels…

L’assemblage de tous les éléments jusqu’à l’effacement – jusqu’à l’extinction de la volonté ; une manière de toucher – et de participer à – l’infini…

Le corps à même la vague – à même ce qui passe – à même ce qui a lieu…

 

 

Au fil du temps – le sable que l’on répand…

Une sorte de douleur à laquelle l’âme se soumet – à laquelle on finit par se livrer…

Sans furie – sans offense ; simplement – le jeu du monde – le destin de toute existence…

Le vide qui se remplit de choses et d’autres – des circonstances infimes ; et pour nous – comme d’immenses tourbillons qui font naître la peur et toutes les vocations…

En équilibre – sur le fil tendu – entre tous les coins du monde – la trame vivante…

 

*

 

A travers le temps – la lame effilée comme un poignard dressé contre l’écume…

Notre vie – ces pauvres confidences…

Ce que l’âme et le sang attendent depuis la première heure…

Toute l’histoire du monde – flottante dans notre tête…

Le ciel peuplé d’oiseaux et de tempêtes…

Et l’aube – si lointaine – à laquelle songe celui qui émerge du sommeil – encore titubant – encore somnolant – ivre de tous les rêves des hommes…

Et au fond du cœur – le geste qui accueillera (qui saura accueillir) tous les malheurs – la seule manière d’habiter le mystère – de faire de nous des dépossédés…

 

 

L’enfance à genoux dans ce corps moribond…

Au coin des lèvres – la substance nuptiale – le cri bestial – les joues empourprées de fougue…

Prêt à abattre – d’un seul coup de hache – l’armée de désirs qui montent dans le sang…

Un trophée de chair à la main…

L’obscurité carnivore…

 

 

Pleinement présente – cette candeur sensible – vivante – comme un diamant posé (en évidence) sur la pierre noire…

Devant soi – le grand théâtre du sauvage…

Et en tout homme – l’humilité recueillie…

A l’ombre des combattants – à l’ombre des conquérants…

Avec ce presque rien dans l’âme – dissimulé dans les parties les plus enfouies – les plus reculées – les plus secrètes – du corps…

Le rire subtil ; et le silence élémentaire – suffisant ; la tête prête – encore étourdie par le sommeil ; partie prenante de cette danse des simples…

 

 

A travers le jour – l’autre lumière qui nous porte (tous) – comme un christ solitaire…

Quelque chose d’immense et d’insensé – quelque chose d’insaisissable ; comme un centre discret et sans échappatoire ; l’exact prolongement de l’origine…

L’essentiel à travers le défilé des mirages…

 

 

Notre propre miroir – à bien y regarder – partout emporté avec nous…

Et, parfois (trop rarement), des yeux-océans au fond desquels le monde apprend à se perdre…

Rien n’est plus vivant que les visages et les choses pénétrés ; un à la fois ; ce que l’on éprouve assez longtemps pour devenir une part de soi indissociable…

La terre et le ciel de moins en moins lourds ; la foulée légère lorsque la juste inclinaison de la pente a été trouvée…

L’instant et la contemplation parfaitement incorporée ; le regard et le geste de plus en plus affranchis de ce qui anime habituellement la chair…

 

 

Le vent – droit dans les yeux…

L’être et le rire – traversés…

Retrouvé(s) à l’intérieur…

Et cet Amour pour tout – pour soi ; l’Autre devenant, peu à peu, autre chose qu’étranger ; invisible d’abord – horizon lointain et périphérie ensuite – puis, de plus en plus proche – jusqu’à se transformer en élément central de son intime trinité* ; inséparable – en somme – ce qui semble séparé…

* Corps – cœur – esprit

 

 

Un grand cri vers le ciel – comme une prière violente – né de ce qui a creusé la chair et l’âme – de ce qui a percé l’épaisseur et pénétré l’espace ; la voix, en réalité, s’adressant à elle-même ; du silence au silence – à travers toutes nos incompréhensions – à travers toutes nos résistances…

 

*

 

Sur le sang séché des mortels ; ce que furent nos (pauvres) vies…

De fausses promesses – des pas qui traînent sur la pierre ; ce qu’emportent les oiseaux en prenant leur envol ; et ce qu’ils abandonnent à ceux qui sont privés d’ailes…

Des rives gorgées de peines et d’ennuis – comme tous les cœurs – comme toutes les âmes…

L’aube jamais atteinte ; peut-être – le plus pitoyable des rêves…

 

 

La surprise des cimes – inversée(s)…

Ce qui jalonne nos existences ; un pied déjà de l’autre côté du monde…

L’âme capable de sentir le vent – où qu’elle se trouve – sans jamais défaillir…

Ce qui voit – ce qui respire – malgré les miroirs et l’étouffement…

De la neige au-dessus de l’abîme au fond duquel on ne sépare jamais les vivants et les morts pour que leur œil et leurs os – ensemble – soutiennent le ciel trop bas…

 

 

Jamais de souvenirs – trop passés – trop intacts – trop douloureux (sans doute) – comme la pointe d’une dague qui s’enfonce dans la chair…

Blessures semées – sous le désenchantement…

L’Autre – monde ou amour – nous poignardant sournoisement – dans un long râle silencieux – malgré les fleurs et les visages accorts et souriants…

Derrière les murs d’une demeure abandonnée – notre veille d’avant-garde et nos pensées empreintes de mélancolie…

Les fantômes – tous les fantômes – qui nous habitent…

Entre le bagne et la folie – notre préférence (évidente – sacrilège sans doute) pour l’oubli – pour l’évaporation – pour l’effacement ; pour cette rive sans mémoire où l’esprit peut côtoyer le silence et les Dieux – tous les esprits affranchis du temps…

 

 

En chemin – le jeu qui se déploie…

Sans règne – sans légende…

Ce qui nous émeut ; ce qui nous étreint et nous dépossède…

Cette chose – en soi – commune à toutes les existences…

Ce qui passe – sans rien établir – sans rien régenter…

Un monde où tout s’invente à chaque instant…

Le souffle – l’élan et l’immensité – simultanément…

 

 

Ce que nous devinons de l’être ; comme un pressentiment ; cette (indispensable) présence – au cœur du monde – au fil des malheurs – au gré des circonstances…

Ce qui arrive ; et ce qui nous revient…

Quelque part – qui que l’on soit…

La surface devenant cercle – puis, sphère – puis, silence…

Au centre du royaume ; l’ardeur et l’immobilité – l’infini et l’éternité ; notre essence la plus intime…

 

 

Libéré des profondeurs élémentaires – de ces terres subalternes où s’exhibent (où aiment s’exhiber) le tapage et l’orgueil ; la religiosité des croyants – affables mais sans tendresse – amènes mais sans Amour…

Au-delà du désir de Dieu – au-delà des ambitions et des tractations simoniaques…

Le plus simple ; le ciel – en plein cœur – dans sa parfaite nudité…

 

 

Ce que nul ne sait – le plus secret – l’intimité de l’être – en chaque pierre – en chaque plante – en chaque bête – en chaque homme ; que l’on apprend, peu à peu, à découvrir en explorant l’espace qui nous habite et qui nous relie au reste (à tout le reste) ; l’infini qui nous porte et qui nous déploie – l’infini que nous portons et que nous déployons…

 

*

 

Instants de fête – sans cesse – parmi les arbres – à contempler le ciel ancien – aussi beau aujourd’hui qu’hier…

Sur toute sa longueur – cette fabuleuse (re)découverte…

Nous-même(s) – nous rencontrant à nouveau…

Des racines communes profondes alors que sur le sol règne la différence – ce à quoi les yeux s’attachent – ce à quoi les yeux se bornent…

Très en deçà des travaux invisibles – très en deçà de la trame qui s’étend à perte de vue…

 

 

Sur la même courbe que les étoiles ; le temps et la lumière…

A l’abri des obscénités…

Le langage dénudé et silencieux…

Au-delà de la science qui songe – au-delà de la science qui invente trop chichement ; et qui progresse à petits pas…

Ici – plutôt de grandes enjambées qui s’étonnent de ce déploiement – de cet infini vivant qui occupe la terre et le ciel – les corps et les âmes…

Rien qui n’échappe à l’invisible – à l’ineffable – partout présent – occupé à toutes les tâches malgré les refus et les résistances – malgré la bêtise et l’ignorance qui règnent à la surface…

 

 

Contre la (fausse) complexité couronnée (un peu partout) et l’uniformité maladive ; contre la célérité que l’on encense ; contre la raideur et la docilité (infantile) des âmes ; contre l’horizontalité trop radicale du monde ; ce que l’on propose ; ce qui s’avance naturellement ; le vagabondage et l’agenouillement – la lenteur et la simplicité – la couleur singulière des visages ; le fabuleux (et mystérieux) flottement de l’esprit parmi les choses…

 

 

Le constat enjoué de la vacance ; cette résistance aux savoirs officiels – inutiles…

Comme une oasis dans cette confusion permanente du jour et de la parole ; comme si l’on pouvait éduquer les hommes – enseigner la lumière – satisfaire tous les désirs – défendre tous les intérêts…

Rien que du bruit et des réserves d’ardeur…

Et cette fatigue qui, un jour, finit par nous terrasser…

La solitude et le silence ; de plus en plus éloigné(s)…

L’impossibilité de la corruption et du dévergondage…

Une croix à soustraire sur la longue liste des obstacles…

 

 

Ce qui apparaît avec le sourire ; le silence…

Au royaume commun ; la hiérarchie des visages – la hiérarchie des gestes et des choses…

Et le seul sanctuaire – en nous – à mesure que l’espace se libère…

De moins en moins de poids…

 

 

Livré(s) au monde et à la pesanteur – comme s’il était possible de vivre ainsi – condamné(s) à la multitude et à la gravité ; comme si l’immensité pouvait – à ce point – s'alourdir et se fractionner…

Soumis aux souffles qui emportent et congédient…

A vivre dans l’absence – en exil – à la périphérie…

Contraint(s) à l’incapacité d’aimer et à l’impossibilité du ciel…

Un ventre et une tête – à remplir de victuailles et d’agréments…

Et parfois – sans crier gare – l’envolée de la main et du langage – au-dessus des murs – dessinant des arabesques – un chemin ; un chant – une voix – un peu de poésie…

 

*

 

Quelques consolations échappées du grand sac ; le monde et tous les noms que nous lui donnons…

Peu (très peu – trop peu) d’étreintes innocentes – de sourires sages – d’or au creux de la main tendue…

Des bouches tordues par la fièvre et la faim – des mains qui s’affairent – qui se précipitent pour saisir un peu de matière ensoleillée – le seul présent, sans doute, qu’on leur fera jamais…

Des rêves – par millions – dans la grande nuit où tout sommeille – jusqu’aux passages – jusqu’aux envolées ; rien que des tentatives d’évasion…

 

 

Ce qui flotte – un peu timidement – entre nos lèvres et nos doigts ; cette transparence sur le monde ; une prière – un peu de lumière – pointées vers ceux qui se sentent coupables ; esclaves de leur esprit – des mailles piégeantes du labyrinthe ; mille mythes et autant de mensonges auxquels il faudrait se soustraire pour commencer à voir et à entendre…

Ce qui s’offre – sans répit – à ceux qui peuplent le centre de la maisonnée…

 

 

Rien que des ruses et des songes – au fond des têtes qui dansent jusqu'au crépuscule – sans nuit claire – sans lendemain qui chante…

Le cœur trop chaviré – l’âme trop embarrassée…

Ce qui se balance – aveugle à toute magie…

Vivant – sans jamais être là…

L’obscurité rayonnante qui allume ses feux sur tous les territoires propices…

Des têtes – toute une série de têtes – bruyantes et réfractaires à toute poésie – que l’on ne pourra (fort heureusement – fort malheureusement – qui peut savoir…) jamais rencontrer…

 

 

Mille rassemblements – en soi – s’approfondissant – goûtant la saveur des Autres – le silence vivant – au-delà du monde et du temps…

Passés – tous les désirs et toutes les attentes de fusion…

La lumière attirée par ce qu’elle offre ; le plus lumineux de la matière ; toutes nos ombres éclairées…

Ce qui – en chacun – est en mesure de fraterniser…

 

 

Que dire aux Autres qu’ils ne pourraient comprendre sans nous…

L’impossible équation à laquelle la tête offre mille fausses bonnes résolutions…

Le neuf – à tout âge – à tout instant ; à travers l’expérience du monde ; ce avec quoi il convient de se familiariser…

Cette suffisance à exister à l’écart des hommes…

A notre approche – toujours plus loin…

 

 

Cette ivresse face à l’étendue…

La sensation de l’immensité…

Ce que l’on épouse – ce que l'on épuise ; et ce en quoi nous nous transformons – au fil des ajouts et des soustractions…

Et ce qu’il reste à découvrir dans les replis du mystère…

L’irréductible essence derrière les apparences déguisées…

De moins en moins de choses – de près et de loin…

Et de bas en haut – tout entier s’enfonçant ; et s’élevant ; et s’effaçant ; le plongeon et l’aire de l’envol que l’on peaufine ; la disparition que l’on apprend, peu à peu, à façonner…

La terre et le ciel – dans le même espace – dans le même abîme ; ce qui ne cesse de nous échapper…

 

*

 

Là où la roue tourne – (très) fraternellement – en général…

Le temps fixé sur la pendule ; et les yeux posés sur le mouvement…

Comme écrasé(s) – en quelque sorte – à chaque heure – à chaque instant – au fil des jours qui passent ; le sillon toujours plus profond qui marque les existences et les visages…

La chair du monde sur laquelle tout s’imprime…

 

 

La mort – indifférente au poids de la tristesse – comme si quelque chose s’enfonçait dans l’âme ; la pointe de l’épée suspendue au-dessus de nos têtes…

Le jeu du temps sur les vivants aux expériences (plus ou moins) douloureuses – qui traversent la vie cahin-caha – entre le soleil et les larmes…

Le destin singulier qui se dessine ; ce qu’il nous faut, patiemment – laborieusement, expérimenter ; de bout en bout…

 

 

La lumière – sur la chair – rayonnante ; le fond de l’âme – illuminé…

Ce qui, peu à peu, émerge des profondeurs – du plus lointain sommeil…

Ce qui – au-dedans – se dresse pour respirer…

L’invisible – dans sa nécessité vivante…

L’herbe et l’aube – parallèlement…

La pierre et le Divin – à la même hauteur…

Et nous tous – à égalité (bien qu’à inégale distance du mystère)…

Ensemble – dans cette danse inépuisable – ici et ailleurs…

Inséparables – contrairement à ce que s'imaginent les hommes…

 

 

Auprès de l’arbre – couronné…

Entre soi et le triomphe…

Le silence sachant…

Le temps des fiançailles…

La danse sur le sentier déserté…

Quelque chose d’immense – comme une perte – un espace – une force – qui nous accompagne ; qui vagabonde dans nos pas…

 

 

Ce que l’on décide – ce que l’on institue – (presque) toujours en vain…

Ce qui s’édifie – sans douceur – à force de volonté ; la laideur qui, peu à peu, se dresse ; la laideur qui, peu à peu, se déploie et s’incarne…

Le monde ; dans sa trop grande crainte de se laisser porter – emporter – comme l’eau confiante qui suit les courants de la rivière et les reliefs de la terre – sans jamais se soucier ni du voyage – ni de la destination…

Comme les oiseaux qui laissent au ciel le soin d'inventer leur existence ; des traits – des chants – mille arabesques invisibles – que dessine l'univers…

Comme le vent et le mystère qui unissent leurs mouvements et leur pudeur à travers les circonstances ; ce qui se manifeste naturellement dans nos vies…

Si ignorants ; et à si bonne école pourtant…

 

 

Sous le grondement de la cascade – le visage rafraîchi…

A l’écart du monde – cette traversée…

Consacré (e) à ce qui s’invite – à ce qui a lieu…

Aussi loin des rêves que possible – aussi loin des Autres que possible – de toutes ces consolations qui ne cessent de corrompre le regard ; tous les gestes qui nourrissent l’espace et la lumière – toutes les prières qui célèbrent le silence et la source – dans tous les lieux du monde ; toujours au pas de notre porte…

 

*

 

Le seuil silencieux ; et les mains désunies…

Les récompenses de l’aube, soudain, avalées…

Tout qui se dérobe ; et ce que ronge le feu ; des restants de rêves…

L’imaginaire ; les vents déviant de leur trajectoire – échappant à l’inintention de la source…

La foi reprogrammée – à l’envers…

Le sens et la vérité – comme disqualifiés…

Rien que le vide et les gestes quotidiens ; cette présence sans posture…

 

 

Le sol et le soleil – indifférents – protecteurs – laissant le monde œuvrer à ses propres fins – sans intervenir – abandonnant les vies à ce qu’elles sont ; des actes (trop souvent) inutiles – des aventures presque jamais menées à terme – et qui, en définitive, finissent (dans le meilleur des cas) par se résumer à deux dates ; celle de la naissance et celle des funérailles ; et qu’importe ce que contient l’intervalle ; ce que l’on y met ; ce que l’on s’obstine à y mettre ; ce que l’on s’acharne à accomplir ; des choses et d’autres – un bric-à-brac – mille vétilles – en vérité…

Un parmi tant d’Autres ; comment cela pourrait-il compter…

Aussi nombreux que les pierres – aussi nombreux que les herbes et les feuilles des arbres qui tourbillonnent et s’entassent à l’automne…

De la matière merveilleuse et ignorante ; pas de quoi noter en lettres d’or la moindre ligne – le moindre mot – dans les annales du monde…

En marge de l’histoire ; notre (si bref) passage sur terre ; un tumulus et des excréments – ce que nous laissons tous – en somme…

 

 

L’âme – plus solitaire que la chair – sans aucun doute…

La première de l’intrigue ; à la suite de toutes les autres…

Quelque chose composé de mille choses ; et qui, assemblées, seraient plus nombreuses – et plus lumineuses – que les étoiles ; et aussi ardent(es) (bien sûr) que le feu qui brûle au fond du cœur de chacun…

 

 

Le destin – renouvelé – en apparence…

L’appel du silence – en secret…

L’âme amoureuse – la terre vibrante…

Entre sol et ciel – sans assaut…

L’élan de l’engagement par-dessous l’innocence…

Le sourire – le soleil salué – l’horizon soustrait ; le regard émerveillé…

La vie grandeur nature…

 

 

Des lieux sans préjudice ; comme si tout s’invitait (très) naturellement ; le jour – le regard – les circonstances…

A être – sans jamais imiter ; inégalable – en somme ; dans le plus parfait équilibre des forces…

Ce que l’on ne peut ni réfréner – ni subtiliser…

La terre – le ciel – le geste – sans propriétaire – sans propriété…

Le monde à portée du jeu ; comme si tout était dissoluble dans l’espace et le silence…

A peu près toujours – ce qui s’impose…

 

 

Ce qui est vécu – sans résistance…

Cette existence peuplée de choses et de réalité ; et son lot de gestes sans croyance…

Toute la force recentrée sur le destin…

Une forme de béatitude sur la pierre habitée…

Sans image – sans compensation ; le même statut que le soleil et la neige ; plus qu’un pacte – une alliance naturelle…

Le pas qui échappe au temps ; la nudité – sans caution – sans hypothèque – sans garantie…

La vie qui nous saisit et qui nous mène – ici et là – avec cette bonté un peu sauvage ; comme un jeu – comme une farce ; le tour du monde et du mystère – sans (réelle) importance…

 

*

 

Ici – face aux saisons passantes…

Le temps des mirages et des frissons…

Les jours hésitants…

Et le ciel au-dessus des rêves…

Impatient(s) – intranquille(s) – déraisonnable(s) ; si inquiet(s) devant l’espace – la ronde des possibilités – l’incessante métamorphose du monde – l’inconséquence du regard…

Homme(s) aux obscurs secrets…

 

 

Monstrueusement juvénile – cette humanité barbare…

Sous le moindre signe – derrière le moindre geste – le désir et la crainte du danger…

Les mains devant les yeux ou au-dessus de la tête pour échapper aux châtiments d’un ciel ignoré et à la lumière posée sur soi – vécue comme un doigt accusateur pointé sur le coupable…

Préférable notre sort – au fond de notre trou sombre ; la nuit si féroce qu’elle a envahi le crâne…

 

 

Sur cette mer aux vagues querelleuses – qui nous condamnent au désastre – au naufrage…

En déséquilibre – toujours proches de la chute – sur nos esquifs fragiles – inadaptés à la furie pélagique…

A notre échelle – l’immensité – l’infini peut-être – à moins que nous ne rêvions – à moins que nous n’inventions des histoires de grandeur – d’aventure – d’épopée ; en vérité – pas le moindre remous au fond de notre minuscule flaque de boue…

 

 

Sans savoir – assis là où le vent nous a posé…

Ému et étonné de nous retrouver sous la lumière et les frondaisons des grands arbres ; une partie du visage éclaboussée par la clarté et la joie ; et l’autre fascinée par l’ombre qui la guette – par l’ombre qui la ronge déjà…

Au milieu du chemin et des vents – entre le mystère et l’origine – cherchant, derrière les apparences, la délivrance – la disparition (dont nous ignorions, autrefois, l’étrange et parfaite parenté)…

 

 

Ici – aussi – ce qui surplombe le désastre…

D’un lieu à l’autre – la même calamité…

L’apparence de l’espace ; le vide rempli de choses – de désirs – d’interrogations…

Et ce qui est penché sur nous – l’œil attentif et le cœur attendri ; la main immense toujours prête à soulever l’âme au-dessus de ceux qui s’imaginent propriétaires de leur existence – de leur nom – du sol où sont posés leurs pieds…

Entre nos racines et la solitude ; le sens, sans doute, de cet accompagnement…

 

 

D’un bout à l’autre de l’étendue – cette traversée…

Tantôt secousse – tantôt caresse…

Dans l’épaisseur de la trame – pas à pas…

Le jour et le silence – au-dessus et entre les mailles…

Et ce qui monte – en nous – du fond des âges ; notre reconnaissance

 

 

A deviner – derrière les mouvements – les changements – les apparences – le maître d’œuvre du monde…

Ce qui anime – et transforme – l’invisible et la matière…

Ce couple inséparable – pieds au ciel et tête en bas – partout à son aise – trouvant au-dedans son assise…

Comme une présence – en couches successives et verticales – au cœur de ce qui ressemble tantôt à un chaos – tantôt à un néant ; l’espace des rencontres et des coïncidences – les cercles d’intersection entre les âmes – les visages et les choses…

Et le jeu entier – et tous les joueurs (bien sûr) – éclairé(s) par la tendresse qui, peu à peu, les envahit…

 

*

 

Adossé au rire des Dieux – à la force des titans – au discernement des sages ; lucide – puissant et joyeux – vivant à la rencontre du monde – sans crainte des circonstances – enchaînant les épreuves et les expériences…

De cette race qui ne s’offusque (presque) jamais de ce qui a lieu…

L’esquisse d’une figure projetée – sans hasard – vers une terre sans homme ; sur le point de quitter cette rive sans âme…

 

 

Le chaos de la tête prête au sacrifice…

L’inconscience de l’âme qui précipite le temps…

Ce qui échappe à la lumière…

L’ombre et la mort – main dans la main – imposant leurs forces – leurs intentions – leurs prérogatives…

Les puissances de destruction à l’œuvre – sans retenue – sans explication ; dans le juste prolongement des nécessités de l’origine…

 

 

Sur le sol noir – le vent qui cingle…

La neige oblique…

La blancheur accumulée ; ce qui dissimule, pour quelque temps, l’écume sombre du monde – les mille rebondissements inutiles de l’histoire…

Les yeux caressants ; et l’âme réfractaire…

L’esprit partagé entre l’acquiescement et la résistance – et, à sa suite, la main qui ne sait si elle doit agiter le sceptre ou brandir l’épée…

Un minuscule éclat de l’ensemble – à l’image de l’infini qui danse – tantôt à droite – tantôt à gauche – tantôt sur les pieds – tantôt sur les mains – créant ainsi une valse saccadée aux élans qui apparaissent contradictoires aux yeux trop naïfs…

 

 

Au bord du monde – près de soi – comme partout ailleurs – le sommeil et le mystère…

Affranchi de toutes les luttes – l’Amour…

La tendresse sans prix – offerte à celui qui la ressent…

Au-delà des yeux et des appartenances…

Ce qui se fond en nous ; sans doute – quelque chose de durable…

 

 

Hors du labyrinthe ; moins de rêves et plus de joie…

Dans la solitude qui nous entraîne loin des tromperies du monde…

Oscillant – sur le fil qui traverse les nuages – si près d’un ciel sans demande – serviable – tourné vers soi…

La même offrande – au fil du temps qui se ralentit – peu à peu ; sans plus jamais tourner autour inutilement…

 

 

Le désir éteint – l’horizon sans attrait…

Au service de l’espace – de ce qui apparaît…

Qu’importe les périls ; tout d’un seul tenant ; et le plus lointain qui, sans cesse, se rapproche…

Au centre – l’essentiel ; et le reste qui tourne – sur l’orbite habituelle des explorations…

Et à chaque expérience – et à chaque découverte – la fissure qui s’élargit – la fissure qui s’approfondit ; le vide qui se creuse – l’inutile qui s’érode – qui s’émousse…

Ainsi – sans doute – apparaît (et croît) la lumière…

 

 

La main posée sur l’ultime frontière qui sépare le bleu du reste – la joie de la peur – le familier de l’utopie…

De la même couleur ; l’âme – le ciel et la main…

Un léger frémissement dans le silence – la tête inclinée qui se courbe davantage face à la puissance du réel ; une gratitude – une révérence – plus marquées au contact de la vérité qui s’incarne et s’enfonce à mesure que nous comprenons…

 

*

 

A la dimension appropriée ; l’esprit – l’œil – la perspective ; sans hésitation (selon la situation et la sensibilité)…

A l’instar des ailes ; inexistantes – embryonnaires – repliées – déployées (selon le contexte et les possibilités)…

Sans cécité – la conscience – parfaitement adaptée à la créature et au territoire…

 

 

Désarmé – silencieusement…

La page maculée d’encre – de sueur – de sang – de semence ; comme le monde imprimé avec la parole ; la substance des mortels qui se mêle à l'invisible et au silence ; à l'essence des Dieux…

Des mots sombres pour assouvir la soif…

Un cri – comme le hurlement de tous ceux qui vivent…

Comment la langue pourrait-elle faire office de pain ; comme si un mince bandage pouvait guérir d’une amputation ; nous aider à surmonter cette si étrange infirmité à vivre…

 

 

Immense – comme l’oiseau sans cruauté dont le chant scande le passage du temps…

Le monde-soleil sous ses ailes protectrices…

Et les saisons clouées à l’arbre docile…

Comme quelque chose de l’eau dans l’air ; une sorte de transmutation à moins que la magie du regard n'ait opéré…

Dans un autre monde que celui dans lequel (sur)vivent les hommes…

Et nos bras mutiques – et notre langue inerte – face à la beauté fougueuse de la terre et à ses alliances déroutantes avec le ciel fertile…

Partout – le même silence ; partout – le même secret…

 

 

Tant que dureront les tentatives – le brouillon de nos vies – il n’y aura d’engagement suffisant ; pour se révéler pleinement – l’être ne peut souffrir la demi-mesure…

A la frilosité ne répondra jamais qu’un monde en demi-teinte ; un entre-deux ni (vraiment) agréable – ni (vraiment) déplaisant ; une posture incapable de rapprocher les bords de l’abîme dans lequel nous vivons ; quelque chose, peut-être, de la vie – de l’homme – si provisoires – qui rêveraient de s’installer définitivement ; soulignant l’illusion de toute croyance – de tout pouvoir (apparent) – en mesure seulement de voiler notre incapacité et notre impuissance…

 

 

Claudiquant dans ce monde de fausse droiture…

Hésitant là où d’Autres semblent si assurés – si convaincus – si engagés…

L’incertitude parmi toutes ces âmes gorgées de croyances…

Exposé là où l’on s’évertue à dissimuler l’immontrable – l’impartageable – le plus ordinaire – le plus honteux peut-être (aux yeux des hommes)…

A courir contre le temps – comme si l’on avait la moindre possibilité de gagner cette course (truquée – et perdue d’avance) – comme si l’on ignorait que l’immobilité révèle l’espace – et guide l’ardeur (inévitable) vers les gestes les plus essentiels…

La présence plutôt que la gesticulation…

Le respect plutôt que l’asservissement…

L’infini au-dedans – davantage (bien davantage) que l’envol défaillant…

 

 

Attaché au même labeur que l’arbre…

Entre terre et ciel – sous la lumière qui s’offre à chacun (d’une égale manière)…

Au cœur de cette nuit qui corrompt toute compagnie…

Seul(s) – parmi d’Autres (quelques-uns) qui se dressent, eux aussi, sur le socle (incontournable) des racines communes…

 

*

 

Le corps rompu – si humblement – si docilement…

Ventre à terre ; et presque déjà un vestige vivant…

Sous une lumière sale ; et sur un sol ensanglanté…

Le sort des bêtes…

Et nos larmes qui coulent – comme celles des arbres rouges – témoins de toutes ces atrocités…

 

 

La tête nue – pesant moins qu’un sifflement – valant moins qu’une veille féconde…

A éclabousser vainement le ciel de ses paroles – de ses crachats…

Mieux vaudrait contempler en silence – se laisser guider par la blessure – laisser les vents décider de l’itinéraire – caresser l’incertitude – au lieu de traverser le monde – boursouflé d’orgueil et d’assurance…

Moins sérieuse – moins solennelle – devrait être notre manière de vivre…

 

 

La beauté compacte – discrète – intérieure – invisible – sous une apparence triviale – presque grossière – si commune – si ordinaire…

La couronne portée au-dedans de la tête – pour soi et l’écrin du monde – pour rayonner modestement – en simple reflet de la lumière…

L’Amour jeté en bras ouverts…

L’âme comme un antre délicat – sensible et bienveillant…

La solitude et l’oubli – comme la seule ossature nécessaire pour que le ciel et les vents puissent la parer de ce qu’ils ont de plus haut…

Transmué en pierre des sommets – en quelque sorte ; en point d’intersection des rencontres – en centre des cercles secrets et anonymes…

Imperceptible avant d’apparaître – en amont du noir et des flamboyances du monde…

Et porté (bien sûr) par la main du plus secourable…

 

 

Autour du point – de la cime – jour après jour – depuis le sous-sol…

La tendresse encore (très) insulaire qui ignore ce qui circule à la périphérie ; le centre entièrement occupé à se déployer…

La conscience – comme une fleur immense qui s’épanouit à mesure que s’intensifie la lumière…

 

 

La vigilance originelle…

Sans être vue – présente…

Discrète – glissant sur tous les yeux…

Vécue depuis l’intérieur…

Sans autre justification que celle d’être là…

Nécessaire autant aux âmes qu’au monde…

Entité à deux faces – que l’on peut habiter – et refléter – simultanément ; l’Amour et la lumière…

 

 

Comme une eau verticale – qui remonte le lit de la rivière – de l’océan à la source – à travers mille péripéties ; ni vraiment parcours – ni vraiment voyage – le cycle (tous les cycles) familier(s) ; et toutes les possibilités expressives et de transformation (de manière simultanée)…

Comme si cela signifiait ; n’ayez crainte de vivre ce qui s’offre ; qui que vous soyez – où que vous soyez – où que vous alliez – vous êtes aussi cela…

L’invisible et la matière – sculpture vivante dont l’existence et le monde ne représentent qu’une infime parcelle…

 

 

Le seul passage ; que l’on cherche (toujours) en vain ; et qui apparaît – et qui s’offre – le moment venu ; lorsque disparaît toute volonté d’échapper à ce qui est – à ce que nous sommes ; à partir de cet acquiescement – tout s’ouvre – comme le prolongement de l’offrande perpétuelle qui, selon les cas, se répète ou se transforme…

 

*

 

A genoux – face aux danses inutiles…

Les prières balancées – à la hâte – à la chaîne ; et qui s’entassent sous la même étoile…

Le visage fébrile…

La désespérance au fond de l’âme…

Là où nous vivons…

Les yeux ouverts sur tant d’embarrassement(s)…

Solitaire ; et un peu à l’écart (bien sûr)…

Ce lieu qu’il faut, sans cesse, réinventer pour échapper à la foule…

 

 

La nuit si gigantesque pour nous autres – lilliputiens…

Comme une persécution ; une sorte de malédiction que le destin, sans cesse, prolonge (sans doute – à dessein)…

A humer, au loin, l’air frais de la liberté…

A suivre des yeux la courbe déclinante du jour…

L’obscurité grandissante ; et l’asphyxie programmée…

Et ne restera bientôt plus que ce que l’on ramasse à la pelle pour l’enfouir ou le jeter un peu plus bas…

 

 

Les mots hurlants – brandis (inutilement) contre le monde…

Comme retranché dans son innocence…

Veillant sur le feu et l’assaut des questionnements…

Ni bavardage – ni (fausse) vérité philosophique…

La traversée et l’éloignement des pas…

Ce qui nous sépare (de plus en plus) des hommes…

A l’abri du collectif et des fausses raisons…

L’insupportable qui se transforme – peu à peu ; et qui invite le silence à s’approcher ; et que l’on reçoit comme un vertige – une caresse – une glissade – pour couper court à toute forme de protestation…

 

 

La nuit incertaine – plus fragile qu’on ne l’imagine…

Des passages – au bas de l’espace – cachés aux yeux trop hautains ; déserts – l’essentiel du temps – car nul ne peut s’y aventurer sans engagement…

Une fuite irrépressible – bien davantage que la recherche d’un répit – offre l’élan nécessaire ; le courage de s’enfoncer, la tête la première, dans un étroit conduit qui, aux yeux des hommes, semble interminable (et dont la longueur varie selon la distance qui nous sépare du jour – de la lumière – du plein ciel)…

Pas de quoi effaroucher les plus obstinés – ceux qui, à mesure du franchissement, se sentent pousser des ailes…

 

 

D’abord – en soi – la jubilation…

La certitude de l’être…

Le désert et la tendresse – (absolument) manifestes…

Ce qui ne s’offre – et ce qui ne se reçoit – que dans une parfaite solitude…

Comme un chant né des profondeurs du labyrinthe – capable de survoler les murs – de traverser le monde – de répondre à toutes les interrogations – de répandre partout ses promesses ; les délices de la source…

Un peu d’air – un vent rafraîchissant ; de l’eau (enfin) pour étancher sa soif…

Le seul geste possible ; celui qu’imposent les nécessités de l’âme et les circonstances ; qu’importe ce qui advient ; l’obéissance impérieuse et impériale ; ce qui fait de nous des serviteurs souverains – des instruments prompts et joyeux entre les mains (vigoureuses et déterminées) du mystère…

 

*

 

Par-delà les murs – les monts – la mort – la mer…

Ce qu’il y a ici – exactement – ni plus ni moins – le monde – et cette étrange folie entre les tempes qui invente des rêves – des barreaux et des labyrinthes – des mythes et des horizons – et autant d’au-delà que d’œils qui regardent…

Ce songe – cette voix – ce cri – que nous sommes ; où que nous soyons…

 

 

Aux marges des suppositions – derrière la clôture inamovible – la fatigue et les moqueries – le désir assassin passé – les yeux qui se hissent – péniblement – au-dessus des instincts et des besoins organiques…

L’attention qui redouble malgré l’éloignement des hommes ; l’inconnu qui se dévoile – sans doute – sans méprise – sans lendemain…

Le geste-cœur qui, peu à peu, s’ouvre et s’émerveille ; et l’âme à genoux – ruisselante de larmes et de joie…

 

 

Ce que l’on frôle ; le goût des Autres…

Les secrets du monde – des choses en vrac – sans (réelle) importance…

Ce qui soutient les rêves…

Et le cœur qui se pince à l’énoncé de tous les noms ; l’esprit et les mains qui s’agitent…

La perte et l’abîme – comme un vertige ; la douleur de n’être que cela…

La laideur des hommes – la rudesse des cœurs et l’âpreté des malheurs…

Comme si nous n’étions pas (totalement) de ce monde – pas seulement de la matière vivante…

 

 

Le ciel né de la source – née du regard…

L’infini qui jamais ne dit son nom…

La plainte du vent dans les frondaisons…

Au pied de l’arbre – le visage et la neige…

La tendresse et la joie malgré les blessures ; la présence des hommes à quelques encablures de la forêt…

L’aube naissante dans l’âme de toutes les bêtes…

 

 

L’heure inaperçue – comme l’oiseau – l’océan et le passage…

La main invisible qui nous relève…

Tout ce qui œuvre derrière – et à travers – les apparences…

Ce qui nous fait arpenter la terre et le ciel – ce qui semble nous manquer ; et dont nous sommes riches, pourtant – sans le savoir, jusqu'à profusion…

Ce qui était installé là bien avant nous – depuis toujours – sans aucun doute – et qui s’offre à mesure que nous nous engageons – à mesure que nous nous pénétrons…

 

 

Sans intervenir – la roche et le vent…

Le soleil et le monde – heureux de leurs retrouvailles…

La tendresse éprouvée – au cœur même de la pesanteur…

Ce qui nous enveloppe sans nous alourdir…

Le labeur de la lumière au fond de l’obscurité ; et le noir (espiègle) au milieu de la clarté…

De moins en moins vite – en goûtant la saveur (inégalable) du quotidien…

Ce à quoi nous nous consacrons – chaque jour – à chaque instant…

Ce qui porte l’âme et le corps ; et ce qui anime les gestes (tous les gestes) ; l’esprit sans mémoire ; l’espace d’avant l’artifice…

Ce qui se vit – en silence – l’Amour – la joie – la liberté ; sans jamais feindre ce qui n’est pas…

Sans doute – un peu au-delà de la (simple) tentative d’exister…

 

 

A moins résister – le jeu s’accroît…

La terre, peu à peu, remplace le bitume ; et les arbres, le béton…

Moins de tête(s) et moins d’espoir ; la respiration plus ample – plus libre ; et le ciel (dans sa nudité) perçu dans l’expérience…

L’âme (simplement) accolée à la lumière – ivre de sa propre solitude (presque saoule) – et qui s’affirme sans rien endommager – sans offenser personne ; à l’écart (bien sûr) de ce qui s’agite et de ce qui se pense…

 

*

 

Parmi les hommes – dressé contre leurs flèches et leurs murailles – résistant sans haine – les mains ouvertes à leur folie ; pendant trop de siècles (sûrement)…

Puis, un jour – las de ce labeur – l'éloignement du monde – d'une manière radicale – comme une évidence ; comme basculé de l’autre côté – là où la tendresse et le silence peuvent faire oublier la haine et l’épouvante…

Là où la voix répond au temps passé – au temps volé – au temps où la nuit recouvrait notre visage…

Comme une douleur qui écartelait nos lèvres…

Et la vaine attente de la lumière – depuis trop longtemps…

Si semblable autrefois à ceux qui piétinaient nos espoirs – à ceux qui brûlaient le fond de notre âme…

Rien que des larmes face à la férocité des dents…

Et, à présent, nous seul(s) – en héritage ; à se dépêtrer encore avec les battements de ce cœur vivant…

 

 

Comme des traces sur l’oubli…

Quelque chose de mortel qui refuserait l’évidence…

Des mains qui s’agrippent – une voix qui crie – ce que nous dessinons sur la cendre et le sable – des ongles contre la roche…

Le sang et la sueur séchés sur le sol…

La poitrine ouverte devant le désastre ; et tous les Dieux de la terre…

Sur l’autel érigé à notre effigie…

Ce qui advient avec le temps désacralisé de la mort – l’abîme au fond duquel nul ne sera jeté…

 

 

Par excès de gravité – la tristesse…

Le ciel étreint – la terre abandonnée…

L’innocence – sans compensation…

Ce qui n’a l’air de rien ; et pourtant…

 

 

A reculons – comme le soir qui se couche ; l’enfance qui s’efface…

A même la lumière – l’égalité (aisément accessible – autrement dit)…

Le lent défilé des jours – imperturbable ; et nous – infirme(s) – emporté(s)…

A des allures différentes – selon l’intensité de la soif ; chacun à sa manière…

 

 

Nous – d’épreuve en épreuve – sur notre axe…

Les croyances qui s’estompent à mesure que s’affermit l’emprise du réel…

Des lieux – des choses et d’autres ; avec tout l’attirail et le déguisement nécessaires – selon les offices et la tournure du monde…

Des couleurs provisoires – malgré notre attachement – malgré notre insistance à demeurer…

Des orages et des angoisses avant de franchir le seuil de l’immensité…

L’espace qui dissout tous les rêves…

 

 

Les promesses du monde ; mille tâches à réaliser…

Des ombres qui s’agitent – sur le sol – contre les murs…

Une collection de choses – à découvrir ; mille trésors à amasser…

Ce que d’Autres délaissent – mettant à profit le passage du temps ; s’abandonnant, en quelque sorte, à une forme (involontaire) de sagesse…

Face à l’agonie des beaux jours…

La courbe des promesses qui, peu à peu, s’arrondit ; et hors cadre – une nouvelle pente qui se dessine – aux éclats saillants – aux gouffres vertigineux – aux cimes lointaines...

Une manière de s'affranchir de la tiédeur des élans et de ces chapelets de prières sans ardeur…

Une manière d'échapper à la torpeur et à la nuit que les gestes des hommes ensemencent ; aux existences frileuses – à l'abri derrière leurs barrières – portées davantage à l'agrément – au confort – à la villégiature qu'au voyage et à la résolution du mystère ;

 

*

 

Les jeux du monde – si reconnaissables…

De la fatigue et du sommeil – ignorés du ciel…

Et cette étrange cécité qui nous accapare…

Mille fois vécus ; mille fois dévoré(s)…

Trop de morts ; et, sans doute, pas assez de joie…

Et toutes ces faces de brute qui nous dévisagent…

 

 

Tandis que l’on amasse – mille choses ; des objets – des idées – des titres – des honneurs – les couteaux continuent de meurtrir la chair des arbres et des bêtes ; tout ce dont nous avons besoin pour nous remplir la panse au coin du feu…

L’homme ancien – si insensible – qu’il y a, entre son cœur et le nôtre, une vaste étendue – un abîme (apparemment) impossible à franchir…

 

 

Le vent qui balaye la honte et les regrets – les manquements et les impossibilités…

Toute notre histoire – comme de la neige grise sous le soleil…

Poussé(s) ici et là – vers quelques légendes – vers quelques mirages…

La grande ivresse du rêve…

Les yeux fermés sur toutes les illusions…

Puis, un jour, (presque) sans raison – se mettre à pleurer sous la pluie – devant son miroir – devant l'indifférence du monde – la mort qui s’approche…

 

 

La terre et l’aube – ensemble – dans notre ardeur – notre joie et notre chagrin…

Où que l’on soit – où que l’on aille – guère dépaysé (il faut bien le dire)…

Dieu, parfois, attrapé dans nos prières ; mais encore trop éloigné(es) du cœur…

L’immensité – en nous – (presque) inerte – (presque) inutile – pour les mille choses à faire – pour tous les gestes quotidiens...

L'existence telle que se l'imagine l'homme ordinaire…

 

 

Le cœur chantant – au milieu du monde installé dans ses habitudes ; le sommeil et le rêve auxquels les hommes se cramponnent ; les seules choses, peut-être, qui apaisent les tourments (incessants) de la tête…

Pas une prière – le reflet (joyeux) de la joie…

Le provisoire et l’incertitude – comme seules réponses à demain – comme seules réponses au temps qui passe – au temps inventé…

 

 

A l’envers de la pierre – la parole gravée ; pareille au silence et aux horizons lointains…

Le verbe greffé au-dedans de la chair ; la matière vivante…

Le potentiel de l’espace et de la source – dissimulé en chacun…

L’innocence qui coule comme les insultes et l’angoisse glissaient autrefois dans la gorge et les veines…

Une fête – un banquet – auxquels nous sommes (tous) conviés…

Le monde dégagé de tout devoir – de toute responsabilité…

Seul(s) – face au miroir…

Le ciel – en soi ; le vide vivant malgré l’absence apparente…

 

 

Quelque part – là où la douleur entre en jeu…

Comme l’eau et le pas – qui creusent leur ornière – leur sillon…

L’espace déformé – replié – comme roulé en boule face aux assauts du monde ; face au règne du piétinement et du poing levé…

Ce que l’on blesse – par le même chemin…

Et cette fosse au fond de laquelle tout finit, un jour, par être jeté ; un réceptacle incroyable – en vérité – où tout se métamorphose – où tout est retourné…

 

*

 

La vie – en soi – ravie du monde qui se raconte – et qui, parfois, se révèle…

D’une histoire à l’autre – au-dedans de la chair – frémissante…

Sans doute – plus réelle que le temps…

La longue caresse des jours sur notre impatience…

Le front enflammé ; le cœur comme un brasier ; et l’âme qui se consume…

Et l’espace vide au lever du jour ; pas une seule âme – pas un visage – seulement un sourire sur des lèvres qui n’appartiennent à personne…

 

 

Longtemps après la mort – le chant qui monte – très lentement – d’un ciel à l’autre – du plus inventé au plus réel ; comme un pont entre deux invisibles…

L’immensité assise ; et le rythme qui la remplit…

De l’ombre à la joie – en enjambant tous les inventaires…

Comme les pieds campés sur les deux rives à la fois…

 

 

Le Divin sur nos épaules tombantes – comme un rappel à l’ordre invisible du monde…

Pas un fardeau ; le poids du réel…

Ce que la tête – trop souvent – oublie sous son étoile ; l’espoir comme un vertige…

La proie du rêve…

Le lieu de l’aveuglement et de la cécité ; quelque chose des ténèbres…

Soumis au tumulte et à la glissade du temps…

La mémoire plutôt que la lucidité – l’intention plutôt que le vent…

L’ombre du silence sur le visage ; les yeux fermés ; l’esprit assoupi ; l’existence comme un songe qui s'éternise…

 

 

Parfois – sur le chemin – sans oser – comme si l’horizon et la perspective nous intimidaient…

Assis – en désespoir de cause – incapable de faire un pas supplémentaire…

Quelque chose – en soi – d’inerte…

Et tout qui se referme – malgré les alentours ouverts…

Comme une pierre sur nos possibilités…

Un barrage dans l’âme et la chair – les mains sur les yeux – le sang qui se fige…

La crainte – comme une muraille derrière laquelle on se recroqueville…

 

 

Seul – devant la forfaiture du monde…

Ce qui nous entoure – par intermittence…

L’âme tantôt exaltée – tantôt accablée – au gré de ce qui nous épargne – au gré de ce qui nous assaille…

Le ciel responsable du souffle – des haltes et des élans…

L’expérience de Dieu sans la prière…

Sur la feuille – ce qui est convoqué et que l’on mêle à la substance des choses que la vie intrique et emboîte ; le grand puzzle de la matière que la main de l’invisible, sans cesse, achève et redéfait ; le vide qui, à la surface – à la périphérie – se transforme…

 

 

L’œil sans besoin…

Et cette ardeur qui s’enfonce dans l’absence…

L’œuvre vaine du monde – comme le cri des vivants qui souffrent et qui meurent – sans (jamais) se faire entendre…

Et ce qui reste – sans cesse – transformé – faisant (et refaisant) indéfiniment le tour de l'âme – sans omettre un seul recoin…

Maudit(s) et miraculé(s) – en somme…

 

*

 

Ce que l’aube accueille ; et ce qu’elle permet…

L’exigence affûtée – comme un silex inépuisable…

Nulle place pour les frileux et les frivoles ; tous ceux qui refusent d’étreindre le tombeau…

Qu’importe l’âge et le temps – pourvu que notre course serpente, à travers l’existence et le monde, entre la mort – le sommeil et la vérité…

Ainsi peut-on s’élancer – sans rien espérer – ni l’accomplissement – ni la certitude d’être accueilli…

 

 

Des choses – mille choses – devant la nudité…

Ce qui porte l’âme devant le jour…

Sans rien à parfaire – l’alliance déjà conclue…

Seul(s) – au milieu de l’Amour…

Et tous les seuils – devant nous – comme si nous étions l’horizon et le pas…

Le visage ravi ; et cette joie visible depuis les lieux les plus lointains ; les yeux (amoureusement) posés sur ce qui passe…

 

 

La route – comme un chant – un cœur blessé – une âme avalée par la nuit…

La pierre qui, peu à peu, s’incarne ; au creux de la main – la terre…

Ce qui, cahin-caha, nous rapproche de l’émerveillement…

Avec un peu de tristesse pour ce qui a été laissé de côté – pour ce qui n’a réussi à se hisser…

 

 

Dans la chair – l’éloge de la mort – déjà…

La glorieuse destruction – si vivante – en soi...

La matière – comme un peu de Divin malaxé – sans autre stigmate que le souffle et le sang…

A hauteur de toutes les intentions…

Et partout – et toujours – la possibilité de la lumière…

 

 

Soi – enserré par ce qui existe ; le prolongement du vide – en vérité…

Toutes les choses – sans en oublier une seule…

L’ensemble du royaume ; ce qui est, à la fois, accolé et emboîté – et (totalement) changeant…

Le grand entremêlement du monde – malgré le règne (irrécusable) de la vacuité…

 

 

L’absence – là où rien n’existe – subsiste le ciel…

L’espace auquel rien ne peut être ôté ; l’espace auquel rien ne peut être ajouté – malgré les désirs et les prières – malgré les manques et la colère…

Seulement – un peu d’air balayé par les vents…

Et pourtant – le plus haut de soi ; et le plus profond des choses…

Comme un équilibre précaire et éternel – inamovible et changeant ; cette si singulière manière de vivre – à la frontière entre l’invisible et la matière – entre l’infini et l’individualité…

Sans doute – la plus grande des bénédictions…

 

 

Ici – sans subir ; l’insistance des choses sur un fond de ciel…

L’essentiel de la terre ; ce que l’on ne pourrait (bien sûr) confondre avec l’indigence…

La tête et la main – (juste) au-dessus des joutes…

Ce qui s’offre – à travers les paysages…

Nous – incorporé(s) au monde ; et le monde incorporé au(x) corps ; toutes les manières de nous enfanter – de perpétuer, ici et là, le règne de la matière…

Et pourtant, sans doute – encore, au bord inférieur de l’invisible ; et, sans doute – encore, à la périphérie de la lumière…

Et ce (très) long chemin qu’il (nous) reste à accomplir…

 

*

 

L’étendue bleue – le regard nu – la chair audacieuse ; l’enfance (parfaitement) à son aise…

Sur la pierre ; et (pourtant) affranchi…

L’Amour et le silence – amoureusement entremêlés…

La liberté – comme les ailes de l’oiseau ; une façon d’échapper à la gravité…

Les yeux comme deux soleils ; et la main trempée dans la tendresse…

Des mots pour exprimer l’essence et la nécessité ; une façon d’accompagner la soif ; et le labeur de la source…

Dieu jamais en devanture ; mais mille accès à défricher dans toutes les arrière-cours…

 

 

A voix haute – et les yeux apparemment ouverts ; le sommeil des pénitents – à grandes enjambées vers le ciel – le printemps ; l’ombre inventée derrière la frontière…

Et (presque) toujours – de hauts murs pour obscurcir la vue – et exacerber l’imaginaire…

Des journées à genoux pour récolter les fruits de la terre et amadouer l’inconnu – le maître des destins…

Le monde – immodeste et impuissant – dans toutes ses œuvres terrestres…

 

 

A la lisière du temps – l’éternité qui affleure…

A l’orée du monde – là où nous habitons…

A la même latitude que tous les Autres ; à la même latitude que le néant…

Le désir – l’absence et la pesanteur…

Comme une douleur infime et (absolument) vertigineuse…

L’œil envoûté par ce qu’il pénètre…

Le ciel et la tendresse – à peine – entrevus – à l’intérieur…

Et la nécessité d’affronter la mort ; à l’aube naissante – sur nos joues mouillées…

 

 

La grimace silencieuse devant la pierre ensanglantée – les faces rubicondes et renfrognées ; le monde tel qu’on le voit…

A l’instar des bêtes exterminées…

Et, au-dedans, la colère qui cherche un point d’appui ; mais tout s’effrite – tout s’effondre ; ne reste que la source souriante – cet acquiescement auquel il faut consentir – derrière lequel il faut se ranger…

 

 

Sur le rêve – comme si nous voguions au milieu des nuages…

Au-dedans – l’imaginaire cotonneux…

Et au-delà – l’espace – l’infini – le réel abrupt – la pierre tranchante – la pente où l’on glisse – le soleil et la lumière – là où la plupart des hôtes hésitent – trébuchent et tombent…

La tête encore (trop) sagement posée sur l’oreiller…

 

 

Quelque chose que l’on porte ; qu’il faut étreindre…

Notre propre Amour auquel on aurait lâché la bride ; et qui rend amoureux de tout ce qu’il touche ; et, lorsqu’il atteint le regard, de toutes les choses sur lesquelles se posent les yeux…

Sans rien chercher ; rien (absolument rien) qui n’échappe…

 

 

A polir le miroir de l’immensité pour y contempler (plus finement) son visage…

Ce qu’emportent l’errance et l’oubli…

Les choses parcourues que l’on éprouve…

La vie – ce que l’on est – la seule offrande nécessaire pour communier…

 

*

 

Devant la tombe – à contempler l’étendue…

Ce qui s’immisce entre les dates ; et l’élargissement (inévitable) de l’intervalle ; ce qui le précède et ce qui le suit…

Comme un vertige – un éclatement du cœur – la possibilité qui se distend jusqu’aux extrémités du temps – au-delà de ce qui le précède et de ce qui le suit…

Une destruction – un anéantissement – comme un suspens dont l’instant serait l’un des reflets (accessible à l’homme)…

Et voir ainsi tous les visages et toutes les choses vivantes du monde – dans leur itinéraire complet – dans leur ascension verticale exhaustive – d’un bout à l’autre de l’immensité ; de l’origine à l’origine ; et dont le point de retournement serait le centre…

 

 

Le verbe descendu de ses (vaines) barricades – abandonnant tout combat – toute revendication – tout intégrisme – au profit d’une distance – d’un rire – d’une légèreté – en dépit de l’abondance – en dépit de la prolifération des mots…

Le désordre et l’exubérance (parfaitement) consentis…

Oubliant le secret ; et la clé du coffre où il a été enfermé…

Défait le cri des sombres jours pour une danse (authentique – extatique) avec l’écume – portée à son point d’intensité maximal qui donne à la densité des allures d’étoile et de vent…

Le ciel dans la chair ; et le soleil dans la plume qui virevolte au milieu de ce qui joue avec nous…

Comme une pierre sur laquelle auraient poussé des ailes et des yeux…

Et ces chaînes qui, autrefois, entravaient la vie et la joie, donnent, à présent, le rythme aux pas…

Partout – la musique – les vagues et l’immensité ; le sort du monde qui tournoie entre nos mains joyeuses ; le sacre simultané de la fête et du silence…

 

 

Le ciel descendu – au-dessus de notre enfermement…

Comme un plongeon en nous-même(s) – un saut dans la contemplation…

L’immensité dans nos mains prisonnières…

Yeux dans les yeux – face à l’étendue bleue…

Le prolongement de la courbe entre le dehors et le dedans…

Le seul passage – la seule traversée – possibles – à pas lents – à travers tous les chemins et tous les horizons – disloqués…

Le seuil de la fin au-delà duquel tout continue ou recommence…

 

 

La seule demeure – le seul repos ; au creux de ce ciel que nous abritons…

Là où s’originent le silence et le monde ; là où l’espérance et le temps relèvent (réellement) de l’ineptie…

Quelque chose d’indestructible malgré la matière en (perpétuelle) transformation…

L’existence – la vraie vie – sans aucun pourquoi…

 

 

La création sans régence – sans gouvernement…

Les choses éparpillées – en vrac – qui s’agencent – sans maître – sans la moindre autorité ; le règne (absolu) du désordre et de la multitude qui – naturellement – s’organisent…

La nécessité à l’œuvre sous l’apparence du chaos…

Ce qui se dessine – et évolue – dans l’espace et le temps (tels que les connaissent – et les appréhendent – les hommes)…

De cercle en cercle – tout passe – tout arrive – tout disparaît ; et tout revient (tout finit par revenir)…

Un monde sans frontière – seul occupant de son royaume ; et le silence – visité ou non – habité ou non – toujours contemplatif ; un œil sans orgueil – teinté de tendresse (et parfois même d’admiration) pour le déroulement (miraculeux) du spectacle…

 

*

 

Sous le ciel ancestral du monde – bêtes et hommes – ensemble – les uns contre les autres – dans toutes les postures imaginables…

Peau et poils – pieds et pattes – à s’user les dents contre l’os et la pierre…

Ongles et griffes dans les mêmes empreintes – dans les mêmes anfractuosités…

L’enfance (assez) cruelle de la terre…

 

 

L’errance silencieuse – de plus en plus…

Sans poids – sans vitrine…

Un rôle – un seul – celui de figurant parmi les arbres et les feuilles – en compagnie des pierres et de quelques poètes…

L’âme joyeuse et solitaire ; le front et les yeux plantés au milieu du bleu et du brouillard…

L’hiver – à toute heure – tous les jours – en toute saison – sans mur – dans l’amitié de ceux qui croissent et fleurissent – de ceux qui jouent et se réjouissent…

L’éternité – au bout de chaque instant…

Et cette joie – inépuisable – comme une flamme au fond de la prunelle…

 

 

Au-dessus de la tête – les malheurs et l’invisible…

Le labeur (méconnu) de l’Amour et du temps…

Ce qui arrive – au nom de la terre et du ciel – sans le moindre éblouissement…

La trace des Autres par-dessus les nôtres…

Ce qui s’installe – ce qui importe ; le jeu et la transformation des couleurs – puis, la métamorphose (irrépressible – inévitable) du regard…

Le déploiement de l’oubli – seul gage (sans doute) pour pardonner toutes ces maladresses – toutes ces atrocités…

Sans même attendre le renversement de l’aventure – le sens du voyage – le chemin à rebours – cette trajectoire (terriblement) asymétrique – fiévreuse – errante – discursive – jusqu’au point originel…

Notre simple présence – humble et discrète…

 

 

L’espièglerie du silence ; et la bonté des profondeurs – présentes au cœur du monde – créant tous ces bruits de surface (plus ou moins attrayants) auxquels nous nous empressons de donner un sens…

Manière de se satisfaire des premières découvertes – au risque de détourner de la fouille les plus paresseux – les moins exigeants…

Au-delà de l’encouragement – la présence du ciel dans les choses ; et dans les désirs et les instincts des vivants ; la marque de la tendresse dans le chaos ; une part de l’origine au cœur de tout ce qui existe…

 

 

A vivre – humblement – sans volonté – sans promesse – au fil de ce qu’offrent les jours…

D’un cercle à l’autre – sans la moindre restriction – selon le cours (immuable) des choses – les cycles de l’invisible et de la matière qui transcendent toutes les frontières…

Ensemble – pénétré(s) et pénétrant – habité(s) et habitant – expérimenté(s) et expérimentant – goûté(s) et goûtant ; le vivant – (toujours) entre rêve et réalité – passant d’un royaume à l’autre…

Notre œuvre – peut-être – pour l’éternité…

 

 

Au milieu des Autres – de la douleur ; la solitude et la joie – convoquées…

Sans acharnement à vivre – ce qui, sans cesse, nous prépare à la destruction – au vide – au recommencement – auxquels il faut s’abandonner – sans espoir de chasser le trouble…

Le lent (le très lent) labeur de la familiarisation…

 

*

 

A notre aise – dans cette simplicité – ce désordre – ces éclats de chair et de silence…

Des échos du monde qu’écoute le corps…

La réalité sans les mots ; mille couleurs…

Comme une enfance sans visage…

Des danses solitaires – joyeuses – inépuisables…

Notre peau contre celle des arbres – tatouées par le soleil et le vent…

Un sol sans rail – la terre inconnue – à arpenter – le pas et l’imprévu – ce que le jour nous réserve…

Nomade ; pas voyageur…

A explorer les cercles au-delà du petit carré des rêves…

Ce que l’on est ; et ce que l’on peut aimer – au-delà de notre existence apparente…

 

 

Sur la ligne verticale – imprécise – qui serpente au milieu de personne – au lieu des recoins sombres (et surpeuplés) où l’on s’éternise pendant des siècles…

Toujours recomposé – défait et recomposé – fait de bric et de broc – un peu de terre et de vent – la figure de l’abandon ; et celle (bien sûr) du saltimbanque…

Présent – occupé à quelques tâches quotidiennes – qu’importe l'intensité de la lumière – les gouttes de pluie et les étoiles qui tournent au-dessus des têtes…

Le règne de l’authenticité ; et de ce lieu (comme de tout lieu) – les pas nécessaires…

Sans ami – sans trahison – sans pacte ni cœur à briser…

Dans les traces de la solitude précédente – très largement élargie…

Le séant posé sur la pierre – la tête au milieu des feuillages – sous le ciel acquiesçant – approbateur ; aux mains du jour qui se lève…

 

 

Divisé – malgré le jour et l’innocence (intermittente)…

Épais comme le pelage des bêtes…

Compagnon de jeu des autres jouets…

L’humilité sereine ; les lèvres souriantes ; et les yeux grands ouverts sur le monde et la mort…

Sans la moindre terreur devant la croix (celle que l'on porte autant que celle qui verticalise le regard et l'au-delà)…

Un rire (étrange) – du genou posé à la main tendue…

Le visage éclairé par l’œil du dessus…

Sur un chemin – n’importe lequel ; sur sa pente – sans que rien – jamais – ne s’y oppose…

 

 

Comme une course (incessante) dans l’âme et le sang ; et qui s’exporte au-dehors ; et qui contamine tous les gestes – tous les pas…

Si pressé(s) d’arriver ailleurs – en un autre lieu – quelque part – sans raison (véritable) ; simplement mu(s) par le mouvement intrinsèque des choses – de tout ce qui existe (dont la nature ontologique est d’aller)…

Une lutte – un peu inepte – contre le temps et la finitude – cette (apparente) échéance – ce terme dont nous ne savons (à peu près) rien…

Et cette existence – comme toutes les existences – soumise à la fuite et à l’effleurement – une débandade triste – insignifiante – superficielle…

 

 

La soif journalière – suscitée par le souvenir (inconscient) de l’apaisement initial ; quelque chose qui s’offre (comme le reste) à ceux capables de le recevoir…

La joie qui se dessine – en silence – à travers les gestes quotidiens…

Les pas – comme les lignes à écrire – à la manière d’une fête…

La célébration (naturelle) de ce qui – en nous – réussit (à chaque instant) à s’affranchir du sommeil…

 

*

 

Le rire qui ébranle la menace ; et le maléfice…

Jusqu’à la pointe du cœur – cette vibration…

Le parfum d’un autre monde ; le ciel posé devant nous…

La poitrine – si longtemps oppressée – qui respire enfin…

Moins (beaucoup moins) de soupirs et d’égarements ; comme gagné par l’indifférence au froid qui, autrefois, nous terrassait…

Les paupières soulevées ; les lèvres disjointes…

Moins grave (beaucoup moins grave) – face à ce qui se présente…

Une manière (très) involontaire de rendre hommage à l’invisible – à la douceur – à l’humilité ; à toutes les circonstances qui nous secouent et qui, en définitive, nous guérissent…

 

 

La pierre ronde – face au monde – comme une roche roulée en boule – imperméable aux assauts – parfaitement autonome ; davantage que l’arbre qui nous contemple – incapable d’échapper à la scie des hommes ; davantage que les bêtes soumises à la faim des Autres…

Comme la neige qui se pose délicatement – et qui disparaît discrètement ; ainsi se révèle notre séjour parmi tous ces visages – la figure magnanime et rayonnante – mais les lèvres closes…

 

 

Une parole – quelques paroles – au milieu des fleurs…

D’un langage à l’autre ; une offrande des Dieux…

Et ce que l’on tait pour respecter le pacte passé avec le silence – (très) joyeusement…

Au pied d’un arbre – la tête posée contre le tronc – amoureusement…

La main sur la pierre – caressante…

Et cette saveur de terre qu’ont les mots que l’on mâche – (très) longuement…

En ce lieu – le verbe ; et notre (lente) métamorphose…

 

 

Le ciel – contre la peau – comme appuyé…

Une longue traînée de cendre – derrière nous…

Un regard par-dessus l’épaule ; une sorte d’étonnement…

Au loin – le pays des rêves – là où l’on meurt d’indifférence – sans parole – sans silence – sans Amour – seul(s) – totalement seul(s) – au milieu des yeux fermés – au milieu des yeux occupés ailleurs ou qui se détournent…

Et au-dedans – le vent et le chant – les seuls apôtres du vide qui prônent (bien sûr) l’extrême simplicité – l’affranchissement des dogmes – des contraires et des contradictions (apparentes) – pour goûter la liberté – sur la pierre – au milieu du monde qui s’en fout…

Personne ; et nulle part – les seules conditions (peut-être) pour survivre en toutes circonstances…

 

 

Peu (très peu) de choses nécessaires – en vérité…

Malgré l’abondance du monde – la nuit souveraine ; et le jour agenouillé ; la chair putréfiée – et entassée ; que l’on recouvre d’un peu de terre – de quelques symboles et de quelques prières – sans rien savoir de la mort…

Et de notre vivant – l’indifférence des yeux – l’indifférence du cœur – mille mains qui s’affairent à remplir tous les sacs que l’on porte en bandoulière…

La terre et l’existence tristes et traversées ; au milieu de la rage – de la bêtise – de la cruauté – de ceux qui vivent – leur intérêt en tête…

Un désastre collectif qui angoisse et rassure les visages mouillés de sueur et de larmes ; et tous les ventres que l’on engrosse ; et qui grossissent ; et qui enfantent ; et qui perpétuent le malheur et la calamité du monde…

En terrain déjà conquis ; déjà épuisé(s) – encore endormi(s) – et s’ensommeillant toujours davantage ; ravi(s) – s’extasiant des quelques tourbillons réalisés à l’envers du ciel ; de ces mille vétilles – de ces mille niaiseries – qui viennent enlaidir – et absurdifier (plus encore) – ces rives déjà hideuses et insensées…

 

 

A trop se frotter au ciel – les ailes déchirées…

Sur le sol-repère – le lieu du corps…

Sur le sable ; et sous les astres – dans cet ordre-là ; pas une romance (jamais une romance) ; le monde comme nécessité…

Pas la vie secrète ; les gestes quotidiens et les pieds sur le chemin….

Parmi les fleurs – les arbres – les bêtes…

L’argile comme seul horizon ; et le reste ; le silence – le regard – la joie – l’immensité – offerts sans que jamais n’interviennent ni le désir – ni la volonté…

Ce qui se déroule – naturellement ; à travers les circonstances – le destin…

 

 

Les yeux couleur de lune…

Les fenêtres du monde grandes ouvertes…

L’espace du mystère – ce que l’on aperçoit…

La dislocation des lignes et de la raison…

La lueur – en soi – grossissante ; promesse d’élans – d’enlacements et d’étreintes…

Ce qui se cache dans les replis du poème ; et qui se déploie avec la lumière – avec le temps et l’attention nécessaire…

Homme ; et ce qu’il y a par-dessus et par-dessous – tout autour et au-dedans – l’invisible et ce qu’il porte ; en soi – le plus universel et le plus singulier…

L’espace fécond – le jour et la solitude – sans les Autres – sans la mesquinerie – sans le moindre traquenard…

Dans la voix – comme un chant qui déborde – qui longe l’enfance – de bout en bout ; de l’origine jusqu’à la peur ; et de la peur jusqu’au retour (non triomphal) à la source…

 

*

 

Ce qui précède l’enfance et le chemin pour la retrouver…

Cette période magique où la source était la multitude assemblée et unie ; un monde de regard et d’Amour…

Un seul jour – interminable…

Au cœur du silence et de la lumière…

La vie ouverte et contemplative…

Des mouvements naturels – comme une danse – une fête…

Quelque chose que nos têtes ont oublié (ou n’ont jamais su) et dont nos cœurs se souviennent…

 

 

Juste à côté du monde – pas si loin du reste – l’espace – des oiseaux de passage – cette étrange invitation au voyage – quelque chose d’un chemin qu’il faudrait emprunter les yeux fermés – le cœur confiant – les mains dans les poches ; les pas aussi légers que l’air – sans un mot – sans le désir d’arriver quelque part – de découvrir un autre monde – de s’installer sur une rive enchantée…

Une porte dans la nuit – un seuil (seulement) qu’il faudrait franchir…

 

 

La tête balancée en arrière – comme abandonnée…

Sous la lumière qui attise la soif ; et donne aux pas leur ardeur…

Dans la poitrine – trop d’étoiles désuètes – de chiens qui aboient et de fenêtres fermées…

D’épreuve en épreuve ; et y jetant toutes nos forces – le poing (presque) toujours brandi…

Et ce passé, à présent, qu’il faut abandonner…

Et ce sommeil dont il faut s’extirper…

De plus en plus solitaire ; et de plus en plus incompris (bien sûr)…

 

 

Au cœur de la tempête – l’ardeur aiguisée – les yeux au milieu des pierres et des bêtes…

Derrière la lutte apparente – l’évidence de la beauté…

L’infini – porteur (comme le reste – comme tout le reste) d’instincts sous-jacents et familiers…

Quelques ondes – quelques vagues – au pays des cercles et des carrés…

Sur l’axe vertical – une mystique simple et établie ; loin (très loin) de ce qui semble humain et raisonnable…

Comme une oasis de joie au milieu de la douleur ; une tête au-dessus des eaux ; le soleil au fond des yeux – sans rien décider – sans rien implorer – sans rien enseigner…

En retrait – comme rangé parmi ce que l’on ne peut voir – parmi ce que l’on peut, parfois, deviner…

 

 

N’être que cela ; la vie – les choses – la poésie…

Ce qui ressemble à un visage ; les lèvres rouges – les lèvres closes…

Au milieu des rires ; au milieu des pleurs inaudibles des bêtes…

Dans cette lumière – dans ce silence – dans cet Amour – qui s’offrent – se livrent – se partagent – inlassablement…

Le cœur – à la pointe de l’offrande ; et la main guidée (et soutenue) par celle d’un plus grand que soi – invisible – inconnu – d’une manière si naturelle – si spontanée…

L’infime et l’infini – comme entremêlés ; et convertis en chair et en âme ; l’incarnation d’un possible…

Entre le sol et le ciel – ce qui se déroule ; le métier de l’homme ; cette tâche si ardue…

 

*

 

La vérité – dans les mains – à chaque geste naturel – précis – involontaire – comme les vagues sur l’océan…

Qu’importe le vent – qu’importe les rives – allant là où l’on est mené – allant là où il faut aller…

Que le soleil prie en silence – que le brouillard forme un mur infranchissable…

Emporté(s) – sans résistance – au-delà des grilles formées par les ombres dormantes – tirant sur la grosse chaîne dont nous ne sentons plus le poids…

 

 

Le monde qui œuvre sans jamais s’arrêter…

Et nous – en nous ; la (rude et nécessaire) besogne ; cette chose chargée de terre qu’il faut rendre à la raison pour enjamber l’intelligence mensongère (cette intelligence discriminante et dolosive) au profit d’une perspective sans hiérarchie où le jour vaut la nuit – où la peine vaut la joie…

L’incessant labeur du rassemblement et de la réconciliation ; des parcelles de matière et d’esprit à réunir ; et à unifier…

Qu’importe le temps – qu’importe l’abîme ; l’action du feu et de la mort – nécessaire à la disparition et au rapprochement…

Ainsi vivons-nous – de moins en moins étranger(s) au reste – de moins en moins lointains (les uns par rapport aux Autres)…

 

 

A l’origine – la paix que le monde et le temps – à force d'instincts – à force d'habitudes – ont fini par flétrir (très largement)…

Des fleurs ; et parmi elles – comme jetés – des bouquets d’immondices…

Et au milieu de cette odeur de charogne qui plane au-dessus des luttes et des ébats – la matière rongée ; la terre qui nous dévore…

Et la plupart d’entre nous – les yeux fermés – encore soumis au rêve et au sommeil…

 

 

Le jour – pris à témoin…

Roulant sur sa pente…

Le vent initiant – et prolongeant – la chute…

Les feuilles noircies de signes…

Comme un (étrange) escalier vers l’exil…

Une manière d’aiguiser les angles – d’élargir les recoins ; et d’abattre (enfin) les murs inutiles…

Les deux pieds sur le seuil du reste ; à l’envers de l’espace – peut-être…

La poussière collée sous les semelles ; et la terre à la parole…

L’infini et la pierre – mêlant leur souffle et leurs racines…

Le ciel – dans le sang – qui délimite notre présence ; et nos possibilités…

Au milieu de l’étendue – au milieu de nulle part – entouré(s) de vide – sur nos frêles embarcations – à pagayer sans relâche vers les terres de l’enfance…

 

 

Le nez dans l’humus – les doigts humides de terre – accroupi – parmi les arbres – au milieu de la forêt – dans la compagnie des bêtes cachées dans les buissons…

Le cœur sauvage – de plus en plus…

Et l’âme fauve – tapie derrière la peau ; les entrailles comme de l’écume – de plus en plus légères…

La vie qui se façonne – à grand renfort de gestes…

Tous les horizons qui s’allongent et se verticalisent…

Et ce que l’on jette depuis les hauteurs – tous ces rêves périssables ; et la substance des hommes dont nous ne savons plus que faire…

La chair – en nous – qui chuchote – qui se défait – qui devient protolangage – qui s’initie à l’aube et au Divin ; comme une déflagration silencieuse dans l’espace ; cette manière (si singulière) de se hisser jusqu’à la disparition…

 

*

 

En longue procession – du premier au dernier jour – au milieu de la mort…

Et le léger balancement des ombres devant la fenêtre de l’enfance – irrémédiablement close…

Des murs – autour de soi – très haut (trop haut)…

Et un étroit chemin entre la tristesse et l’absence…

Quelques tremblements ; et le souffle qui manque à mesure que se rétrécit le passage…

Et notre chance à mesure que s’intériorise l’obéissance…

Ainsi – peut-être – jusqu’à l’ultime soupir…

 

 

Ce qu’il faut de tendresse et de consolation pour guérir de la proximité du monde et de l’écoulement du temps…

Cette porte ouverte – en soi – qui ouvre sur l’espace – qui livre à ce qui aime – à la source de la tendresse ; que nul autre ne peut offrir…

Jouet de tout – de tous – aux jours comptés – capable, en rejoignant le silence, de tout embrasser ; chaque chose et chaque visage…

Renaître et respirer – apprendre à vivre sans plus jamais s’écarter du vide – le cœur et les mains détachés du monde…

Ce que, sans cesse, la vie enseigne…

 

 

La couleur de nos gestes sans attente…

La réalité défaite du rêve…

Le défilé des saisons ; et l’âme affranchie des yeux des Autres…

Quelque chose – en nous – qui s’écarte…

La parole passagère ; et le cœur (toujours aussi) nomade…

Ce qui glisse – (très) lentement – vers le ciel ; comme la fleur qui éclot à force de lumière…

Sur la pierre – la vie (cette vie – notre vie) silencieuse…

 

 

D’une terre à l’autre – d’un Dieu à l’autre – sans fin – sans autre raison que celle d’aller – comme si, malgré nous, le secret (de la matière et de l'invisible) devait être percé…

A la manière d’un défi pour le profane qui s’entoure d’idoles et s’exerce à tous les rites nécessaires…

Pour chacun – le même voyage – à vrai dire…

Un seul pas jusqu’à ce que le vide apparaisse…

Le vertige et la liberté – au-dedans et au-dehors…

 

 

Devant le jour – agenouillé…

Le ciel à la place de l’absence…

L’inconnu dans la voix qui découvre l’inimaginable…

Et ce passé – des milliards d’années – qui pèse(nt) – (bien) moins lourd(s) que le silence…

La figure – (très) étroitement liée à l’éclat des couleurs…

Et tous les recoins du monde et de l’esprit qu’il (nous) reste à explorer…

 

 

Le besoin d’un Autre qui nous porte plus haut – plus loin – à l’intérieur ; comme un élan qui traverserait le monde et le froid – cette épaisseur apparente qui, parfois, nous heurte – nous bloque – nous repousse – jusqu'à ce que quelque chose – en nous – puisse façonner l'outil de pénétration nécessaire…

 

 

Derrière les bruits – le silence ; et la même chose – à travers eux…

Ce qui est accessible à l’attention pénétrante…

 

 

Plus humain que la bête – l’assassin ; celui qui ne vacille qu’en face de son propre reflet…

Et la plainte que l’on entend au loin – est-ce la peine du monde – est-ce la peine des âmes – qui nous voient souffrir et disparaître…

A qui – à quoi – ressemblons-nous – lorsque la voix – qui précède, toujours – de quelques mesures, la main traînante – se délivre de l’aveuglement…

 

*

 

A la dérobée – notre visage – l’infini passager…

A faire le tour – entre le monde et l’Amour – sans savoir où donner de la tête…

A se demander comment vivre et occuper le temps…

A mourir déjà sans avoir fait un seul pas…

 

 

Ici – le néant – comme ailleurs…

La terre à se partager – réduite au rang de territoire…

Le cœur avide et belliqueux – sombre – comme la couleur des chemins qu’il emprunte…

D’une rive à l’autre – la vie et le trépas…

Au cœur de la trame souple et mouvante ; quelque chose comme des nœuds ; des points d’attache…

Du sable sous la lumière – en apparence…

De la pierre et du vide ; ce que voient les hommes ; ce que pénètrent les Dieux…

Au ras du ciel – quelques étoiles – comme si la nuit n’existait pas – était une invention ancestrale (la première, peut-être, d’une interminable série)…

 

 

Là où l’écume est la plus haute…

Le monde – en soi – au seuil – livré à ses (étranges) aventures…

Et la parole – transportée d’un cercle à l’autre – sur un fil invisible qui serpente entre les âmes ; des mots chuchotés à toutes les oreilles inattentives ; une manière de guider les vivants vers la couleur et la lumière – de découvrir le relief et les profondeurs de la matière – et la beauté du chemin (bien sûr) sur lequel l’oubli, peu à peu, se glisse dans le pas…

 

 

A l’origine – le vide…

Et toutes les terres successives…

A la suite de la source – la lumière…

L’Absolu – le chant du désir…

Les pieds sur la pierre ; et la tête occupée à inventer – comme si nous n’avions que cela ; quelques gestes pour vivre – quelques rêves pour exister…

Et en deçà du songe – nos membres entravés – comme une excroissance (passablement mobile) du sol…

Lentement (très lentement) – vers l’immensité – la promesse des origines…

 

 

L’évidence de la lumière sur les débris et la poussière…

Une terre pleine d’ailes et d’alibis ; et le ciel – davantage qu’une image – le socle des jours…

Et cette manie de la parole pour témoigner de la moindre expérience…

Un langage – à coups de hache dans le réel ; quelques éclats – quelques reflets – que l’on assemble (très) maladroitement en miroir…

Et nos pieds nus écorchés par les ronces et la roche…

A porter sur nos épaules le reste du monde…

A aller (obstinément) d’un lieu à l’autre – au lieu d’attendre, ici, l’aube – immobile – paisiblement…

 

 

Disséminés – ici et là – les fleurs et les gestes nécessaires…

Rien qu’une détresse dans le cri que l’on pousse…

Rien qu’une promesse après la mort…

L’existence durant ; le poids de Dieu – si léger – presque imperceptible – sur l’âme…

Et à qui veut l’entendre – nous disons le miracle journalier – en dépit des apparences – sombres et trompeuses…

 

*

 

Ce que les mains recueillent ; davantage que la lumière…

L’Amour – jamais vaincu – jamais découragé…

Ce qui se cache dans les interstices…

Comme une brûlure ou un chagrin…

La joie éprise de la pauvreté ; et le rire qui s’entête contre ce cri qui a oublié le langage…

Ce qui se porte – au-delà de l’homme ; le ciel comme rendu à lui-même…

 

 

Des bourrasques dans les veines…

Tous les Dieux du soleil dans le sang…

Et de grands gestes pour célébrer le printemps…

Les deux yeux grands ouverts sur le monde pour attiser le feu et la tempête et regarder par la fenêtre le spectacle des ténèbres…

Des étincelles pour déchirer la nuit…

Et le cœur blessé pour échapper à l’assoupissement…

La vie – comme une fleur – un minuscule carré de terre – au centre de ce qui a l’apparence d’un néant…

L’âme épanouie – et compatissante – à l’exacte altitude – comme une fulgurance – une nécessité – une possibilité de rapprochement avec ce qui peuple notre intimité…

Ce qui – en soi – se retire ; ce qui fait, peut-être, que nous nous ressemblons…

 

 

Parmi les élans et les vagues…

Le vent et la respiration…

L’insaisissable et le temps confisqué…

Notre amitié pour ce qui s’inquiète et se laisse exposer – à la merci du monde et de la mort…

Cette fragilité que guide la lumière…

Notre dénuement ; et notre noblesse…

Ce rayonnement sans orgueil qui perce la matière – l’ignorance – l’épaisseur ; l’intelligence de la gangue et du mystère qu’elle protège…

 

4 septembre 2022

Carnet n°277 Au jour le jour

Décembre 2021

L’on vit comme l’on marche – comme l’on imagine…

Le bleu ou l’orage – en tête…

Le souffle court ou l’ardeur endurante…

Et l’on se tient face au monde comme face à la soif…

Effacé ou pétri de certitudes…

L’existence déchirée ou infamante…

Avec ou sans geôlier…

Et, sans doute, mille fragments d’existence en commun…

 

 

Le jour – naturellement – plus haut que le sol…

De l’autre côté du monde – la même bêtise – les mêmes croyances – la même inertie…

Ce que la foule insuffle ; son côtoiement trop assidu…

Et sur ces rives – d’autres couches – pour camoufler ce qui nous effraye – ce que l’on répugne à vivre ou à voir…

De hauts murs édifiés pour protéger – et qui encerclent – et qui enferment – en vérité ; qui forment un périmètre si étroit que le cœur s’asphyxie…

Tous les visages collés les uns aux autres – et séparés du reste – vouant une haine farouche à tout ce qui les importune – à tout ce qui les contrarie – menant une guerre incessante contre tout ce qui n’est pas eux…

Un simulacre d’existence ; des vies étouffées…

Un lieu – un espace – où quoi que l’on fasse – tout (ou à peu près) est cause et peine perdues…

 

 

Le ciel en face – démesuré

Et en soi – (bien) plus accessible…

Un sourire – comme un éclat de lumière offert à ce qui nous entoure…

Un baume pour le cœur des Autres – malmenés par le silence et la cruauté des bouches qui offensent – qui accusent – qui persiflent…

Notre manière de vivre la solitude – (très) fraternellement…

 

*

 

Face à la multitude comme face à la pluie – confronté à l’inévitable…

Avec quelque chose – en soi – de divisé ; la blessure ravivée et ce qui nous relie aux Autres…

Le monde et l’origine que l’on porte ; des chemins différents qui finissent par altérer l’apparente cohérence…

Une sorte d’éparpillement – entre le cri et la reconnaissance – entre l’effroi et l’appartenance…

Un va-et-vient – des allers et retours – un atermoiement permanent…

Et la gorge serrée par cette incapacité à choisir…

A la fois la pierre et la lune – ce qui nous rapproche et ce qui est lointain ; ce qui nous est commun et ce qui nous rend (si) singulier ; et le séant – et la main – partagés – condamnés à l’inconfort – comme l’âme qui s’est insuffisamment fouillée – parcourue – explorée – pour découvrir l’inclinaison naturelle qu’elle abrite – qui la caractérise ; le périmètre ou l’inconnu – la commodité ou l’aventure…

Et qu’importe, en vérité, vers quoi l’âme se tourne – qu’importe la pente empruntée – puisque tout demeure errance et incertitude ; le pas vagabond ou le pas cadenassé…

 

 

La nuit – en nous – renversée – et qui se répand dans nos anfractuosités – si dense – si épaisse – si intarissable – qu’elle parvient, très souvent, à recouvrir nos tertres et nos sommets (minuscules)…

Nous – submergés – devenant si sombres – si obscurs – indécelables au milieu de tout ce noir ; comme les figures emblématiques de ce qui nous a envahis – de ce dont nous sommes (substantiellement) constitués…

 

 

Sous l’ombre retournée – parfois – le miracle…

La lumière creusée par l’attente…

Comme un peu de ciel dans le monde et le regard…

Le silence et le merveilleux – abrités sous la pierre – qui, soudain, se révèlent…

Et notre vie – comme un chant (et un chemin) vers l’immensité ; avec, au fond du cœur – au fond de l’âme – toute la joie du monde malgré l’absence – malgré la solitude et le froid…

 

 

Ailleurs – hors de soi – impossible ; aussi inexistant que le monde…

Comme le temps fractionné…

Des secousses – sur la corde raide – vibrante…

La marche et la soif – ininterrompues…

Et le ciel, seul, pour nous éclairer…

 

 

Le cœur posé sur la pierre – au-dessus du visage…

L’air agonisant – ramassé…

Les genoux qui fléchissent…

Au sommet des possibles – au ras du sol…

L’humanité gisante – en vérité…

Avec au fond de l’âme – toutes les flèches décochées – retirées et réunies – préparées comme du petit bois pour le grand bûcher…

Sur la pente sans pourquoi…

L’esprit recentré sur l’essentiel ; la survie – le sursaut nécessaire pour échapper à l’indifférence et à la cruauté du monde – à toutes ses poussières froides…

Un tertre – une île – en soi – où l’on peut vivre indemne – à l’abri ; un lieu où il est possible de panser – et de guérir – toutes ses blessures…

 

 

Au cœur de tout – morcelé…

Entre la feuille et le vent – comme déporté…

Plus haut – parfois – vers le lieu où pointe hasardeusement le doigt…

Un nouveau monde – une nouvelle page – peut-être…

Notre errance – notre courage ; ce que craignent – et admirent – les Dieux ; ce qui leur est inaccessible ; le plus noble, sans doute, de la figure humaine…

Un dessin de l’évidence – (bien) davantage qu’une simple supposition ; ce qui nous porte et qui n’est, pourtant, perceptible qu’en filigrane…

 

*

 

La chair fumante…

De la lumière jetée – rayonnante…

Le cœur incandescent…

Ce qui brille au fond de l’œil…

Ce que le fond de l’âme éclaire…

Davantage qu’un chemin – l’invisible – sur son itinéraire…

La proximité du silence – de moins en moins nocturne…

Au creux de la main – le secret ; le geste qui s’impose…

Dans cette parfaite alliance avec les circonstances ; le cours inéluctable des choses…

 

 

Les yeux creusés par l’habitude – deux trous noirs aux paupières collées…

La bouche – une galerie bavarde – des mots comme l’on respire – des paroles en cascade – des traces de rien – le temps qu’il fait – le temps qui passe…

Une béance – à la place du cœur – encerclée de grilles…

L’âme inerte – exsangue – blafarde – comme égorgée à petit feu…

De l’écume et du néant – le sommeil en étendard – la figure millénaire de l’homme…

 

 

La voix rouge qui hurle en silence…

Comme un soleil – une source…

Les mots qui bondissent – qui rebondissent sur le monde – qui jamais ne s’enfoncent nulle part – qui jamais n’ensemencent la terre – les têtes – les cœurs ; qui heurtent (seulement) sans que l’on s’interroge ; et qui offrent (pourtant) la perpétuelle incertitude de l’essentiel – insaisissable…

Une route – comme un cri – qui nous traverse – sans laisser de trace…

 

 

Contre le vent – à hauteur de front – l’horizon transformé – le retour sur soi – les pas qui s’inversent…

Comme une évidence – la disparition…

La figure du plus haut qui (ré)apparaît…

Comme un élan – une respiration – taillés sur mesure…

Particule indistincte de l’infini – au croisement de tous les axes horizontaux et verticaux…

Immergé dans toutes les marges ; et réceptacle du centre invisible ; acteur et témoin du mouvement éternel – de cet incessant va-et-vient entre le vide et la manifestation…

 

 

Au cœur de ce qui s’étiole…

La succession des défaites – des absences – des effondrements…

L’éradication des remparts et des passages ; peu à peu transformés en étendue…

L’oubli des jours et de l’aveuglement – du labeur et des recherches insensées…

L’espace au lieu du monde et de l’attente…

Ce qui semble s’offrir aveuglément – en toute connaissance de cause – en vérité ; à l’intersection de l’offrande et du partage…

Tout disséminé dans l’attention et le pas…

A présent – le geste salutaire au lieu du rêve…

Le tarissement (progressif) du chemin – comme précipité vers sa fin…

 

 

La bouche muette – toutes les faces et tous les recoins dépliés…

La boucle des rêves et de la mort – redirigée – dégagée de l’abîme – orientée vers le ciel…

De plus en plus signifiant bien que le sens échappe encore – et comment pourrait-il ne pas (nous) échapper ? Simple chimère inventée…

La clarté et l’acquiescement ; l’entente singulière avec la totalité…

Ce qui surgit – ce qui vient – ce qui a lieu – offert au sourire – simplement…

 

*

 

Enfoui au centre – comme retiré – légèrement caché – sans doute – et recouvert de choses et d’autres – une sorte de bric-à-brac – mille futilités sans importance – de la matière et du temps façonnés avec patience…

Et aux lisières du silence – les saisons ; ce qui passe – fragile et assidu…

Le vent et l’éternité – le cercle, en soi, inamovible – cette pente irrégulière – parsemée de failles et d’aspérités – sur laquelle nous dialoguons tantôt avec l’Amour – tantôt avec la désespérance – seul(s) – toujours – bien entendu…

Le visage sévère et le cœur grave – à nous défaire de toutes les parures – de tous les objets superflus…

Toujours planté(s) devant la figure noire des malheurs ; et l’être, sans doute, sur le point de se retourner…

 

 

L’ombre et la parole – glissant ensemble – dans la fente formée par nos lèvres souriantes – silencieuses – sans renoncement – reconnaissables et reconnaissantes – comme subrepticement échappées du bavardage et des rencontres futiles – ces longs monologues qui portent à la tristesse et à la nostalgie…

Comme un besoin d’enfance ; un âge où le monde était (encore) rieur et enjoué – le terrain de jeu de nos attentes et de nos aventures ; l’espérance d’une lisibilité et d’une faim assouvie…

Le temps des communions naturelles – sans tractation – sans arrière-pensée ; le temps de la lumière et des alliances éternelles ; la franchise et la fraternité cousue à même le cœur – à même la peau…

Et cette innocence – trop précocement – trop douloureusement – recouverte par la corruption des promesses et des sentiments – qui, aujourd’hui – à nouveau, affleure – qui, aujourd’hui – à nouveau, émerge des profondeurs ; le cœur, sans doute, plus tendre et plus mature – bien qu’encore convalescent…

 

 

Le centre et les marges – soustraits…

Comme le temps – l’instant – ce que l’on énonce…

Sans le sens – dans l’intervalle…

Tout qui se désolidarise du rêve – la vie fragmentée…

Plus ni entrave – ni interruption…

Sans support – suspendu au-dessus du vide par on ne sait quoi…

Toute la magie du monde – en quelque sorte…

Une manière de renaître et d’échapper à toutes les déchirures…

 

 

Des lignes – du sol – la matière vivante de l’épreuve…

A la jonction du souffle et du silence…

L’alignement des mots et des pas…

La source intarissable à l’œuvre…

Ce qui produit le mouvement et, d’une certaine façon, l’accumulation…

Toutes les marches possibles et spontanées…

Une manière d’alimenter le rêve ; et d’y échapper…

Qu’importe ce que nous réalisons ; ne subsisteront que quelques biffures et, à terme – tôt ou tard, le vide et l’oubli…

 

 

Nous – façonné(s) dans cette matière dansante – l’invisible œuvrant à sa tâche – s’obstinant à sculpter la beauté dans le plus grossier – dans le plus insignifiant ; et, parfois même, dans l’indigne…

Sans étonnement – parachevant toutes les figures – essentielles et dérisoires…

Labeur sans préalable – sans conclusion ; ni sérieux – ni enfantin – seulement nécessaire…

Arbres – hommes – montagnes – amas de poussière apparents – qu’importe la durée et la profondeur – voués à scintiller et à trembler avant de disparaître…

 

*

 

L’émoi guérisseur – la vie vide et vivante – gigantesque – où le temps n’est qu’un bruit dérisoire ; quelques virgules dans le récit de l’infini en suspension…

Une voix (enfin) audible – pour soi – seulement – l’essentiel – hors du monde – évidemment – échappant aux règles – aux normes – aux conventions d’usage…

Humble – léger – dans le sens du vent ; la tête rentrée dans les épaules ; l’espace comme socle – comme ossature ; et la matière comme excroissance…

La terre assise au cœur de la vacuité…

Et l’âme devant ses grilles – s’éloignant ; avec le ciel dans nos bras…

 

 

Ce qui nous distingue – la respiration – notre manière de monter sur les toits – de faire fondre la neige – de refuser d’aligner passivement des chiffres en comptant les rêves et les étoiles…

Si dissemblables dans nos cages – face aux Autres – face à la tombe – face au miroir…

Chez certains – des fleurs dans les yeux et le cœur ailé – courageux – doué(s) de silence ; et chez d’autres – des siècles d’attente – le dos voûté – débordé(s) par le monde…

Et chez chacun – qu’on le veuille ou non – ce qu’il reste à vivre…

 

 

Le jeu du monde…

Trop oublieux des merveilles et du mystère ; de tout ce que l’on ne connaît pas…

Le rire – sans hypothèse – malgré l’ignorance et la pauvreté…

La lumière naissante – sans une seule ombre oubliée…

 

 

Par la fenêtre – le jour immobile…

A chaque heure – emporté plus loin…

Et, au fond de l’âme, cette candeur enfantine – l’interrogation qui ose s’exprimer autant sur le sens (et la prégnance) de l’obscurité que sur l’absence de traces autour de la source…

L’intarissable curiosité et l’insatiable faim pour la vérité – au-delà des histoires et des mythes inventés par les hommes…

Et ce jaillissement pour échapper aux murs – explorer le monde – le dehors – l’apparence de l’être – tous ses déguisements – en quelque sorte…

Les premiers pas sur le chemin ; ainsi, sans doute, commence le voyage…

 

 

Nous – réfractaire(s) – irréductible(s) – défenseur(s) acharné(s) des formes fragiles et violentées – silencieuses – inaptes à la parole articulée…

Avec elles – dans les interstices – face à l’âpreté du monde – face à l’hostilité de la terre – face à la cruelle imbécillité des hommes…

Ligne après ligne – pas après pas – pour toutes les peines infligées – pour toutes les douleurs éprouvées ; indéfectiblement solidaire(s)…

Du côté de ce que l’on broie – de ce que l’on arrache – de ce que l’on mutile ; sensibles à toutes les exactions et à tous les assassinats…

La beauté que l’on piétine et les instincts naturels que l’on écrase…

Le monde – ce tas de poussière – ce tas de misères – aveugle au point de se fier – et de s’en remettre – aux apparences – de ne jamais percevoir la lignée longitudinale des formes provisoires ; ce qu’elles étaient et ce qu’elles deviendront avant et après cette (courte) existence…

 

*

 

Sans souvenir – le jeu qui, chaque jour – à chaque instant, recommence…

Sans livre – sans règle – sans personne – sans image – sans hypothèse ; pour le seul défi d’exister – d’édifier et de détruire – de faire et de défaire…

Qu’importe le temps – les déguisements et les mises en scène – un pas après l’autre et les mains pour exécuter ; le geste et la foulée, sans cesse, renouvelés…

Qu’importe le ciel et la terre ; tout se ressemble – se rassemble – se différencie ; mille couleurs et mille mouvements ; l’enchevêtrement monstrueux qui, inlassablement, se redessine et se recompose – sous notre regard…

Et cette ardeur infatigable du côté du cœur…

Et ce souffle qui ne s’éteint qu’en apparence…

 

 

Au milieu des bois – au cœur de la roche – le pied agile – le pied posé sur le sol – comme un geste – une main sans sommeil…

La pluie qui transperce autant que la joie ; l’allégresse du corps vivant – vibrant – guidé par cet allant inépuisable et cette lumière qui éclaire depuis l’intérieur…

Solitude parfaite sous le ciel – au-dessus du monde – désespéré et désespérant – qui panse ses plaies et qui fourbit ses armes – qui se charge en illusions et en victuailles – qui s’est inventé de piteux champs de bataille et de funestes étendards – les yeux fermés – le cœur en hibernation – comme si la terre était un lieu essentiellement hostile – tragique – hivernal…

Un univers de crocs et d’oreillers – au milieu des Autres et sous des étoiles – inaccessibles – blessants – inventés…

La nuit dans l’âme ; et les mots – le poème – négligés – comme un passage fragile – un discret promontoire vers la lumière et l’immensité – l’une des rares choses, en ce monde, capables d’enjamber (ou de transformer) l’absence…

 

 

Fractionné(s) – en deçà du jour – comme un repli supplémentaire…

Réductible(s) à nos interstices – à ces failles-refuges au fond desquelles nous abritons nos têtes…

Le rêve – plus haut que le monde – et suspendu au temps – nous dérobant l’essentiel ; l’attention – condamnant le geste à l’inconscience et à la célérité…

Vivant aveuglément – séparé(s) du plus ouvert et, sans doute, du plus prometteur…

Comme au fond d’un trou rempli de nuit et d’excréments…

L’innocence froissée – et jetée avec le reste – dans la poussière…

 

 

Figurant(s) de l’histoire – au même titre que la hauteur…

Le décor de la douleur – l’indifférence de ce qui nous entoure – l’inconséquence de ce qui nous anime…

L’élan implacable – trop souvent – corrompu par la tête qui s’imagine ; l’instrument des Autres – de on ne sait qui – pour on ne sait quoi ; le jeu terrible comme un impératif qui cisaille – qui découpe – qui ampute…

Et nous – nous infirmisant – au fil des coups – au fil du temps…

L’impression – diffuse – et aberrante sans doute – de jours et de vies pour rien ; des yeux derrière des remparts – des cœurs claquemurés – des gestes étriqués – des existences sans envergure – sans perspective…

La multitude et l’étroitesse proliférantes ; et l’incessant labeur de la mort qui s’échine à interrompre – et à réinitialiser – notre inefficience – l’absurdité apparente et le cours des choses de ce monde si dérisoire…

 

 

La trace – comme repoussée – disparaissant avec la possibilité d’une réponse…

Le vide – obscurément – qui nous appelle…

Et ce qui s’achève avant d’être parvenu…

 

*

 

L’heure restreinte – rongée par la paresse et le sommeil…

Le corps – de la chair flasque – inerte – sans vigueur – comme si la nuit avait tout avalé – tout dissipé – jusqu’à la blessure – jusqu’à la possibilité des apparences…

Dans une boîte – sans bouger ; vivant ou mort (il conviendrait, sans doute, de se le demander)…

 

 

Le brouillard par l’embrasure…

Des rives – des naufragés ; ce qu’il faut de lumière pour voir l’opacité – jamais davantage…

Des plaies – des épées – disséminées un peu partout…

Ce que nous connaissons du monde ; le secret toujours aussi bien dissimulé…

A l’origine – peut-être – le refus de l’écume ; ce qui s’ouvre comme une porte – après les décombres et la confusion consommée…

L’abîme qui s’élargit ; et vers lequel tout est emporté ; mille courants qui charrient les choses et le temps écoulé…

Nous – dans le trou – tourbillonnant avec les images et les mots – quelques reliquats de pensées…

Chutant – disparaissant – devenant, pour ainsi dire, le vide et le vent qui s'y engouffre…

 

 

Tout tourne – instable…

Le vent – comme un bruit au fond de la mémoire…

Le parfum des Autres qui se répand…

Et ce sable dans les yeux ; et nos poèmes comme des mots orphelins – privés de sens – séparés du monde – séparés du reste – essayant de soulever la mort et les paupières pour secouer la terre et le sommeil…

Une danse – une imposture – peut-être…

L’oubli – jamais humilié par l’absence de souvenir…

A deux doigts de ce qui ressemble à un rêve…

 

 

La réponse obsidionale – la lignée repliée – le séant sur son siège – tertre – sommet – îlot des hauteurs – afin de braver la morgue fangeuse…

Le vide obscurément condamné – vilipendé – attaqué – comme si le rêve seyait davantage au monde créé par la tête…

Nous ici – et tous les Autres dans leur tranchée – tantôt en contre-haut – tantôt en contre-bas – selon les mouvements de la foule et les rotations de la terre…

 

 

Soi – rebutant – redoublant d’inefforts pour accueillir l’obscur – opposer au manque la tendresse nécessaire…

Clairement distincte du reste – la perspective au-delà des noms

Hostile et indifférent de prime abord…

Bienveillant – sans idéologie – sitôt la barrière des yeux franchie…

La cœur allègre et exposé…

Ni absence – ni compromis…

Quelque chose comme une authenticité et un surcroît ; et cet effacement qui donne le vertige…

Et la liberté qui s’est – naturellement – instinctivement – instituée comme principe premier…

Au-delà des « pour » et des « contre »…

Au-delà des chaînes – des grilles et des portes ouvertes…

Sans refus – acquiesçant à tout ; involontairement obéissant à ce qui s’impose (tant au-dehors qu’au-dedans)…

Jamais séparé – jamais divisé – jamais fracturé…

Accordé aux nécessités du monde…

Soi – l’Autre – les circonstances – les planètes et les étoiles – qu’importe l’alignement – pourvu que ce qui a lieu soit (totalement) accepté…

 

*

 

La vie dormante – l’âme assoupie – et le drame – tous les drames – tapis dans l’ombre – aux aguets – comme en embuscade…

De manière sidérante – la tournure du monde – ce qui se lève contre l’offense et le rire…

Le cœur secoué – et, à défaut, le sommeil quotidien…

Plus tard – jusqu’à la mort – cette existence inajournable…

 

 

La chair réajustée – comme ensoleillée ; comme collée au ciel tant elle semble radieuse et habitée…

L’errance joyeuse sur l’étendue ; les ombres, de part et d’autre des pas – inévitables quelle que soit la trajectoire…

A travers la fenêtre du temps inventé – la naïveté qui s’éloigne – au milieu des horloges et des tombes…

La porte ouverte – comme devant un étrange silence – un auditoire inattendu…

Le territoire du regard et l’ardeur des élans – au cœur de la même trame – le prolongement cyclique et permanent du point d’origine…

 

 

A en croire la terre – la seule prière possible – un interstice dans l’épaisseur…

La volonté libre – soumise aux circonstances – affranchie des pertes et des chemins glorieux…

Comme un irrépressible appel – un retournement de la pensée – un retour en soi…

Plus vaillant que le rêve – le geste vécu – le visage droit – le front sur la ligne de crête ; et ce chant singulier qui accompagne le jeu – tous les jeux – du monde…

La solitude et l’acquiescement – jusqu’à satiété…

 

 

Vie et langue vivantes – inconnues – (en partie) libérées de leurs fers – de l’héritage des Autres – de tous nos devanciers (illustres et anonymes)…

Et, pourtant, dans la continuité (malgré soi) de l’histoire du monde – de l’histoire de la prose et de la poésie ; et contaminé (à son insu) par l’époque contemporaine…

On n’échappe à rien d’extérieur – à l’air du temps – aux influences – aux courants invisibles – à la porosité ; mais en se laissant porter par les courants qui traversent l’âme – le corps et l’esprit – on se soustrait aux voies erronées et à la tromperie – à l’aberration de la volonté ; on suit ce pour quoi l’on est fait ; on obéit aux impératifs du monde et aux nécessités que l’on porte…

Ainsi jamais ne peut-on se tenir à distance de soi ; et devenir comme un étranger pour soi-même ; au contraire (bien au contraire) – on adhère (de plus en plus) parfaitement à son involontaire singularité…

Et cette « règle » vaut, bien sûr, autant pour l’écriture – le style littéraire – que pour l’existence et le mode de vie…

 

 

Étreint par les couleurs de l’automne – les vibrations de la pierre – le vent sur ses rails changeants…

Disparaissant dans la terre…

Le chemin pénétrant le corps…

Le sol comme un ciel ; le ciel comme le seul territoire possible…

L’infime à la rencontre de l’infini ; et l’infini s’installant à l’une de ses places singulières…

Rayonnant – qu’importe le jour et la lumière…

La nuit – cette part de nuit – inévitable – irréductible – acceptée et accueillie dans notre âme et nos bras ouverts…

Ainsi – peut-être – se vit – s’éprouve – s’expérimente – la traversée…

 

 

Le regard – vaste et précis – universel et singulier – mêlant le tout au plus simple – comme un surcroît de lucidité et de vertige…

Une hauteur sans indice – non mesurable ; et une force de pénétration de l’épaisseur ; une manière de pulvériser le lointain – de tout ramener au centre en coulées joyeuses – en ondes ensoleillées…

L’attente d’un murmure qui, soudain, éclate en silence – en paroles vibrantes – sans accalmie…

Comme un tour de passe-passe opéré par l’esprit suffisamment mature et expérimenté qui sait transmuter les malheurs et la gravité en allégresse et en liberté…

Avec – à l’intérieur – une provision de tendresse inépuisable…

 

 

Ce qui se décompose – et se reconstitue – naturellement…

A l’endroit de la résolution…

Sans revers – sans précaution – l’élan qui convient – comme une passerelle lancée au-dessus de l’abîme – le vide accueillant…

Et des poignées de terre jetées en l’air – comme des bataillons d’étoiles et de poussières d’or précipités dans la nuit…

Les yeux (grands) ouverts ; et la rubescence des lèvres – prêtes à embrasser…

Les mains et les bras – comme les outils de la fortune ; tendres – disponibles – hospitaliers…

A l’écart des enclos et des cages…

A l’écart des exactions et des écrasements…

Affranchi des restrictions et des assassinats…

Comme cette encre – fragile – provisoire – déposée sur la blancheur de la page ; à la manière d’un clin d’œil à l’immensité…

 

*

 

L’inexplicable – éprouvé – sans explication ; comme une explosion – un jaillissement – sans retenue – sans restriction…

La traversée époustouflante de la mort…

A mi-chemin – le cœur battant – le souffle court – prêt à défaillir…

Et ce corps de silence qui nous précède ; et ses voiles derrière nous qui nous donnent une allure de fantôme…

Trépassé – le temps d’un chant si court que l’instant suivant nous voilà entièrement baigné de lumière – aux marges du temps – sur ce territoire sans frontière…

 

 

La simplicité revisitée – perpétuelle…

La vie errante et interstitielle…

Solitaire – à tout le moins…

Quotidienne – comme les gestes – les pas – les pages…

Quelque chose de changeant et d’invariable…

Comme une descente paisible – un voyage chaotique – un écart – le franchissement d’une vaste étendue…

Le chemin (presque) toujours joyeux – qu’importe la clarté du jour – l’épaisseur du brouillard ou l'ampleur de la tempête…

Le rideau de la nuit entièrement tiré…

Entre le visage et l’infini ; la fin d’un songe – peut-être…

Plus que rien ; un jeu – la vérité (qui peut savoir?)…

 

 

Au pays de la voix – la parole humaine – le murmure comme un abîme – comme la dérive des étoiles et des continents…

Toute la prose du monde en rêve – en poésie…

Ce qui arrive – ce que l’on chuchote et qui ne se voit pas ; aussi grand que le mystère…

 

 

Parvenu jusqu’ici – à la surface de l’enveloppe…

Après mille secousses – sans relâche…

Le même savoir ingurgité – puis, dilapidé ; le même sommeil comme une chape de plomb…

Lentement – le souvenir – puis, la parole…

Ouvertement bavard – l’œil morne – (très) peu disposé à servir de réceptacle…

Tarissable – contrairement à la source – sans aucune prise directe sur elle – jusqu’à ce que le silence s’impose…

 

 

De l’autre côté du chemin – l’enfant qui porte l’homme – réfugié en lui…

La tête – comme de l’air brassé…

Un vent frais – un souffle si peu épais – porteur d’oubli et d’intégrité…

La hauteur et l’envergure dans le grain de la voix…

Une manière (assez) innocente de résister au temps ; le jeu du monde immergé si profondément que l’apparence semble sans importance…

Des jours sans rien dire – des jours sans personne…

 

 

La couleur exemplaire de ce qu’offre le retrait ; et de ce qu’il réanime…

L'âpreté et la persévérance – derrière la discrétion…

L’os atteint par la neige – en quelque sorte…

La réunion de la lumière et de l’obscurité…

Et les lèvres entrouvertes – à peine étonnées – livrant leur murmure – comme une poignée d’oiseaux lancés dans le ciel…

Une beauté sauvage – sans appel…

Une manière gracieuse d’habiter le sol ; toutes les hauteurs intégrées…

(Presque) aussi poétique et merveilleux que les habitants de la forêt…

 

*

 

Les portes fermées – les pas verrouillés dans la poussière ; plus qu’un destin – la terre maudite par les hommes et les Dieux…

L’air de rien face à l’abîme…

Un visage dans l’univers – infime – dérisoire…

Et la ronde des étoiles ; et cette dérive incertaine – d’un lieu à l’autre – et autant d’escales que de nulle part ; le voyage – tous les voyages – comme du vent – de l’air que l’on brasse – que l’on respire – qui nous emporte…

Le rêve des uns qui fait (presque) toujours le cauchemar des autres…

Et, passé un certain seuil de saturation, ce que l’on doit quitter ; l’aventure – la seule – qui s’impose…

Avec, peu à peu, un accroissement du souffle et un élargissement du passage – au-dedans-au-dehors – la différence qui s’amenuise…

La pente singulière de l’âme – enfin perçue – enfin découverte – enfin empruntée…

 

 

Ce que l’on entend – à voix basse…

La solitude (quasi) silencieuse…

La joue offerte au vent…

La neige déblayée sur le chemin qui s’accumule…

Un reste de joie – plus que durable…

L’accord parfait entre les blessures et la source…

En soi – la fragilité célébrée – autant que les bêtes et l’éternité…

Ce qui – en nous – s’éclaircit ; ce qui – en nous – voit le jour…

 

 

Ailleurs – pour ainsi dire – là où d’autres seraient d’accord pour demeurer sur place – pour offrir à leur âme une quiétude (appréciable) – un repos salutaire…

Introuvable – fort heureusement – hors de soi ; intransmissible – impartageable…

Sur le versant exactement opposé à la paresse et au sommeil…

En ce lieu où mènent toutes les circonstances…

 

 

Le feu tournant ; la parole qui retombe…

Ici-bas – débordé(s) par le vent – l’invisibilité du schéma…

A hauteur de front – sans prise ; à longueur de bras ou de nez – les pieds comme enserrés dans tous les nœuds de la trame – et tous les fils à défaire – à tirer – pour exister (un peu) – pour essayer de vivre au-delà de la respiration…

A vrai dire – un peu perdu(s) sorti(s) du sommeil…

 

 

Endormi(s) – debout…

Comme incapable(s) de rompre l’épaisseur…

La marche saccadée et somnambulique…

La brusquerie des gestes ; le cœur atrophié…

La corde au cou ; comme tenu(s) en laisse…

Le monde – tout le monde – sous le bleu – se débattant…

Les jambes – comme des poteaux – piégées dans la boue – scellées dans la roche…

Des ventres – des bouches – des bras – indistinctement – au milieu des Autres – séparé(s) obéissant(s) – emporté(s) par tous les courants – à la moindre secousse ; et glissant ainsi – seul(s) et ensemble – jusqu’à la mort…

 

 

La glace au-dedans qui fige toute possibilité – le moindre élan – ce qui pourrait être initié par l’Amour…

La joie et la liberté…

Comme dépossédé(s) du plus précieux…

A la manière d’une roche massive qui attendrait – en vain – l’usure – une impossible érosion ; la terre – notre vie – comme quelque chose d’irréductible…

 

 

Les pas fermes sur le chemin qui s’écarte des foules – qui s’éloigne du monde…

Un peu de vent – en suspension – dans un coin de la tête…

A l'écart ; comme pour résister à l'engouement (hystérique) des hommes pour la facilité et le tarissement ; plutôt le pas engagé et le respect de la totalité du cycle…

Dans leur sillon ; trop de cumuls – d’amassements – de gaspillages ; le cœur affamé – avide de confort – qui s’embourgeoise – qui se rétrécit ; l'âme pervertie en profondeur...

De plus en plus hostile – et étranger – à ce processus terrestre mortifère…

 

*

 

La parole en bouche – l’oiseau en cage – soudain libérés…

Comme le déploiement de la matière – l’explosion de l’œil et du paysage…

Une danse exubérante – des pirouettes imprévisibles…

Et l’espace à l’écoute qui accueille toutes les pitreries du monde – notre folie trop longtemps contenue…

 

 

Au cœur de notre absence – la dissolution du visage…

L’éternité à notre fenêtre ; et nous au fond de la fosse…

Et les mille chants pour célébrer l’écume – écartés – effacés – d’un seul geste…

L’envol au lieu de l’étranglement – au lieu de l’asphyxie…

Le besoin d’ailleurs – pas même remplacé – évaporé à l’instant où le feu et le vent ont pénétré le désarroi – l’impossibilité…

Présent – sans attente ; et la figure de l’infini offerte en récompense…

Les yeux comme deux soleils…

Les mains vides et ouvertes ; notre manière, aujourd’hui, d’être présent ; la seule réponse à toutes les interrogations de l’esprit – à toutes les questions de l’homme…

 

 

La lumière regardée pendant mille ans – puis, un jour, (profondément) étreinte…

Un pas de côté – vers l’immobilité…

Le ciel qui remplace la foule – le geste, la parole – et le sable, le sang…

Comme un recommencement du monde…

De tourbillon en évanouissement ; de tremblement en ouverture – sans le moindre parti-pris…

Et ce qu’il faut de tendresse et de reconnaissance – suffisamment – pour accepter – le cœur libre – de disparaître…

 

 

La route enfouie – invisible – sans escale – sans marcheur…

Au corps-à-corps avec le jour…

La tête hors de la terre…

La peau qui racle – sans préjudice…

A cœur découvert – de plus en plus…

 

 

Le sol rêche ; le bleu – partout – que l’on ne voit pas…

La soif – dans l’âme – qui creuse pour trouver sa place…

L’œil – en arrière – à distance des spectacles…

L’âge – comme le rire et les drames – sans importance…

La courbe qui effleure les murs et le soleil…

A deux doigts de la mort – de la folie – de l’éternité…

Qui sait ce que nous sommes ; et en quel lieu nous parviendrons…

 

 

Comme l’eau qui va – le vent et le murmure…

Qu’importe le terrain et la confusion…

Le feu qui brûle ; les flammes salvatrices…

Les éclats de l’âme et la fin du monde…

Et sur les lèvres – ce sourire qui n’appartient à personne…

Le jour – haut (très haut) sur les pommettes – face à l’hiver – face à la nuit – face à la foule occupée à on ne sait quoi…

 

 

On ne se réjouit – on ne se rejoint – que pulvérisé…

L’épaisseur dissoute…

D’un seul tenant avec le ciel et tous ses éclats ; ce qui demeure éparpillé sur le sol…

Quelque chose de la lumière au fond de soi qui guide notre complémentarité jusqu’à la part manquante qui nous abrite – que nous abritons – et qui attend (bien sûr) que nous la reconnaissions…

 

*

 

L’invisible – dépecé avec le reste – avec toutes les bêtes…

Ces amas de chair écarlate – et, au-dessus, cette matière transparente – scintillante – étincelante – comme un soleil sur le sang…

L’étreinte de la lumière – des mains d’or posées sur le plus fragile – sur le plus périssable – sur la douleur vivante…

Le temps suspendu – immobile – au-dessus des eaux rouges qui ruissellent et des cœurs qui palpitent encore…

Le partage du labeur – la mort impatiente qui s’abat comme le couteau des assassins…

Les saisons et les lèvres tremblantes devant le carnage…

La vie – notre voix – jamais séparées de ce qui souffre…

Et à l’ombre de nos mains – de notre parole – la signature de ceux que l’on égorge – de ceux que l'on décime – aux côtés de la marque du silence ; l’alliance entre le plus grandiose et l’enfance…

Des gestes et des pages pleines de beauté et de drames…

 

 

La légèreté des bagages – la précarité des murailles – lorsque l’oubli tient lieu de repère – de souffle et de pas…

Ce qui circule – toujours (plus ou moins) équivoque…

Des choses perdues – comme les âmes – recueillies par le silence…

Et ce qui se balance au-dessus de l’étonnement…

Le labeur des arbres ; la présence de ce qui voit…

Et les mains (toujours) agissantes au milieu du monde – parmi tous ces Autres qui sommeillent – aux yeux (plus ou moins) fermés…

Des cascades – des avalanches ; le bleu qui se déverse – qui se répand – qui recouvre tous les malheurs – pour transformer la douleur et les tourments en circonstances supportables – en destin salvateur…

Dieu peut-être – Dieu sans doute – descendu – avec nous – au plus bas – sur cette terre…

 

 

A contre-jour – l’immobilité – les yeux qui cherchent – l’âme étonnée – ce qui gît dans les sillons – tous les sillons – tracés sur le sol…

Les cœurs et les mains enchevêtrés – ce qui est mis en commun ; et que nul ne peut plus désormais s’attribuer…

Des fragments de matière – d’invisible – de vérité…

 

 

Quelque chose d’inhumain – sur la terre…

Le soleil à même la route – comme les pieds nus qui arpentent le monde…

Ce qu’il faut de souffle et de vent pour parvenir à destination – pour aller de plus en plus dépouillé…

D’un sas à l’autre – avec (très souvent) un autre déguisement…

Le cœur vivant – de plus en plus – à mesure que s’éclaircit la page – que le silence prédomine dans l’âme…

Des mots-vérité – des mots-essentiels – au contact desquels le passage – en soi – s’élargit pour laisser passer la lumière…

 

 

Le ciel à l’accueil inaudible – inentendable – partagé – entier et entièrement pourtant – en autant de parts que compte la multitude…

L’enfance de l’être – dans la tête des hommes – pas même encore enfantée…

Sur la même pente – parfois – le froid et la fraternité – pour heurter les certitudes de ceux qui vivent selon leurs croyances…

La substance de tout – comme le vent…

La matière de plus en plus esseulée…

L’invisible de plus en plus présent dans la chair – dans le ciel – dans la bouche…

Ce que nous avons – peut-être – de plus précieux à partager…

 

*

 

Près de la fontaine – la lune rousse – ronde – voyageuse ; comme la terre – qui semble égarée sur son chemin – tournant en rond en quelque sorte – à l’instar du soleil – cette étoile décadente…

Et toutes les têtes – pourtant – qui s’inclinent au passage des astres – des planètes – des satellites – en orbite (sans doute) elles aussi ; comme si tous les mouvements – toutes les trajectoires – étaient programmés – organisés d’avance – jusqu’à la collision – jusqu’à l’explosion – jusqu’à l'anéantissement ; le terme final qui vient clore un cycle et annoncer le suivant qui adviendra peut-être – qui adviendra sans doute – après le retour temporaire du vide souverain et inaugural…

 

 

L’arbre – comme un poème vivant – né de la terre et du vent – côtoyant le ciel à tout âge…

Vertical et silencieux – offrant son ombre et ses fruits à ceux qui ont chaud – à ceux qui ont faim ; offrant sa frondaison à ceux qui volent ; et, en son temps, ses feuilles et son tronc…

Sans aucun doute – les plus belles lignes dans le grand livre du monde…

 

 

La mémoire défaite par la mécanique de l’horloge – la marche saccadée du temps…

Ce qui s’amenuise – ce qui s’efface…

A voix basse – puis, en silence…

Le jardin en feu à la saison propice…

Et des volutes de fumée blanche à mesure que s’accumulent les encoches sur la réglette circulaire – jusqu’à la pénombre – jusqu’à la nuit ; et la mort (bien sûr) qui se rapproche…

Le labeur incessant (et si nécessaire) de l’oubli pour que l’esprit et la terre puissent offrir aux nouveaux venus un lieu et une place – digne et suffisante

 

 

Affranchi – comme tout ce qui perce la glace et demeure au-dessus et dans les profondeurs…

De la famille de la chambre et du vent ; la roulotte qui se déplace ; et l’esprit immobile ; la cellule et la cabine réunies – superposées…

L’œil fixe – attentif à tous les mouvements ; et les laissant libres…

Le ciel et la solitude à nos côtés…

La tête – les mains – la table – le lieu – l’espace – aussi vides que possible ; prêts à recevoir et à oublier ce qui les traverse – comme des traces de ciel…

 

 

Dans le cri – le secret de l’âme et du ventre – comme le point d’intersection entre l’air et la matière…

Ce qui vibre jusqu’à l’oreille des Autres ; et ce que l’on entend quelques fois…

 

 

Le jour – aisément rejoint par ceux qui expérimentent la vie depuis leur déchirure…

Rien de la rapacité ; comme un surcroît offert ; un présent – un peu de ciel ajouté à la pierre…

Sans relâche – le geste engagé et le détachement ; l’esprit dedans et au-dessus…

Sans tête – à vrai dire ; seulement la pointe du mouvement né ailleurs – dans les profondeurs de l’invisible – au centre de l’origine de tout – peut-être…

Des pans entiers de superflu qui se disloquent – et qui s'effondrent – emportés par les eaux souterraines du monde…

Face à soi – toujours – jusqu’à l’usure de la matière – pour que naissent – pour que puissent naître – un jour – le regard et le contact réel avec ce que nous percevons…

 

*

 

Ici – dans la nuit qui s’ouvre – comme une bouche béante – le rire au fond de la gorge – comme si rien ne pouvait (nous) arriver…

Qu’importe les sévices – les supplices – le désastre – l’existence furtive – ce qui nous hante ; la terre pesante…

L’âme au-dessus du chemin ; et le jour – à l’intérieur – invincible – inaltérable ; comme si nous marchions – en apesanteur – au milieu d’un immense jardin…

La lumière – au centre – perpétuelle – qu’aucune périphérie – qu’aucun couvercle – qu’aucune épaisseur – ne pourrait dissiper…

Les yeux partout jusqu’au regard – jusqu’à l’origine…

L’ignorance – la douleur – les saisons – les vérités – infiniment passagères ; comme cette vie et ce monde ; comme tout ce qui nous compose – comme tout ce que nous abritons…

 

 

La vie singulière – la joie profonde – la tristesse tremblante…

Tout ce que l’on ne voit pas – assumé – parfaitement – comme la célébration secrète du bleu – l’écart – l’exil et la solitude – jusqu’au plus infime événement…

Le corps sans frontière – le regard qui tranche et emmêle – la source attentive aux gestes – à la voix – au corps postural…

Toutes les énigmes du périple – le tumulte du monde et les secousses du temps – exacerbés – inoffensifs – sans effet…

A notre recherche – bien sûr – quoi que nous fassions ; dans l’intérêt de tous…

 

 

A bâtir comme si l’espace ne suffisait pas…

A remplir comme si le vide demandait à être peuplé…

A témoigner comme si l’on redoutait que le silence, un jour, finisse par avoir le dernier mot…

 

 

Là où commence la terre – la chambre commune…

Ce qui est en contact – ensemble ; le corps de la fratrie…

Et ce vent glacial – puissant – nécessaire – qui s’abat comme une hache – capable de fendre toutes les têtes orgueilleuses et indociles…

Là où commence le ciel – là où s’initient – où peuvent s’initier – l’alliance et la prière – toutes les possibilités du monde…

 

 

Le bleu qui défait – la terre qui déraille…

L’intimité de l’âme creusée par la parole…

Au milieu des flammes – le même air que nous respirons…

L’incandescence de nos vies anonymes – apparemment sans flamboyance…

Tout ouvert – à l’intérieur…

Comme un espace dans l’espace ; mille univers imbriqués – en un même lieu – inlocalisable…

Et ce qui s’incruste sur la peau – sous le front – dans le souffle…

Aussi nombreuses que les étoiles – les possibilités…

Le contraire du sommeil – ce que l’on ne voit jamais (presque jamais) dans la vie des hommes…

 

 

Sur une corde – perché – insaisissable…

Dans la brume – les yeux plissés…

Comme si, à cette hauteur, l’on ne pouvait être – et vivre sans réponse ; à chaque pas – le temps débordant et fractionné – comme le soleil – comme l’immonde et la poussière – le grand cirque des Autres – la ronde incessante du monde…

L’Amour comme coincé au fond du silence que le souffle apprend (peu à peu) à disséminer…

Au-delà du nom et du sens…

Ce qui existe en deçà – et par-delà – notre filiation – notre généalogie – à travers toutes nos apparentes appartenances…

 

*

 

Le jour et l’apaisement – dissipés…

Seul – devant le tombeau froid…

A la lisière de l’insupportable…

Attentif à la mort qui vient…

Au seuil de l’hiver – déjà…

 

 

De la pierre autour du cœur…

Le monde tournoyant…

La ronde du temps…

A rêver – en vain – à d’autres univers – à d’autres constructions ; grâce à l’alphabet mouvant dont les lettres mêlent la matière et les possibles…

Une manière – parmi d’autres – d’initier un changement ; le commencement – peut-être – d’une joie plus silencieuse…

 

 

Quelque chose de la mort – sur la carte – des fables et des lois – comme un achèvement – une idée de l’achèvement – qui vient faire obstacle à l’imprévu…

Des questions et des réponses – à la surface ; et, en dessous, le secret qui serpente et s’insinue…

La vraie vie – invisible – qui s’éprouve discrètement – sans que les yeux puissent la voir – sans que les mains puissent la toucher…

Énigmatique – profonde – protéiforme – insaisissable – autant que la question de l’identité…

Un peu de vent – quelques traces – sur le sable…

Quelques tours – un instant ; et bientôt – et déjà – oublié…

 

 

Au cœur de cet interstice creusé au fond du jour…

Sous l’ombre de la dernière couche de matière…

Encore un peu de ciel ; et quelques mots ; sans doute, une manière d’aller à l’essentiel…

 

 

En face de soi – l’eau et la soif…

Ce qui nous sépare de la source…

Le cœur chaviré – emporté par le désir – piégé par l’épaisseur qui nous habite et nous entoure…

Le temps, pourtant, qui se donne pour essayer de résoudre l’énigme – offrir à l’âme la possibilité d’un abri [ou (mieux) d’une demeure] ; un peu d’infini et d’éternité à découvrir et à partager…

 

 

Ce qui ne peut nous être retiré – l’incertitude et la surprise du jour…

La lumière salvatrice – ce qui traverse la pierre – ce qui pénètre la chambre et la chair…

Cette joie – à l’intérieur – qui rayonne…

 

 

Le manque – présent – comme un creux – un trou – une excavation – un puits au fond duquel l’âme et la créature ont été jetées…

Une sorte de trouble ontologique – née, peut-être, d’une défaillance – d’une légère absence ; le ciel – un peu de ciel – refluant de la fosse…

La pente des bêtes et des hommes ; l’expérience terrestre au cours de ce voyage ininterrompu…

 

 

Le monde – comme assis sur lui-même ; étouffé – étouffant ; écrasé – écrasant – devenant un point minuscule aux marges de l’étendue – peuplé de mythes et de barbares au contenu repoussant ; un amas de croyances et d’orgueil…

Quelque chose de si ancien – qui favorise (qui a toujours favorisé) le rétrécissement des routes et des destins…

Parmi les Autres – trop serrés ; un peu d’espace – à peine de quoi tourner autour de soi…

La vie immobile et sommeillante ; et nous – nourrissant (malgré nous) le monstre assoupi…

 

 

Le front déclinant à l’approche du passage…

Toutes les paroles retenues émergeant du trou où elles s’impatientaient…

Tout qui se déverse – jusqu’aux dernières insignifiances…

L’effacement et le vide auxquels on daigne (enfin) consentir…

 

*

 

Du côté de l’invisible ; ce qui ne s’épuise pas…

Jamais le temps – qui, toujours, succède à lui-même…

Une idée – une invention ; ce que l’esprit construit sous l’effet du manque et de la frustration…

Plutôt le rêve que le pas ; plutôt la paresse que l’envol…

Jamais de rencontre ; l’habitude qui saute à la gorge…

La colonne – les colonnes quelques fois – que l’on édifie – et en haut desquelles on amasse « quelques (menus) trésors » ; voués, bien sûr, à l'effritement et à la chute…

La vie – comme un écart – un désastre – une catastrophe ; rien qui ne puisse résister au tranchant de la lumière…

 

 

Une ligne après l’autre…

Page après page…

Livre après livre…

Comme s’il y avait quelque chose à bâtir – une œuvre peut-être – un édifice à l’épreuve du monde et du temps…

Un peu de vent et de mort ; tous les mots confondus…

L’empreinte de la nuit au lieu d’un sourire…

Des circonvolutions au lieu d’un geste ; une sorte de dérive – de délire peut-être – au lieu du jour…

Comme toutes les forces de construction – croissantes – en expansion – monstrueuses…

Une tentative d’étreinte avec les hauteurs ; et qui, un jour, tombera en pièces et en poussière…

Des lettres éparses et insensées ; le monde – la vie – reconstitués – volant en éclats…

Une ambition étroite et démesurée…

Une composition qui vaut moins qu’un arbre – moins qu’une fleur – moins qu’une pierre ; un mélange d’efforts et de sueur qui se mélangera bientôt à la terre ; le terreau, peut-être, du vide et du silence – annonciateurs (presque toujours) de temps meilleurs…

 

 

Emporté au fond de soi – là où l’on fait face – là où l’on perd pied – sans point d’ancrage – à flotter au milieu de l’étendue – l’envergure déployée – entre la matière et l’immensité – de plus en plus indistinctes – pénétrant et survolant toutes les épaisseurs…

La traversée du monde ; l’invisible compris…

 

 

Entre émotion et insignifiance – la poésie qui consent (un tant soit peu) à être humaine – comme un souffle par dessous la surface…

De la couleur de la lumière – destinée à ceux dont l’âme a épousé le vide – et qui deviennent, malgré eux, la jonction entre le monde et l’invisible…

Une fragilité ; une frugalité ; un défaut de puissance (éminemment salvateur) ; le provisoire et l’effacement ; ce qui se voue à la tendresse et à la vérité – au-delà des images et des mots…

 

 

Face au mur – d’attente en étreinte – vaines – aussitôt éprouvées aussitôt éteintes…

A la manière d’une figure peinte et repeinte ; la vie qui s’opacifie…

A notre place – peut-être ; le corps et l’âme à même l’inconfort – posés sur – et constitués de – cette étrange substance ; entre émotion et sensation…

Comme installés (presque dressés) à l’horizontale ; abandonnés – en quelque sorte…

 

 

Le front tremblant – les lèvres blanches – face à l’autorité…

Le ciel – en soi – défaillant…

Comme un vertige devant la grossièreté affichée ; l’humanité trop commune perchée sur son tertre – penchée sur sa pierre…

Au seuil de tous les interdits ; l’offense et l’affront du plus élémentaire…

Ce qui (nous) donne le souffle d’aller au-delà…

 

 

Ce que l’on supporte ; la faille – la blessure – la séparation ; la boue du monde – l’inaccessibilité du vide…

Notre exil ; cette distance grandissante avec les Autres – avec la norme – avec le commun ; et la nécessité quotidienne de la vraie vie – de fréquenter l'Absolu…

L’épaisseur d’une parole entre les morts et les vivants…

L’indifférence face au sang versé ; notre infirmité devant le nombre et la puissance…

La trop grande proximité des hommes…

 

 

Hors du cadre ; l’entrée…

Ce qui se lève – ce qui avance ; par simple opposition…

Au-delà des apparences ; plus loin (beaucoup plus loin) que là où les yeux se posent…

La tête qui glisse ; l’âme qui penche ; du côté de l’inentamé…

Le ciel qui s’élargit au terme de sa propre perte…

Un pas – l’espace – la porte franchie ; immobile – à présent – alors que la marche et le voyage continuent…

Entre le ciel et le sol – le regard dégagé…

 

*

 

L’espace antérieur à la haine – à la peur…

Sur cette rive sans attente…

Le vertige de la métamorphose – le supplice à la carte – ce que nous confondons ; et ce qui a lieu pourtant…

La nuit épaisse depuis des temps immémoriaux…

Des choses dites – des choses faites – (presque) toujours en vain…

L’oubli comme la principale manière d’imposer le silence ; la volonté de ce qui ne se discute pas…

 

 

La mutation – au cœur des bagages essentiels…

Un changement de ciel – hors du temps…

Le monde qui bat la mesure ; à son propre rythme ; et nous, en un claquement de doigts, la possibilité de l’exil – la possibilité de l’envol ; l’allégresse et la liberté…

Le bleu – sans la pierre – sans la prière – sans personne…

Et l’anéantissement du devenir…

Ce que chaque instant nous révèle…

 

 

Mille folies sous le front silencieux…

Le cœur étreint ; et cette présence simple et insensée…

Rien de l’aveuglement ; la parfaite obéissance plutôt…

A la manière des arbres ; réenchanté – sans réponse – comme si toutes les questions avaient été enterrées – emportées ailleurs – plus loin – plus haut – par des coulées de boue et des courants aériens – volatilisées en quelque sorte…

 

 

Une parole discrète – timide devant le monde – apeurée par l’ardeur manipulable des foules…

Soleil et souffle – en commun…

La main tendue – la caresse offerte…

Déconstruit et rassemblé – vide pour ainsi dire – à l’exception de quelques reliquats…

Comme un embrasement inattendu des saisons et de l’impatience ; la figure sage ; et l’œil magique – immobile – si proche de la source…

 

 

Le bleu – fondamentalement – non conquérant…

Le sol et le reste – quelque peu confondus…

D’un lieu à l’autre ; du côté de la bascule et de la transformation…

Et, bien sûr, l’espace (toujours) inchangé…

Et, en nous, l’âme qui (visiblement) frissonne…

Cette manière si commune (et si dérisoire) d’être vivant…

 

 

Au fond des têtes – cette épaisseur – comme un ralentissement…

Ce dont chacun souffre inconsciemment ; une sorte de charge humaine millénaire ; qui a, peu à peu, contaminé l’ensemble ; le corps – l’âme – le monde…

Comme une éclipse de ciel – (presque) permanente…

 

 

La charnière entre le mot et le vent ; entre le vide et le monde…

Ce que nous sommes (tous) – bien sûr – destiné(s) à devenir…

Face à l’abîme – debout – jusqu’à l’autre extrémité de la corde…

De toute évidence – inégaux – les visages et les choses…

Ce qui sépare, sans doute, les âmes du mystère…

Et l’inespéré qui (pourtant) se dessine – à travers tous nos gestes…

 

 

Le blocage et l’extermination – ce que nous encourons à force de hâte et de précipitation…

Comme un refus – une absence – une distraction ; quelque chose qui accroît l’écart et prolonge la durée du voyage…

Comme un détour – un éloignement…

Un périple à angles droits – avec mille choses inutiles ; et l’essentiel oublié – comme empêché…

Des yeux fermés ; une vie – à peine – quelques pas – quelques gestes – quelques respirations…

 

*

 

La pente à gravir ; la terre à retourner…

Le long labeur de la marche et du labour…

La nuit à parcourir ; et l’épaisseur à traverser…

Le soc et le pied – traînant à la surface du miroir…

Le monde ensommeillé ; le mouvement à la manière d’une déchirure – comme une vaine tentative de délivrance…

Rien que des images et de la poussière froide…

Le souffle court à force de respirer l’insupportable – à force de désirer l’impossible…

La présence impalpable de l’invisible ; comme si nous ne devions jamais en voir la fin…

 

 

La main portée à la hauteur du vent…

Avec le ciel en arrière-plan…

Le soleil qui inonde la chambre…

La tête silencieuse ; le monde – les Autres – sur le point de disparaître…

La lumière contre les parois branlantes…

Le renversement quasi complet de la géométrie – l’espace vibrant – le temps de plus en plus furtif…

Une sorte de désescalade de tous les usages et de toutes les inventions…

La pente qui (enfin) se déroule – qui (enfin) se dévale…

Le silence sur le point de remplacer le langage et le cri…

L’éclosion de la résonance au lieu de l’écho lointain et déformé…

L’obscurité décroissante…

Et le visage de l’aube – apparaissant – comme (peut-être) les derniers restes du désir humain…

L’agonie de la volonté et de la voix…

L’éclatement de la figure ; l’explosion des identités…

Seulement – l’abîme et le ciel ; des débris jusqu’au flamboiement naturel…

 

 

Le jour arrondi par les lèvres (trop) délicates…

Plus âpre et anguleux – en vérité…

Sans attente – sans espérance ; ne cherchant rien – ni personne – en apparaissant…

Inoccupé – dense – léger – compact – infini – essentiel…

Ne disparaissant et ne s’obscurcissant – qu’en apparence…

Devenant le centre à mesure que le silence investit l’âme et la voix…

La seule possibilité au monde ; et la seule issue envisageable pour ceux qui peuplent la nuit…

 

 

Ce que nous respirons…

D’un seul bloc – sans jamais se préserver…

Nous offrant à fond perdu ; sans jamais se soustraire…

Ni soif – ni barrière – ni refoulement…

Sa propre énergie reconvertie – indéfiniment…

Qu’importe le terrain – le relief – la nature (et la forme) des visages…

La même innocence et la même authenticité…

Ce qui se révèle (ce qui finit par se révéler) sous le front de ceux qui s’obstinent à chercher…

 

 

Sans recul – face au soleil…

Le teint sombre – la figure ridée – vieillissante…

Hors de ce qui s’applique au monde…

A l’écart des Autres – trop sages – obéissant à toutes les injonctions – soumis à toutes les normes et à toutes les lois – s’avilissant – s’abêtissant – abandonnant les rênes à toutes les autorités élues (ou autoproclamées)…

A sauter dans le bleu comme dans une immense flaque d’eau – joyeusement – sans retenue – pour éclaircir la couleur de la terre – et éclabousser les âmes chétives et apeurées – maladroitement réfugiées au fond de la chair – trop éloignées du jeu véritable pour s’aguerrir et s’affirmer…

Sortir de sa boîte – sourire aux étoiles ; approcher de ce qui végète, depuis trop longtemps, au fond de notre humanité…

 

*

 

Rien – la même obscurité dans le regard…

Le plus désirable selon les hommes…

Comme une égale indifférence face à l’aube – face à l’abîme – face à la lumière – devant le sillon gris des jours…

Passant ; pas même voyageur – puis, devenant, peu à peu, le chemin et le pas qui traversent le monde…

Et des fleurs – et des caresses – parfois – que l’on finit par offrir – aussi naturellement que l'on respire…

A la place des yeux – deux soleils ; et la même source à disposition…

 

 

Comme les arbres – capable de lire le ciel – de décrypter ses messages et ses intentions secrètes…

Dans la volonté du plus haut – toujours…

L’âme silencieuse – enracinée…

Et dans la sève – et dans le sang – le souffle nécessaire pour que le possible devienne la seule réalité – le quotidien essentiel

Des oiseaux et des gestes simples ; ce qu’impose la trajectoires des astres…

Nul autre lieu où aller…

La totalité du temps et de l’énergie consacrée à être et à croître…

Soi ou l’hypothèse de l’absence ; de bas en haut jusqu’à l’inconnaissable…

 

 

Ce qui nous heurte…

Au bord du plus lointain…

A la saison des pertes – l’inconnu devant soi…

L’oubli des Autres – l’oubli des choses ; et ce qu’il reste – le plus incertain…

Ni début – ni fin ; la parfaite (et chaotique) continuité…

Au-delà du visible ; à travers les apparences…

 

 

A défaut de soi – le reste – tout le reste – comme une (incomplète) compensation…

A genoux dans le passage – au-dehors…

A défaut de silence – le bavardage – ce que l’on dit sans y penser – ce que l’on pense sans en avoir conscience ; le manque encore – le manque (presque) toujours…

Ce qui maintient à la surface et à la périphérie…

La nuit retenue à pleines mains…

Rien que du sommeil malgré les yeux ouverts…

 

 

Ce que l’œil accroche ; ce que la main saisit…

Ce qui emplit les têtes et les ventres – toutes les choses du monde perçues par les yeux mi-clos – le cœur à peine battant – l’âme si peu vivante…

Ce qui brille sur le sol – dans le regard de l’Autre ; ce qu’amènent les vents ; et ce qu'ils emportent…

L’air rassurant des siens – de tous ceux qui nous ressemblent…

Pas un instant – l’idée du voyage et de la solitude ; le retrait et l’exil comme issues possibles…

La disparition – l’effacement – au lieu d’un tas de mots et de chair – à engloutir – à expulser…

La ronde (terrible – infernale) des créatures – sous les nuages noirs – qui tournent autour de la même pierre…

 

 

Pareil au jour qui tarde – au jour qui s’étire ; la terre – dans tous ses états…

Au fond des yeux – le désir qui anime et guide les paumes…

Le sol sans fin – sans horizon…

Soumis tantôt à la perception grossière – tantôt à la confusion ; quelque chose – sans espace – qui étouffe…

 

*

 

En soi – comme cherchant à se résoudre…

Les ombres et les sentinelles abattues…

La solitude comme décor – unique (bien sûr)…

Et en chemin – l’étreinte ressentie – cette alliance nécessaire avec ce qui nous habite – avec ce qui nous porte…

La découverte du secret ; et dans l’âme – une légère ivresse – un vertige salutaire…

Une sorte de discernement progressif et silencieux…

La source qui, peu à peu, se laisse rejoindre et dévêtir…

 

 

L’histoire sombre – comme tout ce qui nous précède – comme tout ce qui nous succédera…

Quelques notes – un interstice creusé au cours d’une longue période hivernale ; le monde endormi…

Un peu de feu – un peu de vie – au cœur de la saison glaciale…

Plus qu’une impression ; un sentier qui se dessine ; et que d’Autres, peut-être – un jour, emprunteront…

 

 

Le langage – une porte ouverte sur un monde – des horizons – inconnus…

Seul contre soi – puis, avec – puis, confondus – puis on ne sait pas – on ne saurait dire…

D’abord une interrogation primordiale – obsédante – suivie d’une longue déambulation fiévreuse – une espèce d’errance forcenée et chaotique…

Comme un manque vital à combler ; une complétude – une part de soi – à retrouver – enfouie très profondément – jetée au loin – éparpillée peut-être – éparpillée sans doute – introuvable avec les moyens mis à notre disposition…

Puis – au fil des jours – au fil de l’expérience – la lente (et très progressive) extinction du langage et de la parole au profit de notre manière d’être présent au monde ; au profit de notre capacité croissante à laisser jaillir les gestes que les circonstances imposent ; seulement cela ; l’ajustement naturel (et permanent) au cours incontournable des choses…

 

 

L’un après l’autre – sans confusion possible – malgré les ressemblances et l’uniformité…

Des têtes dans l’intervalle – et tous les souffles qui s’additionnent – comme un (progressif) arrachement de l’individualité ; un amas de chair horizontal ; de la faim – de la semence – des désirs et des excréments ; de la terre par-dessus la terre ; et de l’invisible sur le reste…

A la queue leu-leu – à pas lents (très lents) – vers le ciel ; à travers le même passage vers l’espace – l’immensité…

 

 

Entre le sol et le ciel – l’entente et la possibilité…

Rien de perdu ; rien – jamais – de séparé…

La force continue qui, peu à peu, se résout à servir…

Des allures de marche ; à notre façon – un voyage…

Nous – séjournant ici et là…

L’air seul – ensemble – comme les doigts de la main – comme toutes les parties du corps – vus de l’extérieur – et perçus différemment (de manière presque indicible) depuis le dedans…

La source vivante – respirante – se rapprochant et s’éloignant (tour à tour et simultanément) du point d’origine…

 

 

Passager – sur cette corde étrange qui relie on ne sait pas très bien quoi…

D’ici à ailleurs – sûrement – puis, revenant (sans aucun doute)…

Comme fractionnées à la surface et unies dans les profondeurs – toutes ces choses apparemment éparses…

De secousse en tremblement – avançant ainsi…

Étape après étape – pas à pas…

De destination en destination (plus ou moins prévue – plus ou moins pressentie) ; de lieu provisoire en lieu provisoire – de manière ininterrompue – jusqu’à ce que le fil se rompe…

Ce périple – comme une faille dans le sol – une cassure dans la tête ; et l’âme brisée ; et l'esprit – et le cœur – chargés, comme à chaque fois – depuis toujours, de tout éclairer – de tout réparer – de tout guérir…

Notre vocation – pour ainsi dire…

 

*

 

Chemins de feuilles et de sable – des traits et des sillons – l’empreinte de nos pas…

De grandes arabesques – un grand fouillis chaotique ; notre itinéraire – selon les jours…

Et la même question – la même histoire – depuis des millénaires ; et le cercle qui, peu à peu, s’élargit…

La chronique du monde devant les yeux – les pierres et les arbres – impassibles…

Trop peu d’enfance ; et trop de craintes pour grandir et se laisser aller à la seule dérive nécessaire ; l’esprit – le corps et l’âme – s’abandonnant à l’invisible...

Le vide – toujours (plus ou moins) constellé de choses minuscules…

 

 

Sur cette grande roue qui fait tourner le ciel et les heures…

Peu à peu – déclinant…

D’un jour à l’autre – le sourire changeant – tantôt joyeux – tantôt grimace – selon la densité du monde…

Éphémère – comme le reste…

A fouiller dans son cœur comme au fond d'un trou – au fond d’un puits – sans savoir ce que l’on va remonter avec les eaux boueuses et souterraines…

Et d’un seul regard – ce que l’on décrypte de la terre – des foules – du seau – remplis de choses et d’autres – ce que l’absence a dérobé…

La bouche muette devant tant de trésors et d’indigences agglomérés – variables selon la collecte…

Séparé de tout – solitaire – comme retranché en soi…

Les mains agrippées à la corde pour retenir la mémoire (trop) lointaine…

 

 

La nuit ; comme envahi – aveuglé – tiraillé par les cordes tristes du monde – partagé – comme si la foulée ne comptait pas…

Le sol piétiné par le souffle des foules et des vents…

En apesanteur – comme lévitant malgré la tête attachée aux fils des choses et des visages ; et contraint de vivre, à chaque instant, le risque de l'arrachement – la possibilité de cette douleur – de cette délivrance – au-dessus de la pierre…

Le cœur froid et agenouillé ; sur cette route blanche que l’on ne voit pas…

 

 

Inhumain – sans doute – de plus en plus…

Comme un nouvel éclairage sur le monde – une nouvelle inclinaison – sur cette pente que l’âme apprend, peu à peu, à apprivoiser…

Au-delà du seuil des solitudes – au-delà du seuil de la tristesse…

A quitter, peut-être, la lie des peuples pour un lieu improbable – incertain – inconnu – aux frontières de soi – exactement – là où la lumière et le silence règnent sans rivaux – là où sans séparation tout prend sens – sans question – sans explication…

Au cœur de l’être ; à travers tous ses visages intermittents…

Des tremblements et des fragilités – mille choses au lieu du rêve…

Sur notre socle ; et le vent – partout – tout autour – au-dedans…

 

 

Ce que la vie dessine – sur le sol – dans le ciel ; de la poussière presque invisible…

Ce qu’il faut de matière (grossière et repérable) ; et ce qu’il faut de lumière – pour que l’existence devienne supportable et le monde plus fréquentable…

Sans pourquoi – sans un seul mot – morcelé…

 

*

 

Contaminé(s) – peu à peu – par ce pus extérieur ; à travers mille chemins – mille canaux – minuscules – imperceptibles…

La musique du monde – ce tintamarre qui secoue la poitrine – suffisamment insidieuse d’abord pour paraître attractive – séduisante (aux yeux des plus naïfs) – et qui, très vite, emporte la joie avec le silence…

Et cet agacement rageur – au-dedans ; comme des secousses intérieures – comme le prolongement invisible du vacarme au-dehors…

Encerclé(s) – submergé(s) – devenant nous-même(s) l’un de ces bruits – s’ajoutant à tous les autres – amplifiant ainsi, à notre insu, la terrible cacophonie…

 

 

Nous – glissant d’un bout à l’autre de l'être – de la vie – du monde – comme sur une seule (et même) pente – un étroit périmètre – une aire (très) circonscrite sur laquelle nul ne peut (véritablement) s’établir ; un long dérapage – très souvent ; et, au mieux, une lente dérive – jusqu’à la chute puisque le territoire (comment l’ignorer?) est entouré de précipices ; l’abîme du temps – le gouffre cosmique – le vide de l’esprit ; et dire que nous autres, habitants de la terre, n’avons conscience que de la matière…

 

 

De cercle en cercle jusqu’au nom interrogé ; puis, un long voyage vers l’effacement – vers l’infini…

Peut-être le même parcours – le temps passant ; et, à chaque instant, un seul pas qui nous sépare…

Quelque chose comme un ciel offert en pâture au premier venu – puis, un jour, la ressemblance – l’évidence du désert et de la ressemblance…

La roue qui tourne – qui finit par tourner – en quelque sorte ; et (presque) tout qui, peu à peu, s’estompe – s’évapore – part en fumée ; nous laissant au milieu du silence autour duquel s’obstinent à vibrionner toutes les choses vivantes…

 

 

Comme une pente – des arbres – un ciel ; la terre – comme on peut le supposer…

Et le froid saisonnier devenu perpétuel – à moins que le cœur du monde – à moins que le cœur des hommes – ne se soit figé dans la glace…

Les traits de l’humanité – couchés sur le sol – couchés sur la feuille…

Et dans les bouches fermées – un questionnement suspendu ; rien de (très) nouveau – un peu de stupeur et de curiosité – de la métaphysique élémentaire ; ce que, de toute évidence, l’humanité est encline à oublier…

Rien que nous ; et après le déluge…

Autour – et plus haut – à quoi cela pourrait-il bien (nous) servir…

A se balancer sans cesse d’avant en arrière – comme les enfants et les fous – pour se bercer – s’apaiser – et éprouver la vie, en soi, qui tangue – qui oscille – et qui bascule parfois ; une manière de s’assurer d’être encore vivant (comme dans un rêve) malgré la peur – malgré nos faiblesses – malgré toutes les atrocités qui nous habitent et nous entourent…

 

 

Disparaissant – fractionné…

A l’horizontale – infime particule de poussière…

Aux marges – au centre immergé – invisible – indécelable ; et qui, de temps en temps, refait surface – la tête dans le jour – l’âme en pleine lumière – comme une sorte de renouveau (très) temporaire…

Une émergence de la transparence au cœur de l’opacité…

Deux yeux (grands) ouverts – un regard – au fond du sommeil…

 

 

Une parole – comme un murmure – un silence ; un trésor, peut-être, que nul n’entend – que nul ne souhaite entendre…

Une invitation à la blancheur et à l’oubli…

Comme un fil dénoué jeté en l’air – discrètement – et emporté par les vents – disparaissant dans l’espace – comme avalé – puis, en secret, le devenant…

Un geste quotidien qui célèbre l’effacement et la disparition…

 

*

 

Personne – sans rien autour…

Et la parole – passante – qui se déplace – d’un centre à l’autre…

Le corps et la nuit – en tête à tête – se jaugeant – nouant des alliances – et s’apprivoisant (parfois)…

Et ce qui résonne au fond de l’âme ; ce qui ne peut ni se dissoudre – ni s’obscurcir…

Le plus clair du temps – à la source – assis sur le sol – en silence – le cœur léger – les yeux mi-clos – un peu à l’écart du monde qui tourne autour de lui-même – sans bouger – nous familiarisant avec cette terre où il n’y a plus rien à construire – plus rien à enseigner – plus rien à partager…

 

 

Rien d’autre à imaginer que le voyage commun – cette traversée de l’obscurité florissante – du monde d’en-bas vers la lumière (supposée)…

L’or de l’empreinte secrète – davantage (bien davantage) que le rêve (et son pouvoir anesthésiant) ; l’assiduité quotidienne – discrète et silencieuse – poussant la matière à la verticale (jusqu’à ce qu’elle devienne majestueuse)…

 

 

Le jour creusé – par-delà l’inquiétude…

Les yeux – comme une flèche lancée vers l’horizon – et se fichant (presque) toujours quelque part ; cherchant (en vain) la lumière (sommairement) installée en un lieu introuvable – insaisissable – toujours (plus ou moins) vagabond…

 

 

Au commencement de soi – le cri qui, à mesure que l’on grandit – qui, à mesure que l’on avance, s’intensifie – jusqu’au silence…

Comme si par-dessus le ciel apparaissait un autre visage (plus grand et plus beau que le nôtre) – gorgé de joie – et scintillant comme la pierre sur laquelle nous marchons…

Tête en bas – l’âme renversée – à moins (bien sûr) que le monde ne se soit retourné…

 

 

Des éclats de soi – en pleine figure – le sol rehaussé ; ce qui tente de succéder à l’épaisseur et à l’opacité…

Notre destin inconnu et imprononçable – aux marges de l’invisibilité…

A découvert – pourtant – comme le ciel – découpé – compartimenté…

Au-dessus d’un amas de nœuds et de sommeil ; (à peu près) le même monde qu’autrefois…

Et l’âme – toujours vaillante – creusée comme le seul passage…

 

 

Ce que l’oubli dissipe – réfrène – concède…

La terre et l’aveuglement – enjambés…

Les circonstances – comme détachées de la tête…

La charge du monde et des histoires abandonnée à ceux qui s’en saisissent – à ceux qui s’en satisfont…

Le chemin désobscurci ; et le temps débarrassé…

Ce que les yeux neufs et le cœur vide invitent (et inventent) ; une vie – une route – pleines de joie – de surprises – de beauté…

 

 

Une fraction du tout délaissée – abandonnée à elle-même – vouée à se révéler – à l’écart des Autres…

Ni rêvée – ni entravée – davantage que le reste…

De la même veine ; l’envergure dissimulée…

En soi – le potentiel de la découverte ; le contrepoids de toute question…

Derrière la douleur – derrière la parole – des fragments de monde ; des lambeaux de vérité ; ce que l’âme apprend à incorporer – sans hâte…

L’élargissement de l’interstice ; et l’abolition (progressive) des frontières…

L’étendue – sans appartenance – qui, peu à peu, se déploie en dessous de ce qui semble la remplir – au-dedans de ce qui semble la constituer…

 

 

La rupture rêvée – comme le parachèvement de la solitude…

L’infini entrevu avant la disparition…

Une parfaite transition – en quelque sorte…

Consigné – confondu – emporté – à l’approche de l’intervalle…

Hors du rêve envisagé – hors du périmètre apparent…

Un seul pas – un peu de poussière – pour quitter l’inconséquence et rejoindre le cercle (accessible) de l’enfance…

 

 

Ici – jusqu’à l’usure…

De la stricte blancheur à l’incandescence ; par le même chemin ; mille passages – mille traversées – en vérité – parfaitement simultanées…

D’un gouffre à l’autre – (inlassablement) renouvelé – avec, à chaque fois, un surcroît de mystère octroyé ; le seul accompagnement pour parcourir l’étendue – pénétrer la surface – accéder aux profondeurs (insoupçonnables) de la figure centrale…

 

 

Sans bruit – quelques traits griffonnés – quelques pas réalisés…

Comme un rêve de danse sur une corde tendue au-dessus d’un précipice…

La foulée tranquille – l’âme et l’espace – contenant – accompagnant…

Un peu partout – nous réassemblant…

L’infini – au fond de l’interstice…

Une autre tête – peut-être – ou exactement la même ; mais habitée d’une manière inhabituelle – très différente…

Le ciel – le jour – le mystère – comme murmurés dans la parole – dans la ligne qui se trace – au centre du monde – au centre du gouffre – au centre du cœur – à l’endroit précis où l’on se trouve…

 

*

 

Ici – comme d’autres ailleurs – rassemblés…

Innocents face à la violence exercée…

Un chant qui monte au milieu des morts…

Le jour pauvre – l’herbe foulée…

De grands troncs alignés ; ce qui alimentera le feu ; la seule chose de la forêt que réussiront à dérober les hommes ; les arbres conservant pour eux leur sagesse – leurs trésors – leur mystère ; cette très ancienne expérience du monde qu'ils acceptent, parfois – (très) secrètement, de partager avec quelques âmes capables de s’asseoir seule(s) et en silence à leur pied…

 

 

Le front fiévreux ; plein d’histoires…

Les pieds dans l’argile noire – statufié(s)…

Comme condamné(s) – simultanément – à la fureur et à l’immobilité…

A l’intersection des antagonismes ; supplicié(s) permanent(s) – en quelque sorte…

Le sang rouge – ardent ; et l’âme si faible…

Source de cris que nul n’entend…

A la limite du supportable ; comme coincé(s) entre la douleur et l’espoir – entre la possibilité et la restriction…

Fleur(s) éphémère(s) – vouée(s) au passage ; et offerte(s) à la nuit…

Des ombres ; pas davantage qu’une image…

Un interstice de temps ; plus proche(s) de la fin que de l’origine…

Et à défaut de ciel – le désir – le rêve et la prière…

 

 

La parole brûlante – comme un nouvel éclairage – le monde suspendu par les racines – le silence des feuilles ; le sang qui circule comme la sève – vers toutes les hauteurs – cherchant davantage le ciel que l’altitude…

Quelques signes offerts au vent et à la lumière ; notre exercice (quotidien) sur la pierre…

 

 

Trop lourdement – révélé – impliqué – le monde…

Réduit à une figure impérieuse – impérative – envahissante…

Tout un parcours – avec mille choses à réaliser – mille choses à proscrire…

Un long couloir délimité par les lois et les pas antérieurs – comme une mémoire du sol qui gagne, peu à peu, tous les esprits…

Un souffle – des vies – façonnés par la force collective – prisonniers de bornes (apparemment) infranchissables…

 

 

L’obscurité sans trêve – le chemin à dérouler…

Dans l’indifférence et le rêve…

Et l’immobilité – comme le prolongement de l’illusion…

Le même pas – indéfiniment réalisé…

Le noir qui succède au noir…

La volonté verrouillée – la douleur et l’inconséquence – ce qui nous anime – ce qui nous entoure…

A tourner en rond – au-dedans du cercle – enfermé(s)…

Sans intériorité ; et l’extériorité tout juste nécessaire ; de quoi respirer – un peu ; de quoi vivre – à peine…

Un espace qui – à force de traces – qui – à force de sillons – finit par ressembler à un abîme…

 

 

Sans support – la réponse – le silence – obscurément clair – au-delà du rêve – au-delà de la raison ; né(e), peut-être, des profondeurs les plus lointaines…

L’origine à découvert – à mesure que le vide se creuse – à mesure que disparaissent les embarras…

 

*

 

Sans que personne n’entende…

Des arbres – sans vestige humain…

D’autres reliquats – bien antérieurs…

De la pierre crachée par la terre – il y a si longtemps…

Sans que personne ne voit…

De larges gouffres où règne la mort…

Et de grands sacrifices derrière les luttes apparentes…

Sans que personne ne comprenne…

L’invisible pas même caché…

Des courants qui font tourbillonner ; et d’autres qui emportent…

Sans même quelqu’un pour en témoigner…

Trop lointain – trop proche ; trop éternel – trop passager…

Notre main – si minuscule – au creux d’une paume immense…

 

 

A se perdre dans cette nuit sans yeux ; et qui, si elle en avait, ne nous regarderait pas…

Trop semblable(s) à elle – comme confondu(s)…

Mille parts serpentant dans le lit maternel…

De petites bouches voraces – le cœur ferme et tenace ; et noir (comme il se doit)…

Tous les visages de la terre – dans la gueule du monde – dans la gueule du temps…

Présence d’ombres…

Des parcelles et des pugilats…

Le ciel strié de larges lignes horizontales…

Comme des trous dans le vide…

Et le Styx qui sépare ceux capables de voir de ceux qui vivent les yeux fermés…

Les hommes et les bêtes – plongés dans ce gouffre obscur – incompréhensible – mystérieux…

Des pleurs – des cris – des mains qui se cherchent et s’agitent – avalés par la nuit sans yeux…

 

 

Poussière et face scintillantes – à mi-chemin l’une de l’autre – ivres jusqu’au vertige…

Au milieu de nulle part ; et pas si perdues pourtant…

Libres et naturellement portées…

A cette hauteur que permet l’absence…

Jamais à tort – là où l’on a (involontairement) disparu…

 

 

La parole esquissée – par le geste précis ; l’âme perméable…

Le monde librement traversé – décrit (et jamais reconstitué)…

Dire – sans précaution – sans pesanteur – l’abondance et la complexité – l’emmêlement et le rayonnement des choses…

La page comme une grève caressée par les vagues – les mains de l’océan – abandonnant quelques taches d’encre destinées à ceux qui n’ont plus sommeil…

Nos étoiles et notre lumière – intérieures – réunies…

 

 

Aussi longtemps que possible – la terre – l’instant – ce qui se réalise – malgré nous – (très) momentanément…

Le vide à déchiffrer ; le monde en plein jour – pourtant…

Un soupir ou un pas – mille possibles ou ce qui s’impose – l’envol ou le repli – la caresse ou le coup ; la tristesse ou le vertige ; foncièrement la même chose ; à peu près rien…

Le cours du monde – tel un écoulement naturel (inévitable) ; les résidus successifs et cumulés, peut-être, du mouvement inaugural (à la puissance inimaginable) qui forment une interminable série – une (très) longue cascade ; et qui ruisselle sans discontinuer ; mille danses au cœur du vide – au cœur du silence – qui ne réclament ni participant – ni témoin – ni commentaire…

Ce que nous sommes et contemplons – simplement…

 

*

 

Au seuil du silence – les lèvres entrouvertes – muettes (bien sûr) – comme stupéfaites devant tant de beauté – devant tant de grandeur – devant cette danse étrange et lente – comme l’épuisement de tous les possibles ; et les heures qui se vident – autant que le monde ; plus rien – ni personne – excepté cette immense arabesque dessinée dans l’air ; comme nos pas – nos propres pas – virevoltant sur une piste de sable verticale (et aérienne) – tournoyant avec l’espace – devenant le mouvement – la grâce et la lenteur – l’harmonie – l’obscurité et la maladresse ; quelque chose d’inimaginable – littéralement ; et qui (vous) laisse bouche bée…

 

 

La nuit immense – effacée…

Mille roues qui tournent…

La voix commune commentant – impuissante – le désastre…

Les mots comme de la neige sur le sol noir…

Et comme un feu qui couve sous la saleté – sous les couches (épaisses) d’immondices…

Comme un rêve – un peu de douceur – (bien) trop d’illusions (bien sûr) – sur cette terre invivable…

 

 

Les choses si proches – comme la pesanteur…

Le temps fractionné pour mesurer l’invisible – (à peu près) tout ce qui nous échappe…

Des chemins – quelques-uns – si peu (en vérité) – dont le nombre est (rédhibitoirement) restreint par nos propres limites…

Trop de poids ; trop lointain – cet ailleurs (pas même désiré)…

Des voix qui crient ; des corps qui s’agitent ; l’inconfort grandissant de l’âme…

Et parfois (trop rarement – sans doute) comme une offrande livrée à l’inconnu ; le langage du cœur à la place du sang que l’on fait couler habituellement; comme si la tendresse recouvrait (pendant un court instant) nos vies minuscules – comme si elle enrobait nos gestes quotidiens si rudes – si âpres – si peu aimants ; la présence de Dieu, peut-être, inespérée dans cette lumière intermittente…

 

 

Face à l’homme – infime – minuscule – dérisoire – la danse éternelle – la poussière qui tourbillonne ; la lumière et le mouvement – proches de la source…

Le temps d’une vie – le temps d’une parole…

Quelque chose qui apparaît ; le rien récurrent qui, sans cesse, recommence…

Le jeu du vide et de la matière immergée…

 

 

Entre les lignes – le plus haut – pour lutter contre l’oubli du plus précieux – ce que la gravité et l’épaisseur dissimulent…

Au-dessus des abysses à la noirceur absolue…

Et ce qui survit aussi – au-delà du socle et des couleurs dont nous aimons parer le monde…

Le feu et la farce – face au silence – démasqués – et révélés (comme redécouverts) par les yeux affranchis d’une humanité (trop) fantasmée – telle qu’on nous la présente (un peu partout)…

Tout à plat – mille choses exposées ; et le cœur – et le geste – pour réparer le désastre et l’ignominie de la séparation…

 

 

Sous le bras – le monde – emporté – arraché à ses malheurs – à ce sort sans hauteur – soumis au rêve et à la violence – abandonné à l’ignorance et à la hargne des vivants – délaissé par le ciel – par les Dieux – devenu inamical au-delà de la désespérance…

Montagne noire sur laquelle se pose un peu de neige – manière de rompre avec la pesanteur – avec les traditions ancestrales (plus que millénaires) – presque toujours favorables à la brusquerie – à l’inertie – à l’opacité – à la prolifération de communautés terrestres privées de tendresse – de sagesse – d'innocence…

 

*

 

Sans carte – sur le territoire des hommes…

Sans confiance – caché dans un coin – abrité des yeux (trop) fouineurs – des yeux aux aguets – des yeux indifférents…

Un rire coincé au fond de la gorge – en bonne place – aux côtés de la peur…

Un abîme pour un autre…

Flottant parmi les effondrements et les détritus…

Dans le grand bain du monde – le masque des bêtes posé sur l’âme – quelque chose entre la sauvagerie et le sommeil…

Étranger sur toutes les rives visibles – à la recherche moins de l’abondance que d’un lieu où l’on ne sera pas blessé…

Si inoffensif ; si innocent encore…

 

 

Fils de personne – arrivé là sans hasard – d’un commun accord – sans doute…

Inapte au retour – inapte à la fuite en avant ; inapte à toute perspective collective – à tout ce que l’histoire ou les Autres impose(nt)…

Dans la faille – entre le fond et la sommité apparente – à descendre et à monter – comme l’instrument d’une main invisible – le jouet d’un géant à la figure immense et cachée…

Parmi la quantité – simple élément sur la balance – pour faire contrepoids au vide (de manière insuffisante apparemment)…

A l’écart de la multitude mal appareillée – équipée pour la guerre ; et nous – si désarmé(s) – contraint(s) de fuir ces fronts trop belliqueux – ces rivages trop peuplés où ne règnent que le désir – la faim – le sommeil et la férocité ; rien qui n’invite – rien qui n’incite – à rester…

Quelques pas encore – un envol – une chute – vers un ailleurs, sans doute, pas si lointain…

 

 

Comme l’eau qui coule sur les hauteurs du monde ; clairs – limpides – rafraîchissants – le bleu et le front – accolés…

A grands traits esquissés – tous les bruits et toutes les danses – de la terre…

L’instinct naturel et le plus sauvage – immergés dans la chair…

La liberté – comme un bloc ; quelque chose de furtif et de primesautier…

Le dehors et le dedans – entremêlés…

Dépossédés par les vents qui nous emportent…

Vivants – debout – dans la lumière – insaisissable(s) – jusqu’à l’usure…

 

 

Jamais tarie – en soi – la source ; ce qui ouvre la route ; et ce qui s’élance dessus – prêt à toutes les explorations – à toutes les découvertes…

Le vide – en filigrane – en arrière-plan…

Ce qui culmine à des hauteurs aisément accessibles – ce qui permet à la voûte de rester ouverte sur l’infini…

D’un bout à l’autre de l’étendue – le scintillement des couleurs – le jour rougeoyant – la joie désenfouie (remontant des profondeurs) ; ce qui offre aux vies ce souffle inespéré…

Davantage, sans doute, qu’un bout de chair animé…

 

*

 

Des ponts – des ports – dans la brume déchirée ; ce qui s’empile – ce qui s’entasse – des détours et des raccourcis – ce qui nous fait avancer plus vite – avec, en point de mire, l’autre extrémité de la vérité ; ailleurs – autrement – il va sans dire bien qu'il soit incontestable que nous demeurons immobiles…

Pas un accident de l’histoire ; la possibilité de rejoindre le contraire de la nudité – du silence – de l’immobilité…

En multipliant les chimères (toutes les inventions possibles et imaginables) – ainsi parvient-on à progresser – du moins le croit-on…

Comme un empilement de baudruches sur la terrasse – pour tenter de s’envoler…

Encore distrait(s) par le sommeil – entre rêve et réalité – qui peut (réellement) savoir…

Des titres et des colonnes – des édifices de pierre et de papier – l’orgueil – comme l’illusion – à son comble – si impatient(s) de toucher le ciel – de côtoyer les Dieux – d’échapper à la pénombre et à l’infortune…

Le jeu du vide – grâce à eux – malgré eux – cherchant, à travers leurs élans – tous leurs mouvements, à faire coïncider ses deux versants ; mille mondes où nous évoluons – comme si l’on essayait de passer de la succession à la simultanéité…

Un défi ; le défi que chacun doit relever…

 

 

L’âme – la chair – la face – raclées par tous les yeux – par toutes les mains – par tous les événements successifs…

La grande route devenue chemin – puis, sente étroite – puis, passage invisible…

Toujours plus en avant – toujours plus profond – comme un retour sur soi ; d’ici aux premiers temps de l’origine ; et au-delà si la soif le permet – si l’élan se montre suffisamment puissant pour tout soustraire – jusqu’à l’ultime couche qui nous sépare du reste – de la nudité – dont on ne peut (évidemment) rien dire – qui n’appartient à personne – ni à aucun temps…

 

 

Au plus près des étoiles – la saison des amours – des allées et venues – d’incessants va-et-vient…

Le monde bruissant – buissonnant ; des orgies – des banquets – des libations – sur la pierraille ; le ciel à portée d’ivresse – le délire jusqu’au vertige…

Le désir et le sommeil ; et la faim intermittente – récurremment obsédante…

Des lieux sans autel ; des rites pour que fleurisse l'abondance – pour qu’elle se répande – et envahisse l’espace – tous les lieux…

Et l’Autre – les Autres – consubstantiels (bien sûr) au monde et à l’illusion ; la danse des corps qui, sans même le savoir, célèbrent le ciel ; la multiplication de la multitude au service de l’unité ; l’ensemble et le Un – inséparables – virevoltant – s’écartant et se rejoignant sans cesse – jouets de leur propre Amour – de leur propre respiration ; et invitant dans la ronde tout ce qu'ils rencontrent – tout ce qui les constitue…

 

 

Le jour – en vain – si souvent – comme une nuit déguisée ; de l’obscurité (de plus en plus) sur des pantins aveugles – confus et agités ; comme un feu désespérant dont la fumée – grise et épaisse – assombrit davantage que n’éclairent ses flammes…

Trop d’engluement – d’aveuglement – d’épaisseur…

Des âmes inertes ; rien qu’une surface où le monde se reflète – où l’idée même de ciel est écartée…

 

 

Bâton à la main – sur cette sente solitaire – escarpée – de moins en moins ; une pente en soi – aux reliefs singuliers – étranges – accidentés – disparates…

Avec à ses côtés – un carnet ; une manière de noter l’itinéraire – la lente et mystérieuse progression…

Ce que la blancheur et la terre finiront par recouvrir…

Nous – comme une portion – une surface – un interstice – qui, peu à peu, gagnerait en envergure – en profondeur – en densité…

Quelque chose de l’homme ; et quelque chose du point – assurément ; à relier à l’ineffable et à l’infini…

Le visage intensément changeant de la vérité – de plus en plus émacié à mesure que l’on s’approche de la nudité ; et à la fin – rien ; seulement l'essentiel – et le nécessaire qui s'impose ; une présence et des gestes quotidiens – denses – intenses – provisoires ; l’essence de l’espace et de la matière – en ce monde…

 

 

Des pans de ciel effondrés – affalés sur la terre…

Trop de temples dressés à l’horizontale ; la seule perspective humaine – trop souvent…

Le rêve – comme un air d’ailleurs (presque) toujours suffisant…

Une seule route – des choses et des choses – entassées – d’un point à l’autre ; comme une ligne tracée qu’il faudrait suivre ; et que nous suivons…

Et le soleil – sur nos pieds nus ; la docilité et l’indigence – sans rien comprendre…

 

*

 

La voix – parsemée d’éclats de monde et de fragments de vérité ; à la manière d’une hampe dressée qui émergerait (péniblement) d’un océan de mensonges et d’illusions…

Comme des vagues successives – discrètes – intermittentes – porteuses d’un bruissement sourd et profond ; porteuses d’une gravité nécessaire face à la frivolité des hommes…

Et de la joie (bien sûr) pour ridiculiser (malgré elle) la gaieté insouciante des visages…

 

 

Le monde – noué à une écharpe – se balançant au-dessus du vide – tournant autour de la vérité…

Le sort terrible que l’on impose à la matière…

Un peu de ciel et de lumière dans l’obscurité qui nous habite – dans l’obscurité qui nous entoure – dans l’obscurité qui nous fait face…

Comme un sursaut (un surcroît peut-être) de conscience parmi trop de rêves – parmi trop d’images et de miroirs…

Quelqu’un qui parle au milieu du sommeil – au milieu des ensommeillés – un parmi d’Autres – peut-être…

 

 

Des choses et d’autres – mille roues qui tournent – le monde et le temps…

Des existences sans répit – exténuées…

Et ce manque (incroyable – indicible) face au ciel – les yeux implorants – les lèvres frémissantes – entre colère et prière – toujours (plus ou moins) mélangées – toujours (plus ou moins) hésitants…

La mémoire défaillante – mal (très mal) rafistolée…

Et dans le ventre – ce qui était vivant…

Et dans la tête – cette brume – comme un fouillis d’images…

Et dans le cœur – ce qui se cherche encore…

Sans retour possible – le cours inéluctable du monde – ce qui nous rapproche de l’origine – de l’essence – sans jamais nous en être (réellement)

éloigné(s)…

Ce qui est au lieu des représentations et des croyances…

Entre la goutte – la vague – l’eau et l’océan – par intermittence – ce que nous sommes et ce pour quoi nous nous prenons – au fil du chemin – au fil des circonstances ; et toujours – de la plus juste manière ; ce qui respire en nous – indubitablement…

 

3 août 2022

Carnet n°276 Au jour le jour

Novembre 2021

Là où sommeille le monde – en ce lieu précis ; sous les pierres et les âges ancestraux – la source…

Ce que le souffle et le sang cherchent (sans même le savoir)…

Les jours qui passent…

La vie – entre les paumes – qui se défile…

L’Amour – l’envol – au creux du poing serré…

 

 

Des siècles – en nous – inertes – qui hurlent au milieu du silence – dans cet espace fermé – recouvert par les habitudes et les répétitions…

Comme un abcès monstrueux qu’il faudrait percer jusqu’au souvenir initial…

L’enfer prêt à se vider – pour nous renvoyer au premier jour – au premier instant – de l’innocence…

L’enfance vierge – non corrompue – sans avenir – sans existence…

 

 

Sans repère – à moitié enveloppé…

Le monde privé de parole – de poésie…

Comme de la matière en vrac – livrée à elle-même…

Des abîmes ; et des courants – dans le sang – qui nous portent…

Sans boussole – à la rencontre de personne ; des fantômes aux yeux clos – aux yeux baissés…

Des lèvres qui bougent ; des sons inarticulés…

Le rouge des cris et des bouches déformées…

Des automates aux gestes mécaniques qui saccagent ce qui n’a de nom – ce qui n’appartient à personne – les conditions mêmes de la transformation nécessaire – tant espérée…

 

*

 

En un tel lieu – mille portes fermées…

Toutes les têtes qui se détournent…

Ce qui favorise la fuite forestière – les chemins de traverse – l'exil en territoire sauvage…

Le grand jour – caché – cryptique – pour soi (rien que pour soi) – parmi les bêtes et les rochers…

Sous le vent – silencieux et vertical – comme notre parole – comme notre vie – qui s’étaient, au temps de l’enfance – au temps de l’horizontalité, déguisées en offrande au monde – et qui, un jour, (lasses de ne voir aucun changement – aucune amélioration), y renoncèrent (définitivement)…

 

 

Là – entre nos lèvres – jadis tremblantes ; muettes – à présent – comme si le corps – notre support – avait connu le pire – la fréquentation assidue du monde – l’innommable environnement…

Les bras autrefois ouverts – fermés depuis quelque temps…

Et l’âme – si pleine – si regorgeante – d’espérance – naguère – elle aussi transformée en neutralité distante…

Ni tien – ni mien – nôtre seulement ; le poing – l’enfer – le labeur – la sagesse – quoi que nous mettions dans la balance ; la terre et le ciel – le même visage…

Au bord de l’Amour – déchiré…

 

 

Le cercle entrouvert auquel nous appartenons ; et le cercle fermé auquel nous croyons appartenir…

Et tous ces chemins où crissent nos souliers – où grincent nos dents…

Le point culminant de l’oubli ; cette indifférence qui met tout en péril…

Demain ou la nuit…

Le gisement ou la fleur…

La muraille ou l’éboulis…

Qu’importe nos rires et nos grimaces…

La vie – cette vie – sans lumière…

Le monde – ce monde – et cette inclination familière – qui privilégie (presque) toujours la blessure à l’innocence – la balafre à la beauté…

 

 

Pêle-mêle – la joie et le cauchemar – l’horreur et l’étreinte – la confidence (murmurée) de la terre et des Dieux…

Quelque chose d’amer et de lumineux dans la bouche et la poitrine…

Un mélange d’instinct et d’origine…

Ce qui cohabite – en nous – de manière si parfaite – si incisive…

Le recommencement permanent du monde et du silence…

 

 

Au commencement du poème – le souffle vital – la vie respirante – l’infini contracté – comme confiné – emprisonné dans la forme…

Le monde – dans la course – amputé – estropié…

Le besoin de lumière…

Ce qui nous sépare de la rencontre…

L’obscurité régnante qui (nous) condamne à l’impasse…

La possibilité – le poids de la parole – pour contrebalancer notre insignifiance et notre gravité…

 

 

Seul(s) – issu(s) de l’espace et du silence…

A intervalles réguliers – à cheval sur la courbe du temps – des interstices dans la réalité – nos hallucinations et la méconnaissance collective…

La beauté d’une lumière que nul ne (re)connaît…

Là – sans possession – vide et joyeux – en plein néant…

Comme un ciel – une parcelle de ciel – invité(e) au cœur de la substance…

La traversée de la glaise – et de la consistance apparente – en renonçant au nom – au sang – à l’affrontement…

Un sourire (un simple sourire) jeté entre nous et le monde…

 

*

 

Une halte réciproque – l’un face à l’autre – en soi – le visage décollé du temps…

Le monde oublié ; et la lumière nue…

Les mains pleinement agissantes – quotidiennes – sans démesure…

De moins en moins lourdement vivant…

 

 

La blessure affamée qui nous ronge – qui nous laboure – qui nous récolte…

Son terrain – ses vivres – sa propriété ; né(s) pour elle – en quelque sorte…

Et, peu à peu, la possibilité du renversement jusqu’à la guérison – jusqu’à l’effacement de la blessure…

La reconquête de l’Absolu – en lieu et place de la chair et du sang – définis et célébrés (en général) comme le seul horizon (humain)…

 

 

Ici – l’angoisse – tracée à l’équerre ; perpendiculaire à l’écrasement progressif – le manque d’espace – de possibilité ; et l’asphyxie (inévitable)…

Comme le plus précieux – ignoré…

Poussé jusque dans ses propres replis…

Un étouffement de la parole ; et toutes les étoiles (naturelles) refoulées…

La vie durant – cherchant, en vain, son souffle – une lueur – un chemin – sous un couvercle qui transforme le monde en une forme (terrible et insidieuse) de pénombre – d’obscurité ; le noir auquel on s’accoutume…

Et l’absence d’air – d’horizon – d’envergure – qui, peu à peu, nous envahit – comme une ivresse – un vertige – jusqu’au dernier battement de cœur…

Et pour nous sauver – nous affranchir du joug ancestral – le sang qui, parfois, vire à l’encre ; et le cri que l’on parvient, parfois, à convertir en silence et en poésie ; manière d’affronter le monde – le temps – les traditions et de transmuter la douleur en espoir de voir le jour…

 

 

Le mot-monde que l’on cherche – sans (véritable) signification – sans (véritable) explication…

Ni signe – ni sens – davantage rythme et sonorité – danse de l'être avec les choses – avec l’espace ; et le silence qui, peu à peu, envahit la tête – les gestes – les pas ; et l’âme (toute entière) qui tremble – qui frémit – avant de rejoindre la ronde tourbillonnante des éléments…

Comme une infime partie de la terre – du vivant – (possiblement) sauvée par la parole ; le rôle (l’un des rôles) de la poésie…

 

 

Le jour – assassin du repli – de la pénombre – où l’on détient l’Autre – où l’on détient le monde…

Infiniment libérateur alors que l’on se tient sur le seuil – en protecteur de la détention – en gardien de notre propre monde – infime – misérable – nauséabond – où tout ce qui s'y trouve devient – (presque) à notre insu – un instrument…

Un piège – un amas de choses – que l’on conserve derrière la porte – par-devers soi ; cette incarcération qu’explose la lumière…

Le déverrouillage de l'ordre factice – mensonger…

Et le grand air et le plein ciel – enfin retrouvés…

 

 

A tourner autour de nous – comme si le soleil était notre seul allié – notre seule alliance…

La terre-voyageuse – ensemble – trop étroits – trop démunis – pour prétendre à la moindre solitude…

Comme des damnés derrière leurs grilles – à suspendre – à essayer de suspendre – le temps dans nos veines – de retrouver la perspective des anciens – des premiers Dieux peut-être – avant que ne soit scellé, en ce monde, le destin des naissances…

 

*

 

Une absence supplémentaire – à la manière d’un égarement – peut-être une délivrance…

L’ombre nécessaire pour que naisse le jour…

Une apparence épaisse pour que puisse se rompre la chaîne…

Et le reste de vigueur – pour les larmes et la joie…

 

 

Le jour ruisselant – le ciel éclaté…

Le monde recouvert…

Des fragments – des cascades – de lumière…

Et les yeux ébaubis – et les têtes hébétées – comme au spectacle – n’osant y croire – imaginant une comédie – une espèce de fiction ordonnée par les Dieux – pour nous confondre et condamner notre incrédulité – notre méfiance – notre défaillance perceptive…

 

 

Au plus bas – là où l’Amour est nécessaire…

Une joie d’innocent – comme au premier jour…

La douleur – entre les lèvres – parfois ravalée – parfois régurgitée ; notre substance essentielle – celle qui prolonge le sang…

Le dos voûté – le cœur brûlé – la respiration de plus en plus difficile – de plus en plus faible…

Et les bras ballants – puis, en croix – le feu déclinant…

A l’horizontale – le sacrifice et la consumation…

Rien que soi – à même la chair – à même la solitude – sans personne – encerclé par la tristesse et le néant…

Et – en soi – le vide qui s’ouvre pour nous avaler…

Bientôt la chute et les grandes étendues – la neige et le ciel ; la désagrégation du monde – l’effondrement de tous les mythes liés à l’enfance (qui n’a que trop duré)…

La fin des massacres ; la parole qui devient (enfin) sage et silencieuse…

 

 

Le vide qui porte la voix – la parole contenue…

Un chemin qui serpente – qui invite à l’errance – au désert – à la confusion…

Le silence et l’éternité – en ligne de mire – jamais oubliés…

Loin des rêves et des terres brûlées…

Le langage poussé jusqu’au mutisme – jusqu’ à l’effacement de toutes les questions…

Le désir de l’oubli et de la connaissance ; remplaçant, peu à peu, la mémoire et le savoir…

Ni Dieu – ni vérité ; la parfaite absence de l’homme…

 

 

Ce que l’on honore – au détriment des Autres…

Ce que nous sommes venus faire en ce monde – sans rien deviner…

Qu’importe le sens et l’origine pourvu que les apparences dissimulent la tentation des profondeurs…

Rien – ni personne – sans refuge – au milieu des Autres…

Ce que l’on affiche – ce que l’on peut voir – étrangement confondus…

A la place de l’invisible – le clinquant et le péremptoire ; des galeries où l’on s’expose sans jamais rien creuser…

 

 

La pensée lancinante – ce support à vent – dont le chemin jamais ne croise la vérité…

Des traits de silence – en parallèle…

Ce que l’on tait – l’omission et le mensonge – tout ce que l’on cache…

L’évidence même ; notre généalogie et notre géographie – exposées devant notre visage – devant nos yeux fermés…

 

*

 

A la dérive – la blessure naturelle…

Cet œil sur notre épaule ; et cette oreille à qui l’on confie son indifférence…

Des lignes – à vau-l’eau ; un peu de clarté dans la nuit – notre souffrance…

Un chuchotement insondable ; et le dehors chahuté essayant d’expier tous ses crimes…

Comme autant de disgrâces souterraines…

Quelque chose – une posture peut-être – auquel nul n’est accoutumé…

Des paroles trop rudes – trop nues – trop blessantes pour les mortels…

Les conditions (pourtant) propices au désordre – aux tourbillons – au chamboulement ; les prémices, peut-être, d’un retour vers l’origine – de l’invisible…

 

 

Nous dévisageant – avec une moue étrange – nous reconnaissant à peine ; des reflets sombres dans les yeux – des fragments de silence et de miroirs curieusement assemblés – nous laissant une impression de solitude…

Seul et déclinant – faiblement dressé face au règne de la terreur et du mensonge – face au règne de la bêtise et de l’infamie – ne pouvant nous résigner à cet hideux portrait malgré notre engourdissement…

Comme dépositaire d’un secret rarement révélé ; des accrocs dans le ciel désiré ; et l’image de la mort fissurée…

Quelque chose d’un soleil imaginaire dans notre éblouissement et notre suffocation…

A l’affût d’un attelage plus simple et plus digne ; une autre vie – peut-être…

 

 

La fatalité – en plein cœur – comme une plaie supplémentaire ; de la nuit – un peu de nuit – greffée sur l’âme…

Ce qui contribue à notre chute…

Le jour trahi par l’absence ; et l’impossibilité du saut vers la source ; le salut auquel il (nous) faut renoncer…

 

 

Le possible – mille fois interrogé et parcouru – prévu dans les moindres détails…

Le prolongement du temps présent – sans surprise – sans incertitude…

Comme englué(s) dans une peur, sans cesse, mise en avant – à la manière d’un axe autour duquel tournent les hommes et le monde…

Des têtes si craintives ; et leur cargaison d’interrogations (préalables)…

Le désengagement (quasi) complet de l’âme…

Le refus (manifeste) de la vie ; contre le risque (le moindre risque) – le règne tyrannique et mortifère de la raison…

L’humanité qui s’enferme (plus profondément encore) dans son labyrinthe ; ce monde parallèle au monde…

Et la résistance du reste et des éléments naturels (et de quelques-uns – à l’intérieur) – poussant cette possibilité (salutaire) d’infiltration – favorisant cette possibilité (providentielle) d’explosion – pour contrebalancer cette perspective humaine malheureuse et (affreusement) pusillanime…

 

 

Au milieu des Autres – un paysage de distraction…

La marche rêche et raidie ; et cette crainte de se perdre – de se fondre – dans la masse – d’être absorbé – d’être englouti – par cette bouche immense – avide – vorace – qui avale tout ce qui traîne – tout ce qui passe à sa portée…

Dans toutes les directions ; le temps du divertissement…

Des siècles sans écho – jusqu’aux confins de l’univers – comme si nous avions choisi la pire inclinaison…

La répétition de ce qui nous détient – de ce qui nous enchaîne…

Et partout – et toujours – la même célébration – celle de la séparation et du sommeil…

La noirceur des esprits et des âmes privés de ciel et de lumière…

Un monde sans espoir – en voie de décomposition…

 

*

 

Dans un coin (minuscule) de l’espace – lèvres entrouvertes – pour murmurer une (pauvre) parole ; quelques mots – dans un duel inégal avec les Autres – le reste du monde – mais dictés sous la force du silence…

Simple et sans érudition…

Directe et sans hâte – comme pour disloquer les cœurs (avec discrétion) et y creuser une fente suffisante pour y glisser le jour – un peu de lumière – à la place du noir et de l’espérance…

 

 

Une route – de l’absence au détachement – comme une fenêtre – une silhouette qui s’éloigne – qui prend la forme de l’horizon ; un point minuscule qui rejoint l'immensité ; et qui renaît au monde sans visage – sans identité circonscrite…

Quelques remous entre les murs avant l’évanouissement et la disparition…

Deux bras ouverts dans la nuit – tel qu’un jour sera le monde…

 

 

Autre chose que l’aube habituelle ; comme des liens dans l’obscurité…

L’âme recroquevillée dans le froid – sans usage – déroutée – s’affairant, soudain, sur ses blessures – s’adonnant aux soins – œuvrant à la guérison – se redressant hardiment vers le ciel serein – caressant du regard la chair et la pierre – la matrice du monde abandonnée à sa propre violence et à sa propre incurie ; indigente et meurtrie – ne réfléchissant que le sombre des étoiles ; et cette nuit suspendue au-dessus des têtes…

 

 

En l’Autre – les mêmes directions ; la possibilité de la parole et du passage…

L’univers – dans toutes ses déclinaisons…

Des millénaires de mésententes et d’étreintes…

La ressemblance équivoque ; et les apparences et les profondeurs (relativement) séparées…

Le lieu des saisons et de la répétition – des ruses et des cachotteries – de la transformation involontaire – et, parfois (bien plus rarement), du voyage vers la lumière – le silence – la sensibilité…

La lente (et inévitable) évolution de l’homme…

 

 

Le jour – intérieur – comme l’espace – comme l’immensité…

Ce qui veille – en nous – aux côtés de l’Amour…

Une présence sans corps – recouverte de chair…

Des restes de vent – un peu de sable – un peu de rêve et de poussière…

Ce qui allège le pas – le monde – toutes les formes de gravité ; l’ignorance et, parfois, même la mort…

 

 

Dans la débâcle – des mains agitées – des esprits absents – le monde entier…

La géométrie des angles morts ; et la géographie des replis et des turbulences…

L’impensable, peu à peu, qui advient – lui enfoui si loin – dans les tréfonds de la lumière…

Le ciel et le sol – si peu explorés – si mal connus – divisant la terre et la tête…

La foule – ivre – tournant en rond – autour d’elle-même…

Au fond d’un abîme vertigineux ; au creux d’un gouffre métaphysique quotidien…

Le serpent – rattrapant sa queue – et s’avalant (finissant par s’avaler)…

Fantasme ou réalité de cerveau malade ?

Dans nos pensées – tant de possibilités ; et sur la pierre – si peu de choix…

 

*

 

Secrètement reconnaissable – la source jaillissante – aussi loin qu’elle se reforme à la vue – et à l’insu – de tous…

Sans anticiper – une nuée d’images qui se dissipent – qui se dispersent…

Le plus visible, parfois, (très) sévèrement rudoyé…

Et le goutte à goutte des vies antérieures qui infuse l’instant – chaque instant ; une succession – comme une durée qui, indéfiniment, se prolonge…

Et le rêve qui s’arrondit avant de heurter le sol…

Et la pierre trempée dans la nuit…

Et nous autres – encore – sous nos peaux de bête…

 

 

Ce que l’on invente – au détour du sommeil – le monde rêvé – le ciel en songe – que l’on perpétue…

La tête dans la lie qui s’imagine maîtresse du récit – fraîchement parfumée – libérée des viscères et des battements de cœur qui la soutiennent…

A proximité de la lumière alors que la nuit règne – sans rivale – alors que tout, dans l’âme, est obscurci…

 

 

Le piège des poings – le prestige proche de la cime emmurée – ce dont on se surprend à rêver lorsque l’on côtoie (trop longtemps) le pouvoir – la violence – le danger…

La posture vive et inquiète ; la pierre poussée ou fendue ; l'Autre exclu ou assassiné ; selon l’envergure de l'ambition et l'ampleur de l'avidité...

Dans tous les cas ; une vie saisissante ; une vie qui meurtrit…

Quelque chose qui écharpe – qui écrase – qui mutile ; et qui n'offre pas la moindre joie (bien sûr)…

 

 

Le mystère – mêlé à la terre ; entre l’âme et le silence – cette marche en nous-même(s)…

La géographie de l’impensable ; ce non-lieu qui fait, parfois (trop rarement), office de résidence…

L'esprit et la chair – substantiellement élargis ; quelque chose de (très) léger – sous les paupières ; si peu perceptible par la plupart…

 

 

Ce désir – inconscient – involontaire – d’une terre sans absence – d’un silence habité…

Un ciel sans distance – attentif et souverain – porteur d’une tendresse non affectée – amicale – amoureuse – selon les circonstances et l'état de l'âme ; compagnie discrète ou ostensible – infiniment modulable – qui comble – qui étreint – sans jamais s'imposer – sans jamais oppresser ; présence permanente et non accaparante…

Sobre – réservée – silencieuse – au fond de notre intimité…

A l’intersection (exacte) de notre immobilité et de notre soif…

 

 

Entre le soleil et le sang – notre mémoire ; ce qui fait de nous des hommes…

Un peuple suspendu à ses propres rêves – à ses propres chimères – mythes – légendes – histoires ; toute la machinerie de l’image installée sous le front ; un morceau d’enfer descendu du ciel – peut-être – l’axe central de notre civilisation ; ce qui, bien sûr, corrompt le regard et travestit la réalité…

Le monde – entre fiction et (pur) imaginaire ; la surface éphémère – improbable – sur laquelle on essaie de greffer une vérité inventée…

 

 

Des constellations – des mondes – des pertes…

Des chutes – en pagaille – bien davantage que des ascensions ; le sort incontournable des vivants…

Un désordre aux innombrables conséquences…

Ce que cachent, au fond, toutes les apparences…

Derrière le sourire et la bonhomie – l’ombre – le vide intérieur – la matière en perdition…

 

*

 

Immergé(s) – dans la masse – la blancheur – à travers la poitrine – l’intérieur inondé – jusqu’en bas – des épines dans la voix – la parole comme un instrument…

La lumière que l’on comprend – peu à peu…

Ce que la violence cisaille – la rupture des liens – l’invisible jeté (avec force – avec fracas) contre l’Amour…

La solitude – au milieu du monde – inévitable (bien sûr)…

Nos vies – sans force – le front bas…

L’âme – la chair – la soif – prisonnières elles aussi – condamnées par notre présence sur terre…

 

 

La nuit parfaite – telle qu’elle se donne – telle qu’elle nous brûle…

Sans précaution – sur nos forces démantelées…

En un éclair – comme de l’acide…

Le sommeil ragaillardi par notre manque de résistance – de profondeur…

 

 

L’œil concentré sur l’inessentiel – l’emprise du monde sur les âmes – toutes les lois humaines (ou à peu près) – les souterrains du temps – au lieu de voir…

Se consacrer aux assassinats (à tous les assassinats) – au lieu du silence…

Rêver – jouir – bavarder – beaucoup (beaucoup trop) – au lieu du geste respectueux des choses…

La vie complexe – compliquée – et que l’on embrouille plus encore – au lieu de la simplicité…

Comme une fissure que l’on prendrait pour une muraille – un rempart ; un minuscule muret de feuilles et de mousses – en vérité…

Ce que l’on pulvériserait d’un seul coup de poing – une injonction contre l’angoisse ; une fausse bonne idée – une sorte d’antidote (totalement) inefficace…

Le souffle – la soif – la mort ; comme si savoir – comme si trouver – nous était impossible – comme s’il n’existait aucune solution (véritable)…

La vie – le monde – un contexte – un simple contexte – presque un décor – pour éprouver tous les paradoxes de l’homme…

 

 

La figure asymétrique ; la tristesse et la mort qui pèsent plus lourds…

La trace de l’angoisse dans les yeux…

Là où nous sommes ; l’impossibilité de la réponse…

L’ampleur du désordre et des dégâts…

Le destin et les circonstances qui nous semblent (parfois) si arbitraires…

Nous – comme une faille – un trou – où seraient jetées – sans ménagement – sans distinction – des choses plus ou moins tranchantes – plus ou moins bouleversantes…

Et l’âme – immobile – prisonnière – attachée – peu à peu défigurée par ce qu’on lui lance – par ce qu’elle reçoit – par ce qu’elle est condamnée à accueillir…

A la fois – le feu et le pilori ; et une succession de flèches – toujours imparfaites – qui viennent meurtrir la chair…

Au milieu du bûcher – l’exécution ; une expérience pour éprouver la vie – le cœur battant – les forces qui (progressivement) nous quittent – juste avant l’abandon – salutaire…

 

 

En soi – le plus familier – le plus quotidien – le plus intime ; la source des gestes précieux et ordinaires…

L’acquiescement à toutes les ramifications du contexte – de l’origine…

L’assentiment discret et silencieux…

Ce qui affleure à la surface du vivant et qui plonge ses racines au cœur de l’âme – dans nos profondeurs infinies (et impersonnelles) ; en contact direct avec le ciel – l’immensité – affranchi(e)(s) du temps…

Partout – au-dehors et au-dedans – l’espace non séparé…

 

 

En ces terres parcellisées – en ces temps séquencés – trop peu de réalité – l’invention perpétuelle de l’ordre ; à chaque instant – la (quasi) complète réorganisation du monde qui, sans cesse, s’inscrit dans la durée…

Toutes les ombres de l’esprit et de la matière – réunies…

Et la nuit qui annonce la disparition du jour…

Ni bêtes – ni hommes ; des personnages fictifs aux apparences trompeuses qui ont évincé (malgré eux) la seule chose précieuse – la seule chose qui compte ; la respiration secrète du monde ; celle à laquelle participe, parfois, la poésie – comme un peu d’oxygène pour ceux qui, sous le joug du temps – qui sous le joug des Autres, sont condamnés à vivre à la surface du monde et des choses…

 

 

Cette (bienheureuse) plongée parmi les courants invisibles qui nous entourent – qui nous traversent…

La vie sans le sang – ramenée – confrontée – à son socle – à ce qu’elle fut de tout temps – avant la création des siècles – l’époque d’avant les dates ; dans cette vibration perpétuelle – au cœur de la lumière…

Le jour – hors-champ – qui échappe à la vue et aux visages – celui que certains poèmes encensent…

Le ciel (enfin) vivable – le ciel (enfin) vécu – à notre portée ; la source même de ce qui bouge – de ce qui semble exister…

 

 

La lumière – sans passé – sans cesse renaissante – si souvent corrompue – si souvent déroutée ; utilisée à d’autres fins que celles des retrouvailles – symbole et instrument dont on se sert pour mille choses – plus ou moins utiles – plus ou moins appropriées – comme une manière de conforter nos délires et nos rêves…

Une sorte de repère dans un monde plongé dans le noir et la cécité ; et qui (pourtant) s’imagine lucide et clairvoyant…

L’histoire de l’homme et de toutes les civilisations humaines…

 

*

 

La profondeur – intermittente – réelle – à cette (surprenante) altitude ; une manière, peut-être, d’accéder à l’invisible – à ce monde présent au-delà et en deçà du monde…

L’expérience d’une joie ruisselante et d’une superposition des états…

Toutes les identités confondues ; plus personne – en réalité…

Ce qui se présente – ce qui s’impose – seulement…

Et les yeux grands ouverts – et le cœur accordé, de manière (presque) inespérée, aux choses et à la lumière…

 

 

Quelques mots – comme des fulgurances – dans la marche quotidienne – inchangée (et sans doute – inchangeable)…

L’équilibre journalier (et ordinaire) ; des gestes – des pas – des paroles…

Ce qui a besoin de se faire ; et qu’on réalise avec ferveur – sans volonté – sans empressement…

Une manière d’abuser l’abîme et de refuser le piège…

Ici – face au soleil – sans impératif – sous le poids (si léger) de la nécessité – fidèle aux choses – obéissant aux circonstances – comme une offrande au reste…

 

 

Sans bénéfice – sans revendication…

Là où porte l’élan – tantôt pas – tantôt parole ; et le geste nécessaire (bien sûr)…

Notre équilibre ; peut-être – notre faiblesse…

L’essentiel éprouvé ; et goûté…

La joie du retournement…

Au cœur de cette solitude fondamentale…

La seule posture poétique capable de rivaliser avec le pacte commun…

La vérité plutôt que le confort de toutes les (fausses) certitudes…

Le voyage – sans cesse – la découverte et l’immobilité…

 

 

La neige – comme des adieux ; les lèvres et les yeux qui s’ouvrent (très) lentement…

L’intérieur dilaté ; et l’extérieur en retrait – qui s’intériorise – qui devient une partie de ce que nous sommes ; la patrie complémentaire de l’âme – avec le silence – peut-être…

Plus ni autre – ni étranger ; des reflets familiers du même espace – comme élargi…

Qu’importe que nous vivions (encore) dans un monde de somnambules ; qu’importe que nous ayons (encore) le regard ensommeillé…

 

 

Le jour incarné – avec des tatouages sur la peau…

Des ombres assoiffées que le soleil tantôt assèche – tantôt apaise…

Mille changements – à l’intérieur…

Au-delà du temps qui fait défiler les images…

Trop d’exhibition(s) et trop d’écrans (sans doute)…

Une autre réalité que celle du monde…

Comme une faille temporelle – comme un piège au fond duquel nous serions tombé(s) – aimanté(s) – impuissant(s) – sans compréhension…

Et cet étrange silence – au-dessus et au-dedans – de ce fracas…

 

 

Paroles-étreinte – un écho familier ; le son de sa propre voix – mêlé au soleil réparateur…

Toute l’histoire du monde – notre passé – inclus, à cet instant ; notre appartenance changeante et évolutive…

Un socle de pierres pour le vent et la mort ; et l’abandon nécessaire (bien sûr) pour échapper aux mirages et demeurer fidèle(s) à ce qui passe – à ce qui a lieu ; accordé(s), sans doute, à une forme de vérité (circonstancielle)…

 

*

 

Des trappes – des cordes – des cris – à même la trame…

De la poussière qui vole dans le vide – emportée par des tourbillons…

Comme au théâtre ; l’éternité…

Ce qui dure et recommence ; à nous faire exploser la tête…

Et, pourtant, la route – en soi – qui se dessine – qui se laisse emprunter…

Comme à travers un rêve ; le monde – nos vies – ce que nous en percevons…

 

 

De la douceur creusée par ce qui existe après le désir – au-delà de l’absence de désir ; après l’épuisement – après la surprise – après l’abandon ; derrière ce qui avait disparu et qui (lentement) réapparaît…

La même chose qu’autrefois – avec un surcroît de densité et de joie ; léger et involontaire ; ce qui peuple, peut-être, nos profondeurs ; ce grand ciel en deçà de la nuit – en deçà de la cécité ; ce que l’on devinait (ce que certains devinaient) à travers la persistance de la tristesse…

 

 

Invisible – au-dedans – comme l’espace…

Ce qui est là sans que nous le percevions (sans que nous puissions le percevoir)…

Ce que l’on emplit de choses et d’autres – ici et là – assez régulièrement – selon ses désirs et ses goûts…

Manière d’agrémenter la vie et d’ajouter quelques barreaux à notre enfermement circulaire…

Le multiple pour différencier l’unité ; façon, sans doute, de se rencontrer (sans omettre la moindre part) – de tendre vers soi et vers la tentation (irrésistible) de se dévêtir – de se retrouver…

Un jeu comme un autre – après tout – dans lequel il nous faut endosser tous les rôles – revêtir tous les costumes – arborer tous les masques – assumer toutes les identités…

Une apparence – un rapprochement et une distance – une distance et un rapprochement – le centre unifié enfin ; puis, le jeu qui recommence ; dans l’étreinte – toujours – de ses propres bras…

 

 

Le regard imperceptible du poète ; bien plus qu’un langage ; une manière d’être – une manière de voir ; tout sentir – à l’intérieur…

Tout en soi – comme abandonné – flottant…

Un monde au-dessus du monde – un monde à travers le monde – en relief – en filigrane…

L’invisible au milieu des ombres et du sang…

La respiration du vide…

La terre-fleur et la terre-fenêtre – à la même hauteur que le cœur – les yeux – le ciel ; la page en simple continuité de l’âme et du monde…

 

 

Le sommeil qui tourne en rond dans sa cage ; à même les barreaux de la liberté…

Des choses et des paroles – empilées – en désordre…

Ce qui hante nos vies – nos existences-fantômes…

Rien – derrière les visages ; l’arrière-cour de la solitude ; ce grand désert balayé par les vents et la peur…

Des rêves de savoir qui écartent l’ignorance ; et notre féroce volonté…

Des destins peut-être – des destins sans doute – qui vont et qui viennent…

Une succession de craintes qui envahissent les têtes…

Nos jours – nos malheurs – nos angoisses ; tout ce qui peuple nos rives intranquilles…

 

 

Le commencement du monde et de l’errance ; si consubstantiels – au fond…

De jour en jour – peu à peu – tous les passages ressuscités…

Les morsures de l’existence ; et l’âme dévastée par toutes nos fictions ; ce qui est établi comme un socle indiscutable ; et cette présomption si familière – si dédaigneuse des hauteurs – qui, sans cesse, nous précipite dans l’abîme – comme si toute transformation (nous) était impossible – nous était refusée…

 

*

 

La mort-chagrin – sans jamais s’arrêter – comme les larmes qui coulent…

Condamné(s) à perpétuité – à moins que cela ne soit une farce ; et qu’un rire puisse éclater au milieu de nulle part – pour tout faire exploser – au-dedans…

Un peu de vérité – sans la nécessité de la parole ; le corps et le cœur qui comprennent…

Et rien d’autre que cette lumière dans notre nuit…

La naissance (inespérée) d’une sagesse silencieuse – d’une simplicité sans commentaire…

 

 

Un rayon de lune échappé de sa cage…

Un livre ouvert – un poème tatoué sur la peau…

Le cœur cinglant – sanglant – sanglotant ; tel un piège qui se referme…

La réalité de l’absence ; comme condamné à comprendre, puis, à se transformer…

Le manque devenu paroxystique converti en désespérance – puis, en soif – puis, en rapprochement – puis, en intimité (sans doute, la plus belle – la plus amoureuse – la plus fraternelle) – avant l’unité éclatante…

Un pan de lumière capable de détourner le vent…

 

 

A notre chevet – toujours – quelle que soit la distance…

En accord parfait malgré le corps mortel…

Les mouvements – la distance et les refus – accueillis…

Et toutes nos minuscules persévérances…

Malgré le nombre de catastrophes et l’ampleur de la cécité – l’Absolu – intact – indemne qui, peu à peu – en nous, se redresse et se fortifie ; la part secrète du monde qui retrouve sa place – au fond du cœur – dans nos gestes – partout où cela est possible – partout où cela lui est permis…

 

 

Orphelin(s) du monde – au plus près de cette pierre établie – au plus près de la désespérance – l’âme passagère…

Rien (absolument rien) au regard des hauteurs…

Des cimes et des précipices – insignifiants…

Que sommes-nous donc malgré toutes ces choses – tous ces visages – toutes ces identités – perdus…

Ce que l’on soustrait – peu à peu…

L’expérience du monde – du temps – de la mémoire – incertaine ; et qui se défait – et qui (progressivement) tombe en poussière…

La bouche sèche – face à notre soif…

Une chair sans nom – changeante – désorientée (de plus en plus) – qui se laisse traverser – et creuser – par ce qui s’acharne – par ce qui l’obsède…

Un peu de vent – comme si l’on existait (réellement)…

 

 

Les yeux de l’Amour – aimé…

Le jour et la nuit ; de toute éternité…

L’argile et le silence – étrangement intriqués…

Et un peu de souffle pour affronter les autres vivants ; ce qui semble animé…

La mort – devant et derrière soi ; la mort – partout – au-dedans et alentour…

L’univers inconscient qui favorise les naissances et le combat ; la barbarie (presque) toujours au détriment de l’innocence…

Des destins brisés avec effronterie – avec indifférence – avec soulagement…

Le saccage de tous les registres – la folie et la sagesse – sans distinction…

L’acharnement à déconstruire ce qui nous guette – ce qui nous attend…

Peut-être les apprentissages les plus essentiels pour aller au-delà de la respiration – au-delà de l'existence apparente – comme une pierre haletante – immobile – séquestrée – prête à n’importe quoi pour échapper à la malédiction de ceux qui sont nés sur la terre…

 

*

 

Nous – marmonnant – appauvri(s) – à nous balancer sans fin devant l’immensité – comme un pauvre pendule manipulé par une main invisible et obstinée…

Seul(s) – face aux Autres – face au ciel…

La parole désertée ; condamné(s) à affronter les vivants et la mort ; à participer à la ronde macabre (et parfois réjouissante) des circonstances…

L’expérience du monde ; l’existence vécue…

 

 

Une forêt de corps et de visages défigurés – pressés contre des grilles – dressés contre leur supplice ; à user leurs forces jusqu’à la dernière parcelle d’énergie…

L’élan de dire – de témoigner – avant de mourir ; quelque chose (peut-être) de l’expérience humaine…

 

 

Nous – inépuisablement…

Un regard comme entré par effraction…

Le soleil et la mort à nos trousses…

Et la longue course avant la mise en pièces soudaine…

Sans saveur – cet éloignement…

La lumière naissante arrachée – et jetée dans ce lent engloutissement ; peut-être – sans doute – le seul accompagnement (véritable)…

Et cette atroce sensation de s’enfoncer – de sombrer, peu à peu, dans l’abîme ; le corps – les yeux – le cœur et l’âme – en désordre – confusément – comme retourné(s) – cul par-dessus tête – à même l’illusion…

Victime du ressac – du grand large – du recommencement – malgré notre apparente stabilité…

 

 

A l’orée d’un grand soleil – le sourire aux lèvres…

Un sens attribué à toutes les grimaces – à toutes les interrogations – à toutes les craintes – à toutes les indécisions…

La suppression des soucis et l’effacement des blessures – au profit d’une présence qui offre au monde un marchepied et au vide – et au silence – le plus beau des joyaux…

 

 

Mère née de soi – nourrie à son propre sein – par son propre lait – enfantant toute sa descendance…

La généalogie du chaos et de l’apprentissage ; jouet (fabuleux) de l’infortune du monde…

Vouée à une éternelle métamorphose…

Une sorte d’entité aux dix-mille visages…

 

 

Ici – cloué à la terre – par la gravité ; le monde antique fuyant à l’intérieur – soucieux d’échapper à la désespérance contemporaine…

A chaque pas – cette cloche ancestrale qui sonne – le même parcours – la voie ouverte – et indéfinissable – vers la source – sous nos (propres) encouragements ; et le malheur, parfois, au seuil de la tête…

La foulée insistante – à tenter d’explorer partout – sur ces rives sans réponse – à creuser en soi – un puits ou un tunnel – qui, à en croire les sages (certains sages), déboucherait sur une vaste étendue – l’espace réel libéré des secrets – des miroirs – du temps – propice à une existence légère – profondément ancrée – profondément vivante – sans appartenance…

 

 

Là où tout se balance…

Une forme d’équilibre…

Sans croix – sans étendard – sans interstice…

Un monde sans histoire…

Au cœur de sa propre géographie…

Des vagues de vie ; et mille émotions…

Tout qui danse – qui s’avance – qui tourbillonne – sans masque – sans le moindre déguisement – dans la franchise et la lumière…

Une joie claire ; une parole précise ; tout ce qui peut rompre le rêve et dissiper le brouillard – sans la moindre duplicité…

Toute notre vie résumée à un sourire ou à une grimace qui nous plonge (qui finit par nous plonger), d’une manière ou d’une autre, au fond de l’âme (pour le meilleur ou pour le pire)…

 

*

 

La crainte – encore – comme autrefois ; cette pesanteur dans la tête – cette ombre sous le règne du soleil…

En contrebas – face à la lumière oblique…

Très loin de ce temps où nous faisions tourner sur le bout de notre doigt la pyramide du monde à l’envers ; le souffle coupé par notre audace et notre insolence…

Au creux du poing serré – à présent – recroquevillé ; les mains sur les yeux pour échapper aux monstres qui nous poursuivent…

Redevenu enfant – en quelque sorte ; derrière des grilles – face à des crocs féroces et imaginaires…

Et, en cela, obéissant, d’une parfaite manière, à l’ordre cyclique des choses – à l’ordonnancement saisonnier de ce qui est enfanté…

En attendant – bien sûr – l’étape suivante ; la suite du voyage…

 

 

Le lieu présent – encore en deçà de la conscience – sans se dérober – sans se résoudre – face à la situation – ce qui surgit – ce qui a lieu ; les circonstances par vagues successives – et leurs innombrables conséquences – de (très) longues séries – en cascades – entremêlées – épinglées sur le grand tableau des prévisions (et des prédictions parfois) ; chacune venant en son temps…

Et nous – comme une pierre égarée au milieu de la pente – au milieu de la boue – soulevée par une main habile et jetée dans des intervalles de grandeur différente – tantôt posée au cœur d'un amas de choses verticales – tantôt engluée dans une masse (strictement) horizontale…

Le soleil et la mort – le jour et le froid – au fil de ce qui se présente…

Quelque chose de la cage circulaire – peuplée d’ombres récalcitrantes et angoissées…

Ici-bas – à cet instant même – le front appuyé contre les barreaux ; et essayant, sans jamais s’arrêter, de les repousser un peu plus loin…

 

 

Une longue suite de miroirs sur lesquels se reflètent toutes les lumières…

Des souvenirs lointains au trébuchement ; de la chute à l’avenir improbable (bien plus qu’incertain)…

Et cet intervalle dans lequel nous sommes tombé(s) – dans lequel presque tous se sentent prisonniers…

Comme un presque mort – un somnambule – un ensommeillé – dans sa chambre qui entend les vautours tourner autour de ses rêves et qui attend le premier coup de bec pour ouvrir les yeux…

Une sorte de déconstruction du temps et de l’espace…

Une autre manière de vivre et d’habiter le monde…

 

 

Ce que l’on attribue (en général) à l’immortalité…

Sur chaque jour qui passe – nos initiales (inutilement) gravées…

Un bout d’aile que l’on façonne pour le grand voyage – en oubliant l’impossibilité du périple…

Sur la même ligne (horizontale) – cette marche quotidienne – sans tapage – sans prétention – au cœur de laquelle, trop souvent, nous nous absentons sous prétexte des Autres – sous prétexte de prière ou de ciel…

Idiotie – bien sûr – tant nous nous trompons d’horizon…

Jusqu’au point de retournement – parfois transformé (momentanément) en halte des lamentations – à bout de force ; et aussitôt les dernières doléances crachées au visage du monde – à la face du destin – on se remet en route – on s’insère dans la première danse – on s’engage dans la première aventure – sans jamais omettre ce précieux dialogue avec ce que l’on porte…

La mort et le soleil dans nos bagages – en bonne place – aux côtés de la joie – du silence – des circonstances – qui, peu à peu, se laissent apprivoiser – qui, peu à peu, nous envahissent – qui, peu à peu, imposent le rythme – la direction et l’immobilité…

Une sorte de consécration du cœur et du souffle ; la célébration naturelle (et involontaire) de l’étreinte et de l’acquiescement ; et nos pas de plus en plus insoucieux des choses et des visages rencontrés…

 

*

 

Profil bas – comme effacé par l’intervalle…

Pierre après pierre – pas après pas – le chemin emprunté ; le seuil franchi – jusqu’à l’égarement (complet) – jusqu’à cette forme de mort que l’on appelle l’effacement ; le meurtre, en quelque sorte, d’une fallacieuse identité – jetée, peu à peu, par-dessus bord ; et rejoignant l’abîme – et l’abîme rejoignant l’immensité ; le ciel et l’océan – confondus – dans le même soleil – sans le moindre nom…

Une nouvelle vie – en somme – plus proche de l’infini…

 

 

L’esprit ému – le corps toujours agissant – malgré l’immobilité intérieure – comme inséparable du jeu – prisonnier, d’une certaine manière, des danses – des courants – du chaos – du monde – de l’enchevêtrement (inextricable et inévitable) des choses…

La surface et les couleurs – mille formes de déguisement – malgré la nudité et la profondeur…

Rien de très nouveau – en vérité – entre le dehors et le dedans…

Quelques murs – comme un décor – malgré l’ampleur (et l’importance) de l’arrière-plan…

Et des hordes (encore) d’illusions – comme des images solidaires de ce qui bouge – de ce qui semble animé ; comme des reflets dans le brouillard – sur toutes les pierres que nous foulons…

Rien qui ne puisse entamer le silence et la joie…

Le visage complet – tous les fragments réunis – comme le signe, peut-être, d’une trajectoire aboutie – la fin d’un cycle ; le début d’un autre…

Quelque chose de la mort – comme inversé(e)…

Une autre ronde ; et un autre centre ; la suite du périple – défait des identités les plus grossières et des cercles les plus restreints – ceux qui nous condamnaient à une forme d’illettrisme de l’âme – le cœur (sans doute – beaucoup) trop circonscrit…

 

 

Exhumer la lumière là où l’oubli domine…

Au fond et alentour – qu’importe le lieu et la forme – qu’importe le nom et la nature de la matière animée…

Ni plainte – ni volonté – une simple (et impérative) nécessité…

 

 

Sous les vents – sans promesse – qui cinglent…

Dans les yeux – le reflet des proies et de l’affût ; et au-dehors – le grand cirque – le grand massacre ; et la propagande des maîtres du jeu…

L’âme tremblante – à claquer des dents…

Les pieds dans le sable sans (jamais) pouvoir échapper aux vagues – aux courants – à la foule qui se presse (et piétine) sur la grève…

Englué(s) – immobile(s) – laissant l’avenir se gorger (inutilement) d’espoir et de temps…

Les Autres – en face – nous abandonnant (par la force des choses) à ce qui nous enlise – à ce qui nous encombre – à ce qui nous déracine…

Condamné(s) à errer dans la spirale labyrinthique des âges où se croisent, à travers toutes les histoires du monde, les vivants et les morts de cette terre…

Un voyage (une sorte de voyage) entrepris (en général) les yeux fermés et les mains attachées derrière le dos…

 

 

Sans nom – sans idole…

A l’approche de la nuit…

Pendant trop longtemps en rêve ; le même sommeil – la même cécité…

La vie blessée alors que l’on se croyait à l’abri…

Au milieu de l’excitation et de la cruauté…

La solitude parmi les pierres ; au milieu des vivants…

Au fond du piège – sans aide – sans douceur – sans personne ; à gesticuler dans son trou – à l’ombre des géants moqueurs dont l'échine côtoie le ciel – les Dieux – les étoiles ; cette partie du monde (totalement) inaccessible aux hommes…

 

*

 

Tournés vers soi – toujours – à chaque instant – le soleil et la mort – sensibles à notre sort – au sort de tous – au sort de chacun – sans le moindre grief contre les identités frivoles – heureux même qu’une légèreté joyeuse (pourvu qu’elle soit sincère) égaye leur bref passage…

 

 

La terre qui enfante – et l’oiseau – et le monde – et la mer – et l’horizon…

Et, très souvent, quelques traces de ciel dans le voyage ; d’où peut-être – d’où sans doute – cet attrait pour les accolades et cette soif des hauteurs…

Les hommes – immensément – intensément – intéressés par l’intelligible ; et moins (beaucoup moins) concernés par l’ineffable – par ce qui échappe à la raison – par ce que l’on ne peut prouver – presque tout – en somme (ou disons, le plus essentiel)…

Les gestes lourds (si lourds) et les usages utiles (si prosaïques)…

Ni magie – ni (bien sûr) cercle de poésie…

Et nous autres – comme tous ceux qui cherchent une appartenance – issus (à quelques détails près) de la même lignée – de la même origine – des mêmes marges géographiques…

 

 

Un rapprochement de la chair…

Des mains avides et insaisissables…

Comme une blessure à élargir et à soigner – simultanément…

Ici – comme ailleurs – comme partout – toute l’équivoque de l’homme…

Des virages – des méandres – de (soudaines) bifurcations…

Quelque chose de l’éloignement et de la dynastie ; le règne de l’insoutenable…

Comme un bourgeonnement au-dedans et une efflorescence au-dehors – et, plus rarement (de manière presque exceptionnelle), l'inverse…

La brûlure vive et intense – avant l’effacement…

L’ardeur ancillaire et le détachement…

Le commencement de la fin (d’une certaine idée de la fin)…

Ce qui (de près ou de loin) ressemble au ciel – à la grâce – à la poésie ; à l’incarnation du mystère – au déploiement du plus essentiel…

Sans doute – notre part la plus rafraîchissante…

 

 

Ceux qui peuplent la vie ; et nos vies sans doute – aveugles à notre monde – à nos ambitions – fidèles à nos pas ; partageant notre faim et notre misère ; et le pain lorsqu’il y en a ; et les larmes qui coulent – trop souvent…

A travers nos yeux – nous regardant ; et se laissant contempler par le monde…

Sans bruit – existant à peine – comme une (faible) lueur ; et nous – parvenant (parfois) à nous hisser péniblement jusqu’à la lumière – devenant, peu à peu, notre seul appui ; et notre allié le plus loyal…

Et, un jour (ignorant tout de cette date – et du reste) – ensemble – nous réussissons à rejoindre les premières hauteurs du territoire – à combler les âmes et les ventres avec un peu de tendresse – à remplacer l’espoir et les rêves par un silence joyeux et approbateur ; sans crier gare – très respectueusement – nous accompagnant – là encore (comme avant – comme toujours – comme il se doit – peut-être)…

 

 

Pas davantage qu’un tas de chair inerte…

Pendant si longtemps – resté au seuil…

Et lentement les membres qui se désengourdissent ; la vie interne qui se ressaisit et se redresse…

Les yeux qui s’ouvrent comme après un trop long sommeil…

Ce qui ranime l’ardeur – l’attrait pour le jeu – pour le chant et le mystère ; (bien) plus qu’une aspiration – une inclinaison du voyage vers les hauteurs…

Le silence qui guide nos pas et la neige ; ce long voyage à travers toutes les couleurs…

Tout un monde – involontairement – ressuscité…

 

 

A demi-mot – sans message…

Seul – le vent – dans notre chant…

Au milieu de ce à quoi nous n’appartenons plus…

La parole et le temps oubliés…

Un tremblement ; les prémices d’un monde nouveau – peut-être – le feu et le ciel – comme seuls éléments du mystère – en nous – présents (et fortifiés)…

 

*

 

La langue au long cours – davantage qu’une promenade – une incise profonde dans l’espace et le temps – une possible pénétration des profondeurs ; l’exploration du ciel et de la mort…

La découverte (ahurie) de la danse des identités – leur inconsistance et leur enracinement…

Quelque part – le labeur des prophètes ; et l’importance des adieux avant le départ ; ce qu’il nous faut abandonner – jusqu’à la plus radicale des nudités…

 

 

Un autre âge que le sien…

Des apparences multiples…

Ce qui nous fit naître – cent fois – mille fois – une infinité de fois…

Ce que le monde connaît par cœur…

Cet escalier en spirale – au milieu de nulle part – en tout lieu – qui mène jusqu’aux portes de l’immensité…

 

 

La réjouissance du corps débarrassé…

L’esprit libre – libéré – affranchi de la liberté et de la détention – capable d’accéder à tous les possibles…

Le lieu où nous sommes comme le monde – le monde où nous vivons comme l’univers – l’univers où nous nous trouvons comme la totalité de l’espace ; et nous – exactement – entre le point et l’infini…

L’existence comme une rivière – le courant autant que la goutte (autant que chaque goutte) – la nature de l’eau – serpentant sur le sol – s’évaporant dans l’air – fidèle, d’une parfaite manière, à toutes les étapes du cycle…

Et ainsi le jour ; et ainsi l’Amour – découverts [que l’on peut (plus ou moins aisément) découvrir] – dans cet interstice entre la naissance et la mort…

Sans doute – le rêve de tout homme…

 

 

Au fond de notre grotte – la peau à même la roche – comme dépossédé ; mais heureux (très heureux) du calme – à l’abri – en secret – si loin des rives trop peuplées…

Seul – au seuil de la vérité – comme une brûlure qui efface les Autres – le monde – toute forme de généalogie ; tous les rêves – en somme (plus ou moins utiles – abstraits – nébuleux)…

 

 

Une rupture – comme une déflagration – un effondrement – un envol…

La dérive lointaine du jeu ; la part la plus souterraine de l’existence et du monde…

L’interstice entre le regard et le geste…

Ce qui a lieu – ce qui semble arriver – à la surface ; et l’obscurité mystérieuse des profondeurs – éclairées peut-être – éclairées sans doute – par une lumière inconnue et absorbante…

Ce que l’on voit – comme le brouillon des analphabètes ; et cachée, l’œuvre virtuose qui s’écrit sans personne – mue par sa propre puissance – par son propre silence – par sa propre beauté…

 

 

Les hommes – sur la peau du monde ; comme expulsés du dedans…

Les viscères – encore trop déterminants dans l’organisation générale et l’édification de la hiérarchie…

La tête – comme une fenêtre opaque ; un soleil minuscule – asphyxié…

Une vague lueur – un peu de lumière blanche – sur les murs et les traces de sang…

Toute l’étendue creusée – comme un tombeau où s’entassent les morts – et la plupart des vivants…

Rien de (très) réjouissant dans ce grand désert – dans cet aveuglement…

 

 

Ce que le sol absorbe – ce qui envahit l’âme ; la peur – l’ignorance – le sang…

Ce qui façonne le monde et l’absence…

Cet inconfort déguisé en agrément au fond duquel nous nous sommes (à peu près tous) réfugié(s) pour survivre et tenter d’échapper à la mort…

 

*

 

Au cœur de notre humanité ; cette crainte – (à peine) cachée – de l’absence et de l’absurdité…

Le vide sous le sable sur lequel on traîne les pieds…

Notre vie – comme une parure trop étroite – une guenille qui dissimule (très) mal la chair bleuie par le froid…

L’incompréhension et la souffrance face aux masques (et aux déguisements) des Autres…

Le costume et la comédie – comme un couperet (contradictoire) qui partage l’âme en deux ; une part offerte au spectacle – et l’autre condamnée à l’effroi et au repli – invitée à la solitude – guidée vers l’au-delà de l’homme

Comme toujours – à la fois ici et ailleurs – entre le soleil et l’abîme – sur ce fil ténu et désert ; à nous balancer – terrifié(s) – au bord de la chute…

 

 

En fin de compte – la soustraction succède à la tentation de toutes les sommes – aux mille accumulations possibles (et imaginables) ; et ainsi jusqu’au vide – jusqu’à la (parfaite) nudité…

Plus rien ; ni dans les mains – ni dans les poches ; plus rien ; ni dans le cœur – ni dans la tête ; l’âme – le corps – l’esprit – disposés à se désemplir encore et encore…

Devenir démuni – exposé – impuissant – à la merci de ce qui s'entasse et de ce qui écartèle…

Traversé – les bras ouverts – puis, abandonnant ce qui a été accueilli…

Devenu, en quelque sorte, un intervalle – un interstice – invisibles – où rien ne peut plus s’attarder – ni les choses – ni le monde – ni le temps…

Devenu, en quelque sorte, une parcelle d’espace – un fragment d’immensité – un peu de vacuité (ontologiquement) condamné à se débarrasser de tout ce qui vient le remplir – l’habiter – l’embarrasser ; une espèce de grand « oust » avec, dans la bouche, un grand vent et le balai à la main – tenant (très) joyeusement sa place et son rôle…

 

 

L’esprit – comme le soleil – crachant ses ombres…

Et sur le sol – le jeu de la lumière ; le commerce et toutes nos contrebandes…

Nos semblables ensemençant ; et nous – sans lignée – sans descendant – sans appartenance – assis en silence face au monde – vibrionnant – emporté par ses mille danses maléfiques…

L’esprit – comme le soleil – dissimulant son potentiel…

Et dans le ciel – l’âme déjà éprise…

 

 

Entre la mort et le silence – notre vie – ce qui s’éprouve (et se mesure) sans technique – le cœur (simplement) sondé comme un territoire large et profond (et, parfois, si étranger)…

Comme une parole – entre nous – qui circule…

Ce que les uns et les autres expriment et entendent…

Une manière de détourner (légèrement) nos pas de la tombe…

L’au-delà du monde où ne règnent que le silence et la mort…

 

 

Tout qui dévale ; le temps et les choses – sur leur pente…

Ce qu’il faut édifier et défaire…

En soi – ce qui contemple ; et des mains pour agir…

Et le verbe comme un geste…

Dans l’âme ; le poids des Autres et de l’univers – tout un territoire à rassembler…

Des promesses (quelques promesses) à tenir ; et des rêves à accomplir…

Le terrain de jeu du Divin et des vivants – sur toutes les routes – à travers tous les destins…

La conscience – sa sagesse et sa folie…

Et ce nécessaire inventaire intérieur avant le retournement…

 

*

 

Le monde oppressé – oppressant…

La léthargie – le feu et la source – si souvent – déniés – étrangers – non reconnus – indistincts…

Quelque chose comme une exécration – un refus rédhibitoire d’obéissance – devant ce trop plein d’ignorance et de barbarie…

L’innocence et l’incorruptibilité (trop de fois) bafouées…

Comme un bloc – énorme – massif – à soustraire – à faire disparaître avec l’horizon ; un reniement – la nécessité profonde (et soudaine) des marges – le fond du monde à renverser – une trajectoire à redresser…

Une manière, sans doute, de réveiller ce qui sommeillait sous les habitudes et l’oppression…

 

 

Illisibles – la rage – les choses animées – alentour…

Comme précipité au cœur du monde – dans une sorte de fourvoiement apparent…

Quelque chose de la brusquerie et de l’arrachement…

L’âme entière revisitée…

Et derrière la rébellion – le rejet des alliances et de la corruption ; un désir d’apaisement – le vide au lieu d’une longue série de rapprochements et de combinaisons (retors et sordides)…

La fin de l’éparpillement ; soi et l’infini – et tous les cercles – (enfin) en adéquation…

 

 

Du vent – ce qui élargit la faille…

La fragilité – comme le signe d’un effacement des résistances – avec, en évidence, une trace légitime de joie…

Le corps silencieux – habité – incroyablement sensible…

Un chemin qui se dessine – fort différent…

Comme un recommencement (un éternel recommencement) sur les débris de la peur et de l’atrocité – sur les ruines encore fumantes de l’ancien monde…

Et au milieu des flammes – au milieu des cendres – à perte de vue – le sacre de la tendresse et de la transgression…

 

 

Au cœur du temps – hors de soi – alourdi par le poids de l’espace…

Hors du temps – en soi – comme un rayon de lune…

Dieu se rapprochant…

Toutes les récoltes de la terre – à portée de main…

Tous les itinéraires qui (brusquement) se chevauchent…

Un peu de folie dans toutes les têtes – réorganisée dans la nôtre…

Une vie – à peine – au bord du terme ; si proche, parfois, de l’infini…

 

 

Un recoin qui échappe au jour…

Des colonnes d’obscurité – le temple des ténèbres ; et toutes les nuits qui, une à une, s’additionnent…

Le (fameux) palmarès des naissances ; ce que l’on ensemence avec (beaucoup trop de) facilité…

Pas même un peu de place pour la parole ; tout juste de quoi creuser son trou – et (à la fin) s’y enterrer…

 

 

Ce que l’on échafaude – en quête de son ascendance…

Des marches – sans retenue…

Des embarcadères pour contempler l’immensité…

Le ciel où l’on aurait grandi – autrefois – avant la création du monde et du temps…

L’origine et la vacuité au fond desquelles se sont, peu à peu, constitués le souffle et le sang – au fond desquelles sont nées les premières créatures aquatiques et terrestres…

L’époque d’avant les mots où ne régnaient que le silence et la poésie ; l’art du geste juste et du sourire sincère – sans arrière-pensée…

L’ébauche de tous les chemins engendrés par cette étrange immobilité en expansion…

Une forme (singulière) de préparation à la mort…

Et en définitive – la création d’une boucle sans fin…

 

*

 

L’orage – dans sa violence – dans sa beauté – comme un éclat d’allégresse ; le ciel qui se lézarde – qui se fractionne – comme au commencement du monde…

La terre – pendant un (court) instant – favorisée par la lumière – émergeant de son obscurité…

En toute chose – accueillir ce qui advient ; laisser jaillir le geste – le mouvement ; ce qui s’impose (d’une manière ou d’une autre)…

 

 

La douleur démesurée du monde – féroce et niais…

Sur la ligne de fracture alors que la pierre demeure inintelligible…

Le reflet du cri dans les yeux de la foule ; et l’inflexion de la terreur sur les visages…

Ce qui saisit – par défaut d’écoute – par manque de sensibilité…

Ce qui persiste dans nos mains sombres – opiniâtres – acharnées…

L’esprit – toujours taciturne – la bouche ouverte et silencieuse – et une larme qui coule (lentement) sur la joue – face à l’obstination du vide à demeurer…

 

 

L’hostilité de ce qui – apparemment – nous isole…

Des coups et des maux à mesure que l’on quitte l’enfance – que l’on s’éloigne du point d’origine…

Et cette part (inévitable) de sommeil ; l’esprit qui s’enfonce – à la suite du cœur et de l’âme mis en échec…

Comme un grand soleil ; et nous – à l’ombre – inatteignable(s) – baignant dans notre obscurité familière…

Fragile(s) et sans tendresse – à gesticuler dans notre désarroi – au cœur de nos incertitudes et de nos incompréhensions…

Parfaitement homme(s) – en quelque sorte ; un feu vif – brûlant – dénué de clarté et de discernement…

 

 

Ivre de vide et de mots – richement pourvu – au cœur de sa nudité ; du soleil et du vertige…

Et le silence – entre le monde et nous…

Éloigné de la farce sanguinaire (suffisamment pour échapper à la tourmente)…

La terre joyeuse – sans sacrifice…

Une part de l’enfance – à l’abri – sauvée peut-être…

La solitude et la réconciliation à la place du monde…

 

 

Le temple du sommeil aux colonnes rongées par le temps…

Les rêves qui flottent dans l’espace – ramenés sur le sol pour servir de socle…

Ainsi se bâtissent toutes les civilisations…

Autrefois – aujourd’hui – comme toujours…

Les bas-fonds du monde ; tous ces souterrains au fond desquels nous essayons d’entrevoir le jour…

 

 

Ce que l’on nous annonce…

Les bras croisés – le visage face au vent…

Les yeux plongés dans les flammes ; la source de l’ardeur et de l’épuisement…

A même la terre – à même le temps – nos pas et nos ambitions…

Des choses que l’on ramasse – jetées à nos pieds…

Et le silence, peu à peu, renforcé – qui disloque les pierres – ce que nous avons édifié…

A l’affût du soleil – à l’affût de l’éternité…

Le temps d’une saison – d’un (bref) repos – cette vie saccagée…

 

*

 

Un masque sur le visage – un surcroît d’obscurité…

Le long de la nuit – sur le même fil – sur la même ligne – pas après pas – mot après mot – d’une manière instinctive (et approximative – sans doute)…

Comme une tentative d’arrachement…

Avec le vide en contrebas – façon, peut-être, d’amortir la chute…

Tous les possibles – dans le cœur – dans les pieds et les mains…

Et ce que dicte la parole – le chemin…

 

 

Un passage entre nos limites et le ciel…

Sur le dos – nos ombres résignées – comme un poids – une charge accablante ; l’invisible plus lourd que la matière…

Et le temps qui s’achève en lueur…

Au-dedans – toute une géométrie avec des angles et des pentes mortelles…

Quelque chose de l’étendue aménagée en dédale – le lieu de toutes les croyances – le lieu de la pensée et des gestes mécaniques…

Ni regard – ni langage…

L’angoisse et le vent – comme écorché(s) – cloué(s) sur une planche…

Ce qui gronde sous nos pas ; les sous-sols habités…

Notre peu de force face au harcèlement…

Ce qui, en un coup d’ailes, nous traverse…

Cette brûlante (et douloureuse) découverte en soi ; ce que portent l’âme et les entrailles ; le vide – au fond de l’espace – au fond des viscères…

 

 

Le jeu et la mort – dispersés dans le réel – ici et là…

Ce qui bouscule – ce qui bascule – ce qui met en œuvre – ce qui se met en place ; ce qui advient…

Et la part du vide dans le monde et le désir – autant que dans l'exil et la complétude…

 

 

Sur soi – tous les rêves écrasants – la lumière éblouissante – le jour assombri – le réel comme un sac de pierres posé sur le dos…

Au bord du soleil – au bord de l’épuisement…

Notre vie – comme un vertige – comme un mausolée…

Le délire des Dieux se reposant de l’éternité…

Un peu de temps qui échappe à toutes les certitudes – à toutes les prédictions…

Exactement ce qu’il nous faut pour guérir de la tristesse et de l’ennui…

Un soleil qui veille – un vent qui rôde – derrière la désolation…

 

 

Seul et lisse – comme d’autres s’agrippent à la foule…

Échappant aux alliances – aux noces des choses et de l’innocence…

Ce que le refus du sommeil condamne…

Tout un continent à explorer – derrière les portes des apparences…

L’aube promise – au fond de l’âme…

Au bord des possibles – nos traits tremblants – face au monde et au temps…

A courir à perdre haleine jusqu’au bout de la terre…

Et, un jour, sur le ponton – face à l’océan – prêt à plonger dans la chair et l’immensité…

Peut-être – l’aboutissement du voyage (d’un voyage) ; et le commencement d’un autre – sans doute – le suivant – qui sait…

 

 

Rien qu’un châtiment – au fond de l’obscurité…

A l’orée du monde – à l’orée du ciel…

Immobilisé(s) – condamné(s) à vivre ici – ensemble…

Des coups qui pleuvent – des dents qui grincent – des corps qui saignent ; des larmes qui coulent sur la pierre…

Sans secours ; et sans autre recours que la violence ou la fuite…

La tête et l’âme – soumises à tous les délires – à toutes les illusions…

 

*

 

Là où il faudrait se détacher – entendre – devenir familier du vide – le néant – l’assuétude – l’opacité…

La barbarie jetée dans le monde – à l’état brut – comme une matière terrestre – une sorte d’excroissance de la trame (sans doute – l’une des plus mortifères)…

La folie – la blessure et la mort – filles malheureuses de l’ignorance…

Des têtes comme des pions – renversées sur tous les échiquiers personnels – qui, mis bout à bout, constituent un (immense) champ de bataille – une aire (infinie) de massacre – un (véritable) holocauste – inégalé – inégalable…

La brisure et la désunion pour des siècles – pour des millénaires peut-être – tant la terre et la mémoire sont gorgées de peines et de sang…

 

 

Un élan – des élans – nés des profondeurs…

Un gisement ininterrompu de silence…

L’Amour à ciel ouvert – en terrain conquis…

Une ébauche – peut-être – de l’impersonnel à l’œuvre depuis l’origine…

Ce qui succédera, à visage découvert – et de manière anonyme, au monde inconscient – aux saillies individuelles (trop) affirmées – au règne hégémonique du nom – de l’orgueil et de la singularité…

Comme une évidence – le retour naturel de l’ordre et de l’équilibre que nous avons cru pouvoir transformer et façonner à notre guise…

Les deux pieds encore sur la carte et le sol fangeux…

Rien qu’une légère dérive – à peine un détour anecdotique ; un simple écart sans la moindre conséquence sur l’histoire du monde – sur l’évolution de la terre et du vivant…

Ce qui se trame – ce qui est à l’œuvre – depuis le premier jour – derrière tous les mouvements – derrière toutes les tractations…

 

 

L’immensité – de la taille de notre âme…

Qu’importe nos croyances – notre réponse face au mystère ; tout se mesure au silence – et à la tendresse mise en œuvre…

Dieu dans les gestes – le cœur ouvert…

L’existence – à même ce qui existe – à même ce qui nous compose – à même ce qui nous affronte…

L’être quotidien – sans attache – sans exigence – disponible – disposé à servir…

 

 

La terre ravagée par nos âmes infirmes – nos difformités – toutes nos asymétries intérieures…

La chair rougie – la langue déformée…

Cette monstruosité noire – hors de contrôle…

Et nos pas sur des traces si anciennes – la cécité en héritage – condamnés à demeurer captifs – à nous débattre au fond du piège…

Et nos cris – et nos plaintes – que l’on entend d’un bout à l’autre de la terre ; le monde – notre monde – sur le point de s’écrouler – de disparaître…

 

 

La main noire – tendue – noircie par ceux qui sèment la mort – par ceux qui tournent en rond – par ceux qui resserrent les mailles de la trame…

Ce que nous avons emprunté – ce que nous avons légué – ce qui ne nous appartient plus…

La possibilité d’une obole ; une (longue) prière pour élargir notre trou – rendre la nasse moins inconfortable ; devenir ce à quoi nous aspirons – au gré de l’écoulement des courants sur le sol – dans les airs – à travers l’invisible – notre chemin sur les pierres…

 

*

 

Ce qui nous sillonne – ce qui, en nous, dépose son limon – le fiel ou la joie dans le sang – ce qui s’étale – ce qui nous ébranle…

Les lettres du silence gravées sur la peau – sous la chair…

L’âme précipitée avec les mots…

Ni simulacre – ni provocation – comme un franchissement – ce que dissimule la sauvagerie – ce qui vient (juste) après la régression…

L’enfance à l’envers – comme un gant retourné – l’antre de tous les élans – l’origine de l’ardeur – ce feu si ancien – ce feu si lointain…

Ce qui ne peut rompre le fil – ni la vie – ni la mort – la suite du temps – quelque chose qui ressemble à la vacuité ; et cette allégresse qui célèbre la liberté retrouvée…

 

 

Ce qui commence – et s’achève – avec nous…

Ce monde hurlant – ces grondements sourds sous le sol…

La pesanteur de nos pas pressés – nos mains épaisses et oppressantes – nos ambitions sournoises et tapageuses ; comme un interstice qui s’ouvre et se referme – une bouche, en vérité, qui avale tout ce qu’on lui jette – tout ce qui passe à sa portée ; un gouffre qui amasse la chair – les mots – les crimes…

Une forme de servitude et de mutilation ; une respiration – un cœur qui bat ; et des seaux d’excréments que l’on balance autour de soi…

Une incompréhension que l’on transporte de lieu en lieu – de vie en vie – comme un viatique – notre seul bagage – au lieu du soleil – au lieu de la nudité – au lieu de la poésie…

 

 

Rien qu’un lieu de transformation…

A contre-courant du monde – de l’homme…

La traversée du fleuve – à la nage – dans le sens du courant…

Le cœur ouvert – le nom oublié ou avalé…

Ce qui advient – accueilli…

Comme une aire sur laquelle tout finit par se poser ; et que l’on déblaye – presque aussitôt – pour favoriser la mort et le vide ; et ainsi l’incessante réception…

 

 

Près des Dieux de l’envol et des oiseaux…

Sans église – au cœur même du ciel descendu…

Sans croix – sans péché – sans déluge…

La fin des temps reculée chaque jour ; à chaque instant – la même eschatologie…

Le vide livrant ses secrets pendant notre absence…

Ni mal – ni tourment – ni enfer – ni paradis ; ce qui, en nous et à travers nous, se crée…

Ni masque – ni mensonge ; seulement – le poids de ce qui vient – le poids de ce qui est en mouvement…

 

 

La part (sans doute) la plus inquiétante du siècle ; sous le front – dans l’arrière-cour de chacun…

Ce qui se trame dans l’âme – maladroitement guidé par la peur et la psyché…

Le sommeil sous les paupières – les yeux morts qui ne reflètent que la désolation…

L’horizon dévasté ; et cette odeur de mort qui flotte (un peu) partout – entre les vivants…

La fin d’un monde – sans, peut-être, la possibilité du suivant…

 

*

 

Parfois – la douleur – comme un renversement de l’axe vertical – une dislocation de l’âme – une désagrégation du monde…

Le jour qui s’enterre ; la lumière soudain assombrie…

Quelque chose de l’écartèlement et de l’asphyxie…

Le visage de l’Autre – en soi ; et l’envahissement de la solitude…

Le cœur morcelé – au faîte de l’invisible – qui s’élucide – qui apprend – et révèle – (peu à peu) sa nature…

La fragilité et la tendresse absolues ; cette capacité inégalable à endurer et à accueillir ; et cette immortalité…

 

 

Point d’appui de l’intervalle – l’assise de l’expérience…

D’un seul trait – de la naissance à la mort…

Et de la disparition à la réapparition – l’un des objets du mystère – plusieurs étapes – sans doute – assez élémentaires ; ce que les sages (peut-être) s’échangent en secret…

La liberté et l'ardeur ; l’élan nécessaire pour sortir de la cage – s’éloigner du périmètre – habiter (pleinement) l’espace…

Offrir à la dérive l’intensité suffisante ; prolonger le voyage d’une extrémité à l’autre ; et vivre ainsi l’éternité – l’impossibilité de la fin…

 

 

On vit – on glisse – comme roule la pierre ; et l’on s’immobilise de la même manière – pour des siècles de voyage ou d’astreinte…

Quelque chose qui s’obstine – condamné à se déployer jusqu’à l’épuisement – jusqu’à la rupture – jusqu’à la mort…

Ainsi sommes-nous fait(s) ; davantage chose – force brute et souterraine – tête absente – que volonté…

 

 

D’un bout à l’ autre de la grandeur inventée – puis, la chute – comme une bénédiction – le prolongement (naturel) du voyage…

L’ambition commune – en nous – qui se retire – pour la seule ambition qui soit – la seule qui vaille – la plus haute sûrement…

Le territoire de l’Absolu – à mains nues d’abord – avec son lot de malheurs (inévitables) avant le temps du découragement – avant le temps du recroquevillement – si propices à la faiblesse – à la sensibilité – à l’abandon…

Puis, un jour, en ouvrant les yeux – le ciel sur la terre – le pas apaisé – le sol lumineux – loin du rêve ; quelque chose hors du monde et du temps ; en ses propres profondeurs – la découverte du mystère…

Le silence – la tendresse et la joie – dans le regard et les gestes quotidiens…

 

 

Dans l’incertitude – tous les visages de l’existence – toutes les possibilités du monde…

Ce qui nous est promis ; et ce qui nous sera donné – l’offrande des jours qui invitera le cœur à se faire plus tendre et la main plus caressante…

Le tueur – en nous – comme assassiné…

Et un jour – la terre-prolongement – nourrie par notre Amour – par notre respect – par notre gratitude ; nous-même(s) en extension…

Le chemin du retour ; et la célébration de l’ensemble ; l’union qui détrônera (bientôt) toutes les alliances (devenues inutiles)…

 

 

Le grand soir – après la capitulation – ce qui s’initie après l’espérance et la mort…

L’aventure impartageable – la connaissance intransmissible…

Un chemin de joie et de poésie…

Un permanent va-et-vient – le regard – entre le monde et l’infini…

Les frontières qui s’effacent entre le reste et soi…

 

*

 

Sous la torture ordinaire – habituelle – (quasi) routinière ; les tenailles du monde à la main – qui pénètrent la chair ; les ampoules – la sueur qui perle – le sang qui coule…

La vie qui se resserre – sans préférence sinon la cécité – sinon l’anesthésie – sinon l’oubli de la douleur ; cet équivoque du vivant – bourreau-victime et victime-bourreau – malgré soi – consentant – mettant en pièces – la tête dans la torpeur – entaillé et entaillant – confondant (si souvent) le saignement et l’étreinte…

A genoux – pris à la gorge ; toutes nos identités arc-boutées – aguerries – prêtes à livrer bataille jusqu’au dernier souffle…

Et – soudain – sans crier gare – sans comprendre les enjeux – ni les luttes intestines – la mort qui foudroie – en un éclair ; le corps qui s’affaisse pour rejoindre la terre…

 

 

Le bleu ruisselant – plus ou moins – selon l’inclinaison de l’âme…

L’absence de ruse et de calcul – l’absence de lignée…

Ici – le cœur sensible – authentique – soulevé par les spectacles du monde – par ce que voient les yeux…

Le sang et la douleur – les plaintes et les cris – face au mur…

Des chutes et des enterrements – l’œil pris dans l’épaisseur – l’esprit fébrile et opaque…

La vie – un destin – ce qu’il faut de peines et de terreur – ce que l’on remue dans la fosse – au milieu des gisants…

La réalité – notre chance – piétinée – chiffonnée ; et jetée dans un coin – au profit du rêve – au profit de l'illusion…

 

 

De l’ignorance – de la haine – des ratures…

Ce qui se déplace – à travers des signes ; ce qui parvient, parfois, à se transformer…

La science de l’âme, trop souvent, délaissée par les hommes…

 

 

Le temple du rêve – inventé…

La lumière – et les Dieux – du monde – artificiellement construits…

Un décor – une blancheur – de carton-pâte – trop de fois repeints…

Érigés par la peur d’exister et l’angoisse de la mort…

Une manière de piéger l’esprit et la solitude – de ne pas s’approcher trop près de la vitre et de l’abîme – d’étoffer l’illusion jusqu’au dernier banquet…

 

 

Rien en sa possession…

Ni souffle – ni corps – ni âme…

Pas même un emprunt…

Nous n’existons pas…

Visages et choses de personne…

Et tous les cœurs – pourtant – qui battent à l’unisson ; et les mains – toutes les mains – les bouches – toutes les bouches – les pieds et les pattes – tous les pieds et toutes les pattes – qui agissent de concert ; éléments du grand corps en mouvement…

Et dans le ventre – cette faim insatiable – incorruptible – et cette chair déchirée – digérée ; la vie programmée – passagère ; la vie, sans cesse, renouvelée…

 

 

Un débris de quelque chose ; un peu d’Amour désemparé…

L’âme – l’autel des Dieux – délaissé(e)…

De la terre et du ciel – quelques récoltes – quelques espoirs ; pas grand-chose – en vérité…

La chair que l’on avale – la chair qui pourrit ; la matière qui nourrit (d’une manière ou d’une autre) la matière…

La parole qui supplante le réel…

L’orgueil et le sentiment de la défaite…

Et l’humanité – en nous – qui, peu à peu, se retire pour on ne sait quoi ; un peu plus de tendresse ou un peu plus d’atrocité – selon le versant sur lequel l’âme se penche – selon le versant sur lequel le cœur bascule…

 

*

 

Ce qui nous engage – la tête pleine de terre – les bras qui ressurgissent – puissamment armés – de plus en plus…

A travers le songe – le souffle du vivant…

Des images – par millions – en désordre – dans l’esprit ; quelque chose d’obscène et de monstrueux…

Comme des grilles – souveraines ; le règne des cages ; les lois de la détention…

Et le ciel vivace – et silencieux – que les yeux dévisagent – sans comprendre – si vide – si effrayant – que les fronts le remplissent de choses et de couleurs ; des figures joyeuses censées contrebalancer le poids (terrestre) de la douleur et de l’ignominie…

L’invention du monde et l’invention du Divin – comme si l’essentiel nous manquait…

Des signes qui nous envoûtent…

Des croyances disséminées ici et là – au-dedans et au-dehors…

Des signes et des croyances qui renforcent la nécessité et le pouvoir du nom…

Des destins à la chaîne que l’on enfile sur le même anneau – déjà complet – déjà paré de l’essentiel…

L’innommable qui se nomme – comme l’unité qui, autrefois, s’est démultipliée ; et les apparences qui incitent à se prêter au jeu des singularités…

Rien que des détails – quelques détails – du tableau ; une fresque immense – infinie – changeante – inachevée – inachevable – où chacun constitue à la fois un pinceau et une tache de couleur – changeants eux aussi…

Le mystère et le merveilleux – si hauts – si inaccessibles – et à portée de main – à portée de tous ; à chaque instant – au cœur du jour – au cœur des gestes les plus quotidiens…

 

 

A l’autre bout de soi – quelque chose d’inconnu – l’extrémité des profondeurs…

En dessous du langage – là où naît la poésie…

L’immensité qui se laisse voir – qui se partage – et qui se retire le moment venu…

L’art d’exister au milieu de l’indifférence – au cœur du monde et de l’oubli…

Ni temps – ni croyance ; la parole de plus en plus silencieuse ; et le visage tourné vers l’intérieur…

 

 

Rien qu’une route – ce voyage invisible…

Tous les pas à la suite du premier cri…

Le même ciel au-dessus des mondes que chacun peuple à sa manière…

La multiplication des élans depuis l’origine…

Le verbe qui traduit la multitude (et inversement)…

Mille visages – mille lieux – soumis au même mystère – aux mêmes misères…

Ce qui se fait – et se défait – au fil du temps…

 

 

Le cœur soupesé pour comprendre la gravité…

La mort comme un vêtement – une trappe secrète – l’un des seuils de l’espace – de l’autre côté – sur l’autre versant – celui qui est interdit aux vivants – invisible – indécelable par les yeux des hommes…

Dieu – jamais très loin de ceux qui vivent humblement – tremblant de peur ou de joie…

Soumis à la couleur que la vie leur impose…

Un oiseau – à peine – à travers les bourrasques ; le ciel et toutes les circonstances…

L’âme passante – comme le vent – comme le reste…

Le poids de la terre sur les ailes ; et l’immensité – comme l’envergure et la portée du poème – indéfinissable…

Au pied de l’arbre – notre soleil et notre tombe…

 

*

 

Là – sur cette rive où le sang coule comme l’une des nombreuses substances terrestres – organiques – humaines ; au même titre que les larmes – la sueur – la semence – qui se mélangent à la chair – à la terre…

Comme les corps que l’on mastique ; et que l’on digère…

Le labeur suintant des entrailles…

Comme les bêtes ; rien qu’un ventre ; la pièce centrale que l’on a, peu à peu, entourée de quelques éléments annexes – secondaires…

Condamné(s) – détenu(s) par la matière – jusqu’à sa mise à mort…

 

 

Plus haut que soi – l’histoire du monde – le vent – le ciel – l’eau – les Autres – le reste ; ce qui n’est pas nous…

Pas plus essentiel ; un peu plus haut ; pas si différent…

De la même veine que l’ivresse et le vertige…

Quelque chose que l’on ne contrôle pas…

Innombrables – comme les barreaux de notre cage – comme les ombres souterraines – comme les cadenas dont nul ne possède la clé – comme toutes les portes qui se ferment à mesure que la route se précise…

Et cette ouverture, en soi, étrange – à peine croyable – inespérée ; comme le prolongement de l’histoire – de toutes les histoires ; une faille – une béance – avant de rejoindre le vide qui nous a créé(s)…

 

 

La chair restreinte – l’âme claquemurée – l’esprit en embuscade…

Le monde – ses procédures et ses tressaillements – toutes nos défaillances…

Ce que précise la lumière à mesure qu’elle croît…

Du plus sombre à la terreur…

Ce que nous déchirons – le cœur même de la trame ; nos ailes – peut-être – ces choses si proches du ciel – faites de la même substance – sans doute…

 

 

Le jour – à moitié involontaire – à moitié décidé – comme un animal craintif que l’on peut – à force de patience – apprivoiser…

Ce qui se dissimule à nos yeux trop avides – trop gourmands – trop affamés…

La chair d’une bête inventée – sous le signe de l’abondance et de la boulimie…

Notre ventre – dans lequel passe la vie ; autour duquel le monde s’est organisé…

Et notre estomac prédateur qui sera, lui aussi, transformé, un jour ou l’autre, en denrée qui remplira la panse des descendants de ceux que notre bouche aura avalés…

Le grand cycle de la matière et du service ; des sévices – des entrailles et des dépouilles dépecées…

 

 

Le chemin vers un Autre – vers ailleurs – qui console (parfois) de l’incompréhension – du sens ignoré – de la permanence des guerres…

Et ce bruit de balançoire que l’on perçoit au petit jour – lorsque le soleil éclaire les larmes – les têtes pensives – les corps inertes et ensanglantés…

Derrière et sur nos écrans ; comme des filtres et des angles morts – des recoins où se cacher – que la lumière ne peut pénétrer…

Notre oubli (tous nos oublis) – depuis des millénaires ; une stratégie, sans doute, pour survivre à tant de malheurs – à tant de dangers…

Le cœur pétrifié – au cœur des tueries – parmi les assassins…

Une route à construire – un espace à débroussailler peut-être – pour espérer se retrouver, un jour, face à l’immensité silencieuse – l’âme aussi bleue que le reste – aussi bleue que l’ensemble – le visage en paix – en un lieu qui ne nécessitera ni la fuite – ni la consolation…

 

*

 

Le visage grave et le geste inventif qui brouillent – et effacent – les images – qui décapitent les idoles – qui décèlent, sous les parures, un feu réel – (extrêmement) meurtrier – capable de démasquer les faux râles – d’assassiner tous les comédiens – de révoquer les vies fictives qui se traînent sur les routes du monde comme si la terre était un échafaud…

Un faîte – un socle – sur lequel il serait possible de vivre quotidiennement la densité et la profondeur ; chaque geste – chaque parole – aussi authentique que le regard – affûté(s) ; au rythme de ces cycles qui, en ce monde, font tout recommencer…

 

 

Sur la feuille qui surplombe le monde – les malheurs et les tourments – tous ces tourbillons qui emportent les corps – les âmes – les vies…

Et l’âme sans clôture – sans commerce – sans personne ; au-delà même des exigences (éthiques) les plus hautes…

Une manière de déchirer la liberté – tous les drapeaux et toutes les bannières que les hommes ont l’habitude de dresser devant eux…

Sans pouvoir – sans autorité ; dans l’élargissement de ce qui est touché ; et, involontairement, l’anéantissement des frontières ; et les jointures qui apparaissent spontanément pour souligner l’emboîtement au reste…

Ni porte – ni chemin…

Ni apprentissage – ni enseignement…

La vie même et ce qu’elle porte ; l’infini – l’invisible – l’Absolu – sans retenue – autant qu’il nous est possible de les ressentir – autant qu'il nous est possible de les expérimenter…

 

 

Les mains – sans entaille – sans artifice – sans bizarrerie – aussi nues et innocentes que le corps – que le cœur – que l’esprit…

Sous la même voûte que toutes les arches de pierre ; l’âme vive – et impétueuse – au service de la terre – au service du ciel et du vent…

A notre place (enfin) dans cette disparition – dans cet enfouissement – dans cette indissociabilité avec le monde…

 

 

L’œil par-dessus les choses – au lieu d’y pénétrer…

Des livres comme des tunnels – au lieu du ciel et des oiseaux…

Ce que l’on accomplit – malgré soi ; ce que la vie nous dicte – le monde en filigrane ou en arrière-plan…

Instruments du ciel et des Autres…

Ce qui nous cisaille – ce qui nous révèle…

L’attente et l’impossibilité de la guérison – comme si nous étions incomplets…

L’existence agitée – cannibale – pétrie d’images – de prières et d’idoles…

Dieu à tout bout de champ ; et le sang versé contre lui ou en son nom…

Notre exacte position sur la terre – sous les étoiles…

Notre vie – comme une marche absurde et mystérieuse en un pays lointain – sur une terre hostile et inconnue – que chaque pas essaye d’apprivoiser…

 

 

A présent – sans même le besoin d’exister – sans même l’envie de prolonger la vie ou de précipiter la mort…

Ici – dans cet espace – changeant chaque jour de recoin – le regard, peut-être, plus aiguisé…

L’âme lasse de tous les savoirs humains ; éreinté – assommé – par les histoires – par la comédie – le grand cirque – le grand bazar – que s’ingénient à bâtir les hommes…

Toutes les expériences possibles – au creux de la main…

Immobile ; l’Amour – la mort et l’effacement…

Ce qui compte – ce qui subsiste – lorsque tout a été donné – lorsque tout a été repris ; la nudité du cœur et du corps…

A la place du couteau – rien – si, peut-être, une sorte de confiance et de sourire – comme une distance légèrement indifférente – légèrement impliquée…

Comme un voyage sans importance – sans point de départ – sans origine – sans intention – sans dessein – sans destination ; des étapes – seulement…

L’évanescence et l’éternité…

La fragilité et la puissance – sans point de résistance…

Le bleu qui s’étend ; et l’homme qui, peu à peu, disparaît…

Ni croyance – ni vérité ; ce que l’on porte, en soi, rencontré et expérimenté ; sans alternative – de toute évidence, la seule perspective – la seule nécessité – celle où l’on se sent (un peu) plus que vivant – joyeux – à sa place ; bien davantage que nous ne pouvions l'espérer au commencement du monde…

 

*

 

L’oubli – comme le poing et l’éclat de la pierre – instrument des hommes et des sommets…

L’invisible labour de l’espace…

La terre après l’orage – revivifiée – prête à recevoir la semence et le sang…

Ce que la main des Dieux dessine au cœur de nos vies ; des ajouts – des détours – des ornements…

La monstruosité réticulaire à l’œuvre…

A pas comptés – jusqu’au moindre écart entre le rêve et la réalité…

Ce que la tête et les bras s’obstinent à détruire ; la poitrine orgueilleuse – incapable de passer à travers les barreaux…

Encore prisonnier de l’esprit…

 

 

Délivré du monde – des terres qui vénèrent la force et la puissance des armes – des souterrains millénaires – qui ont enfanté tous les mythes – tous les récits – toutes les civilisations ; la fable – l’invention – le mensonge que nous sommes – comme si nous étions capables (à force de volonté) de sauver l’enfance et de retrouver l’innocence première née du frémissement de l’origine…

Délivré du progrès – du sens de l’histoire et des racines apocryphes et infamantes…

Comme un va-nu-pieds – à présent ; la poitrine défaite et libre…

Rien entre les tempes ; rien entre les parois du cœur – sinon l’ineffable – ce qu’aucun homme ne peut – ne sait – mesurer…

Au centre de l’espace – sans suffocation…

Le souffle lumineux – sans que l’esprit se sente obligé de commenter – de résister ou de souscrire au mouvement – à la marche du monde…

Sur la feuille – l’aridité (nécessaire) – la simplicité abrupte de ceux qui ont renoncé (naturellement) à leur identité et à leurs ambitions…

Des restes d’air – quelques remous dans le ciel accessible ; si peu de chose(s) – en vérité…

 

 

Ici – rôdant au milieu des siècles insecourables…

Dans le renouvellement sauvage du vivant…

Avec quelques rêves d’existence autour du soleil…

Le sommeil blotti contre nous – au plus près du cœur qui hiberne…

Sous notre couverture de terre…

 

 

Des noces aux funérailles – dans tous les lieux possibles…

L’âme retournée comme le sol que l’on fouille…

Tous nos ancêtres derrière nous – au-dedans…

Le produit fini – et inachevable – des siècles – des générations – de toute la généalogie terrestre et cosmique…

Le souffle et les larmes – au bord des lèvres – ce qui, autrefois, sommeillait au fond de la terre – ce qui animait le visage des premières créatures – et plus loin encore – ce qui existait en germe – en possibilité – dans les profondeurs de ce qui nous enfanta…

Nous – visité(s) et visitant – traversé(s) et traversant ; absolument – la seule expérience qui soit…

 

 

A travers le monde – le jour glissant…

L’ombre – maîtresse des rayons…

Le cœur aguerri – nos traces hors du cercle…

De plus en plus penché – l’inclinaison de l’âme – au-dedans – et au-dehors – à travers la main tendue…

De moins en moins esclave de la liberté (de l'idée de liberté)…

Qu’importe ce qui s’impose – obéissant…

Le corps et l’esprit sous la tutelle d’un plus grand que soi qui se laisse deviner – qui se laisse approcher – qui se laisse habiter – que nous sommes au cœur de ce qui bouge comme au cœur de ce qui contemple…

La vie authentique – sans insouciance – sans gravité ; le réel que chacun peut expérimenter…

 

*

 

Empêtré(s) dans le corps et dans l’âme comme dans la vie ; l’absence – involontairement – mise en avant ; à la manière d’une désertion ; le cœur, sans doute, trop étranger…

Le visage contre la grille – parfois posé délicatement – d’autres fois frappant (avec violence) contre l’acier…

Très loin – très haut – inimaginable – le soleil – comme un autre monde – une fable – une histoire que l’on (se) raconte pour ne pas (trop) désespérer du noir…

L’enfance bannie et rouée de coups ; et le souffle qui manque pour transformer l’élan en trajectoire et échapper au labyrinthe des devoirs – des attentes – des conventions ; ce dédale inventé par l’esprit ; les seules fondations et les seuls barreaux de l’enceinte dont nous nous croyons prisonnier(s)…

 

 

Parfois – mourir – s’abandonner à ce qui nous happe – la tête brinquebalante dans le sable et le vent…

En prise directe avec le réel – ses piques – ses pointes – ses caresses et ses assauts…

Le soleil en plein visage ; et la pluie battante sur l’échine…

Comme les bêtes ; leur (admirable) courage en moins ; mais, de toute évidence, moins pusillanime que les hommes ; la figure entre la gueule et le visage – comme le corps – comme le cœur – comme le reste ; franchement indistinct(s) – franchement indéterminé(s) ; né(s) et vivant(s) tissé(s), sans doute, à même la trame…

 

 

Les bras le long de l’âme – l’esprit tendu – le cœur chaviré ; en partance déjà…

Bancal – comme tout ce qui est vivant…

Simple dans ses contours ; et complexe à l’intérieur et dans ses liens avec les Autres – dans ses liens avec le reste…

La matière inscrite dans l’abîme – et le regard au-dedans et au-delà…

A l’extrême pointe, peut-être, de l’immobilité – là où peut encore se mouvoir le voyageur…

 

 

Au bord – comme si tout était abîme…

Au cœur – immobile…

A la périphérie – comme sur une pente…

L’angoisse – la chute – l’inconnu – sans qu’il soit possible de savoir…

Comme une force très ancienne – à l’intérieur – qui nous guide…

Une perspective – à travers le monde – au-delà des apparences…

 

 

Au-delà des traits et des tremblements…

Dans le désert – agenouillé…

A contempler sa figure dans l’immensité…

Toute vie intérieure – en vérité…

L’âme alliée de l’espace…

Le vide sans prophétie – sans malédiction…

Notre sort à tous – entre évanescence et éternité…

Quelque chose du passage – de l’obsolescence – de l’immobilité…

 

 

La douleur – comme un mur – une terre déchirée ; le cœur de notre périple…

Au-dessus du monde – le vol des défenestrés – ceux qui ont osé sauter dans l’inconnu (ou, parfois même, dans le néant)…

Au-dedans – le temps chamboulé ; l’avenir – le présent – le passé – mélangés – amalgamés – comme un nœud qui opère une cassure dans la linéarité ; une sorte de constance dans la discontinuité ; et une intensification peut-être…

Tous les nombres – toutes les lettres – affolés – retournés – entre le point neutre et l’infini ; offrant toutes les combinaisons possibles…

Le sort suspendu à un fil – enchevêtré à tous les fils – au cœur même de la trame…

Les pieds nus dans la neige…

Le ciel des existences – des calculs et des alphabets – en quelque sorte…

Ici – à cet instant – à la manière d’une autre vie – plus belle – plus libre – plus grande ; le début, peut-être, de la (véritable) poésie…

 

*

 

Entre les cercles étroits – libre – sans appartenance…

Au-delà de l’ordre et de la douleur – de la respiration commune asphyxiante…

La voix calme – oscillante – entre le corps et la terreur – entre l’imbécillité et le sommeil – encore trop près des hommes – sans doute…

En soi – l’élan salutaire – le pas de côté qui (nous) soustrait aux règles – aux lois – à toutes les normes en vigueur…

Offert – effacé – exposé – de plus en plus ; le visage transparent traversé par des éclats de lumière…

La tête désinscrite de toutes les listes – vide – vidée – comme un serpentin lancé en l’air…

L’existence qui se défait de ses liens – des chaînes qui la retenaient…

Comme un jet de pierre – à présent – une trajectoire interminable tant que l’on sera capable de repousser le sol – d’insuffler le vent – pour que dure le vol – le trajet – le voyage…

 

 

L’esprit et la main – apparemment lacunaires – sans grain – sans attrait – délaissés par ceux qui mendient – par ceux qui exigent ou attendent – par ceux qui sont incapables de voir leur richesse ; ce vide – cette innocence – cette disponibilité – qui ne s’offrent qu’aux réelles nécessités du monde…

Au-delà de l’invisible frontière – du seuil silencieux – qui efface toutes les formes de séparation – qui réintègre l’essentiel – qui inverse les extrêmes – qui ramène au centre toutes les anciennes périphéries…

Libre et joyeux – le cœur lucide et le regard affûté œuvrant à leur tâche – l’âme comme une terre vierge – un bout de ciel ensemencé…

 

3 juillet 2022

Carnet n°275 Au jour le jour

Octobre 2021

Ici – sans aile – sans ciel – arpenteur(s) de souterrains – nous tuant à la tâche pour quelques couleurs qui pourraient (éventuellement – sans la moindre certitude) égayer le gris habituel…

A marcher dans l’espoir d’une lumière (toujours) introuvable…

Ici – la liberté cependant – dans le geste affranchi du désir et des ambitions – dans la parfaite obéissance à ce qui s’impose…

Le cours des choses en prescription ; et la stricte observance existentielle comme seule nécessité…

 

 

La plaie ouverte ; l’enfance nue – sur la cime (supposée) originelle – défaite de ses vêtures et de ses mensonges…

Dans la main – (bien) davantage que l’espérance…

L’horizon au-delà des querelles et des ombres vénérées…

Ce que l’on s’échange – (presque) toujours en pure perte…

Sous nos doigts – dans la chair – au cœur du monde ; l’esprit follement épris du mystère…

Au-delà de la douleur et du temps – au-delà des combinaisons trop communes – trop conformes – quasi obscènes (tant elles sont répandues)...

Ensemble – sans personne – sur la pierre ; exclu de tous les trafics – de toutes les manœuvres – des usages les plus nocifs…

Une minuscule fenêtre – un peu de lumière…

 

 

A notre place – disparu – sans reconnaissance…

Parmi les arbres – au cœur de la forêt…

Toutes les portes – comme toutes les rencontres – à l’intérieur…

L’infini et le souffle ; la vie sans résistance…

La simplicité de l’être et la simplicité de l’homme ; le manque et la mort mis en échec par l’instant – la disparition de la durée – l’extinction du temps…

Et, contre toute attente, la subsistance de l’étincelle et de l’éternel…

Jamais seul(s) – bien sûr – dans la solitude…

Le jour qui vient – le jour qui va ; l’existence heureuse – sans doléance – sans caprice ; le cœur comblé…

 

*

 

Des empreintes dans l’espace…

Quelques cordes tendues au-dessus du vide…

La foulée qui s’allonge sur le fil…

De la douleur à la jouissance – en quelques pas…

Toutes les vibrations du vivant…

Et, au cours de la marche, des gisements à foison – d’où, sans doute, l’éternel recommencement des choses – du monde – du temps…

L’existence en sensations inextricables ; l’esprit à géométrie variable ; sur des plans différents et, parfois, complémentaires…

Le ciel indemne malgré la prolifération de la matière ; le jeu perpétuel du vide ; l’invisible qui exerce ses prérogatives…

 

 

Hors de soi – le devenir en dormance…

Le monde et le temps comme assoupis – presque inexistants – pas même un décor ; un souvenir (plus ou moins lointain)…

Du bruit et des mouvements – étrangers – comme une part de soi – derrière la vitre – oubliée – abandonnée à elle-même – à ses propres rêves…

Du délire et des ruines – le grand vertige et la grande mélancolie des hommes…

De la rocaille en guise de visages…

Et, au-dedans, l’errance et la cage…

Les pas qui tournent en rond – derrière des barreaux ; ce que l’on porte – au-dedans des frontières – la peine et l’interdiction…

L’espace et la vision – (extrêmement) limités ; notre périmètre de détention…

Condamné(s) au rêve et à l’évasion qui se transforme, quelques fois (très rarement), en salut – mais qui se limite, chez la plupart, à un peu de ciel peint sur une planche – à un soleil inventé – purement imaginaire – pour égayer (un peu) la couleur de l’air que l’on respire…

 

 

Au bas des pierres – ce grand cercle de lumière…

La fange et l’ennui – entremêlés – et qui (bien sûr) nous embarrassent…

Le vide certes mais comme vécu à distance…

Une existence qui nous laisse (le plus souvent) impassible ; et des circonstances qui nous rendent (pourtant) si impatient(s) – si insupportable(s)…

Sans gratitude – sans surprise – alors que rien ne nous échoit de manière gratuite ; le sens sous-jacent de toute offrande…

Chaque expérience – comme le prolongement permanent de nos actes ; avec mille implications – mille conséquences…

Comme si l’on participait (malgré soi) au grossissement du monde ; et, bientôt, devant nos yeux – cette montagne démesurée – monstrueuse – inébranlable – impossible à gravir…

Et ce minuscule trou de souris où l’on s’est (provisoirement) réfugié – où l’on a (apparemment) élu domicile ; et qui nous contente ; en effet – qu’importe l’extérieur – le dehors géographique ; en soi – le (seul) lieu de la métamorphose – le (seul) lieu des possibles – malgré l’apparente exiguïté…

 

 

A l’opposé de soi – la censure et la condamnation…

La parole rare et le regard sévère…

Et ce feu continu au fond de la blessure – la souffrance naturelle (et ordinaire) de l’homme et du monde…

Notre pénitence terrestre en attendant la mort…

Et, parfois, une certaine forme de hauteur – entre la folie et la lumière – la lampe toujours allumée pour éclairer les bas-fonds…

Et l’esprit (incroyablement) amoureux de ce grand bazar…

 

 

Le ciel à nos trousses ; la foulée trop lente et la course trop longue…

Au rythme de la fleur qui pousse – au rythme de l’érosion de la pierre…

Et ce que l’on abandonne (trop souvent) à regret ; notre errance et notre claudication…

Et, parfois (très rarement) – l’immensité qui nous saisit – qui nous pénètre et nous envahit – avant même que le ciel ne soit atteint…

 

*

 

Il (nous) faudrait fouiller dans ce qui respire pour pouvoir découvrir une vérité vivante…

Sous la pierre – dans l’ombre – au fond de la chair – le magma écarlate qui, peu à peu, se transforme – qui, peu à peu, change de couleur…

La pulsation de la source – le souffle de la poitrine-mère ; et derrière le mouvement – l’infini – l’invisible – le silence ; l’espace et la présence que nous avons (malgré nous) fragmentés…

 

 

L’espace (étrangement) triangulaire du monde – du temps – de l’ineffable…

Ce qui s’ouvre – ce qui est vide – ce qui est saillant…

Derrière les apparences changeantes ; la chair qui s’entasse – les fronts offusqués…

A travers la semence [et l’efflorescence de toutes les substances (terrestres)] – le même simulacre – cette tragédie mal inspirée ; le feu de la terre qui veille sur ses morts ; et mille lieux à délivrer de l’indigence et de l’entêtement (à vivre)…

Au lieu de l’inertie ambiante – il faudrait fabriquer une embarcation – mille embarcations – et les offrir (avec un peu d’ardeur) pour que le monde soit capable de traverser l’océan des profondeurs – dans le sillage du Divin, en nous, déjà présent…

En vérité – il suffirait d’un (simple) rapprochement des bords – une réduction de l’éloignement – pour que le ciel puisse scintiller au fond des yeux des bêtes et des hommes – dans la sève des arbres et le pollen des fleurs – au fond – au cœur – de toutes les choses de la terre ; pour que la couleur et la joie puissent, un jour, remplacer les larmes et la peur…

La possibilité d’un autre monde – en somme…

 

 

Vagabond des bois dialoguant avec les pierres et les arbres – s’essayant à toutes les coutumes du bestiaire forestier – en simple passant – en habitant provisoire du temple (naturel)…

La besace pleine de baies – en guenilles – comme aux origines…

Le travail de la main plutôt que celui de la tête…

L’innocence sans mensonge…

La discrétion et le respect – la parfaite continuité du silence qui règne sous les feuillages – en accord avec toutes les lois en vigueur derrière les fourrés épais…

Le cœur et le geste – si proches de l’impossible…

 

 

Étranger à l’absence…

Plutôt fenêtre aventureuse qu’abri confortable – plutôt pas ardent que tête assoupie…

Le cours des choses – comme réel miroir de l’ineffable…

Et la clé – en soi – sans sentence ; la sagesse et l’ardeur que l’on sème par mégarde…

Dieu sur un rocher – et notre voix (beaucoup) moins belliqueuse – le monde tel qu’il nous apparaît aujourd’hui…

Derrière l’œil – la prière et la foi – sans église – sans croyance…

Tous nos visages réunis – tous nos mythes et toutes nos couleurs rassemblés – au fond de l’âme…

Sur le chemin – la perte (progressive) des illusions ; la découverte permanente ; ce que dissimulent la mort et les apparences mis au jour – exposé comme une évidence…

Notre capacité à sourire et à franchir tous les seuils – toutes les limites ; mille défis à relever – sans orgueil – sans agressivité – dans notre manière même d’être au monde…

 

*

 

Le jour dépenaillé – (très) digne sur la terre de la souffrance – au pays des fantômes et des morts…

Au fond – sans (réelle) blessure – sans (réelle) offense ; les circonstances pas même ajournées – pas même détournées…

La morsure des hommes – toutes les têtes inclinées – les yeux mi-clos – presque fermés – comme pour échapper à l’éblouissement ; pas assez mûrs – sans doute…

Un bout de ciel sombre – quelques pas – la multiplication des danses – le jeu (inévitable) du monde…

La discrétion à l’honneur ; et la patience d’attendre la lumière – les tout premiers prémices de l’effacement…

 

 

Sur cette terre sans soleil – le rôle de la couleur et la tentative des mots pour égayer l’air – donner au vide une vibration particulière…

Le déplacement de l’Amour – le rapprochement de la mort et de l’immensité…

A vive allure pour enjoliver les traces – donner à l’espace et aux pas leur allégresse (fossés et trébuchements compris)…

Une manière d’apprivoiser la noirceur du monde – de défricher des voies nouvelles – de vivre sans trop de tristesse au milieu des hommes – au milieu des ombres – au milieu des tombes…

 

 

A même la pierre – la peau – la chair…

A même le vent – la tête – les pieds…

Au cœur du rêve – trop de fois endormi(s)…

Dans les pas – la violence…

Sur les mains – le sang…

L’esprit cherchant l’impossible – cherchant l’impensable – une réponse – l’émerveillement de l’âme – la panacée universelle – mille manières d’échapper à la peur – au monde – à l’existence – à l’impitoyable inexorabilité des circonstances…

 

 

L’effusion de sang – la mort – ce à quoi incitent les idées – ce que permettent les croyances…

L’existence frivole et les gestes inconséquents…

Un léger sourire face à l’oppression – face à l’étouffement…

Davantage que nos aïeux ; davantage que quelques aboiements plaintifs…

L’enfance révélée – la bêtise pourchassée sans répit – l’exacerbation de la tristesse – pour créer les conditions de la révolution ; la fin du mirage et des âmes (trop) passives…

Pas une guerre – l’installation durable du silence…

Le règne de l’ascension – le règne de l'échappée plutôt que celui de l’affront – plutôt que celui du sacrifice…

 

 

La foule fiévreuse ; tous les tambours frappés par des mains rageuses…

Autant de bruit que la souffrance éprouvée…

Des cris et des couteaux – qui jaillissent des gorges et des poches ; les tout premiers barreaux sur l’échelle de l’atrocité…

Le monde tenu en joue...

L'excès de néant au lieu du vide éclairé…

 

 

L’espace franchi d'une seule traite – à petites foulées ; quelque chose du désir – de l’exil – de la lumière…

Comme accordé au cours (inexorable) des choses – la seule pente – la seule réalité – la seule litanie – possibles ; et tout le reste, sans doute, à négliger (autant que possible)…

 

 

Troubadour du temps des neiges…

L’hiver – sans public – la seule saison – le seul espace – envisageables…

L’Amour ; et les pieds joints dans la mort…

L’existence sans filet ; la tête hors du sable…

Le voyage entre pierre et ciel – aussi infime que les flocons qui s’entassent sur le sol gelé…

Sans doute – le même rôle et le même visage – sans la nécessité du temps – pour tenter de durer un peu…

 

*

 

La violence du magma face à l’impossible ; et (biens sûr) réciproquement…

Des hurlements face à la mort – face aux vivants…

Et la vérité qui passe – sans équivoque…

 

 

L’identité qui s’allonge – qui se distend – qui empiète sur tous les territoires restreints ; le périmètre de la peur et du retranchement ; tous les alentours…

Et dans l’âme – et dans les veines – aussi – ce (très) progressif envahissement…

La bouche attendrie – le ciel autour du cou…

Partout – chez soi – jusque dans la résonance du sol…

 

 

Le pas glorieux des inconquérants ; le ciel – en tête – plus qu’en tête – partout au-dedans et au-dessus de soi…

A chanter l’innocence face aux assauts – face aux menaces – face aux ombres qui s’avancent…

Au-dessus (bien au-dessus) de la pyramide édifiée en l’honneur des combattants – de ceux qui portent l’épée – et qui la placent (en général – très largement) au-dessus des livres…

Riant de la débâcle – pansant la tristesse – adoucissant la douleur des vaincus – sauvant ce qui peut l’être encore…

Plaçant l’absence et l’abjection face à leurs contradictions – autant que l’indifférence…

Brandissant l’Amour avec légèreté…

Coupant court à toute forme de débat…

Ôtant la poudre dans tous les yeux…

Veillant avec attention – respect et patience – sur le sommeil (non réparateur) de ce monde mal en point…

 

 

Au cœur du fardeau – l’espace et la complicité ; ce qui allège et ce qui consent – toute l’équivoque de l’homme – l’esprit pris en tenaille entre la matière et la liberté…

 

 

Le temps ajouté au temps…

La terre ajoutée à la terre…

Rien de nouveau dans les mains – sous le front…

Le même écho – celui de l’ignorance…

La solitude et la mort – à vivre comme si nous avions les yeux scellés…

 

 

Sans consigne – sans regret – sans illusion – qu’importe les seuils et les portes basses à franchir ; suffisamment humble et incliné pour se faufiler dans tous les passages proposés…

Et ce qui viendra bientôt – l’immensité – l’étendue des hauteurs ; en attendant l’existence simple et solitaire – sans mensonge – sans consolation…

 

 

La vie comme du bois menacé – que l’on frotte au froid de l’hiver – et qui flotte, parfois, entre deux eaux…

Et les mêmes dangers à l’intérieur…

Légèrement décalé – l’âme comme jetée au fond d’un fossé…

Toutes les portes de l’histoire verrouillées…

Avant que le vide ne devienne nôtre – dans une ou deux éternités – peut-être…

 

 

Le chaos comme chahuté par lui-même…

Ainsi se construisent le monde et l’oubli du monde…

La matière en marche ; et la perte qui s’accroît…

La maladie d’un Autre – sans le moindre consentement…

Bien plus (pourtant) qu’une existence – qu’un tas de souvenirs et d’excréments…

 

*

 

Envoûté – peut-être – comme au commencement ; l’âme lisse et les yeux plissés pour mieux ressentir ce qui est donné…

La respiration née des profondeurs – du ciel au-dedans – comme le geste – comme le vent – la tête abandonnée – l’intelligence prise dans la débâcle – quittant, peu à peu, l’abjection…

La lumière qui prend place aux côtés de la veille…

Les dés dans les mains des Dieux ; paré, à présent, pour les jeux du cirque auxquels sont condamnées (presque) toutes les créatures de ce monde…

 

 

Au fond du sommeil – privé de tout – le corps impatient – la tête inerte…

Des éclats de cycle et de scintillement…

L’allégresse et la sauvagerie – éparpillées – vagabondes – main dans la main…

A fuir – à se cacher les yeux – comme si la plaie était trop profonde – comme si vivre nous était impossible…

 

 

L’âme en friche – anéantie – comme laissée hors du jeu – hors du monde…

Le sang des Autres sous les pas – sur les mains…

La substance des mots reléguée au fond du cœur – comme confiée au hasard…

Le silence – pourtant – plutôt que le mythe…

L’œil ouvert – pourtant – plutôt que la cécité…

Et le sommeil encore – comme une lèpre qui ronge la pierre – qui ronge la chair ; quelque chose qui s’insinue et qui, en définitive, nous ampute de toute possibilité…

Comme un écart que l’on essaie, sans cesse, d’agrandir pour tenter d’échapper à son destin – à cette chute inévitable qui nous est promise :

La vie à la manière d’un corps qui tombe dans un abîme sans fond – à la manière d’un corps qui flotte dans l’air ; prisonniers de (toutes) nos contradictions…

 

 

L’âme enjouée par l’écart de la chair – qui s’éloigne du tracé ancestral – qui se découvre un destin aventureux…

En dehors de tout sentier…

A courir au-delà de toute raison…

Comme une pierre qui roule loin de la roche – loin des éboulis – sur des pentes vertigineuses – de plus en plus loin…

Un peu de matière qui n’appartient à personne – et qui aimerait parcourir le monde – faire le tour de son corps pour trouver sa place – et se rejoindre (si l’occasion lui est donnée) – sans les recommandations de la tête – sans les exigences du cœur – libre d’aller – de se disperser – de disparaître…

 

 

Sans trace – dans l’air – comme la course du vent…

Un peu de transparence…

Un écho (pas si lointain) de lucidité et de sagesse…

Le monde émergeant de la buée – de la brume – de l’obscurité…

Un pas vers l’émancipation – un avant-goût de la liberté…

L’alignement de l’enfance et de ce qui suit la cécité et la désespérance…

 

 

Trop d’étoiles dans les yeux fermés…

Cette danse étrange sous les paupières closes – le regard éteint alors que la ronde des rêves s’impatiente…

Un peu d’aventure avant la mort ; la même illusion dont – inlassablement – on se sert…

 

*

 

La tête en fête – alignée sur l’enfance et les étoiles – le ciel et le monde…

La denrée la plus rare ; les yeux perdus…

Des traces et des vies pour (presque) rien…

Quelques pas de danse entre l’abîme et la mort – entre la mort et l’autre béance…

L’obéissance à la faim ; cet écartèlement involontaire…

Ce dont nous sommes fautifs ; la liberté fragile...

Le ciel comme pris au piège…

 

 

La main accueillante…

L’immensité amoureuse…

Le cœur à demi fermé qui se recroqueville plus encore…

L’œil (toujours) étonné…

L’inconnu qui chasse le plus familier…

Le front sans cesse oublieux – sans cesse porté par le désir et la faim…

Le corps qui cherche des ailes – un peu d’air – sa respiration…

L’infirmité contiguë au surcroît…

Un monde aux arômes – et à la saveur – trop peu variés…

 

 

Devant la porte oblique – (très) étonné…

Le regard sans assise…

Le sens perdu à force d’écarts et d’effractions…

Et, un jour, au détour d'un virage propice – la rencontre ; comme deux figures gémellaires – inséparables – qui se retrouvent…

Le monde qui s’enlise ; et le reste (bien sûr) qui se donne…

A glisser ainsi – sans résistance – vers moins de choses encore ; le rien – le plus que rien – sur cette trajectoire – et au bout peut-être – et au bout sans doute – le visage commun originel…

A la manière d’un perpétuel recommencement ; le brusque surgissement du réel…

 

 

Les yeux au-dessus de la roue du temps…

La nuit terrée – taiseuse – envisagée…

Ce qui monte et ce qui descend…

Un peu de réel – un peu de souffle – un peu de sang…

Le cœur animé par la même soif (depuis si longtemps)…

Le corps à qui l’on donne un nom (pour quelques jours)…

Une voix qui s’éveille – parfois…

Une (infime) partie de l’infini que chacun croise sur son chemin…

 

 

La foule qui s’éloigne…

Vers le nord – toujours davantage…

Quelques pas encore…

Le vent sur la peau – au pays des lames et des lambeaux…

Une folle ascension ; une montée à se rompre le cou…

L’âme (discrètement) creusée par toutes ses découvertes…

Et l’espace qui, peu à peu, se substitue à la passion ; ce qui (bien sûr) nous désarçonne – ce qui (bien sûr) nous désagrège ; comme une (très singulière) manière de se retrouver…

 

 

Le temps (trop) furieusement offert…

Le début d’un jaillissement…

Une matière à traiter…

A portée de plume ; au cœur de tout ce qui gravite – le passage et la fosse…

Au-delà (bien au-delà) de l’homme…

Peu à peu vers la cime – l’abîme monstrueusement plongé au fond de soi…

Cette marche – au cœur de l’entre-deux – à refléter toutes les faces (simultanément)…

Un peu de l’étoffe ; et dans le pli toujours (plus ou moins) équivoque…

 

 

La nudité des yeux qui se laissent voir…

Le monde pourchassé – le monde pourchassant…

Le bleu qui s’affiche – ici et là – sans la moindre ambiguïté…

Une façon de se dévêtir…

Ce qui existe – et compte – derrière les mots ; et ce qu’ils parviennent à atteindre – à révéler – à faire oublier…

Le sol brillant du monde et la lumière…

 

*

 

La voix – de plus en plus silencieuse…

Quelque chose qui, soudain, sort de la cécité ; un vague rayon de soleil – tout juste un peu de clarté…

Au milieu du vide et du vent…

Partout – le scintillement naturel de l’espace…

Et la mort à couper le souffle…

Et l’âme affranchie du temps…

Le ciel et la pierre – à l’écoute – emmêlés – libérés de l’herbe rouge – du parfum de la peur – des yeux fermés…

Parmi nous – l’infini descendu – presque palpable – presque perceptible – incroyablement vivant…

 

 

Un gisement de lumière – à l’abri des mains et des gorges enfantines…

Un lent (un très lent) glissement vers la douceur…

Un élan (bien) trop faible – trop attaché à la terre ; et au-dehors – le même feu ; et ce rire, au-dedans, qui se cherche – derrière les vies et les os qui s’amoncellent…

Au cœur de l’histoire – les joues rougies par les larmes et les coups…

Le vide qui résiste ; et la matière lacérée à force de refus…

 

 

Dans l’air écarlate – le soufre et la douleur…

L’enfouissement de l’âme submergée par le désir et la totalité des tentations terrestres…

Comme un cercueil à double fond…

Le berceau de la mort et l’antre de la vie – (quasi) identiques – en quelque sorte…

 

 

Derrière les barreaux – du chagrin…

Des pierres – des fleurs – couchées – caressées – par le vent…

Le monde éparpillé – comme notre fougue et la fange des Autres…

Le voyage qui (progressivement) nous enterre – nous envole ; qui pourrait dire (avec exactitude) le degré de la pente sous nos pieds – au fond de l'âme ; et la juste inclinaison…

La gravité et l’inimportance de toutes les expériences – un simple (et surprenant) mélange de supplice et de joie…

 

 

Le visage défait…

La terre retournée…

Ce que nous révèle la mort ; le secret (trop) bien conservé…

Le regard libre sur la nuit qui passe – tout ce qui nous traverse…

Comme une lucarne posée au milieu du vide – au cœur de l’espace – qui rend (Ô combien) ridicules les murs du monde – toutes les frontières inventées par les hommes…

 

 

A côtoyer le ciel – le cœur (si) frénétique…

Le noir (parfois) franchi d’une seule traite…

Dans la grandeur ininterrompue du pas…

Comme un crépuscule à reculons…

La vie grelottante ; les profondeurs inexplorées…

La malice des lèvres ; et les yeux impatients qui guettent (trop fébrilement) la joie…

Ce qui tarde – et qui demeurera caché tant que nous cheminerons (tant que nous aurons le sentiment de cheminer)…

 

 

Ce à quoi la tristesse confronte…

La solitude des cimes…

L’angle de la débâcle au-dessous duquel tout s’égare et se contredit…

L’expérience du sol ; le seul apprentissage – pourtant…

Face aux abîmes du monde – face à l'immensité ; impuissant(s) – dépourvu(s) de tout ascendant – de toute influence…

Le tumulte – les turpitudes – les tourments…

L’autre versant – si éloigné – de la révolte…

Face au mystère – toujours aussi frissonnant…

 

*

 

Le soleil – les yeux ouverts – face aux murs – face aux cages…

Sur le sable – le sang répandu…

Le buste et la tête – inclinés ; quelque chose du secret mêlé à un peu de gratitude…

Et l’âme surplombante (bien sûr) – ni fugitive – ni prisonnière ; la seule réponse (sans doute) à ce qui passe…

Le monde et la peur saisis par la voix…

Et la mort par-dessus notre épaule qui épie notre fatigue – notre boitillement – le moindre signe de faiblesse…

 

 

Des mots – à foison – comme s’ils pouvaient faire tourner le monde – transformer l’hiver en printemps – altérer ce qui fortifie la raison et la tête pour que naisse (pour que puisse naître) la faille nécessaire au dénuement – à l’étreinte – à la réconciliation…

Emporté(s) par le même courant qui serpente entre les morts et les vivants – de manière (si) indistincte…

Un éclairage – peut-être – un vague éclaircissement ; et le reste de l’ouvrage (titanesque) à réaliser…

 

 

Le rire face au noir…

L’âme indifférente à la fin des temps…

Le renoncement à la terre sombre – à la grisaille repeinte – (sans cesse) recolorée…

Le corps jeté dans la crainte – face au réel ; et rassuré, à présent, du devenir qui sera le sien…

Un glissement ; de chair en chaîne jusqu’à cette soif si rarement rassasiée par les danses du monde…

De vie en vie ; ainsi (bien sûr) que les suivantes…

Instant après instant jusqu’à l’apparent trépas…

Et ce rire – toujours – face à la mort – face au déclin…

Le jour – l’entièreté du jour – sans appui – sans coïncidence – sans personne…

 

 

La face contre le sol – fermement appuyée…

La révolte enfouie au fond de la gorge – viscéralement enfoncée…

Au pays du mystère – le mal-être plus léger – où chacun se touche – où les âmes vivent à l’abri des intentions des Autres – repliées…

La vérité – derrière la vitre – qui danse dans le vent…

Le front, à présent, posé contre la frontière qui nous sépare du monde…

L’œil éteint – saturé de désirs et d’attente…

Condamné à une halte – à retrouver les forces nécessaires à la poursuite du voyage…

 

 

En secret – la perfection à l’œuvre – sous les apparences ; semblables à ce qui se cache…

L’Amour – la tendresse – le complément ; l'essentiel (bien sûr)…

Tremblant(s) – abandonné(s) aux courants du monde et à la distraction…

Le conflit en tête – trop loin du ciel – la terre badigeonnée – sous le règne du sang…

La meurtrissure de ceux que l’on cajolait autrefois…

Et, chaque jour (presque à chaque instant), le recommencement de tout – jusqu’à l’ultime nécessité – jusqu’à la rupture du rêve – jusqu’à l’extinction de tous les possibles…

L’homme – parmi le reste – qui se laisse, peu à peu, avalé – sans la moindre alternative…

 

 

Le bleu sans nuance – quelle que soit la couleur du ciel et de l'âme…

Une fête – ce silence et cette main attentive – amicale – sur notre épaule…

Le cœur, soudain, ému et (étrangement) rassuré…

 

*

 

Assoupi(s) dans la lumière – comme d’autres la cherchent (très – trop?) souterrainement…

La lanterne à la main – le geste à la fois précis et hasardeux…

Rêve – l’un et l’autre – bien sûr…

Comme un puits qui découvrirait quelques suicidés avant leur noyade…

 

 

Dans le double de l’air – subjugué…

Une manière secrète d’habiter l’espace et d’inviter la joie…

Comme une sorte de scintillement – la langue au ras du soleil…

Avec la volonté indocile – farouche – de résoudre toutes les énigmes grâce à la parole – puis, d’habiter le mystère à travers le geste…

L’existence-lecture et l’existence-vérité…

Les mains qui apprennent, peu à peu, à sortir des poches ; l’esprit un peu plus ouvert qu’autrefois…

 

 

Ici – tantôt renversé(s) – tantôt ruisselants(s)…

Cette part du devenir – plus qu’incertaine…

Un sourire – un mouvement de hanche – qui, parfois, induisent un bouleversement – une difformité du temps – une vision élargie – et une restitution de l’âme sur la feuille ; presque une signature (en partie, la nôtre – bien sûr)…

 

 

Socle et masque, si souvent, plébiscités qui corrompent la hauteur et faussent tous les calculs…

Une existence comme un mensonge sans émotion…

Un tressaillement temporaire dans la respiration…

Une manière de vivre si fallacieuse – sans risque de chute – sans risque de déchirure…

 

 

Sous la puissance du souffle – le sol (totalement) déchiqueté…

Le cœur et la vie qui saignent…

La douleur d’un seul ; et le mutisme de tous les Autres…

L’explosion des barreaux ; les compensations éventrées…

Le monde – de plus en plus vide et vulnérable – qui (pourtant) continue de tourner…

Et en haut – et plus loin – le ciel en fête – ce bleu, sans cesse, reluqué ; et notre frustration grandissante devant cette incapacité à participer au banquet des Dieux…

Trop bêtes que nous sommes – sans doute…

 

 

Sur le roc – sans astreinte…

La présence docile et naturelle…

L’Amour à même la peau – sur la chair du monde…

L’exacte cartographie des mouvements nés de la secousse originelle…

Comme le jour – un effacement…

L’âme détournée de son destin (strictement) terrestre – de cette orbite fragile et erratique – façonnée par les circonstances enchevêtrées…

 

 

Le masque de la faim sur les visages…

Et toutes les figures – et tous les corps – (plus ou moins) dévastés…

Les ventres pleins qui, eux aussi, seront soumis, un jour, à une douloureuse dévoration…

L’exclusion du périmètre de l’abondance au profit du désert ensemencé par le vide – les prémices de la sagesse ; la seule expérience – le seul apprentissage – possibles…

Du côté des bêtes avant le basculement de l’âme vers le regard qui contemple…

Le monde – en tant que soi – face à sa propre déroute ; l’esprit face à sa propre exploration – face à ses propres découvertes – face aux limites qu'il s'impose (très) involontairement…

 

 

La terre épurée – comme le geste et l’âme – sans tache – sans activité…

Et ce surcroît de joie – dans la parole – né de ce regain d’ardeur et de liberté ; l’esprit vide – le cœur (réellement) dépouillé…

 

*

 

Le pas sur la pierre – sans impératif – (si) peu pressé…

La cadence du ciel sur le sol – quelque chose des hauteurs dans le rythme et le sang…

La terre émue – offerte ; et l’âme dépliée…

Le socle de toutes les existences – anonymes – sans appartenance – sans inscription…

Sans doute – la seule équation quotidienne ; l’inconnu d’usage ; sans possibilité de résolution…

 

 

La langue particulière – chargée d’ossements et d’ornementations – alourdie – déréglée – par la longue suite d’ajouts trop singuliers…

Comme un déséquilibre – un amas né d’accumulations successives – comme des couches (et des couches) de mots inutiles…

Une sorte d’obscurcissement ; le terreau de toutes les monstruosités…

Des nœuds – une série de nœuds – réalisés avec du fil barbelé…

Une manière d’écarter le ciel et de faire fuir les hommes ; un monde sans la moindre poésie…

 

 

Entre la parole et la mort – la lumière…

La rencontre entre l’Absolu et ce qui ne peut être définitif…

Nous-même(s) – nous tous – en somme – dans toutes nos composantes…

 

 

Nos vies – nos âmes – de la même couleur que le voyage…

Sensibles – multiples – polymorphes – comme un instrument – un outil à tout faire ; la lame ouverte – prête à trancher le moindre embarras – le moindre encombrement ; l’éviction de toutes les charges – de tous les fardeaux – pour rendre le bagage – et la marche – plus légers – plus naturels – sans poids ;

Sourire aux lèvres ; soleil au cœur ; le pas assuré…

 

 

Au cœur de la terre – l’haleine chargée de soif et de poussière…

La vie comme une trace (infime) ; et un glissement (très progressif) vers la tache ; quelque chose qui s’invisibilise…

Ce que l’on cherche ; à pénétrer le vide ; et une forme de plénitude sur la roche…

Un peu plus d’appartenance ; et, sans doute, un peu moins de sommeil…

 

 

Volontiers restreint ; le jour à la saison enfantine…

Sous un air de plaisanterie…

L’Amour apparemment abandonné…

Une manière de s'engager (sans état d'âme) dans la lutte – une manière de résister au désespoir – au cours de notre (périlleuse) traversée du monde…

Et la vie ; un jeu comme un autre – en définitive…

 

 

Malgré la chance – la participation – l’appartenance ; un destin funeste (et délétère)…

La tristesse du poison qui s’infiltre – peu à peu – jusqu’aux profondeurs les plus reculées…

Tantôt abandonné(s) – tantôt pourchassé(s) – comme si nous étions indigne(s) de vivre – indigne(s) d’être aimé(s) – de rencontrer la vérité que l’on porte…

Impressionné(s) et impuissant(s) – face au monde – face à l’immensité – face à la (terrible) tyrannie des Autres – face aux incessantes obsessions de la tête…

En présence du ciel – toujours – en sa propre compagnie…

 

 

La faille soudain assaillie – ce qui nous embarrasse et nous donne à découvrir ; ni devant – ni derrière – ce qui nous gouverne de manière si sous-jacente…

L’invisible qui, peu à peu, émerge du monde pour se substituer (innocemment) à la matière…

 

*

 

Des lignes – comme l’espace ; accueillantes – parfois mortelles…

Un jeu – une écoute – une sorte d’exaltation…

Entre la fraîcheur et la sauvagerie…

(Bien) plus qu’inadaptées au monde ; parfaitement alignées sur l’âme ; infiniment solitaires…

 

 

Ce que l’on célèbre – sur la terre – dispersée – l’accumulation…

Des étoiles – une série d’étoiles – rangées par ordre croissant – de plus en plus lumineuses à mesure que cessent les calculs…

Le voyage à l’envers – joyeux et souterrain – comme si l’on était assez lucide pour échapper à toutes les fictions – nous extraire du récit du monde – jeter toutes les fables par-dessus le ciel inventé…

Devenir aussi dépouillé qu’un vieux tas d’os abandonnés…

 

 

Étreindre à distance ; l’impossibilité de l’Amour (enfin) comprise…

L’impersonnel – comme un flux – mille mouvements simultanés – et savamment intriqués…

Quelques battements d’ailes pour se débattre – essayer de fuir – de s’envoler…

Quelque chose – soudain – au-dessus des décombres ; comme une musique – quelques traits – vers la lumière…

Ce que les hommes renâclent tant à faire – la tête cagoulée – la bouche bâillonnée – les mains ensanglantées…

Rien dans l’âme ; juste la couleur de la mort – comme un empire – tatouée sur la peau – au fond du cœur – dans tous les gestes (presque) toujours néfastes…

Toutes nos mésaventures ; et notre douleur – inévitables…

 

 

L’existence-frontière – ses visages – sa mémoire – ses possibilités…

Sur la ligne de partage – entre Dieu et la bête ; et le ciel – comme horizon – qui recouvre toutes les têtes…

Une longue marche – au pied des falaises – là où l’invisible se substitue à l’imaginaire – comme partout ailleurs pourvu que l’on sache s’abandonner à ce qui nous porte et nous traverse…

Le front insouciant – amical – généreux – parmi ceux auxquels on dénie le droit d’exister en dehors des intérêts humains…

 

 

Dans la confidence de ceux qui se taisent…

Le monde – en soi – devenu pareil au rire – au désert – à l’enfance ; sans doute – la part la plus belle de l’homme…

Véritable kaléidoscope de la joie…

Dans l’ignorance des Autres (ses pairs) et sur cette absence – la nécessité d’aller au-delà du commun…

Au bord de ce que nous sommes – face au vide – sans angoisse…

 

 

Entre la pierre et le silence – à égales distances…

Le cœur enneigé – comme d’autres portent le turban…

Les os – les cris – l’Amour ; l’humanité en marche – et parfois transcendée…

Au-delà de la douleur – vers la mort – avec un regain d’ardeur et d’autres possibilités (quasi inimaginables)…

Notre consentement à toutes les nouveautés et à tous les recommencements…

Dans la nudité de l'âme – par delà l’absence ; l’accolade et l’intimité…

 

*

 

A travers le monde – la langue – le dessin si singulier de la lumière…

Le silence à l’œuvre à travers le son et le sang…

Des ventres – des bouches – des cœurs – et ces mains (odieuses – si souvent) qui saisissent et qui s’agrippent…

La parole et la chair – à la chaîne…

 

 

Ce qui précède le dehors – l’horizon – le devenir…

Cet axe central – invisible sur la pierre…

Sans couleur…

La légèreté de l’être – l’indistinction – cet élan de virginité qui cherche à se corrompre – ses propres limitations dans la matière et l’émotion…

 

 

Le soleil – comme la vérité – sans argument – sans explication – qui règne en maître sur le monde – souverain – silencieux – indifférent aux mouvements qui tentent d’y échapper ou de s’en emparer – ancré dans le sol même de l’invisible – de l’ineffable – hors du temps et, d’une certaine manière, façonnant l’essentiel de l’existence de ceux qui vivent sur la terre…

 

 

Dans la vastitude de la soif – errant (toujours errant)…

Le pas – la langue – qui cherchent – qui grattent le sol – qui fouillent la terre – yeux au ciel – sans rien voir – sans rien comprendre…

Compulsifs – sur toutes les routes – à la recherche d’éclats et de fontaines ; et pour les plus ambitieux – le st Graal – la source ; et obligés de s’abreuver dans des mares d’eau croupie et des flaques de boue…

Ici – et ailleurs – l’exact écartèlement de l’homme ; sa misère et sa grandeur – son potentiel et sa réalité ; cette si terrible – si fâcheuse – frustration existentielle – métaphysique – face à l’Absolu (toujours hors de portée)…

 

 

Couché sous la terre – silencieux…

Comme une chose (plus que) mourante…

La vie, pourtant, qui continue – au-delà de l’absence ; presque identique au temps où l’on était vivant…

Le prolongement, sans doute, de la toute première naissance…

Le voyage comme une marche – un piétinement ; et, à chaque pas, la possibilité du recommencement…

 

 

L’esprit du soleil – comme trempé dans l’allégresse – malgré la nuit – malgré le sang…

Parcouru par un souffle tendre et revigorant ; une étrangeté terrestre – en ce monde violent et endormi…

Un dessaisissement de soi – comme une chance – quelques pas vers l’aurore – la lumière – qui s’offre à ceux qui se lèvent avec l’astre naissant…

Au plus fort du passage ; l’inconnu souverain ; l’envol et la sagesse ; quelque chose qui vient briser toutes nos résistances…

 

 

Un chant lancé vers le ciel commun…

Dans la nature de l’homme – la lutte et la réciprocité (le besoin de réciprocité)…

La différence et la vérité – cet aiguillon qui nous pousse à traverser le brouillard jusqu’à l’essentiel habité…

Un présent ; sans doute, notre seule récompense ; l’éblouissement – l’obéissance – l’intensité…

Ce qui s’accentue – naturellement – au-dedans de soi…

 

 

Un monde – sans malchance – sans fatalité – où l’on s’exerce à la solitude et à la magie ; la tâche essentielle de l’homme au milieu des Autres – du sommeil – de la mort – de la frivolité…

 

*

 

Trop rugueuse – la pierre dans le sang…

Bouillonnant dans son trou – ses canaux souterrains…

Immergé(s) jusqu’à l’agonie ; et ce qu’on laisse deviner après la mort…

L’enfance manquée – comme une preuve supplémentaire…

L’espace ouvert où voltigent toutes les cendres – où l’on entend encore crier les morts – dans nos têtes intranquilles – remuées – toujours remuantes…

Comment dès lors offrir un peu de joie – des lignes nées avec la lumière – sans outrager personne – sans rien offenser – en ce monde où tous les yeux sont hagards (qu’importe sur quoi ils se posent)…

Comme du plomb (une chape de plomb) dans l’âme ; et, sans doute, pas assez de silence…

 

 

Le temps de la mort – sans supplice…

Et les yeux fermés ; le bleu (bien sûr) qui se cherche encore…

Des vies – en enfilade – comme une longue brochette de corps ; de la chair – des cris – des tentatives – quelques battements d’ailes maladroits…

Et dans le sang séché – quelques restes d’écume…

Sur les lèvres – la parole dégoulinante – qui fut trop de fois refoulée…

Au-delà des légendes – au-delà des masques et des chimères – la vérité brute – sans trépied – sans enluminure…

Et mille manières de se laisser cueillir…

 

 

Intenses – la faille et le soulèvement du cœur…

Le corps – l’esprit – qui déraillent ; l’âme et la peau qui s’épaississent à force de brimades et de coups…

La soif (une partie de la soif) restée coincée au fond de la gorge…

Une enfance terrifiée et hypnotique…

Et une profonde incise pour préserver l’être du simulacre ambiant – de la violence infernale (et inguérissable) du monde…

 

 

Sans sagesse – la nature commune ; contrairement aux Autres qui prônent la réciprocité et le partage…

L’essentiel – comme au cœur des forêts – sans souffrance – sans spéculation…

La veille – seul(s) et attentif(s) – accueillant le ciel et la fatalité – les nécessités circonstancielles – le monde en mouvement – qu’importe la nature des visages – l’étendue du cœur – le destin des âmes et des territoires…

 

 

L’Amour intense – ce qui rompt le temps ; et pourfend la nuit…

Les yeux mi-clos – qui émergent, peu à peu, de la lumière…

L’espace – la nudité et le silence – comme le seul parachèvement possible du monde…

Sans mépris – sans méprise ; les bras ouverts à toutes les forces – à toutes les puissances – à toutes les formes de défaillance…

Façonné(s) par la nécessité et les malheurs – au milieu des croyances et de la couardise…

Quelque chose d’enfantin et de déjà mort – en l’homme – en chacun…

Quelque chose des instincts et des viscères ; et une ambition si vaste – (presque) méconnue – si souvent dévoyée par la terre et les apparences…

Un monde de convoitise et de larmes qui s’est (progressivement) coupé de sa chance…

 

 

Le ciel révolutionnaire au-dessus des patries simplifiées – des territoires maladifs – de tous les périmètres inventés…

Au-delà des principes – des croyances et des communautés – l’aventure – la déception – le naufrage ; et encore au-delà – le cœur vivant qui s’installe – et qui apprend à s’ouvrir – à battre au rythme du monde et de l’invisible ; notre désir – notre ambition (à tous) – et, peut-être même, notre seule réalité ; ce à quoi invitent toutes les vies ; les plus belles lignes de la poésie ; cet étrange besoin de se circonscrire en allant au bout de soi…

 

*

 

Gravés dans le granite – nos yeux intenses – une trace de lumière…

Au-dessus de la lie du monde – au-dessus de la lie du temps…

Ici – sans profit – sans surcroît…

Gratuitement – la proie de l’anxiété…

Une pierre à l'aplomb du soir régressif…

La nuit dorée – le parfum envoûtant de la mort qui flotte au milieu des vivants…

Autrefois – alourdi(s) ; à présent – sans peur…

Ce qui surpasse toutes les gloires ; l’anonymat et l’effacement…

 

 

La bouche déjà penchée sur la mort…

A voix basse – l’écriture…

La même ligne – longue et libre – à l’ombre du monde – au détriment de tout…

Sans idole – sans personne – sans la moindre image – sans le moindre rêve…

Épaule contre épaule – en sa propre compagnie – réfractaire à toutes les compensations ; seulement désireux de l’Absolu et de la joie (naturelle)…

Si seul(s) – ensemble – au cœur de la solitude ; la communauté fraternelle à l’abri – à l’intérieur…

Quelque chose du souffle et, sans doute, de la dérobade…

 

 

Sur la pierre – la chair découpée…

Le frottement de la lame sur toutes les matières…

L’esprit qui s’aiguise ; le bleu qui se cherche – et qui, peu à peu, se précise…

Sous les invectives de l’invisible – cet étrange silence (plus plein que toute parole)…

Sans avenir – sans mémoire ; le temps défait et le rire…

L’âme – comme le ciel – en feu…

A la suite d’une longue série d’hécatombes…

 

 

Le cœur oblique – dénaturé – cerné par toutes les conjurations – qui cherche une terre ferme – une pierre où il pourrait édifier une descendance – faire émerger une généalogie – vivre au-delà de la mort du corps – au-delà de la matière ; s’affranchir de la fugacité du monde…

 

 

Ce qui nous retient ; le moins possible parmi les hommes…

Ni haïssable – ni affecté ; cette radicalité construite sur l’expérience – le souci du renouveau – les inclinations naturelles de l’âme – l’impérieuse nécessité qui nous étreint et nous somme…

Vers l’engloutissement – sans équivoque – sans hésitation…

 

 

A l’intérieur du sang – cette impatience…

Le vacillement de la tristesse…

Quelque chose qui se dresse – au loin…

Au-delà du goût pour l’insolite et de la volonté d’échapper à l’espérance (naturelle) de l’homme…

Accueillir les troubles et les éclats de vérité que le ciel, parfois, fait tomber (plus ou moins) involontairement…

S’essayer à la magie de vivre – les bras chargés de peines et de gravité – en outil des circonstances – le soleil et le vent privilégiés – préférés (bien sûr) à la folie destructrice qui saccage la beauté et le regard émerveillé sur le monde…

 

 

Nous – côte à côte – si inconsistants – si peu audacieux – à parcourir des yeux ce qui nous entoure ; allant vers le plus sombre – là où la lumière est supportable…

Toute une vie (et des milliards d’autres) pour apprendre à se rejoindre – à incarner, le plus simplement du monde, le mystère ; une longue marche ; et des épreuves – assurément…

 

*

 

Pierre au cœur coupé – brisé par l’impossibilité de l’Absolu…

Blessé au cours de ce laps de temps voué à l’appel – à l’essai – à l’essentiel…

Puis, le désespoir jusqu’au rire…

Agenouillé vers le ciel ; et l’âme en feu…

L’éloignement de la ligne – peut-être – le début de la liberté…

 

 

Ici – brûlant – dans ce recoin – cet espacement – entre la douleur et la folie…

Un flux inattendu de possibilités…

L’éloignement du non-sens pyramidal – de la pulsion meurtrière légitimée par l’esprit complice des hommes…

La terre trahie jusqu’à la déchirure – jusqu’à l’effondrement ; et, en nous, la même rupture – là où commencent la claudication – la nudité – les premiers pas sur la sente secrète et silencieuse…

 

 

Au-dessus des meurtres – le soleil magistral…

La langue obsolète devant la douleur et la plaie…

Ce qui nous dénude jusqu’à l’os – jusqu’au scintillement du vide…

Entre la ligne et l’horizon – le même dilemme pour le pas…

L’intermittence de l’étreinte et du feu…

A genoux – au-dedans – face au souffle et à l’océan…

Une manière de vivre (presque) impossible ; quelques chose d’impartageable…

 

 

Sous le granite – la parole vivante – le ciel (en partie) consumé – la solitude soupesée comme de l’or – le seul joyau – l’immensité bleue des origines avant l’invention du rêve – du vertige – du chaos…

 

 

Des vies mal-aimées – mal armées – disjointes – irréversibles – incontournables – si ridicules vues de l’extérieur…

Impossibles – insupportables – lorsqu’il s’agit de les expérimenter…

Un océan de sable et de misère – sans phare – sans embarcation…

Des existences de nomades assoiffés – sans île – sans oasis – sans archipel…

Le salut – dans le pas – seulement ; notre manière de vivre – de voyager…

 

 

L’existence à l’ouvrage…

Admiratifs – les hommes – eux qui ne chérissent que l’ambition et la conquête…

L’épaisseur tranchée – aménagée en sentiers praticables…

Une terre favorable à tous les destins – à toutes les étrangetés…

Et le malheur en chemin au lieu de la félicité…

Tant de fièvre et de tourments – de part et d’autre du (minuscule) rocher – les flancs meurtris par toutes les circonstances…

Le monde – tel qu’il est – à travers nos yeux…

 

 

Le pays du pire – le plus mal – sans la moindre assurance…

Trop peu propice à l’errance ; trop de courses et de défis à relever…

Ce que l’homme s’impose ; les nécessités oubliées…

Le goût des apparences – la paresse de l’âme – l’esprit assoupi – quelque chose du feu et le souffle qui manque…

Une forme de boucle et d’exténuation…

Au cœur du temps – le front digne – obstiné ; et autant de jours perdus…

 

*

 

Le bleu – encore – dans le ciel – sur la pierre – au-dedans des âmes ébahies…

Comme le souffle – en suspension – au-dessus des abîmes que nous portons – devant nos yeux…

L’irruption du silence – dans le monde et la parole – hors du vertige et du ressassement…

Sans la moindre trahison – sans le moindre vacillement…

Ce qui se déploie – sans gêne – sans dégât – imperceptiblement…

 

 

Le cœur – honnête – qui se retranche du partage – de l’apparent sacrifice…

Un effacement du nom et de la trace ; et l’accroissement de l’étendue…

Le fractionnement de soi jusqu’à la disparition – jusqu’à la réintégration de l’immensité…

Sans avance – sans visée ; la seule réalité du monde ; notre inexistence…

 

 

Quelque chose d’interrompu – comme un recommencement – une reconfiguration des possibles…

L’infini et l’éternité – dos à dos ; et le silence manifeste comme élément triangulaire – la pierre de voûte de l’espace trinitaire…

Et à cela – comme un surcroît – la joie permanente – libérée du monde – des Autres – des circonstances…

Et à cela – comme une richesse supplémentaire – la lumière d’un bleu profond – exceptionnel – miraculeux – incroyablement ordinaire et quotidien…

Et à cela – comme une prime incontournable – la tendresse – l’Amour souterrain qui étreint et embrasse – de sa langue et de ses mains – habiles et précises…

Et à cela – comme par-dessus – l’invisible – la transparence – qui rend le monde identique à la manière dont il nous apparaît ; et le merveilleux qu’il offre à tous les yeux qui ont su pénétrer (plus ou moins profondément) le réel*…

* Les différents cercles et les différentes dimensions du réel…

 

 

Au cours de la veille – présent – presque sombre et taciturne – à la manière d’un loup solitaire et affamé – enragé à la tâche – cherchant un refuge – un lieu où rejoindre sa joie…

Rompu à toutes les contradictions – à toutes les possibilités – pourchassant le vent comme une vérité…

 

 

Le corps – comme un oiseau que l’on imaginerait gracile…

La tête emportée par tous les courants…

Autour de soi – la neige…

Comme sur une île – encerclé…

Voilà (peut-être) notre chance…

 

 

Trop souvent – la terre…

La mémoire – débordante ; trop profondément enracinée – vouée à la vie du sol…

Et nous – entre le feu et la fatigue…

La lassitude des gestes quotidiens – de ce rôle terrestre (si infime – si borné – si grotesque)…

La douleur et le vertige de tous les naufrages engrangés comme des médailles épinglées sur la poitrine ; nos galons de galère – nos galons de forçat ; la vie qui s’éprouve – la vie qui s’exerce…

Et le ciel – et le bleu – l’Absolu – trop rapidement – écartés – inenvisageables comme solution…

Et notre faim – et toutes nos craintes – ainsi exprimées – comme portées au pinacle…

 

 

Trop peu d’ailes pour oser sortir de sa chambre et s’essayer à l’envol…

Le soleil par l’embrasure – au seuil de notre intimité – et, pourtant, (presque) toujours considéré comme trop haut – comme trop éloigné – quasi inaccessible pour nous autres – pauvres terriens…

Et ainsi s’approfondit l’écart – la plaie des jours ; et ainsi s’aggrave la blessure ; comme une tombe que l’on creuserait – imperceptiblement – de ses propres mains…

 

*

 

Au commencement du vide – comme une origine non née – qui sait…

Des visions froissées qui se déplieraient ; des lumières et des coïncidences donnant naissance à une longue série de combinaisons…

L’éternité s’exprimant à travers la permanence de la matière (extraordinairement changeante) ; comme une trajectoire arborescente en boucle…

Le bleu dématérialisé se transformant en conditions du véhicule et du voyage…

Comme un soleil à retardement ; une hypothèse – un rêve – peut-être…

 

 

Là – au milieu de la blancheur mate – récusée ; la douleur – obstinément…

Les traces du monde ; et quelque chose de la lumière…

Comme un corps éthéré – composé de fils scintillants…

Un peu de glaise et de vent ; un peu de souffle ; le feu et l’étoffe qui s’embrase ; de la cendre et des filaments ; la transparence et la mort incandescente…

Dieu – en quelque sorte – perverti par l’esprit et l’ambition de l’homme…

 

 

Un nom – comme une ancre déceptive…

Une somme d’attributs mensongers…

Le resserrement de l’infini ; et, à l’intérieur, le cri et l’effroi – inévitables…

Une ressemblance trop lointaine ; des qualités si grossières – une tentative si maladroite ; presque une caricature ; ce que l’on a réussi à accomplir au milieu du sommeil…

Le reflet de la multitude – comme un ciel à distance qui essaierait de téléguider l’œuvre et les travaux terrestres ; le tout – dans un effroyable désordre…

Moins un déplacement qu’une dispersion ; comme une explosion de l’essentiel et de la compacité – éparpillés en éclats et en insignifiances…

 

 

La nuit ainsi recouverte – comme le sol et les âmes…

Sur notre main caressante…

Presque sorti de l’enclos ; une forme d’exil – en quelque sorte…

Le ciel réceptif ; et toutes nos parcelles démantelées…

Aux alentours – sans différence…

Ce qui nous bouleverse – ce qui nous élève…

La croissance bleue du monde…

 

 

Trop de jeux – d’impatience – de fausses possibilités…

L’ordre des hommes et leurs yeux clos – déjà habitués – déjà anciens…

Une forme de défi et d’aventure ; et ce qui compte – si peu partagé…

Des blessures – des souffrances ; tant de limitations…

Et ce à quoi l’on s’efforce – la vie et le temps factices – quelque chose que l’on est censé hisser au-dessus du courage et du vent – au-dessus même de la joie…

Mensonge – comme le reste – bien sûr…

 

 

Sur la même pente que les Autres – le monde – le temps – la mort…

La chaîne autour du cou – appartenant à la course…

Comme un mauvais rêve ; l’être amputé – malmené – (presque) en terres surnaturelles…

Sans détour – l’approfondissement du même sommeil…

Et des vagues – hautes comme le ciel – qui déferlent – et se fracassent – (juste) au-dessus de nos têtes…

 

*

 

Le souffle malingre ; la marche lente – ensommeillée…

Nous égarant dans les craquelures du temps…

L’invention du désastre…

L’air frémissant sous la peur – sous la peau…

A (trop grande) distance du ciel – bien sûr ; impuissant(s)…

 

 

La route qui s’ouvre – au milieu des cris – au milieu des aboiements – la marche et le pas toujours inachevés – comme si nous étions coincé(s) au fond d’un angle – repoussé(s) à chaque tentative de fuite ou de désertion…

Quelque chose – en nous – qui se consume ; l’âme prise en tenaille – à la gorge – en souffrance…

 

 

La bouche muette – le corps enrôlé – complice(s) (à la fois) de l’immobilité et des éboulis…

Passif(s) – emporté(s) – vers toutes les faces du réel – (presque) simultanément…

Et l’étreinte implacable pour essayer de nous maintenir tous ensemble…

Et, parfois – de temps à autre, un peu de solitude volée – un vieux reliquat de lumière – pas même un éclairage – quelque chose entre l'étincelle et la lueur – qui souligne (avec force) l’absence d’espace – cette (terrible) détention qui nous bloque – qui nous braque – dont nul ne parvient (véritablement) à se défaire…

 

 

L’enfance dissipée – libertaire – en porte-à-faux avec le monde – avec le reste (tout le reste)…

La lenteur du geste ; et la lumière franche sur la feuille…

La main – sans application – qui obéit aux injonctions – avec impatience…

Sous l’efflorescence – le secret de l’abondance – et en dessous – au plus bas – près du sol – le mystère écrasé qui s’effiloche – qui se disperse – et dont les éclats finissent par s’enfouir dans la fracture…

Et ce qui ne peut périr – ce qui ne peut se volatiliser – ce que l’on ne peut enterrer – (totalement) démuni – (totalement) inconsolable ; immergé(s) dans le monde – il va sans dire…

 

 

Au sommet de ce qui suit ; et rien d’autre – jamais…

L’œil et la main – à la même place – depuis toujours ; durs – de plus en plus – à mesure qu’ils s’exercent…

La terre blessée – le ciel épais – intransperçable…

Ni geste – ni pas – intrépides ; pas l’ombre d’une danse…

Comme une lassitude songeuse (et légèrement triste)…

Le monde sur le dos – à gesticuler sans répit – au cœur du même périmètre étroit…

 

 

Sur sa pente – assoupi – entre le factice et le déclin ; rien de (très) nouveau…

Le regard confondu avec la terre – l’horizon – au lieu d’une vision pénétrante et élargie…

L’oreille et l’esprit – dans la neige – sommeillants…

Aux marches du monde le plus abstrait…

 

 

Le vent – les bêtes – le sol ; la terre comme un seul visage…

La gravité délibérée ; et nécessaire sans doute…

Les fleurs qui s’ouvrent – en accord avec ce qui les entoure – en accord avec ce qu’elles sont ; jamais lasses de vivre là où elles sont nées – de pousser (sans cesse) vers la lumière – d’être à la merci de tous les Autres – de nous tous qui ne nous en soucions pas le moins du monde…

Qu’importe leur nom et leur beauté ; toujours fidèles – obéissantes – libres – si conscientes qu’elles portent leur insignifiance à l’essentiel…

Et le ciel aux mains vertes qui les arrose et les remercie ; et le soleil qui les éclaire et les nourrit – comme deux auxiliaires capables de transformer toutes les prairies sauvages en berceau du monde (naturel) – en temple sacré au cœur duquel peut se perpétuer – et se renouveler – le cycle changeant des possibles…

Dans tous les cas ; l’occasion de vivre un quotidien intense et miraculeux – extraordinairement ordinaire ; et, en cela, un exemple (parfait) et un présent offert à toutes les âmes – à tous les yeux…

 

*

 

Allant – sans à-coup – sans paresse – vers l’intensité – la lumière – s’éloignant de l’insipidité – s’écartant du monde…

Le visage au milieu des flaques de boue ; et s’abreuvant à la source – voyageant ainsi – sans question – sans impératif – sans exigence – ne se soustrayant à rien – faisant face à tout – comme l’eau d’un torrent qui se précipite – sans hâte – vers sa chute – son évaporation – les longs méandres – la terre – l'immensité – l'océan et le grand ciel…

 

 

Ici – sans acharnement…

A s’ingénier – à se transformer ; et à transcender (parfois) son destin terrestre…

Le monde sur le fil de la métamorphose – rusé – prêt à tout – et à s’oublier quelques fois – comme la dernière chose à réaliser ici-bas – lorsque les jours – le voyage – ont suffisamment œuvré sur l’âme – lorsque les Autres ne se résument plus qu’à quelques riens – de vagues souvenirs – sans visage – sans personne – lorsque l’on a la tête à moitié recouverte par un linceul – lorsque l’on se sent pousser (irrésistiblement) vers une autre vie – vers le mystère…

L’effacement – la disparition ; vers la possibilité (enfin) d’une absence vivante…

 

 

Des signes en pâture pour que le silence s’obtienne – se fasse – s’accomplisse ; devienne le seul désir – la seule matière précieuse ; un bout de l’espace habité – incroyablement présent et attentif…

Sur la feuille – et dans l’âme de celui qui lit (autant que dans l’âme de celui qui écrit) ; de la glaise (délicate) pour que puisse se réaliser le lien – pour que puisse s’inventer un passage – le trait d’union entre toutes les choses et tous les visages ; notre terre commune – si ancienne – si fragile – si méconnue…

 

 

Parfois trop perpendiculaire – le monde…

Dans cette horizontalité presque parfaite…

L’abîme infranchissable…

L’esprit sans maître s’essayant à la magie ; et fustigeant toutes les formes de suppositions…

A l’oreille – quelques bruits qui courent ; entre l’espace et la roche – les yeux – comme des toupies – un peu égarés devant si peu d’espérance…

 

 

La folie effrénée – impétueuse – trop souvent déguisée en (fausse) raison…

La sagesse ineffable – trop abstraite – trop lointaine…

A cheval sur l’écume – face au miroir – le même combat que celui qu’on livre contre le monde…

L’ivresse d’un printemps – d’une jeunesse orgueilleuse ; cette part multiple – sommeillante – immature – belliqueuse – armée pour la terreur – cherchant dans la violence et le sang l’exaltation ; le signe d’une puissance que ne peuvent lui offrir ni la sagesse – ni la contemplation…

Trop verte encore pour le regard – le silence et l’infini ; incapable d’habiter l’immobilité souveraine – l'esprit conscient…

 

 

La mort penchée sur nos ténèbres – ce lieu si familier – ce trou au fond duquel nous nous affairons en criant et en comptant les jours – sur ces rives parées de pointes – portées à la paresse – et qui s’étirent d’un bout à l’autre du monde – sans parvenir à s’affranchir de la bêtise de leurs occupants…

Et haut – très haut dans le ciel – le soleil dédaigneux – insensible à cette misère sombre ; et le visage tourné vers plus haut encore…

 

*

 

L’aventure houleuse – dans la tête – vécue ; sans aucun pas – sans paysage – sans océan…

Dans le bruissement léger du papier – de l’âme qui s’aiguise au contact du monde…

Le jouet d’ardentes turbulences…

Du feu – des flammes – des eaux vives – des courants – et ce vent (fabuleusement) subversif – capable de renverser les plus lourdes charges – toutes les gravités…

Et, un jour – sans crier gare, arrivé avant même que le temps soit passé…

Le monde – en soi – jumeau de l’âme ; tous deux – éléments du silence et de l’infini…

La beauté et l’Amour – en plein cœur…

 

 

Contre soi – la haine (plus ou moins) défaillante des Autres…

Ce qui nous précède – ce qui nous pénètre – faute d’attention – cette voracité mordante qui se jette sur tous les destins…

Quelque chose de terrifiant ; le legs (naturel) du monde – ce que chacun reçoit – et avec lequel se fomentent toutes les ruptures – toutes les trahisons…

Ce qui s’opère sournoisement – à l’insu de toutes les volontés…

L’abus de soi et l’essentiel, sans doute, des massacres…

 

 

Comme un consentement – un chemin qui s’ouvre – le monde à perte de vue…

Et cette langue sur ces feuilles obscures…

Le jour jouant sur le même fil qu’autrefois – mais recoloré – plus lâche – plus libre – distendu – devenu élastique – capable d’enrubanner le ciel – le sol – et de tisser, avec le vent et la trame, l’étoffe la plus belle – les existences les plus épanouies…

 

 

Au plus près de la mort – ce poignard – sur ces rives de gravier noir qui, peu à peu, apprirent à refouler le jour…

Hébété – à présent…

Le cœur précipité – sans répit – sans ménagement…

A tourner autour de la haine – comme autour d’un bout de chair faisandé…

Rien de répressif – pourtant – en apparence ; le serment de la peur davantage que celui de la lumière…

Le feu trop faible – trop marginal…

Au bord du trou – déjà…

 

 

L’ardeur du monde…

L’aurore – puis, le jour…

La terre libre – libérée de ceux qui la peuplent…

Nous agrandissant à mesure que le ciel se rapproche…

Un chant pour échapper à la prière (si plaintive) de ceux qui espèrent…

Résolu(s) – les pieds fermes – ancrés dans la joie…

Et ce oui immense (sans restriction) à la suite du voyage – à tous les possibles – à l’inconnu – à cette longue marche qui durera jusqu’à la dernière surprise…

 

 

Au seuil du plus naturel – le rejet de l’artifice…

Le cœur resserré sur l’essentiel ; la nécessité en son centre…

La joie – de moins en moins périphérique – de plus en plus familière…

La solitude et l’enfance – sans acharnement…

Ce que l’infini sera toujours capable de conquérir – à travers nous ; l’oubli de soi malgré l’ignorance et le sommeil…

 

*

 

Indéfini – indistinct…

A la fois trame et lumière – matière et possibilité…

La terre et le ciel aussi lisses qu’étincelants…

Le miroir – parfaitement orienté – vers le monde ; roches – plantes – bêtes et hommes – empêtrés dans leur douleur muette ; et dans leurs croyances et leurs gémissements pour les moins dignes – pour les moins valeureux…

A peine un peu de vie – comme quelque chose qui aurait glissé dans la nuit…

 

 

L’encre folle – en fête ; au milieu des étoiles – des lignes transparentes…

Le monde et l’invisible serrés l’un contre l’autre – à tout confondre – à s’y méprendre…

La tête nue sous le ciel…

A l’écart ; à l’abri de l’apocalypse…

Porté par une plume – légère – si légère – dans le vent qui emporte tout – après avoir tant creusé – après avoir tant pesé – comme si le passé n’existait pas…

 

 

L’écoute – le silence…

A l’écart des absurdités – de cette nuit de l’âme – de ces pensées pyramidales sans fondation…

Un trou – quatre murs – quatre planches – puis, à nouveau, un trou ; l’existence humaine (à quelques vétilles près)…

Et toutes ces têtes – derrière leurs barreaux…

Et tous ces ventres qui rêvent de vivres…

Seul – pour jouir du jour…

L’âme perchée au milieu des arbres – le séant sur un rocher – l’œil vif comme les bêtes qui respirent auprès de nous…

Mi-rien – mi-vent ; adossé au vide – comme les Dieux des pierres et des forêts ; invisible depuis le dehors – depuis les rives où vivent les hommes…

 

 

Au premier jour du germe – les prémices de la contagion – le vide corrompu – la chair à la casse…

Une vraie débandade sous l’éperon pathologique qui fait céder tous les remparts…

Le monde redessiné par le ciel souverain…

La guerre sans trêve ; manière de rebuter tous les rêveurs et de détourner les vantards de leur inclination…

(Plus ou moins) directement dans la gueule de la mort…

 

 

Sans prestige – la vie déclinante…

Le poème déployé – aux dimensions inégales…

L’âme – dans son coin – à l’abri des Autres…

Quelque part – là où la solitude parvient à courber le temps – à déchiffrer le silence – comme une oasis au milieu du monde…

 

 

Là où commence la course – s’effacent le soleil – les traces – la possibilité du franchissement…

Davantage principe que potentialité…

La vitesse à la place de l’espace et de l’entendement…

L’imaginaire qui infiltre la terre – qui se désagrège – qui se décompose – qui devient le sous-sol obstrué – sans aucun passage souterrain…

La mort – la condamnation à mort – de la main juste et du geste nécessaire…

Quelque chose que l’on supprimerait – comme du temps fracassé qui laisserait place à la durée…

Un monde de distance et de destination – où chacun se cantonne à la gestion de l’écart…

Des manœuvres et des manigances ; des compromissions et des alliances – au détriment de la tendresse ; plus ni Amour – ni fraternité – l’existence réduite à de simples stratagèmes…

 

*

 

La métaphysique quotidienne – gestuelle – silencieuse – vibrante – qui offre à l’âme ses plus beaux instants – ses plus belles exaltations…

Entre le sol et la page – le ciel (presque) toujours invité…

La joie à la place des murs…

Comme des blocs d’impossible soulevés – déposés ici et là – lancés (presque) au hasard…

Et le goût interstitiel ; et la pointe du pied dansante – au rythme de la rivière qui suit les anfractuosités de la roche – puis qui les creuse – encore et encore – pour que le monde devienne sa pente – pour que tout devienne fluide – facile – naturel…

Ainsi se réalise – pour l’eau – pour l’âme – ce précieux accord avec le cours des choses – ce que l'invisible fait advenir…

 

 

Depuis toujours – au centre – loin de soi – simultanément ; avec, de temps à autre, un élan – une tentative – un rapprochement – une intimité parfois – une fusion parfaite (bien plus rarement) ; puis, de nouveau, cet écart – cet exil – cet imperceptible éloignement jusqu’aux confins du périmètre – jusqu’aux plus lointaines périphéries du cercle – jusqu’aux dernières extrémités de l’espace infini…

Notre jeu à tous – malgré nous ; ce qui s’impose et nous dicte chaque mouvement…

La conscience mouvante et immobile – jouant avec elle – tous ensemble…

 

 

Le visage du temps qui s’effrite ; et contre toute attente – l’effondrement de la durée…

Et l’instant – en suspens – se renouvelant – offrant l’impossible – l’ineffable…

Notre vie – chaque jour – par-dessus le long couloir des heures – par-dessus le labyrinthe du monde ; l’éternité dans le geste – dans le pas – et l’immobilité pleinement (et naturellement) habitée – sans effort – sans dessein – porté(s) par la joie et le jeu des circonstances…

 

 

Devant le monde – trépignant – comme face à une porte fermée…

L’aurore dans les yeux ouverts…

Dans la main – la suite du temps ; délectable – ce qui se réalise à son extinction…

Un passage pas si naïvement façonné…

Le cœur du sacré révélé par la gratitude et la sensibilité…

Quelque chose – en soi – qui aboutit au geste…

 

 

L’esprit à la manœuvre…

Le jour à tout prix…

L’innocence – dans son intimité…

Un monde – sans promesse – devenu inoffensif – agrémenté – sans autre rival visible…

Puis, en son heure, la débâcle…

La dureté des choses…

Ce devant quoi il faut s’agenouiller…

L’angle mort de la nuit (enfin) découvert…

 

 

Sans hymne – sans rite – au-delà de l’obscurité commune – au-delà de la fièvre des abysses à laquelle sont soumis (presque) tous les hommes…

La réception de la joie – du soleil ; le cœur battant à tout rompre…

La paume ouverte – sans spectateur – sans spéculation…

Dans l’air – un parfum d’éternité ; et sur la joue – quelques larmes…

Une attitude sans conséquence…

Choisi – en quelque sorte – par cette manière de vivre…

 

 

Ce qui se prononce – sans tapage – sans offense – face à la chair meurtrie – notre virginité impeccable avec, encore – parfois, une légère grimace devant le poing brandi…

Mais, le plus souvent, la beauté dépliée au milieu de l’inattendu qui se laisse (admirablement) contempler…

Et le mystère qui aiguise, peu à peu, notre insouciance – notre désinvolture…

 

*

 

Repoussé comme l’orage par une main immense – résolue – implacable – puis, jeté au fond d’un précipice – et s’accrochant à la vie comme un funambule à son fil…

Sain et sauf – peut-être…

Comptable de tous ses actes…

Le cœur gelé et obséquieux…

La bouche tordue par un sourire…

Dans l’œil – aucune vérité ; la malhonnêteté du geste…

Et, soudain, l'effondrement…

 

 

Le souffle – la morsure et l’étreinte…

Quelque chose du monde…

L’ambivalence de l’homme ; sa ruse – mille fois reprise – jamais répudiée…

Et le parfum retors d’un infini (presque) toujours hors de portée…

La nuit et la frustration ; cette permanente découverte…

Des murs devant soi – des portes fermées que l’on imaginait ouvertes…

La danse – des danses (toute une série de danses étranges et variées) et l’œil (totalement) endormi…

L’espoir écrasé à coup de masse – de caresses – de souliers…

Ici – comme les Autres – à glisser vers sa fin…

 

 

A la lisière de l’absence – la lumière sur les choses…

La tête – tantôt dans la joie – tantôt dans la boue…

Du haut d’une cime – à travers la terre – au milieu du ciel – le chemin poétique – qui s’enfonce dans l’âme – qui rejaillit sur la page – comme une eau vive – une danse folle – sans retenue – sans interdit – la plume trempée dans la sagesse et les excès – magistralement vivante – traçant, sans application, la ligne (mouvante) du partage ; le dessus et le dessous du silence…

 

 

Le cœur boursouflé – juste au-dessus des jambes qui prennent la fuite…

Le monde vu à l’envers – de l’autre côté de la surface…

Comme quelque chose qui jouerait avec les hommes ; une haie de fleurs édifiée sur la terre…

Une histoire sans morale ; et deux ailes estropiées…

Un front – sans riposte – approprié à tous les jeux…

Une manière, peut-être, de se rendre compte…

 

 

Ce que dissimule – très précisément – le secret ; la signification du manque ; la vie qui s’entre-tue…

Devant l’extrême – devant l’Amour ; l’édification du dédale…

Tantôt la fenêtre ouverte – tantôt la chambre close…

Ici – et là encore – sans la moindre expérience valable…

La mort au cœur de notre courage…

Et, en définitive, ce qu’il nous sera possible d’expérimenter…

 

 

Le monde malgré lui – presque rien…

L’hostilité – dans (presque) tous les lieux ; le cœur blessé – caché derrière un sourire figé…

L’âpreté du monde et la naïveté (malencontreuse) de l’âme – (très) peu préparée aux terribles projets des Autres…

Une plaie mal refermée ; une tristesse sans abandon…

Le consentement le plus sauvage ; le degré zéro de la fraternité…

A l’abri du ciel – le sillon commun…

La prospérité (évidente et prévisible) du voile et du recoin ; le règne du repli qui se déploie – qui se répand – malgré la possibilité de la joie – du merveilleux – de l’infini…

 

*

 

Dehors – comme s’il n’y avait de dedans…

Des hurlements – comme s’il n’y avait de langage…

Des coups – comme s’il n’y avait d’Amour…

Des bêtes – des hommes ; des bêtes – partout – des bêtes – comme s’il n’y avait que cela…

Et, de temps à autre, un arbre – un poète – quelques feuilles froissées – pour le dire avec (plus ou moins de) maladresse…

 

 

Ligne de crête et ligne de corps – sur le même livre – tracées à l’encre noire…

Au-delà des plis – au-delà des voix – l’absence désentravée – libre, à présent, de se transmuter en langage – en possibilité – en métamorphose de l’âme – des âmes – du monde…

Une manière de réunir la terre et les hauteurs – l’esprit et la marche – d’essayer de faire de nous des hommes ; et de faire vivre à quelques-uns (trop rares) une pleine humanité

 

 

A présent – le stigmate transformé en souffle ; l’élan de dire, puis, celui de se taire – de faire silence – sans risque pour la langue et l’esprit ; une façon d’offrir au cœur ce dont il a (infiniment) besoin…

Qu’importe que le corps soit (encore) dans une forme de chaos ; la réduction des signes nous offrira le baume – puis l’équilibre – puis l’harmonie (disgracieuse – peut-être ; mais qui pourrait s’en soucier) – puis l’indistinction et l’immensité ; la destruction naturelle (et systématique) de tous les barreaux – de toutes les cages – de toutes les frontières – de toutes les formes de détention – pour que nous soyons capable(s) (enfin) de goûter la liberté – d’aligner le corps – le cœur – l’esprit – et les fondre d’une si parfaite manière que l’existence complète – autonome – soit accessible ; une vie sans la nécessité des Autres – du monde ; vécue au même titre que le reste (tout le reste) – en abandonnant les yeux – les âmes – les têtes – à leur sidération – à leur bêtise – à leur somnolence…

 

 

Route – émaciée comme un visage – un peu de chair autour de l’os – de quoi faire un pas supplémentaire – à peine – sans possibilité de deviner la suite du voyage…

Un jour – un chemin – le même depuis la naissance du monde…

Le devenir – à cet instant – taillé à même la foulée…

Le passé – oublié – jeté par-dessus l’épaule – à chaque virage…

Le couronnement des saisons – au fil de la marche ; et, sans crier gare, l’hiver déjà…

Un étrange périple où l’on prend garde, bien sûr, de glisser parfaitement vers sa chute – vers l’effacement – vers la mort…

 

 

Ainsi – l’Amour congédié ; lui, pourtant, si discret…

L’âme qui embrasse la forêt – au-dessus des marécages où se rassemblent les hommes…

Au plus près du plus sauvage – très loin des parois d’argile ; réduit à l’instant et aux guérisons du ciel…

Sans le moindre penchant pour l’attente et les ambitions humaines…

Des lignes tracées jusqu’à l’infini – offertes à ce qui passe…

Et ce feu si intense qui nous traverse…

Hébété devant la nonchalance des Autres ; cette affreuse (et incompréhensible) frivolité de mortel – si désespéré(e) – peut-être…

A distance de tout ce qui pourrait se révéler faux ou fabuleux…

L’œil par la fenêtre ; et les pieds au sol…

Et la vie sur son fil – entre le rêve et l’abîme – comme une flèche discrète et silencieuse – volant (humblement – très humblement) vers le centre du cercle – sans désir – sans angoisse – de plus en plus complète et dépouillée à mesure qu’elle traverse l’épaisseur – qu’elle s’approche de la plus franche nudité…

Un reflet de la lumière – à travers nous – dans la transparence…

 

*

 

La vie en fleurs – manière de réunir le monde et la poésie ; et de les insérer, l’air de rien, dans son geste et dans l’existence des Autres…

Quelque chose, peut-être, pour échapper (un peu – quelques instants) au désenchantement et à la mort – à la déchéance – au fond du gouffre…

Le pied malin – comme si l’âme s’exerçait aux roulades et aux cabrioles – à une forme d’extravagance gracieuse – quasi magique – au pays de la misère – au pays de l’effort et de la volonté…

 

 

Le silence – comme planté dans la terre…

L’âme joyeuse – dansante – proche des Dieux – des origines – de l’espace fraternel…

Ce que peu de vies – ce que peu de lignes – célèbrent – osent célébrer…

Un mélange d’absence et de mort – terriblement vivant…

Une déchirure dans les tranchées défaillantes de la mémoire et du monde…

 

 

Quelques traces – sur les feuilles – sous la lampe – sous le ciel…

Comme une écriture précaire – comme des empreintes dans le sable…

Des lignes écrites avec la main caressante…

Le jour – contre soi – au plus près du cœur…

Le verbe et l’aurore – trônant en lettres capitales – pour panser la plaie commune – cette blessure inévitable…

Un peu de bleu sur nos instincts et notre sauvagerie…

De la sève dans l’écume…

Des ronces sur notre nudité…

Un peu d’encre et de vent – un peu de matière et de joie…

Et le soleil qui se balance sur tous les sentiers…

La chair des mots pour guérir le monde – les âmes ; ce si peu de vie…

Comme quelques plumes emportées par le souffle de la terre ; et cette étrange légèreté des débris ; ce qui s’envole dans l’invisible…

Trait pour trait – notre visage – notre existence ; ce qui nous sauve, parfois, des fissures du temps…

 

26 mai 2022

Carnet n°274 Au jour le jour

Septembre 2021

Parfois – le chemin – d’autres fois – la misère ; la même couleur – la même destination – quoi que l’on en pense – quoi que l’on en dise ; on peut (bien) se moquer – on en sort toujours (plus ou moins) défiguré – métamorphosé – méconnaissable ; sans bouche – sans yeux – la tête comme détraquée – le corps et le cœur plus ardents – la mémoire (substantiellement) effacée…

L’âme qui flotte au vent – effilochée – comme une bannière – une offrande – une prière ; ce qui prolonge le chemin – la misère ; vers un autre possible…

 

 

L’usage permanent de l’usurpation – du mensonge – du déguisement ; le pan à paillettes plutôt que le versant sombre – plutôt que le côté grimaçant…

Que le vent se lève donc et nous fasse tourner sur nous-même(s) – pour que soient exposées – et perceptibles – toutes nos facettes…

Les premiers pas – involontaires (et douloureux – bien sûr) – vers la transparence…

 

 

Ce que nous avons connu – expérimenté ; le fouillis – la vie baroque – mille choses dans la main – les poches pleines d’objets – la tête encombrée et assaillie ; et l’âme inexistante – comme écrasée…

La mort si proche – les yeux ruisselant de larmes ; l’espoir comme un fil auquel nous nous cramponnons (désespérément) ; la seule issue, pensons-nous, dans cette nuit opaque…

Une main sur la corde ; et l’autre levée (très maladroitement) cherchant à saisir des mains hypothétiques – des mains imaginaires peut-être – qui, si elles nous agrippaient, feraient office de redoutables crochets…

 

*

 

Les yeux fermés – dans le noir – la lumière – au-dedans – franchie depuis quelque temps – quelques jours – quelques siècles – qu’importe (en vérité) ; viscéralement détaché du monde et des tourbillons qui emportent ou font couler ; l’eau et la neige qui souligne (et confirme) l’indifférence des visages et la froideur des âmes…

Personne – comme une terre déserte…

Et ces mots – et cette encre – imprimés sur la page – qui prouvent (à peine) que nous avons existé…

Le resserrement de la déchirure et le ciel déployé ; ainsi, sans doute, conviendrait-il de vivre…

 

 

Des signes pesants – l’enchaînement des maladresses ; quelque chose en trop – presque tout – sans doute…

Et, parfois, la légèreté d’une parole – la beauté d’un rythme – une succession de sons – comme une petite musique…

Un peu de lumière – un peu de ciel – près de nous – sur le sol et notre incompréhension…

 

 

Du bruit – encore – des paroles ordinaires – des gestes inconséquents – ce qui ressemble à la vie humaine…

Le monde – cette foule aux doigts aimantés – aux mains comme des grappins – à la bouche avide et grande ouverte – au ventre difforme et mou – qui, comme le reste, cherche à être satisfait

Le monde qui accumule et qui compte – qui s’amuse et se distrait – insensible aux malheurs des arbres – des bêtes – des hommes ; le règne de la vulgarité privée (bien sûr – comme l’on peut s’en douter) de grâce et de poésie…

Quelque chose du rut et de la faim qui, additionnés au rut et à la faim des Autres, finit par constituer une jungle – infâme – sournoise – indifférente – tapageuse – dont le sol, jonché de corps – de choses et de visages – ressemble à un tapis vivant – mouvant – de vivres et de merde autant qu’à un réceptacle à foutre où tout se frotte – s’engrosse – s’engendre – s’enfante – se perpétue…

Des vies avachies – hurlantes – ardentes – pataugeant – au milieu des Autres – dans la boue – la semence et les excréments…

 

 

Quel jour – cette chute – cette mort ; l’effacement de la forme et de la couleur…

Vers le bas – irrémédiablement…

Le pas qui se risque hors du cercle – vraisemblablement un jardin ou une forêt – un lieu d’exil – une périphérie d’où sont exclus les hommes…

Au milieu des bêtes – intimidé – ainsi débute notre séjour…

 

 

Le souci de soi – de l’être – de l’Autre ; l’exigence suprême qu’aucune âme – qu’aucune ombre – ici-bas – ne peut honorer…

Au hasard – dans l’herbe – des visages suffisamment humbles – tournés vers le sol – suffisamment vides – pour servir sciemment d’instruments – d’outils ancillaires…

L’enfance joyeuse – les yeux grands ouverts – la main libre de tout saisissement – ce qui encercle la nuit qui nous entoure…

Le vide en couches successives – indifférent aux paradoxes apparents que pourraient condamner des yeux trop naïfs – des cœurs trop peu expérimentés…

 

 

Lentement – vers nous-même(s) – au-delà du souvenir – au-delà du fantasme…

Davantage qu’un jeu – davantage qu’un chemin…

L’impérieuse nécessité de ce qui doit advenir – de ce qui passe – de ce qui (inexorablement) s’éloigne et disparaît…

Comme condamné(s) à nous rejoindre – quoi qu’il (nous) en coûte…

La vie ordinaire – affranchie de toute gravité – mêlant allégresse et poésie…

Le sens et la valeur de ce qui naît sur ce sol si peu propice aux ascensions…

 

*

 

Le rire et la lumière – le regard franc – l’esprit clair – davantage (on le sent bien) qu’une (simple) compréhension…

Une manière de vivre radieuse et authentique…

Le cœur en avant – très discrètement…

La tête absente – le corps rayonnant…

La joie malgré les tourments – les malheurs et la mort…

La solitude – au-delà du rêve et du monde…

 

 

Aux heures sombres (les plus sombres – sans doute) de l’époque – l’étoffe déchirée – la lumière que l’on épingle – que l’on aimerait s’approprier ; l’inaccessible prolongement de l’âme et du monde…

La main noire sur notre cœur (si) serré…

Et cette entaille dans la chair – dans le temps – comme un tombeau au fond duquel nous serons (tous) enterrés – au fond duquel ne brillera jamais aucun soleil…

 

 

Le bleu murmuré – comme un songe qui se dissipe (lentement)…

Un exercice auquel on se livre pour s’accoutumer à l’infini…

Habituellement – le jour – sans comprendre – derrière la vitre…

Les yeux qui brillent – et dans lesquels subsiste (de toute évidence) un restant de nuit…

L’ambition et les choses – à défaut de silence…

L’essentiel – ainsi – jamais pénétré ; pas même effleuré…

Une fenêtre fermée au fond du cœur…

Tant de surface ; et aucune profondeur…

A marche forcée – sur ce chemin – sans élan spontané – à contre-courant du mouvement naturel…

Des courbes qui brûlent ; et des flammes qui s’éteignent à notre passage…

 

 

Ce que l’on offre au monde – à l’Autre – pour tenter de donner du sens à ce que nous vivons…

Rien pour désigner le geste – le rêve – les mots qui qualifient l’offrande – la vérité ou le mensonge…

Une idée et un acte – supplémentaires – qui ne changeront aucun destin…

Du temps qui semble (seulement) s’écouler ; des vies qui semblent (seulement) passer ; et des naissances et des morts en pagaille…

Des séjours sans la moindre largesse – sans la moindre charité – sans le moindre désintéressement…

Ce que nous donnons – en vérité – nous le reprenons de mille manières…

Et, au bout du compte, nous quittons ce monde en devant davantage que l’on nous doit…

 

 

A même le sol – le sable – la tête penchée – le rire au hasard des histoires…

Quelques riens pour nous détourner de l’angoisse – de l’idée de la mort…

Des existences atrocement ordinaires…

Des choses à faire – à dire – à achever (sans doute) – comme si nous étions (décemment) capables de venir à bout des choses…

Nous – nous donnant le courage et l’illusion (pour presque tout)…

Une manière de vivre – d’être là – en apparence…

 

 

Ce qu’il reste d’avant – d’autres mondes – des bouts de terre et des bouts de ciel – éparpillés sur l’ensemble du territoire…

Une enfance tardive et paresseuse qui s’étire jusqu’à l’inertie – la tête dans un trou ; et le peu de force utilisée à des fadaises – à des niaiseries…

Comme nos pères – comme tous nos aïeux – on prolonge l’étrange nuit qui nous enveloppe – qui nous dessaisit de toute possibilité de voyage…

 

*

 

En silence – encore – sur la neige blanche – intérieure – devant la vitre du monde ; et derrière, on devine des bruits – des mouvements – des silhouettes – une sorte d’effervescence – comme un vague air de fête…

Et nous – seul – étincelant – le sourire aux lèvres – les joues rouges – chaudes – ruisselantes de larmes – entre joie et tendresse ; d'une extrême sensibilité…

Sur notre chemin – personne – aucune trace ; il neige encore – sans doute neigera-t-il toujours…

 

 

Tout assaille l’esprit – la chair ; le monde fiévreux – la parole (insensée) – l’inconséquence – la multitude – cet infini (si) mal incarné…

La poésie – comme un alcool – un antidote – une forme de vertige – d’évanouissement – pour supporter (tant bien que mal) la douleur d’être parmi les Autres…

Et le vide qui tarde à s’inviter…

 

 

Un feu nous détournerait, sans doute, des reflets du monde – des murs qui nous enserrent – du ciel si bas qui nous étouffe – des ombres, partout, qui dansent pour oublier leur misère – leur détresse – pour faire comme si la fête et la joie étaient naturelles et exemplaires…

Sous nos pieds – le bûcher ; et dans notre poitrine – des sanglots…

L’humanité-miroir ; et cette main immense – et inconnue – qui tient la torche – le flambeau…

 

 

Passant – de plus en plus simplement…

Comme un sourire (un peu naïf) qui s’attarde longuement et qui, un jour, face au monde, s’efface brusquement…

Ni moue – ni réaction – comme une conséquence directe et naturelle…

Sans volonté – sans arrière-pensée…

Ce qui va – ce qui vient – qu’importe l’état du monde et l’état de l’âme…

Au-dedans – au-dehors – une familiarité croissante – (considérablement) accrue – avec l’inconsistance et le provisoire – avec la probité et l’abandon ; le début, peut-être, d’une lumière authentique…

 

 

Nous – nous éloignant, peu à peu, du monde – de tous les Autres – ces frères dont nous ne partageons que l’apparence ; ni le cœur – ni l’esprit…

Comme des étrangers – sur ces terres communes…

Blessé – tressaillant – rebuté – par cette barbarie aux traits civilisés

 

 

Entre la fuite et la disparition – nous effaçant alors que tout (autour de nous) se dresse – s’érige – se développe – se déploie…

La seule issue dans cette prolifération – à moins de s’armer davantage – de s’exercer à la lutte et à la brutalité – de revendiquer son territoire – et de le conquérir par la violence et la force…

Nulle place – en ce monde agonistique – pour les âmes (un peu) différentes – (un peu) plus sensibles – (un peu) moins rustres et bestiales…

 

 

Deux visages – dans le jour ; l’un riant – sur le point de toucher le ciel – l’autre grimaçant – sur le point de succomber…

En nous – tous les penchants du rêve ; l’esprit intranquille et crépusculaire – et les mains occupées – sans inquiétude…

L’espace et le temps – illimités – dont nul ne se souvient en vivant…

A chaque geste quotidien – l’angoisse et la crainte de la réprobation ; la psyché (très) immature – (très) enfantine – comme si les Autres existaient vraiment – comme s’ils avaient le moindre pouvoir sur notre vie…

Soumis à une sorte de diktat invisible qui creuse la blessure – la fracture – l’abîme qui sépare nos deux visages – les deux figures du monde…

A l’échelle individuelle – à l’échelle collective – à l’échelle cosmique – les mêmes paysages et les mêmes antagonismes…

 

*

 

Cet égarement du monde – dirigé comme un rêve sur un champ de bataille…

Et ça tournoie – emportant tout sur son passage…

Et ça gicle – et ça ruisselle – sauf la lumière – dans l’obscurité…

Ici-bas – sans alternative – sans même l’espoir d’une autre terre – d’un autre ciel…

 

 

Seul – dans le vide – dans ce décor animé – vivant…

Sur les cimes de la terre – sous les étoiles ; des fleurs – des livres – des arbres et des papillons…

Et mille oiseaux aux chants indéchiffrables…

L’esprit convié à toutes les intimités…

Un peu de neige – un peu de vent ; et voilà l’abîme rehaussé jusqu’aux crêtes – redevenant, soudain, habitable…

 

 

La présence – le geste – le pas – la poésie…

Mille manières de colorier le noir – d’éclaircir la brume – de dissiper les nuages et tous les écrans de fumée – d’égayer les âmes – de guérir les corps – de libérer l’esprit…

Le monde – comme des millénaires plus tôt ; avec des voyageurs silencieux et inépuisables ; et des marches jusqu’à la fin des temps…

En désordre – des mots et des métamorphoses…

Ce que dessine la route empruntée…

Le soleil à la lisière des heures qui passent – au seuil de tous les possibles…

Des élans naturels – sans volonté – sans triomphe – sans conquête…

La lumière – de bout en bout…

Et mille couleurs sur la planche – au-dehors – au-dedans – mélangé(e)s…

Sans doute – la plus belle manière de vivre – d’honorer le mystère – de célébrer le monde et la multitude ; d’accueillir toutes les figures de l’Existant…

 

 

De la houle au plus haut du ciel ; quelque chose comme un rempart – un obstacle vivant ; quelque chose de mouvant – qui se dresse – qui empêche – qui s’arc-boute – qui se contracte…

Le même jeu et le même refus qu’en bas – en ce monde où nous nous croyons prisonniers – sur cette terre où nous nous imaginons condamnés à la réclusion [à (presque) perpétuité]…

Partout – la même nature des choses et la même nature du monde ; en tous lieux – parfaitement identiques ; et (bien sûr) une seule liberté possible – à l’intérieur – affranchie des états – des circonstances – des endroits où nous vivons – vécue de manière (strictement) impersonnelle…

 

 

Le pas et le soleil – voyageurs – d’un bout à l’autre du monde ; chacun sur son orbe (où l’on croise l’autre autant de fois que possible)…

Ni début – ni fin – ni départ – ni arrivée ; le cours immuable des choses ; cette obéissance aux impératifs naturels…

Et, au cœur de ces mouvements – une interrogation – mille interrogations – l’esprit qui se questionne…

Les yeux qui cherchent – l’âme qui explore – les mains qui fouillent ; et, peu à peu, un espace, en nous, se creuse pour accroître le vide – accueillir la matière – et toutes les choses invisibles – nécessaires – autant que cette présence qui existe déjà au-dedans et qui cherche à se déployer pleinement – jusqu’au-dehors – à travers nous tous qui cheminons vers le jour – l'Amour – la lumière – la vérité…

 

 

Dans le jour – mille fois – repris – spolié – incendié – anéanti (en apparence) – comme le prolongement de la blessure – de l’atrocité…

L’enfance tombée à l’eau – et que l’on essaie de noyer en brandissant – partout – notre figure de sauveur…

L’une des pires facettes de l’humanité ; ce qui terrifie les âmes et le monde…

 

*

 

La pleine saison des signes – et après ? Que deviendra le temps ? A quelle lumière les lèvres s’abreuveront-elles ? A quelles nécessités devrons-nous répondre…

Et la même couleur – au loin – sans que personne ne sache (réellement) ce qu’elle annonce…

Le rien et l’incertitude triomphantes ; notre vie qui, peu à peu, glisse vers le plus parfait inconnu…

 

 

La main – déjà – sur l’horizon invisible…

Du bleu et de l’intimité – des feuilles (en pagaille) sur la pierre – dans le désordre des voix – au fil des nécessités de l’âme – toutes les expressions de la matière et de l’immensité conviées à se coucher sans effort – le plus naturellement du monde ; l’encre comme une sorte de prolongement – un plongeon dans l’ineffable…

La poésie du ciel et de la multitude ; comme un peu de neige – un peu de fraîcheur – au cœur de l'ordinaire…

 

 

La célébration de la proximité…

La distance appropriée pour recoudre les déchirures…

Ce qui nous blesse jusqu’à ce qu’on le touche – qu’on parvienne à le toucher – jusqu’à ce qu’il devienne familier – une part de nous-même(s)…

Des choses – des visages – comme des points – des taches – éparpillées – lointaines – incompréhensibles (si souvent) – et hostiles même parfois…

La chair aussi peureuse (et maladroite) que l’âme…

Le monde soulevé – pourtant – d’un seul battement de cil ; un rai de lumière – et nous voilà projeté(s) (sans le moindre consentement) sur une terre inconnue – sur une paroi quasi verticale…

Puis, un jour (longtemps après quelques fois) – le visage vivant des pierres qui s’avance vers le nôtre – notre sang et la sève des arbres qui, peu à peu, se mélangent – la tête décapitée – jetée on ne sait où – emportée (sans doute) par le grand rêve du monde – aux côtés de Dieu – des bêtes – du langage – soulevé(s) par la main ou suspendu(s) aux lèvres – d’un plus grand que nous…

 

 

La langue désirante – les mots comme une soif – un élan – une danse…

Un ressac – sans la force de retenir…

La pleine mer – l’immensité – là où l’on est…

Au-delà de toute croyance…

Une manière de laisser s’approcher ce qui s’invite – sans résistance…

Le monde – vers nous – la main tendue…

La parole – comme une forme d’Amour – un geste pour guérir – pour chérir – pour embrasser – rendre plus tangible (et plus familière) l’intimité…

L’être – au fond de l’âme – au fond des choses – vibrant – ému – par toutes ces tentatives…

 

 

Dieu – sur la pierre – à nos côtés – apprenant avec nous – à travers nous – se laissant recevoir et se laissant abandonner…

Ignoré – l’essentiel du temps – participant, d’une égale manière, aux jeux et au silence…

 

 

Le monde – à grand fracas ; des rires – du feu – des guerres…

Quelque chose qui s’impose – qui s’abat…

Qu’importe les recours et l’imaginaire – qu’importe la forme et la couleur des figures ; peu à peu – la fracture – la fatigue – le désordre…

Le rêve et la lumière – contraints de s’éloigner…

L’œuvre vivante – réalisée – détruite – puis, réinventée…

Le regard ici – et les yeux plus loin – sur ce qui pourrait être – sur ce qui pourrait arriver…

Le monde d’après le monde ; à la fois l’extinction de l’humanité et l’homme sauvé…

Dieu – au fond de l’âme – au cœur de l’être – apparaissant…

 

*

 

Faiblissant – à mesure que l’origine s’éloigne – que le chemin s’allonge – que la vie s’opacifie…

Comme des obstacles devant la lumière…

Le voyage découpé en tranches ; et le ciel divisé en zones et en portions – plus ou moins lointaines – plus ou moins accessibles…

Le rêve d’une issue – au milieu des tourments ; une manière, sans doute, de supporter les malheurs…

De jour en jour – sans réponse – jusqu’à la mort ; la marche saccadée – le pas cadencé – la solution qui se dilue – qui se disperse – dans les gestes – le quotidien – sous les pas – à mesure de nos (prétendues) avancées…

 

 

Au hasard du vide – des existences – un peu de neige – un peu d’enfance…

Le monde – des mondes – entre la fable et l’absence – des apparences et des possibilités…

Des âmes à délivrer et des mains dans la pesanteur…

De la matière et du temps ; et de la douleur (bien sûr – comment l’éviter)…

Toute une architecture – à (très) grands traits…

Puis, la nécessité et mille manières de vivre – d’exister – de cheminer – au cœur de l’œuvre vivante – mille manières de rejoindre la matrice et l’envergure – mille manières d’être et d’embrasser tous les mouvements et le point d’immobilité…

 

 

La vie – encore – le ciel – le monde bâtisseur – la seule espérance des mains besogneuses – des cœurs ignorants…

Des lieux de regain et des lieux d’éloignement – comme s’il était possible de vivre en exil – séparé(s) du reste et du sens de la naissance – oublieux du chemin – du voyage – du va-et-vient entre l’origine et la multitude ; éloigné(s) de l’essentiel – comme des étrangers – si peu vivant(s) – en somme – comme si nos vies comptaient pour (presque) rien…

 

 

Le monde – la désespérance – et rien d’autre…

Des destins brûlés – des portes fermées…

Et personne pour exprimer la douleur et l’ignominie…

Inutiles – impuissants – comme si nos gestes – comme si nos vies – ne pouvaient refléter la lumière…

Ecrasé(s) entre le ciel noir et les ténèbres…

 

 

Un nom – sans trop y croire – que l’on tait la plupart du temps – simple outil de différenciation…

Un bruit – un son que prononce, parfois, la bouche de quelques-uns…

Inexistant – totalement superflu – au cœur de la nature – au cœur de la solitude…

Rien qu’un regard – des gestes – des pas – une présence au milieu des Autres – un infime fragment de monde collé – superposé – entremêlé – à tous les autres…

Un rôle – une fonction – des rôles – des fonctions – peut-être – infiniment provisoires…

Ce que produit l’instant – ce qui a lieu – dans cette chaîne sans fin d'événements (simultanés et successifs) ; un point vibrant dans la trame vivante du réseau…

Un voyage interminable – en soi – au cœur de l’ensemble…

Tout – de manière concomitante…

Qu’importe alors les réticences – les désirs – les émotions ; la peur – l’inquiétude – la tristesse ; un grand corps vide dans l’espace – les ailes d’un ciel immense et immobile…

 

*

 

Sous le ciel – à peu près n’importe quoi – assez égal – à peu près la même chose…

Ni socle – ni espérance – ce qui advient – aussi vide que possible – qu’importe ce qui nous traverse – ce que cela suscite en nous…

Le même passage – plus ou moins long – vers l’effacement et l’évaporation…

L’indéfectible souveraineté du vide ; et le règne (bien sûr) du provisoire…

 

 

La lumière vivante – au seuil limite de l’entendable…

Comme un bruit de pas dans la neige – l’ombre minuscule de l’infini dans la nuit noire…

Le premier jour de l’enfance ; les premières heures du rêve et du monde…

Quelque part – entre deux colonnes – la raison et la mémoire…

La chair et la psyché – (si) peu adaptées à l’hécatombe…

Un chemin de larmes – sur les pierres – où chacun piétine les fleurs qui poussent dans les interstices…

 

 

Sur l’autre rive – dans l’entre-rêve – à quelques pas – des eaux ruisselantes ; et lancés au hasard (presque au hasard) – des dés – des flèches – des pierres…

Des drames – le plus souvent – comme l’événement le plus commun…

Des bouts de ciel noir qui tombent sur toutes les têtes…

Et, de temps en temps, un miracle – un coup de pouce du sort – un peu de liberté – un fragment de destin qui échappe à la tristesse et à la gravité…

L’infini et l’horizon soudain perceptibles – comme une ouverture – un élargissement – avant que les yeux et les âmes ne retombent au fond de l’abîme – avant qu’ils ne retrouvent le tumulte des déferlantes souterraines…

 

 

A quelques pas – à portée de geste – de l’origine…

Le chemin qui se resserre : l’horizon de plus en plus fugace – transparent – presque inexistant…

Sur la route où l’on se rencontre – une piste déserte (en vérité) où les pertes s’engrangent – où la tête et les poches se vident – où l’on arrive nu et démuni – l’âme essorée – au premier seuil de l’étendue…

Un peu perdu – il va sans dire ; et plus que humble – sans la moindre certitude…

A peine – sans doute – le début du voyage (s’il en est un) – ou, du moins, une étape (une simple étape) dans la longue course nécessaire pour se rejoindre – retrouver cette intimité perdue – oubliée – avec soi (et tout le reste)…

 

 

En un instant – ce qui se décide – ce qui s’impose – des virages – le destin du monde…

Des indices et des empreintes – absolument inutiles…

Le mystère sur parole ; et la vie en gage ; rien que des promesses et des apparences inconséquentes – si éloigné(e)s du réel – de ce que les hommes (parfois) apparentent à la vérité…

Une autre part – un infime versant – de cette dimension perceptible par les yeux et le cœur humains…

 

 

Une clé – dans la main – fragmentée…

L’Absolu qui nous regarde – qui se laisse contempler – et, parfois même, approcher…

La terre et la poitrine de l’homme qui grondent et qui tremblent…

Le soubassement de toutes les choses terrestres – anodines et essentielles ; la figure du jour et du monde…

Dans la même veine – et le même temps ; notre affranchissement et notre crucifixion…

 

 

La nuit – encore – sans défi – sans proposition…

Un saut dans l’écoute – le monde – le bruit – la terre, au loin, frémissante…

Une réponse – peut-être…

Une manière d’entrer en relation avec les choses…

Le cœur auquel on confie tous ses secrets – comme un envol – un effacement…

L’Amour – la guérison…

 

 

Plus que l’espérance – bien en deçà…

Penché sur soi – les lèvres murmurantes…

A tourner les pages – sans le moindre souvenir…

Un jour après l’autre – l’instant d’après sans le miroitement du voyage…

Le sourire – au-dedans de l’âme – comme une joie vécue depuis l’immensité…

Le ciel intérieur – la tranquillité – au milieu de l’effervescence et du désordre…

 

 

Sans cesse – face au miroir – la multitude à sa fenêtre – la clarté et l’opacité de ce qui existe…

Le prolongement du geste originel – le lieu où tout a été enfanté…

Le fruit – à présent – de l’engendrement permanent…

La chair fragile – le cœur battant…

La coexistence continuelle de tous les reflets…

 

 

L’herbe et l’ombre éternelles – au zénith – sacrifiées – crucifiées…

Tout qui se dissipe – le monde-accessoire…

Du bleu et de grands arbres – bien davantage qu’un décor…

L’envol de l’âme au-dessus de la pensée – de plus en plus haut – au fil des saisons qui se succèdent ; l’oubli au cœur – comme réconcilié avec l’inévitable défilé des formes et des couleurs…

 

*

 

Une piste perdue – improvisée – pente ou montée – qu’importe – une aire de non-repos – un lieu d’envol et de plongeon – le socle de soi peut-être – là où nul ne peut plus rien pour nous – là où les fables et la parole deviennent inutiles – autant que les masques et les mensonges…

Sans appartenance – l’inconnu…

La lumière scindée en deux – tantôt sombre – tantôt scintillante – sur les versants opposés du monde…

 

 

La hauteur fragmentée – l’Absolu en terrasse, soudain, descendu – et éparpillé…

Un ruissellement – des bosses et des anfractuosités…

De la couleur du ciel – selon l’œil – la posture – la perspective…

Le cœur ouvert – les yeux et les mains qui s’attardent sur toutes les transformations…

Peine perdue – de toutes parts – le feu qui se presse – le vide encerclé par lui-même – comme s’il fallait rejoindre les choses – et les choses, la poussière – comme si nous étions immanquablement promis à ce destin ; de simples tourbillons dans le vent…

Et peut-être – la seule condition pour goûter cette précieuse intimité avec le monde…

 

 

Le jour à découvert – le vent qui court – les âmes qui suivent et les âmes emportées…

Les choses qui dansent dans l’espace ; l’espace qui se prend au jeu et qui se met à batifoler avec les choses – à s’amuser avec lui-même…

Sur cette colline (presque une montagne) – tout ce bleu à offrir et à respirer…

L’Amour qui remonte sa propre source…

La lumière constante – sans le moindre point de fuite…

Et l’encre – cette encre quotidienne – douce ou abrupte selon les jours – simple (et vertigineux) instrument de l’immensité – du ciel et du silence – qui se répand en taches de joie sur l’âme et sur la page…

 

 

Toutes ces mains autour du cou du monde – comme une funeste étreinte…

Et la figure de l’être – non désirante…

Une appropriation peut-être – une appropriation sûrement…

A essayer de soustraire les leurres de tous les yeux – de défaire les paumes de leur prise et les âmes de leur emprise – de desserrer tous les liens – de déjouer les lois de la faim et de la gravité…

Notre lot d’efforts – de peines – de désillusions ; le sort commun des bêtes et des hommes…

Sans aucune échappatoire – ce qu’il nous faut affronter…

 

 

Les yeux – les lèvres – le langage – délaissés…

Tous les désirs abandonnés – comme un feu – quelques flammes – au milieu d’un territoire gigantesque et grandissant…

La main – et une partie du monde – coupées de cette forme d’aimantation naturelle et ancestrale…

La psyché – autrefois si capricieuse – en désordre – à présent…

Le cœur en manque – comme désenclavé – perclus de craintes – avant de retrouver son état antérieur…

Face à la lumière – le monde…

Le souffle et le sang qui circulent – et qui, si souvent, débordent…

L’âme détournée de ses élans…

Nous – immergé(s) – et surnageant dans le rouge et le vent – la tête dépassant – inclinée – comme une offrande qui émerge (vaguement) de la matière – de la foule – du magma – surprise et engourdie – encore engluée dans la nuit poisseuse…

Notre vie – comme une perte – la possibilité d’une découverte…

L’Amour nous saisissant en plein jour – entre le sommeil et la mort…

 

*

 

Autour de nous – des visages – le temps – mille choses qui se précipitent…

En nous – quelque chose à l’abri du monde – à l’abri de tout ce qui passe…

L’espace gris et saturé – le visage de la terre le plus familier…

Des images et des fragments colorés par tous les rêves – par les songes enjoliveurs des hommes – comme pour essayer de cacher l’atroce (et triste) réalité…

Le seul éblouissement ; la vérité – à l’intérieur…

 

 

A tout instant – la possibilité du chemin…

La fièvre qui, en un éclair, peut percer l’épaisseur et l’inertie…

La mémoire – comme les oiseaux – capable de s’envoler…

Droit devant – sur un ou deux pas – puis, en zigzag – des détours et des circonvolutions – une suite de virages et de surprises – une longue série de transformations – puis, un jour, plus ni trace – ni sente ; la vie – la route – le monde – qui, à chaque instant – s'effacent et se réinventent – s'effacent et se réinventent – inlassablement…

Le soleil et l’inconnu – la joie de l’incertitude – la confiance qu’aucune épreuve ne peut anéantir…

Des foulées légères sur les pierres blanches – qu’importe la couleur du ciel et la nature des circonstances…

Le Divin – partout – descendu…

 

 

Pas même une butte à gravir – des ailes au-dessus du monde – la terre survolée…

Le franchissement (de plus en plus aisé) des obstacles – des fossés…

Là où l’on passe – la route qui s’invente – les pas – le chemin – l’appel et l’envol – qui se dessinent…

L’homme – l’image de l’homme – si bas – si étranges – si loin – à présent …

 

 

Les arbres – le monde – le jour – gravis (très souvent) à mains nues…

L’épreuve du temps qui passe – des défis relevés…

Ce que l’on engrange par l’étroit passage ; mille choses qui passent – elles aussi…

L’essentiel de notre parole – inentendu – gravé à même la pierre ; et toutes nos feuilles, sans doute, superflues…

La roche et le ciel – comme si être en vie suffisait…

 

 

Notre voix – au creux d’un arbre séculaire…

Du bois – un chant ; et cette résonance en tous les lieux naturels et intérieurs…

Le ciel si proche – sans confusion possible – sans mensonge éhonté…

Ce qui affleure à travers l’authenticité du ton et du contenu…

Ce qui existait déjà avant soi…

L’éternité sans doute – l’éternité peut-être…

 

 

Le mystère si profondément enfoui – le miracle dispersé au cœur de toutes les strates de la matière – au cœur de toutes les dimensions du réel – le tangible et l’invisible…

Et nous – cherchant maladroitement la clé et l’évidence dans l’amassement des signes et des choses – mille symboles – mille usages…

Les mains sur les yeux ; comme plongé(s) dans ce (funeste) fourvoiement ; assistant au défilé (permanent) des images que nous prenons pour des bouts de monde – des trésors – des fragments de vérité…

Et cet espace – en soi – (plus ou moins) dissimulé – (plus ou moins) obstrué – (plus ou moins) accessible  ; le lieu de la compréhension et des retrouvailles…

Mille mondes – au-dedans – au cœur même de ce monde…

Diantre ! Si l’on pouvait voir (ou même imaginer) les dimensions – multiples et unifiées – mystérieuses et miraculeuses – de ce que l’on appelle la réalité…

 

*

 

Quelque chose de blanc – avec des ailes…

Les yeux ouverts – face au monde…

Au milieu des ronces et des sanglots…

Personne sur la pierre – seulement des pas qui vont et qui viennent ; une forme d’effervescence irrépressible au cœur d’un périmètre étroit – infranchissable…

Des frontières – des pierres – des murs – des ruines…

Le noir – le plus visible ; et l’effritement (inévitable)…

Et le reste – notre visage – coincés entre la peur et l’égarement ; comme un (triste et misérable) résidu d’innocence…

Le règne – partout – de l’évanescence…

Le monde, sans cesse, sur le point de s’effacer…

 

 

Au cœur de nos vies – le mystère à décrypter – inexistant – périphérique – superflu – pour la plupart des hommes ; et absolument vital – central – absolument essentiel – chez quelques-uns (assez rares)…

Un chemin – un voyage – pour tenter de comprendre – de déconstruire le monde – et de bâtir, à la place, un temple – pour transformer tous les lieux – et toutes les choses – en une expression du plus sacré…

L’effacement plutôt que la jouissance…

La solitude plutôt que la foule…

L’intimité plutôt que l’éparpillement…

Le geste quotidien plutôt que la distraction…

Notre existence – comme la réponse (l’impérative réponse) à un appel…

 

 

Le plus sauvage – en nous – enserré et silencieux…

Au bord du rêve – du désarroi – cette tristesse profonde – commune – collective ; cette ignorance privée de lumière…

Si près du bleu – pourtant – malgré l’horizon – les fleurs et la liberté – bafouées – piétinées – le monde à l’envers qui marche sur la tête au cœur d’un immense désert – d’un souterrain labyrinthique – artificiellement transformé en oasis – en terre de possibilités ; et toute une armée œuvrant à la construction du déguisement – de l’opacification – du mensonge…

Et nous – essayant (humblement et de manière assez vaine – sans doute) de nous dessiller les yeux – d’opérer un éclaircissement suffisant pour nous affranchir du noir et de la détention – pour percevoir le réel tel qu’il est – sans les filtres humains additionnels…

 

 

Une voie à mi-hauteur – assaillie par la foule – (en partie) obstruée par l’enchevêtrement du regard et de la pensée…

Mains derrière le dos – la foulée précise et régulière – mécanique…

Les yeux aimantés par l’horizon – la promesse des hommes – comme l’ultime recours pour échapper à la souffrance du monde…

Un chemin – une issue – trop fortement programmé(e)…

La nuit collective qui se prolonge – et qui se prolongera tant qu’aucune place ne sera accordée à la spontanéité – au hasard – à l’incertitude – à l’inconnu…

Une zone trop étroite pour libérer la marche – affranchir les cœurs – offrir aux âmes et aux sandales un réel espace de liberté…

 

 

De toutes parts – la pensée – les têtes qui débattent et se débattent…

La tournure du monde – vers l’abstraction…

Des zones d’ombre apparemment éclairées…

Des études – des confidences – des révélations…

Puis, la lente agonie du langage au profit de l’image – de la représentation…

L’empire grandissant de ce qui se voit – de ce qui se montre…

L’envahissement de tous les espaces…

Tous les instruments déployés pour inciter – influencer – persuader – faire rêver…

Et (bien sûr) le refus sous-jacent du réel – de ce qui est…

L’espoir et le temps glorifiés…

Au bord de l’abîme – au bord du néant – tant le vide est saturé – tant le bavardage et les commentaires ont remplacé le regard et la possibilité du silence…

Une brève (et tragique) histoire du monde (contemporain) ; le cours implacable du temps – au fond, peut-être – quelque chose de naturel – de nécessaire – de réjouissant ; une étape indispensable – ni plus ni moins – dans cette longue marche vers la lumière…

 

*

 

La vie – le vent – inattentifs – inattentionnés – furtifs – offerts – au fond mystérieux…

Et l’âme comme une étoffe précieuse déchirée…

Le souvenir (un peu nébuleux) d’un âge d’or indéfini…

Des gestes – des pas – dans le noir…

Ce qui cherche la perfection – ce qui cherche à recommencer…

Des brisures – une continuité…

Chaque chose – chaque visage – et des ombres innombrables – comme s’il existait plusieurs sources lumineuses…

Le monde – au-dedans – au-dehors – des lieux à découvrir – à explorer – à définir ; mille expériences à éprouver…

 

 

Le commencement du même rêve – à chaque fois – entrecoupé…

La nuit – au milieu des étoiles…

Ce qui respire – sans bruit – à peine vivant – presque immobile…

Le poids de la terre dans le corps…

Et ces ailes immenses qui tardent à pousser…

De l’espace – à l’étroit – trop encombré…

Et l’air – et le vent – et des fenêtres à créer…

 

 

Au cours de l’enfance – des visages blessés – des fugues – quelque chose de la douleur – de la fuite – du refus…

Une réticence – des résistances – à vivre là – à être né(s) ici – comme si nous étions fait(s) pour des lieux moins arides – moins grossiers – moins violents – où l’or se cherche – se découvre et se porte – au-dedans – où règnent naturellement – quotidiennement – au cœur du monde – au cœur de l’âme – le silence, l’Amour et la lumière – où chaque geste porte en lui la gratitude – le respect et la tendresse – où chaque parcelle d’espace et de matière est considérée comme l’expression du plus sacré – du plus que Divin ; un monde – des âmes – infiniment plus sensibles – plus proches du cœur et de l’esprit que du rêve et des instincts…

 

 

A la dérive – face au mystère – face aux énigmes de l’être – de l’âme – du monde ; nos petits jeux sournois – nos manières grossières – nos ambitions (si) prosaïques…

A quelques nuances près – le même langage que les bêtes – et cette peur inscrite sur tous les visages – l’esprit et les mains crispés sur les choses alentour – sur les choses au-dedans…

L’appropriation – le conservatisme et l’inertie ; rien qui ne puisse tendre vers la nudité – l’affranchissement – l’autonomie…

L’humanité des pas infimes – l’humanité des cercles étroits ; l’ancien monde – de toute évidence – la vieille humanité (si proche des origines)…

La nuit folle qui a tout imprégné…

 

 

La solitude – comme une délivrance…

Un corps à corps avec le silence…

Une plongée dans le merveilleux…

L’exploration d’un espace – sans cesse changeant…

Toutes les figures de l’être penchées sur elles-mêmes…

Nous – peu à peu – nous découvrant (de manière plus ou moins exhaustive)…

 

 

Sur la pierre – des ruines – l’exil – le néant autour de soi – et ce cri – et cette crainte – qui se prolongent depuis le premier instant de notre naissance – cette étrange (et incroyable) mise au monde…

Les yeux fermés – le cœur cadenassé – comme pour s’épargner la vision du monde – des Autres – du temps – de l’enfer ; les mains sur les oreilles – la tête baissée – rentrée dans les épaules – le corps roulé en boule – recroquevillé – à peine respirant – à peine vivant – au milieu de la multitude qui peuple les rives de la terre…

Des bêtes grouillantes et affamées – dos à dos – les unes sur les autres – comme un corps massif et monstrueux qui mêle (presque) sans distinction toutes les formes et toutes les couleurs – les morts et les vivants – en une surprenante (et redoutable) miscellanée…

 

 

La terre aimante – ce qui bouge – au loin – mystérieusement attiré – comme envoûté – mu par le manque et le besoin de tendresse ; le monde entier – en vérité…

 

Des caresses et des bras accueillants – comme une fête – une promesse de félicité – pour l'âme – pour la chair – pour la peau…

Le Divin – la terre de l’enfance – pour l’esprit ; ce à quoi il est (presque) impossible de résister…

 

 

La paix détournée du feu pour d’apparentes (et obscures) raisons…

L’excès et la crainte, sans doute, de la consumation et du néant – une vie au cœur d’un océan de cendre – ce que l’on voudrait s’épargner…

Plus rarement – presque jamais – la perception de l’immensité nue – vide – entièrement – accueillante ; et le geste potentiel comme un prolongement de l’étendue – au cœur des flammes vives – la possibilité de mouvements porteurs de lumière…

Le feu et la paix – l’Amour et l’intensité – ainsi (possiblement) réunis…

 

 

Ni église – ni autorité…

Ni temple – ni peuple…

Pas la moindre communauté sinon, peut-être, Dieu – la grande appartenance

Seul – au milieu de personne…

Quelques rires – quelques gestes – quelques riens – en guise d’existence…

Des ombres et de la nuit ; nos profondeurs et nos alentours accueillis – acceptés et assumés – au même titre que le reste et la lumière…

La même fête – de l’aube au crépuscule ; et du crépuscule à l’aube – le silence et l’effacement triomphants ; nos défaites successives (royalement) couronnées…

L’espace – l’Amour et la lumière ; l’indistinction et l’intermittence – puis, le recommencement de tout – à chaque fois – à chaque étape…

Nous tous – singuliers – solitaires – inexistants – réunis…

De l’invisible et de la matière ; bien davantage (bien sûr) que le monde entier…

 

 

Le rêve – encore – comme la seule ritournelle possible…

Ni instinct – ni pensée – le pur imaginaire – comme le prolongement (apparemment naturel) du sommeil…

Les yeux ouverts – les yeux fermés – qu’importe le jour – qu’importe la nuit…

Le règne de la paresse et de la facilité…

 

 

Le monde – de la couleur du verbe…

Un brusque basculement vers la lumière…

Quelque chose d’impénétrable ; et nous devant – atermoyant – lançant les dés et des oracles – consultant des livres et, parfois même, des prêtres pour connaître la hauteur des flammes – l’ampleur de l’incendie – notre degré de responsabilité dans le désastre – notre devenir et les conséquences de la catastrophe en cours…

Bouche bée – en quelque sorte – face aux révolutions terrestres et langagières – face à l’évolution constante du réel et de la parole…

 

 

Face à la nuit – l’expérience de la beauté – la tendresse du geste – l’intelligence du regard…

L’Amour et la lumière – seuls remparts (véritables) contre l’ignorance ; seules réponses possibles à la bêtise et à l’ignominie…

Le monde – partagé en parts…

Les uns rampant – les autres debout – en déséquilibre – sur la balance…

La poitrine chevauchée par l’essoufflement ; et la folie qui sépare…

L’abîme et l’engloutissement pour la plupart – et chez quelques-uns (assez rares) l’enfance vulnérable – digne et rehaussée – garante d’une vérité ancestrale – d’une vérité première – éternelle – peut-être ; le faîte (si peu fréquenté) du monde – du vivant – de l’humanité…

 

*

 

Le long de l’abîme – à pas apeurés…

Pas même un chemin – une sente de sève et de ciel – sans aube – sans étoile…

Des feux – des fleurs – tous nos reflets dans le miroir…

Le monde tel qu’il est – jamais enjolivé…

L’âme telle qu’on la trouve – tantôt radieuse – tantôt rugueuse – tantôt foisonnante – tantôt démunie…

Notre part de tristesse et de joie ; et toutes les émotions sur le nuancier…

Notre contribution singulière (et inévitable) aux rires et aux larmes…

Et ce que l’on peut offrir, peut-être, de plus essentiel – un pas (minuscule) vers la sagesse…

 

 

Ce qui se détache – personne à nos côtés – des virages – la vue empêchée – qui se heurte aux éclats du monde…

La même terre – pourtant – sans adieu – sans mouchoir qui s’agite…

L’Amour sans accolade ; et si collé aux choses – pourtant…

L’intimité pressentie qui, soudain, se réalise ; l’impénétrable qui s’ouvre ; l’inaccessible qui se laisse approcher – effleurer – traverser…

Le ciel qui s’offre – au-dedans – sans rien dire – plus que silencieux – autant que nous – les lèvres sèches – la poitrine (époustouflée) qui se gonfle de sanglots et de joie ; tout entremêlé – sur le même rivage ; l’Amour – la lumière – la poésie…

Touché en plein cœur par l’espace – le monde – la tendresse – les choses – la nuit – la beauté – à l’intérieur…

Et tout – avec le même visage ; nous – nous épanchant – nous recevant ; l’hôte accueilli et accueillant ; nous-même(s) en toutes ces parts visibles – invisibles – (incroyablement) sacrées…

 

 

Le monde – au cœur du rêve – comme une peau fripée – un corps exsangue – exténué…

Et serrés l’un contre l’autre – Dieu et le Diable – main dans la main – heureux de leur œuvre commune – fragile et provisoire – s’amusant de nos jeux – de nos élans – de nos tentatives – chacun encourageant (à sa façon) l’enfance terrée au fond de l’âme qui cherche à éclore…

 

 

Le bleu qui rampe – qui comble tous les interstices…

La lumière et le ciel – dans nos têtes – bousculés – devenant ce que nul n’aurait pu imaginer…

Le chevauchement de l’ignorance et de la cécité – qui a conduit la vie – le monde – les hommes – à se fourvoyer – à s’éloigner (insidieusement) de la vérité – à devenir des armes qui se retournent contre elles – qui déciment toutes les têtes sans distinction – qui éradiquent ceux qu’elles étaient censées éliminer autant que ceux qu’elles étaient censées protéger…

La vie sacrificielle – malgré nous – malgré tout…

La nuit – ici (bien plus qu’ailleurs)…

Nos fronts et nos mains ensorcelés…

 

 

Des adieux en nombre – incessants…

Des fleurs – des têtes nouvelles – des âmes en partance – des âmes en transit – des corps lourds – des esprits crédules ; la foule qui va – qui vient – qui chemine…

Le même fil – de bout en bout…

Des esquisses – des ébauches – des éloignements…

La respiration cosmique du grand corps – à travers nos apparitions et nos effacements – à travers tous les chemins que nous dessinons (à notre insu)…

Un seul rivage – comme fragmenté – et qui forme une sorte d’archipel ; avec un pied ici – le cœur ailleurs – et la tête, un peu plus loin – l’âme à la hauteur d’un ciel indéfiniment redessiné par une grande main invisible – inconnue – indistincte (composée de toutes les mains du monde) – à laquelle nous nous soumettons tous – et vers laquelle cheminent tous les destins – implacablement attirés par cette mystérieuse origine…

 

*

 

L’incertitude – le monde des croyances – des chimères…

Des offrandes pour tenter de rapprocher le ciel…

Dieu immergé dans notre destin…

Un long chemin parmi les vivants…

Et la lumière – trop rare – comme un espoir…

Ainsi nous éloignons-nous – ainsi nous rejoignons-nous – imperceptiblement…

 

 

Les mains vides ; les maigres récompenses dispersées…

On se tient là – immobile – face au soleil…

Autour de nous – des ruines – des couleurs – l’immensité…

Des cris et des gémissements – la douleur et la mort – et cette incompréhension tenace face au monde – au mystère – à l’inexplicable…

Ce qui est – ce qui semble être – plutôt que rien ; et ce rien si rarement interrogé – vide ou néant – espace ou abîme – certes silencieux mais sensible et vivant ; ou indifférence inerte – inconsistante ou épaisse – non-être – non-existence…

Tant de choses – de questions – d’expériences – sous la lumière…

 

 

Les lois du sol – le monde ainsi qui s’étend ; au loin – le ciel ; en contrebas – la mort ; un court instant accordé aux vivants – puis, un autre – puis, un autre – puis, un autre encore – indéfiniment pour comprendre et réaliser – se rapprocher – expérimenter le rassemblement et l’unité ; puis, pour oublier – désapprendre – faire un pas de côté – s’éloigner jusqu’aux confins – jusqu’au seuil de l’impossible – de l’inimaginable – au-delà même des plus lointaines périphéries – devenir des éclats épars (et incroyablement distants les uns des autres) jusqu’à incarner, de manière parfaite, la séparation – la fragmentation – l’éparpillement…

Ce que l’on appelle être ou vivre – selon les terres que l’on habite…

 

 

Dans le lit et les vêtements d’un Autre…

Pas même notre visage – pas même notre peau…

Ce que l’on transforme en un seul saut – en un bref coup de dés…

Plus que les « pourquoi » – plus que tous les « comment » possibles (et imaginables) – le silence essentiel – et guérisseur ; notre seule patrie – la terre de tous les voyageurs – de tous les exilés du monde…

Qu’importe alors les apparences – nos vêtures – ce que l’on semble être et vivre – le plus visible de ce que nous sommes ; la joie qui émerge à l’intérieur…

 

 

Le printemps – à nouveau ; le bleu – comme toutes les possibilités – qui refleurit…

Des ébauches – des esquisses – de l’hiver – coupées net – la nudité remplacée par l’exubérance et la prolifération…

Partout – des adieux et des naissances…

Et nous autres – sensibles – silencieux – contemplatifs – qui avançons sur le chemin qui se perd au milieu des saisons…

Et, à chaque instant, le temps à venir (que, bien sûr, nous ignorons)…

 

 

Auprès des grands arbres – la chair rouge – le ciel déclinant – la figure contre le sol – le cœur déjà ailleurs – si proche d’un soleil différent – d’un autre monde…

L’existence mortelle presque achevée…

Au-delà de la pierre – au-delà des larmes – au-delà du tohu-bohu et de la croyance en nos yeux ouverts…

Hors de notre ancienne cachette – debout – le regard planté à l’intérieur – le corps mu par les circonstances – les exigences du monde et de l’âme – sans vœu – sans souvenir – obéissant – essayant de nous frayer un passage entre le rêve et la lumière…

 

*

 

Le temps suspendu par la main – au-dessus du vide et des horloges devenues inutiles…

Le monde – au creux du mur – comme un nid – une caverne – un asile instinctif pour les créatures les plus primitives – les plus élémentaires…

Dans la poigne – la proie ; dans le crâne – le manque et la peur…

Et, soudain, la rupture des fils – l’effondrement de ce qui nous maintenait debout – vivant ; la chute et l’explosion de la matière sur le sol…

Toutes les formes et toutes les couleurs mélangées…

La fin du monde – peut-être ; la fin du spectacle – sans doute (assez affligeant – il faut bien le reconnaître)…

A l’aube – sans doute – d’une ère nouvelle – avec un autre monde – un autre temps – d’autres possibilités…

 

 

Le feu – par la fenêtre ouverte – l’incendie des âmes – le monde affairé – des flammes hautes et vives – volontaires – naturelles…

La surface épurée – bientôt régénérée ; un monde et un langage nouveaux en train d’émerger – peut-être…

Le frémissement de couleurs jusque là inconnues – des formes surgissantes…

Des grappes de lumière qui jaillissent du sol – qui descendent du ciel – qui se rejoignent en gerbes sur toutes les figures en germe – à peine naissantes – comme le prolongement de l’origine – si nombreuses – si diverses – à la nature et au passé communs ; une seule entité – en vérité – inlassablement changeante – au cœur immobile et facétieux…

 

 

Au cœur d’un ciel de plus en plus profond…

L’âme qui s’allonge ; la lumière sur le visage…

Tous les mouvements éclairés – de l’intérieur…

Les paupières qui, peu à peu, se soulèvent…

Les yeux au sec (malgré l’émotion)…

Les entraves qui s’effritent – qui s’effacent…

L’impénétrable comme affaibli – l’ouverture d’un passage naturel…

Le réel et la poésie qui (progressivement) se substituent au rêve…

Le temps et l’espérance brocardés – exclus – bannis – effacés…

Pas à pas jusqu’au seuil inventé…

Déjà présente au creux de la paume – à la commissure des lèvres – au fond de l’âme ; cette joie à partager…

 

 

En un éclair – la terre et le ciel transfigurés – le cœur sans croyance – l’âme loyale et lucide – docile – éclairée – qui jette la vie et la mort dans les bras l’une de l’autre ; comme en haut – comme en deçà – comme partout (en vérité) – bien que le manichéisme des hommes ne puisse l’admettre…

Plutôt le sommeil que le regard clair…

Plutôt l’illusion que l’étrange (et incroyable) vérité…

De la tête aux confins des premiers cercles – la même nuit – le plus sombre, peu à peu, amassé ; comme dépossédé(s) de la moindre clairvoyance face à l’accumulation des tombes – le visage triste – seulement…

Ici – depuis si longtemps (depuis trop longtemps) – sans jamais rien comprendre…

 

*

 

L’origine – comme une évidence ; des retrouvailles – le lieu de l’unité et de la déchirure initiale…

Et des escaliers à descendre – à gravir – pour retrouver l’espace antérieur au geste inaugural…

De monde en monde – de corps en corps – existence après existence…

Mille défaites – mille expériences – au cours de cette traversée interminable – sur ce chemin qui serpente entre les colonnes – les effondrements – les incendies – jusqu’à l’envol – comme l’oisillon qui, un jour – à force de persévérance et de battements d’ailes – parvient à rejoindre le grand ciel…

 

 

Des voûtes – la terre rouge – l’océan – trop lointain – comme une hantise sous le front – au milieu des rêves et des ambitions terrestres…

Le jour – comme une fête imaginée – imaginaire…

Le feu qui cherche – qui court – qui rampe – contre lequel rien ne peut lutter sinon un feu plus grand – un feu plus vif – un feu plus ardent…

Ce que l’on parcourt – d’une rive à l’autre – cet élan – ce voyage – sans cesse recommencé…

L’oubli et la destination en tête…

D’un seul trait – d’un seul geste – le monde – le silence – la poésie…

 

 

Seul(s) – au milieu de la joie – sous la tristesse et les coups ; l’enfance – l’orage – qu’importe ce qui nous échoit pourvu que nous puissions oublier la mort – pourvu que nous ayons le sentiment de pouvoir lui échapper…

 

 

La peau drapée de ciel et de vent – infinie – sans autel – sans sacrifice – sans sacrement...

Nu(s) sous cette robe tissée à même la trame du monde ; quelques fils – un bout d'étoffe – un peu de terre – quelques flammes – un peu de silence – savamment cousus ensemble…

Et mu(s) par le désir de tout ce qui nous habite – nous conformant – nous associant – à tous les élans – essayant d’assouvir tous les besoins – horriblement empathique(s) – comme condamné(s) à l’identification parfaite avec ce qui semble nous composer…

A intervalles réguliers – le sommeil – la peur des bêtes – l’ombre et le bruit ; quelque chose – mille choses – qui se substituent à l’innocence ; ce qui ressemble à un éloignement – à un reniement – de l’origine…

Notre bassesse – notre infidélité ; cette (si forte) inclinaison au mensonge – à la fourberie – à la trahison…

 

 

L’âme du monde – des Autres – tournée vers l’abîme…

Nul n’écoute – le ciel bruissant – ses incessants appels…

Toutes les planètes alignées sur d’autres images – la terre – le rêve et la pénombre…

Le réconfort et l’anecdotique – rien qui ne ressemble (de près ou de loin) à Dieu – à une prière…

Les idées éparses – la gratitude morcelée dans les mains qui saisissent – qui s’accaparent – qui violentent…

Rien que le désir et l’ambition – sous le front chétif et déficient…

Des éclats de rire pour dissimuler la misère et le néant…

L’homme et la bêtise (dans toute leur splendeur)…

Ce qui nous malmène et ce qui nous emporte – comme si nous n’avions pas encore été suffisamment touché(s) – pénétré(s) – traversé(s) – bouleversé(s) – transformé(s) par l’expérience terrestre…

 

*

 

Les ombres et les miroirs – emportés…

L’angoisse des cris qui surgissent…

Le ciel défait – l’enfance étouffée…

Ce que l’on imagine face au visage des Autres ; ce qu’il laisse deviner…

Toutes les figures du monde – parfaitement jointes…

Le regard triste ; la parole gaie (comme pour compenser – se donner des airs de vivant fréquentable) ; à moitié brisé(s) pourtant – incompris et ne comprenant rien (ni personne) – sans aide – sans aider – comme tous les Autres – en somme – à se débrouiller avec la lumière (son absence – le plus souvent) et le poids des pierres – très maladroitement…

 

 

Porté(s) à croire et à s’assoupir…

Les yeux mi-clos en marchant – en dormant – en s’interrogeant (très mollement) sur le monde et le mystère…

Porté(s) par à peu près rien sinon par le caractère irrépressible des désirs et des instincts…

Tourné(s) sur soi-même – presque exclusivement ; centre de tous les cercles dont les habitants (tous les autres habitants) sont superbement ignorés…

Emporté(s) comme de la poussière – dans le tourbillon illusoire du temps – par les courants terrestres – l’âme et le ciel obéissants…

Et la forme étrange – inadaptée – de notre présence – de notre accueil ; les mains dans les poches – les yeux baissés – ou fuyant – posés ailleurs ou sur ses souliers…

Des armes et des soucis – des querelles ; mille tourments – ce qui emplit nos vies ; et tous les usages possibles et imaginables…

Ce à quoi nul – en ce monde – ne peut échapper…

Toutes les tentatives – tous les tremblements – des hommes et des bêtes au fond de leur abîme…

 

 

Penché(s) sur le lointain – trop incliné(s) – (presque) sur le point de basculer de l’autre côté du temps – le feu et la mort à nos trousses – voué(s) à terme à nous transformer en cendre et en os – nous cabrant – nous arc-boutant – résistant à ce qui cherche à nous immobiliser ou à nous précipiter ; entamant, peu à peu (et toujours trop rapidement – à notre goût), les jours qu’il nous reste – nous dirigeant (inéluctablement – bien sûr) vers le trou et la tombe ; comment pourrait-il en être autrement…

Toujours dans l’entre-deux – coincé(s) entre les bords du chemin – entre la naissance et le trépas – ne sachant comment nous rejoindre (réellement) – ignorant si les retrouvailles avec nos origines seraient salutaires – allant cahin-caha en portant partout en étendard notre nom – nos mérites – nos possessions ; un pitoyable bagage (en vérité) qu’il nous faudra, tôt ou tard, abandonner – au seuil du passage vers un autre monde ou vers une autre perspective – moins étroite – moins ignorante…

 

 

Trop de terre dans l’âme – les gestes – sous les pas…

Des liasses de pages – comme l’exploration d’un recoin – d’un angle – d’un point de vue – peut-être…

Le cours des choses – se passant de l’ardeur et du rêve de ceux qui s’imaginent indispensables – essentiels – irremplaçables…

Et pourtant – des monceaux de monde – des pierres soulevées – et entassées – édifiées en colonnes vers le ciel…

Partout – la vaine besogne des hommes ; du bruit et de l’effervescence plutôt que rien ; une manière de survivre à l’incompréhension et au désarroi…

 

*

 

Le seul franchissement possible – véritable – en soi – au-delà du premier cercle – le seul qui ait jamais existé depuis le premier jour – vers l’origine – le ciel – l’aube – la lumière…

Sans croyance – sur une butte – quelques ronces vivantes en guise de couronne – pieds nus sur la pierre – la parole aussi douce que l’herbe – aussi claire que l’eau ; la dignité comme un arbre –droite – strictement verticale – la force à l’intérieur – dans cette sève ascendante si particulière…

Seul – dans la forêt – le miracle en offrande – dans les mains ; le silence feutré – au-dessus des terres et des têtes – trop étroites – trop peuplées – en surplomb de ce monde gorgé de sang – comme une auge où viennent se repaître tous les vivants – tous les corps vivants – les âmes retranchées derrière – apeurées – horrifiées – par cette inévitable barbarie…

Plus ni sermon – ni semence ; affranchi – à présent – se redressant – (presque) debout dans le jour…

 

 

La couleur de l’étoffe – des reflets du miroir – de la terre où nous habitons…

Ce qui glisse sous nos doigts – ce qui se dissipe à notre approche…

Cette marche – cette traversée – la peur au ventre – l’angoisse qui monte aussi haut que la lumière…

Le monde des choses et le monde des signes…

Quelque part – sous le ciel – loin du bruit et des rumeurs – sur ce chemin (extrêmement) solitaire – en marche (au-dedans) vers le rassemblement et l’unité ; la mesure commune des êtres ; sans doute – le seul geste nécessaire pour s’établir dans une autre perspective – une manière réellement différente d’être au monde – plus juste – plus belle – plus sensible – plus lumineuse…

 

 

Penché – les yeux sur les Autres – sur les tombes – à vivre – à éprouver – à essayer de dire ce que nous ne comprenons pas…

La main posée sur l’écorce d’un arbre ; et dans l’autre, le vide…

Au-dedans – un feu ; et au-dehors – ce que l’on jette hors de soi…

Comme pris en tenaille entre le ciel et la pierre…

Ce à quoi nul ne peut échapper – malgré la prépondérance du rêve dans le monde…

 

 

Des corps confus – comme la parole et les visages…

Des mouvements inachevés ; le sommeil qui s’approfondit…

Le monde de plus en plus sombre – inerte – souterrain…

On a beau hurler – nul ne se réveille – nul ne ressuscite…

On voit (seulement) s’étaler la paresse – les doléances – l’incompréhension…

Le monde – séparé – fragmenté – éparpillé…

Toutes les mains déjà posées sur l’horizon – les âmes tressaillantes – à la fois ravi(s) et désespéré(s) de devoir se frotter à l’impossible…

Trop prêt(s) des étoiles – sûrement – la tête comme un morceau de nuit – un bout d’étoffe – le reflet des choses terrestres – de ce monde si affairé…

 

 

A l’approche du jour – tout a disparu ; le nom – le visage – l’élan ; ne reste plus qu’un fragment d’espace et de lumière qui accueille le vide rayonnant…

Sans étonnement – ces retrouvailles de la terre et du ciel (enfin perçues – enfin comprises – enfin éprouvées)…

En nous – la fusion nécessaire ; le regard clairvoyant sur le monde et l’expérience…

 

*

 

Le lieu du jour – du songe – du sommeil – identique – à celui de la possibilité et de la métamorphose – comme une pierre grossièrement façonnée – à moitié sculptée…

Toutes les facettes du monde – le reflet des Autres – dans nos yeux ; et le reflet de soi – si lourd dans la balance ; le déséquilibre habituel des forces et des ambitions…

Des signes sans promesse – bien en deçà du seuil de la franchise et de l’honnêteté…

Et toutes ces oreilles collées à la porte qui nous protège des bruits – des bavardages – des mensonges ; sans doute suffisamment enfoncé(s) dans les nôtres…

Nous éloignant, peu à peu – et de manière rédhibitoire, du ciel et de la lumière – de ce qu’il y a de plus beau en ce monde – et qui sommeille (encore) en nous…

 

 

Là-haut – près de soi – loin de sa propre image – de ses propres cris – la tête (horriblement) plongée dans l’espérance…

En groupe – dans l’attente d’un événement inconnu – sous le doigt des enfants qui nous désigne…

De porte en porte – sans maugréer – de plus en plus attentif à mesure que la déchirure s’étend et que les couleurs se diluent…

Nous rapprochant du cœur de l’énigme – la tête ployant sous le poids de l’aventure – la démesure des Autres…

Et tout ce bleu – au-dedans – que si peu découvrent – dont si peu ont conscience ; plus puissant que l’amoncellement (toujours pitoyable) des choses ou des signes qui tentent maladroitement de matérialiser l’infini…

Aujourd’hui – l’infinité tremblante dans le geste et la voix – qui témoigne du silence et de la paix (presque) pleinement habités…

 

 

La dérive des mondes vers l’illusion…

De chimère en chimère – jusqu’à la parfaite fiction…

Ce qui brûle ce que nous avons chéri – ce que nous avons (passionnément) aimé…

Tous nos rêves en flammes…

Le ciel emmitouflé – dissimulé derrière un épais brouillard – un manteau de fumée gigantesque…

Et cette terre suffoquante – asphyxiée…

Des cris derrière tous les murs ; des grognements de bêtes apeurées…

Illusion aussi – peut-être – comme le reste…

 

 

Personne – le monde déserté par l’intelligence – remplacée par la chair – des amas de chair vivants – bruyants – avides et affamés…

D’un côté – des ventres et des bouches animés ; de l’autre – des têtes inertes et des entrailles entassées ; ce qui respire et ce qui a respiré ; le grand festin journalier – cette orgie du vivre – la pitance des vivants ; la chair se repaissant de chair ; le terrible (et affligeant) spectacle de la matière cannibale…

Nos mains – notre âme – nos pages – rougies et tremblantes – horrifiées à l’idée de participer à ces bombances bestiales – à ces fêtes barbares – à cette grande débauche païenne…

Sur ces rives tristes – furieuses – rubescentes – notre fin – quelques feuilles – nos os – bientôt – notre départ…

Loin de cet abîme – en route (sans doute) pour des contrées moins sauvages…

Et une bougie – mille bougies – pour tous ceux qui, un jour, habitèrent le monde…

 

*

 

Parfois – l’infini – comme un espace dans l’espace – le plus vaste investissant le plus étroit ; le vide insufflant l’air – et la place – à l’encombré…

La nuit embrassée – embrasée par des étreintes de lumière…

La ligne de feu en équilibre sur la crête – cette fausse frontière entre le jour et l’obscurité…

Des flammes – partout – sur toutes les pentes ; des éclats de lucidité dans la cendre…

Dieu contemplant son œuvre – tantôt désastre – tantôt miracle – l’apparence du monde – changeante – chamboulée – inlassablement…

Au cœur de soi – l’univers – dans notre sang ; ce qui se joue – à chaque instant...

 

 

Ici – comme dans un ciel hors du temps…

Quelques restes de sagesse antique – ancrée au fond des têtes – déchiquetés par l’ardeur…

Une respiration haute – et crispée – entre le cri et l’angoisse – le pressentiment de la faute – et même, chez quelques-uns, celui du péché…

Des chaînes de mains et d’épaules – côte à côte – ligotées – menottées – sous le même joug – soumises au même sommeil…

Ce que l’on honore ; la surface et les apparences ; la richesse des poches…

L’être dos au mur – écrasé contre les parois que nous avons inventées – façonnées – suintantes de sang et de semence – sous un ciel d’étoiles presque entièrement rêvé – presque entièrement imaginaire ; quelque chose qui ressemble à l’aube ; un peu de lumière qui éclaire la gueule des bêtes tapies dans le noir et la crainte – la faim au ventre – comme des ombres – celles des premières cavernes autant, sans doute, que celles que l’on trouve dans les livres et les mythes…

A peine – au commencement de l’histoire…

 

 

Les fruits tombés du soir – près de la porte entrouverte…

La rectitude de l’âme froissée – déclinable de mille manières…

Personne pour se baisser – et ramasser ce qu’offre le monde – le ciel – le temps – la terre vivante…

La lumière – seulement – qui émerge lentement des profondeurs pour éclairer nos pas – nos pages – nos vies – insignifiantes et crépusculaires…

Le seul présent octroyé – la seule promesse que nous ayons faite ; ce chemin qui constitue un lieu de parole – de quête – de liberté ; la possibilité d’une autre perspective…

 

 

Ici – nos mains alertes et attentives ; la beauté perceptible accueillie et offerte autant que celle des profondeurs – autant que celle que l’on ne voit pas…

A l’écoute – l’esprit plus seulement en rêve – ce que l’on retrouve indemne – ce que l’on retrouve déchiré – amputé – et ce qu’il (nous) faut abandonner…

La pierre – seul reflet de nos désirs et de nos impossibilités…

Ce que nous devinons – malgré le sommeil des hommes…

Le visage (un peu) moins triste – (un peu) moins sombre – qu’autrefois…

 

 

Bien au-delà du rythme – du sens des mots – de l’œuvre qui, peu à peu, se dessine (malgré soi) – bien au-delà des rêves les plus fous – comme un ciel – un soleil – que l’on ajouterait par-dessus le sable…

Un (véritable) tournant – peut-être…

(Un peu) au-dessus de l’angoisse et de l’illusion…

Ce que nous devenons et ce que nous savons être – malgré nous…

Le jour penché sur notre visage – en train de disparaître…

Le trésor (incroyable) découvert derrière l’effacement ; l’espace à la place de la matière – le silence à la place des Autres – l’éternité à la place du temps ; notre participation (involontaire) au miracle – au merveilleux – à l’émerveillement du regard – au réenchantement du monde…

 

 

Ce que nous cherchons – ce que nous savons – dissimulé sous le sommeil…

Le monde – la lumière – et tous ces chemins souterrains qu’il (nous) faut emprunter…

L’espérance d’un autre jour – d’une autre voie…

A demi-mot – et de manière si évidente – le refus de ce qui est – le désir d’un autre visage – d’un autre voyage – une autre existence…

Et ce ciel si bas qui nous écrase…

 

 

Le voyage – entre nos mains aventureuses – capables d’épopée ; des pages et des pages – comme autant de pas dans les profondeurs – vers le plus lointain…

Le monde et l’existence – (pleinement) traversés…

Toutes ces rives tristes et illusoires – arpentées – parcourues – de bout en bout…

L’âme angoissée – attentive aux risques et aux affrontements…

Et la présence (quasi) aveugle des Autres…

Presque rien – en somme ; quelques attouchements – des invectives – des exigences ; de l’air brassé – en vain – comme si, en définitive, il n’y avait personne…

De l’eau qui coule et des larmes versées ; le monde et l’âme – comme sources (intarissables) de tristesse…

De la désillusion – cette (précieuse) matière sur laquelle naît (peut naître) la solitude – le savoir – et, parfois même, la sagesse…

Tous les nœuds du rêve dénoués ; le réel rendu à lui-même – intact – indemne – comme l’unique substance – perceptible de mille manières – et se manifestant dans des dimensions fort différentes ; qu’importe alors la clairvoyance – la cécité – ce que nous vivons ; ce que nous sommes – d’une façon ou d’une autre…

 

*

 

Le feu – la parole – ce qui attend l’aube avec les bêtes…

Scellé(s) dans la terre – nous sommes – comme des voyageurs du sol – avec toutes les frontières à effacer pour apercevoir le ciel – d’un seul tenant – comme le prolongement de soi – du monde – l’envergure de la même étendue – ni entièrement dehors – ni entièrement dedans – partout – non localisable – exactement là où quelque chose, en nous, existe – s’engage et contemple…

La vie – le regard – notre (insignifiante et précieuse) présence…

 

 

Au bord du chemin – sous le ciel – auprès des arbres ; au loin – quelques étoiles – le bruit du monde…

Notre longue veille au milieu des ronces – des fleurs – des bêtes…

La terre de l’éternité et des âmes silencieuses…

Le regard sur la pierre ; notre seule fonction – peut-être…

Aujourd’hui encore – comme hier – comme demain – qui peut (réellement) savoir…

Notre place – entre deux ciels que, trop souvent, la mort sépare…

 

 

Le noir – dans la vallée ; cette obscurité épaisse – si différente de la pénombre qui nous entoure…

La forêt des visages et la forêt du silence…

Assis dans les collines – un peu au-dessus du néant que nous avons, peu à peu, appris à enjamber…

De lieu en lieu – sans jamais rompre – ni réduire – la distance nécessaire avec le monde humain…

Le voyage – la vie nomade – au gré des circonstances…

 

 

Sur la route de ceux qui s’ignorent – ce peuple de dépossédés – de vagabonds célestes – au milieu des Autres – trop élémentaires – trop instinctifs (sans doute) pour se comprendre…

Séparés – en vérité – comme les deux faces d’un même visage – l’une tapageuse – l’autre silencieuse – réunies parfois par le chant des étoiles lorsqu’il réussit à se mêler au chant des entrailles…

Le ciel plongé au cœur de l’espérance pour la détrôner – et ne voir partout que la même immensité – mille lignes où s’emmêlent l’obscurité et la lumière – la conscience et le néant – parsemée(s) tantôt de fables et de frontières – tantôt lisse(s) et accueillante(s) – entièrement dévouée(s) au Divin qui se loge au fond des arbres – au fond des bêtes – au fond des hommes qui (malgré eux) se résignent encore à vivre à la surface de la pierre…

 

 

Sur les épaules du temps – le fauve et l’épervier ; des paroles et des feuilles lancées en l’air – oublieuses du monde ; le même refrain ignoré par la foule – mais chanté par toutes les têtes qui se succèdent au seuil de la mort…

Hors de soi – comme arrachées – les figures qui se font face – qui refusent l’évidence du partage et de la continuité…

Des énigmes à foison – (involontairement) détournées du mystère premier…

Le regard triste – comme une pluie matinale…

Ce que l’on peut apercevoir – sans assurance ; le fond commun des couleurs – le reflet de la lumière sur le sol (sombre) de la terre – l’inconnu et le passé qui se dessinent – qui se détachent – les âmes et leur ombre – les cœurs chavirés à l’aube naissante – face aux yeux qui se ferment – face au monde endormi…

 

 

La même pierre – le même ciel – en haut et en bas – mais des têtes différentes – une perspective et un souffle différents ; chaque visage vivant à la hauteur de ses possibilités ; au milieu des arbres – au milieu des Autres – au milieu des fleurs – au milieu de l’acier (et du béton) – allant sur les routes – allant sur les chemins – au milieu du silence – au milieu du bruit (et des bavardages)…

L’existence – selon le contenu et les contours du périmètre où l’on est parvenu à s’établir…

Au fond – le miracle ; à la surface – la tragédie ; et ce qui différencie (magistralement) les uns et les autres ; la manière d’accueillir ce qui s’invite – ce qui vient ; ceux qui acquiescent et sourient et ceux qui refusent et grimacent ; nous tous – sans la moindre exception…

 

 

Sur la même couche – Dieu et l’illusion – côte à côte – se tenant par la main – s’effleurant – se caressant – devisant gaiement – entretenant une relation tantôt amoureuse – tantôt amicale – infiniment respectueuse – à la grande surprise de tous les esprits portés à l’ordre – aux frontières – au manichéisme…

Le ciel au contact de la fange – sans le moindre dégoût – sans le moindre mépris – la considérant comme une part de lui-même – inamovible et intransformable – aussi digne que les autres d’exister et d’être aimée…

Une fenêtre ouverte sur l’aube et une fenêtre ouverte sur la nuit…

D’un côté – le monde – le temps – le gris – la pauvreté des âmes mendiantes – toutes les limites terrestres et organiques ; et de l’autre – l’immensité – la splendeur – le merveilleux – la poésie – qui, sans retenue, se côtoient – se mélangent – se dissimulent les uns dans les autres – au point de (presque) tout égaliser et d’inviter le regard à éclairer chaque portion comme s’il éclairait l’ensemble…

Tout dans tout – à parts inégales (bien sûr) – comme une évidence infrangible – irréfragable…

 

*

 

A distance de soi – mal aimé – mal accompagné – comme exilé de son (propre) centre…

A peine – une pierre sur sa pente…

L’âme absente et sans lumière…

A courir après tout ce qui est noir ; ce que l’on aime – des éclats de ténèbres…

Ce qui nous ressemble – cette ardeur – ces traces de pas…

A cheminer vers toujours plus d’éloignement…

 

 

Que savons-nous de l’enfance – et de la place du feu – dans nos existences…

Le temps qui s’efface – à pieds joints – quelques sauts dans des flaques d’eau miroitantes – un bref aperçu de ses semblables et de son reflet…

Comme une étoile morte – une étoile noire – nos rêves d’amour et de parole, peu à peu, transformés en efforts – en impossibilité – en absence…

Et la mort qui guette – qui s’approche déjà ; quelques jours encore avant d’être emporté(s)…

 

 

Sur la pierre – le monde – le chemin à découvrir – à emprunter – là où l’on s’égare – là où l’on glisse (sans même) le savoir – là où commence le (vrai) voyage…

Des saisons qui passent ; des fleurs – du soleil – des feuilles – de la neige…

Le (petit) manège du temps qui fait tourner les têtes…

Le vertige des cœurs en déséquilibre ; la crainte et le repli des âmes…

Et la mort – (presque) distraitement – qui, sans cesse, fait de l’espace et remplace…

Ceux qui étaient cessent, soudain, d’être mais qui sait ce qu’ils deviennent… vers quelles terres – vers quelles lumières – vers quelles ténèbres – sont-ils éparpillés (et en quelles proportions) ; et ce qui reste – enfoncé dans la terre – entrailles et poussière…

Et la tristesse (passagère et inconsolable) de ceux qui les suivront bientôt – enfoncés dans cette incapacité à faire face à l’absence – la chair profondément pénétrée par la mémoire – les yeux et les joues mouillés de larmes ; de jour en jour – de vie en vie – l’esprit toujours aussi triste et ignorant…

 

 

La même neige qu’au-dessus du temps – vers le passage des hauteurs – la parole discrète et affirmée – ce que l’on devra céder – à la place de la désespérance…

Le mystère et la lumière – sous des apparences tragiques…

Le ciel – des ombres – ce que l’on craint – ce à quoi l’on s’attend ; et ce qui nous sera offert…

Au terme de l’échange – la défaite (bien sûr) – sans surprise…

Et ce que l’on apprend – peu à peu ; le retrait – l’effacement – l’oubli – la disparition…

Et, un jour – en nous, naît cette capacité (involontaire) de faire coïncider chaque geste avec des pans entiers de vérité – le visage absent (de plus en plus) que le soleil remplace par des couleurs – des teintes – des reflets – parfaitement adapté(e)s aux circonstances…

En dessous du rêve – des querelles et des pugilats – tous les opposants – les adversaires qui s’étripent – une kyrielle de (piteux et funestes) combattants ; et, au-dessus – la main blanche – le lieu des découvertes – la promesse d’une certaine félicité…

 

 

Le souffle – le silence – en deçà – au-delà – de l’absence…

L’esprit de la terre davantage que la fange des visages…

Tantôt la couleur de l’or – tantôt l’odeur de la souillure ; une image après l’autre dans la mémoire – si proche de la réalité du monde – dansant avec douleur et insouciance…

Le territoire de l’enfance où se mêlent les signes et le goût de la liberté…

L’affranchissement (très progressif) de l'âme ; des pas ardents – jamais désespérés malgré les épreuves et l’adversité…

Ce que l’on finit par tenir – contre soi – si serré…

En nous – ce précieux legs de la mort ; le frémissement de la chair face à la brièveté des jours ; et la confiance nécessaire (si profondément ancrée dans l’être) pour continuer le voyage…

 

*

 

Entre les arbres – la beauté éparpillée…

A l’écoute de la sève qui monte…

Pierre après pierre – les temples qui s’édifient…

Le même chemin – déjà mille fois emprunté – d’abord de manière prudente et apeurée – puis, de manière triviale et mécanique – et sur lequel il nous faudra apprendre à marcher avec attention – respect et discrétion – pour découvrir le passage qui mène derrière le miroir – au-delà du monde – au-delà des ombres – au-delà du réel apparent – sur cette terre dont nous sommes l’hôte – provisoire et éternel ; notre propre compagnon de voyage – entre Amour et absence – l’incarnation (plus ou moins imparfaite) du mystère…

 

 

Au cœur de la forêt – au milieu des fourrés – parmi la mousse et les chants d’oiseaux…

Au seuil de l’automne…

Des feuilles sombres…

Notre désert qui s’enflamme ; la voie passive où se compteront toutes nos défaites…

Et ce que l’on parvient à entrevoir parfois – au loin – sur cette (énigmatique) ligne d’horizon – à la verticale – juste au-dessus des murs du labyrinthe…

Et dans les yeux – cette lumière nécessaire pour éclairer le passage ; Dieu dans nos bras ; la tendresse incarnée qui, peu à peu, s’affranchit du sommeil…

Nous – penché(s) sur notre propre visage…

La fin de l’apprentissage qui ne débouchera sur aucun enseignement ; le cours des choses et les circonstances – seulement ; presque rien – sans personne – ainsi vivrons-nous…

 

 

Ce qui se détache du rêve et du mensonge…

Le soleil sans ses combattants…

La plus vieille ambition de l’homme – sans doute ; une humanité nouvelle (réparée et régénérée) à laquelle on se sentirait appartenir – sans honte – sans avoir à rougir (d’aucune manière)…

 

 

Le jour tailladé…

Toutes ces mains avides et ces ventres gonflés de désir…

Le temps d’un souffle ; la naissance et la disparition des visages – de la matière…

La nécessité de l’étreinte dans nos voix suppliantes…

La couleur habituelle du monde…

Des signes – et cette espérance aussi désespérée que désespérante…

Du côté de l’absence plutôt que du côté de la possibilité ; l’incapacité (quasi) ontologique d’être là – de répondre aux exigences du réel – de savoir offrir et tendre la main…

Le sommeil (si commun) des têtes humaines ; le lot de toutes les civilisations terrestres…

 

 

Incliné comme d’autres se redressent – affrontent – refusent – rejettent – bannissent…

Ce qui brille – comme un soleil à la couleur éclatante…

La terre (si atrocement) divisée – à la manière de notre esprit…

L’errance – les mots – la foudre…

Ce que l’on réclame ; et ce que nous léguons sans bienveillance…

Le plus simple – la vie simplifiée – (bien) moins lourd que le reste – que toutes les histoires des hommes…

Dans la main – le ciel qui s’éclipse ou qui s’allonge – selon ce que nous offrons – selon ce que nous conservons…

En soi – le Divin – la conscience – l’Absolu ; et en filigrane – le pacte (inconscient et involontaire) que nous avons signé avec le monde…

 

 

Le poids des pierres dans les poches – et dans l’âme aussi – cette charge inutile…

Des pas laborieux – tout au long de cette marche – au milieu des tombes – sur les feuilles mortes – aussi lourds qu’elles semblent légères – aussi solitaires qu’elles semblent inséparables – en l’air comme au sol – l’existence terrestre soumise au grand cycle des saisons…

Notre sort à tous – notre sort commun…

Ensemble – au cœur de cet étrange labyrinthe ; la matière – l’esprit – l’invisible ; et nous – et en nous – et entre nous – la généalogie et la douleur – les liens et l’incompréhension…

 

 

Dieu et la lumière – posés (très) librement – presque avec nonchalance – au milieu de l’enfance…

Et, un jour, ce qui s’achève avec le défilé des jours – le cortège des années…

De la couleur et de l’intelligence – éparpillées – comme des éclats – de l’écume – qui parsèment – qui éclabousse – la terre – les têtes – tous les souterrains…

La réalité des mains attachées à leur besogne ; le labeur à faire – gratuitement – en pure perte – malgré le froid – malgré l’indifférence – malgré le monde…

Sous le ciel – tous les auxiliaires à l’œuvre…

Dieu et la lumière – bien au-dessus de l’effervescence et du temps ; et à l’intérieur aussi – comme un (très) long apprentissage…

 

 

En soi – sur la feuille – la vérité qui nous porte – et que l’on ne peut tenir entre ses mains ; à vivre – à sentir – à expérimenter…

Comme un espace parsemé de portes que la vie – que le vent – ouvrent et referment – et que nous franchissons à force de patience – à force de persistance – avec ce feu ardent au-dedans qui nous anime – qui nous hâte – qui nous éperonne…

 

*

 

Face aux miroirs du monde – impuissant…

L’indigence retenue prisonnière du reflet…

Des ombres encore – sous le ciel – l’homme (comme toujours) se surpassant…

Un simple décor – pourtant – pour le temps et les visages qui passent…

La face hideuse du mensonge ; cette nuit apparente…

 

 

Une étrange cacophonie au milieu des étoiles…

Des voix – du son (seulement) qui se fracasse sur la roche…

L’enfance que l’on piétine – la conscience endeuillée…

Le regard à la fenêtre – les oreilles aussi loin que possible du vacarme…

Un désir d’ailleurs ; le voyage comme une évidence…

La nécessité de la solitude et du silence…

Vivre à l’écart des ombres et du tapage…

Un peu d’espace au fond du cœur – un carré de ciel au-dessus de la tête ; et cette foulée tenace – et ce long périple – sur l’étendue verte…

 

 

La figure des hauteurs – près des contours – entre le bleu et les dernières frontières du monde…

Le séant posé sur la pierre – les mains jointes en prière – proches du cœur…

Au-dessus de l’abîme – tous les visages réunis – comme un seul homme – sous le soleil – affranchi(s) des impératifs (habituels) qui ligotent les créatures terrestres…

Le chant ardent – et (presque) inaudible pourtant – la tête en train de s’effacer – les yeux, peu à peu, déployés en regard – à la cime du sol (en quelque sorte) – ce qui semble si étrange – si incongru – si inutile – aux yeux des Autres et qui paraît si naturel à ceux qui voyagent – à ceux qui se laissent transformer…

 

 

Le jour – comme l’oiseau – sur notre chemin – le signe d’un destin abrupt et solitaire – voué aux marges – aux hauteurs – à la lumière…

L’éternité – pour apprendre à être là (pleinement – entièrement – parfaitement)…

La terre toujours plus caressante – à mesure que l’on s’approche du précipice…

Le saut et l’immobilité – simultanément ; ce qu’enseigne toute sagesse…

 

 

L’infini déguisé, parfois, en encre noire – en indigence – en cri – en arbre – en homme – en chemin où l’on se perd…

Dans le plus étroit – très souvent – dans le plus confus ; au même titre que la lumière…

Au cœur de cet espace plongé au fond des choses – du monde – de la matière – dissimulé – invisible aux yeux trop crédules – aux fronts trop ignorants…

Ce que l’on finit par découvrir, un jour, en fouillant en soi – en remuant (avec obstination – avec acharnement) toutes les profondeurs…

Rien – en vérité – qui ne soit notre territoire…

 

 

Une pente à découvert…

L’horizon inquiet par l’étrange posture de quelques solitaires…

La main sur l’herbe qui s’abandonne…

Auprès de soi – comme auprès d’un Autre…

Le monde qui s’éloigne ; le bleu tout proche qui se déverse, peu à peu, au fond des choses – au fond des âmes – qui ont réussi à se vider (de manière suffisante)…

La même couleur qu’au-dehors – comme si la joie avait repeint la terre – le cœur – le corps – les gestes et les pas – avec un peu de ciel ; l’immensité badigeonnant de ses doigts habiles quelques interstices terrestres prometteurs…

 

*

 

Sous les feuilles – l’humus – la vérité…

Au-dessus – le ciel sans passion…

Et ailleurs – partout ailleurs – là où l’on accourt – là où l’on se suit – la foule frivole – impatiente – mimétique…

A grands bonds vers la rumeur que l’on colporte ; le bavardage hissé (presque) aussi haut que le sommeil…

Assoupis le jour – agités la nuit (en rêve)…

A aboyer comme des enragés – toutes les ombres repliées en soi ; la bouche en soleil pour se donner des airs lumineux ; le masque (un peu figé) de la félicité…

Quelques jours – quelques saisons – d’apparat et de mensonges – entre la naissance et le trépas…

La (grande) mascarade de l’intime et de la communauté à laquelle échappent quelques solitaires (plus ou moins) lucides et éclairés…

 

 

Tant de frivolités sur la pierre sombre et grise…

Des rires qui ressemblent à des éclats de lune ; partout – le culte des apparences – le règne (atroce) des instincts – la laideur que l’on maquille en beauté tapageuse (et artificielle) – inventée – (purement) imaginaire…

Des grilles que l’on prend pour des ouvertures (porteuses de possibilités)…

Et toutes ces portes closes – tous ces chemins qui serpentent entre les tombes et qui mènent tous (sans la moindre exception – bien sûr) à la mort…

Tous ces pas funestes – toutes ces vies tragiques – les uns derrière les autres – sans personne pour souligner la noirceur des gestes et des visages – l’absurdité de ce défilé – de ce tapage…

Des pantins – au mieux – qui s’imaginent libres – et paraître ce qu’ils ne sont pas – ce qu’ils ne pourront jamais devenir…

Des fantômes – sans joie – qui gesticulent – en pataugeant dans la fange – en se donnant des airs de fortune – des airs de félicité…

Un monde pitoyable qui incite (bien évidemment) les plus sages – ou, peut-être, les moins fous – à quitter l’arche populeuse pour tenter une autre aventure – un autre voyage…

 

 

Moins heureux que le voyageur – le vagabond qui passe ; moins libre(s) – à l’abri du vent qui souffle sans qu’on l’ait invité…

La vie écartée par les mains féroces du monde…

Le ciel rouge – derrière les barreaux qu’ont inventés les yeux (tous les yeux)…

Et la foule qui vaque – indifférente – à ses occupations habituelles (très ordinaires)…

Des rires sans délicatesse ; et des alliances face aux miroirs brisés – face aux fragments et aux reflets majoritaires…

Des routes que l’on quitte et des routes que l’on emprunte – sans rien savoir du voyage et de la destination…

Le défilé permanent des vies et des visages…

Rien que des apparences ; à petits pas tristes vers le soir et la tombe…

 

 

Le prolongement silencieux de la parole qui a pénétré l’âme…

Quelque chose – au-dedans de la chair – qui s’écarte…

Le cœur passablement chaviré…

Ce qui émerge de l’humus ; ce qui se redresse…

Les bras tendus devant soi pour éviter le pire…

La vie – le monde – le temps – qui se dérobent ; l’existence sans socle – comme si rien n’existait vraiment…

Des instants de tristesse et, de temps à autre, de lucidité…

Une manière d’assouplir la consistance et la crispation (apparentes) des choses et de l’âme…

Une tentative – seulement…

Une parole encore trop lourde – et (bien) trop gorgée de mots – pour prétendre au silence – à la légèreté – à la poésie…

 

 

Une route aussi large que l’espace – que l’Amour – qui se déroule sans personne – malgré nous – en dépit de l’existence et du monde…

Le ciel qui chemine – sans jamais s’écarter – sans jamais s’éloigner – qui accompagne tous nos gestes et tous nos pas – et notre ignorance inquiète qui pressent la vérité – l’identité réelle des choses et des visages – et la position de chacun sur la carte et le chemin…

Pas si lointaines – les ailes – à égales distances, sans doute, des pierres et de l’immensité…

Les vagues qui déferlent et se retirent ; les vagues qui nous emportent et nous mènent vers le large – vers le centre – vers l’effacement…

 

 

Dieu – la main tendue – aux prises avec le désert et la foule…

Le temps infini de l’œuvre qui se réalise – sans jamais s’achever – qui ne connaîtra jamais le moindre terme – la moindre fin ; l’impossibilité (ontologique) du définitif – de l'aboutissement…

Sans cesse – l’écume et la mort – sans cesse, le recommencement et la continuité ; l’entre-deux et le passage ; et le règne – la souveraineté – inégalée – inégalable – de l’instant…

L’absence et le grand banquet…

La matière efflorescente et la ronde perpétuelle des visages…

Le désir et la faim – le glaive et le combat ; la belle (et cruelle) chorégraphie des danseurs enlacés – au corps à corps…

Et, de temps à autre – très régulièrement, les yeux clos (pour plus ou moins longtemps)…

Et la lumière – et la nudité – toujours (bien sûr) – à portée de flammes…

Et le feu, en nous, assidu à la besogne ; le labeur acharné du manque qui cherche la complétude et la joie ; notre identité commune ; notre travail à tous – en somme…

 

6 mai 2022

Carnet n°273 Au jour le jour

Août 2021

La tête et la main qui fendent l’air – qui dessinent des mondes invisibles – qui dansent au milieu du vent ; notre existence à tous – en somme…

 

 

L’épaisseur du vide – si dense – que nous nous sentons vivants – entourés (durablement) – malgré le provisoire des vies et du monde ; comme un caillou lancé dans une mare – quelques ondes auxquelles répondent des résonances plus profondes – immergées dans l’invisible bleui par les yeux…

Un sens – en soi – avisé de l’infini et de l’éternité – sans doute…

 

 

Un bruit sourd – dans les hauteurs silencieuses – notre étonnement…

Des jours (très) géographiques comme des bornes dans le désert – une route sinueuse qui se dessine, peu à peu, au cœur du néant – comme un étrange prolongement de soi…

Ici et ailleurs – là où l’on se trouve – presque au même endroit qu’au début du voyage…

 

 

Sur l’épaule – ce pesant bagage – ce ballot de choses et d’idées – parfaitement intégré – devenu strictement personnel…

Le temps de compter les jours – nos pas – de fermer les yeux – de tourner la tête – et voilà notre charge (prodigieusement) alourdie – comme si nous étions aimantés ; et le monde – les images et les pensées – des morceaux de ferraille à accumuler – et qui, à force d’être entassés, obstruent la vue et l’esprit – sans même que nous nous en rendions compte…

 

*

 

Entre la vie et la mort – la métamorphose…

Le ciel et la terre couchés ensemble – sur le lit des possibles…

Des batailles et des conquêtes…

De la folie et de la férocité…

Des corps sauvages qui dévalent des pentes – comme une déferlante…

Un peu de sommeil – un peu de beauté…

Cette nuit – cette douleur ; et cet espoir – promis à tous…

 

 

Des lambeaux de jour et d’attente – à même la lumière – à même l’éternité – comme contrepoids, peut-être, à la noirceur et à la célérité du monde et des existences…

Plus qu’une menace – un envahissement permanent sur la pierre…

Au fil des saisons qui passent – le règne de l’interminable…

 

 

La faim – comme une épaisseur supplémentaire – un surcroît de terre ajouté à la terre…

Des dents davantage que des mots – l’usage (commun) de la bouche…

Un souffle pour respirer – presque jamais pour tenir parole…

Une voix – parfois – passagère – dans le ciel impérissable ; une onde – quelques ondes – offertes au monde…

Autant questionnement qu’offrande…

Comme une marge laissée à l’enfance et à la poésie…

 

 

Le vide – en son cœur…

Moins présent que la semence qui ruisselle…

Le ventre qui s’arrondit davantage que l’esprit curieux – que l’esprit qui explore…

L’homme qui s’éreinte à vivre – malgré lui – plus à la manière des bêtes que de manière humaine – en l’honneur (bien sûr) de ce qu’il continue d’ignorer…

 

 

L’œil limpide – lucide ; et les lèvres muettes…

Le cœur ouvert – appuyé contre l’air alentour – sans inquiétude…

A l’extrême limite de l’humanité – peut-être…

 

 

Engagé dans l’oscillation permanente – le va-et-vient des forces – au cœur de l’immobilité ; cette étrange mécanique de l’âme – du monde – du vide…

Toute une vie qui tient dans la paume et l’acuité de deux hémisphères…

Remué par le vent – puis, fendu en deux – sans un cri – sans un commentaire – sans même que les Autres et la parole s’en mêlent…

Une manière – très simple – de passer ; le cœur dans le compagnonnage de la solitude…

 

 

Ici – sans personne – depuis des millénaires – sans doute – vivant et offert – jour après jour ; l’instant comme le seul axiome – à genoux pour franchir tous les seuils – sans autre témoin que le regard qui nous habite…

 

 

Du vertige au bleu – d’un seul trait – à petits pas – sans mérite – sans mémoire – à la manière des oiseaux qui traversent le ciel…

Le jour parcouru de bout en bout…

Sans doute – le voyage le plus essentiel…

 

 

Des pierres – des jambes – pour aller plus loin – découvrir le monde au-delà de l’horizon – faire le tour des possibles – éprouver la faillibilité des visages et des âmes…

Notre parcours commun – les uns derrière les autres – dans cette longue file ininterrompue…

 

*

 

Ici – dans le même ciel qu’autrefois – dans le seul ciel possible – à nous voir tantôt lumineux – tantôt dans la fange – comme si nous étions le prolongement de nos propres racines – la matrice qui enfanta l’abîme et le monde – le vide et la bêtise…

Notre demeure définitive – en somme – où que nous allions – qu’importe en quoi nous nous transformons…

L’assise triomphale pour l’âme – la nuit – le voyage ; ce qui nous emporte et nous engloutit…

 

 

Comme des fleurs fanées – toute l’énergie déployée vers le monde – et le reste en sommeil…

Dieu enfermé – emmuré au cœur de cette léthargie…

Des figures nombreuses et remplaçables ; la parfaite interchangeabilité des corps – des rôles et des fonctions…

Mille rêves au fond de la même vacance…

 

 

Le silence que l’on mérite – comme les jours et l’espérance – ce chemin qui serpente entre nos colonnes et nos fenêtres….

Dans le même espace – tantôt le cloître – tantôt l’infini – la même liberté et la même détention – qu’importe l’angoisse – le feu – les cris…

Notre épuisement et notre limite…

Tout ce que l’on porte – en soi…

 

 

Le bleu des lettres qui nous construit – puis, qui nous déshabille…

Le temps de la solitude – sans appui – sans accompagnement…

Une parenthèse et une destination ; le périple fractionné en tronçons…

La fin (progressive) de l’emprise ; l’accès au silence ; les bienfaits de l’exil et de l’éloignement…

 

 

Le jour et le vent – sur la page – en de grandes envolées…

L’âme bleue tournée vers le ciel – en soi (déjà) – comme le reste…

Le continent de la soif qui s’amenuise – peu à peu…

Le tête différente d’autrefois – moins rageuse – plus ardente – moins subjuguée par le monde – conforme à la sensibilité la plus exigeante…

Intensément solitaire – comme un privilège et une promesse d'ouverture (et de silence)…

La joie – au-dedans – qui fait son chemin…

 

 

Sur la pierre – l’éloignement – l’ambition de l’homme incarnée – les rives du temps asséchées…

Ce que le vide a creusé ; la soustraction de soi – du monde – de l’Autre…

L’air libéré des cages et de la détention – affranchi de toutes les chimères et de tous les adossements…

 

 

Entre nous et l’être – un pas – mille portes ouvertes – le cycle de la matière et du temps – l’invisible à franchir – à traverser – d’une foulée continue ; le seul voyage nécessaire ; comment pourrions-nous (encore) en douter…

 

 

Sans bruit – comme la neige – notre présence – notre respiration – le parfum et la couleur de l’innocence – l’espace et le monde que l’on porte – involontairement…

Entre le centre et le temps – l’oubli…

Et les choses si serrées contre soi – comme une crainte – une phobie, peut-être, de l’abandon – comme si nul ne savait que tout appartient au cœur – que rien – ni personne – ne peut en être exclu…

Le monde – immobile – dans l’esprit – vaillant – courageux ; ce qu’aucun autre ne pourrait nous confirmer…

 

 

Contre le ciel – la dépossession – ce qu’il nous faut abandonner…

L’attente des eaux et du vent – tous les éléments nécessaires à la respiration et au voyage…

Le viatique de toute traversée ; de l’abondance à la nudité…

 

 

Aller sans halte – sans jamais ralentir – dans les soubresauts – les heurts, au-dedans, confondus avec les battements du cœur – quelques querelles intestines (inévitables)…

Sur la page et les chemins – le feutre et la semelle – indissociables – qui puisent, dans l’âme et le monde, l’ardeur et la substance de la parole et du pas – cette justesse – cette vérité – au fond de soi…

Une terre blanche sur laquelle s’appuient les pieds et la main…

Un horizon parcouru – sans compagnon – sans recours (véritable) au langage…

 

 

Des grilles – devant soi…

Des frontières sur toute l’étendue…

L’âme qui, peu à peu, s’épuise et s’assèche…

L’esprit qui s’aventure – qui s’éreinte, en vain, à maintenir une distance avec le monde – à s’affranchir des bassesses et des hauteurs édictées par les hommes…

Mille manières de se soustraire aux règles et aux lois – à toutes les constructions et à toutes les inventions humaines…

Et la force (involontaire) de s’abandonner à ce qui nous porte – naturellement…

 

*

 

Sabre à la main – dans le passage…

Un oiseau posé sur l’épaule…

Les yeux – comme le cœur – aussi bleus que l’infini – de la même couleur que le regard et le monde…

La langue trempée dans toutes les eaux de la terre – la substance des âmes…

Sur la feuille – la même solitude qu’autrefois – heureuse à présent ; le temps de l’accompagnement abandonné dans un coin – derrière soi…

 

 

Le prolongement de la parenthèse – comme une longue dérivation – un supplément de séjour – la tête en avant – la tête fière et redressée – la tête enterrée – soumise à toutes les emprises…

Une fuite – une sorte d’éloignement – l’antithèse du voyage…

Une couardise confortable sans le moindre risque – sans la moindre exploration…

La vie des hommes – cette sorte d’attente ennuyeuse qui ne dit (presque) jamais son nom…

 

 

Au-dehors – l’absence et la destruction ; la continuité du néant intérieur…

Le vide désincarné – sans personne…

Le froid et ses brûlures au fond d’un puits insondable…

Un seul désir – un seul horizon…

La matière obscure plongée dans le souffle et le sang…

Et le ciel que l’on ambitionne – comme si nous en étions séparé(s)…

Privé(s) de lumière – sur ces allées de pierres – ce sable sombre…

Le monde – comme un écho lointain – des parois contre lesquelles résonnent toutes nos souffrances ; les murs qui encerclent nos supplications et nos infirmités…

 

 

Seul le silence – à l’altitude du ciel…

Le monde et la langue – bien en dessous…

Et notre manière d’être – entre les deux – penchant tantôt d’un côté – tantôt de l’autre – le plus souvent (il est vrai) vers les bas-fonds et la grossièreté ; une inclinaison sans (véritable) surprise au vu de l’extrême prosaïsme des existences…

 

 

Porté(s) par le mystère…

La blancheur sur les épaules de l’invisible à laquelle se mêlent l’opacité de l'âme et les eaux noires du monde…

Et cette marque – comme une incise – au fond de la chair – les aspirations du cœur – la nécessité du jour – de la lumière – peu à peu, plus forte que la faim…

Dieu – en nous – à demeure – qui (progressivement) prend ses aises – retrouve la place qu’occupaient les choses terrestres…

 

 

Sur la terre – la face tournée vers le sol – dos au miracle – les yeux fermés – gesticulant au rythme des désirs et des ambitions ; le manque à la source de tous les élans – cherchant – labourant – récoltant – amassant ce que réclame le corps – tout entier(s) occupé(s) à la survie de la matière et à son renouvellement…

L’amoncellement des pierres – de l’herbe – de la chair ; et la prolifération des ventres – l’envahissement et l’exploitation (tous azimuts) des territoires – les mains occupées à leur tâche – l’âme et l’esprit absents – comme ensommeillés – emmaillotés – prisonniers de la glaise accumulée en couches épaisses – attendant peut-être – attendant sans doute – une fouille – une faille – quelques vibrations – pour émerger de cette léthargie et pouvoir (enfin) s’atteler à leur (véritable) besogne…

 

*

 

Autre chose – en soi – que la douleur – cette matière – cette obscurité…

Davantage qu’un territoire – un espace lacunaire – une terre parcourue par le souffle et le sang…

Là où l’on s’attarde – dans cet angle – ce recoin – en ce lieu précis où, un jour, jaillira la lumière…

 

 

La terre jaune – luxuriante – si peu humaine avec ces chemins éparpillés qui échappent aux règles et au temps…

Comme un feu dans le silence et la parole – partout où l’on s’évertue à être présent…

Des flammes vives et accueillantes qui dévorent ce qui doit être anéanti et oublié…

Notre soif et la source accrochée à la hampe tenue par la main malicieuse du Diable – cet enfant du jour mal-aimé – et qu’il faudrait reconsidérer pour trouver le passage vers Dieu et favoriser la réconciliation entre ces deux (faux-)frères ennemis dont les luttes semblent dévaster toutes les âmes…

 

 

La nuit traversée – de bout en bout – par la connaissance…

L’instant de l’extinction – le sol sur lequel on s’efface – le ciel dans lequel on se fond…

Rien qu’un sourire et un restant de braises impatientes…

Comme une éclaircie (une brève éclaircie) dans le sommeil…

 

 

Au seuil du verbe – trop de visages – comme un encombrement – un amas d’ambitions indécentes…

Un surplus de feuilles et de mots pour affronter l’aube ; la charge trop pesante pour prétendre à la candeur et à la nudité qu’exige le passage…

 

 

L’encre piégée sur la feuille – l’espace blanc – le mot et la tache – le sens et l’infini que l’on croit circonscrits…

Illusion – bien sûr – tant le trait est fragile – provisoire – déficient – altérable ; un peu de poussière dans la poussière…

La jubilation et la vérité du jaillissement – la justesse de l’instant ; et jamais davantage…

 

 

Un peu de neige – sur la route – nos fenêtres fermées – comme si l’on pouvait faire face à la beauté – seulement nous mesurer à elle (involontairement) par un excès (naturel) de laideur – notre âme et notre visage sans l’appui de ce qu’ils portent – réduits à leur surface – à leurs traits singuliers – comme abandonnés par ce qui pourrait les relier au reste – à l’ensemble – à la beauté intrinsèque du monde…

 

 

Comme un souffle entre nos lèvres – la main de l’invisible guidant notre main – dans le monde – sur la page – devant ce que l’on appelle les Autres (sans savoir s’ils existent vraiment – sans savoir de quoi ils sont constitués)…

Le silence au fond du cœur – protégé par le froid extérieur – la chair tendue – la peau comme une illusoire frontière…

Et le vent – et la lumière – que nous partageons – au-dehors et au-dedans (selon les critères établis par les hommes)…

L’air et la clarté disséminés partout – jusqu’au fond des formes sans consistance...

Nous autres – manifestés de manière si provisoire – si apparente…

 

*

 

Là où tout s’écoule – l’immobilité…

Une fenêtre au milieu de la nuit…

Notre présence soutenue par la lumière…

Un peu de légèreté au milieu de la pesanteur…

Dissimulé – en soi – ce feu étrange – qu’aucun océan ne saurait éteindre – et qui se propage à travers la chair – les gestes – les pas et la parole – notre manière de nous tenir face au monde – notre manière d’affronter les épreuves – de franchir les obstacles – de jouer avec les circonstances…

Tout au long du voyage – cette courte traversée – cette ardeur qu’attisent tous les vents…

 

 

La parole – étendue – qui frappe au cœur – comme un prolongement de l’âme (vivant) – une manière d’effacer la distance – d’abolir le temps – de réduire l’espace à une résonance et à une intensité – comme un modeste fanal qui permettrait d’échapper au sommeil et, peut-être, d’initier un chemin…

Parfois cri – parfois caresse – main tendue – presque toujours – qui frappe – qui invite à se débarrasser de l’épaisseur – du superflu – et qui (nous) exhorte à offrir l’attention et l’ardeur requises à l’essentiel et à la nécessité – à s’abandonner à ce qui nous porte – à entamer le seul voyage que nous devrons tous, un jour, entreprendre…

 

 

Des lignes – comme pour un poème…

Du courage et de l’effroi – la joie comme une étoile singulière…

Et ce grand vide au fond de l’âme – au fond du ventre…

Et rien à la place de la faim monstrueuse ; si – un discret sourire sur les lèvres – comme une ode à la joie – au silence – à l’invisible…

 

 

L’eau de la rivière sur la roche ; inéluctable – sur sa pente ; polissant, peu à peu, la pierre et lui arrachant quelques particules qui se déposeront un peu plus loin – en contrebas…

Ainsi éprouvons-nous, parfois, cette solidité apparente et provisoire ; couches de sédiments (plutôt) qui, de temps à autre (assez rarement), donnent naissance à une montagne…

 

 

Que sommes-nous donc face à la neige des hauteurs – face à la beauté (éclatante) du monde…

Un peu de ciel – tombé en nous – éparpillé – comblant, ici et là, quelques failles – quelques anfractuosités – pour qu’un chemin puisse se dessiner sur ces éboulis sauvages – aussi bleus que cette étrange entité au-dessus de nos têtes…

Et un jour – peut-être – à force de curiosité – de courage – d’exploration – rejoindre ce dont nous avons cru être séparé…

 

 

La langue – au centre – là où tout se rejoint – là où tout disparaît – comme une manière de combler le désir de multitude et le manque…

Et cette course – ce déplacement – cette fuite – au-delà du monde – hors du temps – au cœur du périmètre sacré du silence et de la page…

A notre place – partout – assurément…

 

 

Au sol – le jour éteint – et, au-dessus, la lumière – pleinement affirmative…

Au cœur de cette avalanche d’éclats – de ce bombardement d’éclairs – dont on nous a fait croire qu’ils pourraient exister en dehors de nous – comme si nous n’y étions pour rien dans la construction de ce mythe – de cette merveilleuse aventure – de ce long (et périlleux) voyage vers l’affranchissement…

 

*

 

L’étreinte des mots et du ciel – qui poussent (ensemble) la porte derrière laquelle sommeille l’esprit – trop enrobé de chair…

Une sorte de tendresse – un coup de poing – un coup de tonnerre – une caresse – une invitation à jeter dans les flammes ce que nous considérons comme le plus précieux – à sentir le sol sous ses pieds et l’envergure de l’âme ; le vide – partout – qui nous habite et que nous habitons…

Quelque chose de rare et d’insensé capable de traverser l’espace et d’échapper au temps…

 

 

Contre la nuit – la parole – au seuil du ciel – comme un chahut – une bousculade – de la lumière – un peu de soleil – et toutes les routes qui se dessinent sur la terre ; des visages (mille visages) à délaisser (tous – sans la moindre exception) – un feu à découvrir et l’oubli comme la seule perspective (réellement) nécessaire…

Ni trace – ni sourire ; pas même un peu de poésie…

Ni doute – ni question – sans la moindre tristesse…

Indécis, pourtant, face à l’immensité qui se découvre ; la joie au cœur – au milieu du désert – au milieu du désastre – seul(s) sans le poids du monde – sans le poids des Autres…

Et sur le bûcher – rien que du vent et du silence – au-dessus des cris (parfaitement) inaudibles…

 

 

Au cœur de l’hiver – les portes fermées – la chair vieillissante – la raison détournée de son usage habituel…

La vie et le monde – comme du théâtre – mille situations – où l’esprit – le corps – le cœur – sont engagés ; si essentiels – si consistants – si crédibles – autrefois ; source de tant de tracas – de tant d’espoirs et de larmes versées – devenus aujourd’hui (presque) sans importance – comme un rêve – une hallucination ; le délire, peut-être, d’un somnambule égaré dans un univers inventé – fantasmé – (strictement) fictionnel…

 

 

Là où l’on se résout – au cœur du monde – du vivant – de la substance – en ce lieu où se mêlent l'invisible et la matière – le souffle et le lointain…

Bien davantage qu’un parcours – un cheminement ; une marche – au-dedans – pour rejoindre l’origine…

 

 

Le ciel agrandi par l’espace que l’on offre à l’âme – par l’importance que l’on accorde à la lumière et au silence – dans le geste – sur la page – au cœur du quotidien…

Tout emporté – vers l’équilibre et les hauteurs – cette complétude (en général) inaccessible à l’homme…

Avec la nuit et les instincts pleinement intégrés à la perspective…

 

 

Ce que nous enjambons – sans un regard…

Ce qui nous échappe – presque tout – l’essentiel de l’âme et du monde…

Comme une étendue inconnue que seul le vent parcourt…

L’apparition des choses – leur froideur – leur proximité…

Et quelques interstices où se cacher…

Et cette corde – comme un chemin vers le jour – une manière de s’abstraire de la surface – de descendre en soi…

Ce qui nous résout – ce qui nous atteint…

 

 

La même matière – la même substance – ici et là – déguisée de mille manières ; des plus élémentaires aux plus folles vêtures – comme si le monde était un spectacle – et la vie, un bal costumé…

Et pourtant – peu (très peu) de rire sur la terre – comme si la fête était ailleurs – comme s’il nous fallait apprendre à jouer – à vivre – à regarder – autrement ; le seul apprentissage indispensable à l’homme – sans doute…

 

*

 

Partout – en soi – ce qui bouge et l’immobilité…

Ce qui s’estompe et se déploie ; cette respiration qui échappe au temps…

Le rien – le plus indésirable – peut-être – que nous sommes – sans même le savoir – et dont nous nous rapprochons peu à peu – malgré nous…

Le visage et l’effroi qui (progressivement) s’effacent devant l’aube naissante…

Notre présence – de moins en moins étonnée – de plus en plus silencieuse…

 

 

Nous – nous croyant séparé(s) de tout – ensemble – indissociables – dans l’abîme comme dans la lumière – qu’importe la matérialisation (provisoire) de l’espace…

Où que l’on soit – partout demeure l’asile…

 

 

Derrière la voix – le geste – la ligne poétiquement tracée – un (irrécusable) sillon de lumière – parfois juste un trait fugace – d’autres fois le sol irradié jusque dans ses profondeurs…

Quelque chose de l’âme qui a (brièvement) entrevu l’immensité ; entre l’évidence et le ressenti – cette clairvoyance…

 

 

D’un monde à l’autre – inquiet – comme si le chemin se dessinait pour la première fois…

D’un jour à l’autre – la même incertitude – le même périple…

Et sur l’itinéraire – l’intensité (progressive) du regard et le rythme (de plus en plus lent) des pas – la nécessité (inconsciente) des retrouvailles qui offre l’ardeur et l'intention…

Le soleil d’abord vécu dans le sang – puis, dans l’âme ; la seule direction – le seul sens du voyage – sans doute ; ce long périple vers la joie – la lumière – l’immobilité…

 

 

Le feu – en nous – attisé par l’invisible et les choses du monde…

Avec une trappe – au fond – un abîme dans lequel tout finit par disparaître…

Ce dont nous nous coupons – par inclinaison naturelle…

Nous – occupé(s) – englué(s) – par la surface ; et toujours imparfaitement séparé(s) du reste…

 

 

Les épaules larges pour soutenir la masse – l’épaisseur du monde…

La solidité de la matière apte à porter son surplus et ses excès…

Et, comme corrélée, cette infirmité à accueillir ce qui surgit – cette insensibilité au monde – cette indifférence à la souffrance – à l’existence – des Autres…

Un surcroît de chair – des amas de terre séparés par des douves larges et profondes – infranchissables – dans lesquelles stagne une eau sombre et nauséabonde – comme des îles au cœur d’un même océan ; et le ciel au-dessus – présent – inutile – (totalement) hors de portée…

 

 

Des colonnes et des routes – aussi haut – aussi loin – que possible – en vain…

Ce que l’invisible dissimule à l’esprit – aux yeux – trop grossiers – aux âmes frustres et rudimentaires…

Peine perdue tant que nous ne saurons nous immobiliser – suspendre notre ardeur à la surface du monde – opérer un changement de plan vers l’intérieur et initier une forme de verticalité – réunir les conditions propices à un renversement du regard – à une ouverture au-dedans – comme un élargissement, un plongeon et un envol simultanés ; bref, nous consacrer (pleinement) à l’exploration de l’espace – du vide – de toutes les profondeurs et de tous les recoins qui fondent notre identité…

 

*

 

L’oubli du nom – comme une coulure sur le sable – avalée – absorbée…

Et le soleil qui brille – à présent ; autrefois sur l’impossible – sur l'impensable…

L’apparence du monde ; et nous autres, créatures vivantes, comme de minuscules protubérances – des brins d’herbe – une (simple) hypothèse – et pas davantage ; une sorte d’épiphénomène – au milieu de mille autres – de dix-mille autres – de milliards d’autres...

Et de l’émergence à la disparition – l’incarnation de l’absence – au cœur du vide…

A vrai dire – rien (ou pas grand-chose)…

 

 

Tels une forêt de syllabes – des lettres éparses – des mots et des phrases étrangères au monde – aux Autres – au temps…

Un chant clair et des étreintes ; mille choses à voir – à découvrir – à embrasser…

Une feuille – des feuilles – un arbre – des arbres – notre support et notre soutien…

Des oiseaux – toutes les merveilles de la terre ; et tous leurs secrets…

Le ciel – le mystère – ce qui n’appartient au rêve ; le fleuve qui coule derrière l’horizon ; le chemin non pensé qui mène à l’enfance et à la lumière…

 

 

En soi – le silence – par-dessus le chaos – les cris et les chuchotements – par-dessus l’ombre – les étoiles et la solitude…

Là où tout est vertige et intimité…

L’espace sans contour, peu à peu, transposé sur la page ; la voix et l’encre – le feu et le sang – exactement la même chose ; ce qui est nécessaire à la vie – le corps – le monde – la poésie…

 

 

Du fond de l’âme – cette soif jaillissante…

Les yeux qui cherchent – partout – sur la terre – l’assouvissement – ce qui désaltère…

Plus loin – sur la route – de l’autre côté du monde – au creux de cette boucle qui quitte le sol – l’asphalte – pour s’infiltrer à l’intérieur – par les lèvres – la parole parfois ; le cœur creusé avec constance – avec obstination – par la marche et les circonstances…

Là – présents – au fond du manque – de l’obscurité – de la douleur – contre lesquels nous apprenons, peu à peu, à nous blottir – cette quiétude – ce silence – cette tendresse ; et toute la joie du monde épargnée par les tourments et les malheurs qui hantent la terre…

 

 

L’exiguïté du monde – de la tête – de la parole…

Un périmètre – un cercle – un point – dans l’immensité ; des vibrations – quelques ondes qui se propagent à peine plus loin que leur centre…

Et nous – appuyés dessus (de tout notre poids) – comme si notre volonté et notre insistance pouvaient faire la différence…

 

 

Un monde – parallèle à ce monde – où tout – chaque chose – chaque visage – est comparable en densité et en envergure ; un monde où le feu vaut le froid – où la terre vaut le ciel – où le silence n’est jamais aussi proche de celui qui s'est abandonné à l'invisible – aux forces du réel – à la nécessité de la métamorphose – à cette étrange transformation du regard…

Du dehors et du dedans – il ne reste que deux mots inutiles – sans usage ; rien que du vide – et, selon les circonstances, un peu de tristesse ou de joie…

 

*

 

Le regard circulaire – continu – sur le monde – l’œil sur la pierre et les chemins…

Auprès des arbres sédentaires…

Des cercles ; et quelques oiseaux migrateurs…

Devant soi – le spectacle de l’enfance…

L’innocence inconsciente et barbare…

Comme une dérive – un brouillard ; un peu d’eau sur une pente stérile et rocailleuse…

Le souffle encore (trop) puéril et superficiel – comme si la vie espérait davantage – comme si le jour, pour s’offrir, attendait que nous grandissions – que notre âme mûrisse (suffisamment)…

 

 

Le parfum du monde – le long de la route ; avec quelques haltes et quelques respirations (indispensables)…

Le ciel retranché – quelque part – dans l’eau souterraine…

Avec, de temps à autre, un sourire et des résurgences…

Un monde – en soi – qui demande à éclore…

Le cœur indéchiffrable qui se dissimule – qui se dérobe – comme une île invisible et mystérieuse qui s’éloigne à notre approche…

Des circonstances – le langage des phénomènes qui s’écrivent les uns sur les autres – et qui, ainsi, défrichent leur chemin…

 

 

Seul – comme si tout était derrière soi – la tête remplie – la tête qui s’affaisse – la tête qui s’efface, peu à peu – à mesure que le temps disparaît…

Des instants lumineux qui emportent des pans d’obscurité…

Des objets oublieux d’eux-mêmes et des lieux sans séparation…

L’espace et la parole – en archipel ; et une myriade de rives et de naufragés…

 

 

La douleur (si souvent) aiguë (et inconsciente) du mutisme et de l’imitation ; et la joie (palpable – tangible – si évidente) du silence et de l’itinéraire singulier qui s'invente – qui se dessine…

Un chemin à l’écart des Autres – où chaque pas creuse un abîme et allume un feu…

Un monde – mille mondes – parallèles au monde…

Un temps – un temple – sans parole…

Et cette intimité croissante entre les choses et l’âme qui chemine…

 

 

Sous nos yeux – des portes inutiles et l’œuvre (controversée) du vent…

Un pied dans l’abîme et l’autre sur les hauteurs…

Une traversée du monde et du temps…

Ce dont il faut se séparer ; et l’ajustement nécessaire pour laisser advenir – et être capable d’accueillir (le cœur joyeux) ce qui s’impose…

 

 

Quelques souffles – sur la pierre – le bâton à la main – l’âme et la bouche proches de l’immensité…

Plus haut – là où l’on a commencé à creuser…

Tous les nœuds dénoués sur la corde ; et ce fil sur lequel glissent – et dansent – les pas…

Des gestes-source – en quelque sorte – capables de guider jusqu’à la confusion – jusqu’au vertige – jusqu’à la parfaite immobilité…

 

 

L’épaisseur de la soif – de la nuit – de la matière…

Dans la paume – un peu de neige – deux ou trois oiseaux migrateurs – et, au-dessus, un ciel négatif – contourné – et, plus bas, le sol et l’altitude – et, un peu partout, la possibilité de la métamorphose…

 

*

 

L’oubli du monde – un désert – mille grimaces – le défilé des Autres et du temps – des paroles et des voyages ; mille futilités…

Et notre œil – solitaire et incorruptible – qui, en ces lieux et en cette (navrante) compagnie, cherchait l’impossible…

Et le ciel – à présent – le vide où ne flotte aucun homme – aucun Dieu ; le silence – ce qui nous ressemble – là où plus rien ne peut être convoité…

 

 

Rien qu’un centre autour duquel nous ne cessons de tourner (en rond) – comme une danse – des pas et des gestes – interminable(s) ; et des choses que l’on place entre nous et la possibilité du retour…

La périphérie contingente – et nécessaire (apparemment) – infiniment changeante et remplaçable…

Comme des instruments de la lisière ; mille tourbillons et mille jets de sable qui donnent le rythme (et son allure) à l’ensemble…

L’apparence du monde – tel qu’on le devine – tel qu’on l’envisage…

 

 

Rien à construire sinon la transparence ; offrir aux yeux – aux pierres – aux fleurs – le manque du bleu – cette soif – l’irrépressible nécessité de l’étreinte…

Et entendre (être capable d’entendre) dans cette nuit sans voix – la douleur – ce qui bouge – ce qui se donne – ce que l’on enseigne en ce monde ; rien qui ne fasse consensus – du rêve et du sommeil – ni joie ni intimité…

Des résonances lointaines (trop lointaines) – des âmes frustres (trop frustres) – une obscurité épaisse (trop épaisse) – et trop peu d’intériorité pour s’affranchir de cette cécité terrestre…

Rien que des songes (et des chimères) – quelques syllabes (très maladroitement prononcées) – un peu d’imaginaire ; et cette nécessité du ventre qu’il faut (inlassablement) satisfaire…

 

 

Le sol – l’orage – le vent – la pierre et l’altitude – jusqu’au bleu qui nous reflète…

D’une hauteur à l’autre – sans la moindre corde…

L’espace comme arraché à lui-même ; le vide en train de jouer avec ses propres éléments…

 

 

Dieu – toujours – au détriment des Autres…

L’œil égal – ni triste – ni engagé – contrairement à l’âme…

Le cœur infiniment terrestre ; et le regard qui dépasse toutes les extrémités (perceptibles) – au-dessus (bien au-dessus) des hypothèses et des contingences – au-delà des rêves les plus fous et des promesses les plus hasardeuses – totalement étranger au monde – aux (tristes) réalités de ce monde…

 

 

Face à face – entre nous – les yeux dans les yeux – jusqu’à l’émergence des racines – de l’espace commun – la cohésion de l’ensemble – comme une évidence…

Dans l’âme – dans la voix – reconnues – toutes les inclusions – l’esprit sans sommeil – attentif – à l’écoute – comme une montagne – de la roche lucide – au milieu des eaux stagnantes et sombres…

 

 

Le jour – toujours nouveau – s’offrant comme il nous porte…

Une clarté décelable depuis tous les lieux du monde – depuis toutes les périphéries – même les plus lointaines – même les plus inhospitalières…

Notre plus sûr versant ; notre seule appartenance…

 

 

Notre vie – à l’image d’une échelle posée contre un mur – le mur d’une enceinte bordée d’horizons gris – un périmètre fermé – avec, au-dessus, mystérieux – attractifs – le ciel et la liberté – quelque chose d’invisible que l’on imagine étranger à la contrainte – à la souffrance – à la mort ; la seule issue pour échapper au destin que semblent dessiner les apparences…

 

*

 

A la surface du monde – si léger – comme dans des vêtements trop larges – un corps qui flotte – dans les mains, des fleurs vivantes qui, peu à peu, dépérissent à mesure que le rêve s’achève…

Une masse pesante – de plus en plus lourde et épaisse – qui s’enfonce dans la terre – de plus en plus incorporée et souterraine ; la seule réalité accessible – la seule évidence ; et cette tristesse – et cet accablement – (absolument) écrasants…

 

 

La parole des arbres au-dessus de notre roulotte posée à leur pied…

Ni histoire – ni doléances – ni gémissements…

De la sagesse et de la lumière – à même le tronc – à même la sève – sur chaque feuille qui reflète le ciel…

La même musique – le chant de la terre livré sans message – à notre mesure – en tenant compte de nos infirmités…

Le silence incarné – la réponse du vide à tous nos questionnements – à toutes nos inquiétudes – à toutes nos incompréhensions…

Et un sourire – semblable à une flèche – à un (éternel) recommencement…

Le jour ainsi célébré – autant que nos impossibilités…

A l’intérieur – en dessous – notre propre visage – comme affranchi du sommeil…

 

 

Une gorgée de soufre – les yeux fermés…

Davantage de contraintes à mesure que l’on gagne en hauteur – que l’on atteint une altitude plus exigeante…

En contrebas – la roue du temps qui piétine – en quelque sorte ; le monde en train de s’essouffler – de s’enliser – de perdre patience…

Et, à notre place, les mains et la voix d’un Autre – comme si le plus proche était le moins visible…

Quelque chose d’insensé – devant notre visage – indifférent à notre cécité et à notre violence – à notre goût (funeste) pour la séparation – à notre (fâcheux) penchant pour le mensonge et le conflit ; une particule d’Amour et de liberté – malgré notre immaturité – comme un signe – un encouragement – une invitation à s’élever davantage…

 

 

Le surgissement de soi – à nouveau – la terre qui émerge d’elle-même – le vent qui enfante le souffle…

L’être – sur sa roue – son chemin – travaillant – expérimentant – sans en avoir l’air – amalgamant – égalisant tout sur son passage – là où la psyché ne cesse d’opérer des distinctions – des différenciations…

L’un jaillissant sans jamais se tarir ; l’autre s’épuisant à la surface…

Main dans la main – nous composant…

L’âme et le geste – équivoques ; la fièvre et la fraîcheur mélangées – emportées ici et là – au fil des pas et des courants rencontrés…

 

 

L’issue – parfois – là où s’affaisse (et se disloque) notre compagnie – là où s’efface notre propre accompagnement…

Livré – sans fard – sans défense – sans appui – à ce qui se présente ; à la merci de ce qui surgit ; l’Autre – la terre – le ciel – toutes les eaux glacées du monde…

Nous offrant en partage – plus dense – plus léger – plus vivant – que jamais…

 

 

L’effacement – la disparition – l’évidence du mystère – de la vérité vécue – comme un processus naturel au-delà de l’individualité ; le prolongement, en quelque sorte, de l’individuation ; la continuité de l’horizontalité (plus ou moins entièrement) déployée ; les linéaments d’une verticalité involontaire et spontanée…

La fin de l’épaisseur et de la solidité…

L’émergence de l’inconsistance lucide et incertaine…

Le bleu – le jour – succédant à la marche bancale – au vacillement – à l’opacité ; comme une trouée de lumière dans l’épaisseur sombre de la chair et de la psyché ; l’esprit – le corps – qui s’initient à la joie – au vertige – à l’intensité…

 

*

 

Comme caché en soi – soustrait de la surface – préférant le chant à la cacophonie – le silence au brouhaha du monde…

Une furtive traversée sur la pierre ; quelques saisons – à peine…

Un peu d’espace pris à l’espace…

Comme coincé dans un coin – entre une rangée de fleurs et une procession de visages…

La vie circulant – pas à pas – de la source à la source – à travers toutes les aventures possibles…

 

 

Avant la naissance – de proche en proche – le même voyage – le regard orienté un peu différemment – au milieu des ombres et des reflets…

Le corps dénaturé par les excès de la terre…

Des jardins transformés en désert…

Du granite puis, de l’argile – des montagnes et de la poussière…

Et la teneur des messages – inaudibles au milieu des cris ; ce que l’on parvient, parfois, à lire à la hâte sur les lèvres impatientes…

Et, de temps à autre, de l’espace et du silence (trop rarement – il est vrai)…

 

 

Une route – un périple – au milieu de mille étrangetés…

Ce qui serpente – ce qui se dessine – ce qui s’arrête et tergiverse ; un envol sans retour possible…

Et offert au corps – offert à l’âme – un surcroît de légèreté – à chaque foulée joyeuse et involontaire – à chaque coup d’ailes supplémentaire…

Sans direction (véritable) – à la manière d’une ronde interminable avec, déjà, un pied au centre des cercles – et l’autre errant – vagabond – aventureux – qui explore tous les chemins – toutes les pentes – toutes les périphéries…

Et en tous lieux – mille visages – semblables – différents – mille circonstances – mille expériences qui affinent la perspective – qui élargissent l’identité – qui font se déployer l’envergure (si l’on parvient à maintenir ses yeux et son cœur ouverts) ; l’incroyable (et fabuleux) apprentissage de l’être et du monde…

 

 

D’où l’on vient – ce à quoi l’on succède – des paroles en l’air – le plus souvent – des actes irréfléchis – pour l’essentiel…

La tête (très fortement) séparée du sol – l’âme, du ciel et le cœur, des Autres…

Comme un grain de sable sur une grève immense (et incompréhensible) dont on ne perçoit qu’un infime tronçon…

Le feu vacillant – l’idée trompeuse d’un bleu saisissable – à notre portée – comme s’il nous suffisait d’allonger le bras ou de tendre la main pour en attraper un peu…

A rebours du monde – la nécessité de l’intériorité comme socle de l’invisible et de la verticalité – auxiliaires (incontournables) du plus précieux…

Segment minuscule et négligeable porté (pourtant) par l’ensemble…

 

 

Avant nous – le monde – la marche millénaire – les ombres ancestrales – ce qui monopolise l’espace et l’attention…

Les lieux (tous les lieux) où se jouent les destins…

Le vent – la neige – le sommeil – (presque) toujours en contradiction…

Le tremblement des fleurs et des âmes…

Le temps fractionné – comme émietté ; et l’érosion des reliefs ; et la solidité (manifeste) des arbres…

L’uniformisation atroce (et galopante) des têtes et du monde…

Et, de temps à autre, quelques embruns – la fraîcheur (réparatrice) de l’océan…

Et, plus rarement – quelques trouées de lumière – comme une invitation du ciel à la clarté…

L’immensité au-dessus – en dessous – au-dedans – consubstantielle au regard – qu’importe l’envergure incarnée…

 

*

 

Au-dedans de cette lumière – comme une manière d’éclairer le jour – ce qui nous précède et marche avec nous…

Une sorte de prédisposition intérieure…

Comme un espace – une distance – pour vivre – respirer – regarder le monde – les choses et les visages qui nous entourent…

Le lieu de l’immobilité où s’opère, parfois, la métamorphose…

 

 

Nous – entre le ciel et les toits…

Le regard à la limite des yeux – comme clôturé – avec l’horizon tout autour et les nuages par-dessus…

Amassant l’argile au lieu d’essayer de lui échapper…

Et, un jour (presque par hasard) – un peu de repos et de hauteur ; une halte nécessaire pour dépasser l’étrangeté – franchir le pas – s’insinuer dans le passage étroit qui débouche sur l’étendue (que dissimule le temps) pour que les yeux deviennent comme deux oiseaux qui virevoltent – au seuil de l’immensité…

 

 

Paroles brûlantes – autant que l’âme – autant que le sang…

Et aux racines du silence – nos feuilles blanches…

Le feu et l’innocence – unis pour accueillir le poème – ce geste involontaire – cette danse avec l’infini et les éléments…

Le parfait prolongement de la terre et du ciel – dont la page devient, en quelque sorte, le promontoire – pour que leur labeur se diffuse au-delà de la trame apparente et puisse ainsi nourrir l’ensemble du tissu que composent toutes les créatures terrestres – célestes – cosmiques…

 

 

Le bleu – si passager – comme sur un plateau – pourtant…

Des choses qui ont l’air – seulement l’air ; des apparences (totalement) incompréhensibles…

Notre attente impatiente…

Et cette ressemblance que nous cherchons partout – en vain…

Et l’invisible qui nous rapproche – malgré nous…

 

 

Ici – en même temps qu’ailleurs – le ciel et la fatigue – ce qui meurt et ce qui fleurit – à la surface de la terre…

Des bouches à nourrir – des lèvres qui se plaignent – des mains qui se tendent ; des âmes sans espace – sans fraîcheur…

L’inattention et son remède ; la seule possibilité pour éradiquer la misère…

 

 

Le désir parvenu à sa perte ; et le même processus – la même mécanique – chez l’homme (et chez bien d’autres créatures vivantes)…

A la croisée de l’argile et de la lumière – penchant (en général) davantage vers la plèbe que vers le ciel…

Et le reste du monde (encore) non reconnu…

Quelque chose d’infime et d’infini ; indissociables – impossible à partager…

Et le bleu qui s’installe sur nos différences [pour qu'elles se déploient et que chacun puisse devenir (pleinement) ce qu'il est – sans effort – sans retenue]…

 

 

Toute l’étrangeté du monde – soudain – ravivée – effacée – comme les surprises de la langue ; et notre besoin de sommeil…

Aujourd’hui – pas la moindre relation (humaine) – pas davantage qu’autrefois…

Un puzzle à réaliser par temps de disette et de sécheresse ; et cette soif au milieu de la faim des Autres – comme si nous vivions sur deux planètes différentes – les yeux pris, pourtant, dans la même réalité…

 

*

 

Vie et vent – intriqués – des lieux – ce qui s’enracine et se balaye ; et ce qui se laisse emporter…

Le dénouement et la continuité…

Le silence brisé – retrouvé – par ce qui respire et résiste…

Sur la feuille – des signes ; quelques traces du ciel – sans doute…

 

 

Invisible – parmi les Autres – sous le joug réjouissant de l’anonymat…

Une indigence et des ténèbres – apparentes – qui, dans le secret des profondeurs, octroient une liberté insoupçonnée – inégalable peut-être…

En soi – dans ce face à face – ce qui se révèle ; ce qui surgit comme une évidence…

La solitude – la joie – l’intensité…

L’inimportance du monde et de l’Autre…

L’être et le silence – sans personne – sans rivaux ; et tous les possibles étalés devant soi – à égales distances des yeux et des mains…

 

 

Ce qui s’enchaîne – les liens – les lieux de détention – le désir et les âmes – les choses et les pas – les chemins et les découvertes – les voyages et l’inertie – la matière et cette incessante nécessité de l’étreinte…

Nulle part où aller – nulle part où se cacher – en vérité…

Et partout – des pans de nuit à interroger…

L’abîme et la mort – l’espace dans lequel on vit et celui depuis lequel on regarde le monde…

Quelques fois – très proches – d’autres fois – plus éloignés – presque lointains…

Mille perspectives et cette ténacité à toute épreuve…

 

 

Dans le froid – quelques flammes tardives – comme un feu inespéré – plus qu’un espoir – une présence au milieu de la neige et des ombres grandissantes…

Quelqu’un – peut-être – au cœur du désert – au cœur de la désespérance – qui peut savoir…

 

 

Dans cet éloignement de soi – à la manière d’un glacier dérivant – avec, coincée au cœur, l’ignorance ; des actes et des mots inutiles – de part et d’autre de la paroi gelée…

Et la fonte – pas avant le déluge…

Et cette surprise – sous la neige ; rien – le moins possible – de toute évidence…

 

 

Prisonnier(s) d’un jour sans cesse recommençant – condamné(s) à la faim et à la sauvagerie – les instincts dans le sang – tenus en (très) haute estime – instruments nécessaires à la survie et à la perpétuation de l’espèce…

A chaque instant – la tête enivrée et la chair complice – reconduites dans la danse…

Le monde et les visages – tels que nous les connaissons…

 

 

Là – comme un manque – au fond de l’âme – une fraction de quelque chose – une incomplétude ressentie – manifeste…

Le sens d’un voyage qui, peu à peu, se dessine…

Au commencement – une foule de questions…

Et, au fil du temps, de moins en moins de paroles et d’abstraction…

Un recentrage et un élargissement…

La vie plus riche – comme simplifiée…

L’instant – le silence – l’intensité – (quasiment) les seuls repères (s'il en est)…

D’une extrémité à l’autre du monde – en un coup d’ailes…

Au-delà du connu et du commun – au seuil de l’étendue – au bord de cette immensité entrevue…

La matière – de moins en moins étrange – comme apprivoisée – (presque) entièrement acceptée…

A contre-sens des Autres et des excès…

De plus en plus proche des pierres – des bêtes – des plantes…

Bien moins humain qu’autrefois ; l’humanité devenant, sans doute, davantage qu’une (simple) idée…

 

*

 

Une lampe derrière soi – la nuit qui se referme sur la saison – la forêt…

Le monde – au loin – bruyant – qui somnole…

Des existences – sans question – sans réponse ; la tête et les mains occupées à on ne sait quoi…

Ici – une autre approche – la solitude – le silence – la poésie – le même labeur quotidien – quels que soient l’espace et le temps ; des lieux de présence et d'intimité…

Un peu tout à la fois – sans vraiment savoir ; la confiance sur les lèvres – dans l’âme et la paume…

Le lointain – léger ; ce qui n’arrive jamais par mégarde…

Une flambée de joie – dans cette clairière qui échappe aux saisons et aux heures – sans (véritable) avenir – comme nous-même(s) – comme nous tous…

Emporté(s) par le désordre (fabuleux) des destins ; quelque chose entre l’origine et la mort…

 

 

Le moins déchiffrable qui se dissipe – qui s’élève vers le ciel rieur – emporté par quelques oiseaux désenchantés (des anges, sans doute, déguisés en bête)…

La poésie des hauteurs envolée – déjà oubliée – comme un effleurement – un réenchantement possible…

Comme un miracle – sur la page ; et tout ce vide – à côté – au-dedans – des mots…

 

 

Quelques traces de temps sur la peau ; les visages – comme du sable – emporté par l’océan...

Et le ciel jeté en désordre sur les jours…

Une parole pour personne…

Par la fenêtre – rien que des silhouettes ; rien que des fantômes ; un monde à peine esquissé – la fin des temps – peut-être – comme si tous les Autres avaient refusé l’invitation – comme si les Dieux nous avaient abandonné(s)…

 

 

L’ombre – fraction de l’étendue – une halte sur ses arrêtes franches – le sens aiguisé des profondeurs…

A quoi se heurter sinon à la soif et à l’abstraction du monde…

Point d’orgue du silence – à la place du bavardage incessant – perpétuel…

Ici et là – de part et d’autre du mystère – notre présence – ce long voyage immobile – du ciel jusque dans nos tréfonds – jusque dans nos moindres recoins – dans un aller et retour interminable…

Partout – étrangement – le même lieu – les mêmes visages – la même envergure ; ce que nul ne pourrait imaginer avant le début de ce périple…

 

 

A nouveau – le monde – les choses – la perte de l’intimité ; et, peu à peu, l’absence – comme un engloutissement…

La tête inattentive – l’inévitable retour de l’étrangeté…

Comme englué(s) dans la matière – davantage qu’un tégument – une succession de couches – du centre jusqu’aux plus lointaines périphéries ; partout – en réalité – sur toute l’étendue – parsemée ici et là – et entourée – d’immenses poches de vide – des abîmes – des béances – invisibles et incontournables…

Comme condamné(s) à la substance et à la vacuité – indissociables – à perpétuité…

 

 

Vivant – entre l’être et la chose ; une traversée – des haltes et des disparitions…

Ce qui passe – ce qui demeure – ce qui se révèle…

La méconnaissance (profonde) du monde – qui peut-être – qui sans doute – n’existe pas (ou alors d’une manière très partielle – infime particule prise dans une trame immense et invisible)…

Nous autres – le même miroir et ses mille reflets ; la multitude – tous nos visages ; au cœur de la même unité – éparpillée…

 

*

 

Les heures tardives du silence…

Et ce vent – et cette route – qui serpentent entre les pierres…

Indéchiffrables – énigmatiques – comme la nuit ; l’obscurité du ciel – des âmes – du monde…

Et tous nos gestes – toutes nos paroles – comme si nous pouvions changer le cours des choses…

 

 

Cause perdue – le désastre – le vain labeur de l’infime – face aux courants du monde – aux jeux de l’immensité…

La volonté – la chair – le langage – comme un peu neige – quelques gouttes – sur un feu – un peu de nuit (totalement ridicule) en plein soleil…

L’effacement et le renouvellement des forces ; le monde réinventé – à chaque instant recommencé – qu’importe que nous participions au mouvement – à la résistance ou à l’inertie…

 

 

De rêve en rêve – toujours plus loin – comme si nous voulions nous rejoindre – atteindre les extrémités du silence – franchir les plus lointaines frontières de l’infini – comme si notre sommeil avait davantage d’envergure que le réel et le rêveur…

Tout tourne en rond – bien sûr – autour du même centre – proche – multiple – démultiplié – comme des insectes (d’insignifiants insectes) autour de la lumière…

 

 

La beauté distribuée par des mains malicieuses et maladroites – qui en déversent ici de pleines cargaisons – qui en saupoudrent là – qui traversent d’autres lieux sans rien offrir et qui feignent d’en oublier quelques-uns ; et Dieu – et les vents – qui, à cette malice première, ajoutent leur propre espièglerie – en creusant – en soufflant – en balayant – en emportant – en mélangeant le dessus et le dessous – le centre et la périphérie – la surface et les profondeurs – le devant et le derrière – achevant de tromper les yeux et nous invitant à initier d’autres instruments pour percer les apparences du monde…

 

 

Le monde – des murs dressés qu’il faut raser…

La terre fracturée – la surface recouverte de frontières et d’éclats…

Le sol en pièces…

Le ciel fissuré…

L’univers fractionné…

Et toutes les têtes à terre ; le jour lapidé – éclaté – en lambeaux…

Tout – nous – nous heurtant sans cesse ; comme des fragments (totalement) séparés du reste…

 

 

La matière – le souffle et le feu – réunis – en désordre – comme coincés (ensemble) sous la peau…

Avec une cognition infirme – peu propice à la compréhension – porteuse de pensées et d’angoisse ; une perception trop restreinte pour comprendre l’organisation générale de la trame…

L’ensemble – comme une construction laborieuse – conceptuelle ou imaginaire – et non comme une évidence – une expérience vécue – une réalité éprouvée…

 

 

Une faim viscérale ; rien d’essentiel…

Le ciel et la matière ressentis depuis le manque – malgré l’espace d’un seul tenant – malgré l’étendue sans recoin…

A se retrouver ainsi – les uns avec les autres – les uns auprès des autres – les uns au milieu des autres – les uns contre les autres – les uns dans les autres – comme une grande famille – un grand corps composé – et entouré – de vide…

Le réel – malgré la mort – les naissances – le large éventail des formes et des substances terrestres…

 

 

Le jour – à proximité – au cœur même du support…

L’ossature de la route – de la langue et de la matière…

La lumière – la vacuité – la sensibilité – la tendresse – déguisées – accoutrées – de mille façons…

 

*

 

Les saisons endiablées – entre quatre murs – au milieu des Autres et du froid…

Des rives éphémères – et (en partie) effondrées…

Rien sur la terre – sur la carte ; pas la moindre confiance – une suite d’événements – l’enchaînement implacable (et parfois terrible) des circonstances…

Les âmes prisonnières – comme condamnées à subir les vibrations du temps – sans accord – sur la chair – qu’importe les noms – qu’importe la pierre…

Des blessures et de la douleur ; et cette torpeur qui confine au refus – à la mollesse – à l’inertie ; comme un engourdissement et une indifférence à ce qui n’est pas soi…

 

 

Le même écho – sur la page – au fond de la voix…

Le silence premier – par colonnes entières – à présent – sur les pentes et les terrasses – le même alphabet impatient – le sens que l’on cherche – la mémoire qui engrange – la tête qui compte – qui collecte – qui entasse…

Le même jeu – presque absurde – pour de rire – depuis l’origine – comme un funambule composé du fil sur lequel il est condamné à marcher sans fin et qui chercherait une issue – une réponse – un instant d’évasion – mille solutions chimériques – à l'extérieur (hors de lui-même)…

 

 

Distrait – la tête baissée – la nuit et le temps triomphal – comme une légère boursouflure à la naissance qui, chaque jour, double de volume…

L’irruption du labour et de la collecte – au milieu de l’ignorance-reine ; le surgissement du labeur et de l’espérance…

De la sueur – du rêve et des étoiles – des promesses par brassées…

Nous sommes l’ombre projetée contre les murs ; et la pierraille…

 

 

D’un sillon creusé en silence – auquel appartiennent les mots…

Une écoute discrète – le sens et le son – farouches – qui s’approchent – main dans la main – dans notre paume ouverte – comme un oiseau timide qui se pose quelques instants avant de s’envoler vers des lieux plus tranquilles…

Notre seule outrance – sans doute…

 

 

L’éloignement – comme seul chemin – le support du vide – la solitude (parfaitement) adaptée à nos exigences…

Telle une montagne face au monde – une sorte d’emplacement naturel – un espace où la beauté – l’émerveillement – la poésie – sont possibles…

Sans distance – entre soi et le ciel…

Le silence et la parole – l’un dans l’autre – l’un après l’autre – sans interruption…

 

 

La vie inanimée – de prime abord – en se fiant (seulement) aux apparences ; mais lorsque l’on s’approche (que l’on daigne s’approcher) – lorsque le regard se fait plus attentif – légèrement inquisiteur (peut-être) – mille manières d’interagir et mille vibrations se révèlent…

Une même surface – la même épaisseur – avec des nœuds – des creux – des renflements – une respiration ; la même terre occupée – peuplée de mille souffles différents…

Et les mêmes arabesques – subtiles – invisibles – entre le monde inanimé et le reste – entre toutes les formes vivantes – entre le plus grossier et l’ineffable ; tous les objets – choses et visages – entièrement reliés – comme un réseau – une immense trame – profondément enraciné(s) à l’espace et à l’origine…

 

 

Le cœur ouvert – comme un point minuscule au-dehors – une chose – un processus – apparemment anodins ; une infime fraction de la matière qui s'inscrit, de manière profonde et ontologique, dans la marche du monde – dans le cours naturel des choses ; une façon [(très) involontaire] de participer à la métamorphose collective du regard…

L'âme et le geste – de plus en plus attentifs et disponibles – en moins de temps qu’il ne faut pour fomenter une révolution…

L’être – sans cassure – sans dommage – œuvrant sans la nécessité des armes et du sang – comme instance puissante et pacifique – incontournable – irremplaçable ; en ce monde (et ailleurs) – sans doute – le plus précieux…

 

*

 

Devenant – du dehors – comme un visage posé dans un intervalle – une (longue) parenthèse du monde – une fraction de temps sans usage…

L’enfance disjointe…

Des impératifs humains – risibles – ridicules – atroces et funestes…

Ce que la psyché invente – ce que le savoir retient ; une manière de fourbir ses armes – d’amasser de la poudre – d’aguerrir ses penchants guerriers – à seule fin de survivre…

 

 

Contre le vent – le pays natal – toute notre ascendance – la tribu entière – la vieille (et grande) famille patriarcale – les gestes et la langue prosaïques – la distraction et la faim ; tout ce qui occupe – et intéresse – les hommes – depuis le commencement du monde…

La tête pleine de fadaises ; l’âme et l’esprit inoccupés ; le cœur sec comme un fagot…

L’inhumanité de ceux qui s’imaginent très humains ; le néant incarné (si l’on peut dire)…

 

 

Derrière le geste – l’inconsistance…

Et ce que l’on avance – en parole…

Quelque chose d’aveugle et d’inconséquent – comme une porte posée au milieu de nulle part – au milieu d’un désert ; un acte inutile – absurde – décoratif en quelque sorte – et mille autres alternatives – et la possibilité (bien sûr) de se frayer un chemin partout ailleurs…

Quelque chose pour rien – porteur (seulement) d’espoir et de néant ; le comble de la bêtise ou, peut-être, une manière de rire de ce qui semble si grave (et si sérieux) aux yeux des hommes…

 

 

Côte à côte – d’un bout à l’autre du rivage – l’eau et le sable – les courants et le limon – ce qui demeure et ce qui est emporté…

Sous les mêmes étoiles – le même labeur…

 

 

Sur la terre – l’ombre inclinée…

L’œil interrogateur…

La ligne tracée par le lancer de dés…

Des idées (un peu vagues) sur la lumière et la nuit ; rien que des idées ; ni expérience (réelle) du monde – ni vécu (suffisant)…

Dieu et les hommes dans leur abstraction…

Des images qui, peu à peu, s’effritent et s’effacent…

Le vide et les derniers échos du sommeil…

Le ciel qui se défait – laissant (parfois) émerger notre nudité apparente…

 

 

Comme des nœuds – dans les bruits – des sons prisonniers…

L’usage externe de l’écoute ; comme un débordement naturel – légitime…

D’un monde à l’autre – sans que rien ne puisse être saisi…

 

 

Des mots et des chemins ; les mêmes reliefs – la même foulée…

Le ciel – (bien) davantage qu’un décor – (bien) davantage qu’un simple figurant…

Le silence sur les lèvres et les hanches…

Quelque chose qui se transforme – quelque chose qui se fige – immobile pendant quelques instants avant de reprendre sa route vers le ciel enfoui – une manière, peut-être, d’entrer en prière sans croyance – loin du spectacle de la foi – de cette foire spirituelle – célébré(e) par les masses…

Et la joie qui s’offre – comme le fruit d’une assise – d’une ascèse – naturelles – sans rituel – sans clergé – comme le sifflement d’un oiseau qui perce l’épaisseur de l’hiver – une transformation de l’espace et de la géométrie…

 

 

Trop invisible – comme un défi au temps et à la raison ; le jour comme un fantôme – une béance…

Et le silence (vainement) interrogé…

Il faudrait, peut-être, un effondrement du langage pour que puisse briller – hors de son écrin trompeur – la vérité…

 

*

 

Ce que l’on cherche – à tâtons – dans le noir – ce sourire sans nom de l’enfance – une caresse sur l’âme – sur la joue – cette récompense que l’on croit mériter ; un lieu, peut-être, au-dedans du silence – un visage et une voix – un compagnon – un ami – ni trop proche(s) – ni trop distant(s) – parfaitement adapté(s) à notre solitude…

Cette part de nous-même(s) – que si peu connaissent – que si peu ont entrevue…

 

 

A notre mesure – suspendu(s) au-dessus du monde – entre le bûcher et la source…

Les formes plantureuses – la bouche aguicheuse – comme pour échapper à l’ombre – à l’oubli – à la relégation…

Comptant sur l’Autre – les Autres – davantage que sur nous-même(s)…

Au-dehors – l’amour – par l’embrasure – dans un coin du monde – sur un coin de table ; une silhouette dans la nuit – un souffle chaud (et rassurant) dans le cou…

Épaule contre épaule – sans personne…

Entre l’absence et l’immensité…

Et toutes les fables, soudain, qui se dissipent (en même temps que l’essentiel des illusions)…

La seule question et la seule perspective – véritables – hors du temps ; et des siècles – des millénaires – nécessaires pour y répondre – pour s’y résoudre et s’y établir (de manière satisfaisante)…

Entre le plus précieux et la poussière – la meilleure (ré)solution…

Ni pause – ni frénésie (et moins encore de paresse et de précipitation) ; le rythme spontané – l’allure régulière – la foulée facile…

Un pied dans le monde – et l’autre dans le vide ; le même espace – en vérité ; un pied au cœur des saisons – et l’autre au cœur de l’éternité ; le même instant – quoi qu’en pensent les hommes…

En silence – là où vivent les sages – l’esprit au-dessus – le cœur engagé – l’âme attentive aux circonstances – parfaitement accordé(s) au cours des choses et à l’intermittence (naturelle) des états…

 

 

Plongé(s) dans cette nuit sans oreille – à la bouche avide – démesurée – engloutissant, sans jamais s’interrompre, des pans entiers de monde et de temps…

Un empierrement des âmes et des cœurs pétrifiés – la matérialisation de l’impuissance ; l’espérance en éclats…

La terre féroce – sous des étoiles éternellement reconduites…

La figure grimaçante et estropiée…

 

 

En soi – la faille et l’immobilité – le manque et l’offrande – la joie et l’égarement – l’ignorance et l’intimité…

Ni contraires – ni opposés – ni (parfaite) symétrie – ni contrariétés ; toutes les faces du même visage – tous les versants de la terre – réunis…

Ce que nous sommes ; par-dessus notre nudité et notre dénuement…

 

 

Le jour ensemencé…

Le signe d’une attente trop longue – trop impatiente…

L’engagement trop volontaire – sous le joug du désir – comme si l’on était capable de faire naître la lumière…

Une déchirure supplémentaire – un surcroît de prétention et d’inhumanité ; le prolongement (manifeste) de l’incompréhension…

 

 

Un pas de côté – hors du monde à présent – affranchi des longues transhumances saisonnières…

Sans carte – ni boussole – la source renouvelée du voyage ; un pas après l’autre – sans savoir – sans destination…

Amoureux du regard – qu’importe les chemins et les paysages…

Une traversée immobile et silencieuse – porteuse de paroles et de mouvements…

Sur cette longue route que le ciel dévore déjà…

 

*

 

Ce qu’il faut déchirer avec les étoiles – l’épaisseur – ces moissons de rêves qui obstruent le ciel…

La porte ouverte – les clés autour du cou ; et suffisamment de silence pour faire face à l’absence…

Le vieux monde emporté avec tous les résidus d’autrefois – tous les relents d’hégémonie et d’exploitation…

Et personne pour entendre le chant – ouvrir les yeux sur ce qui résiste…

Les âmes qui flottent dans l’invisible – guidées par l’indésirable – la profondeur de l’air – la persistance de l’écho et des chaînes dans le geste libérateur…

Ni pont – ni brume – ni lanterne ; l’expérience d’une autre possibilité…

L’être et les choses – dans cette cellule étroite ; avec, par-dessus, notre fatigue et notre espérance…

 

 

L’absence conjuguée à tous les temps – inscrite sur toutes les figures laides et ligneuses – rouges et boursouflées…

Le néant dans les yeux clos – déployé jusqu’au fond de l’âme…

La main portée par les circonstances ; l’esprit fataliste…

Sans question face à l’inexplicable…

La tête baissée – le dos voûté – la respiration dans ses limites – le bras tendu au-dessus de l’horizon – comme enfermés dans le périmètre autorisé…

Le lieu du sommeil et du temps…

Quelque chose du jour déguisé – de la lumière ensevelie…

Le règne (glorieux) de la distraction sans retenue…

En soi – des réserves d’images – pour l’éternité…

La vie – comme un rêve énigmatique – qui se déroule (peu à peu) ; peut-être – sans doute – le fond de la nuit…

 

 

Sans jamais s’interrompre – le temps – le monde – le cours des choses – illusoires pourtant…

L’instant nu – de plus en plus intense – manifeste…

L’intimité – comme une présence au bord de la fusion – à la limite de la rupture…

Le signe d’une sagesse – d’une amitié…

Au-delà de la joie escomptée…

 

 

Sans incidence – sur cette portion de monde – la tête ponctionnée – comme un sac au fond duquel on piocherait – comme un piège qui, peu à peu, nous engloutirait…

La lumière – sous le sol – dans le ciel – au fond de l’âme obnubilée par ce qu’elle porte – les origines…

Et sur la pierre – peu de ressemblances ; des différences apparentes – une variation de la même couleur ; rien de la cassure que semblent percevoir les yeux…

De simples morceaux d’espace – chacun à sa place – obéissant (à leur insu) aux lois de la matière – aux nécessités du monde – aux exigences de l’ensemble et de l’invisible – accolés – parfaitement réunis et emboîtés – comme un assemblage sans le moindre interstice – sans la moindre séparation…

Rien d’inutile – à la manière du soleil ; et la même envergure ; l’immensité qui échappe à la perception ordinaire…

 

 

Ce qui passe – un peu plus haut que les étoiles…

La disparition du monde – la transformation des états – l’inévitable…

La clarté – de long en large…

Des routes qui mènent au voyage ; et le voyage à l’infini…

La perte et l’inconnu – jusqu’au vide ; ce à quoi nous sommes (tous) destiné(s)…

 

*

 

Des jours – des cœurs malmenés – en déroute (très souvent)…

Le chemin parcouru qui a creusé – en nous – le nécessaire – l’incontournable…

Cet espace qui semblait si loin – et si abstrait – autrefois – comme une cathédrale de papier…

Et, à présent, cet agenouillement devant ce tabernacle (si réel) – cette plongée en soi après la longue traversée de la nef et du cœur…

Plus ni cierge – ni prière ; Dieu – en nous – de sa propre voix – nous invitant à poursuivre le chemin – l’excavation – la transparence du jour ; l’espace à restituer entièrement…

La vie comme elle va – (pleinement) consentie ; le geste et la posture – ancillaires – inclinés – la gratitude au-dedans…

La fin de l’initiation – des préliminaires ; l’invitation (enfin) à la vraie vie

 

 

La vie au-dehors – piétinée – si compréhensible dans ses défenses et ses assauts – dans ses volte-faces et ses rebuffades…

La guerre – avec ses blessés et ses morts – en pagaille – dans le désordre (récurrent) de la terre…

Des ombres – des traces – des échos ; rien qu’un long supplice et un peu de sommeil…

Depuis longtemps – pourtant – la même promesse – cette paix tant désirée que l’on oublie pour un surcroît de terre et de chair – la moindre offense…

Diable ! Tant de sang et d’ignorance qui suintent à travers les fissures du sol et de l’âme…

Notre peine – à tous – depuis des siècles – des millénaires – depuis le début du monde…

Cette souffrance et cette peur – cette incompréhension – si familières…

 

 

Fractions de l’Autre – des Autres – en soi…

Un puzzle vivant qui, à chaque instant, se réinvente…

Des morceaux agglomérés – circonscrits qu’en apparence…

Du vide et ce qui a l’air d’exister…

Dans le jeu – sous le joug – de toutes les illusions…

 

 

Des gestes pour rien – des paroles perdues…

Les caresses et les poignées de main du vent ; des coups de pouce et des coups du sort…

A mi-chemin entre la solitude et ce que nous portons…

 

 

Une vie à la surface du monde – au contact des choses – sans espace – sans profondeur – sans intimité…

Une vie en retrait – retirée – à distance des Autres – entre le ciel et l’intériorité – entre l’infime et l’immensité…

Quelque chose sous les yeux – au fond du regard ; la même ligne – comme l’origine et le prolongement du cours des choses – parfaitement confondus…

Chaque instant – hors du temps…

Chaque geste – comme l’émergence des circonstances ; continuité ou conclusion induite par la situation – par toutes les situations simultanées – imbriquées – par l'ensemble des événements du monde…

 

 

Ensemble – jaillissant – nous morcelant – jusqu’à l’effacement – jusqu’à la disparition – jusqu’au renouvellement…

La respiration ininterrompue de l’espace…

Le vide vivant – à travers notre manque – notre soif – toutes nos maladresses…

 

*

 

Des arbres – comme la seule foule acceptable – silencieuse – accueillante – ouverte à la différence – aussi proche du ciel que de la terre – respectueuse de tous les peuples…

En ces lieux parcourus – le mystère qui s’entrouvre…

Ni nuit – ni chiffre – ni conjecture…

En deçà de toute mémoire…

Le temps de l’eau et de l’enfance…

La mousse maternelle…

La vie incertaine et imprévisible…

Le point de bascule avant de toucher le sol – la poussière…

 

 

Voyageur du dedans – sans trace – sans repère – le sourire aux lèvres et le bâton à la main…

Sans la moindre étrangeté dans la tête…

Sans horaire – hors du temps…

Les poches et les mains vides…

Arpentant l’espace – découvrant les choses jusque dans leur intimité…

Laissant les pensées – les images – défiler…

La respiration alignée sur le rythme…

Le pas foulant l’automne et les collines…

La barbe grisonnante approchant l’invisible – l’éternel…

Tentant de donner un nom à l’ineffable – de circonscrire l’infini – dans un seul geste – une seule parole…

L’oreille tendue – la bouche tordue en une moue attentive (légèrement inquiète) – le cœur confiant – comme si le monde était un jardin – et l’existence une expérience théâtrale totale…

Un fragment d’espace déambulant dans l’espace – en lui-même ; la seule rive possible – davantage que le rêve et l’ambition des hommes…

 

 

Du rêve à l’espace morcelé – jour après jour – comme autant de nuit(s) accumulée(s)…

Des murs plus hauts – des routes qui serpentent davantage – une voix qui doit hurler tant nous nous sommes éloignés…

Une séparation qui nous emporte – des cœurs déchirés – des bouts d’âme arrachés – l’être comme sur le point de se fissurer…

 

 

Le feu noir – la vie en miettes – sans éclaircie – le néant à la place du vide – la peur à la place du bleu – le lieu de tous les possibles – de toutes les confusions…

Et les impératifs du rêve – du monde qui rêve – qui accroissent notre perte ; l’égarement sans espoir d’échappée…

 

 

Des visages – des jeux – le peuple – les yeux fermés – que la mort décime – que la frivolité occupe – engoncé dans ses inventions – dans ses illusions baroques…

Et plus loin – à l’écart – à la périphérie du monde – des lieux où la route éreinte – accroît la fatigue et la nudité – mène à l’ardeur sans usage et à l’immobilité…

Des rives désertes – désertées – qui transforment le regard et la pierre – le geste et le ciel…

Un soleil plus large – une joie jamais feinte – le vide en tête et quelques signes, parfois, comme une invitation – une marque de ralliement – une manière d’inventer un passage – mille passages – entre la roche et le silence – entre l'harassement et la félicité – un parcours unique – parfaitement adapté à chacun ; le seul chemin – le seul voyage – à réaliser…

 

*

 

L’enfance penchée sur le plus intime – le silence – l’Amour – à travers le jeu – le rire – le geste innocent…

Quelque chose de spontané – comme un espace et une voie naturels – avec des cris et une respiration saccadée…

Avec assiduité – ce voyage – jusqu’à l’automne – jusqu’à l’hiver – au cours duquel les cheveux blanchissent et la voix se tait et devient plus sage…

 

 

Ces rives étrangères – sans langage – où on lutte – où l’on crie – où l’on se débat – avec sa cohorte de rêves et d’ambitions…

Des itinéraires précis – millimétrés – sans surprise – sans détour ; et autant de victoires et de grains amassés que de larmes et d’outres de sang versées…

L’encre noire de l’homme qui dessine sa monstrueuse géographie – ses propres barbelés derrière lesquels il enferme le monde – l’air – la roche – les étoiles – toutes les choses et tous les vivants de la terre…

 

 

L’espace creusé au bord de la tristesse – sans parole – sans passage – sans passant – dans la solitude la plus familière…

Et cet étonnement à nous voir de part et d’autre de l’abîme – un peu partout – en vérité – comme éparpillé(s) – entre la lumière et la mort – entre la surface et les profondeurs…

Du centre jusqu’aux plus lointaines périphéries – le même silence – le mystère éclairé [et parfois (en partie) éclairci] – la sagesse et la folie – le ciel et l’épaisseur – l’immobilité et la furie…

Dans une invariable oscillation ; l’âme qui chemine – qui se découvre – partout ; nous – le mystère – dans notre œuvre nourricière et légitime…

 

 

L’œil percé par la puissance des choses – qui traverse la chair – qui pénètre l’âme…

A la mesure de notre joie – la transformation de notre visage (trop strictement humain)…

Cette place dans les profondeurs ; et la perspective des Dieux épousée…

Ce que nous portons sur cette route étrange qui allège, peu à peu, notre charge – notre embarras – notre pesanteur…

Pas – gestes et paroles – emportés – avec joie et légèreté – vers des lieux plus lumineux et des usages plus dignes – plus adaptés au monde et aux circonstances ; comme le signe d’une humanité retrouvée…

 

 

Au cœur de cette langue qui n’est pas la nôtre – au milieu de tous et de l’inertie – cette terre et ces pierres que l’on amasse – depuis trop longtemps relégué(s) à l’inessentiel – au plus que superflu – condamné(s) à la surface du séjour – du passage – de la traversée – à faire fructifier – et boursoufler – mille formes de croyances – à construire un chemin au milieu des fantômes – des idées – des apparences…

Trop brièvement – ici – pour se faire (malgré soi) le support du mensonge et du néant…

 

 

A nouveau – le jour – l’alignement du monde et de la parole – pareil à un soleil – à un horizon clair – clairement identifié – au-delà de tous les horizons humains perceptibles et imaginables…

En plein vide – comme en suspens…

A côté – de plus en plus loin – de ceux qui ont décidé d’avoir l’air – de faire semblant…

Vivant – le cœur projeté par-dessus l’âme et la chair – par-dessus le corps-interstice – battant – respirant – à découvert…

Les linéaments de l’homme – peut-être…

 

*

 

Quelque chose s’approche – toujours – et se dresse – parfois un mur – parfois le vent – parfois le soleil et la joie…

Derrière les apparences – ce qui résiste au monde ; derrière les ultimes résistances – ce que l’on ne connaît pas ; derrière ce que l’on ne connaît pas – l’enfance qui affirme son allégeance aux apparences – l’enfance qui regarde le monde – l’enfance qui se joue des résistances – la confiance face à l’inconnu…

Un sourire – un ciel – une corde ; et la poursuite (bien) plus joyeuse du voyage…

 

 

Ni question – ni exigence…

Plus proche de la source que de la trace…

Des mouvements – de toutes parts ; et une tranquillité au fond du regard…

Ce que l’on cherchait – autrefois – plus haut que le ciel – plus puissant que le vent ; dans toutes les particules du monde – fragiles et dérisoires – parmi la cendre et la poussière – des extraits de roche – dans le désarroi et la folie – dans la nuit et les ventres qui digèrent – dans les mains tendues et les yeux perdus – dans les volte-faces et les manigances – dans les caresses – les guerres et la violence – partout où nous sommes – partout où nous vivons – jusque dans nos bassesses et nos absences…

Le vide ; et la conscience – habituellement utilisée – corrompue – dévoyée – devenue, soudain, sans usage – sans emploi…

Seul – à présent – face à ce qui vient – au milieu des tourbillons qui parsèment (très momentanément) la vacuité...

 

 

Loin de la parole commune et coutumière – née de l’habitude et de l’opacité ; plutôt celle qui habite un lieu que nous ignorons – et que nous continuerons d’ignorer – ailleurs – ici même – plus haut et plus bas – qu’importe ce qui nous traverse – qu'importe ce que nous traversons…

Et tous nos silences – sur la page – imprimés…

 

 

Le vide découpé en jours – en seuils – en points critiques – à la surface du monde – dans tous les lieux investis par l’homme – et, de l’autre côté, le souffle – l’air – le ciel bleu et les profondeurs – toutes les merveilles et l’immensité d’un seul tenant…

D’un côté, la cassure et l’attente d’une récompense – d’une réparation – de simples consolations – très souvent ; et de l’autre, l’attention détachée – amoureuse – capable d’accueillir tous les fragments – tout ce qui s'invite – approche – advient…

 

 

Derrière ce qui se manifeste – la pierre et la lumière…

Et ce qui se détache au cours de la traversée…

L’âme engagée – la sente qui nous révèle et nous transforme – au-delà de l’expérience – au-delà de l’existence vécue – au-delà des apparences et de la parole qui en témoigne…

Nulle loi ; rien d’étranger – rien de rejeté…

Le dépassement et la mesure – quelque chose, sans doute, à préciser (à éclairer peut-être) ; les premiers pas – le début d’un chemin – d’une initiation – d’une métamorphose – d’une perspective un peu folle…

Vers l’unité – à foulée lente – naturellement…

Et le geste inaugural – comme l’une des rares récurrences ; à chaque nouvelle étape – chaque jour – à chaque instant – le recommencement perpétuel du voyage…

De moins en moins – comme une évidence…

 

 

L’infini circonscrit dans le geste ; d’abord resserrement – détention – réclusion – puis apprentissage (très progressif) de l’immensité – de l’envergure – de la liberté ; la limite et la contraction accueillies – acceptées – puis dépassées ; ni pour – ni contre – sans parti-pris – sans idéologie – sans rien à défendre – sans rien à combattre – sans rien assujettir – le cours des choses – tel qu’il va – tel qu’il vient…

Ce que dicte le réel – une obéissance sans alternative ; mille possibilités ; et toujours un seul chemin ; ce que l’âme et le monde imposent…

 

*

 

De la terre – des étoiles – et cette marche – et cette âme – infatigable – interminable…

Quelque part – nulle part – où est donc la frontière – le seuil – le franchissement…

Des désirs d’autrefois – nulle trace…

Le temps libéré de lui-même…

L’homme soumis à l’errance – à la déambulation – comme l’énergie contrainte de circuler…

Le présent entre les mains ; et les paumes aventureuses…

Des instants – rien que des instants – qu’importe l’âge et l’époque…

Des syllabes nouvelles – le rythme de la parole dicté par la lumière et le silence…

Et ce trop-plein – encore – de choses à écrire – qu’importe le sens – le cercle des lecteurs – la taille de l’auditoire…

Des mots à seule fin d’honorer le chemin – l’effacement des territoires – la solitude – la chambre parfois visitée par l’Amour ; comme un sourire immense destiné à personne – pour la simple joie des lèvres entrouvertes – de ce qui existe – de ce qui est donné…

 

 

Des sauts – des élans ; ce qui s’imprime – comme l’origine du monde – sur la matière…

Les âmes disjointes et séparées…

Les pertes successives – comme des prières…

Dieu qui, en nous, invite à la nudité – à nous rejoindre…

A la source des lieux et du temps…

A la manière d’un soleil gigantesque…

En équilibre sur toutes les épaules – avançant – l’âme, au-dedans, frémissante…

Tout – tous – embarqué(s) dans cette incroyable ascension sans échelle…

La fraîcheur de l’innocence et le feu ardent du cœur – nécessaires pour franchir les premières hauteurs…

L’infini qui se déploie dans la poitrine ; la fin de l’exil…

L’existence – au-dessus du sol – précieuse…

Dans le sein de Dieu – au plus intime – au milieu des Autres – des apparences et des illusions – célébrant le centre – le monde – les visages et les choses ; l’être, à travers nous, découvrant son ampleur – sa diversité – sa plénitude…

 

 

La parole et la pierre – alignées ; comme le sol et la page – le cœur et la main…

Derrière le temps amassé – et expulsé – le vide entrevu…

Nous – nous soustrayant toujours davantage…

 

 

La course interrompue – la tête surélevée – un pas de côté – comme un surcroît de silence et de lumière…

L’âme désempêtrée ; la matière percée jusqu’à l’essence…

Comme si le dehors n’avait jamais existé…

 

 

A travers la parole – le même silence – au-dehors et au-dedans – comme un pont entre les mondes – lorsque l’attente cède la place à l’écoute – lorsque l’immobilité se substitue aux exigences…

 

 

Des routes – des visages – des itinéraires – des pas engagés…

Les vestiges éparpillés de l’infini – ce qui se mêle pour constituer le monde…

Plus haut, le ciel – en dessous, les tombes – et entre les deux, l’espace des choses et des vivants…

Les vents – le souffle – ce qui porte tantôt à l’intérieur – vers le centre – tantôt à l’extérieur – vers la périphérie…

Des haltes – des interstices – des parenthèses…

Le séjour qui, parfois, se prolonge – le voyage qui continue – qu’importe les circonstances ; qu’importe ce que nous sommes et ce que nous faisons ; l’insignifiance de l’essentiel – au regard de l’envergure de ce qui est – de ce qui nous porte…

Comme des taches – un peu de couleur – sur l’immensité blanche – la transparence des choses – l’invisible…

 

*

 

Au gré des jours et des saisons qui passent – les souvenirs qui, peu à peu, s’effacent…

Et le mystère ainsi mis en évidence – exposé ; des fragments de la source éparpillés au fond du cœur – au fond des choses – qui (progressivement) se révèlent…

Davantage (Ô combien !) qu’une manière de dire ; la vérité agissante vécue (et qui le sera, un jour – bien sûr, par tous ceux que le doute habite encore)…

La seule réponse possible aux questions des illettrés…

Le frémissement de la chair ; au contact de tous les soleils intérieurs…

Cette intimité vibrante (et savoureuse) avec le monde…

 

 

L’aube – comme un signe – au-dessus de tous les piétinements…

Un cercle autour de soi…

Et l’âme embarquée – malgré elle – comme si le corps était un temple provisoire…

Un peu de matière suspendue…

Mille choses à déconstruire ; soustraire et se dévêtir pour que brille cette nudité comme une lanterne au fond du noir…

Au milieu de la boue et du brouhaha du monde…

Et tout ce bleu qui s’invite sur cette tristesse (de plus en plus étrangère)…

De moins en moins loin – la lumière…

 

 

Au-delà des grilles – rassemblés – au-dessus des tombes – l’envol (inoubliable) de ceux qui quittent le monde…

Derrière les murs – en ces lieux où (en général) se lamentent – et se prosternent – les vivants – les yeux rouges et le cœur gonflé de larmes…

L’espérance à tire-d’aile – comme une flèche incertaine décochée vers le ciel…

Et toutes ces prières – et toutes ces âmes – qui montent vers ces terres nouvelles – comme nous tous qui allons dans l’existence – avec ce curieux mélange de curiosité et d’accablement – de peur et d’allégresse…

 

 

Au ras du sol – la tête et le pas qui insistent – comme une résistance absurde (et immature) à la verticalité naturelle de l’homme…

En nous – la bête qui s’agrippe – qui s’accroche…

Et la foulée lente à travers les couleurs dont l’ultime – sur un tertre – sera, un jour, couronnée par la transparence…

 

 

La figure du feu sur la neige…

L’incendie des routes – comme des vagues successives qui restreignent les possibles – les destinations – tous les lieux propices au voyage et à l’évasion…

Vers l’immobilité – de plus en plus – comme l’état le plus favorable au souffle – capable de rapprocher l’intime et le (plus) lointain – de révéler le bleu caché au fond du cœur – au fond des choses…

La légèreté du mouvement ; l’invisible à l’œuvre ; le monde et la joie à demeure…

 

 

Sur la terre ancestrale de ceux qui ont quitté ce monde…

Face à soi – le désert – aussi silencieux qu’au-dedans…

Les premières difficultés et les premières hauteurs – franchies…

La couleur la moins sombre du périple…

Et les reflets – à l’intérieur – de l’étendue…

Le pas de plus en plus lucide ; et la terre arpentée moins (beaucoup moins) aveuglément…

 

 

L’oubli – la perte du nom – de moins en moins de visages et de rencontres…

La solitude – (très) amoureusement…

Et cette ardeur accrue à la perpendiculaire du monde…

Entre nous – le vide et la lumière ; le vent puissant ; l’expression du Divin – à travers le regard et le geste ; l’ineffable dont nul ne peut mesurer le poids sur nos existences…

 

*

 

Ceci ou cela – ici ou ailleurs – ce destin ou un autre…

Tout égal – tout pareil – tout qui passe – sans (réelle) importance…

Et l’essentiel alors (s’il en est un) ?

Notre manière d’être présent (bien que nous n’ayons aucun choix sur notre façon d’être au monde)…

Quoi donc alors ?

Être soi-même – sans rien renier ; incarner toutes les parts que nous sommes – toutes les parts que nous portons – telles qu’elles sont – telles qu’elles se présentent (à l’instant où elles se présentent) ; et ainsi, peut-être (rien n’est moins sûr) assumer son rôle (variable – provisoire – circonstanciel) – occuper la place qui est (supposément) la nôtre – celle que chaque situation impose – dans tous les cercles qui composent l’infini…

Rien de plus – rien de moins ; le plus proche de soi – de la vérité – sans doute…

 

 

Le lieu de l’indifférence et de la mort – sur le terrain où nous défient les fleurs…

La beauté rayonnante – l’assise souterraine – pour des siècles de vie – à la merci des Autres – offertes – jouant des pétales et des couleurs – généreuses en pollen – indéfiniment provisoires…

L’existence de l’être – sans (jamais) en avoir l’air…

Souveraines en tous les lieux où semblent régner l’indifférence et la mort…

 

 

Le jour penché sur notre épaule – par pure amitié – en hommage à ce que nous fûmes – à ce que nous sommes – à ce que nous serons (à jamais) – en hommage à ce que nous vivons l’un et l’autre parfois ensemble – d’autres fois (presque) séparément…

Comme notre ombre – comme l’herbe et le ciel – comme la lumière – la tristesse et la nostalgie – comme la douleur – comme le monde et la joie – comme les Autres – les arbres – les choses – tous les visages d’ici et d’ailleurs – un peu plus loin – beaucoup plus loin ; cette (incroyable) parentèle – cette immense fratrie oubliée ; notre seule appartenance ; et le vide géniteur (bien sûr)…

 

 

Le vide consistant ; le monde sans épaisseur…

Ce qui est (secrètement) désiré – sans volonté (véritable)…

Le cours des choses – des aléas – qui s’inscrivent dans l’histoire lorsque l’on marche (précautionneusement) sur le fil du temps ; et plus encore – l’instant sans ascendance – sans descendance – orphelin et séparé de tous les autres (simples possibilités – potentialités – pour ceux non avenus et entièrement intégrés à l’instant présent pour ceux qui ont déjà eu lieu) ; le corps – le cœur – l’esprit – éprouvant le chaud et le froid – le haut et le bas – la tristesse et la joie – comme le seul Absolu possible (et imaginable) – à chaque fois – la seule chose à vivre – la seule chose qui puisse exister – comme si le reste n’existait pas…

 

 

Le bruit du monde au fond de l’abîme – ce que nous créons – ce que nous inventons – en gesticulant – en empruntant des routes – en gravissant des murs – en essayant de franchir les frontières du périmètre dans lequel on nous a condamné(s) à vivre…

Immergé(s) jusqu’au cou – dans les eaux souterraines – le bleu au fond de l’âme jamais entrevu…

Le mirage jusqu’à la déraison…

Quelque chose entre la bêtise et l’obstination – la sente arpentée – les semelles usées jusqu’à la corde – les pas mécaniques – la tête déconnectée du corps – déconnectée du reste…

Sur le bord du chemin – l’espérance – l’ailleurs déjà – comme un suspens – une halte – et tous ceux qui ont abandonné la partie – et le monde à lui-même…

Le début d’un autre rêve – peut-être…

 

 

A la fois l’œil et l’étendue – l’invisible et la matière – l’espace et le cœur sensible et engagé…

Dieu – ce qui (nous) semble si dérisoire…

Le temps ramené à sa plus petite unité non mesurable…

L’infini – partout – jusque dans nos gestes les plus ordinaires – ce qui sort de nos lèvres ; l’œuvre de l’âme et de la main sur la page…

L’infini ouvert qui s’entrouvre en chacun ; notre besogne commune et singulière…

 

*

  

L’âme morte – mille fois – sans rayonner – comme une ombre jetée au fond d’une crevasse de chair animée…

Rien de perceptible sinon cette tristesse inexplicable dans les yeux…

Une douleur – comme un oubli…

 

 

Voué(s) aux choses de la nuit – aux ruines et au froid – au monde profondément terrestre…

Ce côté rugueux auquel nul ne peut (réellement) échapper ici-bas…

Comme un décor – au cœur d’une immense arène – avec mille tragédies – sur fond de solitude – gorgée de corps-à-corps ardents – de tête-à-tête sanglants – de face-à-face funestes…

Le mariage du glaive et des grilles – de la poussière et du sang ; la vie et la mort (très intimement) entremêlées…

Une enfance sans soleil – sombre et triste ; les balbutiements d’une humanité affligeante …

 

 

Inlassablement – la lumière…

Les voiles de la nuit – la violence de la terre…

Les pierres – les arbres – les bêtes – les hommes – comme des marionnettes soumises aux exigences des Dieux…

Et des fleurs dans la voix – la parole claire – adressée à ce qui, chez quelques-uns, commence à émerger sous les paupières – dans le regard – au bord du cœur…

Le monde jeté au fond de ce puits démesuré – (passablement) inquiétant…

Et ces âmes – trop lourdement chargées – qui s’épuisent (assez vainement) à remonter…

Et ce bleu – jamais découvert – pas même imaginé – à l’intérieur ; cet espace vif – vivant – vibrant – sensible – la seule entité, en ce monde, capable d’accueillir (sans jamais se plaindre ou nous blâmer) nos pirouettes et nos pitreries – nos sanglots et nos jérémiades – toutes nos (vaines) gesticulations – toutes nos (piètres) tentatives pour exister – comprendre – nous échapper…

 

 

Plus loin qu’autrefois – dans l’œil – la chair – le pas…

Tous les livres sur nos lèvres – dictés mot après mot – éructés par l’âme…

Le silence limpide qui, parfois, se transmute en parole – en poésie…

Une manière, sans doute, de toucher (en partie) le cœur humain – de remuer un peu la terre – d’essayer d’engager l’immensité dans l’histoire des hommes – dans l’histoire du monde…

 

 

Le vent – sur toute la largeur de l’existence…

Tous les bruits du monde ; à l’abri – comme calfeutré à l’intérieur – les oreilles qui dépassent – à peine…

Le jour – pour personne…

De nouveau – seul – au cœur des collines – de la forêt ; et l’ombre de la mort – au-dessus de notre tête – qui nous survole en cercles lents – prête à fondre sur nous en un éclair…

 

 

Entre l’axiome et l’abîme – peu de vérité…

En un instant – hors de soi – comme éjecté…

Les yeux tournés vers le ciel des hommes – le front bas – les mains jointes (en prière) – une manière d’être au monde avachie – sans tenue – la tête et le cœur séparés – juste à côté des jambes…

Enfermé(s) dans l’enceinte commune – en quelque sorte…

Incapable(s) d’aller plus loin – de franchir la moindre frontière – d’échapper au périmètre (étroit) des indigents…

L’esprit inquiet – les pieds coincés sous la pierre – enchaîné(s) à l’histoire façonnée par tous ceux qui nous ont précédé(s) – par tous ceux qui s’éreintent à nos côtés (aussi impuissants que nous)…

Piégé(s) dans le même espace – entre l’axiome et l’abîme…

Et plus loin – sur l’autre rive – sur l’autre versant – le ciel et la lumière – inaccessibles ; ce que les hommes (certains hommes) apparentent à la vérité ; le prolongement du même mensonge – de la même illusion…

 

*

 

Les hommes à genoux – à la saison des morts – sur le chemin (périlleux et douloureux) de l’agonie – le visage sombre – plus même un visage – un masque de cire – l’âme et la chair terrifiées – pétrifiées – si peu préparées à l’échéance – incapables de faire face au défi des jours – de reconnaître le rôle souverain de la métamorphose et de l’oubli…

Nous – à chaque instant – au tournant de l’essentiel…

Sans arrêt – sans répit – sur la voie secrète et mystérieuse du mûrissement…

 

 

Dans un coin (oublié) du vide – face à ce regard indescriptible – au-dedans – bien plus vaste que le monde – l’univers – nos ambitions…

La cible rêvée – inaccessible…

Et l’errance des pas et du langage…

Cette impossibilité d'être rejoint…

 

 

L’existence – comme un quiproquo…

Un espace inhabitable – un refuge restreint à l’air vicié – un guet-apens – une sorte d’embuscade préparée par tous nos ascendants…

Un point lumineux – quelque part – encore invisible…

Et les jours qui coulent – comme l’eau de la source ; et la mort qui, à chaque instant, se rapproche – sournoise – la bouche ouverte – l’œil retors – l’outil sur l’épaule – le geste, à chaque fois, imparable et silencieux – se cachant derrière nous – au-dessus de notre inexpérience – au cœur de notre terreur – de notre crédulité – prête à s’abattre – à initier le dernier souffle – à nous fermer les paupières – à nous précipiter vers Dieu ou (selon la sensibilité – selon la maturité) vers le prolongement de l’absence ; dans tous les cas – vers une nouvelle expérience…

 

 

Le corps ramassé sur lui-même – l’esprit replié – l’âme roulée en boule ; comme la seule réaction possible face à la rudesse du monde ; se terrer face à la terreur exercée par les Autres (tous les Autres) ; une manière de se faire encore plus minuscule – à défaut de pouvoir fuir ou disparaître…

Le destin de (presque) tous les hommes et de (presque) toutes les bêtes…

L’existence réduite à un seul possible ; un monde sans alternative…

 

 

Le silence et le vent – sur la page…

L’encre noire – (très) lointain reflet du bleu…

Une manière d’affirmer sa présence face à l’indifférence – face à la faim…

Le malheur des créatures – conforme à leur aveuglement…

En chemin – au jour – au monde – ce que nous sommes (aussi pleinement que possible)…

 

 

La chair brute – revisitée – assouplie parfois – au même titre que l’esprit et l’âme…

La matière pendante – la tête étroite – le cœur confiné – soumis à des exercices visant à retrouver l’ardeur et l’envergure nécessaires à l’humanisation de ceux qui se disent – qui se prétendent – humains…

Le gage d’un monde meilleur (ou, du moins, plus vivable)…

 

 

Ce qu’il faut effacer – soustraire – oublier – pour pouvoir s’adosser au vide et devenir, peu à peu (ou, parfois, de manière soudaine) ce qu’il reste lorsque tout a disparu – lorsque nous sommes parvenus à nous débarrasser des choses – des noms – des visages – du monde et du temps…

 

*

 

A l’intérieur – le temps retroussé – le chemin à rebours ; avec le cœur du monde retenu par le souffle – et poussé aussi parfois – emporté par les eaux et le vent – vers les âmes et la lumière…

Au-dedans – tous les extrêmes et une partie (substantielle) du centre – comme au-dehors – et l’autre part ? On ne sait pas – on n’en sait rien – personne ne cherche – n’a jamais (réellement) cherché – à savoir… comme partout ailleurs – la même unité et la même densité – on le devine – on le suppose – on le ressent parfois – ainsi tout se dessine et a l’air d’exister…

Le vide joyeux dansant avec toutes les formes – toutes les frontières – tous les au-delà…

 

 

Le soleil au-dessus des arbres – le ciel parfait – à l’intérieur – avec des forêts grandes comme des continents – peuplées de bêtes et de rochers – les uns et les autres amoureux de l’ensemble jusqu’à la folie…

Des cascades de signes et de lumière…

Des paroles et du silence – qui, mis bout à bout, forment de longues guirlandes de joie que l’on accroche à toutes les poitrines consentantes…

Traversées par des rivières – et des âmes qui ont jeté tous leurs atours et toutes leurs cartes – se fiant aux dés des Dieux – parcourant l’étendue à grandes enjambées sans rien connaître du monde – de leur identité – de la géographie des lieux…

Un instant – des instants peut-être – où se télescopent toutes les époques – toutes les phases du temps…

La voix haute dans cette encre (presque) magique – comme une main – une hampe – un crochet – voués à inverser tous les rôles – toutes les figures et toutes les latitudes – offrant au lieu de prendre – caressant au lieu d’asséner – dispersant et effaçant au lieu de bâtir et de dresser…

Aussi frêle qu’autrefois – discrète et attentive – aussi superflue qu’essentielle – nécessaire seulement lorsqu’elle se manifeste naturellement ; comme la vie qui vient – comme la vie qui va…

 

10 avril 2022

Carnet n°272 Au jour le jour

Juillet 2021

Le jour libéré ; et, soudain, la lumière des galeries souterraines rejointe par celle qui brille au-dessus – au-dehors…

Et ce cri – né des entrailles – comme un jaillissement – une explosion de joie…

 

 

Du sang – des morts – tout autour…

Ce que tiennent dans leurs serres tous les rapaces ; et ce que portent toutes les plaintes…

Le déchirement de la chair et de l’âme…

Et, au milieu des malheurs – au milieu des tourments ; cette tristesse vertigineuse qui pèse sur les vivants…

 

 

La nuit dévouée à son rêve ; et nous – tout entiers consacrés à notre aveuglement…

A bien des égards – le seul labeur de l’homme – comme un destin tracé à la craie noire dans l’obscurité…

 

 

La vie blessée qui se recroqueville et se protège…

Quelque chose au-dessus des têtes ; comme un bruit sourd – la cacophonie du monde…

Et les forces du feu qui s’impatientent – à l’intérieur…

Et, un jour, la joue qui s’approche des paumes cruelles…

Si insensible(s) à tous ces mort enterrés sous la pierre et à ces grandes ailes qui battent la campagne au-dessus des vivants et des cimetières…

Saurons-nous, un jour, appartenir à une communauté plus large que celle que nous avons choisie ; capable(s) de nous extraire de tous les pièges et de percer le fond des malheurs et de la matière pour rejoindre le ciel – la joie – la liberté…

 

 

Dans la compagnie marginale des astres…

Jongleurs de pierres et de destins…

Sur le fil – la sente des saltimbanques…

Seul – au milieu des arbres – sans autre spectateur que le ciel présent dans l’assemblée (invisible)…

Et nos yeux – tous les yeux – qui, peu à peu, apprennent à s’ouvrir…

 

*

 

Ce que nous endurons – la pesanteur…

Face contre terre – le poids du monde sur les épaules – l’âme courbée sur le sol – le sang versé et absorbé – la chair mastiquée – l’air vicié par nos gestes comme une chape de plomb – toutes les expériences transformées en souvenirs – et les idées métamorphosées en rêves…

De la matière et de l’invisible qui alourdissent nos vies – nos pas ; qui entravent la possibilité même de la lumière…

 

 

L’infini – moins au large qu’en soi…

Dans l’air – autour de la peur ; et le même ciel dans l’espace…

La mort enracinée – comme le songe – le cri et les tremblements…

Et ces lignes qui surgissent du mystère – comme si nous appartenions, à la fois, à l’origine et à la terre…

 

 

Au fond du gouffre – ce que nous y avons mis – l’idée du néant – des murs – de l’angoisse – et les clés du labyrinthe…

Des fleurs – des notes ; un peu de beauté et de sauvagerie au milieu du gris – de la laideur – de la normalité…

Le chant d’un oiseau posé sur un arbre – un peu à l’écart – discret – une manière de prolonger le silence et la joie ; l’autre extrémité de la douleur – l’autre versant de l’absence ; ce qui mène à la solitude – et, parfois, à la vérité…

Soi – comme décrit à l’envers – (très) aveuglément…

Et le reste à mettre à nu – à mettre au jour – à mettre à mort – sans hiérarchisation…

Et tous ces instants – toutes ces heures – tous ces jours – si peu vécus – décomptés, sans doute, du temps véritable…

Vivant – à peine – sur la pierre – sur la page – sur la pointe des pieds ; et, déjà, le vent qui nous emporte ailleurs…

 

 

Des astres plein les yeux – à peine visibles…

Cette veille de la faim au fond du ventre ; la préparation patiente du festin…

La saveur du vent – bouche ouverte sur le vide – l’air devant soi…

Loin des Autres – sans gibier – sans assaillant – sans témoin…

La peau contre l’écorce de ceux qui résistent sans violence…

 

 

L’odeur (imperceptible) de la mort qui entre en nous – qui pénètre l’attente – bien avant les premiers signes de l’agonie…

Comme un chien à l’affût qui se lèche les babines et qui s’avance en voyant la blessure s’aggraver – l’affaiblissement (progressif) de la chair et de l’âme – les dernières forces nous quitter…

 

 

Un autre âge – en nous – fixe – immobile – éternel…

Ni temps – ni état – quelque chose comme un lieu – le cœur de l’espace peut-être ; un axe qui voit défiler les heures – les jours et les visages – les vies – les vivants et les morts…

Comme une aire prophétique – une présence – un regard – qui s’obstine à rester silencieux – en retrait – témoin de tous les mouvements – de tous les drames – de toutes les joies – de toutes les disparitions ; quelque chose qui contemple le petit jeu des formes qui passent…

Dieu que l’on peut implorer sans que rien se passe – auquel on peut tout faire endurer – et qui ne sortira jamais de son silence – de sa tendre neutralité – de son acquiescement à toute épreuve…

 

*

 

Le lieu de la langue – le même que celui de la respiration – un périmètre dans l’espace – très proche de l’origine…

Et le front – et les mains – qui ont, peu à peu, appris à pétrir la chair et les mots – tous les préparatifs nécessaires à la célébration de l’invisible…

 

 

Un trait furtif – un geste – une image – une parole dessinée…

Le jour solitaire qui donne aux yeux leur lumière…

Le secret qui s’expose – la vacuité qui s’offre…

Tout ce que la vie nous propose…

 

 

L’aurore nue – l’ineffable qui nous hante ; qui nous condamne à chercher – à retrouver la joie du premier souffle – de l’espace lorsqu’il n’était qu’un point dense et noir – enserrant dans ses profondeurs toute la lumière à venir…

 

 

Pas à pas – dans le hurlement du vent qui nous effraie – qui nous invite – qui nous excite…

La lente reconstitution des forces patiemment dispersées…

La folie et l’obscurité du monde et des vivants – en terre conquise – que l’on apprend, peu à peu, à dissoudre – à transformer en confusion lucide – signe (s’il en est) d’une perte identitaire et d’un surcroît de compréhension…

Et, soudain, le ruissellement de la joie à la place du sang…

Quelque chose d’entrevu – de brûlant – d’apparence définitive – et pourtant… ; le recommencement du monde et du temps – des naissances – des chemins – des tempêtes et des prières ; la même histoire qui – indéfiniment – se répète – comme si nous n’étions jamais nés…

 

 

Ligne ininterrompue entre le désir et la mort ; sans cesse renaissant…

Nageant au-delà des eaux…

Possédant au-delà du bien…

Le cœur comme une grotte excavée au fond de la chair…

Et l’invisible qui se mélange au sang…

Les chants entremêlés du ciel et des choses…

De rive en rive – et ce regard comme une brûlure sur la peau – la morsure des Dieux – l’empreinte de la lumière sur les vivants…

 

 

Les membres et la bouche entravés – pour ne rien dire – ne pas s’échapper ; et se laisser, peu à peu, gagner par la lassitude et l’abandon…

Au seuil des rêves – l’aveuglement…

Le voyage au bout des pas…

Et le bruit de nos chaînes ; et celui que nous faisons en résistant…

La parole enfouie au cœur du silence ; peut-être – sans doute – notre dernière charité…

 

 

Les heures domestiques – le regard engourdi…

Les habitudes comme des plis dans lesquels l’âme se glisse avec aisance…

Les jours-coffres-forts où rien ne peut entrer – où rien ne peut sortir…

Des existences-mirages – cadenassées – comme un désert au milieu du monde – au milieu des Autres…

 

 

Un ciel bas…

Une terre stérile…

La sensibilité aride…

L’âme comme un puits à sec…

Et la solitude et le silence – pas même adorés – pas même célébrés – vécus comme un embarras – une privation – un bannissement…

 

 

Le cœur – la main – la roulotte et le pas – fidèles à l’essentiel – aux arbres – aux chemins – aux circonstances – aux bêtes sauvages et fraternelles…

De lieu en lieu – dans l’espace – de jour en jour – dans le temps – geste après geste – au fil du voyage – comme s’il s’agissait d’un jeu ; une incroyable partie de cache-cache entre nous et les Autres – entre l’âme et le silence…

Et la beauté – et le mystère – dont on pourrait témoigner – et que nos gestes pourraient refléter – comme une manière de partager – une promesse d’embellie – peut-être…

 

*

 

Le corps absent – comme englué – au fond d’un gouffre…

La psyché opaque et obscurcie – aveugle et sourde – infirme – incapable d’attention…

Des larmes et de la sueur – tout ce qui ruisselle (seulement)…

Tentatives et peine perdue – bien sûr…

L’angoisse qui se dresse – comme un fauve affamé – et qui se jette sur toutes les (pauvres) âmes du monde…

 

 

Devant nos yeux – le récit dilaté – presque à la manière d’un mensonge – qui s’invente des méandres – des détours – des raccourcis – comme si la douleur était trop forte et l’existence trop fade – pour se hisser sans effort jusqu’à la beauté – pour se sentir digne d’assister à la naissance du jour – sans artifice – sans témoin – sans histoire à raconter…

L’esprit et les yeux vierges – face aux premiers feux qui éclairent la terre – l’esprit – le monde…

 

 

La figure vive de l’oubli – ses chuchotements à l’oreille – ses profondeurs – ses craquelures et ses étranges volte-face…

Comme une faille – dans la roche friable ; un relief torturé – des plis – des crêtes – des contours – et mille passerelles au-dessus du vide…

Et tout – bien sûr – qui glisse – irrémédiablement – vers cet appel – en contrebas…

 

 

La joie solitaire de tous les points réunis – éparpillés…

La course obsédante vers le centre unique (et commun)…

Rien qui n’excède la longueur du pas – la distance entre les périphéries et ce regard sans tremblement…

Le mystère – comme un archipel peut-être ; une oasis au milieu du désert ; un peu d’eau (et de sel) dans l’océan…

 

 

De la neige autour des yeux…

Au fond du regard – la même couleur – plus profonde peut-être – et comme ravivée par la lumière ; l’incomparable intensité de l’âme…

 

 

Assis sur cette pierre – comme un messager solitaire – en attente d’instructions – attentif au ciel – au moindre signe…

Au cœur de l’oubli qui finit (bien sûr) par tout emporter…

 

 

Toutes les douleurs – toutes les couleurs – chamboulées – à l’intérieur…

La possibilité du soleil sur la souffrance – un peu de lumière sur tous les nœuds nés à force de questionnements et d’attente…

Puis, un jour, retentit – sans crier gare – le chant du temps aboli ; et, soudain, perceptible – derrière les cadrans – les aiguilles – les mouvements – l’éternité qui patientait depuis le premier instant ; le prolongement de notre veille interminable…

 

 

Au détriment du jour – le langage…

De trop longue date – un instrument – un obstacle…

Le prix de l’échange – une forme de contrebande…

Dans le filet des Autres – des ombres…

La main prise dans le sac…

Le commerce des foules et leurs arrière-pensées…

Les prières – les incantations – les offrandes aux Dieux – à la pluie – à la terre – au soleil…

La vie animée des créatures et des choses…

Ce que l’on expérimente – ce que l’on dérange – ce que l’on détruit – ce que l’on répare – ce que l’on remplace – partout où l’on ensemence – partout où l’on se remplit la panse – partout où l’on apaise la soif et la faim – partout où l’on répand le sang et la terreur ; là où l’on vit – sans savoir – sans pouvoir – faire autrement – sans autre possibilité – sans doute…

 

*

 

Le vent – des éclats de jour sur le visage…

Et dans l’âme – la nuit tombante…

L’authentique équivoque de la matière ; et le jeu malicieux (et sans concession) de l’invisible…

Nous autres – terrain de tous les dilemmes et de tous les combats…

 

 

Dans la voix – ce qui est vu – découvert – expérimenté ; le goût du monde – le goût des choses – l’intimité de l’âme et de la chambre ; les gestes guidés par le besoin de justesse et de vérité…

 

 

Une déambulation sur la pierre – la page…

Le sol – les circonstances – l’être – tels qu’ils se présentent…

Le ciel face aux yeux qui regardent au-dedans et au-dehors…

L’esprit et la parole qui retrouvent leur envergure naturelle…

Le vide qui se cherche…

Le silence et le feu nécessaire…

L’existence sans artifice…

L’infini et l’éternité ; notre présence assouvie – et apaisée – dans tous les espaces…

 

 

A la pointe de la pierre – l’aube qui s’approche – la couleur du monde et la texture de la peur ; comme une flèche dessinée avec du sang – de la périphérie vers le centre – de la cible vers l’archer ; ainsi, sans doute, remonte-t-on vers l’enfance – le premier sourire – la matrice originelle…

 

 

Le crissement du feutre qui se hâte…

Ce qui nous hante – peu à peu – déversé…

Au bord du jour – des tremblements…

Le monde – ce qui emplit les corps – les cœurs – les crânes ; et la page – le lieu où se répandent toutes les joies – toutes les douleurs – toutes les substances ; l’espace de tous les renversements…

 

 

La parole – comme le reste – obsolète…

Ce dont on s’est lentement défait…

A présent – le silence – une présence et quelques gestes habités…

L’existence ordonnée par l’essentiel et les circonstances…

Le jour – sans appartenance – extraordinairement quotidien…

 

 

Des heures parsemées d’épines et d’étoiles…

Des syllabes – quelques mots susurrés…

Et cet étonnement perpétuel face au miracle – au merveilleux – à la beauté…

Les hommes – les Autres – délaissés – de plus en plus inexistants – comme effacés de toutes les perspectives…

Sur la pierre – immobile – dos au monde ; le visage paisible et silencieux…

 

 

Le souffle éteint – étriqué – comme dépecé par le verbe – les possibilités du récit – qui apprend, peu à peu, à s’affranchir du temps…

De moins en moins lourd – l’air qui entre – l’air qui sort…

L’inertie du mouvement ; Dieu se rapprochant du rêve – peut-être – à moins que nous ayons d’autres terres à découvrir – à explorer – à labourer…

 

 

Cette route – comme toutes les autres – porteuse de toutes les possibilités…

A pieds joints sur le sommeil et l’effroi ; comme une manière de retourner la terre et le temps – de transformer en liste vide tous les inventaires…

De l’ombre jusqu’à la folie – à travers la vie et la mort ; le retour inespéré vers l’origine…

La matrice des mondes où le poème est un angle – un (infime) recoin – une (minuscule) fenêtre – une issue qui nous exempterait des longues (et laborieuses) constructions de mots – de gestes – de briques ; une manière d’échapper au labyrinthe en demeurant entre les murs…

 

*

 

Le plus lointain – réconcilié avec l’innocence…

De l’eau – de l’encre – et le voyage qui commence…

Sur la page – l’embarcation…

Sur les flots – la table sommairement équipée…

Et les courants qui nous emportent – au fil des saisons – sous le regard indifférent des étoiles…

La longue traversée de l’âme…

 

 

La nuit – habituelle – sans mystère – qui pèse de tout son poids…

Un air de défi dans la chambre ; la lutte contre l’obscurité…

La distance qui nous sépare des premières lueurs – la périphérie de la lumière…

Les murs – comme un enclos – une geôle consacrée à l’attente…

Une certaine forme de solitude éclairée (si l’on peut dire) de l’intérieur…

 

 

L’espace libre – dégagé des encombrements anciens – patiemment – méticuleusement – débarrassé…

La terre brûlée – les intrus pourchassés…

Et à peine le temps de tourner la tête que tout, de nouveau, s’emplit ; un bric-à-brac d’objets – d’images – d’idées…

Le passage – tous les passages – (très) rapidement obstrués…

Et après mille tentatives – mille essais infructueux – vient le jour où l’apparence des lieux nous indiffère ; on laisse alors l’espace s’encombrer et se désencombrer de manière naturelle – au fil des circonstances – au fil des choses qui vont et viennent – qui apparaissent et disparaissent ; l’esprit tel qu’il est ; et les états de la matière tels qu’ils sont…

Libre (libéré) de l’espace – vide et au contenu vide ; comme ce qui est – comme ce qui peuple le monde ; et comme ce qui les contemple (en dépit de ce que peuvent constater les yeux)…

 

 

La terreur – les immondices – en colonnes – qui soutiennent la voûte sous laquelle nous nous tenons – au milieu de la rouille et des excréments…

Recroquevillés dans un coin – en attendant Dieu sait quoi…

 

 

Sur la même pente que les plantes…

Sur le même axe que les arbres…

Entre le sol et la lumière – quelque chose du sang et de la prière…

Le jeu fugace de l’immaturité et du déploiement…

La chair étirée jusqu’à l’extrême – en attendant le renversement – la possibilité d’une conversion de l’espace au-dehors au-dedans en une seule étendue – l’immensité première…

 

 

Du pain et des mots – quotidiennement…

Le silence des pas sur le chemin qui s’est choisi…

Parfois – ce qui s’offre ; d’autres fois – ce qui s’impose ; l’absence de choix (dans tous les cas) ; disons ce qui se glisse et ce qui se propose…

 

 

Le monde désabusé qui se prépare au sommeil…

Entre le chemin et la cage ; des cris – innombrables – terribles – incessants – que nul n’entend – trop occupé par sa propre douleur – l’écho de sa propre plainte – les difficultés de sa propre détention…

La porte ouverte – du soleil – que nul ne voit – trop obsédé par ses propres pas…

Dieu – le silence – la joie et la mort – pas vécus ; un espace à peine – envisagé parfois comme une issue – d’autres fois comme un intervalle – une porte lointaine qui pourrait (éventuellement) s’ouvrir sur un autre monde…

 

*

 

L’esprit encombré par son propre espace…

Les lieux communs – les allées et venues – les passages incessants…

La mémoire et la nouveauté que l’on s’échine (quotidiennement) à renouveler…

Rien en dehors de lui-même ; rien qui ne puisse être enlevé – rien qui ne puisse être franchi…

Le sans limite et ses combinaisons infinies…

 

 

Le souffle et la langue – dans le jour – sur la terre douloureuse et névralgique ; pas juste de quoi vivre et se nourrir ; tous les élans et la poésie – nés de cela aussi…

 

 

Nous – comme seul avenir – seul vestige – seul présent – à moins que nous n'existions aussi peu que le temps…

Un peu d’air – un peu d’eau – du feu – quelques éléments – un sommaire agrégat de matière(s) – que le vent trimballe ici et là – d’un lieu à l’autre – au cœur de la même nuit…

 

 

La parole recroquevillée – comme si elle devinait la parfaite impuissance du langage sur le cœur – sur l’esprit – sur la transformation de l’âme…

Le vide et le geste engagé – seulement ; essentiel – déterminant…

L’oreille attentive – le silence infaillible…

L’œil distant et contemplatif…

Et l’ardeur de ce qui brûle – à l’intérieur…

Le corps comme un temple – un lieu nécessaire à l’incarnation du ciel – du silence – du sacré…

La poésie comme instrument de précision ; de simples traits – de simples sons – des signes informes et inutiles pour la plupart – et pour d’autres (quelques-uns) – un précieux viatique pour la traversée du monde – ce long voyage vers l’aube…

Et l’âme – sans amarre – comme la seule embarcation – parmi mille – dix-mille autres – jetées ensemble dans les flots – chahutées par les vagues – au cœur de l’océan – toutes emportées vers le grand large…

 

 

Le silence sans langage…

La parole chantante…

Entre le soleil et le sang – la lame du sabre qui fend l’air – dans la tourmente…

L’enfance mal éduquée – mal endormie…

Des reliquats d’histoires – d’étoiles – de vacillement…

L’abîme des Dieux – où se logent les peines et le temps…

Le désert annoncé par toutes les solitudes…

Le vent qui ouvre les portes (presque) au hasard…

On est là – on pourrait être ailleurs ; le visage, peu à peu, défait par l’intensité croissante de la brûlure – à mesure que l’on s’approche de la lumière…

Mille siècles d’identités diverses et de tentatives ; et, soudain, le salut – à portée de main – qui, brusquement, s’éclipse…

 

 

Des barreaux finement taillés par l’esprit – par nos yeux – avec la complicité de l’invisible…

De désir en désolation…

La chambre des morts et des conceptions…

Nul autre lieu que le vide – sur les pierres…

L’éloquence – et la parole – presque toujours désastreuses…

Le poids du soleil – et des malheurs – sur la terre ; et en contrebas – le silence et l’éternité…

 

 

Assis là – sans rien faire – pris (seulement) dans les mailles du temps…

Parmi d’Autres qui ne nous ressemblent guère – comme plongé(s) dans un rêve dont nous ne serons jamais le(s) héros…

A la veille – peut-être – des noces avec l’innocence ou le Diable – à moins que nous ne soyons déjà dans la main d’un plus grand que tout

 

*

 

La pluie – entre les gouttes – l’espace – l’invisible – les interstices – ce que nous habitons – en (grande) partie…

Aucune pensée profonde ; le mythe qui se construit par strates ; et la parole migrante et volatile…

Les mains pleines de terre et de pertes…

L’âme – autrefois orageuse – aujourd’hui désertée…

 

 

Sous le masque – un peu plus loin que la mort – derrière le simulacre (juste derrière) – l’oiseau et le soleil – aux deux extrémités du ciel…

 

 

Les mondes bousculés – frappés par la foudre – le rire – la nuit…

Et des mains – par grappes – qui désespérément s’agrippent ; et les cœurs traversés par la tristesse et le temps…

Le corps – pas davantage qu’un ventre – tout juste bon à être rempli ; et ce qu’il en sort – des têtes et des étrons…

Et nous – pauvre(s) diable(s) – un peu à l’écart – sur le chemin qui mène aux confins du vide et de la lumière ; certes sans descendance mais, comme tous les Autres, pas le moins du monde affranchi(s) de la matière…

 

 

Les lèvres mobiles et silencieuses – psalmodiant pour elles-mêmes quelques prières…

L’outil des solitudes – un sens donné au ciel et aux routes terrestres…

Et les pages que l’on noircit de mots (plus ou moins intelligents – plus ou moins intelligibles)…

Des liasses de douleurs – de désirs – d’intentions ; le lot habituel d’excès et de volonté ; ce qui ronge l’âme et la chair…

Et le ciel et la table qui (nous) attendent – sans échéance – sans impatience…

 

 

Au cœur du nombre – le commun et l’unité…

Le défi de Dieu et le défi de l’homme…

L’esprit promis à son éparpillement et à ses retrouvailles…

La terre tremblante et dérisoire…

Le ciel et le vent…

Et le geste innocent à redécouvrir…

 

 

La pierre et le sang – mélangés au souffle et à l’effroi – ce qui, sans doute, constitue la substance essentielle des vivants…

Des cris aux abords de tous les cercles…

Les âmes au seuil du dialogue – entre la confrontation et le silence – pas encore pleinement indifférentes aux circonstances et à la mort…

 

 

Le cœur naufragé qui cherche une île – un lieu – une terre d’accueil – un espace propice à sa convalescence et à son redressement – une manière plus verticale de dériver…

Pas un itinéraire ; une errance jusqu’à Dieu – pas même une errance – une immobilité ouverte – une ouverture progressive – dans laquelle Dieu pourrait se glisser…

Une simple étape dans cet interminable voyage aux allures de respiration…

 

 

La parole biaisée par la posture sponsale du monde…

L’éloignement des rives que réclame la poésie – la nécessité de l’exil et de la solitude ; ce qu’offrent à l’âme (et à l’esprit) la distance et la dépossession…

L’idée du monde reléguée aux oubliettes au profit de ce qui se manifeste – très provisoirement – en et devant soi – cet amalgame entre ce qui a lieu et la façon dont cela nous affecte…

 

*

 

Avant d’apparaître et de disparaître – les conditions requises – des signes – des faits – tous les préparatifs invisibles…

Puis, soudain, ce que l’on voit de ce qui a lieu – le plus tangible (enfin) perçu…

Le simple déroulement – bien sûr – de ce qui a commencé très antérieurement…

 

 

Quelques failles – parfois – dans la simplicité – l’émerveillement face à la lumière…

Le vide et notre nudité…

Des résistances – en quelque sorte – à l’expérience de la perfection…

L’entremêlement des contraires (à son comble)…

Ce qui se mélange – de mille manières – sans rien exclure – sans le moindre intrus – la moindre anomalie…

Le naturel – par lambeaux – qui advient et gouverne…

 

 

Ni place – ni nom ; la flexibilité de la matière et de l’esprit…

Des accélérations et des ralentissements – dans le vide…

Des trajectoires droites – courbes – tourbillonnantes ; qu’importe la longueur – le sens et la direction…

Du souffle donné à toutes les figures ; et tous les élans autorisés…

Aucune prédominance du bleu ; la vie autant que la mort – parfois moins – parfois davantage – la danse des polarités – main dans la main – au corps à corps – parfois fulgurance – parfois hurlement – parfois néant – parfois pure poésie…

Le feu calligraphiant ses flammes – son encre – sa cendre – sur l’immensité ouverte et vivante – tantôt habitée – tantôt dépeuplée ; et nous autres – et nous tous – oscillant (sans cesse) dans notre manière d’être là…

 

 

Le temps – la parole – comme une lumière sur nos pas – sur nos pages…

Aussi incisifs qu’un geste…

La mort et la vérité – jamais trahies…

Au plus près de l’affût et de la respiration des bêtes sauvages…

L’attention juste…

L’inquiétude appropriée – exempte des excès de la crainte et de l’individualité…

La vie – comme l’eau des rivières qui, peu à peu, polit la roche…

Sentir en soi – sur soi – le labeur – la transformation des états – l’âme qui s’affine et s’aguerrit ; le franchissement (progressif) des obstacles et des seuils…

 

 

Notre main dans celle de tous ceux qui ne sont plus…

Et – chaque jour – la chaîne qui se délite – la chaîne qui s’agrandit…

 

 

Notre regard face au mur ; aussi aveugle l’un que l’autre…

 

 

Au milieu des pierres – des ombres – des bêtes ; d’autres usages – les apprentissages nécessaires à la vie des interstices – aux marges du monde des hommes – là où l’espace et le voyage obéissent à d’autres règles – à d’autres lois ; là où règnent l’invisible et la justesse ; l’essentiel et la nécessité – sans faute – sans surplus – sans péché – sans fantaisie…

Le pas et l’instant vécus de manière brute et authentique…

La terre comme elle est – sans paresse – sans corruption – sans pouvoir sauver quiconque ; et cette fraternité secrète perceptible au fond des yeux – au fond des cœurs – dans tous les gestes involontaires…

Au milieu de la forêt – nos derniers secrets livrés à ceux qui nous regardent – à ceux qui nous épient ; seul et à sa place – au sein de cette communauté qui n’est qu’un grand corps vivant – aussi vigoureux que possible pour durer encore un peu malgré la rudesse – les limites et les hostilités – de cette existence terrestre sous le joug, de plus en plus tyrannique, des hommes…

La vie sauvage, sans doute, condamnée à disparaître – et qui subsistera, peut-être, au fond de l’âme de quelques-uns ; la part la plus rebelle – la plus indomptable – qui trône aux côtés de l’enfance éternelle…

 

*

 

Uniforme et singulière – la lumière – sur la trame du monde – éclairant la nudité du ciel et des créatures – la fragilité des existences – la simplicité de notre voix – notre parole sans rituel…

Rien de la rupture d’autrefois – cette impérieuse nécessité de la séparation ; le besoin de se différencier des autres hommes…

Ici – à présent – l’air d’un seul souffle – l’espace d’un seul tenant ; rien qui n’éloigne – ce qui, au contraire, maintient les yeux et le cœur ouverts sur l’intimité…

 

 

L’horizon – le seuil perceptible du monde – comme si nous pouvions deviner la vie des Autres – l’existence des hommes – enfermés sur eux-mêmes – et entrouvrir cette lourde porte qui s’est, peu à peu, refermée sur leur nuit impénétrable…

 

 

Le sommeil ; et les battements du cœur…

Le vide ; l’intensité de l’âme – au chevet du monde…

Partout – des fils et des éboulis – des offenses et des atermoiements ; rien de précis – rien de mesurable ; un passif lourd et chargé de symboles…

Et des pelletées d’angoisse en surplomb…

L’homme et l’inquiétude…

La crainte du réel – la malice (un peu perverse) des illusions ; quelque chose comme une cécité opiniâtre – notre pauvre cognition…

Des lacunes et de la violence…

Tous les visages de l’incomplétude – en somme…

 

 

Le plus lointain – en une seule enjambée…

A l’angle – l’attente du vertige…

La douleur exagérée – vite oubliée – face à l’horizon ouvert – à l’élargissement du regard et de la perspective…

L’autre monde – à moins d’un pas…

 

 

Entre nos mains – quelques prises…

Nous – à force de marcher – devenu(s) chemin ; à force de prières – le ciel légèrement apprivoisé…

Quelque chose entre l’étreinte et l’oubli…

Le monde et notre tête – de plus en plus indistincts…

 

 

De l’incertitude plein la vie – plein les mains – plein la bouche…

L’aventure poétique et le chemin nourricier…

D’un côté – la mort ; et de l’autre – le silence…

Et les pas qui s’inventent ; et les identités qui s’effacent…

Quelque part – peut-être – dans un coin de l’univers…

 

 

Toute la solitude du monde – invitée à notre table – feuille et main complices – l’âme présente et discrète – veillant au bon déroulement des noces – à l’achèvement (laborieux) de l’œuvre agrégée…

Autant une approche qu’une invitation…

 

 

Ce qui coule dans nos larmes – toute la misère du monde…

Les âmes suppliciées – exclues de tous les processus terrestres…

Ce qui cogne entre nos tempes – au fond de la poitrine – à toutes les portes cadenassées ; la vie qui chante ; la vie nue et dépossédée ; et ce qui lui répond trop souvent ; les reflets du miroir – le cœur reclus – le ventre affamé…

Rien ni du silence – ni de l’intimité…

Notre lent pourrissement sous le ciel – parmi les Autres ; la terre qui retrouve la terre ; les seuls barreaux de l’âme – cette prison de glaise…

 

*

 

L’éblouissement – la face ensoleillée…

Genou à terre – l’écriture comme un feu – un redressement de l’âme – presque une fierté – la rectitude du cœur au-dessus des divergences passées…

Les mains en cordage sur lequel grimpent – en nous – les plus malhabiles et les plus récalcitrants…

Et en un seul souffle – nous nous hissons – ensemble – comme un seul homme…

 

 

Des pages – des pas – quotidiens – sans visée – aussi naturels que possible…

Sur le chemin – de la violence et toute la lucidité dont nous sommes capable(s)…

L’encre – le sol – le ciel – la sueur ; ce qui nous constitue – (assez) précisément…

La marche – la parole – sans effort – un mot – un pied – après l’autre…

Ainsi vivons-nous ; ainsi pouvons-nous exister – au milieu de nulle part – au milieu de personne…

Seul le bruissement du feutre et des sandales sur la sente…

 

 

Quelque chose dans la voix – comme une fêlure – la même que celle sur la peau – la même que celle sur les os…

L’âme que l’on déchire – et que le monde, peu à peu, réduit au silence…

 

 

Sous les paupières – ce rêve récurrent ; le désir d’une nuit compréhensible et merveilleuse – comme de la boue transfigurée – du plomb que l’on transformerait en or – de l’ombre que l’on transformerait en lumière…

L’approfondissement du songe ; et sa (probable) métamorphose en cauchemar…

Les yeux fermés qui – peut-être – ne se rouvriront plus…

 

 

Le silence déchaussé – plus respectueux encore – qui refuse le verbiage et les complexités capricieuses du langage…

Le seul recours – sans doute – pour accroître l’attention – restituer sa place à la présence…

Dieu – en l’homme – sans image – sans intermédiaire…

 

 

Au chevet du monde…

La bête et son cri – comme une flèche qui traverse la bêtise et la folie ; l’inutilité du sacrifice…

Toutes ces têtes gouvernées par le troupeau…

Tous ces mondes – tantôt parallèles – tantôt superposés – selon la perspective et l’étendue du regard…

L’unité multipliée de diverses façons…

 

 

En nous – le peuple et les forces de survie…

L’inconnaissance et les lieux inconnus du corps…

La part de la pesanteur dans le poids du mystère ; à peu près rien – sans doute ; simple contingence – au même titre que le langage – simple manière – à la fois – d’appréhender le réel et de s’éloigner de la vérité…

Le cœur comme logé à la mauvaise enseigne…

 

 

Enterrés – comme les ténèbres et les entrailles…

Le jour et la nuit du monde ; les nécessités de l’écriture…

L’enfance et le paradis – délivrés du doute – de la sottise et de la (supposée) connaissance…

A chaque fois – en chaque lettre – ce qui commence…

 

 

Nuit-phare – éclairante (à certains égards)…

Part d’ombre lumineuse – (en partie) enterrée – visible depuis l’intérieur – lorsque la lucidité commence à tenir lieu de boussole…

 

 

Le mot – si proche de la bouche…

La bouche – si proche de l’âme…

Le cœur et le monde – parfaitement alignés…

La terre et Dieu – si singulièrement familiers ; les seuls indicateurs de notre présence…

Quelques signes ; le cœur battant de la vie ; et ce que l’on abandonne sans regret…

 

 

Le jeu des forces…

Le langage commun et simultané de l’immanence et de la transcendance…

La poésie sans le poids des mots et des intentions – comme une ivresse – un vertige – de la parole…

Une manière de disparaître derrière le réel – et la vérité – peut-être…

 

 

Le temps – notre passé mortel…

Ces incessantes allées et venues…

Ce que nous étions aux âges préhistoriques…

La terre – le sang et les semences ; tous les impératifs organiques…

Aussi entouré(s) que possible…

 

 

Les ailes rétractées – et dissimulées – comme une tenue étrange – inappropriée à la vie terrestre – à la vie humaine ; une sorte d’extravagance (presque une coquetterie) au cœur de notre chair millénaire…

La marque lointaine des Dieux et du soleil – comme un peu de ciel gravé dans les profondeurs de la matière – aux premiers jours du monde – entre la surface et le sous-sol – là où a été installée la demeure de l’homme…

 

*

 

Le monde et le temps – blessés…

Et cette voix qui s’étrangle à épeler le nom de tous ceux qui vécurent ; de vie en vie – jusqu’à la dispersion – jusqu’à la disparition…

Des passages et des traversées – et le déroulement des histoires gouvernées par le cours des choses – de cause en peine perdue…

D’une seule pièce – cette nuit – comme une étoffe – une étendue – la même trame dans laquelle sont tissés les bêtes et les Dieux…

Un seul songe – et mille soubresauts – mille tentatives…

 

 

Vivant – à la manière d’une figure non tutélaire – non légendaire ; une insignifiance – une (minuscule) nécessité parmi les autres – un infime bourdonnement – l’un des innombrables échos de l’origine ; pas moins – ni davantage…

Immergé – avec le reste – dans la danse et l’aveuglement – beuglant et gesticulant au milieu des murs et des yeux fermés…

 

 

Le feu – la feuille – des lignes comme la rosée – les premières fraîcheurs des cimes – sur le versant le plus fleuri – le plus boisé – et, un peu plus haut, la roche dure et nue…

Et le pas transitoire qui explore les horizons de l’âme – du monde ; ce mélange opaque et mystérieux de matière – de peurs et de questionnements…

Au bord de la langue – le précipice…

Entre la parole et la chair – entre le ciel et ses promesses – cet écartèlement qui confine au vertige et à la chute…

Et cette nécessité (de plus en plus impérieuse) de donner corps à l’invisible ; l’ineffable – le Divin – ressentis – entrevus – un jour, en un lieu – en mille lieux – familiers – et qu’il faut (à présent) apprendre à apprivoiser…

 

 

Le jour annonciateur – la terre et le ciel majoritaire – ce qui anime (et constitue) toutes les formes d’étreinte – des plus spontanées aux plus solennelles – des plus élémentaires aux plus sophistiquées…

Nous – nous servant nous-même(s) – dans un sens – puis, dans un autre – avant d’embrasser – sans jugement – sans hiérarchie – toutes les nécessités…

 

 

Le chemin – comme toujours – la porte ouverte – l’interrogation délaissée au profit de l’attention…

Le regard – sans les yeux qui traînent en avant – en arrière – partout où il est possible de glaner les informations nécessaires à l’anticipation – cette manière inconséquente d’essayer d’apaiser nos peurs et notre angoisse de vivre – consubstantielles à notre ignorance et à notre aveuglement…

 

 

Sur le fil tendu – sur la crête des vents – entre les murs du monde et l’immensité…

Là où l’on doit être – sur le versant opposé à celui où (en général) traînent les hommes et les pas…

Juste derrière l’oubli ; la présence et la parole – à portée de geste…

 

 

Sur cette balançoire – immobile(s)…

Animé(s) par mille mouvements simultanés…

Entre deux rivages ; l’un, froid et l’autre, illuminé…

Au milieu des flots ; parmi les courants impétueux du monde des choses…

Avec, de temps à autre, quelques visages ; davantage croisement que rencontre – plutôt une forme d’apparition ; des têtes sorties de leur histoire et de leur contexte (considérées comme sans importance pourvu que l’on ait un auditoire)…

Notre solitude ; notre existence à tous – en somme…

 

*

 

La voix – en retrait – dissimulée – qui s’avance – qui exprime ce qu’elle taisait – ce qu’elle a toujours (plus ou moins) tu – ce qu’elle avait à dire…

Quelque chose – en nous – à présent – qui parle – qui se met à parler…

Ainsi commence (parfois) l’écriture – la découverte de l’abîme que nous portons et les premières navigations sur cet océan intérieur – inconnu – gigantesque – mystérieux…

Et dans les veines – cette encre – par giclées – qui se jette sur la page…

Une langue à vif ; et l’âme dolente qui s’épanche – qui se répand – profondément effusive…

Cette étrange triangulaire entre la plainte – la sensibilité et le silence…

L’espace sans figure qui nous réunit – qui nous réconforte – qui nous console de cette incroyable incompréhension à vivre – de ce refus, parfois si aigu, d’être là…

Une réponse – pourrait-on dire – née d’une autre bouche – d’une âme moins farouche – d’une étendue moins nocturne – peuplée d’oiseaux et d’intensité ; une terre de couleur où la voix désaltère la soif – apaise les brûlures – comme un feu qui lutterait contre des flammes hautes et invasives venues d’ailleurs – de l’extérieur peut-être – attisées par on ne sait qui…

 

 

Danser encore – à travers le jeu funeste des ruptures…

Des transes et des traces ; ce qu’il reste de ce dont on s’est séparé…

En nous – les os et la fange séchée…

La chambre et l’espace – de plus en plus vides…

La douleur qui apprend à se décomposer…

Moins de larmes ; et davantage de fleurs et de lumière ; l’espoir (presque) reconquis…

La sauvagerie immense du geste et du regard qu’il faut apprendre à apprivoiser…

L’immobilité qui remplace, peu à peu, notre errance – toutes nos (vaines) gesticulations…

 

 

Hors des sentiers cannibales…

Entre la bête et l’étoile…

Encore de ce monde – en un sens…

Le poème – ni comme récit – ni comme refuge ; une brûlure plutôt – un peu de lumière – une manière de faire naître le plus proche en soi ; de sentir, dans son âme, vivre le mystère…

Couché sur la page – puis, sur le sol – comme un tourbillon de poussière…

 

 

La quiétude – la lumière – ce dont nous prive(nt) le savoir – nos croyances ; à la place – la nuit et l’attente…

Un présent à réaliser – à bâtir sans la tête – les mains utiles aux offrandes et aux ablutions…

Et tous les gestes à accomplir de façon non somnambulique pour échapper à la mécanicité du monde – à notre rôle de fantôme servile et conditionné…

 

 

La vie fragile et exposée…

La chair à vif – la peau inerte et desséchée…

Et comme une force sous la carapace…

La lumière au-dedans du jour – pas encore perceptible…

Ni Dieu – ni sommeil ; l’intimité de l’âme et du monde…

 

 

Le temps – en nous – accumulé depuis le premier jour – et qui, soudain, se convertit en plaintes – en cris – en paroles – plus rarement en joie – comme si la vie terrestre cartographiait le sommeil – et le rêve à l’intérieur du sommeil – et la pointe du vivant à l’intérieur du rêve – comme si nous étions né(s) ailleurs – plus loin – plus haut (sans doute) – comme si nous étions destiné(s) à un autre monde…

 

*

 

Le réel – clandestin dans nos vies – gouvernées par le rêve – le désir – l’intention ; à la solde de l’imaginaire et de la volonté…

Le suintement et l’étincelle – dans l’immédiateté – le règne (toujours caduque) de l’instant appréhendé dans sa perpétuelle succession…

Les vivants plantés de chair et de souffle…

La nuit plantée de noir et d’étoiles…

L’obscurité (ontologique) de la terre…

Et le rougeoiement du vide face à nos vies immobiles – sans révolution – sans bouleversement – artificiellement colorées ; à la manière d’un campement confortable et sans surprise…

Parfois – des injures proférées et des menaces jetées à la face des Autres ; d’autres fois – des caresses reçues et prodiguées – par des esprits aveugles – des âmes et des mains sans expertise…

La peau qui frémit – pourtant ; et le cœur qui palpite – en dépit de l’absence – en dépit de la médiocrité…

L’acuité des sens – la matière (particulièrement) sensible…

Le vivre et la langue – scrupuleusement rehaussés – pour nous donner des airs (vaguement) humains…

 

 

Le jour – parfaitement lisse…

Les lèvres libres – l’âme affranchie des résidus magmatiques – de la matière (strictement) labyrinthique – hautement terrestre…

La saveur et la sensation…

La sensibilité et l’intuition…

Le monde hors de soi – autonome et oligarchique…

Et des murs – sur toute l’étendue…

Et en long et en large – notre parole faussement salvatrice…

Un triste spectacle – et (presque) aucune possibilité – pour les hommes à l’âme désuète et grise…

 

 

La désinvolture des gestes – un peu de légèreté – le présent des Dieux – l’offrande des vents…

Cette étrange manie – cette joyeuse manière – d’aller – sans savoir – là où la vie nous mène…

 

 

Parfois rampant – d’autres fois sautillant – comme l’homme et la bête – le monde visité…

Nous – les hôtes sans mémoire – aux séjours terrestres innombrables – comme nos ancêtres allant chercher de l’eau à la rivière – usant encore – comme eux – du feu et de la pierre – pour cuire nos aliments – nous réchauffer – construire nos habitations…

Le manque – l’incomplétude et la souffrance – toujours présents dans le sang…

Le corps et le cœur – aussi proches du sol qu’autrefois – comme si le ciel n’était qu’un décor – l’arrière-plan de nos vies misérables…

 

 

Au bord d’une fenêtre – les cheveux rasés – la terre défrichée – la douleur recluse au fond de la poitrine…

A genoux – appuyé contre le reste de l’univers…

Émerveillé – comme si nous étions face à l’immensité…

 

 

Seul – ici – alors que d’autres – ailleurs – vivent ensemble – en groupe – forment une communauté – une collectivité…

Et la même substance – pourtant – qui coule dans nos veines…

Les uns – la plupart – terrifiés par la solitude et les autres – quelques-uns – qui rêvent de liberté et d’émancipation – de terre et d’existence vierges – sans règle – sans la loi du nombre – fuyant les consensus et les conventions – se fiant à leur instinct et à leur intuition – s’abandonnant à la magie et au mystère du cours des choses – se laissant entraîner par les courants qui les emportent – réfractaires à toutes les formes de volonté et d’ambition…

 

*

 

Des murs de pierre – devant l’oubli…

Des remparts et des sentinelles – les gardiens de la mémoire…

Des points de tension et de relâchement…

L’esprit jouant avec lui-même – renâclant à se perdre – résistant à toute tentative de sédition…

A la fois reflets – miroir et lumière…

Ce qui se meut et demeure immobile…

 

 

La route reculée – aux frontières de l’air – derrière les derniers retranchements du monde – aux extrêmes périphéries de la terre – là où ne vivent que les âmes claires et perdues…

Ici et ailleurs – en vérité – comme des lambeaux de chair qui se détachent du sommeil…

Le sang – à profusion – qui gicle indistinctement sur le sol et les visages…

L’ancien monde – corrompu et dépravé ; et nous – apprenant, peu à peu, à nous en éloigner…

Tout – jusqu’aux plus atroces massacres – réalisé au nom de chimères…

Au-dedans de la trame – le vide et la matière – les tribulations des bêtes et des hommes – enfermés dans le périmètre du monde et du temps…

Rien d’autre ; quelques nœuds imperceptibles – sans importance…

La même vibration de l’air ; la terre et le ciel – sans volonté…

 

 

L’étreinte abrupte de la langue – inutile si souvent – si rarement capable d’intimité avec le monde des choses – la réalité des visages ; le vide comme seule substance – l’essence du manifesté…

L’essentiel – dans le regard et le geste ; notre manière d’habiter le corps et la terre – notre manière de jouer avec l’invisible et la matière…

La voix muette – comme étranglée ; et cette douleur lumineuse au fond du cœur ; et cette si singulière façon de faire face à la nuit et à l’hostilité des Autres…

Pas même un combat – pas même une idée – et moins encore une odyssée ou une idéologie – le plus quotidien et le plus nécessaire qui se réalisent en actes…

 

 

Des croix – des routes – des fardeaux à porter…

Des pentes à gravir et à dévaler – sans raison…

Le voyage – non comme éthique – non comme liberté ; l’obéissance au rythme et aux pas naturels…

Ivre(s) de soi – de chemin – de soleil…

Chaque traversée jusqu’au vertige…

La mort jouant – feignant le retrait ou la fatigue – qui se réjouit de tromper la chair trop crédule – de trahir la foule des croyants…

Comment ignorer qu’aucun drame – qu’aucun bain de sang – ne nous sera épargné…

Aucune certitude – aucun salut…

Le vivant – la proie du ciel – condamné aux rives basses – à la survie (à peine)…

Et les mots qui tentent de décrire l’incarcération – la course et la chasse – de circonscrire la propagation du feu et de la folie – d’offrir une distance – une issue, peut-être, au cœur même des murs et des Autres – au cœur même de cette détention terrestre…

 

 

La vie – sur le fil – entre chute et rupture – le pas mal assuré…

Ni retour – ni immobilité – possibles…

Ce qui est né pour cheminer – se mouvoir – avancer – animé par on ne sait quoi pour aller on ne sait où…

Entre l’inconnu et l’oubli – la foulée – ce qui échappe au temps et à la mémoire…

Debout – en apparence ; et agenouillé à l’intérieur…

La terre brûlée et le ciel défait…

Entre l’abîme et l’absence – notre vie (à tous)…

 

 

Les tremblements de l’âme face aux déchirures – à l’immensité…

L’éternité brève que l’on nous propose…

Le monde marchand qui nous vend toutes sortes de rêves et de périples – comme s’il nous était impossible de rester sur place – sans rien faire…

 

*

 

Le jour attenant à la pierre…

La lumière errante et souterraine…

Le bleu – sans stigmate – du ciel – à travers l’encre…

 

 

La mort – plus vive que les vivants – moins farouche – comme un trait – un souffle – le fer acéré d’une hache qui s’abat sans frémir…

Rien de cette parentèle humaine timide et timorée…

En filigrane – la vocation du voyage et les mésaventures du voyageur…

Nous – vivant(s) – comme des bêtes qui apprennent, peu à peu, à cohabiter sur un territoire déterminé…

L’intimité avec la nuit et l’insolite – peut-être ; privé(s) (trop souvent) de cette inclination à l’exploration et à la découverte qu’exigent l’âme et la compréhension du réel…

Le monde et le sommeil – dans leur alliance secrète – condamnant (presque) tous les hommes à rêver…

 

 

L’étrangeté de la parole sans écoute – comme livrée à elle-même – à sa pauvre litanie ; le discours récurrent comme le manque et la soif – la peur et la plainte – les doléances en boucle – comme un cri – la douleur organique de l’âme condamnée à la réclusion terrestre – très provisoire – fort heureusement…

Quelque chose – en soi – du départ et de la perte…

La chute inéluctable de l’homme…

Le resserrement du délire – ce qui nous garde de toute forme de confrontation avec le réel…

Une manière de renforcer la folie en souhaitant y échapper…

L’ombre à laquelle on s’abreuve au lieu de se désaltérer à la source…

 

 

Au-dessus du sol – des têtes – des océans – le continent des oiseaux – le royaume des hauteurs – les terres de l’invisible – les sphères figées du temps…

La matière et le néant – déstructurés…

L’indicible – au plus près du regard…

 

 

Au creux de la paume – un surplus de tendresse inutilisé…

L’attente suspendue – la réduction de la distance qui nous sépare du mystère…

Le monde sur son échelle horizontale – entre les deux infinis – les extrémités positive et négative inventées par la raison…

Et dans le ciel – le silence – les âmes et la poésie ; ce qui compte davantage (bien davantage) que nos bavardages et nos gesticulations…

 

 

Pieds nus sur la mort (l’idée de la mort) – la tête traînée sur le sol – dans la poussière – pendant quelques siècles barbares…

Le cœur et l’esprit piégés par les promesses du savoir…

Et l’invention inattendue d’une langue sans alphabet ; une manière poétique d’habiter – et de décrire – le monde – le silence et la joie – simultanément…

 

 

Seul – parmi les Autres – sur ces rives analphabètes où nul n’apprend à décrypter les signes et les gestes – où chacun se laisse gagner par la facilité – celle de la naissance et celle des circonstances – l’aptitude naturelle à verser le sang – à faire régner la violence ; notre assise sans repère sur le monde – cette odieuse mécanique vouée à la domination – à l’exploitation – à l’anéantissement…

 

*

 

La perception et le jugement – communs – étendus jusqu’au délire…

De chimère en chimère – comme un voyage aux airs de long séjour dans l’à-peu-près et la faillibilité…

Chaque chose et chaque visage ; des formes et des couleurs – changeantes et incertaines – anticipées et, sans cesse, refaçonnées par l’esprit…

En chaque tête – mille filtres – mille univers – mille découvertes – mille trouvailles (plus ou moins) singulières…

Et ce monde kaléidoscopique – projeté sur le mur blanc de la solitude…

Libre(s) et emmuré(s) – en quelque sorte – prisonnier(s) d’un cadre – d’un décor – de paramètres – qui ne seront jamais les nôtres…

 

 

Le rire face au vide – à la rigidité des postures – à la rectitude des lois – à l’inertie du monde terrestre…

De simples images – quelques sons – en guise de langage et de représentations…

Des traînées de lumière sur la fange – sur les immondices qui recouvrent le sol – comme de longues trouées imperceptibles – une possibilité de passage – au cœur de notre dérive et de notre éparpillement…

Avec la bêtise et la folie – l’une des rares choses qui nous réunissent – sûrement…

 

 

Le corps-hantise – le corps-sacrilège – comme si la matière était une erreur – une abomination – un péché – une invitation inutile au chaos et à la dépravation – une sorte d’obsession interdite et malvenue…

Le siège – pourtant – de l’âme – de toutes les transhumances – d’une métamorphose possible ; le ciel incarné – l’intelligence du bruit et du mouvement ; la manifestation vivante du silence et de l’immobilité ; l’infini sensible décomposé et organisé en infimes parcelles – en minuscules fragments…

 

 

Le jour – toujours – au détriment du rêve – comme une fenêtre ouverte – un peu d’infini inoculé dans la contraction – un peu de ciel nécessaire à notre survie – ce que l’on offre à la chair (une sorte de supplément d’âme) pour affronter le réel…

Une terre d’accueil – une île au milieu de l’océan – une prière au cœur de la bataille – au milieu des morts et du sang…

 

 

Sans lutte – sans but – présent seulement à la manière de la rosée – simple phénomène à l’apparition conditionnée – au déroulement et à la disparition programmés…

Comme le poème – la parole innocente – notre vie sur la pierre – la réalité sans artifice – la vérité sans travestissement – au-delà du rêve et de la fiction…

 

 

La lumière exposée – prémunie contre notre fertilité persistante – opacifiante – qui crée une épaisseur insensée – un surplus de matière et de langage sur tous les objets terrestres…

L’alphabet nocturne dont nous faisons (tous) usage…

L’état permanent du monde et des âmes voués à l’obéissance et à la soumission…

L’abolition (progressive) des conquêtes et des couronnements…

La promulgation de l’incertitude ; et le vent nécessaire à toutes les capitulations…

La fragilité (enfin reconnue) des continents sur lesquels nous vivons…

La transparence de toutes les architectures – la transformation de l’ignorance – la destination des pas…

Tous les lieux où nous nous trouvons – simultanément – en somme ; le règne de tous les possibles et de toutes les superpositions ; ce qu’il nous faudra encore apprendre à reconnaître…

 

*

 

Le cœur perdu – le corps d’un autre…

L’âme – sur la feuille – étendue…

Sans savoir si l’on respire encore…

Avec un goût de métal dans la bouche ; et le parfum de la mort dans les narines…

Le souffle de la grisaille au fond de la poitrine ; le monde suffoquant – en soi…

Les yeux – comme les doigts – tournés vers le soleil – à l’heure du zénith ; un peu d’espérance face à l’innommable – du fond de notre abîme…

La lumière tantôt comme un piège – tantôt comme une invitation à sauter dans l’inconnu ; l’une des rares choses, sans doute, qui nous soient autorisées…

 

 

En chemin – un genou au sol…

Le panier vide – notre seul bagage…

Et les Autres – trop souvent – entre le sommeil et l’insipidité…

Le grenier qui regorge de grains – le cumul de tout ce qui a été récolté…

Le séant immobile – la tête penchée sur tous ses rêves…

Les yeux fermés – bien sûr ; et toutes les formes de poésie écartées – jugées inutiles…

Les obstacles pulvérisés ou franchis – excepté celui qui réduit la vision – la perspective – l’expérience – comme renforcé par cette pitoyable démarche – cette prudence – cette tiédeur – ce filet qu’on tisse en dessous de soi et dans lequel on finit par se prendre les pieds…

Les forces invisibles – au-delà de la poussière et des tourbillons – délaissées…

La vie réduite et la confusion…

Et tout ce que l’on ignore – ce que l’on abandonne derrière soi ; le sang – les larmes – la somme des blessures infligées…

Nous – nous croyant libre(s) – libéré(s) – et divaguant, depuis le début (depuis toujours peut-être), dans le même ravin – dans cet étroit sillon creusé par tous les vivants de ce monde…

 

 

La figure et le nom – involontaires – si incertains – sous influence – sous le joug des circonstances – indéfiniment transformables…

Comme les vents qui circulent – sans point de départ – sans destination ; maillons provisoires d’un long processus …

L’apparence (changeante) du monde…

 

 

Sans cesse balayés – cette poussière – ces fragments – que nous sommes – que nous amassons – avec lesquels nous jouons à vivre…

L’existence comme une interminable partie aux règles mystérieuses…

Des cases griffonnées à la craie – sur le sable – sur la roche – pour nous persuader qu’il existe un sens et une direction – un chemin à suivre (ou à explorer) – au cœur du désordre – au cœur du chaos apparent…

 

 

De l’ombre à l’oubli – comme la preuve, bien sûr, d’une intelligence…

Des silhouettes et des masques d’argile – de la terre vaguement agglomérée…

Mille formes qui changent et s’échangent – le temps de quelques souffles – de quelques saisons…

Et – au-dedans – de la matière – de l’inconsistance ; et le vide qui, parfois, s’interroge…

Le silence qui découvre le bruit ; et l’œil, la multitude…

Le sujet – curieux de tous ses visages – de tous ses reflets – tantôt silencieux (acquiesçant) – tantôt se questionnant jusqu’à la torture…

La lumière et l’obscurité – entremêlées ; ici et ailleurs – partout où l’on va – partout où l’on se trouve…

 

*

 

Terre de crête – au-dessus de la perfidie…

La nudité en point de mire…

L’obscénité des vies (inertes – hideuses) qui font commerce ; du porte à porte – en quelque sorte – histoire de voir au cas par cas – le négoce incessant en tête à tête…

Et ce rire – en pleine nuit – au-dessus du monde – des bêtes et des hommes qui se querellent et font des affaires…

 

 

La continuité du temps – des choses – du monde…

Des vies ininterrompues – des existences entremêlées – des destins qui se croisent et se tissent…

Des fils et des nœuds sur lesquels on pose des étiquettes – des mots qui induisent des images et des symboles…

Des masques et des cachettes…

Des parures et des corps à corps…

De la matière qui s’anime…

Des choses et des substances qui se mélangent…

Le perceptible qui se sculpte – indéfiniment…

Partout – le labeur et les mains de l’invisible à l’œuvre…

L’ouvrage merveilleux et permanent…

 

 

Cet Autre – en soi – qui approche…

Nous-même(s) – mieux que quiconque – qui nous connaît et que nous ignorons (en général) ; l’enfant-infini – l’inconnu – le plus intime – le vent et la voix liés parfois par le rêve commun – parfois par le dessein divin…

L’effacement de toutes les figures ; le vide puis, l’engloutissement…

Une sorte d’île ou de nacelle pour l’âme et la poésie – offerte(s) aux formes les plus sensibles ; l’élan qui porte au voyage (véritable) ; toute la légèreté du monde…

 

 

La main mendiante – la chair dépliée – dans l’obscurité blanche de la lumière…

Le monde – comme un glacier – une nuit sans lune – le reflet de notre désir – une fenêtre derrière laquelle sont postés des yeux indifférents à la vie des Autres – à la vie de l’autre côté de la vitre…

Ce que nous empruntons ; tout – jusqu’à la barbarie – pour habiller notre nudité – cette ossature invisible sous le joug de la matière – soumise à toutes ses exigences – à ses capacités comme à ses limitations – avançant à tâtons au milieu des lois qui la régissent et des règles (de plus en plus nombreuses et complexes) qu’ont inventées les hommes…

 

 

De naissance en naissance – comme d’île en île – sur le même océan…

Ainsi s’affûte l’expérience ; et s’accomplit le voyage…

Une navigation à vue par temps clair et par temps de brume – au jour le jour…

Seul(s) – sous les étoiles – à explorer la terre – sans même le souci de l’embarcation et des embarcadères…

Toute la géographie que l’on porte en soi ; et que l’on découvre – peu à peu…

 

 

Des lignes – du vivre – de la douleur ; et cette âme – partout – qui cherche la joie…

(Presque) le même héritage pour chacun ; les coutumes – les habitudes – les instincts et les inventions…

Et cette foulée lourde et fragile…

Et cette inertie – puis, cette (inévitable) glissade vers la fin – vers la transformation…

Le monde – ce mystère – cette malédiction ; notre double – le reflet du miroir – de toute évidence…

 

*

 

Le jour – initié par l’aube…

Et nous autres – à cheval sur la mort – sur la nuit – condamnés à cette étrange traversée – à cette furieuse cavalcade vers ce lieu où, selon les Dieux, s’origine l’aventure – comme si à nous seuls nous pouvions désobstruer le passage et nous engager dans la lumière…

Et nos têtes – si tristes – si pleines de désespérance – si ignorantes encore du règne (et des lois) de l’invisible…

 

 

Le sommeil au fond du cachot ; ce qui ressemble, à certains égards, à une sentence – à une damnation…

Une peine (presque) intraduisible – et qui s’avère, pourtant, commune – la matière, peut-être, la plus partagée…

Ce que l’on accorde, avec un cœur malhonnête, à l’obscurité…

Et, au fond du rêve, cet espoir du réveil et de la clarté…

Le fond du gouffre transformé en cellule ; et notre ronronnement quotidien – permanent – monotone…

 

 

Le monde désert ; et ces terres trop peuplées…

Le temps entamé parfois par le geste (le mouvement) – parfois par l’esprit (l’immobilité)…

Des tempêtes sur ces rives parcourues par les vents et l’espoir des hommes qui, sous leur masque, respirent à peine – à moitié morts – enveloppés comme des momies – malgré la persistance (miraculeuse) d’un souffle minimal ; une sorte d’hibernation dans l’œil du monde – dans l’œil du cyclone – comme un lieu hors des bourrasques – où l’on peut sommeiller durant toute la traversée…

Une distorsion de la perception et du langage – dans un réel libre – affranchi – indifférent – inchangé…

 

 

Encore du rêve – comme la peau du monde – la chair des âmes muettes et impotentes ; ce que l’on bâtit au fond et au-dessus des têtes – une arche de vent dans l’air complice – (entièrement) partie prenante…

Notre sort parmi les ombres et les arbres ; et le temps (légèrement) déplacé…

Ce qui rôde – anonyme – dans les interstices de la terreur…

 

 

Des figures tourmentées – tournoyant avec les autres – avec des marques anciennes sur le corps – comme des tatouages de civilisations disparues ; des signes comme des fragments de langage inconnu…

Des pas perdus – un voyage peut-être – une traversée sans doute ; ce retour (inévitable) vers la terre qui nous a enfanté(s)…

 

 

Du haut du jour – le chant imperceptible – au-dessus des bagages et des sourires stockés en prévision des temps difficiles…

Des lignes de vie – quelques vestiges dans le sang de nos ancêtres qui coule encore dans nos veines…

Des mirages comme tous les autres – bien sûr…

Le mystère intact – impartagé – au milieu des artifices et des mensonges…

Nous – trébuchant – à tous les stades – à tous les étages – de la matrice jusqu’à la chute…

 

 

Notre destin – entre vacillement et claudication – comme une ivresse – un vertige permanent – avec cette foulée, si caractéristique, de somnambule…

Des pas plus qu’incertains – porteurs d’un doute viscéral – porteurs de tous les atermoiements du monde…

Sans compter, bien sûr, le relief (rude et tourmenté) de la terre et toutes les aspérités de l’âme et du sol…

 

*

 

De la séparation à la réparation – peut-être n’y a-t-il qu’un saut à faire – vers l’arrière ; une seule lettre – un seul être – à rejoindre – qui peut savoir…

Une sorte de détour – de détroit – qui ouvre sur un espace plus large où l’infini se mêle à l’air que l’on respire…

 

 

Les jeux noirs de la faim…

Des cages dans lesquelles ne peut entrer le hasard…

Des yeux avides et des yeux tristes – des deux côtés de l’aventure…

Des mains qui se tendent – tantôt pour attraper – tantôt pour réclamer une faveur – un sursis provisoire…

Et, un jour, tout finit par glisser sur la même pente ; du monde vers le ventre – puis, un peu plus tard, du ventre vers le monde – à seule fin de perpétuer le cycle – jour après jour – au fil des générations…

Et, partout, des autels pour célébrer cette danse folle des bouches et des corps qui avalent – se contorsionnent – grimacent – se frottent – enfantent et rejettent leurs trop-pleins et leurs déchets…

Tous les jeux noirs (et désespérants) de la faim…

 

 

La rupture jusqu’à la déchirure – jusqu’à l’écartèlement – jusqu’à l’arrachement des corps et des âmes qui s’étaient si maladroitement – si provisoirement – unis et emboîtés…

Et, à présent, chacun repart avec des bouts de l’autre sectionnés par la violence de la séparation – par l’élargissement de l’abîme devenu infranchissable…

Et l’on entend un peu partout des fragments de cœur qui battent – éparpillés ici et là – dans les corps amputés et sur le sol – sur la terre – qui a pris des allures de champ de bataille – de cimetière – de charnier ; la fosse commune dans laquelle nous finirons tous par être jetés…

 

 

La généalogie des possibles – du pire – dont nous sommes aujourd’hui l’extrémité…

A fouiller dans les vestiges originels depuis trop longtemps délaissés – oubliés – enfouis sous les couches cumulatives de la mémoire…

Une seule question – une seule issue – à présent – le retour vers la matrice première – un seul pas – la longue (et exigeante) traversée que réclame ce voyage…

 

 

Parmi les loups – l’existence sauvage…

Les pieds nus sur la terre…

L’âme solitaire – loin des dépouilles – des martyrs – des assassins…

Le silence qui accompagne notre folle échappée…

De l’espace – un peu de lumière – sur le visage – à travers le feuillage des arbres…

 

 

Partout – à la fois – au-dessus de la terre et sous les dents féroces des carnassiers – l’immensité incarnée qui s’éprouve – se goûte – s’expérimente ; nous tous – vivant seul(s) et ensemble…

 

 

Dans les profondeurs du sommeil – un seul rêve – cet arrachement à la terre – la source sous cet amas de pierres – le vent à la place du désir et du sang…

L’esprit de Dieu dans tous les gestes – dans toutes les mains ; l’Amour et l’obéissance aux forces en présence – aux circonstances – à l’invisible…

L’invention du monde et le souffle nécessaire pour dénicher toutes les figures cachées dans les recoins…

La conversion du poing en instrument de réconciliation ; la prière et le sacrement du jour et de la vie – en chacun – au-delà des apparences et des représentations qui façonnent ce que nous voyons…

 

*

 

Des traces naturelles et des créatures ; ce qu’anime le souffle – la terre – intarissable…

Et ce rire sur toutes les règles – toutes les mainmises – tous les instincts en jeu ; la peau collée à celle des Autres – comme une seule surface ; de la matière qui bouge avec, ici et là, des yeux – comme une protubérance perceptive – et quelques trous supplémentaires pour entendre – respirer – se nourrir – expulser quelques déchets – se reproduire…

La vie organique et magmatique – collective assurément – que nous partageons tous – à laquelle nul ne peut être arraché – à laquelle chacun est irrémédiablement associé – à cela autant qu’au silence – qu’à l’espace – qu’aux forces mystérieuses de l’invisible ; toutes les dimensions de l’être ; des plus élémentaires – des plus grossières – des plus perceptibles aux plus subtiles – aux plus secrètes – aux plus essentielles…

Nous (tous) – sur tous les plans – inséparables – bien entendu…

 

 

De la matière qui crie – qui aboie – qui éructe – soumise à toutes les contraintes (et à toutes les croyances) possibles ; ce qui s’est, peu à peu, substitué au vide…

Des formes taillées dans la glaise dont certaines s’imaginent distinctes et séparées…

Avec une veine – un gisement pour le manque et la douleur – un(e) autre pour le plaisir et la jouissance – et un(e) autre encore pour la lutte et la survie – et un(e) autre [précieux(se) et plus rare] pour la curiosité – l’exploration et la découverte – la recherche de la source (et ses mille résurgences dispersées ici et là) ; la nourriture du corps et celle de l’esprit et de l’âme…

Entre le ciel et la bête – à parts inégales – de manière si commune (et si singulière) pour chacun ; et l’ensemble, ainsi, qui avance cahin-caha pour faire le tour de ces deux pôles et les réunir de manière harmonieuse et équilibrée ; la tâche essentielle de l’homme que la plupart ignorent et méprisent…

 

7 mars 2022

Carnet n°271 Au jour le jour

Juin 2021

Au cœur de l’effroi – derrière la terreur peinte sur les masques – la roche – le marbre originel ; et un cri pétrifié – comme figé à la source – bien avant que naisse le monde…

La lumière brune – au-dehors – qui a précédé le souffle et le sang…

Partout – la même épaisseur – la même opacité ; et les premières ombres qui s’ébranlent – la longue marche qui annonce les prémices de la chair…

L’enfance lointaine (et souterraine) du vivant…

 

 

L’air passager – comme la forme des visages…

Des murs et des frontières franchis…

Quelque chose qui bouge – qui gronde – sous la terre – au fond du ventre…

L’enfance première – peut-être – avant l’invention des clôtures et des bannières – avant l’émergence de la lumière – au-dedans de l’âme – sur la peau…

Avec des éclairs à l’intérieur ; l’origine, sans doute, de la colère ; nos tout premiers tourments – peut-être…

 

 

Au cœur d’un jeu où tout glisse – où tout s’échappe – où tout s’écoule vers le bas…

Les yeux fermés – les yeux plissés – les yeux soucieux – les yeux rieurs – qu’importe ce que dessine le visage pourvu que l’on sache vivre sans pesanteur – l’esprit sans prise et le cœur engagé dans ce qui passe…

Et, de proche en proche, la découverte (surprenante) de l’immensité immobile – au cœur du regard – du monde – au cœur même de la danse…

 

*

 

L’usage d’une tendresse défigurée…

La grossièreté du temps ; créateur de monstruosité et d’infamie…

En tous ces lieux capables de remplacer la couleur par le sommeil ; et le présent par l’absence…

Tous ces mondes – au milieu de nulle part – en vérité…

Des entrailles et du néant…

Et toutes ces bouches qui attendent que l’on meurt ou que l’on ait le dos tourné…

La vie – le vide ; le soleil – sans le moindre mouvement…

Et cette longue (et inévitable) attente qui commence – qui se poursuit (sans doute)…

 

 

Qu’espérer du vent ? Un autre ciel – un peu de pluie – de nouveaux visages – une existence plus belle – un cœur plus courageux – l’avant-goût d’un ailleurs (toujours possible) – un parfum d’autrefois – un peu plus d’innocence…

Et nous restons là – immobile(s) – au milieu du sable et de la nuit – l’âme comme une girouette plantée dans le sol – nous laissant ébouriffer par le mouvement des astres – les grondements de la terre – le désir des Autres…

 

 

Fuir les cimes qui s’offrent à nous…

Avec un rire étrange dans cette quiétude (presque) inquiétante…

Un coup d’œil parfois dans le panier – parfois sur celui qui porte le tablier…

La pluie qui s’infiltre dans tous les plis du monde…

La chair enrobée et changeante…

Les voiles maladroitement tirés – et que gonfle le souffle du ciel…

Le temps aboli – la mémoire perdue…

Nous – au centre du monde – du jardin – contemplant les pierres – les fleurs – les visages – consolant les âmes qui s’approchent – offrant aux bêtes la tendresse et la dignité que leur dénient les hommes…

Un peu d’Amour au milieu des malheurs ; une main tendue vers ceux que l’on condamne à vivre enchaînés – sous le joug de notre aveuglement – de notre bêtise – de notre barbarie…

Un peu d’écume ; presque rien – en somme…

 

 

Entre nos lèvres – toutes les fleurs du monde – amoureusement épelées…

Les caresses du vent ; l’eau et la lumière nourricières…

Déposées sur notre page – offertes au monde – aux visages – grimaçants – à tous ceux dont l’existence manque (cruellement) de beauté – de fraîcheur – de poésie…

 

 

Le temps haché – les mains et les pieds – comme sur des rails – cernés par la mort – plus haut et plus bas…

L’absence – au cœur – de tous côtés…

L’affreuse mécanique du monde ; l’engrenage meurtrier ; l’atroce machinerie en marche…

 

 

Au seuil de l’hiver – la beauté et un sermon silencieux…

Le vide derrière notre visage et quelques tremblements solitaires…

La douceur de l’enfance et de l’écorce sous nos doigts – la forêt et notre voix naturelle…

L’éviction du mensonge et de la distraction…

La célébration (très) discrète de la quiétude – de la lumière – de l’intensité…

 

 

La terre remuée des origines – des âmes qui passent – quelques traces parfois ; et un feu – au loin…

Une diagonale de verdure – un dialogue sans ombre…

Des dialectes (très) anciens – à déchiffrer…

Et toute cette neige, à présent, qui circule dans nos veines – à la place du sang ; comme une étreinte, depuis trop longtemps, oubliée…

 

 

Ce que nous franchissons avec le corps – le cœur – l’esprit ; des rêves – des paysages – des bribes de réalité…

Et cette paresse de l’habitude qui nous rend (quasiment) aveugle…

Reste un espace à retrouver ; et des frontières à franchir pour se libérer de la fatigue et de la cécité…

 

*

 

Lampe à la main – la vie passante – et la mort déjà là – que pouvons-nous donc comprendre…

La voix et le souvenir brisés…

Trop de doutes – de temps et de malentendus…

Pas même un espoir – pas même un écho ; rien – aujourd’hui comme hier – aujourd’hui comme demain…

 

 

Au hasard des figures errantes – un regard sur des débris ; et un peu de timidité…

Un froissement d’ailes et un cœur (encore) prisonnier de l’écume…

Ce que l’on nous avait promis – un simple décor…

Et l’âme – un peu à l’écart – triste – lasse – inconsolable…

 

 

Sous le ciel – la poitrine nue…

Des rires et de la lumière…

Seul(s) – voilà notre chance…

Bien davantage qu’un corps pour faire fleurir la terre…

 

 

Encore un peu perdu avec cette étrange idée de bleu…

Comme ce qui coule – jusqu’à s’y méprendre – jusqu’à tout confondre…

Rien de tragique – pourtant…

La splendeur et l’immensité – toujours intactes…

 

 

Le front moins querelleur qu’hier ; le cœur assagi…

Penché sur l’ordinaire – avec des gestes (très) quotidiens…

A voix basse – la parole comme la prière…

Et cette solitude de l’âme – au seuil du détachement…

Et deux ailes qui poussent – (très) lentement – (très) discrètement – pour que nous puissions, un jour – peut-être, échapper à la gravité du monde…

 

 

Une longue veille – sur le sol – à guetter l’infortune – le hasard et la mort – la beauté d’une âme ou d’un visage…

L’attente ordinaire de l’homme…

Des larmes sous l’orage…

Des chemins et des pas – par milliers – par millions…

Une (très) courte vie – un corps dans lequel on aimerait s’attarder (un peu) ; et à mesure que les saisons passent – le doute qui (de plus en plus) nous étreint…

 

 

Le cœur battant – comme une prouesse ; une chaîne de miracles…

De l’origine au sang – grâce à mille explorations – mille découvertes – mille trouvailles…

Et l’autre moitié du labeur à accomplir jusqu’au bleu ; le travail de l’âme ; passer de la substance organique à l’immensité invisible…

 

 

Entre nos mains – une présence morte – une tendresse lacunaire ou inexistante…

L’intimité reléguée à la surface – aux attouchements – à une (vague) proximité physique – une sorte de cohabitation faite d’alliances tacites…

Et la solitude – et la vie pure – et l’intensité – qui ne souffrent le moindre compromis ; cet entre-deux en demi-teinte que suppose toute relation vécue sur le mode de la séparation et de l’individualité…

Très loin encore de pouvoir être arraché(s) au monde – aux mensonges – aux conventions – à cette existence (très largement) corrompue…

 

 

Ce que l’on guette sur le seuil de la porte entrouverte – sur le chemin – des deuils et des abandons – le poids grossissant de la désillusion – la vérité en marche (très laborieusement) – tout ce à quoi il faut renoncer…

La faim qui, peu à peu, passe du ventre à l’âme – la frénésie horizontale qui se transforme, peu à peu, en ardeur profonde et assidue ; la raison qu’il (nous) faut délaisser – et trahir (à certains égards) – pour que s’ouvrent, en nous, une autre perspective – d’autres dimensions ; la réalité indicible du monde – le silence – l’invisible – l’intériorité – pour que nous puissions vivre d’une manière plus juste – plus belle – plus intense – plus authentique – plus lumineuse…

 

*

 

L’âme enfantine – curieuse – rieuse – joyeuse – qui, peu à peu – et malgré elle, devient triste – fermée – insensible – au contact du monde…

Si poreuse – et comme dépossédée par les rêves et l’ambition – le temps frénétique et dilapidé (en vétilles – en niaiseries) – la tournure odieuse et étroite que prennent, trop souvent, les événements…

La solitude que l’on délaisse – comme les offrandes et la beauté…

L’édification ordinaire du désert et du tombeau communs ; l’espace et la vie atrophiés et dévastés ; le monde tel que nous le construisons…

 

 

Des larmes – une forme naturelle d’expression (bien sûr) ; quelque chose qui se cherche et qui se dévoile (un peu) ; une sensibilité authentique sur la peau – sous le front – le monde entier – collés – enchevêtrés – à la peau et au front de tous les Autres…

Rien d’étrange – rien d’étranger…

Le sens même de la matière et du vivant…

L’attente des retrouvailles et de la célébration…

Le ciel commun parfaitement vécu…

 

 

De l’ombre et de la boue – le substrat de toute alliance…

Des têtes – et derrière des arrière-pensées…

Comme une grande (et belle) toile blanche, peu à peu, maculée de signes et de substances…

Le monde comme un sac et un annuaire – dans lequel on pioche – dont on tourne les pages – pour trouver des outils et des alliés…

Et quelques lignes quotidiennes pour surmonter cet effroi – encenser la solitude – renouer avec la beauté – la légèreté et l’authenticité – de l’être…

Des bornes – sur terre comme au ciel – à dépasser ; un espace continu à retrouver entre ce qui semble au-dehors et ce qui semble au-dedans ; toutes les formes possibles de réconciliation…

Et accéder, peut-être, à l’essence (ou à d’autres limites que les nôtres) pour qu’un jour l’absence de frontières puisse remplacer nos larmes…

 

 

La nuit écartée par la main furieuse…

La tête levée – audacieuse…

La poitrine gonflée…

Toute l’âme dressée pour faire face…

Et ce que – dans leur impuissance – les yeux implorent ; le jour – la possibilité d’un autre monde…

 

 

Là où les étoiles roulent de l’autre côté de la terre – sur le versant le plus sauvage des continents peuplés…

Toutes les illusions et toutes les idoles – sur le point de tomber…

L’aube – comme tout le reste – assez inattendue…

 

 

D’un horizon à l’autre – des fenêtres ouvertes – ce que l’on aperçoit en passant – en traversant l’espace ; la diversité des blessures et des visages – le gouffre au fond duquel naissent tous les chemins – des lieux (en général) très inhospitaliers…

L’homme – la vie terrestre – entre le rire et les larmes – selon les circonstances et la sensibilité…

 

 

D’un jour à l’autre – jusqu’à la mort – et toutes les expériences offertes pour comprendre – transformer la perception et la perspective – apprendre à dépasser les apparences – les représentations – à aller au-delà de l’idée du ciel et de la terre pour découvrir l’espace – le lieu non géographique où s’origine le monde – la vie – tout ce qui existe ; l’essence qui mêle le vide et la matière – l’infime et l’infini – le provisoire et l’éternité – au cœur de cette trame où tout est lié – et imbriqué – de mille manières ; là où il nous faudra, un jour – bien sûr, apprendre à vivre…

 

*

 

Les lèvres bleues à force de voir l’indifférence des yeux et des mains…

La bouche tordue à force de côtoyer la cruauté et la corruption…

La feuille (involontairement) noircie par la bêtise et la laideur (involontaires) de ce monde…

Des danses (bien) trop raisonnables que l’âme, bien sûr, appelle à trahir…

Des pleurs – rien (absolument rien) pour faire rougir la terre…

La langue parfois (presque) aussi éclairée que le silence…

Les tempes brûlantes à force d’attente…

Le cœur aux dernières portes du monde – peut-être…

Notre éloignement – sans le moindre alibi…

Le cours naturel des choses ; et au regard de la sensibilité (et des circonstances) – une tournure de l’âme inévitable…

 

 

Le hasard conféré aux mains des Autres – assigné au destin de tous ces étrangers…

Leurs grimaces hideuses face aux malheurs et aux déconvenues…

Les peaux (presque) toutes marquées au fer rouge…

A peine une existence – un défilé d’ombres noires…

Un abîme entre eux et entre nous ; telle est, très souvent, la croyance des hommes…

De la naïveté – sans renoncement – sans sacrifice…

L’irrépressible volonté d’être le seul – ou, au mieux, de passer en premier…

 

 

Un peu de grisaille dans l’âme…

Ainsi parcourt-on le précipice…

Des éclats de solitude plein les mains…

La gorge triste de n’avoir ni protégé – ni protecteur ; le prix (sans doute) d’une certaine liberté – ou disons, d’une marge de manœuvre suffisante pour s’imaginer affranchi ; idiotie (bien sûr) ! Comment oublier que chacun porte – et portera jusqu’à son dernier souffle – la totalité du fardeau du monde…

 

 

Arbres rouges – comme endormis sous les copeaux ; assassinés – en vérité ; comme tous les autres – plantes et bêtes…

Nulle autre étoile dans le ciel que celles que se sont appropriées les hommes…

Et la seule lumière aussi…

Ainsi comprend-on mieux, à travers l’obscurité des cœurs, la noirceur du monde ; le massacre – partout – célébré comme une fête…

 

 

La voix dégagée des impératifs du monde…

La joie – le ciel – la mort – l’essentiel peut-être – dans chaque geste nécessaire – décisif pour le jour…

La terre et le vent – le socle et les outils de l’enfance – le souffle du voyage et les pas de l’errance…

Ce qu’il faut pour arpenter les chemins – explorer le monde – trouver le passage vers l’étendue qui relie – et rassemble – l’inerte et l’animé – le dehors et le dedans – le seul lieu capable de redonner sa place – son rôle – son règne – à la trame unique du monde ; le réel inexpliqué et inexplicable – incertain et merveilleux…

 

 

Tous les astres du ciel – comptés – nommés – et amassés de manière fébrile et tragique…

Et le même destin pour l’or des sous-sols…

L’espace – le céleste – le souterrain – accaparés par l’esprit et la main de l’homme – cet être des surface qui s’approprie, de manière systématique (et industrielle), tout ce qui lui semble utile et nécessaire…

Les instincts humains célébrés (sans la moindre exception) par les lois et les usages ; et tous ceux des Autres contrôlés – limités – éradiqués…

 

*

 

Vers soi – en riant – comme un enfant sur la plage qui invente des histoires – des voyages d’un lieu à l’autre de l’espace et du temps – entre la terre et le ciel – la mémoire et le devenir – en rêvant, sous les étoiles, les pieds sagement rangés dans ses sandales – se penchant, de temps en temps, vers le sable – levant parfois les yeux vers l’horizon – hochant très souvent la tête comme s’il ne comprenait pas ce qu’il faisait là – entre songe et réalité…

 

 

L’errance permanente des âmes – du monde – des vagues ; de l’immensité à la rive – de la rive à la source des naissances…

Le va-et-vient de l’invisible et de la matière – comme un refrain – une respiration…

L’éternité – sans jamais compter les jours…

 

 

La joie – en dessous – frémissante…

La lumière – en diagonale – déclinante…

Au milieu d’une clairière – aux premiers instants du crépuscule…

Les arbres et le chant des oiseaux…

La roche et les fleurs sauvages…

Un chemin de terre qui serpente dans les collines…

Et notre roulotte posée en ce lieu retiré – cachée sur ce bout de terre – au cœur de la forêt…

Notre (très) provisoire thébaïde…

Le silence profond – pénétrant – joyeux – qui nous entoure – qui s’invite – qui s’intériorise et se goûte…

La porte et la fenêtre grandes ouvertes ; au-dedans et au-dehors – le sentiment du plus familier ; l’âme à demeure – traversée par une très ancienne prière ; et sur la joue – quelques larmes – discrètes et lumineuses…

 

 

Le ciel prisonnier des yeux – des rites – de l’absence de rire…

Dieu – une récolte comme les autres…

La rumeur d’une présence – une manière de consoler tous nos revers – le long et (inévitable) naufrage de toute existence…

 

 

La nudité des choses – l’ambition des âmes curieuses…

Et la beauté du vent qui blesse – qui sème le désordre dans nos existences et nos certitudes…

Le bleu au front malgré les malheurs et la fréquence des tourments dans lesquels la vie nous plonge…

Le froid – le sommeil et la mort…

Nos visages glacés par l’effroi et la terreur que nous inspire le monde…

Ni vraiment victime(s) – ni vraiment guerrier(s)…

De passage – comme étranger(s) à ces rives étranges…

Le cœur qui danse – en plein essor – guidé par le silence – le bruit de la source…

Un rêve – peut-être ; le désir (involontaire) d’une profondeur ; le réel en strates que l’on souhaite explorer avec plus de précision…

 

 

La trame trouée…

Les ailes bleues sous le soleil…

Le salut de l’homme ; et toutes ses prières…

L’arbre – dans son rôle – jouant à l’éclaireur…

Les mains jointes – sur les yeux – soudain nécessaires à d’autres gestes – (sans doute) plus avisés…

Le ciel – toujours – au-dessus des têtes…

Et, au cours de notre vie, tous les assauts de l’ignorance que nous apprenons, peu à peu, à esquiver…

 

 

Sur la scène – des cendres ; des ailes qui poussent ; l’éloignement et le retour (progressif) à l’innocence…

L’esprit qui se hisse jusqu’aux premières hauteurs…

La vie frémissante – sans cruauté – prête (à présent) à percer tous les secrets…

 

*

 

La vie – dans la voix – vitrifiée…

Tous nos drames et nos sanglots – dessinés sur les vitraux de la moindre chapelle…

L’Amour chanté dans tous les temples…

Et le sol (toujours) jonché de plomb et de sang…

Tous les événements – dans un coin de la tête…

Proche de l’enfer – cette façon de tourner en rond sur la terre…

Et par-dessus les murailles – la même douleur – la même détresse…

 

 

Planqué dans un coin du néant – sans orgueil – ni (vraiment) libre – ni (vraiment) enfermé – dans les mains, peut-être, d’un rêve à l’agonie…

La nuit qui tombe ; et le jour – nonchalant – qui s’attarde un peu…

L’âme qui se risque sur le seuil de la porte laissée entrouverte…

 

 

Les tourments de l’âme prise dans les remous des eaux trop noires du temps…

Sans la force ni de s’échapper – ni de se ressaisir…

Les mains (faiblement) agrippées à la corde froide…

Et le monde à la proue du navire…

Et nous autre(s) – pauvre(s) saltimbanque(s) – sans amour – sans miroir – presque toujours – jeté(s) au fond de la cale ou dans les profondeurs glacées de l’immensité furieuse – sans autre raison d’être que la recherche de la joie et de la vérité – qui nous font encore, si souvent, défaut…

 

 

Le cœur et l’esprit – éparpillés – encombrés – par les croyances – les idées – les certitudes – les appétits – ce qui compose notre grille de lecture du monde – comme les maillons d’une chaîne qui entrave nos ailes – notre perception – comme un obstacle rédhibitoire à la compréhension de ce que nous sommes et à la possibilité d’un rapprochement avec cette (indicible) identité de l’être…

 

 

Au-delà du théâtre – des trajectoires – des drames et des mascarades – l’espace premier – originel – vierge – libre de l’agitation de surface – toujours vivant – aussi réel qu’autrefois – sous les strates gesticulantes – et perceptible (seulement) par des yeux suffisamment innocents…

 

 

Au tournis de la tête – nous préférons l’intensité de l’âme – le geste plein à la parole explicative – le silence au bavardage – l’engagement à la révolte – le chant et la prière aux rêves et aux distractions – la discrétion et l’anonymat à la gloire et aux médailles – l’effacement au sacre et au couronnement…

Les mains libres plutôt que la caresse ou le châtiment…

 

 

Soleil et terre rouges – comme le sang – les flammes – l’espace nourricier…

La douleur et la distance – (encore) trop souvent – captives…

La tête gonflée de rêves et d’images…

Mille choses à faire – mille choses à étudier…

L’enfance délaissée – abandonnée sur le bas-côté de la route où circulent toutes nos inventions…

 

 

Du premier au dernier jour – l’œil fermé – la faim et les (discrets) chuchotements de l’âme…

La peau tatouée par les circonstances – le cœur façonné par le désir et le manque ; ce qui a lieu – comme l’eau qui jaillit de la roche…

Au pied du monde – notre couche – notre place – les bras chargés d’offrandes – et, dans la besace, tous les stratagèmes et tous les poisons imaginables…

 

*

 

La tempête – les pieds qui traînent…

Une traversée sans ardeur…

Tout un pan de lumière déplacé…

Des usages affolants…

Dieu et sa clique – Dieu et le reste…

Des paroles sans possibilité de promesse…

Ce qu’offrent les mains tendues…

Et dans ce fatras, parfois, de (très) surprenantes rencontres…

 

 

De la lumière – encore – à l’heure du désordre – au temps de la mort – à l’instant du fracas…

La vie – le monde – sans pouvoir imaginer d’autres perspectives…

Un regard – des prières – quelque chose posé contre soi ; la lame qu’ont (patiemment) aiguisée les circonstances…

Et la tête tournée de l’autre côté – comme si elle n’était pas concernée par l’idée du temps et du trépas…

 

 

Des notes – les unes après les autres – de la musique et des carnets…

Et toutes les danses du monde invitées – noires et macabres – joyeuses et réjouissantes – qu’importe les désirs et les destins – l’espérance (presque) toujours repoussée ; et le feu qui court d’un bout à l’autre de la page…

Parfois – la seule lumière ; et, d’autres fois, celle du jour – plus belle et plus forte – qui transforme le rythme – les lignes – qui bouscule les lettres et le sens – qui offre sa beauté – sa blancheur – un peu de transparence…

Et dans la marge – tous les traits des ténèbres – biffés à la hâte – dégoulinant de sueur et d’efforts – comme de petits éclats sombres – de minuscules étoiles noires entassées à la diable et qui, réunies, ont le poids d’une enclume – si lourdes qu’elles réussissent parfois à déchirer le ciel minuscule inventé par le poème qui, inlassablement, célèbre le mystère et le réel – leur immensité et leur profondeur…

 

 

A la merci de la folie – des Dieux – qui nous entourent – que nous abritons…

A la merci des vents et des mains nourricières…

Sous le soleil – cette (quasi totale) absence de liberté…

Instruments des uns et des autres ; et les yeux (toujours) voilés…

Comme des enfants jetés dans les tourbillons du monde – d’épreuve en vertige – sans lumière – sans raison – tournoyant dans d’horribles rêves ; comme de pauvres âmes ballottées dans les pires turbulences – condamnées à des tourments sans fin…

 

 

La force – à l’intérieur – non exhibée – au cœur du souffle restreint…

Ce qui s’exprime à la place du sommeil – sur la pierre mouillée de larmes…

Le silence et le vent – présents dans la parole…

Des feuilles comme de grandes ailes douloureuses – inappropriées (bien sûr)…

Un chant né du fond de la colère pour déchirer les rêves – toutes les infamies – venger le supplice de tous les égorgés – à la manière d’une lame qui s’obstinerait à vouloir fendre l’écume – un acte très enfantin – éminemment réactif – à la hauteur (évidemment) de la douleur ressentie ; le pauvre tribut d’un cœur inquiet qui, par impuissance, brandit un drapeau et quelques armes inutiles…

 

*

 

Au seuil de la main qui caresse…

Un peu de vapeur sur la rétine…

Le prolongement – peut-être – de l’illusion…

Dans les mots – cette houle – ce rythme fiévreux – haché – avec, parfois, de l’encens dans la voix…

Un silence à la saveur sucrée…

Une forme de tendresse à savourer…

Des éclats et de la douceur…

Exactement la même texture – et les mêmes couleurs – que la vie…

 

 

Le souvenir d’un long séjour dans l’immensité – avec, sans doute, un fragment de ciel oublié quelque part…

Des tremblements devant la beauté…

La présence, au fond de l’âme, d’une joie qui ne nous appartient pas ; le goût du silence…

Notre hésitation à rejoindre le monde – cette bande de terre si sombre – si étroite…

Une éclipse – trop d’absence…

L’indigence inquiète – comme coincé dans cette sorte de gangue…

Et le vent – tout près – qui, parfois, s’invite dans le jeu…

Des craquements et des crevasses – des têtes (presque) toujours boursouflées – de la chair fragile et moite…

Et ce mystère – sous nos ailes – qui ne se révèle que dans leur déploiement…

 

 

Ici – jamais pire qu’ailleurs ; la même chose – en réalité…

Et ce goût manifeste – impérieux – pour la vérité ; ce qui, peut-être, nous donnera le souffle suffisant pour nous libérer du mensonge…

Et déjà – nous le sentons (avec évidence) – la tête qui, de temps en temps, se hisse au-dessus du labyrinthe ; comme la découverte de passages – à intervalles réguliers – qui jalonnent le chemin jusqu’à l’essence – jusqu’au lieu où s’originent le ciel et la terre – jusqu’au cœur même de la trame…

 

 

Les murmures du jour ; et ce que nous percevons de ces chuchotements glissés à l’oreille de ceux qui abjurent leur nom – qui renoncent à toute forme d’espérance – qui placent le rire au-dessus (bien au-dessus) des plus belles prières…

En un sens – un peu de vérité révélé par le poids grossissant du vide et de l’invisible – la justesse des gestes et des intuitions – la valeur accordée à l’inintentionnalité…

 

 

D’un désert à l’autre – du monde – de la page – le cœur de nos diverses géographies…

Et des ailes (bien) plus amples qu’autrefois…

Rien que la solitude et la langue pour échapper à l’obscurité – résister aux assauts (acharnés) de l’ignorance ; la distance qu’offrent l’exil et le mot – l’éloignement du périmètre commun – l’abandon des murs et des idées qui composent le labyrinthe (l’essentiel du labyrinthe) où les hommes vivent confinés…

Les seuls bagages nécessaires – au fond de l’âme…

Le regard sensible – de plus en plus vaste à mesure que le ciel et la pierre se fissurent…

 

 

Au pied d’un arbre immense au houppier argenté…

La fortune du sourire et de l’errance – au gré du vent et des courants ; de chute en découverte – l’extinction (progressive) de l’inquiétude et des tourments…

Et, au fil du périple, penchées sur nous – la somme des désirs éteints et les promesses de la vacuité qui les remplacent…

 

 

Dans un désordre plus vaste – la seule possibilité de lumière…

Au creux de la parole – des rochers sur lesquels grimper – un cœur à découvert – l’âme sur son lit de pierres…

Et le monde, au loin, dont les excès nous écœurent ; et la découverte (miraculeuse) de quelques intervalles au fond desquels nous nous jetons pour échapper au vacarme et à l’abjection…

 

*

 

Ce que l’invisible dissimule – à son insu ; et ce qu’il (nous) réserve…

A chaque instant – les clés de l’enfance – cette joie naturelle – cet allant spontané…

Le cœur de l’espace – notre résonance – malgré l’éloignement collectif de la source – au fil du temps…

Et le feu sacré – intact – notre chance pour défricher cet étrange chemin au-delà du perceptible et des paradoxes apparents ; un long tunnel – tantôt souterrain – tantôt aérien – qui serpente jusqu’à la lumière – jusqu’au (plein) dévoilement du mystère…

 

 

Que faire de ce ciel inventé partagé en territoire – de cette terre trop labourée – de ces âmes qui – partout – célèbrent la cécité…

Nulle tâche – nul labeur – à prescrire ; œuvrer à ses nécessités et laisser le monde et les choses suivre leur cours…

Ni cri – ni inquiétude ; ni conseil – ni résistance…

L’âme insoucieuse ; le cœur dégagé des enjeux apparents et sous-jacents ; la figure sereine du sage qui vaque – sans hâte – aux affaires du jour…

Une minuscule pierre dans le jardin des Dieux…

 

 

Des notes hivernales au parfum (vaguement) poétique…

La main docile d’un scribe du monde sous la dictée d’une voix d’ailleurs – silencieuse – mystérieuse…

Quelque chose (à la fois) de l’invisible et de la douleur…

Un peu de lumière – peut-être – dans notre aveuglement ; et, dans le meilleur des cas – un (très) modeste avant-goût de l’aurore…

 

 

L’invisible qui danse au milieu des ébats – des combats – des éclats – au-dessus de la lumière – sur la pierre fissurée – pour célébrer la liste interminable des noms qui figurent sur le grand registre ; et le désert – l’apparence du néant – qui précède les mondes et qui les remplace après leur disparition…

 

 

La parole-geste – née de la proximité du silence – un espace de vérité – l’incarnation de l’être à travers le langage…

Ni signe – ni sens – une danse – légère et intense – comme mille baisers lancés au hasard et qui, selon les cas, apaisent ou embrasent les âmes et la chair…

 

 

Un coin de quiétude et de liberté – sur la pierre…

L’empreinte d’une veille – essentielle et interminable…

Des yeux et des fenêtres qui s’ouvrent ; un peu plus de clarté – à l’intérieur…

L’émergence, peut-être, du lieu où se rejoignent le temps et l’origine – nos premiers émois célestes…

Le cœur plein d’oiseaux (ignorés jusqu’à présent) qui, soudain, s’envolent…

Une immense balançoire sur laquelle l’innocence se balance – assise sur nos genoux…

Une réelle promesse d’embellie pour (tous) les vivants…

 

 

Rien qu’un grand rêve dans les têtes (trop) disciplinées…

Des yeux qui cherchent – un peu (et jamais davantage)…

La surface de l’existence et du monde – à peine effleurée…

L’esprit – comme le reste – en jachère…

Quelques (vagues) remous dans un bocal…

Le temps qui passe sans que rien ne s’érige – sans que rien ne se redresse ; l’existence comme un naufrage – une absence – le cœur délaissé ; une longue agonie jusqu’au dernier souffle…

 

*

 

Là-bas – au loin – au large – ce que le regard prend pour une immensité – le bord de quelque chose peut-être – comme des horizons juxtaposés…

Seul (bien sûr) à naviguer – sous quelques étoiles inconnues…

Compagnon des grands oiseaux migrateurs…

L’océan vallonné de la terre – où chaque colline – où chaque pierre – est un univers – une invitation – une possibilité…

A arpenter le monde comme un enfant sans mémoire…

De continent en continent – le visage vieillissant – jamais très loin de la débâcle…

Les paysages déserts et les grands espaces ; et quelques grilles encore – à l’intérieur – que la marche achèvera de desceller…

 

 

La flèche décochée sans effort – le silex que l’on frotte – le feutre qui glisse sur la page…

Ce que l’on retient – avec la blessure – la douleur – et le pardon, un jour – peut-être, avant la mort…

Comme captif(s) de la couleur originelle et du destin qui se dessine à la naissance…

 

 

Le monde étagé – gorgé de choses et d’idées…

Comme des milliers de cages aux barreaux serrés…

Des tours et des citadelles – des forêts de verre et d’acier…

Le sol et le ciel – (entièrement) bétonnés…

Et les âmes jetées en vrac – suppliantes…

Des vies et des visages – douloureux et incarcérés…

Et subsiste, pourtant, le souvenir – crucial et inattendu – de la lumière et de la liberté premières – qui nous hantent jusqu’à l’obsession…

 

 

Un savoir – peut-être – tiré du fond des âges – des origines – de l’être premier – unique – que le temps semble avoir déployé ; et toutes les têtes – et tous les livres – à sa suite…

 

 

Le ciel – le grand rêve des hommes qui prend, parfois, d’étranges tournures – de (très) curieux détours…

L’existence et le monde – à la manière d’une marelle ; et l’impatience des enfants qui se chamaillent pour lancer leur palet…

La douleur et l’espérance des Dieux – transposées ici-bas…

Et le jour – imperturbable – qui continue de se lever – comme un miracle ; une sorte de grâce dans cette épaisseur…

La basse besogne des âmes et des ombres – légèrement éclairée…

Et, à travers la vitre, l’enfance craintive et timorée qui se redresse (un peu)…

 

 

Du vent au bleu – en un clin d’œil…

Et le noir où sont englués tous les pieds…

L’âme prisonnière de la cité – au milieu des autres âmes…

Rien de cette entrave – parmi les arbres – nul empêchement…

La parole et le rire – le silence et l’immensité – comme réconciliés…

Un peu de lumière sur notre ardeur et nos tremblements ; une manière (naturelle) de retrouver des couleurs – de désenclaver ce qui était voué à l’étouffement…

La fin – peut-être – de tout sentiment d’étrangeté…

 

 

Dans un coin du monde – silencieux – comme retranché – à l’abri des bruits et du temps…

Des murmures – des pirouettes et des danses ; des gestes engagés ; notre sente quotidienne – sans peine – sans personne – sans tracas…

 

*

 

A quoi pourrait-on bien s’accrocher ; un peu de rien dans le vide – hors du monde et du temps (si l’on peut dire puisque eux aussi existent aussi peu que le reste)…

Seul(s) – comment pourrait-on y échapper ; et serait-il même souhaitable (et judicieux) d’envisager une autre compagnie – une autre perspective…

Blessé(s) – par jeu – comme pour de faux – à la manière des enfants intrépides et turbulents…

Et ce voyage – interminable – au rythme de la danse et de la pierre qui s’érode ; notre façon (si singulière) d’habiter la terre et l’instant…

 

 

Comme un cœur immense – et triste – collé aux grilles d’un grand jardin – la main tendue – de l’autre côté – aussi loin que possible – comme si nous voulions attraper un peu de vie – un peu de couleur et de joie…

De la désespérance et de l’impatience à voir nos empreintes dans la boue séchée – comme des bêtes affamées – que l’on priverait de foin – qui essaieraient – désespérément – d’arracher un peu d’herbe derrière la clôture…

Parqués – maltraités – réifiés – qui donc s’en souvient – qui donc s’en soucie – sur cette étroite bande de terre surpeuplée…

Un peu d’air – un peu de lumière – un temps de sommeil suffisant – et nous voilà satisfaits – (presque) heureux de notre sort – à besogner tous les jours sous le joug des puissants et des autorités…

Le funeste destin terrestre des invisibles et des (trop) soumis – ensemble – comme un cœur immense – et triste – qui n’a pas même conscience de son sacrifice…

 

 

Au cœur d’un écho sans résonance – une patrie étrangère – sans lumière – sans tendresse…

Un horizon aux dimensions ridicules…

Autour de soi – le désert et des mains menaçantes – et (presque) rien d’autre…

Nous – comme des ombres qui glissent sur le sable – qui tentent de s’enfuir – en vain…

Des pierres et du temps – ce qui ondule – sans élégance – à la surface…

Le silence – comme une présence de plus en plus nécessaire…

 

 

Allongé – les yeux grands ouverts – prêt à se laisser dépouiller par le monde et le langage – toutes les mœurs et tous les usages des hommes – pourvu que nous restions dans la proximité du mystère…

 

 

Tout se ressemble – dans la nuit ; la même figure épouvantable…

Une forme de démence qui survole ce qui s’échine à s’affranchir du monde – cette aire chaotique où le feu ronge, peu à peu, tous les espoirs – tous les allants – comme une terre maléfique – au grand regret des plus sensibles…

 

 

Cachées dans un coin de la tête – la joie et l’enfance – l’immensité recouverte de rêves…

La bouche active – bien davantage que l’oubli…

Un peu de soleil et des bribes de temps…

Ce que chacun connaît par cœur – ce que l’on façonne les yeux fermés…

Un autre monde au ciel moins noir…

 

*

 

Quelques poignées d’étoiles – en guise d’atlas – aux confins du monde…

Plus pierre qu’humain – plus vent que ventre – sans doute…

Un peu de ciel dans la bouche ; cette (fameuse) parole silencieuse…

Et dans ce désastre (quasi) permanent – dans cette sorte de longue dégringolade – la fenêtre qui s’ouvre – peu à peu…

L’âme (progressivement) plongée dans son or…

Les choses et la terre – sans hiérarchie – sans polarité…

Des fleurs vivantes à la main – et ce grand sourire – au-dedans – que nul ne peut voir…

 

 

Des prières aux quatre coins du cœur – comme si nous pouvions façonner le vide – déformer la matière – transformer le cours des choses…

Des bulles d’ivresse – un peu de sang – une volonté trop peu puissante…

 

 

De main en main – jusqu’à l’institution des lois pour contrôler les échanges – asseoir son autorité – organiser le monde et le soumettre à nos exigences…

L’origine de la révolte – ce qui, peu à peu, s’établit dans les cœurs – qui attendent patiemment que le souffle soit suffisant pour prendre les armes et marcher sans peur pour réprimer l’oppression et la tyrannie…

De l’ardeur – du courage ; et une certaine idée de la liberté…

 

 

Sur toutes les scènes du monde – cet allant naturel pour la conquête et l’appropriation des territoires – sans la moindre empathie ; l’inclination agonistique – sans jamais compter les morts – les corps mutilés – les âmes blessées – le sang qui coule encore…

Partout – des combattants – des océans rouges et des charniers ; au-dehors comme au-dedans – la tristesse et la désolation…

 

 

La nuit passagère – la figure éprouvée…

Le langage contraint par les possibilités de l’imaginaire…

Des yeux, peu à peu, capables de déjouer les leurres – l’illusion reine…

L’infini actif – sans la moindre interruption ; ce qui aide – sans aucun doute…

Une lumière (très) introspective…

Notre manière de concilier le désordre et l’immensité…

Notre main dans celle de Dieu – en quelque sorte ; ce qui dissipe tout effort – toute fatigue…

 

 

Le soleil ruisselant ; et nous – baignant dans l’or réservé aux Dieux – à contre-courant du monde – abrité derrière ses murs et ses fenêtres closes…

En un sens – le refus du destin que l’on nous impose ; comme un pied de nez à la raison commune…

Une forme d’impertinence et d’intrépidité…

Et le vide – parfaitement accessible derrière les images et les barreaux de la psyché ; la joie qui s’offre au cœur de l’inconnu – au cœur de l’incertitude…

 

 

Vers ce qui se dérobe comme d’autres se prêtent à l’agenouillement et à la contrition…

La fuite par les terres – le ciel – l’immersion en eaux troubles…

Un éloignement – un exil – un retrait – un repli – qu’importe ce que nous choisissons – il s’agit (toujours) d’échapper à la fatigue et à la corruption – à la contagiosité du monde dont la proximité amenuise le souffle – assèche la curiosité et le questionnement – affaiblit la nécessité du voyage – nous enroule – nous enrobe dans un confort lénifiant – dont nul ne sort (totalement) indemne…

 

*

 

Le corps caverneux de la parole…

Le temps permanent des oracles…

Quelque chose d’essentiel – peut-être – et capable de se déployer – qui sait…

Comme une danse solitaire jusqu’à la fin des jours…

L’immensité par-dessous et par-dessus la pesanteur – la couche épaisse de matière que pourrait fendre une pichenette vigoureuse…

Et ce ciel déchiré que l’on répare – que l’on rafistole – à coup d’agrafes et d’épingles tordues – comme si notre angoisse surgissait des hauteurs – comme si l’existence terrestre était vivable – comme si la compagnie des hommes nous laissait indifférent…

Et ce que l’on voudrait – à cet instant ; que nos lignes dessinent un arc-en-ciel jusqu’aux ultimes frontières du monde – jusqu’au dernier jour – et au-delà – pour enjamber la mort…

 

 

Trop de folie – dans ces têtes – sur cette terre…

Des gestes – des pierres – et cette inévitable (et précieuse) solitude…

Des bruits de pas – l’odeur de la mort qui flotte au-dessus des rives…

Nos yeux perdus – dans le vent – dans le noir…

L’absence et le souvenir – de plus en plus épais – qui alourdissent notre destin déjà si tragique – déjà si encombré…

L’espace au-dedans qui s’enflamme ; notre fureur – mille explosions – mille débordements – et le ruissellement sauvage – torrentiel – de la rage – sur tous les noms – sur toutes les têtes – sur les pierres – dans tous nos gestes ; notre solitude et notre folie…

Mais comment pourrait-on y échapper…

Un autre jour – demain – peut-être ; voilà notre seule espérance…

 

 

Parfois – un rire – décalé – comme un brusque (et réversible) retournement de conscience…

Quelque chose de vide et d’immense…

Comme un bruit de clé qui tombe – dans un gouffre vertigineux – à peine un sifflement – quelques cliquetis – un peu d’air froissé…

Et – au-dessus – la terre pleine de ronces qui condamne aux écorchures…

Et la lucidité des yeux – arrachés au sommeil – qui témoignent de l’expérience…

 

 

Une voix – au fond du corps – au cœur du temple – qui nous enjoint de poursuivre notre marche (coûte que coûte) – de ravaler nos plaintes – d’affûter (encore un peu) le regard…

A hauteur d’âme et de pierres – (très) largement enchevêtrées…

Dans la paume – un reliquat de parole ; le langage moribond – dont le silence précipite le délitement…

La fin de l’inécessaire – avec l’extinction (peut-être) de la distraction et de la pensée…

Mille ans à essayer de dire l’ineffable ; à s’éreinter pour quelques mots – à peine – entendables…

Englué dans l’écume – dans ce rapport trop distant avec l’essence qui nous empêche de participer honnêtement à la danse (imprévisible) du réel – de la vérité…

 

 

Éloigné des masses – défait (suffisamment) de l’épaisseur…

L’ardeur consacrée à la mobilité – à la disponibilité – à l’adaptabilité – afin de s’abandonner – sans résistance – sans regret – sans volonté – au cours (naturel) des choses…

Les lignes et le monde – tels qu’ils vont – qui disparaissent peu à peu – pour laisser la place libre – l’espace vacant…

 

*

 

Mémoire vive – vide – alerte – comme une pente abrupte – impossible à gravir – sur laquelle rien ne peut demeurer – pas même quelques graviers – pas même un peu de sable – et que le vent, sans cesse, déblaie si d’aventure quelque chose parvenait à s’accrocher…

Le cœur lisse – comme un masque – un miroir…

Des amitiés passées ; quelques-unes – belles – il est vrai…

Aujourd’hui – le face-à-face solitaire – avec ce que l’on est – avec ce que l’on porte ; l’essentiel – peut-être…

L’âme encore verte malgré les années et les cheveux grisonnants…

Table et horizon déserts – devant soi – les ustensiles nécessaires et quotidiens…

De plus en plus nu ; de plus en plus réel – en somme…

 

 

Sur la terre – un jardin ; le même seuil – la compagnie des arbres et des bêtes…

Les pierres comme socle du labeur ; le corps qui marche – la main qui écrit…

Le portrait de l’homme – peut-être – avec l’Absolu en filigrane ; quête et découverte, puis la longue et lente rencontre – l’apprivoisement mystérieux – l’intimité croissante avec l’être et les choses du monde…

La figure griffée par les circonstances ; ni fortune – ni infortune – ce qui se passe – ce qui a lieu…

Les yeux sombres – et, au-dedans, un étrange regard – comme un ciel nu – un sol noir ; et dans les profondeurs – un cri – une sorte d’ardeur inépuisable – avec un restant de colère peut-être ; des manières énergiques – et, parfois même, rageuses – comme une célérité naturelle – une manière – une volonté peut-être – de se débarrasser des choses…

La porte ouverte de l’âme et des grilles abandonnées que l’innocence a contournées pour échapper à l’emprise du temps…

 

 

Un regard – une voix – sans autre recours que ce qu’abritent le cœur et le ciel…

Et ce qui a lieu – le geste seul – sans la parole – sans la pensée…

L’attention ; l’essentiel comme concentré ; le contraire de l’éparpillement et de la distraction…

Toutes les parures – les manœuvres – les déguisements – abandonnés en chemin…

L’illusion et le mensonge – radicalement écartés…

L’être – plus que tout – quotidiennement ; l’exact prolongement de la solitude…

 

 

Le temps rétracté – la douceur du sable sous les pieds – l’or – la terre des chemins…

Le cœur qui bat – comme un feu permanent ; ce qui se meut – ce qui s’essouffle – ce qui meurt – sous la lumière…

Le sol qui s’affaisse – tout qui s’écroule (par cycle – régulièrement)…

Le monde et le temps – sens dessus dessous…

Ne subsistent que le vide et l’immensité – l’invisible et le pas intérieur – l’âme dénudée – et le corps dans son prolongement – la matière comme la parfaite continuité de l’ineffable – à la fois suite et origine (bien sûr)…

Hormis cela – rien – à l’exception, peut-être, des émotions fondamentales…

Le silence qui englobe – et pénètre – tout…

Nous-même(s) – comme un temple au-dessus de la peur…

La vie qui lacère et la mort qui susurre…

Nous – tout recourbé(s) – qui apprenons, peu à peu, à nous redresser – à être vivant – sans le moindre artifice…

 

*

 

Au-delà – de l’autre côté – à travers les airs – par la voie la plus directe – en volant sans doute – en volant peut-être – par-delà les murs et les falaises…

Comme un allègement et une densification – à l’intérieur…

Sans force – le ciel qui cède…

 

 

Le cœur jamais (vraiment) prisonnier des choses malgré ce que l’on peut ressentir et penser – malgré les raisonnements de la tête qui emberlificote (à peu près) tout…

Nulle borne – nul repère – en vérité…

Le jour qui s’avance et l’immobilité…

Au-delà encore…

 

 

Le silence et l’esprit qui jouent ensemble – le cœur à la traîne – comme s’il fallait creuser encore – fouiller plus profondément – découvrir ce que l’on ignore depuis toujours…

 

 

Des pages blanches – à la suite les unes des autres – un peu de lumière par-dessus – le seul éclairage – la seule écriture – ce qui s’imprime dans le plus parfait silence ; ce qui résiste aux failles du temps – aux trous dans la mémoire – ce qui demeure ; la seule réserve – le seul viatique – dont on dispose…

 

 

D’autres univers derrière ce qui a l’air d’exister – d’autres apparences – comme imbriquées…

Ce que l’on tente ; toujours – la même traversée…

L’échec – notre couleur et notre chance – le doigt qui pointe au-dedans du regard – la seule matière à approfondir – cette distance aux choses qui dissimule le lien ; la seule limite – le seul obstacle – en réalité…

 

 

Nomade aux courses agiles et solitaires…

Voyageur par nature ; et l’âme sédentaire…

Au milieu des arbres adossés au ciel – sans auxiliaire – sans prière – sans sorcellerie – auprès des bêtes qui vivent dans les buissons et les terriers…

Compagnon des uns et des autres – libre (autant qu’on peut l’être) – farouchement sauvage…

Une vie simple – entre cimes et silence – à la manière des oiseaux migrateurs – à la manière des quadrupèdes qui courent les bois pour échapper à la présence des hommes…

 

 

Le monde enfantin – enfanté – enfantant – né de la pierre et faisant naître sa continuité – sans pouvoir échapper aux antagonismes – aux querelles – aux rapprochements – jusqu’au retour vers l’origine cosmopolite et équivoque…

Des échanges – des crachats – des goutte-à-goutte – des substances qui se mêlent – qui se mélangent – des combinaisons qui s’inventent – des formes qui s’essayent à l’existence – au déploiement – au redressement…

Le mystère dans son exact prolongement…

De l’indigence – du miracle – de la vénération ; toutes ces esquisses de vérité…

 

 

Des cercles où les alliances et les choses s’édifient et se désagrègent…

Le souffle et le sang viciés des fausses métamorphoses…

Le cœur – en un éclair – comme foudroyé…

La volonté du jour – sans personne – sans confidence…

De la chair et un peu de lumière ; de quoi trouver une place – une place infime – au milieu des Autres ; de quoi célébrer le monde et s’exercer à quelques rites – de quoi réaliser quelques offrandes – pour attirer la bonne fortune – se construire un destin suffisamment digne aux yeux des hommes…

 

*

 

Le silence (assez) singulier – ce qu’inventent les mots et ce qu’ils répètent sans cesse – la beauté et la litanie – parfois proches – parfois superposées – parfois confondues – comme si l’invisible distribuait toutes les cartes – façonnait entièrement ce que nous croyons initier et bâtir…

Avec – au fond – peut-être – la seule chose qui compte (réellement) ; cette réserve d’Amour inépuisable…

 

 

La grâce – la joie – toujours involontaires – quelles que soient la nature des yeux – la couleur et la matière…

Le monde et les choses tissés avec la peau – la nôtre et celle de tous les Autres – comme les mailles de la même trame – au même titre que la noirceur et la désespérance…

 

 

En soi – devant les yeux – à nos côtés – on ne sait pas…

Sans doute pourrait-on dire – inventer quelque chose – donner quelques indications ou quelques repères…

Serait-ce donc là la limite ; l’impossibilité de l’exactitude et de l’exhaustivité…

Des bribes et des fragments – une seule chose à la fois – comme ce que nous percevons – comme ce que peut appréhender l’esprit ; comme si nous faisions partie d’un mur d’images animées – très haut et très long – avec des yeux cachés au fond d’une minuscule anfractuosité…

Peut-être faudrait-il escalader le mur – soi-même – grimper aussi haut que possible et regarder attentivement ; sans doute verrions-nous la même chose – les mêmes choses – d’une autre façon – complémentaire à celle dont nous voyons aujourd’hui ; et peut-être faudrait-il conserver les deux visions simultanément pour voir vraiment – pour que la perception – la compréhension – l’existence et le geste deviennent justes – naturels et spontanés – (absolument) inégalables…

 

 

La présence et la joie – ensemble – comme si le mystère avait (soudainement) livré tous ses secrets – comme si l’une et l’autre ne pouvaient apparaître séparément…

A foulées tranquilles – la marche – à présent – par nécessité et goût naturel…

Des cercles – des carrés ; et aux intersections – la solitude – belle – magnifique – souveraine ; les conditions propices à la découverte…

Nos peines passées parfois posées à l’ombre des feuillages – parfois enterrées au pied des grands arbres…

Des pierres – des fleurs – le ciel…

Réunis la beauté et le plissement des yeux rieurs – la possibilité (enfin) de sourire à la mort…

La tendresse cessant de se dilapider – trouvant un usage fort utile – approprié – comme le seul savoir nécessaire – à la manière d’un geste spontané – une chose déclenchée au-dedans du regard – que devront (sans doute) apprendre, un jour, tous les vivants…

Un arc-en-ciel qui relie les deux rives entre lesquelles nous nous exerçons – depuis trop longtemps – à un grand écart inconfortable – à seule fin d’échapper à la folie – aux ravages (dévastateurs) de l’incompréhension et de la tristesse…

 

 

Sur la pierre – trop de prières corrompues – de faucilles déguisées en cœur – l’innocence feinte – la parole maîtrisée – comme un perfide instrument de persuasion – le trop peu de foi des âmes – les bouches déformées – atrocement mensongères – comme si l’on pouvait trahir la beauté et la lumière – comme si l’on pouvait dégrader le silence et l’éternité – comme si l’Amour et l’intelligence pouvaient se transformer en bassesses et en sournoiseries…

 

*

 

Revivifié et immobile – la sensibilité – comme le regard – affûtée…

Le souffle – derrière soi…

Quelque chose de la possibilité ; l’origine de ce qui aura lieu – plus tard…

De plus en plus seul – bien sûr…

Au seuil de l’espace ouvert…

 

 

On ne sait rien – on avance – on se déploie – on se replie – on défie le temps – on surcharge et porte la mémoire…

On se tient debout – on fait face (autant que l’on peut)…

Et – de toute évidence – nous serons là jusqu’à nos dernières forces…

 

 

Ce qui a lieu supprime l’attente – porte le geste – donne sens au mouvement qui surgit…

Ni erreur – ni accident – jamais ; simples inventions de la psyché – de notre aveuglement – de notre incompréhension…

Ce qui doit avoir lieu – très précisément…

Ce qu’il faut affronter ; et toutes les conséquences – les unes après les autres…

 

 

Sans espoir et sans distraction – avec le repos et le sommeil nécessaires – on respire – on agit – les gestes surgissent – se posent – la respiration donne le rythme – la cadence…

Une chose à la fois ; avant, rien – après, rien…

Le geste pur – l’oubli du temps et de la quantité – cette qualité rare de présence – incomparable ; et, de temps à autre, par intermittence – une forme d’absence – le corps mécanique – intelligent (incroyablement intelligent) – sans faiblesse – sans défaillance – sans la tête – sans la psyché – sans (même) la conscience ; la matière brute en action – en actes spontanés et irréfléchis – comme livrée à elle-même ; et cette liberté qu’on lui offre…

Notre manière multiple d’être au monde – d’habiter pleinement – sans rien oublier – ce que nous sommes…

 

 

Le cœur calme – apaisé – dans cette réjouissance de l’ouverture – de l’envergure…

Tous les tourments et tous les chagrins – derrière soi…

Une foulée (enfin) équilibrée – harmonieuse – parfaitement proportionnée – comme la marche qui a cessé d’être excessive…

La clé de l’extinction du manque – du désir – de la quête…

A présent – seules – la nécessité – la joie – les circonstances – offrent à l’ardeur statique naturelle un allant supplémentaire pour réaliser le mouvement que réclame le monde…

A la merci de rien qui n’est (d’abord) consenti – avant même l’émergence de ce qui a lieu…

La volonté impersonnelle et le cours inflexible des choses…

 

 

La parole – comme le silence – ensemencée par le jour – enfientée et empuantie par le monde – les instincts des vivants – l’ambition des hommes…

Et à l’aube de l’oubli – les premières récompenses (si l’on peut dire)…

Ce qui exacerbe la défaite et le dessillement des yeux ; et ce qui balaye le reste…

 

 

Le bleu sous la chair à laquelle nous sommes (presque) tous assujettis…

L’infini au cœur de la matière…

L’existence et la mort – aux résidus insolubles – sans embellie possible – particulièrement neutres et provisoires ; comme des états passagers – des expériences indispensables à la compréhension – à l’émergence d’une présence de qualité – à la naissance d’une attention naturelle – d’une sensibilité suffisante – d’une posture et de gestes justes – parfaitement adaptés à ce qui se manifeste – comme la part intérieure complémentaire des événements qui semblent se dérouler à l’extérieur…

Notre nature (véritable) – en quelque sorte – qui remplace ce que nous croyons être – toutes ces images – tous ces fragments d’identité – que nous accolons à l’essence pour nous sentir vivants – pour nous sentir exister…

 

*

 

Inachevé – comme une évidence ; et rien à quoi se raccrocher…

Le long (et lent) processus de l’abandon…

Abandonner comme l’on nous a abandonné(s) – toutes choses – en toutes choses – sans souffrir la moindre exception…

Être – sans le moindre attribut ; parfois contempler – d’autres fois agir – comme la seule respiration possible…

L’espace et nos yeux ahuris ; l’impossibilité de comprendre – de définir – de témoigner…

Au-dehors – ça change – ça a l’air de changer ; et au-dedans – le regard qui, peu à peu, se transforme…

Qui est-on pour dire ce qui est – qui est-on pour dire ce qui pourrait être…

Rien – ni personne – pas même Dieu – pas le moindre étendard – à hisser au-dessus de soi…

Notre parfaite solitude – à moins que cela aussi soit une illusion – une manière de voir – une autre impossibilité de dire…

Le chantier du monde et l’immobilité – qui peut savoir…

Ce qui passe et l’apparente répétition des choses…

Un instant – une vie – des siècles – l’éternité…

Notre patience ; et notre (très surprenante) ténacité…

Mais avons-nous le choix – existe-t-il la moindre alternative ; comment pourrions-nous échapper à ce qui nous échoit…

Comme des pierres – ensemble – les unes sur les autres – qui glissent – qui tombent – qui s’escaladent et se grimpent dessus – qui s’effritent – qui s’émiettent – qui se délitent – qui disparaissent – et qui se reconstituent ; une montagne vivante peut-être – avec des miroirs et des ébats – des échanges – une organisation complexe (de plus en plus complexe) – à la manière d’un grand corps qui évolue – qui se perfectionne – qui vieillit peut-être ; et dans ce fatras naturel – nos (pitoyables) artifices – nos (pauvres) gesticulations…

Mon Dieu ! Quel mystère ! Quelle misère ! Tant de drames – de merveilles – de beauté – d’indigence – d’incompréhension…

 

 

Parmi les ronces – l’enfance la plus sauvage – libre – cachée – intrépide – protégée – au milieu des épines – lucide quant à sa liberté et à ses illusions – quant à la nature de ce monde…

Soumise autant au bleu qui chante qu’aux heures sombres du sang…

Amoureuse de ce qui l’enveloppe et de ce qui la pénètre…

Un sourire dans la main qui acquiesce et encourage…

La vie secrète des interstices ; des ombres et du silence – l’approfondissement de la solitude – l’exploration des profondeurs…

 

 

Le monde à bras-le-corps – sans ami – sans tristesse…

Loin de l’existence auréolée de tous ses mirages…

La matière et la force – brutes…

Le chemin du jour – la voix et l’instant – cette marche sans échappatoire – sans abri – sans retour possible – ce que dessinent la main et les pas – sans exigence – inintentionnellement – comme le soleil et la terre qui tournent – sans fierté – sans besoin d’encouragement – sans la nécessité d’un auditoire – (presque) en secret – comme pour soi-même – éloigné de tous les théâtres et de toutes les arènes – sans implorer quiconque – sans quémander la moindre chose – dans l’exact déroulement du cours des choses – à la fois fragile et provisoire – éternel et souverain…

Un peu de lumière et de souffrance – dans l’espace…

A la manière d’un royaume discret qui s’instaure – sans effort – sans insistance – sans livrer bataille – sans cœur et sans terre à conquérir – sans blesser le moindre visage – sans endommager la moindre chose ; présence intense et légère – qui relève de l’ordre légitime du monde – comme un engagement et une distance – dans le regard et le geste – vifs – naturels – spontanés…

 

*

 

L’espace – le rôle du monde et des vivants – ce que l’on exige les uns des autres…

L’évidence du sol et de la cécité…

L’élévation qui se cherche – puis, l’envergure – puis, parfois le poème et le silence…

Là où – peut-être – s’origine le langage – pour tenter de contrebalancer le poids de la terre – l’inertie de la matière…

Mille tentatives d’envol – de verticalité – pour échapper aux restrictions – aux limitations – à l’étouffement – à l’indigence de toutes les formes d’horizontalité – orphelines…

Rien – jamais – de l’achèvement – de l’aboutissement…

Tout – à chaque instant – qui reste à faire – à refaire – inlassablement – éternellement sans doute ; comme notre labeur – notre condition – notre nature – ce que chacun éprouve – exerce – réalise (non sans défaillance mais sans jamais faillir)…

 

 

Le jour désigné comme le seul ambassadeur ; son silence – sa beauté – sa lumière ; cette couleur profonde – puissante – vivante…

L’éternité que rien ne peut user…

L’immensité que rien ne peut entamer…

Cette force immobile – source de tous les élans et de toutes les sagesses…

Notre seul bagage – qui jamais n’encombre…

 

 

On existe – hors du monde – à l’écart de l’épuisement collectif – de cette folie – bruyante – gesticulante – meurtrière…

Sans effort – en dehors de l’épaisseur…

Comme un retrait au-dedans du regard…

Un repli de l’âme et le corps présent…

Sans jamais finir…

Sans jamais choisir – entre le sable et le pas – entre la boîte et le ciel…

On s’élance – on s’engage – on se laisse porter – sans rien retenir…

 

 

L’abondance – la beauté – partageables – entre nos couteaux et nos tenailles – arrachées par les bouches et les mains – selon les appétits et la nature de la faim…

Les yeux implorants – les mains tendues – les faces grimaçantes – hideuses – déformées par la convoitise et l’avidité…

La méfiance et la couardise des âmes exilées de la lumière (de toute forme de lumière) – plongées, malgré elles, dans la noirceur et l’obscurité – les profondeurs abyssales de l’espace – cette nuit dense – épaisse et, pourtant, franchissable…

 

 

La fièvre des bas-fonds – la faiblesse des axes et des perspectives – au cœur de la matière…

La misère de la profusion et des excès…

L’empire des sables – de l’illusion – de l’âpreté…

Rien de la tendresse – ni de l’enfance…

L’existence – réduite à un prosaïsme sans consistance – sans vérité – à une distraction perpétuelle…

Le dérisoire et le néant portés aux nues…

Les hommes et les bêtes ; le monde entier organisé en clans – en meutes – féroces – comme une proie livrée en pâture à des hordes de hyènes affamées…

La terre dont la vieille peau tarde à tomber – rétive, peut-être, à faire sa mue – terrifiée, sans doute, à l’idée de devoir abandonner la grossièreté de la chair et des instincts…

 

 

Mot après mot – comme si le questionnement n’avait de fin – comme si, sans cesse, la réponse devait se réinventer…

A chaque instant – la parole qui interroge – qui réplique – qui atteste – qui certifie ; à deux doigts, peut-être, de la vérité…

 

*

 

Immobile – l’âme inquiète – les mains qui s’agitent – les bras qui font de grands moulinets dans l’air – comme pris au piège dans ce qui est en train de finir…

Le monde échoué – à nos pieds – dans une sorte de marécage – des sables mouvants…

Le temps continuel et l’enfoncement…

De temps en temps – des efforts pour s’extirper – en vain…

Le temps qui passe ; et le cœur et le corps qui s’épaississent – qui s’alourdissent ; l’âme qui perd l’ardeur et le courage ; tout qui, peu à peu, se dégrade ; ce qui (nous) invite (très naturellement) à attendre la chute et le pourrissement…

Bientôt – on deviendra – on redeviendra – la terre ; on retrouvera l’indistinction…

 

 

Le souffle – le ciel qui se transforme…

Nous sommes là – vivant(s) ; et jamais nous ne résolvons la moindre chose – la moindre énigme…

L’incertitude, un jour, finira par nous déraciner…

En attendant – le temps fait son œuvre ; peu à peu – il nous liquéfie – nous aide à retrouver une forme de fluidité nécessaire pour s’adapter aux circonstances – nous déployer ou nous recroqueviller lorsque les situations l’exigent – nous laisser porter par les courants et emporter vers le large – vers l’immensité qui nous attend – et qui, sans le moindre doute, nous recevra…

 

 

Une lumière sur l’étendue et nos années de fatigue…

Une forme d’éclairage et d’éloignement…

Ce qui dure (indéfiniment) après la mort…

Ce qui revient avec l’éclosion suivante – la forme que prendront les jours et la matière…

Le monde – la foule – en nous – bruyante – silencieuse…

Comme un refuge contre l’effervescence et le bruit ; comme un espace au cœur du chaos…

Ce pour quoi nous sommes là – ce pour quoi tout – toujours – revient – se répète – continue…

 

 

La joie immobile des profondeurs – la fièvre des abysses – une forme de clarté sans affaiblissement…

Du vide et de l’allégresse…

Les pieds qui dansent sur la nuit en flammes…

Un jour – sans raison – le sable et la mort…

Une seule saison – monotone et hivernale…

Et ces yeux – à la fenêtre – attentifs au moindre signe – au moindre changement – consciencieux dans leur lecture du monde ; le ciel – la terre – les hommes – les arbres – les oiseaux ; le langage explicite de la matière et les chuchotements (presque imperceptibles) de l’invisible…

Rien d’emprunté à personne ; l’incertitude qui s’écrit seule – sans scribe – sans auxiliaire – sans même la nécessité du monde…

 

 

L’Amour et le jour – parfaitement parallèles – comme un jeu – sur un bout de terre reculé…

Le corps et l’âme – affranchis de leur fardeau respectif (parfois accolés – parfois entremêlés – parfois superposés) – comme l’oiseau dans le ciel – le sol utile aux bêtes et aux hommes ; le monde offert comme un fruit généreux…

Les mains besogneuses – occupées à leur tâche…

Un peu de savoir – un semblant d’amitié…

Les traits indifférents qui s’assombrissent jusqu’au dernier instant…

Les yeux faussement scellés par la mort – l’envol du souffle vers l’immensité – plus ici et pas encore ailleurs – en devenir – en attente d’une forme…

Et mille portes basses à franchir pour exercer l’humilité…

L’effacement – l’essence même de notre nature ; et des intervalles d’éclosion pour célébrer le monde et apprendre à ne plus être dupe de ses chimères – de ses illusions…

 

*

 

Ici-bas – comme si la vie pliait sous sa propre charge et se revivifiait à sa propre source…

Nous tous – déguisés en enfants turbulents – entre obéissance et exploration – traditions et tentatives nouvelles…

Ce qui monte en nous comme sur la terre…

Et cette lumière qui jaillit parfois au-delà de l’éloignement et de la fatigue…

Pas une récompense – la continuité de cette existence ; le silence – à travers nous – dans son parfait déploiement…

 

 

Une parole pour annihiler la durée…

Pas une croyance – un fait que réalise le geste – la répétition des mots – à chaque instant…

 

 

Au bout de soi – au bout du monde – soi et le monde – encore – de plus en plus proches – de plus en plus confondus – presque indistincts – comme une sorte d’épuisement de l’un et de l’autre – de l’un dans l’autre – profondément – très secrètement – intriqués…

Rien de la consistance – partout portée aux nues – glorifiée comme un mythe ; le provisoire – le dérisoire – le merveilleux – cet étonnement – cette incapacité à comprendre – à entrevoir – à cerner – et ce rire qui accompagne notre existence – nos gestes – les choses et les circonstances – toutes les minuscules affaires du monde ; le signe, sans doute – quelque part, d’une forme de compréhension et d’une intimité (relative – peut-être) avec Dieu – soi – le réel – cette sorte d’objet informel – d’apparence trinitaire – improbable – très largement invisible – totalement ineffable – que nous sommes – profondément – ontologiquement ; et que nous ignorons – et que nous écartons – pendant l’essentiel de notre existence – pendant des années – des siècles – des millénaires – et, sans doute même, pendant une très large part de l’éternité – et dont nous essayons de nous souvenir – et que nous essayons de retrouver – l’autre partie du temps ; comme un jeu inévitable – un jeu sans fin – sans (réelle) finalité – sans explication – gratuit – spontané – un jeu pour (presque) rien…

 

 

Sur les hauteurs de cette existence fragile – menacée…

Au-dessus du précipice – nos cœurs incurvés – dociles – fidèles au dédale…

La plupart d’entre nous – la peau arrachée et la chair blessée…

Comme un bout du chaos initial dans le sang qui circule dans toutes les veines du monde…

 

 

Le monde – comme un ogre martyrisé et martyrisant…

Et des larmes (seulement) pour résister à la nuit et à l’absence…

Des existences de sable et de vent – des édifices illusoires à construire – des territoires illusoires à défendre (ou à conquérir)…

La mort – partout – souveraine – maîtresse de tous les jeux…

Et nous – toujours – qui que nous soyons – finissant sous les pieds ou dans la bouche d’un Autre – plus grand – plus féroce – plus rusé…

 

 

A peine une fenêtre – pour les yeux curieux – un minuscule espace pour l’âme pleine d’ardeur…

Le cœur aventurier – rongeant son frein – entre ses quatre murs…

Et cette soif ! Et cette faim !

Et l’immensité – en soi – à creuser pour faire entrer un peu de lumière…

Dieu – le ciel – apparaissant aussi démunis – aussi impuissants – que la terre – que nous autres qui nous agitons ; plus enclins, bien sûr, à l’acquiescement – au grand silence approbateur ; pourvus de plus de sagesse et de patience que nous tous qui gesticulons (inutilement – frénétiquement) dans l’ignorance…

La même pauvreté – apparente – mais une perspective sous-jacente très différente (presque opposée) ; alors qu’elle est parfaitement consentie chez les premiers (signe de la plus haute compréhension et de la plus haute liberté), elle semble inacceptable chez les seconds (preuve, s’il en est, d’une forme d’insuffisance et d’infirmité)…

 

 

Suspendre – comme une halte nécessaire dans la perpétuité du temps…

Un peu de hauteur – un espace au-dessus de l’étouffement…

Une manière d’échapper à la contraction – à la crispation du monde sur ses certitudes…

La fin du casse-tête – de tous les casse-têtes – en quelque sorte…

Un pas – le premier – vers l’ascension et l’envol ; les balbutiements d’une verticalité…

 

 

Joie discrète et silencieuse – éminemment solitaire…

L’œuvre de la lumière sur les jours…

L’espace intérieur – comme un lieu possible dans l’immensité…

La preuve – peut-être – que nous existons ; et le lien avec ce qui semble se dérouler à l’extérieur…

 

 

Une ouverture – au-dedans…

Du vent et de la clarté…

Déblayer pour mieux voir – donner aux yeux une chance – une possibilité de devenir regard…

Une perspective vers le vrai – l’intense – la beauté – au cœur du quotidien – dans nos gestes les plus ordinaires…

Ainsi – sans doute – l’essentiel peut-il s’atteindre…

 

 

Le vague – comme une éclaircie…

La confusion – comme une trouée…

Le démantèlement des couches et de l’épaisseur…

La perte – l’abandon – la solitude ; comme des offrandes – le déblaiement et le vide pour qu’advienne le renversement du rêve et de l’esprit ; la transformation du sommeil et des (fausses) certitudes en lumière et en évidence…

L’inexplicable – à portée de regard…

 

 

Le ciel accessible par les yeux transpercés…

La lune et les étoiles arrachées par les ambitions assassines…

L’œuvre ininterrompue de Dieu et du monde…

Notre sommeil et notre manière de vivre…

 

 

En soi – le murmure – qui évoque la fin – la mort – la débâcle sans issue – notre incapacité à nous hisser jusqu’aux cimes – à nous fier à la sagesse antique ; notre pente, sans cesse, changeante (et surprenante) – entre tourments et découvertes…

Et l’abandon progressif – sous le joug (de plus en plus évident) de l’invisible – ce mystère ; l’unique souverain – bien sûr…

 

 

Carré de joie et de verdure…

L’âme légère – sous le vent qui souffle – au-dessus du monde (presque) grabataire…

Moins de lampes – de halte – de torpeur…

Sur cet étrange chemin discontinu…

Et de la tendresse – proportionnelle (bien sûr) à la gravité de la chute…

Ce à quoi l’on a toujours – pleinement et secrètement – consenti…

 

 

Le parfait face à face ; Dieu et la solitude en miroir – se dévisageant – se rapprochant – se familiarisant, peu à peu, l’un avec l’autre ; deux parts complémentaires, en vérité, pour que l’expérience terrestre et l’expérience divine deviennent réelles – vivantes – et la douleur – et la douceur – et les caresses – et la peine – quotidiennement ressenties…

Nous en lui ; et lui en nous – sans effort – sans prière – sans croyance ; l’évidence d’une réalité – à travers notre joie – nos gestes – nos tremblements – notre existence ; ce que l’on vit dans l’absence comme dans la proximité des Autres…

 

*

 

L’usure du monde – des choses – de l’esprit…

Comme une grande indifférence ; ici ou là – seul ou en présence des Autres (de quelques Autres) – comme ceci ou comme cela – de cette manière ou autrement – au fond – quelle importance…

La moitié de l’apprentissage – (très) aisée avec le temps ; et l’autre moitié moins courante – plus ardue et plus rare (beaucoup plus rare) ; la joie vivante – à l’intérieur – l’invisible – la seule perspective complète…

Pas la stricte désillusion – cette sorte de résignation triste – de désabusement morose – (très) commun – (très) ordinaire – que l’on voit chez ceux qui vieillissent – chez ceux qui « ont l’expérience du monde » ; une autre manière de voir – de vivre ; un merveilleux détachement – neutre et impartial – joyeux – intense – lumineux – sans aigreur – sans fatalisme – sans renonciation – sans besoin de savoir – sans besoin de repère – sans besoin de certitude – sans désir – sans volonté – sans peur – ni angoisse – sans préférence – ni hiérarchie ; le regard (réellement) neuf ; et l’instant qui se vit (pleinement) – l’instant vécu avec la plus grande innocence – avec la plus grande virginité ; et recommençant l’instant suivant – éternellement – peut-être…

L’expérience neuve du réel sans l’encombrement de l’individualité et du lourd attirail qu’elle nécessite – cette inévitable et imposante machinerie – que nous trimballons partout (et depuis si longtemps) – que nous avons adoptée à cause de la nature même de la psyché qui nous gouverne – et que nous avons façonnée (et perfectionnée) par crainte – par paresse et facilité – pour tenter de donner au monde et à l’existence un peu de consistance – un semblant de vérité – une manière (naturelle et très triviale) de nous rassurer – et qui a créé des filtres – des grilles de lecture – des différences – des catégories – des idées – des commentaires – le temps – mille écrans et mille illusions – et, en particulier, le sentiment d’exister de façon individuelle – et qui nous a, peu à peu, coupé(s) du reste du monde – de la globalité de l’Existant – de l’innocence originelle du regard et de toute forme de spontanéité ; bref, qui nous a éloigné(s) du réel – mais aussi de toute possibilité de compréhension et de toute possibilité de vivre de manière juste – pleine et harmonieuse – naturellement accordé(s) au cours des choses…

 

 

Le bleu – à présent – au fond de l’âme ; et ce qui vient – et ce qui va – au rythme ressenti – qu’importe la couleur du ciel et du chemin…

Vide(s) et seul(s) – sans rien imposer…

Tous les possibles – dans le désordre – et la certitude du changement et du provisoire…

Qu’importe ce que nous vivons…

Nous sommes – sans rien dire – sans témoin – sans rien devant nous – sans rien en réserve – entièrement offert(s) à ce qui arrive…

 

 

L’Amour en face – sans parole – dévisageant notre méfiance…

Les profondeurs tremblantes – depuis trop longtemps abandonnées…

Et l’enfance qui y réside en secret – qui, peu à peu, se dévoile…

Et le langage du sol et du sang – rétif (sans doute) à l’idée d’être délogé – et remplacé par le silence…

 

 

Ici – sans meurtrissure ; l’âme frémissante sous la lumière nouvelle…

Le repli de toutes les résistances ; les compensations de moins en moins nécessaires…

Le recommencement du jour – le bleu du ciel dessiné par nos mains habiles…

Nous – emporté(s) – comme ce qui jaillit – vers des lieux sans équivoque…

 

 

Le visage partagé entre les nécessités du masque et l’appel de la nudité ; comme le cœur – indécis – comme le ciel recouvert d’artefacts…

Des signes et des symboles dans la psyché engourdie – incapable d’interprétations lumineuses – laborieuse – condamnée à creuser le sillon où le monde l’a placée – comme un miroir – un mensonge – une longue (et inévitable) déroute…

Le même sable où l’on s’enfonce ; la tombe où nous serons enterrés avec tous les Autres…

Et devant cette farce – cette ironique tragédie – pas le moindre sourire – un rictus affreux et ridicule – comme un effroi figé sur le visage…

 

 

A marche forcée – vers cette terre sans promesse – sans mémoire…

Le pas de la soif qui glisse sur la pierre – qui s’enfonce dans le sol meuble…

Notre ascension (douloureuse) des rochers – juste avant que ne surgisse le vide ; au fil des pas – un surcroît de joie (véritable) au détriment du sommeil – au détriment des yeux fermés…

 

*

 

Le jour – allant – sans jamais faiblir…

Au bord d’un rêve – peut-être…

Avec des lumières – au loin…

Le monde usant, peu à peu, toute espérance…

Ce qui reste ; du désordre et de la confusion ; ce que le vide finit par grignoter – jour après jour…

Et la vérité conquérante qui – bientôt – viendra danser sur notre désarroi – sur notre nudité…

 

 

La lourdeur du monde – de l’angoisse – de toutes les peines qui s’ajoutent les unes aux autres…

Cela d’un côté ; et de l’autre – l’inconsistance – l’oubli et la joie – fragiles – et le regard qui, pour faire vivre cette perspective, doit, sans cesse, se réinitier…

 

 

Présent – dans cette faille – comme si l’on s’entêtait dans l’habitude – les yeux fermés – le front brûlant…

Debout – encore débout – malgré le manque de souffle et l’épuisement…

Sur le point de tomber – de sombrer plus bas encore…

Dans la parole et le pas – toute l’énergie condensée…

L’effacement – le seul geste à apprendre – la seule chose à faire – en ce monde – en cette existence voué(e) au deuil et à la disparition…

 

 

Des mots en vrac – dans le fouillis des phrases…

Quelques livres aux marges blanches…

Une œuvre sans importance…

Le plus simple – en soi – naissant ; l’essentiel – sans doute…

Au plus près de ce qui apparaît – à l’intérieur…

Quelque chose qui frappe – comme un coup de vent – parfois, comme un coup de poing…

Quelque chose qui passe – comme au-dehors ; à mesure que le temps nous défait – nous dissout – nous égare ; l’esprit déjà ailleurs – depuis (bien) longtemps…

 

 

Parmi les choses – la terre remuée – fouillée…

Le souffle chaud des bêtes dans l’air matinal – cette discrète (et pacifique) façon de tenir tête aux hommes – de résister à leur tyrannie…

Des traces infimes – particulières ; toutes les existences que le monde corrompt…

Des âmes vides sur des rochers – presque toujours vacillantes…

 

 

Le rire des hommes en voyant leurs mains rouges – les corps sans vie entassés – comme une fête terrible et diabolique ; l’ardeur besogneuse – l’entrain des ensommeillés…

Et nos yeux tristes – et notre cœur en colère – et notre âme qui s’essaye à la neutralité et au surplomb – témoins de cette barbarie…

 

 

Discret – comme la fleur sauvage que nul ne voit – que nul ne prend la peine de regarder – que l’on piétine ou que l’on arrache sans y prendre garde – comme si elle n’existait pas…

Et toutes ces bêtes – et toutes ces têtes – qui passent – l’âme absente…

Un monde rempli et dépeuplé…

Des mots – des lignes – des pages – une parole pour le vent – le seul habitant de ces rives désertes et poussiéreuses…

Le temps d’un sourire ; et tout aura déjà disparu – envolé – volatilisé…

Pas même le temps d’une saison – comme la fleur sauvage qui n’existe pour personne…

 

 

Prisonnier(s) de la nuit – de la lumière…

Au centre de la cage aux barreaux si serrés ; entre la mort et les chimères – notre détention…

Et l’autre versant de l’esprit – désert et vierge – qui nous appelle ; un par un – sur ces sentes difficiles où nul ne se rend de son propre gré…

 

*

 

La lumière à mesure que la confusion et l’indistinction progressent…

Qu’importe la couleur de l’âme – la couleur du monde – qu’importe la pierre où les pieds se posent – les lieux où l’on aimerait demeurer…

Tout nous investit à mesure que l’on se désengage…

De la transparence dans nos gestes pleins – habités…

Des bouts de soi – sur tous les fils que l’on tire…

Les frontières qui disparaissent ; et le rire qui se fait plus ardent…

Comme une longue glissade sur le sable – en silence…

 

 

A force d’épuisement et de lassitude – la gorge serrée – la main et le pas – si difficiles à suivre…

La marche et la parole – déformées à force de volonté…

La pierre extrêmement friable sur laquelle reposent les jours…

 

 

Une lente dérive – quelques arrangements temporaires…

Et la lumière – encore – toujours présente…

L’espace nu et indemne ; l’immensité que la parole et la pensée ne peuvent circonscrire…

La transformation de l’épaisseur ; les prémices de la transparence…

Les yeux dehors – à l’intérieur…

Comme si la conscience parachevait la confusion du monde – des esprits ; et les âmes si heureuses – si involontairement acquiesçantes…

 

 

Et ce bleu – et ce vert – et ce vent – à la place du sang…

Un autre oxygène – une autre respiration – à hauteur de cimes – aux allures d’envol – à l’envergure incomparable – au-delà des terres communes – aux confins d’un espace auquel on accède trop rarement…

 

 

La conformité des paroles et des usages…

Des images – des éclipses – de l’absence (beaucoup d’absence)…

Quelque chose de massif et d’assidu…

Des mots et des gestes que l’on répète – que l’on voit partout – que l’on a appris dès l’enfance…

La réitération mécanique de la crainte – de la lutte – des territoires à défendre et à conquérir…

Nul – jamais – qui s’interroge ; nulle chose – jamais – interrogée…

Des objets et des visages ; et la fin du monde après nous…

 

 

Congédié par tous – exilé de toutes parts – exclu de tous les jeux – de tous les pièges (et de toutes les balivernes – aussi – bien sûr)…

A la merci de ce qui s’approche – de ce qui surgit ; et toutes nos ressources – notre seule richesse – à l’intérieur – offertes elles aussi…

 

 

Rien que l’exigence des pierres…

Notre vie au-delà de la vue et de la prétention…

Derrière la crainte – derrière la neige – derrière la mort – ce qui se présente – et non ce que nous imaginons…

Hors du monde – des ombres et des visages…

De l’autre côté – sur le versant opposé à cette terre où ne fleurit, au milieu des amours perfides et criardes, que l’indigence – l’infamie – la décadence…

En ce lieu – au-dedans – où règnent l’infini – le silence – l’éternité ; la vie pure – affranchi(e) de la crasse dont on a coutume de l’enrober…

A l’origine – là où s’initient tous les commencements ; au cœur de la matrice qui fait naître tous les élans que nous devons accompagner jusqu’à leur terme aussitôt que nous quittons le centre…

 

*

 

On s’efface ; et, avec nous, le temps…

Exit donc la vitesse et la durée…

Du fond des âges – ce cri – enfin libéré…

A la fenêtre – personne – l’éternité…

 

 

Le visage de l’âme – du monde – que dessine la danse entre l’encre et la main ; la nuit et le jour dans la paume – tantôt noire – tantôt bleue…

Et la page – comme une peau sensible – une peau fraîchement tatouée ; la joie nécessaire et quelques malheurs – à peine de quoi faire un peu de littérature…

 

 

La nuit enterrée – le trou obstrué…

Et le vent – et le sable – et l’envol des âmes au-dessus des dépouilles délaissées…

Le jour à l’envers – le ciel vide – les tombes vides – la terre froide…

Les vivants sans tristesse – sans mémoire ; le défilé des figures terreuses et fatiguées…

Et au-dessus de la longue procession – une odeur de vie passée – de vie déjà vécue ; la mort qui rôde au-dessus de ceux qui respirent (encore un peu)…

Des hauteurs jusqu’à l’agonie – jusqu’au fond de la terre ; et, trop souvent, la remontée impossible – comme un manque (patent) de souffle et de verticalité…

 

 

Des traces – au seuil – moins que l’absence ; rien – peut-être…

Et nos forces qui s’amenuisent – qui, peu à peu, nous abandonnent…

La cécité qui s’aggrave – qui transforme tous nos gestes en risque avéré…

Partout – le déploiement du deuil ; le règne éternel de l’indigence – de la pauvreté…

Jusqu’à la fin – et au-delà – nous tournerons autour de nous-même(s) – en déséquilibre ; le dehors tout boursouflé à force de coups et d’orgueil ; et à l’intérieur – comme une infirmité récurrente – un déficit permanent – sans doute – la pire des malédictions…

 

 

Le vent – dans les veines – les nuages – circulant au milieu du ciel – du sang – dans la chaleur moite du corps – sous la chaleur accablante du soleil…

Des choses éparses – les unes parmi les autres – comme les visages et les noms – rassemblé(e)s parfois en totem – à la manière d’une prière pour conjurer la douleur – la somme des pertes non consenties…

Les premiers pas – le prolongement de la confiance ; et l’accolade de l’incompréhension – comme un clin d’œil – un encouragement à continuer – à enfoncer l’esprit (plus avant) dans la confusion…

En un éclair ; ne plus être – disparaître – devenir le lieu même de la perspective…

 

 

L’allégresse et le labyrinthe – étrangement entremêlés…

Et, parfois, ces heures malencontreuses tournées vers le passé…

Ici – le jour ; là-bas – la nuit – comme s’il y avait quelqu’un pour trancher – comme s’il était possible de séparer ce qui commence de ce qui finit…

 

 

Au fil des tempêtes – des embellies…

Une clameur – au loin – venue des profondeurs – des entrailles de l’âme – peut-être…

Le renouvellement de toutes les réciprocités…

La vérité et le désespoir – dans la même danse – le même baiser…

 

 

A l’intérieur – ce qu’a toujours offert le monde ; et plus haut – l’impossible qui, peu à peu, se matérialise…

Le précieux labeur des vagabonds qui sèment partout la beauté et la confusion pour initier les hommes aux visages de l’au-delà – à l’invisible sans hasard qui organise les destins…

 

*

 

On est là – face à soi – libre ; porté par les courants naturels – au seuil d’un espace inconnu – on ignore où exactement ; comme un engloutissement – une évaporation – un délitement – comment dire ; la consistance qui se défait – qui se désagrège – l’enveloppe et les frontières devenues soudain inutiles…

Soi et le monde – indistincts ; une sorte de continuité…

De l’intérieur – une ouverture ; un prolongement – sans assurance…

Une fragilité ; une zone où l’on s’enfonce – qui se déploie…

La matière parfaitement perméable et vivante – au relief accidenté – avec des plis – des pics – des failles…

Le corps du monde – mu par le besoin et la nécessité du mouvement…

De la roche et de la boue qui bouge – quelque part ; comme des éclats – du magma – de la lave ; ça crépite – ça jaillit – ça coule – ça éclabousse – ça s’établit (très) provisoirement…

Nous sommes cela – qui se construit – qui s’effondre – qui se transforme – qui disparaît ; ces choses – cette chose – qui, sans cesse, se réinventent…

 

 

A travers nous – les murs et la lumière – le labyrinthe et le ciel en (permanent) dialogue…

Les yeux qui voient – les yeux fermés…

Le regard – les caresses et les carcasses…

Ce qui veille sous le sommeil…

Et notre parole – comme un jaillissement – une infime coulure – quelques traits dérisoires sur le sable noir…

Et les jours comme de l’eau – des vagues qui s’étalent – qui nettoient et s’en retournent – pour que rien – jamais – ne dure ; pour que tout – toujours – recommence…

La danse – les larmes et le rire ; presque rien – à peine quelques traces de nos existences (de toutes nos existences) si pitoyables – si merveilleuses…

 

 

A demi-mot – seulement ; et la tête baissée…

Le temps inerte – figé – du naufrage commun…

Le cœur triste et miraculé – que l’on a pris en otage – et condamné au piquet – puis, à la potence…

Et ce besoin incessant de poésie – comme un appel – un sursaut – une possibilité de survie ; quelque chose au-dessus de l’abandon…

 

 

Le cercle diagonalisé et les pieds ancrés au sol…

Entre chaque souffle – nous autres les vivants – nous autres les mortels – furieusement enchaînés à la surface…

Et parfois – dos au mur ; à la merci de tous les possibles – fort heureusement…

 

 

Des couches de tristesse et de joie – superposées – accumulées, à notre insu, comme la somme (intérieure) des expériences…

Un amas très fâcheux – en vérité – qu’il serait sage d’oublier…

 

 

Ce bleu – immuable – sans impatience – dressé au loin – comme un décor – une image – un totem devant lequel certains s’agenouillent et d’autres vacillent…

La main appliquée – comme les mots et la langue qui s’obstinent sur ces pages…

Un geste insolite et, peut-être, désespéré ; une manière d’éloigner le monde – de goûter la vie avec mille précautions et de repousser (illusoirement) la mort…

Le signe d’une délicatesse et d’une frilosité – peu appropriées ; la preuve patente d’une infirmité qui nous éloigne du réel – et nous prive de toutes ses saveurs – de toutes ses aspérités…

 

*

 

Rien ne tient (bien sûr) ; tout s’effrite…

Le monde ; de la poussière – un peu d’épaisseur…

Le savoir ; un piège – une farce – ce qui éloigne (inéluctablement)…

Les créatures – un peu d’eau – un peu d’air – un peu de terre – un peu de feu – provisoirement (très provisoirement) mélangés – de la matière qui s’agite – qui tourbillonne – qui s’effiloche – qui se désagrège – qui disparaît…

Le temps – figé ou déjà en ruines…

Et ce qu’il reste ; presque rien ; une présence – un regard – un geste – au moins comme possibilité ; l’essentiel peut-être – et qui s’évanouit déjà…

L’incomparable beauté de l’existence – sa fugacité – sa fragilité – son inconsistance…

L’instant – sans mémoire ; l’expérience directe et simultanée de l’être – du monde – des choses…

 

 

Le plus nu – à la manière d’une joie – emporté(s) comme le dehors – sans comprendre…

Mélangé(s) au fatras – au magma – à l’indistinct…

Vivre – sans jamais s’extraire ; se fondre toujours davantage…

 

 

Le monde comme un soleil rouge – des pages que l’on tourne – le vent peut-être – le vent encore – toujours lui – porteur de tous les possibles…

Ici – en même temps que le reste – ingénieusement assemblé(s)…

Sous le ciel et ses longues traînées blanches – ce que nous sommes et notre image – le reflet de personne…

La vie qui passe – simplement…

 

 

Un bain de chances et de possibles où l’on ne rencontre (bien sûr) que la perte et la mort – ce qu’il nous faut vivre pour inverser le regard – transformer la perspective (si d’aventure cela s’avérait nécessaire)…

Sortir de la tiédeur – sans retenue ; retrouver ce qui, en nous, respire de manière naturelle et spontanée ; le plus sensible – le plus vivant – cette étendue oubliée depuis trop longtemps…

Ce qu’il nous faut rejoindre et redécouvrir pour vivre (pour apprendre à vivre) au-delà de notre humanité…

 

 

Obstinément – vers ce bleu entrevu…

Sans aptitude particulière – le front (seulement) fidèle aux vents qui tournent – aux nécessités nouvelles – à cet axe très ancien qui nous enjoint de poursuivre le voyage jusqu’à la fin de l’expérience…

 

 

La tête baissée – le long du mur – désespérément…

La flamme de l’insuffisance – dans le regard – terrible – éclatante…

L’âme acharnée – si peu audacieuse – dans son itinéraire et ses initiatives…

La terre parcourue – le monde fouillé – de fond en comble – systématiquement…

Les mains vides et les yeux tristes…

L’affliction durable des hommes – dans la proximité incessante d’un Dieu patient qui échappe au temps et aux vicissitudes du monde…

 

 

Habile – sans crainte – face au monde…

L’âme bercée par le jour – au milieu des choses…

Des pensées – dans le même circuit – désactivé(es) – hors tension…

Le sommeil de plus en plus favorable…

Dans notre chair – ces âpres combats – aussi virulents qu’autrefois – mais acceptés – à présent…

Le ciel au-dessus de nos amours hirsutes – infirmes – embarrassantes…

Et ce qui veille au cœur de l’attente…

Ni espérance – ni paresse ; l’essentiel – sans doute…

Le regard qui – l’air de rien – jauge notre aptitude – nos gestes – notre maturité – pour savoir s’il peut, de temps à autre, apparaître et se laisser approcher ; s’extraire de l’abstraction et des cercles de l’imaginaire pour devenir soi – nous – Dieu – le monde – cette entité trinitaire parfaitement unie et équilibrée – savoureusement vivante…

 

 

Le jour scintillant – la douceur d’un visage autrefois familier…

Par la fenêtre – l’aventure singulière des corps…

Des chants et des rencontres parmi ceux que l’on définit (en général) comme des créatures infréquentables…

La danse des âmes qui – partout – sèment l’entrain et la joie au milieu de la discorde et de la confusion…

Et notre rire – comme un clin d’œil – une chance – au milieu de l’absence – la possibilité d’une existence malgré la folie environnante…

 

 

Un espace de servitude que l’habitude dissimule…

Suffisamment éloigné(s) des Autres pour nous imaginer libre(s) ; et trop stupide(s) pour distinguer les barreaux invisibles de notre geôle…

Des paroles, parfois, qui nous parviennent du plus lointain…

L’hiver et le silence qui pénètrent (avidement) la chair…

Au cœur d’une solitude que l’on dévisage – puis, que l’on interroge…

Une manière de ralentir et de s’extraire ; un pas de côté déterminant…

La profusion des idées et des choses – jetée(s) par-dessus bord…

De plus en plus léger(s) ; et cette blancheur au-dedans que l’on prendrait presque pour de la neige…

Parvenu(s) peut-être jusqu’aux premières hauteurs d’un ciel éclairé – épargné par nos reproches et notre malice – libre de nos désirs et de nos intentions…

Et le monde – comme un esquif fragile – le mât en feu – la voile déchirée – dérivant dans une minuscule flaque d’eau ; et cette escalade (un peu folle) qui nous épuise et nous métamorphose – à moins – bien sûr – que nous ne rêvions encore…

 

*

 

Rien ni personne – comme une évidence – merveilleuse pour l’esprit – terrifiante pour la psyché ; et nous qui oscillons encore ; rien d’une hésitation – l’alternance comme un voyage…

 

 

Simple – sur la pierre retournée – l’autre terre – l’autre ciel – la respiration et le rire ; l’essentiel au dos des instincts…

L’enfance et la profondeur ; et ce silence sans espoir – sans pesanteur…

Ni peur – ni manque ; le monde dessaisi – le dehors comme notre chair…

Les mots – dans les interstices du réel ; à leur place naturelle ; ni contrepoids – ni compensation – et moins encore une issue imaginaire ou un réconfort…

La pesanteur nécessaire à l’inconsistance – peut-être…

 

 

L’air que l’on respire – plus large – plus bleu – comme le nom des territoires et des horizons inconnus…

La continuité du sable et des naissances ; le mouvement le plus naturel qui soit…

Ici – ailleurs – à présent – de tout temps – engagé(s) dans tous les gestes du monde – emporté(s) par ce qui s’impose – parmi ces têtes encore gouvernées par le désir…

Le cours des choses ; la houle et les vagues – le désert et les pluies torrentielles – tout ce qu’il nous faut traverser…

Vivant(s) – au milieu des Autres – ainsi dit-on chez les êtres humains…

Présent(s) – seulement peut-être – à la fois comme limite et comme opportunité…

Allant – sans jamais s’arrêter – sans jamais pouvoir échapper aux répétitions et aux recommencements – au besoin d’explorer le vide et l’épaisseur…

Un œil sur l’être ; et l’autre sur le chemin…

 

8 février 2022

Carnet n°270 Au jour le jour

Mai 2021

Le tournis du monde – le vent qui nous hante – les hauts murs et les volets fermés au fond des choses…

Le bruit que nous faisons en vivant – en essayant de vivre…

 

 

Des gestes voilés qui se fondent dans la noirceur des eaux…

Sans bruit – parmi la masse sombre des ombres qui nous précède ; et qui nous suit…

Quelques étoiles – la seule lumière (malheureusement)…

La pluie qui ruisselle – comme les souvenirs – entre nos tempes…

Le recommencement du même rêve – l’esprit englué dans la même histoire – et qui s’acharne – depuis le premier jour…

Face à l’indifférence et aux moqueries des Autres…

Tant d’appels et d’invitations à demeurer seul – hors de tous les cercles fréquentés…

 

 

En nous – la fenêtre et le silence…

Ce qui nous éloigne de cette terre si prosaïque et de ces esprits si abstraits…

L’envergure et la beauté du monde – à l’intérieur – suffisantes…

Une longue suite de circonstances qu’il serait vain de relier selon ses propres lois…

Des pierres – des arbres – des fleurs – et de (très) rares visages – notre tête-à-tête (quasi) permanent avec des choses insensées…

L’invisible – comme une fête – et cette étrange rencontre avec l’enfance commune des peuples…

Les premiers pas de l’homme, peut-être, sur cette longue route qui mène vers l’inconnu…

 

 

Un amas de rêves sur nos blessures – une manière de vivre et de faire entendre sa voix…

Un feu immense – visible depuis l’autre rive du monde – une manière d’offrir un peu d’éclat aux reflets du miroir…

Sous la coupe des images – toujours – quoi que nous fassions…

 

*

 

Le corps engrené – manière de devenir…

Plus qu’un double – une potentielle démultiplication…

La chair de la chair – à l’infini – tant que l’on peut ensemencer…

L’ancien qui se renouvelle – la matière qui se perpétue…

Acharné(s) – malgré les obstacles et les difficultés…

Inscrit dans les gènes – sans jamais renoncer…

 

 

Dans le frémissement du jour – le futur possible – potentiellement éclairé – potentiellement lumineux…

Et ici – sous les carnets – ensevelie – la parole ruisselante…

Notre manière de témoigner du chemin et de la perte ; notre manière de nous abandonner…

 

 

La simplicité du geste et des mouvements…

Le monde qui se déploie avec élégance…

La grâce des hanches qui se touchent – qui se chevauchent – hors du cycle conjugal…

Des cercles qui se reconstituent…

L’âme – au-dedans – qui se redresse à mesure que la tête s’incline – à mesure qu’elle apprend à s’incliner…

Par-delà la nuit – nos ruses – notre manège – nos manigances…

Le poème qui se décline selon l’inclinaison du silence (ressentie en chacun) – l’accord parfait quelle que soit la couleur de l’âme ; le triangle d’or – l’inversion du théorème sans le moindre calcul – sans la moindre équation – comme un arrachement nécessaire pour gagner les hauteurs – et cet angle admirable – au faîte de la destruction – l’antre de la douceur ; le souffle en appui sur son socle…

 

 

L’âme fouineuse – arpentante – les yeux et les mains dominés par la curiosité…

Toutes les circonstances de la terre – à nos fenêtres…

Plus loin que là où porte la vue (fort heureusement)…

Au-delà du rêve et de l’enfance…

Au-delà des blessures et de la boue indigène…

Au centre de l’étendue parfois aquatique – parfois terrestre – parfois aérienne – selon les jours et la disponibilité…

Au cœur de cette perspective horizontale qui refuse tous les privilèges – toutes les hiérarchies ; les choses et les visages du monde (enfin) à égalité…

 

 

Ce que nous buvons – à petites gorgées – plongé(s) dans les flammes…

L’or de la solitude – comme des grains de sable collés sur la peau ; les seules guirlandes de la fête – l’unique vertige que nous nous accordons…

Et cette voix – au fond de la poitrine – qui entonne ce chant décousu – discret – indistinct ; un murmure dédié aux habitants des interstices – au petit peuple des thébaïdes – à tous nos frères ermites et nomades…

 

 

Cette présence plurielle – protéiforme – tantôt à nos côtés – tantôt devant nous – tantôt derrière – parfois au-dessus – parfois au-dedans – selon les circonstances – les nécessités et les défaillances…

Parfaitement superposée – encore (bien) trop rarement ressentie…

En silence – à nos pieds ; et nous – humble(s) – honnêtement agenouillé(s)…

La justesse et la joie – infigurables…

L’homme et le Divin – très humainement emboîtés…

Le regard et l’étreinte – la juste intimité…

L’invisible et la matière que nous réussissons, peu à peu, à apprivoiser…

 

*

 

La feuille et la pierre qui feignent le combat – de précieux alliés en vérité – des compagnons d’éblouissement – déréglés, si souvent, comme s’il nous fallait expliquer le monde et le poème…

Une seule foulée – un seul mot – suffirait – et nous laisserions les érudits commenter…

Du côté des sages qui ont déserté le langage pour inscrire (avec humilité) leur présence sur le sol – le ciel (le grand ciel) perdu au fond de leur regard (paisible et perspicace)…

 

 

L’enfance – socle de nos vertèbres – soudain interdite – retirée – que l’on a fait chuter et disparaître…

Et nous – à terre – à présent – tout avachi(s) – tout cabossé(s)…

Plus ni chair ni verticalité ; un peu de matière – sans ossature ; amas informe(s) et ramolli(s)…

 

 

L’infini rompu par nos mains déloyales – infidèles – corrompues…

Tout – ce que l’on a extorqué aux Dieux et à la lumière…

Et ce que l’on continue d’ignorer – inconscient(s) ; les silences dans la voix – la perspective sur les pages…

La tendresse oubliée au profit des apparences et de l’efficacité…

Sans alternative – les bas-fonds qui persistent à encenser le meurtre et les paroles définitives déguisées en (fausses) vérités dont les foules aiment se parer pour paraître davantage…

Et nous – nous éloignant – le livre (tous nos livres) à la main – seul – définitivement seul – le chapelet des espérances jeté (sans ménagement) dans les eaux noires (et purulentes) du monde…

De moins en moins homme – à mesure que s’effiloche notre sympathie pour l’humanité…

 

 

Des choses simples…

Un chemin – comme une terre mature…

Ce qui va et vient – à travers le corps et la psyché…

Le cœur sans possibilité d’exil…

Le juste équilibre entre l’invisible et la matière…

Notre présence – joyeuse – mystérieuse – impénétrable…

Et cette inclinaison à l’intermittence ; ce qui est – toute forme de vérité…

 

 

Le jour – à demi…

Et pas si ardente la fièvre…

A peine – quelques restes de folie…

Aucune certitude – notre seule offrande…

Une âme et des lignes – sans destin…

L’effacement et la dissolution – comme seules possibilités…

 

 

Aucun Dieu penché sur nous – à l’extérieur…

Une présence – en soi – à découvrir – à éprouver…

La part qu’il faut abandonner à la lumière – à l’incertitude – à la poésie…

Ce qui fait naître les gestes amoureux…

Le regard sans la nécessité des lèvres pour éloigner la pudeur et la grossièreté…

Nos adieux au rêve et à l’indifférence…

Contraint de laisser les Autres piétiner au milieu du chemin…

 

 

Au cœur du vide qui nous précéda…

L’aube – au-dedans – et le jour sur les bêtes soumises à toutes les tragédies…

La transparence au fond de l’âme – au fond des choses…

Au plus haut – peut-être – du retrait – là où règne le regard – notre capacité à aimer et à percer tous les secrets…

Nous – au milieu des ruines et des Autres – illuminé(s)…

Sans appui – dans une sorte de posture involontaire et incompréhensible…

 

*

 

Comme un nœud – au fond du cœur – le ciel et la matière emmêlés – un peu de lumière cachée que la parole essaye de découvrir – de décrypter…

Dans le noir – ainsi commence – et se poursuit – le voyage ; et ainsi s’achève-t-il trop souvent…

Les danses du corps et la folie de l’âme…

Nos refus – en désordre – toute la panoplie des postures…

Ce que révèlent les apparences…

Et dans les profondeurs – en réalité peut-être – l’absence absolue et inaugurale qui se décline et se perpétue – qui se prolonge de toutes les manières possibles – comme un long et lent glissement jusqu’à la dissolution totale – jusqu’au vide premier – initial…

Des corps à corps – sans la moindre cruauté…

L’accord – de bout en bout – jusqu’à l’apothéose finale qui achève le cycle et annonce (bien sûr) le suivant…

 

 

Rien qu’une cassure – ce qui nous distingue…

Mortel(s) – contrairement à l’espace ; de simples traits dessinés avec ardeur – sauvagerie – obstination…

La stricte conséquence de la nécessité métaphysique

Des lignes forgées sur le feu – par les flammes – jetées dans le brasier du monde et se transformant, peu à peu, en cendres…

Ce qui se célèbre dans l’efflorescence et la dévastation…

La chair rongée – le sang séché…

L’âme qui abandonne, peu à peu, ses calculs – ses tristes cumuls – responsable – enfin – prête pour se laisser guider jusqu’au point central – au cœur même du voyage…

Sans ruse – sans distance – sans arrière-pensée…

Entre les lèvres – entre les lignes ; des traces d’impossibilité et de transformation…

Dans le sens du ciel – peut-être…

 

 

L’air et la parole suspendus – au-dessus du sol – entre terre et ciel – piégés par le mouvement naturel du monde ; la seule ossature peut-être – le vide et le verbe…

Dans la proximité des âmes et des corps…

 

 

Les battements du cœur – des bruits d’ailes – sur l’envergure inconnaissable de la feuille…

L’arbre devant nos yeux…

L’âme attentive…

La main offerte aux couleurs – instrument docile du geste naturel…

La spontanéité comme la seule loi possible…

La ligne brève ou qui s’étire – selon les nécessités du monde et du langage ; qui peut (réellement) savoir…

 

 

Ce que corrompt le sommeil ; et ce qu’il charrie avec lui – dans ses eaux troubles – ses courants souterrains ; des rêves solides comme de la roche – des songes aux allures d’horizon…

La verticalité de plus en plus lourde ; et l’affaissement (progressif) de la structure…

La chair qui se ramollit…

L’effondrement transitoire et l’émergence de la perspective manichéenne ; le monde en noir et blanc – la parole péremptoire ; la réalité qui se dessine – croyons-nous ; la solidification des illusions – en vérité…

Les heures successives que l’on tente d’entasser ; des frontières et des peuples qui s’abritent – qui s’affrontent…

La terre tribale et le ciel vengeur…

Des monstres et des idoles…

Ce qu’il nous faudra encore affronter…

 

 

Serré contre soi – ce que nous détestons – ce que nous refusons (obstinément)…

L’inquiétude qui nous précède (et dont nous héritons)…

Prémices de la conscience – simple cognition (restrictive encore)…

Un pas dans un lieu toujours désert – toujours inhabité…

Le seuil du soleil et du silence – très loin devant nous…

La pupille dilatée – hôte de passage qui ignore celui qui demeure…

Assigné à résidence entre le rêve et la transparence du monde…

Et cette part, en nous, qui s’efface pour accueillir ce qui se manifeste…

La fenêtre ouverte comme la seule expérience possible…

La difficulté des choses à se révéler ; la possibilité des âmes à éprouver…

 

 

Du feu en excès – non consenti – comme une forme de prolongement de l’origine (un peu capricieuse)…

De toute évidence – le monde – une terre inconnue ; et l’invisible dont si peu ont conscience…

 

 

Des pans de réel qui apparaissent entre les voiles déchirés – des monceaux d’étoiles suspendus au néant…

Le vide – d’un monde à l’autre – à travers les yeux ; toutes les perspectives étalées…

Ni sommet à atteindre – ni montagne à gravir – des voûtes parcourues par le regard et la parole – notre silence et nos murmures…

Sur le sol – des pierres et des pas, peu à peu, affranchis des rêves et des règles édictées pour les habitants des rives trop peuplées…

Un espace sans débris – sans détritus ; une aire vierge et d’envergure qui rend possible la joie et la poésie…

 

*

 

Le temps rapiécé – malgré les gardiens du temple – la surveillance de tous les Dieux inventés…

Le vaste monde – un ramassis d’histoires – un désert – un néant…

Et les hommes qui continuent de pisser contre les arbres et de gratter la terre – comme toutes les bêtes – pour marquer leur territoire – et qu’importe s’il tient à une ligne minuscule dans le grand livre des vivants ; la même hargne que les hyènes qui défendent leur carcasse ; la même blessure – la même chaîne – la même faim ; le terrier et le règne de la terreur…

 

 

L’esprit aussi partisan que semblent neutres les événements…

Des mouvements – collusions et collisions…

Des ruptures et des alliances – ce qui, sans cesse, s’échange…

Des itinéraires et des trajectoires…

Des éclats – des ajouts et des mutilations ; et ça continue, pourtant, de vivre ensemble – d’appartenir au même corps – perpétuellement changeant…

Des bouts – des fractions – des segments – assemblés avec le même liant ; un peu d’invisible et de matière mélangés – le jeu permanent des forces qui s’exercent au cœur du vide…

Serait-ce donc cela la folie – l’exubérance – le mystère – d’être au monde…

 

 

Ici – le même souffle qu’ailleurs – le même souffle qu’autrefois – le prolongement du même commencement – robuste – récurrent – inépuisable…

Le cycle de l’air et l’immobilité de l’essence – sans cesse transformés ; cet allant – cette ardeur – dans le cœur – le ventre – la poitrine…

Les mains qui s’abattent – qui se touchent – qui saisissent…

Le levier du vivant et ses mille conséquences ; l’étrange et interminable chaîne à laquelle nous appartenons…

 

 

La main qui s’avance vers le feu – le centre du monde…

Avec un excès de lumière – à l’intérieur…

Sous un ciel d’étoiles décoratives…

Et dans l’âme – cet encens qui brûle…

Des volutes sous les voûtes du temple…

Chargé(s) de pierres grises et rouges – sous les bras…

Un peuple d’images sans imagination…

Et la poésie pour essayer de dire le plus simple – l’essentiel ; ce que l’on voit – ce qui a été vécu – qui, peu à peu, forme la somme des expériences impersonnelles…

 

 

Le ciel des morts au-dessus des têtes…

A se frayer un chemin à travers les ruines – les ronces – les fleurs…

La bouche muette – le cœur dispersé par l’inutile – blessé par les coups du sort – les coups des Autres – ces forcenés qui cherchent un peu d’espace – un peu d’espoir – un peu de lumière et de nourriture – pour survivre au milieu des malheurs…

 

 

L’aube inaugurale – partout – dans l’herbe – entre les lèvres – dans cette parole qui se couche sur la page – au cœur de l’âme inclinée – dans cette interminable succession de gestes…

Quelque chose du mystère dans notre besogne terrestre…

 

 

De la joie à force d’obéissance – de marcher discrètement – humblement – incliné(s) – dans les pas (souverains) des circonstances…

 

 

L’enfance fragile – exubérante – un peu folle – qui accourt au-dedans – dans cet espace qui lui est, à présent, dévolu…

L’essentiel en quelques sauts – en quelques enjambées – le même sourire…

Le soleil et le ciel – à portée de main – sur la même rive…

Le jour et le cœur pas même obligés…

 

*

 

Dehors – partout – la même douleur…

Cette nuit et ces hurlements…

Un dédale d’impasses…

La vie durant sur le même échafaud – tantôt face à la corde – tantôt face au couperet – tantôt face au bûcher…

La matière immolée – sans spectateur – plongée dans la vacuité du monde…

Le vivant invité – répudié – chassé – et (inlassablement) réinvité ; se croyant libre – et (seulement) soumis – subordonné – obéissant…

 

 

Pente encore…

Des crêtes décimées…

Sur la ligne – la juste inclinaison…

L’équilibre entre le silence et la part (la plus) exprimable de la vérité…

L’intermittence et le provisoire ; des situations et des états ; mille circonstances simultanées…

La multitude – comme piégée par elle-même…

Sur le fil de l’incertitude – à pas libérés…

Ni rail – ni machine…

Le geste – la danse et le poème…

Entre terre et ciel – la joie – la posture la plus naturelle de l’âme…

Le feu et la lumière – la seule alliance possible au cours de cette étrange traversée…

 

 

Des signes et du silence – à la lisière du jour – sur la page (autrefois si enragée) – à la place de la fureur et du sang séché…

L’approfondissement du vertige plutôt que l’étourdissement…

Les ailes déployées à travers le ciel sans secret…

Aussitôt arpenté – aussitôt noté – aussitôt effacé – (très vite) oublié…

L’être qui dissipe ses propres visages – sa propre voix ; le permanent mélange des identités…

Pas même le désir d’un nom ; habité par l’évidence du déclin et de la décomposition des choses…

Hors de tout gisement – hors même du labyrinthe – le mot – l’envol et la foulée ; comme si nous apprenions, peu à peu, à vivre au-dessus du tumulte du monde…

 

 

L’absence de jour – dans nos yeux aveugles – dans nos gestes rêches…

Des existences bouleversées par l’âpreté (et la complexité) du monde…

A défaut de ciel – le sommeil qui abonde…

Un peu de terre par-dessus la terre…

Et cette manière d’être présent – de plus en plus lumineuse – à mesure que s’éteignent les étoiles…

Au fil du temps – de moins en moins de rêves et de mensonges…

 

 

Des lieux de surprises et de volupté…

Des interstices – entre les lettres et les lignes ; notre respiration…

La porte ouverte – en permanence…

Une halte quasi définitive – au seuil de l’autre monde…

Ce qu’offre la solitude ; l’affranchissement (progressif) de tous les poids…

Au rythme de l’extinction des promesses et des illusions…

Le silence de plus en plus proche – palpable – vivant…

De jour en jour – le plus intime qui s’apprivoise – avec de moins en moins d’appuis et d’artifices…

L’œuvre essentielle et quelques contingences nécessaires…

L’âme et la nuque qui se débarrassent, peu à peu, de leurs charges ; la tête et le dos qui s’allègent – sans le moindre cri – sans la moindre douleur…

Le corps et l’esprit qui apprennent à côtoyer les cimes…

Dans la proximité curative du vide…

 

 

La beauté – au-dedans – mûrissante…

Au cœur du regard – qui donne au monde sa couleur et sa lumière…

Les rives et le gris qui s’éclairent…

Une longue série de miracles à la place du mystère…

 

*

 

L’œil passionné – l’âme envoûtée – à danser au milieu du feu – la chair qui brûle – entre le soleil et le fouet – ce qui nous anime…

La fureur du vent sur notre (misérable) assise – nos tentatives pyramidales…

 

 

Ce qui se répète – jusqu’à la sauvagerie…

L’innocence et l’infini – à intervalles réguliers – par saccades…

Un flot tournoyant…

Et, entre deux cris, l’étouffement – le rapprochement des murs jusqu’à la mort…

 

 

La vie – le monde ; la lumière entre parenthèse – à l’exception de quelques étoiles dans le ciel noir et les yeux malheureux…

Ce qui crépite dans les flammes…

Ce qui prolonge l’agonie – la douleur – cette noyade déjà (bien) trop lente…

Un reste de ciel – dans la matière – qui se désagrège…

 

 

Sur un fil – derrière ces murs que nul ne voit – les mains plongées dans leur besogne ; l’âme et les lettres – la montée du jour – l’absence de choix – la volonté libre – sans procédure – sans arrière-pensée – ce qu’imposent spontanément les circonstances…

Les remous naturels de la trame…

La puissance du souffle jusque dans les recoins les plus reculés de l’étendue…

Et l’immensité parfois réduite à un point minuscule – d’une infinie densité…

Comme une effraction du jour dans la nuit ordinaire du monde ; arbres et bêtes interpellés par le rôle (incroyablement modeste) du poète face à l’obscurité – au bord du précipice – à l’intersection de tous les cercles – sur toutes les rives à la fois – en déséquilibre – entre le mot et la vérité – entre l’absence et la lumière ; et ce goût pour la parole incarnée ; quelques lignes dans la blancheur et le silence – sans le moindre destinataire…

L’immobilité et le mouvement – le vide et l’abondance – consacrés sans désir – sans effort – sans restriction – comme un geste naturel – le seul, peut-être, qui (nous) soit essentiel…

 

 

Ce qui jaillit du bleu – la surface du monde – les éclats de voix – les reflets de la lumière…

Toutes les étreintes nées du premier désir…

Toutes les violences nées de la force brute…

Le juste équilibre entre le feu et la mort…

 

 

Nous remuons ciel et terre pour un trésor dissimulé ailleurs ; dans le souffle et le sang – au centre – partout disséminé à l’intérieur…

 

 

Des bruits de chaînes et d’étoiles – le monde clos et l’immobilité des voyageurs ; comme s’il suffisait d’attendre l’effacement et la lumière…

 

 

L’ardeur hésitante face à l’angoisse – son poids et son envergure – sa manière de nous envahir – de réfréner tout élan – de réduire à néant la moindre velléité – comme si l’on pouvait, en un instant, s’affranchir des œillères et du sommeil…

 

 

Les pieds au-delà de l’innocence…

Toutes les volontés du monde – rassemblées – unifiées – alignées – au centre – au fond – du regard…

La foulée précise – errante ; et le geste involontaire…

La lumière et la spontanéité – ce qui chapeaute la matière et le monde…

 

 

Un peu de tendresse – au-dedans ; ce qui nous caresse et nous éclaire ; plus secourable et opérant que toutes les consolations terrestres…

 

 

Le jour à la chaîne – comme le reste ; soumis à la récurrence du cycle…

Et cet œil – en surplomb – plongé au cœur du monde – au-dedans des êtres et des choses – qui échappe aux circonstances et au temps…

 

*

 

A chaque instant – la tentation de l’absence – les habitudes – le recours aux Autres – la facilité à portée de main – dans la poche – accrochée à la ceinture – au plus près de soi – toujours – comme le reflet de ce que l’on porte – à l’intérieur ; ce goût si prononcé pour le confort – pour tenter de rendre moins rude et moins âpre cette attristante (et douloureuse) existence…

 

 

Aux frontières de la rage et de la faim…

Une image – en nous – qui s’enroule sur elle-même tant elle prend de place dans nos vies…

Une manière de s’enfoncer en soi – en retournant tous les piquants de l’âme et de la psyché vers l’extérieur – histoire de blesser le monde et d’épargner son cœur…

 

 

A nous morfondre dans l’inquiétude – cette angoisse sourde du devenir – comme si nous pouvions influer sur le destin – avoir le choix des ornières et du chemin – des circonstances et des visages rencontrés…

L’existence froissée – et les angles morts qui deviennent, peu à peu, des coins où l’on vient se réfugier pour ne pas voir ; aller dans la vie et sur l’échafaud comme des aveugles – avec une cagoule sur la tête – les yeux fermés sur le monde et la mort – sur les ravages des Autres et du temps…

 

 

De souffle et de sang – à chaque instant passé – de la première à la dernière heure ; chaque jour – chaque existence – reflétant le désir et la peur de vivre (et l’angoisse de la mort) – trop souvent – notre seule façon d’être au monde…

 

 

Cécité fléchissante – sans ardeur…

Dans l’obscurité du sommeil…

Des souliers qui s’entrechoquent…

La respiration effrénée…

Des étoiles que l’on pointe du doigt – comme tous ceux que la vindicte populaire juge coupables…

Seul – en attendant l’aube…

 

 

Un refuge auprès des arbres et des bêtes…

Tous – voyageurs parmi les pierres…

Habitants des interstices fuyant les offenses et les atrocités des masses humaines…

Dans nos cachettes – sur les chemins…

A l’abri des chaînes – de l’asservissement…

Un chant – au fond de la gorge – aussi naturel que le silence…

Le monde sans espérance…

 

 

Une longue veille derrière nos murs de pierres et de ronces – tous nos remparts forestiers…

Sur l’aire des sans concession – aux marges du monde habité – le territoire sauvage…

Au cœur des buissons – en ce centre où règnent l’essentiel – les choses les plus simples – toutes les nécessités naturelles…

Parmi les Autres – en silence…

Sous le ciel – les feuillages et les chants d’oiseaux…

Et la lumière qui, selon les heures, éclaire notre visage – nos gestes – notre labeur…

 

 

Là où commence(nt) le jour – les flammes – l’esprit incandescent – la chaleur et la clarté ; ce qui brûle à l’intérieur ; le regard limpide qui éclot – qui apparaît ; et le monde – au-dehors – qui se rétracte – qui se dissimule derrière ses voiles – qui disparaît…

 

*

 

La vie grouillante – la terre partout ensemencée ; l’efflorescence comme allant de soi – la loi naturelle – le vivant s’accroissant – se multipliant – les yeux fermés jusqu’à la mort ; et recommençant indéfiniment…

  

 

Des meurtres à la pelle – des vies sans valeur ; et l’acharnement des ventres à guider les mains assassines…

Le salut et la survie des uns ; les premiers dans la hiérarchie qu’ils ont pris soin d’élaborer ; et les Autres relégués au rang d’instruments et d’ingrédients ; des outils et des aliments produits en masse – industriellement ; chacun nourrissant l’atroce machinerie – l’odieuse mécanique à tuer…

 

 

L’exil suspendu à la rupture…

Le ciel fissuré – comme le visage et la chair – sur lesquels sont passées tant de saisons…

La réalité recomposée par la psyché (toujours) encline au songe…

Des images collées – un amas de clichés – mille représentations en guise de monde…

Et soi comme centre ; et la mort comme terme (trop souvent) indépassable…

L’œil fautif – l’œil crédule – comme condamné par ses propres restrictions…

Les limitations de la matière vivante dont l’horizon se limite à quelques pas – un geste – une manière de tourner la tête…

Le vide – l’essence – porteurs de tant d’illusions – de souffrance – de tremblements…

 

 

Sur cette route qui s’éloigne…

Sur ces pierres qui séparent la terre et le ciel…

Au-delà de la lumière – rien – la même clarté – la même évidence…

Ce que nous sommes – sans l’espérance…

 

 

L’éternité au milieu des ronces – sur toutes les peaux griffées par le réel…

Le ciel à même les yeux – à même le regard (évidemment)…

Le cœur comme toutes les eaux limpides du monde…

Le silence foulé par les pieds nus…

Sans épée – sans victoire – sans le moindre territoire à conquérir – sans le moindre périmètre à défendre – l’âme (toute entière) vouée au vide…

Et le sourire – à l’intérieur – profondément…

 

 

Épaule contre épaule – main dans la main – au cœur de la même solitude ; l’âme et le monde confondus…

Le réel – jamais hors de soi (bien sûr)…

 

 

Les feuilles et le souffle – identiques…

Les feuilles et le ciel – dans la même direction…

Ce qui s’approche et vient s’achever – en soi…

La fin de la séparation et de l’arrachement…

Un ensemble de surfaces contiguës – et au-dessus – et dans les profondeurs – l’immensité – d’un seul tenant…

Une possibilité d’habiter l’âme et le monde – simultanément…

Présent – sans nom – sans visage – sans la moindre identité – pour la joie – l’Amour et la beauté…

Et ce profond silence – au-dedans – qui coule discrètement – (presque) secrètement – sur la terre – à travers nos sens – nos gestes et notre présence digne – respectueuse – inclinée…

 

*

 

Peu de chose – en vérité – quelques mots lancés dans le vide…

Des gestes simples – sans délai – sans tremblement…

Qu’importe ce qui est dit (ou ce qui pourrait être dit) – la main libre de jeter ici et là ou de retenir (si cela lui agrée) – comme la bouche prodigue ou mesurée…

L’âme porteuse d’ouverture et capable aussi de se rétracter – de se replier en des lieux moins hostiles…

L’authenticité et l’affranchissement (si cela est possible) ; la vie sans la moindre erreur – sans la moindre hésitation…

 

 

Peu de mains tendues – le rêve des Autres…

Et la tendresse – en soi – prête à s’offrir…

Ainsi se résolvent toutes les équations du monde…

Avec, parfois, un peu de salive – quelques taches d’encre – en commentaire (histoire de s’en rappeler si d’aventure il nous arrivait de l’oublier)…

 

 

Des rêves de voûte élargie…

Et la somme des piétinements sur le sol…

L’odeur de la mort et le gouffre que, peu à peu, nous creusons…

Des grincements de dents – des âmes (très) mal alignées…

A voir le monde et notre besoin de nous éloigner…

Un rire honnête au milieu des ivrognes et des somnambules…

Que pourrait-on faire d’autre ; et notre tête qui roule déjà ailleurs comme un rocher qui dévale sa pente ; notre destin dans les éboulis ; notre place – quelques traces – dans la poussière…

Le sort des vivants et des pierres…

Notre existence – notre sommeil – notre folie – en passe (peut-être) d’être acceptés – au fond de la nuit noire…

 

 

Le cœur embarqué – brinquebalé…

A mi-chemin entre à présent et l’impossible…

L’âme idéaliste – imprégnée par toutes les idées de l’esprit…

Hors du monde – le réel revisité…

Le mystère – comme une évidence non résolue ; un paradigme (trop souvent) négligé…

Ainsi continuons-nous notre voyage au pays des illusions ; de lieux fictifs en lieux fantasmés – n’arrivant jamais nulle part – en vérité…

 

 

Le sommeil bouleversé par la souffrance – l’excès de souffrance…

Les mains agrippées au ciel – désespérément…

L’espérance d’un ailleurs – d’un autrement ; et à bien y réfléchir – sous la férule de la peur – la volonté (inconsciente) de recommencer d’une autre manière – mieux armé(s) pour affronter la dureté des visages et des circonstances…

Rêve encore (bien sûr) – les yeux grands ouverts ou profondément fermés ; l’âme dans sa torpeur – l’âme dans son infâme bain de douleur…

Nous (tous) – englué(s) dans l’idée de liberté – et nous enferrant, sans cesse, dans l’asservissement…

 

 

A voix basse – la vérité…

L’enfance immobile…

L’âme et les choses – sans distance…

A travers la lumière – notre continuité…

Des interstices noirs – sans preuve – sans présence ; Dieu relégué à l’invisible ou à l’impossible…

Comme un double ciel – l’un réel – l’autre inventé – l’un mesurable – l’autre aussi vaste que l’infini…

Encore (trop souvent) dans l’empreinte des Autres – aïeux et contemporains ; et d’autres fois – comme une barque à la dérive – comme un derviche errant au périple (strictement) intérieur – à la destination précise et accessible (seulement) par un retournement de l’esprit et un abandon de l’âme – du cœur – aux mouvements du dehors qui détermineront la justesse de la posture et de tous les gestes à réaliser…

 

*

 

Pas le monde – l’image du monde…

Le corps écrasé contre les rochers…

Et ce rire étrange – saugrenu – comme si l’on n’était pas mort…

 

 

La bouche élancée – les jambes (plutôt) courtes…

Le buste fort – l’âme fragile et courageuse…

Prêt à faire face autant que possible…

De tourment en désarroi – au fil des circonstances – le voyage vers le bleu qui, peu à peu, remplace la douleur et l’espoir d’un lieu meilleur…

La roue du ciel – au-dedans de l’enfance – qui nous fait tournoyer – comme toutes les têtes – sur la terre – tantôt les pieds dans la boue – tantôt à nous écorcher la chair contre la pierre…

Les dents serrées – retranchées derrière la langue – au milieu des arbres – détendu – parmi les hommes – le désir tiraillé entre la tendresse et l’impossibilité…

Un peu de pluie – quelques larmes – un peu de joie – la clarté du jour – pour colorer le silence qui s’invite entre les mots – entre les lignes ; et cette rupture (largement consommée) avec le monde ; les hommes abandonnés à leurs danses stériles et folles – à leurs gestes funestes – à leurs ambitions terribles – aux gémissements des âmes baignées dans la noirceur croissante des siècles…

Comme un chant – par bribes – entrecoupé de courts silences…

Quelques taches d’encre – dans l’espace – sur la page blanche…

 

 

Des hommes – par mégarde…

Le jour caché par tous les mensonges…

Des signes – quelques éclats…

Des ostentations – des replis – des fuites et des retraits ; et cette lumière qui tarde à venir…

Un regard – un peu de poésie – une attention et des gestes quotidiens ; notre manière d’être vivant – notre manière (un peu solitaire) d’être au monde…

 

 

La foi en la fin d’un monde pour un autre encore invisible – encore indéterminé – et qui adviendra en son heure…

Une manière de suivre la courbe – de rester fidèle au cours des choses…

Avec des élans et des obstacles sur la voie qui – naturellement – se dessine…

 

 

Entre – sans doute – la plus juste position*…

Le provisoire qui – infiniment – se déroule ; l’instant – sans cesse – en devenir…

Au milieu de la multitude – élément parmi les autres…

* dans une perspective fragmentée ; avec la perception d’une individualité séparée et d’une temporalité linéaire…

 

 

L’invention d’un autre chemin – une sente secrète où l’on aimerait se perdre – errer toujours davantage – se fourvoyer jusqu’à la dissolution – jusqu’à l’effacement…

Des passages – entre les pierres – vers le jour – d’autres lieux – vers d’autres mondes peut-être…

De l’autre côté du miroir – hors-champ – en dehors du labyrinthe – sur une aire sans sommeil – éloignée des cœurs trop étroits et des esprits trop abstraits – à l’autre extrémité de l’enfance – celle où l’innocence – la beauté – la poésie – sont les seules cimes possibles – désirables – autorisées…

Au cœur des flammes – au cœur de l’immensité – là où se désintègrent les songes – la somnolence – l’inertie…

 

*

 

Ce qui se rompt à trop essayer…

Le sort qui vire au mauvais à force de volonté…

Au seuil du vide – l’abandon du miroir – l’achèvement d’une longue série de reflets que nous prîmes (à tort et à notre insu) pour le monde…

 

 

Entre nos lèvres – l’enfance revenue…

Comme le vent qui effleure la pierre…

Le bruit – le bleu – dans nos mains inconscientes…

L’œil tantôt téméraire – tantôt timoré…

Et la parole qui s’ensoleille…

 

 

Le masque de la mort sur tous les visages – derrière le rire – la tristesse feinte – la chair qui agonise…

Encerclé(s) – en somme…

 

 

Le bleu d’autrefois – original – tout au long du voyage…

L’immensité que l’on fractionne – que l’on façonne et réajuste – histoire de devenir le centre – un centre minuscule – aussi minuscule que tous les autres – tantôt en état de jubilation – tantôt en état de frustration – pavoisant – s’attristant – gesticulant – sur son infime périmètre…

La faim et la chair espérante – le buste bombé – comme hypnotisé(s) par le monde ; et (incontestablement) animé(s) par la peur de ce qui n’est – de ce qui ne semble – pas soi…

 

 

Se perdre encore sur tous ces chemins inconnus…

Le pas entre la solitude et le monde…

La vie qui passe et notre foi croissante en l’invisible…

Et ce qu’il nous faut – et faudra encore – assumer en matière de contingences – de contraintes – de nécessités quotidiennes – inévitables…

Des nœuds – des miroirs – dans le même labyrinthe ; et l’enfance (presque) achevée qui doit, à présent, apprendre à s’affranchir des Autres…

 

 

Ce que l’on éparpille en croyant cheminer ; le cumul d’une ardeur épuisable – une dispersion des forces – en vérité…

Un voyage parsemé d’escales vers une destination (très largement) anticipée ; et qui exclut, de manière (quasi) rédhibitoire, le reste (tout le reste)…

Le prolongement de notre pauvreté – en quelque sorte ; ce qui perpétue indéfiniment nos existences univoques et indigentes…

 

 

Du ciel – ici et ailleurs – de part et d’autre du monde et du langage – dans l’âme autant que sur la page…

Sans voix – face à la lumière vive et généreuse…

L’âme comme désensorcelée et affranchie des images et des traditions…

Des fleurs vivantes dans la main – remises en terre ; l’une des plus belles offrandes au monde – peut-être…

Un geste comme une fête – une joie amoureusement partagée…

Ce que contient le cœur (et qui ne peut faner)…

 

 

L’existence ; l’apprentissage du mystère – son progressif apprivoisement – sa lente incorporation dans notre regard – nos gestes – notre manière d’être au monde…

 

 

Un peu de neige – un peu de clarté – dans la main – dans le ciel ; la brume qui – lentement – s’évapore – comme si le vacarme de la tête se transformait, peu à peu, en silence – à mesure que le cœur s’incline – à mesure que l’âme prend de la hauteur…

 

 

La nudité ; et le reste comme éclipsé…

Sur la scène – en soi – la fin du simulacre…

La levée (totale) des restrictions…

Dans le regard – l’émergence (perceptible) de l’infini qui sommeillait au fond des yeux…

Et au-dehors – comme l’écho du dedans – le vide – un silence monumental…

 

*

 

Sur cette île aux chemins de granite – le cœur tendre et lumineux…

La pierre et la parole égales – face au monde – face au silence…

Le jour et la mort – sans crainte…

L’esprit et l’océan – sans idée – sans séparation…

Tout – sur la même ligne ; la même étendue – d’un seul tenant…

 

 

Entre flamme et fleur – ce souffle…

L’intuition d’une totalité singulière – comme si toutes les combinaisons étaient réunies – en chaque chose – en chacun – sans heurt – sans frottement – parfaitement emboîtées – sans la moindre ambition hiérarchique…

Et ce rire joyeux – sans moquerie – sur nos velléités d’émergence – nos rêves d’aspérité – comme si le ciel rechignait à nous laisser choisir…

 

 

La peur appauvrie – la vie et la disparition – l’évolution perpétuelle – le provisoire permanent – comme des couches de couleurs successives – mélangées – à la surface du vide…

De l’espace – et tous ses centres – et toutes ses marges – enchevêtrés…

L’attention et le silence – qu’importe les variations et les changements…

La langue fidèle (presque) toujours à la perception…

Dans l’intimité de l’âme et la proximité des choses…

Le ciel et tous les périmètres souterrains emmêlés – en chaque ligne – tels qu’ils se manifestent dans le monde…

Un peu de lumière sur notre chemin d’ombre – de crasse – de claudication…

Un soleil au sommet du néant…

Le règne enfin assuré de l’errance…

 

 

Semblable au sol enneigé ; la mort – le cœur lisse – l’âme dans l’ombre – la vie qui nous emporte dans ses souterrains – le silence…

Et ce que nous inventons pour favoriser la joie – la couleur – la distinction ; mille manières d’ouvrir une route vers l’exubérance – l’épanouissement de la diversité – l’efflorescence printanière…

Ce feu – en nous – qui brûle la tristesse et l’uniformité – apparentes…

 

 

La nuit tombante – sur le chemin…

L’éternité présente en arrière-plan de ce qui a lieu…

Sur cette roue qui fait tout recommencer…

Au cœur de l’espace – dans l’évidence du changement – le règne (indéfini) de l’impermanence…

 

 

Le monde – des ombres projetées…

Le livre – les pages – de l’encre jetée qui tombe en combinaisons inattendues…

Heureux celui qui perçoit le jeu de l’infini dans la matière – l’essence au cœur des images assemblées…

 

 

La route et le territoire…

Et ceux qui vivent sans carte – ni légende…

Un pas de côté pour s’éloigner du monde – sur cette sente qui serpente entre la grossièreté – les chimères et les abstractions…

Ce que l’on découvre – pas à pas ; de l’autre côté du rêve – sur le versant opposé à celui où l’on se trouve (en général)…

Après l’interrogation – la quête – cette longue errance au terme de laquelle nous découvrons l’immobilité – le silence – cette paix à laquelle nous aspirons tous depuis le premier jour et que nous apprenons (tant bien que mal) à apprivoiser au cours du voyage…

 

*

 

L’abandon – l’ouverture – le chemin où tout (re)commence – où tout continue autrement ; la pensée qui s’éloigne – la pulsion que l’on sent ; et l’intuition qui fait le reste…

Ni abîme – ni angles morts ; la plaie béante – exposée ; sans défense…

Et la lumière qui, un jour, finit par entrer dans la danse…

 

 

A écrire comme le soleil qui, chaque jour, se lève ; et les fleurs qui s’ouvrent face à la lumière – comme la main qui court (sans empressement) sur la page…

Chacun occupé à sa besogne – assumant le rôle que la vie – le ciel – le monde – lui ont attribué…

 

 

Le ciel non affilié (comme nous du reste) – l’océan comme seul horizon – et cette fausse frontière qui se dessine entre les immensités…

 

 

Le soleil – pris à son propre jeu – et qui, las de brûler de l’intérieur, finira, un jour, par exploser – créant, dans le ciel, une fissure – la naissance, peut-être, d’une faille…

Et plus loin – parmi les éclats – l’émergence d’autres univers – d’autres mondes – d’autres perspectives…

La matière et l’espace – et, ici-même, le verbe et l’esprit ; le règne de ce que l’on voudra – étoile dans la nuit noire…

La profondeur du vide – d’une ligne ; un peu de rien dans le néant…

 

 

L’apocalypse écartée par le regard…

Le silence contingent du cœur ; et – toujours – la possibilité de l’émerveillement…

Moins (beaucoup moins) seul qu’on ne le pense…

 

 

Le cœur désarmé…

Sur la pierre – l’infini délaissé – s’affirmant sans la conscience des hommes…

L’invisible – en tous points – apparaissant, parfois – aux yeux (très) parcellaires, comme une lumière imparfaite – inachevée…

Ce qu’il nous reste à gravir pour effacer le monde – tous les horizons – et vivre sans la nécessité des mots…

 

 

Un chaos d’âme et de lignes – de pierres et de signes ; et notre modeste embarcation emportée par les courants qui la mèneront jusqu’au bleu…

 

 

Le jour – en un instant – qui se substitue à la nuit (très largement) millénaire…

Encore un saut – et bientôt nous ne serons plus…

 

 

Le monde et le langage – des noms pour différencier tous les bruits que nous faisons…

La bouche à côté de l’ombre et des gesticulations…

Une manière d’asseoir son règne sur la distinction et l’infortune ; la psyché dans son rôle – sans doute – l’apanage de l’esprit humain…

 

 

De minuscules amas d’os – disséminés ici et là – comme d’involontaires autels – des memento mori naturels – de petites chapelles vouées à la valédiction…

 

 

Des yeux et des portes fermés – des ombres sur le mur – des silhouettes incorporées à la voie (labyrinthique) qu’elles dessinent…

Un monde sinistre de doléances et de commentaires ; et nous – nous éloignant pour oublier notre apparente appartenance…

 

*

 

Le monde – comme un coffre à dévaliser…

Une terre peuplée de brigands et de bandits…

Du bleu – comme un mensonge – une couleur inventée – du noir que l’on aurait éclairci peut-être – pour se croire moins animal…

Le règne de la faim – encore – partout – la souveraineté vertigineuse de la bestialité…

 

 

L’illimité jeté au-dessus de nos têtes – comme une promesse à l’écart du monde – de nos existences ; une simple image – un peu de décoration…

L’âme vacillante – comme ces lignes où tout se perd – où tout recule – s’emmêle – tombe à la renverse…

Un verbe sans visée – sans auditoire – au silence trop souvent replié – dissimulé derrière l’abondance ; l’apparence d’un souffle boursouflé – d’une chair fragile – inquiète – qui, sans cesse, se renouvelle – se réinvente – se perpétue…

Un froissement de lumière – un peu de blancheur – en vérité – dans tout ce noir – ce fouillis – qu’est le monde – qu’est la page…

 

 

Le sommeil ignoré – assassin – sans fissure…

Le manque à l’origine de la trajectoire – du moindre élan ; et la cécité qui guide les pas…

La marche funeste – attelé(s) à l’inhumain – le fond commun des créatures terrestres…

Le brouillard trop épais pour le vent et la lumière…

Le seul socle – l’espérance – la possibilité du lendemain ; comme empêtré(s) dans l’illusion de soi – du monde et du temps – vivant avec collées sur les yeux des images ; le monde fabuleux que se sont inventés les hommes…

 

 

Des existences souterraines et sans soleil…

Tous ceux qui s’imaginent démunis – privés d’Amour – privés de joie – obligés de patauger là où la boue est la plus épaisse – la plus éloignée du ciel…

Englués, il est vrai, avec tous ceux qui ont affiné leur sentiment de séparation – leur sens obstiné du refus…

 

 

Hache à la main – et une bouteille (de gnôle) dans l’autre ; l’âme et la tête – l’entité bifide – et rafistolée aujourd’hui – réunies par l’ivresse et la violence ; la nécessité du sang et du vin – ces symboles si singulièrement humains…

Ce qui coule dans la coupe et cette part de ciel écartée – enfouie peut-être ; notre socle sur le sable…

Ces existences sans le moindre chant d’oiseau – sans la moindre poésie ; le noir – comme seul décor – comme seule possibilité – comme seule destination…

 

 

Du temps – chargé sur les épaules – sous les yeux – les poches qui s’épaississent – mille soucis qui s’accumulent – l’âme voûtée qui compte les jours passés et les jours qui restent…

Dieu – en des lieux trop clos pour s’épanouir – nous emporter…

Et – partout – le même cri – la même plainte – que répète – en boucle – la foule…

 

*

 

L’heure écarlate – ce qui apparaît parfois – à la nuit tombée…

La lumière obstinément rouge – comme du sang joyeux – giclant ; en poussées sauvages…

Le monde repeint – presque plus réel qu’à l’accoutumée…

 

 

Gorgés de douleurs et d’évidences – les hommes d’en-bas – ces visages sans air – sanguinaires – très rarement scintillants ; les mêmes qu’en haut mais plus incapables encore…

 

 

A hauteur de jour – un éclat – une note – une parole foudroyée par le silence…

Le monde concentré dans une seule larme ; la mort plus lisible que jamais…

Et ce rythme qui emporte le sens – décourage tout questionnement – laisse, de toute évidence, l’ascendant à la liberté et à l’acquiescement…

A charge pour nous de redonner à la vie – à la mort – leur place (réelle) – leurs lettres de noblesse – et d’offrir au geste – à l’âme – au monde – un peu de lumière sur le rôle (primordial) de la destruction et de l’oubli…

 

 

Un peu d’encre – comme une sorte de rituel entre l’esprit et le silence – entre le monde et le signe – notre irrésistible besoin de symboles ; de moins en moins exigeant à l’égard de la parole – en vérité ; aujourd’hui davantage célébration – davantage réduction de l’écart entre le rêve et le réel que fumeuses explications et vaines vitupérations contre le monde et le sommeil…

 

 

A force de ramer sur la terre – cet océan ; des chemins – mille – des milliards – qui s’entrecroisent – sillons et tourbillons qui mêlent et écartent nos foulées – nos itinéraires ; à onduler à l’horizontale – comme envoûtés par la flûte du charmeur de serpent dont les doigts impriment le rythme et la destination…

En ce monde – la marche – notre errance – dans la plus grande confusion…

 

 

Chemin qui – jamais – ne s’achève…

Sans personne à nos côtés – sans l’appui du monde déboussolé – la pérennité des temps aveugles et affamés – sans le moindre ami parmi les hommes…

Entre nous et Dieu – des choses et d’autres ; et la voix de moins en moins lointaine…

Le jour qui, peu à peu, remplace les promesses et les cris…

 

 

Sous la pierre et l’écume – nos vies dévastées – si superficielles – si souterraines – impliquées dans tous les désastres – tous les combats…

Impuissantes et pitoyables ; porteuses, pourtant, de mille passages – de mille promesses – de mille possibilités…

 

 

Des rives – un gué – au milieu de tous les rêves…

Le visage, parfois – trop rarement, éclairé…

Les yeux clos – si souvent – face à la lumière…

Un bain dans les eaux noires ; et un feu au fond de l’âme exaltée…

Et, sans doute, trop d’absence encore pour franchir cet abîme qui (nous) sépare de la félicité…

 

 

Au-dessus du monde – le cercle des ambitions (incroyablement hiérarchisées)…

Et plus haut encore – le vent – la joie – la mort ; quelque chose de l’aube et du geste quotidien…

 

 

Dans le ciel sombre – à peine – l’idée de l’éblouissement ; et l’évidence du règne nocturne – l’emprise (quasi totale) de la noirceur…

Et les têtes qui se tournent pour essayer (très maladroitement) de capter – dans les interstices – le reflet du soleil…

Un peu de clarté dans les failles du monde ; nos existences sous dépendance…

 

*

 

A l’écart – peut-être – le sort recomposé…

Le rôle magistral de la soustraction qui se substitue – aujourd’hui – à toutes les sommes successives pour vider l’espace – l’esprit – et préparer la venue de l’infini…

De plus en plus seul – à mesure que l’on s’éloigne du sommeil…

Et l’invisible – et la joie – de plus en plus manifestes…

Nous – nous écartant, peu à peu, des ravages et du malheur…

 

 

Notre besogne – l’espacement – l’accueil – le silence – la volonté laissée libre – docile – parfaitement accordée au cours (intensément fluctuant) des choses…

La vie secrète – la vie cachée ; l’essentiel – sous une apparence (très) quelconque…

Des fragments de vérité – à l’intérieur – vivants – brûlants – accolés au cœur qui palpite…

Qu’importe le lieu – qu’importe la tâche à effectuer – pourvu que le pas – pourvu que le geste – soient habités…

Présence – voix et parole aussi…

Le jour et le monde – jamais maltraités…

L’âme toujours soucieuse du reste – le cœur infiniment respectueux…

L’Autre et soi – d’un seul trait – réunis ; et l’esprit goûtant la plus haute intimité ; parcelles semblables de l’espace…

L’Absolu ; dans la (quasi) parfaite exactitude de l’être…

 

 

La route qui s’ouvre sur le silence ou sous les aboiements – qu’importe…

Quelques mots – quelques pages – pour éclairer ce qui sommeille – ce qui chute – encore – en s’essayant à la verticalité…

Notre voix – dans un coin du monde – au fond d’un angle que nul ne perçoit…

 

 

Tout porte à croire en l’existence du monde – le réel abrupt – la violence et la faim – les saisons qui se succèdent – les bruits infernaux de ceux qui se réunissent – les signes et la terre sur laquelle nous vivons – nos traits erratiques et continuels ; tout ce désordre – cet ordonnancement sans hasard où la matière et la couleur sont jetées avec exubérance – sans la moindre retenue…

Ici et là où l’ombre s’allège – où la peur s’éteint – où notre hâte maladive – inconsciente – se transforme en gestes précis et habités…

Une présence lumineuse – sans espérance – sans le moindre sentiment de séparation – où chaque instant est une possibilité de fête et de célébration spontanées…

Le couronnement discret du ciel et du silence sur le sol – l’humilité quels que soient les lieux – qu’importe qu’ils soient déserts ou dédales, nous les traversons le cœur joyeux et l’âme inclinée…

 

 

Des pentes douces – fleuries – boisées – peuplées par les insectes et les vents…

Une faune – une flore ; notre communauté…

Un lieu sous le ciel que les hommes ont (presque) totalement délaissé…

Un charme – une plénitude – sans les bruits du monde humain…

Au loin – une cloche qui sonne (à peine perceptible)…

Ici – dehors – en nous – Dieu dans sa plus simple expression (terrestre)…

La joie et l’esprit alerte…

La quiétude des bois où l’on s’est (très) provisoirement installé…

Une respiration naturelle – habituelle – très largement quotidienne – dans notre voyage – notre rythme de vie…

La lenteur – la discrétion et l’oubli…

Ce nomadisme discret des interstices…

Une solitude – une vie – sans devenir…

Une manière (simplement) d’être là – en notre âme et conscience…

 

*

 

Seul – à présent – comme autrefois – mais de manière plus manifeste et joyeuse…

En rien ressemblant…

Au centre du cercle – les carrés et les triangles superposés…

Les craquelures de l’âme – élargies – devenues failles – puis, béance – porte ouverte sur l’immensité ; de l’autre côté du désastre – exactement…

 

 

La route qui se dessine – au cœur même des entrailles – et dont le prolongement parcourt – et traverse – le monde…

A bonne distance de soi – le plus souvent…

A bonne distance des Autres – de manière plus juste et plus efficace (de toute évidence)…

Sans jamais s’écarter du destin – de cette forme d’alliance loyale que nous avons (inconsciemment et naturellement) instaurée avec notre âme…

 

 

Un espace ; la somme des éclats et des inventions ; des mythes – des mensonges – des fragments de réalité qu’il nous a fallu abandonner…

Un nom intercalé entre deux foulées qui, peu à peu, s’efface ; un rythme et une suspension ; quelque chose du fil et de l’enjambée…

Une béance à l’origine et une pierre au bout du chemin ; un peu de chair – un peu de terre – dans leurs profondeurs…

Un souffle – une célérité – quelques traces (dérisoires) dans le vent…

Pas grand-chose – à vrai dire…

 

 

Recruté par l’invisible – à travers le monde…

A travers l’âme – la clarté…

Le feu à l’origine du geste – le ventre (beaucoup) plus tiède qu’autrefois…

Le cœur (franchement) anorexique – que la chair, à présent, rebute ; avec, cependant, un restant de chaleur au centre du foyer…

L’intimité partiellement extériorisée ; et la matière moins dévorante…

Les forces rassemblées pour marquer son (involontaire) préférence pour la solitude et la contemplation…

 

 

Des choses sombres – en apparence ; ce monde qui s’attarde – qui s’empresse – qui loue le conflit et la paresse sur ces rives sans confiance…

 

 

Dans les yeux – l’extrême pointe de l’oubli – le recommencement (perpétuel) du neuf…

Et l’âme – comme un espace sensible traversé de part en part – sans que ne subsiste, dans ses recoins, le moindre reliquat ; transparente et aérée pour que demeurent vivants l’accueil et la liberté…

 

 

La simplicité – un murmure à travers tous les rêves – une aspiration sans l’herbe factice des images ; comme des yeux qui s’affranchiraient des couleurs trop vives – trop acidulées – inventées par la psyché – pour pouvoir (enfin) découvrir et goûter le vrai des choses – le réel du monde que nous avons (presque) toujours rejeté – repeint ou recouvert…

Et, parfois, cette poussière d’or dans la cécité – nécessaire pour ouvrir (très) légèrement les paupières et nous familiariser avec le bleu et la lumière…

Un interstice propice à l’élargissement et à la métamorphose…

 

 

L’infini et l’invisible – bien sûr – gouvernent l’existence et le monde – aussi serait-il vain (et inapproprié) de vouloir échapper aux circonstances ; on ne peut s’affranchir ni des premiers – ni des seconds ; présents dans nos vies quoi que nous fassions…

 

 

L’enfance et ses voiles – et, dans son sillon, cette longue série de choses – à leur place – peut-être – entre le piétinement et la lumière…

 

 

Somnambule sur le fil du langage…

Au-dessus – le ciel ; en dessous – le sol…

A travers le mystère – le Divin – derrière les murs du temps…

 

*

 

Avalanches de matière ; de la boue – de l’or – de la chair…

Ce qui s’écharpe – ce qui s’étreint – ce qui s’entasse…

Des tenues blanches – des postures assurées…

Des invectives qu’on se lance au visage…

Tout qui chavire – sur l’étendue – sous la lumière…

La terre qui s’allège et le ciel qui s’éclaircit…

 

 

La peau blessée sur les genoux à force de prière ; et le cœur rugissant – pas encore parvenu aux dernières extrémités de sa demande…

Des murs de vent – comme encerclé…

Et le ciel si bas – au-dessus de la tête – comme un couvercle gris qui ne laissera jamais rien s’échapper…

L’âme redressée – essayant de s’étirer jusqu’au bleu ; peine perdue – bien sûr ; s’attirant seulement quelques ennuis – son lot (inévitable) de déchirures…

Et une faille dans l’enfance (trop souvent oubliée) – au fond de laquelle il suffirait de patienter ; d’attendre le ciel qui finit toujours par descendre ; la seule manière, en vérité, pour le rencontrer…

Et notre travail (s’il en est) serait de préparer l’âme à cette rencontre ; la laisser se vider naturellement de tout ce qui l’encombre (et de son idée et de son désir de ciel – en particulier)…

 

 

La terre et la lumière – au cœur de l’âme – le corps encore dans la pénombre et l’esprit tentant de s’élancer…

La parole libre et ouverte – aussi vive que le feu qui veille…

 

 

Une vie simple – des gestes quotidiens – et quelques signes (parfois indéchiffrables) qui tentent de transcender l’immobilité (ontologique) du langage pour décrire le mouvement – la vie – l’entremêlement – le désordre – le caractère infiniment provisoire et (apparemment) contradictoire des choses et des états ; comme une parole qui essaierait non de redessiner le monde mais de le suivre – pas à pas – jusque dans ses moindres recoins – jusqu’au fond de ses entrailles – en passant par les plus minuscules nœuds et les plus imperceptibles remous qu’il ne cesse de créer (en étant – en devenant) ; ce que nous appelons les événements ; simple manière d’exister, pour lui comme pour nous (il semblerait que nous ne puissions procéder autrement)…

 

 

Trop pensif (parfois) face aux objets – aux mille choses du monde – comme si nous perdions (momentanément) notre capacité à éprouver – à goûter – à ressentir…

 

 

Et si le temps n’était qu’une expansion – le prolongement – du premier instant – le seul – l’unique peut-être – qui tantôt se déploie – qui tantôt se rétracte – à la manière d’une respiration cosmique ; preuve (s’il en est) de la dimension (profondément) vivante du vide…

 

 

Jouets du secret divin – le temps – la mort – les vivants – les pierres et les étoiles – les voix qui se taisent devant la lumière et la beauté – et ces paroles qui, sans cesse, commentent – comme si la vie était une épreuve et le monde une aire de jeux…

Et nous autres qui nous agitons sans comprendre grand-chose…

 

 

Les heures rêvées – les yeux grands ouverts…

Le soleil aussi haut que possible…

L’âme attentive et silencieuse…

Des ombres à foison qui retrouvent leur couleur…

L’intense instant des retrouvailles et de la réconciliation…

Bien plus vivant qu’autrefois sur ce (nouveau) versant de la réalité ; le sang rouge et l’âme teintée de bleu ; les vents qui balayent le sol – les vies – tout ce sable…

 

*

  

L’enfance du monde – oubliée ; des traces pourtant – dans les gènes – au fond de l’âme ; la sauvagerie et la liberté – ce que nous essayons d’oublier à travers la raison et la pensée – ce que nous essayons de dissimuler derrière un peu de politesse – quelques aménités – et qui suinte, bien sûr, à travers tous nos gestes – tous nos actes – toutes nos pensées…

Si peu d’homme en l’homme – en réalité…

Une conscience pas même embryonnaire…

 

 

Un fil – un flux – le dehors qui déborde – qui nous envahit ; l’intérieur défiguré – l’âme flétrie qui ne peut se soustraire aux eaux noires de la terre…

L’esprit qui se gorge d’abstraction et d’imaginaire…

Les rafles de quelques-uns qui s’arrogent le droit de vie et de mort sur les autres ; les luttes incessantes du petit peuple des vivants…

Comme un déficit (évident) de lumière…

L’obsession du cœur jusqu’au dernier instant…

Un souffle bien moins libre et personnel qu’on ne le clame (un peu partout – un peu bêtement)…

 

 

Une trajectoire – une feuille blanche – l’immensité et l’âme attentive – le pas nu et sans hâte…

Ce que nous abandonnons – ce que nous devons abandonner – aux mouvements…

Et cette immobilité souveraine au fond des yeux ; cet éclat – cette lumière – que rien ne peut altérer…

Le cœur assez mûr – peut-être – sans attente – sans reproche – sans grognement…

 

 

Tout s’acharne à nous transformer ; chair et âme – cœur et esprit…

Le joyau de la perception – en secret – en filigrane des choses qui changent – apparemment…

 

 

Du rouge – au cœur de l’espace…

Ce sur quoi nous nous penchons…

Un interstice peut-être…

 

 

Des yeux – du soleil…

La terre silencieuse…

Et cette moisson de couleurs au-dessus des ombres…

 

 

Du bleu au fond des cris – au fond des choses…

Ce que les étoiles dessinent par-dessus les têtes…

Le cœur et les saisons enchevêtrés…

 

 

La foule qui grouille…

Le jour parsemé de taches et de tourments…

La douleur que nous n’attendons plus – chargée de matière et d’espoir…

Le puzzle du monde – en désordre – à refaire (totalement – sans doute)…

 

 

Des yeux façonnés par les siècles – des édifices et des inventions…

Des bruits et la nuit qui se répandent…

Des coulures sur la lampe que nous tenons serrée contre notre cœur…

L’obscurité limpide – la tristesse de l’âme – sans réponse…

 

 

La crainte perchée sur nos épaules…

Le monde qui va – en silence…

Le cœur offert aux âmes qui s’en saisissent – la chair offerte aux ventres qui s’en repaissent…

Au fond de la vallée où la peur et la mort règnent sans partage…

La vie bridée – comme un sacrifice…

 

 

Trop de choses – en soi – que l’on tait – pour percer le secret…

Le noir et des mots sans promesse…

Ce qui s’invite – ce qui nous trouble…

L’ivresse et la fièvre – sans raison…

 

*

 

Les coudées franches – sans acharnement – offrant aux circonstances la liberté de se manifester selon les nécessités du monde…

L’âme transformée – le corps ouvertement exposé – à la merci de la nuit – des hommes – de la lumière…

Que pourrait-il donc nous arriver…

 

 

Du ciel descendu…

La terre parvenue à saturation…

Et l’homme dans sa traîtrise et sa tristesse – pas même conscient de ses trahisons ; les mains encore serrées autour du cou de ce qui lui résiste…

Et notre voix – ni belle – ni précieuse ; aussi franche que possible ; sans sérieux ni désinvolture – honnête – tout simplement…

 

 

Nos faims – nos inquiétudes – nos élans – si dérisoires…

Et cette joie – sans condition – tourbillonnante – qui emporte tout sur son passage – la tristesse – le monde – nos traits dépités ou enthousiastes…

Et à défaut – (presque) toujours – ce qui relève de la compensation…

 

 

Réfugié derrière quelques bosquets – quelques buissons – une étroite bande de terre que les hommes ont reléguée aux marges de leur monde ; avec des arbres – des herbes – des bêtes – réduits à vivre dans les interstices à l’abandon ; le sauvage circonscrit à de minuscules intervalles…

La terre frémissante – heureuse – pourtant – à l’abri des yeux – des bruits – du béton – où palpitent des cœurs émus et tendres – où frémit une foule d’âmes invisibles…

Une chaleur – une complicité – entre nous ; une sorte de communauté qui – jamais – n’a bénéficié de la moindre considération – reléguée au plus bas – au plus vil – dont la vie n’a aucune valeur – n’existe pas même dans la hiérarchie humaine ; des sans-grade – les choses de personne* – au destin discret – à la vie aventureuse ; et malheureusement, à terme, condamné(e)(s)…

* Res nullius

 

 

Entre pierres et ciel – l’attente – la nuit partagée – ce qui est animé par le manque – la vérité parcellaire – éparpillée – l’attirance des contraires – les parts imbriquées et complémentaires…

Cette masse obscure – comme abandonnée à elle-même…

Des yeux clos…

Comme si la lumière n’était qu’un rêve…

 

 

Le mystère et le monde – tantôt parallèles – tantôt encastrés (l’un dans l’autre) – selon la probité et la clairvoyance du regard…

La nuit – depuis si longtemps – invitée comme une promesse…

 

 

Les choses – en soi – confiées au silence – à l’immensité ; retrouvant l’espace – leur place – le lieu de tous les possibles…

Rassemblées – sans gêne – sans condition – sans hiérarchie…

Déposées là – à l’abri des jugements et des inquisitions…

Dans l’attente de l’aube qui les transformera peut-être – qui les transformera sans doute – en or – en fils d’or que nous tisserons ensemble pour façonner une étoffe que nous offrirons au ciel et au silence…

Partout – au-dehors – au-dedans – la beauté (inaltérable) du monde…

 

 

Entre nous – rien ; des mains noircies par la terre – des âmes terrifiées par la violence des rives humaines…

Des bêtes dans la nuit – des instincts à la dérive – la faim jusqu’au vertige – jusqu’à l’étourdissement…

Avec ce goût de sang – dans la bouche – de la cendre et de la poussière…

Et ce grand rêve décati d’une humanité – debout – digne – belle et sensible – (bien) trop avantageusement – (bien) trop mensongèrement – fantasmée…

 

*

 

Au secours de rien – s’effacer plutôt et disparaître…

Brûler les mots – les pages – les livres ; détruire le moindre message…

L’œuvre vide – l’accomplissement de la solitude – le silence mature – sans faux angle – sans afféterie – sans mensonge…

Le soleil – la terre et la peur : le point inaugural, en quelque sorte ; le seul présent – sans doute – puis, l’expérience du trébuchement…

 

 

Du dedans vers le dehors – à travers le même fil – malgré les ruptures involontaires et les cassures apparentes – malgré la rage et l’impatience – malgré nos inévitables défaillances…

Cette curiosité souveraine qui nous pousse ; et le silence toujours complice du pas – qu’importe le rythme et la direction…

 

 

Les heures passives – à proximité des failles du temps…

Sans distraction – sans savoir – la foulée abandonnée à la pente – au sens même du chemin…

Comme une perspective (très) peu anticipée…

Se défaire – plutôt – rompre la monotonie – les charges et les encombrements – les accompagnements inutiles…

Aller nu – comme une évidence – soi comme seul viatique…

Le rythme lent (et quotidien) de la marche…

Les gestes naturels et spontanés…

Les paysages qui défilent – la terre – les choses et les visages que l’on abandonne – qu’on libère – en quelque sorte…

L’exercice silencieux et solitaire de l’affranchissement…

Nous – dans la trame – avançant – nous immobilisant – sans résistance – sans remous – sans tressaillement – laissant au vent et à l’invisible le soin de diriger les pas – de gouverner (entièrement) les destins…

Nous – devenant des instruments joyeux – dociles – acquiesçants – parfaitement libres ; sans aucun doute – notre chance à tous…

 

 

Sur la peau craquelée du monde – la pluie drue – battante – et notre ressentiment tenace…

Le couteau à la ceinture – animé(s) par notre (seule) survie…

Les bêtes et les herbes – dans les granges – réduites à l’état de chose…

Le monde – comme ressources – à disposition…

L’aube dispersée dans l’âme – comme l’or dans les sous-sols de la terre…

 

 

Entre nous – cette odeur âcre de l’indifférence – les yeux baissés ou tournés ailleurs – sur des intérêts et des soucis personnels – inventés…

La mort cachée derrière les lèvres…

La méchanceté comme une arme non létale…

Et nous – réduit(s) au sort de la neige – tributaire(s) des hauteurs et des reliefs de la terre…

 

 

La nuit – en rêve – le miroir dressé dans les yeux ouverts…

Dans notre chambre – sans interrogation – en plein sommeil…

A courir le monde – en songe – comme si l’on pouvait y dénicher de fabuleux trésors – dans les yeux et les mains des Autres – sous leurs coups aux allures de caresse…

 

 

Le monde dans sa folie et ses illusions – ses mensonges et ses promesses de félicité…

L’esprit et l’âme fermés – arc-boutés sur leurs croyances et leurs certitudes – lançant des pierres et des flèches sur tout ce qui pourrait les menacer…

Des cœurs façonnés avec un peu de terre et cette substance rouge et épaisse qui apaise le ventre des bêtes et qui, lorsqu’elle est versée, fait la gloire des chasseurs et des guerriers…

 

*

  

Ce qui nous précède – comme déclassé ; un peu d’infini – le commencement peut-être – rompu…

Une illusion – sans doute ; ou (qui sait ?) la vérité sans le temps…

L’absolue indépendance – le secret du présent multiple – le passé cumulatif qui se ré-enfante à chaque instant ; pas un déroulement – pas un prolongement – la possibilité d’une faille qui s’agrandit…

Le monde neuf qui nous léguera demain…

 

 

Un éclat de rire – au cœur de l’incarcération – au sortir de la délivrance…

Tous ces mots qui abusent le regard – la compréhension – la réalité…

L’esprit englué dans les joies et les drames du monde…

L’illusion et le massacre ; sans alternative – les vivants…

Le vide porterait à croire en la valeur du déracinement (et de la disparition) – que l’on obtiendrait à force de gestes naturels – sans crime – sans tremblement – sans trahison ; chimères encore ; comme si rien ne pouvait être dit sans corrompre ce qui est – toute possibilité…

 

 

Rien d’arbitraire – en cette vie – en ce monde ; l’inconnu qui s’immisce – l’invisible qui règne – et nos figures ébahies – à perte de vue…

 

 

Sur la feuille – le chemin – le seul horizon possible – autorisé…

Fidèle au rythme et au trait – à ce que dessinent les gestes et les pas ; des arabesques d’encre – de poussière et de vent – de la même veine – bien sûr – une forme d’ascétisme et d’abondance – les deux visages de l’homme peut-être – dont l’âme est si proche du silence – de la joie – de l’exubérance…

 

 

La vie concentrée – à la marge – plus qu’un rêve…

Les bords peuplés des plus vivants – la liberté en étendard – brandie (discrètement) loin des troupeaux noirs qui piétinent sur la pierre – réunis au centre ; là – au cœur de la civilisation – où se fomentent toutes les décadences – toutes les infamies…

Ici – des célébrations sans sacrifice…

L’abondance sans la moindre goutte de sang versée…

Ceux qui dansent – le ventre amaigri ; la faim qui a réussi à migrer jusqu’au fond de l’âme…

Comme un éclair – une étincelle…

Le commencement d’une ère nouvelle – sans conflit – sans querelle…

Une fraternité à reconquérir d’une main délicate – comme une longue marche dans la neige…

Les pieds au-dessus de la boue du monde – lévitant (peut-être) à quelques centimètres du sol…

L’âme et la chair (enfin) prêtes à l’étreinte…

 

 

La violence des eaux – du vent – en dessous des rêves…

Tout qui s’entrechoque – en déperdition – emporté par les forces enragées – frénétiques – du monde…

Dans la douleur et la crainte…

Dans de grands fracas et d’inquiétants bruits sourds…

D’immenses tourbillons qui font danser les choses ; des tempêtes terrestres par millions – par milliards – et le ciel qui, parfois, s’invite pour offrir son souffle à la fête…

Et nous – et tout – le corps et la tête (totalement) immergés – nous éloignant des rives – de l’espoir – de toute forme de certitude – brinquebalés avec le reste – comme de simples (et chétifs) amas de matière – soulevés par la furie des courants qui nous malmènent – qui nous désagrègent – qui nous révèlent…

 

*

 

Ce que l’on voit – en dessous – au-dessus – derrière – à proximité – bien davantage que le monde – tous nos secrets cachés au fond du mystère – le dedans exposé – le ciel à découvert…

 

 

Les cheveux ébouriffés – la tête posée sur l’horizon – comme couché au milieu des nuages…

Les yeux ouverts – le réel et le songe – ensemble – ni l’un ni l’autre séparément – les ponts qui les relient – les nœuds qui les unissent – et ce que nous sommes aussi ; l’emmêlement des surfaces et des profondeurs…

 

 

Au loin – si près – à l’intérieur – inconnues encore – les origines du réel ; l’invisible qui, peu à peu, se rapproche – qui, peu à peu, se laisse approcher…

Nous – à l’écoute – attentif(s) – de plus en plus…

Comme un écart qui se creuse – au-dedans du vide – entre la compréhension et la pensée – entre le socle et les pyramides que nous avons édifiées – entre la marche et l’étendue ; une faille qui devient béance – et dans laquelle il convient de se jeter ; seule manière de découvrir la lumière – au-delà du silence – au-delà de la folie…

 

 

L’invisible et la matière découpés – disséqués – archivés…

Le jour et la jouissance – le ciel et la souffrance – expliqués – comme s’il nous fallait des scalpels – des livres et des tiroirs – pour approcher la vie – le monde – l’être – le mystère ; une perspective qui manque assurément d’ampleur – de légèreté – d’intelligence – de fantaisie…

Et incapable(s) – bien sûr – d’appréhender – de comprendre – de goûter – ces tranches de réel – si conceptuelles – si artificialisées…

Si loin – encore – de la vérité…

 

 

Encore trop de rêves pour affronter la violence de la matière – les eaux débordantes de l’esprit – les laves brûlantes de l’âme…

Tous les tourbillons du monde et la brume épaisse que forme l’écume à la surface de la terre…

La maison où nous sommes né(s) – et qui restera nôtre (sans doute) jusqu’à notre dernier souffle…

A la fois matrice et catafalque – sans autre espoir que celui de devenir – de revenir – de renaître encore et encore – presque au même endroit…

A la fois chance et malédiction…

Et entre chaque retour – ce minuscule tas de chair ou de cendres – mélangé à la terre – emporté par le vent – comme un voyage intercalé qui, tant que nous deviendrons – tant que nous reviendrons, sera toujours considéré comme une simple fenêtre d’espérance – et non comme une (réelle) ouverture vers l’inconnu – un passage possible – une perspective au-delà du monde – au-delà de la matière – au-delà de la psyché…

 

 

Les mains pleines d’ombres et d’étoiles…

Bouleversé (encore bouleversé) par la forme provisoire des choses ; le lent déroulement du monde…

La lumière – toujours présente – malgré le sommeil – qu’importe vers quoi sont tournés les yeux…

L’aube au-dessus de toutes les charpentes…

La chair ensoleillée – de l’intérieur…

Des lieux où peut (enfin) naître la félicité…

 

 

La terre et le ciel (d’abord) remués de fond en comble…

Puis, peu à peu, les lumières de la solitude…

Le monde et le temps – sur le sol – disséqués – abandonnés…

Et cette musique – au fond de l’âme – qui pousse les pas vers l’espace infini ; qui, un jour – enfin, finit par nous accueillir…

 

*

 

La bouche chargée des restes du monde qui déverse encore ses cargaisons d’immondices…

Vomissures noires à l’insupportable odeur…

Il faudrait inventer une trappe – et un vide abyssal en-dessous – pour se débarrasser de ces reliquats de civilisations abjectes à la métaphysique douteuse – à la spiritualité inexistante ; un ramassis de ventres – des sacs de chair et d’excréments à la cognition balbutiante (absolument élémentaire) – ou bien parvenir à tourner la page – laisser l’esprit abandonner ses derniers résidus de ressentiment et d’humanité ; bref, faire peau neuve – vider l’espace et la tête et poser devant soi une feuille blanche pour vivre dans les interstices de l’histoire et leur permettre de s’élargir à l’infini…

Ainsi finirons-nous (sans doute) par nous débarrasser de l’inécessaire ; c’est à dire – en accepter l’inévitable part…

 

 

Le corps et la psyché – comme au-dehors – suffoqués – suffocants – cherchant leur souffle – une voie – un appui – un espoir – quelqu’un – quelque chose auquel se raccrocher – une manière de vivre dans la promiscuité et l’étouffement – le manque d’air et d’espace – la douleur – sans lumière – sans (réelle) liberté…

Et, pourtant, ça continue de copuler – de pulluler – par crainte de disparaître…

 

 

Le jour triste – dans ce brasier de chair posé(e) sur la pierre ; la lumière au loin – comme un décor – pas même un espoir – pas même une possibilité (ou, mieux, une évidence)…

La seule réalité – pourtant – au cœur de cette multitude – au cœur de ces contingences…

Une main tendue malgré l’improbabilité du monde – malgré l’improbabilité de l’Autre…

 

 

Seul et agenouillé – encore prisonnier de cette distinction entre les visages et l’infini…

La violence du monde et l’aube lointaine…

L’ébauche du jour – à venir – (très) incertain…

 

 

Les yeux levés vers le ciel – jamais au-delà du périmètre connu…

Un rêve de lumière sur la terre noire…

La même nuit tout au long du chemin…

Et cette foule compacte reléguée dans un coin sombre de l’immensité…

Quelle tristesse et quelle drôlerie ! Ce dédale de désirs infinis…

 

 

L’étreinte belliqueuse – (furieusement) conquérante…

Et sur les figures – des masques peints – amoureux…

En exergue – en filigrane – partout – comme une évidence – ce qui s’est éteint avec la fin de l’innocence…

L’éloignement progressif (et durable – sans doute) du rivage silencieux…

Et sur la chair – et sur la peau – des écorchures et des contusions – à mesure que l’on grandit – que l’on s’enfonce dans le royaume de la tristesse et des illusions – comme emmuré(s) au cœur de ce périmètre sombre et sans aube…

 

 

La légèreté – au-dedans – si loin des siècles – du monde marqué dans son corps – de la brume et des lumières de la terre – de la chair chargée de substances – plus haut que le dernier soleil…

La vie simple et sans apparat – l’élégance intérieure et l’apparente pauvreté au-dehors…

Et cette beauté naturelle de l’âme qui s’est affranchie, sans effort, des valeurs civilisationnelles ; sans autre étoile que sa propre conscience – que sa propre bonté…

Une âme qui a appris à inverser toutes les pyramides édifiées par les hommes et à étaler toutes les choses sur le sol – et qui est devenue, peu à peu, la caisse de résonance d’un chant très lointain – très profond – qui monte du plus bas de la terre – du fond des entrailles du monde – de l’élan inaugural – de l’antre originel ; présente au cœur de l’abîme – sur les cimes ; et, en elle, les vibrations de l’invisible et de la matière réconciliés ; comme un hymne à l’intimité et à l’envergure ; la (divine) célébration de l’essence – de l’écoute et du déploiement…

 

*

 

Qui croyons-nous être pour avoir si peur ; et pourquoi diable ce que nous sommes ne nous apparaît pas (d’emblée) comme une évidence…

Dans le suspens du monde – notre parole…

En attendant (sans trop d’impatience) le silence…

 

 

Sans ami – sans appui – l’Absolu…

Pas même funambule au-dessus du précipice…

Une joie ineffable – offerte sans raison (apparente) – après des siècles de luttes et d’inquiétude – après des siècles de douleur et d’incompréhension…

Le cœur vide et rieur – aujourd’hui ; ce que l’on accomplit de manière naturelle (sans même y penser) – non pour obtenir quelque chose ou transformer la moindre parcelle du réel – comme ça – gratuitement – comme la seule chose à faire – comme la seule chose que nous sommes capable(s) de faire [après avoir tant cherché – après avoir (sans doute – à peu près) tout essayé]…

L’être spontané qui peut, à présent, se déployer – sans obstacle – sans restriction – sans retenue…

 

 

Debout – sur une roche immémoriale – et du haut de notre âge (ridicule) à nous imaginer maîtres du monde alors que nous valons moins que la première pierre…

 

 

L’existence belle – rude et sauvage – digne – (absolument) admirable – des herbes – des arbres – des bêtes ; cette incroyable quiétude malgré l’impitoyabilité des mœurs…

Chaque mouvement – chaque instant – à sa place…

Le discernement et la sagesse du vivant (non humain) ; et cette prodigieuse bonhomie malgré les désagréments (nombreux) – les périls (innombrables) et la mort qui se dresse devant soi (presque) à chaque instant…

La vie la plus naturelle – la moins corrompue – du premier au dernier jour – aujourd’hui comme il y a des millions d’années…

 

 

L’enfance – de ligne en ligne – qui réapparaît…

Le ciel interrompu qui se réinvente…

Le monde, peu à peu, troué par le silence…

Pas un cri – pas une prière…

L’esprit et le corps qui se rejoignent – qui se retrouvent – l’un dans l’autre – enfin affranchis de leur manque (respectif)…

Et – comme par magie – l’ouverture (perceptible) du passage vers l’autre rive – une autre perspective – un autre monde peut-être – une manière différente d’être vivant…

 

 

A la manière d’un jeu – le chant de l’aube…

A la manière d’un chant – le jeu du monde…

Et nous – au milieu – cherchant (maladroitement) à résoudre l’équation ; et, à défaut, un chemin – notre voix et quelques repères – pour transformer l’existence en un espace où l’on pourrait laisser libre cours à la spontanéité et à l’imaginaire…

 

 

Sur la nudité du sol – le pas attentif – les yeux sur la route – l’horizon immédiat – quelques restes de nuit attachés à l’âme – la chair brûlée par endroits et le sommeil des Autres qui pèse encore sur les paupières…

D’une chambre à l’autre – par le même passage – la même étendue ; parfois désert – parfois dédale…

Des champs de fleurs sauvages pour remplacer les rêves et l’espérance – avec (encore) quelques graviers dans les sandales…

Un – parmi les Autres – grâce au feu – comme un miracle…

Et en s’éloignant du monde – soudain – les mots qui nous manquent…

La voûte de plus en plus claire ; comme empoigné(s) par la lumière vivante…

 

*

 

Le souffle impossible de l’Autre – l’inconnaissable – le plus qu’improbable…

Bout de soi – peut-être – de manière (évidemment) préférable…

L’œil et la chair – un jour – démultipliés – et attribués, dès lors, à ce qui ressemble à la multitude (dans ce règne si prégnant des apparences)…

Comme un glissement – une traversée – quelque chose de l’ordre de l’étirement et de la distance – puis, de la rupture et de la séparation…

Et des siècles – des millénaires – des milliards d’années (et, sans doute, même davantage) – de sensibilité et d’intelligence à déployer – à aiguiser – à parfaire – pour revenir à l’origine – retrouver la source – l’instant qui a précédé l’illusoire déflagration de l’unité…

 

 

Une phrase – mille phrases – des millions – des milliards peut-être – offertes en sacrifice – au monde – au silence – comme un blasphème – une hérésie aux yeux des hommes et des Dieux ; il est vrai qu’une simple présence – un seul regard – un seul geste (lorsqu’ils sont réellement* habités) dépasse en puissance – en justesse – en vérité – toute parole (aussi belle – ardente – exacte et pertinente soit-elle) ; en dépit des qualités et des possibilités du langage, les mots demeurent toujours inférieurs à l’être ; aux actes et à la manière d’être présent au monde…

* pleinement et librement

 

 

Rien – entre les doigts – l’invisible et le silence qui prennent l’apparence du sable…

Mille choses que la nuit – le monde – les Autres – peuvent nous dérober ; toujours l’inessentiel (bien sûr)…

Nulle part – ici même – à cet instant ; la solitude spontanée – durable – magistrale – celle qui est capable de panser toutes les plaies – de revigorer l’âme et la chair – de (nous) guérir de toutes les illusions…

 

 

Un peu de mystère sur l’évidence…

Le monde partagé par les valeurs et les usages…

Les habitudes si proches – si incarcérantes (bien sûr)…

Aucune joie – aucun éblouissement – aucune gratitude – sur les visages…

Comme des pierres posées là – en désordre ; une manière pour la nuit de revenir…

Cette étrange indifférence face à la lumière…

Comme emmuré(s) dans notre absence…

 

 

L’or que l’on amasse – les mains (presque) toujours agissantes…

Encore trop de rêve(s) et de chemins…

Le vide et les poches pleines de choses étranges et superflues…

Les corps vivant à même la roche ; et les âmes guère plus haut (il faut s’y résoudre)…

Le monde – jour après jour…

Et cet abject reflet dans le miroir – que l’on voit grossir – peu à peu…

 

 

Près des berges – à l’abri des eaux vives – nos barques échouées…

Notre souffle court et nos gesticulations…

Nos corps – nos cœurs – nos mains – qui brassent du vent – immobiles au fond – qui séparent l’aube et la nuit – les tourments et l’espoir d’une autre vie – comme une pauvreté que l’on a toujours refusé d’admettre – avec un restant de fierté dans le regard et un surplus de terre sous les ongles – au fond des poches…

Le sol recouvert de sang ; et la tête toujours tiraillée par les souvenirs et les songes…

Et cet épais savoir – comme un embarrassement supplémentaire – qu’entassent les hommes au fil du temps…

 

 

Au-dedans – l’origine – comme pétrifiée par l’absence et le manque…

Au-dehors – le ciel sans couleur – le temps exacerbé de l’esprit appauvri comme prolongé par notre bêtise incurable…

Et ce sourire – au fond de l’âme – qui attend notre visage – nos lèvres – pour devenir vivant et essayer de réjouir le cœur de tous ceux qui respirent…

 

*

 

A l’orée de quelque part – sans doute – en un lieu comme les autres – sans (réelle) importance…

Seul – la fatigue au-dedans – sans sommeil depuis toujours – ce qui n’a de nom – et fervent pourtant – chargé de cette ardeur sans entrave – parmi les corps condamnés à la restriction…

 

 

L’absence de visage…

La ligne fêlée – comme la langue…

Des traces dans l’épaisseur du sol ; nos pas pesants et l’âme trop lourde – et ce vent, soudain, qui souffle – comme une offrande – une manière de recouvrir nos empreintes de poussière – d’effacer ce que fut notre (minuscule) existence – de précipiter nos retrouvailles avec le néant…

 

 

L’âme allégée par la langue – ce qu’expriment les mots – le poids qu’ils ôtent à la charge que nous portons à l’intérieur – simple manière de dire – bien sûr…

Le ciel – ni au-dedans – ni au-dehors – comme coincé dans les interstices – comme une plaisanterie insolite initiée par le vide et le silence…

L’existence et le monde que nous traversons sans précaution – les ailes déployées – marchant pesamment sur le sol – n’ayant pas encore trouvé l’énergie de l’envol…

Nos vies (quasi) souterraines…

 

 

La nuit cruelle – immense…

Le feu endormi…

Le gain et le grain – les seules étoiles qui brillent au-dessus du monde – à portée de main…

Ce qu’ils disent et ce qu’ils font ; la somme des différences – comme un fil sur lequel nous essayons de nous tenir…

 

 

L’ombre de nos mains sur la vie des Autres – généreuses ou assassines – maladroites quoi que nous fassions ; à travers nos gestes – la malédiction de l’intentionnalité toujours aveugle au reste ; et l’obscurité qui (inéluctablement) s’étend…

Et, au fond des yeux, tous ces désirs (implicites – inconscients – inassouvis) qui brillent – comme de l’or corrompu…

 

 

Cette abstraction de nous-même(s) – comme un masque – une voix empruntée qui, avec le temps, s’est amplifiée…

Les bras assez longs pour toucher les extrémités du monde ; et à peine la place de se retourner ; pas même maître du petit cercle dans lequel nous sommes condamné(s) à vivre…

Trop d’absence encore pour célébrer le jour – le monde comme il va – dans sa chute – et qui nous précipite, avec lui, au fond du gouffre…

 

 

Le jour – le monde – et cette (pauvre) lampe que nous avons réussi à allumer – et qui, trop souvent, se substitue à l’aube – comme si nous avions (malencontreusement et à notre insu) perverti la clarté – l’espérance et la réalité – l’âme trop pleine de manques et d’ambitions…

Bien préférable le sort de ceux qui continuent à errer dans la pénombre à la recherche de la lumière naturelle…

 

 

Tous les rêves dissipés – sans un cri – le cœur allègre et léger – bien nés (si l’on peut dire) – suffisamment vides et avisés pour goûter la vie et le monde – sans les Autres – sans les mots – de vivre comme si Dieu était vivant en eux avant même d’être capables de le ressentir…

 

 

Toute une vie d’aventures et de découvertes – à explorer encore et encore – comme s’il n’y avait ni début – ni fin ; rien qu’une perspective – un regard – une perception – qui, peu à peu, s’affinent – que l’on parvient à parfaire à coup d’expériences et d’inventions – et qui, sans cesse, se dégradent – et qui, sans cesse, se rétablissent ; pris dans cette permanente alternance entre le réalisé et le réalisable – d’un point à l’autre de la perfection qui s’accomplit…

 

*

 

Rien que de la roche – à même l’écriture – à même la mort – comme si tout était recouvert d’épaisseur…

La matière colonisatrice – sur l’invisible (tant bien que mal) alignée…

Toute l’extravagance du monde terrestre – si élémentaire – si fragile – si obstiné…

Des siècles de néant – sur la terre et la langue…

Des choses et des mots pour rien – les outils et le vocabulaire du territoire et du ventre…

Et dans le prolongement de la peur – le cri…

Et les tumulus pour exorciser la disparition des vivants…

Rien que des éclats de pierre – sous le ciel – la lumière…

 

 

L’incongruité de l’écriture – du rythme – du geste – de la vie – sauvages – naturels – spontanés – instinctifs – sans pensée – sans volonté de cohérence – en ce monde qui tournoie entre des barrières (hautes et longues) et des marques rouges sur le sol – dans le cercle étroit des lois et des certitudes – immobile, en vérité, au fond de la chair – malgré l’agitation acharnée (et obsédante) de la psyché…

Le cœur (absolument) malingre et souffreteux ; et le reste à vau-l’eau…

 

 

Des restes de joie au fond des fissures…

De la buée sur les vitres de l’enfance…

L’âme frissonnante devant l’amplitude inquiétante du monde…

Ce qui nous anime – ce qui nous gouverne – à notre insu…

 

 

Le trait amoureux – prêt à se donner en un éclair – pour rien – la profondeur d’un regard – un éclat de rire – un peu plus d’innocence…

Et cette encre qui coule – en se mélangeant au sang et aux eaux vives du monde…

Des pages d’une lucidité trop sombre – peut-être – pour que les hommes daignent s’y pencher…

 

 

Des lieux où naître – où mourir…

Dieu morcelé – dans notre aveuglement – recouvert par des couleurs – un peu d’étoffe et d’imaginaire…

Un corps à vie – pour vivre (essayer du moins)…

L’ébauche d’une ressemblance…

Et trop de terre – trop de pierres – dans les poches – ce qui dissipe toute possibilité d’étreinte…

 

 

L’aube avant l’heure ; cela annoncerait-il la fin (définitive) de l’espérance…

Et que faire – quoi penser – de cette veille (secrète) du ciel dans les tréfonds du temps…

 

 

L’attente d’une venue – d’un sourire – d’une rencontre – (presque) impossibles – bien sûr…

Au-dedans de soi – la puissance des eaux qui nous refoulent à l’intérieur…

L’immensité plutôt que l’image (mensongère) d’un paradis extérieur (totalement) inventé…

 

 

L’aube partagée entre les arbres – les premiers servis (bien sûr)…

Le noir qui, peu à peu, se dissipe – comme absorbé par l’écorce à l’intérieur ; manière, peut-être, d’accueillir la lumière – de préparer le décor – la première scène du jour – avant l’arrivée des figurants…

Bêtes et hommes – une foule de silhouettes et d’ombres – comme de minuscules marionnettes qui se trémoussent – qui se dandinent sur la terre – l’estrade des heures quotidiennes…

Le ras du sol (progressivement) éclairé ; le monde à qui il est offert de s’éveiller chaque jour – chaque matin ; sans le moindre doute – l’une des plus belles offrandes qui soit…

 

 

Leur poids de neige – les rêves…

Comme les mots qui portent la terre…

Deux manières de se hisser (avec maladresse) jusqu’au vide – qui, à force d’être approché ainsi, finit par se remplir d’un bric-à-brac de choses – de paroles – d’images et d’idées – enchevêtrés – comme mille obstacles au déblaiement de la seule voie qui mène à l’espace de l’avant-monde…

 

*

 

Le fond du sommeil – agité – tourmenté – peuplé de tourbillons et de précipices…

Du même noir que la nuit…

Comme propulsé dans l’épaisseur monstrueuse du néant ; jusqu’au cœur – en strates successives…

La vie folle – magmatique – meurtrière…

Toute la douleur amassée – consciencieusement dissimulée – qui, à présent, lance ses couteaux dans la chair – dans l’âme – dans la psyché…

Et notre bouche qui hurle – qui crache ce qu’éructe le sous-sol…

L’âme terrassée – l’existence (totalement) anéantie…

 

 

La masse sombre et incendiaire ; comme un titan qui empale – qui renverse – qui saccage – qui précipite le monde dans les flammes…

Partout – le bruit et l’odeur de la peur ; des hurlements et cette effluve de bas-ventre…

Mille mains qui nous saisissent…

La corde au cou – la tête hissée à la hauteur suffisante – puis, précipitée vers l’inconnu – en un lieu qui ressemble à ce que les hommes appellent l’enfer ; pire que la mort – crucifié au milieu des vents – dans la solitude et la douleur – livré à tous les supplices – à tous les délires – jusqu’à l’étourdissement…

La chair sacrifiée – la peau en lambeaux – l’âme déchiquetée – l’esprit égaré – éparpillé – errant au milieu des cages et des tourments – déambulant au cœur d’un labyrinthe de portes fermées…

La douleur et la déréliction du supplicié qu’il faudrait additionner à celles de tous les Autres pour faire le monde…

 

 

Soi sur sa propre envergure…

Le ciel et la pierre…

Et tous nos enfantillages…

 

 

Le cœur enfoui au fond de la chambre…

Le ciel à l’écoute…

Un peu de neige dans notre voix…

Une façon (un peu singulière) de faire reculer la nuit et la peur…

L’œil – contre la vitre – qui s’ouvre – peu à peu…

Comme une enfance en formation…

 

 

La main désirante…

Le monde passé qui ressurgit…

Le rêve qui réinvestit la tête…

Le manque qui réinvestit les lieux…

La persistance des illusions malgré la fugacité du temps…

Et l’Absolu qui – mystérieusement – apparaît par intervalles – à portée de main (bien davantage que n’importe quelle promesse)…

 

 

L’illimité – comme coincé au fond de l’âme – et la gravité de la gorge qui chante ce qu’elle croit avoir perdu…

La parole sèche – comme la pierre sur laquelle nous marchons…

Un chemin – un instant – vers la lumière…

Au bord du doute – la poitrine qui se gonfle et se remplit ; et quelque chose qui s’envole…

 

 

Nu comme le jour – le monde qui se redessine – peu à peu…

Comme un songe qui se déchire ; et derrière les voiles – une étoffe blanche – presque diaphane – derrière laquelle persistent des restes d’abondance – quelques reliquats du monde ancien…

L’innocence atteinte (et vérifiée)…

Des tourbillons de mots et de vent ; le déploiement du vide et du geste poétique…

Sans surprise – le cœur vivant…

 

*

 

Ce qui nous heurte – ce qui nous cisaille – les choses de l’intérieur – cette manière de nous frapper – de nous déchirer…

Poussé(s) avec force contre un mur – puis, assommé(s) – dépecé(s) et dévoré(s)…

Et ces encombrements – dans l’esprit – qui nous égarent – qui donnent à la trame une courbure exagérée…

Un massacre – une illusion d’optique – qui donnent au monde un air lointain – une allure étrangère – quelque chose d’inconnu – impossible à connaître…

 

 

Tout qui s’entrecroise – qui s’entremêle – sans cruauté – fidèle à l’expérience – à la joie – à la nécessité…

Dans ses tribulations d’explorateur – l’être qui, sans cesse, se réinvente – qui crée – qui détruit – qui goûte ses créations et ses destructions – qui continue inlassablement à échafauder et à supprimer – à parcourir – à traverser – à chercher – à prospecter – comme une habitude – une obsession – naturelles – sans idéologie – à seule fin de satisfaire son irrésistible curiosité – son appétit acharné pour la découverte et l’expérimentation…

Le souffle – le cours des choses ; ce qui arrive – ce qui a lieu ; pris dans le même élan…

 

 

A la beauté initiale – à l’innocence – nous avons substitué la laideur – la fange – l’obscénité ; le monde tel que nous l’avons transformé…

Et cette frénésie – et cette célérité ; comme porté(s) par une forme d’ivresse – le désir et le mouvement corrompus…

Comme retenu(s) – presque coincé(s) à la surface du monde – du monstre – condamné(s) aux apparences – à les faire – à les défaire et à les refaire encore – sans rien comprendre – sans jamais approcher ni le centre – ni la moelle – ni l’essence ; comme si l’inchangé du monde – le mystère de l’être jusque dans ses derniers replis – nous étaient (ontologiquement) inaccessibles…

 

31 décembre 2021

Carnet n°269 Au jour le jour

Avril 2021

Enraciné(s) dans l’entaille – la fêlure – la faille – cette blessure inhérente au vivant – recouverte de chair et d’invisible…

Un peu d’âme pour le voyage…

L’instinct territorial – peu à peu déclinant – et supplanté, un jour, par l’immensité bleue…

Le périmètre éparpillé qui, peu à peu, se rassemble…

Les bords noirs du ciel – réajustés au centre ; l’abolition naturelle de toutes les périphéries…

Comme un retrait dans la lumière et une entière liberté octroyée au feu…

La blancheur sans racine – sans menace ; la continuité de la terre ; le pendant du sol (si l’on peut dire) ; de plus en plus proche – comme une succession (spontanée) de gestes de rapprochement…

 

 

La main contre la vitre – à tenter de repousser quelque chose – quelques périls – quelques menaces – un peu d’invisible offert – la dose d’inconnu et d’incertitude nécessaire…

L’âme encore trop près de la peur ; l’angoisse au cœur – comme l’axe central de la vie figée – ralentie – circonscrite à un cercle dont le rayon ne dépasse (presque) jamais la longueur du bras – le nez posé sur tous les horizons – le souffle entre la bouche et le mur – notre détention – cet espace d’asphyxie – et le ciel si bas – si lourd – posé comme une (fausse) protection juste au-dessus du front…

Et dans cette vie installée – ce que nous avons érigé en confort et en protection – un mausolée où dorment tous les vivants…

 

*

 

A deux pas du monde – à deux doigts de la violence ; toujours un peu à côté – de plus en plus – en vérité…

La périphérie habitée – celle qui permet d’explorer le centre (et de l’apprivoiser)…

Si profondément séparé des Autres et si semblable à la fois…

Conscient autant des différences que des ressemblances…

L’aube et l’obscurité sur le visage…

Plus rien de désirable ; la vie telle qu’elle est – telle qu’elle s’offre – telle qu’elle vient…

Asile en soi – sur cette rive commune et inconnue des Autres (de la plupart des hommes)…

Dans le sillon du vent – la même lumière qu’à la proue (avec un surcroît d’expérience et de matière)…

La vie dans l’abîme – (presque) sans effroi…

 

 

Jamais dans le voyage d’un Autre…

Le chemin à faire – celui qu’imposent les circonstances…

Quelques pas dans le jardin du monde…

Loin des visages – auprès des arbres – dans la quiétude solitaire – la présence animale…

Ni bavardage – ni parole inutile ; un chant près de la source entonné pour ceux qui sont là – tous ceux qui sont capables d’entendre…

Le possible – devant nous – dans la poitrine – le souffle qui sait transformer la peur en tendresse et le désespoir en ravissement…

Le nom oublié des choses et la nuit métamorphosée en vide…

Et pour nos signes – prêts à s’exposer aux yeux du monde (quelques rares regards – en vérité) – un peu de sable et de joie…

 

 

Parfois – le recours à rien – pas assez fréquemment (cependant) ; manière de défier le monde et tous les horizons célébrés – toutes les rives plébiscitées – de déjouer tous les stratagèmes d’intégration – d’appartenance – d’utilisation – d’échapper à toutes les assuétudes collectives…

 

 

Penché(s) au-dedans de l’âme – nous-même(s) – le rivage et l’étendue – rien d’une manie – plutôt un retrait – une distanciation – une sorte de réclusion ouverte sur l’infini…

En soi – la cellule où s’est réfugié le Divin – dédoublé – dans le chaos et la violence extérieurs – dans l’(inévitable) affrontement des éléments – des composants de matière ; et dans les profondeurs intérieures – sereines – détachées des affres et des tourments du monde…

L’équivoque – le changement et l’immuabilité – à tout âge – à tout instant – en somme…

 

 

De pauvres murailles contre le fracas – comme si nous avions quelque chose à protéger – comme si nous pouvions échapper aux turbulences du monde…

Dans le ciel – le plus grand savoir ; et sur la pierre – les plus grands malheurs…

Nulle part – au-delà de toute frontière – le secret de l’effacement – à l’intersection de tous les cercles ; définitivement, le seul périmètre…

 

 

De terre et de crachat – la nature du monde – de la glaise malaxée et un peu de la salive des Dieux…

Et de cette fange – et de cette bave – sont, peu à peu, apparues les conditions d’émergence de l’homme…

Ainsi naquit l’humanité – une multitude quelconque – très vite éblouissante – très vite prometteuse – qui réussit (en, à peine, quelques millénaires) à s’enliser dans une posture très décevante en se mettant exclusivement au service d’elle même et en reléguant le reste (tout le reste) au statut de ressources et d’instruments…

 

 

Au croisement des routes – des mondes (pas tous imaginaires) – des collines et des fragments de profondeurs – les corps à même la terre – de la même nature que la roche et la glaise…

Et l’âme assise – si souvent retranchée au fond de l’œil – à l’abri des mains et des lèvres des Autres – capable de tout voir sans jamais être vue…

 

 

Dans nos murmures et nos prières – son lot de syllabes imprononçables – incompréhensibles…

L’usage d’une autre langue dans la langue – qui ignore les règles terrestres – où abondent des signes (plus ou moins tangibles) de silence et d’invisible…

Ce qu’il y a au-dessus du langage des Dieux – ce que méconnaissent (encore) la plupart des hommes…

 

 

Des solitudes fragmentées – comme éléments du même ensemble – un corps unique aux innombrables visages…

Des mouvements – l’immobilité – à travers les vies et la mort ; mille morts – dix-mille morts – successives – comme autant d’étapes et de voyages – au même titre que ce qui est vécu au cours de chaque existence…

 

 

Les yeux et les mains tournés vers ce qui attire – ce qui danse – ce qui brille ; des leurres – des appâts – très rarement porteurs d’une possibilité de renversement du regard – trop aimanté – trop absorbé par le monde des formes et des choses…

Un cadavre devant nous – puis mille – puis dix-mille – avant de pouvoir tourner les yeux au-dedans et laisser passer la lumière croissante…

Le corps – le cœur et le monde alignés – à chaque circonstance – (presque) à chaque instant – l’âme parfaitement consciente de la présence (intacte) de l’Absolu dans toutes les dimensions de l’espace et de l’esprit…

 

*

 

Vide – comme les heures lointaines – la nuit pâle – le jour à peine entrevu…

Sous le soleil – trop de naissances et de tentatives…

L’abondance comme hypothèse – comme voie à envisager pour faire face à la vulnérabilité et contrebalancer l’inévitable échéance de la mort…

L’être et tous ses visages – ses innombrables apparences…

Sans fin – ni commencement – seulement le rythme et l’illusion de la durée (dans l’esprit des hommes)…

Tout se joue au cœur de notre absence…

Pas même témoin(s) – pas même figurant(s) – absolument personne…

En deçà du rêve – la terreur et le fouet – et, au-delà, le silence…

Et nous – alternant l’angoisse – la blessure – et la fin du bavardage…

Le seul ultimatum ; des pas légers (si légers) au seuil de l’enfance…

 

 

L’alphabet chuchoté – le chant qui prend forme à travers la main qui dicte la parole ; une manière de sentir le parfum des fleurs plutôt que de souscrire à cette folle inclination à les distinguer – à leur donner un nom – à toutes les recenser…

L’invisible et la poésie plutôt que l’inventaire et la pharmacopée…

En plein silence – prêt à embrasser la nuit – le vent et l’inconscience du monde…

Plutôt la solitude que les sentinelles sur leurs remparts…

De qui – de quoi – devrions-nous avoir peur…

Moins de chaos et de séparation dans le regard capable de discernement – et les mains qui invitent à se rapprocher…

Toute l’intimité du ciel et du sang – enfin goûtée…

 

 

La neige éparpillée sous les pas – à mesure que l’hiver avance – que la blancheur s’intériorise – devient la part centrale – le témoin de notre transformation – de la métamorphose de la nuit intime ; l’inversion du sol et du ciel – et leur progressif assemblage ; nous à la jonction – ciment du monde – peut-être…

 

 

Toutes les créatures hantées par le vide – le rêve d’une autre réalité – moins âpre – et automatiquement reconduite – prolongée par tout ce qui la peuple – comme celle où nous avons l’air de vivre – dans un équilibre – une sorte de va-et-vient permanent entre l’ensemble et ses multiples composants…

 

 

De l’autre côté de la mort – qui sait ce que le vide renferme – ce qui subsiste malgré nos craintes ; sans doute – la même frilosité que sur ce versant qui, un jour, fait basculer vers l’abîme – l’en-bas de tous les mondes…

 

 

L’enfance – trait pour trait – au pied de la lettre…

La peau retournée qui laisse apparaître une lumière naturelle très ancienne – originelle (à ne pas en douter)…

Le temps déconsidéré – de plus en plus – comme le commencement du monde et la valeur des naissances…

Trop de choses dans la malle que nul jamais n’emportera ailleurs – de l’autre côté…

Adepte du silence plutôt que de la parole partagée (malgré la profusion des mots)…

Plongé dans l’ombre plutôt que dans la cécité…

Au jour le jour – tel que le chemin se dessine – se précise – nous révèle…

Oubliées l’ambition et la grandeur…

Les pieds joints et les bras grands ouverts – dans l’étendue ; l’envergure…

Deux yeux – un regard – un soupçon de vérité – au cœur de cette immensité sans nom ; notre chevelure – notre robe – notre apparence et nos profondeurs – à bien des égards…

 

*

 

Tragique – peut-être – comme tout ce qui est vivant – aussi merveilleux que stupide – de toute évidence ; comment pourrait-on y échapper…

Des larmes qui sèchent…

Le rire de l’exil ; sans ombre – sans géographie particulière…

En des lieux sans usage – inutiles – (totalement) délaissés – les plus rares – les plus fabuleux – ceux qui ne répondent plus aux impératifs humains – aux (innombrables) critères de rendement et de qualité (imposés par la norme) – aux exigences de la bêtise commune – outrancière…

Des fenêtres – en nombre – autant que de regards possibles – décalés – atypiques – libérés de la saisie – de la volonté de richesse et d’efficacité ; et très éloignés aussi du rêve – la conscience, comme le reste, intermittente…

L’abandon aux sentes non foulées – perdues – qui n’ont jamais intéressé les foules…

Des pas sans risque et sans (véritables) prédécesseurs…

Ce type d’existence et ce genre de perspective – dédaignés par ceux qui ne peuvent vivre qu’agités – gesticulants – cherchant, sans doute, dans cette fièvre – cette frénésie – un épuisement – l’extinction de leur ardeur – le prolongement du sommeil dans lequel ils se sont installés…

 

 

Quelque chose nous attend – dans l’intervalle…

Entre – là où l’on se trouve – à tout instant…

 

 

Le temps que le monde et les visages se dissipent…

Des pierres ; et sur ces pierres, des danses étranges et circulaires au rythme des tambours frappés par des mains invisibles – le vent, peut-être, dans les frondaisons ; la musique imperceptible des profondeurs ponctuée par quelques chants d’oiseaux…

La forêt – notre seul territoire…

Et notre présence – tantôt geste – tantôt poème ; et les mains qui battent la mesure…

Le cœur vivant – l’enfance en plein ciel – assurément…

 

 

Plongé(s) dans le cri – la douleur – le cœur vivant de l’infortune – le destin terrestre – la chair – cette matière malléable – erratique – orageuse – boursouflée d’invisible et d’indigence – à l’imaginaire fertile – particulièrement encline au sommeil – et délétère en (presque) toutes circonstances…

Une poitrine pour donner la résonance nécessaire ; et des lèvres pour expulser le souffle…

Tous les spectres et toutes les grandeurs reconnus…

Porteur(s) de tous les contenus et de tous les possibles ; en nous – toute la diversité du monde présente…

Comme une malle sans fond dont le contenu serait, sans cesse, renouvelé par l’existence…

Une souffrance sans fin – impartageable…

 

 

Le regard et l’abîme – concomitants…

Au-dehors – la gravité du visage ; et au-dedans – la légèreté de l’âme…

Vivant(s) – comme si nous avions échappé à la mort – à la fin du monde – au néant peut-être…

La main de l’Absolu dans nos cheveux défaits – et qui pénètre la peau – et qui pénètre la chair et la boîte crânienne pour s’infiltrer entre les hémisphères – dans la matière grisâtre – et qui balaye tous ses contenus – images – idées – souvenirs – pour y insuffler le vide indispensable – la nécessité du ciel au cœur du monde – au cœur des jours…

L’immensité jusqu’à l’obsession – pour donner un peu d’envergure (et de consistance) aux existences si prosaïques – si futiles – des hommes…

 

 

Au pied des arbres – le monde – comme un secret désir ; imaginer toutes les mains se presser contre les troncs et les âmes vénérer l’invisible et la plus tangible verticalité…

Vivant(s) – comme membre(s) à part entière du cercle…

 

*

 

Des dérives craintives – au cœur du gouffre – l’éloignement involontaire des bords – l’exploration du centre et des profondeurs…

Le chemin discontinu – la (surprenante) découverte des cercles disjoints – des interstices plus nombreux qu’on ne le pensait – vides – vierges – totalement dépeuplés – lieux d’habitation idéals pour nous autres atypiques et marginaux…

Sans bruit – le long de nous-même(s) – le souffle proche du silence – de la source – le visage presque au faîte du jour tant la joie est grande d’avoir déniché notre prolongement extérieur – la parfaite continuité de l’âme et de l’esprit – l’étendue symbiotique – l’intermittence heureuse – comme s’il existait des lieux-miroirs non labyrinthiques – des formes matérielles de résidence-reflet…

Des places libres entre l’infini et l’entre-soi – d’incroyables réceptacles…

 

 

Le jour – de moins en moins lointain – à l’inverse des promesses qui, sans cesse, repoussent l’horizon – la possibilité – l’avènement…

Simple – comme une île – un sourire – dégagé du temps et des attractions du monde…

La soif au cœur – centrale – sans dérobade possible – sans prétexte – sans mensonge inutile…

L’esprit et le monde tels qu’ils sont…

Le visage penché sur le chemin ; d’autres voies envisageables…

La solitude du regard et ce qui demeure – bien sûr…

L’existence déchiffrée en un instant – dans une folle (et improbable) fulgurance – la vérité entrevue à travers la grille des habitudes – l’ombre explosée – avant de glisser et de disparaître – puis tout qui s’oublie excepté le silence qu’elle a éclairé – qu’elle est venue révéler ; nous – en une fraction de seconde…

 

 

Nous – à l’abri du monde – des affres – des cris – de l’émoi des membres écartelés par les contraintes et la soumission…

La foule odieuse et ses lois qui engorgent les têtes – qui polluent et rétrécissent l’esprit – qui mutilent les âmes et la chair – comme envoûtée par le désir et l’enfermement…

Les ventres affamés qui se remplissent de morts – les visage plaintifs et les cœurs analphabètes…

Quelques signes – quelques feuilles – un espace de liberté – la voie (l’une des voies) qui mène(nt) au-dessus du labyrinthe – au cœur de l’immensité…

 

 

La terre brûlante – écarlate – de la fièvre et du sang – le saccage des rives et le massacre de leurs habitants – une constante dans la pitoyable histoire des vivants…

Tous les soleils – tous les miracles – assassinés ; le refus de l’invisible et du merveilleux – l’inaptitude (quasi) ontologique à l’enchantement…

Plutôt le sommeil que le voyage…

Plutôt le rêve que le franchissement…

La détention des cœurs et des bouches cousus – genou à terre – à partager quelques restes de joie – l’espoir d’une embellie avant les funérailles…

 

 

Des cris – des substances – des orifices – ce qui se frotte – s’assemble – se déchire – de la matière – l’esprit troublé par les élans et les cabrioles – complice de mille manières…

Quelques soucis – l’invisible qui se rétracte – quelques vibrations – un peu d’air brassé dans l’espace…

Des lieux asymétriques où l’on ignore – où l’on rejette – le moindre signe de mansuétude et de verticalité ; tout un monde souterrain situé en deçà – très en dessous – des ouvertures – parallèle aux étoiles – comme le pendant tellurique des rêves et de l’inconsistance…

La vacuité, peu à peu, plombée et obturée par les (multiples) emboîtements et la pétrification (progressive) des âmes…

 

*

 

Dans la nuit – l’œil fermé – la main tremblante – l’âme (bien) trop peureuse…

La figure tournée vers l’horizon – l’au-delà – nos espérances – comme un long couloir à parcourir – imagine-t-on – erreur (bien sûr) – plutôt une étendue sans repère ; ni nord – ni sud ; ni est – ni ouest ; ni haut – ni bas ; ni proche – ni lointain ; quelque chose d’insensé – de (quasi) magique – un lieu non géographique – sans centre – où, plus exactement, tout peut faire office de centre – et le devient en un instant – au même titre que tous les autres fragments de l’espace – que tous les autres ailleurs (si l’on peut dire)…

La roue immobile de l’invisible que pourchassent – maladroitement – impitoyablement – obsessionnellement – le monde et les hommes…

Une traque stérile et sans fin – jusqu’au point de retournement…

 

 

Moins qu’un nom – moins qu’un visage – à présent…

Disparu celui qui interroge – qui discrimine – qui n’aspire qu’à savoir et à comprendre – jeté, avec le reste, dans le feu du ciel – clair – vaste – qui illumine tous les versants de l’esprit et du monde – qui donne aux gestes cette justesse sans rivale – qui répond à toute demande par un sourire – un silence – un acquiescement entier et discret…

Rien d’ostensible – le contraire de l’orgueil ; bien davantage que l’humilité – quelque chose de l’effacement – une sorte de mort nécessaire à l’éclosion d’une attention plus vaste – plus fine – incroyablement précise – d’une présence au-delà des lieux et des frontières qui délimitent le ciel et la terre – le dehors et le dedans ; Dieu en haut des marches – peut-être – nous ouvrant à sa lumière – l’invisible flottant autour de nous ; et nous – nous drapant de leur tendresse – de leur envergure…

 

 

La voix amputée par le cri…

Entre les cages – l’invisible et ce qui se transmet ; le tragique héritage des vivants…

Des histoires parallèles – un monde de tiroirs et de désordre – un fatras d’images et de chair articulée…

Des blessures – des bandages – des gestes de survie ; partout, des instruments de premiers secours…

La multitude agitée sous son chapiteau d’étoiles ; palais pour les uns – cachot (bien) trop peuplé pour les autres ; la même embarcation, pourtant, sur l’étendue immobile et éternelle…

Et nous tous – qui devrons, un jour, apprendre à vivre et à mourir…

 

 

Une parole sur sa pente – qui slalome entre l’indifférence – les brimades et les têtes endormies…

Du temps à l’intérieur et toute une cargaison de vide…

Des secousses et de la joie pour briser le carcan des horloges…

Notre présence double – à travers l’instant et l’éternité…

Notre totale ambivalence – pleinement assumée…

 

 

De la neige noire sur tous les orifices du langage ; un abîme en surface – l’infini originel dans les profondeurs ; le plus tangible – le plus grossier – le plus mortel – en apparence ; et dessous – au-dedans – alentour – partout où il est possible de jouer avec le vide – et de le remplir momentanément – le plus subtil – le plus précieux – l’atemporel – ce qui subsiste malgré les assauts – les tentatives et les vertiges – ce qui demeure malgré le progrès et les civilisations – ce qui résiste au temps et à l’absence de temps…

L’aube et l’ivresse poétique ; nos modestes traces sur l’indéchiffrable…

 

*

 

Tout nous ressemble – l’histoire du monde – la danse des choses – ces pauvres figures tristes qui regardent l’univers sans comprendre – les épaules lourdes sous le poids (insupportable) des malheurs…

L’âme et la parole ouvertes…

Le ciel – la vie – sans les Dieux…

L’impossible et l’ineffable – au cœur du plus incorruptible…

Notre besogne naturelle et quotidienne – sans effort ; ce qui est nécessaire et ce pour quoi l’on est fait ; ce qui s’impose spontanément – sans réflexion – sans ambition – sans réclamation…

 

 

Ce qui tourne autour d’un centre – à l’orée d’une étreinte parfaite et solitaire – et, en attendant, des baisers pour rien – pour essayer de combler ce qui ne peut l’être de cette manière…

Des traditions – l’intégration de tous les corps étrangers – le labeur essentiel de la chair après sa survie et son besoin d’expansion…

 

 

En tous lieux – dehors…

Une existence sans réalité ; et, peut-être, une réalité inexistante…

L’exil du monde et la mémoire suspendue…

Rien que la source et mille fontaines…

Rien que la lumière et mille obscurcissements…

Rien que du silence et nos bruits – tous nos bavardages – tous nos commentaires – comme si la parole était nécessaire – comme si la parole avait déjà sauvé quiconque du monde – des Autres – du désespoir – des affres de l’existence…

Plongé(s) dans cette nuit sans espérance – sur des rivages – parmi des fleurs – avec un peu de bleu au fond des yeux – au fond de l’âme – nous qui cherchons l’essence – un peu de joie – un peu de liberté – notre envol au-delà de la terre – au-delà des hommes – au-delà des religions et des Dieux – une sente qui mènerait au silence et à l’éternité – à cette immensité immobile dont parlent tous les sages…

 

 

Libéré(s) – profondément joyeux – comme un retour ontologique à l’essence – le noyau sous les changements de la surface – affranchi(s) de l’incessante variabilité des apparences du monde – comme si nous échappions enfin au kaléidoscope…

 

 

Un saut et une chute simultanés…

Ce qu’éprouve l’esprit au contact de la matière – de son efflorescence – de sa disparition – de son absence…

Le monde coloré et ce qui demeure immobile – inchangé – à l’intérieur du vertige…

 

 

Prisonnier(s) – ni des traces – ni de la blancheur…

Le jour immaculé sur nos souillures et nos prières – indifférenciées…

Vide ou respiration – qu’importe ce que nous vivons pourvu que rien, en nous, ne résiste – pourvu que l’acquiescement nous précipite au cœur des choses – dans la plus grande intimité (possible) avec le monde – et très au-dessus…

A la manière d’un mort – le plus pleinement vivant – libre des cercles et des articulations – libre des visions et des hiérarchies…

Personne – dans la cage – le seul espace possible pourtant – au cœur – infini – sans bord – sans frontière – sans jointure ; tout – d’un seul tenant ; et nous – pris dans la trame – bien sûr…

 

 

Ni assaut – ni protection – exposé de tous les côtés – le soleil sur chaque versant – et l’ombre au centre – éclairée – qui s’en amuse…

De la légèreté du sol – des pas – de la parole…

L’être – au centre de toutes les solitudes – de toutes les distinctions ; et nous – indemne des rôles – des visages – du (petit) théâtre extérieur…

 

*

 

Que traversons-nous – sinon la lumière – toutes les déclinaisons de la lumière…

 

 

L’heure de la pénombre – la transparence des jours à travers le gris ordinaire – un peu de vérité au cœur du rêve…

 

 

Les yeux fermés sur l’inquiétude – sans horizon – le ciel criblé de flèches…

La même prière, chaque jour, recommencée…

 

 

La vie sur mesure – l’uniforme approprié…

 

 

Le sommeil noué à la tête – le silence apparent et agité – quelque chose qui écartèle – qui souligne le paradoxe…

Des jours entiers – des existences entières – à gesticuler dans l’immobilité – le cœur assoupi et les mains maladroites…

 

 

Une voix comme une autre – proche du silence pourtant – mais pas assez, sans doute, pour être entendu(e)…

 

 

La présence prescrite pour traverser le monde – percevoir le chant – éprouver la vérité…

Devenir ce qui est caché – invisible ; ce que nul ne peut sentir le cœur (trop) fermé…

 

 

Les substances circulantes de la source – furtives – fugitives – quelques fois…

Un écho restreint aux dimensions du corps ; une courte respiration à défaut de ciel…

 

 

L’espace entre l’âme et la voix qu’il faut habiter sans image – sans message programmé – spontanément – comme tout geste – comme toute chose…

Ni faible – ni étranger – la seule voie possible – deux ou trois foulées entre les rêves – dans la direction qu’imposent les circonstances…

 

 

A l’intérieur – la transfiguration du devenir…

La mâchoire, autrefois si serrée, remplacée par un sourire – une confiance sous le front – le ciel vivant dans les gestes nécessaires…

 

 

Une voix sans maître – affranchie de l’engourdissement et de la prétention…

La tête à la renverse – et l’âme par-dessus – dans la juste vision de la roue qui tourne…

La solitude agissante – les lèvres légèrement entrouvertes pour laisser passer la parole et lui offrir – comme un écrin – un écho plus large – moins limité…

Le monde-palimpseste et la terre-parchemin – réceptacles permanents et évolutifs de toutes nos tentatives poétiques (plus ou moins abouties)…

 

 

Le regard redressé – les épaules voûtées – la nuit-encéphale et le besoin de nudité…

Et cette folie qui tient lieu, parfois, de langage – parfois d’épopée…

Une forme de respiration souterraine…

Dans la bouche, des syllabes – et dans l’âme, du silence…

Des bruits pour rien – sans destinataire – sans véritable ascendance ; des balbutiements préparatoires – à la limite du borborygme…

Aucune entente sur la pierre ; ni écoute – ni présence – du feu et des insultes que l’on se crache au visage – de l’huile (brûlante) et des pierres que l’on jette dans l’arène ; ni espace – ni allier – ni armistice – jamais le moindre repos – jamais le moindre répit ; des coups pour rien ; une triste succession de craintes et d’ambitions…

Celui-ci ou un autre – en réalité – qu’importe le destin…

 

*

 

Goûter le silence – la beauté – à l’intérieur…

Le regard concret – semblable à ce qui est contemplé ; dense – léger – précis – abandonnant la jouissance – l’affliction et le discernement – à ceux qui n’ont encore réussi à se hisser jusqu’à la nudité nécessaire…

 

 

Parmi nos vestiges – quelques paroles tombées des arbres et du ciel – de ces hauteurs surhumaines ; l’inconnu offert à la somnolence – aux corps et aux cœurs assoupis qui s’abîment et meurent sans rien découvrir – sans rien connaître du monde et des âmes…

Les yeux ignorants – l’esprit plongé dans les eaux troubles de la terre…

Des saisons entières – tenaces – reclus dans le lointain – sans un sourire – sans une main tendue…

Des ombres sans présence – sans invitation – condamnées à tourner dans tous les souterrains du voyage – exclues des cieux – des cercles – des danses – étrangères à toute forme de liberté et de poésie…

 

 

Du vent encore – des lieux de perdition – l’errance brûlante qui consume les destins…

Sur la page – le sol – nos premières racines et, peu à peu, l’exil qui s’impose – l’éloignement comme un nécessaire retour sur soi ; et de ce face-à-face, le progressif apprentissage des visages – l’ouverture à la terre et au ciel – le monde naturel et la vie sans artifice…

Du vent encore – comme la seule manière de déblayer, dans l’âme et sur la pierre, tous ses embarras…

 

 

Dans cette forme si ancienne qui respire – l’être étant…

 

 

Un son – une seule syllabe – dans le silence…

Rien – ni en tête – ni dans la bouche…

Le vide originel et la pierre…

La montagne et l’homme…

L’arbre et l’animal…

Des traits dans l’air – sur le sable – ce que tracent les mains (avec précision)…

Rien des cernes et de l’angoisse d’autrefois…

Le corps qui vieillit – naturellement…

La science de l’immobilité qui, peu à peu, s’apprivoise…

Toutes les tâches à réaliser – sans la moindre préparation…

Une seule respiration – un élan continu – comme le mouvement du soleil dans le ciel – juste et authentique – inévitable…

Rien à ôter – rien à ajouter – à cette parfaite démesure ; le temps (simplement) annihilé…

 

 

La main qui danse – l’âme appuyée…

De stèle en stèle – sur la même échelle – au-dessus de la neige et du silence – dans cette partie du ciel apprivoisée…

L’expérience si ancienne du geste – comme une aube spontanée…

 

 

Le Tout et ses parties – inséparables…

La parole plantée quelque part – comme une fleur dans la terre – mûre et suffisamment sage pour respecter la nécessité (et le déroulement) des saisons…

De l’hiver à la lumière – mille fois recommencé ; la nuit et le soleil – à l’infini…

La joie et l’éblouissement au fil du sillon tracé – puis, emportés peu à peu – partout – exactement là où il faut être…

 

*

 

Ce qui s’enchaîne – sans jamais s’arrêter…

Des pertes – sans personne ; ce qui se consume – ce qui, peu à peu, disparaît…

Des mouvements au cœur de l’absence…

De temps à autre – un regard qui émerge – qui éclot – qui s’épanouit – qui apprend l’éternité et l’intermittence – au milieu du labeur des eaux qui serpentent entre la roche – entre le plus proche et le plus lointain…

Ce qui meurt et recommence – indéfiniment…

 

 

Sur terre – sous les paupières – cette étrange inclination à se laisser glisser sur la pente que dessinent les circonstances – sans jamais interrompre la marche vers l’origine (et comment le pourrait-on ?) – ce retour en soi indéchiffrable par les Autres et la raison…

La solitude verticale – comme un axe primordial – premier sans doute – à l’intérieur ; du vide inorganique autour duquel tout s’est construit – et que l’on a, peu à peu et maladroitement, enrobé de couches successives ; enturbanné d’inutile – en quelque sorte…

 

 

Le cœur et le ciel mêlés qui cherchent le lieu de leurs noces…

Des mots soudain descendus – soudain prononcés – sortis de nulle part…

Et derrière soi – des pages et des pages – par milliers…

Et devant soi – rien (à peu près rien) – tout ce que l’on ignore – l’inconnu qui attendrit et l’incertitude qui sauve du savoir mensonger…

Davantage de présence et d’oubli – peut-être ; qui pourrait se targuer de deviner ce que nous sommes – ce que nous deviendrons ; et à quoi bon ? rétorqueraient les sages…

 

 

La terre et la tête ruisselantes ; et portées par la furie des flots – la bêtise et la folie – la substance apparente du monde qui recouvre l’œil et le jour – l’essence de tous les passages – la lumière d’avant le temps…

 

 

Des mondes jaillissants – avec la marche – la solitude – la fréquentation des forêts…

Le ciel dans notre voix – sans chagrin…

Présent – disponible – inoccupé…

L’attention entre l’extase et la neige…

Le lieu – en soi – affranchi du savoir et du refus…

La chair fécondée et enfantante…

Les points de ressemblance dissimulés sous les couches visibles – apparentes…

Un seul visage auquel rien ne peut être arraché…

 

 

Les yeux et les mains – de couleur sombre – aux mouvements mécaniques et irréfléchis – plongés, en réalité, en pleine lumière – issus du geste témoin inaugural – perpétués par le souffle régénérateur…

Dieu – à son aise – à travers nous…

 

 

Les doigts – simple prolongement de la pierre – animés par le vent des hauteurs – le même que celui qui glisse entre les étoiles…

Dieu – le dos recouvert d’un long châle – un peu de nuit et de mort sur les épaules pour contrebalancer l’ardeur et la clarté de son œuvre…

Un temps de recul – un peu de distance – pour goûter le mélange et la multitude jetés (presque) au hasard sur les destins – sur les chemins – selon des lois qui semblent, aux yeux des hommes, savantes et mystérieuses…

 

*

 

Un regard de première main à la place de l’œil emprunté – habitué – presque fermé…

Le monde invisible – enfin perçu – autant que ce qu’il abrite ; l’essence et la surface…

Les choses goûtées – le temps suspendu – comme éteint (si l’on peut dire)…

A la place des mots – du silence – entre les lèvres ; pas la moindre image sous les paupières…

L’avenir avalé par l’origine…

Et derrière nous – tous les horizons…

Et ces lignes qui, peut-être, n’en finiront jamais de témoigner – comme si dire la vie – le monde – l’âme – l’esprit – était, pour nous, le seul labeur – la seule œuvre – le seul ouvrage – possibles…

 

 

Quelque chose de la fleur – en chaque lettre ; des mondes entiers au-dedans des mots…

Sur les pages – sur chaque page – l’âme – la terre – le ciel – réunis – bruts – singuliers – exposés dans leur nudité et leur fragilité ; la beauté incertaine – la vérité passagère – une furtive traversée au cœur du vide – nécessaire comme tout ce qui émerge de la gangue commune – cette masse informe et magmatique…

Sans récompense – ce voyage…

Un fond de ciel, peut-être, derrière les yeux…

Une présence, trop souvent, oubliée…

Des chants d’oiseaux juchés à des hauteurs inaccessibles…

Des heures si vastes ; et la nuit si profonde…

Ce que l’eau charrie avec les pierres ; des chiffres – des reflets – des calculs et des stratégies – toutes les ruses (mesquines et compréhensibles) des craintifs et des affamés ; rien qui ne mérite de demeurer – en soi – sur nos rives…

Et le cœur qui, peu à peu, apprend à se libérer…

 

 

Le ciel réapparu – dans la chair naissante – vieillissante – mourante – et renaissante – indéfiniment ; l’œuvre du recul et de l’inachèvement consenti…

Ce qui nous apaise – ce qui échappe à la vie organique – aux sens – à l’absence – à toutes les disparitions…

La mort, pourtant – en général, vainement tenue à distance…

Les esprits qui feignent l’intelligence – les livres, le savoir – et les hommes, la sagesse…

Un monde d’illusions (plus ou moins) crédibles et lumineuses où les apparences ont, peu à peu, détrôné l’essence – où l’obscurité, à présent, fait office de lampe et tient lieu d’issue et de langage…

L’air du temps – (presque) totalement vicié(s)…

 

 

Les paupières mi-closes – sous la lune…

Un peu de clarté – un semblant de vie – en attendant la grande malle noire…

Des mains et des places à occuper ; rien de très enthousiasmant – histoire de satisfaire les désirs les plus élémentaires – quelques emplois pour essayer d’échapper au néant que nous avons édifié…

Des existences vouées à l’attachement et à la pénombre…

Et dans l’œil – cet abîme et ce vertige – que rien ne peut guérir – que rien ne peut combler…

 

 

L’âme et la peau – barbouillées de ciel ; et, sur les épaules, le long manteau des Dieux…

Et, en guise de chevelure, des fils d’or mêlés aux feuillages…

L’arbre – l’invisible et le Divin…

 

*

 

L’épuisement (fort compréhensible) de l’âme face au silence du ciel – si rarement compris…

A la manière d’une précipitation au fond d’un gouffre – comme une accélération du désastre – une totale perdition – le refus (rédhibitoire – et vécu ainsi) de l’ultime recours…

Nous – avalé(s) par l’immensité noire – la voracité de l’abîme – la prégnance du désespoir et de l’absurdité ; des sommets de solitude insupportables…

En réalité – un passage nécessaire pour goûter la vie et le monde – au-delà des images – au-delà du langage…

La permanence d’un acquiescement total pour lutter contre le froid – la naïveté et l’abjection des hommes – avec lesquels on se familiarise à mesure que l’âme devient mature…

 

 

L’inconnu au cœur du sang – la nuit chimérique…

Ce que le feu fait naître au voisinage du monde…

Très proche – sans rêve – la charge allégée…

Ce que les Autres – leur absence – ont creusé en nous ; les frontières – puis, la proximité et le lointain, peu à peu, indifférenciés…

L’invisible – à force d’assauts et de délicatesse – de plus en plus perceptible et reconnaissable dans ses danses mystérieuses avec le réel le plus tangible – avec la matière la plus grossière…

L’âme à maturité – peut-être – enfin apte à la simplicité ; encline à la vie humble et discrète – à l’esprit attentif – au geste naturel et respectueux…

 

 

La solitude – sans voix – sans mémoire…

Et la sente de l’âme – à travers le monde – à travers notre vie ; son indispensable (et inévitable) – besogne – en quelque sorte – perçue comme inutile et douloureuse puis, comme magique et essentielle (très souvent dans cet ordre-là)…

L’être autrefois si lointain – presque inconnu – aujourd’hui établi et sans limite…

En nous – comme il se doit – le labeur incessant…

 

 

Ce que le visage révèle et fait disparaître…

Le règne de l’invisible enroulé dans les apparences…

L’étroitesse de tous ceux qui se réclament d’une quelconque discipline – d’une quelconque mouvance ; ceux qui brandissent le moindre signe d’appartenance …

La trajectoire (principalement nocturne et souterraine) des êtres – (presque) toutes les voies célestes…

Et, au bout du compte, le déploiement naturel du ciel…

 

 

Les premiers mots que la bouche ait prononcés…

Les Autres et le reste du monde que l’on apprend, peu à peu, à mettre à mort…

Au cœur de la forêt – comme un détour nécessaire ; une invitation à la halte – au pas de côté…

La nécessité intérieure prise en compte…

 

 

L’expansion de l’origine – son déroulement (quasi) continu ponctué d’intervalles – comme des orifices de respiration indispensables au rêve et au sommeil – des interstices de repos auxquels peuvent prétendre l’œil et l’âme – soumis, au cours de ce périple, à une intense – à une irrépressible – à une radicale – transformation…

 

 

A travers la chute – le commencement de l’épreuve – une autre perspective où le vide et le souffle deviennent égaux – renoncent à leurs (incessants) conflits aux conséquences dramatiques ; membres à part entière de l’édifice et de la déconstruction…

 

 

A l’angle exact de la trace et du temps – l’œuvre des livres – la parole-témoin ; le jaillissement des mille mondes abrités au fond de la mémoire ; de la terre et du ciel enchevêtrés – plus ou moins habilement organisés – le plus souvent, en désordre – entre le fouillis et le chaos – comme au commencement de l’univers – après le vide – la naissance explosive et la construction anarchique des galaxies ; l’histoire qui se répète, à une échelle plus intime ; la permanente réinvention du réel ; la sempiternelle déclinaison des cercles et des assemblages ; entre l’anomie – le tohu-bohu et l’arrangement (plus ou moins échafaudé et cohérent) ; indéfiniment – le même cycle (à quelques variations près)…

 

*

 

Contre soi – l’ombre muette – le sang séché des Autres – la multitude et l’impossible – immobiles ; les restes de nos amours minuscules ; rien, en somme, sous la lumière lucide ; un tas d’insignifiances ; mais, en secret – (presque) en cachette, le plus précieux ; le silence, à l’intérieur, impalpable et majestueux…

 

 

Sous le visage – le commencement – la naissance du jour – son surgissement – comme une émergence inespérée du plus profond (et du plus lointain) sommeil ; la chair indemne malgré les blessures (nombreuses) – le tranchant des pierres – les recoins anguleux du chemin – les yeux des Autres constellés de pointes – d’épines – d’éclats…

Comme une respiration dans l’air qui précéda le temps…

Et, au fond des yeux, la lumière ; et, au fond de l’âme, la substance noire des morts oubliée…

 

 

Le jour habituel – quotidien – dissimulé – entravé, parfois, par les habitudes – le monde mensonger – sans consistance – sans joie – sans vérité…

Un pays aux airs d’ailleurs – enfoui dans le cœur assoupi et les pas mécaniques…

L’ouverture – à la manière d’un accident (la plupart du temps) dans cette longue ligne droite – cet interminable sillon qui, si souvent, s’enfonce et se rétrécit – devient (quasi) souterrain…

Comme une sorte de fenêtre détachée des temps anciens – avant que le monde n’impose ses masques et ses chimères…

La vie en terrasse – face à la mer – en quelque sorte…

Et au fond des yeux – et au fond du cœur – ce regard océanique ; l’immensité d’un seul tenant – sans ces (abominables) frontières inventées par la tête…

 

 

Un saut – du sommet terrestre – dédoublé – vers le ciel et l’en-bas (le plus bas peut-être) – à travers la même fenêtre – comme un engagement total et un complet détachement simultanés…

La blancheur qui recouvre le monde – ses failles et ses aspérités – uniformisant toute la surface – manière de souligner les ressemblances et l’insignifiance des différences entre les émergences de matière – trop souvent (presque exclusivement – en vérité) perçues dans leurs délimitations – en tant que formes singulières dotées de frontières apparentes…

Et dans cette perspective – comme un surcroît de grandeur et de beauté ; ce que chacun pourrait éprouver – au quotidien – au lieu du rêve – au lieu de l’illusion…

 

 

Le long d’une ligne invisible – le silence – nos profondeurs – le monde épargné par nos exigences – notre brutalité – tous nos sévices…

Ce qui est perceptible grâce au regard désengorgé…

 

 

Des traces de griffes dans le vide – insignifiantes – imperceptibles – comme le nom que l’on porte – et que l’on accroche parfois au bout d’une hampe – et que l’on brandit (un peu partout – avec orgueil) comme une signature – une identité – dont se moquent (éperdument – et chacun à sa façon) les Autres – le monde – le silence…

Il suffirait d’un regard – une légère inclinaison du cœur – une morsure du réel – un peu de neige sur l’âme – pour comprendre l’impossibilité du bannissement et de la chute – l’impossibilité d’être évincé du cercle des initiés – du triangle de la tendresse…

Le vide – le centre et ses périphéries (apparentes) – indissociables de l’essence et du reste…

Nous tous – chacun d’entre nous – sans la nécessité d’élever la voix – de se mettre sur la pointe des pieds – de jouer des coudes ou de redresser la tête ; notre permanente vérité – abyssale et réticulaire ; ce que nous sommes intrinsèquement – ce dont nul ne peut être exclu ou écarté…

 

*

 

Le monde sans visage – à l’issue du retrait…

Le sommeil, peu à peu, vaincu par les saisons…

Ce qui succède au piège (à l’incroyable piège) des naissances…

Le jour initié par lui-même – lorsque les conditions sont réunies – et qui advient, comme tout le reste, lorsqu’il est temps que cela advienne ; la nécessité comme seule force impérieuse…

Qu’importe le labeur et la pénombre…

Qu’importe l’alignement ou l’éloignement des étoiles et des planètes…

Le silence et la pierre – main dans la main ; et, à travers nous, tous les gestes et le spectacle…

 

 

L’âme attentive à la position des dés lancés par la main (vigoureuse) des Dieux…

Ni hasard – ni prédestination – dans la soif et le sommeil…

Nulle part – toujours là où cela se rapproche…

Le destin – comme dernier écho du silence – ultime soubresaut de la matière naturellement léthargique…

Et, parfois, au cours du voyage, l’interrogation – mille interrogations ; ce grand charivari qui officie sous le front des hommes…

Les pas qui imposent leur rythme et la direction…

Et, très rarement, la surprise du ciel avant l’effacement – avant la dissolution ; comme un clin d’œil – un interstice – une parenthèse – un (très) bref avant-goût de la lumière…

 

 

Au bord de soi – l’invisible et la fraîcheur – comme un antidote à l’inertie pestilentielle que porte toute certitude – toute immobilité sans profondeur – qui n’est enracinée qu’à des traditions – à une longue série de rêves monotones – qui usent les heures et les âmes – qui détournent l’esprit et le monde de l’éternité qui veille – et qui veillera toujours – sur la ronde cyclique des cercles – sur la grande roue où sont accrochés les mondes…

 

 

Seul – dans le vide et la voix…

Devant nous – des chemins enneigés…

Le désir très ancien de gestes précis…

Un regard détaché du temps et de la mémoire…

Une âme plongée dans toutes les profondeurs…

De la trempe des héros ordinaires et anonymes…

Et, au-dedans, l’humilité – la discrétion et le respect – considérés comme les seules couronnes possibles avant l’effacement…

L’esprit – le monde et la main – parfaitement alignés ; engagés dans la même perspective – unis comme un seul corps…

Une existence belle – pleine et joyeuse – sans la moindre mutilation…

 

 

Le corps et le langage inventifs…

De la matière et des alphabets non pétrifiés – la condition première pour qu’émergent la danse et la poésie…

Et l’apparition (progressive) du regard attentif et détaché – comme élément nécessaire à la justesse du mouvement et de la parole…

Le mot et le pas – affranchis ; les signes discrets (et éloquents) de l’âme libre…

 

 

Ce que l’on abandonne – par endroits ; du souffle et des murmures dont peuvent s’emparer toutes les figures du monde ; des reliquats d’invisible et de matière – un surplus de soi – humblement et involontairement octroyé à ceux qui vivent dans le déficit ou la pénurie – l’un des plus beaux présents peut-être – sans doute le nutriment le plus précieux ; de l’énergie vitale qui s’offre à tous les usages possibles – selon la nécessité de ceux qui s’en saisissent…

 

*

 

Choses vécues – vivantes – redoutablement tenaces – mille démons dans leur boîte au couvercle d’argile…

Des jours obscurs ; l’ordinaire quotidien amputé de lumière – plongé dans le manque…

Nos vies sans face-à-face – le lieu (misérable) des images et de la mémoire…

Et des miroirs – partout – pour prolonger l’asymétrie et l’infirmité…

Un monde – des existences – de figurants ignares et angoissés – condamnés à gesticuler sans conséquence…

 

 

Des pas et des mots denses – la silhouette massive – puissante – vibrante des forces de la terre – la tête gorgée de vide et de monde – vive – encline (très encline) à la besogne…

Tout cherchant une réponse – un passage – un peu d’Absolu – au milieu du sable – parmi la cruauté des mains et l’indifférence des yeux…

Les Autres – ces (grands) absents…

Et la nuit, si pugnace autrefois, qui, peu à peu, s’effrite – s’écroule – s’effondre…

Dans la solitude – la semence et la lumière – la clarté verbale et la proximité de la source – l’évidence du miracle…

Du cri au chant – des grands froids au feu qui anime – qui réchauffe – qui abrite…

Les griffes rentrées au-dedans…

Et le sourire qui se dessine dans cet éloignement des visages – les lèvres qui tremblent devant tant de silence et de beauté…

Partout – le bleu sans interrogation – dans l’âme et devant les yeux ; l’immensité du regard au fond duquel tout se plaît à naître et à mourir…

 

 

Les horreurs du monde – dans le langage – simplifiées ; nulle charge sur la nuque – nul regret dans le crâne…

La magie qui opère sous les immenses voûtes du silence…

Tous les paysages du ciel – inventés et décryptés…

Ce qui réussit à s’enfanter sans la moindre compagnie…

Les visages alliés et l’entrecroisement des choses…

Le parcours de la matière ; de la particule à la complexité…

Le vide errant – le vide creusé – le vide capable de s’inventer d’autres formes et d’autres noms…

Les racines secrètes du monde et des existences où doit plonger – profondément – tout désir poétique…

 

 

La lumière oblique sur l’itinéraire frontal – cette longue série de pas conquérants – avançant et reculant – au gré des espaces et des obstacles – gorgés de ce feu puissant – ininterrompu – avec, à la ceinture, tous les instruments de la guerre – les armes qui sèment l’horreur et la mort – et, derrière soi, mille têtes – mille générations – la terre et les âmes en charpie – abandonnées à leur sort – à l’indifférence des bêtes et des hommes…

La malédiction dans le sang – croissante ; et l’intelligence piétinée…

Des cris – des désirs et des lames – de plus en plus fines et aiguisées…

Ce que l’on ambitionne – ce que l’on arrache – ce dont on s’empare – ce que l’on amasse – à défaut d’Amour et de tendresse…

Le cœur misérable des hommes…

Et sur notre figure commune – face au monde – les traits de la tristesse et de la désespérance…

 

*

 

Sans exigence – le visage comme endormi – l’âme présente qui laisse jaillir les gestes et les mots – sans se prononcer – sans préalable – sans arrière-pensée…

Un temps vécu sans le diktat du monde et des horloges – sans la folie humaine – affranchi du culte voué à l’efficacité et à l’amassement – l’ardeur libre de poursuivre ou d’interrompre la (très) longue litanie…

Du bleu – dans les mains – sur la langue…

La nuit – sur nos lèvres – dans la chair – en train de faner…

 

 

Ce lieu sans ailleurs – ce temps sans avenir – sans mémoire – cette manière d’être sans autrement ; tout engagé – détaché – proche et lointain – parfaitement aligné – à la mesure des circonstances…

Et, au-dedans, un peu de jour et de nuit – mélangés ensemble…

 

 

Entre la source et le monde – ces ombres mouvantes – ces silhouettes bancales et déséquilibrées ; du feu et des embrasements…

De la chair que l’on frotte – que l’on caresse – que l’on ingère…

Des visages vivants et des visages inertes – de la peau découpée et de la peau frémissante…

Un tas de fables et de légendes ; autant d’histoires que de jours – au fil de l’existence – au fil des générations…

Des fantômes, peu à peu, rongés (et affaiblis) par le temps et qui finissent, tôt ou tard, au fond d’un trou ; et nous autres – et nous tous – à recouvrir la terre de terre ; une pause, à peine le temps d’un souffle – d’une absence de souffle, dans la danse folle – au milieu de la glaise et de la poussière – tournoyantes…

Une multitude saisissante – sans rien ni personne – en dépit des apparences – devenue, aujourd’hui, une évidence si triviale ; la réalité terrestre qui se décrypte – seule – devant nous…

 

 

Emmuré(s) – à l’intérieur – comme un double cercle – deux rangées d’obstacles et de barbelés qui nous séparent du centre…

Un océan au-dedans – inaccessible…

Et mille expériences pour en témoigner…

Le dos courbé et l’âme inclinée…

La figure noire et les ailes froissées…

Mille tentatives pour trouver la destination – le rythme des pas – la juste trajectoire – pour s’affranchir de la volonté et de la détention – fouler simultanément l’air et le sol – échapper aux grilles et aux visages mensongers de la liberté – amorcer l’envol en privilégiant, de manière spontanée, la perspective qui surplombe les contraires – qui éclaire l’espace au-delà des oppositions entre les partisans et les détracteurs – la seule qui puisse (véritablement) nous libérer des antagonismes et des contradictions…

 

 

Ce qui périclite derrière les paupières – cette nuit faite de poignes et d’errance…

La langue des morts – retourné(e)(s) dans les tombes…

La mer qui se retire au-delà des rivages et des yeux…

L’abîme creusé qui soigne nos blessures – toutes les chairs meurtries par les coups de ceux qui conquièrent…

Des mots et des livres – non pour les yeux – offerts au cœur ; des lignes et des phrases – entre le rêve et le réel – entrevus par l’œil de l’âme qui décrypte les secrets du monde dissimulés sous la surface des choses et des visages maladroitement recouverts de noms – capables de refermer les déchirures – d’assembler les fragments et les parcelles isolées et de réunir, en une aire unique, tout ce que l’on a outrageusement séparé…

 

*

 

Au cœur de l’innocence – l’intime ; ce que nous sommes – un – unis – ensemble – et, au pire, la manière (plus ou moins sensible et respectueuse) dont on tisse des liens avec les Autres (lorsque l’on se sent encore séparé du reste)…

Ce que sont le monde et l’existence – tous les mondes – toutes les existences…

 

 

La rive première – ce non-lieu – gravée dans le silence qu’abrite le fond de l’âme – le mystère exposé – et judicieusement dissimulé à la chair cognitive trop grossière qui en ferait un usage (totalement) indigne ; le mystère et ses lois que les bêtes et les hommes prendraient, sans doute, pour un territoire ; comment pourrait-on oublier qu’il y a encore beaucoup (beaucoup trop) de faim et d’instincts chez tous les vivants de la terre…

 

 

Les hommes – au loin – sur l’autre rive…

Toutes les figures de l’absence – réunies…

Des fantômes très bruyants ; et l’âme indocile qui tourne en rond dans sa cage ; et qui se cogne à tous les recoins du labyrinthe où on l’a (malencontreusement) enfermée…

Pas assez de chants et de prières entonnés sur la terre…

Pas assez de beauté et de tendresse dans les agissements et les gestes…

Et cette grâce – et cette intelligence – qui nous fait défaut – pour échapper au dédale – l’accepter – comprendre la nature de l’esprit et de l’espace…

Davantage qu’une marche vers soi – il faudrait creuser un tombeau – un abîme – puis s’y jeter – la tête et l’âme les premières – et savoir percevoir, à travers tous les bruits et tous les cris – au milieu de la peur – de la détresse et de la cacophonie, la beauté fébrile du silence – les vibrations de l’invisible – la lumière dans notre chair – dans notre voix ; ce qui bat – au cœur du plus intime des choses du monde – dans tous les univers – au fond de chaque poitrine…

 

 

Ce qu’il faut faire émerger des profondeurs…

La tête posée sur l’étendue – dans l’immensité intérieure…

Le ciel et la mort – et leur étrange reflet dans les yeux grands ouverts…

Qu’importe les visages – les alphabets – les circonstances…

Ce qui surplombe les émotions et le langage…

La lumière – le silence – l’éternité…

 

 

La souffrance contenue dans chaque larme ; la fraternité diluée dans toutes les eaux du monde…

Et notre inquiétude – le front plissé face aux Autres…

Toutes les armes qui se perfectionnent – l’âme qui s’aguerrit – au fil des batailles – au fil des générations…

L’Amour éparpillé dans le sang qui coule – concentré dans l’œil qui se ferme – la poitrine tremblante avant le dernier soupir…

Des gisements de feu reportés à un très proche avenir…

Et le souffle qui continuera à alimenter les vents du monde – à faire grossir la masse des vivants – à faire de la terre la somme de toutes les haleines terrestres – la somme des inspirations nécessaires…

 

 

La folie au-dedans et un nom au-dehors – comme une étiquette – une marque de distinction – qui contribuent à toutes les insanités du monde…

Quelque chose du sommeil – tissé en mailles serrées sous le front – comme un oreiller à l’intérieur – et sur la pierre – le matelas noir des insomnies – un lieu de guerre et de conflit – un lieu d’inconscience où l’on ne peut s’accomplir que par le rêve ou le sang…

L’horreur du monde à laquelle participent tous les mensonges ; notre propagande et les aménités d’usage…

 

*

 

La nuit parfaite – buissonnière – joyeusement solitaire – sans épaisseur – sans enfermement – très éloignée du désir festif des Autres – comme une voix frêle dans le silence – presque imperceptible – comme deux paumes innocentes qui se joignent vers le ciel – une porte ouverte sur l’immensité – un trou de serrure qui laisse apparaître l’infinie blancheur de l’espace – une main sur notre épaule à mesure que s’approfondit la prière…

 

 

Le jour dans notre cellule – bien avant le dernier épuisement – l’ultime tentative…

Quelque chose dans l’ordre du monde – comme un espace qui se substitue au fouillis et au brouhaha antérieurs – une possibilité au cœur des apparences ; un appel d’air du vide aux conséquences joyeuses ; le plus beau des présents – peut-être…

Comme une cassure – nette – précise – du dernier maillon de la chaîne – qui ouvre sur la seule forme possible de liberté…

Le sourire aux lèvres et la joie dans l’âme – humbles – discrets – impersonnels…

Sans doute – la plus savoureuse manière d’être vivant…

 

 

L’absence qui se conjugue à tous les temps ; des masques et des postures – du vide tourbillonnant – l’invisible relevé dans toutes ses tâches – partout – la même inconsistance et la même frivolité – les œillères du rêve sous le front – les mains attachées derrière le dos…

Nous – nous avançant, peu à peu, au cœur de l’abîme – au seuil de nos dernières forces – jusqu’à l’ultime frontière – peut-être – comme si, en vérité, il n’y avait personne – ni monde – ni chose – ni question ; de simples circonstances ; ce qui – apparemment – a lieu ; et nos yeux pas même pour en témoigner…

 

 

Hanté(s) par le jour – les lois de l’inertie – l’âme inaccomplie – les mensonges du langage – tout ce qui nous détourne du centre – de la vérité…

La tête et les mains – lourdes de tous leurs manquements – ce que l’on ressent au fond de la chair rougie par l’expérience…

La gorge pleine de sable et de cendre – en plus du sang…

Le cœur comme un brasier mal éteint – plongé par intermittence dans l’obscurité…

Avec des élans et des à-coups – des reliquats d’ardeur – insuffisants toutefois pour transformer le regard sur le monde…

Nous – comme seul(s) [et simple(s)] témoin(s) de nous-même(s) – amputé(s) d’une large part du champ de vision naturel – condamné(s) à cet engluement de surface identitaire qui (nous) confine à une quasi cécité…

 

 

Seul – sous la neige – le soleil dans le geste – dans la voix – sur la page – l’âme – la chair et la main – parfaitement éclairées – les ailes déployées – battantes dans le ciel dédoublé – l’espace au-dedans et l’espace au-dehors – dans cette continuité qui échappe au temps – aux yeux guidés par la pensée…

L’être face à la mort – au provisoire des choses du monde – à l’inconsistance de ce qui semble exister…

Plus proche de l’essence que des apparences…

Plus proche du vide que de ce qui en émerge…

Plus proche de la lumière que des ombres projetées…

Le regard et les sens affranchis des orifices – désenvoûtés en quelque sorte…

 

*

 

Distraitement – le jour que l’on a enfoui…

Le monde sans réserve – les figures de l’errance – le cœur banni – le diktat du temps – des images et des lois ; le démembrement de l’innocence – le retournement de l’esprit comme si le mystère avait perdu tout attrait…

 

 

Une pause – des lettres peintes en bleu – en silence – partout où persiste le refus – le recouvrement de la source – l’émergence possible des yeux libérés du sommeil…

Ce qui se poursuit en nous – l’indéchiffrable à travers les gestes et les circonstances – des chemins et des visages (les nôtres en particulier) – la nuit et l’invisible – la voix consentante et la gratitude…

Le délaissement des bagages et des ruines – les charges et la poussière de la mémoire – pour rejoindre ce qui nous appelle – depuis le premier jour ; l’acquiescement…

 

 

Rien au-dehors – du passé et des morts – et quelques regrets aussi – peut-être…

La trace des ombres sans écho…

L’oubli et le sol sur lequel on traîne…

Ce long voyage, à travers l’ignorance, pour chercher et apprendre à découvrir, peu à peu, l’identité secrète – l’identité profonde – l’identité première que nous n’avons cessé d’enrober de désirs et de glaise – de couches épaisses d’artifices…

Et cette cisaille – au fond du cœur – qui se tient prête à l’usage pour trancher l’inutile – tous ces misérables amas…

Hors du cercle – pour toujours – avons-nous cru ; et le Graal qui était là – invisible – depuis toujours – dans le vide – et qui attend encore nos mains tendues – nos paumes ouvertes – l’innocence suffisante de l’âme…

 

 

Du ciel – sans espace – une image – un symbole – un ailleurs que l’on réserve pour après – pour plus tard – comme une vague récompense – une sorte de terre lointaine – un lieu sans géographie – pour l’âme des morts ; une simple croyance sans aucune réalité quotidienne…

 

 

Le sol recouvert de larmes et de sang – d’os et d’excréments ; les substances – la matière – essentielles des vivants…

Et dans les airs – le reste de l’espace ; et cette double interrogation : quelle place pour l’invisible – et quels genres de forme peuplent ce que nous ne voyons pas…

 

 

L’écho du silence et le reflet du bleu contre nos tempes ; et, devant les yeux, ces vieux papiers jaunis par le temps…

D’un côté – l’immensité ; et de l’autre – le cercle minuscule – encombré et rafistolé…

D’un côté – ce qui existe (à tout instant) ; et de l’autre – ce que l’on ne cesse de faire revivre artificiellement…

L’homme à la jonction du rêve et du réel…

L’âme toujours tournée vers ce qu’elle ressent – vers ce qui lui semble essentiel – vrai ou faux – jamais à tort…

 

 

Sur l’autre versant du monde – l’errance joyeuse et involontaire – le règne de l’incertitude et du non-savoir…

Plus proche de l’origine que de l’étoile…

Plus proche de la lumière que de la nuit orpheline au fond de laquelle sont emmurés les hommes…

Plus proche du silence que du bavardage et de la parole animée…

Sans secret – l’âme libre et exposée – à la merci de chacun…

L’être sans attribut et sans usage ; sur cette pente – immobile…

 

*

 

Des jours et des vies – sans épaisseur – graves pourtant – lourds et pesants – sans joie et sans mystère – avec pour seule couronne le sommeil et le repos – cette torpeur quotidienne d’aller comme sur des rails…

Et, en soi, l’étendue assombrie par cette opacité nocturne ; et la tristesse aussi coutumière que les pas…

 

 

Entre le ciel et l’abîme – l’enfance qui se balance – joyeuse…

La parole heureuse – parfois, si proche du soleil…

Les jours et les mots qui se jettent – les uns après les autres – sur la page – sur le sol – vers la mort ; les lignes et les gestes qui offrent leur langue solitaire et lumineuse que le vent – les forces de l’invisible – emportent à travers la plaine – par-dessus les rives trop peuplées de ce monde ; et qui toucheront peut-être – un jour – là-bas – plus loin – qui sait ? – une âme sensible – le cœur ému d’un enfant…

 

 

Des traces de lumière – en chaque question – en chaque réponse – et au cœur du silence (principalement)…

Comme un trésor – un joyau – sous le déchirement des apparences ; une délicatesse dissimulée par la violence et la grossièreté…

Et notre désarroi dans cette nuit trop noire…

Le regard – plus loin que le vent – plus loin que l’ultime frontière inventée ou entrevue – au-delà du froid et de la brusquerie – au-delà des offrandes et des prières – au-delà du monde et du petit peuple des hommes aux yeux fermés…

Et la même envergure – et la même beauté – parfois – dans notre pas – dans notre geste – dans notre parole ; le signe, sans doute, que l’étendue – au-dedans – se déploie…

 

 

Ici – sur cette roche proche du cœur – commence l’autre perspective du monde – le silence et la parole profonde – la caresse intense et l’intimité avec les choses – l’acquiescement et le regard – la lumière et la sensibilité…

La fin de l’ignorance et de la peur qui gangrènent les âmes…

Le ciel plutôt que la nuit parsemée d’étoiles…

 

 

L’étrange saveur des pas hors du cercle – aux marges infréquentées du monde et au-delà…

Rien que la pierre et le regard – parfois confondus…

Au milieu de l’espace – l’invisible…

Des bêtes – des arbres – des fleurs ; notre (belle et grande) solitude…

L’existence à même le sol – le ciel et la terre – sans le moindre accablement…

 

 

Le verbe sans hauteur – pour témoigner de l’enfer vécu et du paradis possible…

Toutes les configurations du réel et de l’esprit…

 

 

Les pires parricides – et toutes les filles et tous les fils – orphelins ; le monde sans ascendance – à quatre pattes – cherchant une direction – un lieu vivable – une anfractuosité dans le temps…

 

 

Des mots dans le prolongement du ciel…

Un triangle de lumière dans la nuit trop fidèle…

 

 

La docilité de la langue et des âmes – comme un troupeau de signes et de chair…

Quelques flammes – un élan – un peu de feu qui avance – entre le fouet et l’attraction – entre la crainte du monde et cet irrépressible désir d’immensité…

 

*

 

L’ardeur d’avant la trace – l’émanation directe – l’émanation première peut-être – de la source…

Ce qui a précédé toutes les espérances – tous les désarrois ; notre regard – la perspective commune – avant le déchirement du monde…

Au cœur du froid et du vent – à présent…

Au cœur de la nuit aux mains charitables…

L’offrande du jour – l’offrande d’une vie – pour contrebalancer tous ces sortilèges millénaires…

Et pourtant – partout – le bleu immobile – sans usage – sans emploi – à la disposition de ceux qui le désirent – de ceux qui le goûtent – de ceux qui l’habitent ; et, en un instant, leur âme – leur souffle – leur geste – en sont emplis…

 

 

Dans notre pas – notre bouche – notre geste – le seul ciel (terrestre) envisageable – la seule incarnation possible de l’immensité…

 

 

Des étoiles et des créatures – tournant sur elles-mêmes – les yeux brouillés et le front inquiet ; la danse dans le sang qui se prolonge – qui se propage au-dehors – sous le ciel impassible – dans l’espace immobile – dans le regard attentif ; toutes les orbites – ce qui circule – la vie – le monde – le temps – endiablés – l’énergie intime et l’énergie cosmique – se réinventant, sans cesse, dans la durée…

 

 

Le jour espiègle – souriant – heureux même de nous voir nous débattre dans la nuit – l’humeur et l’âme aussi sombres que la couleur du monde – que la pénombre de notre chambre ; il sait qu’un seul geste – dans le regard – suffirait à nous éclairer – à tout rendre lumineux – à le rejoindre sans effort – à vivre à ses côtés – à le laisser nous effacer…

 

 

Dans le jour – les mains jointes et le cœur ouvert…

Sous les étoiles – le même rivage ; et, pourtant – à l’intérieur, toute une géographie transformée…

 

 

La parole courbe qui (enfin) s’incline – comme une forme de révérence – un respect pour le silence et l’étendue – soucieuse autant du monde que de l’origine…

 

 

Des rangées successives de murs…

La nuit éparpillée par les mains du savoir qui ensemencent le discernement et la distinction – et qui font fructifier, à leur insu, la cécité et les malheurs…

 

 

Aucun ciel sur la pierre – de l’espace sans socle – sans appui – qui vient visiter ceux qui l’invitent – tous ceux qui sont suffisamment mûrs pour le recevoir…

Le vide et l’âme – les seuls instruments nécessaires ; le reste, bien sûr, n’est que décor et contingence…

 

 

Vivants – assis sur le secret ; et enterrés, en lui, à leur mort…

 

 

Jamais d’heure inauguratrice – de temps commencé – de terme définitif…

Des instants – des entre-deux – des intersections – des cercles qui s’entrecroisent – d’infimes périmètres parfois – entre l’espace – la matière et le temps…

 

 

Tout ouvert – malgré les frontières dessinées – malgré les limites définies…

La multitude foisonnante et le fouillis – comme simples prolongements – minuscules protubérances – de l’espace – excroissances provisoires – à la manière d’un spectacle offert pour lui-même auquel, bien sûr, chacun participe et dont chacun est témoin – œil ou regard qu’importe…

 

*

 

Cette lourde charge qui nous cloue – nous perclut – nous assomme – nous cisaille – nous enterre…

Et, au-dessus, ni ciel – ni soleil – ni soutien…

Et, au-dedans, ni paix – ni joie – ni espoir – et aucune raison de vivre particulière…

L’ordre mécanique des choses et du monde – des pas et des sentes qui, à force de piétiner – qui, à force d’être empruntées – creusent le même sillon – jour après jour – de plus en plus profond…

Et sous le front – le poids de la désespérance ; et rien derrière le visage – quelques vieux masques décrépis qui dissimulent fort mal tous ces fantômes qui hantent la tête de ces silhouettes à la foulée fatiguée…

 

 

Vers le centre – en s’éloignant du monde et du temps…

 

 

Trop de cercles surimposés au réel pour être réellement compris et (honnêtement) célébré…

Le plus souvent – des sourires et des aménités – un mimétisme affable – devant l’estrade sur laquelle se tiennent quelques sages institués ; un aréopage de savants supposés qui savent manier les signes et les mensonges en dissimulant les choses sous d’implicites symboles…

Du vent – entre les oreilles – sans doute la meilleure chose pour l’auditoire et les présomptueux ; la terre entière – à bien y regarder…

 

 

Des fragments de vérité sur l’échafaud ; au cours de l’exécution et quelques instants avant que la tête ne roule sur le sol…

Et des ailes qui poussent dans l’esprit des suppliciés…

La nuit qui s’éloigne – le ciel plus bas que jamais…

Le vide qui accueille les morts…

Dans le retrait – cette écoute particulière de l’essentiel – la dispersion du plus frivole – l’inécessaire – l’extinction de l’épuisement ; l’attention aiguisée ; l’invitation de l’immensité – le goût du silence ; l’invention, peut-être, d’une terre nouvelle…

 

 

Des malheurs sur la pierre…

Des morts sans funérailles – abandonnés sur le sol – au fond des eaux…

Le (petit) peuple de la terre…

Des séjours et des sphères – mille différences apparentes ; et la même faim qui anime la chair – le cœur des entrailles…

 

 

Un murmure – quelques syllabes – ce qui émerge des profondeurs – au sommet de la solitude désintéressée ; un mouvement de rupture – une sorte de retournement de l’esprit – de l’espace – la parole devenant, au cœur du silence, un geste comme un autre – attentif et juste – parfaitement adapté aux circonstances…

Ni agenouillement – ni embarrassement ; la posture – au-dedans – naturelle – discrète et inclinée…

 

 

Les paumes parfois dressées – parfois tombantes…

Confiant – abandonné aux courants qui nous portent – nous emportent – nous font chuter ou échouer sur quelque rivage – sans le moindre désir d’une autre réalité – que les choses prennent une tournure différente ; ce qui s’impose – ce qui a lieu – ce qui s’accomplit – le plus naturellement du monde…

 

 

Parfois pente – parfois dédale…

Parfois opacité – parfois discernement…

Parfois douleur – parfois agrément…

Le destin sans cesse reconduit – sans cesse prolongé – sans élan supplémentaire – jusqu’à l’extinction de tous les mouvements…

 

 

L’innocence et les saisons…

De l’ombre et de la lumière…

L’usage de la blancheur et le regard-témoin…

Jamais rien de fixe – ni les détours – ni les impasses – ni les effondrements ; aussi libre(s) et erratique(s) que les vents ; ce que nous vivons sur la terre…

 

 

Sur le bas-côté de la route – cette attente immobile – interminable…

Trait pour trait – le visage impatient de l’enfance…

Et sur la voie principale – la sauvagerie (évidente – manifeste) du monde – et l’assentiment (supposé) de la lumière…

Des âmes – par endroits – entre l’exil et l’illusion – entre l’histoire et la vérité…

Des bouches criantes et affamées – tout qui gesticule comme au fond d’une malle…

Sans un regard pour les lignes jetées en pâture – offertes en partage…

Les lèvres et les pieds pleins de terre – abandonnés à leur sort (strictement) matériel…

Des destins souterrains et sans grandeur…

Des spectres auxquels on a donné un nom pour leur faire croire qu’ils appartiennent à la précieuse famille des vivants…

 

 

Dans l’œil – le même abîme que sous les pas…

Tout – plongé au-dedans – à l’intérieur…

 

 

La vie et la mort – et toutes les consignes des Dieux qui font office de lois…

Des cris avant le trou – pendant les funérailles – puis, autant sur la tombe que sous la terre…

Des cercles entrecroisés que l’on s’échine à vouloir séparer pour éviter la douleur et la folie…

Rien qu’un sol où tout se passe…

Rien qu’une idée du ciel à laquelle on aspire…

Et – entre les deux – tous les malheurs et cette pitoyable agonie…

Avec, parfois, des pelletées de poussière qui brouillent la vue et rendent – fort heureusement – les choses (plus ou moins) indistinctes…

 

 

De la cendre dispersée – le même sentier que l’on emprunte pour boire dans la coupe des Dieux – devenir prisonnier des alphabets et des images – se jeter au cœur du vide (l’âme et les pieds en avant)…

L’enfermement du ventre ; et les Autres – et le monde – et la mort – dont on apprend, peu à peu, à s’affranchir…

 

*

 

Le cœur bigarré – la nuit qui nous entoure comme un sous-sol vivant – éprouvé de l’intérieur…

Des ombres inattentives et des temples désertés…

La succession des heures en expansion…

Le corps – réceptacle du temps – de l’histoire du monde – des mythes et des traditions ancestrales…

Tout – réuni – depuis le premier jour – aujourd’hui ; tout concentré – à cet instant même…

Des milliards de cercles présents dans la chair et l’âme…

L’esprit et le vide vivants – palpables (si tangibles)…

L’œuvre (grandiose et admirable) de l’invisible – permanent et inépuisable…

Tous – sur cette pente qui fait glisser chacun jusqu’à l’aube…

 

 

Les arbres silencieux – attentifs et sensibles à nos intentions – à notre intonation…

La même intuition et cet ancien regard en commun – comme la poursuite de l’échange et sa (progressive) transformation en étreinte – le signe que nous étions autrefois suspendus ensemble au-dessus du vide – que nous partageons la même généalogie – une ascendance commune ; l’Adam et l’Eve cosmiques (et non anthropomorphiques) – l’espace et l’énergie sans commencement…

Les uns dans le retrait des hauteurs ; les autres dans le bavardage et la gesticulation…

Les uns dans le silence et la paix ; les autres dans le vacarme et l’agitation…

Face au monde – l’épuisement (progressif) du temps et l’éclosion (encore timide) du jour…

Les uns contre les autres – ensemble – à attendre la lumière – l’avènement de la première heure…

 

 

Contre la peau des vivants – ensemble – le vide et l’invisible…

Un regard sur toutes les parcelles et sur tous les sentiers – sur tous les lieux où l’on vit côte à côte…

Et émergeant – entre les lèvres – quelques lettres combinées de l’alphabet – des cris et des plaintes…

A l’approche du jour – personne – pas la moindre doléance – ni la moindre onomatopée…

La mémoire du monde enfouie – éparpillée au fond de chaque tombe – veillant, peut-être, auprès des morts…

Et vivants – notre corps et notre cœur – sans la pesanteur ni les stigmates du temps…

Vierges pour accueillir la lumière – un peu de lumière…

Au-delà du dédale – la franchise et la transparence – qu’importe les reliquats de terre qui entravent encore notre route…

Qu’importe les conflits et les querelles qui gangrènent encore l’espace…

Un peu d’amertume aux lèvres et, au fond des yeux, l’immensité océane – présente – en minuscules carrés de lumière – cette clarté indélébile qui éclaire tous les passages – toutes les traversées – qu’importe l’obscurité – qu’importe le sens et la durée du voyage…

 

 

A genoux – et la bouche naturellement cousue…

A travers la fenêtre – l’étendue…

L’âme face à tous les refus – acquiesçante…

Le cœur (très) docilement incliné…

Et devant les yeux – la vie et la mort – tous les spectacles du monde – ce qui s’effrite à l’air libre – sous le soleil – le souffle et les mains (le plus souvent) très peu concernés…

Notre périple – cet étrange parcours dans le sable et le vide…

 

*

 

Ce que la nuit édifie autour de nous – des murs de pierre – de minuscules étoiles construites en boue séchée – de la distance et de la tristesse…

Toute l’inintimité du monde – sans la lumière…

 

 

Des siècles d’étrangeté au-dedans de cette cage – derrière ces grilles – de l’autre côté du monde – un temps d’affairement et d’épuisement pour trouver une issue – échapper à la détention – en vain (bien sûr)…

On s’est éreinté à chercher aussi loin que possible – à fouiller le sol – les sous-sols – à ébranler les murs – à allumer toutes les lampes de la geôle – à imaginer l’espace et l’immensité – recroquevillé au fond d’un coin…

Et il aura fallu s’abandonner (pleinement) à l’incarcération pour qu’une main étrangère nous soulève au-dessus du labyrinthe – au-dessus du couloir du temps – et nous pose au milieu du vide – sans socle – sans appui – flottant avec le reste des choses au gré des courants et des appels à la liberté ; à la même place – exactement…

 

 

Cette encre jetée dans quelques anfractuosités du monde – quelques sillons – quelques pages – comme un chemin incertain – encourageant peut-être – qui se dessine ; un périple à travers l’épaisseur – le seul voyage nécessaire (sans doute) ; du plus lointain vers la plus grande intimité – de la périphérie jusqu’au centre du cercle ; toute une pente à remonter en soi – et cette dégringolade extérieure – parfaite – rédhibitoire – sans même le désir d’une parole – de trouver une issue – d’opérer le moindre changement ; ce qui est offert – la vie et le monde tels qu’ils se présentent ; ni difficulté – ni problème – ni (bien sûr) besoin de percevoir un sens ou une résolution ; le cours des choses – les circonstances ; et l’abandon total à l’étendue ; pas même une épreuve – ce qu’il nous faut (simplement) vivre et éprouver ; l’inévitable – en somme…

 

 

Ce qui apparaît comme mutilé – le rêve – le réel et le souvenir – ce que nous croyons être – le monde – le regard et l’existence des Autres ; tous ces pitoyables assemblages d’éléments disparates ; l’essentiel peut-être…

Des bouts de chair et un peu d’invisible – sans espace – sans silence…

De simples amas de pierres et d’étoiles…

Nous tous – privés de sourire – de ciel – de joie…

 

 

Le monde – des cages et des tiroirs entrouverts…

Comme le soleil – ces lignes…

L’asymétrie et le parallélisme…

Quelque chose de l’intensité et du cri – comme une force et une expulsion nécessaire – totalement irréfléchies…

Les rives intimes et les jeux solitaires autant que les berges surpeuplées et la gesticulation des foules…

 

 

Des blessures et des pièges – un langage sans alphabet – une forme de mutisme – des sons inarticulés – la conjonction du monde et de l’expression d’avant la parole…

Un long glissement – puis, un saut – comme un retour à l’origine…

Une existence sans la nécessité des lèvres – des Autres – du moindre auditoire…

 

 

Un long sommeil – au-dedans du rêve – des yeux ouverts – des apparences…

Des circonstances – comme l’on secouerait un somnambule – une tête avachie sur un oreiller…

D’imperceptibles vibrations pour cette vie (trop) léthargique…

Une forme de repos que, sans cesse, l’on reconduirait – que l’on recommencerait sans même s’en rendre compte – ajournant ainsi la découverte des mensonges et de l’abîme – reléguant à plus tard – et à jamais peut-être – la conscience du vide…

 

*

 

Une parole morte – depuis trop longtemps…

Sans voix – devant la terre agonisante…

Le fil du temps étiré jusqu’à la cassure – puis, tout qui s’accélère – mille secousses – et les hommes qui s’imaginent moins indifférents – et moins pleutres ; simples conjectures – pure imagination – évidemment…

L’existence rayonnante – ce que nous refusons – comme un jeu – notre dernière marelle – identique à celle de l’enfance ; de la terre au ciel en quelques pas – la tête accaparée par le territoire à atteindre – les yeux rivés sur le palet qu’on lance devant soi – le cœur prisonnier des ombres – de ces petites cases dessinées à la craie sur le sol…

 

 

Serait-il possible que nous existions réellement – comme semble l’attester la présence du sang dans nos veines – la chair douloureuse – ce fragile tégument de matière – le cœur ému – la poitrine, si souvent, envahie par la tristesse – et mille émotions différentes – et la psyché engluée dans son étroit labyrinthe…

L’esprit pleinement engagé dans ce qui se vit – dans ce qui s’éprouve – et au-dessus (très au-dessus) des pulsations – du désordre – des fragmentations ; inaccessible – en somme…

 

 

Des lieux et des choses – ce qui advient – des rires et des larmes ; et cette peur – et cette faim – qui nous animent ; mille manières de vivre – mille voies possibles – jusqu’à la joie – jusqu’au silence – jusqu’au parfait alignement de l’âme et des circonstances – jusqu’à l’avènement de la main juste qui humblement – discrètement – effleure l’espace – le monde – les visages…

 

 

Un lieu où vivre – des failles où se cacher – l’immensité intérieure affranchie de la matière mortelle…

Pour les uns – illusions – de bout en bout ; pour les autres – le vertige permanent…

Sans muraille ni langage – sans même, bien sûr, la nécessité du monde…

 

 

L’infini – devant soi – qui nous traverse…

La seule amitié possible et la seule tendresse offerte – héritées du silence – et qui se réalisent – et qui s’éprouvent – lors de sa découverte – à l’intérieur…

Ce que les visages semblent offrir – il est vrai – en apparence ; de très lointains – et de très imparfaits – reflets – à l’insu de tous (bien sûr) – ce que nous serons seulement capables de donner tant que nous nous prendrons pour des créatures distinctes – des fragments de l’immensité – tant que l’Amour ne nous aura pas traversés de part en part – et emplis de tous les côtés – de fond en comble…

 

 

L’espace transfiguré – la neige qui, peu à peu, se substitue au noir…

Des ombres et des cris – ce qui se soulève sous le poids de la souffrance – le trop long côtoiement du monde exagérément humain ; cette triste humanité qui ne représente qu’une infime fraction des ventres et qui maintient, pourtant, sous sa botte l’essentiel des bouches et des âmes…

Quelque chose de l’hégémonie – de l’aveuglement – de l’abomination…

Le triste spectacle des vivants et les misérables jeux auxquels se livrent tous les habitants de la terre…

Des vies de malheurs et d’infortune – la cécité des hommes et l’absence de ciel en référence – l’épaisseur du monde et l’opacité des consciences…

Rien – pas la moindre fulgurance…

Le néant à l’intérieur et la confrontation au-dehors…

Le devenir comme seule espérance – pitoyable – inapproprié – de toute évidence…

 

 

Du sol – du ciel – des astres – ce qui émerge – ce qui tourne – ce qui disparaît…

La danse des choses dans l’espace…

Des bruits et des visages – ce qui trépigne en attendant la lumière – un peu de vérité – sous le front – pour éclairer tous les mouvements – toutes les formes de présence ; les mains naturellement jointes pour honorer le vide et les étreintes…

 

*

 

La nuit par-dessus la terre ; et la magie par-dessus la nuit…

Le silence – partout – à travers l’épaisseur…

La matière soumise aux hommes et au temps…

Et – fort heureusement – la bonté intrinsèque du feu – du vent – de l’espace – sans lesquels n’existerait que la désespérance…

 

 

Le regard incliné – contrairement à la certitude (erronée) des bras puissants…

L’invisible qui nous enserre – et la liberté goûtée grâce à cette proximité…

 

 

La tête – comme la vie – obstinée – ressassante – mais (en général) moins (beaucoup moins) inventive…

 

 

La hache des vivants – sous le soleil – qui s’abat – et s’abat encore…

Le carnage (quasi) permanent des figures animales et végétales – et les têtes que l’on décapite par nécessité ou par agrément ; d’interminables rangées à décimer – des lignées entières à exterminer…

Des ombres sous la roue atroce qui écrase les destins…

Et toutes ces lames qui fauchent – comme si nous étions prisonniers de la mort – et condamnés à mourir – oui, bien sûr – mais dans quelles conditions – à la chaîne – réunis dans ces longs corridors sans lumière où la peur et le sang sont les seules substances qui suintent de la chair – des âmes incarcérées…

Le chemin assombri et la permanence des vagues torturantes…

Les saisons qui passent et l’inanité du langage…

Des errances – mille voyages – et, le plus souvent, des destinations inverses à la source…

Trop de distractions – sous les paupières et dans les arènes du monde…

Le vide – partout – qui se cherche encore…

 

 

La tête assidue – dans l’espace – qui cherche la blancheur – l’innocence du geste et de la voix – derrière les cris et la douleur – dissimulées parmi les ombres…

L’avènement de la lumière…

Le ciel présent – l’invisible dans la matière…

Ce qui peut-être – ce qui sans doute – fait de nous des hommes…

 

 

L’œil et la langue engourdis – et cet incessant brouhaha où nous sommes plongés – indifférent aux têtes prêtes à exploser…

Les rives assourdissantes qui pourraient renverser les âmes – nous détourner de cette vision étagée des vivants…

Le vide – partout – au-dedans ; et la solitude silencieuse comme un axe autour duquel tournent toutes les existences…

Avec, le plus souvent, tout le poids du monde sur le dos…

 

 

Nul ne sait – n’a jamais su – ne saura jamais ; mais il est néanmoins possible de vivre – le cœur joyeux et l’esprit en paix…

Il suffit de s’abandonner ; et de se laisser guider par ce qui surgit – circonstances et émotions ; et ainsi, éprouver (intensément) et incarner (passionnément) le mystère de l’existence…

 

 

Parmi – à côté – mais, le plus souvent, un peu plus loin – caché dans les interstices du monde humain ; « entre », sans doute, le mot le plus juste pour définir notre posture – notre position…

 

 

La blancheur de l’esprit – dépouillé – sans ses images – sans ses vieilles lunes misérablement dressées dans la nuit…

La respiration involontaire – comme le reste (tout le reste) – entre le vide – le jeu et le langage…

 

*

 

L’absence de Dieu au-dedans du monde…

L’absence du monde au-dedans de Dieu…

Et à la jonction du temps et des extrêmes – les âmes et leur longue (et âpre) besogne…

 

 

A la source – le silence…

Et au-delà – avec l’eau qui coule – la création du monde et quelques interrogations…

Puis, très vite (trop vite) – les paupières lourdes de sommeil et le souffle corrompu – exactement à l’autre extrémité ; aux antipodes – là où naît le point de départ du voyage retour…

Ainsi le cycle, sans cesse, se réalise – se perpétue…

 

 

De la cécité – et chaque réponse qui, peu à peu, glisse vers le silence – la seule possibilité ; il y a tant de manières d’ouvrir les yeux…

 

 

Le bleu à rebours – de seuil en seuil – jusqu’à la destination initiale…

Le bleu au bord du monde – la voix qui s’en emplit – manière, peut-être, d’offrir un peu de ciel – de ne pas trop barbouiller le blanc de la page avec cette encre noire…

Donner à voir le jour dans la chair des hommes – un peu de souffle et de soleil – de la lumière et l’ardeur nécessaires pour creuser en soi l’espace – le vide propice – le vide parfait pour laisser émerger le bleu au-dedans – au bord de l’âme et de l’abîme – entre le plongeon et l’envol…

 

 

Debout – sous la pluie inauguratrice – à frotter quelques restes de peinture sur la peau excoriée – la vie présente que l’on aperçoit à travers les trous qui parsèment la carte ancienne du monde – inventée par les hommes pour se déplacer sur la terre et découvrir (éventuellement) une route vers le ciel…

 

 

En soi – comme nous le sommes nous-même(s) – au fil de l’air – de (très) longues dérives – le cours sinueux des choses…

Et ici – dans la juste nécessité…

 

 

Autrefois – le monde plein la bouche – aujourd’hui régurgité – comme si plus rien n’était désirable – comme si plus rien ne tenait au ventre…

Le silence – l’origine étendue…

Sur la pierre – notre salive séchée…

Et au-dedans – le feu et la chair presque minérale…

Et l’esprit qui s’amuse à jongler avec le vide – le regard et le langage ; le jeu le plus naturel du monde – loin (très loin) de nos pitreries anciennes…

 

 

De l’air – des gestes sans manigance…

Une chevelure claire et aérée – l’œuvre de la lumière et du vent…

Sur la page – ni gouffre – ni dôme ; des lignes foisonnantes et délicates – une respiration – le rythme imposé par tous nos penchants entremêlés ; notre manière, peut-être, d’être présent et de nous absenter du monde…

Comme un chemin qui se dessine – un itinéraire qui s’esquisse – humblement (très humblement) – à travers nos pages, vers ce qui nous attend – l’immensité sans préemption – sans autre condition que l’alignement de l’esprit et des circonstances et notre implacable aspiration à l’effacement…

 

 

La solitude et le silence, peu à peu, apprivoisés – seuls compagnons dans cette longue marche vers l’aube…

Sur la pierre – la joie – tout au long de la traversée – sous la férule de la mort (de moins en moins terrifiante)…

 

*

 

La lumière mouvante – de rive en rive – qui éclaire, une à une, les ombres – les cachettes intérieures où nous avons dissimulé toutes nos panoplies – la surdité – la cécité – le mensonge – tout ce que nous nous sommes échinés à feindre – les plus éclatants soleils ornementés avec de la peinture rouge et or – tous les souffles secourables qui imitent avec une (trop) grande habileté le vent naturel – les discours et les gestes apocryphes – les répliques parfaites du ciel – la tendresse allongée à nos côtés parsemée de piques – de pointes – de piquants – toutes les formes d’absence manifeste – caractérisée…

Le monde entier – en somme – encore immature – toujours englué dans son tégument de terre et d’excréments…

La nuit invivable – inaliénable – où nous vivons…

 

 

Rien que ce froid au-dehors…

Et cette neige – à l’intérieur – comme notre seul manteau – un peu d’innocence – le seul antidote à l’indifférence – au sourire faussement loyal de chaque visage…

 

 

Sur la pierre grise – des jours d’angoisse…

La vie – le monde – qui rétrécissent – à vue d’œil…

Le souffle qui circule dans la chair – comme le sang…

L’invisible et les substances les plus grossières…

La fertilisation de la terre et du temps…

Et, quelques fois, le lieu du silence et de la poésie – par intervalles – par intermittence – comme des interstices de joie – un peu de couleur dans le noir aux allures tantôt de pénombre – tantôt de ténèbres – comme une porte minuscule – une trappe discrète – pour échapper au sommeil profond – au sommeil commun…

 

 

La terreur du monde – chaque jour – vérifiable…

Des échelles bâties pour se hisser au-dessus des danses – pour échapper à la ronde funeste des choses…

Ici – avant l’aube – notre (rude) besogne…

 

 

Le soleil face au ruissellement – aux yeux noirs de la peur…

Ce qui commence avec la fixité…

Le ciel que l’on écartèle – à force d’inconscience et de volonté…

Des gestes sans cesse inachevés pour réparer la déchirure initiale et tous les morcellements successifs…

L’infini et la respiration de l’ensemble – à travers tous les sorts – les os enrobés de chair – la roche enrobée de terre…

Tout ce qui appartient à la (longue) liste des choses du monde et ce qui n’a pu encore être nommé (et défini) par le langage…

Instruments des Autres et de l’esprit…

La naissance des têtes – jusqu’au vertige…

Mille fois le même éblouissement – mille fois le même pourrissement…

Ce qui recouvre le sol et ce qui s’enfonce en nous…

La mort mille fois décrite – comme une seconde peau – notre nature première peut-être – le terme récurrent du cycle…

La difficulté des yeux à s’ouvrir…

L’éternel recommencement ; l’incessant labeur de la matrice ; tous les enfantements simultanés…

Des figures qui apparaissent – qui passent – mille choses que l’on ignore – des rives où l’on vit et patiente (tant bien que mal)…

L’ombre et la lumière qui se chevauchent…

Le temps – le monde – qui s’occupent – qui s’emplissent – qui s’égrainent – avant la fin du monde – avant la fin du temps…

 

*

 

Le pays de la parole déserté(e) – le lieu où s’invente et s’écoute le poème ; comme un chant – un léger bruissement de feuilles – comme un rêve – le plus délicat – jeté par-dessus le mur qui sépare ce qui ne peut être séparé ; parfois le sommeil – d’autres fois, la justesse – parfois l’infini – d’autres fois, les entraves et les restrictions ; ce qui advient (toujours) de manière naturelle…

Nous obéissons – comme un instrument – mille instruments ; à la disposition du vent…

Et ne règne – invariablement – que ce qui s’impose…

 

 

Le bleu qui circule entre les visages et les choses ; mille énigmes – en toute saison…

Et ce grand rire au milieu du monde…

Un chemin peut-être – des vibrations dans l’air – la lettre et le mouvement…

Et nos pas qui résonnent dans le silence – au fond de l’abîme…

Nous – partagé(s) – de l’intérieur – offert(s) comme un alphabet – une langue – peut-être – destiné(s) aux rencontres amoureuses et aux communautés fraternelles…

Le sacre de la neige dans la voix…

 

 

Rien que des légendes – un monde pluriel – toutes les figures de l’origine…

Un temps pour soi avant l’abandon…

Un ravissement avant d’atteindre le tertre…

Sous le flux continu des reflets – puis, le sol qui s’ouvre sur le ciel – au-dedans de la pierre…

L’existence et la chair – comme un songe…

Et la nuit – épuisée – qui s’interroge sur l’avènement (si soudain) de la lumière – à la lisière (peut-être) du dernier jour…

 

26 novembre 2021

Carnet n°268 Au jour le jour

Mars 2021

L’errance – comme une folie indocile – une force qui nous jette tantôt dans le vide – tantôt dans la poussière – à mi-chemin entre le sol et le ciel ; une étrange migration qui nous fait revêtir d’innombrables visages et visiter des lieux (presque) sans importance…

Animé(s) par ce feu – vers l’immensité – cet espace vivant dont jamais nous ne quittons le centre…

 

 

Sur cette pierre – la figure intranquille – l’âme aux aguets – la poésie comme vision – comme témoignage (singulier) – comme nécessité inventive ; le lieu – l’un des lieux – de notre présence – de nos échanges – de nos rencontres ; le terrain de tous les possibles – au même titre que l’âme – entre ciel et forêt – et ce qui y pousse est (presque) toujours teinté d’exil – de solitude – d’effacement…

L’expérience quotidienne de l’Absolu…

 

 

L’héritage dilapidé – la terre brûlée – Dieu ignoré – méprisé – les bêtes que l’on égorge – le sol et le ciel transformés en territoire – les drapeaux et les barbelés qui font office de frontières et de mâts de cocagne – tous les visages jetés les uns contre les autres pour défendre leur périmètre dérisoire – nouer des alliances – étriper leurs concurrents – tous leurs opposants – la méfiance et la haine sous le front – la peur au ventre (presque à égale proportion avec la faim) – le glaive à la main et le poignard à la ceinture ; ainsi vivons-nous – écrasé(s) par l’une des plus anciennes malédictions – cette ignorance orgueilleuse qui frappe tous ceux qui s’imaginent lucides – hautement conscients et civilisés – des êtres supérieurs qui ne parviennent pas même à s’affranchir des instincts les plus grossiers ; de simples bêtes à figure humaine…

 

*

 

L’étreinte inhumaine qui rend caduque la séparation – comme un éblouissement – un miroir brisé en mille éclats – Dieu et tous ses reflets – dans le noir – soulevant les songes et la poussière…

Le souffle infini qui donne à chaque geste le bleu de l’immensité – le point de non-retour – l’extinction définitive de la peur…

La possibilité (enfin) d’une danse joyeuse (et insouciante) au milieu du monde…

Nous – enlacé(s) – sur le dernier barreau de l’échelle de la liberté – avec l’étendue, au-dedans, tremblant(s) d’émotion…

 

 

Le sommeil et la mort qui ruissellent sur les vivants – un jeu réitéré – un jeu sans fin – comme un soleil blessé – déchiré – que l’on voudrait enterrer sous des amas de plaintes et de cris…

Une solitude sans rivale…

Suspendue au silence – la nuit guerrière – vampirisante – scélérate – tous ses outils à la main – pour nous crucifier – elle, douée d’une farouche sauvagerie – et nous, trop crédule(s) pour lui résister…

Quelques éclairs dans la langue – sur la page glacée – le monde fiévreux – en souffrance…

Le sort de tous les voyageurs qui essayent de se frayer un chemin…

 

 

Nous – dégoulinant de peur et de sang – le regard hypnotisé – l’esprit taillé à la serpe – comme drogué – au bord d’un fleuve rouge – sur un sable aux reflets sombres – angoissants – la bouche ouverte pour boire la rosée déposée sur les fleurs – l’oreille à l’écoute du monde – ou ce qu’il en reste – et la foulée, presque folle, qui court sur la terre mouillée par nos larmes…

La cécité de l’homme – de l’âme – occupés à leur besogne…

 

 

Derrière les colonnes de l’invisible – les Dieux hilares…

Au-dessus du monde – l’Amour déployé…

Le rire – au cœur du silence…

Ce que révèle la parole – ce qui circule avec elle – et ce qu’elle fait naître au fond des âmes…

Au-delà du langage des étoiles…

Le vent qui devient le messager et l’étendard…

 

 

Sur la pierre – notre royaume – ce qui s’élève comme un chant – au-dessus des têtes – au-dessus des murs – l’infini bouleversé par notre (si dérisoire) entreprise…

 

 

Sans voir – à tâtons – sur le fil qui surplombe l’abîme – sans peur – sans faute – la mort à nos côtés – avec la joie qui se dessine sur notre visage…

En soi – le secret vivant – le mystère dévoilé – l’instant vécu et habité – sans triomphe – sans descendance…

Le temps dépecé – comme un dialogue entre le silence et la lumière – ce que laisse, parfois, apparaître l’encre jetée spontanément sur la page…

Le feu et les vagues – jouant ensemble – enfantant les jours – les formes – les circonstances – toutes les danses autour de l’antre – toutes les matrices gravides – gorgées des plus viles substances – savamment mélangées – promis à des rives privées d’horizon – aux marges des cercles de la tendresse – là où la haine – l’ignorance et les instincts – prédominent cruellement sur l’intelligence – la sensibilité et l’Amour ; l’une des pentes les plus glorieuses de l’enfer – des lieux profondément sombres et enténébrés – un immense territoire où les créatures s’agitent – s’étreignent – se bousculent – sans Dieu – sans le moindre respect – plongées (seulement) dans la ruse et le mensonge – dans l’espérance et la poussière…

 

*

 

Penché(s) vers le sol – ce que nous avons creusé…

Captif(s) de ce qui n’étreint pas – bêtement piégé(s) par les promesses des visages et de la pierre…

Les mains jointes contre les malheurs – contre la mort et l’oubli…

La bouche plus noire que les mots qu’elle crache…

Partout dans l’air – ce parfum de punitions et de (menues) récompenses – ces reliquats d’enfance insuffisamment éduquée…

L’avenir – bleu et l’effacement – la voix discrète qui pourra guider le monde – l’humanité aveugle – touchée (depuis trop longtemps) par la disgrâce…

Et un pas de côté (immense et inévitable) pour éviter la dévastation…

 

 

Le même sort que la nuit et les damnés…

L’oreille à l’écoute et l’œil attentif – pour n’oublier personne – veiller à ce que nul ne se cache – et ne disparaisse – dans les replis que les hommes ont inventés pour échapper à la souffrance – à leur destin…

La chair parsemée de blessures et de cicatrices mal refermées – la montée progressive des larmes – les yeux embués – à compter le nombre de jours qu’il reste – ce qui, pour l’instant, n’a encore succombé au désastre – à l’effroyable hécatombe ; la valse des défaites et des épuisements…

Les bras en l’air – implorant le sol – le ciel – tous les Dieux de la terre – dans un sursaut d’espoir – de vie et de rage – les derniers tressaillements de l’âme aux prises avec la tristesse et l’agonie…

La chair qui, bientôt, s’effacera – comme le nom que nous avons porté durant ce (bref) séjour ; une disparition anonyme et solitaire – sans le moindre témoin – dans la terre noire – aussi fertile et désolée que (presque) toutes les existences…

 

 

Les ailes que nous avons abandonnées pour le sol – la vie souterraine – au milieu des pierres…

Dans notre souffle – dans notre sang – un désert – des chemins – des traces de pas – et la terre en déroute…

Le ciel – dans son propre sillage…

Et deux têtes étreintes – façonnées ensemble – l’une dans la glaise et l’autre dans le vent – par les mains de l’invisible – l’une dans l’autre – en vérité – et qui, tour à tour, occupe le devant de la scène – selon les nécessités et les circonstances…

 

 

Les yeux – comme seule tunique ; le poème – comme seul bagage…

Le ciel inventé – et invité – dans un monde insensible et nostalgique…

Les vivants livrés aux jours – aux Autres ; et les morts à l’abîme – sans sépulture…

Au milieu des ombres – tout au long de cet étrange séjour…

 

 

Aux lèvres – quelques mots – des paroles de justice ; de longues siestes au pied d’arbres gigantesques (et bienveillants) ; l’air dans les poumons – le sang qui afflue dans la voix – le soleil au-dedans de la tête – les joues dégoulinantes de larmes – les paupières battantes – si ému de retrouver l’enfance – la solitude joyeuse des années blanches – le cœur ouvert – sans vérité – sans prophétie – l’âme au creux de la paume pour distribuer des poignées de joie et d’ardeur à ceux dont les yeux sont tristes – à ceux que l’on a privé de langage articulé – à ceux qui passent devant nous la main timide et (discrètement) tendue – à tous nos frères qui s’imaginent (à tort) abandonnés par les puissances divines et les forces mystérieuses du monde…

 

*

 

La bouche criante de vérité – la parole authentique [et pas toujours (très) agréable à entendre] – sur des pages que ne liront jamais les foules endormies…

Les âmes plongées dans la terre noire dont les plaintes recouvrent les livres – et le nom de tous ceux qui ont tenté de découvrir une issue à la douleur – à l’ignorance – au sommeil et à l’illusion…

L’absence et la mort – face à notre visage…

Les premiers balbutiements de notre existence ; la joue posée contre le sol jonché de pierres et de sang…

Une silhouette sombre avec, dans le dos, deux ailes maladroitement dessinées – deux moignons – deux appendices – à peine – pour l’essentiel de l’humanité ; deux bouts de chair qui pendent – un organe sans usage – et un instrument à développer – un instrument à venir peut-être – pour quelques-uns – dans le meilleur des cas…

 

 

L’âme – comme le visage – contre le ciel…

L’existence – à genoux ; l’agonie – le cœur battant ; et la faiblesse de croire qu’à la fin, deux mains surgiront pour nous porter ailleurs…

Le lointain – comme des vagues inconnues qui auraient la décence de se rapprocher (peu à peu) – qui pourraient devenir de plus en plus familières à mesure que nos pas se dirigeraient vers le centre ; comme un effacement naturel et progressif de la distance et des frontières…

 

 

Dieu – dans tous les esprits récalcitrants…

L’étendue vivante face à toutes les résistances…

L’infirmité et l’absence – le monde dévisagé – et reconnu dans son incapacité et ses insuffisances ; la ligne de fracture entre nous – les hommes et le Divin…

Une déception supplémentaire à surmonter…

Et deuil après deuil – au fil des désillusions et des effondrements – la voie (extraordinaire et surprenante) de la nudité et de la guérison qui, peu à peu, se dessine…

 

 

Sur cette sente silencieuse – la tête encore pleine d’échos – le ciel rouge – enflammé – au-dessus des rives sacrifiées…

Sans restriction – jusqu’à l’ultime mirage…

L’aube sur notre visage – le chant et la danse de l’âme – dans notre thébaïde – le séant sur la pierre – au pied d’un arbre – au cœur de la forêt…

 

 

La joie et la lumière – dans le sang – au cœur des vents qui balayent l’odeur âcre des holocaustes – à bonne distance des hommes et de la laideur que (presque) tous célèbrent…

 

 

La tentation de la tristesse – là où le monde a anéanti tous les possibles – tous les horizons ; les rives et l’âme défaites – comme si l’absurdité était notre seule raison de vivre…

 

 

Sous le front – la fièvre…

L’errance des pas…

Quelque chose qui s’oppose à l’approfondissement – à l’exploration des profondeurs…

Un voile sur le sommeil – un refus franc – et (quasi) rédhibitoire – de la lumière…

La primauté du noir sur les yeux ouverts – la nuit hissée partout comme une distance nécessaire entre nos vies et la vérité…

L’obscurité envahissante de la terre et du théâtre – le royaume de l’illusion où le mensonge est une arme – un outil – que l’on brandit – dont on se sert – pour participer à toutes les fêtes – à tous les festins – très souvent, les seules fenêtres du labyrinthe…

 

*

 

Simple et dénudé – le fruit de l’effacement…

La joie – à travers les flammes (purificatrices) de l’oubli…

Le vent – jusqu’au fond de la mémoire – qui balaye la poussière des souvenirs…

La lumière au cœur de l’écrin vide – qui révèle autant la beauté de ce qui vient que celle de ce qui accueille…

La vie – sans ombre – sans sommeil…

 

 

Nous – devenant, peu à peu, une trace imperceptible sur l’épaisseur – semelles de vent – l’empreinte de l’invisible…

Nos pas légers (de plus en plus) sur la roche…

La liberté qui affleure – le sol à peine effleuré…

Les prémices – peut-être – de l’envol – au-dessus du monde – des hommes – de l’humus – de toutes ces couches de matière successives – à l’inconséquente gravité…

 

 

On glisse dans la joie comme l’on sort du sommeil – ébaubi par la succession (presque) aléatoire des possibles et des états…

 

 

La magie d’une parole née on ne sait où – qui virevolte dans l’âme – dans l’encre – sur la page – dans le cœur des Autres – peut-être – sans jamais se fixer – sans jamais avoir l’ambition de se graver quelque part…

 

 

A vivre – à jouer – comme les enfants – comme si c’était pour de faux – juste pour rire – à la manière d’une farce – d’une blague que l’on se ferait à soi-même ; et tant mieux si d’autres s’amusent et rient avec nous – et tant pis s’il n’y a personne ; notre rire nous suffit ; ainsi le monde est déjà plus joyeux…

 

 

Les crimes des hommes commis au nom de toutes les bannières (imaginables)…

Des larmes sur le sang – comme une eau purificatrice (par seaux entiers) qui tenterait (vainement) de laver toutes nos souillures…

La tristesse muette – impuissante – face au nombre – face à la puissance des forces destructrices…

 

 

La parole – trop discrète – trop peu entendue – face aux feux du monde – à tous les jeux organisés sur les tombes de ceux qui partagent notre secret – les yeux baissés devant l’humanité – le front redressé au-dedans – portés par les Dieux et les forces de l’invisible – qui transforment toutes les servitudes terrestres en liberté – en affranchissement…

La mort – comme la disparition des apparences ; tremplin – en vérité – vers des terres qui s’offrent à toutes les âmes sacrifiées – à toutes les âmes crucifiées sur les autels sordides de la matière…

 

 

Notre chant qui s’abandonne à l’obscurité du monde…

Sur le sol – sur les cimes – qu’importe les cris et les louanges – la parole dressée qui résiste à tous les désirs d’ailleurs – à tous les désirs d’autrement…

La vérité et le sourire qui font face à la bêtise et à la paresse…

 

 

Ce que les hommes gravent sur la surface du monde – presque rien…

Un peu de laideur sur tant de miracles…

Un peu de poussière sur la roche blanche…

Des échelles fragiles – bancales et inutiles – vers les premières hauteurs alors qu’il faudrait, sans doute, commencer par explorer ce qui nous anime – le feu de l’antre au cœur de nos profondeurs…

Fiers de leurs menus butins ; et si étrangers au mystère – et si ignorants encore du véritable trésor…

La lente (trop lente) usure des œillères (tragiques) que nous portons à l’intérieur – si imperceptibles que presque tous s’imaginent dépourvus d’entraves perceptives…

 

*

 

Tout arrive – tout a lieu – tout s’efface – sans aucun socle ; l’être et le reste – séparés – isolés ; et les circonstances qui gravent les initiales du monde au fer rouge sur notre chair – des lambeaux de matière qui finissent par dessécher au soleil ou par pourrir dans les entrailles de la terre…

 

 

L’œuvre, sans cesse, remise sur le métier – et s’élargissant peu à peu – comme l’âme et la perception ; les traces du ciel sur notre (progressif) dérèglement…

D’alliance en alliance jusqu’à l’incarnation de la parfaite nudité ; exposé – à la merci de tous les Autres ; l’être frémissant dans la lumière du jour – la peau tremblante sur la pierre autant que la main – autant que le feutre noir – qui griffonnent sur la page quelques traits – un peu de beauté – un peu de vérité – peut-être – qui sait…

Le silence éclairé par notre labour – notre labeur – dans le seul sillon que nous ayons jamais creusé…

La vérité qui jaillit – qui s’efface ; la seule qui vaille – la seule qui soit…

 

 

Au-dedans – ces peurs amassées depuis l’enfance – comme de la neige que l’on aurait entassée dans un coin ; il suffirait d’un peu de chaleur – d’un peu de lumière – pour faire fondre l’inutile et retrouver la virginité de l’étendue ; quelque chose de lisse – de simple – parfaitement articulé au reste – révélant ainsi toute la magie du monde dans la jointure invisible des choses – assemblées sans colle – sans couture – comme les éléments d’un puzzle vivant magistralement emboîtés (quels que soient les mouvements, les échanges et les transformations)…

Le glissement du ciel vers la couleur – puis, le retour [très progressif – et souvent (très) laborieux] du vide et de la transparence…

Le règne inépuisable de l’invisible au cœur duquel alternent et se chevauchent (sans ordre apparent) la parfaite vacuité – les spectres – les résidus et les déguisements…

 

 

L’indigence et la fierté guidant le peuple – la crasse ; le drame du monde – l’histoire de l’homme – la terre et le vivant sans autre promesse ; l’hécatombe intime et collective…

 

 

A notre place – sur cette île – paroles aux lèvres transcrites sur la page – en silence…

Ici – le feu – contre la fumée du monde…

Le brasier contre la cendre – la possibilité de l’innocence contre le commerce et la guerre…

Le temps d’un souffle ; la naissance et le déclin d’un royaume…

Le langage pérenne à travers le provisoire des visages et des choses…

Dans le livre – la marque de l’incertitude et des ailes pour apprendre à vivre au-dessus des décombres – au-dessus des âmes tristes et fantomatiques…

 

 

La terre imaginaire où les larmes sont, peu à peu, transformées en allégresse – où les cris deviennent des chants – où le plus évanescent prend des airs d’éternité…

Au fond des entrailles – la matrice inventive et exultante ; l’anti-nourriture de la lumière (dont nous nous gavons – nous autres – âmes trop avides – trop sombres – trop épaisses)…

 

 

Front contre front – paume contre paume – chacun arc-bouté sur ses frontières – protégeant la moindre parcelle – le plus infime fragment de territoire…

Des refus et des querelles – le sol jonché de violence et de morts…

Partout – l’affrontement et la confusion – la méconnaissance de l’abîme où nous sommes (tous) plongés…

Et le pressentiment des ténèbres éternelles si la main tendue ne remplace le sommeil et le glaive levé…

Des yeux – des cœurs – qui doivent apprendre à s’ouvrir si l’on aspire à une autre terre ; une (véritable) révolution pour contrecarrer un poids – une ignorance – une inertie – (plus que) millénaires…

 

*

 

Une longue file – devant et derrière nous – en dépit de la solitude – de toutes les solitudes…

Le monde divisé – fragmenté – qui tente maladroitement de s’étreindre…

Une plainte – un cri – une voix – pour que quelqu’un – quelque part – nous entende…

Il faudrait, sans doute, un élan révolutionnaire (et, apparemment, contre nature) pour que notre oreille devienne attentive à tous ces échos lointains – pour que notre cœur puisse être (rien qu’une fois) totalement transpercé – pour que nous puissions espérer atteindre, un jour, le point culminant de la tendresse…

 

 

Sans complicité – cette solitude dansante – le monde au loin – toujours trop loin – à sa juste place – peut-être…

La nuit – ici – ailleurs – comme la seule ligne d’horizon…

L’œil vif qui contemple les guerres et les agonies – cette manière qu’ont les hommes de fermer les yeux et de vivre dans la dénégation du monde – des Autres – hissant leurs désirs (tous leurs désirs) jusqu’au soleil…

 

 

Le cours inévitable – abominable – salvateur – des choses…

Rien en plan – tout glisse – à sa mesure – selon son poids et le degré de la pente où on l’a posé…

Du souffle – quelques respirations ; et cette chose en commun avec la peur et la mort…

Le voyage – très souvent – suspendu – transformé en séjour souterrain – en existence enterrée – à l’abri des vents – du monde – des destins – dans l’obscurité de la terre…

La pénombre et la nuit – le sommeil plutôt que l’aventure et la lumière – la marche sur les chemins offerts – exposée à la vie – aux dangers – à la possibilité d’une issue – d’un envol – d’une délivrance peut-être…

 

 

Ce qui suinte par les fissures de la chair ; le sang – le ciel – toute la tristesse de l’âme…

Ce que la poitrine retient ; un cri sans fin qui, peu à peu, se transforme en paroles ; une désespérance que l’on convertit – malheureusement – en fol espoir – en promesse intenable…

 

 

Gravir – par le dedans – ce que le corps dissimule…

Après mille – dix-mille tentatives – parvenir à l’embrasure – l’apparence d’un seuil…

La pensée qui tressaille – et derrière (juste derrière) l’espace – le lieu de tous les rassemblements – de toutes les connivences – de toutes les désagrégations…

 

 

L’attention portée jusqu’à l’incandescence…

Les bords déchiquetés qui retrouvent leur lisibilité…

Le monde – non comme des signes à déchiffrer (ou comme des symboles à décrypter) – mais comme des motifs – une variation infinie de motifs – à découvrir – à regarder – à étreindre – à unifier…

 

 

Le réel exposé et l’âme repue…

Rien de grave sous le verbe ; au-dessus de la poésie – la terre et le ciel enlacés – la tendresse qui se cherche – qui se précise – qui se peaufine…

La légèreté engendrée par l’extinction du temps…

Le monde immédiat et la présence qu’il suppose (et qu’il réclame)…

Ce que nous sommes tous capables d’être – ce que nous sommes tous capables d’offrir…

 

*

 

Le vent – parfois – comme la figure de l’ennemi lorsqu’il cingle le visage – le souffle en pleine face – comme un fouet – une gifle – douloureuse – déstabilisante – dévastatrice ; un apprentissage (pourtant) bien davantage qu’un adversaire ; le rôle primordial de la posture – ni frontale – ni résistante – tête baissée – toujours – et dans le sens du courant ; et il en est de l’air comme des eaux du monde…

 

 

Nous appartenons à la sente et au soleil – au souffle et à la nuit – aux cimes et à la mort – aux ténèbres et aux étoiles – à Dieu – au monde – à la vie ; nous appartenons à tout ce que nous croyons ne pas être ; et jamais nous ne nous appartiendrons ; comment pourrait-on s’appartenir ; nous n’existons pas (réellement) – nous ne sommes pas ce que nous imaginons…

 

 

La main lancée vers l’espace – la tête dressée sur la terre – la figure dévisageant déjà l’horizon – le jour suivant – le pas à venir ; et entre les dents – dans la panse – de minuscules bouts de chair arrachés au corps (décharné) du monde – et devant nos yeux, les restes encore fumant de la dernière civilisation humaine…

Le feu (vif) au fond de l’âme et les cendres de la terre ; notre incompréhension et notre solitude – au milieu de tout ce noir – de tout ce sang – de tous ces morts – comme un rêve – ce charnier à ciel ouvert – ce champ de bataille (immense) où l’on patauge dans la fange et la matière organique – où l’on doit enjamber les corps épars et refroidis…

Nous – descendant à la nage le fleuve-océan – au cœur de l’enfer…

 

 

Quelques graines – dans les poches – dans les mains – notre seul trésor – au fond du cœur – dans l’esprit – brûlant – incandescent – lorsqu’on l’approche – et comme une roche noire – glacée – inutile – à mesure que nos pas nous en éloignent…

Et nous – sur ce fil étroit – immense – sans fin – entre les berges – l’œil rivé tantôt sur le vide (l’invisible) – tantôt sur le monde (la matière) – selon le degré de fortune que nous prêtent les Dieux – les circonstances – le destin…

 

 

Le ciel – en nous – reposé…

Et ce sourire dans la main offerte…

Le front large – ouvert – exposé – comme le reste – comme le cœur…

La vie – le monde – au-delà des apparences…

 

 

Au large – de plus en plus loin – le monde – au-dessus – à nos côtés – le visage de Dieu – et nous confondu(s) – à l’intersection de tous les cercles – sans drapeau – jusqu’à l’ultime parcelle de l’étendue…

 

 

La parole – la poésie – face à l’ignorance – à l’aridité – la seule force pour affronter le monde – s’élever au-dessus du bruit – de la bassesse – de la médiocrité – avant d’accéder (éventuellement) au silence ; l’unique réponse possible – réelle – entendable – qui n’entache ni l’écoute – ni l’Amour – ni les esprits prisonniers des gesticulations et de la cacophonie…

 

 

La vague et le rivage – habités – comme le grand large – la tête engloutie par l’immensité et les profondeurs – sensible à la multitude et à la diversité des décors…

L’âme prête à suivre le flux et le reflux – les courants – l’immersion et l’envol – la perte jusqu’au vertige – jusqu’au délire…

Si peu affamée de rêve – si encline à échapper au mensonge et à l’illusion…

Les yeux grands ouverts – comme deux soleils sur le monde ; à la place des lèvres – un grand silence ; et l’Amour qui s’est substitué à la quête – au labeur – à l’effort…

Un battement de cils dans le ciel…

L’aube et le crépuscule réunis dans la paume…

A présent – la quiétude face au déroulement naturel – inévitable – des choses…

 

*

 

Ce qui nous consume – la perte du centre – notre errance à travers la trame – notre voyage parmi les fantômes et les morts ; des vivants, nulle trace – des silhouettes affamées qui délirent – qui divaguent – qui apaisent leur faim avec des bouts de chair découpés et qui vivent sur une terre – et sous un ciel – inventés – presque imaginaires – construits pour échapper à l’effroyable (et sinistre) réalité du monde…

La civilisation du ventre – du songe et du refuge ; le règne perpétuel du sommeil et de l’avidité…

 

 

Le cœur – si souvent – brûlé par l’impuissance et l’impossibilité ; et la maturité croissante de l’âme à travers la perte – le deuil – la (très progressive) compréhension…

Sur les talons de ceux qui (déjà) ne sont plus rien…

 

 

Les pieds nus sur la pierre lisse – un univers entier dressé dans l’imaginaire – avec les instincts – le sang – la nuit – le vent – ce qui nous rapproche des monstres et de la mort – d’horribles créatures…

Et notre veille – les yeux fermés – l’esprit ailleurs – déjà assoupi…

Ce que nous prenons pour le monde – notre vie ; pas davantage qu’un rêve…

 

 

La folie d’un tremblement sensible devant la douleur et l’indifférence du monde…

Ce que nous portons comme une chaîne et une alliance scellées au fond de l’âme…

Le cœur qui, peu à peu, se déchire – des lambeaux qui, peu à peu, se détachent – et sur lesquels se jetteront toutes les mâchoires féroces et affamées…

 

 

Monde de pierres qui roulent – fiévreuses – gesticulantes ; des fragments de trame animés ; le temps lancé à travers les mailles…

Et nous – un peu bête(s) – au carrefour des circonstances – seul(s) au cœur de la multitude – comme tous – comme chacun – ne sachant que faire – plongé(s) dans l’incompréhension…

Des tentatives – seulement – sans jamais pouvoir s’affranchir des fils et de l’étoffe…

 

 

Nos mains posées à la verticale – fendant l’air – luttant contre l’adversité – des monstres imaginaires – peut-être – tous les dangers du monde – les fausses promesses et les faux prophètes – ceux qui nous caressent d’une paume lisse et cruelle – toxique et mortifère – le couteau dissimulé derrière le dos qui attend notre assoupissement pour se planter dans notre flanc…

Les mains inquiètes et inutiles…

Il nous faudrait apprendre à vivre sans espoir – sans prière – nous satisfaire de ce que nous offrent Dieu et le monde – les yeux et les bras ouverts – l’âme et la chair (parfaitement) nues – (entièrement) exposées…

 

 

La page aussi blanche que le cœur est noir – puis, l’invitation du mélange et du gris ; l’œuvre du nuancier ; le jour et la nuit dans leurs alliances et leurs cabrioles – la pénombre et la lumière dans leurs étreintes et leurs enfantements…

Le cœur et la feuille – les changements de couleur – et l’émergence, peu à peu, de l’encre et de la transparence – la naissance des traces et de la liberté ; les liens les plus intimes – peut-être – entre l’âme et l’écriture…

 

*

 

Des masques de carnaval – le monde inhabité – de fausses fêtes et des jeux de dupe…

Des routes qu’empruntent les corps qui tournoient – ensemble – si seul(s) – ensemble – des fantômes parés de guenilles passé minuit – passées les grandes heures de la séduction…

A présent – l’inconsistance révélée – la béance criante – des coquilles vides – les paupières alourdies par la fatigue – la drogue – toutes les illusions…

 

 

Le regard – sans support – sans contour – les yeux fermés ; l’hiver, en tous points, qui continue – la vie sans embellie malgré les lumières – les couleurs – les confettis – comme des voiles sur l’horizon…

A notre place – le néant – quelques larmes qui coulent sur notre visage grimaçant – nos existences inutiles passées à jouir – à profiter (mais Diable ! de quoi donc ?) – comme si, au fond, nous n’avions que cela…

 

 

Du bleu – partout – jusque dans les tourbillons d’air qui parcourent la tête et le monde…

La vie frugale – sans les malheurs…

La soif asséchée à la source…

Les étoiles dansantes – les pierres blanches – innombrables – le fleuve serein dont les méandres nous étreignent…

La forêt encerclée par les contours de l’immensité…

La solitude – comme abandonnée à elle-même…

Ce qui pourrait ressembler à une forme d’absence – et qui s’avère (pourtant) l’une des plus hautes formes d’intimité terrestre – au cœur du monde et des choses – sans personne – sans la nécessité de ceux qui parlent – de tous ceux qui s’imaginent vivants…

L’Amour léger – au-dedans du corps – comme une longue (une très longue) caresse – de l’intérieur – sur la chair frémissante ; le feu et l’âme, à leur place, œuvrant à leur (principale) besogne…

 

 

La stérilité des jours – du monde…

La mécanicité des gestes – la psyché embarrassée – à fendre des pierres jusqu’au coucher du soleil…

L’âme plus qu’absente – presque morte déjà…

L’ennui et la douleur – un peu de frivolité pour oublier notre indolence face au mystère – notre inclination à laisser filer notre chance – à renoncer, malgré soi, au véritable labeur de l’homme…

 

 

Au cœur de l’oubli – le cortège des choses – le long défilé des visages – toutes nos infortunes – toutes nos incompréhensions – face au tumulte du monde…

Les conquêtes – l’anonymat – l’angoisse – tout ce à quoi nous livrent notre ardeur et nos instincts ; ce feu aveugle et suffocant guidé par l’absence…

L’errance funeste et le poids de plus en plus écrasant du mensonge ; et le passage (très lointain encore) qu’il nous faudra franchir en dansant…

Le long voyage abstrait jusqu’à l’explosion des apparences – jusqu’à l’éclatement de tous les cercles d’identité – sans la moindre délicatesse – jusqu’au lieu inespéré de la tendresse inaugurale…

Le strict nécessaire pour nous rejoindre – nous retrouver – un jour – peut-être…

 

 

Le masque collé au visage qui autorise toutes les frasques – tous les excès – toutes les incartades…

Le bras agile – sans tremblement – qui porte, en lui, la puissance – la violence et la mort – qui défie – qui s’empare – qui bâtit – qui invente et assassine pour le seul plaisir – le seul profit – de son maître…

A quand des yeux pour voir le déguisement ; à quand des mains pour arracher notre cagoule ; à quand une conscience suffisante pour renoncer aux jeux (toujours trop noirs) du monde…

 

*

 

A nos côtés – le regard désenvoûté – en surplomb des aventures communes – la lumière et le vent croissant à mesure que l’étendue se déploie – que le vide s’étend – retrouve sa place et son règne – à mesure que le corps se désarc-boute – que l’âme abandonne ses résistances – à mesure que le monde s’éloigne – que l’esprit recouvre sa perfection – à mesure que la voix – la chair et le ciel – retrouvent leur connivence – à mesure que l’issue devient passage et le passage, l’étendue même – la totalité de l’espace – l’infini vivant et silencieux…

L’histoire de quelques existences – de quelques larmes – de quelques cris – des milliards peut-être – des milliards sans doute…

La durée du long (du très long) gémissement des vivants…

 

 

Le mot – le monde – la grâce – lorsque la voix plonge dans les profondeurs – parvient au silence – à transformer la folie et l’errance en beauté…

L’esprit et la vie dénudés – porteurs d’éveil et de tendresse – la caresse à la main – comme un instrument – offerte (à la manière d’un élan initial et d’un appui pérenne) aux souffles naturels qui viendront parachever les ruptures et les déchéances – donner au monde ce qui lui manque – comme une série d’éclairs dans la pénombre – une clarté patiente et assidue au cœur de la confusion…

Le dégorgement de l’inutile au profit de la nudité…

Le rôle infaillible de l’effacement afin de vivre, à terme, une existence (sans cesse) renaissante et désencombrée…

La part du voyage qui succédera à l’impatience ; la fin (si attendue) du feu inerte…

 

 

Sur le visage – la lèpre invisible – comme un masque – une voix mensongère qui enfante une parole viciée – caduque – profondément séductrice et délétère – porteuse d’anathèmes – de malheurs – de ténèbres…

Et nous – en retrait – le temps abandonné à ses velléités d’éboulis – parmi la faune des bois – les arbres dressés et silencieux – aussi loin que possible des flèches et de la surface assassines – à l’abri dans les fissures délaissées d’un monde enlaidi et monstrueux – envahi par les chants et les actes meurtriers…

Et en nous – hors de portée des Autres – le poème et la fraternité – célébrés comme le prolongement naturel de l’enfance – honorés (à notre manière) par une foule d’anonymes (apparemment) inanimés – mais incroyablement solidaires et vivants…

 

 

Au cœur de la vague – sans le moindre héroïsme – debout – sur la terre endormie – le corps habité – contrairement à celui des dormeurs…

La verticalité comme un phare – une route – un pont entre le feu et toutes les prophéties – entre la figure craintive et grave des hommes soumis à l’inquiétude (à une forme d’angoisse qui tiraille et tenaille) et un espace de joie et de quiétude (légèrement frémissantes) – entre l’ignorance et les balbutiements d’une âme (réellement) vivante et fraternelle…

Une manière d’échapper à la folie commune – à la tristesse ambiante – à la déchéance, sans doute, la moins enviable – à cette longue (et douloureuse) amputation – à cette chute (inévitable) vers la terreur et la désespérance…

Un léger redressement pour éviter le ruissellement éternel des larmes et le dévalement mortifère (et sans fin) sur la même pente – noire de monde et de chagrin…

 

*

 

A l’assaut du monde – du roc – des failles…

A marche forcée vers la mort – sans jamais espérer pouvoir, un jour, embrasser les lèvres (amoureuses) de l’aube…

Pas à pas – au rythme (forcené et effrayant) de la tragédie – sous l’emprise des brumes matinales…

L’épaisseur et la perdition plutôt que le baiser salvateur…

Le cœur battant dans le bruit et la fureur des Autres…

Le regard voilé au détriment du discernement et de la clarté…

Notre (profonde) assuétude à la torpeur et aux habitudes – à la manière d’un maléfice inhérent aux yeux formés dans l’écume et à la chair soumise au souffle et à l’ardeur…

Peu (trop peu) familier de l’esprit des confins et de l’âme (véritablement) aventureuse…

 

 

Ce que le désespoir nous apprend ; la possibilité de la grâce – la possibilité de la mort – notre impuissance – les forces qui nous habitent – la direction prise, à notre insu, pour entrevoir l’étendue – cet espace au-delà de l’épouvante et de la joie…

 

 

Le cœur plaqué contre ses propres parois – rouges et brûlantes…

Couché(s) sur notre lit de sable infertile…

La douleur vive que l’on apprend, peu à peu, à murmurer – et à dissoudre quelques fois – comme si nous étions Dieu – comme si nous étions fou(s) – comme si, en ce monde, tout était possible – comme si, en ce monde, rien ne comptait vraiment – comme si, en ce monde, tout était égal ; la chair et le ciel – les saisons et la mort – le silence et la faim ; toutes les gesticulations mentales et corporelles – tous les mouvements organiques involontaires ; le destin de la terre – du monde – des âmes – les tempêtes qui se déchaînent dans les têtes – à la surface du globe – dans l’espace cosmique ; tout – comme le simple déroulement de l’histoire inaugurale – la simple transformation de la substance divine – notre laborieuse traversée des étendues invisibles et matérielles…

 

 

Les paumes et les larmes noires…

Plutôt basculement que charivari…

Le corps las d’attendre (avec impatience) le jour…

L’âme épuisée – au bord de la rupture…

Le monde hilare et grimaçant – planté devant notre visage – l’air aussi menaçant que pathétique…

La souffrance – le rêve et l’encens…

L’espoir et la prière pour tenter de traverser la douleur…

Pieds nus sur la braise – parmi les morts posés au hasard – de part et d’autre du chemin…

 

 

Ce qui nous interroge – les yeux fermés – l’âme réceptive – comme la peau délicate d’un enfant – sensible à la tendresse et à la proximité de ceux qui l’entourent – que l’on aimerait chérir comme notre parentèle et qui (en général) se moquent de ce que l’on est autant que des étoiles et des trésors inconnus – qui méprisent le monde (tous les Autres) autant que le mystère originel…

 

 

Nous – comme l’oiseau et la transparence – inquiet(s) du sort – de l’air – de l’épaisseur du ciel…

A peine un murmure recouvert par toutes les plaintes du monde…

 

 

Le chant dressé dans le sang – au rythme des jours – l’ardeur qui balaye le temps passé – qui mêle l’œil et le chemin…

Toute la vie – au-dedans ; derrière le miroir – tous les âges ravagés – toutes les pages envolées ; le règne assidu de l’absence…

Le soleil et l’immensité – à cœur découvert…

Aux confins de la tristesse – cette attente qui nous semble interminable…

 

*

 

La mort écartée ; la trace de l’homme – de l’ignorance – de la folie – comme si l’on pouvait échapper à la douleur – au nécessaire – à l’inévitable…

Orné(s) de chair – comme une disgrâce – le sang tantôt brûlant – tantôt engourdi – le corps calciné – le corps écartelé – aux bords du monde – le silence méconnu auquel les hommes ont toujours préféré le bruit – l’agitation – le bavardage – toutes les choses qui éloignent de la vérité et de la joie…

 

 

L’homme – porteur de sa propre perte (autant, bien sûr, que celle du monde) – sans douceur – avec orgueil et démesure – indifférent aux Autres – au reste (à tout le reste) – aux fenêtres tissées dans l’invisible qui ouvrent sur des perspectives inconnues – imperceptibles (et incompréhensibles) par la psyché…

Le monde et la tête à l’envers – comme un temple, peu à peu, transformé en prison par la bêtise – la cécité – la folie – tous nos gesticulations absurdes…

Au-dehors – la fatalité qui s’écoule – qui se déploie – qui se répand…

Indemne à l’intérieur – affranchi du destin – de l’infortune – de toutes les malédictions (terrestres)…

 

 

A la racine commune – le ciel et la transparence – le cœur incandescent…

Et tout qui, peu à peu, se transforme – aux extrémités ; la fange épaisse et le froid…

La nuit qui nous assujettit – qui nous emprisonne – qui nous enchaîne ; et à laquelle on apprend (très progressivement) à échapper…

 

 

La vérité épargnée par tous nos signes – toutes nos traces – nos mille hiéroglyphes – inaccessible – indéchiffrable – par toutes nos (piètres) tentatives – la pauvreté du langage – son étroitesse – nos limitations – les frontières de l’esprit – cette distance (trop grande) avec le monde – les Autres et les choses – l’abondance et la primauté des idées et des images (sur le réel) – l’inconsistance et l’inertie de notre perception ; tous ces obstacles qui nous empêchent d’appréhender l’insaisissable – l’invisible – l’infini – l’ineffable…

 

 

Le monde – au-dessus – la rumeur – au-dessus – l’inquiétude – au-dessus – le poème – au-dessus – le soleil – au-dessus – l’éternité – peut-être – ou en désordre – tout mélangé ; et, à travers – de part et d’autre – de bout en bout – le feu – le rêve et le sang – les conditions de la diversité et de l’enchevêtrement – la possibilité de la blessure et de la guérison – et au cœur – au centre et au-delà – l’être indemne – serein et joyeux quels que soient les états – les échanges – les transformations…

 

 

Ce qu’il faut de temps à la terre et aux fleurs pour révéler leur beauté…

Et ce qu’il faut de temps à l’homme pour transformer ses instincts – convertir sa violence en prière et en chant de célébration ; quelque chose de l’innocence et du silence qui émergerait, peu à peu, du sang et du poison versés…

 

 

Entre ce qui cingle et l’étreinte – le corps attentif – alerte – comme revivifié…

Sous le joug des jours changeants…

Entre les larmes et l’orgueil – le visage dissimulé dans la lumière…

L’esprit aux aguets – la main tendue – avec un étrange halo au-dessus de l’âme…

 

 

Autour de nous – personne – excepté les fleurs – les bêtes – les arbres – tous ceux que l’on n’entend pas – tous ceux que l’on ignore – tous ceux que l’on méprise – tous ceux que l’on dédaigne…

La mort et l’Amour – comme encerclés par toutes les craintes – toutes les exigences…

Le feu et le flux – le signe de notre puissance et de notre fragilité…

La discontinuité des choses – l’intermittence des états – cette énergie erratique et cet œil si vaste – si ancien – clignotant…

Et le monde indifférent à toutes les sagesses – la nôtre (si basique – si triviale – si élémentaire) et celle des prophètes [plus noble et (bien) moins approximative] dont on devine, à peine, l’envergure – la justesse – la splendeur…

 

*

 

Enchaîné(s) – exténué(s) – comme usé(s) précocement – l’esprit et le ventre obscurs – à lutter désespérément contre la solitude et la faim…

Emmuré(s) vivant(s) au cœur de la folie du monde…

La voix étranglée par la trahison…

L’âme ivre de son propre vertige – de ses propres mensonges…

Si loin de la beauté – si étranger(s) à l’idée même de Dieu…

 

 

La nuit – sur l’autel et le bûcher (minuscules) que nous avons (laborieusement) édifiés…

Et la vie du monde – comme si de rien n’était – les pieds dans la fange – la bouche pleine de peines et de cailloux – la tête secouée par le vent – à genoux – le séant dans la poussière – soumis à la mécanique sourde des hommes…

Et, au loin, quelques flammes et un peu d’encens pour accompagner nos (pauvres et pitoyables) prières…

 

 

Rien qu’une langue – quelques mots pour découvrir l’horizon et son secret – devenus (soudainement) sans attrait – caduques – (totalement) inutiles – comme une rive trop lointaine bordée d’étoiles prometteuses et mensongères…

Rien qu’une langue – un rythme – un souffle – ce qui s’impose sans (jamais) rien édifier ; sans intérêt – les livres et les œuvres (à réaliser) ; plutôt la liberté que la gloire ; plutôt l’anonymat (et l’impersonnalité des profondeurs) que la (misérable) célébration du nom…

Rien qu’une langue – comme un surcroît de silence et de tendresse – malgré la nuit – malgré les armes et la mort…

Un peu de poésie (peut-être – qui peut savoir ?) pour survivre au milieu de la multitude piégée (avec nous) au fond du gouffre – le cœur et la tête plongés dans les malheurs…

 

 

La vie infirme – amputée – orpheline – elle si ancienne – si proche des premières étoiles – du vent originel – des feuilles et du ciel poétiques…

Couronnée d’insuccès – comme il se doit – comme la seule issue possible pour échapper à la tombe – à l’étroitesse – à l’esprit léthargique…

La privation – la détention – jusqu’à l’insupportable – pour créer l’élan suffisant – le désir insatiable d’un voyage sans escale vers le soleil – l’immensité – l’étendue et la clarté pérennes…

 

 

Le meurtre dissimulé derrière les gestes – derrière les lèvres ; le monde – comme chaque visage – amoureux de lui-même – indifférent au sort du reste…

Des existences plongées dans l’ignorance – éloignées de toute vérité – insoucieuses des Autres – prêtes à s’embraser à la moindre velléité de passion mais qui demeurent, au fond, assoupies – plongées dans un demi-sommeil lénifiant qui donne le sentiment de protéger des périls du dehors…

La tentation et la proximité de la mort avant l’heure…

Le temps de l’exil – de l’éloignement du peuple et des foules agglutinées – de tous nos pairs apparents…

L’élévation au-dessus de la nuit souveraine et débordante…

 

 

Les secrets de la page poétique – exposés – dévoilés aux yeux curieux et attentifs – offerts aux âmes qui errent entre les rêves – à la part de l’esprit qui veille au-dessus du monde et des étreintes instinctives…

 

*

 

La soif étanchée par la pierre et le pas…

La tête libérée du livre…

L’âme disloquée – les entrailles de l’invisible éparpillées – offertes et distribuées ici et là selon l’ardeur des cœurs et l’intensité des mains tendues…

N’existant presque plus en tant que volonté – en tant que résistance au poing levé…

Sans désir – sans autorité…

Résidu et détritus – parmi d’autres – dans les éboulis (permanents) du ciel qui roule sur toutes les pentes de la terre…

 

 

L’âme jamais étreinte – la chair mal aimée…

Les eaux glacées du monde qui, peu à peu, inondent la terre – les âmes – puis, qui recouvrent l’échine – l’indifférence des regards – les silhouettes qui se détournent – les cœurs – les mains – qui (presque) jamais ne délaissent leur besogne pour vous saluer – pour vous serrer contre eux…

Le chant de la solitude – de plus en plus attrayant à mesure que l’on s’éloigne de la foule…

 

 

Dans les interstices – dans les failles de la terre des hommes – délaissé(e)s par tous les Autres…

Notre existence cachée – quasi secrète…

La lumière que l’on ensemence – à travers mille gestes – mille pas – mille paroles – humbles – simples – dédiés au silence…

Et la joie qui inonde le regard – l’âme – le visage…

 

 

Loin des murs – loin du bruit – sous le ciel et les feuillages – notre vie à l’écart – sur ce chemin sans confort – sans facilité – sans hostilité – où, peu à peu, le blanc et la transparence remplacent les couleurs criardes (et artificielles) du monde humain ; le bleu – le jaune – le vert – seulement – portés sur l’étendard de l’innocence – en discrets pointillés…

 

 

Dans la main – ce feu invisible – qui jette sur la page quelques paroles silencieuses…

L’encre – comme reflet – graviers et grains de sable – lancés sur ce carré fertile – ce jardin blanc – que d’Autres, un jour, pourront (peut-être) visiter – qu’ils pourront (peut-être) arpenter à leur convenance pour y cueillir (ou y ramasser) quelques éclats encore vifs (ou un peu émoussés) et les porter (avec un peu de chance) en leur for intérieur – en lieu sûr – à la manière d’une obole – d’une assistance – comme de minuscules festins offerts à leur âme affamée de vérité…

Le cœur encore débordant de poésie…

 

 

Autour de nous – rien que des regards et des miroirs ; mille facettes – mille reflets…

Autant d’histoires que de visages qui survivent – se racontent – fragmentés – sur le sol déjà jonché d’éclats de lumière et de nuit…

Des plaintes et des cris ; ce qui chemine sans jamais pouvoir échapper aux rives désuètes de l’enfance – ces prémices qui n’ont que trop duré…

Toutes ces âmes engluées dans les strates épaisses de la naïveté – et qui reprennent espoir à chaque nouvelle circonstance – à chaque nouvelle rencontre – à chaque nouvelle possibilité…

Les proies de l’esprit – (toujours) friand de mythes et de récits – emportées par les eaux cruelles du monde vers les bouches voraces de quelques démons qui sommeillent dans les sous-sols – dans tous les interstices de la terre…

Tous les vivants – arbres – fleurs – bêtes et hommes – serrés les uns contre les autres – brinquebalés vers l’abîme – sans rien comprendre – sans main secourable – sans aide mutuelle – comme une traversée (terrible) des enfers que nul ne reconnaît comme telle…

 

*

 

Parmi la roche – notre sang – les événements du monde – la terre des bêtes et des hommes – le refuge des oiseaux…

L’inquiétude et la douleur en partage…

Et mille querelles pour tenter de remédier à la distribution initiale…

Le sommeil – n’importe où – pourvu que le lieu soit peuplé de vivants…

Des charniers et de longs fleuves rouges qui déversent leur cargaison dans l’océan…

Si loin du ciel – nos âmes de glaise – encore si peu initiées au voyage…

 

 

Les yeux aveugles – comme collés sur la chair que l’âme a (trop longtemps) hésité à pénétrer ; un abri guère confortable – si peu réconfortant – le temps d’un (très) bref séjour – au cours duquel on se frotte – et se cogne – les uns aux autres – comme d’infimes bouts de matière interchangeables – sans rien savoir – sans rien comprendre…

Un gouffre – l’abîme – le noir – comme un piège dont nul ne parvient jamais à se dépêtrer…

Et ce soleil – au-dedans – qui tarde à se lever…

 

 

Des gestes de refus ; de l’obscurité – de l’indifférence ; un espace de silence corrompu…

Un fanal (pitoyable) – tenu à la main – pour éclairer médiocrement les pas – le chemin – les lieux que l’on traverse – les rares visages que l’on rencontre – tous ces fils sur lesquels chacun chemine de manière solitaire – comme si l’on ignorait que rien ne peut être étranger à la trame…

Le ciel – si haut – le cœur si las – et la vie pesante et fangeuse – soumise à toutes les gravités….

L’existence – comme une longue marche – un lent tourbillon – un bref éclair – un dérisoire passage – au milieu d’une nuit dont nul (en dépit de quelques éclaircies) ne verra jamais la fin…

 

 

Le jour descendu sur nos marches – la vie ouverte – le destin déguenillé – sans ciel – sans terre – sans le moindre tapis où poser les pieds…

L’assise – en soi – sans (véritable) certitude – comme si tout pouvait se transformer d’un instant à l’autre – comme si rien n’avait (réellement) d’importance…

Le tout relatif à tout – l’emboîtement et le désemboîtement permanents des éléments mobiles du grand puzzle invisible…

Le monde – comme un reflet de l’espace…

Simultanément – le rire et la tendresse…

Le geste – dans une prière perpétuelle…

 

 

Contre nous – la croissance des ombres – le temps – le progrès – l’invention et la nostalgie…

Le peuple armé qui vilipende tous les solitaires…

Les cœurs qui frissonnent devant les grandes heures du monde…

Rien que des territoires et des citadelles – à défendre – à conquérir ; et des histoires à raconter…

Des géants enlacés postés à toutes les frontières…

La force – toutes les forces – vouées aux devoirs – aux croyances – à toutes les servitudes…

L’homme dans sa plus élémentaire horizontalité…

L’empire du rêve et du glaive – des rives désolées – des terres immobiles – situé(s) sur l’aire des malédictions…

 

 

Ici – sans souci – au cœur de l’espace – des forêts – des montagnes – sur cette route qui serpente entre les certitudes – loin des lieux connus et des habitudes…

Aucun fantôme – aucun mystère – au milieu des fleurs – des bêtes – des rivières…

La vie joyeuse et passante ; l’âme dans son allégresse solitaire…

 

*

 

A la pointe du possible – le jour – le pied qui s’avance – le ciel et le pas – ensemble…

La lumière – à nos côtés – au-dedans – notre essence dans son tégument de chair et d’excréments…

Rien de sacré – rien de profane…

Ni merveille – ni souillure ; le même gisement…

Et nous – comme pente – comme promontoire – comme élan…

Le dévalement – le plongeon – l’envol – sans excès – sans retenue – là où nous sommes immergés avec le regard – dans nos rythmes et nos nécessités naturels…

 

 

Sans autre cime à gravir que le silence ; et à son faîte déjà – lorsque cessent le bavardage et le défilé des images…

Quant au reste – quant au monde – sur quoi pourrait-on prendre appui sinon sur les mots et l’abîme ; mais qui donc a dit qu’il (nous) fallait une assise…

 

 

Le corps sur sa pente escarpée – au milieu des eaux du fleuve – dans le ciel intermittent – dans la tyrannie des obsessions – comme l’esprit et l’âme ; sans maître – sans possesseur – sans personne – comme les soldats d’une même armée – les lignes d’un seul poème…

Le souffle et le regard – sans rien oublier – sans rien mépriser – ni le jour – ni le vide – ni le temps…

 

 

Rien que des ornières – pas le moindre chemin – des failles où il faut se résoudre à vivre – des abîmes à traverser pour retrouver l’enfance…

L’ouvrage (le véritable ouvrage) de l’homme – parmi tant de jeux – de mensonges – de simulacres…

 

 

Le chemin vivant – sans naissance…

Des mains qui frappent sur la peau tendue des tambours…

Le rythme qui s’imprime autant que le ciel et l’abîme…

Pas à pas – sans apprentissage – sans tremblement…

Ni fureur – ni inquiétude…

L’ardeur et la simplicité au service de ce qui est en soi – et partout ailleurs…

L’invisible et le rocher – là où s’invente la route…

Dieu s’initiant au voyage…

Sur les mêmes sentes que les hommes et les fantômes – qui peuplent la surface – qui hantent nos souterrains…

 

 

Ce qui jaillit de la matière – les substances du renouvellement…

La somnolence et l’affrontement tenaces – initiés dès les premiers instants…

Entre les lignes (nos lignes) – de grands oiseaux sauvages – la beauté du silence – comme un éclatement – une caresse – un parfum ; quelque chose qui se goûte – presque secrètement…

Mille vérités qui guettent sur la page – autant que de flèches décochées…

Ailleurs (autour de soi) – trop de langages dédiés au fourvoiement et au sommeil ; des livres sans essence…

Du feu et du ciel dans le sang – dans l’âme et la main – pour que l’encre trouve son souffle – s’enracine au-delà du connu et des (fausses) certitudes – dans un bout d’immensité descendu – peut-être – pour que l’Amour puisse procéder, à travers les signes, aux ablutions nécessaires et pénétrer la chair…

L’innocence et le vide offerts à la possibilité de l’Autre – à la possibilité des Autres peut-être – qui sait ; une forme de connaissance – singulière – sans prétention…

 

 

Le pays du rêve et des étoiles – ce qui brille et embrume – le sommeil et le ciel fantasmé autant que l’existence et le monde…

Notre unique ressource – peut-être – pour échapper à la rudesse de la vie terrestre…

 

 

Le chant de la roche et de la forêt…

Le vent – sur la terre et le visage…

Le corps en ces lieux sans homme…

Sans désir – sans tentation…

Le vide – à la source…

La nudité – le soleil et le vertige…

Cette façon de vivre – seul – la fraternité – le regard et le geste attentifs…

Sans exigence – sans idéologie – porté par la spontanéité – l’âme et les circonstances alignées sur les mêmes nécessités…

Plus qu’une perspective – un mode de vie – une manière d’être au monde…

 

 

Les bêtes – à nos côtés – dans le commencement du cercle – tissé avec l’espace…

A la place du sang – l’ardeur ; sans doute, le plus réel de ce monde…

La nudité cheminante sur le chemin invisible…

Rien au nom de la terre – au nom du ciel – pas le moindre échafaud – pas le moindre étendard…

Une simple fenêtre sur cette portion d’infini – notre périmètre…

La lumière qui s’avance – qui nous envahit – qui pénètre l’épaisseur de la matière – qui la décortique et la désagrège – et qui s’unit au feu pour enfanter de nouveaux horizons – de nouvelles perspectives – quelque chose d’étranger aux limites – à la privation – à la détention – qu’a toujours (plus ou moins) expérimenté l’esprit humain…

 

*

 

Inséparables – comme l’âme et la solitude – notre épaule et la pesanteur (insupportable) du monde…

Le baiser lancé aux étoiles – aux vents agissants – occupés à leur (indispensable) besogne…

Une larme qui coule le long de la joue à la vue des bouches hideuses – grimaçantes – déformées et des poings levés et agressifs – sous le joug de cette irrépressible faim et de cet irrésistible besoin de conquête – l’écume portée aux lèvres et aux mains fébriles – rassasiant l’ambition et les intestins – satisfaisant le corps pressé – l’esprit impatient…

Pas un geste – pas un murmure pour apaiser le cri des bêtes – annihiler la souffrance par une sorte de contrepoids mental – une déflagration jaillissant du fond de la poitrine ; pas la moindre émotion exprimée en ce monde enragé…

Pas même un vague point d’honneur à montrer que nous sommes sensible(s) – vivant(s) a minima sous cette épaisseur mécanique…

Rien – seulement – le bruit sourd de la chute de ceux que l’on abat…

 

 

Là – dans l’empreinte démesurée des géants…

Le souvenir de la fête et des premiers temps – avant la longue série de questions qu’on lance au ciel – comme l’aveu d’une impuissance et d’une incompréhension – une sorte d’obsécration rationnelle et élémentaire…

La (terrible) mainmise des Dieux sur la terre des vivants…

 

 

L’humanité – comme les bêtes – à genoux – sous les grands arbres dressés qui finiront, eux aussi, par être arrachés à leur verticalité…

Entre la solitude et l’impossibilité de la rencontre – le passage étroit – ici et ailleurs – dans la foule et les déserts – le cœur trop lisse (bien trop lisse) taillé dans le même bois que le manche des haches…

Respirant à peine – pas encore tout à fait mort…

 

 

La vie captive des rivages – la même sédentarité sous le soleil – l’existence aux accents éternels et coutumiers…

Tout – excepté la source…

Et à l’autre extrémité – l’errance – la danse joyeuse (et presque inconsciente) au milieu des malheurs…

L’incertitude devant soi ; rien, sous le front, qui résiste – qui s’arc-boute…

La liberté tissée au milieu des vents…

Au-dessus de l’épaisseur – le silence…

Nous – comme des enfants abandonnés par la lumière…

Quelques graines offertes – et déposées au fond de l’âme – au cœur du monde – en tous les lieux propices et secrets…

 

 

L’existence frugale – l’âme sans provision…

L’esprit – dans sa vacuité initiale…

Le geste nu – qui, peu à peu, s’apprivoise…

Nul autre voyage – nul autre passage – qu’en soi – sans même la nécessité du langage…

L’Autre – le monde – entre décor et illusion – qui peut savoir…

Les Dieux de la terre – sous nos pas…

Les Dieux de l’invisible – au-dessus des âmes…

Qui pourrait – qui saurait – deviner la suite de la longue histoire du vivant et celle de la minuscule histoire des hommes…

Qui pourrait – qui saurait – libérer le Divin prisonnier de nos images et de nos espoirs – enfermé derrière les barreaux de toutes nos cages…

A vivre comme si l’on ignorait qu’il fallait affronter ses peurs au lieu de se déresponsabiliser – assumer ce que l’on est au lieu d’accuser le reste de l’univers [à seule fin de supporter notre (supposée) faute originelle]…

Au cœur du cercle des dépossédés – assiégé(s) par les malheurs et les malédictions – sans être capable(s) de dénicher le secret, caché au centre, qui préside à la destinée du monde – des âmes – de l’immensité…

 

*

 

Le ciel mille fois interrogé – sans réponse…

Ce si merveilleux silence…

 

 

Le geste complice du vent – fidèle – comme le pas – infiniment savoureux…

Rien qui ne pèse – la vie sans charge – sans surplus – légère malgré la pesanteur – malgré la gravité…

Le cœur façonné pour l’acquiescement – et éduqué au refus depuis si longtemps (pour notre plus grand malheur) – et naturellement redressé, à présent, afin de ne plus jamais surseoir à sa tâche…

Sur la page – à nos lèvres – ce qui se vit – ce qui s’éprouve – ce qu’expérimente l’âme – rien de plus – rien de moins ; toutes nos foulées entre la terre et l’infini – aiguillées par le silence et la nécessité – toutes les exigences de l’invisible – de la matière – des circonstances…

 

 

Ce que le sang assombrit…

Ce qu’offrent les lèvres et les fleurs sauvages…

L’arrière-plan de la page – le fond de l’âme…

Le chemin qui serpente – la douleur et le vent – ce qui extirpe du sommeil et éveille (parfois) les dormeurs les plus impénitents…

Le feu – ce qui nous rend vivant – (bien) plus encore qu’autrefois…

L’horizon pourrait se retrancher du jeu – resterait Dieu – à nos côtés ; au fond de notre âme – cette double présence – en quelque sorte – celle qui n’échappe à rien et celle qui s’affranchit de tout – la pérenne et l’évanescente ; ce que nous sommes, de manière exhaustive, à l’intersection des axes – tourné(s) (à la fois) vers la terre et le ciel – attentif(s) et souriant(s) – insouciant(s) – offrant toujours à ce qui s’avance le plus bel emploi – et qui transforme le quotidien en un seul geste continu – hautement délectable – où le monde – le cœur et la main – sont parfaitement alignés…

Sans doute – l’existence la moins corrompue qui soit…

 

 

Le monde – sans viscère – flottant – sans consistance – parmi les vents cosmiques…

Infime caillou sur l’axe empalé – fixe et libre – proche de l’errance immobile – de l’ivresse et du vertige…

Un monde d’histoires et d’épaules affaissées – où l’invisible règne au milieu des charges – des cris et de la poussière – où nul n’est comptable de ses actes – où les mouvements mécaniques décochent des flèches – ébranlent des montagnes – stoppent des éboulis – font tomber la foudre et la pluie – participent à toutes les circonstances – engendrent (sans distinction) naissances et funérailles…

Et nous – qui nous faufilons entre le jour – les ombres et la possibilité…

La tristesse – presque la désespérance – malgré le soleil dessiné sur la carte…

 

 

L’espace jamais amoindri par l’abondance et la progéniture…

Le sang mélancolique à force d’affûter les pointes…

L’âme rustre – hirsute – inemployée ; et les substances de reproduction aiguisées – prêtes à l’emploi (et dont à peu près tous font usage)…

Le blé – le pain ; et l’enfance (des cheveux bouclés aux cheveux blancs) – jusqu’à la (quasi) complète calvitie – jusqu’au flétrissement (général) de la chair ; le labeur et la sueur – le culte de l’effort si souvent déguisé en paresse ; le confort de plus en plus prégnant – de plus en plus régnant – comme le paramètre le plus essentiel – le plus fondamental – pour compenser des millénaires de rudesse et d’âpreté – lutter contre la condition terrestre naturelle et la rendre (un tant soit peu) supportable – et plaisante (autant que possible)…

La fabrique des fantômes de terre – sans âme – cousus en pointillé – qui dansent sans grâce au milieu des édifices et des morts ; le funeste sort des hommes…

 

*

 

De la boue sèche qui s’émiette – sous l’action du soleil – du vent – du temps…

Le vivant dans sa gangue de glaise – l’âme au-dedans peut-être – prisonnière – consentante – réfractaire – un peu les deux, sans doute – qui peut savoir…

Et ce feu – dans la parole – sur la page – dans le livre – qui précipite cette désagrégation – cet effritement – notre disparition apparente et périphérique…

L’inutile – le contingent – sur le bûcher purificateur – et salvateur (à tant d’égards)…

Un seul mot ; et le cœur pourrait (enfin) se dévêtir entièrement – se défaire de toutes ses armures et de toutes ses ombres…

L’encre trempée dans la lave – et le ciel brûlant…

 

 

La conscience – ses balbutiements – au plus bas – gravissant, peu à peu, sa propre pente (la seule qui soit)…

De la matière brute qui se complexifie pendant des millénaires et qui façonne les conditions d’une cognition élémentaire – approximative – les linéaments d’une distance vaguement (très vaguement) réflexive…

L’esprit dans ses tourments – dans ses tentatives – pris (malgré lui) dans le tumulte du monde – pointé vers le bas – vers le plus concret – le plus grossier – les contingences nécessaires à la survie organique – à son possible développement – à son irrépressible évolution…

Comme des ailes – des moignons de chair – greffés sur l’argile et qui attendraient l’apparition du sang et des rémiges – de l’appareillage complet – pour tenter l’envol – et réussir, un jour, à s’envoler pour de bon – afin de rejoindre sa demeure – son refuge – sa matrice – le point originel – le passage vers l’immensité – la liberté hors cage – hors sol – l’infini expérimenté sur la pierre – au milieu du ciel et des Autres…

 

 

Le jour ajourné – considéré, en ce monde, comme un intrus ; trop éclatant – trop lumineux – pour la pénombre à laquelle on s’est accoutumé…

L’infini – à l’étroit dans le cœur – mal logé – comme si l’on essayait d’entasser plusieurs ciels dans la poitrine ; il faudrait, pour y parvenir, une métamorphose de la chair et de l’âme – une manière plus vaste (bien plus vaste) d’être vivant…

 

 

Le territoire opaque – enseveli par notre besoin d’assurance – de certitudes – de garanties – qui, à l’œil nu – à première vue – semble plus aisé – plus transparent – plus propice à la liberté – et qui s’avère, à mieux y regarder, un labyrinthe étroit – une minuscule geôle entre quatre murs épais et infranchissables – un funeste mausolée…

 

 

Un chant interminable pour célébrer l’éternité…

Un chant démesuré pour célébrer l’infini…

Là où s’achève le monde, commencent (très souvent) la joie et la possibilité de l’étreinte…

La fraternité sans crainte – sans exigence – sans servitude…

Un siège pour chacun au cœur du cercle des initiés…

Plus de nom – plus d’illusion…

La tendresse de l’œil et du geste…

Le pas aguerri – (foncièrement) non agressif – (fondamentalement) non conquérant…

La douceur comme un règne naturel ; moins loi (bien sûr) que disposition spontanée – que posture qui s’impose…

Le jour et la pierre – enfin réunis – enfin compatibles – complémentaires…

Plus ni désespoir – ni espérance…

La vraie vie – diraient certains – au seuil franchi du quotidien…

 

*

 

Tout s’ordonne autour de l’invisible – en couches successives et entremêlées – des combinaisons de matières – de textures – de densités ; des monceaux de substances ; des alliages – des alliances – des épousailles…

Ce qui s’entasse et s’emmêle – à l’infini – dans un furieux désordre…

L’espace – le monde – le cœur – à la périphérie de l’esprit…

Tout en orbite – autour du centre – et nous tous – et chacun y compris (bien sûr)…

La connaissance – comme du vent qui emporte tous les savoirs – toutes les certitudes – et qui nous laisse (absolument) vide(s) et seul(s)…

 

 

Le silence – l’innocence – sans appui – sans auxiliaire – à la merci du reste – (totalement) exposés – – (totalement) démunis face à la malveillance – au remplissage impromptu – irrépressible – à la corruption (inévitable)…

Comme l’espace et le vide – davantage (Ô combien) contenants que contenus ; et qu’importe ce qui les emplit – ce qui semble les dégrader ou les pervertir ; indemnes – intacts – jusqu’au noyau – jusqu’à l’essence – en dépit des apparences…

Le socle sur lequel tout prend appui – sur lequel tout se fonde – sur lequel tout finit, un jour (plus ou moins vite) par se disloquer – par se résorber…

 

 

Tout s’oublie – tout s’efface – au seuil de l’affranchissement ; les contraires s’absorbent – trouvent leur équilibre – penchent d’un côté ou de l’autre – s’associent aux vents et aux activités (innombrables) des hommes et des Dieux pour redresser ce qui a été tordu et tordre ce qui a été redressé…

Ainsi va le monde – ainsi allons-nous – à travers les forces invisibles…

Et, au-dedans, le ciel qui, peu à peu, grandit et retrouve, de proche en proche, l’entièreté de l’espace avant de disparaître et de (tout) recommencer…

 

 

Les mains devant soi – la bouche ouverte – grimaçante – silencieuse – balbutiante – qui essaie d’expliquer – de discourir – en vain…

Il n’y a personne – et tant d’indifférence chez ceux qui semblent présents ; des fantômes – de l’absence affamée d’elle-même – occupée à elle-même – désertant tout Autre – le monde…

 

 

Sans ordre – nos affects – ce qui nous traverse – sous la lumière – plus apparents que le reste – nos profondeurs – le silence – l’espace au fond duquel le corps, parfois, est porté – un courant – des courants – un souffle chaotique – infini – discontinu – semblable à nos intermittences multiples…

Sur la même route – en quelque sorte…

 

 

Lanterne à la main – devant toutes les douleurs possibles – imaginables – celles de l’âme et celles du monde – la matière enveloppée et l’esprit mis à nu…

La vérité d’abord comme une brûlure – puis comme un métal incandescent qu’il faut battre sur l’enclume pour éprouver l’authenticité et la résistance du matériau – s’il s’étire – tromperie et illusion – s’il se tord – simple jeu de l’esprit – s’il demeure intact et nous fait lâcher notre outil – la voie se précise – un passage se dessine ; ne reste plus qu’à s’ouvrir à l’espace pour permettre au dehors d’assurer la continuité du dedans – de devenir le prolongement de l’immensité lumineuse – discrète – d’un seul tenant…

L’âme et le geste deviennent alors une présence de rayonnement involontaire et d’ensemencement ; parcelle sans écart avec le centre ; clarté et justesse alignées sur l’essentiel – qu’importe les mouvements et les circonstances…

 

 

Un monde de pointes et de clous – de failles et d’interstices – gorgé de cette violence fratricide et inconsciente…

Des grilles – des cages – des querelles…

Le versant le plus sombre peuplé d’obsessions et de jeux cruels…

Et de l’autre côté – un voile épais qui cache la lumière…

Et notre visage au milieu des Autres…

L’enfer au fond duquel nous avons été jeté(s)…

Une chute soudaine – suivie (le plus souvent) d’une interminable glissade…

La même histoire déclinée dans tous les coloris possibles – sur tous les territoires…

Le pays de l’acharnement – de l’espoir et de la fatigue…

 

 

A nouveau – comme à chaque instant – ce que l’on nous arrache ; la langue – les ailes – ce qui nous semble le plus familier – la proximité des arbres et du ciel – l’intimité avec les herbes et les bêtes – la solitude régnante – le vide habité – notre lit de paille et notre foyer – ce qui se délite sous l’étreinte et la parole – et les baisers tenaces de l’Amour…

Notre liberté régénératrice – (foncièrement) revivifiante – comme si l’on plongeait l’âme au cœur de la source…

 

 

La beauté des fleurs – un émoi dans la poitrine – toute la sagesse feinte pulvérisée – comme la soif – les lois et le monde – toutes ces chimères devenues si caduques – si inutiles – si impuissantes face à la force des vents et du silence ; notre présence sans charge – sans verrou – heureuse et insouciante – au-dessus des frontières dessinées par les hommes – par l’esprit…

 

*

 

Le lent et laborieux travail du soc et de la bêche sur la terre opaque et hermétique – si difficile à comprendre et à aérer…

La besogne assidue – obstinée – de l’homme ; et la (très progressive) transformation des bras durs et noueux en tendresse sensible et amoureuse…

Le ciel revigoré – une sorte d’inversion – de renversement (quasi complet) – après des millénaires de désordre – de faillite – de basculement au fond des marges – d’oubli excessif (presque total)…

La langue enfin qui se libère – l’âme qui retrouve sa place – sa fonction – son rôle premier – essentiel – déterminant pour l’avenir du monde…

Comme la renaissance d’un corps condamné – agonisant – à la limite du cadavre – jeté, sans ménagement, au fond d’un fossé…

Le soleil et le vent entrant soudain dans une bibliothèque où l’on n’entassait jusqu’à présent que des pierres noires et friables…

 

 

L’âme aussi nue que le corps – au seuil d’un monde nouveau – très ancien pourtant – mais vierge depuis la naissance du temps qui a réussi (en un clin d’œil) à corrompre l’espace – toutes les géographies – et à ébranler (de manière décisive) la perception naturelle et instinctive de l’instant en créant l’idée et la sensation de la durée…

De la poussière – à nouveau – et le chemin libre – entièrement dégagé…

Le cœur – comme un abîme – un ciel – une immense étendue – deux bras grands ouverts ; l’Amour presque totalement déployé – comme la seule chose réelle – la seule chose qui existe réellement – dans ce fatras d’illusions où le corps et la psyché – toute la matière et une part (non négligeable) de l’invisible – se débattent sans espoir ni possibilité de s’affranchir de ce magma à l’aide des outils (très) rudimentaires que l’on a mis à leur disposition…

 

 

Sur l’échafaud – la parole – la soif – le silence…

Le monde qui s’agglutine – qui se dilapide…

La mémoire qui s’enflamme – qui se déverse ; tout qui se vide…

La terre et les sous-sols fouillés à coups de pioche…

Un parterre de fleurs à chaque fenêtre…

Et chez presque tous – le visage masqué – le regard en feu – le geste corrompu…

Des existences de bourreaux tranquilles gagnés par la fièvre des exécutions…

 

 

La bouche diserte – disante – essayant d’exprimer l’ineffable – en vain (bien sûr)…

Devant les yeux – l’océan de la langue – le verbe et la poésie descendus de leur estrade – flirtant avec l’écume et les vagues – sans jamais s’éloigner ni des profondeurs – ni de l’immensité…

 

 

Les yeux trop noirs pour percevoir l’incessant labeur de l’âme – l’interminable besogne de la mort…

Trop d’opacité et de remparts pour accompagner le soleil dans son voyage familier…

Assis à l’ombre du plus lointain – aux marges du monde (réellement) vivant – sur l’infâme muret des habitudes – adossé(s) au sac (énorme) des souvenirs et des idées – inattentif(s) aux choses du dedans – aux sensations intérieures – au temps figé imposé par le réel – au (si bref) passage des Autres – plongé(s) dans le même songe – la même illusion – depuis trop d’années – la tête prisonnière du rêve qui nous imposa la fréquentation des hommes – à la manière d’un impératif de la plus haute importance – une chimère comme une autre (bien sûr) – comme toutes les précédentes – à jeter dans les abîmes noirs de la mémoire…

Et sur toutes les rives terrestres – tous les livres à jeter par-dessus – comme tout ce qui réclame sa part – tout ce qui s’imagine en droit de recevoir…

Et naturellement – le (véritable) voyage remis à (un peu) plus tard…

 

*

 

Le jour enterré – plaqué au sol, puis enfoui sous les pas ; tassé – piétiné – rendu à la terre – couleur de poussière et de mort…

Et depuis – au-dessus – les vivants qui divaguent – qui se croisent – qui se cognent – qui tournent au fond de la même obscurité – qui vivent dans le tumulte et leurs tourments souterrains…

L’opacité et la pénombre épaisse – à l’abri de toute lumière…

Ainsi la bêtise et la nuit ont pris le pouvoir et règnent, depuis cet étrange enterrement du jour, sur la terre entière…

 

 

Des assauts – la route entièrement tracée – les ténèbres fracassées à coups de hache – la folie tranchante de l’esprit pris au piège – prisonnier – qui tente d’échapper à toutes les trappes – à toutes les voies du labyrinthe…

La figure qui s’essaye au rire – les lèvres qui s’essayent à la complicité – les bras qui s’essayent à l’étreinte ; mille manières de fuir – de s’éloigner des monstrueuses mâchoires – du resserrement (implacable) des murs qui rétrécissent l’espace à quelques respirations avant l’asphyxie (inévitable)…

Le rêve – les larmes – les sauts – toutes les issues possibles – imaginables – plutôt que l’écrasement et la suffocation ; la vie – mille vies – étroites et étouffantes – et, au-delà, le ciel qui tantôt s’affaisse – qui tantôt s’efface – au milieu des gravats – à six pieds sous terre – sous les éboulis du monde d’autrefois…

La déchéance au cœur des ruines ; et le contact de la roche brûlante sur la peau – la chair et la glaise qui s’étreignent – qui se mélangent – qui enfantent ; et nous – devenant – monstres et montagnes – enclave noire où ne subsistent que les cris et la mort…

 

 

Des millions de jours – des millions d’étoiles…

Les deux pieds plantés dans l’invisible – sous le ciel et le vent…

Assis là où d’Autres auraient combattu et essayé de conquérir…

Seul – à présent – sans personne…

La figure éloignée des rêves – au-dessus des chairs qui se frottent les unes contre les autres – sans tendresse – de manière presque involontaire – à leur insu (pour ainsi dire) – sous le joug d’un (très) puissant désir et le poids (conséquent) de traditions millénaires…

 

 

Le vivant – comme une chaîne – une trame – enchevêtrée à celle du monde et à celle de la matière – elles-mêmes enchevêtrées à celle de l’invisible…

Et le tout comme un écheveau inextricable – le socle de toutes les choses – l’extension du centre déployé – hors duquel rien n’existe – hors duquel rien ne peut exister…

Des tours – des casques – des allées ; mille imprévus…

Mille chemins – mille possibilités…

Mille combinaisons – à la fois concurrentes et complémentaires…

D’infimes fragments qui composent l’ensemble – porteurs d’efflorescence et de forces d’anéantissement…

Et tout nourrit – et porte à croire en – cette réalité – l’unique perspective perceptible par l’homme – insoucieux du monde – aux yeux duquel il n’existe guère – considéré (seulement) par sa famille – sa tribu – sa communauté – comme un maillon nécessaire…

Le temps d’une existence – de quelques blessures reçues et infligées – de quelques objets et de quelques territoires conquis et amassés…

Le sort terrestre – cette incarcération en commun – dans le désordre – le chaos – les uns contre les autres – dans cette suffocante promiscuité – et irejoignable(s) pourtant – si seul(s) – si isolé(s) – si désespéré(s) – face au reste du monde…

Et dans les yeux – cette tristesse apparente ; et dans le cœur – ce que l’on ne peut voir – deviner seulement – toutes ces larmes qui ne couleront jamais…

 

*

 

Le plus simple – ce qui nous est promis – comme la pente dévalée – la pierre à sa place – (très) provisoirement – avant le prochain éboulis…

La montagne océane – quelque part…

 

 

La chair que la nuit creuse…

Le jour que l’on approfondit…

Là, le désir et là, l’inintention…

Là où l’on trépigne – là où l’on se laisse glisser…

Ni faux – ni vrai – ni pire – ni meilleur – absolument égaux ; tout égal…

Ce qui s’impose au cœur incarcéré – ce qui s’impose au cœur émancipé…

Sur la courbe descendante – et, parfois, le saut impromptu et salvateur – à la manière d’une surprise survenue au terme d’une longue journée grise…

Un sourire – une larme – notre (pitoyable) sensibilité de mortels – alternante – intermittente – si médiocre – si peu éclairée…

 

 

Le corps occupé à sa tâche – l’esprit inattentif au labeur acharné des Autres – de la lumière…

Une étendue qu’il faut traverser les yeux fermés – le cœur qui doit découvrir sa ressemblance avec le reste (tout le reste) – sans avoir recours aux consolations offertes par la roche – sans cracher la moindre gorgée de fiel – digne et droit – silencieux – en parcourant toute la zone enfientée – des éclats de pierres au fond de la bouche et l’âme encore plongée dans les ténèbres invisibles…

Une longue série d’épreuves et d’expériences – si souvent douloureuses – insurmontables ; mille sollicitations – mille leurres – mille hostilités – et cette maigre récolte – une ou deux misérables graines – cachées dans nos profondeurs – et dont il faudra extraire l’essence en arrivant au seuil du dernier monde – sous les quelques lampes restées allumées – avant le passage incontournable dans le sas secret du silence ; ainsi se poursuivra le voyage – l’esprit confiant – tous feux éteints…

 

 

Dominés – broyés – toutes les figures de l’innocence – tous les signes de la frugalité…

Le corps couronné…

Le soleil qui – dans l’âme – prend la place de l’angoisse…

Le monde assis – devant nous – à l’écoute…

Les dents, peu à peu, écartées de la faim…

L’aube embrassée – la vérité au bout des lèvres…

Notre seule prière – sans doute…

 

 

La lumière et l’étendue – ce qui ne semble pénètrer ni le fer ni la brique ; et ce que contiennent, pourtant, les armures et les remparts…

L’encre sage – éblouissante ; et la bêtise et l’infamie – à parts égales – au-dedans…

Dans le jardin immense et silencieux – des visages – des pierres alignées ; et, sur eux, la tendresse du regard…

L’infini qui – à travers nous – s’accomplit – pulse – vit – s’épanouit ; le seul vêtement de ceux dont chaque geste – toute l’existence – semblent justes…

La vie – la terre – la poésie – sans règle – naturelles…

 

 

Le goût du soleil dans l’abondance…

Le confort du devenir affranchi de l’incertitude ; un tombeau – en vérité ; un couvercle de plomb sur l’existence et le monde ; un labyrinthe étroit – un abîme creusé dans le sable – un périmètre circonscrit en deçà (bien en deçà) de l’horizon – une liberté proportionnelle à la longueur du nez – de ses idées restreintes et confinantes…

L’histoire de l’homme – une espèce de fantôme au milieu des légendes ; pas grand-chose – presque rien – pas même un franchissement – un peu de vide – un peu de vent qui tourne sur lui-même – au milieu de nulle part…

 

*

 

La charge renversée – tous les tombeaux ouverts – les pelles jetées dans la terre – les amas éparpillés…

A tire-d’aile – le silence et la parole jaillissante – la ligne verticale jusqu’au vertige ; au faîte incontestable du monde ; à hauteur d’âme peut-être ; à peine au-dessus du sol – sans doute…

Tout juste ce que l’on appelle un homme ; le début de la liberté – une infime part d’affranchissement – ce qu’il faudra (bien sûr) approfondir et peaufiner…

 

 

Le ciel tailladé – la nuit par terre – dépecée – plus qu’une pelisse sombre et immobile – vidée de son sang – de toutes ses substances…

Le monde désenturbanné – l’immensité en désordre – fragmentée – dispersée – jetée au hasard des visages – des cœurs – des routes – sur tous les territoires possibles – réels et imaginaires…

 

 

Le cœur battant – sans équivalence – le monde à demi – affranchi de tous ses règnes – les lois et la puissance démembrées…

Et cette errance du nombre – la multitude trimardante – qui se hâte sans savoir – sans destination – par habitude – par aveugle obéissance à l’ardeur…

La fange et l’affluence – extraites de cette veille attentive – si singulière – si désintéressée – si impersonnelle…

Des yeux passablement ordinaires, peu à peu, remplacés par un regard déployé – enraciné ailleurs – dans les profondeurs de l’âme et d’un autre monde ; l’infini descendu – retourné – enfin accessible…

Les prémices, peut-être, de l’existence libérée de l’espace et du temps…

 

 

Au croisement de l’horizon et du foyer – les pires légendes – le monde – l’origine et le temps – totalement réécrits…

Les mensonges officiels qui tentent de résister face au soleil – à la vérité – et qui persistent – et qui se renforcent – dans la psyché des hommes – et qui, en s’additionnant, créent les représentations collectives – des voiles épais* qui s’ajoutent aux limites et à la partialité perceptives et cognitives existantes ; ce qui dénature – et dissimule – plus encore le réel…

* Des voiles épais qui nécessitent un profond (et assidu) travail de sape et d’effacement pour disparaître et permettre une réinitialisation – une revirginisation du cerveau et du regard ; et des dizaines – des centaines – des milliers – d’années pour disparaître « naturellement » (sans qu’intervienne la moindre démarche de « nettoyage psychique et mental ») dans la mesure où d’autres images – d’autres mythes – d’autres illusions – sans cesse viennent les conforter – les transformer – les remplacer…

Rien – ni personne – nulle part ; la seule réalité – peut-être…

 

 

A distance des Autres – des pas – du temps ; promis, quelque part, à une sorte de géométrie des sables – entre signes esquissés et enfouissement – entre apparente facilité d’installation et instabilité – là où naissent les visages – là où s’édifient les tours et les routes – là où se construisent les exils et les rassemblements…

 

 

Le monde – dans notre errance – dans nos incertitudes – l’âme qui veille et se frotte à l’inconnu…

Le chemin livré à l’ombre et aux pierres noires ; toute l’hétérodoxie du voyage…

Et cette folle ambition qui persiste – qui demeure ; pouvoir, un jour, étreindre la lumière…

 

 

A la rencontre de soi – du soleil ; notre seul serment librement gravé dans les vents – et dont nous serons, bien sûr, la seule preuve – le seul écho – le seul témoin…

 

*

 

La nuit fendue par les battements réguliers du cœur…

L’ivresse du territoire – puis, un jour, le monde désossé…

La convoitise et la jouissance auréolées d’infamie et de pitié…

Sur la pierre stable – les pas fiévreux et querelleurs…

Les esprits envoûtés par toutes les promesses de fortune et de beauté…

A couteaux tirés – rien que des crimes et des intervalles sans Amour…

Ce qui brille au fond des yeux ; la rancune – les éclats de la vengeance – la brusquerie à mains nues – à mains armées ; la lutte en lettres capitales…

La poudre – la cendre et le ciel…

Le feu – le sang et les larmes…

Mille champs de bataille et dix-mille guerriers – insensibles à la lumière – comme si, en ce monde, la violence était la seule voie possible…

Un accroissement des illusions – le mensonge et la fraude érigés en totem…

Et sous les piliers du monde – le vide – l’effroi et la poussière…

Et nous autres – malheureux – pauvres débiles – ahanant depuis des millénaires devant la même leçon de choses

 

 

Tous les viatiques écartés – suspendus au-dessus de nos têtes tantôt comme des mâts de cocagne – tantôt comme de funestes potences…

Nu(s) – sur le chemin improvisé – en des lieux trop sauvages pour les âmes et les édifices qui s’imaginent civilisés…

Tout hissé jusqu’à l’existence et la langue naturelles – dépourvues d’ascendants et d’artifices…

Vivant à la manière de ceux qui n’appartiennent à aucune généalogie…

 

 

La vie qui nous exile – loin du monde – du bruit – de l’infamie – des pas obscurs – de l’épaisseur opaque…

Le sommeil – lointain – pas même un souvenir…

A présent – la solitude – les arbres – l’enfance…

La lumière que l’on jette sur la page – comme le seul labeur possible – pour la joie – un peu de musique – la résonance – le prolongement du silence – et un peu d’Amour aussi sûrement…

Des lettres – des mots – une parole – que l’on sème à la volée – au hasard des routes et des pas…

Le soleil de l’errance sur notre visage ; et les lèvres qui arborent un sourire énigmatique…

A la place des ténèbres – l’absence d’horizon ; la clarté qui offre à la même perspective une multitude de textures et de teintes ; toutes les parcelles de l’infini à découvrir et à goûter…

 

 

Le reste du chemin – comme l’ultime distance à parcourir – sans ornement – sans même une couronne de feuilles et d’épines – sans même une alliance au doigt ou un bandeau de poils (ou de tissu) autour du crâne ; nu au nom de rien – pas même un peu de lumière en étendard…

A l’intersection de tous les cercles – de tous les mondes – sans en choisir un seul…

Le jour pas mieux que le noir…

Le visage pas mieux que l’arbre…

L’âme pas mieux que la bête…

L’Amour pas mieux que les instincts…

La joie pas mieux que les malheurs…

L’apaisement pas mieux que la faim…

L’achèvement pas mieux que la quête…

Ni passé – ni avenir – ce que le pas – le geste – le regard – étreignent et embrassent ; ce qui advient (toujours) à titre provisoire…

 

*

 

Par veilles et vérité – intermittentes…

Ce qui doit demeurer – momentanément ; et ce qui doit être dissous…

La hache et l’enfance sur la même berge – l’une en face de l’autre…

Et ces jours maculés de boue qui – pourtant – invitent à la joie…

Contre la paume – le sang des pairs – des frères – de tous ceux qui vivent…

La certitude pyramidale – des liasses de mots volés – avec cette minutie maladive – le sens de l’obéissance et des traditions – sans (jamais) la moindre culpabilité…

 

 

Le voyage confronté à ses propres manquements et à ses propres turbulences…

D’un côté – la régression et l’effondrement ; et de l’autre – le silence et l’effacement…

A égales distances – et quelques restes d’indigence – ce que peut réussir à enfanter le murmure ; la possibilité des rois…

 

 

Près du sol – la fin – à la lisière de la forêt – quelque part – en un lieu qui favorise la nudité et le dénouement…

Au grand jour – à l’angle opposé – là où si peu se tiennent – géométriquement parlant (bien sûr) – de l’autre côté de l’obscurité – très loin de la réalité du monde qui privilégie toujours les alliances – les mariages – les associations ; mille choses – mille entremêlements – là où la lumière ne peut exister sans le sang et la pénombre – là où le noir scintille d’une clarté étrange et nous approche avec une parfaite innocence…

La terre – d’un bout à l’autre – comme le silence – des bouts d’existence…

Une parole moins nue que le geste ; peut-être – la moindre des nécessités…

 

28 octobre 2021

Carnet n°267 Au jour le jour

Février 2021

Creuser – en son nom – sous tous les catafalques de terre – sous le sang séché des dépouilles…

Et le nôtre – comme nos larmes – qui ruisselle entre les pierres – touché à mort par la cruauté et l’indifférence des peuples…

L’œuvre et la joie validées par le silence – malgré la tristesse – malgré le monde…

Et le soleil déclinant – au-dessus des tombes…

 

 

Nos légendes et nos torpeurs – les unes nous suivant – les autres nous précédant…

Dans la nostalgie des états d’antan – le souvenir embrumé – enjolivé sûrement…

Et nous tous qui tardons à devenir des hommes…

 

 

Une enfance mortelle – malheureusement…

A nous entendre avancer – le souffle court – très laborieusement – la foulée sans ardeur…

Les mains caressantes qui, parfois, traînent encore sur les choses…

Le monde enfoncé dans sa gangue…

Les rêves rehaussés jusqu’au ciel…

L’existence poussée à l’extrême – jusqu’à ces terres de l’impossible – postérieures à la souffrance – quelques rives – sans homme – sans trace – sans avenir – sans mémoire…

Et nos pas – et notre voix – si souvent – harassés et sans courage – qui se souviennent de ces pitoyables reliquats de fête – les yeux mi-clos – en ces temps anciens où nous étions fascinés par les fausses extases de la chair triomphante – sur la crête des jours juvéniles où, gorgés de vie et d’orgueil, on croquait la vie – le monde – sans crainte ni conscience – comme si nous étions les rois de la terre…

 

*

 

De passage – dans l’enclos du monde – sans conscience – le plus souvent – de la chair animée – animale – mue par la peur et la faim – à se débattre – à tenter d’échapper (en vain) au désastre – l’âme (vaguement) intriguée par les formes – les couleurs – la lumière – cherchant un langage – une proximité – appropriés – quelque chose de commun – quelque chose en partage…

 

 

Dans l’intimité de l’enfance et de la douleur – sans question – sans parole – sans réponse – le cœur enfoncé dans la terre – les yeux dans l’air sombre de l’abîme entrevu – au-dessus – l’accomplissement et l’apparente fraternité de nos compagnons de voyage…

Et ici – nous autres – alignés – entre le ciel et la misère – avec un peu de tristesse et un peu de gaieté au fond du cœur…

Une partie de l’humanité qui se dérobe – et l’autre remplacée par le silence ; une présence étrangement débonnaire…

 

 

Nous – bâti(s) comme des murs – avec inquiétude…

Des projets – des efforts – des ruines (très bientôt)…

La surface et les fondations – l’effritement et la dislocation…

La verticalité bancale – limitée par la crainte et la pesanteur…

L’Amour soumis au secret – et nous, à la futilité – au pragmatisme et au bavardage…

Des rites trop solennels face à la spontanéité des vents – leur force naturelle – impérieuse ; trop d’adoration et pas assez de tendresse incarnée…

Trop d’absence pour l’attention et le labeur exigés…

L’unité et la multitude comme momentanément désaccordées…

Le Divin dévoyé et la vérité…

Puis – un jour – tout, à nouveau, qui se mêle – se réemmêle – sans mesure ; tout qui redevient possible – insensé – ineffable ; les choses et l’invisible – l’énergie et la conscience – retrouvant leurs jeux – leurs danses – leur intimité…

 

 

Au défilé des nuages – le silence répond ; et aux œuvres trop impatientes – et trop prétentieuses – aussi…

La même récompense – à terme – tôt ou tard ; la compréhension – le plus juste incarné…

 

 

Dieu – en nous – debout – sans fierté – heureux de notre labeur – des élans vers le sensible – la vérité sans rivale – humble – protecteur – infiniment amoureux…

Sans rêverie – sans protection…

Quelque chose du feu exposé – de l’enfance insoumise et, sans cesse, réinventée…

Ni lieu – ni franche lumière – le rôle de l’origine dans nos doigts engourdis…

L’alliance – dans le sourire – la résonance intérieure – l’acquiescement spontané aux circonstances…

La vie – sans image – sans intention – qui se déploie…

L’inquiétude qui s’amenuise à mesure que la douceur gagne le quotidien – remplace le savoir et la lutte – la politesse – toutes les fausses aménités…

 

 

Moitié ciel – moitié bête – avec un peu de pensée – quelques restes d’homme encore mal digérés…

Et l’on s’avance ainsi – à contre-courant de la foule – dans un monde difficile – sans gaieté – à l’identité incomplète…

 

 

Nous – au-dedans – immobile(s) – comme les morts – certains (la plupart) par paresse – comme une inertie – et quelques autres (assez rares) – par sagesse – comme une manière terrestre singulière de donner vie au silence – à l’infini – à cette présence qui échappe à tous les mouvements – à ceux du monde comme à ceux du temps…

 

*

 

Le temps creusé – le grondement sourd du monde – faillible – défaillant – comme un grand jardin où l’on s’abîme – où l’on se perd…

Aux confins de notre territoire – au-delà de la vue – de notre trouble – presque une ivresse – un allant retrouvé – un regain de force pour franchir les eaux dormantes – rejoindre la source – pénétrer le mystère de la multitude et de la lumière…

A cette étape du voyage – si proche de soi – de tout – hors du temps…

Dans la perpétuelle venue de la peine – pourtant – sans protestation – dans les limites de notre entendement – de nos possibilités…

Confiant en cette bienheureuse alliance avec l’Absolu – cette présence au centre – attentive – sans répit – qui sait accueillir nos éloignements – nos errances autant que nos douleurs et nos lamentations…

Ici – en ce lieu – la réponse à toutes les formes d’ignorance et d’opacité – et davantage même – l’évidence de l’invisible qui règne sur notre singulière destinée…

 

 

La danse – au-delà des horizons ténébreux – tachés par le rêve et la ruse – comme ces rives où le mensonge scintille entre les dents – à travers tous les sourires ; d’affreuses grimaces – en vérité…

La figure et l’âme de l’homme – du marbre et du béton – quelque chose de (très) froid – lisse – en surface – en profondeur – le contraire des battements du cœur – ce que l’on opposerait volontiers à la sensibilité et aux tremblements…

L’absolue incertitude de vivre – d’être là plutôt qu’ailleurs – notre manière d’être au monde – respirant – survivant – sans règle – sans principe – comme nous le pouvons – aussi simplement que possible…

 

 

Le soleil détourné des hauteurs – comme le chant des oiseaux – rendus au quotidien – à la vie ordinaire…

L’espace agrandi – le ciel et les forêts – à l’intérieur…

Les chemins de la terre – quelque chose d’une aube à inventer – d’une lumière à refléter…

 

 

Nous – dans l’enfance solennelle – celle qui précède la raison – qui succède à la sauvagerie…

Immodeste(s) – avec cette fierté dans la posture – sur la pointe des pieds – pour paraître plus grand – plus sage – davantage…

La figure ronde et rouge – énorme – facile à distinguer du reste du corps – petit – malingre – fragile…

Une tête grosse comme un œuf – juchée sur une minuscule brindille…

La misère dissimulée – bien entendu – comme l’ignorance…

Dans la bouche – des mots d’apparat – pour se donner des airs – faire semblant…

Des chimères – partout – et des croyances – pour cacher la détresse – la vulnérabilité – l’inachèvement…

Au cœur d’un rêve démesuré…

Et très (trop ?) souvent – cette phase de l’enfance – dans l’âme – le regard – qui dure sans jamais faiblir – sans jamais flétrir – jusqu’au dernier jour – jusqu’à la dernière heure – jusqu’à l’instant fatidique de la mort…

Seul(s) – leurré(s) et leurrant – trahi(s) et trahissant – sans que les pieds ne touchent réellement terre ; une vie – un voyage – une légende plutôt – peuplée de songes et d’images…

 

*

 

En ermite – de l’autre côté – là où les arbres sont éternels – parmi l’entourage animal – le cri et la révolte – en commun – comme la fuite dans les marges et la crainte de l’homme…

Dans notre cercle – sauvage(s) et communautaire(s) – libertaire(s) peut-être – libertaire(s) sans doute – sans jamais nous quitter – nous corrompre – loin des mauvais rêves – loin des fantasmes (si funestes) du monde…

 

 

Du ciel à la roche – sans un geste – la lumière – en un éclair – et nous autres – en sens inverse – très (très) laborieusement…

 

 

Instable(s) – jusqu’au sommet – ensuite, l’équilibre n’est plus de mise ; la justesse prend les rênes et nous pousse en avant – en arrière – sur les côtés – et parfois vers les extrêmes – et nous fait côtoyer la tempérance et les excès – sans que nous en soyons perturbés – sans jamais nous faire chuter ; dans l’air – le ciel – il n’y a que des pirouettes et des trajets – ni terre – ni gravité…

Ici – dans la simplicité de l’être – du monde – au pays du bleu – au pays du vent et de l’immensité – seul(s) – sans nid – sans plume – le cœur en désordre – l’oubli dans une main et l’Amour dans l’autre – à arpenter les chemins sans raison – pour la (seule) beauté des pas – à nous mettre au service de ce qui est là – pour la nécessité du geste – pour la lumière et la joie qui se manifestent…

Sans âge – sans repos – le chant de la tristesse et le chant de la tendresse – sur les lèvres…

A la source du temps – là où l’œil et le cœur se rejoignent – se pénètrent – enfantent – se régénèrent…

 

 

Entre la fleur et la cendre – devant nous – l’horizon lointain – au-dessus – le soleil sur son orbe – l’eau qui s’écoule et qui emporte nos certitudes…

Des ombres – des jours – des nuits – sur la pierre…

Le temps des choses et de l’absence – l’impossibilité de l’innocence…

Tous nos passages et notre mélancolie – jusqu’au dernier jour de l’hiver…

De déchirure en déchirure – retenu(s) par cette longue chaîne qui emprisonne les âmes…

Et, chaque jour, cette transparence sur la page avec, en filigrane, le ciel et les étoiles – nos soupirs – notre faim – notre pauvre corps et notre esprit impatient – si pressé de rejoindre le lieu de ses prières…

 

 

Aux sources des chimères – quelques entités malfaisantes – dans la bouche – des étincelles et quelques mensonges très brillants – ceux qui donnent aux vies un peu d’éclat et à ce vieux gris un air un peu moins sinistre et décati…

Un peu de joie incontestable – ce goût du paraître – quelques sacrifices – pour combler le vide – d’étranges sourires pour dissimuler la tristesse – la longue série de défaites successives – l’âme rompue – comme l’ardeur – à genoux sur cette terre triste – sans amour et sans amitié – comme tous les Autres – aux prises avec l’indifférence du monde – dans un coin – désenchanté – au lieu d’affronter les yeux brûlants – les yeux féroces – impitoyables – de la vérité…

 

*

 

Le théâtre des ombres – encore – des pantins à la peau et aux gestes sans éclat – les genoux défaillants – comme l’âme et le cœur ; l’ossature – au-dedans – faible et bancale – guère adaptée à la rudesse terrestre – à la sauvagerie du vivant…

 

 

Tête nue – parmi les simples – au cœur de la forêt – notre refuge – notre solitude…

Le jour qui monte – comme un trophée porté par une main immense – cachée derrière l’horizon peut-être…

Contre nous – l’obscurité que nous chérissons – l’obscurité contre laquelle nous luttons – sans bien savoir la façon dont il faudrait agir – malgré des siècles d’expérience et l’âge de l’humanité…

A déambuler encore le poignard à la ceinture – parmi les âmes – parmi les ombres…

Et – au loin – cette rumeur – ce brouhaha – l’écho bruyant et malheureux des hommes – la proximité du monde – notre crainte – notre (excessive) obsession – comme une phobie salutaire…

Et notre cœur – à l’abri – caché dans une anfractuosité de la roche…

 

 

Il faudrait – sans doute – dépasser le sang et la haine – l’impuissance et la mort – pour se réjouir de la présence des hommes…

Un monde – des mondes – parallèles – fort heureusement – emplis de joie et de flammes – le ciel peuplé de mystères – gorgé de lumière…

Et notre longue veille – jusqu’à l’aube – un collier de fleurs vivantes autour de la poitrine – et la tête couronnée de feuilles blanches et vertes que le vent fait tressaillir et qu’il fera, un jour, rouler sur le sol…

 

 

Toutes ces lignes blanches sur la matière rouge du monde – des pointillés – des barbelés – sur la chair vive et uniforme – contre lesquels on ne peut rien…

 

 

Des fils au-dessus des mains – reliés aux jointures – aux étoiles ; des paumes qui caressent – qui réconfortent – des paumes qui assènent et qui frappent – comme de grandes ailes dans le vide…

Un peu de vent pour faire circuler le sang (et le faire couler aussi – bien sûr)…

Les yeux fermés face à la violence – face à l’invisible – face à toutes ces forces – à tous ces courants venus d’ailleurs – on ne sait d’où…

Dans le cœur – une gêne – un embarras – comme une façon de nous inciter à sortir du noir – de l’abîme – de l’incompréhension…

 

 

Le cœur aussi bas que possible – trempé dans le plus vil – les immondices du monde – et, au-dessus, la tête qui sanglote – qui se lamente de cette chute – de cette malédiction…

Au fond du noir – la dépravation et des portes inconnues – davantage d’espace – son lot de nuit(s) supplémentaire(s)…

L’œil – le long des murs – la peau qui racle contre le crépi ; le visage en sang – les masques qui se déchirent – et sous les masques, d’autres masques – et derrière le visage, d’autres visages ; l’être habillé à la manière d’un oignon – au cœur duquel trône l’essence – le noyau – le vide – l’espace lumineux – l’infini féroce – le silence de l’âme pénétrée par la vérité et le chant du monde – entremêlés…

Quelque chose de la joie – au milieu des malheurs – au milieu des tourments…

Nous – parmi les Autres – puis, nous – au milieu de rien – au milieu de nous-même(s) peut-être…

 

*

 

Sous les yeux – l’évasion – la terre chaude des tropiques – un rêve loin du bagne – la mer – sous l’immensité céruléenne…

Les paupières closes – lourdes et sombres – pour séparer le réel du songe – l’agréable du reste – protéger l’imaginaire, en quelque sorte, des assauts incessants de l’enfer ; pour que le cœur et la vie puissent durer encore un peu…

Une manière – peut-être – une manière – sans doute – de surseoir au suicide – d’échapper à cette longue (et atroce) agonie que l’existence nous impose…

 

 

D’un jour à l’autre – la vie et la tête machinales – comme l’âme et les gestes – les mains vaguement occupées à leur besogne…

Ce qui semble passer – avec le temps – sans la moindre rencontre – sans la moindre intimité…

Du sable et du vent sur le sol des suppliciés – avec, au-dedans, un feu minuscule et ronronnant – tout juste de quoi rester en vie – de quoi continuer à ronronner…

La vie noueuse – à l’intérieur – délaissée…

Ce que l’on amasse – chichement – plutôt que l’aventure – les merveilles du monde et de l’esprit…

Et cette posture reprise – et démultipliée à l’infini – à perte de vue ; la quantité agissante – la multitude uniforme et univoque – jouant avec l’écume – insensible au monde – à la marche – aux profondeurs – à l’envergure – à toutes les étoiles que l’on voit briller dans le lointain…

 

 

Le ciel – déplié devant soi – les énigmes de la terre exposées – en désordre…

Ni repère – ni voyage ; il (nous) faudrait plutôt épuiser la distance – enjamber les frontières – accueillir l’infini et le chaos – devenir le présent – l’incertitude et le silence – pour invalider le temps du monde – le temps des hommes – le règne des choses…

Se présenter avec – puis, comme – un surplus de tendresse sur ce qui nous blesse – sur ce qui nous égare – sur tous ces voiles qui nous deviennent de plus en plus étrangers…

En nous – l’étreinte – le soleil et la rosée…

Le nous-monde – l’esprit tout entier…

 

 

Une danse – parfois – un passage à travers les paysages du monde…

L’immensité emprisonnée dans une fiole – rendue au grand large – à l’infini ; l’océan-maison qui nous abrite…

 

 

Des rêves de noctambule – au-dessus du jour – au fond des précipices ; partout – les mêmes chimères humaines…

Le sommeil du cœur endimanché – la torpeur de tous ceux qui mentent – qui revêtent des parures et des déguisements – des masques épais qui ressemblent à la chair rose du visage…

Et ainsi grimés – nous nous rencontrons ; dans une ronde de pétales à laquelle succèdent, très vite, des heurts – des cris – des épines – tout un florilège de douleurs qui mettent fin au délire – à l’ivresse – au vertige…

 

 

Nous autres – dans nos robes funestes…

A tisser ensemble les fils du monde et du temps…

A nous balancer entre la terre et le ciel…

A nous mettre en route – paresseusement – l’âme (déjà) épuisée – un peu perdu(s) – les yeux posés devant soi – guère plus loin que le bout de son nez…

Toutes nos errances – nos oscillations – nos atermoiements – le sort (tragique) de la foule…

D’une terre sans horizon à l’aube silencieuse que si peu devinent – que si peu découvrent – que si peu rejoignent…

Et ce que trace notre feutre – quotidiennement – sur la page ; le chemin à éviter – le chemin à emprunter – peut-être – les malheurs – les espoirs et les tourments – à déposer comme un faix inutile ; les prochains pas – peut-être – les prochains pas – sûrement – qui pourraient – pourquoi pas ? – nous précipiter dans un autre monde…

 

*

 

La vie – la mort – la route – sur fond de nuit…

Et cette pluie – ce sommeil – sur le monde – comme du plâtre qui rigidifie les existences et les cœurs…

L’indifférence – comme une stèle de marbre érigée aussi haut que notre tristesse – aussi haut que notre (invisible) sensibilité…

Sur la balance – le poids des Autres – presque rien comparé à notre figure – à nos désirs – à nos besoins – à la longue liste de nos exigences…

Malheureux – écartelé(s) depuis le premier souffle qui déchira notre poitrine…

L’œuvre cinglante du vent sur notre feu (trop) fragile – provisoire – encore balbutiant…

 

 

Ici – (presque) sans jamais jouer le jeu du monde – à l’écart – autant que possible – l’âme et la vérité unies dans le geste – la parole – à chaque instant – à chaque ligne…

Seul – assez éloigné des lieux qui emprisonnent – des yeux tristes – des regards obliques – des âmes bancales et indigentes – de la misère et des merveilles humaines – ce qu’il y a, sans doute, de plus bouleversant…

 

 

En avance sur la lumière – la peur et l’horizon – la souffrance – les yeux baissés – et les larmes face à la mort…

La chair frémissante – l’âme tremblante – à moitié dévorées par le monde et le désespoir – l’esprit et les Autres – aussi absents que le reste…

Nous – ici – à peine éclairé(s) par les flammes grises de quelques (funestes) pensées – un feu minuscule – artificiel – inventé – qui s’est substitué au jour véritable…

 

 

Soutenu – tout entier – par l’invisible…

Ce qui naît – ce qui se dresse – ce qui tombe – ce qui meurt – sous le même soleil – au fond de la même nasse – au milieu des formes et des couleurs…

La caresse du vent sur l’âme – sur la peau – le cœur rouge et frémissant – au rythme du chant de ceux qui ont réussi à percer les secrets du silence…

 

 

Au bord du monde – à notre porte – cette lueur que l’on devine – un léger tremblement dans le noir – au loin – la tête tournée – comme l’âme – vers cette possibilité…

La blessure infligée à la terre – au vent et à la pluie – comme un rêve trop cruel – peut-être…

Toutes les peurs – à peine cachées – dans l’encre qui gicle sur la page – des nausées et des pans entiers de monde vomis par le feutre rageur – et quelques prières offertes par le feutre silencieux et incliné…

Que l’on aimerait se perdre dans le regard inoffensif des bêtes…

Dieu – la mort – l’Amour – présents dans la danse des lettres qui s’esquissent – dans la ronde des mots qui s’impriment…

L’aube – peut-être – devant nous – visible mais hors de portée…

 

 

Dans la nuit – ce que nous cherchons – ce qui nous attire – ce qui nous dissuade – tous les prétextes possibles au sommeil…

Le rêve – le fol espoir – au lieu de rester debout – dans la neige – au cœur de ce blanc indéchiffrable – sans rien savoir…

Les yeux perdus – les yeux confiants – proches des bêtes – des arbres – de l’inconnu – de la source – peut-être – ce que, de toute évidence, nous ne saurons jamais…

 

*

 

Hommage à Shin’ya (le 8 février 2021)

Le corps enseveli sous des tonnes de terre – la mort – nous y sommes – déjà…

Et cette tristesse lourde comme l’absence ; le poids d’avant – tellement léger – à présent ; les membres liés – déliés – libérés…

Au-delà des peurs – au-delà de l’angoisse – notre voyage parmi les pierres – dessous les pierres – au-dessus du sol ; après l’horizon – le voyage encore – le voyage comme un instant – une suite d’instants – peut-être – l’invention d’une durée – sans doute…

L’identité de réserve à l’instant du dernier souffle – à l’instant où le tombeau se referme – comme une signature – et des fleurs noires par-dessus notre tête…

Le sommeil après le sommeil…

Ce qui se dessine et ce qui se dessinera – plus précisément – lorsque le ciel nous soulèvera encore plus haut – loin de la terre-mausolée – loin de la terre épaisse – au cœur de cet espace – au cœur de cette clarté – entrevus – et qui nous portent – et qui nous emporteront vers d’autres pays – le monde au loin – vers la foule anonyme ; et les visages qui, peu à peu, s’effacent…

Dans le souffle – dans l’esprit – la lampe – le désir – l’intention – peut-être – d’un monde plus fleuri – l’oubli de toutes les couleurs – des larmes et le vent – la tristesse et l’absence – encore – la solitude sans gravité – dans l’air commun – et partagé – les peurs déjouées jusqu’au sourire – quelques murmures – comme une longue prière…

Des pierres – à nouveau – et, devant soi, le livre des possibles grand ouvert ; et notre alliance – comme le reste – comme l’Amour et le silence – en devenir – perpétuel(s)…

Nous – ici – encore un peu ; et nous – toujours – là où règnent le souffle et la lumière…

Et – chaque jour – comme une promesse – nous entonnerons – ensemble – silencieusement – les lèvres tremblantes – à peine perceptible – un modeste chant de joie…

 

 

Le jour rouge – comme les mains et le front…

Le sang de l’arbre aussi – lorsqu’on le coupe – lorsqu’on l’arrache…

Le monde mis à sac…

Et les mots pour dire notre misère et notre faim…

La trace des ancêtres au fond de l’âme – plus qu’une empreinte – une présence réelle – déterminante…

Des hurlements à la place de la langue…

Et le modeste travail des poètes pour élever l’esprit – le monde – plus haut que les édifices et les ambitions des hommes – pour élever le regard au-dessus de la nuit qui relègue l’innocence – la beauté – la lumière – à des hauteurs infranchissables…

 

 

Les saisons – parfois – cruelles – devant notre dénuement…

La figure immense et fragile de l’oiseau en cage – à la merci des mains qui le nourrissent – la porte fermée…

Les grilles couleur d’or qui maintiennent captifs tous les possibles…

L’indigence et la faiblesse – l’atroce férocité de la détention…

Comme des bêtes soumises à la naissance et aux instincts terrestres…

Sans généalogie – sans héritier – offert(s) à l’usage – à l’agrément des Autres…

La détresse – comme une couverture au-dedans de l’âme…

Meurtri(s) et affaibli(s) par les coups du sort – les coups des hommes…

L’absence de Dieu comme le seul espoir – en quelque sorte…

Le destin piétiné – et notre colère – et notre impuissance – et le vent qui nous rappelle (si cruellement) l’existence extérieure – la liberté – notre enfermement…

 

*

 

De la même couleur que le monde – notre pelage – nos piètres ambitions – nos visages trop fardés…

Les étoiles en supplément – dans les projets les plus fous – de quoi donner à l’argile – à toute cette bassesse terrestre – des airs vaguement célestes – des airs d’ailleurs – des airs d’horizon ouvert – la possibilité du possible…

Quant à ce qui s’offre à notre vue ; des figures sans grâce – des masques de carnaval – de quoi écarter l’innocence et la beauté…

Quelque chose de disloqué – qui s’apparente à la mort…

Et les bords du mystère où peut encore – fort heureusement – s’inventer le poème…

 

 

Des lieux sans loi – des hommes sans Dieu – notre terre – notre temps – éternellement – peut-être – à moins que nous nous affranchissions du rêve…

 

 

Une voix – cri autrefois – devenu murmure – puis, silence – à lire – à écouter – attentivement – patiemment – sur le rebord d’une table – au milieu des arbres – sous le ciel – songeur et solitaire…

 

 

Une enfance sans fable – quelques clochettes accrochées au bout des peurs – et que l’on entend encore tintinnabuler trop souvent…

Et les doigts au bout du jour – lorsque la lumière est habitée – lorsque l’effacement est (parfaitement) compris…

Aligné sur la source – l’immensité du regard…

 

 

Le souffle ouvert – comme une fenêtre – et ce vent – et ce vide – de l’autre côté – à l’intérieur – moins (bien moins) monstrueux qu’ils en ont l’air…

Quelque chose de l’infini – sur la route – déplié…

Le premier barreau de l’échelle – peut-être ; et l’humilité nécessaire à l’ascension – sans doute…

 

 

La couleur du ciel – figée – reflet des fleurs – reflet du sang…

Le sol et la roche – à la texture rugueuse – aux teintes sombres – constellés de taches vives et de lumière…

Et nous autres – dans la nuit – tête baissée vers la mort – ne sachant où l’on pourrait dénicher le secret – la réponse à toutes les énigmes – la résolution du mystère…

 

 

Aussi intenses que la soif – la peur et la faim ; animal métaphysique ; il est peu dire (pour les moins grossiers)…

Fragment de ciel – d’invisible – trempé dans la glaise – dans les instincts – sous le règne de l’incomplétude – du manque – du désir…

La poitrine tremblante face au sang et au Divin…

 

 

Comme des chiens dans la plaine – les Dieux hirsutes et les vagabonds – à courir à travers l’écume – de toutes leurs forces – l’âme pleinement engagée – quelques pas – une longue course jusqu’à la mort – jusqu’aux ultimes confins de la terre…

Braillards et joyeux – les cris qui égayent le cœur – les yeux et les foulées…

Un parfum d’enivrement qui flotte dans l’air – le monde héroïquement piétiné…

Le jour qui rayonne – la nuit crispée sur ses désirs et ses frustrations…

Et cette fuite inexorable vers le pays du silence…

 

 

Derrière les yeux – ces fenêtres closes depuis le premier jour – cet espace étranger – si intime (pourtant) – où tous les visages se saluent – fraternellement – sous le regard silencieux – souriant – de cette présence amoureuse qui nous habite – qui nous comble – au centre – en secret – avec une incomparable tendresse…

Et nous – si rétif(s) (en général) à exercer notre (véritable) besogne ; ouvrir les yeux pour regarder le monde – les choses – depuis le dedans (affranchi(s) du prisme de l’individualité)…

 

*

 

Quelques pas – encore – à bout de force – la main tenue par la main d’un Autre…

Et ce cri coincé au fond de la poitrine – dans un recoin isolé – inexploré – introuvable…

Le visage solitaire…

L’âme sans dédain…

L’air et la parole modestes…

Sans couronne – à cœur découvert…

Et ce murmure – et ce baiser – offerts – comme si nous habitions dans l’épaisseur de la tendresse…

Et serré – contre nous – le monde sans solution – sans réponse – sans échappée possible…

 

 

L’infini – aussi courbe que notre silhouette penchée ; même le mensonge est épousé – du sur-mesure absolument parfait…

Des rêves – des signes – le temps des larmes – ce que l’on privilégie – malgré nous…

Aux yeux-soleil – aux yeux-miroir – nous implorons le dévoilement du langage crypté – plus de rires que de discours – moins de drames et l’abolition du sacrifice ; le seul geste nécessaire – en vérité…

Ce que la lumière dicte à l’âme – en secret – à notre insu…

 

 

Retranché – en dessous du soleil – comme ces êtres souterrains qu peuplent les sous-sols de la vérité – qui cherchent à tâtons dans l’obscurité – qui errent pendant des siècles – qui parcourent d’étranges quartiers – et qui réussissent, parfois, à rejoindre quelques rives prometteuses ou à se retrouver, un jour, sans crier gare – en un clin d’œil – aux portes de l’immensité après avoir franchi, un à un, tous les seuils nécessaires…

Dans le geste et l’attention silencieuse…

Le vide qui (enfin) se touche – qui (enfin) s’éprouve – qui (enfin) se vit…

Ce qui – en nous – se dévoile – se dénoue ; et ce qui est emporté par les eaux sales comme du gravier gris…

Et, aujourd’hui, sur une stèle de neige – les deux pieds au centre du cercle – au centre de l’étendue – face au monde – les yeux posés sur l’infini…

 

 

A l’origine du monde – le père et la mère des Dieux – peut-être – ou bien la matrice (invisible) chargée de tous les enfantements…

Sans péché – dans un élan spontané – totalement irréfléchi – par goût du jeu et de l’invention – sans jamais songer à l’avenir – aux inévitables (et, parfois, lourdes) conséquences…

La puissance créatrice – un souffle phénoménal – comme la respiration longue et profonde d’un colosse – jetant sa chair – son cœur – son œil – aussi loin que possible – en exil pour (très) longtemps – s’éparpillant en multitude – obéissant parfaitement aux forces centrifuges – allant jusqu’aux plus lointaines périphéries – seul(e) et égaré(e) – passablement démuni(e) – et voué(e), inéluctablement, à retrouver la source – à remonter jusqu’à l’origine…

Nos efforts – nos tentatives – à tous…

 

 

Le temps à la manœuvre – l’oubli des rituels – la terre rubescente qui, peu à peu, se gorge de la substance des vivants…

Ce à quoi nous obéissons (tous) depuis des siècles – depuis des millénaires…

Le monde bruyant – plongé dans un immense tapage qui ressemble, à s’y méprendre, à une forme d’indifférence silencieuse…

Des jours (pourtant) au verdict implacable…

Une rupture atroce – radicale – inaugurale – puis, des alliances sans véritable compréhension – sans véritable réconciliation ; des pactes et de tristes compromissions…

L’être – et, à travers lui, les têtes et les choses corrompues par les usages – l’impossible probité – main dans la main – tel qu’on nous voit (apparemment) et dont chacune dissimule un poignard – une peu de poudre – toutes les armes nécessaires pour se défendre – lutter – s’approprier – conquérir – ce que l’on devine (bien sûr) en regardant les jeux terribles (et abominables) du monde…

 

*

 

Ce qui nous somme d’obéir à la nuit – aux injonctions de l’esprit endormi – et, parfois, d’échapper à l’abîme…

Le vent – au centre du visage – à l’intérieur – comme un souffle naturel – sauvage…

L’enfance à la fenêtre et le monde en ruines…

Ce qui flotte dans l’œil – l’infâme parfum des éventrations – comme un vertige…

Tous les angles abandonnés à la poussière…

Des restes de voyage – à nous obstiner dans le même labyrinthe – à piétiner au fond de la même impasse…

 

 

Agenouillé(s) devant le Dieu des pierres – la tête sur le sol parmi les feuilles et les racines – l’homme et l’humus – et toutes nos prières tournées vers la même direction – cette infime partie du ciel fantasmée – onirique – irréelle peut-être…

Le parfum de notre présence – la terre animale – un œil sur l’immensité et l’autre encore plongé dans les abîmes terrestres – cette existence de fange – de désirs – de possibilités ; comme un vague espoir peut-être…

 

 

Sur cette embarcation qui nous berce – qui nous leurre…

Sur ces flots inconnus…

Sur cette étendue particulière – l’immensité – l’infini peut-être…

Dans notre déguisement – ces vêtements trop larges – prêtés par Dieu sait qui…

Sous le soleil – dans la nuit – notre tête et nos entrailles…

A rêver de ponts et de débarcadères – de rives et d’enfance hospitalières – de terres de joie et d’existences guérissables – propices à l’étreinte et à l’intimité – comme si nous devinions le sort promis à tous ; le monde – des mondes – parallèles à celui – trop triste – où nous vivons…

L’âme lacunaire et la perception déficiente – cette abrupte réalité avant l’aube…

La légèreté – l’évanescence sans mémoire – le surgissement intense et perpétuel de ce qui, sans cesse, recommence…

Et toutes les déflagrations qu’il nous faudra vivre pour qu’émerge le jour – cette lumière identitaire qui nous somme, à chaque instant, de la rejoindre – de la redécouvrir…

 

 

Encore accroché(s) aux griffes du temps – comme à un monstre nourricier – la figure ambivalente de la nécessité dévoreuse…

Au fil des saisons – le ciel changeant…

De la clarté promise – rien (ou à peu près)…

Quelques failles – des fragilités – d’infimes vibrations – peut-être – dans l’épaisseur – dans l’opacité sombre…

A tire-d’aile vers un autre voyage – un autre séjour ailleurs – aussi habilement que possible…

 

 

Au cœur de l’espace – les rêves (presque aériens) des hommes – l’air intranquille face aux vents qui soulèvent – qui déportent – qui nous mènent, d’une manière maladroite, vers d’autres terres…

Et nous – où que nous soyons – qui que nous soyons – inlassablement penché(s) sur notre tâche – une besogne (le plus souvent) sans intérêt – sans (véritable) récompense – une forme de consolation plutôt – ce qui nous est nécessaire pour nous sentir capable(s) d’échapper aux malheurs – au défilé perpétuel des jours tristes et gris…

Puis, un jour, on quitte – sans même s’en rendre compte – le territoire du temps ; une évasion discrète qui ouvre, au-dedans, un espace immense – insoupçonné – insoupçonnable – la terre et le ciel réunis qui s’effacent – le cœur battant – le cœur invulnérable – éternel…

 

 

Au-dedans de l’homme – l’espoir et la blancheur – une île minuscule au milieu des eaux – un reste d’innocence…

Le vide – le vent – l’origine ; et la matière changeante – mouvante – passablement inquiète d’être livrée au souffle – à l’espace – au temps…

 

 

Sous notre flanc – les vestiges de la source – un peu de lumière au cœur de la chair – au cœur du châtiment…

Vivant – comme une fleur en exil – cachée sous la neige…

 

*

 

La danse grave (et lourde) des peines et l’air léger des hauteurs…

Cette étrange asymétrie – en nous – entre le haut et le bas ; et la même inégalité entre le proche (le plus intime) et le lointain…

Quelque chose entre la pesanteur et l’étoile…

Ce que l’on porte (tous) – nous autres – les vivants de ce monde…

 

 

A tant creuser qu’il ne reste plus rien – même le désespoir (autrefois si proche) s’est effondré avec le reste – l’espérance – la moindre perspective…

Demeure l’instant – à présent – dont on peut sentir l’incroyable vérité – l’épaisseur et la vibrante intensité ; la seule consistance possible née de l’alignement des cercles – à l’exacte intersection du regard et de la sensibilité…

 

 

Notre existence – les yeux ouverts…

Un reliquat de lumière oublié – ainsi commence-t-on à vivre (en général)…

Notre naissance – comme un cri et un soudain oubli de l’essentiel – les poings liés dans un monde peu charitable – et l’existence se poursuit ainsi – (le plus souvent) cahin-caha – sur cette pente (assez) douloureuse…

Au centre de cette étendue d’air et de feu – la tête baissée – les yeux tournés vers le ciel – le pas lourd – les idées futiles – l’âme noire et le visage taciturne – nos existences tristes et frivoles…

Dans un coin sombre – les souvenirs – tous les souvenirs – les rêves et le temps – et l’envie persistante d’une autre vie – plus douce – plus grande – plus réelle – une rive – des monts – des mers – un monde où il ferait bon vivre – à l’abri de la folie ambiante – des manques – des excès et des consolations – qui délimitent nos frontières – nos horizons – et la ligne de démarcation, peut-être, entre les fous et les sages…

Et nous – bien sûr – encore indécis – qui doutons de tous les chemins – qui traînons les pieds – qui hésitons à chaque carrefour – comme si la rupture avait été – initialement – définitivement – consommée…

 

 

Au cœur de la parenthèse – l’essentiel inversé – la lumière qui échappe au rêve – à l’ambition – au désir…

La folie univoque des foules – gesticulantes – endiablées – inutiles – hissant sur leurs mâts de cocagne mille emblèmes pour soutenir – et célébrer – l’hérésie collective – toutes les insanités du monde…

 

 

Le cœur pincé – honteux du refus – l’impossibilité – de notre vraie couleur…

La nuit – la douleur – les secrets – et ces larmes intarissables face au temps perdu – aux heures mensongères – comme une brûlure sur la peau – de l’acide jeté au fond de la plaie – la matière – vive – écarlate – presque entièrement rongée – un pitoyable lambeau de chair…

L’esprit que l’on doit anesthésier tant le réel – la souffrance – sont insupportables…

Ainsi commence – parfois – la nécessité du sommeil ; et ainsi – très souvent – se poursuit le rêve – le règne du masque – l’éclosion de toutes les couleurs que nous inventons pour survivre à nos blessures…

Mille histoires par-dessus le silence et la neige – mille horizons – mille épaisseurs – pourvu que la transparence – cette fragilité – soit ajournée – dissimulée – protégée des assauts du monde…

 

 

Le monde et l’aube – et leurs jeux antagonistes – presque symétriquement inversés…

Et notre voix – entre ces deux rives – intermédiaire, en quelque sorte, entre le silence et la folie – entre notre visage et l’effervescence – cette douleur inépuisable – interminable – que l’extinction du temps ne saurait faire disparaître…

Ontologiquement atteint(s) – blessé(s) – (presque) entièrement voué(s) aux failles – à la faiblesse – à l’incomplétude – (presque) entièrement programmé(s) pour emprunter un quelconque chemin de guérison…

 

*

 

Le monde meurtri – le temps des morts – le cœur sensible – l’esprit entre l’aube et l’enfer – comme s’il ne pouvait choisir – comme s’il fallait qu’il se positionne à l’intersection des deux cercles pour que nous puissions éprouver – et honorer – notre figure humaine…

L’âme – (sans doute) encore trop embarrassée – dans l’immaturité de l’Amour…

La vie parfaite ainsi – silencieuse – mortelle – sans réponse…

 

 

La chair trop délicate pour la vie terrestre…

La psyché enivrée pour supporter la charge – la douleur – les affronts – la violence des batailles…

Un immense chaos ; rien qu’une petite danse – en vérité…

La blancheur des visages – des vies exsangues – face au miroir – face au néant…

Et les eaux rouges – toutes les substances – la matière souillée – qui déferlent – en cascades – sur le monde…

 

 

Notre chagrin – à peine un murmure…

Parmi les fleurs – nos adieux…

Une vie de désirs – sans prière…

Une vie souterraine – sans profondeur…

Une vie de tournis et d’apparat – le règne des masques – du déguisement – de l’effervescence ; le défilé des apparences…

La tête des hommes gorgée de croyances – d’illusions – de mensonges…

Des histoires – des légendes – la même trame – à peu près toujours les mêmes ressorts – la même malédiction…

 

 

De hautes flammes et le chant (presque) imperceptible des vivants…

Un voyage sans intention – sans destination – précises…

La longue course pour s’éloigner de l’angoisse…

Avant nous – la vérité…

Après – l’Absolu peut-être…

Et au cours de la traversée ; rien de particulier ; quelques remous – quelques tourments…

Le jeu des pas et de la source…

Et entre nous – cette distance et ce rapprochement – comme un ressac permanent…

 

 

Seul – face au soleil – comme un vertige…

Le Divin – au bout de nos doigts parfois agiles – parfois maladroits…

A essayer (bêtement) de compter les jours qu’il (nous) reste…

Aussi obstiné(s) qu’ignorant(s) – aussi fragile(s) qu’affamé(s) – ainsi est-on né – et ainsi vit-on – les yeux fermés sur l’invisible qui nous porte – sur l’espace et la lumière que nous abritons…

Fier(s) et revigoré(s) par la puissance de nos espoirs – comme un moteur – un leurre commun…

 

 

Une vie – un nom – nés des cendres et d’un chant mystérieux…

Nous – si vigoureux – si entreprenant(s) – en rêve – en plein sommeil…

 

 

Les yeux – face au tumulte – la vie et la mort – ce qui nous constitue – au-dedans – à la périphérie – ce tégument d’effervescence qui protège la quiétude – le silence – l’essence – au centre – le noyau si rarement rejoint par les vivants…

 

 

Dieu qui s’invente, à travers nous, de nouvelles folies ; cette danse – ces ailes – au cœur des ténèbres – les parois de nos abris et nos mains souillées de sang…

La poussière et la cendre – après les ouragans – les incendies…

Le déchaînement des âmes et des éléments…

L’incapacité humaine à survivre au-delà des contours – au-delà du territoire autorisé – au-delà du périmètre décidé par les Dieux…

La matière lacérée par les vents – happée, comme la psyché, par le vide – tous les abîmes – réels et inventés…

L’éternité récurrente de notre visage – de l’espace – de tous les interdits…

Et la probabilité (infime) d’un franchissement…

 

*

 

L’existence humble et engagée – gouvernée par l’élan naturel qui puise sa force dans le silence et l’attention…

Le regard et la flèche…

Et cette poitrine – sensible – qui se gonfle – qui suffoque – qui se contracte – à la moindre émotion – fidèle aux mouvements de l’âme – aux étreintes et aux reniements…

Le corps animé et pensant…

La matière comme prolongement de l’esprit – comme support de la psyché – de la pensée…

Le cercle et la boucle…

Et nous autres – qui tentons de donner vie à toutes ces alliances infrangibles – irréfragables – hautement souveraines – malgré leur invisibilité…

 

 

Des ombres accompagnatrices – dans la course…

Des soleils – la nudité de l’âme – l’attention indispensable pour que le cœur puisse obéir aux impératifs du jour – aux injonctions du monde…

Ni règle – ni loi – et moins encore de principe (bien sûr)…

Ce qui s’impose – ce qui insiste – ce qui s’attarde – ce qui nous tient – ce qui nous somme…

Le geste – le pas et la parole…

Ni choix – ni alternative – à la manière d’un ordre – d’une (irrésistible) nécessité – comme une flèche décochée à travers nous…

Une pente – une marche – des éboulis – ce que nous ignorons ; tous nos actes – parfois avec fracas – toujours magnifiquement…

Le cœur vivant – le cœur entaillé – le cœur joyeux ; très humain – en somme…

 

 

L’hiver et la route – la saison de l’enfance – notre éternel vagabondage…

Le mystère qui, peu à peu, se dévoile – la peur et l’ignorance qui, peu à peu, se transforment en non-savoir et en confiance…

L’évidence du Divin – malgré les bêtes – malgré les hommes – malgré la nuit et la mort – de plus en plus tangible…

L’âme – toutes les âmes – qui cherchent leur chemin au milieu du monde – au milieu du silence – au cœur de la solitude et de l’absence…

 

 

Seul et solitaire ; fidèle à cette étrange manière d’être vivant – discret – en retrait – habitant les interstices du monde – aussi éloigné des hommes que possible – se forgeant, peu à peu, une réelle (et profonde) humanité (très différente des représentations et des poncifs que véhiculent les foules – – et presque opposée, à certains égards)…

 

 

Poussé vers l’horizon…

La feuille libre – toutes nos habitudes…

A piétiner – à étouffer – sur le sol des Autres – des illusions…

Du vent pour protéger la joie – la hisser hors de nos griffes – de nos paumes féroces…

De l’ombre – encore – comme si le soleil était trop haut – trop loin – toujours hors de portée…

Sous le joug de l’absence – tous nos agissements – absolument irresponsable(s)…

 

 

Nos traits trop juvéniles pour panser les plaies du monde – guérir la chair et l’âme – donner à notre figure ravagée des airs de fête – un peu d’incarnation…

Comme de la pierre qui s’effrite – du sable en guise d’intimité…

Des éloges – des parades – une foule de mensonges – pour (presque) rien…

 

 

Le franchissement du détroit – à l’âge difficile…

Le destin affranchi – l’épreuve surmontée grâce à notre fidélité au monde naturel – l’invisible labeur de la lumière – la chair et l’âme portées l’une par l’autre – jusque dans les plus difficiles conditions du séjour – du voyage…

Nous – encore dans l’enfance endormie – mais porteur(s) d’une confiance (inébranlable) dans les ficelles du grand démiurge…

L’invisible à la manœuvre – et le silence changeant – et parfois déguisé – sur tous nos chemins – sur toutes nos pages blanches…

 

 

Les heures dramatiques du monde abandonné aux âmes indifférentes – aux mains les plus armées – les plus sauvages…

Le cours des choses le plus trivial…

Au cœur de notre civilisation – l’infidélité à l’origine – le dévoiement de la matière et du temps – l’innocence corrompue – ce qui risque de basculer au moindre tressaillement – comme une belle opportunité – un juste retour aux traditions les plus joyeuses…

 

*

 

Vivant ensemble – séparés par des murs – des monstres – des ombres – affleurant à la surface du monde – aux confins du temps mesuré…

Du souffle et de la force – dans notre attente…

Une vie de désirs – de prières – à genoux…

Des jours discrets – sans tapage…

Le soleil à ses heures – autant que la nuit…

(Incroyablement) éphémère – à la lisière de tous les Autres…

 

 

Sans lassitude – le corps quitté – à danser (joyeusement) au-dessus de l’abîme – au milieu du néant – la figure cajolante de la mort à nos côtés – présent(s) – sans réellement savoir si nous penchons du côté du rêve ou du côté de la réalité – la douleur (facilement) contenue – aisément supportable – à gravir en pure perte – pour la (simple) beauté du geste – des parois abruptes et glorieuses – comme une évidence – une sorte d’exercice – une manière d’éprouver les limites du ciel – la qualité de notre état – pour se rendre compte du vide et de l’absence – de la vaine gesticulation des âmes…

Nous – seul(s) – sans nier le monde des formes – attentif(s) à la moindre émotion – obéissant toujours aux injonctions des Dieux et des vents…

Effaçant quelques rires et quelques grimaces qui pourraient corrompre les figures (toutes les figures) du possible et enlaidir (plus encore) le monde…

 

 

Des ombres – de la brume – jusqu’à l’aube…

Les pas qui se laissent guider par les forces de l’invisible…

Le soleil qui frappe le front – l’exacte lumière et l’angle précis – qui réchauffe l’âme engourdie – encore ensommeillée – qui initie le prolongement (inespéré) du plein jour dans le cœur – dans le sang…

La possibilité (enfin) de l’infini – comme la plus belle expression – la plus belle extension – de nous-même(s)…

 

 

Dieu et le néant – dans nos propres ténèbres – des obstacles et des résistances – et tout ce sable qui conforte l’absurde cruauté du monde à la surface…

Des larmes jusqu’à l’aube – des chants psalmodiés par des lèvres tristes…

Notre cœur frappé par toutes les famines – toutes les infamies…

Les coups du sort et les âmes sapées dans leurs fondations – tremblantes – croulant sous un (trop) lourd bagage – le poids du monde – le sang des Autres…

Nos jours – notre vie – notre mort – (absolument) sans remède…

 

 

De la besogne pour (au moins) mille ans – pour franchir les barricades – atteindre les hautes fenêtres dessinées par les Dieux – et se rendre à l’évidence ; il ne sert à rien de quitter le cercle (central) de l’immobilité…

 

 

La conscience claire – malgré les humiliations – les interrogations sans réponse ; la solitude qui a, peu à peu, creusé un espace dans nos profondeurs…

L’esprit de plus en plus silencieux – la sensibilité de plus en plus vive…

Humain – peut-être – au nom de tout un peuple – dépossédé – encore trop sauvage…

Et le verbe nécessaire à la rencontre – véhiculé – humblement offert…

 

 

Du cri au cœur délaissé – notre préférence pour la douleur accueillie et assumée…

Ni plainte – ni appel – inutiles ; des tremblements plutôt face à la mort – à la cruauté – aux assassinats…

Les yeux grands ouverts face aux dépouilles – aux moribonds – aux meurtriers…

Le réel ardent et rageur – tranchant – et, parfois, hautement mortifère…

Ni drogue – ni anesthésiant – la lame acérée face aux images – aux croyances – aux illusions…

Dieu – en un éclair – puis, le poing qui s’ouvre peu à peu – l’âme de plus en plus libre – jour après jour – le même voyage – ce qui semble pourtant différent selon l’angle – la posture – la perspective – adoptés…

Une route – une étendue ; et toutes nos chaînes qui se brisent – une à une…

 

*

 

Les morts – quittant, peu à peu, nos vies – sortis de nos existences par effraction (si l’on peut dire) – sans crier gare – s’échappant en quelques secondes – et retrouvant, en quelques jours, l’enfance – les rêves bleus que nous faisions autrefois lorsque nous nous serrions les uns contre les autres – la tête aujourd’hui pleine de ces souvenirs embrumés où se mêlent la nostalgie et l’imaginaire – l’haleine imperceptible et la course invisible qui, sans doute, se poursuit – l’âme tremblante et la peau toujours frémissante – peut-être…

 

 

Partie en plein hiver – au cœur de la saison silencieuse – rejoindre – qui sait – un plus grand silence encore ; la parfaite – et, sans doute – heureuse – continuité du voyage sur une autre rive soumise à un temps différent – à des couleurs plus claires – peut-être…

Et – ici – au milieu de l’absence – nos prières et nos gestes quotidiens – ce que nous faisions hier – ce que nous avons toujours fait et ce que nous ferons toujours – et accroché à la poitrine – cet étrange collier de rires et de larmes – quelque chose de très doux – de très léger – d’infiniment tendre – né de la rencontre du ciel et de l’âme ; une forme de blancheur – comme un ruban d’innocence qui entoure – et enveloppe – le cœur et la chair…

Nous – ensemble – malgré ce que l’on croit – malgré ce que l’on pense (en général) – au-delà du monde et des apparences…

 

 

Les jours accomplis – les Dieux – qui nous accompagnent – à travers les fleurs et les oiseaux – l’Amour présent qui s’engage…

Des traces de ciel sur ces terres belles et, si souvent, malheureuses…

Tant de ressemblances entre les vivants et les morts – de quoi interroger nos manquements et nos maladresses…

L’inconnu et l’éternel retour – comme, peut-être, les seules permanences…

 

 

Notre désarroi face à l’imposture fiévreuse du monde…

Le sang – la chair – la souffrance…

Cette longue nuit solitaire malgré les rumeurs et les bruits de fête…

Les rails des années – les quais bondés – sans véritable voyageur…

Le passé (progressivement) décomposé – la joie triste de tous ceux qui vivent sur terre et qui persistent à croire en l’existence de lendemains qui chantent (en l’existence de lendemains plus enchanteurs)…

Et nous – à l’écart – dans cette marge délaissée – sans espoir – sans héritier – très attentif à nos gestes et à notre besogne – à nos pas et à nos pages – à nos paroles consignées dans la solitude – comme les rêves et les étoiles – comme chaque songe et chaque soleil – destinés, peut-être – un jour, à faire office de repère – de borne – de doigt pointé vers l’Absolu ; notre seule espérance – très présomptueuse – bien sûr…

 

 

Dans les fossés de l’histoire – là où naissent les véritables révolutions – discrètes – presque invisibles – infiniment solitaires – intérieures – qui emportent – et soulèvent, avec elles, le monde – les choses et les visages – tous les règnes – toutes les règles et toutes les lois en vigueur…

Une légère inclinaison du regard – les paupières (très) largement ouvertes – le cœur juste derrière les lèvres – juste sous la peau – battant à tout rompre – cherchant un espace – mille autres perspectives que celle que nous lui avons imposée – une sorte d’assise réelle – une envergure – mille frissons – la vérité – l’intensité et la profondeur nécessaires – dans chaque geste – à chaque respiration – dans chaque ligne de notre long (très long) poème…

Notre bouche et tous les horizons embrassés par la lumière ; toutes les choses – accueillies – et aimées – d’une égale façon…

 

*

 

La tête contre le ciel – les pieds en bas – à patauger dans la fange – et l’âme dans la crasse amassée – déposée là, par poignées minuscules, à chaque geste d’inattention…

Guère étonné de faire fuir l’Amour – d’écarter la possibilité du silence ; le visage de Dieu devenu bien trop hideux…

Le destin de l’homme – au cœur du monde – au cœur du vivant – comme un rêve qui tenterait d’affronter la mort à mains nues…

Plus martyr(s) qu’apôtre(s) – il va sans dire…

 

 

Tous les lieux du séjour – envolés – partis en fumée…

La défaite journalière – perpétuelle…

Des chants solitaires et sans espoir…

Et ces hanches endiablées – sans personne – comme une très vieille habitude qui se perpétue, aujourd’hui, sans plaisir – sans la nécessité d’un héritier…

Tant de choses incomprises ou passées sous silence – impartageables – impartagées…

Cette marche vaine – cette existence passée à arpenter – en long et en large – ces rives sans réponse – ces terres tristes peuplées de fantômes et d’illusions…

La route déserte – de plus en plus – à mesure que l’on avance…

Et l’oubli qui se creuse – qui devient central – l’axe essentiel – comme une porte vers la liberté – dont on passe le seuil – sans savoir si l’on en réchappera – sans savoir si l’on restera prisonnier de cette audace un peu folle – si l’on passera le restant de ses jours enchaîné aux souvenirs – plongé dans le gouffre sans fond de la mémoire…

Des larmes pour personne – à présent ; une tristesse comme pour elle-même et compatir, sans doute, à la douleur de ce qui nous habite – de ce qui nous entoure…

Et la joie – ce que nous abritons – étouffant – abandonnés sous des amas d’idées – d’images – de croyances – de demi-vérités ; tous les reliquats d’avant – du monde – dont nous ne parvenons à nous défaire ; un seul geste – un simple baiser – pourtant – suffirait à balayer ce superflu et rendre notre vie (bien) plus légère…

 

 

Le jour frôlé par les tempes obstinées…

Des traces dans la neige – l’invisible – que l’on suit – pas à pas – trop fidèlement sans doute…

Plongé(s) dans un acharnement qui finit par ressembler au sommeil…

Trop peu de doutes et de liberté pour s’effacer – devenir suffisamment vide(s) – demeurer attentif(s) – à l’écart de tout projet – de tout programme – réellement disposé(s) à accueillir le monde et la lumière…

 

 

De l’or – du feu – des fleurs – notre lot de misères et de caresses – quelques forces engrangées pour engager l’âme et l’encre – les pas sur le chemin – les lignes sur la page – la possibilité prometteuse d’une chair et d’un esprit éveillés – bien davantage qu’un vertige…

Un œil qui flotte dans l’air – sans emprise – avec ce qu’il faut d’ombre accrochée à la poupe – dans le sillage de notre dérisoire passage…

 

 

Des ailes blanches nées de notre désir d’envol – cet élan offert par les Dieux…

Libéré(s) des jougs ordinaires…

L’âme bavarde qui s’entortillait autrefois – devenue muette – presque immobile – portée par les courants naturels jusqu’au dernier cercle – le lieu-frontière entre l’air et la terre – entre l’immensité et nos racines terrestres…

Du songe au ciel – un long passage façonné – et rendu possible – par l’effacement et l’oubli…

 

 

Le cœur tremblant – au-dessus des tombes et des vivants – au-dessus des pentes et des gouffres qui encerclent le feu et retardent l’inévitable retour vers la source – ce voyage d’ordinaire si difficile – si souvent douloureux – qui allège nos ombres et notre charge – au cours duquel chaque souffle et chaque goutte de sang sont, peu à peu, remplacés (à notre insu) par la nécessité – le vide et la lumière…

 

*

 

Un silence sans mensonge – sans romance – aussi abrupt que le vide – de la même nature ; la parentèle de l’invisible…

L’ineffable parfaitement décliné – peut-être…

 

 

Obstiné jusqu’au dévoilement des profondeurs – jusqu’à recouvrer sa (pleine) liberté – sans filtre – plongé dans les excès – comme les bêtes – comme les hommes – comme les Dieux – comme tous les ignorants – comme tous ceux qui s’imaginent faibles – fragiles – mortels – et qui devinent qu’il existe, en eux – quelque part, une chose indéfinissable qui échappe au temps et aux assauts du monde – une part affranchie de tous les attributs terrestres – de toutes les caractéristiques que nous connaissons ici-bas…

 

 

Plongé au cœur de l’Amour – comme une fleur dans la terre – vouée à s’épanouir – à laisser la lumière la nourrir – l’éclairer – l’embellir…

 

 

Dieu – reconstitué en argile d’après l’image première – d’un seul souffle – d’un seul trait…

L’univers et l’horizon – la multitude – le dehors et le dedans – façonnés par la même main – d’un seul tenant…

Et toute la poésie du mystère – enlacé avec le reste – dissimulé au cœur du plus intime…

 

 

Là – dans le saisissement des mots – fragile – incroyablement provisoire – à travers la langue – le rêve – la vérité affranchie – comme un chant – le vide déguisé en circonstances…

A travers la fable – le plus bel âge de l’enfance – sans peur – sans larme – armée innocemment pour affronter le monde – pour regarder le jour…

Le plus élémentaire reflet de la lumière…

 

 

Trop de fables et de peurs dans nos vies…

L’absence si bien célébrée ; et chaque jour qui relègue l’enfance au passé – ce qui entrave la marche et obstrue le chemin…

Et l’œil qui se tient près de la source et qui devient, peu à peu (et comme par magie), regard ; la seule possibilité pour échapper à la tristesse – au sort commun…

 

 

A travers la fenêtre – les yeux – ce qui nous traverse – ce qui passe ; la vie – le monde – le temps – tous les contenus possibles – tous les contenus imaginables – mais qui donc s’interroge (réellement) sur le contenant – sur cette énigme du contenant – serait-ce l’espace vivant – l’attention – la présence – la conscience – qui sait ? – qui peut savoir ? – serait-ce cette aire sensible au sein de laquelle tout se déroule – au sein de laquelle tout a lieu – au sein de laquelle tout naît et tout prend fin – serait-ce l’infini perceptif qui accueille les perpétuelles transformations du monde – de la matière – de l’énergie ; la même chose exprimée de différentes façons…

Et nous – qui ne faisons que passer ; et – en nous – ce qui regarde – immobile ; ce que nous avons l’air d’être et ce à quoi nous avons accès…

 

 

Sur l’échafaud du temps – les jambes tremblantes – l’âme inquiète – le destin qui se glisse à travers les gestes et les pas – les circonstances et les rencontres (des plus essentielles aux plus anodines)…

La peur qui vient d’en bas – de la terre – de très loin – le doigt pointé vers le monde – les Autres – l’horizon – l’avenir supposé…

Les yeux qui cherchent un refuge – une île – un point d’appui – un tertre minuscule où l’on pourrait se tenir debout – continuer à vivre comme autrefois – comme toujours peut-être (imaginent les plus naïfs) – dans notre perception si étroite – si limitée…

Un autre monde – un autre trou – un autre chemin – de quoi durer encore un peu – qu’importe ce que l’on trouve pourvu que cela nous aide à ajourner l’angoisse et la nuit – pourvu que cela nous aide à reléguer la mort à un jour lointain…

 

*

 

Vacillant(s) – entre deux mondes – deux perspectives – deux figures – le noir et la poussière…

La lumière (bien sûr) est ailleurs – inhabitée…

 

 

Si épaisse – notre nuit – la porte – ce qui nous sépare…

Le monde comme infortune…

La force de se tourner vers les apparences…

Une réflexion initiée dans l’obscurité (et qui résiste très mal à la lumière – à la moindre clarté)…

Et plus que tout – le même clou – constamment enfoncé dans le doute – cet interstice, entre nos certitudes, devenu, peu à peu, béance ; la chair crucifiée sur le bois et la matière sanglante plantée dans l’invisible – support de ce qui naît – de ce qui passe – de ce qui disparaît…

Avec sur le visage – cette souffrance si familière…

 

 

Parfois – le battement des paupières ; l’œil comme un papillon maladroit – collé à la chair – épuisé après tant d’élans et de tentatives – harassé par ses vols illusoires – à essayer de vivre comme s’il était libre et léger – affranchi de la terre et de la gravité…

 

 

Nous – débris – exténué(s) par le temps – au milieu des odeurs âcres – et nauséeuses – du sang et de la faim…

Et toutes ces ruines – ces tombes – ces dépouilles – qui nous entourent – comme un rappel incessant de la défaite – du provisoire – de la précarité – de la chute inéluctable…

Rien que du noir – du rêve – du vent – des élans – toutes nos vaines (et pitoyables) tentatives ; puis, un jour, le corps qui s’affaisse (à son tour) – la main qui tombe – avec le reste ; la fin, à nouveau, qui arrive – qui se précise – la vie passée – la vie qui passe – la mort encore – après on ne sait pas – après on n’en sait rien – on s’imagine – on échafaude – on essaie de deviner – on invente – seulement – la tête appuyée sur toutes ses croyances ; l’esprit toujours avide – toujours friand – des (pauvres) histoires qu’il se raconte…

 

 

Cette lumière d’autrefois qui affranchissait de la faim – de la soif – qui réchauffait le monde et la poitrine – qui éclairait l’esprit et l’immobilité – a, peu à peu, revêtu le déguisement (funeste) des ténèbres…

De la monotonie – peut-être – à l’extrême précarité…

Les fenêtres condamnées et les âmes labiles…

Le manque et l’indigence jusqu’au dernier souffle – à présent…

 

 

Peu de densité – presque aucune consistance ; l’existence et la psyché des hommes – en état de flottement – comme entre deux eaux – la torpeur les yeux grands ouverts – toutes les forces et le peu d’attention – à la manière d’un désir instinctuel – engagées dans l’élan immédiat – puissant ou fragile – incroyablement changeant et fantasque – passant d’un appétit (ou d’une envie) à l’autre…

Comme des pierres qui dévalent – en rêve – la pente où on les a posées ; un mouvement aveugle – univoque – que rien (presque rien) ne peut arrêter ou détourner sinon, peut-être, une oscillation ou un caprice intérieurs…

Des vies d’écume et de vent – des têtes absentes – des âmes perdues – ce que nous sommes – ce que l’on offre au monde – ce qu’on lègue à ceux qui nous suivent…

Et en matière d’humanité – (à peu près) rien d’autre ; et il serait vain d’espérer davantage…

 

 

Le visage fermé – le cœur glacé – glaçant – la tête ailleurs – le front cadenassé – la peau et les postures bleuies par le froid – l’insensibilité des gestes – la mécanicité des pas – la nuit qui a tout recouvert – de bas en haut – de haut en bas – sans rien épargner – sans rien oublier ; le sommeil – la course et le dédain ; ce qui nous condamne à la fréquentation (perpétuelle) des marges – à l’exil quasi permanent – à vivre loin du monde – loin des hommes – loin des Autres – au plus près de soi – là où le ciel a commencé à s’ouvrir…

 

*

 

Quelques signes encore – des ondes – une fuite – un envol (possible) – notre traversée des terres sauvages – le retour au pays natal…

Au fil des jours – au fil des pas – le même ciel au-dessus des berges changeantes – soumises aux hommes et aux saisons…

Dans les yeux – cet éclat – comme un minuscule soleil – ce qui nous a été octroyé – la main ouverte – sans rien implorer – sans la moindre supplication – franche et naturelle – sans un seul geste mensonger pour attendrir ou apitoyer – belle (si belle) – à vrai dire – dans son authenticité…

Pas une seule parole – mais de la lumière…

La vie et l’Amour inouï…

 

 

Le pas solitaire – la prière pour d’Autres ; des années d’errance et d’incertitude ; mille choses pensées – imaginées – tentées – réalisées – plongés (comme nous le sommes) dans l’ignorance de la destination – du déroulement du voyage – du visage de Dieu ; si nous les connaissions (ou avions même la moindre idée de ce qu’ils sont), il va sans dire que nous resterions immobiles et silencieux – à notre place…

 

 

Ce qui œuvre – à travers nous – quelque chose dont on sent, parfois, le poids et, d’autres fois, la présence joyeuse ; le Divin – en nous – exilé – comme enfermé dans nos (lamentables) gesticulations – dans nos (tristes) tribulations de pantin enchaîné…

Et pour le plus grand malheur de tous – le même verdict depuis des siècles – depuis des millénaires – depuis la naissance du monde – sans doute ; inséparables – indissociables – condamnés à vivre – à essayer de vivre – ensemble – avant d’être capables de se rejoindre de temps en temps – puis, de se séparer – à nouveau – encore et encore – comme à chaque fois – comme pour la première fois – hostiles et étrangers l’un à l’autre – les uns aux autres – comme un jeu que rien – ni le temps – ni la mort – ne peut arrêter…

 

 

Le regard posé au-dessus des remparts – sur l’horizon – cette infranchissable frontière…

Dans notre enclos – à attendre – à peaufiner la décoration – à agrémenter le temps de l’ennui – à occuper les jours – le vide – le silence – pour échapper à l’inévitable face à face…

 

 

Si près de l’enfance – de la haute lucarne qui précéda l’opacification et l’épaississement de nos attributs perceptifs qui nous plongèrent dans la nuit noire et assiégée – hors du cercle des voyages – excluant toute possibilité de retour vers l’origine…

En exil – hors de nous-même(s) – en quelque sorte…

 

 

Agenouillé – la tête contre le sol – au cœur des ruines – des vestiges des civilisations barbares – l’ancien monde (si l’on peut dire) – si vivace encore aujourd’hui – si enclin à se renouveler – à se réinventer – inusable – presque éternel à en juger par la durée de son règne…

Nous-même(s) – entre les murs reconstitués – aussi vieux que l’univers – aussi rusé(s) que ceux qui réussirent à survivre à toutes les fins du monde – à tous les anéantissements…

 

 

L’âme plongée dans l’humus – l’air humide des forêts – sur son lit de feuilles – comme la main qui s’active à sa besogne – dans un rythme égal et quotidien – sans royaume – sans traîne – sans couronne – auréolé de silence et de joie – en pleine solitude – entre le ciel – l’immensité – et la terre – aussi loin des foules que possible – dans les interstices (minuscules) du monde – coincé entre les frontières inventées et les limites humaines – à la lisière des possibles…

Homme – s’il en est – à égale distance entre Dieu et les bêtes…

 

*

 

Dans la naissance du cri – cette vérité – l’innommable – ce qu’aucun langage ne pourrait traduire – le son brut et archaïque des entrailles – la matière souffrante et ce qu’elle exprime – ce qu’elle révèle – ce qu’elle voudrait nous faire entendre (et nous faire comprendre – sans doute) – comme un jaillissement puissant – terrible – comme une déflagration née des tréfonds de la chair…

 

 

La souffrance qui foudroie – comme frappe – et cingle – le vent…

Le bivouac précaire – à peine un camp sommaire – (délibérément) provisoire – quelques nuits tout au plus…

Le chemin des ténèbres et le chemin de la lumière – et nos pas – et notre esprit – qui s’emmêlent – qui courent dans toutes les directions à la fois…

Chaque jour – sa ration de gestes et de nécessités – quelques foulées – quelques lignes – un peu de silence – en attendant l’aube prochaine…

 

 

Tout s’éloigne – à portée de main pourtant – l’esprit comme un sac où s’entassent des bouts du monde – dans lequel on pioche selon ses goûts et sa faim…

Aujourd’hui – le vide a presque entièrement remplacé la besace ; les paumes sont sages – et ouvertes ; rien n’a disparu – rien n’est nécessaire ; avec le reste – le désir et l’appétit s’en sont allés…

 

 

Tous ceux que l’on exploite – que l’on ampute – que l’on assassine – pour notre usage – notre (détestable) agrément…

Un peuple d’inconscients et de meurtriers ; partout – le règne de l’absence…

Les mains aussi rouges que l’âme est triste et noire – les ombres pesantes – comme une enfance inattentive et capricieuse que (presque) tous nos gestes perpétuent…

L’altitude – une simple espérance ; pour l’heure – nous vivons (et c’est peu dire) au ras du sol…

 

 

Inconsolables – nous – les jouets du temps – lorsque arrive la mort…

Tout passe – bien sûr – nous le savons…

Seule demeure l’absence ; le vide – en nous – autour de nous – qui se renforce – qui se perpétue…

Au milieu des larmes – de l’effroi – de l’incompréhension – d’abord – avant que naissent le sourire et la joie – l’acquiescement tranquille à l’évidence…

 

 

Des désirs et des horizons qui se suivent…

Des ambitions et des lieux qui s’imposent…

Des visages – des tas de visages – sur le chemin – des croisements – quelques caresses parfois – jamais de (réelle) rencontre – des mains et des cœurs qui s’attachent – seulement…

Des choses que l’on amasse – des idées et des souvenirs que l’on assemble – (très) laborieusement…

La grande aventure des circonstances – des lieux que l’on aménage – que l’on décore – comme si le séjour allait durer…

Des vies d’ombre et de seuils (presque) jamais franchis – réduites au périmètre autorisé – au territoire que l’on nous a octroyé…

 

 

L’attente d’une aube – entrevue en rêve – réelle – profonde – sans dérobade possible…

A la place de toutes les choses du monde – pour porter aux lèvres un peu de lumière – un peu de joie – goûter l’essence pour la première fois – tout devenir plutôt que cette main tendue dans le vide – inerte – pétrifiée dans sa quête – dans sa (pauvre) mendicité…

Consentir au jour – à la seule issue envisageable – le visage si près du ciel – l’âme debout parmi les fleurs ; à notre place – peut-être – enfin…

 

*

 

Ce qui pourrait nous troubler – nous briser – avant l’éternité…

Qu’il faut donc de souffle et de patience pour savoir attendre…

Au pays de la douleur – le feu – le vent et l’immensité comme seuls appuis…

L’oubli du monde – des hommes – des circonstances…

La plainte portée si haut qu’elle devient notre seul étendard – l’unique chose que nous tenons entre nos mains – devant Dieu – avec, sur les joues, des larmes intarissables…

 

 

Un pas vers l’écart – vers l’intime – le lointain – une manière de marcher et d’habiter le monde…

La clarté devant soi prise pour un soleil – la lumière des Autres…

Sans miroir – la parole offerte…

Comme au cœur du désert – le silence…

Solitaire – sans personne à blâmer – sans territoire à conquérir – l’effacement plutôt – pas même une ambition – une simple perspective – une simple nécessité ; ce qui s’impose – en vérité…

En deçà et au-delà – à réunir – et dont il faudrait retrouver le centre – et construire – inventer – peut-être – l’intersection – un périmètre sans frontière – sans limite – Dieu sans le défi du monde et le monde sans le pari de Dieu ; quelque chose – un regard – un sourire – une tendresse peut-être – que l’on habiterait et que l’on pourrait poser au-dehors et au-dedans – qui serait – qui pourrait être – tout et rien à la fois – sans équivoque – sans arrière-pensée – sans jeu de pouvoir ; une manière de tout réunir – de tout assembler – en désordre – et d’aimer, d’une égale façon, l’harmonie et le chaos…

Ne rien meurtrir – n’outrager personne – aimer et accueillir – sans jamais se limiter aux apparences ; vivre – au-delà des règles – au-delà des lois – toutes les formes – tous les états – toutes les identités ; ne rien empêcher – ne rien interdire – accepter d’être ce qui vient – de servir ce qui s’impose – ainsi, peut-être, serons-nous capable(s), un jour, de devenir ce que nous sommes – réellement…

 

 

Le cœur collé au monde – si tendre sous la mitraille ; le bleu dévoyé par le noir – le rouge – le poids de l’or – l’esprit querelleur des peuples – la bêtise (presque incurable) des foules…

Le ciel nu – au-dessus – silencieux – qui acquiesce au cours (inévitable) des choses – comme la plus efficiente manière d’être présent – en laissant arriver ce qui doit arriver – trop souvent, le seul chemin pour comprendre ce qu’il faut comprendre et transformer l’ignorance et la barbarie en sensibilité et en lumière…

 

 

Le visage affublé d’un rictus inutile – qui s’impose néanmoins comme une résistance – un rejet de la stupidité et de la violence – reflet d’une impuissance mal vécue ; comme à chaque fois – presque à chaque geste – presque à chaque parole – touché en plein cœur par les flèches – toutes les flèches – décochées par le monde – la foule des dominants et des normopathes – sur tous les solitaires – les sans défense – les atypiques – tous ceux qui habitent les marges – qui vivent hors des cercles artificiels inventés pour se croire identique à tous les Autres…

Quel sombre chemin – quel sombre destin…

Le corps – le cœur – l’esprit – déformés par la douleur – contraints de vivre parmi leurs bourreaux – de se soumettre aux puissances d’instrumentalisation – d’irrespect et de destruction – de côtoyer la prétention et la médiocrité – de subir l’ignorance et l’intolérable proximité des hommes – nos pairs apparents alors que notre âme se sent infiniment plus proche des pierres – des arbres – des bêtes – du vent – des rivières et des Dieux…

 

*

 

Dans ce long virage – l’absence – les chutes successives – l’incertitude permanente – les yeux face à l’inconnu…

Dans l’âme – cet élan naturel vers la vérité – la simplicité – la tendresse et la lumière…

L’incompréhension de l’inconscience et de la cruauté…

Les mains sur les yeux – le cœur dur – comme s’il ne fallait rien regarder – comme si le monde était un champ de bataille intransformable et désespérant…

La vie comme une illusion – un orage permanent – quelque chose d’indomptable ; un vent froid auquel il faudrait se soumettre…

 

 

Rien ne sert d’explorer l’écume ; il n’y a que dans les profondeurs que se vivent les véritables aventures ; et ce qui, en nous, éclot – et grandit – sans même que nous nous en apercevions…

 

 

Un infime rectangle – une minuscule portion de l’étendue…

Rien d’important – un peu d’Amour – un brin de poésie – quelques couleurs contre l’angoisse – contre la mort et la nuit…

Rien d’important certes – mais ce qui importe – l’essentiel même peut-être car, sans doute, n’avons-nous que cela…

 

 

Un peu de joie contre le chagrin et la mort…

Un peu de lumière contre l’inertie et les tourments…

Et toute notre tendresse arc-boutée contre le ciel noir – sans violence – sans la moindre volonté – présente seulement comme un soleil innocent posé contre la glace – une proximité salvatrice pour le cœur et la chair – une manière, peut-être, de faire fondre ce qui n’existe pas (réellement) ; un état – à peine – pour un autre – ni meilleur – ni moins bon – simplement plus confortable pour le vivant…

 

 

Toujours de fausses valédictions – certes honnêtes et émues – mais si ignorantes encore…

L’opacité et les œillères qui voilent la lumière – la possibilité d’une autre couleur – d’une terre moins triste – moins funeste – moins lointaine…

Ce que nous célébrons de notre vivant – une forme très relative d’Absolu…

Ensemble – dans la solitude – une vague espérance d’éternité…

 

 

Des signes irréels pour compenser l’angoisse et la terre si limitée – comme un monde par-dessus le monde – une autre sphère sur celle qui nous a toujours laissé sans voix – qui nous a toujours paru inintelligible ; une façon (pourtant) d’appréhender ce qui paraît si tangible de la plus abstraite manière ; la preuve, sans doute, d’une connivence entre l’invisible et la matière…

 

 

Dieu – comme un feu sur notre soif – une brûlure sur nos lèvres trop bavardes…

L’âme éclairée – comme le monde et le rêve – leur nature révélée…

Et dans nos mains – le vide par-dessus la poussière…

Et dans nos gestes – l’accord et la voix – ce qui danse à l’air libre…

Peu à peu – l’infini et l’intimité – ensemble – merveilleusement vivants…

 

 

A l’origine du monde – la gravité des étoiles ; le vide tombé de lui-même – ne sachant comment se rejoindre – et nous déléguant – nous abandonnant (un peu lâchement) cette tâche sans tenir compte de nos faiblesses – de nos inaptitudes – de nos limitations…

Et cette longue route – et cet interminable voyage – comme une besogne sans fin que, chaque jour, il (nous) faut reprendre…

 

*

 

Rien pour éviter la chute – l’effondrement…

Doit tomber ce qui, un jour, a été érigé…

Doit s’éparpiller ce qui, un jour, a été assemblé…

L’usure – le vent – la gravité…

Et jamais trop de lumière à nos fenêtres…

Et jamais le cœur trop sensible…

Et tout ce que nous devons brûler pour accéder à un autre monde – à une autre perspective…

 

 

Des oiseaux plein la tête – sous la voûte…

Des chants qui égayent la vie sur les pierres noires…

Rien que des cendres et des rêves avant que le doigt ne désigne l’œuvre du feu – la besogne nécessaire à l’émergence de la joie…

Ni plainte – ni recommandation…

Le jour – en un seul mot…

Dieu et notre présence – identiques de la naissance à la mort – durant cette (quasi) parenthèse du temps ; à peine – un voyage – bien plus sédentaire que nomade ; une sorte de séjour – le plus souvent – sans miracle – entre la douleur et le sommeil…

 

 

En ce monde – l’aube inutile – perçue comme un empêchement – une pauvreté – quelque chose de trop aérien – de trop peu réel – pour ce monde qui encense (presque exclusivement) le rêve et la terre…

La nuit – toujours – au détriment de la lumière…

Nous – dans l’ombre – sous un soleil très lointain – étranger – sans regret tant les songes nous accaparent – tant les malheurs du monde nous indifférent – tout entier(s) occupé(s) à notre tâche – à nos soucis – à nos gesticulations…

L’impossibilité du miracle inscrite dans la semence et le sang – l’esprit trop lacunaire – trop (beaucoup trop) de psyché – d’embarras et de tourments – si insensible(s) encore – et toutes ces frayeurs dont nul ne sait que faire…

Des existences bien trop terrestres pour espérer une humanité aux yeux ouverts…

 

 

Lieu sans fin – comme ce voyage – cette fuite – ce retour inéluctable vers la lumière ; la suite permanente du dernier jour – mille déchirures à recoudre – mille plaies à soigner – mille brûlures à panser…

Mille gestes – mille choses à faire – pour réparer ce que nous avons patiemment dévasté ; frotter les taches – apaiser les cœurs – consoler les âmes – guérir les corps – apprivoiser les tourments et les malheurs ; chaque jour – remettre sa besogne sur le métier – apprendre à voir – à rire – à vivre – à remplacer la peur par un peu de joie ; se rapprocher, peu à peu, de cet Amour grandiose…

En deçà et au-delà (bien en deçà et bien au-delà) des convenances – la tendresse et la fraternité que nous n’avons – pour l’heure – connues qu’en espérance…

 

 

Un matin de joie – au bord de la source – près des pierres baignées par l’eau de la rivière – les pieds plongés dans le courant – le front à l’air libre – et l’âme, au-dedans, tremblante – frémissante…

La parole naissante – à l’ombre des feuillages – qui se dépose sur la page – comme un peu de craie sur la roche ; le jaillissement tranquille des mots – jamais de souvenirs – jamais d’inventions – ou alors involontaires – dictés par je ne sais quel visage du silence – un peu nostalgique peut-être – un peu trop ambitieux sans doute – rien que des choses glanées dans le sillon imperturbable des jours – du temps qui passe – de l’expérience intimement vécue – hors des griffes du monde – et qui savent échapper à l’avidité des créatures ; un peu de lumière, parfois déguisée en ombre – jetée presque au hasard par les mains habiles – par les mains précises – d’un ciel ardent – exalté – impassible…

 

*

 

Des cercles – une infinité de cercles – distincts en apparence – identiques dans leur nécessité de frontière – si semblables dans leurs règles et leur contenu…

Et, au-dessus, Dieu qui se moque en riant – tantôt tendrement – tantôt férocement – de tous les encerclés – qui s’amuse à brouiller les pistes et les confins – qui emmêle les périmètres et les voix – qui invite vigoureusement au mélange – à déverrouiller toutes les circonférences – à faciliter toutes les intersections et tous les passages…

Un appel vibrant à la multitude et à la diversité – dès le premier geste – dès le souffle inaugural…

 

 

Sans contour – les ombres – entre elles…

Des larmes à la place des étoiles…

Des jours sans vigueur…

Des crépuscules rougeoyants qui se succèdent sans hasard…

Du sommeil – en quantité – jamais salvateur – jamais revigorant ; chaque matin – comme des couches de torpeur supplémentaires…

La croissance du mal – l’intensification de l’ignorance…

Le soc – le glaive – l’hostilité…

Des territoires – des bêtes – des Autres – éventrés…

Qu’importe la mort pourvu que brillent les couronnes…

Qu’importe le sang et les massacres pourvu que la terre nous appartienne…

Qu’importe les fleurs pourvu que nos poches regorgent d’or et d’argent…

Qu’importe le monde et le ciel pourvu que nous vivions comme des rois – comme des Dieux…

Le vrai visage des hommes (on peut le craindre)…

 

 

Des courbes entre nos mains – des lignes – des pages parfois – le soleil dans ses hauteurs…

Et nous autres – trop honnêtes et trop humbles – pour nous accorder un peu d’altitude – la moindre faveur…

L’âme dans ses fulgurances – le rire et la joie lorsqu’il s’agit de partager le livre et le pain…

L’offrande au monde et l’offrande aux Dieux ; notre seule véritable besogne – ici-bas…

 

 

Ce que ni le monde – ni le temps – ne peut dérober – l’être-vide qui, peu à peu, se retrouve – se reconstitue – en se défaisant de ses voiles – de ses embarras – de ses empêchements – pour recouvrer sa parfaite intégrité et cette (si précieuse) intimité avec les choses – celles que réclament Dieu et l’existence – pour vivre pleinement – sans la moindre distance – sans la moindre réserve – sans la moindre retenue…

Parfaitement présent(s) – totalement affranchi(s)…

 

 

Par poignées entières – ces cris jetés à la face des Autres – la souffrance – l’offense – l’humiliation – séduit(s) – rejeté(s) – malmené(s) par la danse sauvage (et permanente) des alliances et des trahisons…

Les désillusions – l’éradication des croyances – l’effondrement de toutes les certitudes ; nos plus précieux apprentissages…

 

 

L’évidence de la lumière dans les yeux vides et confiants…

Une route – comme toutes les routes – où l’on finit par se perdre ou par se lasser des choses et des visages qui nous accompagnent – sur laquelle on enchaîne les pas de manière mécanique – sans plus savoir pour quoi l’on continue de marcher…

Le monde – comme une pente – une illusion supplémentaire – quelque chose qu’il faudrait creuser jusqu’à l’essence – comme l’existence – comme ce que les hommes appellent Dieu et l’âme – comme ce que nous sommes et ce que nous portons…

La solitude – l’une des seules certitudes – sans doute…

Rien que le désert ; et l’esprit – en soi – qui sonde – qui jauge – qui regarde ; le corps qui goûte – qui souffre – qui jouit ; et le cœur, bien sûr, qui éprouve – qui s’engage – qui s’aventure…

Le regard et la sensibilité qui s’aiguisent et se déploient – les signes – la preuve – que nous existons à la fois comme voyageur et hors de tous les cercles dédiés aux mouvements…

 

*

 

Le cœur, parfois, évidé par le rêve et, d’autres fois, par l’Amour – la place vacante, tantôt par le refus de ce qui est vécu – l’aspiration à l’ailleurs – tantôt pour accueillir (pleinement) ce qui vient…

Deux causes – deux mouvements – une seule direction…

La vie qui passe – en un (si bref) éclair…

Ce qui prépare au ciel et ce qui prépare au sommeil…

 

 

Un peu de fatigue avant la mort – le repos et l’arrachement – moins, sans doute, que la continuité du voyage…

Ce périple sans fin – comme un permanent va-et-vient entre l’origine et son déploiement – ses détours – quelques circonvolutions entre le centre et ses périphéries ; la sempiternelle histoire du rapprochement et de l’éloignement – comme assujetti(s) à un mouvement perpétuel…

 

 

Les aventures de la chair et du nom – de vie en vie – à travers toutes les morts – jusqu’à l’effacement (cyclique et provisoire)…

Identifié(s) à notre façon de nous tenir debout – à notre manière de marcher – de traverser le monde – de faire face aux circonstances…

Seul et sans vanité – conscient de notre inimportance – prêt à devenir ce qui s’imposera – naturellement à l’écoute ; engagé (malgré soi) dans cette perspective où la tête pèse de moins en moins par rapport au reste – une infime parcelle d’espace au cœur de l’immensité…

Notre (seule) aspiration humaine ; l’expérience permanente de l’Absolu ; et son jeu – et notre ressenti – intermittents – entre intensité et absence – entre intimité et indifférence – entre joie et désespérance ; sur le fil – toujours – qui relie tous les extrêmes – dans cette marche – dans cette oscillation perpétuelle ; sans cesse actionné(s) par le monde – les circonstances – l’invisible…

 

 

La tête redressée qui émerge des feuilles – sourire aux lèvres – riche de tous les secrets découverts lors de la fouille…

La vraie couleur du monde derrière les yeux…

Le cœur clair et calme – qui sème, dans son sillage, quelques cailloux…

Sans fièvre – sans appui – sans héritier – libre des pentes – des Autres – des inclinaisons…

Quelque chose – en soi – du franchissement…

Enclin à révéler le trésor dispersé dans l’âme des vivants…

Notre besogne ; quelques tourbillons – à peine – à la surface de l’océan…

 

 

A l’abri des Autres – des assauts – des coups de force – derrière ses remparts – l’âme au cœur de sa fragilité consentie – et assumée – conçue néanmoins pour le voyage et l’aventure – confinée par la crainte du monde – encerclée par les menaces et les dangers – contrainte de défaire ses propres nœuds pour goûter le ciel – la terre – le vent et l’immensité – ce qu’offre la liberté lorsque l’on a compris que le seul piège – et les seuls obstacles – sont ceux que nous avons créés ou inventés au-dedans…

L’horizon vertical après avoir osé passer la tête à l’extérieur – l’espace évidé sous le front – comme réinitialisé par la déconstruction et l’effacement…

La marche dans le sens du courant – à visage découvert – sans personne – sans appui – sans bâton…

 

 

Partout – à travers la lumière – ce qui nous ressemble…

La visite des uns et des autres ; mille rencontres possibles – mille effacements – mille oublis ; ce qui invite à participer à toutes les danses…

La nudité et la transparence – de moins en moins étrangères…

 

*

 

Au milieu des ombres tenaces – pénétré par le vide – à la manière d’un rayon de lumière – comme un jaillissement intérieur ; la preuve d’un soleil doué d’ubiquité…

Ici – au cœur du silence – offert à toutes les faces de l’invisible…

L’oubli des images et de toutes les dilapidations…

Sans guide – sans prétention – comme une feuille sur laquelle tout peut être écrit – donné – repris – raturé – effacé – sans le moindre dommage – sans le moindre regret…

L’annonce de la fin du temps – comme la chute (interminable) d’une pierre dans un abîme sans fond ; l’éviction d’un fardeau – de mille souvenirs – de mille promesses – inutiles…

L’honnêteté absolue de la marche et de la perspective alliée à la rectitude incorruptible de l’âme…

 

 

La chair tendre – les bras accueillants…

Tout contre soi – la flamme et le chemin – le souffle et le ciel – notre pas et notre respiration – la vérité passagère et sans formule – momentanément éprouvée ; le geste et le jour – sans la nécessité du langage…

La quiétude – au milieu du chaos – au cœur du noir – plongé(s) dans la poussière – au ras du sol…

 

 

Un espace sans ascendance – voué à tout déléguer – propice à toutes les extensions – à toutes les expressions – à toutes les explorations – et qui invite toutes les têtes à retrouver leur origine et leur parentèle ; sans doute, la seule (véritable) ambition – sans doute, la seule (véritable) besogne – sans doute, la seule (véritable) finalité – de l’existence et du monde…

 

 

Fleurs et flèches – sous la neige – avant l’effondrement…

Le regard glissé par-dessous la nuit pour dévisager le sommeil des vivants…

A pas comptés – jusqu’à la somme des blessures – jusqu’à la somme des dissimulations – impatient (très impatient – pourtant) de découvrir, derrière l’affreux décor terrestre fabriqué par les hommes, la beauté naturelle du monde – la beauté naturelle des choses…

 

 

Cette voix – portée discrètement – par l’encre noire – comme pour souligner – sur cette terre froide – en ce monde si insensible – la possibilité d’une tendresse – la présence d’un espace moins obscur que le reste…

Le ciel franchi – à genoux – sur le sol – le front baissé – l’âme humble – docile – obéissante – et redressée au-dedans – nu des pieds à la tête ; il n’y a, sans doute, d’autre manière…

 

 

Le feu au fond qui tient notre cœur au chaud ; le lent travail de Dieu et du silence – sur l’âme…

L’abandon progressif des horizons – la somme des pertes qui se précise…

Sous les yeux – l’air brûlant et la brume des jours…

Et notre joie – insoumise – démesurée…

 

 

Tout recule à notre approche ; et tout approche lorsque nous savons nous effacer…

L’esprit assurément affranchi des peines alors que le reste (tout le reste) baigne (plus ou moins profondément) dans les malheurs – la souffrance – les tourments…

Une vie humble – à l’air libre – qui ressemble à un regard sans exigence – au-dessus de la terre – le ciel (en partie) apprivoisé – au cœur des alternances (inévitables) – dans un monde imparfait où se succèdent les éclipses et les fulgurances…

Deux bras qui se tendent vers l’improbable…

L’Amour possible en dépit de l’absence…

Un geste – une tâche – sans doute, aussi vains que tous les autres…

 

 

A travers la houle – la colère ; à travers la clarté – un feu – pour résister à l’indifférence du monde…

Notre singularité – comme un cri inentendu pour essayer de lutter contre le règne magistral de l’interchangeabilité…

 

*

 

Ce qui nous tend la main – comme un ciel précisément déployé – ce que dissimulent (si souvent) tous les assemblages – ce que l’on délaisse (en général) – ce à quoi l’on ne prête guère attention – comme un air d’ailleurs – un parfum inconnu – qui nous inquiètent – qui nous effrayent – que l’on préfère ignorer…

Nos yeux qui regardent – capables de regarder – seulement après le seuil de l’angoisse – de la paresse – de l’épuisement – franchi…

 

 

La présence et le geste – la seule chose à faire– la seule œuvre à réaliser – en ce (bas) monde…

Devenir cette étendue animée qui sait se faire présente – en toutes circonstances – qui sait nous étreindre et nous embrasser – sans jamais nous retenir prisonnier(s)…

 

 

L’horizon – comme en suspens – dans le regard immobile – la vie qui grouille sur le sol – en nous – sous les pierres ; la lumière blanche – le jour lisse – légèrement favorable – l’âme sans ses vêtures d’usage – aussi dénudée que la neige et l’enfance – à la merci du silence – à la merci des imbéciles et de tous les affamés du monde…

Qu’ils se nourrissent donc de notre joie – tous ceux qui ignorent – tous ceux qui ont faim…

 

 

L’oreille – le plus près possible de l’écoute – les yeux, du regard et l’esprit, du silence – suffisamment nu(s) et effacé(s) – suffisamment attentif(s) – pour savoir se faire présence – le feu lové au creux de notre main en attente…

Au cœur du seul foyer possible – en ce monde fantomatique – sur ce sol froid – sur cette terre gorgée de sang – saturée de peines et de querelles ; la tête qui dépasse – à peine – d’un immense champ de fleurs et d’ossements – comme une île dérisoire entourée d’un vaste océan de larmes et d’espérance ; une vague protubérance – un peu de bruit – dans le vacarme et le néant…

 

 

Au fond du vide – au fond du monde – le même feu éternel – cette ardeur consubstantielle à l’origine…

La course des astres – la transformation des formes – au cœur de l’espace – précipités les uns contre les autres – éparpillés aux quatre coins de l’étendue – si impatients de retrouver le souffle premier – le geste inaugural – la matrice enfantante…

 

 

L’esprit accordé au vivant – dans le cadre du voyage – cette longue marche sur les routes – l’âme mille fois traversée par sa parentèle – ce qui la fit naître – autant que la matière…

A petits pas – nous rejoignons ce lieu qui nous creuse – qui nous agrandit – qui nous transforme, peu à peu, en canal ouvert – en outil de plus en plus conséquent et nécessaire…

Comme la parfaite extension de la conscience…

 

 

De territoire en territoire – aussi longtemps qu’on nous laissera vivant(s)…

Entre nous – le vide – l’invisible – ce qui nous entoure et ce que nous sommes aussi…

 

 

Diantre ! Que nous aimons la forêt désertée par les hommes – la belle solitude auprès de nos frères qui peuplent ce territoire – ses profondeurs – à écorce – à plumes – à poils – à carapace – qui participent, malgré eux, à la danse naturelle du monde – un peu cruelle – un peu sauvage – inévitable en ces contrées…

Et notre œil au cœur de la multitude – inconsolable – comme le reste du monde – en secret peut-être…

 

 

Au-dessus du blanc – l’immensité ; et la crispation en dessous – le rouge écarlate des visages rageurs et du sang qui coule à flots sur le sol peuplé de tombes – gorgé de vermines et de chair putréfiée ; des dents et des mains terrifiantes – des esprits avides – des ventres affamés – des amas de morts, de vivres et d’excréments…

Ici – plongé(s) au cœur du plus vieux jeu du monde – au-dehors comme au-dedans…

 

*

 

Coincé(s) au cœur du délire inventé par d’Autres – témoin(s) d’un spectacle – de mille spectacles – dans lesquels nous nous voyons jouer avec entrain – avec ferveur – avec conviction – comme s’il y avait là un enjeu vital – incompréhensible – (totalement) indéchiffrable – et un passage secret – mille passages secrets peut-être – vers ce que certains appellent, parfois, la vraie vie

De bout en bout – à travers toutes les failles de l’histoire – une longue série de possibles – d’inventions – d’accès à l’au-delà de la fable…

 

 

Au centre des cercles concentriques – momentanément éparpillés – pour ajouter au vide un peu de consistance et de confusion dans les esprits…

Rien de saisissable ; ni le rêve – ni le réel – presque les mêmes mythes – à quelques tourbillons près…

La vacuité – comme agitée et bouillonnante – débordant d’elle-même…

 

 

Un pas de côté pour s’affranchir des traces terrestres (inévitables) – si minuscules – si dérisoires – comparées à l’empreinte gigantesque des Dieux sur la terre…

D’incessants combats quelles que soient la nature et la dimension des existences et des visages…

Un peu de silence dans une parole dans un silence…

L’infini ainsi mis en abyme – partagé entre l’espace vivant et le langage poétique…

Indemne(s) à chaque transformation – à chaque étape du voyage – de l’invention – de la création fictionnelle – intensément théâtrale…

Des parures – de simples parures ; quelques masques et quelques déguisements…

Un spectacle – un périple – sans acteur – sans spectateur – sans danger (véritable) – sans nécessité de réussite ou de conquête – sans autre enjeu que lui-même (absolument dérisoire et sans conséquence) – où rien n’est engrangé – où rien n’est perdu (où rien ne peut être engrangé – où rien ne peut être perdu) ; de simples formes changeantes qui habillent provisoirement notre nudité originelle – et un dialogue permanent entre nous – malgré le règne et l’indiscutable souveraineté du silence…

Un peu de nuit dans le jour – un peu de jour dans la nuit ; le jeu permanent du mélange et de l’incertitude sur fond de lumière ou de néant – qui peut (réellement) savoir…

 

15 septembre 2021

Carnet n°266 Au jour le jour

Janvier 2021

Nous – ici – comme d’autres – ailleurs – si proches – si différents – pareils à cet air brassé – à ces moments immobiles et mouvementés…

La vie – comme une pente étrange sur laquelle on s’attarde (tous) un peu…

 

 

Nous – au cœur des méandres du monde et du langage – un peu au-dessus parfois – comme un oiseau qui surplombe les eaux d’un fleuve – et qui y plonge, de temps à autre, pour se nourrir…

Nous reposant – en appui sur les choses posées sur la pierre – dans un interstice naturel – éloigné (suffisamment éloigné) des foules – des rumeurs – des bavardages – de tous les bruits humains…

Debout – vivant – en ces lieux délaissés où les vents – les bêtes et les solitaires – peuvent exister – se retrouver – sans crainte – participer à un monde (totalement) étranger aux hommes…

 

 

Sur notre terre natale – propice à l’entente…

Des âmes attentives – affranchies du temps et de la faim – libérées des conventions et des espaces civilisés – sans étendard – sans messager – l’oreille délicate à l’écoute de l’invisible – capable d’entendre, derrière le brouhaha du monde, la danse des Dieux et le chant discret des étoiles – la ronde silencieuse de toutes les figures célestes…

L’Amour capable – bien sûr – de percer les secrets du monde et de faire naître la tendresse qui se dissimule derrière l’ignorance et la férocité…

Comme une faille – dans notre attente immobile et désespérée…

Avec – soudain – l’irruption de la lumière (et de l’espérance aussi peut-être) – dans la nuit et le néant – dans la sauvagerie et l’inconscience viscérales des vivants…

 

*

 

Nouveau-né de l’instant – à jamais – comme le premier regard – le premier jaillissement…

Une faille dans le ciel et l’éternité – un interstice au fond duquel peuvent naître le temps et des éclats de matière – des fragments d’espace enroulés sur eux-mêmes – des choses minuscules et fragiles – incroyablement mobiles et provisoires…

Le monde à la fois abandonné à son (propre) destin et relié, de mille manières, à l’origine – à l’étendue silencieuse…

Le versant immuable de la blancheur fragmenté avec violence (et précision) pour donner naissance aux formes nues et évolutives…

La mise au monde dans les cris et l’obscurité – l’étonnement et la douleur ; et, simultanément, le commencement du long voyage vers la matrice – le retour laborieux et labyrinthique à l’Ithaque premier…

 

 

Nous – sous la glace – derrière le miroir – au plus près de la neige – aussi éloigné(s) des Autres que possible – à moitié disparu(s) – enseveli(s) par les reflets du monde et les représentations humaines…

Immobile(s) – entre les cimes et les amas de gravats qui s’accumulent – entre le sommeil et le rêve de tous nos congénères – comme paralysé(s) par la gravité des circonstances et l’inertie de la pensée…

Prisonnier(s) de la bulle et du magma…

A l’abri de rien – l’esprit inquiet et l’existence gesticulante…

De l’air brassé – au même endroit – comme une sorte de surplace affolé et angoissant…

Notre sort commun – l’âme – la tête et les pieds – englués dans les possibles – l’épaisseur et l’abstraction…

 

 

Le secret jamais percé par les signes – mais par le regard – la qualité de l’attention – son acuité – sa profondeur – son envergure ; cette capacité – cette puissance à l’œuvre dans l’extinction de soi…

La vie pleine et magnifiée – dès que l’on parvient à se soustraire…

 

 

Face au ciel – au temps approfondi – comme une halte – un arrêt – dans l’usage du langage ; le silence devenu plus indispensable que la parole – plus approprié, bien sûr, à l’exploration des pans intérieurs – à la recherche des secrets enfouis – du mystère dissimulé dans les profondeurs de l’âme – à même le monde et l’existence…

Le jour – révélé – jusqu’au cœur même de la déchirure…

 

 

A notre portée – dans l’effraction de la tête – à nouveau – l’âme exposée – comme offerte au regard – à la malice des sous-sols…

Le renversement du ciel – au-delà de l’espérance…

Ce qui nous hante – ce qui nous porte…

L’émiettement programmé des débris – leur réduction en poussière – afin de dégager l’espace et le passage – de favoriser la métamorphose – de fragmenter le temps jusqu’à la cassure – jusqu’au suspens…

Le monde à l’arrêt et l’âme immobile – les conditions propices à l’émergence de la lumière ; le jaillissement d’un fanal immense – aussi vaste que la nuit – superposé – exactement – à l’obscurité…

Le goût – et la possibilité – d’une réelle renaissance…

 

*

 

Notre vie – comme une farce inventée par les Dieux – que viennent compléter les visages – les chemins – les rencontres – chaque circonstance – comme un coup de pinceau supplémentaire sur ce que l’on ne distingue jamais clairement – sur ce que l’on devine – sur ce qui se ressent – sans erreur possible…

Notre vie – cette mascarade – une minuscule comédie aux ressorts tragiques – aux accents dérisoires ; comme une danse bruyante de quelques pas sur le fil du temps – au-dessus du silence – au-dessus de l’éternité…

 

 

Ce qui commence avec nous – pas grand-chose – à peu près rien – une histoire insignifiante – sans le moindre intérêt…

Un vague tournoiement de l’air – à peine perceptible – derrière nous…

Et le néant vers lequel nous avançons…

La disparition et l’immensité immobile – perpétuellement…

 

 

Le souffle et les pas enflammés sur la terre…

Tous les murs de paille, peu à peu, incendiés – au fil de notre marche – à mesure de nos avancées…

Pas une dévastation – une délivrance – un gain d’espace – une liberté grandissante…

De moins en moins de peurs et de visages…

De moins en moins d’étalage – de bruits – de fantômes…

L’haleine qui apprend à se faire discrète…

Une silhouette furtive qui passe ; une ombre – à peine…

Qu’importe les paysages et les chemins…

La lumière sous les pas – au bout des jambes – l’âme désemmurée – en plein soleil – et un peu de neige sur le sol – de quoi laisser quelques traces involontaires…

L’épaisseur d’une vie – une mince tranche de rien…

Et le cœur – et le ciel – en joie – pourtant…

 

 

De la roche – des arbres – des visages – comme posés devant le ciel – sur la terre – et dont l’image vient se créer – et se fixer – en arrière des yeux – dans la tête – comme toutes les apparences du monde…

Et nous – dans cette cassure – dans cette jointure – entre le dehors inventé et le dedans supposé…

Déjà – naturellement – ontologiquement – dans l’entre-deux – entre le réel et l’imaginaire – sur cette frontière floue et mal définie – très peu observée et circonscrite…

 

 

Les yeux – le regard – sur un morceau d’espace séparé – relié – proprement habitable pour que puisse émerger – et survivre pendant quelque temps – un peu de matière vivante – un peu de chair animée…

 

 

Le temps fractionné – le présent le plus haut – et le plus tangible sans doute – comme un surcroît de présence et d’attention – un regain de lumière et de sensibilité…

Un supplément (évident) d’acuité – une perception à la fois plus large et plus profonde – et bien plus fine qu’avec les sens habituels – infirmes – comme amputés de l’essentiel…

 

 

Des morceaux d’étoiles assemblés pour reconstituer la route – toutes les routes – et entreprendre le voyage…

Emprunter l’itinéraire dessiné par la terre et le ciel pour rejoindre le jour – l’origine – l’envergure et la densité de l’étendue immuable…

Le fil ininterrompu – horizontal et vertical…

L’essence et le monde – d’un seul tenant…

La trame tissée de l’espace…

Tout au-dedans – emberlificoté – la multitude enchevêtrée au vide ; l’être comme le prolongement naturel de l’âme – la solitude et la joie éprouvées au cœur de la matière – au cœur de l’immensité…

 

*

 

Tous ces chemins – tous ces mondes – nés avant nous – tous ces effondrements et toutes ces fins – que nous aurons connus – et que nous continuons d’emprunter et d’expérimenter – et dont nous poursuivons l’œuvre – et sur lesquels nous continuons d’édifier et de donner naissance – malgré nous…

Immobiles – dans l’air au-dessus de nos têtes…

Dans le jour – disparaissant déjà…

 

 

Dans les mains – le présent – l’invisible – ce que l’on offre à ce qui est devant soi – sur le sol – dans le ciel – au milieu du monde – derrière les masques et les déguisements…

La possibilité d’une présence – au cœur de la matière douée (seulement) de cognition – encore (très largement) empêtrée dans une épaisseur – une opacité – qui rend laborieuse (très laborieuse) l’exploration de la conscience ; les instincts – sans doute – trop profondément enracinés dans la chair…

 

 

D’un enfer à l’autre – d’une étoile à l’autre – d’une terre à l’autre – mille voyages – mille interstices au fond desquels on peut vivre caché…

Dos au mur – yeux au ciel – les saisons qui passent – tantôt sur les pieds – tantôt sur le séant…

Sur le sol – l’étendue et la lumière intermittente…

Le rôle du monde et des circonstances dans nos (maigres) avancées – notre itinéraire labyrinthique…

Et ce qu’il reste à comprendre et à expérimenter – avant de poursuivre sa route…

Le feu et le vent – ce qui guide nos pas jusqu’à la prochaine étape…

 

 

Du ciel dans le fond de l’air – notre front sur la pierre – l’obscurité du contexte – notre visage heurté par le monde – façonné par l’invisible – les horizons involontaires – nos propres limites – peut-être…

 

 

Le vide et le monde – sous nos yeux – main dans la main – exerçant leur alliance dans nos vies – au fond de nos têtes – jusque dans nos moindres gestes – inséparables…

 

 

Nomade des interstices – d’un lieu à l’autre – à l’écart des hommes et des bruits du monde (civilisé) – dans le retrait et la solitude nécessaires au silence et à la contemplation…

Engagé dans l’existence et les gestes quotidiens – essentiels – indispensables – à cette distance favorable à la proximité du cœur…

Des silhouettes lointaines – comme un grand corps animé – pas de visage – pas de face à face – trop grossiers – trop irrespectueux – inscrits systématiquement dans une relation intéressée – conflictuelle – utilitariste…

Jamais l’Amour pour l’Amour – le respect pour le respect – l’attention sans intention – le souci de l’Autre sans attente – l’intime compréhension de la dimension (éminemment) précieuse de chaque être et de chaque chose – sans la volonté d’en tirer parti ou avantage…

Toutes les formes portées par la nature même du monde et la beauté du regard – pleinement présent – tendrement attentif – dégagé de toute exigence et de tout désir d’instrumentalisation – d’aliénation – d’exploitation…

La réification et l’appropriation égotique remplacées par l’innocence et la tendresse…

La présence et le soin – parfaitement gratuits et impersonnels…

Une affection et un dévouement – en actes – absolument désintéressés…

Le vide – l’essentiel et la nécessité…

L’espace dans son œuvre de rassemblement…

Le geste ancillaire – une vie entière de révérence naturelle…

 

*

 

Découvert contre la butée – à l’extrémité du monde – là où la douleur est si forte que la mort est une délivrance – où la liberté consiste à se fondre dans la glace et l’obscurité – la seule issue – sans doute – s’abandonner à la matière et la déposer sur le dernier mur de pierres avant le ciel – avant l’abîme…

Comment pourrait-on décrire ce qui nous attend – les horizons suivants…

La terre – serrée contre soi – avant le plongeon – avant d’être hissé de l’autre côté…

 

 

Le monde – très loin – à peine effleuré autrefois – au temps des tentatives d’intégration – le corps contre celui des Autres – mais l’esprit ailleurs – plus loin – autrement – plus haut peut-être – et cette sensibilité plus aiguë – à travers les yeux – le regard et la peau…

Le monde en souffrance – le monde en nous – identiques…

Le froid des âmes – le sang tourné vers quelques désirs obsédants – insatiables – récurrents…

A peu près tout – tourné – en marche – vers les mêmes horizons – et devant soi – la route vide – libre – dépeuplée – avec un feu immense à l’intérieur et de la douceur dans notre intimité – cette tendresse qui se découvre lorsque les Autres ont disparu [lorsqu’ils se sont éloignés ou nous ont quitté(s)]…

Le cœur en fuite – contre la pierre ; la distance – toutes les distances – comme abolies ; le soleil à la place du front et le vent en guise de respiration…

Nous – devenant, peu à peu, le monde ; et le monde perdant, peu à peu, son nom ; chacun retrouvant le jour – notre réalité…

 

 

Du magma – une masse de matière mouvante – et quelques trous pour les yeux et la respiration ; de quoi vivre et s’orienter dans la mélasse…

Et, de temps à autre, des bouts d’espace – un éparpillement de la lave – cette étrange purée de substance – comme une sorte de dédensification – un peu de souffle – un peu de ciel – du rêve encore bien trop souvent – et, parfois, un élan vers l’envol – vers l’éclosion – une issue vers le franchissement et la liberté ; une manière d’échapper à l’inévitable – à la pesanteur – à l’engluement – à cette insupportable détention…

Le voyage – comme une éclaircie – une extraction – un passage…

Et toutes les manières possibles de se dépêtrer des choses de la terre pour rejoindre le vide…

L’une des voies – et l’autre, très différente – presque opposée ; l’effacement et la fusion avec le contexte et l’environnement ; se fondre dans le monde et la densité – et disparaître…

D’un côté – le rapprochement jusqu’à l’union – et de l’autre – l’éloignement – l’étirement de la séparation jusqu’à la rupture – jusqu’au plein désengagement – jusqu’à l’exil – jusqu’à la parfaite solitude…

Les figures majeures de la révolte – ce qui s’oppose au sommeil – aux désirs communs – à tous les rêves de gloire et d’expansion…

L’humilité – l’effacement et l’infini…

 

*

 

Dans le pas – ce qui brûle – la même flamme qu’au fond du cœur…

Le souffle – dans la poitrine – comme le vent au-dehors – de la même nature ; l’un et l’autre scellés dans la terre – scellés dans le ciel…

Nos gestes – sans autre nom à offrir…

Et cette route que nous allons suivre jusqu’à la fin…

 

 

A peine plus vaste que nous – l’infini ; de la même taille – à (bien) y réfléchir – parfaitement ajustable…

 

 

Près de nous – légèrement en avant – notre voix – aux côtés de notre ombre qui s’allonge dans la lumière du soir…

Bientôt – peut-être – à genoux dans la neige – au seuil de la découverte ; la posture et le contexte – sans doute – les plus favorables à l’accueil – ce que toutes les âmes du monde seront, un jour, amenées à comprendre (et à réaliser)…

 

 

L’horizon au seuil du ciel – à portée de main – le rapprochement et la proximité comme seule perspective possible…

 

 

Le bras qui se tend dans la même direction que les yeux – les yeux qui regardent là où le cœur aimerait se poser – le cœur poussé par quelques forces mystérieuses au-dedans…

L’invisible – partout – jusqu’au bout des doigts…

 

 

Le lent travail du jour sur l’âme – sur la pierre – sur l’air que l’on respire – sur le monde dans lequel on nous oblige à vivre…

Le regard qui vient couronner notre permanent labeur – la besogne des cœurs – complices de la clarté…

Dieu dans l’espace – en notre for intérieur…

 

 

Au-delà de la figure du rêve – le vide et le noir – l’impossibilité d’être – de devenir – d’expliquer…

A travers la faim – l’issue – la possibilité…

Admis au centre de tous les cercles du réel – au cœur de l’espace – dans le prolongement naturel (et inévitable) du périmètre géographique…

Ce qui advient – ce qui se dissipe – sans le moindre gain – sans la moindre perte…

Une présence humble – sans orgueil – sans intention – disposée à tous les rôles – à tous les usages nécessaires – au vide – à la tranquillité ou au déchaînement débridé des circonstances…

Un regard – à travers les yeux – aussi présent dans les gestes que dans la manière d’être ; bien davantage qu’un visage – une tendresse perceptible – avec le monde entier dans l’âme…

 

 

A notre place – ici – ailleurs – dans toutes les marges du monde – au bord de toutes les routes – aux confins de tous les territoires (trop) peuplés – au centre pourvu que l’espace soit habité et que la présence soit (réellement) vivante…

 

 

Quelques paroles – avec un peu de silence sur la langue…

Le monde éclairé par la seule lumière possible – cette clarté du dedans à l’intensité (très) variable…

La discontinuité des états dans le flot (quasi) continu des circonstances – toutes nos réalités – à l’intersection des cercles de l’âme et des choses…

En bordure du temps – là où la durée s’interrompt – là où l’avenir et le passé se résorbent dans la densité de l’instant…

Des échanges et des passages (très nombreux) vers l’inconnu…

Le règne (évident) de l’invisible et la matérialisation (un peu tapageuse) de tous les possibles…

 

*

 

L’étendue qui s’embrase – et l’air embarrassé comme s’il s’agissait d’un accident…

Le couronnement de la blancheur – la disparition des masques de glace – leur lente (et inévitable) liquéfaction…

Le sol regardé à la hauteur du ciel – le ciel comme retourné qui laisse apparaître, derrière le bleu, l’infini et l’éternité – un regard – une manière d’être présent – sans doute – la part la plus secrète de notre identité – celle que les hommes (en général) attribuent aux Dieux – au Divin – à une entité extérieure qu’ils jugent supérieure et sacrée…

L’innocence et la neige redevenant, peu à peu, notre âme – notre visage – notre nature – l’essentiel de notre vie…

Comme libéré(s) de la poussière et du néant – du jour trop lointain et des circonstances…

 

 

A piétiner, parfois, dans le feu – parfois, dans le froid – le cœur et la main entièrement occupés à séparer l’essentiel du superflu – à dégager les yeux des voiles qui les recouvrent – à secouer le réel pour le débarrasser de ses parures – de ses artifices – de nos mythes et de nos mensonges – à battre quelques fragments de vérité, trouvés ici et là, pour essayer de les transformer en or pur – en soleil – la tête enivrée par cet immense vertige métaphysique et identitaire…

Comme l’explosion d’une étoile – la multiplication fiévreuse des univers – le jour et la nuit qui roulent sur eux-mêmes – et que l’on précipite au fond de nos abîmes…

La création des mondes – des terres – des océans – des îles et des rivages – dans l’immensité…

La désagrégation des parois noires et blanches qui encerclaient nos yeux – les âmes – l’esprit…

La prolifération des archipels et des couleurs – les danses joyeuses et frénétiques des formes ; cette effervescence et cette allégresse – incontrôlables – sous notre regard et notre rire – un peu perplexes…

La vie qui se fait – qui se défait – la vie qui joue – qui se regarde faire – se faire et se défaire ; et nous autres – à notre place – toujours, plus ou moins, gauches et malhabiles – obéissant – exécutant – petites mains de la terre et du ciel – frétillant – sautillant – nous éparpillant dans toutes les directions…

 

 

Les yeux grands ouverts sur le monde et les gestes des Autres – comme un acte de résistance – misérable et insuffisant (bien sûr) – l’expression, peut-être, d’une paresse – d’une présence pesante – incapable du moindre mouvement…

Des visages humains en cercle – à leur place – au sein de la communauté – inertes – opaques – et qui s’imaginent (sûrement) lumineux et pénétrés de profondeur et de sagesse…

Comme un peu de mort supplémentaire sur une terre déjà mal en point – déjà moribonde…

 

 

Avec l’inconnu – une amitié (malheureusement) décroissante – en bordure d’un soleil intouchable – sur la crête – un étroit chemin qui serpente entre la roche et les nuages…

Dans le pas – un passage…

A chaque foulée – la même chance…

Ce saut dans l’aire hors du temps – porteuse de quiétude et de félicité…

 

 

Tout entier(s) occupé(s) à dévaler la pente sur laquelle on nous a posé(s) – la tête en avant – cherchant un angle – un passage – et les pieds qui tentent de freiner – de retarder la chute…

Descente triste ou jubilatoire selon la nature de l’âme et des circonstances…

Quelques mots échangés – notre chair que l’on frotte contre toutes celles qui y consentent…

La vie misérable – dérisoire – passagère – le temps de connaître quelques fatigues – un peu d’ennui – l’impossibilité de l’Autre (et, trop souvent, de soi)…

Dieu relégué aux marges – aux derniers instants de la vie – dépassé par la prégnance des désirs pour toutes les choses de la terre – remplacé par notre (pitoyable) besoin de réalisation et d’épanouissement (personnels) ; l’attention (presque) toujours déportée vers la périphérie ; le monde tel qu’il va – sans joie – sans intensité – sans exaltation – sans proximité – trop (beaucoup trop) humain sans doute – trop peu affranchi du joug des signes – des images et des rêves – accumulés depuis le premier jour du voyage…

 

*

 

Sur l’horizon – les mains à l’horizontale – à la conquête du ciel – la longue marche épuisante – l’âme qui tente de se défaire des ombres qui tantôt la suivent – qui tantôt la précèdent – le corps qui déambule le long de cette étroite ligne blanche que l’on imagine (plus ou moins) franchissable…

La nuit – alentour – au-dessus de notre tête – comme séparée par une clôture – une frontière – le souffle et le jour qui guident nos pas – qui orientent notre trajectoire rectiligne – nous rapprochant, peu à peu, du plus lointain – devenant l’air et la terre devant nous – et laissant, derrière nous, un mince sillon dans la poussière…

Et l’œil – interloqué – qui constate (avec surprise) l’immobilité – comme un verdict – une vérité incompréhensible sauf à sortir de soi – à s’extraire du sommeil et de la léthargie – à jeter par-dessus notre épaule nos rêves et nos ambitions (strictement terrestres) – pour voir le monde tel qu’il est – et laisser l’ensemble des possibles et des points de vue se réunir au centre du regard – afin d’observer sans aveuglement – sans angle mort – au-dessus – autour – au-dedans – partout ; au cœur de la perception juste et exhaustive – celle qui sait – celle qui sent – que tout est dans tout et que rien, au fond, n’a vraiment d’importance ; toutes les choses égales – absolument égales – devant le sol – le ciel – l’immobilité et la ronde incessante des visages et des circonstances…

 

 

La terre bouillonnante – comme le sang – brûlante comme le cœur – ce qui tournoie dans le ciel et la poitrine – l’air enflammé devant le regard indifférent des Autres – les yeux et les poings fermés – l’âme retournée – dos au monde…

Sur la route où tout s’achève – où tout, tôt ou tard, vient se perdre et disparaître – dans le jour décroissant…

Ainsi sommes-nous – ainsi tentons-nous d’exister – en cette vie – au milieu des visages…

 

 

Sur la pente jubilatoire de la nécessité – inintentionnellement – instant après instant – l’oubli en tête – le cœur et le geste alignés – l’âme creusée en son centre par la solitude – la joie – le silence – l’antre de l’innocence – en quelque sorte – capable de libérer toutes les possibilités de l’Amour…

Des caresses et des mots tendres – en premier lieu – mais qui jamais n’interdisent le reste – y compris la violence et la monstruosité – le visage du vide autant que celui de la lumière – pourvu que l’élan soit libre – naturel et spontané – et, à ce titre, parfaitement adapté aux circonstances…

Pas l’ombre d’une fracture – pas l’ombre d’une frontière – entre ce morceau d’espace et la vaste étendue…

Ce qu’est l’homme – et ce qu’il ne peut entendre – le plus souvent…

 

 

A demeure – là où l’attention élargit l’esprit et le monde – les rend (presque) réfractaires à la raison – à ce mode de pensée ordinaire et étroit…

Au-delà de l’alliance de l’intuition et du rêve – là où le temps se détache du réel – dans des cercles très proches du chemin – une série d’actes et de sons – un processus d’extériorisation et de matérialisation des univers que l’on porte autant qu’une intériorisation de ce qui nous semblait inconnu et étranger…

A l’intersection de tout – en somme…

Tous les possibles – soudain – désentravés – désenclavés – rendus à la respiration du vivant – aux forces du vent et du vide…

Le rassemblement de tous les territoires – de toutes les dimensions de l’invisible et de la matière – de toutes les combinaisons et de tous les mouvements – au cœur de l’immensité immobile…

Nous – nous retrouvant de manière (parfaitement) exhaustive…

 

*

 

Dans l’air – nu – comme en pleine terre – un feu au fond du cœur – des fenêtres grandes comme des univers – seul (comme il se doit)…

L’invisible sans cesse renaissant – recommençant continuellement sa besogne – comme appuyé sur lui-même – à travers toutes nos expériences – une perspective de plus en plus large et ouverte…

L’horizon comme un seuil – une manière d’être présent là où l’on est…

Une gorgée de ciel pour ingérer – sans manière – sans difficulté – le réel (toujours plus ou moins indigeste)…

Le vide empli de lui-même – nous contemplant – avec un sourire…

 

 

Nos têtes éparpillées – curieuses – à tous les angles de l’infini – dans tous les recoins – dans tous les replis – partout où l’on peut vivre – partout où l’on peut échapper aux Autres – au cœur du feu si l’on pouvait – sur la cime des arbres et des montagnes – seul toujours – promenant notre reflet dans tous les paysages – trait pour trait – notre visage – toujours différencié – jamais le même – malgré l’essence et les ressemblances…

 

 

Nous – dans notre épuisement – dans le ciel et l’épaisseur des choses – libre(s) et prisonnier(s) – hésitant encore – hésitant toujours – entre l’âme et le front – accordant notre ardeur et notre confiance à ce qui s’impose – l’invisible partout présent – dans le cœur et la tête autant qu’ailleurs …

Nous autres – très près du sol – très près du ciel – en tous lieux – sans détermination – aérien(s) et volatile(s) – en somme – diablement surprenant(s) – un peu plus que des hommes (sans doute)…

 

 

La parole percée – fiévreuse…

Le silence lacunaire…

Etranger aux vibrations…

L’esprit replié – frileux – enclavé…

Quelque chose du manque et mille compensations démesurées…

L’âme inerte – le corps et les yeux prisonniers de la pierre noire…

Des prières contre la douleur et la perte…

Du temps et de vaines supplications…

Ici – au milieu de l’immensité – bougeant avec les vagues – vers le haut – vers le bas – secoué – brinquebalé – empêtré dans l’écume – immergé dans les profondeurs – emporté partout par les courants…

Un voyage ininterrompu dans le jour – le temps suspendu – comme effacé…

Dans le sillage du vent – le parcours à l’envers…

L’itinéraire soustractif au milieu des apparences du monde…

 

 

Le cours fluctuant des choses – impérieux – irrépressible – sans volonté – qui épouse parfaitement le relief du territoire – le monde invisible…

Un passage – des passages – autant que l’on souhaite – qui s’inventent, parfois, dans un surcroît de matière – un surplus d’épaisseur – qui déjouent tous les pièges inhérents à la dureté – à la consistance (apparente) – aux privilèges – de ce monde – qui se moquent, avec raison et allégresse, des lois et des impératifs de tous ceux qui gouvernent et dominent…

Ce contre quoi l’inertie – l’absence et les traditions – ne peuvent lutter…

La nudité joyeuse – libérée des états – des choses et des visages – le prolongement indéfini du voyage sur le même fil – ténu – sur la même étendue – au cœur de la matière et du vide qui s’emmêlent – se séparent – se répondent…

Nous – aux prises avec les plus élémentaires résonances de l’être…

 

*

 

Ce que l’on reconnaît parmi la multitude qui s’approche – qui nous frôle – qui nous caresse – qui nous cingle – qui nous pénètre – qui nous traverse – qui nous contamine ; et nous – comme un feu entre quatre murs – un horizon sans fenêtre – au-delà du plus tangible…

Ce qui nous blesse – ce qui nous éreinte et nous fait, parfois, poser un genou à terre…

L’âme qui flanche – sans appui…

La chambre noire – soudain – exposée à la lumière – à tous les vents – et nos pauvres yeux éblouis qui ne peuvent s’ouvrir – comme le cœur – insuffisamment préparés…

Entre la terre et le lointain – cette faille au fond de laquelle nous vivons – au fond de laquelle nous essayons de vivre – depuis le premier jour du monde – peut-être…

 

 

Au-dehors – la pierre grise – au-dedans – flamboyante…

Comme des reflets sombres sur nos ailes blanches…

L’air et le souffle – réunis – de la même nature que le vent – ce qui nous emporte…

Ce long voyage à travers l’étendue – arpentée de long en large – infiniment – indéfiniment – sans autre issue que le pas et le regard posé à la verticale…

La distance et la proximité – la fusion – l’écart et l’unité – réunis – (parfaitement) indissociables…

La présence et la vie dispersée – en éclats – en fragments ; au centre et tous les éparpillements autour – jusqu’aux plus lointaines périphéries : rien que des marges – en réalité – et partout – le recentrage possible (et nécessaire) – l’ancrage au sol – au ciel – notre allégeance – la plus haute fidélité de l’homme à ses origines – et sa seule possibilité aussi – sans doute…

 

 

Le réel – hors de la langue – au cœur du geste – de la présence – notre manière de faire face au monde et aux circonstances ; à supposer que l’Autre et ce dont nous nous sentons séparé(s) existent ; l’être – les choses et les mouvements – d’un seul tenant – simple prolongement de l’étendue et de l’épaisseur…

Les possibilités – toutes nos capacités à l’œuvre…

 

 

Des traces du vertige originel – dans l’âme – joyeuse – exultante – passionnée – qui vit – et s’offre – avec ardeur ; et la quiétude mêlée – ce désengagement vis-à-vis du monde – l’absence absolue d’espérance…

Toutes les choses – tous les états – absolument équivalents…

La vie sans hiérarchie – le simple jeu combinatoire de l’invisible et de la matière…

L’instant comme seule mesure – pas même un repère – une invitation permanente à l’unité – à l’approfondissement simultané de l’engagement et du retrait…

La superposition des modes et des états ; notre seule réalité – protéiforme et unifiée…

L’immobilité dans le mouvement et le mouvement dans l’immobilité ; tous nos visages – en somme…

 

 

Pas à pas – vers la même couleur…

Ce qui continue – ce qui s’interrompt – accueillis d’une manière égale…

Une figure dans les vagues – dans l’écume et les profondeurs – le feu et la glace réunis – dans la même foulée – sur le même chemin…

Et ce que l’on constate – avec discernement…

Notre présence et notre absence – ce qui existe – simultanément…

 

*

 

Partout – le même ciel – son silence et ses invitations – son labeur discret et obstiné – sa vocation à détruire les murs et les frontières – à anéantir toutes les limites…

Et nous – écartelé(s) – déchiré(s) – et étouffant(s) parfois – ne sachant (presque jamais) voir la grâce dans l’air alentour – dans le monde devant nous – dans l’existence et la docilité des choses – et jusque dans leur résistance à nos désirs à seule fin de nous exercer à la patience – de transformer notre attente en attention et notre colère en légèreté – pour que tout puisse, un jour, se vivre – s’expérimenter – avec le sourire…

 

 

Le plus sauvage de la terre – caché dans l’âme – la jungle – sur le même territoire…

Nous – aggravant notre cas – affinant tristement nos exigences – déployant notre ambition – devenant de plus en plus inhumains – et refusant de l’admettre…

Rien que des larmes et du sang – dans tous les lieux où nous régnons…

Le cœur – la chair – la terre – (presque) totalement ravagés…

Le vide et la beauté – transformés en néant…

La restriction drastique des possibilités…

L’absence – en tête – sur tous les fronts…

Et serrée – contre nous – cette douleur immense ; la plaie – en nous – qui se creuse ; et les tourments – et les malheurs – que nous causons partout où nous allons…

La besogne jamais achevée – à recommencer – chaque jour…

La nuit – le noir – le froid – les Autres – tous les dangers et toutes les menaces du monde ; et la persistance de ce stupide espoir au fond de l’âme – seule et triste – agenouillée sur la pierre…

 

 

Une figure – au-dessus du scintillement – qui se fendille – une couche de glace – peut-être – l’épaisseur du monde – notre histoire – cet informe amas de souvenirs – toutes nos idées en désordre – l’esprit sens dessus dessous…

Et ce qui s’écoule – ce qui finit par s’écouler – laissant le visage et l’étendue lisses – le regard nu – la possibilité d’un accueil – le plein jour dans nos yeux – dans notre âme – à l’intersection exacte du ciel et du feu…

Au-dedans – l’ardeur et l’immensité – et pas davantage ; les composants essentiels – et non retranchables – de ce que nous sommes – fondamentalement ; notre identité première – sans le moindre ajout – sans le moindre artifice…

 

 

Le bleu – en éclats – en poussière – ce qui retombe sur nous ; et ce que l’on voit et respire – par touches légères ; la seule couleur vertigineuse – pour offrir aux autres – au gris et au rouge en particulier – un peu d’espoir et de légèreté – une issue à l’opacité – une manière – la seule sans doute – d’échapper à la surface sombre et entachée…

 

 

Face à nous – cette hauteur – cet espace compartimenté et surélevé – une route verticale – et ce seuil que l’on ne peut franchir que disloqué(s) – les yeux parcourus par quelques fragments de réel – des rêves plus vastes – et plus étranges – qu’à l’accoutumée – à la frontière, toujours imprécise, entre la lumière et l’obscurité…

 

*

 

Au cœur de la pierre – la chaleur et le rayonnement – le champ d’expérience terrestre intériorisé et élargi – du noyau vers le monde…

La maturité du feu originel – vers tous les points accessibles…

Du centre jusqu’aux périphéries – sans obstacle – sans difficulté – exactement l’inverse de ce qu’apprennent – et font – les hommes…

 

 

Au terme de l’attente nécessaire – le ciel soudainement hissé jusqu’à nous ; l’importance de l’humilité et des yeux baissés – du lent processus pour apprendre à incliner le regard et la posture ; l’âme – comme un morceau de chair supplémentaire – sensiblement plus vivante que le corps…

L’explosion des murs – projeté(s) de l’autre côté de l’horizon…

 

 

Notre vie – démembrée – comme notre monde – notre histoire – des éclats – seulement – comme des fragments de lumière – un peu de vérité – dans l’obscurité…

Au cœur du cri – le souffle – ce vent né de l’immensité – inépuisable – intermittent cependant…

Nous – la bouche close – l’âme lourde et harassée – les yeux à peine dessillés – dans la compagnie des pierres – compagnons de personne – aussi peu à l’écoute qu’une terre aride – abandonnée à l’infertilité et aux passages furtifs (et pressés) de tous ceux qui rêvent d’atteindre une autre terre – un autre sol – peuplée de quelques fantômes fidèles (trop fidèles) aux mythes humains – gorgés (encore trop gorgés) d’espérance – animés par cette foi insensée en ces lendemains qui chantent – et que nul ne voit jamais…

 

 

La terre et la lumière – sans limite…

Les hauteurs et la déchirure – sur le même versant – aux tournures identiques…

Ce que l’on jette derrière soi et ce qui nous attend…

L’écart qui, peu à peu, s’amoindrit…

Les mots réunis en cercle – qui s’agglutinent autour de la mort ; parfois – la seule possibilité pour donner un peu de poids à la vie…

Sur le sol – l’éclaircie – la clarté de l’air – notre marche dégagée des influences néfastes – involontaires… 

Nous – au-dessus du minuscule monticule…

Le regard libre dans l’immensité – le cœur bleu…

A cheval sur le jour…

 

 

Sur le fil tendu entre les pierres…

Nous – à l’abri derrière le plus sauvage…

Indiscipliné(s) – abandonné(s) à la beauté inconnue – anonyme(s)…

Fidèle(s) à la puissance instinctive des bêtes – à leurs stratagèmes pour échapper à l’hégémonie humaine…

Dans les interstices du monde et de l’enfance – plongé(s) en nous – au cœur – le Divin – à l’écart des hommes et du temps – le plus loin possible – en vérité – aussi proche du ciel qu’est brûlante et solitaire notre âme…

L’Amour malgré la fureur et l’intransigeance des batailles…

Un saccage sur mesure – en règle – du désordre et de l’anéantissement spontané pour faire émerger l’innocence et que puisse, en nous, durer son règne – malgré la proximité rampante de l’(in)humanité – au-dedans et alentour…

 

 

L’abandon du geste – la justesse de la danse – à son comble – comme une plongée dans les profondeurs d’où jailliraient le nécessaire et la beauté – la parole sans mesure – l’âme ardente et l’esprit silencieux – au-dessus du monde…

Ici – encore dévasté, parfois, par l’envergure de la tristesse – les déferlantes grises des malheurs – le poing levé – livrant bataille avec toute notre ardeur – la tête dressée – en vain (bien sûr) ; il faudrait, au contraire, se laisser happer par la douleur – tournoyer dans les violents tourbillons des eaux noires – laisser son âme sombrer et s’échouer au cœur même des tourments – s’offrir à la nuit et aux lames acérées – se laisser meurtrir et déchiqueter – mourir un peu – suffisamment pour briser, en nous, cette odieuse inclinaison à trahir, à la moindre occasion, notre innocence et notre nudité…

Et réapparaître – renaître au monde peut-être – avec un visage (infiniment) plus sensible – un regard (infiniment) plus vaste et des mains (infiniment) plus tendres et accueillantes…

Creuser – en soi – le vide indispensable à la joie libérée des circonstances…

Un voyage aux allures de dérive et d’errance – parfaitement salutaire…

 

 

Des nourritures sur la langue tranchante – l’esprit et le ventre aiguisés…

Un peu de vent à la surface…

Et le souffle vaillant des profondeurs…

Nous – dans la trame trouée – faisant office de colle et de fil pour réparer les mailles – resserrer les nœuds – œuvrer à notre humble besogne d’instrument…

 

 

Un feu – comme un miroir – une forêt – une lumière dans la nuit…

L’infini au fond du cœur – l’éternité présente dans notre bref passage…

Le flambeau et la fête malgré la tristesse et le noir…

 

 

Les yeux clairs – à présent – les mains et la voix alignées sur le silence et la source vive…

En nous – les morts – Dieu – nos interrogations passées – effacées – comme nos blessures – les astres – les arbres – les oiseaux – ce qui nous constitue – le sens du mystère et les bras – et les baisers – tendres de l’espace sensible – accueillant…

Notre manière d’être – et de nous offrir – au monde…

 

 

Le jeu du monde – pulvérisé par le feu…

L’éclat des mots dans notre chair et notre cœur – des fragments de possibles réunis – et assemblés – prêts à s’abandonner au destin – à ce qui doit nous échoir – être expérimenté…

 

 

Ce long voyage vers le jour – du fond de ce que nous fûmes – de ce que nous sommes – de ce que nous serons – conjugué au piètre temps des hommes – comme les faces illusoires d’une perspective apparente et grossière – née des limites d’un esprit façonné par la peur…

De pas en pas – la confiance et la découverte de l’abri suprême ; la nudité exposée et engagée dans les mouvements et les circonstances – si proche de Dieu – de la vérité changeante – du silence – qu’elle peut traverser tous les tourments – les tourbillons – toutes les épaisseurs – sans encombre – sans résistance – sans douleur…

 

*

 

Ici – à présent – tout contre soi – sans aucun prix – sans aucune leçon à donner – l’impénétrable – de prime abord – devenant, peu à peu, Amour et tendresse – pur espace d’intimité…

La lumière au bout du bâton…

Le surgissement et l’effacement du monde – signalés depuis le premier jour…

Les frontières dépassées par la parole…

Les traits des illusions qui s’effacent – et qui laissent, peu à peu, entrevoir, derrière les traces un peu décaties des contours artificiels, une étendue très ancienne – neuve – originelle – l’esprit sans angoisse – le geste sans inquiétude – ce qu’il y a, sans doute, derrière toute volonté ; la tranquillité commune libérée des tourments – des nœuds – de la suffocation…

Ce qui se dissimule au fond de tous les états – de tous les possibles ; le plus enviable – bien sûr…

 

 

Le strict déroulement du fil jusqu’à sa dernière extrémité – malgré le sol et les effondrements – malgré les rives et l’océan – malgré le ciel et les pieds nus qui devinent l’itinéraire – et creusent les mille passages possibles – d’un monde à l’autre – d’un regard à l’autre – d’une existence à l’autre – sans la moindre interruption – sans le moindre répit – sans la moindre échappatoire…

L’issue – en soi – au-delà des formes et des couleurs – au-delà des textures – des rêves et des terreurs – en dépit de toute gravité – posée à la verticale – au-dessus – très loin au-dessus et au-dedans – unie aux choses – à l’humus – au cœur – à l’immensité – à ce qui existe au fond et autour de l’œil – l’univers entier…

 

 

Ensemble – cette veille interminable – auprès des arbres – Dieu – et nous – nous inclinant devant les Autres – tout le reste – et le monde – avec nous – à nos pieds – comme la preuve, peut-être, que toutes les barrières peuvent être écartées – supprimées – effacées – avec tendresse – d’une main souple et inébranlable…

Un lieu où passer le restant de ses jours – un espace à vivre – au-dessus des noirceurs les plus grossières…

 

 

A travers le poids – la tristesse – le cœur sans artifice – l’au-delà de toute raison – l’absence de jardin – d’envol – d’oiseau – le foisonnement des entraves et des ombres – trop de passé – de souvenirs – de soucis…

La simplicité dévastée par les parures et les mensonges – insidieusement remplacée par l’orgueil et la prétention – le front porté haut et dressé – bâti pour les batailles et les conquêtes – l’âme trop verte encore pour comprendre l’illusion de toute victoire – l’imposture de toute possession – l’impossibilité de s’approprier les choses – les visages – les territoires…

Le monde enchevêtré à la tête et aux rêves – très (trop) éloigné de toute forme de réalité…

 

 

Parfois – sur le versant sombre de la lumière – les eaux et la transparence troublées par l’ardeur – l’absence de tempérance – cette fièvre de l’esprit animé – taraudé – encore hanté peut-être – encore hanté sans doute – par l’ailleurs et la tentation de l’achèvement – comme un reste de songe – les douces (et déceptives) chimères de quelques pitoyables rêveries…

 

*

 

Mille signes sous les paupières…

Le vent sous les ailes – par-dessus et tout autour…

La parole et le ciel – deux mondes possibles – inégaux – reliés par des fils – des prières – l’obscurité qu’ils portent en eux…

Le vide – dans nos mains – profond – insondable – inconcevable par la pensée – là où tout s’échauffe – se croise – s’éteint – là où nous sommes – avec le souffle et tous les élans – l’âme – la magie et les fantômes – ce qui disparaît – ce qui nous désespère – ce qui nous émerveille – le réel en désordre sous nos désirs – tous les possibles auxquels nous aspirons…

 

 

Le visage dispersé à la surface – en éclats – alors que le cœur – dans les profondeurs – discret et silencieux – œuvre à sa besogne – presque secrètement ; comme un reptile du ciel – souterrain – aux ailes étranges – pas encore nées (le plus souvent) – cherchant dans l’errance – le chaos – l’humilité – le terrain de l’inconséquence – l’énergie de l’approfondissement et de la naissance – la lente émergence de l’âme qui prend chair – le dehors qui, peu à peu, s’intériorise – qui devient le seul repère – et, bientôt, le réel le plus concret…

L’envol alors est proche ; le monde – le ciel – la terre – la légèreté et l’enracinement – d’un seul tenant – toute l’envergure de l’étendue déployée – en soi – l’invisible qui reprend sa place – ses droits – la totalité de l’espace…

 

 

Le monde et les limbes – traversés…

Le pays des saisons – ce que la nuit déchire sur la rocaille – les âmes courbées qui se hâtent – le cœur et les gestes fondateurs – notre visage posé contre le silence – la vitre et la lumière…

La parole et la poitrine errantes – les choses vives qui tournoient autour de l’abîme – autour de la mort…

Une petite lampe dans la brume et l’épaisseur de la matière…

 

 

Ce qui reste aggrave le supplice – les portes closes – ce qui précède le ciel – les étoiles dans les yeux – en pagaille – à demeure – le cœur battant – épuisable – promis, tôt ou tard, à l’écume – aux vents – à la mort – à toutes les métamorphoses et à toutes les migrations nécessaires…

 

 

Les joies du monde – très irrégulières – qui se construisent – ici et là – à travers quelques circonstances…

Dieu et le silence – inentendus…

Les inclinaisons de l’âme – la terre parcourue pour ses couleurs et ses richesses…

Et tous ces murs que l’on doit longer…

L’être – jamais véritablement menacé – qui sourit à tous les visages – à toutes les pages – l’œil malicieux face à toutes nos tentatives…

 

 

L’obscurité – comme autrefois – au premier jour – et qui aura le dernier mot malgré la permanence de la lumière…

La chair exploitée – la terre labourée…

Des éclats et l’étendue – au cœur – aux lèvres – l’esprit…

Seul(s) et ensemble – dans l’immensité…

 

*

 

L’âme entaillée par le dehors – l’énergie du désir – les traces anciennes du monde…

Dans la nuit – au-dessus des pierres dressées – la tête plongée dans le rêve – le ventre du mythe qui (lentement) nous digère – amas de bave et de chair – dans un simulacre sacrificiel qui porte la haine et les mutilations au pinacle – au faîte du jour – et qui soumet toute la généalogie à son règne atroce – à ses lois iniques…

Et nous – spectateur(s) – nous contentant de jouir (mollement) du spectacle – les ailes repliées – le visage à contre-jour…

 

 

Debout dans l’espace non théorique – à la verticale – à l’intersection de tous les cercles – en ce lieu étrange et non géographique – dans cette nudité inquiète – gauche et fragile – accolée à l’immensité – à l’étendue non relationnelle – où tout est réuni – différent – apparenté – à sa place – emboîté et allègrement seul – en ce dedans qui exclut tout dehors – qui (ré)intègre au centre toutes les périphéries et toutes les marginalités…

Nous – sans duplicité – dans la multitude – doué(s) de toutes les formes d’ubiquité – tel un grand corps aux innombrables visages…

 

 

L’univers – le feu et le vent – l’Absolu et la civilisation des brindilles…

En couches multiples et sombres – les mains à la tâche – notre besogne quotidienne…

Les masques insensibles – les visages de bois étrangers à la subtile – à la secrète – identité…

Des gestes pressés et mécaniques – vides de sens – sans respect – des discours trop cohérents – trop logiques – désincarnés – comme tout le reste – gorgés d’absence et de prétention…

L’existence absurde des hommes ; le monde sur la pente (inévitable) de la décadence…

 

 

Au-dedans de nous – un bruit de vide – du vent – des tourbillons d’air – le jeu de la lumière dans l’abîme – toutes les guerres et toutes les illusions – éclairées par le jour grossissant…

 

 

La terre fertile qui offre ses fruits – l’abondance récoltée (et ingurgitée) par toutes les créatures du monde…

Les seules réjouissances du sol et des mains besogneuses…

Le temps et la course pour apaiser la faim féroce et quotidienne…

 

 

Le monde – les choses – l’absence – comme la seule litanie…

Le cœur – à l’ombre – au-dedans – trop frileux pour se risquer hors de son fossé…

Au pays des vivants – le désir – le souvenir – les frustrations et les regrets…

L’âme opaque – à la surface – parmi les cris et les gémissements…

 

 

Ecervelés – dans notre marche – sur les pierres – parmi les fleurs – les mythes et les monstres – dans la grisaille des jours – le rêve des Autres – au terme (toujours plus ou moins) tragique…

Ici-bas – sans joie – sans même un sourire – droit devant soi – à petits pas ou à vive allure – à gesticuler sous la voûte à seule fin de fuir – en vaines tentatives – il va sans dire…

Une longue errance – sans le moindre éclaircissement ; ce qui – avec nous – périclite – se désagrège – sans la certitude, bien sûr, de rejoindre le royaume – le cercle dont Dieu est, paraît-il, le centre…

 

*

 

Sur l’axe incliné – à l’intersection du sol et du ciel…

Le cœur humble – sur l’échelle de la justesse – le geste naturel…

L’existence – telle qu’elle se vit…

Le monde – tel qu’il s’habite…

Nous -même(s) – en somme – plus globalement…

 

 

A la frontière – fidèle – sans trahison – sans mensonge – affranchi de l’histoire – de toutes les fictions inventées – le monde revisité – trop grossièrement théâtral…

Des feuilles et des paroles – en boucle – qui s’enchaînent – depuis la première bouche – et en silence – avant ; ce que l’on peut aisément soustraire de l’essentiel ; ce qu’il reste lorsque l’on a ôté le superflu…

L’indicible indéchiffrable auquel on a retranché la fièvre – la matière pensable et périssable – tous les bavardages – le plus insupportable des apparences…

 

 

Sur la terre – toutes les circonstances – les tourments – les remous – les accidents – ce qui nous emporte derrière tous les horizons – le ciel – l’abîme – l’océan – chute ou envol – qui peut (réellement) savoir – dissolution assurément – et les prémices vivantes au cours desquelles il nous a fallu éprouver l’impuissance – affronter l’abandon – apprendre l’effacement…

Plongé(s) dans le brouillon permanent de cette marche – de ce voyage – longs – interminables – littéralement ; des pas – une danse – sur le sol – quelques traces dans la poussière – des gestes – des paroles – dans l’air – quelques vibrations imperceptibles dans l’espace…

Ce que nous sommes – ce à quoi nous ressemblons – avec, parfois, des rires – avec, parfois, des larmes…

Un chant – un peu de chair – de joie – de douleur – de poésie – consubstantielles à la trame – bien sûr…

 

 

Ce besoin déchirant d’Amour – l’âme et les yeux plongés tantôt dans le manque – tantôt dans l’éblouissement…

La lumière (presque) désincarnée du jour…

Tous les temples – berceau de la tristesse et de la désillusion – qui célèbrent avec componction – qui ritualisent à l’excès – qui évincent le Divin – en éloignant tous les visages – toutes les véritables prières…

Et nous – qui habitons un feu qui brûle pour (presque) personne…

A l’orée des mains – le ciel agenouillé…

Dans le cercle naturel du monde dont Dieu est l’axe central…

L’infini et l’éternité au cœur de tous nos gestes…

Le respect autant que la gratitude – profonds et spontanés…

La joie – le silence – l’humilité…

Sans posture – sans certitude ; et le regard – infiniment présent…

L’homme sans artifice – proche du jour et des conditions de l’origine – de l’innocence…

L’espace vierge – peut-être – sans personne – en somme…

 

 

Ce que l’on perçoit dans la lumière – le monde – l’Amour – agrandis – sans mesure…

L’abolition des limites de l’esprit – l’accroissement (conséquent) du périmètre de la conscience…

La lucidité de l’enfant éternel…

La terre et ses ronces tendres – devenues inoffensives…

Tous les recoins où l’on s’attarde – et nos profondeurs à l’air libre d’où sortent de très anciens démons aux bras étrangement accueillants…

Des lieux de plus en plus sauvages…

Un cœur qui apprend, peu à peu, à se laisser caresser par l’invisible – les mondes souterrains et aériens – les formes immortelles…

Et pourtant – rien de différent – en apparence – pour les Autres – dans le miroir – face à soi ; le visage un peu moins inquiet – un peu plus souriant – peut-être…

 

*

 

Fidèle – sans autre obstination que celle qui s’impose – la silhouette épaisse – l’âme assidue et courageuse…

De la malice (et un peu de mélancolie) au fond des yeux…

Rien – sur la liste ; du vide – simplement…

Des vagues – un peu de bleu sans angoisse…

La tournure des choses – au-dedans…

Des grilles descellées – des têtes décapitées…

Quelques baisers distraits sur ce qui nous maintient captif(s) – sur ce qui voudrait (vainement) nous libérer…

Plus qu’une fonction – une œuvre vocationnelle…

Au-delà de l’écriture – des visions – le silence – ce que révèle l’inconnu – notre humilité – ce qui nous soustrait…

Sur ce fil étrange – au cœur de cette vaste étendue – ni réels – ni fictionnels – dessinés, peut-être, par la main d’un Dieu, lui-même, esquissé à la hâte – avec maladresse – par on ne sait qui ; un rêve dans un autre rêve – une série de songes élaborés, peut-être, dans la tête de celui qui ne dort jamais…

 

 

Le jour imagé – irréel – (presque) sans rapport avec la lumière…

Nos gestes qui s’attardent sur la feuille – sur la table – sur la terre…

L’angoisse comme un lieu à part entière…

Dans l’attente d’un salut – comme (bien sûr) toutes les créatures mortelles…

 

 

Paroles blanches – balbutiements peut-être – comme un filet d’eau entre les pierres…

Mille remous au cœur de la vérité – l’esprit transparent…

Jamais les travaux d’un Autre et moins encore d’exercices imposés…

Les courants qui nous portent – la terre rude – l’âme sans altérité – les affres – les soucis – l’ingratitude…

La vie éprouvée sans rien esquiver…

L’apprentissage de la solitude – notre visage sans étoile…

Le cœur voyageur – ce que dicte le silence…

Notre voix imperceptible – et honnête – authentique – sans mensonge – dans le chant corrompu et tapageur du monde…

Ce qui – en nous – grandit – à l’abri des influences et des regards inquisiteurs…

 

 

A traits trop grossiers – dans le miroir…

La poitrine haletante – l’âme un peu perdue – comme si nous étions né(s) pour une autre terre – une compagnie moins rustre – des malheurs moins incisifs…

Un séjour – un visage – un vieillissement – dans la fausse proximité des choses – sans intimité – cherchant (en vain), à l’extérieur, un sourire – une porte – un lieu – un peu de réconfort – qui nous soit destiné(e) ; et, à la place – de l’absence – des exigences – tous les dévoiements du monde ; le terreau de notre infortune…

Des vies quasi maudites – une intériorité inexistante – comme si les Dieux nous avaient jeté un sort…

 

 

Au loin – cette musique du cœur – née de nos propres profondeurs…

Un asile vaste comme le ciel…

Et sous les pas – cette douleur…

Et derrière nous – ces ombres déportées…

Notre vie – à la manière d’un éternel recommencement…

Une faim perpétuelle – obstinée…

Et ces têtes intranquilles qui se regardent – qui se succèdent ; le petit peuple du feu et des fantômes – en attente d’ailleurs – d’un changement qui ne viendra, sans doute, jamais…

Proche(s) de notre destin – à cet instant…

Au centre du cercle – solitaire(s)…

 

*

 

Dans l’alignement du souffle et de la lumière…

Le plus naturel – le plus sauvage – silencieux…

Ce qui naît de l’immensité – ce qui traverse l’âme et se propage dans le geste – sur la feuille – l’acte et la parole – guidés – renouvelés – capables de transpercer la nuit – le monde – l’épaisseur de la matière – l’Autre au cœur si inerte – si massif…

 

 

La densité de notre torpeur – des terres brûlées – des postures archaïques – des manières primitives – le temps perpétuel (et paroxystique) des barbares – le glaive levé – l’âme oscillant derrière le visage déformé par un sourire mensonger – la tête faussement inclinée – l’air apparemment aimable – et le cœur à peine dissimulé pourtant – rude – raide – rugueux – intraitable – fièrement dressé dans la poitrine – protubérant – sec comme un coup de trique – aussi aride que ces rives peuplées de poussière et de rocailles – gris – à l’écart de l’œuvre de Dieu – diraient certains – au-dedans crispé – comme enroulé sur lui-même – tenant ses peurs si serrées qu’il en semble dépourvu…

Et nous – face à lui – face à eux – positionnés en colonnes – formant une armée immense – impressionnante ; des bataillons uniformes dont le métier est de haïr et de convoiter la couleur et la gaieté des Autres – de tous ceux qui ne se sont pas laissés séduire par les sirènes du mimétisme et de la normalité – de tous ceux qui ont eu le temps de s’éloigner – de fuir à la périphérie – de rejoindre les marges – loin de l’aveuglement – de la cruauté et de la bêtise – des foules…

Isolés – à présent – sur leur archipel – encerclés par la brume et l’océan qui protègent leur innocence – qui préservent leur joie…

 

 

Des ailes d’argile – lourdes comme des soucis…

Eduqué(s) dans l’idée d’un ciel trop haut – trop lointain – inaccessible – hors du cercle des possibles…

Condamné(s) à la proximité de la terre – de la chair – de la faim…

L’envol remisé à des heures plus légères…

Plus tard – sur des rives moins terrestres – plus solitaires – plus naturelles – sans la moindre nécessité d’apprentissage…

 

 

Dans les tréfonds – un feu – un soleil – sans douleur – sans témoin…

Les noces du jour et du monde…

L’invisible et la matière qui réinventent le réel…

A l’image, peut-être, des rêves de celui qui donne la vie…

 

 

Des grilles noires sur l’absence…

L’Autre – l’espoir – le souvenir et la parole – haut (très haut) sur l’échelle de la déception…

D’une ombre à l’autre – sans jamais comprendre le jeu (parfois retors) de la lumière…

Des crues et des rêves – abandonnés aux rivages…

Et le temps – jamais achevé – qui, pourtant, parvient à (presque) tout effacer…

 

 

Notre voix – ce que nous semblons être – jamais aussi fiables que l’abîme que nous habitons…

Sur l’autel dressé à la manière des Dieux : rien – du vent – quelques pierres – et, parfois, une présence – un léger rayonnement en attendant le jour – la réconciliation nécessaire – le sacre du silence – la célébration permanente de l’innocence – sans témoin – sans rituel – sans cérémonie…

 

*

 

Le buste incliné vers l’inconnu – le monde dans nos mains…

A l’écart – au-dehors – le dedans – quelque chose qui (de prime abord) a l’air saugrenu – comme des couleurs mélangées à un rêve – une traque burlesque – la course de quelques nuages dans la brume – un ciel immense déguisé en piège – en abîme – en miroir…

Notre souffle et notre songe – le monde qui se dédouble – ce qu’il (nous) faudrait écrire par-dessus l’histoire officielle…

 

 

Ecrasé(s) – exclu(s) – au cœur des massacres – la cible de tous les projectiles – de toutes les formes de haine et de rejet – ensemble – vie après vie – sans jamais deviner la cohérence des emboîtements – des inclinaisons – des proximités et des éloignements – la persistance tenace de la chasse…

Des objets dérisoires – manipulés par les mains du destin – elles-mêmes guidées par le silence initial – le silence sans nom – sans autre intention que le jeu et la contemplation de l’insignifiance – remuée partout – au-dehors comme au-dedans…

L’interminable processus de la science combinatoire – la surprenante alliance entre la matière et le hasard…

 

 

Quelque part – l’inhumanité du monde…

Mille replis – l’abondance et la présence, un peu vaine, du langage…

Les substances des vivants et la mort – colonisatrices…

Le joug et la souffrance détournés du projet commun – du projet initial – exercés (et organisés) par la caste des marchands et de ceux qui s’estiment capables de gouverner le monde – les foules – les bêtes et les hommes – de les soumettre à leurs lois scélérates…

Ce que nous endurons – sous le soleil – apparemment l’irréparable – les dents, pendant un court instant, desserrées pour vomir ce que l’on nous a fait ingurgiter de force – dans la violence coutumière qui a toujours tu son nom…

Les figures du désastre sous le sourire (un peu narquois) de la lumière…

Piégé(s) à l’intersection du rire et du réseau des peurs…

Ce que nous sommes (tous) – au fond – peut-être…

Ce que vivent – sans doute – tous les somnambules – l’état juste au-dessus du rêve – dans l’apparente proximité du monde – avec la (précieuse) complicité de l’esprit…

 

 

Un cri dans l’ombre – du sommeil sur les pierres – en couches épaisses – et les rêves comme une chape sur tous ceux qui dorment…

Debout – actif(s) – qu’en songe (bien sûr)…

Ce qui nous hante – ce qui nous obsède – la nuit qui se prolonge…

Le jour et la lumière – inaccessibles…

Des vibrations et des secousses – en vain ; des murs trop épais qui confinent toutes les tentatives à l’échec – tous les mouvements à l’immobilité…

L’éternité désastreuse – en quelque sorte – longue – très longue – mais (comme toutes les choses – sans la moindre exception – l’infinitude temporelle comprise) provisoire – fort heureusement…

 

 

Ici – des yeux qui brillent – le jour qui frémit – au-dedans – comme une vallée – une clairière – pour accueillir les orages et les voyageurs – tout ce qui passe sans jamais s’attarder…

Une respiration silencieuse – des gestes naturels voués aux nécessités quotidiennes…

Ce qui nous efface et ce qui élève ce que nous portons en secret…

L’ignorance, peu à peu, mise à l’écart – et remplacée par le feu – le cœur – le ciel ; la blessure qui se divise – qui s’amoindrit – qui devient, de plus en plus, guérissable…

De la boue – comme onguent – jusqu’aux étoiles – pour saturer l’air – pour saturer l’âme…

Un rêve supplémentaire – bien sûr…

Une marche absolument parfaite – pourtant – et inconséquente – parmi toutes les formes mortelles…

Et le souffle – étrangement – de plus en plus égal…

 

*

 

Prisonniers – ce que les vivants doivent endurer – ce qui nous plonge au cœur du destin – au cœur de la métamorphose – au cœur de la folie – l’une et l’autre – simultanément – dans un parfum de violence et d’épuisement…

Le grand chamboulement intérieur – les idées et les choses en désordre – le chaos de l’abîme – des plus obscures profondeurs jusqu’au ciel le plus lointain – la tête toute retournée – et l’âme étendue de tout son long – les yeux écarquillés par l’ampleur de la révolution – la zizanie et les guerres intestines – l’explosion des élans – de la circulation – et ce qui (inconsciemment) est visé ; ce fond de tranquillité immobile au-dedans de la trame – cet espace dans l’espace – hors du temps – et affranchi (bien sûr) de toute géographie ; une manière, sans aucun doute, de s’approcher du silence…

 

 

Sans avenir – ce qui s’écoule lentement (et qui ne s’apparente pas au temps)…

L’invisible qui va – qui vient – qui demeure en dépit des absences – des verrous – des cœurs cadenassés…

Ce qui nous enclave et nous relègue au chuchotement ; des traces subordonnées au mouvement…

L’éternité ininterrompue (bien sûr) – au-delà des blessures et des épreuves…

L’intensité en dépit de la peur et des excès…

L’éclosion du Divin à la moindre caresse – au moindre frémissement…

Et cet air si dense qui remplit l’espace – qui comble tous les interstices – toutes les failles du monde…

Ce à quoi nous œuvrons – sans attente – sans impatience – le corps déclinant et oublié – l’âme transfigurée – et la terre et le ciel éclairés par le feu immense qui nous anime…

L’invisible de moins en moins insaisissable…

 

 

Bribes – parfois – presque toujours – en réalité ; fragments de matière – d’invisible ; le réel resserré – concentré dans l’âme – la gorge – la page…

La danse du feutre – au milieu des mots – et, à chaque ligne, le retour au centre – le périmètre étendu au-delà des angles de la feuille – le ciel discret – et le silence qui jamais ne s’accumule…

Le corps et l’esprit – dans leurs limites (respectives)…

Ce qui soutient le monde – le souffle – le cours des choses – tous les destins – en somme…

L’inconnu – devant nous ; et l’air qui, peu à peu, se raréfie…

Notre expérience du temps – du devenir – de créatures mortelles…

L’oubli nécessaire aux naissances et à la mort…

L’absence et tous ses intervalles de lumière…

 

 

L’Amour et l’inhumain qui s’écrivent mutuellement – à l’envers des actes ; un regard – des âmes engagées – des yeux insensibles – des jeux et de la douleur ; les contours du monde qui ainsi se dessinent – tracés à l’encre noire – avec des noms – des choses – des visages ; une longue liste – un ensemble de formes référencées par le langage – et le reste – l’essentiel – la multitude et l’invisible – qu’il faut abandonner au silence…

L’innommable – hors de soupçon – bien sûr…

Le Divin – ici et ailleurs – partout – libre depuis toujours – dans tous les gestes – au fond de tous les cœurs…

L’esprit inaliénable – l’innocence conjuguée à tous les temps – souveraine et célébrée en tous lieux…

Et l’inévitable terreau des destins – des ombres – du désastre…

Le jour et la nuit arrachés – puis retrouvés – réinvestis, peu à peu – puis reperdus encore ; la faim sans coupable…

Cette danse masquée interminable…

 

 

Dans le sommeil – silencieux – comme des bêtes harassées…

Des mains – dans la nuit – qui se tendent…

Des formes d’ignorance – innombrables – à éprouver – à explorer – à reconnaître…

Des signes – dans le ciel – indéchiffrables…

Du sens donné aux blessures – et à la douleur – inévitables…

Des vies obscures encerclées par les Autres et la mort…

Les mêmes étoiles pour les hommes – les bêtes et les Dieux…

 

 

Ce qui écarte la terre des promesses et la terre de l’immensité…

Tout entier penché sur la matière…

Les boues du fleuve – immergées…

Le point de perfection – à l’intersection des rives et du silence – à l’intersection du regard et des formes ; et des couleurs qui passent (inexorablement) – et que l’on remplace – inévitablement…

Le monde – plongé dans le mystère – dans son destin…

La respiration (naturelle) qui nous est offerte…

 

 

Nous – ici – sans impatience – le cœur auprès de l’évidence et les mains dans la nécessité…

Des énigmes – des incertitudes – des apparences – comme un rêve un peu trouble parsemé de taches et d’interstices – une manière d’habiter la terre et le ciel (simultanément) – l’âme solidement arrimée à l’enfance naïve qui s’imagine (à tort) devoir batailler contre le monde – contre les Autres et la matière – pour obtenir ce dont elle a besoin ; de quoi vivre – un peu d’espace – un peu d’amour – un peu de paix…

 

 

Voyageur – celui qui passe d’une rive à l’autre – d’une existence à l’autre – d’une mort à l’autre – d’un monde à l’autre – dans un itinéraire jamais préétabli – dans une sorte d’errance très particulière – et qui, de proche en proche – chemine tantôt vers l’infini – la délivrance – tantôt vers le fond du piège – la contraction – et contraint, bien sûr, d’alterner les élans et les destinations…

 

*

 

Ce qui nous arrache à la faim – à l’espoir – à la culpabilité – pour devenir (pleinement) le mot – la parole transformée en geste – le geste transformé en poésie – puis, la poésie transformée en silence…

Au-delà (bien sûr) du masque – de l’homme – de la folie…

Suffisamment probe – sans doute – pour prétendre à un peu de vérité…

 

 

Du premier au dernier jour…

De la première à la dernière créature…

De la première à la dernière cavité buccale…

La même nuit – la même faim – la même absence ; et, quelques fois, un peu de bavardage…

Le monde qui balbutie – notre interminable préhistoire…

 

 

Souverain – ce qui, en nous, échappe au récit – à l’histoire commune – écrite – officielle – entre fiction et mensonge – délire et invention – parsemé d’éclats de vérité – dérisoire(s)…

Du sommeil et de la gesticulation à seule fin de trouver la bonne inclinaison – la juste posture – sur la pente – la moins déplaisante – la plus confortable…

Des murs – des œillères – des portes verrouillées – qui dissimulent la perspective et l’immensité…

Des mots – des vies – des corps – absolument non révolutionnaires – englués dans une sorte de normalité dans laquelle toute forme d’excentricité et de marginalité est systématiquement inhibée – réprouvée – interdite…

 

 

Un peu de lumière – devant nous et dans notre sillage – parfois, la seule réalité que nous expérimentons – et d’autres fois – la seule espérance que nous ayons…

 

 

L’aube – sur la pierre – et sur la page – le jour déclinant – le pas et la parole – presque inversés – et synchronisés pour éclairer le mot et assombrir la foulée afin qu’ils puissent, un jour, se rejoindre dans un espace de vérité – en demi-teinte – entre lumière et obscurité – là où le réel devient manifeste – là où l’expérience s’affranchit de toute limite – de tout manichéisme – là où il ne fait aucun doute que nous existons

 

 

L’encre silencieuse – tête nue – l’âme sous son étoile – le regard posé à l’intérieur – sur l’infini – les yeux fixés sur l’horizon – le souffle sur le rythme de la main qui écrit…

Le monde mis à l’écart – comme l’ignorance – qui ont, trop longtemps, régné sur notre candeur…

 

 

Sur le sol désert – la nuit brûlée – comme une terre trop ancienne…

Le sens et le ciel (enfin) retrouvés…

Lovés contre notre blessure – la chair encore vive – le sang – le reflet de la mort ajournée – comme une barque à la dérive sur des eaux inconnues qui nous paraissent soudain familières – et sur lesquelles nous nous laissons glisser sans inquiétude…

Nous – l’objet d’un rêve – peut-être…

 

 

Le cœur vivant – sauvé par le règne de l’incertitude – l’inconnu retrouvé – la possibilité de la mort – l’horizon au-delà des évidences – le mystère, en nous, préservé…

Une issue pour échapper à ce bain de croyances aux sillons tout tracés – les mains vides après la récolte – offerte à la terre – aux apparences…

Et l’on repart – et l’on poursuit son voyage – sans boussole – sans destination ; et l’on s’éloigne – et l’on se dérobe…

Le jour – au-dedans – comme le seul fanal…

 

 

Scellé dans la fange – le plus obscur du monde – de l’âme ; de la même nature – la même matière – sans doute – le bas des cimes – le socle de toute œuvre – là où la terre nous est la moins étrangère – le terrain de l’enracinement – le support de tout envol – là où la vie nous a posé(s) – très provisoirement…

 

*

 

Le noir qui jaillit de la pierre…

Des tombes – comme des miroirs où viennent mourir tous les reflets…

De la tristesse enfermée – à l’intérieur…

Une page supplémentaire – comme un gouffre que, peu à peu, l’on agrandit…

Ni la semence – ni l’immensité – ne transformeront le voyage ; les épitaphes mélancoliques – une encoche de plus sur le bâton…

Et l’horizon – et l’incertitude – toujours – devant nous…

 

 

Une soupe de signes – des éclats de sens à foison – comme une pensée magmatique – des amas qui se pressent – et s’entrechoquent – avant de sombrer dans l’abîme – dans l’oubli…

Des jeux – des insignifiances – pour assurer l’intégrité de notre démarche – de notre voyage – de notre territoire – de notre infirmité ; l’existence vécue à partir du manque…

 

 

Que risque-t-on sinon la désillusion et l’effacement – les prémices de la sagesse – un peu de vérité – insaisissable (bien sûr) – sur la pierre – comme l’eau fuyante d’une rivière – déjà passée – déjà ailleurs – comme l’Amour et le silence que l’on ne peut entasser (en prévision du temps à venir) – un autre versant du mystère aux facettes saillantes et réflexives…

Le ciel – comme le corps – sans frontière…

Nous – cherchant ; nous – nous appauvrissant ; puis nous – comme un tégument de lumière – le prolongement du monde dont toutes les extrémités seraient des soleils ; et ceux (tous ceux) encore coincés dans les interstices qu’il faut continuer d’instruire et d’éclairer ; notre tâche à tous – bien sûr…

 

 

Terre vécue – comprise – peut-être…

L’obscur parcouru jusqu’à la dévastation…

L’oreille qui se dresse – l’écoute attentive – une présence libérée de ce qu’elle porte – de ce qui l’entoure…

Et cette joie – indélébile – qui se fait entendre au fond du cœur…

 

 

Des pas dans la boue – enchaînés…

De l’ignorance aux relents d’obscurité…

Les ténèbres que l’on porte – transportées de terre en terre – de seuil en seuil – sans jamais fléchir…

Le langage plus noir qu’à l’ordinaire…

Et cette longue veille au-dessus du monde – des signes – à l’affût d’une lueur – d’un peu de lumière – pour briser le sortilège et l’aveuglement…

Toutes nos tentatives – tous nos élans – en attendant le soleil – la clarté suffisante pour que s’effritent les œillères et l’illusion…

 

 

Des portes sans poignée qui n’attendent qu’une main innocente – un cœur suffisamment pur pour transformer toutes nos absences en (réelle) possibilité de sagesse…

L’humilité plutôt que la mémoire…

Le silence plutôt que le sermon…

L’être plutôt que l’exemple et la leçon…

L’aube comme seule manière de s’affranchir de la nuit – du manque – des consolations engrangées comme solution (inappropriée – bien sûr) à notre infirmité…

Dans le reflet trop familier des rêves – la nuque raidie sous le poids – l’encombrement de la charge mal répartie entre l’âme et les épaules…

L’intériorité (quasi) moribonde – la poitrine suffocante – les jours et les années qui passent – le temps qui s’écoule – apparemment – les yeux fermés – dans la perte inconsolable du Divin – la tristesse contenue – le cœur réduit à la surface – l’existence cantonnée à quelques apparences – à ce qui semble nous entourer – très étroitement…

 

*

 

La pierre fendue par la masse…

Le sol tassé par le piétinement (permanent)…

La terre – partout – malmenée – maltraitée – exploitée…

A la limite de la rupture…

La surface (presque) totalement anéantie et les profondeurs éviscérées…

Jusqu’ici le soleil – pourtant…

L’apparition (progressive) de la multitude et l’émergence laborieuse de l’homme ; le commencement du cataclysme…

 

 

Sur la ligne d’horizon – la frontière grise – la nudité du ciel et l’écume du monde – à la jonction précise des deux espaces ; d’un côté – la monstruosité et les remous – et de l’autre – la virginité nébuleuse – aussi manifeste qu’imprécise…

Et cette cassure – au fond de l’âme – qui partage l’homme en parts inégales…

 

 

L’esprit du monde – fangeux – labyrinthique ; et l’existence humaine – entre la jouissance et la fuite – inapte à échapper aux malheurs – à la tristesse et à l’absence – que la mort – tôt ou tard – vient couronner…

Les besoins de la chair – les nécessités quotidiennes – tous les incontournables existentiels (la maladie, la douleur, le vieillissement) – dont nul ne parvient (véritablement) à se libérer…

Cette parenthèse apparemment constituée d’un début et d’une fin – deux dates – l’une supposée inauguratrice – et l’autre considérée comme un couperet – un terme définitif – rédhibitoire ; l’ignorance d’avant et l’ignorance d’après – et la survie comme impératif du séjour ; les Autres et le monde – toutes les circonstances – avec lesquels il nous faut apprendre à vivre – à composer – avec plus ou moins de maladresse et de probité ; les conditions mêmes de l’impasse terrestre – du seuil infranchissable – de la sentence plus qu’incompréhensible…

 

 

Parfois – les lèvres – parfois – le sang – la main levée – la main tendue – ce qui passe – ce que le chant intensifie – la note et l’étoile – l’âme investie par l’angoisse et l’invisible…

Notre labeur – à l’intersection des cercles…

Le monde et le temps – ce qui apparaît et ce qui s’écoule – malgré nous…

 

 

La perche dressée au-dessus de la matière – comme une main aveugle – maladroite – qui tente de toucher le ciel – le fond de l’air ; comme une excroissance de l’âme née de l’invisible et de la progressive sophistication du corps…

La terre recouverte – saccagée – réduite à un étroit périmètre qui pousse l’homme à investir l’espace – l’ailleurs – d’autres terres – au-dehors – et d’autres mondes – au-dedans – une issue pour échapper à l’encerclement – à l’incarcération de plus en plus insupportable…

 

 

Dans nos bras trop restreints – l’ombre immense des jours – des siècles qui passent – comme le reste – les visages et les bruits – sous la lumière épaisse – le feu des yeux qui, peu à peu, se transforment – la lente métamorphose en fenêtre – puis, en regard…

Les rives détournées de leurs usages communs – coutumiers ; le renversement des valeurs – la parfaite transvaluation des principes…

Le mystère, peu à peu, déchiffré…

Le vent qui retrouve sa fonction première…

Les mains de moins en moins hésitantes…

Et les pages qui s’écrivent – qui se tournent ; de plus en plus rassuré – de moins en moins soucieux – le sourire, à présent, accroché aux lèvres…

 

*

 

Plus qu’un couteau tranchant – une fine lame – sur laquelle viennent mourir les pensées – les faits – les dates – tous les phénomènes…

La mémoire – comme un obstacle à la virginité ; un mur massif supplémentaire – dans l’immense labyrinthe – une zone entière – un périmètre croissant – considéré(e) comme une gigantesque impasse par la nomenclature des sages…

Sans seuil – une sorte de piège démesuré pour les vivants…

Le lieu où s’entasse ce qui – bientôt – deviendra monstrueux ; un empêchement rédhibitoire – tel un énorme rocher attaché à une corde nouée à cette partie sombre et saisissante de l’esprit – que l’on jetterait au fond d’un abîme…

Et aujourd’hui – fort de ces si nombreux séjours dans les ténèbres – un regard seulement muni d’un glaive agile (et aiguisé) – notre unique bagage – le seul viatique indispensable pour voyager entre les mondes [et résider quelque temps sur leurs rives (innombrables)]…

Présence vécue auprès de la lumière, peu à peu, devenue fenêtre et miroir – selon les visages et la profondeur des yeux qui nous font face…

Battements de cœur et joie – au fond de la poitrine…

Âme poudroyée – puis, dispersée dans l’immensité – et confondue avec elle ; un seul espace – à présent…

Qu’importe les faims – les demandes – les tremblements – un geste à la fois – à la manière de l’écoute – cette attention pure exempte de bassesse – de fatigue – de corruption – avec un reliquat de matière – peut-être – sans bouche – sans ombre – comme une excroissance (de moins en moins dévoyée) de l’invisible ; un fragment de silence – offert à tous…

 

 

Le jour inversé – dans le sang – le ciel – au revers de l’épaisseur rouge…

Et nos vies comme des mains malhabiles qui tentent d’esquisser sur le sable quelques traits dérisoires – confronté(e)s à la récurrence des vagues – du vent – de la violence ; les Autres – le ressac – les rafales – tous les périls du monde – le contexte terrestre le plus familier – ce qui cingle et ce qui frappe – le corps – le cœur – l’esprit…

Nos existences – sans promesse – d’acrobates maladroits – sur le fil du feu censé nous mener vers la lumière – les deux pieds dans le brasier – en réalité – et la tête coiffée de hautes flammes – notre lente (et douloureuse) consumation…

L’inertie (bien sûr) plutôt que le voyage…

 

 

Le paraître déformé par les lèvres et le désir – dans l’intention de constituer une sorte de totem – un simulacre de beauté – avec des miroirs mensongers accrochés à tous les murs et des reflets apocryphes arrachés au Divin – pour essayer d’échapper à la laideur – à la tristesse – à la nuit…

Nous – passant comme un rêve – entre le premier et l’ultime soupir – quelques saisons – des gestes sans autre folie que celle de chérir son ignorance…

Dispersé(s) – éparpillé(s) – jeté(s) les uns contre les autres – sur la terre – au milieu des circonstances…

La masse des corps qui jonchent le sol – qui luttent – en vain – contre les remous et l’oubli – impuissants face à l’acharnement des forces infrangibles…

La survie – comme seule ambition – source de (presque) tous les élans ; le désir d’une matière docile et abondante – le seul espoir – très souvent…

Oublié(s) des Dieux – exilé(s) de l’intérieur – appauvri(s) par l’absence et le manque d’espace au-dedans – cherchant, dans le labyrinthe du monde, une impossible issue…

Des songes et des foulées – seulement ; mille tentatives pour essayer d’échapper au désespoir…

 

*

 

Les ombres contournées – franchies – parfois, résorbées…

Corde à la main – pour se laisser glisser le long de la roche – à l’écart des massacres – la peau lacérée par les aspérités du monde…

Dans la poche – un carnet et quelques provisions – pour entreprendre ce voyage surprenant – comme une longue (et savoureuse – et salvifique) descente au fond de l’abîme…

La ligne claire de l’esprit – la paroi avec ses failles et ses anfractuosités…

La pluralité des genres – recentrée…

Toutes les lacunes et tous les excès – surlignés…

Le contraire de la tiédeur et de l’usurpation…

Le délire jusqu’au (complet) vacillement…

D’un extrême à l’autre – dans notre langue et notre traversée…

L’expérimentation du monde ; l’apprentissage de l’homme ; le labeur auquel nul ne peut échapper…

 

 

Terrassé par l’indigence – l’ordinaire…

Les peurs recroquevillées derrière un semblant de bravoure ; quelque chose – en nous – de dévasté – malgré la bonne figure (apparente)…

Cet instinct des bêtes en présence des hommes ; le sauvage qui fuit les bizarreries et les dangers de la civilisation – les mœurs étranges et atroces des dominants…

Sur le chemin de l’exil – aux confins du monde – aux marges dépeuplées – là où l’étreinte n’existe plus qu’à l’intérieur – comme l’enfance et la tendresse – comme le plus précieux – le cœur déshérité – la main tendue et la main qui se tend – la solitude et la fraternité – en soi…

Nous – face à nous-même(s) – les fenêtres et les mondes que nous portons – ouverts sur l’immensité…

Et ce long glissement vers le silence – la texture de notre premier visage – le seul, peut-être, qui puisse échapper aux couleurs et aux oripeaux dont nous avons pris l’habitude d’affubler nos différentes – nos multiples – figures…

 

 

Nous – parmi les Autres – le mystère dont nous nous rapprochons – dont nous nous éloignons – que nous sommes…

Sans distance – le vide – creusé – en soi – propice à l’accueil – prêt à tout accueillir…

La plénitude – au centre – la présence – partout – l’immobilité – au cœur de laquelle tout – à peu près tout – circule – se rencontre – échange…

L’œil jamais ébloui par la lumière – jamais inquiété par le silence…

L’âme réconciliée avec le monde et l’Absolu – tels qu’ils nous apparaissent…

 

 

Sur la pierre – le faîte et l’horizon – l’âme et le pas – le geste et la prière – tout ce dont nous avons besoin pour vivre sur la terre – au ciel – entre les deux – notre (humble) humanité…

L’invisible scindé en autant de dimensions que nécessaire ; l’œil immature qui cloisonne et dissèque – incapable de voir – trop souvent…

L’Absolu d’où jaillissent la matière – les choses – la parole…

L’œuvre du monde à l’aune du possible – notre labeur…

La vie – la mort – le sommeil – ce qui a l’air d’être – peut-être – sans doute – à la manière d’un rêve…

 

 

Un peu de couleur sur ce qui semble exister – quelques taches bariolées sur la trame immense…

Agenouillé devant le feu – l’homme – le silence – les cimes sombres de la nuit – le fond du jour aux parois lisses – vertigineuses…

L’œuvre de la tête soumise au piétinement des Autres ; le reste du monde que nous ignorons autant qu’il nous ignore…

Ce que nous sommes – parfois – de toute évidence…

 

*

 

Le temps désagrégé – l’espace interminable…

Nous – sans interruption – dans l’écheveau aux interstices fabuleux…

Des passages – de monde en monde – de vie en vie – le fil d’une même conversation – les doigts de Dieu qui jouent avec toutes les cordes de son instrument…

De tous les exils à tous les centres – au gré des circonstances ; et la même écoute – infiniment patiente…

 

 

Vacillant – sous cette lumière qui nous rejoint – à intervalles réguliers – pour égayer un peu le noir – notre course insouciante à travers le monde – le regard d’un Autre – aussi aveugle que nous – sans doute…

Dans la poitrine – cette musique et ces fenêtres – l’enfance qui sommeille avec candeur – le terrain des possibles que la raison infertilise – l’absence au niveau du sol – le rêve comme dangereux dérivatif…

Du haut des falaises – un rire – un envol – quelques fois – quelque chose qui élargit le cadre – qui redonne à l’esprit sa potentialité – un rai de lumière sur la langue – la création d’un embarcadère jusqu’au milieu de l’océan – le jour qui s’élève et la nuit qui décline…

Nous – derrière la vitre – les yeux qui cherchent – l’oubli comme un balai serré contre soi – et que l’on fait danser au milieu des visages et des circonstances…

Nous – comme une flèche dans le vide – suspendue – et qui reprendra sa course à la fin de la méprise – et qui se multipliera autant de fois que nécessaire pour atteindre le cœur de la cible – le centre multiple de l’espace…

 

 

Le frémissement – en soi – de l’invisible…

Ce dont le geste se fait l’écho…

Le brassage de la terre et du rêve…

La douleur et le sommeil réunis…

Comme un vague dispositif – éventuel déclencheur de l’envol – peut-être – les linéaments d’un élan pour échapper à la nuit du monde – à l’obscurité de l’homme…

La mesure de notre infirmité – à certains égards…

Nos bassesses éployées – l’image du feu – et nos lâchetés au bout d’une perche…

Exposé et retranché – en plein silence – malgré les cris et les objurgations de ceux qui cachent – maladroitement – leur indifférence…

Nous – sous le piétinement de nos contempteurs – la seule place que l’on nous octroie – et que nous occupons – à genoux – en silence – sans mot dire – les mains jointes en prière…

 

 

Dans l’ombre de ceux qui partent – de ceux pour lesquels la vie est un voyage – la seule véritable aventure – sans doute…

L’apparente errance du dehors et l’itinéraire (extrêmement) précis à l’intérieur ; des pas mesurés et des escales – jamais prévus – jamais anticipés – mais qui s’avèrent conformes aux traces passées – aux empreintes laissées par les anciens ; la patiente remontée du fleuve jusqu’à la source – le lieu du jaillissement perpétuel – à la jonction du ciel et de l’âme…

Et notre cheminement – les yeux bandés – les mains attachées derrière le dos – tous les rêves émiettés – à travers le réel et ses reflets…

Une foulée après l’autre – jusqu’au réenchantement…

 

*

 

La tendresse sauvage – farouche – solitaire – qui aime la nuit – l’oubli – ce qui nous réconcilie avec la chambre close – la force concentrée qui sert de baume et de miroir au voyageur en exil – seul sur ces rives dépeuplées – un peu de ciel – un reste d’étoiles – mélangés à la parole qui panse pour donner naissance à celui qu se moquera du gouffre – des pièges – du monde et du Divin – à celui qui respectera toutes les formes nées de la source – qu’importe leurs grimaces et leurs déguisements…

Nu – sous sa toge de vent – sans attribut humain apparent – inspiré par toutes les profondeurs – affranchi des apparences…

Dans les yeux – cette flamme solide ; dans le cœur – ce qui subsistera à tous les anéantissements…

L’espace vivant – sensible – chargé de vie – de mort – de décombres – traversé de toutes parts – à l’intersection de la terre et du ciel…

Sur le point de glisser – à chaque instant – dans l’âme de ceux qui ont su se faire humbles – suffisamment humbles – à force de cassures…

L’écho d’un roulement – au-dedans…

Quelque chose de bouleversant – le cœur de l’enfance – peut-être – réapparu avec la douleur et la clarté de l’âme…

 

 

Au pied d’un arbre – aux fenêtres du temps – l’infini porté par les mains de l’invisible – l’impossible dans la paume du silence – l’éternité de la voix chargée d’une imperceptible vérité…

Notre interminable besogne – la vie – le geste – la poésie – au service du soleil et du sang ; le Divin déguisé en chair et en verbe…

 

 

Les deux mains tendues – confiantes – comme si le monde était un rêve…

Des étoiles dans un autre ciel…

Une nuit colorée par des mains délicates…

Des âmes sensibles à la lumière…

Quelque chose de bienveillant qui pourrait s’approcher…

 

 

Notre vie – dégoût aux lèvres – le souffle ensommeillé – le ciel sans un seul signe – silencieux – comme si tout dormait – en nous – alentour ; comme si seul le rêve était réel…

Du soleil – parfois – le simple rayonnement d’une étoile – le reste sans couleur – comme emprisonné…

Au cœur des gouffres de la terre – la multitude amputée – agenouillée aux pieds des parois – hurlant sa douleur – ses prières…

Des paroles mélangées à la boue…

Des yeux presque parfaitement fermés…

Des existences – pitoyables – sans espoir – sans lumière – en train de s’éteindre…

Et nous – nous débattant encore – faiblement – dans les filets des Dieux – au cœur des orages et des tempêtes…

Trop peu de fièvre et trop de sang ; l’âme recroquevillée dans notre main…

 

 

Au doigt – l’alliance rompue…

L’indifférence en guise d’étreinte…

Dieu dans nos yeux aveugles – impuissant à se faire voir…

Dans cette nuit de plus en plus déserte…

Distraitement en vie – comme des pantins – (presque) entièrement étrangers à nous-mêmes…

Oublieux de la besogne – de l’origine – à accomplir – à retrouver…

Sous la coupe de la soif – immobiles – presque inertes – comme si nos membres avaient été arrachés ; dans une posture cruelle – atroce – insupportable…

 

*

 

A attendre – ici – dans le sable – sous le ciel – la voix – la mort – l’impossible…

Notre labeur interminable…

Et le sang sur la dépouille couchée sous la terre – la même douleur – la même peine…

Et l’âme dans l’air – survolant le monde ; le même besoin de tendresse – de soleil – d’horizon à dépasser…

 

 

Ce qui se rallie – sous nos forces – comme si nous étions un titan – un colosse aux ailes dépliées – aux longs cheveux clairs – un demi-dieu s’essayant à l’envol sous l’égide des forces célestes…

L’œil (néanmoins) lucide sur la métamorphose…

 

 

Face au monde – face au dé – le même destin qui se joue…

A la vie – à la mort – tantôt porté vers l’une – tantôt porté vers l’autre – sans distance avec ce qui arrive – pleinement engagé – malgré le regard qui surplombe les spectacles…

Tout – les deux – de manière concomitante…

 

 

Sur la terre abrupte – les deux pieds au sol – enracinés – posé là où il y a des arbres et des fleurs…

Le silence – dans la poitrine…

La voix qui murmure – comme pour elle-même – s’adressant à l’âme peut-être – et aux frères alentour – qui peut savoir – implorant les pierres et le Divin d’offrir à l’homme l’œil bleu de la sagesse – le cœur dégagé de l’histoire – capable de deviner l’immensité – la clarté de l’entendue sans bord ; l’Amour – la tendresse – le respect – nécessaires à la vie commune…

Soi et l’Autre – sans brisure ; dans la continuité perpétuelle de l’esprit et de la chair…

 

 

Ce qui s’écoule – ce qui s’écoute – l’énigme et les visages – l’esprit éparpillé dans la matière…

En nous – la lumière dissimulée sous nos voiles ; très souvent, l’ignorance – parfois, la pudeur…

Les troubles de l’âme face à ce qui s’invente – face à ce qui redouble d’effort pour consolider la résistance…

Deux mondes – au-dedans – qu’une réconciliation, sans doute, réunirait…

 

 

La figure repliée dans l’âme – les bras écartés – la bouche lumineuse – le silence sur nos lèvres trop agitées – parfois…

Le soleil – en désordre – au-dedans…

Ce que l’on murmure ; toutes nos insatisfactions…

 

 

Sans tête – l’âme nue – et sans même y réfléchir – notre plus juste identité ; puis, après un temps (suffisant) de silence et de solitude – l’approfondissement de l’ignorance – le doute et l’hésitation – l’impossibilité de dire – de définir – l’inutilité du langage – l’indigence de tout commentaire – rien ou tout – rien et tout – qui peut savoir – ceci et/ou cela – l’être et le non-être – la possibilité du jour dans le règne (quasi) perpétuel de la nuit – la faim – les Autres – soi et les formes – l’évidence et l’invisible – le rêve et les yeux grands ouverts – l’histoire – toutes les histoires – comme une succession de choses et de visages – une longue suite de circonstances – ce qui arrive – ce qui pourrait arriver – ce qui est – ce qui s’impose – assurément – ce qui existe – peut-être – ce dont on n’est pas certain…

La vie – la mort – la terre – le ciel – mille choses – mille mots – expressions de la même figure ; des élans et des tentatives ; l’œuvre – partout – de l’ineffable…

 

*

 

Le monde déchiré – la blessure étalée – devant nous – la parole inutile – le triste constat – la halte nécessaire – un peu de répit pour le pas – en attendant que naisse une autre terre – une autre lumière…

 

 

De l’autre côté – parfois – la seule solution ; non pas l’issue des faibles – non pas l’issue des rusés – mais celle qui se dessine, peu à peu, dans l’épaisseur étouffante des existences – dans l’étroitesse incarcérante des cercles où l’on nous somme de résider…

Un saut de côté – une traversée – ce que nous pouvons pour échapper au ciel de plomb – à la lourdeur de l’argile – au sang qui finit par s’assécher dans nos veines…

Un élan pour réparer – peut-être – nos vies fissurées – infirmes – estropiées…

 

 

La voix – la nôtre sans doute – au-dessus du monde – la terre écorchée – ce que nous étreignons – ce à quoi nous nous accrochons – après l’inévitable séparation – la rupture – le déséblouissement – le rejet du commerce auquel se livrent les hommes…

Dans un geste univoque – l’éloignement de la peur – le retour à l’innocence…

Le couteau et le bleu – le cœur – largement exposé – sans fausse pudeur – sans craindre d’effrayer – sans craindre de subjuguer…

Des yeux – partout – au-dessus du monde – les nôtres peut-être – eux aussi…

Ce qui nous prend et nous emporte…

Ce qui nous fait recommencer – mille fois – dix mille fois – des millions – des milliards de fois – encore et encore – encore et toujours…

La destruction et la mort – malgré la persistance des larmes et des tremblements…

Ce qui se lève – haut – très haut – bien au-dessus des cris et des légendes inventées par les hommes…

 

15 août 2021

Carnet n°265 Au jour le jour

Décembre 2020

Ni effort – ni sacrifice – ce qu’imposent les circonstances – le corps – le monde – l’influence des étoiles – les limites de la psyché – la nécessité du vide et du silence – les impératifs (non négociables) de la solitude – ce dont nous avons (viscéralement) besoin – ce qu’il nous faut goûter – éprouver – expérimenter – exactement…

 

 

Le poème – comme une prière lancée sans intention – vers le plus proche – le plus lointain ; entre le cri – le chant – le silence ; quelque chose sans destinataire – sans destination ; un geste naturel et gratuit ; presque rien – en somme…

Un peu d’espace – comme un courant invisible au-dessus des têtes…

Ni signe – ni sens – une langue présente – une manière d’être là – disponible – discret – attentif ; une façon, peut-être, de révéler – et de célébrer – l’humanité – en nous…

De l’encre sur le papier et l’incommensurable qui s’offre à l’âme…

 

 

Rien ne nous attend ; nous n’attendons rien…

L’espace – seulement – sans personne…

La solitude et la joie – notre sort – à présent ; si différent de ces (longues) années passées dans le noir – avec le masque de la tristesse collé sur le visage – le cœur recouvert de mille voiles – longs et épais – et l’ignorance en strates au fond de l’esprit – en deçà de toute possibilité de savoir – de découvrir l’autre versant du réel – derrière l’absence…

Nous et le monde – dans l’obscurité de ceux qui s’imaginent pauvres et mortels…

Nous et le monde – prisonniers des idées et des images des Autres…

Et nous – aujourd’hui – à la périphérie du monde humain – étroit – si commun – au seuil d’une plus large perspective – d’un horizon et d’une manière d’être au-delà de l’homme – peut-être…

 

*

 

La nuit alentour – au-dedans – au-devant du monde – qui recouvre, peu à peu, le ciel – qui devient, de proche en proche, les visages – les âmes – la parole – ce que chacun finit par être – et échanger avec les Autres – sans même y penser – sans même en avoir conscience…

Le noir jusque dans les profondeurs les plus reculées du cœur…

 

 

Le ciel – à travers les Autres – qui, tantôt, nous bouscule – qui, tantôt, nous accueille…

Sans direction – mille soustractions nécessaires – seulement ; ni récompense – ni punition – une intelligence – une sensibilité – à découvrir – à faire éclore – en dessous du feu…

 

 

Muet – devant le langage qui nous invente ; des traces particulières – nous dit-on…

Ainsi les hommes aiment se persuader de leur consistance – de la véracité de leur existence : peu (très peu) savent que rien n’existe – eux – pas davantage que le monde – que les Autres…

Un peu d’air vaguement rassemblé – vaguement agrégé ; un peu d’air qui s’agite – que les vents et les circonstances précipitent un peu plus loin ; de vie en vie – dans le même vide…

 

 

Une fenêtre à la place des questions d’autrefois…

Du silence et de l’immensité là où, naguère, les mots et le bavardage se cognaient dans l’espace trop étroit de la tête…

Parfois – des larmes – entre joie et tristesse (presque toujours)…

Quelque chose de vif – de tendre – d’attentif…

Quelque chose qui n’appartient ni au monde – ni à la psyché ; extra-terrestre – littéralement…

 

 

Des taches d’encre sur la page – comme des taches de doigts sur une vitre – incongrues – déplacées – comme des salissures sur la fenêtre du monde – un peu d’opacité supplémentaire – rien (trop souvent) qui n’aiguise – qui n’éclaircisse – la vision – le regard…

Un voile sur le réel – comme un obstacle (presque) rédhibitoire à la contemplation…

 

 

A tâtons dans le noir – la dévastation – quelque chose de (presque) imprononçable pour l’innocence ; les deux jambes coupées – nos lignes suspendues à un fil – au-dessus du monde-abîme – comme un funambule invité en pays hostile – pressé de reprendre, dès que possible, sa marche mesurée – de retrouver ses hauteurs et son envergure…

 

 

Rien – sur l’autel du langage – un peu d’encre – un peu de sueur ou de bave – des signes – des mots – toutes les fables inventées par les hommes…

De simples histoires – rien, jamais, de réel…

Et, pourtant, le sens fait toujours trembler le monde ; il célèbre ou crucifie – et l’on en fait, encore un peu partout, un outil de propagande – une arme de persuasion…

 

 

On offre – on sert – on se prête aux usages nécessaires ; jamais l’on n’exploite – jamais l’on n’instrumentalise…

Outil ancillaire plutôt qu’acteur décisionnaire et tyrannique…

Plus conscience sensible que (exclusivement) doté des attributs humains ordinaires…

(Très) singulière manière d’être – parmi les hommes…

 

 

Ce qui se renouvelle – en nous – l’invisible – l’intangible – ce dont si peu ont conscience…

La nuit comme le jour…

Le rêve – la ruse – les instincts ; et le reste moins (beaucoup moins) désespérant ; la tendresse – l’intelligence – la lucidité…

Vivant(s) – sans effort…

Le réel – au-delà du labyrinthe inventé – sans géographie – sans cartographie – inconnu – toujours – inexplorable – que l’on découvre et que l’on oublie le pas suivant ; le lieu de l’émerveillement – le chemin du non-apprentissage ; le regard sans mémoire qui, sans cesse, perçoit pour la première fois…

L’une des plus belles manières d’exister – peut-être…

 

*

 

Les hommes – le temps – emmurés dans le désastre – l’impossibilité ; les chemins du devenir – de catastrophe en catastrophe – presque rien – en somme – sinon l’impossibilité de l’affranchissement…

Quelques tours – douloureux (et désespérants – le plus souvent) – au cœur de l’invisible…

 

 

L’indicible – Dieu – sous nos masques – qui interroge – qui dénude l’esprit – tout ce qui doit l’être…

En soi – sans jamais prendre les Autres à témoin…

Dans l’âpreté des exercices solitaires – ce qui s’impose à notre volonté (si l’on peut dire)…

Des portes qui s’ouvrent sur l’immensité ; un périmètre qui, peu à peu, découvre – et dévoile – son étendue…

 

 

Des seuils – la vie qui s’affaisse – avec la pensée – le monde – les ombres – tout ce qui paraît trop perceptible – trop évident…

L’abîme qui modèle l’œil et le temps – les figures jointes du ciel et du geste – dans chaque parole…

La terre – comme un autel où se joue, à chaque instant, le plus sacré…

 

 

Le manque – l’inachevé ; tout ce qui – en nous – nécessite un peu d’attention…

Et le langage qui s’érige à la manière des tours – de forteresses inattaquables – construites sur le sable ; illusions d’existence – de puissance et de hauteur (de vue) – qui n’impressionnent que les yeux des enfants (trop) obéissants – à la curiosité défaillante…

 

 

D’un geste d’oiseau – sans (jamais) s’appesantir – en un éclair – comme la vie et la mort – de passage seulement – à peine une trace dans le ciel – pas même un envol – pas même un voyage – le plus bref disparaissant avec discrétion…

 

 

De passage – sur la pierre – comme tous les esprits voués (momentanément) à la malédiction terrestre…

Ni enfer – ni paradis – pas même le purgatoire…

Le temps (plus ou moins long) du sommeil…

 

 

En d’autres lieux que le monde – là où le rêve demeure étranger – là où la mémoire a été bannie – là où le rêve et la mémoire se sont effondrés à force de vide – sur ce chemin qui, sans cesse, retourne à l’origine – l’oubli en tête – au milieu de la matrice – partout délocalisée…

Sans embarras – l’être dans sa plus grande innocence et le cœur nu (et à vif)…

Là où l’on nous a posé(s) – sur le rebord d’une immense fenêtre – aux marges du monde – derrière les apparences bien rangées – au cœur du désordre – du chaos plein l’âme et la bouche…

Aux angles perdus de la raison – là où nul ne penserait à venir nous chercher…

L’âme au centre de l’univers – adossé au vide – dans l’immensité que nous sommes ; et le monde – et les choses – les visages et les idées – toutes les fulgurances qui nous traversent…

Ici – présent – sans excès – sans le moindre débordement – la parole sur sa sente sacrée – la plus naturelle à nos yeux – et, sans doute, la plus hermétique et la plus incompréhensible aux yeux des Autres…

 

 

La douleur cloutée sous le front – avec cet embarras à vivre devant toutes ces bêtes mourantes sur le sol jonché de corps et de sang – sous la mainmise des hommes ; tous ces pas qui piétinent – toutes ces mains rouges – toutes ces intentions sanguinaires…

D’un côté – l’hystérie de la faim – jusqu’à la folie ; et de l’autre – la chair et les âmes blessées – infiniment tristes – et inguérissables – sans doute…

 

*

 

De la rencontre – saisissante – entre figures aimantes – alliées – comme une aubaine…

Un parcours de l’enfance revisité – de mort en mort – à travers mille vies successives – ce qui nous hante – cette longue étreinte – cette part du cœur amoureux que l’on partage…

Ni promesse – ni reconstitution – l’identité des profondeurs reconnue – l’œuvre commune – ce qui nous attend après le lot d’épreuves et de catastrophes nécessaires…

Une voie – une chance – ravivées par l’Amour…

Ce qui – en nous – se renouvelle – au milieu des habitudes et des répétitions quotidiennes…

Le dispositif du rayonnement – réajusté sans inquiétude – au gré des visages – des circonstances – des possibilités…

Le plus poétique de ce monde – sans aucun doute – au cœur des emboîtements d’usage – des alliances réalisées par crainte ou ambition – comme une résonance malgré la laideur – les instincts – les excès de la volonté humaine – toute la cruauté dont nous sommes capables…

La beauté de cette – de notre – présence – parmi tant de certitudes – de limites – d’imperfections…

Là – sans désir – sans impatience – terrain vierge de toutes les traversées – ce qui s’impose – sans obscurité – ce qui s’efface d’un seul geste – ce qui s’oublie sans nostalgie – ce qui s’invite encore et encore – à la manière de l’aube sur la terre – un sourire – un peu de lumière sur notre effroi – notre misère – comme un repère – un refuge – sur ces rives tristes et trop pressées…

Le jour – tel un sillon dans la nuit – un fanal au fond de l’abîme – ce qui pourrait nous sauver de l’espérance et des tourments – malgré cette ronde (sans fin) de malheurs…

 

 

Couchés dans l’immensité – la tête à l’envers – les joues rouges à force de rire – frères d’une seule fratrie – dans cette marche – tantôt horizontale – tantôt verticale – souvent crépusculaire – ensemble jusqu’à Dieu – et au-delà – comme des enfants sous le regard tendre de leur mère – la joie de se parcourir – de cheminer, peu à peu, vers soi – dans cette respiration de la distance qui enchaîne, de manière ininterrompue, les éloignements et les rapprochements – comme un souffle divin au cœur de la chair – sur notre si terrestre chemin…

 

 

Le plus précieux – parmi les immondices – contrairement aux objets de contrebande – que l’on expose et que l’on s’échange comme des choses de grand intérêt…

L’esprit écorné par les apparences et la cécité…

Le règne – toujours triomphant – de la bêtise…

 

 

Ce que l’on a peint – malicieusement – sur nos yeux – pour que nous ne puissions voir que les traits du monde les plus grossiers – le plus tangible – la forme la plus apparente des choses…

Comme de l’eau jetée dans un fleuve – de la terre lancée sur le sol – un linceul qui envelopperait la mort…

Quelque chose d’un peu inutile (et d’un peu ridicule) – qui nous fait, parfois, froncer les sourcils d’un air (légèrement) méprisant…

La beauté et la poésie – le parfum de la sagesse – comme mille caresses sur la tête de soldats casqués – comme un arc-en-ciel offert à une foule aveugle…

De la tourmente dans nos yeux trop vifs…

Une porte ouverte sur l’invisible – l’immensité méconnue…

Assis – dans l’attente – sur le seuil de tous les horizons – de toutes les perspectives – de tous les possibles – pour longtemps – peut-être…

 

*

  

Dans le regard – le jour qui s’efface – la promesse qui s’éloigne – la sagesse amoindrie – comme une faiblesse de l’âme – passagère peut-être – durable – on ne sait pas…

D’un espace à l’autre – sur un chemin étrange – au cœur d’un voyage à la destination imprécise – les pas lourds – la tristesse sous les paupières – et l’inquiétude comme une seconde peau…

Le silence épais dans la poitrine – le souffle court – suffocant…

Comme aspiré au fond d’un gouffre – au cœur de la vacuité première – peut-être…

Entre angoisse et confusion – ce va-et-vient dans l’inconnu – la vastitude d’un nom et d’un monde oubliés…

Du vide – du sable – et ces oiseaux étranges dans la tête – ivres de ce soleil disparu…

L’effroi – l’errance – l’immensité – sans échappée possible…

Quelques traces dont seule la poussière se souviendra…

Notre parfaite absence…

 

 

Le temps et le langage – si étrangers à la poésie – comme éloignés des rives les plus habitables – les plus délicates – les plus sensibles – les plus propices à la beauté – comme le monde – en somme – l’âme encore plongée dans le rêve et la grossièreté…

Ce qui passe, parfois, au-dessus de la pensée des sages – l’invisible – le silence – l’enfance reconnue – l’enfance retrouvée ; notre ambition à tous…

 

 

(Presque) toujours – résultat d’un calcul – instrument stratégique d’une intention – moyen d’une fin délibérée ou inconsciente…

Sans l’Autre – le monde oublié – le cœur libre – l’esprit affranchi de la crainte et du conflit – des rêves (trop communs) de grandeur et de conquête…

L’innocence ancillaire et la main attentive – prêtes à tous les usages…

 

 

Une fenêtre dans le jour – ce qui nous accompagne – sans la moindre explication – sans obscure raison…

Une ouverture parfaite – dans tous les lieux où nous nous trouvons…

Un peu d’enfance – au cœur du regard – malgré le temps qui passe…

Cette poésie des marges qui, parfois, porte à la grâce – à l’éternité…

 

 

Un temple – très ancien – dont on a oublié le nom – dont les rites et les divinités ont été abandonnés …

De la joie et du rire – à présent…

Des lignes – une parole – comme des oiseaux nés du rêve qui chercheraient à témoigner du réel…

Le monde – en soi – sans ruse – sans magie – sans tourment…

Le temps qui se dissout entre les tempes…

La tête dans les derniers échos des bruits des siècles…

L’âme et la main généreuses – (entièrement) offertes…

Le cœur sans destinée – sans usage – attentif…

Notre peau – contiguë à celle de tous les Autres…

Le même œil qui, peu à peu, s’élargit…

Dieu détruisant tous nos édifices – tous nos sanctuaires de pierre et de papier – et laissant couler sur nos lèvres assoiffées l’eau première – l’innocence – la virginité…

Le réenchantement de la terre et du vide…

 

*

 

Au fond de l’enfance – notre frémissement – ce chuchotement du monde devant la beauté – le parfum de l’invisible – notre discernement face à la nuit – face aux Autres encore enténébrés – dans le chaos de leur cacophonie – le vertige de la bêtise triomphante – quelque chose comme une brume – une forme sans contour – avec des fantômes qui errent autour de la source – de leur origine – l’âme à feu et à sang – comme la terre – le sommeil logé au fond de l’abîme – en ces lieux sans lumière – comme cachés dans les recoins du monde les plus reculés – trop (bien trop) lointains pour être embrassés par l’Amour – le cœur et les mains endurcis par trop de misères successives…

Le noir – partout – presque inguérissable – la couleur du rêve – de tous les rêves des pauvres hommes – des pauvres bêtes – le vide contaminé…

Le règne manifeste – absolu – de l’absence…

 

 

Rien qu’une parole – vaste – profonde – lumineuse – née des profondeurs de l’âme – et composée (essentiellement) de silence ; la seule substance nécessaire pour que le langage soit recevable – entendable – réel – mais, malheureusement – trop souvent, incompris…

 

 

Par-delà le jour – les éclipses du cœur – l’âme exilée – l’hiver du monde – l’impossibilité du poème..

Nous – nu(s) – errant – dansant – nous aventurant – sur aucun socle – assis, en quelque sorte, devant toutes les portes fermées…

Le sentier de son propre visage – pas même accessible…

Le lointain qui s’approche – qui s’obstine – qui nous entoure – qui nous pénètre – devenu(s) étranger(s) à nous-même(s) – la figure en friche – l’obscurité malheureuse qui nous envahit…

Le vide inhabité ; notre seule géographie – sans doute…

 

 

Les yeux ouverts – devant nous – mais clos au-dedans – comme une cécité – une infirmité métaphysique ; Dieu – l’essence du monde – imperceptibles par les hommes – oubliés peut-être…

Le cœur assoupi – avec ce goût de terre dans la bouche – comme un embourbement (quasi) ontologique – un étouffement progressif et programmé…

 

 

Rien – de nulle part – vers ailleurs – un peu plus loin – comment le savoir – dans le vide – déjà perdu – déjà englouti – déjà sauvé – éternellement indemne (sans doute)…

Et cette encre qui sort de notre bouche – qui dégouline en signes sur la page – comme si nous débordions d’un silence légèrement corrompu – comme si quelque chose, en nous, s’acharnait à vouloir se transformer en substance terrestre – en liqueur consommable par les hommes…

 

 

Les yeux très proches du cercle – comme le cœur – près du regard – cet infini et l’envergure du point – si dense – comme une force brute – inépuisable – intarissable…

L’immensité et l’énergie – cette double nature – comme un espace vivant – une présence, parfois, habitée – parfois, désertée…

Du vide – abandonné à lui-même – le plus souvent…

 

 

Notre part de colère et notre part de rire ; notre contribution aux querelles – à la joie – à la mort – au printemps – dans notre chambre – sur tous les champs de bataille – sur l’entière surface du monde – au-dedans – parmi nous – au fond de la solitude – dans la compagnie des Autres…

Au centre et aux marges du cercle – de tous les cercles – ici et ailleurs – jusqu’au plus lointain – au-delà du connu – au-delà même des confins…

Dieu – que nous sommes – immenses – multiples – dérisoires – et notre cœur impossible à résumer – à restreindre – à localiser…

 

*

 

La parole glacée – comme des portes – des bras – qui se refusent – qui se referment – le visage impassible – le cœur absent – un déficit de tendresse comme un gouffre noir – une béance dans laquelle n’existe aucune altérité…

Des noms – des corps – des objets – au milieu du monde – avec, partout, des territoires à conquérir – des choses à acquérir – des titres à obtenir…

Nous – et dans nos coffres – ce que nous avons pillé – tous nos trésors – ce qui nous rassure – ce dont nous pouvons jouir…

Nous – si nombreux – si communs – face à ceux qui n’ont rien – une main – un regard – seulement – tendu(e) vers notre indifférence – implorant notre cœur sans âme…

 

 

Dans l’intervalle d’un Autre – plus lointain – presque étranger – comme une île abandonnée au milieu des jours – au milieu du temps…

Un sourire sur notre soif – le monde qui se dérobe…

Dans le cœur – l’immensité recouverte – la parole retranchée – le chemin circulaire…

Ce qui constitue une histoire – presque un poème – que l’on déposera, un jour, sur le sable – entre deux pierres – près d’un arbre sur lequel viendront se percher des oiseaux imaginaires…

Notre vie – notre monde – en ruines…

Des cendres à la place des flammes…

Le ciel brumeux – le ciel crépusculaire…

Nos dernières heures – sans doute…

Comme ces fleurs minuscules couchées par l’hiver…

 

 

Devant les ombres descendues – le front incliné – ce que pèse notre âme – dans l’obéissance forcée (dans l’obéissance artificielle) ; et sa manière de s’élever – de s’élargir – devant la lumière – au cœur de cette liberté fidèle au réel – à l’envergure du ciel – accordée aux circonstances – au cours des choses – aux exigences du monde…

 

 

Tout ce bleu tissé sous la peau…

La couleur dominante – de plus en plus…

Du ciel dans le geste – le pas presque infini – la parole bien plus vaste que la bouche et la tête – née des courants qui circulent au-dessus du monde – entre la source et la source – au cœur de ces va-et-vient permanents – de ces étranges circonvolutions – par-delà les apparences – par-delà la mort et les existences…

Le visage – le sang – l’espoir – à même la poussière…

Et le regard – très en deçà – très au-delà – capable d’adoucir tous les hurlements – toutes les douleurs…

Au cœur du silence et de l’immobilité – l’Amour suffisant pour tout endurer…

Le soleil en tête – comme sur nos lignes – les tremblements et les craintes éclairés…

Ce qui marche – ce qui tombe – et ce que l’on rattrape – de temps en temps…

Notre langue – à travers les murailles – qui perce partout – dans l’opacité – des fenêtres…

A jouir – presque indifféremment – de tout ce qui nous frôle – de la bêtise ou de la drôlerie des spectacles donnés pour personne…

Nous – sur le seuil d’un autre monde ; le cœur et l’esprit – vides…

La chair – la faim et l’intention – déjà rongées (en partie) par l’épuisement du désir…

 

*

 

L’enfance inconnue – à la dérive – comme ces fleurs que l’on jette, parfois, dans les fleuves sacrés – allant avec les eaux avant d’être englouties…

Le souffle – l’élan puis, la mort…

Telle une roue dans la boue et le brouillard – à travers les saisons et les paysages – sous le soleil et la neige – solidaire de l’attelage – sous les yeux parfois émerveillés – parfois indifférents – de la foule…

 

 

Au cœur de la forêt – comme si notre vie existait – parmi les jours – entre la soif et la lumière – présent – à l’ombre du monde – à l’ombre des hommes – sous le feuillage des grands arbres – à l’abri des hauteurs…

Comme notre parole et nos pages – déchiffrable(s) seulement par ceux qui ont l’âme sensible et attentive…

 

 

Ce qui – en nous – s’habitue aux existences lacunaires – au monde corrompu – aux infamies et à la cruauté – et qui, en secret, suffoque et s’offusque – s’éteint lentement – s’étouffe dans sa violence contenue et son retranchement…

Lisse – comme des lèvres peu éclairées – prêtes à tout pour être embrassées – sans le moindre discernement – et que l’on finit par ouvrir ou par mordre selon ses inclinaisons – ainsi est l’âme aussi – dans son impudeur et son ignorance…

Le monde comme le lieu de toutes les incompréhensions…

 

 

Séparé de tout – jusqu’à l’obsession – jusqu’à la mort…

Et ce rire – énorme – glaçant (à certains égards) – au-dessus de toutes nos tragédies…

Un peu de lumière – sur nos âmes brisées – sur nos têtes trop noires – qui ravive, parfois, notre désir, un peu flétri, d’encre et de bleu – cette immensité oubliée – à l’intérieur…

 

 

Le sourire et le murmure – offerts…

Un cœur – un visage – une parole…

Dieu et le monde – mélangés…

Le ciel que l’on appelle – en frottant ses mains – sur la roche…

L’âme et le corps – engourdis – plongés dans un état proche de la torpeur – une sorte de sommeil inconscient et involontaire – les yeux à moitié fermés – la poitrine tributaire de l’air – la tendresse que l’on prive de l’Amour que l’on nous a offert – et la lucidité à laquelle on ôte l’intelligence aiguisée par la curiosité et l’expérience…

En nous – devant nous – trop souvent, le même spectacle – l’indigence qui rêve de réenchantement – la misère qui s’imagine différente de ce qu’elle est…

En quête d’un Dieu trop longtemps caché – l’œuvre du monde – l’œuvre des circonstances – dans la parfaite continuité du dehors…

 

 

Des cris – encore – qui percent, parfois, les couches de tendresse accumulée au fil des jours – des expériences – de vie en vie – à travers des milliards de siècles ; ce long chemin sur lequel, peu à peu, nous nous rejoignons…

 

 

Rien – jamais – ne s’achève réellement…

Sur le même fil – les mêmes perspectives qui se dessinent – qui persévèrent – qui disparaissent – qui reviennent…

Aucun voyage – aucun destin – rompus…

Ce qui s’obstine dans le même sillon avec patience – avec le même acharnement ; l’espace – la matière – le silence et la chair – l’esprit – les âmes – inscrits ensemble – dans la même trame – arrachés au vide – et sans autre (réelle) appartenance…

 

*

 

Des cercles – des chemins – ce qui nous interroge – à la manière d’une mise au monde – le strict nécessaire – exonéré de toute forme de futilité…

L’Amour en dessous – derrière – partout ; et le manque – en surface…

La pauvreté et le ciel – sur la même pente…

Nous tous – rassemblés – et transformés, parfois, en choses vivantes – avec, au-dedans, des désirs et des peurs ; de la matière fragile – expressive – éructante – cette pâte étrange faite de glaise – de souffle et de mystère…

Du ciel – dans la parole – à côté de l’impossible…

Des nuages – au-dessus de la tête des Dieux – et l’oubli et la mort – un peu plus haut – un peu partout – comme les conditions les plus nécessaires à l’existence du monde – cet amas de matière et de choses invisibles entassées – ensemble – en désordre…

 

 

Le visage tourné vers le centre – la patrie intérieure – ce vide aux allures étranges – aux qualificatifs mensongers – que la langue dénature – défigure parfois – en le plaçant, trop souvent, sur l’autel des illusions – comme Dieu – le silence – la lumière – la vérité – si éloignés du monde – de ces existences humaines sinistres (et prosaïques) qui ont banni toute métaphysique – toute intériorité – qui ressemblent à des farces tristes et sans intérêt – et que la mort et l’oubli dissolvent en un instant…

Le réel – hors d’atteinte…

Rien que du sable – des corps et des pas – d’une incroyable gravité…

Et le ciel – comme un rêve hors de portée…

Ce que nous sommes – tous – pourtant – sans le moindre mystère – sans le moindre doute – sans la moindre étrangeté…

 

 

Ce que l’on arrache – avec la chair tuméfiée – cette étrange appartenance à l’Autre – le monde dans notre poche – ce que l’on met sur la table – dans son ventre – cette matière ingurgitée – la bouche pleine de terre et de cris – des corps – les tripes à l’air – la pourriture pestilentielle exposée – ce qui se décompose sous le soleil et les yeux indifférents – depuis le premier jour du monde…

De père en fils – le même sillon – la même ornière – creusé(e) peu à peu – le règne de la violence et de l’infamie…

L’appropriation instinctive et animale – qui corrompt tous les gestes – tous les usages…

Le sang – les tremblements – partout – sur la pierre – à hauteur de sol…

Ce qui – hélas – durera encore des siècles…

 

 

Entre les rives – à mesure que nous abandonnons notre place – celle que le monde nous a attribuée à notre naissance…

Le secret – peut-être – à la pointe de la dague qui nous transperce – de manière (presque) indolore – invisible – sans autre conséquence que l’imprégnation progressive de la vérité à travers l’expérience ; le silence, en nous, qui s’instaure – qui s’installe – qui nous creuse ; le vide, de plus en plus, évident à la place des mots – et des gestes parfois ; l’esprit qui devient le cœur – et inversement ; tout qui s’emboîte – qui s’interpénètre – dans une grande confusion – comme une béance grandissante – attentive et généreuse – dans laquelle tout se jette – dans laquelle tout prend place – offrant au monde davantage qu’un miroir et des reflets – une tendresse immense et sans âge – patiente – inépuisable – l’Amour des origines, sans cesse, revisité par les circonstances et les intentions invisibles et sous-jacentes…

 

*

 

Rien n’existe – en ces lieux du dehors ; le même vide qu’au fond du cœur…

Des centres qui s’ignorent – qui s’imaginent relégués aux lisières – la chair et l’âme exilées…

L’éclat secret de la nuit – au-dedans ; ce que l’on voit briller – à travers les yeux – ce que l’on ne peut obscurcir – ce que l’on ne peut éloigner ; cette chose que les hommes apparentent à Dieu – à la source…

Notre parfaite transparence – l’immensité bleue sous la peau – dans la voix – le ciel léger qui abrite l’éternité dont nous avons hérité…

 

 

Des arpents de nuit – au milieu des choses…

Nos paroles – comme des graines de vie – des fleurs encore enfouies dans l’invisible – inécloses – qui rêvent de terre fertile et d’épanouissement – de printemps et de mains délicates…

Le commencement de la fortune – la beauté du jour – la fièvre contagieuse de ce qui passe – les horizons assemblés que nul ne saurait décrire – la flèche qui nous clouera au silence – l’âme par-dessus le visage – infiniment consolée – le sommeil noué au fond de la tête pour ne pas oublier les rêves – le petit théâtre des ombres silencieuses – la roue du temps qui fait tournoyer les vies – qui les précipite – ici et ailleurs – sans altitude – sans autre perspective que la souillure et la corruption…

La terre ravagée comme nos cœurs – rongés par la violence et la faim – ce que l’on s’efforce (vainement) de dissimuler ; le règne de l’absurdité – l’effroyable contresens dans lequel nous existons – comme si nous nous condamnions à vivre au sommet d’une étroite colonne – sous les yeux des Autres – toujours (plus ou moins) assassins…

 

 

Dans la largeur d’un seul trait – doigts entre les lèvres pour dérouler la parole ; assembler nos murmures – relâcher toutes nos prises – abandonner nos filets – demeurer seul(s) et debout – sur la jetée qui mène à l’océan…

Attendre – patiemment – la fin de l’hiver – le soleil vivace du dehors – sous le front ; apprendre à devenir la jonction entre tous les éléments – le cœur de l’espace – l’immensité sans aucun secret – sans aucun recoin…

 

 

A mesure du vieillissement – ce trou dans le cœur – les pénuries de l’âme – comme un dessèchement de la substance…

Les rouages rouillés – les mécanismes grippés…

La nuit et le froid qui s’installent…

Ce qu’ont creusé – et altéré – la tristesse et le temps…

 

 

Endormi au pied de géants immobiles – l’herbe sous le visage – l’âme encore gesticulante – au cœur de rêves trop vivants – sans ennemi répertorié – sans ami – superbement seul – l’espoir et la désespérance délaissés – libéré de toute forme d’attente – au seuil d’un autre monde – plus vaste que celui dans lequel nous vivons…

 

 

Sur une terre trop lointaine – le cœur affaibli – la candeur corrompue – l’enfance balayée – l’âme muette – sens dessus dessous – comme jetée derrière soi…

Aux prises avec la permanence des désirs – la persistance des obstacles…

Les yeux qui brillent dans l’obscurité – sans nom – sans autre compagnie que celles que l’on porte – dans cette nuit qui – sans jamais dire son nom – a tout envahi – le monde – les têtes – l’esprit – jusqu’à la trame du sol et du ciel – jusqu’à l’indigence de nos prières ; toutes nos paroles et tous nos gestes – contaminés par l’exil – la couleur des ténèbres…

 

*

 

Sans violence – rassemblé(s) – le destin derrière soi – pareil(s) au monde – en apparence – au-dedans chamboulé – comme un chant né de la source et traversant les eaux – l’air – la terre – le ciel – en ondulations mystérieuses – harmonieuses – imperceptibles – en ondes silencieuses – comme des fleurs découvrant soudain le soleil – ses promesses – offrant (sans même y penser) au vent – aux yeux – leur beauté…

Et nous – contemplatif(s) – comme si l’on nous avait installé(s) au sommet des sens – posé(s) au cœur du regard – sur des hauteurs insoupçonnées…

 

 

Des pas et des voix – sur cette terre imparfaite – sous ce ciel inachevé…

Des chemins étrangers – des âmes trop faibles…

A envoyer – à écouter – des messages…

A s’éreinter à des marches absurdes…

Ensemble – la vie et la mort – dans les bras l’une de l’autre – le cycle sans fin – et, à l’intérieur, cette perspective grandissante – de manière (quasi) continue – vers la source et l’immensité – comme une respiration – le cœur et le silence associés – tantôt caresses – tantôt brûlures – le signe d’un ciel descendu – accessible – d’une terre apprivoisée – familière…

Le regard tendre sur la pierre – l’affolement des visages – l’incompréhension des esprits – les âmes frivoles et volages – un peu perdues – l’absence et la distraction – ce qui règne sans consistance – sans densité – nos vies si changeantes – si étrangères les unes aux autres – comme un poids – un amas de pierre – au fond de l’être…

Et les formes si passagères que nous revêtons…

Le monde tel qu’il va – toutes lampes éteintes ; et la conscience – rayonnante – dans l’invisible ; et nos gestes dérisoires…

 

 

L’âme mise à nu par la matière – les visages – les circonstances ; les prières et les chants qui montent vers le ciel – le silence…

Nos pas dans l’invisible – sans l’aide des Autres – sans l’aide des Dieux…

La folle histoire du monde – derrière nous – qui s’effiloche – qui s’éloigne – peu à peu oubliée…

L’Absolu – de plus en plus proche – à nos côtés…

 

 

Des adieux – de moins en moins tristes ; une existence de moins en moins indigente et tragique…

La tristesse – quelques reliquats de tristesse – métamorphosés en intention – en orientation concertée – en portion de chemin à parcourir ensemble – lorsque les âmes seront, à nouveau, réunies par les circonstances…

Les boursouflures de la volonté – éradiquées…

Le fond de la douleur – de la blessure – peu à peu – apprivoisé…

Une manière – peut-être – de laisser le sang circuler une dernière fois…

L’âme vide – le cœur et le ciel (enfin) superposés…

Notre ultime séjour – avant longtemps, sans doute ; l’existence sans la nécessité de l’air – sans la nécessité du souffle ; une respiration naturelle affranchie des éléments et des contingences terrestres…

Un regard souverain – dépouillé – sans appartenance – à la place des étoiles – à la place de l’absence…

Au fil de cette attente ininterrompue – le soleil – le mystère – sans croyance – sans gêner quiconque – le cœur naïf et imprégné de bleu – les yeux sans sommeil – amoureux de l’invisible et des choses présentes au-delà du monde…

 

*

 

Ça s’enchaîne – les vies – les visages – les paroles – les rêves – les désirs – ce que l’on empoche – ce que l’on abandonne – ce qui s’arrache – ce qui nous édifie…

Des conséquences – comme des maillons dans la même nuit noire – profonde – un abîme qui sent la mort ; mille morts – sans jamais de fin…

 

 

Les eaux du monde – légères – si légères ; une manière de suivre fidèlement les méandres – de s’insinuer dans les moindres recoins – le goutte à goutte – l’évaporation – et ce long ruissellement sur la terre jusqu’au ciel – jusqu’à l’océan ; l’éternel retour à la contraction – à l’immensité…

Comme nos âmes ; de l’infini à l’infini – à travers les corps…

 

 

Des saisons tenaces – la nuit lointaine…

Tout un parcours – au-dessus du froid – avec, autour, des yeux sans présence – des mains de chair sans âme…

Le monde tel qu’il est – plongé dans l’ombre et l’ignorance…

 

 

L’absence – le règne du visible – sans ciel – sans miracle – sans personne…

Rien qu’un sifflement dans la tête – une manière de se sentir moins seul – de donner à sa solitude un petit air de fête…

Sur cette pente inéluctable – vers les jours sombres – plein de terre et de ténèbres…

Les paupières closes – comme elles l’ont toujours été…

Puis, un jour, des fleurs sur une tombe – pour se souvenir de ce que nous avons été…

Quelques printemps – et toujours aussi éloigné(s) de l’origine…

 

 

Des siècles de sommeil – irréfutables – le bleu et les malheurs qui s’ébattent – innocemment – sur le sable…

Les filles et les fils du vent qui tournoient dans la ronde – entre le mystère et le néant – entre le vide et les amassements – d’un monde à l’autre – sans (jamais) rien comprendre – le ciel en bas – la terre par-dessus – dans un renversement permanent des échelles – les yeux clos qui s’imaginent ouverts – tous les doigts – tous les pas – pointant – allant – là où il y a des étoiles – et qui confondent l’éblouissement et la lumière…

Nous – nous éloignant – sans cesse – du centre…

Des vies à contre-courant des flux les plus naturels – comme un monde – en nous – ignoré – recouvert par des milliers de rêves – le piétinement – des milliers de foulées dans le noir et l’aurore faiblissante…

Des vents qui attisent le désespoir – et qui précipitent toutes les finitudes vers le resserrement – l’étouffement – l’atroce agonie par laquelle doivent passer tous les vivants…

 

 

Les âmes à genoux – immobiles – plus proches du chemin – des périls – de l’infirmité – que des terres qui célèbrent l’affranchissement et la liberté – le rôle de la mort et de l’oubli…

 

 

Les heures antiques de l’enfance – qui baignent (encore) dans les combats et le sang – le monde au cœur de toutes les arènes célébrées – inventées – qui honorent la puissance – et la gloire – et les vainqueurs – et qui crucifient les âmes – et les yeux – ouverts à toutes les perspectives différentes – inversées – moins grossières…

 

*

 

Sans autre instant que celui-ci – le pas royal – nuptial – suspendu – les yeux ardents – gourmands – amoureux ; attentif – l’âme légère – comme la paupière – un pétale dans le vent – un poème lancé en l’air – libre d’aller – de se poser – de rejoindre le ciel – les origines – et réalisant tout cela à la fois – successivement – simultanément – sans la moindre inquiétude – sans la moindre restriction…

Vivant – sans nécessité – sans raison – affranchi des codes humains – des lois terrestres – échappant même aux règles qui régissent les rapports entre le vide et la matière…

Présence souveraine et incertaine – en quelque sorte…

Sans destin (véritable) ; une manière – mille manières – d’être au-delà du monde – du tragique – de l’oubli…

 

 

Aux portes du temps – le silence…

Rien avant – rien après – l’instant infiniment renouvelable – et renouvelé – avec des trappes et des recoins où l’on peut se perdre et se cacher…

La nuit – l’imaginaire – le devenir – des intervalles sans personne – où le monde n’est qu’une idée – des voix – des traits que l’on trace à la surface de l’eau – sur le sable – dans l’air – avec les couleurs du ciel – éclatantes – nuancées…

Aux lisières de l’invisible et de l’immensité…

Le grand vide – en deçà duquel ralentissent ou accélèrent toutes les roues terrestres horizontales…

La parole – telle qu’elle va – presque silencieuse – sans support – sans auditoire – que le vent porte au-delà des horizons humains – trop grossiers – trop communs – bien trop discutables – par-dessus toutes les formes d’obscurité – celle du monde – celle des âmes et du langage – et qui sait mêler (avec franchise et honnêteté) l’ombre et la lumière – suffisamment essentielle à nos yeux pour exister sans la nécessité des Autres…

 

 

D’une mort à l’autre – sans mauvais sort – sans sortilège – sans récusation possible…

Une longue chaîne de têtes et de déguisements – sur laquelle se propagent les chants et l’Amour des origines – toutes les vibrations – avec, de temps en temps, des intervalles de joie – de douleur – de silence…

Et la vie qui va – d’une pierre à l’autre – la soif attisée par le soleil et l’étendue désertique – à chercher (en vain) au-dehors un lieu de paix – un peu de repos…

 

 

Dans le bain des supplices – le même délire – ce refus de l’infortune – l’âme déguenillée – le cœur et la peau arrachés par les vents – en immersion au fond des gouffres de la confusion – et les excès de silence sur notre écoute…

Le bruit du feutre sur la page – les feuilles qui volent – soulevées à la moindre bourrasque – ce que l’on croit comprendre et qui enfonce – dans nos crânes – l’ignorance – un peu plus profondément…

La vie et les sens multiples – les couches d’horizons et de perspectives imbriquées – superposées…

Troublé(s) par les apparences qui nous font croire aux changements incessants ; et troublé(s) par la psyché qui crée l’illusion de la durée – la permanence – les habitudes – l’inéluctable retour des choses…

Des filtres et des masques – qui nous privent de la lucidité et de la gratitude – nécessaires – qui réduisent l’envergure du réel à un espace confiné – qui limitent l’infinité des possibles à quelques états – et qui donnent au monde et à l’existence une physionomie trompeuse – (bien) moins tendres et (bien) plus attrayants qu’ils ne le sont – en réalité…

 

*

 

De rive en désastre – sur ces barques changeantes – d’un bout à l’autre de la nuit…

Jour après jour – l’âme plongée dans le froid – la chair – le cœur – la faim attisée par le manque – tous les manques – et les frémissements du désir…

Les cris qui, peu à peu, deviennent articulés – les prémices du langage…

Les terres explorées – mises à feu et à sang – mises à sac – rendues inhabitables après notre passage – pourvoyeuses de vivres et d’agréments – et de promesses peut-être – qui sait…

Nos pas dans l’inconnu – le soleil apprivoisé – la matière façonnée tantôt en armes – tantôt en objets usuels – le prosaïsme des vies – le ventre et le territoire…

Les corps qui enfantent – qui se reproduisent – les mains qui besognent ; le lointain, peu à peu, rendu plus proche – les impossibles les plus accessibles cessant de l’être – le progrès qui laisse sans voix…

Le monde transformé – chamboulé – à grand coup de dés et d’artifices ; l’exploitation et le saccage méthodiques – industrieux – industriels – systématiques ; la terre et les âmes méconnaissables – ce qu’il en reste…

Tous les horizons – sans axe vertical…

Le savoir – les expériences – les inventions…

La lutte âpre – acharnée – les résistances de l’organique…

Ce que l’on croit – Dieu – les Autres – les livres – les idoles que l’on s’est choisies…

Sur nous – les tempêtes – la foudre et la pluie – la lumière oblique – les éléments naturels – primordiaux – inchangés depuis le premier jour…

L’efflorescence des têtes et la surface qui, peu à peu, se rétrécit ; tout ce qui a été touché – exploité – souillé – hors d’usage – depuis trop longtemps…

Ce qui se perpétue et ce qui nous tue…

De rive en désastre – sur ces barques changeantes – d’un bout à l’autre de la nuit…

 

 

Ce que l’on cueille – non des fleurs – non des poèmes – ce qui est lourd – et, parfois, vital – essentiel sans doute – ce que l’on arrache plutôt – à chaque instant – à chaque carrefour – avec l’assentiment de nos aïeux et la complicité de nos pairs – sur ce chemin de peines et de mensonges – des pas – des pierres – un peu de mousse parfois – sur cette terre d’absence et de blessures – sans seuil – sans personne – sans soleil…

Là où l’on nous a fait naître – là où l’on doit vivre encore un peu…

 

 

Les représentations et les refus – la source de tous les chagrins…

La tête vide – acquiesçante – qui transforme l’âme et le monde en terre de joie et de circonstances…

Ni rêve – ni sommeil…

Ce qui est et la justesse des gestes engagés…

 

 

D’un bleu à l’autre – dans quelques fables – sur quelques sentes – avec un peu de ciel en tête – la parole et le pas besogneux – et le reste du labeur à réaliser – à l’intérieur…

Rien – pas même l’ambition d’un achèvement – d’un royaume – d’un peu de paix et de repos…

La tâche à faire – à reprendre – inlassablement – chaque jour – accueillir ce qui se présente – ce qui vient – le seul règne possible – l’horizon qui se renouvelle…

La couronne et les bracelets de l’invisible – sur la tête – aux chevilles et aux poignets – comme les seuls habits – les seuls ornements – possibles – acceptables – les signes d’une alliance secrète avec Dieu – en nous – dans le froid – la violence et la solitude – du monde – guidant notre marche vers lui – à une distance infiniment accessible – franchissable – à chaque instant…

 

*

 

Près du silence – des choses – les objets du chemin – notre viatique pour le lointain – l’inconnu – l’invisible – ce que l’on ignore aujourd’hui et ce que l’on ignorera, peut-être, encore demain…

Des paroles prononcées pour les Autres – dessinées, parfois, sur le sable – murmurées pour soi ; la voix qui égraine le passé – tous les souvenirs de la mémoire tarissable – les heures les plus nocturnes – les plus souterraines – la peur du vide – l’angoisse de l’absence et du tombeau – de la vie qui s’acharne – du monde (presque) toujours contre nous – l’adversité du destin – les hommes et les Dieux séparés – installés, le temps d’une vie, en des cercles différents – guère éloignés – légèrement poreux – pénétrables par des yeux lucides – superposables grâce à la puissance (quasi) magique de l’esprit – emboîtés (en réalité) l’un dans l’autre au cœur de l’espace – néant pour les uns – vacuité pour les autres – selon l’acuité du regard et la sensibilité de l’âme…

 

 

Des formes – des peines – du sommeil – et autour – et au-dedans – la lumière – la possibilité d’un éclairage meilleur…

Si proches des rives – des possibles…

Si près du silence – encore…

 

 

Auprès du peuple des accolades et du grand large…

Emerveillé – sans (réel) étonnement – curieux des choses du monde – de la multitude – de la diversité des apparences…

Auprès du peuple de la lumière et du langage…

Amoureux de la poésie – engagé dans le réel – soucieux de l’au-delà des rêves…

Avec des pans entiers de silence – au-dedans – concentré – dispersé…

Egaux – quels que soient le jour – l’état de l’univers – la somme des joies et des peines au fond du cœur…

Heureux et rieur devant l’inconnu – sans inquiétude au milieu des ombres et des menaces – au milieu des édifications et des effondrements – face au provisoire – à l’inéluctable – au destin qui se déroule…

Assez sage – en somme (s’il nous était possible de le définir)…

 

 

La marche solitaire – parmi les arbres et les rochers – dans une trouée de lumière – le dedans parfois encore désespéré – le sommeil toujours en tête – à suivre à la trace – à distance – de vieux sages antiques à l’âme ébouriffée – un peu folle – sans compagnon eux aussi – traversant le monde – les affres terrestres – le plus horrible quelques fois – pour apprendre à revêtir les atours du vide – à s’accoutumer au dénuement du ventre – de la tête – du cœur – de moins en moins reconnaissables sans leurs traits humains – sans les caractéristiques ordinaires des hommes…

Nous engouffrant – un à un – les uns après les autres – au fond du même intervalle – une entaille aux portes multiples qui ouvrent sur l’espace – une étendue à l’intérieur – au cœur de laquelle plus rien n’existe – au cœur de laquelle tout disparaît – sans la moindre pitié pour la singularité des visages – du langage ; la vérité – si massive – si acérée – que rien ne peut durer – que tout est aussitôt broyé ou déchiré – comme si rien n’avait jamais existé ; un univers d’éclats et de fragments – étrangement rassemblés – imbriqués – sens dessus dessous – la matière et les âmes – peut-être – passées au crible et sombrant, peu à peu, dans l’oubli – comme au fond d’un abîme où pas une seule prière – pas un seul débris – ne peut résister aux forces puissantes de l’effacement…

 

 

Une halte – parfois – sur cette route d’exil et de désobéissance – la tête contre le soleil – le cœur de plus en plus innocent – fragile et affranchi – la peau écorchée – les blessures profondes – tous les désirs, peu à peu, érodés – rabotés – au point de ne plus vouloir vivre dans le monde – au milieu des Autres – au point de ne plus se soucier d’être quelqu’un ou de n’être personne – au point d’être indifférent aux lieux où l’on séjourne (pourvu que nous demeurions seul et loin du bruit) – au point de ne plus désirer changer – ou transformer – la moindre chose – en soi – en cette existence – en ce monde ; être – seulement – en un seul souffle – puissant – qui ne cesse de se réinventer…

 

*

 

De retour sur ce qui s’ouvre – l’infinité des mondes – sous les paupières – le commencement du temps – au premier instant de la pierre…

Ce qui a surgi du plus lointain sommeil…

Nous – à présent – persuadé(s) de vivre – d’exister…

Immergé(s), à notre insu, dans un devenir sans blessure – malgré les apparences et la mort – ce que nous percevons – ce que nous comprenons…

 

 

De l’eau noire – sur ces feuilles dégoulinantes (que l’on essore comme des éponges)…

Du rouge aussi – et ce trouble dans le regard incapable de faire face à l’impitoyabilité du réel…

Des colonnes de faits et de dates – sans intérêt – notre histoire – toutes les histoires – des bêtes – des hommes – des civilisations – des mondes – des périodes géologiques – des éons cosmiques ; le même déroulement – à quelques détails près – à quelques broutilles près ; rien qui ne résiste au temps – à l’oubli…

Tout finit par glisser dans le silence ; les visages – les livres – les voix – les épopées – toutes nos inventions – toutes nos conquêtes – poussière qui se dérobe ; vent – éclaboussures et particules…

Qu’un seul triomphe – à jamais – le regard et le geste de l’instant – vierges – innocents – absolus – affranchis des choses – des désirs – des figures – des mondes d’avant et des mondes d’après…

L’irruption d’une lumière dans la nuit permanente – deux yeux grands ouverts et une main parfaite qui émergent du magma grouillant de la pénombre ; Dieu, peut-être, jaillissant des abîmes et de la terre mal labourée…

 

 

En ce monde équivoque – ni simple corps – ni pur esprit – au cœur d’un mélange – mille combinaisons à l’œuvre – provisoires ; la terre au-dessus d’elle-même et le ciel qui descend (un peu) – le souffle et les Dieux qui, parfois, s’en mêlent – la chair périssable et le cœur sans âge comme emmaillotés dans l’étoffe du temps – entre respiration possible et étouffement – notre lot commun – cette folie en actes qui ne surprend (presque) plus personne – entre horreur et émerveillement – à chaque instant…

 

 

A la surface du monde – toutes les routes sans fin – l’incessante circulation des formes au-dedans du périmètre défini – sans issue – sans autre possibilité que le plongeon – à l’intérieur – simultané à l’envol – au cœur de l’infini…

 

 

Minuscules et dérisoires – insuffisamment cependant pour échapper aux tamis de l’oubli aux mailles si serrées…

Sur cette bande de terre – jusqu’à la mort – avec le ciel, parfois, qui s’invite préalablement – lorsque le sommeil et la folie ont été déclassés – arrachés du sommet des hiérarchies…

 

 

Au bord du vide – sans repère – sans classement – sans mémoire – au faîte de la confusion – l’apparition des signes du merveilleux – d’une possibilité – inespérés…

La clairvoyance – dans ce rapprochement des extrêmes – la terre et le ciel, peu à peu, réunis – l’obéissance à l’espace et à l’invisible à peine dissimulés derrière les apparences – derrière les circonstances perceptibles par les sens et la raison…

 

*

 

Ce que nous initions – sans rien déranger – sans importuner quiconque – pas le moindre vivant – loin (si loin) des vitrines et des étoiles exposées – à l’abri de toute lumière extérieure – dans le (presque) secret de notre solitude – la besogne quotidienne de l’âme – de l’esprit – de la main – le sillon – des sillons – qui se creusent – malgré nous – en silence – sans interrogation – les choses qui se font – qui se défont – dont on fait mille usages – l’espace que l’on habite – les feuilles que l’on noircit – les mots et les gestes que l’on enchaîne…

L’attention libre – souple – assidue – continue – sans éclipse – sans sommeil…

Ce que nous traversons et ce qui nous traverse – jusqu’à la mort…

L’écoute de tous les manques – de toutes les faims – les échos proches et lointains du monde – les saisons – Dieu et la lumière…

Tous les mouvements – tous les possibles – et le silence nécessaire…

 

 

Au centre de l’effacement – l’espace vacant…

La terre et le ciel défaits – la dissolution de la matière – l’invisible originel – sans âge – impérissable…

L’envergure sans limite – une définition au-delà de l’homme – au-delà du monde – au-delà même du langage…

 

 

Dans le cercle silencieux – la bouche bée – toute ronde – comme un « O(h) » – devant le visage d’un Dieu sans nom…

L’âme stupéfaite traversée par l’écho de ce qui est né aux premiers instants du monde…

Des traits de lumière dans la nuit…

Des taches d’invisible sur la page…

Et notre main appliquée – comme un scribe – fidèle – sans volonté – heureux des ombres – des reflets – des miroirs et des détours – qui traversent l’obscurité…

 

 

Entre la terre et le ciel – sur cette frontière – ces espaces inventés au milieu de l’espace – pieds au sol – yeux et mains levés – la tête pleine de rêves de réconciliation…

Au cœur de la séparation – ici et l’horizon – l’en-bas et, plus haut, les étoiles ; la chair comme coincée dans l’entre-deux – dans l’intervalle – et l’esprit écartelé entre toutes les perspectives offertes…

Et quelque part – au bord du monde – un lieu sans importance – l’âme alignée sur toutes les directions – comme une présence au centre de tous les cercles…

 

 

Des choses plein la tête – des larmes plein les yeux – l’âme lasse et le cœur fatigué…

Ainsi se vit (trop souvent) la tristesse des hommes…

Le destin – comme un fardeau à porter d’une extrémité à l’autre du périmètre connu – sur l’infime portion d’une droite que l’on imagine – à tort ou à raison – infinie…

 

 

Rien – pas un seul bagage – le regard – l’innocence et le pas sans intention – seulement ; le cœur et le voyage légers – debout parmi les ombres – les yeux sensibles qui feignent l’indifférence ou la cécité pour se prémunir de trop grands (et inutiles) tourments ; la vie des Autres – comme des pierres qui roulent sur leur pente – sans même jeter un œil sur les côtés – sans attention – sans empathie – sans tendresse – sous le front – la charge des soucis inventés et le poids (ridicule) des responsabilités ; des carcasses qui bougent – qui écrasent – qui mutilent – qui se servent du monde comme s’il était un sac – une réserve de vivres et d’agréments ; mille gestes pour assouvir ses désirs et sa faim ; aucun (presque aucun) – pour soulager – apaiser – secourir…

 

*

 

Sans ciel – dans le labyrinthe – coincé(s) – comme des choses à peine vivantes – ce à quoi ressemblent les vies sur la terre – rudes – risibles – tragiques – absolument dérisoires…

De temps en temps – un éclair – une étincelle – une lueur – dans l’opacité…

Dieu dans l’interstice – un clin d’œil à défaut d’étreinte…

La longue besogne souterraine avant le pourrissement…

Un chemin – à coup de chiquenaudes dans l’épaisseur – épuisant – interminable…

 

 

L’alphabet du silence – appris patiemment – su, à présent, sur le bout des doigts – et dont on insinue, parfois, quelques lettres dans la parole des livres – dans le langage des hommes…

L’invisible au cœur de la poésie…

 

 

Entre terre et terreur – le regard – le cri – animal – l’instinct qui nous couche – qui nous redresse – dont nous sommes le jouet…

Des batailles – nombreuses et sanglantes – et des fatigues – qui nous livrent à la dureté du sol…

Devant nous – une autre terre – plus haute – presque inaccessible – un tertre qui émerge au-dessus de ces rives peuplées de sots et de fous – empêtrés dans l’ignorance et la divagation…

De la démence et de la stupidité – qui, partout, initient des rites fabuleux – atroces – pour célébrer la faim – toutes les faims – et notre assouvissement pitoyable – provisoire – grâce à la chair et au sang…

Des cœurs et des bouches sauvages – cruels – barbares – ensommeillés…

Rien encore en mesure d’approcher l’innocence et la beauté…

 

 

Le monde – les choses – ce qu’il faut percevoir…

Des gestes sans courtoisie – des paroles sans vérité – le ton affable ou comminatoire…

Les apparences d’une vie lisse et manichéenne – sans aspérité – arc-boutée sur ses biens et ses droits – à l’affût de la moindre opportunité – cantonnée aux faits – à la surface (triste) des circonstances…

 

 

Sans filiation directe – évidente – étranger aux gestes mimétiques – toutes les portes poussées – ouvertes – tous les espaces explorés – rétif à toute forme de conquête et d’appropriation ; de passage – seulement…

Un espace (infime) dans l’espace (immense) – plutôt – qui se laisse traverser par ce qu’il traverse – au hasard des routes et des pas…

Quelque chose de précieux et d’insensé – une part de l’indicible habitée – sans doute…

 

 

Ni fortune favorable – ni destin tragique…

Des expériences – l’appauvrissement volontaire – approprié…

L’itinéraire du dénuement – de l’effacement – vers le vide vivant – attentif – conscient…

Sans récolte – sans œuvre à réaliser…

Ce qui advient – seulement…

L’or de l’âme – l’or du ciel – l’or du monde – découverts – exposés et offerts…

Un peu de sagesse anonyme – peut-être…

 

 

Sur le socle de la nudité – parmi les vagues – au milieu de l’océan – souple et stable au cœur de la danse (inévitable) des éléments – jouant avec l’accueil – le refus – les circonstances – sans la moindre attente à l’égard des lieux et des visages…

 

*

 

Dans l’herbe – l’absence – le vent – l’essence de la solitude – le jeu vital du monde – l’espace sans cesse acquiesçant…

La vie – les choses – telles qu’elles vont – telles qu’elles sont…

 

 

Installé(s) dans le sommeil – derrière des murs si anciens – depuis trop longtemps…

 

 

Dans la forêt – dans l’ivresse d’une fraternité – la terre – la roche – les pas – le ciel – ce qui va de soi – le plus spontané – le plus naturel – le chant – la danse et le silence – ce que l’on murmure à tous les habitants du royaume…

Un monde de douceur – de tendresse – de caresses – loin du tapage – du carnage et des carnassiers…

La pierre aussi blanche que l’âme…

Le sommeil devenu (presque) impossible…

 

 

A courir – bêtement – follement – le long des miroirs – l’avenir déjà défini – déjà circonscrit – comme inscrit dans la roche – dramatiquement prévisible…

L’existence composée (essentiellement) de rêves et de reflets – d’attentes et de fausse transparence – gouvernée (et dévorée) par les yeux des Autres – les lois scélérates de la beauté et de la bonté monnayables…

Le visage de l’enfance triste et immature – infidèle à la folie que réclame une vie (réellement) libre – authentique – solitaire…

Tout un chemin à parcourir la tête baissée – dans une parfaite obscurité intérieure…

De la terre plein les yeux – comme un cœur absent…

 

 

Une vie ensemble – dérobée – rongée par l’invasion du monde – l’absence et les usages…

Comme une bête, en nous, habituée à sa tanière – à sa litière de paille – au foin qu’on lui jette chaque jour…

Les habitudes – tragiques et maladives – de l’âme et du monde…

 

 

Des gestes nus – couronnés par rien – par le vent, peut-être, qui balaye de vieux restes d’écume – accordés au silence – au contexte – malgré le bruit et la foule – avec un arbre et la solitude plantés au milieu du cœur – nous affranchissant (partiellement) de l’horreur – en tous lieux – jusque dans les pires endroits du monde – de la modernité…

Une vie marquée par l’authenticité et le repli – une forme de réclusion austère et lucide – nécessaire pour échapper aux mille contingences – aux mille contaminations – humaines – délétères – porteuses de rêves – de délires et de mort…

Une manière de vivre en retrait – à l’écart – aussi loin que possible du désastre vertigineux érigé (avec fierté – avec orgueil – avec ignorance et cécité) par les hommes…

 

 

La route toute tracée des existences…

Des murs à longer – des balises à suivre – des obstacles à contourner – des barrières à ne pas franchir…

Tout un itinéraire – dans le périmètre – jusqu’à la mort – triste et indigent – comme du plomb dans le sang et les semelles – l’âme et le corps pesants – sur une pente sans soleil – avec la tête pleine de rêves et de fantômes…

Une existence – des existences – hantées par l’impossibilité de l’errance et de la révolte – l’absence de liberté – matées par les règles – les lois – les diverses autorités – le pas des aînés – le souci des traditions qui, sous couvert de continuité, ajoutent, à chaque nouvelle génération, son lot de frontières et de restrictions…

Le resserrement du cercle – de la détention – auquel le cœur consent mollement…

L’horreur à perpétuité ; l’infamie – éternellement…

 

*

 

De l’air sur la pierre – le monde vaporeux au-dessus de l’épaisseur…

Des bêtes qui marchent tantôt avec légèreté – tantôt avec lourdeur…

Nos visages séparés – inconsolables d’avoir été arrachés aux uns et aux autres – à l’ensemble – au regard – au cœur de chacun – en surplomb de la globalité…

Notre main, parfois, dans celle de la mort – parfois, dans celle de l’oubli…

Comme des spectres condamnés à une errance sans fin…

 

 

Trop de masques et de secrets – trop de murs et de mensonges – au-dedans – autour – de l’homme…

Trop de jeux – sans joie – pitoyables…

Les mêmes conquêtes et les mêmes victoires…

Trop d’indifférence devant ceux qui souffrent – dont on brise les reins et les rêves…

Nous – source de trop de malheurs – de trop de chagrins – des larmes et du noir – sur la terre – dans la mémoire – pour des siècles encore…

Et parfois (trop rarement) – au cœur de cette fièvre – un silence – un suspens – une tendresse fugace au fond des yeux – un peu de poésie – la possibilité d’une éclaircie – d’un interstice – d’une promesse – un peu de lumière sur nos excès – sur nos dérives – ce qui pourrait, à force de patience, se soustraire à la nuit – une étoile sans doute trop lointaine pour éclairer avec ardeur nos gestes et nos pas dans l’obscurité ; une once, à peine, d’espérance dans cette folie – dans cette infamie – sans remède et sans guérisseur – qui enfonce, peu à peu, le monde et les âmes dans l’opacité…

 

 

Le voyage – la ligne intermittente – de l’origine à l’origine – du plus lointain au plus lointain – comme une respiration permanente…

Des rives – des déserts – des chemins…

Ce qu’il faut d’insolence et de folie pour parcourir l’espace – de bout en bout – dans la solitude la plus haute – sur le sentier des crêtes – au-dessus de la mort et des légendes inventées par les Dieux et les hommes qui s’entassent dans les plaines et les vallées ; des lieux d’agenouillement et de prières – d’avachissements – de paresse et de corruption – dissimulés derrière la somptuosité (toujours trompeuse) des masques – des parures – des ornements – le ronflant des titres – des postures – des fonctions…

En marge du monde – toujours – dans les interstices involontaires ou délibérément abandonnés à ceux qui vivent aux confins – en exil – en rebelle – en scélérat – à l’écart des foules soumises aux règles – aux lois – aux conventions…

 

 

Au cœur de la cible – de la flèche – dans la nuit sans éclat – l’homme affranchi – persécuté par le monde – les bruits – tous les thuriféraires du sommeil – agenouillés – en adoration tapageuse devant les édifices érigés à leur gloire…

Nous – comme sur une île, sans cesse, dérivante – au milieu d’un océan d’immondices et d’insanités, lui-même, encerclé par une immensité hurlante et imprévisible…

 

 

L’œuvre à faire et à refaire – la même besogne indéfiniment répétée…

Coutumier des aléas du jour et des déchéances nécessaires…

A tire-d’aile au-dessus des têtes ; pas à pas vers le mystère – entre les horizons communs et l’infini…

Une existence invisible depuis la terre – d’interstice en interstice – silencieuse – l’âme indifférente aux lieux et aux destinations (toujours provisoires) – attentive (seulement) aux visages innocents – à la matière naturelle et à toutes les manières – honnêtes et authentiques – d’habiter le monde…

 

*

 

A notre place – là où le secret déborde – se répand – dégouline – s’expose (sans retenue) au regard – comme une étoile qui, soudain, se débarrasse de la nuit et de sa gangue…

Un déferlement de lumière sur le monde ébloui – sur les cœurs restés trop longtemps aveuglés par l’obscurité…

Ce que l’on retranche – du dedans – jusqu’au vide – jusqu’à la preuve du vide – des mains qui nous traversent et qui ne saisissent que du vent…

Un peu de rien – ce que nous sommes – fort heureusement…

Et cette joie éclatante – presque triomphante – de l’innocence et de l’effacement…

Des jours entiers – à demeurer là – à contempler ce qui n’appartient à personne (et ce dont chacun peut se réclamer)…

 

 

Au centre du silence – au centre des cercles – des pierres – du vent – des racines…

Le ciel à l’oreille qui nous murmure des choses que nul ne nous a jamais dites – que nul ne pourra jamais nous dire ; de la tendresse à la place des rêves – du réel à la place de l’espérance ; des paroles qui nous traversent – qui nous pénètrent – comme si nous étions une terre propice à toutes les alliances – à toutes les réconciliations – à la réunification de tous les visages…

 

 

Dans l’âme – cet étrange entrebâillement – comme une ouverture – un passage vers l’espace – accessible à chaque instant ; une immobilité au cœur du voyage ; un refuge qui dissipe la nuit ; une présence attentive qui attendrit toutes les puissances – toutes les ardeurs ; le lieu qui atténue les forces de séparation qui rongent la tête et la chair – une manière d’être au monde qui efface les frontières et les forteresses qui prolongent les territoires nés dans l’esprit et le sang…

Une opportunité (incroyable) de se ressaisir – une possibilité (quasi inespérée) de se rejoindre…

 

 

Des adieux incessants – entouré de personne ; bien davantage que des miroirs – les réels reflets du monde – ces parts de nous tantôt étrangères – tantôt familières – sur cet étroit chemin qui se dessine sous la voûte – de douleur en étonnement – confronté aux affres (inévitables) de l’existence terrestre…

 

 

Des danses – quotidiennes – sans raison – au milieu de la forêt – au cœur de l’invisible ; seul – bien entendu – sans l’approbation des gardiens du temple et des seigneurs du monde – sans les projecteurs des siècles braqués sur soi – loin des foules – dans l’obscurité lumineuse du cercle qui nous a choisi – avec, au-dedans, nos bagages involontaires – l’âme et l’esprit harnachés du nécessaire – le plus essentiel – sans doute…

Et ces pas – au fil du chemin ; vide et promis à l’or des visages – à cette folle – et belle – intimité avec les choses – le cœur proche de toutes les âmes rencontrées…

 

 

Attaché(s) à l’espace sans limite autant qu’aux territoires que l’on nous impose – auxquels on nous cantonne…

L’âme partout dépaysée – étrangère – qui rêve de fugue et de fuite – impossibles…

Le silence penché sur notre faim – notre désir d’émancipation et de liberté – comme des ombres dans la féerie offerte – dans les possibles proposés…

Le jeu des cœurs trop naïfs – des têtes possédées – hantées par les plus anciennes malédictions de la terre ; l’incapacité organique à se défaire du plus tangible et l’identification naturelle de la psyché à la matière…

Le sort de tous – en somme – en ce monde où nul n’est capable de s’affranchir de son support – où chacun est contraint de vivre confiné dans cet interstice inconfortable…

 

*

 

Proche de ce qui se creuse – se dilate – se déploie…

Un regard – sans crainte…

Un espace qui échappe à l’exploitation – à la réification – aux impératifs de l’agrément et de la jouissance…

Un lieu d’Amour et d’effacement où l’âme prime sur le ventre et la psyché…

Des tables pleines de livres – des gestes et des vies humbles et poétiques…

Plus présence que simple existence ; belle – légère et dense…

Juché, sans doute, sur les plus hauts plateaux du monde accessibles à l’homme…

Le vent – les yeux grands ouverts – qui efface jusqu’à l’idée même de sommeil…

La mort et les profondeurs de la chair – comme des portes ouvertes – de manière permanente…

Nous tous – rassemblés – enroulés autour de la même plaie…

Un grand soleil sur notre douleur et notre angoisse communes…

La simple continuité de cette marche vagabonde – la suite des premiers pas…

 

 

Auprès de la pierre – le silence – la confiance sous les paupières – la neige de l’enfance retrouvée…

Ni crainte – ni trace ; la blancheur délivrée – réofferte…

L’essentiel de l’âme et de l’espace – épargné…

Comme une langue désenfouie qui, soudain, découvrirait le jour – l’autre versant du ciel et de l’abîme…

Les malheurs qui, peu à peu, se dispersent…

L’âge et le temps devenus sans importance – comme une apparence inutile…

Le plus élémentaire de l’homme – bien sûr…

La nudité sans fard – affranchie de la tyrannie des lois – des regards – des idéologies…

Et nous – respirant, sans doute, comme pour la première fois…

 

 

La grandeur et la beauté – insoupçonnées – du silence – la mémoire perdue des origines – et cette plongée en ce monde – comme un atroce dépaysement – mêlé(s) à la plèbe archaïque et instinctive – victime de son paléocortex…

Des armées d’âmes dépossédées – broyées par les Autres – rongées par la peur ; mille querelles – mille menaces – mille possibilités de terreur – sur fond d’obscurité ; le royaume des yeux fermés – des cœurs clos – des esprits bornés – qui s’imaginent – (très) orgueilleusement – (très) risiblement – ouverts – libres – émancipés des profondeurs terrestres – des forces les plus obscures – des instincts les plus primitifs…

 

 

D’une désolation à l’autre – sans cri – sans parole – docilement (si docilement) – la tête dans les épaules pour éviter la violence du monde et les coups du sort…

Penché sur nous – jusqu’au dernier instant – et au-delà – bien sûr…

Présence permanente – en soi – au-dedans – au-dehors – à nos côtés – nous précédant – nous suivant – nous survolant…

Le Divin multiple et protéiforme – parfaitement adapté aux singularités de chacun – épousant les formes – les prédispositions – les aspirations – redressant et effaçant ce qui a besoin de l’être – offrant, peu à peu, au cœur du sommeil – au cœur de la folie – des intervalles d’insomnie et de questionnement…

Un promontoire – un espace de rencontre pour les cœurs honnêtes – les âmes en quête d’innocence ; un étrange chemin vers le silence et la vérité – une manière authentique d’habiter l’être – le monde et le geste – affranchi(e) de Dieu – des hommes et du temps – de toutes les formes de contrainte et d’idéologie…

 

*

 

Des malheurs trop anciens pour retomber en enfance…

L’essentiel – dans le saccage de la nuit…

Des ondes poétiques – comme des caresses dans le silence…

L’espace élémentaire – sans intention – sans apprentissage…

La fièvre inquiète – dissoute avec le noir…

Ce que nous fûmes – un jour…

Et ce que nous deviendrons encore – lorsque l’âme sera prête – lorsque le monde ne s’attendra plus à la moindre transformation…

 

 

Couleur de sang – de fumée – de mort et de cendre…

Le jour – désespéré de ne jamais pouvoir paraître…

Comme si le feu et le vent étaient en avance sur le ciel…

 

 

Une forêt de fenêtres – un peu de transparence – devant les yeux – dans l’esprit – au-delà de tout imaginaire…

Bleu – comme tous les passages désobstrués – comme un visage transformé – hors de portée – le rythme naturel de la marche…

Une porte qui s’ouvre sur l’éternité…

La joie qui nous gagne en chassant le froid et la pluie…

Le vide – sans plus attendre – les yeux fermés…

 

 

Ce qui s’approche – ce qui passe – ce que tout périple efface – le poids – les couleurs ternes – le visage sans joie – notre présence désincarnée – le sable au fond de l’âme qui convertit nos rêves en dessin – notre manque, si évident, de réalité…

Un monde de fleurs et de pierres – au cœur duquel les bêtes s’ébattent – au-dessus duquel s’envolent tous ceux qui ont des ailes…

 

 

Hors des cercles du ciel – parmi les tourments et les dépossédés – au crochet des sorcières accrochées à leur balai – auprès de tous les chiffonniers de la terre – sur des montagnes de déchets hautes comme des tours prospères – dans la puanteur et la lie…

Nulle geôle et nul geôlier ; la mort – des étreintes – la rudesse des existences – comme moyens de métamorphose – comme instruments naturels au service de la vérité…

 

 

Des bruits au silence – de l’enfer au paradis – du monde au tabernacle – de la mendicité à la plus haute richesse ; la nudité – en un seul pas…

Consentir à ce qui vient – à ce qui est offert – le monde – les circonstances – la seule porte possible vers la liberté…

 

 

Des vagues successives de pardon – le nom des bêtes épelé – un par un – la longue liste des suppliciés au service de la folie humaine – debout – mains derrière le dos – tête baissée – au commencement du repentir ; des carrés – des colonnes – de visages qui éprouvent, pour la première fois peut-être, la douleur infligée ; la possibilité de l’Amour à portée des victimes et des bourreaux ; et l’évidence de la transformation (inévitable) des statuts – des attributs – au fil des histoires – à travers le cycle parfaitement exhaustif des rôles et des fonctions…

Nous – nous tous – passant, tour à tour, et indéfiniment – des paumes meurtrières à la chair meurtrie – des dents carnassières à la chair blessée – offerte – quasiment sacrifiée…

Et notre tâche – à tous – de comprendre et de se soustraire, peu à peu, au règne du sang…

 

*

 

La nuit noire – au-dessus de chaque soleil…

Et la même chose – trop souvent – au-dedans des têtes…

Des rives sans parfum dont on s’approche – presque toujours – avec crainte…

Des couleurs et des récoltes qui disparaissent…

Des fleurs et des murmures – inaccessibles…

Cette terre sur laquelle tout – presque tout – est effort et labeur – corvées et contingences – nécessité et tourments…

Des vies – comme des ombres incarnées…

Du fond de l’abîme – les mêmes cris et les mêmes bruits de pierres qui roulent – les mains caleuses et ensanglantées – à force de creuser le sol – d’essayer d’escalader les parois (trop) abruptes de ce monde…

 

 

Pourquoi vouloir offrir le monde – le ciel – le moindre geste – à ceux qui – (très souvent) à leur insu – ont décidé de fermer les yeux – de conserver leur cœur à l’abri du vent – des circonstances – des assauts – des caresses – de se soustraire à la moindre rencontre – de maintenir leur âme au fond d’un étroit cachot pourvu de grilles et de portes cadenassées…

Le froid – bien davantage qu’un contexte – un mode de vie – comme une seconde peau ; la texture de leur existence – à l’intérieur…

La pauvreté et la peur viscérales – celles de la matière depuis le début des âges – devenue, aujourd’hui, à peine consciente…

Aucune main – aucune corde – tendues – ne saurait les tirer de ce mauvais pas – les détourner de ce triste sort ; le désert – l’étouffement – la dureté des reflets d’un miroir continûment inflexible – sans tendresse – pourraient, peut-être – un jour, leur fournir le déclic – leur offrir l’étincelle et le souffle suffisant pour poser le premier pas hors de ce qui ressemble fort à la plus atroce – à la plus ignoble – des détentions…

 

 

Le chant ondoyant du silence perpétuel…

Des yeux sur la mort – égayés – comme un sens de l’infini – soudain découvert…

Des passages – de l’ombre et des chatoiements – des couleurs et de la colère, parfois, vigoureuse – comme bloqués au cœur d’un barrage – le temps d’une nostalgie – vite balayée…

L’exploration des marges – des entrailles – de la tristesse (fouillée parfois jusqu’à la désespérance)…

 

 

L’anonymat paroxystique – à l’automne – comme plongé dans la substance – l’essence même de l’âme – comme l’exact prolongement de la solitude et de l’effacement ; ce qui (nous) révèle un socle permanent au cœur des changements et des soustractions successives ; rien de construit – rien de robuste – rien de visible – bien sûr…

L’âme souple et le regard attentif à ce qui se présente – à ce qui s’offre – à ce qui s’invite – à ce qui s’attarde parfois et qui nécessite un accueil plus durable – un temps d’Amour prolongé – aussi nécessaire que l’oubli qui devra suivre…

 

 

Du bleu sur quelques miettes – des restes de rêves et de vigueur – aux confins du monde – aux marges des cités humaines – (presque) toujours…

Le cœur (en partie) affranchi de ses propres pièges…

La vie – libre – s’écoulant sans entrave ; les obstacles – tous les obstacles – acceptés – contournés ou balayés lorsque la pente y pousse…

Des haltes, parfois, comme sur une île – loin (très loin) des clameurs – des rumeurs – des mensonges – au centre de l’immensité – laissant tous les possibles se succéder – nous abandonnant à tous les états – expérimentant toutes les combinaisons du monde – du réel – de l’esprit – de la matière – de la psyché – de l’invisible – goûtant sans la moindre volonté ce qui nous traverse – ce qui nous est proposé…

 

*

 

Parfois – le jour – sur nos visages désuets – moroses – trop anguleux…

Des ombres au fond de tous les plis…

De la rosée – au coin des yeux…

Un passage et des passants appliqués – laborieux…

Nos vies – la belle affaire – une infinité d’histoires – sans (véritable) intérêt…

 

 

L’air de rien – de plus en plus…

La tête d’un oiseau – l’âme d’une pierre – la silhouette (épaisse) du vent – proche de la tempête – des gestes vifs – comme du feu – un soleil…

Et lorsque l’on se penche sur le sol – à la suite de nos pas – on aperçoit quelques empreintes humaines – des traces minuscules – presque invisibles…

Ce que nous sommes ? Qui peut savoir ? A qui – à quoi pourrait-on se fier pour se connaître…

 

 

L’or des pierres et du vent – sous nos pieds – sur le dos…

L’âme affamée de folie – trop rarement de silence…

Des jours – comme des gouttes de pluie sur la vitre sale du monde – rien de nouveau – un peu de sueur – la besogne journalière des bêtes et des hommes – la tête (trop souvent) rabaissée par le rêve des Autres – à dire les choses dans une langue incompréhensible – à dessiner sur le sable de grandes (et belles) arabesques qu’effacent les pas – toutes les danses du monde…

A se demander si nous existons (vraiment) et s’il est nécessaire d’ouvrir son cœur – d’offrir un peu de son âme – à un autre que soi…

Ce que l’on porte – Dieu – au-dedans – le seul qui puisse réellement écouter et entendre – le seul qui puisse nous satisfaire de ses gestes – de sa voix – nous combler de son Amour patient et inépuisable – comme s’il était ici-bas la seule réalité tangible – bien davantage que nous – que le monde – que tous les Autres…

 

 

Loin des nombreuses assemblées qui s’adonnent aux rêves et aux conflits – qui privilégient les voiles et l’obscurité sur les plaies diverses occasionnées par la promiscuité des corps et des âmes – très rarement tendres entre eux…

Et nous – sur cette bande de terre étroite – comme une haute colonne de solitude horizontale érigée à l’écart du monde (comme il se doit) – au cœur de l’immensité – dans la proximité du feuillage des arbres et des soubassements du ciel – à hauteur du bleu qui surplombe la méfiance – la vilenie – le sommeil…

Si seul(s) que nous n’avons jamais été aussi proche(s) de l’innocence – de la bascule qui nous affranchirait de toutes les légendes (et de toutes les histoires) humaines – inventées pour nous consoler de cette ignorance patente – de cet indiscutable inachèvement – de ce manque viscéral qui nous cloue à l’inconfort et à la tristesse…

 

 

Dans cette errance sans but – au chevet de nous-même(s) – l’essentiel du voyage – tout au long du périple – une étendue – des noms et des murs – du vent – des paroles – de la matière – surgis de nos (propres) profondeurs ; et nous – louvoyant entre les pièges – d’île en île – jusqu’à la source – jusqu’au cœur de l’apprivoisement – le monde et la mort abandonnés à ceux qui s’y résignent – de plus en plus isolé(s) et substantiellement appauvri(s)…

Dans la tête – le vide ; et dans l’âme – des ailes – l’envergure nécessaire – pour s’éloigner de la fange populeuse – de ces rives peuplées de mythes et de fantômes – de ce monde construit comme une monstrueuse mécanique au service des rusés et des puissants qui, partout, colonisent – exploitent et s’approprient…

Et nos prières – incessantes – pour enjoindre au ciel d’offrir un peu de lumière – un éclairage suffisant pour délaisser nos fausses certitudes – ce lot d’inepties et d’insanités que nous brandissons comme un étendard…

Incertain(s) nous-même(s) – bien sûr – dans la brume et la clarté – une vague clairvoyance peut-être – à peine – sans doute – une éventualité…

 

*

 

Serré contre soi – le passé non retranché – ce qui s’accroche – un fond d’espérance maladif – un besoin de réconfort – peut-être – ce qui, aujourd’hui, nous fait défaut – probablement…

 

 

L’enfance réprimée – abandonnée au profit de la parade – de la parodie de vérité – la mascarade du monde – le défilé des apparences et des faux sentiments – des idées en tête – et tous nos titres épinglés sur la poitrine ou sur le mur derrière soi…

Tous les souffles et tous les élans – naturels – stoppés net par la psyché…

La confusion et le resserrement…

Devenu secs – (bien) trop secs – sans âge – comme des spectres mal incarnés – des momies…

A peine vivants…

 

 

Derrière la vitre – la folie de rester…

L’aurore – devant – en marche – s’éloignant déjà…

Trop loin depuis trop longtemps…

Entouré de fantômes – de rêves – d’éclats passés – qui nous hantent – qui achèvent de nous clouer au monde et au temps…

 

 

Personne – dans nos bras – derrière nous – à nos côtés – comme un vide – une béance – un abîme dont l’étendue nous effraie…

Notre vie – telles des braises passées – un reste de cendres emporté par les vents…

Sans largeur – sans possible – dans ce cloître – cette débâcle sans présage – sans préavis…

Le sol sableux sur lequel s’essaye – tente de se dresser – une conscience maladroite – malhabile – bancale – pourvue d’une inquiétante déficience – pourvoyeuse de gestes infirmes – incomplets – inappropriés – qui, peu à peu, façonnent un monde malade – invalide – diminué – affublé de tous les manques – source de toutes les abominations – de toutes les atrocités…

Notre plus terrifiant reflet…

 

 

L’âme et les mains – mutilées – amputées des nécessités métaphysiques – prosaïsées d’une absurde manière…

Le ventre animal et la psyché dévolue à la protection et à l’aménagement de ce qu’elle considère comme son territoire ; et le reste (tout le reste) passé par-dessus bord – renvoyé à l’immensité…

Heureux comme des coqs sur leur bout de terre clôturé – sur leur tas de fumier – parcelle d’immondices et de laideur – pavoisant – convoitant – devisant entre eux à travers le grillage…

Des vies minuscules – dérisoires – (infiniment) provisoires – (terriblement) étrangères à l’infini et à l’éternité qu’elles portent – à leur insu…

Sans chapelet – entre les mains – une voix étranglée – au fond de la gorge – devant les tristes spectacles du monde…

Entre colère et désespérance – encore trop près (beaucoup trop près) des cris de ralliement et des mains qui égorgent…

 

 

Sous un ciel infime – minuscule – parmi des pas trop pressés – des bouches qui dévorent – des têtes jamais rassasiées par les excès de la psyché – les excès de matière – les amas de choses et d’images – les couches d’idées ramassées sans effort et jetées en désordre dans un coin du crâne…

Une joie feinte – pas même une gaieté – pas même une lueur au fond des yeux – pas même un sourire (faiblement esquissé) au coin des lèvres…

Des grilles – partout – au-dehors comme au-dedans – des territoires – des périmètres bornés – des horizons limités ; mille cages – mille détentions – simultanées – en vérité…

Au milieu d’une cour étroite et grise cernée par de hauts murs – avec au-dessus du front baissé – barricadé – engrillagé – l’immensité céruléenne (toujours ignorée)…

 

*

 

Jamais récusé – là où le désert s’aventure – aux lisières – presque toujours – l’ermite des interstices – la joie jamais chavirée – jamais enivrée – toujours vertigineuse – égrainant, le sourire aux lèvres, son chapelet de peines – les douleurs de l’âme et du monde – inévitables – équivalentes – au-delà du seuil franchissable – les quatre directions cardinales dans la main – réunies au centre – comme le zénith et le nadir – et tout ce qui les peuple…

Au cœur du cercle – l’immensité, sans cesse, assaillie par la violence et la souffrance des hommes – des bêtes – des Dieux ; l’autre versant du Divin – les pires perspectives – les pires circonstances du voyage – toutes les tristes figures du voyageur…

Inévitablement au-dehors – avant que nous ne percions le secret – avant que nous ne désacralisions le royaume – avant que l’absence ne devienne un retrait (strictement) involontaire ; une manière juste (et habitée) de se soustraire aux rôles que le monde nous a assigné(s) pour retrouver une existence naturelle – singulière – impersonnelle – exonérée des règles communes et des lois habituelles qui régentent les relations à l’Autre…

 

 

Au-dedans – parmi – au-dessus – sans contrariété…

Danse et calligraphie – gestes de la terre – gestes de l’âme – imposés par la joie ou les circonstances – la nécessité face à l’inévitable – face au tumulte du monde…

Le temps décomposé – abandonné au rythme présent du souffle et des pas ; une simple cadence…

Le sol – la feuille – sur lesquels s’enchaînent les hiéroglyphes du corps – les secousses et les fantaisies du cœur ; et tous les silences indispensables pour que nous devenions notre propre compagnon et Dieu, notre seule compagnie – et inversement (bien sûr) ; ressentir – successivement – simultanément – toutes les combinaisons possibles – dans l’existence et sur la page ; nous – le monde – le Divin – dans tous les sens – en désordre – imbriqués – confondus – sans la moindre hiérarchie…

 

 

L’étoile qui pend – accrochée là par les hommes – autrefois – et, aujourd’hui, presque fendue en deux – grignotée ici et là – dévorée, peu à peu, par l’avidité – plus grise que lumineuse – à présent…

Un peu d’air dans la voix…

Un peu d’eau dans le sang…

Et toujours trop de terre dans le cœur – sous les pas…

L’âme de l’homme rongée par sa propre ambition – et comme le monde – plus ou moins dévastée…

Arrivé(s) – peut-être – au bout de l’échelle – les deux pieds, en déséquilibre périlleux, sur le dernier barreau – en grand danger – à deux doigts de chuter – de rejoindre le néant au-dessus duquel nous nous sommes – (très) progressivement – (très) laborieusement – hissés…

 

 

Hors jeu – très souvent – loin des bruits – du bavardage – des festins – des mille frivolités du monde – profondément – viscéralement – seul – le cœur et les lèvres posés contre les choses – les yeux attentifs – l’âme qui éprouve, de l’intérieur, ce qu’offre la vie naturelle – si proche des pierres – des arbres – des bêtes – comme une fleur minuscule – incroyablement discrète – installée au milieu de la forêt – devant laquelle les uns et les autres passent distraitement – sans un regard….

Joyeuse – dans son labeur quotidien – heureuse de sa petitesse – de son anonymat – de sa fidélité au sol et aux circonstances…

Fleur éminemment passagère – amoureuse de son parfum – de son nectar – de ce qui l’entoure – de ce qu’elle connaît – de ce qu’elle ignore – de sa (très) modeste participation aux chants de la terre – aux vibrations du monde – à la célébration du jour – de l’aurore – des saisons…

 

*

 

Les lèvres jointes – blanches – le ventre contre le couteau – aussi proche de la mort que possible – sans un cri – sans un regret – attentif – avec une légère appréhension…

Et l’âme qui se balance – presque impatiente – devant Dieu – au pied de ce qu’elle imagine être son regard ou son esprit occupé à évaluer, de manière exhaustive, les paroles et les gestes – tous les actes réalisés au cours de l’existence – à mettre ceci et cela au passif ou à l’actif – additionnant – soustrayant – réalisant de savants calculs – posant tout – la moindre chose – sur la balance…

Et l’âme – fébrile – un peu inquiète – plongée tout entière dans la bêtise – l’ignorance et la grossièreté – humaines ; comme si l’Amour tenait des comptes d’apothicaire – comme si l’Amour se livrait à ce genre de bilan détaillé – à ce genre de procédé stupide et manichéen…

Que nenni ! Tout est rythme – enchaînement – émotion – sur fond de bienveillance. Et ce qui se joue – à cet instant – comme à tous les autres – n’est, en aucun cas, le choix entre le paradis et l’enfer – mais la distinction entre ce qui, en matière de sensibilité et d’intelligence, est suffisamment intégré au corps – au cœur – à l’esprit et ce qui doit faire l’objet d’un approfondissement ou d’un affinage ; ainsi, peut-être, se répètent certaines circonstances et s’expérimentent d’autres événements – d’autres situations – au-delà du jeu – pour que chacun puisse, un jour, être capable d’incarner (d’une parfaite manière) la lumière et l’Amour…

 

 

Face à face – feu contre feu – et l’immensité en commun…

 

 

Notre joyeuse démesure employée à diverses tâches – toutes (plus ou moins) relatives à l’essence – aux mille usages de l’âme…

Toute notre ardeur à vivre – et à témoigner de – l’essentiel ; l’impossible aux yeux des hommes…

Habiter un tertre transparent dédié au silence et à l’invisible – portés et célébrés par l’infime – au cœur du quotidien…

Instants – gestes et paroles – consacrés (autant que possible)…

 

 

Les heures poignantes du temps nouveau – chargé de changements et d’aléas – d’un sens puissamment métaphysique et spirituel…

Des os et de la chair précipités dans le gouffre – émergeant du vide et le rejoignant au terme de chaque voyage…

L’appel du centre et des marges – le premier au cœur des secondes et les secondes réunies au cœur du premier…

Nous – de la même couleur que la lumière – comme ce que tente d’inventer ce monde nouveau – ce nouveau langage – avec (bien sûr) les ténèbres – leur texture et leurs teintes – pleinement intégrées…

L’essor et le repli – concomitants…

L’existence – sans songe et sans avenir…

Le meilleur – sans doute – que nous ayons à vivre (et à offrir)…

Un itinéraire sans colloque ni conquête…

Le plus simple du monde – tantôt le silence – tantôt la parole…

Cet étrange voyage – parmi les Autres – sous le soleil – auprès des vivants et des morts – (presque) tous occupés – accaparés – par leurs mouvements et leur passage…

 

*

 

A l’affût – les lèvres cousues – les rêves qui planent au-dessus de la mort – les masques figés en sourire – à pieds joints dans le tombeau…

Des éclats de vie – sous la terre – autour des cercueils – des larmes retenues – des poitrines essoufflées – un soleil oblique – lointain – qui éclaire la moitié des visages – les corps qui s’imaginent indestructibles et les âmes qui s’imaginent immortelles…

La bêtise commune – aussi répandue que les vaines paroles – que les fronts soucieux – que le sang qui gicle des gorges tranchées…

Des bouts de rien – des bouts d’images et d’étoffe que le vent agite – que le vent emporte – que nous oublierons bien vite…

 

 

Des rythmes désaccordés – incompatibles – les uns habillés de chair et de rêve – les autres de ciel et de vent…

L’œil – dans la main – qui devine alors que d’autres respirent (leur vie durant) les yeux bandés…

Des rites – des jours (presque) entièrement ritualisés – au cours desquels les heures claquent comme des impératifs – des intervalles dans lesquels se glisse la somme des habitudes…

Du soleil au fond de la poitrine dégagée de tous les rouages et de tous les foudroiements…

Des cœurs amoureux…

Des bras laborieux…

Des choses que l’on porte – d’un lieu à l’autre – péniblement…

Des vibrations – des résonances – des étincelles – la naissance du souffle et des élans ; ce qui s’impose sans effort – le plus naturellement du monde…

Ici – la psyché à l’œuvre…

Là – la liberté en mouvement…

Et au-delà des contradictions et des apparences – le rire et l’immobilité commune ; ce qui se partage – en ce monde – dans la peine et la joie…

 

 

Dans un monde de fierté et de honte – le rougeoiement des faces – la mort que l’on rejette – que l’on ignore – la célébration du progrès – des individualités prisonnières des Autres qui s’imaginent libres et autonomes – les ponts qui ne sont que des frontières supplémentaires – des rangées étroites de barbelés destinées à protéger toutes les idéologies – outrancières – tapageuses – délétères – incroyablement dangereuses…

L’empire des apparences et du néant que l’on honore un peu partout – que l’on nous présente comme la panacée – le grand remède aux malheurs du monde – aux souffrances des hommes…

Et tous les Autres dont on se moque – sur lesquels on expérimente nos instruments de mort – sur lesquels s’est bâti un joug abominable – que l’on a, peu à peu, transformé en système d’exploitation – monstrueux – tyrannique – industriel – qui aliène et réifie – qui impose (partout et à tous) sa puissance et sa domination…

Misérables que nous sommes…

Une terre où se multiplient les bûchers – les boucheries – les massacres – les charniers…

La folie que l’on vend en fiole – en boîte – et que l’on achète par palettes entières…

L’entêtement de la bêtise et du poison qui s’infiltrent jusque dans les profondeurs de l’âme et de la chair…

Nous – étouffants – notre souffle – notre vie – le monde – peu à peu, étouffés…

Le jour balayé – pulvérisé – comme aboli…

Le temps des rengaines et du rabâchement – le ressassement collectif continu – la régurgitation permanente…

L’ivresse maladive des hommes – abusés par leurs propres ambitions – toutes les chimères inventées par la psyché…

L’abomination vivante – paroxystique – qui vient parachever toutes les forces destructrices passées – l’œuvre diabolique dont les hommes aiment se glorifier…

 

*

 

De la matrice au passage – en un clin d’œil…

Et le long (le très long) cheminement pour retrouver l’origine…

 

 

Les mains animées par l’Amour – les lèvres par la vérité ; l’âme et le corps réunis pour traverser toutes les circonstances…

 

 

La source du monde – dans la sève des arbres…

Des poussées de ciel – la puissance du vent…

Et nos jambes – comme du bois dans lequel circuleraient un peu de rosée – quelques nuages peut-être…

Des lambeaux de silence reconstitués…

Et les âmes – toutes les âmes – prêtes à l’Amour – à toutes les révolutions nécessaires…

L’homme dépouillé – les mains câlines – le geste précis…

La feuille – devant soi – livrée au ciel descendu – au silence consentant – aux saisons qui passent – à la terre qui se dérobe…

Le sel du monde – en soi – pas si loin de l’essentiel – sans doute…

 

 

La douleur – aux côtés de l’immuable…

La nostalgie – peut-être – d’un ressenti – d’une sensibilité incarnée…

Et – parfois – l’absence de toute gravité ; le corps léger – presque absent – vaporeux – quasi inexistant – remplacé par un sens aigu de la beauté et du silence…

La permanence d’une caresse sur l’âme – de l’intérieur ; au fond du cœur – cette immense tendresse ; l’étrange vibration de l’Amour jusque dans les tréfonds de l’être…

Les anneaux de la chair, peu à peu, remplacés par les cercles de l’invisible – toutes les parures échangées contre un peu de nudité…

Nous – rejoignant – retrouvant – devenant – l’immensité – le Divin célébrant le monde et le monde célébrant le Divin…

Le caractère multiple – et absolument équivoque – de tout visage…

 

 

Le souffle et le désir qui s’entêtent jusqu’au dernier instant – la respiration et l’espérance du vivant face aux malheurs – pour échapper à la fadeur (si souvent ressentie) de l’existence terrestre – comme une infirmité à vivre (sensiblement – pleinement – réellement) les circonstances…

Et l’acmé de la tragédie qui se fomente en silence…

 

 

De l’ombre – assurément – jusqu’au fond de l’âme…

L’espace – comme enroulé sur lui-même – comme recroquevillé sur nos peurs…

L’errance des fugitifs – le cœur chaviré par les contradictions…

L’exil qui, peu à peu, se dessine…

La nuit – et ses hautes murailles – comme un refuge – un lieu où nul n’oserait venir nous chercher…

Le parfait abri pour les siècles à venir – comme un gouffre dans lequel, un jour, nous serons tous précipités…

Comme une pente inéluctable vers la mort – l’immobilité éternelle…

 

 

Au loin – l’horizon des rêves…

Le jour au-delà de l’impatience…

Ce que l’on nous murmure à l’oreille…

La caresse des Dieux…

Le temps illimité – ce qui nous émerveille…

La bouche aux mille lèvres colorées qui pourrait embrasser notre peau – de l’intérieur – assouvir nos désirs – tous nos désirs – jusqu’à leur extinction…

Dans la proximité du ciel capable de se déployer dans la chair libre et docile – sans le moindre souvenir – sans la moindre espérance…

Puis, un jour, de la fumée et de la cendre – ce qu’il pourrait rester, à terme, de nos résistances (parfois) acharnées…

Nulle trace sur le sol – et dans l’air – le bruissement feutré d’un battement d’ailes – l’esprit délivré de nos tenailles – de son illusoire détention…

L’affranchissement terrestre – comme la seule possibilité…

 

*

 

Au cœur de nous-même(s) – cette tension hors d’atteinte – l’essence – l’invisible dissimulé par l’apparence du monde…

 

 

Rien de l’homme – rien de connu – rien de prévisible ; ce que nous sommes – exactement – aussi éloigné(s) de ce que nous croyons être et connaître que de ce que nous imaginons – élaborons – échafaudons – quelques vagues pensées construites avec un peu de sable et de vent ; un peu de poussière sur le sol du monde – sur l’ossature du temps – la nuit et le néant – sur ces rives terrestres où l’on traîne péniblement les pieds – sa carcasse – son lot d’idées et d’images inutiles – entre l’abîme et la mort – prisonnier(s) de ses propres sables mouvants – de tous les marécages de l’univers – comme égaré(s) dans ce grand désert où les âmes se heurtent à (presque) toutes les impossibilités…

Dans les plus lointains replis du jour…

Comme désorienté(s) dans notre (irrésistible et pitoyable) quête d’immensité…

 

 

Sur notre peau millénaire – la lumière première – le regard des Dieux – la main des Autres…

Et sous la chair – des colonnes de visages – nos aïeux – notre descendance – en ordre de marche – les corps – tous les corps – soudés au nôtre…

Et dans l’âme – le vide et l’énergie originels ; la sagesse aux prises avec l’absence – le sommeil – l’obscurité ; le déploiement (progressif) du silence – la vérité qui tente de se redresser – de percer l’épaisseur et l’opacité…

Nos voyages – multiples et ininterrompus – l’éloignement de la source – et le gisement (inépuisable) des élans – des forces – de la matière…

Ce qui tourne – depuis toujours – autour du même axe – qui se rapproche et s’éloigne du centre – successivement – simultanément – et qui, parfois, le devient et qui, souvent, s’en croit exclu – étrangement attiré par les cercles les plus lointains – à l’extrême périphérie du monde…

Notre respiration commune – éternelle – notre souffle incroyablement vivant – qu’importe où nous nous trouvons – qu’importe la distance qui nous sépare de la matrice…

 

 

Traces de ciel sur le sable…

L’empreinte des Dieux sur la chair…

L’âme docile – prête à l’envol – aux meurtrissures – à la douleur – à son immersion dans les eaux noires du monde…

 

 

Le cri – la flèche – le fleuve – en un chemin unique…

Du feu – l’explosion et la dispersion des éclats…

L’enfance qui se partage…

Le jour qui éclipse les saisons…

La joie en tous lieux ; tous les possibles délivrés du joug de nos exigences…

Le sol – l’âme – le soleil – fragments du même royaume où cohabitent la source et la multitude…

Tous nos états – toutes nos couleurs…

 

 

Le passant de l’entre-deux – d’une rive à l’autre – dans le passage oublié…

La chair et la nuit – complices – surmontées, parfois, des ailes de la Providence…

Toutes les larmes du monde qui s’accumulent comme une chance permanente – la possibilité de s’affranchir de nos habitudes – de nos certitudes – de nos croyances…

D’un seul regard – toutes les têtes découronnées ; l’âme – toutes les âmes – mises à nu – entre la naissance et la mort – le seul chemin…

Une distance avec l’Amour – à réduire – comme un fil à rompre avec la mémoire – le poids terrible des souvenirs…

Un pas – mille pas – ce qui s’ouvre – de l’intérieur – au-dedans – comme les portes d’un temple édifié au nom de la confusion et de l’immensité – du chaos – de l’ordre et du déséquilibre naturels…

Bien davantage qu’à notre image ; ce que nous sommes – exactement…

 

*

 

Sous les arbres et la neige – la langue silencieuse – la parole rare – la chair précieuse – enveloppée de tendresse…

L’Amour – au centre et aux extrémités…

Seul – comme il convient – en compagnie de nos frères – au cœur de cette communauté sauvage et insensée – soudés par l’invisible et notre éloignement commun du monde humain…

Nous – comme sur l’île d’un archipel – au milieu de l’immensité…

Nos âmes et notre chair – collées ensemble – comme une frontière – un rempart contre la barbarie exercée par les hommes…

 

 

Des yeux qui veillent sur la pierre – parmi des visages endormis…

Des bras inertes dans la poussière…

Des corps morts et allongés…

Le sang des uns – l’odeur des autres – qui se mélangent – qui ne torturent que les plus sensibles – toutes les âmes vouées à d’autres rives – étrangères aux pillages – aux saccages – aux visages déformés par le désir – la tristesse et la haine – étrangères aux cœurs cadenassés – aux figures craintives et ignorantes – sur le chemin qu’ont dessiné ceux qui souhaitaient percer le mystère – découvrir la vérité et la vie authentique – au-delà des mythes – des manques et des mensonges – au-delà des rêves et des ambitions communes – une sente étroite au cœur de l’existence – bordée par la nuit – les abîmes et le monde – peuplés de quelques fantômes – et qui s’élève peu à peu – (très) modestement – vers le ciel – le bleu – l’immensité – cette étrange étendue qui surplombe les têtes – les fêtes – les danses – toutes les circonstances – et qui a banni le rouge ruisselant de son sol au profit de l’innocence et de la lumière…

 

10 juillet 2021

Carnet n°264 Au jour le jour

Novembre 2020

Un cœur carnassier qui tourne autour de notre blessure – attiré (sans doute) par la douleur et l’odeur du sang – tout ce qui nous entoure…

Les murs détruits – l’âme et le monde exposés et fragiles – à la merci de toutes les bouches opportunes…

 

 

Des mots – du souffle – des pages – du vent – des livres – le silence ; quelque chose d’emboîté et d’amoureux…

Ce qui s’assemble dans le poème – y compris ce que l’on appelle – un peu hâtivement – des contradictions – des choses apparemment inconciliables…

 

 

Tout tombe en désuétude – sauf les adieux – tous nos adieux – incessants – éternels…

 

 

Nous ne sommes que notre sang – notre langue – notre douleur – et la joie au-dessus des malheurs – le nécessaire et le plus précieux ; ce que nous mettons – parfois – des siècles à découvrir – à éprouver – à vivre – à devenir…

Nous-même(s) – socle de tous les édifices et de toutes les destructions…

Vide – illusions – monde et miracle des choses – aussi…

 

 

Nous – davantage que nos gestes et notre parole ; le silence habité – pleinement parfois – comme Dieu se révélant au monde – à lui-même – vivant(s) dans la couleur du jour offerte – âme et esprit flottant au vent…

A deux doigts (presque toujours) de nous écarter de la voie – et nous en écartant sans cesse – en vérité – comme s’il n’y avait aucun chemin à suivre – des choses et des routes à inventer plutôt hors de ce que les hommes – le passé – nos aïeux – se sont vainement obstinés à édifier…

Oublier la faiblesse – la laideur – la beauté – ce que l’on imagine être le courage et la force ; et laisser advenir ce qui nous hante – sans retenue – sans restriction…

 

*

 

Dans l’air – l’ombre – l’équilibre – la voltige – la marche sans paresse – le cœur accroché au bleu – et nos pas dans la neige…

De la même matière que le monde – l’invisible…

 

 

A se cogner contre tous les silences – cette (incroyable) indifférence du monde – la seule condition parfois pour pénétrer le royaume – l’aire au-dedans dédiée à la tendresse – discrète – câline – voluptueuse ; trop souvent – le seul silence (véritablement) aimant…

 

 

Nous – dans un long tunnel – le noir – sans lumière – la lanterne des Autres trop lointaine – jalousement conservée pour soi – fort heureusement à en juger par les itinéraires – les détours – les malheurs et la tristesse sur les visages…

Des âmes et des destins trop fiers qui déclinent peu à peu et qui, un jour – brusquement, s’effondrent…

Des chemins et des figures à éviter…

 

 

Le vent dans notre voix – pour nous défaire du surplus de sens et de paroles…

Rien que des notes – la musique – des sons et des syllabes qui s’enchaînent…

La langue adoucie – comme un air de fête amoureusement lancé dans l’espace – vers le monde – vers le ciel – vers personne – vers tous ceux qui sont prêts à recevoir une parole – un infime poème – à s’abandonner à ce qu’ils portent – à se rapprocher d’eux-mêmes – d’une perspective, en eux, presque inespérée…

 

 

Le regard oblique – circonscrit – porteur du manque originel – d’un surcroît de bêtise et d’opacité né de la proximité du monde – de la fréquentation des Autres…

La même veille inutile – les mêmes prières – les mêmes gesticulations – ce besoin de chaleur dans le froid ambiant – contagieux – contracté – et cette faim de lumière dans ces ténèbres sans fenêtre…

Un peu de joie – une promesse de beauté – au cœur des malheurs entassés en couches épaisses…

Notre vie à tous – en somme…

 

 

Des jeux dessinés du bout des doigts – le monde peut-être – initié par on ne sait qui – Dieu jouant dans le sable – soupirant un peu – partagé entre la tristesse et la joie – obéissant, lui aussi, à d’impérieuses (et irréfragables) nécessités…

De cette incertitude – de cette ambivalence – de cette oscillation – sont, sans doute, nés le théâtre – la scène et la longue série d’acteurs qui se sont succédé depuis le premier jour…

Nous autres – nous tous – comme d’infimes figurants de la troupe vivante…

 

 

Quelques lois – peut-être ; le désir – l’éclosion – l’élan – le déploiement – la douleur – la limite – la mort – l’oubli…

Et dans ce cadre – tout le fouillis et toute la fantaisie – toutes les histoires et toutes les illusions – possibles…

La vie étranglée – l’obligation du fragment et du relatif – ce qui nous asphyxie – ce qui aiguise notre curiosité et notre besoin d’infini et d’achèvement – notre irrépressible quête de complétude…

Ce à quoi nul, bien sûr, ne peut échapper…

 

 

Dans le sang – les secrets du monde – les secrets du temps – la ronde des choses et des saisons – tous les mythes et toutes les odyssées – ce qui nous hante – cet état de siège permanent – la foule anonyme et notre cœur hébété devant la mort (la mort toujours souveraine)…

Suspendus à nos lèvres – à nos pages – un poème – un peu de vérité – peut-être…

 

*

 

Le soleil du monde – trop pâle pour le cœur – faire éclore cette joie étrangère à la nuit – si vaste – si au-dessus des choses qu’elle est capable d’accueillir son contraire – et l’ensemble des conditions pour que se déploient toutes les forces en mesure de lutter contre son rayonnement – plus souveraine que les règles et les lois arbitrairement imposées pour différencier, de manière si grossière et manichéenne, ce qui relève du jour (et de la lumière) de ce qui relève des ténèbres (et de l’obscurité)…

 

 

Ni triste – ni joyeux – dans l’interlude du langage – comme un voyage au-dedans de l’âme – du cœur blessé – du regard dépeuplé ; une manière de revenir en soi – de (re)devenir présent – attentif aux plus imperceptibles tremblements – aux moindres assauts (lucides et tendres) de l’invisible – si désireux de pénétrer la chair…

L’espace déserté par l’essentiel – conscient de lui-même…

 

 

Au cœur des lignes – cette langue sans mémoire – nos forteresses anéanties – notre impuissance exposée – comme une porte qui s’ouvre, peu à peu, sur nos profondeurs…

Un étrange soliloque entre l’air et le vent – ponctué de quelques plaintes – comme un sifflement intermittent…

La tête vide – de plus en plus…

L’esprit qui dissipe les pensées – qui les ignore avec superbe – avec lucidité – avec obstination – comme si l’on ouvrait les yeux en plein rêve…

Toute la consistance du monde – des Autres – de son propre visage – soudain démantelée ; dans une explosion identitaire…

Rien qui ne puisse résister – demeurer debout ; la terre qui se dérobe…

Partout – l’inconnu et le règne de l’incertitude – comme s’il était impossible d’exister…

Être – contempler – éprouver – seulement – et tendre la main parfois – comme la seule manière de vivre ; la seule réalité – peut-être…

 

 

A se déchirer – avec trop d’ardeur – et ne restera bientôt plus qu’un feu – quelques flammèches sur de pitoyables bouts de chair calcinés…

Il faudrait d’abord se réconcilier – aimer ce qui nous porte comme ce que nous portons – la même chose – en définitive ; tout accueillir d’une main tendre – avec un cœur attendri ; la nuit – le soleil – le sang et la fatigue ; puis, se laisser disperser par le vent – intact – naturellement – sans volonté ; le feu alors serait vif – et palpable, la puissance – en nous – du monde…

Comme le jour qui remplacerait, une à une, toutes nos fenêtres…

 

 

Debout – à peine – contre le mur – l’âme rapiécée – le jour en accoudoir…

L’étendue, en nous, comme un soleil couchant – un crépuscule (finement) resserré…

En silence – sans un mot – sans un signe – au-delà de toutes les absences…

 

 

Rien que de la folie et quelques prières – des instants et des vies comme jetés dans un grand sac avec quelques lettres – un alphabet (pitoyable) et les attributs organiques et cognitifs pour en faire usage…

Des corps – des âmes – comme amputés de l’essentiel…

Ce qu’offre l’espace – Dieu – le silence – et que nous ne savons ni voir – ni éprouver – par défaut d’Amour – bien sûr…

 

 

La joie après le festin et les tempêtes…

La longue saison à venir…

Ce qui, un jour, recouvrira le ciel…

La fin de cette vaine attente de l’après – de la mort ; l’épuisement définitif de cette longue veille…

L’aube fichée en plein cœur – l’aube plein les paumes – avec notre vie qui traîne encore dans la poussière – sans le moindre soupir – sans la moindre tristesse – acquiesçante et joyeuse…

 

*

 

Flottant au-dessus de l’inhabitable – sans terre – sans ciel – comme des fantômes hantés par la nuit – courant d’une rive à l’autre – sans répit – sans repos – l’âme triste et harassée – réduite au froid – à la solitude – à l’errance…

Nulle part à l’abri – et n’ayant pas encore découvert leur refuge intérieur…

Brinquebalés par la multitude et l’écho sans fin qui frappent au cœur – au visage – là où la chair et l’invisible sont devenus infiniment fragiles – de moins en moins capables de résister à la violence du monde…

Par delà le jour – la rumeur – celle qui enfle et se substitue au vide initial – à la vérité…

 

 

Dans tous les angles – le même soleil ; et nous autres – férus de commerce et de miroirs – la mâchoire serrée sur nos infimes désirs – sur notre minuscule territoire – avec, partout, des barbelés et des remparts…

Entre les ombres – les paniers – l’acier et les reflets – le jour et l’invisible que nous n’avons, bien sûr, jamais su voir…

 

 

Du fond de la tristesse – parfois – quelque chose de la liberté – une possibilité du cœur et de l’écart ; ce qu’il reste lorsque tout a été abandonné ; la flamme vive et l’espace présent – et ce silence qui jaillit de la brûlure – de la douleur ; le ciel passionnément amoureux – notre ardeur solitaire – ce qui échappe (en général) à la cohorte des visages – à la succession perpétuelle des mondes et des choses…

 

 

Le temps des tombes et des âmes inclinées…

Contre le mur – des dos et du soleil – la même tendresse espérée ; ce qui naîtra, un jour – peut-être, à l’intérieur…

Et nous – comme condamné(s) à subir l’insanité du dehors – tous ces visages gorgés de colère – tous ces poings serrés dans le vide – l’impossibilité de la passion commune – la chute (inéluctable) dans le même précipice…

La nuit – sans la lumière – comme contexte et décor naturels – inchangés – inchangeables – le sort (le pitoyable sort) des créatures de la terre…

 

 

Des oiseaux – comme des lettres magiques – mouvantes – un alphabet dans le ciel – tout un langage – celui de l’invisible – soudainement et provisoirement – perceptible…

 

 

De la mort sur terre et le ciel comme terrain de jeu – périmètre des Dieux – peut-être…

Des hommes et des arbres – tels des prophètes – de la matière dressée – front haut vers l’inaccessible – un peu de poussière dans leurs soupirs et leur essoufflement – l’enchevêtrement de leur feuillage…

Au faîte du monde – l’inquiétude des hauteurs…

Et la veille épuisante – l’attente patiente de la lumière…

 

 

Comme égarés sur la terre – au milieu des ombres – des têtes espérantes – des corps éclopés – des âmes tragiques…

L’obscurité de part et d’autre des remparts…

Des blessures et des prières – toutes nos mythologies…

Des crimes – des paroles – des engorgements ; nos ténèbres communes…

Et tous les visages suspendus à l’instant de la mort…

 

 

La nuit qui arrive – les êtres qui s’éloignent et disparaissent…

Le sommeil qui recouvre les visages et les rictus…

L’aube et la poussière dans leur danse miraculeuse et incompréhensible…

Le désert excavé dans la tête…

Toutes ces nécessités à l’œuvre ; notre route qui s’éloigne des foules – de la cohue des idées et des tracas…

Le front de plus en plus proche des entrailles…

 

 

De légers chuchotements dans le jour couchant…

Rien à la fenêtre de l’âme…

Et personne sur le parvis…

La solitude parfaite – absolue…

Ni rêve – ni monde – ni délire…

Au-dessus de la tête – des étoiles et la fièvre des hommes…

 

 

Du sang dans les veines – un peu d’ardeur et de folie – pour apprivoiser les spectres du temps – jouir dans la tourmente – se jouer de l’incertitude – aimer ce que l’on nous offre – avant de poursuivre le voyage…

 

*

 

La calligraphie de l’âme sur la peau – à l’encre blanche – presque céleste – que ne peuvent voir que les yeux qualifiés – vierges – les âmes sans questionnement – devenues indifférentes aux promesses du savoir…

L’essence affranchie de toutes les abstractions – le geste et le centre – plutôt que la ligne et la pensée – toujours à la périphérie…

 

 

La lumière sur la route sans mémoire…

A rebours du temps…

Le désir amoindri – dépeuplé – sans visage ; comme une anfractuosité dans la trame naturelle – l’effritement de la roche…

A la porte de l’âme – le vide – le socle de la matière et des vivants…

Ni temple – ni colonne – l’abîme où tout se perd – auquel tout consent – jusqu’aux mondes où ne naissent que les désastres – toutes nos (minuscules) tragédies…

 

 

En soi – la dissolution de la plus haute solitude – des caresses au milieu des décombres – le vent sur la crasse – qui déblaie nos lambeaux – quelques restes de langage – des bribes de chair et de croyances – obsolètes – qui disperse les horizons – qui nous recentre…

Le vide qui, peu à peu, se remplit de sa propre présence…

 

 

Sous le front – des chants sauvages…

De thébaïde en thébaïde – sans résolution – sans inquiétude (particulières)…

Le temps qui cogne dans le sang – sous la peau – à toutes les portes du monde…

La lumière – de plus en plus familière – qui s’insinue…

Nos deux mains abandonnées – comme le reste – comme tous les Autres – à leur destin…

La marche infatigable – éternelle – sans miroitement – sans refuge – en soi…

La solitude silencieuse apprivoisée…

Nous – nous enfonçant dans cette étreinte à laquelle nul ne pourrait nous arracher…

 

 

En perpétuel devenir – ce qui nous excite – ce qui nous épuise – ce dont nous ne pouvons nous passer…

Ce qui – en nous – avance – le retour récurrent à l’immobilité – malgré les ombres et l’ardeur – malgré les spectres et les tentations – tous les obstacles que les Dieux et les hommes dressent devant nous…

 

 

Secoué(s) par la même folie que les siècles – casque sur le front pour se protéger – ne rien voir – ne rien entendre – ne rien dire – respecter l’obscurité traditionnelle – les lois de plus en plus obsolètes à mesure que la lumière, en nous, se déploie…

 

 

Une poignée de mots pour exprimer toutes nos reconnaissances

Comme un silence – sur le chemin – qui nous guiderait jusqu’à lui…

 

 

Une envolée vers l’envergure – le bleu révolutionnaire qui, peu à peu, remplace la tête – l’âme – la terre – tout ce qui a l’air d’exister…

Le ciel qui surplombe – et prolonge – nos linceuls successifs…

 

 

Le souffle et le silence qui se déploient à travers les mots – derrière la prolifération apparente – ce qui ne peut changer – ce que l’on ne peut atteindre qu’à force d’obéissance et d’humilité – la posture la plus juste (et la plus naturelle) de la matière face au vide – au mystère – à ce qu’elle est et représente – et tout le reste – ce que nous avons, peut-être, oublié de définir…

Ni annonce – ni propagande – un langage d’invitation à l’exil puis à l’intimité…

Nous – comme homme(s) et créature(s) – messager(s) et prophète(s) – ce qui s’entasse et se resserre – ce qui se dilate et disparaît – à travers ce qui demeure – bien sûr…

 

*

 

A nos pieds – le silence – et devant nos yeux aussi…

Le monde dans son absence…

Les battements du cœur…

Ce que nous sommes – à cet instant…

Et le ciel aussi – peut-être…

 

 

L’œuvre de l’invisible sur le monde et le temps…

Entre l’espace et le vent – le bâillement des hommes – le règne de l’idiotie…

Et dans notre crâne – tout ce noir temporairement suspendu…

 

 

Des débris de noms et d’histoires – ce dont nous pourrions être dispensé(s) – et qui, au contraire, constitue (depuis toujours) l’essentiel de la vie humaine…

 

 

Le monde humain – comme une île à la dérive – destructrice – délétère – dangereuse ; comme une arme pointée sur le plus fragile – la différence – la diversité ; comme une mâchoire capable de disloquer le vent – le vide – toutes les armatures invisibles qui portent la vie – la terre – le socle de tous les vivants…

Et ces lignes – comme un cri – quelque chose qui rêverait de s’interposer – de défier la bêtise – d’interrompre la funeste besogne des Autres (peut-être plus instinctuels et ignorants que nous)…

 

 

Rien de prévu – rien de construit – de la poussière qui prend forme – grâce au souffle – à l’âme – aux mains…

Un peu de lumière avant cette aube qui tarde à venir – et qui ne viendra peut-être jamais ou lorsque nous serons tous morts – nous autres les créatures du monde – les vivants provisoires – les vivants périssables – les voyageurs en transit dans cette étrange vallée…

Encore dans l’intervalle – à peine au-dessus du temps – le signe que les songes s’éloignent et que les images invitent à l’effacement…

Peut-être – le jeu même du jour – la liberté morcelée – et partagée entre les âmes – selon une loi mystérieuse et incompréhensible…

Dieu – au-dedans – célébrant toutes les histoires – leur naissance et leur déroulement autant, bien sûr, que leur achèvement…

 

 

Le cortège des ombres amoureuses – les âmes qui se dépossèdent…

A l’écoute d’un chant nouveau – extrêmement silencieux – comme le bruissement discret – furtif – d’une vaste étendue désertique sous les caresses (délicates et permanentes) de l’invisible…

Quelque chose d’exotique pour le cœur étranger…

Une étreinte entre l’âme et la lumière – entre la tendresse et la chair…

Au-delà (bien au-delà) des voluptés ordinaires…

 

 

Ne rien opposer à l’abondance des promesses ; un silence – un sourire peut-être – un regard qui se tait – étranger au brouhaha – aux bavardages – à tout ce qui semble superflu…

 

 

Ce que nous recommençons – de manière incessante ; les mêmes gestes à défaut de regard neuf – le quotidien inchangé à défaut du plus sacré – les nécessités laborieuses et contingentes à défaut du sans égal…

 

 

Sous le front – la même clarté et les mêmes étoiles qu’au-dehors…

Une précipitation de matière et d’inertie…

L’immuable dans un labyrinthe – avec des plaintes et des portes – des cris et de longs couloirs…

L’obscurité sur la carte – inscrite comme la seule légende…

Et toutes nos forces dilapidées en efforts – en rêves – en tentatives – au lieu d’attendre patiemment la mort – le passage – la conversion – l’apparition de l’Amour et de la lumière – la seule perspective capable d’aiguiser notre éclat – la qualité de notre présence – la justesse de nos gestes – la plénitude de l’être et ses mille conséquences sur le monde…

 

 

L’existence comme une course – une épreuve – moins réelle qu’un songe…

De là où nous sommes – nous voyons le rêve – les images – les pleurs – ce qui plonge les yeux dans l’hypnose – et les corps et les âmes dans l’abîme…

La machine à broyer du vide et du noir…

 

*

 

Des cages – au milieu de l’espace – accolées – suspendues – avec des visages – partout – devant et derrière les grilles…

Une large étendue – du chaos…

Des bouches qui crient leur nom – leur singularité – leur besoin d’exister ; de la prétention – seulement – comme si un fragment (un fragment insignifiant) pouvait avoir une identité – une histoire – la moindre possession – la moindre volonté…

De l’usage – pas même une fonction – fractions élémentaires de la monstrueuse – de la mystérieuse – machinerie – sans frontière – sans queue ni tête – infinie – évolutive – cyclique – récurrente – immortelle…

Et nous – en deçà et au-delà des visages – des grilles et des noms…

Ce qui ne parvient jamais (ou si rarement) aux oreilles et à l’esprit des hommes ; ce que l’on ne découvre (en général) que dans la solitude et le silence…

 

 

Sur la pierre – notre stèle naturelle…

Ni destin – ni liberté – une volonté indéchiffrable – en orbite – autour de la même étoile – comme un jeu sans règle – un délire, peut-être, éprouvé jusqu’au vertige…

 

 

Un homme – ce qui ressemble à un homme – en apparence – un peu de chair et de souffle – qui ânonne le nom de Dieu – qui mime maladroitement une prière – qui s’essaye à une forme bancale de verticalité – qui croit s’élever – et qui étale seulement ses principes – ce qu’il pense avoir personnellement édifié – qui croit vivre – et qui bégaye à peine sa pitoyable survie – qui croit boire à la source – et qui s’abreuve à une minuscule résurgence – à une flaque d’eau sale et répugnante…

Sans parole – bien sûr – puisque, en définitive, on ne s’adresse qu’à soi-même…

Silencieux – devant les Autres (tous les Autres) – au milieu du monde ; les lèvres inertes – la bouche ni pour exprimer – ni pour embrasser – simple outil pour ingurgiter un peu de matière…

 

 

La vie – comme un rêve – une danse labyrinthique – des éclats de verre – des miroirs – des reflets – la nuit magmatique parsemée d’intervalles…

Ce qui se dilapide – sans affolement…

Des larmes – de la tristesse…

Mille choses dérisoires avant le tombeau…

 

 

Les deux mains pleines de ciel – la parole oubliée…

Ce qui compte – notre présence au cœur de la fatigue – du sommeil – des illusions…

Nous – nous aimant – peut-être – de la plus belle des manières…

 

 

Des éclats de bonheur cousus ensemble – comme un ouvrage chimérique – une façon d’habiller l’ignorance et la dérision…

Le monde – l’espace où se pavanent et luttent tous les Narcisse…

Entre jeux et batailles – entre pertes et conquêtes – le même désir – partout – comme une intarissable litanie…

 

 

Vêtu de rien – du déluge possible – des ruines à venir – d’un ciel nu – sans langage – sans apôtre – sans prophète…

Des vagues et des bouches – qui nous emportent – qui nous avalent – le vivant assassiné – en fuite – guidé par son instinct de survie…

Des déferlantes de joie – dans la poitrine – en rêve – ce qu’imposent le monde et la tristesse – en vérité…

 

 

Du sable plein les poches – plein les yeux – plein la tête – et l’âme au-dessus – imparfaite – comme si nous étions déjà mort(s) – le gardien des enfers soudoyé pour que nous entrions sans méfiance – la fleur aux lèvres – les deux bras tendus – prêt(s) à embrasser – animé(s) d’une folle espérance…

 

*

 

La joie circulaire – la vie comme un cercle de liberté – une errance sur orbite ; Dieu s’immisçant dans le jeu de la matière – allant parfois même jusqu’à s’incarner…

L’histoire éternelle – sans fin – sans commencement – que, sans cesse, nous réinventons…

Et notre parole comme un infime segment de ce qui se déroule…

Du soleil au soleil – à travers la chair qui, peu à peu, se consume – s’illumine – comprend la manière dont le ciel et la terre en font usage ; un fragment de vérité – rayonnant…

 

 

Nu(e)(s) – la note – la clarté sur le parchemin – la lanterne qui éclaire l’élan – les ombres privées de parole – le monde sans auditoire – ce que l’on tait – en général – ce que l’on ne peut entendre – le cri de ceux qui bégayent – de ceux que l’on a abandonnés au milieu du gué – sans bouée – sans phare – sans embarcation – livrés à la nuit – au froid – à la peur – à l’eau qui monte – irrémédiablement – à la solitude et à l’ignorance – que le moindre geste – la moindre prière – aurait pu consoler – aurait pu sauver du naufrage – peut-être…

Nos lignes offertes à tous ceux qui se noient et qui, dans le silence, ont entrevu une terre de salut – un antre possible – le seul lieu secourable – assurément…

 

 

Tout ce que l’on absorbe comme anesthésique et somnifère – pour échapper aux bourreaux – aux exécutions – aux corps qui tremblent – aux corps qui crient – aux corps qui saignent – à tous ceux qui meurent sous nos coups et notre indifférence…

Et nous autres – le couteau à la main et la frivolité dans l’œil – heureux de continuer à déchirer les peaux – la chair – les vies – à semer ce que même la nuit refuserait de laisser en héritage ; le néant – l’ignominie – l’insanité – comme les Dieux vivants d’un monde malade – à la dérive – à bout de souffle – et dont la plainte nous pénètre comme une lame rageuse et inévitable – et nécessaire, elle aussi, sans doute…

 

 

L’Amour – sans personne – comme un mirage ou une vérité…

Cette nuit – au-dedans – en suspens – comme un cauchemar qui s’éternise – notre parole en ruines – trop faible pour inviter Dieu – le Dieu des hommes – dans notre chambre – s’en remettant à la solitude – aux profondeurs (trop souvent insoupçonnées) de la solitude – appelant le Dieu vivant malgré elle…

L’obéissance à ce qui s’impose comme l’unique voie…

Nulle idée – nul chemin ; la vaste étendue et la vérité circonstancielle – de manière continue – de manière perpétuelle ; et notre constante intermittence…

 

 

Derrière ce que l’on fait – toujours une autre nécessité…

Dans le sang – l’ardeur d’une volonté non personnelle – ce qui fonde et bâtit le monde – les mondes – tout ce qui se compose – s’assemble et se désagrège – tout ce qui est soumis au reste et au temps – comme un Dieu sans certitude sous le front – démultiplié en autant de formes et d’existences que compte l’ensemble des cercles du réel…

 

 

Dans le roc – la blessure et l’étoile – l’homme – le vivant – tout ce que l’on croit être…

 

 

Des adieux et du délire – jusqu’au dernier souffle (provisoire)…

Le monde obsédé qui s’acharne – sans tête – sans raison…

Des clowneries et tous ceux que l’on égorge…

Occupé(s) à attendre – à vivre selon ses croyances et ses représentations – des images et des convictions sans preuve – autour de l’axe central bâti en soi – sous son propre front…

 

 

Une terre de gravats et de massacres – où les âmes – par obligation – par nature profonde peut-être – pour survivre sans doute – se doivent d’être rudérales…

Ni trône – ni couronne – excepté ce que l’on édifie dans le mensonge – par intérêt – par tradition…

Ni victimes – ni bourreaux – ce que partagent les suppliciés – la même croyance en la faute et en la nécessité du sacrifice – la seule (véritable) malédiction – sans doute…

 

*

 

Parfois – les défaites successives – comme un étrange décompte – à mesure que croît le jour – la valeur (éprouvée) de l’invisible…

 

 

Sur le sol – des flammes – des braises – des cendres – ce qui achève de se consumer – nos livres – nos médailles – nos souvenirs – toutes nos idoles (accumulées depuis le premier jour)…

De plus en plus nu(s) – à mesure que le feu grandit – que l’âme se révèle dans l’incendie – que nos couronnes et nos colères sont jetées dans le brasier…

Ce qui veille – attend – se réduit, en quelque sorte, à l’envergure et à la contemplation…

 

 

Des blessures en guirlandes – parsemées d’épines…

La lune – des visages – des images – comme une constellation éventrée…

De la poussière sur la langue – comme une page – une parole – très anciennes…

De la pluie – un jardin – ce qui rend le monde vivable – presque miraculeux…

Du vent – du sang – et l’intelligence qu’il nous manque pour hisser l’Amour au-dessus des idées – au-dessus des icônes – sur la cime terrestre la plus haute – dans nos gestes quotidiens – dans l’air que nous respirons…

Vivants presque morts – inertes – pétrifiés par les habitudes et le reflet des miroirs…

L’œil enterré avec tous ses trésors…

L’âme condamnée – et invitée à retrouver l’origine – à traverser les tourbillons – l’air brassé par les hommes et les Dieux…

Laisser jaillir la lumière du fourbi – de la stupidité – des vomissures terrestres – ce qui nécessite une infinie patience et l’extinction du temps – la fin définitive des illusions et la transformation des têtes vouées, depuis les premières traditions, aux choses et aux histoires personnelles – ridicules – minuscules – infantiles – si trivialement humaines…

 

 

A la frontière des corps – la demande insistante – le ciel dévêtu – l’alphabet du monde sans l’ossature du temps…

Ce que les hommes piétinent – ce dont ils bourrent les crânes – cet amas de matière monstrueux – le désir et la volonté…

Proies d’une idéologie – amputées du jaillissement naturel – des courants porteurs – des itinéraires spontanés…

Le labour – le labeur – plutôt que le voyage sans effort…

La carte et la destination plutôt que les aléas et les imprévus (les surprises merveilleuses) de l’errance…

L’ambition plutôt que le pas…

Tout plutôt que l’incertitude et la (véritable) liberté…

L’existence comme un périmètre circonscrit…

 

 

Entre le sang et le souffle – le ciel et la place de l’encre – ce que reçoit la terre – un peu de bleu offert – le silence libérateur – approbateur – au milieu des désirs et de la besogne…

De l’espace dans ce trop d’intention – comme un tertre – un angle – que l’on réserverait à Dieu – à ce qui, en l’Autre, demeure intact et caché (en général) – comme un trésor indécelable (et indéchiffrable) au milieu des apparences…

Une fraternité de gestes et d’âme dont nul – jamais – ne peut être exclu…

 

 

Les hommes assoupis – sommeillant – et nos livres – nos pages – notre parole – pour rien ni personne ; pour quelques étoiles – peut-être – quelques âmes lointaines – l’invisible et les bêtes couchés sur le sol – la pierre sur laquelle on est assis…

Notre vision – comme un rêve – de l’Amour…

Au cœur – toute la sensibilité du monde…

 

*

 

Les armes – en nous – baissées – oubliées – perdues peut-être…

Au milieu de la poitrine – ce soleil – dessiné à l’encre – comme un rêve sur nos pages…

Des forêts à la place des tables…

Du vent à la place des siècles et des visages…

Et le vide sur lequel on s’appuie comme les pierres sur lesquelles, autrefois, on reposait…

De la soif et des désirs – ce à quoi s’oppose le monde – en dépit des sollicitations et des attirances – une invitation d’abord obscure – puis, de plus en plus évidente – à plonger au cœur de la source où naissent tous les élans…

 

 

On n’arrache rien à l’âme ; elle s’offre et, avec elle, ce qu’elle contient – ce que Dieu et les Autres y ont déposé…

 

 

Le jour libéré du temps – le règne de la légèreté et des profondeurs – ce qui nous accable – ce que l’on rejette – toutes ces parts assassinées qui auraient aimé qu’on leur tende la main – qu’on leur offre un sourire – une caresse – une étreinte – un peu de tendresse (celle dont nous sommes capable(s) ; et, à ce sujet, Dieu sait notre insuffisance et notre inaptitude)…

Ce dont on prive le monde – les Autres – et nous-même(s) d’abord – comme si nous étions conçu(s) pour que se répète – et se prolonge – éternellement l’histoire commune – celle qui colle à la peau des hommes – des âmes ; les principes – les jugements – les valeurs – la perception terriblement restreinte et parcellaire du monde – comme des miettes de réel et de vérité inutiles – inutilisables…

Ce qui, en un clin d’œil, transformerait notre colère – notre ignorance – notre douleur – nos hurlements – en rire – en blessure abstraite – en joie – en intervalles de conscience dans l’illusoire déroulement de notre histoire…

Une manière, sans doute, de réenchanter tout ce gris – tout ce noir – au-dedans – alentour…

Ce qui pourrait s’offrir sans retenue – sans arrière-pensée ; et qui s’avère encore – trop souvent – impossible aujourd’hui…

 

 

De l’errance – d’ici au lieu de nos racines…

Des vêtures et des alphabets jusqu’à l’innocence sans langage…

Le voyage et le silence – au-delà du temps…

 

 

Rien devant les yeux – au-dessus de la tête – dans le cœur endolori…

Des âmes et du ciel…

Ce qu’offre – peut-être – la poésie…

 

 

Dans le gouffre – l’esprit et la lettre ; dans les flammes – une fraternité complémentaire…

Scindé par l’éclat – le haut et le bas au milieu desquels circulent les idées et le sang – la souffrance et l’intention – les désirs et la semence…

Nous – terre et affilié(s) à tous les chemins…

Archipel théâtral et prophétique dénué de sagesse – aux prises avec tous les instincts et le cours si désastreux de l’histoire…

 

 

Le soleil – en guise de phare – plus rarement (presque jamais) représenté comme un ogre – un monstre lumineux…

La lumière sans écran – trop puissante (bien trop puissante) – impossible à supporter – qui aveugle et irradie – qui extermine – et qui définit, d’une certaine manière, le seuil à partir duquel les âmes sont capables de voir – les yeux capables de s’ouvrir – qui décide, en définitive, la façon de peupler – et d’organiser – la terre – les lieux du monde où l’ombre devra durer encore – comme si les Dieux en jetant leurs dés, au premier jour de l’histoire, s’étaient amusés à décerner les trophées et le prix à payer – à distribuer toutes les limites et les malédictions à venir…

Et nous (nous tous) – victimes, en quelque sorte, du sort qui, parfois, nous interdit – qui, parfois, nous autorise ou nous encourage…

Et nous – nous débattant toujours avec cette longue liste de restrictions terrestres – et vivant comme si notre désir de nous en affranchir consolidait certains empêchements essentiels – comme si nous renforcions, à notre insu, le caractère rédhibitoire des obstacles naturels de l’homme…

 

*

 

Un jeu immense – comme un espace aléatoirement quadrillé – avec des failles temporelles – des semences jaillissantes – des matrices béantes – des têtes secouées ; le plus fragile, en nous, malmené – et ce sang – et cette encre – dégoulinant par endroits sans que rien ne puisse les arrêter…

Les pages rouges – le sol noir – échangeant leur texture (et mélangeant, parfois, leur couleur) – se rejoignant – presque toujours – en une vaste étendue parsemée et bordée de vide sur laquelle se dandinent maladroitement des hommes et quelques feutres – agités – emportés – par une danse ardente – erratique – hésitante quelques fois – les uns fuyant – les autres s’agrippant – tous dessinant d’étranges itinéraires – des détours et des arabesques – comme poussés par le vent et des forces invisibles – envoyés ici et là – allant jusqu’à l’épuisement – avant de s’effondrer et de se répandre en petites taches inertes qui, peu à peu, glissent vers le trou – l’abîme – le plus proche…

Et personne au-dessus pour déplacer les pions sur ce plateau démesuré – que les hommes appellent le réel – qui, si souvent, ressemble à un champ de bataille – à un échiquier tragique et ensanglanté sur lequel se démènent des figures effroyables et horrifiées…

Le monde trépignant – affairé – actionné par lui-même et le souffle premier du silence qui, un jour, donna naissance à la matière et au temps…

 

 

De la roche dans l’ombre – et ce langage, autrefois si dur, comme défait – assoupli – sans racine – sans assise – allant là où on le pousse – glissant là où la pente l’appelle – traversant ce qui nécessite d’être traversé – pour se répandre sur la page – sur le monde – dans les âmes et les têtes…

Propédeutique nécessaire, sans doute, pour se familiariser avec le vide et le silence…

Paroles messagères – annonciatrices, peut-être, de la lumière…

Tous nos visages au milieu des mots ; et Dieu qui se tient entre chaque lettre – entre chaque ligne – heureux des mariages – des absences – des destitutions – ravi de constater l’incroyable faillibilité de ce grand manège et les surprises incessantes qu’il nous réserve…

 

 

Que le sang emporte nos ruines et nos ambitions – ce avec quoi l’on occupe les lieux – des Dieux de carton-pâte – des prophètes de pacotille…

Des intentions de chair asservie – de paroles de propagande – ce qui nous empêche de voir l’or des âmes – ce qui brille sans arrogance au fond des yeux des hommes – l’humilité non feinte du cœur qui sait…

 

 

Seul et sans descendant – loin des regards et des foules – indifférent aux édifices des hommes – auprès des Dieux, peut-être, qui ont colonisé l’espace au-dessus du monde…

 

 

Derrière le visage – le feu – le jeu – l’alphabet – le cœur du mystère et l’ensemble des surfaces du monde repliées…

A mi-chemin entre l’extase et la dévoration…

Ce qui nous envahit – ce qui nous encercle – jusqu’au dernier souffle…

 

 

Le jour affranchi de toutes les alliances – sous des étoiles impuissantes – tout un ramassis de rêves et de fantasmes ; le paradis présent – sans cesse en train d’éclore – hors du bain poisseux des religions…

 

 

Ce qui – en nous – s’interroge – et arrache, une à une, toutes nos certitudes – ce qui prolonge la lignée inauguratrice – ce qui explore au-delà des apparences – le monde à l’envers – les abysses retournés – tous les recoins fouillés – l’esprit et la chair soulevant chaque pierre – chaque racine – explorant toutes les marges – se rapprochant, pas à pas, du mystère…

 

 

Ici même – par là où tout a commencé – au centre du vide – au cœur de chacun ; l’unité démultipliée – transformée en foule – convertie en multitude ; comme un ensemble de fractales façonnées selon un modèle unique qui, peu à peu, prend la forme d’un monde aux apparences diverses et mélangées – peuplé de visages, plus ou moins, communs – plus ou moins, singuliers…

 

*

 

La parfaite soumission à la lumière – dans toutes les failles baignées par la violence et le noir – comme des intervalles d’inconscience dans l’immensité blanche – et, au-dedans, des îlots de résistance à l’obscurité – à la barbarie – à ce que le vivant porte depuis trop longtemps…

Des oiseaux dans la couleur – barbouillant le ciel de taches étranges et joyeuses – et notre regard – émerveillé – abandonnant le labeur (morne) des idées – les tentatives (absconses) d’enchevêtrement du langage et du réel – la monotonie du temps linéaire et l’étrangeté du monde labyrinthique qui se resserrent sur les hommes – qui asphyxient leur existence et leurs élans – leurs désirs (obstinés) d’échapper à toute forme de règle et de géométrie…

Et nous – soudain – dans le ciel – l’esprit et les yeux éclairés par l’envergure – la marche ascendante – descendante – tourbillonnante – les corps et les gestes qui se mélangent – toutes les contradictions avalées par le cœur acquiesçant – la beauté des teintes et des textures dansantes – comme un tableau – un sol – une terre peut-être – sans cesse remodelés – repeints – réorganisés – renaissants sous la pâte – la main – le couteau – de forces invisibles – libératrices – souveraines…

Le silence au-dessus du monde – reconquis ; tous les corps à corps rompus – et la liberté unique et plurielle – retrouvée et célébrée…

Nous – comme le lieu de tous les possibles – de toutes les apparitions – le centre de tous les cercles – là où peuvent (enfin) s’exercer (sans la moindre restriction) l’invisible – la magie – le merveilleux…

 

 

Naissance et existence sans cérémonie – sans salut – sans solution…

Providence crépusculaire où se mêlent – en proportions (très) inégales – la glaise et Dieu…

L’Amour comme (durablement) éclipsé…

Des vies sans ailes, peu à peu, asphyxiées – encerclées par des visages et des cris – sur des rives analphabètes – le long desquelles s’écoule une eau noire sans identité – peuplée de monstres mi-réels – mi-imaginaires…

Sur cette terre de disgrâce et d’infirmités…

 

 

Au croisement du mystère – rien – on ne sait pas – tout pourrait être envisagé (d’ailleurs tout a déjà été, plus ou moins, envisagé) – en vain…

L’esprit avec lequel toutes les configurations du réel ont noué un pacte ; le créateur et ses formes – ses cercles et ses sectes…

Des mouvements de part et d’autre de l’espace – quelque chose qui s’écoule avec le temps – une infinité de choses que l’on ignore…

 

 

Au cœur de la mémoire dépeuplée – inutile – peu à peu libérée du sang versé – des intentions étroites – des ambitions de puissance ; l’esprit suffisamment vide pour célébrer ce qui s’invite – la lumière – le monde – les circonstances ; tout ce qui jaillit de la source…

 

 

Nous – sillonnant la terre – l’esprit – le dédale de l’espace et du temps – l’aube habillée de ses voiles – les contrées de l’Amour – les rives du langage – mêlant nos pas – et nos gestes – à la poésie – laissant advenir – lorsqu’ils souhaitent nous visiter – l’enfant neuf et sans ruse – l’oubli sans décombre – la lumière sans ombre – le silence originel…

 

 

La terre – nos âmes – nos mains – ensemencées par le ciel – dégagé – dégoulinant – abandonnant sa substance – son patrimoine – ses empreintes – là où la chair – le cœur – le sol – sont prêts – capables de le recevoir – capables de le faire éclore et de lui donner vie…

 

*

 

Le lien rompu des Autres…

Seul – dans sa pluralité…

Le monde semblable à soi…

Du noir plein la tête – parsemé d’arcs-en-ciel et d’illusions…

Des promesses plein les mains – trouvées dans les paumes de ses pairs – des poignes sans acte – des gestes sans vérité…

Dieu et le regard sur la même ligne – recouverts par trop de rêves – par trop de mots…

Des baisers plein la bouche pour ceux qui suivront – et les yeux, derrière nous, qui balayent l’espace vide…

 

 

Parfois – le jour – parfois – le feu – la dédicace du ciel sur le sable…

Des mots et des flèches – le verbe lancé comme un projectile au-dedans des âmes ouvertes – si peu nombreuses – presque personne – en vérité…

Partout – les mêmes rives dépeuplées…

 

 

De la chair qui pense – des bouches alignées en longues colonnes – en files d’attente interminable(s) – de la parole désincarnée – des idées abstraites en pagaille – dans le désordre des esprits dérangés…

Des gestes qui claquent – qui cinglent ; des peaux et des cœurs maltraités…

Toute la gamme des hommes – en somme ; et personne (absolument personne) à qui se confier…

 

 

Ce que l’on nomme fissure – une certaine perception du temps – des failles dans l’espace – des gouffres qui déchirent la présence…

Plus que des instants – des vies entières en attente d’éternité…

 

 

Dire le jour – sans mensonge – sans faux-semblant – tel qu’il nous apparaît – à la manière de la terre née de la source…

L’aube habillée, parfois, de nos parures – la clarté à son zénith – le soir un peu flétri (et moins flatteur qu’on ne l’aurait imaginé) – et la nuit épaisse qui obstrue notre vue – notre vie – qui nous ferme les yeux en pleine lumière – lorsque le ciel est encore clair…

Tous ces voiles sur l’Amour naissant ; et l’éclosion du silence au milieu des mots…

 

 

La terre enchaînée – ensemencée par les morts – notre folie – trop de versets sombres – des rêves – de l’absence – du chaos – comme si nous étions le seul obstacle à la possibilité d’un commencement – une parcelle du monde si aride – si peu propice à l’émergence de l’Amour…

Trop de choses – trop de bruit(s) – encore – dans nos têtes – dans nos vies – pour vivre nu(s) – libre(s) et silencieux – pour célébrer tous les horizons au-delà des apparences – au-delà du tombeau…

 

 

A travers les ruines – les pleurs – le chemin…

Des vagues de mots et de tristesse qui nous emportent…

De la nuit trop peu contemplée – inapprivoisée…

Sur cette passerelle de sable et de cendres…

Au-dessus des flammes – la danse des prophéties…

Notre voyage jusqu’à la fin du jour – jusqu’au dernier souffle – jusqu’au désert – jusqu’à la confusion et la folie…

Peu à peu – vers le lieu de l’oubli – vers le lieu du cœur indulgent…

 

 

Dans l’âtre – des restes de rêves brûlés – notre généalogie – toutes nos tribus ancestrales…

Dans notre poitrine – un murmure – l’âme qui pardonne…

Nous – devenant, au fil des âges, un foyer sans bannissement – une source de tendresse sans insistance – sans renoncement…

 

*

 

L’invention du temps – de l’esprit – le monde fat – illusoire – d’un orgueil maladif – aux yeux opaques et qui s’imagine lucide ; les apparitions successives que l’on amasse – en tas – en désordre – en rangées hautes et épaisses ; ce que l’on croit être – la réalité – les histoires que nous inventons ; nous et notre cœur sensible – nous et notre âme exemplaire…

Mensonges ! Mensonges !

Du vent jeté en l’air – de la poudre pour les yeux (les siens et ceux des Autres) – de l’herbe balancée dans des fossés déjà fauchés – des chimères pour apaiser la psyché…

La mascarade humaine – le mauvais théâtre des hommes – pour ne pas nous voir si laid(s) – si étriqué(s) – si idiot(s) – si fragile(s) – si démuni(s)…

Le roman (pitoyable) de notre – de cette – si risible humanité…

Des mirages – le temps d’une vie – de mille vies – peut-être…

Une nuit de parfait sommeil sur la rive (désenchantée) des rêves ; et l’autre réalité – les mille autres réalités – jamais entrevues…

Et nous – sans surprise – parmi tant de malheurs – sur la pierre – de manière continue – de manière perpétuelle…

 

 

Ce qui nous précède – inexistant – autant que ce qui nous suit…

Nous – plongé(s) dans la marche – à déambuler parmi les Autres – dans cette vie qui se dessine dans l’espace – en lignes – en gestes – en mots – de l’aube jusqu’au couchant – dans notre chambre – au-dehors – les yeux grands ouverts – l’âme posée entre l’horizon et l’encrier – le cœur – le feutre – fidèles au rythme des saisons – à l’ardeur fluctuante des vagues intérieures…

Et ce que, chaque jour, nous léguons au monde – avec discrétion et sincérité…

 

 

Nous – nous déployant dans l’espace – grâce au feu offert – aux fleurs qui accompagnent la poésie – aux arbres des collines dont le feuillage recouvre notre roulotte…

Entre cimes et lac – notre enfance passionnée…

La tête qui musarde au-dessus des rêves communs…

En équilibre sur ce qui ne nous appartient pas…

 

 

Des bouches affamées…

Des apparitions comme des nuages…

Des existences – le temps d’un (très) bref passage…

Le malheur des uns et l’angoisse des autres…

Le bavardage des uns et l’indifférence des autres…

Rien qu’un long (et étrange) sommeil entre deux dates – sans cesse recommencé ; à peine – un fugace instant…

Les yeux collés de terre – la semence giclant dans la chair et sur la pierre ; la (tragique) perpétuation du monde…

L’humanité grave et frivole – suspendue au-dessus de l’abîme par la main de l’ignorance ; l’âme – la peau – l’esprit – plongés dans leur bain de crasse…

Pas même au commencement du seul voyage véritable – du seul voyage qui compte…

 

 

Ce qui pourrait nous étreindre – se laisser habiter – notre contemplation sensible à l’œuvre…

De l’âme bancale à l’âme inclinée…

Du bavardage à la parole habitée…

De la terre lasse – trop basse – au ciel accessible et joyeux…

De l’encre et du silence – sans doute – jusqu’au dernier jour – sans doute – jusqu’au dernier souffle…

 

 

Auprès de chaque chose – l’intimité…

Dieu au-dedans et le regard amoureux…

 

 

De la hauteur – au fond des yeux…

De l’envergure dans la main…

Nos adieux aux choses provisoires…

Notre fidélité au chemin…

Le sens de l’humilité et de la terre…

Le cœur infiniment tendre…

Ce qu’essaye d’encenser notre langue – par delà la vie – la mort – les apparences…

 

 

Ecrire sous le ciel – auprès de nos frères immobiles – légèrement tremblants – comme si Dieu seul nous regardait ; et ce soleil – et cette joie – qui nous pénètre – qui nous traverse – dont nous sommes peuplé(s)…

Notre demeure – commune – sans limite – enfin habitée…

 

*

 

Sur la pierre – le dedans du sommeil…

Les yeux ouverts sur l’automne…

Dans l’œil – dans l’âme – la fuite et l’horizon parcouru – et la paume des Autres dans notre main…

Et plus que tout – peut-être – notre parole suspendue ; ce qui émerge du silence retrouvé…

 

 

Un peu de peine amassée – d’étranges tas dans des cages remisées sous les fronts – des moments – des gestes – des visages – du passé ressurgi de la boîte où on l’avait enfoui – et cette image miroitante des Autres collée sur notre peau…

Pas de liberté – pas d’échappée possible…

Couper les noms – couper la tête – peut-être ; tout passer au tamis de l’oubli – respirer l’air du dessus des ruines – jouer hors des cercles d’identité – revenir au regard et au silence d’avant le monde – d’avant le temps…

Être – redevenir (enfin) soi-même – (pleinement) innocent…

Des fragments d’histoire – en chute libre – engloutis par le vide – retrouvant l’espace – leur place – leur insignifiance – leur (totale) innocuité…

 

 

Ce que nous pesons au-dedans des vies – au-dedans des cœurs – au-dedans des têtes ; presque rien – moins qu’une fenêtre – à peine une petite boîte – à peine un dé à coudre – dans le coffre immense – dans le coffre sans fond – des Autres ; rien – à peu près rien – en somme ; mais que représentons-nous à nos propres yeux – pour nous-même(s)…

Du fugace – un trait minuscule – dans l’infini – dans l’invisible…

Notre chance à tous – la possibilité de chacun – selon le sol et la consistance des rêves…

 

 

Comme l’eau obéissante – qui épouse le relief et les circonstances – qui devient le voyage lui-même – sans jamais s’embarrasser de ce qu’elle charrie…

Rien qui ne heurte – rien qui ne soit impossible…

Des instants – des siècles parfois – d’attente – ce qui s’écoule sans souci (le plus souvent)…

L’itinéraire et l’encre – en un seul langage…

Le même souffle – les mêmes cercles – sur la page et le chemin – la foulée et le cœur amoureux jusqu’au dernier tronçon – jusqu’au dernier point…

 

 

Ce que cueille l’émerveillement – sans rien détruire – sans rien blesser – sans rien prélever…

Ce qui s’offre – seulement – le ciel et l’argile fraternels ; le salut présent et inintentionnel – tout ce qui se substitue au rêve…

Ce dont nous héritons – ce qui jaillit du vide habité…

 

 

Ce qu’enseignent le chaos et les croyances des hommes ; entre – un abîme…

D’un côté, le sang et de l’autre, le rêve…

Et notre demeure au milieu…

Nous – vivant(s) – dans cet inconfort que nous tentons (vainement) d’aménager – avec des images et des guirlandes – avec mille choses inventées – avec mille choses fabriquées – et qui – en vérité – écartent, peu à peu, les deux rives – et qui creusent et élargissent tant le gouffre qu’il deviendra – à coup sûr – notre tombeau…

 

 

Dans les entrailles de la roche – les mêmes vibrations que dans l’âme ; l’invisible et la terre – au cœur de la même étendue – le centre et les marges – d’un seul tenant ; et nous qui avons trop longtemps cru en la vérité – et en la consistance – des frontières…

Le même souffle et le même sang d’une extrémité à l’autre…

Et nous – partout – dans le ciel et la poussière…

 

*

 

Rien que des choses emmêlées – le monde – plongées dans le sommeil…

Le feu qui respire…

Des mains qui se tendent – tantôt pour rassasier le ventre – tantôt pour cueillir une ou deux étoiles – tantôt (plus rarement) pour offrir ce qui est nécessaire – et parfois (de temps à autre) pour lancer en l’air – vers la fenêtre des Autres – quelques pages tachées d’encre – un peu de silence – un peu de vérité…

 

 

Rien que quelques grains de sable dans la main – quoi que nous fassions – quoi que nous désirions…

Le reste appartient au vent – et, de temps en temps, à la poésie…

 

 

L’océan – devant les yeux – et derrière aussi…

Ainsi sommes-nous au centre – et cerné(s)…

 

 

Ce que nous inventons à nos fenêtres pour ne pas voir le monde – la nuit – devant et derrière nous – au-dehors et au-dedans…

Tant d’imaginaire – au milieu du noir ; à la très lointaine périphérie du centre…

Des cercles de couleur – l’obscurité – la lumière…

Le cœur – le regard – le ciel – et tous nos voyages – toutes nos histoires…

 

 

Ce qui nous pousse – nous réfrène – nous bloque – nous précipite – ce que nous distillons (tous – sans parcimonie) – le même vent tantôt brassé par les Dieux – tantôt brassé pas nos mains…

Deux minuscules maillons dans la chaîne infinie…

 

 

L’âme dressée – comme le langage – un peu de silence – et le reste qui brûle – en permanence – dans les flammes…

L’oubli magnétique – qui attire à lui toutes les choses – et dans lequel tout finit par tomber – qui déblaie et nettoie l’esprit – le monde – le cœur et l’âme – tous les horizons anciens – pour faire place nette et accueillir, d’une parfaite manière, ce que Dieu – la vie – les Autres – les doigts de la même main – en vérité – jettent devant nous – en nous ; ce qui nous traverse – ce que nous traversons…

 

 

L’encre du ciel – l’encre du monde – sur nos pages…

Dieu dictant son jeu et son silence…

La fougue transformée en désir ; et nous – répandant nos rêves – notre ardeur – sur la terre…

Des apparitions et des révélations – ce qui pousse au milieu des livres et du voyage – ce dont les jours ne peuvent nous priver…

 

 

Sur le sable – nos prières – nos rituels – nos festins – au ras du sol ; ce qui ponctue – et égaye parfois – nos (minuscules) tragédies…

 

 

Le corps uni à la question – comme le cœur ; la condition pour entendre – et accueillir – ce qu’offre le silence – la réponse – une forme d’intimité avec le monde et la source ; et l’âme, soudain, réenchantée après des siècles de tristesse métaphysique supportée par la tête…

 

 

Nous – (presque) toujours hors du troupeau – quoi que nous fassions ; la vie parmi les arbres – cette solitude si belle (et si délectable) sous le ciel – la joie du cœur amoureux de l’ordinaire – du plus quotidien – gestes – pas et paroles – pour soi et ce qu’il reste de beauté et d’humanité chez les Autres ; ni principe – ni idéologie – le plus naturel – le plus spontané – ce qui s’invite ; la perspective du regard – de l’innocence – de la virginité – sans ruse – sans stratégie – sans arrière-pensée ; l’âme – la chair et l’invisible accolés…

La lumière sans volonté – sans dérèglement…

La folie enroulée autour de la vérité – comme les malheurs et la félicité…

Tout – avec notre irréprochable acquiescement…

Ce qui vient – l’usage et la priorité – ce qui s’autoproclame dans la conscience éclipsée…

 

 

Des voyages incessants – des allées et venues – sur la pierre et l’argile piétinées – craquelées – la terre de tous les mythes sur laquelle nous penchons la tête – sur laquelle nous errons le dos voûté…

 

*

 

Les âmes en loques – sur tous les sentiers du monde…

En ces temps nocturnes et suffocants – sans soleil – dans le sable enfoui(es)…

L’invisible – à la croisée des chemins…

Dans l’espace – notre (piètre) sens de l’orientation…

Des couloirs – des corps mutilés – l’odeur (insupportable) de la mort – l’écho des ténèbres ; au cœur de l’enfer…

Nos pas – notre histoire – sous la coupe des symboles – embourbés…

Un long silence sur la pierre – nous n’obtiendrons pas davantage ; la signature de Dieu – entre mille – reconnaissable…

 

 

Notre pesanteur – nos résistances – ce que nous devons inventer au-delà de l’écho – de l’envergure – après tant de siècles cannibales…

Une pensée qui porte davantage qu’elle ne pèse – un peu de réalité plutôt qu’une géométrie des apparences et des reflets…

Ce qui vaut mieux que l’ignorance et la folie ; l’espace et le vent – la liberté nécessaire…

 

 

Sous les arbres – des innocents – le dialogue entre le rêve et le sage – poings sur les hanches – mains négligemment posées devant soi – proches dans leurs intentions secrètes – honnêtes face au jour – rassemblant ce qui les rapproche – dédaignant ce qui les distingue – tous deux (follement) amoureux du feu et du vent – de l’espace à déployer – des frontières à effacer – offrant à ceux qui les écoutent le soin du dernier désir – d’oublier le monde – d’abandonner chacun à son orgueil et à ses possibilités…

En soi – en silence – toujours – la seule manière de vivre (et d’agir) avec justesse – avec discernement…

 

 

L’enfance demeure – malgré l’âge – les années – le temps qui a l’air de passer…

L’instant face aux siècles – aux millénaires – à l’histoire…

Nos pas et notre langue – dans l’éclipse…

Notre folie de croire – jusqu’à l’obsession – en la durée – en quelque chose – en des milliards de choses – peut-être – qui se déroulent simultanément – successivement…

Le spectre du mensonge – au-dedans – déployé au-dehors – dans une boucle qui entretient toutes les fables – qui perpétue tous les mythes – dont la psyché a besoin…

 

 

L’Amour unique – en notre nom – fertile – déracinant toute ascendance – nous laissant – laissant le monde – laissant les Autres – et tout le reste – sans généalogie…

L’aube rafraîchissante – dans nos veines – qui se mêle au feu – à la chaleur du sang…

Les vagues et l’océan – l’ardeur et l’immensité dont nous héritons…

Le jour et le noir – toutes les possibilités du monde…

Les configurations de l’esprit avant l’éveil…

Les rêves et la vie – entrelacés – jusqu’à l’instant de la mort – jusqu’au-dedans du passage…

Ce que saisissent l’esprit et les mains…

Les caresses de la lumière sur notre visage…

Les promesses au-delà du nom – au-delà de la besogne à accomplir…

Ce qui est offert – toujours – gracieusement…

 

 

Trop de choses à portée de main…

L’absence – l’obscur – jusqu’au fond des entrailles…

Le monde – tel qu’il s’imagine – tel qu’il s’éprouve parfois – la tête par l’embrasure et l’âme, en soi, recroquevillée…

 

 

Sous nos semelles – du sang et de la poussière – la vie des Autres – des têtes (trop) soumises – ce qui nous contrarie – ce qui rechigne à nous contrarier – ce qui nous fait honte et horreur – le plus fragile – ce qui nous semble étranger – ce qui nous redresserait – et nous élargirait – si l’on acceptait tous les instincts – si l’on abandonnait l’idée d’erreur et de vertu…

 

*

 

En circulation – les formes – l’énergie ; au-dedans – en surplomb – le regard – notre présence ; cet étrange mélange – à différents degrés – que nous sommes – tous – sans la moindre exception…

 

 

Quelques âmes – sous le soleil – en peine – si souvent – cherchant leurs mots – un chemin – un coin de terre – un peu de ciel – pour s’abriter – devenir – témoigner – se déployer…

Mille jours – pareils aux mille précédents – pareils, sans doute, aux mille qui suivront ; incomparables – en vérité…

L’instant – et, au pire, un instant après l’autre – pour ceux qui savent – ceux qui ont disparu – ceux qui se sont effacés avec leur vie – leurs désirs et leur nom – ceux qui (si d’aventure ils existaient encore) brûleraient toute perspective – tout commentaire – toute idéologie – ceux que la solitude protège du monde et du temps – de la crasse commune – de cette cécité collective (presque) incurable…

 

 

Ce qui s’éteint – dans notre présence – l’immobilité – l’invisible – notre contemplation – ce regard sans objet – qui, dans le langage, voit l’acte de l’esprit – les premières marches vers la connaissance – le socle à partir duquel naissent l’histoire – la littérature – la poésie – tous les mythes et tous les commentaires du monde – le long chemin qu’il faut emprunter jusqu’à la vérité – ce qui doit brûler avec les livres et les alphabets – les idées et les représentations – tout ce qui doit brûler pour évider l’esprit et le monde ; cette quiétude – cette innocence – sans savoir – sans intention – ce qui regarde – ce qui est là – affranchi(s) de tout ce qui les encombre – de tout ce qui les définit…

Le vide et le rien – en quelque sorte…

 

 

Rien que du temps et de la paresse – le monde qui s’abandonne – les pieds ici – la tête ailleurs – sous la férule du rêve et du souvenir…

Dans l’attente d’une lumière qui – jamais – ne viendra…

 

 

Là où demeure la nuit nous allons – des histoires plein la tête – comme une enfance à reculons – la mort avant l’heure – quelque chose, peut-être, de l’inexistence…

 

 

Au détour de l’automne – un poème – un instant – ce qui remplacera, peu à peu, l’étoile et le souci de la vérité ; une rupture – en somme – entre ce que nous étions et ce que nous serons – peut-être…

A présent – nous sommes – tout entier(s) – dans l’incertitude – à même le socle des choses et des âmes – dans cet entre-deux permanent du monde et du temps…

 

 

L’hospitalité du cœur – la tendresse de l’âme – l’épaule et les bras réconfortants – la main caressante – la peau frémissante ; en soi – la plus douce – et la plus affectueuse – des voluptés…

 

 

La tristesse guérie par la marche et le voyage – l’assiduité des pas…

L’incertitude à notre chevet…

Le soleil et la lampe – au-dessus de soi…

La seule histoire d’Amour à déchiffrer – sans doute…

Dans la bouche – le goût de la surprise et des retrouvailles…

Sur les lèvres – le sel de la terre…

Dans le cœur – cet appel (obstiné)…

Ici même où l’existence ordinaire s’éprouve…

Entre les étoiles et la poussière – entre l’infime et l’infini – entre l’ignorance et la vérité…

Quelques jours – quelques respirations – le temps, à peine, d’ouvrir les yeux – de découvrir ce qui nous entoure – ce que l’on porte – et ce qui vient nous faucher – au milieu des désirs…

Cet éternel recommencement du voyage et du monde…

Et ce silence – des vivants et des tombes – auprès desquels nous aurons vécu…

 

*

 

Sur le chemin – des passages – à travers le temps…

Des tourbillons de solitude – jusqu’à l’origine…

La sente – toujours surprenante – du retour…

De la clarté – en soi – de plus en plus ; et cette fraternité de chair – réellement vivante…

Moins de spectres – moins d’idées ; ce qui, en nous, est de plus en plus présent…

Moins (beaucoup moins) de colère et de temps vainement partagé…

L’oubli – à sa place – comme la parole nécessaire…

Une âme – des fenêtres – des carnets…

Une présence – la nôtre en partie – peut-être – qui sait…

Des collines – des pierres – des arbres…

Et le ciel véritable de part et d’autre des yeux…

 

 

Ce que le monde – les Autres – la mémoire – nous racontent ; ce que nous percevons et ressentons ; si différent des histoires habituelles ; derrière le simulacre – un peu de réalité – peut-être…

Un regard – l’innocence ; et l’invisible qui se révèle – peu à peu…

 

 

L’absence de choses et de principes – du vide et des amas – de (très) provisoires constellations – des formes et des couleurs incroyablement changeantes…

Des cascades (incessantes) d’éléments et de lumière…

Le soleil et le monde (en partie) éclairé…

Le sommeil exposé – étalé – disséqué – comme le rêve…

Des battements de cœur tout au long du voyage…

Ni temps – ni durée – aucun instant perdu…

Le jour et le parcours – en soi – qui, peu à peu, transfigurent le cœur et la tête – et révèlent à l’âme son envergure…

Nous – nous unifiant – nous dispersant – de plus en plus nous-même(s) – sans aucune autre nécessité – apprenant à goûter l’absence de frontières et d’identité – le regard flottant au-dessus des visages et des choses…

 

 

Des larmes – des adieux – ce que la vie impose ; l’impuissance et le temps…

 

 

Sans couronne – sans récompense – le monde au loin – dans le néant qu’il a creusé – et nous – aux marges délaissées – le séant sur le sol – la tristesse et la rage, peu à peu, ravalées – au chevet de la joie – dans les bras de l’Amour – de plus en plus seul – bien sûr…

Accueillant et offrant ce que nous portons – à travers un regard – quelques gestes – quelques pages…

Comme une fête discrète et silencieuse – grandiose et quotidienne – au milieu des pierres et des arbres – dans le noir et la poussière – au milieu de personne – au milieu de nulle part ; en soi – ici même – exactement là où nous sommes…

 

 

Le cœur ouvert sur le monde et la mort…

Notre hospitalité incomprise – trop singulière peut-être – la lucidité au-dessus du rêve – l’authenticité au-dessus de la ruse…

Seul – si souvent – à déchiffrer le mystère – ce qui se dissimule derrière les formes – la multitude – les apparences…

Ce qui – en nous – en chacun – ne vieillit pas – échappe aux emprises – aux assujettissements – au passage (illusoire) du temps…

Ce qui est à l’origine de tout ; la source du merveilleux – de l’inertie – de l’ignorance – de la vérité…

L’esprit à la conquête de lui-même ; le vide, sans cesse, créant et détruisant ses propres visages…

 

 

Le cœur inconnu – sur la pierre – au milieu des vivants – parmi les désirs – les rêves et les décombres…

Ce que négligent, si souvent, les hommes…

Ce qu’il restera sous les ruines – à peu près rien – la même chose qui existait en dessous du monde ; de la poussière et la part la plus lointaine de l’enfance…

Quelques traces sur le (vaste) territoire de la nuit…

 

*

 

Ce que nous pouvons toucher – les yeux fermés…

Ce qui nous propulse aux confins du territoire connu…

L’horizon et les mains jointes…

Entre chute et ascension – simultanées – loin (très loin) du rêve – des incroyables facilités du rêve…

Au-delà du temps – ce qui nous rend plus heureux (beaucoup plus heureux) qu’autrefois…

 

 

Le vide – entre les tempes – de cette nature de ciel – comme au-dehors – le même espace – en vérité – malgré le sable et le sang – dans nos veines – sous nos pieds…

L’écoute et l’étendue – en dépit de nos mains – des hommes – du monde – qui poursuivent leur besogne – qui continuent à faire ce qu’ils ont toujours fait depuis le commencement du temps – comme si rien n’avait changé – comme si rien ne pouvait (véritablement) changer – comme si Dieu – la nuit – les âmes – n’existaient pas – étaient des mythes – des fables – des mensonges comme les autres…

 

 

Ce qu’il reste – après le festin – après le passage du temps ; des idées – des mains vides – des ventres et des âmes repus…

Et toutes ces têtes – à leur fenêtre – qui regardent la misère et la désolation – depuis les premières hauteurs de l’homme – pas même à la base de la pyramide – pas même, sans doute, au niveau des fondations – comme une lointaine appartenance à ce qu’est la véritable humanité – à ce qu’elle sera, peut-être, un jour (de manière effective) lorsque les existences – les comportements – les gestes et les paroles – porteront, en eux, une conscience et une sensibilité minimales et qu’ils pourront, à ce titre, être qualifiés d’humains…

 

 

Il n’y a rien – en vérité – hormis l’espace – le soleil nécessaire – ce que nous appelons la vie – la terre – des blessures – des prières – de la poésie…

Nos yeux – à peine – sortis de la roche et l’esprit loin (très loin) encore de pouvoir s’en affranchir…

Ce qu’il y a, sans doute, de plus étranger – en nous…

 

 

Le chagrin – toujours – comme ces larmes oubliées…

Sur cette route – incliné(s)…

La mort – la nuit et notre visage…

Ce qui tente de résister aux volte-face de l’enfance – l’âge du non-retour…

Ce que nous gravons – avec un peu d’encre et de sang – sur la roche – dans la poussière…

Seul(s) – sur ces rives étranges – au cœur de la patrie des vivants…

 

 

Le jour à l’agonie – le miroir sur lequel ricanent tous les reflets ; pas même un chemin – pas même une main tendue – ni accueil – ni possibilité – le monde tel qu’il va et notre fatigue – notre (inépuisable) découragement…

 

 

Le crime – le cri – l’exil – nos gestes dans la part des malheurs – notre rôle dans l’infortune…

Et le rire irrépressible du vent – insupportable pour la psyché…

 

 

Déchiré(s) comme si nous étions entier(s) – avant la déferlante…

Et l’invisible – à l’envers du monde – de nous-même(s)…

 

 

Ce qu’il y a d’horizons et de désespérance en l’homme…

Et cet Amour – au fond de l’âme – qui attend – Dieu sait quoi…

 

*

 

Le long du chemin – peu d’âmes – des ombres à foison – plus d’échos que de pas – plus de paroles que de gestes – plus d’idées que de sagesse…

Personne – peut-être – en définitive…

Des fantômes – des projets – des décombres…

Peu (très peu) de réel – le soleil – la lumière – sur notre peau – sous notre front frémissant – le cœur tremblant – quelques pages – un peu de poésie – en nous ; notre seule (véritable) compagnie…

 

 

Des noms – des lieux – un monde – qui ne sont rien (ou si peu) ; ailleurs – l’essentiel – dans la disparition – sur le chemin – sur la page – que l’on confond – et sur lesquels s’invitent indifféremment l’aube et l’abondance…

Et l’acquiescement – bien sûr – en surplomb de tous les abîmes…

 

 

Trop de pierres dans les poches et de mots dans la tête pour (réellement) goûter la vie – le langage – les joies littérales de l’encre – la légèreté des jours…

Trop de terre et de tempérance – pour partir à l’assaut du ciel – des sommets…

Animal tellurique – créature souterraine – funambule des gouffres et des roches magmatiques – explorateur de toutes les excavations – qui acquiesce – sans la moindre réticence – à ce destin des marges – de la gravité – des profondeurs…

En cette solitude errante qui fourmille de rencontres…

 

 

Au cœur de l’invisible – cette dimension où circule l’immanquable – l’essentiel – le plus sacré – peut-être – comme un miracle sur tous les mirages – toutes les intentions – tous les élans…

Des amas de désirs – de pensées – de certitudes ; toutes les illusions – horizontales et verticales ; la vacuité que l’on croit remplir de choses – de rêves – de couleurs – que l’on s’échine à rendre vivable et (suffisamment) réelle et consistante pour y croire (pour consolider notre croyance en notre réalité)…

Nos souvenirs et notre inquiétude…

Nous – craintif(s) et malheureux – entre nos murs – à l’abri de rien – plongé(s) seulement dans notre folie…

 

 

Irrésistible – inimitable – comme le jour à venir – le ciel – en soi et au-dessus des toits…

Le silence – sous les fronts – sur l’argile…

Le monde clos – en nous – avec la mort…

Les sanglots et toutes nos tentatives – tous nos chants de réconciliation…

Et nos existences, peu à peu, étranglées par les mains du sommeil…

 

 

Sur le chemin – l’inconnu – le cœur – ce que nous ignorons (en général) – le seul viatique pourtant – ce que l’on porte avec l’essence du monde – la substance des choses et de la matière…

Ainsi avançons-nous – les pieds sur la terre – l’âme déjà portée par tous les possibles – pas à pas – vers une destination qui, peu à peu, s’efface – moins un lieu, en vérité, qu’une manière d’être là – présent à ce qui existe – en soi…

 

 

L’écho d’un très ancien secret qui s’affine au fil du temps – l’Amour sans âge qui se révèle – à mesure que les saisons ralentissent…

L’espace et le vent – de plus en plus – à mesure que l’ignorance se dissipe…

Nulle crainte – les yeux dans l’univers ; nous – entre l’aube et l’abîme…

 

 

A chaque intention – un surcroît de laideur ; et la beauté qui s’efface à force de volonté – à force de rires et de ripailles – à travers tous ces banquets d’inconscience qui piétinent la simplicité – le silence – la candeur…

 

 

Le monde – nous tous – encerclés par tous les horizons enténébrés par les hommes…

La vérité adossée au vide ; et le jour dans l’oubli des pas…

 

 

A travers le scintillement des âmes – la virginité du monde – les cendres et quelques braises rubescentes – l’ascension à petits pas – nos découvertes de moins en moins angoissées – notre exploration toujours plus involontaire – de plus en plus joyeuse ; ce que les choses – les expériences – la solitude – nous font entrevoir ; l’origine à travers sa longue descendance – l’essence derrière les apparences – la lumière derrière l’opacité – l’unité derrière la multitude – l’immobilité au cœur du mouvement…

 

*

 

Nous – nous éloignant – toujours – sur le sentier des rêves – sur cette pente noire que l’on habille (à tort) de couleurs et d’images…

Le long (et aventureux) périple sur la terre – sous le front – le cœur et la tête pris d’assaut – envahis – (très vite) encombrés…

Et cette patience – et cette hérésie – d’aller ainsi sans fin – sans jamais pouvoir échapper à la course des saisons – sans jamais pouvoir s’affranchir de la danse des choses – comme s’il était possible d’atteindre l’autre extrémité du monde – l’autre extrémité du temps ; un saut infime entre les tempes – une marche interminable à la surface des apparences – l’histoire d’une fraction de seconde pour franchir des siècles – des millénaires – l’éternité pressentie – imaginée – et une infinité d’existences pour poursuivre l’exploration des mondes – des galaxies – des univers…

Cet incessant besoin de suivre le fil des pas – de la pensée – jusqu’aux marges – jusqu’aux confins – jusqu’à cette rencontre avec l’instant – avec nous-même(s) – prenant (peu à peu ou soudainement) conscience de l’absence de limite – de l’inexistence (effective) du temps – de l’envergure infinie de l’espace et de l’esprit…

 

 

Nous – du côté du vide plutôt que du côté du monde…

Au centre de l’oubli – l’absence de rumeur – le silence aussi palpable que toutes les croyances (et toutes les insanités) des hommes…

L’humanité – le langage – la réalité – comme des évidences inventées – des convictions rassurantes…

 

 

Rien que des murs et du vent qui circule au milieu des ombres – et qui bouscule quelques fantômes…

Le monde invisible – ses retraits et ses silences, parfois, inquiétants…

L’œil et le cœur pétrifiés – comme saisis par l’illusoire réalité de ce qui semble être – de ce qui nous apparaît – comme une plongée progressive dans un puits sans fond – une vaste étendue abyssale – où rien n’existe – où rien ne compte – vraiment – où l’esprit et la main ne peuvent rien saisir – où l’âme et le pied ne peuvent prendre aucun appui ; rien que des reflets et des formes chimériques et transitoires – pas même la certitude d’un regard qui contemple – de la lumière qui éclaire – ce qui semble se dérouler en nous – devant nous – qui peut savoir…

Pas même un œil ; rien – absolument rien – pas la moindre certitude – ni Dieu – ni mémoire…

Et nous – peut-être – au cœur de ce monde possible – de tous ces mécanismes et de tous ces processus apparents ; au cœur du vide – au milieu de rien – de ces mille choses étranges qui semblent, à peine, exister en dépit, parfois, de leur (très) troublante consistance…

 

 

Chaque jour nouveau – comme un horizon ancien à renouveler – une renaissance – une possibilité de réenchantement…

 

 

Des grilles sur une terre dénudée – des mains tendues vers les étoiles – l’offrande la plus infime…

L’invention d’un chemin – au moindre pas…

Des horizons déployés – le socle de l’angoisse – solide – sur lequel tout s’édifie – sur lequel naissent tous les élans ; cette inquiétude fondamentale ressentie à travers le manque – la faim – l’incomplétude…

Et la beauté et l’envergure que l’âme approche – parfois…

Tout un parcours – entre le désespoir et l’évidence d’une possibilité…

 

 

La fatigue et la mort dans le sang – installées – à leur place – depuis le premier jour – avant même la première naissance – consubstantielles, bien sûr, à la matière vivante…

Marchant avec nous – à chaque instant – allant là où nous allons – devenant, peu à peu, l’essentiel de ce qui nous constitue…

Derrière nous – quelques traces – des restes d’étoiles ; notre très humble – et très provisoire – héritage…

 

 

L’univers entier – sous les paupières – tout ce que nous créons – des deux côtés des yeux – et de manière (presque) toujours asymétrique…

 

 

La terre et le ciel chantés – au fond de notre Amour – quelque chose d’étrange né des ténèbres…

Tous les rendez-vous sous la tristesse des visages…

Et notre (inébranlable) fidélité au voyage…

 

 

Libre du monde – du jour – de la malédiction…

Au cœur du mouvement perpétuel – au cœur de l’inconnu…

 

 

L’instant – l’autel – la croix – devant lesquels nous nous agenouillons – l’esprit attentif au milieu du sommeil (apparemment) imperturbable des figures et des choses…

Notre feu – au centre du cercle abandonné par tous les Autres…

 

*

 

Les pierres – les arbres – le monde ; le rêve évanoui – toutes nos transparences ; rieur – loin des croyances et des édifices – dans l’échancrure de la joie et du repos…

Des vagues – régulières – à un rythme invariable – avec, à l’intérieur, tous les éléments et quelques signes ; des rencontres – des partages – des trahisons – toutes les combinaisons possibles et la nécessité du langage de moins en moins prosaïque – de plus en plus poétique à mesure que la terre recule – que l’océan avance – que les profondeurs réapparaissent dans l’écume – puis, le silence – moins obscur – moins secret – et la lumière – plus vive – sur la surface crénelée – comme si les portes s’ouvraient enfin devant l’âme – à demeure – réenchantée…

 

 

Entre les marges et le centre – le sang et l’encre – ce qui nous anime – la tête tapie dans l’ombre – l’âme et la plume légères – loin des ruses – des fables et des mensonges – le cœur honnête – le feu authentique – comme les gestes et les pas…

L’Autre – la feuille – le chemin – inséparables – comme des fragments de la même étendue – des éléments de la même présence – indissociables…

Un – ensemble – seul(s) – d’une certaine manière – ce que nous sommes comme ce que nous croyons être – quels que soient l’époque et le degré de conscience – qui que nous soyons…

 

 

Dans les hauteurs d’un destin – invisible – sensible à ce qui se refuse – à ce qui résiste – à ce qui s’attarde…

Fidèle à la parfaite asymétrie du monde…

Et au-dessus – le ciel – le soleil ; et partout – l’Amour ; et en dessous – nos âmes frileuses et obéissantes – et de temps en temps, les chuchotements d’un poète – un peu de silence – à l’oreille des hommes…

 

 

Libre(s) – sans malédiction ; les ténèbres derrière soi – encerclé(s) par la lumière – avec, au centre, un temple discret pour les usages quotidiens – les usages ordinaires…

Sans dévotion ostensible ; mais agenouillé(s) – à l’intérieur – tout au long du chemin…

En voyage perpétuel – sans le souci des choses…

Comme un chant – un cœur – un territoire – silencieux – dessinés par l’invisible…

Quelque chose, sans doute, d’incompréhensible par les hommes…

 

 

Des noms chuchotés dans tous les recoins du sommeil…

Des heures de rêverie sans amitié…

Du repli – de l’arrogance – en soi – sans air – recroquevillé sur ses songes et ses gisements…

Les yeux dans l’adoration des reflets et des idoles…

Rien que du temps qui passe sous le front – sur la chair…

Le Divin – encore inerte – au fond de l’âme…

 

 

Du chaos en pagaille – des mouvements – quelques exercices dans le vent ; de la cendre et des linceuls sur les morts et les vivants…

Des voiles pour cacher l’incompréhensible – l’impensable – ce que nous craignons comme la lèpre ; des rideaux baissés pour se tenir – des vies durant – dans l’obscurité d’une pénombre artificielle – comme un refuge pour notre fatigue – nos insuffisances – notre manque d’ardeur…

 

 

Là où nous marchons – le changement – ce qui encourage notre ardeur – ce qui renforce notre détermination – cet acharnement des pas – cette obsession de l’esprit à poursuivre le périple – ses recherches – cette quête inépuisable…

Et nous – immobile(s) – exposé(s) au monde – au vent – fragile(s) – désarmé(s) – l’âme redressée – presque poétique – plongé(s) dans l’inconnu – au cœur de l’incertitude – loin (si loin) du cœur lourd et de la tête d’autrefois penchée sur ses livres – barricadé(s) derrière des remparts d’idées – insensible(s) au vide et au feu qui couvaient dans nos tréfonds…

Refuge jadis – à peine respirant – si peu vivant – et, aujourd’hui, aussi présent que possible…

 

*

 

Les yeux troubles de la colère – la voix haute – les gestes emportés – des choses que l’on jette – des éclats de monde…

Les pieds dans la boue – dans les sables mouvants – puis, les jambes – puis, le tronc – jusqu’au cou – jusqu’au ras du nez – la fange dans la gorge déjà – jusqu’au fond de l’âme ; et bientôt l’asphyxie et l’engloutissement – la disparition ; rien que de petites bulles inoffensives (des restes de rage et de ressentiment) sur la surface immobile – visqueuse – répugnante – rien qu’une minuscule flaque d’eau grise sur le sol – et le marécage que l’on voit, peu à peu, s’étendre…

Le monde maltraité – méprisé – nous avalant – nous effaçant – dans un juste rééquilibrage des forces – au-dehors – au-dedans – au cœur de la matière et du regard…

Ce qu’il nous faudra, de toute évidence, traverser…

 

 

La faille – en deçà du monde – cette trappe invisible par les hommes – au-dedans – ouvrant sur le ciel – le silence originel…

Et nous – alternant les séjours et les voyages – nous éloignant et nous rapprochant – nous unissant et nous éparpillant – oubliant la trappe – toutes les trappes disséminées sur les chemins – oubliant le monde – les mondes – les hommes – oubliant l’obscurité et la lumière – le silence et le vacarme coutumier des vivants – de l’univers – pour nous laisser porter par les courants ascendants – descendants – tourbillonnants – tantôt destructeurs – tantôt édificateurs – nous laissant happer par toutes les forces – devenant, peu à peu, davantage que ce qu’imagine (en général) l’esprit humain – devenant tout – devenant rien – l’ensemble des possibles – tous les mélanges et toutes les combinaisons (des plus élémentaires aux plus sophistiqués) – et finissant, peu à peu, par comprendre l’inimportance des noms et des changements – et nous immobilisant – malgré nous – au centre des danses et des mouvements – et nous abandonnant (enfin) à tout ce qui nous traverse – à tout ce qui nous saisit…

Dieu – le monde – à l’œuvre…

 

 

Dieu – en lui-même – à travers nous…

Quelque chose de la marche – de la course parfois – et du silence…

Le jeu du feu – du vent – de la fatigue – au cœur de l’espace…

Et des failles – presque toujours – aux jointures – comme des fuites – des échappées ou des refuges pour le sommeil…

Mille anomalies dans le règne imparfait de la conscience (incarnée) – mille tentatives – mille possibilités…

Et dans l’infinité des combinaisons – parfois – quelques prières – un peu de poésie – des cœurs (véritablement) ouverts – des mains (réellement) secourables ; ce qu’il y a de plus précieux – de plus gracieux – en nous ; ce sur quoi repose l’avenir du monde – les lettres de noblesse de l’homme…

 

 

Du silence – entre les lèvres – entre les mots…

Le visage, peu à peu, érodé par le temps…

Les yeux et l’âme rouillés – toutes les articulations entre le réel et l’invisible…

L’image peu reluisante de ce qui vieillit…

L’esprit vierge – pourtant – autant que l’innocence…

Le cœur toujours sombre – étroit – affamé – et la folie des pas sur le sable…

Des trous – des fissures – des précipices – des danses et des arabesques – un monde et une psyché embarrassés – cacophoniques – des existences risibles et impuissantes face aux mouvements et à l’éternité – futiles mais néanmoins indispensables – telles que la matière et l’énergie existent aujourd’hui…

 

*

 

Partout – le même ciel – sous le front – au-dehors…

Et ça vit comme si ça n’existait pas ; ça respire – ça transpire – ça bavarde – ça copule – ça se reproduit – sans lumière – sans même le souci de la lumière…

De l’agitation et du bruit – mille manières de s’occuper – en dehors de Dieu…

Puis, ça s’éteint – ça s’évapore – ça disparaît – comme une flamme – un peu d’eau – quelques gouttes – dans le vent – au soleil – comme si ça n’avait jamais existé – comme si, en définitive, rien n’existait vraiment…

Des vies pour rien – des vies pour rire – au milieu des larmes – des malheurs – des tourments…

Le monde – la terre – l’oubli…

 

 

Des cascades de rêves – le réel précipité dans l’abîme – les pieds en avant – comme le désir d’une seconde éternité – d’un monde sans écueil – d’une saison sans menace…

L’ambition de l’esprit – de tout homme – peut-être…

 

 

Ce que l’on cherche – la clarté et le repos…

Le silence qui annule toutes les querelles – tous les tourments – tous les chagrins – la longue liste de nos dissemblances – de nos divergences – de nos oppositions…

 

 

Le même visage que la sagesse – avec, au fond du cœur – dans le sang, cette sensation vivante de la terre – l’âme transparente et cette chose et cette chance dont sont privés les Dieux ; l’humilité et la possibilité de l’innocence…

L’identité fragmentée – multiple – changeante – unique en arrière-plan ; le seul apprentissage nécessaire – sans doute – long – rude – douloureux – très souvent…

Notre foi en l’effacement – en la joie – en l’oubli ; la célébration du provisoire…

Ce qui demeure – éternel…

 

 

Le monde – en soi – dans son rythme – notre résonance…

Les yeux et le cœur – lavés par les vents – le vide – la vérité (toujours changeante) de l’instant – purifiés et disponibles – de manière permanente…

Debout – sur la terre – comme sur un bûcher perpétuel…

Un tertre – une aire inaugurale dont les portes s’ouvrent et se referment – s’ouvrent et se referment – encore et encore – sur l’Absolu – indéfiniment…

 

 

Le choc – en soi – du monde – comme un corps autrefois si intime devenu étranger…

L’espérance – la patience – la bonté – érodées ; le refus et le retrait, peu à peu, déployés – comme les armes nécessaires pour lutter contre l’empiétement – l’envahissement – la progressive (et insidieuse) substitution…

A présent – plus qu’une présence – sur les pierres – sous les arbres – auprès des bêtes – loin du cœur et des yeux des hommes…

 

 

Dans l’attente d’une expérience traduisible – d’un témoignage déchiffrable – entre le récit exempt d’imaginaire et la vérité ; l’authenticité d’une chronique quotidienne…

Le soleil – notre présence – sans événement – presque sans incidence…

 

 

Tout – ce qui nous échappe – l’abondance et la nudité – ce que nous sommes – cette mixture étrange – changeante – soumise au manque et à l’inconfort – et dotée, pourtant, (de manière grossière – il est vrai) de prédispositions et de potentialités capables de faire accéder à la compréhension et au contentement ; le corps fragile – provisoire – se dégradant sans cesse – l’esprit sans âge – et l’âme éternelle gagnée, parfois, par la fatigue et le découragement…

 

 

Dieu – cherché – contemplé – et, si souvent, remplacé par ses propres reflets ; hilare – éperdument joyeux – guère surpris (bien sûr) par cette inclination commune – cette impérieuse nécessité – et la diversité des talents – des manœuvres – des chemins – pour le retrouver…

Conscient (et comment pourrait-il ne pas l’être…) de sa – de notre – seule ambition ; se rapprocher de la matrice inaugurale – originale – originelle – des ondes et des chatoiements – jusqu’à la parfaite superposition…

 

*

 

Les haleines de la terre et les souffles du ciel – interchangeables selon les têtes et les inclinaisons – les pentes sur lesquelles glissent les instincts et les ambitions ; simple géométrie de l’espace où se réalisent toutes les acrobaties – toutes les contorsions…

 

 

Ce que le jour fait jaillir sur le chemin – dans l’âme – sur la page ; il serait insensé de s’adonner à la moindre prédiction ; on se priverait de la joie qu’offre l’incertitude…

 

 

Nous – tournant sur nous-même(s) – trop inconsciemment incarné(s) – exilé(s) du centre – sans Dieu – sans âme – comme abandonné(s) aux forces noires du monde – aux puissances terrestres descendantes et souterraines…

 

 

En soi – dans l’émergence – dans l’inconnu – là où la chair devient frémissante – l’esprit attentif – l’âme sensible…

Dans l’espace – le silence – la lumière ; cette trinité à l’écart du monde – à l’écart du temps ; au centre du seul triangle préservé – incorruptible – inaltérable…

L’intérieur transfiguré par ce qui l’entoure – par ce dans quoi il baigne…

Mille changements et une seule (et lente – très lente) transformation…

Le cœur et le geste, peu à peu, métamorphosés…

L’attention et le feu – de plus en plus présents – effectifs – dans le regard…

Dieu qui prend ses aises sur tous les territoires – qui laisse les frontières – toutes les géographies – se résorber en une seule surface – en un vaste cercle – en un point minuscule et dense – qui offre à toutes les choses et à toutes les aspérités la possibilité de devenir des cimes émergentes suspendues au-dessus du vide…

La vacuité – comme la seule présence – partout – jusqu’au cœur de la matière…

 

 

Tout s’oublie ; et rien ne disparaît – bien sûr ; précipité dans la mémoire (sans fond) du silence où naissent tous les possibles – toutes les circonstances…

Une surface lisse – parfaitement plane – avec des trous – des failles – des abîmes…

L’infini horizontal et vertical – en deux axes réunis…

L’espace assemblé – éparpillé – sans centre véritable…

 

 

Des possessions dépossédantes ; seuls la nudité et le silence s’habitent – révèlent notre visage – notre identité ; notre seule appartenance…

 

 

Des trônes à inverser – des secrets à découvrir ; une perspective à instaurer pour que se dissipe notre fatigue – pour que s’éclaircisse le mystère – pour que soient facilités tous les voyages…

Le soleil-tyran et l’horizon trompeur ; l’absence de sa propre moitié – une manière de vivre (très) largement commune et explicable ; notre répugnance et notre terreur face au plus sombre – presque toujours associé à la laideur ; une sorte d’image de l’enfer – des ténèbres inventées par l’enfance (trop naïve)…

 

 

Le cœur – ce qui ne vieillit pas – ce qui repose au-dedans de soi – le Divin comme seule réponse – et, presque toujours, sur cette terre – l’immanence des résultats – l’émergence des conditions et des circonstances comme des changements extérieurs nécessaires à la compréhension de l’âme – à la transformation de la perspective intérieure…

Comme une flamme qui grossirait, de manière incessante, dans un feu immense et perpétuel…

Ce dont ne parlent ni les livres – ni les hommes (en général)…

Le commencement – la félicité initiatrice et l’extinction progressive de la soif…

Ce que l’on bâtit, à son insu, pour précipiter l’errance – hâter son pas vers le vide – côtoyer la poussière lumineuse – œuvrer, à sa mesure, à la beauté et à la poésie du monde ; devenir réellement vivant sur cette terre – en assumant cet entre-deux du sol et du ciel…

 

*

 

Le long cortège d’un monde fatigué – usé – ancien depuis trop longtemps – obsolète pour les enjeux présents – par manque de clarté et déficit de sensibilité…

L’aube (encore) inexistante – le noir comme seul substrat – comme seule perspective – à la manière d’un tunnel sans cesse prolongé…

L’obscure impasse au fond de laquelle tout s’écroulera ; nos existences, depuis le premier jour, enterrées…

Au cœur de la nuit – la lampe sur le front – défaillante – et cet enfoncement progressif dans le gouffre cryptique – des murs sombres – de la pierre noire – ruisselante ; l’obscurité et l’humidité – le froid qui pénètre ; la peau – puis, la chair – qui se glacent – l’âme entraînée vers ses profondeurs…

Tout devient liquide – épais – poisseux – la peur – l’espoir – toutes nos tentatives – les pieds englués – le cœur prisonnier de la mélasse – les mains et les yeux, peu à peu, collés par cette masse visqueuse…

Dans la gorge – un peu d’air – un peu de sang – dans les veines – suffisamment pour que la tête comprenne le sort auquel les Dieux – ses propres démons – la confinent ; la figure intrinsèque – quasi incurable – du Mal (s’il en est)…

Des doigts – par grappes – serrés les uns contre les autres – agrippés – tant bien que mal – aux parois glissantes – à la chair dégoulinante…

Et ainsi – des milliers – des millions – des milliards – de têtes – d’âmes – de créatures – détenues – séquestrées – au cœur de l’épaisseur enténébrée ; les geôles de l’ignorance…

 

 

Ce que nous portons – comme un abîme – la promesse de notre propre anéantissement ; les mains ouvertes – le pas déterminé ; des édifices à notre mesure ; quelque chose que les vents emporteront et que le ciel, un jour, transformera en poussière…

 

 

En nous – qui se construisent – les vaines formules de la vérité – tous les sortilèges de la mémoire – cette inévitable décadence de la matière sous la lumière (et sous l’action du temps peut-être) ; et les forces irréfutables de l’invisible qui, peu à peu, remplacent nos identités successives…

 

 

De la fumée noire – notre horizon…

Les rêves – en tête – qui s’acharnent…

Le cerveau soumis – telle une marionnette…

Nous – impuissant(s) – comme tous les Autres – à notre place – dans l’interminable défilé du monde…

Vivant(s) – en apparence…

 

 

Rien qui ne puisse s’achever ; inachevable(s) – à jamais ; toute chose – tout processus – matériels – invisibles – palpables – intangibles – qu’importe…

L’une des grandes lois de l’énergie…

Ainsi – continuons-nous – par-dessus l’effritement (inévitable) des ruines…

 

 

Discrètement – dans les failles du soleil – ses interstices accessibles – à la manière des enfants – la tête abandonnée – et, parfois, déposée de l’autre côté du monde – cachée là où personne n’aurait l’idée de la chercher – à suivre des traces – l’empreinte des larmes…

Ce qui s’impose – là où l’on se trouve – en soi-même – ici – ailleurs – dans ses profondeurs – sans exigence – sans certitude – le cœur et les yeux ouverts à ce qui vient – à ce qui s’invite – à ce qui s’obstine (avec une grande insistance parfois) – et qu’il faut accueillir – avec justesse – avec violence ou tendresse selon les cas – dans le retrait et l’humilité indispensable – avec cet acquiescement permanent de l’âme – au-delà des préférences (individuelles) et des intérêts (apparents) des uns et des autres…

Devenir – apprendre à devenir, peu à peu, le centre – les marges – le vide – la matière – le mouvement – les danses et les choses que tout emporte – qui tourbillonnent…

 

*

 

A travers l’échec – le sourire – la plus belle invitation – l’Amour qui se cherche sous la méfiance et la férocité…

Le dévouement du serviteur et la fidélité du chien…

Les enseignements de la patience…

Les chants entonnés les yeux fermés – le cœur confiant – l’âme légère…

Trop de gestes – de noms – de murs – dans les malheurs…

Des rencontres – des traversées – de la poussière…

Toutes les errances du voyage et la solitude du voyageur…

 

 

Nos cheveux dans les herbes – sous les branches des arbres – loin (si loin) des bruits et des bavardages des hommes…

Le visage en pleurs ; un immense sourire à l’intérieur…

Si heureux de cet exil aux marges – dans les interstices – du monde…

 

 

Le destin abandonné – dans les mains de ce qui nous échappe – chute ou élévation – qu’importe – ni épreuve – ni défi – place nette…

Le cours irrépressible des choses – le monde tel qu’il va – les circonstances telles qu’elles se présentent ; la justesse implacable de ce qui advient – de ce qui se déroule – de tous ces courants qui nous traversent – de tous ces courants qui nous emportent…

Des lignes – des rires – des larmes ; rien d’autre…

Ni tête – ni identité ; quelques vibrations – notre disparition – ce qui se poursuit – sans nous – à travers nous – ce qui (d’ailleurs) se poursuivrait sans personne – porté par l’inertie du mouvement – jusqu’au point de bascule…

Le monde vivant – agissant ; et notre absence à tous…

 

 

Le sang – la vie – au fond des yeux des Autres – si proches de la mort ; l’autre versant de l’infortune…

Comme enclos sur nous-même(s)…

Entre les vagues et l’océan – quelques chose d’indécis – et d’indistinct – que la psyché ferait, de toute évidence, pencher vers la goutte…

 

 

L’âme immobile – face au vent – imperturbable face aux promesses – aux possibilités – aux horizons qui défilent…

Abstinente – sans attente – lucide et intraitable à l’égard de ce qui entre par effraction dans notre vie – ce qui insiste – ce qui s’acharne – dans un élan (presque) toujours artificiel…

 

 

Le monde – en nous – déclinant…

Le cœur déraciné – qui s’éloigne des rives terrestres – des hommes ; plus sensible, aujourd’hui, aux profondeurs premières – ancestrales…

Proche, de plus en plus, de la tombe – du silence – de l’oubli – infiniment…

Dans ce cheminement sans hâte – cet éblouissement sans cause – sans défi – ontologiques…

Intrinsèquement semblable et différent – toujours provisoire (bien sûr)…

Au-delà des apparences et des émotions communes – rabâchées…

Au corps à corps – dans le feu – avec l’envergure…

Ce qui, de toute évidence, s’impose naturellement…

 

 

A notre place – aux marges du monde et des choses – dans le dénuement – le front libre – la poésie et le geste silencieux…

Les reflets des siècles sur l’Amour…

Des taches de sang – des larmes séchées – des figures somnolentes – des cœurs cadenassés…

Toute une faune – tout un peuple – mille gestes embarrassants et désastreux – à proximité – sur la surface et dans les profondeurs (apparentes) de ce qui ne peut être ni entamé – ni entaché – ni corrompu…

Cette lumière – cette tendresse – cette présence…

Nous – au-delà des limites – au-delà des frontières – animé(s) par notre plus noble (et plus tenace) ambition – plongé(s) dans ce long voyage ; de dépouillement en dépouillement – jusqu’à la plus parfaite nudité – jusqu’à la plus parfaite innocence…

 

*

 

Des morceaux de monde – en nous – plus ou moins bien assemblés – agencés – organisés…

Quelque chose du puzzle ; et des pièces manquantes…

Des vies composées – à livre ouvert – comme des éclats vaguement juxtaposés – vaguement collés ensemble – sur des feuilles blanches…

Des formes – sans aucun principe…

Côte à côte ; des associations libres – par nécessité – par affinité – par résonance…

Et ce qu’il faut de ciel – dans ce fouillis – pour commencer à s’interroger…

 

 

Le front dégagé des luttes et des choses…

Dieu – le cœur ouvert – dans les limites, trop souvent, de la psyché…

L’incarnation présente – le jour – l’ombre et la lumière…

L’authenticité du geste – de la parole – de la page qui s’écrit…

Rien – jamais – du mensonge – du simulacre ; l’enfer vécu et relaté plutôt que l’infidélité – plutôt que la trahison…

Splendeur et décadence – à égalité…

Merveilles et indigence ; violence et opacité – quelques fois…

Extases et tristesse – la sensibilité fine – aiguisée – (presque) toujours…

Mille vies – mille ennuis – mille réjouissances – mille émotions – en un seul jour…

Le corps – le cœur – l’esprit – et l’âme dans ses liens – en tous lieux – comme le liant nécessaire à tous les assemblages…

Dieu – le silence – le manque – dans la (très) grande majorité des combinaisons…

Notre présence – selon les instants et les circonstances – tantôt suffisante – tantôt insuffisante – telle qu’elle est – telle qu’elle se présente – comme le monde – comme les Autres – comme tout le reste – exactement…

 

 

Cet étrange sommeil – en plein vent…

Blessures exposées – manifestes…

Les soucis accrochés aux paupières…

Le sang et le souffle contaminés…

La vie mortelle – infiniment…

La mort – en filigrane – de tout…

Dieu – l’Amour – aux signes, sans doute, trop discrets – insuffisants pour échapper à la torpeur…

 

 

Nous nageons – dans l’air – comme les nuages – le noir dépravé au fond de la tête – affranchi(s) des livres trop bien rangés autour de nous – loin des bibliothèques – des idées – des hommes – suffisamment vide(s) et seul(s) pour nous croire léger(s) – comme un tourbillon – des tourbillons successifs – dans le vent ; quelque chose d’informe – d’inachevé – de si fragile – de si provisoire – qu’il serait impossible de nous imaginer consistant(s) et définitif(s)…

 

 

Dans l’espace – des flèches – des chants…

Les ventres avides de sang ; les âmes avides de ciel…

Et nous autres – écartelés – obligés d’assouvir toutes les faims…

Rieur(s) et atterré(s) – une part libre et l’autre sous le joug des nécessités intérieures – sommairement entremêlées (par la psyché) pour échapper à la folie…

 

 

Nous – sans Autre – sans rêve – sans miroir – dans un coin du monde – reculé – regardé du coin de l’œil – fusionnant avec ce qui nous constitue – avec ce qui nous entoure – avec ce qui nous touche – avec ce qui s’approche – laissant filer ce qui s’obstine encore à fuir…

Sans appartenance – pourtant ; le sol et le ciel – en nous – veillant – sur nos blessures – sur notre silence – effaçant la distance entre les royaumes – favorisant avec les êtres et les choses du monde (non humain) une authentique intimité…

 

*

 

Jouets – comme des choses à d’autres fins que les siennes…

Le ciel – en nous – creusé – comme compensation – comme récompense – peut-être…

Sans raison – dans l’impossibilité d’autres configurations…

Le ciel – en nous – sans besoin d’explication…

Et moins jouets, sans doute, que serviteurs fidèles – aussi acquiesçants – joyeux et serviables – que possible…

 

 

Ni volonté – ni effort – pour se défaire…

Laisser être – venir et s’éloigner – durer (un peu) et disparaître – toujours – le temps nécessaire…

Sans double – sans filet – sans saisie – comme la lumière à travers les feuillages – le sang dans les artères – l’air dans la poitrine ; nos gestes – nos pas – nos paroles – tout ce qui advient dans notre vie – sur nos pages ; réel – authentique – solitaire…

 

 

Sans désir – sans manœuvre – sans gratification…

Tous les possibles – seulement – parfaitement – égaux dans l’esprit – bien que certains plus improbables que d’autres…

Dieu – l’invisible – comme les arbres – un langage à travers le regard et le silence…

 

 

Aucune humanité dans le miroir – pas même un visage ; quelque chose entre le reflet et la vérité ; l’être se dénudant – l’être s’affranchissant du monde – des Autres – de la mort et du temps – des fausses vérités inventées par les hommes ; un peu de Dieu – un peu de lumière – un peu de transparence peut-être – n’espérant rien d’autre que ce qui est – non – n’espérant rien – constatant – sans exigence – ce qui a lieu…

Le point fixe – la perspective et ce qui devient – inévitablement…

 

 

Le monde – le chant – la distance à parcourir – sans dialogue – sans alliance – sans arrangement…

Ce qu’il faut de vérité dans la langue – comme un geste – le feu et l’innocence de l’âme exposée – en évidence – sans arrière-pensée – tels qu’ils sont lorsque naît la parole…

 

 

Des vents – l’esprit sans nostalgie – toujours secourables – ce qui, en nous, aime le silence et panse les plaies…

Au fond des yeux – notre (seul) royaume…

Ce que nul n’ose avouer à l’Autre – en vérité…

 

 

De l’existence – comme un nid – un lit – un bûcher – un seuil – une frontière – sur lesquels coulent quelques plaisirs – quelques malheurs – son lot d’émotions…

La vie – le monde – agencés entre l’espace et le cortège – entre ce qui demeure et ce qui passe…

Au même titre que le reste – la douleur et l’errance – la mort et la joie…

Ce que le chemin nous apprend – ce qu’il nous faut traverser – ce qu’il nous faut découvrir – ce qu’il nous faut abandonner…

Ainsi le ciel se détermine – ainsi l’homme apprend-il à déborder de son enveloppe terrestre initiale…

Pas de sente paisible sur la pierre – de la chair en pure perte – et le silence, parfois, comme la seule poésie possible…

 

 

Ce qui importe ; l’émotion et l’intimité – le resserrement de l’âme et l’intensité du lien avec soi – le monde – êtres et choses – ensemble – au cœur du même mystère – éprouvé de mille manières – sans faute – sans péché – sans erreur – possibles – comme l’on est – quels que soient ses inclinations et son degré d’effacement…

 

*

 

Le verbe – aussi vivant que la chair ; ce que l’on sait – sans apprentissage – ce qui se devine – ce qui se sent – en dehors de toute raison – sans la moindre idée – comme une évidence…

Ni homme – ni monde ; rien que soi – avec tout à l’intérieur…

Et sur la page – quelques échos…

 

 

Par zone – du vide – le monde – du silence – des vivants…

Notre parcours – bâton à la main – dans le noir – au milieu des Autres – de l’indifférence…

Sur la terre – au fond des yeux – ce qui surgit ; l’âme, sans descendance, compatissante…

 

 

Les hommes qui passent – qui parlent – d’une rive à l’autre – de choses et d’autres…

En chaque lieu – personne – nulle part…

Des fantômes étonnamment bruyants et bavards…

Entre le temps et les instincts – peu de possibles – peu de passages…

Des vies à la va-vite – des paroles pour ne rien dire…

Quelque chose d’assez fumeux – n’en déplaise à ceux qui souffrent – à ceux qui gesticulent avec ardeur – avec obstination…

Des impondérables – sans doute ; et trop de nécessités primitives – peut-être…

Le monde – la lune – des autels dressés au nom d’étranges divinités – presque toutes chimériques et inventées…

Rien du silence – du voyage – de la poésie…

De l’ignorance et de la bêtise – coincées entre mille univers – mille horizons – mille alternatives – avec (presque toujours) le ciel, au-dessus et l’abîme, en dessous ; à vrai dire – partout – le même vide – partout (sans la moindre exception)…

 

20 mai 2021

Carnet n°263 Au jour le jour

Octobre 2020

Les remous du monde – de la joie…

Notre dilemme – trop souvent…

Nul choix possible – ce qui s’impose – simultanément – successivement…

Qui peut savoir où nous mènera la nécessité ; la longue somme des exigences de la matière et de l’âme…

 

 

Danser – parmi les choses – dans le vide – comme la poésie au milieu du réel et des alphabets – sans savoir – sans rien deviner…

S’abandonner à tous les possibles – aux courants qui nous mènent – à toutes les combinaisons – tristes ou joyeuses – sages ou insensées – au destin – aux rires – aux larmes…

A quoi pouvons-nous nous résoudre sinon à nous laisser entraîner – à tournoyer au milieu des débris – des éclats – des ruines bientôt – puis, à nous asseoir posément (dès que possible) dans la poussière et la cendre – un œil ici – dans la matière émiettée – calcinée – réduite à néant – et l’autre – plus loin – ailleurs – sur le vent et les flammes partis déjà ravager d’autres lieux où nous serons aussi – où nous serons encore…

 

 

Il n’y a d’erreur – il n’y a de chemin ; qu’un pas – ce qui s’impose – et l’épaisseur brune – presque noirâtre – ce mélange gluant et sale où le corps est empêtré – au milieu de ces strates auxquelles nul ne peut échapper – et le regard, si souvent, prisonnier qui s’enfonce, lui aussi, au lieu de demeurer immobile – au cœur même de la matière – comme dans l’œil d’un cyclone – et au-dessus – si haut – si léger – si libre – si étranger à ce monde – (pleinement) affranchi des mouvements – de toutes les formes de gravité…

Et nous – nu(s) – élégant(s) – mêlant le jeu – la joie – l’essentiel – le corps au cœur de la danse et l’âme légèrement en surplomb…

 

 

De la tendresse – en nous-même(s) – comme une source – la seule peut-être – la seule sans doute – dont nous avons réellement besoin ; vitale – intarissable – à laquelle, trop souvent, nous préférons quelques fontaines secondaires – plus ou moins généreuses – intermittentes – défectueuses ; ce que nous propose et ce à quoi nous invite le monde – essentiellement…

L’erreur la plus commune – la plus grossière – infiniment réajustable – fort heureusement…

 

 

La vie que les mots, si souvent, alourdissent – rendent plus insupportable encore ; et ce besoin de silence qui allège – et égaye – l’existence et la langue – comme un vent rafraîchissant – guérisseur – sur un quotidien ensommeillé – (bien) trop bavard – (bien) trop rêveur…

 

 

Le monde fourmillant – de la matière en émoi…

Des poitrines – de l’oxygène…

Du sang qui circule – des cœurs battants…

Des gestes – des pas – un peu partout…

Des paroles – quelques idées – parfois…

Des querelles et des rapprochements…

Des histoires qui se perpétuent – des récits à raconter…

Des désirs – des espoirs – plein la tête…

Des ventres à remplir – quotidiennement…

Des âmes – trop souvent – décharnées…

Les impressions et l’existence communes des hommes…

Des artifices si naturels qu’ils semblent exister de toute éternité…

La vie habituelle de ceux qui s’imaginent humains – libres – au sommet des espèces – au faîte de toutes les hiérarchies…

Une indigente manière de vivre – une terrifiante façon d’être au monde…

Ce qui donne envie à (presque) tous les Autres de leur ressembler – de perpétuer ces atroces traditions ; l’ignorance – la bêtise – la barbarie – érigées en système – en civilisation ; le vivant qui s’attarde à l’ère de la préconscience…

 

*

 

Là – sans raison – dire – laisser la parole s’extraire du silence – tournoyer – se déployer – se rétracter parfois – lui offrir l’espace et la liberté – la possibilité d’obéir à son élan – à son mouvement – jusqu’au silence suivant – jusqu’à son extinction naturelle – soudaine ou progressive…

Et ainsi de la parole – du geste – de soi – de l’Autre – du monde – de tout – qu’importe la chose qui surgit…

 

 

Rien – dans le miroir – le reflet du monde – du vent – du soleil – du silence…

Effacée la tête que l’on fait – la mimique et l’émotion sur le visage – supprimées par l’acquiescement…

 

 

Dans le fouillis – l’équilibre…

La légèreté dans le fatras…

La simplicité dans l’enchevêtrement…

La joie de l’instant – de la circonstance – du lieu…

Ce qui est – à présent…

Rien d’autre – ni le souvenir – ni le temps…

Pas même le possible ; le vide et l’accueil – seulement – pour que rien ne demeure – pour que tout soit, à chaque instant, infiniment ouvert – et chaque chose – reçue – aimée – étreinte – embrassée…

 

 

Le jour – comme au secours des siècles – des millénaires d’histoire – de ce qui nous est arrivé depuis le premier instant…

Et de l’espace – et du silence – aussi…

Présents – à la manière d’un remède – la panacée – contre tous les maux de l’existence – capables de guérir tant d’années d’efforts et de malheurs – de maladresse et de brutalité…

 

 

Le monde – comme une longue traînée de sable – le vent derrière – les mains et l’esprit amassant les choses ; les échecs et la chance – la même opportunité – à chaque fois – le règne (et la nécessité impérieuse) de l’oubli ; ce dont si peu se souviennent – malheureusement…

 

 

Des bourrasques – trop souvent – qui nous heurtent – qui tentent de nous faire chavirer ; et nous – debout – à la manière des grands échassiers à l’allure fragile…

Une stature – des apparences – et cette effroyable façon de faire semblant – comme si, malgré nous, nous ne pouvions échapper au mensonge ; ce que reflète notre silhouette ; l’image ou l’idée qu’elle fait naître dans l’esprit des Autres ; jamais la réalité que nul, bien sûr, ne peut définir – cerner ou circonscrire – à l’aide du langage et des représentations…

Façades d’édifices artificiellement construites – et éclairées de manière trompeuse…

 

 

Si éloigné(s) des Autres – relégué(s) aux marges de l’espace – aux bords de l’étendue – trop distant(s) du centre et de la lumière – quelque part entre le rêve et le ciel fantasmé…

Comme des yeux fermés qui tenteraient de voir ce que nul ne peut décrire – ce qui, peut-être, n’existe pas…

 

 

Nous – dans le jour – comme au cœur d’un monde parallèle – ce qui demeure – et reste vrai – malgré son apparente irréalité…

Le vertige du ciel au cœur de chaque circonstance – l’infini derrière l’ivresse et les secrets…

L’indéfectible solitude de l’âme au milieu des Autres…

 

 

Nous – pas même protégé(s) par quelques frontières – par quelques remparts ; pas le moindre refuge – pas le moindre tégument…

A l’abri de rien – de personne…

Au cœur du voyage – au cœur de l’exil…

En plein désert – en vérité ; à la recherche d’un secret commun – d’un mensonge peut-être – que nous nous échinons à découvrir – à révéler au grand jour…

 

*

 

Dans la danse – malgré nous – sans personne ; comme une évidence – brutale – parfois – légère – si différente de notre gravité naturelle – de notre (inguérissable) pesanteur…

En équilibre – sans appui – instable – bien sûr – entre ce qui demeure – ce qui ne peut être ôté – et tous les possibles…

La fête et l’oubli – à chaque instant – sans nuage – sans filet – en plein ciel – devant le visage de Dieu – immobile – permanent ; pas un clin d’œil – pas un battement de cils ; le silence – toujours – d’abord compris comme une (étrange) indifférence – une absence difficilement compréhensible – puis, peu à peu, comme une manière discrète d’exister – d’être là – une forme particulière de réserve – puis (enfin) comme l’Amour le plus direct – le plus puissant – irrévocable – un plein acquiescement – un oui immense – énorme – magistral – sans condition – à ce que nous sommes – à ce dont nous avons l’air – à ce que nous dissimulons – à ce que nous dévoilons – à ce que nous cherchons – à ce que nous refusons – à nos maladresses – à nos manquements – à nos incompréhensions – à nos prouesses et à nos infamies ; la parfaite approbation quels que soient notre état – nos gestes – notre devenir – nos désirs – nos instincts – nos possibilités – ce qui nous traverse et ce que nous traversons…

Tout – totalement – absolument – accepté…

 

 

Nous – d’abord replié(s) – avant le déploiement d’un soleil très ancien – caché – presque oublié – comme un secret qui, en découvrant le vide – la place que, peu à peu, nous lui octroyons – retrouve (progressivement) sa pleine mesure – toute sa splendeur – son rayonnement sans entrave – sans retenue…

 

 

Nul échec – nulle distance – possibles…

Au cœur de ce qui importe – de ce qui se joue – de ce qui, avec le reste – avec le monde, nous invite et nous emporte…

Jamais d’imposture – ni de dissonance…

Entier – sans partage – dans ce qui vient…

Rien avant – rien après – pures fictions – pures fantaisies…

L’engagement total – sans poids – au-delà des identités et des circonstances – au-delà (bien au-delà) de la nécessité organique et poétique…

Tout – au cœur – gestes et présence…

 

 

D’un côté – la persistance – de l’autre – l’abîme – le vide qui a revêtu les habits de la nuit – du néant ; déguisement ridicule – bien entendu – et infiniment trompeur…

Trop de silence et de vertige – à vivre au cœur de la vérité…

 

 

Dans le noir – encore – comme si rien n’avait changé – la couleur du ciel – l’étrangeté des saisons – l’apparence du temps qui passe – ce que les hommes appellent l’existence…

Notre espace – la lumière…

La part sombre – inaliénable – du monde – de la matière ; ce que l’esprit même ne saurait transformer…

 

 

Le vide – le ciel sans événement – au-delà de toute croyance – au cœur – autour de la nuit ; le centre qui pénètre – et enveloppe – les choses ; ce qui est vrai – quels que soient le regard et les visages de l’absence…

 

 

Le jour désagrippé – ce qui est là – ce à quoi l’on ne peut échapper – notre nature la plus profonde – peut-être – cette quiétude sans saisie – totalement sereine – goûtant sans retenue sa propre complétude – joyeuse – prête à tous les coups – à tous les détours – à toutes les surprises – sûre de sa base et de ses élans…

Notre essence et notre assise…

Ce que – malheureusement – si peu découvrent ; ce qui épargnerait au monde et aux âmes l’expérience du malheur – du tourment – de la douleur – toute la souffrance inhérente à la vie terrestre…

 

 

Sans cachette – sans refuge – au cœur des vents – là où la lumière est la plus forte…

Nu – exposé – invulnérable – en plein ciel – en ce lieu où le monde nous traverse sans nous blesser – sans laisser la moindre trace – le moindre éclat…

Au-delà (bien au-delà) de la volonté et du renoncement…

 

 

Le vide et le reste – notre solitude – notre multitude – enchevêtrés – en nous – entre nous…

Les assauts – les attaques – et, de l’autre côté, toutes les formes de protection…

Ce qui couvre tous les champs de l’expérience et exonère les créatures de toute responsabilité…

Le jeu implacable – impératif – de l’Absolu – dont nous sommes les éléments – l’indispensable contingence…

 

*

 

Rien du monde – la manière la plus simple – une chose à la fois ; ni avachi – ni contracté – relâché – sans intention ; ce qui s’impose – littéralement…

Le geste spontané et la joie naturelle…

Le reste – inexistant – sans la moindre importance…

Les vibrations de l’air – dans l’âme ; sur les lèvres – les traces de l’invisible…

Nous – pris dans l’élan (et la tension) de la nécessité…

 

 

L’équilibre – sur le fil du funambule – dans les pas – sur les épaules – du destin – sans hésitation – sans questionnement…

La pente – sans filet – qui nous emporte…

Ce qui doit se faire – ce qui doit advenir – ce qui advient (avec force)…

La marche – la respiration – quotidiennes – sans fatigue – sans essoufflement…

Dans le regard – un espace – une profondeur dont nous ne serons jamais ni le témoin – ni la cause…

 

 

Dans la fracture – ce magma épais – entre l’absurdité et un reliquat de paix – un fragment d’enfance – peut-être ; ce qu’il serait vain de vouloir définir ; le vent du monde transformé en matière coulante – crémeuse – comme un piège – une lourdeur – une couche supplémentaire dans nos vies déjà immobiles et écrasées – comme un surcroît de compression…

Et nous – debout – dans la mélasse – à patauger dans l’impossibilité et l’indécision – sans même la force de rire – sans la moindre autodérision…

Un chaos dans la chair – du désordre invisible – comme une offrande dans notre désir de perfection – dans l’alignement des choses – un peu de vie dans l’immobilité – nos habitudes – cette (presque) mort…

Rien à rassembler – nul effort à fournir ; s’en remettre aux courants qui nous entraînent – qui nous éparpillent – nous et nos trésors – nos objets – nos affaires ordinaires ; se laisser porter par les flots et les vents – par tout ce qui disperse – émiette – rabote – défait – le poids inutile que nous portons – le faix de nous-même(s) et de ce que nous appelons notre vie…

 

 

Rien ne nous oppresse – au-dehors – seulement ce qui nous écarte – à l’intérieur…

Rien qu’un poids – quelque chose – mille choses – qui pèsent à la jointure – sur la fracture – notre faille naturelle…

Rien d’utile – comme un écrasement suivi d’un éparpillement – puis, très vite, le désordre – le chaos – à peine croyable – paroxystique…

Mille visages – en nous – qui se redressent – qui nous regardent – qui réclament la même attention – le devant de la scène – le premier rôle – la primauté sur la foule des Autres – provoquant ainsi mille conflits…

Et nous – devenant comme un immense – un pitoyable – champ de bataille – éprouvant ce qu’éprouve chaque visage – à la limite de l’écartèlement et de la folie…

Au-dedans – la colère – le malaise – les parois qui bougent – secouées – que l’on pousse – qui réorganisent avec force – avec brutalité – les frontières et les territoires…

Les secousses – le grand chambardement – les querelles – au-dedans – voilà ce qui oppresse…

Et notre âme – arc-boutée – qui refuse cet état – la prolifération des revendications – des pugilats – ce qui accentue les résistances – ce terrible inconfort – ce mal-être – notre malheur…

En vrac – sans recul – au cœur de l’erreur – entre quatre murs qui se rapprochent – qui se resserrent…

Et nous – parfois (trop rarement) – au-dessus – respirant plus large…

 

 

Mobile(s) – immobile(s) – désenglué(s) – ainsi nous pouvons tout vivre – tout expérimenter – tout endurer – jusqu’au plus effroyable – sans doute…

La terre à nos pieds – les yeux dans l’azur – le regard et le cœur – plus haut encore – en ce lieu où rien de ce monde ne peut se hisser – au-dessus des vents et de la poésie – dans le silence d’un espace vivant – d’une présence intensément amoureuse – incroyablement malicieuse – qui, à la fois, nous immerge – sans filtre – sans filet – sans protection – au cœur du réel le plus abrupt et nous fait émerger du rêve que nous lui accolons…

 

 

De l’autre côté du monde – les mêmes choses qu’ici (à quelques détails près)…

De l’autre côté de l’esprit – cette rive dont on ne revient jamais…

 

 

Personne – sans exclusion possible – puisque nous sommes seul(s) – à moins que ne règne l’absence – l’état psychique – le mode terrestre – le plus commun – comme une forme d’impersonnalité qui s’ignore où, au-delà de nos (illusoires) impressions, ne prévaut que l’automatisme instinctif et réactionnel…

Le monde et le mouvement – comme de purs mécanismes inconscients…

La (fabuleuse) malice de l’Absolu qui nous a créé(s) presque entièrement endormi(s)…

 

 

Nous – entre l’aboiement et les balbutiements de l’esprit ; encore soumis au langage et à la pensée…

 

 

Abandonné(s) à nous-même(s) – imaginons-nous – alors que tout est (déjà) entre les mains de Dieu – cette présence invisible et silencieuse – que nous sommes aussi – que nous sommes peut-être davantage que ce magma de glaise qui, sans cesse, se redessine – se recompose – se réinvente…

 

 

Comme une étrange lumière – dans le soir déclinant – dans la pleine obscurité nocturne – comme si, de l’intérieur, tout était accentué – comme si, du dehors, rien ne pouvait (véritablement) nous atteindre…

 

 

Des pas – des pensées – une allure – des postures – des choses comme à la pointe de la volonté…

Des épreuves – comme la seule perspective (envisageable)…

Des affaires et des soucis – à régler…

L’existence désaxée – exilée de son centre – presque hors du cercle – reléguée, en quelque sorte, à ses marges les plus lointaines…

Ce qui rend – bien sûr – nos vies presque invivables…

 

*

 

L’infini – plus que le possible – plus que l’imaginable – comme le prolongement permanent d’un désir, sans cesse, reformulé – et démultiplié ; la respiration d’un ogre à la poitrine de vent – sans paroi – sans limite ; d’un bout à l’autre – insaisissables – de l’espace…

Au-dessus du ciel – bien sûr – et le monde comme une minuscule aire de jeux…

 

 

Dans un mouvement – puis, dans mille – simultanément ; des vagues dans la tête – au-dessus – en dessous – partout où l’esprit peut se faufiler – très près et très loin – là où la psyché est incapable de pénétrer – dans l’inenvisageable…

Le réel – bien davantage qu’imprévisible…

Le vent et l’océan – et une poignée de sable jetée en l’air ; avec quelques grains collés sur la main et le reste éparpillé qui rejoint ce qu’il a momentanément quitté – le monde – l’origine – la seule assise possible…

Le corps entier pris dans les ondes marines et les courants d’air…

 

 

Là – sans image – sans souvenir…

A perte de vue – sans limite…

Le monde – comme le reste – balayé – écarté d’un seul geste…

Et nous – dans cette présence – ce bleu incommencé – sans rival – transparent – qui prend la couleur qu’on lui donne – qui se moque des noms dont on l’affuble – des définitions qui tentent de le circonscrire – de tous nos élans pour lui mettre la main dessus – et devenir son maître – lui qui n’aspire qu’à nous redonner notre place – à nous faire recouvrer notre liberté – en nous imposant le rôle qui nous revient – serviteur – et l’acquiescement (le plein acquiescement) – cette joyeuse obéissance des affranchis qui se plient aux exigences du réel et des circonstances – avec un bonheur authentique – inégalé (et inégalable – sans doute) – en ce monde de désirs – d’illusions – de servitudes…

 

 

Quelques traces – dans le jour – avant la mort – sans importance…

Des mots – des pas – pour rien ; la joie d’être – du geste ; signes d’une âme juste – mature – fidèle au vide qui l’a créée…

Pour tout – pour tous – pour rien – pour chacun – la nécessité présente – la saveur offerte…

Ni posture – ni mensonge…

Ni vitrine – ni forçat…

Ni désir – ni intention…

Le monde et la page – d’un seul tenant…

 

 

Le feu – notre essence – notre vêtement éternel ; et le regard capable de percer le mystère – tous les secrets des vivants et de la mort ; ce que le voyage ne peut ni abîmer – ni défaire…

 

 

Notre chambre – ce lieu de silence et de gravité où les géants et les ogres côtoient notre parole minuscule – où le jour et la nuit fréquentent simultanément (et sans sourciller) la faim et la joie – l’azur et la mort…

L’Amour – la seule chose entre nos mains…

Le cœur – à la manière d’un espace habité – l’intermédiaire, sans doute, entre le vide et le monde…

Et quelques mots vivants – peut-être…

 

 

La page et notre voix – le lieu de la continuité – l’espace qui se prolonge où le silence, parfois, vient s’abriter (discrètement) – après une brève traversée de la chair et des remparts qui entourent la tête – notre territoire…

 

 

Quelques blessures vivaces – sur nous qui étions l’une des cibles ; à coup de griffes et de crocs – à force d’insistance et de répétition ; jouet(s) de tous les désirs – de tous les pouvoirs – chamboulé(s) – brinquebalé(s) – roulé(s) dans la poussière et la boue – au milieu des larmes et de la douleur – à notre place sur cette terre…

 

*

 

Des jours sans lendemain – des heures passagères – et l’instant-sauveur lorsqu’il sait être habité…

 

 

Les forces noires – parfois – ce qui restreint la prolifération – la multiplication dévastatrice des choses – et qui les contiennent dans leur accumulation – à l’exemple des éboulements – de la chute des corps placés au sommet – les uns sur les autres…

Au-dessus de nous – le rire et le regard – en dessous – les pierres – et loin derrière, à présent, le refus des malheurs…

L’acquiescement qui transforme tout en joie…

 

 

Personne à notre table…

Sous nos yeux – la neige et nos pas…

Ni mur – ni chapelle…

Le désert – reflet de notre visage…

Le vide de l’âme et du foyer – vécu autrefois comme un malheur – une affolante malédiction – et comme une invitation au réenchantement aujourd’hui…

 

 

Au sommet du cercle invisible – chargé de mots que nous ignorons – comme étrangers au monde – à la raison commune ; des interstices – des failles parfois – dans le secret – le mystère, peu à peu, révélé – par bribes – par fragments – par éclats de vérité inassemblables…

 

 

Nous – au milieu des ombres – des Autres – la nuit – pas le moins du monde rassuré(s) par nos semblables – ce qui nous constitue…

L’âme fébrile et inquiète – indifférente à la sagesse et à la mort…

La figure fière où se reflète – presque toujours – un peu de sang…

Le feu du monde – sous la chair et l’angoisse – la tête ivre de ses propres désirs – si peu soucieuse encore de l’aube – de Dieu – de l’Absolu…

 

 

La chair blessée – le mot haletant – à offrir au silence le sens le moins vulgaire – peut-être…

 

 

D’un instant à l’autre – de jour en jour – sans jamais appartenir – de près ou de loin – au peuple humain…

Seul – avec l’Amour naissant…

L’accueil de l’âme…

Le frémissement – au-dedans – du Divin vivant – timide encore – comme empêché – à l’étroit, sans doute, dans le peu d’espace octroyé…

 

 

Entre ici et l’horizon – toute la palette des perspectives – le sable – l’engloutissement – et, bien sûr, l’angoisse de l’erreur et la peur de l’étouffement…

L’exil – hors du centre – quels que soient les gestes et les tentatives…

Les ruses du monde et la sournoiserie des âmes…

Tout un univers de jeux et de croyances…

Et nous tous – et chacun – confronté(s), de manière incessante, aux adieux et à la dévastation…

 

 

Une main sur la bouche et l’autre sur les yeux – pour ne pas voir – ne pas crier – étouffer la rage et la peur – à l’intérieur – et diriger son regard vers le rêve et l’imaginaire – pour ne pas déchirer – de manière trop abrupte – de manière trop violente – les voiles de l’illusion…

 

 

Au bord du saut – au bord de la falaise – pour éprouver la vie – goûter le frôlement de la mort – au carrefour de l’enfer et du paradis – à égale distance des monstres et des anges – sur cette ligne étroite de démarcation – jour après jour – sans pouvoir jamais décider…

Toute une vie – dans l’infernal atermoiement – sous le joug de l’indécision – notre existence à tous…

 

 

Grâce au langage vivant qui ne cesse de se réinventer – malgré nous ; une île au-dessus des surfaces peuplées – refuge sans autre habitant que le silence – notre visage – les yeux qui, au-dedans, commencent à s’ouvrir – la sensibilité de l’âme jusqu’au bout des doigts – un peu d’attention sur les blessures du cœur et du monde…

Nous – étanchant toutes les soifs à la source…

 

*

 

A vivre – comme si Dieu n’existait pas – comme si les Autres étaient des choses – comme si nous n’étions pas encore (réellement) des hommes…

 

 

Un archipel au milieu des eaux froides – avec des murs et des statues érigés au-dessus des ombres…

Des édifices – des images – des fantômes…

Et un feu – en nous – dans les foyers – presque éteint…

Aussi froid au-dedans qu’au-dehors…

Aussi seul(s) et perdu(s) sur la terre que sur les mers…

Une seule promesse de salut – de joie – en chacun – qui se découvrira un jour – en son heure…

 

 

Le monde – des âmes – construits de briques et de miroirs – comme une sagesse singée – l’attirail extérieur que les hommes (en général) attribuent aux Dieux ; de quoi se protéger – de quoi s’admirer – de quoi bâtir un vaste empire…

Notre ambition – le sommeil dans un palais fastueux – au centre d’un immense territoire – avec mille choses et mille sujets à notre disposition…

Et en nos cœurs – le désert qui s’étend…

 

 

Face à la violence – face à l’indifférence – du monde – des Autres – ce qui, en nous, appelle – ce qui, en nous, rêverait d’une tendresse aimante – régnante…

Un parmi d’Autres – à essayer d’assouvir sa faim – de sauver sa peau – de construire un abri – un refuge sur un carré de terre à sa mesure…

Vivre comme des rustres dans le jardin que Dieu (nous) a offert…

Seul(s) – sans espoir – sans retour possible – à chercher si longtemps (le temps nécessaire) l’issue en soi – la seule porte qui puisse s’ouvrir – le seuil au-delà duquel l’Amour cesse d’être une quête – un rêve – pour devenir une vérité vivante – vibrante – palpitante – intense et intérieure…

 

 

L’inquiétude qui s’infiltre – qui contamine ; et l’âme comme un vitrail envahi par une seule couleur…

Une bouche collée sur l’horizon…

Qu’importe les pas – le voyage – les paysages traversés – l’angoisse vissée au cœur – vissée au ventre…

Et nous – à genoux – devant chaque circonstance…

A l’infini – nos craintes et notre engourdissement…

Des adieux et de la dévastation – bien souvent – comme seule récompense…

 

 

A perte de vue – des voiles – qui tantôt recouvrent – qui tantôt se gonflent – qui tantôt aveuglent – qui tantôt nous mènent ailleurs – plus loin – plus haut – vers l’immensité…

Le monde – les mêmes objets – avec lesquels on peut jouer de mille manières…

 

 

Des mains qui se tendent – tantôt pour nous offrir – tantôt pour nous dépecer…

Des blessures ou des présents selon la tournure des vents – notre posture terrestre – la courbure des lèvres sur notre visage…

 

 

Des siècles d’attente – de mort(s) – de néant…

Et ce soleil – cette lumière étrange – qui illumine indifféremment nos vies – nos tombes – le vide de nos existences…

 

 

Ici – au-dessus des cages où l’on croit être enfermé – seul – dans notre équipage – la figure éloignée des chaînes – en voyageur fidèle au monde – et cette fièvre au-dedans comme une ardeur salvifique – irrépressible – inguérissable – qui nous mène toujours ailleurs – toujours plus loin…

 

 

Le jour – en nous – sauvé des ténèbres ; invincible(s) – en vérité…

 

 

Nous – face à la mer – perdu(s) au milieu du monde – puis, apprivoisant, peu à peu, notre place et l’envergure de l’étendue – puis, apprenant à devenir, à la fois, le cœur et un infime fragment de l’immensité…

Notre aspiration et notre voyage – à tous – en secret…

 

*

 

L’obscurité terrestre – à l’ombre des grilles de l’esprit – sous un couvercle – une chape de plomb…

L’opacité du regard ; et le cœur caché – inerte – minuscule – impuissant à endiguer la barbarie – la violence qui déferle du haut des âmes vers le monde à travers nos têtes – nos poitrines – nos bras…

Les forces noires à l’œuvre – en mouvement – l’autre versant de l’abîme – nécessaires…

Ce qui cingle – ce qui expulse – ce qui désagrège…

Les puissances de la destruction et de l’anéantissement pour contrebalancer les énergies de création – tout ce qui se développe – se déploie – prolifère – d’une incessante manière…

Deux courants – comme deux colosses – deux titans – face à face – effrayants – effroyables – qui, sans opposition – créeraient, l’un et l’autre, un monde monstrueux – difforme ou dévasté – apocalyptique…

Et nous – des mains sur des yeux déjà bandés – encore très éloignés du regard lucide et du cœur acquiesçant…

Au plus bas – au plus sombre – au point le plus distant de l’origine – de l’Amour – de la lumière…

Et vers cela – sans l’ombre d’un doute – pas à pas – à des rythmes différents…

 

 

Entre l’angoisse et la mort – l’illimité – sans savoir…

S’affranchir du rêve et des images…

Les lèvres tendues vers le désert et les mains tendues devant nous – dans une attirance et une crainte simultanées…

Et dans notre âme – cette ressemblance avec le monde et l’infini ; mille combinaisons – la même complexité – la même élégance – une fois les apparences dissipées…

 

 

Le soleil à même la peau – de l’intérieur – du fond de l’âme éclairée – autrefois si seule – si obscure – si perdue…

Comme un faible rayonnement du centre – encore lointain – de l’espace…

Les premières fièvres des surfaces envoûtées…

Un peu de lumière malgré l’obscurité naturelle du monde…

 

 

Nous – introuvable(s) parmi les reflets des miroirs – les images que nous renvoient les Autres…

Comme un détour – une impasse – incontournables sans doute – dans l’exploration…

Des chaînes – à l’intérieur – dont il faut apprendre à se défaire…

 

 

Cheveux au vent – le feu au fond de l’âme…

Au-dedans – tous nos compagnons de route…

Des premiers pas jusqu’à la naissance des ailes – balbutiantes…

Des prémices – longues – si souvent – jusqu’aux premiers instants de l’aventure (véritable)…

Chaque étape – chaque foulée – essentielles…

 

 

La fièvre et l’intranquillité – le signe de l’homme qui cherche…

Le sourire silencieux – réel – authentique – indéfinissable – non circonscrit – la marque de celui qui goûte l’espace – l’Amour – la lumière – la liberté…

Deux mondes qui se côtoient – qui s’entremêlent – qui s’affrontent parfois – à l’initiative (toujours) du premier – animé par l’envie – la colère – la jalousie ; et l’autre qui, d’un battement d’ailes – s’élève – s’éloigne – pour éviter le conflit ou, au contraire, qui plonge – sans véritable intention – dans la mêlée – par goût du partage et de l’affranchissement…

 

*

 

Une parole déchargée d’étoiles – blanche – comme un éclair brut…

L’éternité – parmi nous – au-dessus de tous les rêves…

Le monde comme il va – bruyamment – avec folie – avec fureur…

 

 

Au loin – la mort – qui se rapproche…

Pas à pas – qui aiguise ses outils pour l’instant de la rencontre…

Entre l’inconnu et la crainte (parfois paralysante) de vivre…

A genoux – le corps non béni – non éclairé…

Le cercle restreint et la frontière des interdits…

A crier – à trembler – comme si notre vie avait encore un peu d’importance…

 

 

Secoué(s) – sans erreur – d’avant en arrière – brinquebalé(s) à droite et à gauche – comme les choses – dans les rêves et les mains des Autres…

Presque rien – comme le reste ; un peu de matière – seulement…

 

 

Figures heureuses ou désespérées – indifférentes et insensibles – très souvent – comme le signe commun de l’homme ordinaire ; cognition malhabile et conscience balbutiante…

 

 

Presque tout – en nous – au-dehors – inerte et mortel…

 

 

Terre de tentatives – rouge à force d’essais – noire de monde et de désolation…

Du sommeil jusqu’au fond des yeux – jusqu’au fond du cœur…

L’âme penchée – pleine de plomb – que l’on pousse et qui bascule dans tous les sens – comme un pic – une malheureuse girouette – planté(e) dans un sac de béton – presque impassible face aux vents – comme agonisante sur son catafalque de pierres et de glaise…

Sous le joug des morts – à la merci des vivants…

Mal (très mal) engagée – en somme…

 

 

Cette nuit épouvantable qui déferle sur l’histoire ; des siècles – des millénaires – d’obscurité – d’obscurantisme…

Des grilles – des cages – des tombes…

Ce à quoi l’on soumet les bêtes et les hommes…

 

 

La mine grise sous le soleil…

L’hiver – de bout en bout – à travers les âges – à tous les stades…

Et l’heure cruciale – l’issue – la possibilité – à chaque instant – pourtant…

 

 

La terre – le soleil – le monde irradié…

Des mains – des tentatives – promises à la défaite – à la défaite récurrente – perpétuelle…

De l’herbe et des flèches – notre sort – au fond – quelque chose de la bête et du guerrier – entre la placidité et l’instinct de survie – et, partout, cette lèpre qui se répand – que l’on propage – dans les têtes – dans les cœurs – des amputations qui nous maintiennent dans la nuit – sur la vaste étendue sombre des croyances…

 

 

Des jours et des morts – sans deuil possible – sans jamais voir la lumière – les yeux trop clos pour s’affranchir du rêve – du sommeil…

La torpeur terrestre – malgré les minuscules lampes allumées – ici et là…

 

 

Nous – confié(s) aux mains des Autres – comme de la matière – un peu de matière – que l’on ajoute sur les édifices communs – façonnés – sculptés à la gloire des choses et des affaires du monde – obscur(e)s – énigmatiques – que ni la raison – ni la lumière affranchie des crocs et des ambitions – ne peut légitimer…

 

 

Nous – en plein sommeil – au-dessus d’un gouffre qui échappe aux yeux et à la compréhension – participant, à notre insu, à un mythe – à une légende – à un mensonge collectif d’envergure – dont on ne peut s’affranchir que par l’éloignement – l’exil – la solitude…

 

*

 

Parfois – ce poids énorme sur la nuque – comme un sac de terre et de morts – qu’il nous faut trimballer partout – ici et là – comme une part de nous-même(s) – la plus intime peut-être – ce qui fonde notre identité parmi les ombres et les vivants…

 

 

Au détour d’une étoile – un rêve plus grand de lumière – une nuit moins épaisse – que l’on effeuillerait à la main…

Plus de silence sur les bavardages humains…

Et davantage de distance avec ce qui a l’air tranquille – et qui, en vérité, bout à l’intérieur ; la source des actes les plus nocifs – les plus délétères – irrépressiblement destructeurs tant que le feu sera gouverné par l’absence…

Moins de mensonges…

De l’honnêteté et de la lucidité – les prémices indispensables pour qu’un jour le bleu puisse régner sur les pierres…

 

 

Eclatant le soleil – dans les yeux – comme l’été de l’âme – gaie – légère – enthousiasmée – virevoltant entre les corps – entre l’homme et l’infini…

Une respiration moins désirante – moins capricieuse ; le temps et la nuit – en partie – déchirés – comme les ultimes reliquats du quiproquo initial que certains assimilent – à tort sans doute – à un énorme mensonge originel…

L’esprit et la matière – dans la même lumière – comme un regain de transparence – les blessures exposées – l’écume et l’absence sans subterfuge – la vacuité du monde et des existences sans le moindre prétexte d’activité – d’occupation – le cœur et les mains vides pour la première fois – peut-être…

La vie et la mort – du même côté de la balance – et notre refus – de l’autre – comme évanoui – envolé – disparu…

Nous – le monde – ce que nous croyons être – tels que nous sommes ; nu(s) – fragile(s) – désespérant(s) – acharné(s) – seul(s) – ensemble – éternel(s) ; la seule chose qui existe – au-delà des apparences…

 

 

La nuit – au plus près de la voix – parfois – juste derrière – comme un décor – une toile de fond – un souffle – sombres – ce qui donne au verbe cette texture froide et granuleuse – et cette teinte violacée – le noir mélangé au sang…

Entre la mort et le silence – cette conscience sommeillante…

 

 

L’aube commune – encore si lointaine – malgré sa présence en quelques interstices – le sourire de quelques esprits sans malice – comme un chant d’oiseau au fond de la gorge – l’émergence de la beauté au milieu de la corruption et de la laideur…

 

 

Des mots fidèles au vent – fidèles aux ailes déployées – comme des trésors lancés en l’air – emportés et disséminés par les bourrasques – ici et là – au milieu des masques et des paupières fermées – comme un témoignage un peu différent – peut-être – le récit d’une exploration ; Dieu s’immisçant, peu à peu, en nous…

 

 

Ce que nous croyons entendre – derrière les sons – ce que nous croyons distinguer – derrière les apparences ; d’autres chimères…

Un monde d’illusions – à perte de vue – en couches successives – impénétrables…

 

 

Auprès des arbres au tronc arraché et des bêtes aux yeux humides – la même blessure – la même tristesse – au fond de l’âme et de la chair…

 

 

D’étoile en étoile – de pierre en pierre – l’esprit et le pas nomades – au gré des routes – de l’invisible – à multiplier les étapes – les escales – à prolonger un voyage dont on sait qu’il n’aura jamais de fin…

 

 

Dans les mains – l’oiseau – le livre – le vent – la caresse – hérités des Autres et que nous distribuons autour de nous – au gré des humeurs et des rencontres – au gré des possibilités ; les seuls présents que les Dieux nous ont octroyés…

 

*

 

Les eaux noires de l’absence – éternelles – comme la nuit et le sommeil – les bas-fonds du jour – l’en-bas de l’abîme – ce qui ne peut être éclairé ni par l’âme – ni par le soleil – ce qui nécessite l’incandescence de l’Amour – le rougeoiement intense du cœur qui embrase tout ce qui passe à sa portée…

L’immonde – en amas – qui se consume – avec cette odeur âcre de la mémoire – vivace – tenace – résistante – acharnée…

Un brasier immense – des flammes aussi hautes le monde ; le ciel et la terre rubescents…

L’intérieur nettoyé – purifié – désencombré – comme si des millénaires s’étaient, en un instant, volatilisés ; des fumerolles dans l’air – au-dedans…

Ni rêve – ni étoile – le ciel vaste et clair qui se partage – à présent…

 

 

Quelque part – ici ou ailleurs – un autre jour – l’œil ouvert et le langage libre…

La pierre – la peau – le ciel – tissés ensemble – sans bordure – sans limite – sans frontière…

 

 

Ce qui coule sur les joues – dans les veines et le lit des rivières ; la même substance sacralisée…

 

 

Des miroirs étoilés qui ne reflètent que le ciel ; des tempêtes, parfois, comme notre visage qui se mettait en colère autrefois – de temps en temps – pour évacuer un surcroît de feu insupportable…

Aujourd’hui – la clarté – le chemin déblayé – les ombres naufragées – le cœur tranquille…

Et cet étrange sillon de lumière – presque invisible – que nous laissons derrière nous – pendant un court instant…

 

 

A demi – comme éternellement partagé(s) – à la fois exposé(s) et caché(s) – à la fois ici et ailleurs – ce qui nous ressemble…

 

 

Nous – à graver sur la pierre le visage du silence – devant une foule de figures tristes et bruyantes – inattentives – indifférentes…

 

 

De bout en bout – englué(s) dans le magma terrestre – l’enchevêtrement des contraires – chair et aspirations – interstices et émotions – le pire et le meilleur sur les pierres – et toutes les combinaisons possibles ; l’invisible et la matière déclinés à l’infini…

 

 

Des mots fidèles aux ailes offertes par les Dieux – un témoignage très abscons parfois ; le monde et le temps sur la nuque – comme un poids ; la présence des Autres – entre les tempes – devant soi…

Des larmes – sur les joues – sur la page…

Des pas – entre les ombres et les lignes…

Et cet envol laborieux – à courir pieds nus dans la boue des chemins – sur la roche dure et coupante – sur le sol toujours changeant de l’âme – au dehors et au dedans vides et peuplés par tous les reflets du monde…

Nous – voyageant avec plus d’aisance aujourd’hui sur cette portion vierge du sentier – dégagée grâce aux lames acérées – implacables – de l’oubli…

 

 

Au cœur de l’orage – la parole sur sa pente ; et le ciel, parfois, offert aux yeux aveugles…

Les parois de la terre où se forme l’écho…

Le désir d’un trajet sans escale…

Un périple sans témoin – sans image – sans (véritable) destination…

Un bout de chemin entre l’enfer et les cimes – de la roche à la vérité toujours changeante de l’instant…

Et, de temps à autre, un peu de silence – entre nos pas et nos pages ; un peu de lumière entre la carte et le monde…

Le signe – sans doute – que tout est devenu voyage ; et la certitude que l’immobilité guette celui qui croit voyager…

 

*

 

On ne se regarde pas – on ne se reconnaît pas…

Des absents dans l’espace – des jarres de vent dans le vide – un peu d’eau et d’air – un peu de terre et de feu – plongés ensemble – et grossièrement mélangés…

Ce que l’on appelle la chair et ce que l’on appelle l’homme…

Ni âme – ni Dieu – et moins encore de sagesse…

Presque rien – en somme…

Des instincts et du temps ; des existences – impartageables…

 

 

Un désert – comme un corps immense – avec des dunes de chair – un arbre au centre – un jardin de pierres illimité…

Un peu de bave et d’écume – de la respiration – un souffle régulier – des ventres affamés – quelque chose d’incroyablement fragile – d’incroyablement mortel…

Des routes encore – sans personne…

 

 

Un langage d’ombre et d’éclats – du noir et de la lumière – mélangés – émanant l’un de l’autre – simultanément…

Et cette infinie solitude sur la pente…

Tout qui défile – avec nous dans la course…

Au bout du compte – quelques traces – à peine…

Un jeu – mille jeux – dont nous ne connaissons ni les règles – ni l’inventeur…

De l’ardeur – un peu de chaleur parfois – que l’on conserve pour soi – pour ce qu’il y aurait, peut-être, à gravir…

Des mains qui glissent sur des parois – les nôtres – les paumes aussi lisses que la pierre…

L’aube froide et l’abîme…

Ce qui tourne – dans l’obscurité et le sommeil – des ronds dans un cercle restreint – minuscule – un tour sur nous-même(s) – peut-être – tout au plus (il faudrait, sans doute, s’y résoudre)…

Le monde tel qu’il est – le monde tel qu’il va – et nous à sa suite – quelques fois…

Et le reste du temps – des siècles – rien – le même vide sans les mouvements…

 

 

Sur le seuil – le jour émacié – la parole sans écho…

Nous – à la jointure de la terre et des cimes…

L’esprit silencieux – entre la pierre et la vérité…

En ce lieu terriblement solitaire et sauvage…

 

 

L’Amour – sans personne – sans entrave – qui rayonne à travers ce que nous sommes – selon l’épaisseur des voiles qui persistent – notre degré d’opacité résiduelle…

Blessé(s) encore – dans la compagnie du ciel guérisseur…

 

 

A nous seul(s) – sauvé(s) par ce que nous sommes – l’exposition de nos faiblesses – nos ambitions les plus pérennes…

Sans incidence sur le règne…

Sur le sol – en silence…

Quelque chose de la joie – de la pluie – des forêts…

La solitude vaillante et désencombrée…

 

 

Immobile – sous la lampe et les décombres…

L’étonnement entre les tempes – le cœur tendre et le couteau à la main…

Prêt autant à aimer qu’à trancher ce qui est devenu inutile ; toute chose – en vérité…

Et notre nom – patiemment écrit sur le sable – soudainement – effacé par les

vagues…

L’essentiel ; la virginité nécessaire pour accueillir ce qui vient – toutes les nouveautés ; ce qu’il faut couper et oublier pour être capable d’ouvrir, encore et encore, les bras et embrasser…

 

 

Des pages – des heures – des jours – une vie entière – offerts à ce qui passe – à ce qui demeure, en nous, malgré le voyage – malgré le temps et la mort…

 

*

 

Des ombres et des rêves – pliés ensemble – dans tous les recoins du monde et de la tête…

La solitude et l’argile – parsemées de ciel et de noir…

Les chemins du monde qui divergent…

Des voyages sans adieu – sans retour possible…

Epaule contre épaule jusqu’au dernier sommeil…

 

 

Des prières ascendantes – sans le souffle suffisant – comme condamnées à rester au fond de l’abîme – sans réel contact avec ce que les hommes appellent le ciel – cet ailleurs (inaccessible) au-dessus des têtes…

Le monde morne et indifférent – sur des marches trop usées – et l’escalier des Autres qui jamais ne mènera à l’invisible…

 

 

Parfois – la nuit fébrile – des voix dans le rêve – Dieu sur ses rives impénétrables…

L’obsession de l’aube – cette quête (presque) toujours inachevée – inachevable – sans doute…

Plus qu’un gouffre – l’Amour impossible – impraticable…

Dans la vallée des ombres – des lieux de déroute et de tristesse – l’ignominie qui jamais n’ose dire son nom…

Des secousses – ce qui bouge – ce qui tente de s’échapper – dans l’espérance d’une existence moins atroce – moins tragique – ailleurs – au-dessus du noir – sur une terre plus accueillante – peuplée de rires et de désirs de partage…

 

 

Très haut – penché sur soi – ce bleu intense – ce visage joyeux – l’aire des rencontres – l’espace qui accueille – ce qui est – ce qui nous embrasse – ce qui nous étreint – ce qui nous aime – cette part céleste de nous-même(s) – cette présence infiniment tendre – ici-bas – trop souvent – ignoré(e) – oublié(e) – méprisé(e)…

 

 

Rien que de la roche – et ce bleu immense qui nous invite…

Des herbes – des arbres – nos compagnons de route…

Auprès des bêtes – sous le joug des hommes…

Et dans nos prunelles – le courage – ce feu qui acquiesce à tous les destins…

 

 

Le dessein hermétique de l’étendue – des racines ; la distance – cette incroyable distance à combler avec les Autres…

Ce qui se prépare sur la pierre – la grâce promise – à venir – la lumière et la paix – le déploiement de l’Amour – les bras tendus et respectueux ; ce que la nuit – les hommes – peuvent considérer comme une chance…

 

 

Des objets – dans les yeux – dans la tête – dans les poches ; toutes les choses accumulées sur le chemin – au fil des jours et du voyage – des fragments de paysages arrachés – des bouts de monde que l’on pourrait monnayer – échanger contre d’autres nécessités – un peu de douceur pour le corps – un peu de tendresse pour l’âme…

La besace pleine qui, peu à peu, se désemplit…

Puis, un jour, ce que l’on abandonne sur le bord de la route – ce que l’on offre aux vents – aux mains tendues – aux regards suppliants – aux vagabonds de passage – à tous ceux qui mendient – qui implorent – qui réclament…

La lumière sur l’autre rive – visible depuis celle où nous sommes installés – immobiles – immobilisés…

Un œil sensible – les prémices du regard – de l’esprit qui, un jour, cessera d’amasser et d’étiqueter pour unir et embrasser…

L’âme-main qui, d’un seul geste, offrira l’intimité à ce qui l’entoure – à ce qu’elle touchera du doigt…

Et nous – apprenant (à notre insu) à nous dégager des contingences et des embarras individuels – à nous transformer en instrument (détaché) des circonstances – à devenir la réponse (impersonnelle) aux nécessités du monde…

 

*

 

Marche volontaire – paroles murmurées…

Le roc et l’invisible…

Cette vaine attente de la vérité…

Comme des ombres sous le soleil…

 

 

Nous – nous déployant et mortel(s) – dans une (inconsciente) obéissance aux traditions…

Debout – sur la pente – parmi les Autres – sur la courbe inachevée…

A vivre – à faire – comme si l’on était utile – comme si l’on n’était pas seul…

Des sommets de mensonge et de hiérarchie – à franchir – à gravir – à contourner…

Et ces mains nues – et cette âme – que l’on destine à la trahison…

Affreusement complice(s) de cette manière, si peu éclairée, d’être au monde – d’être un homme…

 

 

Du feu au ciel – par la voie labyrinthique…

Des ombres – des monstres – trop (beaucoup trop) d’images et de paroles…

Des pas – des âmes – des voix – qui tremblent…

Le cœur sur le sol – sous la botte des Autres qui s’impatientent…

Comment serait-il possible de ne pas se perdre…

L’obscurité et la confusion – la nature même de l’homme – du monde – en apparence…

Sur la terre – cette nuit parfaite et inassumée…

 

 

Dans la bouche – des éclats de beauté – de lumière – de vérité…

Soustrait(s) de ses propres désirs – peut-être – notre seule ambition – pas même volontaire…

Du sol – du ciel – la même fumée qui, parfois, se rejoint à la verticale – et autour – des vents horizontaux et déceptifs – quelque chose dont on imagine qu’il nous porterait ailleurs – en des lieux plus confortables – et qui nous mène insidieusement vers la mort…

Indéfiniment – contre notre gré – ainsi allons-nous sur tous les chemins qui nous choisissent…

 

 

Rien en réserve – ni chose – ni idée – ni souvenir – ce que la vie dessine à chaque instant – et ce qu’elle remplace presque aussitôt…

Ni hasard – ni alliance – le ciel et la terre – en nous – sans la moindre conséquence – sans la moindre gravité…

Un peu d’Amour et de soleil – un peu de pluie et de tristesse – ce qu’il faut pour maintenir l’équilibre…

Ce qui s’impose – ce qui nous pousse – jusqu’à la fin du voyage…

 

 

Des fleurs – des arbres – des oiseaux – entre les mots – notre alphabet naturel…

Un pays sans méfiance où la voix éclot au milieu des geais – des hêtres – des pensées…

Des gestes qui naissent de la proximité du sol…

L’âme et l’immensité – la même matière – peut-être – invisible – à demeure – éternellement…

Nos seules (véritables) richesses ici-bas – sur cette terre – autant qu’ailleurs – sans doute…

 

 

Des blessures – mille couronnes – dans le brouillard ; ce qui s’offre à bon compte…

Des signes – des traces – des symboles – sous la lampe – et l’Amour au-dessus qui veille sur sa portée…

Au cœur de la forêt – le regard – notre marche…

Notre histoire – comme toutes les histoires du monde – sans commencement – sans fin – véritables – entre mythe et mensonge – la continuité de ce qui existait avant – l’antériorité de ce qui existera après – peut-être (qui sait ce qui existera après)…

Des pages – mille livres ouverts – comme une corde entre nos pieds et la lumière – entre nos pas et la mort – deux bras tendus vers le monde – vers les Autres…

Notre impuissance à nous diriger – à nous gouverner – à comprendre le voyage – à deviner l’itinéraire…

Notre tristesse devant tant d’indifférence…

Notre incapacité à aimer et l’impossibilité de l’être…

 

*

 

Des chemins – des mots – le réel…

Le feu et l’espace…

Les feuilles et la vie – réunies – déchirées par endroit – là où la nuit s’est penchée – s’est attardée avec insistance…

 

 

A quoi ressemblerait l’existence sans le corps – sans les attributs coutumiers du visage (humain) – sans la matière – plus vivant que ceux qui vivent – aussi mystérieux que le sort des morts…

Le devenir sur la route ombragée…

La force simple d’un pas…

Au-delà du désir d’immortalité…

 

 

Le lieu où apparaît le jour – entre le silence et notre chair rougie – entre le cœur et nos vêtements abandonnés sur le sol – à l’exact endroit de l’innocence – de la nudité ; l’esprit vide et clair – que rien ne pourrait perturber – pas même des monceaux d’or et de promesses déposés à nos pieds…

 

 

La figure enténébrée – les exhalaisons (tenaces) de la mort – trop de rêves cachés dans les replis – les mains puissantes – comme des tenailles – prêtes à tout saisir – à tout agripper – à fourrer la moindre chose dans le vieux sac que nous portons en bandoulière…

Un poignard à la ceinture – l’outil indispensable pour assouvir sa faim…

Et le ciel – et le chant des oiseaux – au-dessus (très au-dessus) de la tête – si haut que nul ne peut les percevoir…

Des pas sur la terre – lourds – et, sans cesse, endeuillés…

Au sommet de la fange – la plus haute ambition…

Et le reste qui brille dans nos yeux silencieux…

 

 

Nul devant nous – à nos côtés – dans notre sillage ; dans la parfaite solitude du monde…

Le cœur et la main occupés aux nécessités du jour – le ciel et la terre – sans désir – sans ambition – la soif naturellement étanchée par la source…

Dieu – la joie – les arbres – la marche – la tristesse – la poésie…

Dans notre compagnie – sans fuite – sans méfiance ; une couronne de silence sur la tête…

Et ce que la lumière dispense comme candeur – comme simplicité ; le trésor qu’elle nous offre ; la possibilité de retrouver l’esprit joyeux de l’enfance – la (parfaite) tranquillité de l’âme…

 

 

Toute la féerie du voyage – les affres terrestres – l’étroite sente sur laquelle nous évoluons – notre cœur amoureux…

Sur la ligne d’horizon – le ciel – notre pas – l’un dans l’autre – en équilibre…

 

 

Au cœur – l’alliance de l’infime et de l’infini – du feu et de l’immensité – du noir et de la lumière ; tous les mélanges – tous les degrés – toutes les nuances – sur la palette – que les vents – la main de Dieu – allouent à l’œil – aux pieds – aux bras – selon les nécessités de l’âme – de l’Autre – des circonstances…

Sous le joug (joyeux et vertueux) de l’anneau – nous autres – fiancés du cercle

 

 

Le cœur scellé par l’hiver – la froideur des foules aux yeux fermés…

Sur nos lèvres – le givre de la solitude…

La terre à nos pieds – les Autres comme au spectacle…

L’effacement (progressif) de la chair – du visage – de l’âme…

L’encre qui, peu à peu, remplace le sang – et les vents, le souffle poitrinaire et laborieux…

Les mains agiles suspendues à la corde qui surplombe le monde – qui traverse le ciel…

Le cœur dans son immensité – grâce au froid – aux foules – à la saison des transformations…

 

*

 

Rien ne nous égale ; sous nos cernes gris – des rêves plein la tête – à longueur de jour et de nuit…

Le sombre de l’âme illuminé – comme le petit théâtre des amplitudes…

Les yeux vainqueurs – la poitrine gonflée – et une tristesse inconsolable au réveil – à moins, bien sûr, que le sommeil ne dure toujours…

 

 

En nous – ce qui écrase – ce qui étreint – à parts inégales – dans des gestes qui, à notre insu, portent d’innombrables combinaisons…

Nous – hurlant comme les bêtes – priant comme les Dieux – créatures terrestres au destin mitigé…

Ce qui s’actionne – ce qui s’éprouve – ce qui se vit – malgré nous…

 

 

Le noir – très dense – des yeux – de l’âme…

Les nerfs à vif – comme une peau que l’on frotte sur la pierre – sans interruption…

Une tête sans nom – des mains adroites…

A la tête d’un cortège de solitudes…

Bras derrière le dos et voix criante (mais inaudible)…

Une longue chaîne qui commença avec la naissance du temps – et qui s’achèvera à la dernière heure – comme toutes les autres fois – dans un cycle éternel (légèrement ou foncièrement différent) ; le monde – des mondes – à intervalles réguliers – entre lesquels se dépeuple et jubile un vide vivant – un espace silencieux habité – comme un œil immense muni d’un cœur et d’une main – Dieu – notre présence invisible et immobile qui se repose et se réjouit de l’absence de mouvement – de la disparition provisoire des puissances à l’œuvre…

 

 

Parfois, l’outrage – parfois, le scintillement – les heures communes devant le miroir – l’alternance et l’ambiguïté souveraines – cette longue veille dans les yeux qui scrutent…

L’attente toujours d’un autre reflet – impossible – bien sûr – tant que le regard ne prendra la relève…

 

 

De minuscules ombres sur les bas-côtés – de part et d’autre des empreintes que nous avons laissées sur le chemin…

Nos refus – nos regrets – nos remords – tout ce que nous avons abandonné au monde – ces mille lâchetés – ces mille impossibilités – comme des étoiles jetées au fond de l’abîme – des enfants mort-nés – des orphelins auxquels nous avons refusé de tendre la main…

 

 

Les barbelés de l’âme – disposés en cercle autour de nous – en rangées successives…

Et notre planque – en haut de la tour que nous avons édifiée ; à nos côtés – nos armes – quelques explosifs – l’attirail de la lâcheté et de la peur…

Cette crainte maladive d’affronter les visages – le destin – le nôtre et celui des Autres – les affres incontournables du voyage ; notre sort à tous…

Puis, un jour (et, parfois, sans même s’en apercevoir), l’étendue venteuse – le sommet du monde – l’immensité sans refuge – auxquels notre cœur – sans défense – s’expose – nu – fragile – délicat – indestructible – malgré lui – malgré nous – humble en dépit des victoires à venir – en dépit de l’impossibilité de toute défaite…

 

*

 

Au creux de l’âme – ce sable d’or – le ciel en poussière jaune – que les Dieux soufflent parfois jusqu’aux bords des lèvres – jusqu’au fond du cœur – jusqu’au bout des doigts – de ceux qui peuplent le monde ; les plus sages d’entre eux – sans édifice – seuls et nus dans la nuit silencieuse – seuls et nus dans le bruit des Autres…

 

 

Des fenêtres immenses dans l’épaisseur des âmes – une manière d’inviter le vent et la lumière – d’apporter aux têtes humaines un peu de fraîcheur et de fantaisie – la liberté de se mouvoir – la possibilité de passer à travers les grilles serrées qui contiennent la glaise…

Moins vide qu’abîme – ce séjour – cette suspension – au-dessus du gouffre…

Et parfois – très souvent – ponctué(e) de célébrations trop solennelles – cette longue marche vers le soleil…

 

 

Les semences du verbe – disséminées ici et là – sur les pierres – dans la boue – sur les feuilles des arbres – dans les yeux des bêtes – sur la roche où viennent s’abîmer tous les rêves des hommes – tous leurs désirs – toutes leurs ambitions – toutes leurs conquêtes…

Là où l’âme vient s’arc-bouter – contre la puissance du monde – entre lutte et résistance – en lançant ses pauvres forces aveuglément – du cœur à l’ouvrage – malgré la confusion – le sens de la bataille – l’oisiveté des Autres qui se prélassent dans leur sillon – aveugles aux gestes – aux cris – aux poèmes – animée par l’Amour et la liberté – eux qui ne connaissent que l’ardeur du feu et la pesanteur du plomb…

Tout notre être – comme submergé – englouti par l’ignorance et l’immobilité …

Et cette nuit – sans intervalle – appelée à durer encore – à durer toujours – peut-être…

 

 

Au seuil de l’autre monde – le jour qui se lève – l’effondrement du versant des désirs – l’aventure de la faim, soudain, égayée…

Un poème à la main – à offrir à ce qui passe – la bouche rieuse – porteuse de silence et de chants divins – l’âme qui a laissé le cri terrestre originel se transformer, peu à peu, en geste courageux…

Notre face-à-face avec toutes les idoles – toutes les divinités – la foule des croyants et des croyances – les hiérarchies institutionnelles et religieuses…

Et la préparation d’un immense bûcher – notre alliance avec le feu – puis, la consumation de la terre et du ciel inutiles…

Table rase sur le monde…

 

 

Rien que des légendes écrites à la craie sur les rochers sombres – et inconfortables – de la terre – pour précipiter le sommeil – autoriser le rêve et le mensonge – célébrer tous les mythes inventés depuis la création du monde – et que les hommes (la plupart des hommes) jugent nécessaires…

 

 

Des pelletées de terre – sur nos yeux – notre tête – la bouche emplie de fange pour étouffer le cri – de la glaise jusqu’au fond du cœur pour alourdir le désir d’envol – l’appel de l’ailleurs – comme une résistance – un contrepoids – pour échapper à la nuit et à la gravité – à la mort par asphyxie…

 

 

Nous – nous exécutant – comme victimes et membres du peloton – assassins et trucidés…

Deux sillons – des traces dans la poussière – sous l’arche du monde – toujours – la même bataille…

Le poing – le sang – la fuite – la barbarie…

Ce que murmurent les lèvres tremblantes…

Ce qu’éprouvent les têtes – les joues trempées de larmes…

Le cœur saccagé – en exil – très loin de l’âme et de l’aube entrevue…

 

*

 

Au centre – l’abolition – la tête comme décapitée – un cœur et des gestes – seulement…

Quelque chose de l’âme et du silence…

Le royaume de l’Amour – peut-être…

Tout ce qui se range – en désordre – derrière l’innocence…

 

 

Au milieu des bêtes – notre patrie…

Fraternité sans faute – sans péché – dont la voix a été étouffée…

A la tête du cortège – nous autres qui avons l’âme et le feutre vifs et sensibles…

 

 

Comme la pluie – lentement – régulière – les larmes – cette tristesse devant les tombes et les vivants…

Rien de la trahison – sur notre visage…

Le jour – un espace comme un autre – pour s’affranchir de notre nature et de notre destin – si tragiques – si élémentaires…

Un seuil où se poster – debout…

La bouche qui entonne son chant – sa douleur – les nécessités de l’âme – son indispensable solitude – la proximité du ciel – notre impérieux besoin de silence – le Divin, en nous, intensément vivant – ce qui fait que l’on peut se définir comme un homme…

 

 

Dans nos bras – une étreinte de peu de chaleur – l’âme ailleurs – la tête qui cherche ce qu’elle n’a pas – ce qu’elle ne voit pas devant elle – autour d’elle – les yeux et les mains fouillant déjà plus loin – en quête d’un autre visage – celui qui, peut-être, saura les révéler (dans le meilleur des cas) – mais plus sûrement (et de manière plus réaliste) celui qui saura (plus ou moins habilement) les consoler et leur faire oublier leur indéfectible solitude…

 

 

Si l’on pouvait imaginer ce qui se cache derrière nos figures grises – nos gestes lents – nos lourdes silhouettes…

Qui pourrait donc se souvenir, en un éclat, de ce qui brillait en nous – et qui n’a jamais failli à son rayonnement – malgré la chair – les rêves – les malheurs – l’épaisse immobilité de nos existences…

 

 

Suspendu(s) aux grilles du temps – notre rire face aux sentinelles – embarqué(s) – malgré nous – sur les flots mouvants – dérivant entre toutes les rives – naviguant sous des ponts vastes comme la nuit – mal à l’aise – le courage sous le front – l’âme encore sauvage – prêt(s) à dévaler toutes les pentes du monde – à se laisser porter par les eaux chargées de larmes et de morts vers le précipice – le fond de l’abîme – là où débute, peut-être, l’étendue océane ; qui sait… nul n’est jamais revenu de ce lieu-porteur de tous les secrets…

 

 

Des bruits – des heures – le temps du monde qui tourne sans cesse autour du même axe – les pommettes rouges – la tête pleine d’espoir d’arriver – de trouver en chemin – avant le terme du voyage – un lieu magique – propice au repos – et des visages-amis – des visages-alliés – avec lesquels on pourrait partager le pain et faire un bout de route…

Le sort commun – cette illusion de la liberté et du partage – la servitude réelle et inassumée – ce que la roche et le périple offrent à nos pas – un peu de rêve et de douleur…

 

 

Les mains et la parole – nues – comme si les ailes nous suffisaient…

Des gestes sans promesse – simples – sans édifice à bâtir – purement circonstanciels – qui ne se rattachent ni à un nom – ni à un visage – et moins encore à une idéologie – nés spontanément de cette colonne au-dedans – discrète – invisible – merveilleuse – souveraine – cette verticalité au carrefour de l’âme et du monde…

La part merveilleuse du silence livrée aux cœurs taiseux – lourds de terre et de soufre – comme un hymne – un humble chant – offert à la douleur – à la tristesse – à notre difficulté d’être au monde…

 

*

 

L’âme passablement délabrée – comme un empire – autrefois rayonnant – inclinée, à présent, vers ce qui la porte – la fière allure évanouie au profit de la vérité – la face ensanglotée – enfouie dans la glaise – de là où nous venons – ce de quoi nous sommes constitués ; ça et le mystère – ça et le silence – ça et la joie – le Divin à travers cette (longue) enfance terrestre – la première pierre brute patiemment taillée – de l’intérieur – par le jour et l’intelligence (évolutive) de la matière…

Un interminable périple – en vérité – sous le reflet des astres ; des ténèbres vers les ténèbres – de la lumière vers la lumière…

Le vaisseau immobile qui fend l’écume en laissant un admirable – un pitoyable – sillage…

Un monde – un voyage – suffisamment dignes pour sombrer dans l’oubli…

 

 

Nous tous – œuvrant en dessous de l’éblouissement – parmi d’autres têtes – sur ces rives…

D’abord, désir et chemin de terre – prières parfois – puis, la nuit et la peau excoriée – peu à peu – de plus en plus – par la roche et les yeux – et les mains – des Autres – puis, la souffrance – paroxystique (si nécessaire) – pour qu’un autre chemin puisse se dessiner – se creuser – une voie invisible – au-dedans – comme une exigence impérieuse – un cœur qui s’ouvre – sous le poids de la tristesse – l’émergence timide, à travers quelques trouées, du soleil et de la joie ; une autre terre libérée des rêves et des grilles communes – de toutes les formes d’espérance ; un monde au-dessus du monde – un monde au-dedans du monde – un monde à côté du monde – fait d’ombre et de jour – de mort et de vérité – que nous pouvons (enfin) regarder sans crainte – sans ciller – les yeux grands ouverts…

La vie – sans doute – telle qu’elle a toujours été…

 

 

La vie – comme une promesse jetée aux loups – aux bouches tordues par la faim – les mains noires à force de retourner la terre…

 

 

A la pointe de rien – mélangé à tout (à presque tout)…

Abîme – édifice et lumière – ce que l’on érige en idole – en mystère – en colonne…

Un sourire sur toutes les figures ; comme si la vérité pouvait être livrée ainsi…

 

 

L’horreur – au-dessus de la douleur – simplement…

Et nous – capable(s) enfin d’échapper au pire…

 

 

Rien que des affres et des prières – entourés de pierres et de vitraux ; un refuge provisoire dans ces mains humbles dressées vers le ciel…

Le faîte émergé de la foi – plus vaste et plus obscure – dans ses profondeurs – plus apte aussi à convertir (réellement) l’âme à la joie – au silence – à la félicité – et à offrir aux pas la liberté de courir le monde sans crainte – sans compromis – sans retenue – affranchi(s) des miroirs et des reflets – du regard des Autres – si peu vrais – si peu réels – si peu existants – dans notre sereine (et indispensable) solitude…

 

 

A travers les orages et les larmes – nos foulées de somnambule lucide – sur le même fil depuis des siècles – suspendu au-dessus du monde – au-dessus du temps – un espace sans idole – aux marges de tous les règnes – sans assaut – sans ascendant – sans mérite à engranger – éternel – silencieux – sur lequel on marche avec jubilation vers l’inconnu – dans la joyeuse incertitude du chemin – confiant – le sourire et le poème au fond du cœur…

A la manière d’une veille itinérante et interminable – allant à travers les forêts et les songes – au milieu des périls et des miroirs – yeux dans les yeux avec ce que nous rencontrons – arbres et bêtes – hommes et Dieu – vérité et silence – l’Amour en réserve – l’invisible en imperceptible étendard…

 

*

 

Dans notre absence – l’ombre qui gagne…

La lune immense – notre seul rayonnement – peut-être…

Une plainte – formulée depuis notre jardin – au milieu des arbres – des morts – des siècles – seule manière de peupler l’attente – comme si le jour était caché – introuvable – d’un autre monde…

 

 

Sous la lampe – l’horizon découpé – le monde disséqué – pour apaiser l’angoisse – prévoir le chemin à travers l’obscurité – anticiper la fuite…

Les choses et les visages – dans la tête – mensongèrement apprivoisés ; un songe que nous considérons comme une sagesse – le sommeil éternel jusqu’au fond (sans fin) de la nuit – les ténèbres – de bout en bout – interminables…

 

 

Ce qui vieillit – dans son coin – sans jamais partager sa peine – ses poèmes – avec les Autres – Dieu seul – ce qu’il console et emporte – dans cette solitude sans confort – sans appui – mais non sans joie…

Nous nous intensifions avec lenteur – naturellement – nous nous effaçons – sous la voûte et le jour – le cœur volant – proche de l’inconnu – entre la source et le soleil – sur ce chemin qui serpente – sur lequel nous progressons sans gravité – avec l’Amour et le vent qui jouent dans notre âme – sur notre terrasse – au-dehors – partout où il est encore possible d’échapper à l’infinie tristesse du monde qui fige tout – qui pense trop – qui malmène ou ridiculise ce qu’il y a de plus beau – de plus haut – de plus essentiel…

Nous – loin – de plus en plus – assagi(s) – à présent – bien plus joueur(s) et rieur(s) qu’autrefois…

Aux marges de ce que l’on imagine vivant – bête et trivial – (très) ordinairement normal – bien trop confortable – bien trop plongé dans le rêve et la torpeur…

Debout – sans craindre ni la vie – ni la mort – ni Dieu (bien sûr) – ni les Autres – la tête et l’âme – l’espace et le mouvement – uni(e)s – ensemble – pour traverser le monde – tous les malheurs – et jouir – et jubiler – au cœur de la tragédie…

 

 

Parfois le bleu – comme un peu de neige sur nos malheurs – un envol mystérieux au-dessus du monde – des têtes – des choses ; une façon de revêtir des ailes – un peu d’invisible – pour échapper à la faim – à tous les ventres de la terre…

 

 

Des arbres encore – comme des frères irremplaçables – la joie de vivre auprès d’eux – partageant le même silence – la discrétion – la tendresse de ceux qui se reconnaissent…

 

 

Esprit et jours vacants – loin, pourtant, de la monotonie ordinaire du monde – loin du rêve et des routes toutes tracées…

En soi – le ciel à la surface balafrée – aux profondeurs inviolables – que l’on ne pénètre qu’avec innocence – l’âme nue – le cœur brûlant jusqu’à l’évanouissement – la douleur aux lèvres – envolée…

Comme une porte qui s’ouvre – en confiance – parfois après la pire chute – le plus terrifiant naufrage – après les plus communes expériences de l’âge – le monde du dehors délaissé – abandonné à la folie de ceux qui le gouvernent – à la bêtise de ceux qui le composent…

Entrée silencieuse – dans l’infini – hors du temps – l’éternité – ce qui échappe aux yeux – au monde – à la poussière…

 

 

Nous – au contact de la terre ; l’essentiel – l’invisible – les profondeurs de ce qui nous étreint – derrière les apparences ; l’âme encore mal à l’aise parfois – et les lèvres qui remuent – de temps en temps ; les œillères jetées aux pieds des monstres – et l’Amour le plus sincère qui se dresse sur les pierres encore tachées de larmes et de sang ; les bêtes – les hommes – la peur – toutes les créatures aux prises avec la fièvre – l’expérience du monde – la fureur des Autres – l’acharnement du destin – frétillant dans leur trou – l’existence ; les pas et la parole – se hâtant sans réserve – sans raison…

Les pieds sur terre – toujours – englués dans la boue – au milieu des morts et des excréments…

 

*

 

Rien qu’un rire – au-dessus de l’obscurité – comme un souffle – un vent – un peu de légèreté sur la pesanteur du monde…

Notre chambre, peu à peu, éclairée par une étrange lumière – cette clarté de l’âme – comme une vacuité silencieuse – une présence sensible qui ronge nos vieux restes de sommeil…

Une porte qui s’entrebâille – une fenêtre qui s’entrouvre – pour inviter le monde – l’inconnu – à déchirer nos rêves – nos certitudes – nos croyances – à secouer l’eau noire et stagnante de nos vies immobiles – à arracher les pierres sur lesquelles nous avons édifié nos territoires – notre confiance – notre (pitoyable) fortune…

Tout – précaire – fragile – balayé ; et ce vide – à présent – immense – vivant – pénétrant – souverain – irremplaçable (absolument)…

 

 

L’aube – sur nos épaules – tantôt vent – tantôt couverture – tantôt blancheur – tantôt transparence ; nous – entre ses mains – comme légèrement suspendu(s) au-dessus du sol…

L’écume et le monde – comme le rêve et l’orgueil – jetés au feu – au fond de l’abîme – là où ils ont été créés – là où ils auraient dû demeurer – dans ces bas-fonds aux murs tapissés d’images et de miroirs – peuplés d’une fange rampante qui se faufile entre les ombres – les songes et les promesses – respirant l’air vicié et immobile – s’apaisant à bon compte avec des idoles et des visions en pataugeant dans la boue – les larmes – le sang – prisonnière de cette vallée désespérante – où le soleil et le vent – le jour – se font trop rares (beaucoup trop rares) pour guérir les cœurs de leur obscurité…

Nulle espérance – nulle possibilité – le même mirage – nos vieilles habitudes – éternellement…

 

 

Une seule saison – sous la neige…

Partout – la blancheur – et quelques vautours – au-dessus de nos têtes – porté(e)s par les vents…

Une marche et un vol sans mystère – guidés par la faim – celle de l’âme – celle du ventre…

A tourner autour de soi jusqu’à l’étourdissement…

 

 

Les clés du monde – dans notre poche – sous un fouillis – un incroyable bric-à-brac – mille choses en désordre – abandonnées – sans intérêt…

L’âme en contact avec la mort – toutes les formes fragiles – provisoires – la douleur – la tristesse – l’infinité des voyages concomitants et la longue série des voyageurs…

 

 

A tous les âges – la joie et le naufrage – l’Amour et l’aveuglement ; et la parole qui se hâte – qui cherche, trop vite, à expliquer – à commenter – à combler le vide qui, sans cesse, réapparaît – au lieu de patienter en silence – d’attendre que la vacuité se transforme, peu à peu, en présence – en parfaite complétude – comme la pierre qui, chaque jour, s’abandonne aux aléas du monde – aux aléas du temps – aussi heureuse sous la chaleur et la lumière que sous la neige et les pas…

Là – sans exigence – sans ambition véritable…

 

 

De jour en jour – infiniment – jusqu’à la démesure – à travers l’ombre – l’éternité – parmi les visages – mille petites choses…

Les yeux vers le ciel et la poussière…

Mille strates – qui, peu à peu, s’effritent – se délitent – se désagrègent…

Et nous – l’âme (toute) frétillante…

De découverte en découverte – jusqu’au vide pleinement vécu – assumé – habité…

Nous – ici – là-bas – à moitié ceci – à moitié cela – à peine – totalement – absolument pas – seul(s) – ensemble – toujours – au cœur de cette étrange appartenance…

 

*

 

Dans la main hasardeuse – le destin…

Dans la main volontaire – le désir…

Et dans nos ailes – la possibilité d’une rencontre entre l’horizon et la verticalité…

Le jour et les hautes herbes – les cercles de terre et de lumière – harmonieusement réunis – comme le rire et la mort – l’angoisse et la joie…

Sur nos lèvres – toutes les eaux du monde et le ciel – réenchantés…

 

 

Sur la pierre – sans promesse – trop noire – parfois – l’encens et la prière – comme de longs panaches de fumée – à l’odeur âcre – seulement – sans le moindre signe de sainteté ; ce qui s’envole avec nos volontés – nos protestations – nos requêtes – nos exigences quelques fois – des colonnes d’air chaud emportées ailleurs – un peu plus loin – et qui finiront, tôt ou tard, par se mélanger à des désirs semblables – par se charger des forces de colonnes similaires – par s’opposer à des désirs contraires – par se démanteler au contact de colonnes porteuses de volontés – de protestations – de requêtes – contradictoires – et, en définitive, par se dissiper et s’éparpiller – comme annihilées à force de rencontres – comme annulées à force d’additions et de soustractions successives…

Et ne restera, bientôt, que notre désarroi – et ne restera, bientôt, que la lumière – et notre âme – comme l’interstice – le récipient – l’intermédiaire – la seule (véritable) issue pour la prière – lorsqu’elle saura inviter le geste à s’aligner spontanément – naturellement (sans même y penser) sur son silence – son absence de volonté – son plein acquiescement aux danses joyeuses – aux pas tragiques – aux mille petites comédies – aux jeux et aux désastres dans lesquels nous serons toujours pris – de mille manières – de toute éternité…

Avec un sourire tendre sur les lèvres (qui n’est, bien sûr – pour l’heure, toujours pas perceptible)…

 

 

La terre – sous nos pieds – foulée – fouillée – retournée – exploitée jusqu’à la brûlure – jusqu’à la stérilisation…

Le poison inoculé – jour après jour…

L’asservissement jusqu’au tragique – jusqu’à la mort…

Et sur le visage des hommes – ni joie – ni sourire – le contentement ordinaire – blasé – insensible – qui légitime toutes les servitudes pour satisfaire leurs (pitoyables) désirs – leur (stupide) fidélité aux traditions…

 

 

Les cheveux grisonnants – déjà – la faim que le temps a brûlée – les rêves pourchassés depuis trop longtemps – la mort reléguée aux périphéries – à l’abstraction – appréhendée presque comme un accident – une erreur – une infamie – dans la somnolence programmée du voyage dont on a pris soin d’exclure le moindre péril – le moindre risque – la moindre incertitude…

Nous – fabrique d’heures – de jours – de vies – lénifiantes ; des existences confortables – qui ronronnent – sans audace – sans désagrément…

Le sommeil – les yeux grands ouverts – de bout en bout – jusqu’à la moindre surprise – la moindre fantaisie (si l’on peut dire) – prévues et prévisibles…

 

 

Personne – aux fenêtres de l’âme…

Le jour – les jours – qui passent…

Des têtes qui regardent ailleurs (et, bien sûr, nous savons vers quoi se tournent les yeux)…

Ni ciel – ni tendresse…

De la douleur – des crevasses – que l’on ignore – que l’on feint de connaître…

Des existences sans (véritable) expérience – sans (véritable) consistance…

Du temps passé – simplement…

 

*

 

La même matière que les arbres – les visages – les chemins ; l’invisible…

Dieu parmi nous – en chacun – dans le chant de l’oiseau – le poing levé – le couteau qui égorge – le sang et les larmes qui coulent…

Nous – sans la main rêveuse – assumant ce que les hommes appellent les contraires – les contradictions – l’inconciliable…

Tout cela – en nous – (absolument) réconcilié…

Uni(s) à tout ce qui est – respire – toutes les formes – diverses – multiples – infinies – plus ou moins passagères…

Ce qu’éclaire la lumière – ce qu’accueille le silence – et qu’un seul geste – un seul éclat de voix – peut dissiper – en un instant…

 

 

Sur la pierre – sous le ciel – et quelques fois – inversement…

Heureux – comme si nous étions la source et la fontaine – l’eau qui ruisselle – l’eau qui s’évapore – les lèvres et la panse des bêtes qui viennent s’abreuver – l’herbe inondée qui pousse et que l’on fauche ou que l’on pâture…

Toute chose – en vérité ; la vie sacrée et ordinaire…

Le monde qui tourne et le regard – au-dessus – au-dedans – silencieux…

La liberté – le voyage de chacun…

Rien – à la marge de nous-même(s)…

Centre et apparentes périphéries – simultanément…

 

 

Encore quelques cris dans nos rêves et de la brusquerie dans nos gestes…

Le sacré parfois plus haut que la vie – et tous les immondices sous le séant…

Le regard commun sur l’existence la plus triviale – toujours intact(s)…

 

 

Les doigts rugueux des Autres – entassant la terre – amoncelant les choses et les visages – confiant, à leur insu, leur origine et leur ambition – insensibles à l’élégance des âmes…

Des seaux de poussière ; des amas à notre mesure…

 

 

Au cœur des jardins – des ombres et des mensonges ; l’étrange monotonie des rêves – et ceux qui marchent les yeux fermés et les mains tendues devant eux – raides – rigides – craintifs – sans cœur – qui tournent dans le même cercle – affreusement minuscule – et qui arborent sur leurs lèvres minces (et pincées) le sourire fier des voyageurs – de ceux qui explorent l’inconnu et affrontent tous les dangers…

 

 

De l’eau – en étendue – et le sang vertical – comme le vent qui contourne le silence en laissant traîner sur la surface du monde une main faussement amoureuse…

Nous – et notre soif – sans espérance – sous cette voûte parsemée de vestiges très anciens ; un désert – en vérité – où les adieux n’émeuvent que les âmes – les yeux – les poitrines – sensibles – tristes – larmoyants – secoués de spasmes ; l’être (tout entier) tremblotant…

 

 

Nous – dans cette fièvre un peu folle – et cette immense tendresse – face à l’océan – au ciel – aux arbres – aux bêtes – aux solitudes maladives et angoissées…

Rien à la ceinture – un peu d’innocence – seulement – avec quelques restes d’orgueil peut-être – les voiles du voyage et ceux qui masquent les yeux et le visage – passablement entamés – fragilisés – presque sur le point de se déchirer…

A deux doigts de la lumière et de l’immobilité – sans doute…

 

*

 

Libre et apaisé – affranchi du sang – malgré les apparences ; les battements du cœur réguliers…

La nuque encore un peu raide – parfois – et le cri – au fond de la poitrine – toujours prêt à monter jusqu’aux lèvres…

Vieillissant – bien sûr – comment la chair pourrait-elle y échapper…

Devant la mort – la bouche grande ouverte…

Un léger sourire sur quelques restes de sommeil – et un reliquat de rêve aussi…

La main plus légère – alignée sur l’âme – avec la même intention – la même direction – celles qui s’imposent – qui se substituent à la volonté…

Quelques notes quotidiennes – autant que de pas ; manière de faire vibrer – et de faire entendre – la résonance…

Nous – heureux – dans la solitude (inévitable) de cette rive déserte – l’eau fraîche et la gorge claire – comme la joie – au seuil du silence et de la lumière…

 

 

Le feu qui encercle notre vieille douleur…

Des taches de sang – un peu de ciel – sur les bras – comme notre peine ; la seule besogne – le seul stigmate – que les Autres peuvent nous abandonner…

Réparer – récurer – entretenir – alors qu’il faudrait incendier et creuser le sol sur lequel gesticulent nos mains laborieuses…

Déchirer les voiles au lieu de s’enivrer – jusqu’à la folie – de cette félicité illusoire – mensongère – fabriquée avec mille artifices (et l’odieuse complaisance de la psyché)…

Oublier l’abondance pour se tourner – l’âme nue – le cœur innocent – vers le soleil…

Se défaire des bruits de la tête – se rapprocher de ce qui nous traverse – de ce qui nous arrive – de ce qui nous habite…

Oublier le monde et le temps – les labours et les affaires…

Se blottir contre l’immensité – et attendre…

Vivre au rythme des saisons et des instincts les plus naturels – de manière spontanée…

Et, ensuite – peut-être – pourquoi pas – ne plus jamais craindre d’être qualifié(s) d’être(s) humain(s)…

 

 

Ce qu’imposent les circonstances…

Le vent – le silence – le vertige de toute existence…

Du sang – quelques pas – des adieux…

Le jardin des douleurs – immense – intime – regorgeant…

La route jalonnée de tombes et de cris…

L’après – jamais découvert – jamais exploré – inexplorable – comme des heures trop lointaines – insaisissables – fantasmagoriques – irréelles…

 

 

L’instant – l’hiver – ce que l’on se dispute…

Ce qui est là – ce que nous fuyons – à demeure…

 

 

La chevelure du silence entrevue – parmi les songes – au-dedans d’eux parfois – comme une longue crinière qui se mêle aux événements et aux bruits du monde – dédaigneuse des bras qui se jettent vers elle – des têtes amoureuses qui aimeraient l’aduler trop abstraitement – toutes les formes de tendresse extérieure…

De l’intérieur – l’océan – seulement…

Ce vers quoi devraient se tourner toutes les âmes sensibles à la désespérance – à la vérité…

Jamais ailleurs – ce qui s’ouvre – en nous – comme une grotte – comme une chance ; la solitude couronnée sur laquelle nous pourrions nous tenir debout – heureux et humble(s) – docile(s) et souverain(s)…

 

 

Rien qu’une voix sur la pierre – solitaire – comme le reste – à la manière des rois – ce que devinent, peut-être, les Autres – tous ceux qui nous regardent de travers – nous qui sommes mal attifé(s) – les habits sales et usés – les cheveux hirsutes – et ce feu sous le front – invisible – rayonnant – refusant toutes les formes d’illusion (et les honneurs fastueux et ridicules) des rivages sur lesquels les hommes vivent (depuis toujours) sous l’emprise des apparences…

 

 

Nous – avec au-dedans comme de l’or qui se mêle, à notre insu, au souffle et au sang…

Anonyme(s) – jamais insistant(s) – fragment (peut-être – réellement) vivant de la vérité…

 

*

 

Bordures noires – et au-delà – ce bleu immense – intime – (encore) inaccessible…

La vérité – en deçà – vers le plus bas – au cœur du plus fragile assumé – malgré soi – là où l’on n’a plus la force ni de parler – ni de se prendre pour quelqu’un – et, moins encore, de défendre la moindre cause – la moindre idée – là où le feu et le silence agissent à notre place dans la spontanéité des flammes et de l’espace – à l’instant où l’esprit s’aligne sur l’évanescente vérité de ce qui advient…

 

 

Brisé – le dedans balayé de ses embarras…

Suffisamment vide pour que l’Amour prenne ses aises – devienne souverain – impose ses règles afin que tout soit accueilli – embrassé – étreint – aimé enfin pour ce qu’il est – sans la moindre condition…

Nous – devenant attentif(s) – sensible(s) et tendre(s)…

Sur les épaules de Dieu – dans notre âme et notre main…

 

 

Le désert…

Devant la lumière…

Le monde – indéfini – comme une masse vague et informe – quelque chose entre le rêve et la matière magmatique…

 

 

Nous – impatient(s) depuis le premier jour – courant, sans cesse, après l’imprévisible – après l’insaisissable…

Avec, dans la voix, des tremblements…

Et l’hiver qui gagne le monde – à l’intérieur…

Proche du sol – les pieds sur la pierre…

Et ce front qui rêve de jour et de lumière…

L’âme dans la nuit et la fange…

Vivant(s) – comme si l’Amour était la dernière chose à laquelle nous pourrions penser…

 

 

Le vent – implacable – parfait – sans reproche – qui œuvre aux avant-postes du ciel – dans toutes les tranchées de la terre – qui frappe les têtes (toutes les têtes) postées en première ligne ; ouvrier de la lumière – du silence et des profondeurs inexplorées – qui chasse le noir et les couleurs pour rendre au monde – aux ombres – aux choses – aux âmes – aux gestes – leur parfaite transparence…

 

 

Lorsque la mort emporte l’insistance des flammes…

Le départ comme une course sans applaudissement…

Au cœur des saisons qui passent – le temps – la vie fragile – cette matière (si) provisoire…

Le corps dans son tégument de planches et l’esprit au-dedans – au-dessus – ailleurs – allant là où l’attraction reste tenace – poursuivant son voyage…

Cet étrange itinéraire – de la lumière vers la lumière – et cet entre-deux des ténèbres – comme un rêve – peut-être…

 

 

L’homme – sans lumière – sans chaleur – dont le feu a lentement dérivé vers des ambitions contingentes – instinctives – subalternes…

L’existence – le cœur et la tête à l’envers – en somme…

 

 

Cette étrange chaîne qui nous relie ; des fils d’or – mille liens – tissés entre nos vies – entre nos plaies ; des douleurs et des cicatrices en commun…

Et – à tout instant – la possibilité de se hisser au-dessus du monde – d’échapper à l’emprise des Autres – de la matière – de cette geôle qui (presque) jamais ne dit son nom…

Et l’orgueil des choses à résister – à persévérer – à renaître – comme un acharnement involontaire – la nature même de ce qui existe ; cette insistance – cette ardeur tenace dont tout est constitué…

Ni reproche – ni injure…

Cette irrésistible obsession à laquelle il faut nous abandonner…

 

 

L’existence terrestre – entre gestes et paroles – quelque chose de vague – d’inconsistant – de presque irréel – dont on fait l’éloge par ignorance d’autres états – par ignorance d’autres perspectives – par habitude – pour sauvegarder les illusions et ne pas sombrer dans la désespérance…

 

 

A notre porte – rien – la même chose qu’à l’intérieur – l’absence de frontière révélée – un regard seulement – peut-être – et ce qui a l’air d’arriver ; qui donc pourrait – sans rire – sans douter – se targuer d’avoir la moindre certitude sur ce que nous sommes – sur ce que nous vivons…

 

*

 

Une âme audacieuse – un ciel intrépide…

Et le courage qui manque aux hommes…

Le désir – le temps, à peine, d’aimer ; et tout se gâte déjà…

 

 

Le désert – en plein jour – la nuit évidée de sa substance – ce qui nourrit les têtes et les ventres – les âmes lasses et pensives – tous les cœurs démunis…

 

 

Parmi le nombre – l’espace – ce qui accueille les ombres ; cette immobilité sensible – vivante ; le sommeil et les cris – l’ignorance et la haine – ceux qui ne savent pas – ceux qui jamais ne daignent pleurer – trembler – ou avoir le moindre geste – la moindre parole – authentiques…

Ce qui nous effraye autant que nos yeux réenchantés sur ce qui passe sans adieu – sans retour possible…

Le monde et les hommes tels que nous les connaissons…

 

 

Le chemin clos – avant de mourir…

Ce que la lumière éclaire – ce que le vent secoue – avec violence parfois – pour qu’éclose la place que nécessitent la tendresse et l’attention…

Peu à peu – nous rapprochant de la source – du lieu sans géographie – de la matrice des astres…

Nous – en plein jour – avec des chants d’oiseaux plein la tête…

La fin d’une longue (d’une très longue) déchirure…

De proche en proche – nous effaçant – devenant ce mystère – cet espace – cette simplicité…

Du feu et de l’Amour – quelque chose de la beauté inexprimable – perceptible seulement à travers le geste et la présence – toutes les choses du monde invisible…

 

6 avril 2021

Carnet n°262 Notes journalières

Traverser les murs – l’horizon – les forces engrangées – se répétant le silence jusqu’à l’obsession – avançant sans jamais se réinventer…

Un monde de sable – très ancien – et qui le restera jusqu’aux (vaines) confidences du très grand âge ; la mort, peut-être, comme ultime frontière…

 

 

D’un bout à l’autre du monde – inconcevable par l’âme – cette distance ridicule – la somme des existences – des amas de chair et de rêves – le mensonge et l’illusion qui coulent à flots – et les fruits de l’ivresse – la médiocrité…

Il suffirait – pourtant – d’un pas pour ouvrir un passage – s’abandonner au courant – faire de l’invisible l’essentiel – la perspective centrale – l’axe autour duquel se réinventerait le quotidien…

 

 

Des épousailles – des découvertes successives – une étendue – en soi – que l’on explore peu à peu…

Rien que du vent – des échanges ; jamais de rencontre – d’intimité ; les surfaces – les peaux – qui se touchent – à peine – de médiocres cabrioles – la chair (très) mollement vibrante ; des âmes – nulle mention – la vie comme si elles n’existaient pas…

 

 

Le passé – comme des milliards de choses oubliées ; en haut – ce qu’il reste ; en dessous – ce qui devra, un jour, être abandonné…

Des profondeurs de plus en plus sombres – obscures – nauséabondes – à mesure que l’on s’enfonce…

Des tempêtes et des errances avant que n’advienne le silence ; la tristesse – la pestilence – le dégoût – comme le gage d’une voie authentique – inauguratrice d’une joie véritable

 

 

Cet attrait des hauteurs et l’attraction de l’abîme – ce qui pousse notre pas et notre âme dans des directions, si souvent, opposées – le ciel de l’un considéré (en général) comme le sous-sol de l’autre – et inversement…

Et nous – tournant et tournant – la tête à l’envers – de haut en bas – puis de bas en haut – à droite et à gauche…

Et cette ignorance qui rêve d’azur – et nos pieds qui glissent sur des sentes que nul ne connaît – qui échappent à toute volonté…

 

 

En nous – entre nous – ce dont nous avons l’air – et tous les au-delà – tous les possibles – ce que nous sommes aussi…

La chaîne glorieuse – discrète – sans triomphe…

 

 

Tant de choses et d’existences amputées – incomplètes – douloureuses – foudroyées…

 

 

Nous – sans brouillon – sans préparation – depuis le premier jour – et antérieurement aussi…

Nous – de répétition en répétition – jamais hors de nous-même(s) – identique(s) quels que soient notre état et notre degré de proximité avec la source…

Mûr(s) – de bout en bout – prêt(s) à toutes les expériences – malgré nous – en dépit des apparences…

 

 

Au fond – en surface – la même essence – avec des textures, parfois, différentes – une sensibilité – un regard – qui se manifestent selon notre position sur l’échelle de la présence…

La vérité – jamais – n’est ailleurs…

 

 

Des cercles – des milliards de cercles…

Des fils et des nœuds – encore plus nombreux…

Ce qui s’impose ; la matière – l’esprit – le vide – le désir et la faim…

Rien – entre nous – à découvrir…

Ce qui est là – ce qui s’éloigne…

L’essentiel du temps – l’absence – parfois le néant…

Notre manière de vivre – de regarder – de tendre la main – de toucher – d’étreindre – de nous abandonner…

Ce qui se révèle naturellement…

Rien de plus simple – en vérité…

 

 

Un espace habité – de l’air respiré…

Un minuscule coin de terre…

De la lumière – parfois…

Ce que l’esprit réclame…

Ce que la bouche proclame…

Ce que la main impose…

Des insanités…

Ce qu’il convient de négliger…

Du silence – de l’intelligence – de l’Amour – toutes les formes imaginables de tendresse et de sensibilité…

 

 

Du vent – ce que l’on est et ce que l’on contemple…

En nous – quelques oiseaux – quelques saisons…

Ce qui – jamais – ne se lasse du monde – des jours…

Des fleurs – du soleil – des habitudes…

Les mêmes couleurs – à la suite du noir…

Le cœur chantant – des lignes radieuses et quotidiennes – oscillantes…

Au fond – tout ce que nous savons réinventer…

 

 

Le regard – et nos mains exonérées de la moindre malice…

L’existence – l’âme – le geste – au cœur du mystère qui – jamais – ne craint de se dévoiler…

 

 

A la jonction du monde et des circonstances – dans le périmètre parfois des urgences – parfois des inerties – le dos courbé – chargé du poids des Autres – l’esprit docile – l’âme enracinée ; tout notre être voué à sa cause – et à travers elle – à l’inconnu dont chacun est – et dessine – un infime fragment – une portion minuscule du contour général (incroyablement fluctuant)…

Ainsi domine l’invisible – ainsi nous impose-t-il nos gestes – une suite d’actes – quelques rêves – dont nous ne serons jamais maîtres – comme une invitation permanente à la posture ancillaire – sans autre contrepartie que la joie et la liberté (véritables) – cette obéissance pleinement acquiesçante à ce qui s’impose – source de la plus haute satisfaction terrestre accessible à l’homme…

 

 

Au bord du déséquilibre – dans l’asymétrie des forces contraires – sur un sentier qu’ont choisi les circonstances…

Des pentes – des courbes – toute la perfection du monde…

Comme l’eau – ce qui coule vers son origine…

Toujours – à un stade du cycle – changeant…

D’une manière ou d’une autre – très proche de la beauté du jour…

 

 

Au seuil du ciel – à chaque instant…

Exilé du monde…

Chair et esprit…

Regard clair – sans pensée…

Au cœur – au centre – pénétré(s) de toutes les apparences…

Du feu et du vide – originels…

 

 

Les uns dans les autres – jusqu’à la découverte du secret…

Hors de nous – trop fréquemment…

Nos alliances – notre sourire…

Ce qui favorise le désengagement et l’innocence – un regard – sans hypothèque – sans condition…

 

 

Ce qui s’envole…

Du sol boueux au ciel sans image…

Entre – des fleurs – des arbres – des bêtes – des hommes…

Des tribus et des civilisations – le socle de tous les ensembles…

La perspective de tous les horizons labyrinthiques…

Ce que nous réalisons – de la tête aux pieds – puis, ce qui a lieu – véritablement – ce qui fait suite à l’élan initial…

 

 

Entre le désert et le temple – moins qu’un souffle – moins qu’un pas – à peine un regard – un infime degré de différence dans la présence – moins d’un barreau sur l’échelle de la proximité…

 

 

En nous – le centre – le plus sensible – ce qui mérite (réellement) de demeurer l’axe central – ou de le devenir pour ceux (tous ceux) qui lui ont substitué leur visage – leurs désirs – ce qu’ils imaginent nécessaire et déterminant pour échapper à l’indigence – à la tristesse – à l’infortune – à l’inévitable pauvreté de l’existence terrestre…

 

 

Au centre – ce qui est là – les pierres et le ciel – ce qui se dessine (très) provisoirement…

Les circonstances qui nous imposent d’abord d’apprendre à devenir un regard ; la besogne du spectateur – du témoin – ce qui contemple ce qui advient – ce qui naît – ce qui passe – ce qui disparaît – la condition préalable (si l’on peut dire) à l’ouverture et à la transformation (perceptives) – puis, le cœur aimant et les bras ouverts – l’âme et le geste nécessaire – puis, (enfin) ce qui est – l’ensemble de l’Existant (sans la moindre discrimination)…

Notre présence comme la seule réponse possible – véritable – vivable – vivante – capable, peu à peu, de guérir le monde…

 

 

Au-delà du regard – au-delà du ciel – qui sait si cela nous concerne…

Qu’y a-t-il hors de soi…

Est-il raisonnable d’alimenter l’imaginaire – de bâtir des mondes sur le socle de la pensée…

Vivre ici – sans autre entourage que l’invisible et l’apparent – tous deux perceptibles à leur manière…

 

 

Complice(s) de tous les crimes – de toutes les inventions – de cette marche inéluctable de la terre vers le plus lointain – de cette contraction provisoire de l’espace – de cette privation temporaire du soleil ; notre séparation – cette rupture radicale avec l’origine et le plus naturel – le langage comme simple outil de propagande et de séduction…

L’abîme plutôt que la métaphysique et la connaissance…

Les choses plutôt que la curiosité et l’interrogation…

L’assouvissement de la faim plutôt que le silence et la guérison…

Tous les défauts et tous les manquements de l’homme – sur la voie royale de l’exil et de l’exclusion…

A distance – comme un éloignement inexorable du centre – du plus sacré – du Divin – de cette perspective de tendresse – hautement nécessaire – hautement contagieuse – qui redonne au regard et aux choses leur beauté et leur liberté – originelles – inaliénables…

 

 

Au-dedans du monde qui se perd – sans même le savoir…

A travers cette force insoupçonnée – la source et le sourire – tournés vers ce qui se rapproche…

 

 

Comme un chant – un destin – un voyage – une vocation – la joie à l’œuvre – sans doute…

Notre marche (éreintante parfois) sur la pierre…

Puis, peu à peu, plus rien du champ de bataille…

Un peu de neige et un reliquat de temps…

Ce qui initie l’élan – ce qui va à son terme…

Le pacte scellé au fond de l’âme et la main nue…

 

 

Personne – devant soi ; le passé – derrière – oublié…

Seul – dans la main de la tendresse – un peu de chaleur – un peu de douceur – un peu de bonté ; ce dont nous avons besoin pour vivre hors du monde – exilé de tous les horizons – affranchi de toutes les perspectives – des petites affaires et des petites histoires des hommes…

 

 

Vivant – un oiseau dans la poitrine – libre d’aller dans le plein ciel – au-dedans – de chanter – de voler – d’offrir son allégresse ou sa folie – de s’exiler en son centre – de disparaître à jamais…

En un instant – en nous – l’espace qui s’ouvre – que nous devenons – ensemble ; un peu de fumée – quelques tourbillons d’air – dans l’immensité bleue – notre cœur non projeté au-dehors – ce qui nous arrive aux uns et aux autres – ce qui émeut et rapproche nos individualités ; la distance et la tendresse que fait naître la longue suite des circonstances ; la beauté de l’expérience terrestre…

 

 

Dans la confiance du jour et du silence…

Dans les bras de la solitude et de la lumière…

La joie vissée au cœur – comme un mécanisme d’horlogerie – dégagé de la durée et du temps ; à sa place – à notre place – naturelles…

 

 

Tous les mondes parallèles – réunis – pour célébrer l’Amour naissant…

La terre honorée par notre présence – et inversement…

L’humilité du geste et du regard…

Le lieu de tous les possibles – libéré…

L’infini déguisé – comme le seul recommencement possible…

 

 

L’Amour visible – présent – invisible – apparemment absent – qu’importe ce que nous privilégions – le silence et la possibilité de la rencontre comme les seules permanences – l’espace de tous les enjeux – infimes et primordiaux…

 

 

L’alignement des astres – ce qui rapproche les cœurs – les pauvretés – toutes les fraternités possibles – notre proximité avec les choses – la plus haute intimité avec le monde – la matière – le silence ; ainsi vivons-nous – dans le discernement du mystère et du sommeil – et dans la tendresse qui les relie – qui pardonne leur profondeur et leur dévoiement – tout ce qui creuse la distance (apparente) qui les sépare…

 

 

Parfois – nous rêvons d’une joie et d’un labyrinthe – si éloignés l’un de l’autre – qu’ils semblent inhabitables simultanément…

Et – pourtant – nous sommes la terre et l’allégresse – ensemble ; et – pourtant – nous pouvons vivre le silence et la faim au même instant…

 

 

Ce qui se tourne vers nous – d’abord un visage – quelques Autres parfois – puis, un jour, peu à peu, l’Amour tant espéré – ce nous-même(s) – ce regard sans nom – impersonnel – cet espace – cette perspective – cette dimension – cette intensité – que nous avons cherché(e) partout – depuis que nous avons ouvert les yeux…

Comme un soleil qui se tourne vers nous – le monde agenouillé – l’aube apprivoisée – la joie comme un surcroît de vie – et la terre – et la chair – incroyablement sensibles – vivantes – tremblantes d’émotion…

 

 

De l’automne vers l’hiver – de plus en plus serein et solitaire – insouciant – insoucieux des choses du monde – au plus près de l’élémentaire naturel – ce qui est sans autre promesse que ce qu’il offre à l’instant où il se présente à nous…

Le silence comme seul horizon…

Et la gratitude scellée au fond du geste – au fond du cœur…

L’aube – ce qu’aucune nuit – jamais – ne pourra faire disparaître…

 

 

Le cœur semblable – dans le même frisson…

Ce qui rapproche – ce qui égare…

Le poids anticipé des choses – ce qu’il faut traîner derrière soi – ce qu’il faut porter sur son dos – ce qui encombre l’âme et le pas…

Soudain fissuré pour laisser entrer un peu de lumière – cet éclat préalable à l’Amour – le seul remède possible – véritable – ce dont nous avons tous besoin – sans exception…

Nulle autre alliance – nulle autre consigne – ne sont nécessaires…

 

 

Devant nos yeux – le monde insatiable – indifférent à notre fouille – à nos recherches – à notre témoignage ; l’annonce d’une autre destination que le tour récurrent de la terre – nos territoires – nos habitudes ; la découverte, puis l’exploration du mystère – cet espace – ce silence qui nous habite…

 

 

Le jour – parfois – la confiance et la lumière – qu’importe les paysages du monde pourvu que l’espace – en l’âme – respire – soit vivant…

 

 

Dans le silence somptueux qui défie les âges – l’apparente consistance du temps…

 

 

Le bleu qui émerge – à l’intérieur…

Comme un espace vivant – qui respire…

Une main – une âme – lumineuses…

Quelque chose fait pour aimer – étreindre – embrasser…

L’irruption inespérée de cette tendresse – en nous – sur la terre – dans nos gestes – la moindre relation…

Cette intensité – cette intimité – amoureuses – avec les visages et les choses du monde…

Notre cœur silencieux – liquéfié – qui répand – partout – sa précieuse substance – là où les yeux se posent – là où les pas nous mènent…

Tous les pays – tous les chemins – propices à l’émergence – et au règne – de l’Amour…

 

 

Salutations sans manigance – du bleu au bleu – à travers la chair innocente – apaisée – (entièrement) pardonnable…

Le silence coloré – un peu de lumière sur nos blessures – ce que l’on offre à ce qui a toujours été, plus ou moins, oublié ou relégué…

Ni prêche – ni utopie – ce dont le geste est capable – cette présence – à travers soi…

 

 

Rien que l’air – parfois – le vide et l’inconsistance – sans la moindre profondeur…

Ce que l’on étale ; ce qui se dissipera avec un peu de conscience…

 

 

Sans saisie – sans rumination – le premier élan qui jamais ne se répète…

La durée – parfois – sans que la fatigue et l’ennui ne puissent s’installer…

 

 

Rien à pourchasser – nul besoin de voyage ; la course du soleil devant nos yeux – au-dedans de l’espace – en nous – non comme un rêve – non comme un impératif extérieur – mais comme une offrande – d’un ciel à l’autre – au même titre que le silence – sans jamais tarir – sans jamais restreindre – son intensité ; une lumière ininterrompue – sans éclipse possible…

Un regard incapable de s’absenter – habité ou non – dépeuplé ou non – présent – quoi qu’il advienne…

 

 

A l’instant – en cette heure incertaine – en ce jour éventuel – en cette existence à peine probable – hypothétique (seulement) – à la manière d’une image vivante – ou plutôt à laquelle on aurait donné vie artificiellement…

Discret – sans prétention – naturellement…

De passage – sans assurance – tout simplement…

 

 

A vivre – comme si nous pouvions nous installer – sans interrogation – jusqu’à la mort…

Là – parmi les racines – dernière pousse de la généalogie – mais sans la sève nécessaire pour dépasser le feuillage – l’horizon dessiné par nos ancêtres – comme emprisonnés dans les contours du périmètre déjà tracé…

 

 

Au cœur des forêts – la solitude – l’existence sans compagnie…

Arbres – pierres – chemins – et les bêtes – comme seul entourage…

Notre communauté de joie et d’instincts – informelle – aux marges de la société des hommes…

Distincts et solidaires – reliés par les forces de l’invisible…

Mains sur l’écorce – pieds dans la terre – cheveux dans les feuillages ou les fougères – la tête parmi les cimes…

Sur la peau – le même vent que celui des hauteurs ; et dans le cou – l’haleine des quadrupèdes et le souffle des Dieux…

En ces collines – notre royaume…

 

 

 

L’esprit – comme une étendue désertique – la nuit alentour peut-être – parfois – éclairée jusqu’aux ultimes confins – jusqu’aux plus lointaines profondeurs ; le même éclat qu’au faîte de la lumière ; l’eau claire – transparente – qui coule sur les âmes et le sommeil – vivifiant sur son passage ce qui a trop longtemps été abandonné aux habitudes – à la torpeur – à cette pesanteur non originelle – façonnée par des siècles – des millénaires – d’accumulations et d’entassements – tous les embarras du monde collectés qui reléguèrent, peu à peu, les vivants au fond d’un abîme de choses – de tourments et de malheurs – devenu, à l’insu de toutes les volontés, la trame substitutive de l’espace désert originel – la source de tous les tracas – de toutes les malédictions – qui donnèrent à nos vies cette terrifiante gravité…

 

 

L’air impassible – comme le fleuve – malgré nos frasques secrètes – qui creusent – qui sculptent les rivages – la terre…

Le regard vertical – comme un passage – le seul sans doute…

Ce qui demeure lorsque vient le jour…

 

 

Tout en bas – là où il fait noir – là où le vent cingle – là où personne ne veut aller – là où aucun homme – aucune bête – ne peut vivre décemment – durablement – là où il nous faut pourtant demeurer le temps nécessaire – comme une plongée – une chute jusqu’au fond de l’abîme – jusqu’à la (presque) totale asphyxie – la mue de l’âme – la perte de l’ancienne peau intérieure – avant la renaissance – la légèreté – la nudité – l’envol peut-être…

 

 

Le vent – l’oiseau – ce qui est apte à franchir…

Ni arbre – ni montagne – l’air sans aspérité…

Ce qui porte – ce qui creuse – son refuge – en lui-même – en plein mouvement…

 

 

Des grilles horizontales – ce qui ampute la vue – ce qui borne l’esprit – le monde tel qu’il nous apparaît…

La vie chargée – effrayante – l’abri au fond duquel on croit pouvoir vivre en paix – au fond duquel on s’imagine protégé – cette part (dérisoire) du dehors que l’on a intériorisée – ce fragment extérieur que l’on s’est approprié – comme un accaparement – une manière de se sentir (faussement) rassuré au milieu du monde – à l’étroit (presque toujours) dans cet infime périmètre…

Des grilles horizontales et des barbelés – puis, un jour, la mort par asphyxie – dans un long (très long) étouffement – ou, trop rarement, dans un sursaut désespéré, l’enjambement – l’exil et la liberté…

 

 

Nous – obstiné(s) jusqu’à l’acharnement – parce que incroyablement fragile(s) – sans doute…

 

 

Le vivant dilapidé – comme une poignée de possibilités jetées sur le sol – à l’instar des fourmis ailées qui s’élancent dans les airs – avec des pertes massives – peu (très peu) de survivantes dans le cheptel…

 

 

Parfois le pas – parfois la main…

La solitude de l’âme dans son labyrinthe imaginaire – comme une pure invention – parmi les Autres – les tourments – sans interrogation…

 

 

Le monde qui nous agrafe sur le front des étiquettes – en nous subtilisant les identités les plus utiles – les plus prometteuses…

Ce chant – nos paroles – originaire(s) de la source – né(es) de cette proximité immédiate avec Dieu – la terre – le silence…

Une voie directe – sans détour – sans questionnement – dans le sens de la pente où s’écoulent toutes les eaux – nos retrouvailles – jusqu’à la circulation illusoire des formes et du temps – le chimérique voyage que nous inventons – cette étrange aventure à laquelle nous croyons participer…

Ni périple – ni déroulement – l’alternance (nécessaire) entre le sol et la feuille – entre le verbe et le silence – à l’exacte jointure de l’être et de l’homme – au cœur du Dieu bicéphale – lui en nous et nous en lui – et ce qu’il faut de sagesse et d’insolence pour nous tenir aux confins de la terre et de l’infini – au-delà du périmètre autorisé – au-delà de tous les interdits – là où il est possible de nous rencontrer – de nous retrouver – d’être (enfin) un peu plus que ce que l’on nous avait promis…

 

 

De la différence, si souvent, infime…

Très semblables – en réalité – presque identiques – si comparables que l’on pourrait aisément nous confondre…

La même apparence – la même texture – la même histoire – à quelques détails près – insignifiants…

Soumis aux mêmes lois terrestres…

Jamais de quoi s’enorgueillir…

 

 

Parfois – devant – comme au retour d’un voyage ; parfois – derrière – lorsque nous nous ébrouons ensemble ; parfois seul – sans nous – dans la compagnie des hommes les plus sages ; parfois absent – lorsque les rêves prennent (insidieusement) le pas sur le réel…

Tous ces (précieux) instants où affleure l’éternité…

 

 

A chaque passage – l’absence – puis, à terme, la disparition…

Ce qui naît – toujours – à notre insu…

Formes et phénomènes – insoucieux du décor et du degré de conscience – de ce qui est là – de ce qui contemple (de ce qui est censé contempler) – parfois témoin – parfois aveugle et obturé…

Des choses qui passent – ce qui est plutôt que rien – malgré le vide ambiant – la prédominance du vent dans l’espace – la béance qui s’ignore – puis, de temps à autre, des intervalles habités qui relèguent l’absence au néant…

De petits miracles – qui, mis bout à bout, forment des vies – des rêves – notre voyage – plus ou moins pourvu(e)(s) du désir d’être là – réellement…

 

 

Les jours qui passent – comme les nuages – dans notre ciel dépeuplé – si souvent…

Ceux qui savent devinent, derrière l’immobilité, le visage de Dieu – l’invincible – l’irrésistible – tendresse à laquelle nous aspirons tous – ce qui nous habite – ce qui nous entoure ; nous-même(s) au cœur ; notre royaume et notre règne – à l’intérieur…

6 avril 2021

Carnet n°261 Notes journalières

Des jours – sans surprise – seul – sans rien attendre…

Des signes – quelques signes – sur la page…

Des gestes – des pas – ce qu’exige le quotidien…

Des pierres – des arbres – l’extrême simplicité des lieux – du monde…

Ce que l’on rencontre – ce qui s’impose…

Et ce sourire au-dessus des affaires et des choses…

 

 

Des fragments de vie – de parole – de vérité – peut-être – sans fin…

Ni avant – ni après – aussi loin que se pose la main – jamais davantage…

Des bouts – à la suite les uns des autres – sans ordre apparent – sans nécessité de cohérence…

Ce qui s’invite…

Ainsi tout se réalise…

 

 

Ni moins bon – ni meilleur – ni en avant – ni en arrière – affranchi du temps…

Au cœur de cette étrange obéissance

L’espace – les choses – l’oubli – la joie…

Ce qui revient – ce qui doit revenir…

Ce qui s’efface – ce qui doit s’effacer…

Rien de volontaire – au-dedans – au-dehors – cette fidélité à l’exigence – ce que l’on ne peut éviter – ce à quoi l’on ne peut résister…

Des circonstances sans réserve – portées – accueillies – sans soutien – sans détour…

 

 

Un souffle – des élans – le cycle et la fréquence – la force et l’extinction…

Nous – dans la matière – coloré(s) – voué(s) à nos affaires – à ce pour quoi l’on est fait – (très) provisoirement…

Le monde – l’œil – le constat…

Ce qui arrive – ce qui a lieu…

Ce qui se déroule – ce qui se déploie…

Ce qui s’éteint – ce qui s’efface – ce qui s’en va…

Tout – parfaitement lisse – presque mécanique – même les mots et les émotions…

Des éléments intégrés à tous les circuits – à tous les programmes – simultanés – successifs…

Le monde – comme une implacable – une irréprochable – machinerie…

 

 

Un peu d’épaisseur – des limites – l’apparence d’un visage – d’une existence ; une vague consistance – ce qui nous ressemble ; ce qui s’avère un obstacle – en vérité…

 

 

Devant nous – attentif – rien – des ombres – du vent – des murs…

Des mouvements – une attente (qui jamais ne dit son nom) ; de l’indigence – en réalité…

 

 

La foulée régulière – ininterrompue – sans accident – sur tous les terrains…

L’évidence d’une direction – une sorte d’habitude – d’hérésie (sans doute) ; ce que l’on s’offre à bon compte – avec tapage – avec fierté – dans une forme absurde de contentement ; la même erreur – continuellement répétée…

Puis, un jour – peu à peu – le contraire ; la discrétion – l’humilité – l’incertitude – l’errance acquiesçante ; le pas présent – les haltes – les chemins aux allures de fausses impasses – l’inachèvement – l’impossibilité quotidienne…

Le vide – le rien – qui s’apprivoisent…

 

 

Debout – sans attente – sans angoisse – l’élan qui naît ; notre parfaite obéissance…

Rien d’insurmontable – bien sûr…

 

 

Vivant – sans souvenir – sans personne…

Respirant dans les interstices abandonnés par le monde – un espace voué aux retrouvailles et à la reconnaissance…

 

 

L’instant intense de l’intimité – inlassablement répété – la seule possibilité – le seul temps que nous puissions vivre ; cette respiration naturelle – large et profonde – du sous-sol au ciel – à l’envergure incomparable…

Ce qui – inéluctablement – s’accroît – en nous ; ce qui retrouve son état originel – vierge – non souillé – non amputé ; ce que nous sommes sans le monde – ce que nous sommes avec le monde – à notre insu – malgré les apparences…

 

 

L’immobilité et l’inachèvement – notre apparent paradoxe ; nous rejoindre et poursuivre – tourner autour – jusqu’au centre – puis, nous abandonner aux forces centrifuges qui nous éloignent – inexorablement – naturellement – puis, revenir encore – indéfiniment – comme une étrange oscillation – un incessant va-et-vient – la matière sur son orbite ; et au-dessus – au-dedans – le silence qui acquiesce à tous les mouvements…

 

 

Un jour – ici – un autre – là – tantôt avec un visage – tantôt sans le moindre signe de distinction – comme un fragment – un minuscule échantillon de matière – un élément infime et indissociable du puzzle – un peu d’espace dans le vide – tantôt radieux – souriant – tantôt rageur – désespéré – tantôt proche – tantôt éloigné…

Ainsi nous transformons-nous – ainsi tournons-nous – sans cesse – en nous-même(s) ; l’attrait de la périphérie pour son centre et l’Amour du centre pour sa périphérie – l’un et l’autre – l’un dans l’autre – simultanément – inversement – perpétuellement…

Dieu jouant avec lui-même – l’oubliant – feignant de l’oublier – puis, s’en rappelant…

Et nous autres – englués – chamboulés – égarés – étourdis par notre propre vertige – tournoyant (inlassablement) dans les mille tourbillons du monde…

Le chantier du réel – à la fois brouillon apparent et parfaite copie – inachevable(s) et déjà achevé(s)…

 

 

Toutes nos forces – contre la butée ; ce qui cède – ce qui résiste – la nécessité et l’impérative ténacité des contraires…

Notre pente – sans véritable avenir…

Ça penche – ça glisse – ça cherche un équilibre qui se trouve – en lui-même – comme le résultat incroyablement provisoire de toutes les puissances à l’œuvre…

Du blanc – du noir…

Du bruit – du silence…

Tous les mélanges – tout les mélange…

Rien qu’une pierre – un regard qui se cherche – une origine et toutes les tournures du monde – toutes les combinaisons possibles…

Les innovations et les reliquats – la répétition du cycle – des cycles…

Et ce qu’il reste – triste – dans nos mains – dans nos bras – et qu’il faudrait, sans doute, accoler au cœur…

 

 

Devenir l’origine – ce qui libère l’homme – ce qui, sans doute, le rendrait (bien) plus humain…

 

 

La blancheur et l’innocence – comme la victoire (prévisible) de la capitulation…

Des murs – des parois – des obstacles – des chausse-trappes d’épouvantail – en vérité ; l’illusion d’une consistance – un véritable décor en carton-pâte ; et nous – de la chair pour rire – elle qui, si souvent, nous impose ses lois – ses faiblesses – ses carences – ses besoins ; vivre avec la souffrance comme couronne…

Tout a si peu d’importance – un jeu dont il est inutile de précipiter ou de retarder la fin (apparente)…

Nous – le monde – la vie – sans raison d’être – comme des évidences incertaines – si provisoires – dans les mains surprenantes de l’inconnu…

Tout – à la merci de tout – et, si possible, la gratitude en plus – les yeux émerveillés malgré l’aveuglement…

Le temps – pour rien – comme un obstacle trop souvent déguisé en promesse – entre l’origine et nous…

Sera-t-il, un jour, possible de comprendre – de faire comprendre…

 

 

Les circonstances – comme autant de fenêtres et d’escaliers vers les hauteurs – les profondeurs – l’élargissement – l’envergure du regard – la pointe de la sensibilité – ce qui est nécessaire pour vivre au-delà des représentations humaines – au-delà de l’image de l’homme…

 

 

Comme une force irrépressible vers l’éloignement et l’exil – nécessaire pour ouvrir un passage – nous défaire de ce qui obstrue – pour enjamber le monde – ce qui nous embarrasse – vers le franchissement de toutes nos entraves – leur effritement progressif – en réalité ; l’éboulis de l’inerte dans le vide…

Et peut-être – et bientôt – et soudain – le visage de la fragilité auréolé de puissance…

 

 

D’un côté – les mouvements – l’effervescence – les cabrioles – la débandade parfois – et de l’autre – l’immobilité – le silence – la sagesse peut-être ; et nous – au milieu – les pieds rivés sur les deux rives – s’inversant parfois – se mélangeant souvent – nous imposant leurs exigences (presque) toujours…

 

 

Ce qui se transpose dans la lumière – la même chose – plus ou moins – avec un surcroît de joie…

Nous – libéré(s) du fardeau du monde – de l’homme – du temps…

A présent – ce qui se présente – seulement…

Une chose après l’autre – pas davantage – pas d’amassement – pas de pourrissement…

Le tranchant aiguisé – implacable – de l’oubli…

Ce qui advient – l’accueil – ce qui s’éprouve – le geste à accomplir (s’il y a lieu) et l’effacement – et le vide, à nouveau, prêt à accueillir ce qui adviendra peut-être (si cela advient)…

Pas de désir – pas de recherche – pas de projet – pas d’attente – pas de lourdeur ; aucun choix – ce qui s’impose ; ce qui arrive – seulement – ce qui passe…

La vie simple – simplifiée – l’âme et le regard intenses – vibrants – sereins – joyeux…

Instant après instant – jour après jour – année après année – si dure le temps – peut-être – sans résistance – acquiesçant…

L’étendue – le vide – l’accueil – l’oubli…

Ainsi se vit – à présent – l’existence…

 

 

On n’échappe à rien – on ne se heurte à rien – on ne refuse rien de ce qui s’offre…

Les choses glissent comme de l’eau sans charge – devenant, peu à peu, inertes – et s’immobilisant – et disparaissant lorsque s’éteint leur mouvement…

Le ciel – du souffle – des élans…

L’incertitude – le soleil et la joie…

Le monde des objets – sans poids…

Les soucis – les lourdeurs – lorsqu’ils adviennent – un instant – le temps d’attirer l’attention – de faire un tour – quelques tours – de faire naître quelques grimaces – quelques simagrées – dans leur coin – accueillis et regardés un à un – étreints – embrassés – aimés – comme il se doit – et qui disparaissent – comme un peu de fatigue dans la lumière…

 

 

Le geste intérieur – juste – sans croyance – où les choses et l’esprit s’alignent – s’emboîtent – trouvent leur place provisoire – circonstancielle – avant de retrouver le vide où tout se fond – où tout se mélange de nouveau – jusqu’au prochain événement – jusqu’à la prochaine recombinaison nécessaire…

 

 

Le souffle – le ciel…

Le pied à l’étrier…

Comme la sensation d’une transformation permanente…

Des choses qui s’attardent – parfois – comme des affaires – des histoires – non réglées – et qui demandent à l’être – et l’attention – l’accueil et la tendresse – indispensables pour qu’elles le soient…

 

 

La marche – comme une errance princière – sans la moindre certitude – bien sûr ; le réel et l’inconnu à bras-le-corps…

Sans poids – l’âme resserrée sur ce qu’elle porte – l’essentiel – sans volonté de durer plus que nécessaire…

 

 

Au cœur de la solitude – plus loin que les apparences – au-delà, peut-être, des premières profondeurs…

Le plein engagement de l’être dans le geste et la parole – ce qui compte – réellement…

La vérité vivante de l’instant…

 

 

Ni fuite – ni résistance ; être ce que l’on est – ce qui nous traverse (très) provisoirement…

Hors du temps – le rire et la légèreté – la joie – l’absence de crainte – de préoccupation – d’activité – sans tourment…

Être là – simplement – humble – discret – sans exigence – sans prétention…

A sa place – celle du dedans et celle du dehors – parfaitement alignées…

Ce qu’il reste – pas grand-chose – à peu près rien…

Le son d’une cloche au loin – à l’intérieur – peut-être…

De l’énergie – en soi – prête à l’usage – dédiée à ce qui viendra – à ce qui s’imposera avec force – naturel – nécessité…

 

 

Ce que l’on aurait tendance à croire – le cycle des apparences ; dans les yeux – la déception du voyage – quelques jours – à peine un séjour – un chemin qui n’en a que le nom – ni Dieu – ni rencontre – ni âme – ni visage – véritables – quelques caresses (des attouchements plutôt) – quelques paroles – de vagues sons que l’on grommelle – sans intimité – à distance les uns des autres – mais pas assez éloignés, cependant, pour éviter les conflits – les querelles – les affrontements…

En surface – l’ignominie et l’espérance…

En profondeur – il faudrait chercher – creuser davantage – mais si peu en ont la force – si peu disposent du souffle nécessaire…

L’usure – la distraction – la mort – et à peu près rien d’autre – si, le renouvellement des générations – la perpétuation des traditions – le règne infrangible de la bêtise et de la barbarie…

L’enlaidissement et l’appauvrissement du monde et des hommes…

 

 

L’existence crispée – la tête pas même déçue – comme une seconde peau – notre nature profonde – cette glaise empilée – tassée à même la structure minérale…

La sensibilité des pierres – l’esprit sans profondeur – deux hémisphères laborieux – maladroitement assemblés…

Et le tout que l’on mêle au manque et au désir – la faim dans le sang – la faim qui tient l’ensemble…

Le monde comme un cri – de la chair affamée – bouche ouverte – babines retroussées – suppliante – carnassière…

De la verticalité d’opérette – tout juste bonne à faire illusion (auprès des bêtes) – à monter dans les arbres et à armer la main – pour assouvir le ventre – la tête – tout ce que le sang a corrompu – jusqu’aux tréfonds de l’âme – le dévoiement – les frontières – la fatigue – la volonté ; les mille restrictions de la matière – et l’esprit emprisonné dans ces tristes limitations…

 

 

Un peu plus près – à mesure que l’on avance…

La peur – la fatigue – derrière soi…

Le monde tel qu’il est…

Nous – au centre – comme tous les Autres…

La tête baissée – de plus en plus – comme une entrée (discrète) dans le silence ; l’impersonnalité de la compréhension…

 

 

Ici – sans gêne – sans douleur…

A l’intérieur – hors du monde…

Sous les vagues rafraîchissantes de l’invisible…

Sans croyance à l’égard de ce qui nous maintient – de ce qui nous prolonge…

L’âme – autrefois si grelottante – rassurée en ces lieux – à présent…

Comment pourrait-on devenir dorénavant…

 

 

Les hommes – au cœur de leur sieste – peut-être – les yeux ouverts – en plein rêve – la conscience éteinte – dans les profondeurs – comme une vieille lampe oubliée recouverte de songes et de poussière ; la matière et l’imaginaire – toutes les substances du sommeil – le substrat de toutes les existences terrestres…

 

 

Plus rien du désir – ni de l’effort…

Le monde tel qu’il vient – la vie telle qu’elle va…

Ni habitude – ni entêtement…

Le souffle et l’élan naturel…

Le geste spontané – ce qui arrive – simplement…

Et le silence en arrière-plan – l’espace que l’on habite davantage que le monde…

 

 

Ce qui se dessine – sans mémoire – sans résidu…

Les fruits de l’effacement – sans le moindre doute…

Le cœur distant – engagé – sans rempart…

D’une voix juste – d’un geste sûr – sans retenue…

L’âme et la main – comme quelque chose de simple – sans importance – présentes malgré elles – malgré nous – agissant sans la volonté…

L’esprit dedans – l’esprit au centre – l’esprit ailleurs – en même temps…

Silencieux – d’un silence jamais entrecoupé – ni par le geste – ni par la parole…

 

 

Ce qui se touche – de mieux en mieux – comme une résonance qui se creuse – s’approfondit…

Oublier ce qui se raconte – ces histoires que l’on bâtit sur le réel – comme une atroce déformation – de l’imaginaire glorieux ou lénifiant – mensonger d’une manière ou d’une autre – de la poudre aux yeux – ce qu’il faudrait réduire à néant…

Vivre le geste – être la parole…

Sentir au-dedans – l’effacement – sans obstination – le plus spontané – ce qui a lieu – ce qui s’impose – sans la moindre intention – la transparence – ce qui se cherche – à travers nous – ce qui doit advenir et dont on est le canal ou l’instrument – un élément du mécanisme – un rouage de la nécessité…

 

 

Être – sans durer – en pointillé – comme une respiration – un flux – un reflux – l’inspire et l’expire – la contraction – la dilatation – le souffle – le jour – ce que vit le corps – de l’intérieur – ce qui s’efface – ce qui demeure ; la parole comme un geste…

 

 

A l’intersection de tous les cercles – depuis longtemps – là où se trouve notre vocation (la seule sans doute) ; des fragments qui s’emboîtent – la besogne des vivants – et, au-dessus, le rire et la mort – et, en dessous, les sables mouvants sur lesquels nous avons bâti ce que nous avons cru important ; rien d’essentiel – en vérité ; ce qui passe – l’instant – ce qui s’efface – comme si rien n’existait réellement…

Le regard – seulement – l’espace vivant – notre présence éminemment contemplative – le vide que tout traverse…

Le même geste – la même tâche – ou dix mille autres – toutes les possibilités – tous les états – tous les phénomènes – égaux ; des courants d’air qui s’enchaînent – du vent enfanté par tous les souffles – par toutes les haleines – mis bout à bout – ; rien – quelques vibrations dans le vide…

 

 

Un petit coin du monde – paraît-il…

Un jour comme un autre – disent-ils…

L’ordinaire – les habitudes – ce qu’ils détestent – ce à quoi ils ne peuvent échapper – ce à quoi ils tiennent par-dessus tout – en définitive…

Trop d’inertie – trop peu de souffle et de volonté…

 

 

Tout s’empile – presque rien ne s’oublie…

La vie – au-dehors – par la fenêtre – et ce que l’on traîne dans la sienne…

Au-dedans – rien – l’espace emmuré…

Le noir et la misère…

 

 

Sur le chemin – des livres – des lampes – des visages…

Un peu d’épaisseur – ce qui confine à la confusion…

La nuit – l’obscurité…

L’existence – peut-être – sans résonance – sans intimité…

Et ce rire incompréhensible au-dessus du manque et de la faim…

 

 

Le seuil jamais franchi – les conflits – les affrontements – toutes nos gesticulations…

Nos jours sans épreuve – nos vies vides et affairées…

 

 

Nue – affaiblie – traquée jusqu’aux derniers instants – jusqu’au dernier souffle…

La bête qui s’enfuit – que l’on pourchasse – qui, tôt ou tard, finit par capituler – qui se recroqueville – que l’on met à mort – que l’on empale – qui s’affale – que l’on éviscère…

Sur nos joues – la honte – la tristesse – la colère ; tout qui se mêle dans les larmes – avec violence…

Sur celles des Autres – la gaieté ou l’indifférence ; la vie – le monde – comme si de rien n’était…

Et sur le sol – les entrailles abandonnées – la peau et la tête tranchée – immobiles – les restes de la bête jetés en pâture à ceux qui voudront – à d’autres affamés…

Et sur nos pages – l’encre qui, soudain, devient rouge – et qui coule – et qui coule – comme le sang de toutes les créatures sacrifiées – comme si c’était nous, à chaque fois, que l’on assassinait…

 

 

L’obscurité sur la figure lisse – les yeux comme deux fenêtres fermées ; la nuit qui fermente – qui enivre la tête – qui devient comme un abîme – fascinante…

 

 

Un peu d’encre dans le sang et du soleil dans l’âme – le gage, sans doute, d’une écriture vitale – nécessaire – entre terre et ciel – authentique – qui donne à voir autant la tristesse – l’horreur – les malheurs – les tourments – que la joie et la lumière…

 

 

Nous – sans retombée – dans le vieillissement apparent – résultat, peut-être – résultat, sans doute – de mille tentatives…

Le poids du monde dans la tête – la légèreté de l’air sous le front – et ce drôle de mélange entre les tempes ; l’âme rude et intransigeante ; la sensibilité à fleur de peau ; dans la confusion ; entre le marteau et l’enclume – les gestes aussi graves que l’attente – et la parole obstinée jusqu’à l’essoufflement…

 

 

Vivre – encore et encore – jusqu’à n’être plus rien – un peu de sable sur la terre – un peu d’air dans le vent ; un souffle invisible – presque inexistant…

 

 

Ni regret – ni engluement – rien à liquider – les yeux à hauteur de monde – le regard – plus haut – inaccessible par la volonté – les pieds ici – comme la tête – l’esprit au-delà – en deçà – partout où il est possible d’imaginer…

Rien de part et d’autre du front – le même vide – porteur de ce qui vient…

La joie au cœur – la joie au fond…

Ce que nous vivons – ce que nous connaissons – sans jamais nous en mêler…

L’Amour et le silence – le juste équilibre – au cœur du chemin – à la place de la fatigue et de la peur d’autrefois…

 

 

Tout s’efface – devant nos yeux – en nous – remplacé par d’autres choses – qui s’effacent à leur tour – remplacées par d’autres encore…

L’histoire de l’énergie – de la matière – du monde – dans le regard…

 

 

Nous – entre l’étreinte et l’abandon – comme les Autres – comme les choses – comme tout ce qui nous arrive – comme tout ce qui passe…

Des nœuds et des tracas – ce qui nous attache – ce qui, si souvent, resserre les liens jusqu’à meurtrir les chairs…

Des frontières et des seuils – ce que l’on nous a appris – l’obéissance et le périmètre autorisé – et, au fond de l’âme, la tentation du franchissement – l’irrésistible appel de l’ailleurs – malgré tous nos apprentissages…

 

 

Bancal – en déséquilibre – dans les éboulis…

Le temps – le vent – ce qui nous secoue – ce qui fait bouger les choses – à l’intérieur…

Du désordre et du chamboulement – et tout qui tombe sur le sol de l’âme – brisé – comme notre cœur – sans assurance…

La zizanie et la tristesse dans toutes les zones visibles…

Loin du centre – hors du cercle – à coup sûr…

 

 

La terre – comme un refuge – une couverture – une tombe…

Et le ciel – au-dedans – qui, si souvent, se rétracte comme si tout – au-dehors – nous glaçait l’âme et le sang ; l’inquiétude – l’effroi – la terreur – qui montent jusqu’au cou – jusqu’aux narines – jusqu’à la pointe des cheveux – la tête recouverte – et cet énorme bloc de glaise accroché aux pieds qui nous maintient au fond ; la noyade – l’asphyxie…

La terre et l’eau – et nous – en déséquilibre – nous enfonçant ou nous laissant submerger…

Mort(s) – avant même d’avoir pu (réellement) essayer…

 

 

La terre – minuscule bille de boue – sombre – immobile – sur son orbite…

Si facile de prévoir ce qui nous attend – à terme…

On a beau scruter avec attention ; on regarde comme des aveugles – la peur au ventre – l’âme mal à l’aise – puis on retourne à son quotidien – immense – vital – disproportionné – la seule mesure de notre vie – plongé dans l’illusion d’optique – comme si tout le reste était trop lointain – trop abstrait – imaginaire – presque irréel…

 

 

Nous – rien – qu’un peu de matière agglomérée…

Et la mort – l’arrêt du souffle – une simple dislocation de l’agglomérat corporel…

La continuité – le long des ombres – une traversée – trop souvent – la suite du même sommeil – dans d’autres draps – dans un autre lit – dans une autre chambre que nous prendrons encore pour le centre du monde – dans un immeuble que nous ne prendrons pas la peine d’explorer…

Quant à la rue – à la ville – et tout le reste – inutile d’en parler ; nous continuerons de les ignorer…

Inconscience – torpeur et confusion – voilà qui est peu dire…

 

 

La tête dans un seau – comme un sommeil – une nuit – un périmètre – un étouffement progressif…

Sur le sable – au cœur d’une plage infinie…

Et ce qui crisse sous le pas – sous la langue – cette matière – un peu d’eau – de la salive – et ce souffle – cet air mélangé à la pierre concassée – à cette poussière de roche…

Le crachat – l’étouffement encore…

Nos existences – nos corps – notre parole – asphyxiés…

 

6 avril 2021

Carnet n°260 Notes journalières

Le monde – sans image – tombé – avec nous – dans notre chute – perçu et ressenti – inscrit, peut-être, sur la carte la plus ancienne (que l’âme seule peut déchiffrer)…

Des mots – personne – l’inexistence du temps – l’Amour dans son règne – au-dedans – alentour – partout en son royaume – malgré la nuit et les poings levés – les fables et la cruauté – l’inclination des hommes – de tous les vivants – à fermer les yeux – à satisfaire leurs faims – de toutes les manières possibles…

 

 

A peu près rien – devant le miroir ; et la même chose derrière…

 

 

Les pages du jour dans le silence et les bruits du monde – notre immobilité – nos profondeurs – au-delà des apparences ; ce que dissimulent – trop souvent – l’inertie des hommes – leur absence et leur frivolité ; les fruits obscurs et inconséquents de ce qu’ils appellent, à tort, la raison…

 

 

Ce qui nous maintient en deçà du monde – à l’abri des fables qu’ont inventées les hommes…

Le vrai dont on ne peut rien dire ; et l’ailleurs où nos ailes sont déjà posées…

 

 

L’invitation de la clarté et de l’évidence – les preuves tangibles du Divin vivant – sensible – attentif – à travers notre présence – nos gestes – notre parole – notre manière de nous tenir debout sur la pierre – humble face aux Autres – au milieu du désert ou parmi la foule – le vide en tête et les bras grands ouverts…

 

 

L’encre se montre, parfois, très noire ; mais elle reflète parfaitement notre condition terrestre et la possibilité de la lumière – cette clarté souveraine cachée dans la matière – présente jusque dans nos plus obscures ténèbres – dans toutes nos errances – dans tous nos vacillements ; la joie – le vide et le soleil – qu’il nous faut faire émerger du substrat le plus opaque – le plus épais…

 

 

Silence et voix vive – comme deux possibilités – deux expressions – de la même volonté – de la même indécision…

Et cette navigation discrète (et lucide) entre toutes les formes de sommeil…

Le jour comme seul tropisme…

Indifférent aux risques – aux foules – aux menaces…

Le vent – valide et valable – quelle que soit notre embarcation…

 

 

Nous – replié(s) – dans notre respiration – entre le ciel et l’inquiétude – sur cet espace immense où la barbarie réussit à s’épanouir au milieu des fleurs – là où la chair côtoie les flammes – là où le feu naît au fond de l’abîme – en ces lieux où chaque vivant brûle ses jours – son âme – au milieu d’un énorme brasier collectif – impersonnel – en ces lieux où la mort – ressentie, si souvent, comme une limite – peut, parfois, être vécue comme une extension du territoire – une aire supplémentaire à explorer – une nouvelle frontière à franchir…

 

 

Sur notre lit de roses – rien ; la chair pleine d’épines – seulement ; et les pétales – comme un rêve – envolés – emportés ailleurs – sans doute…

 

 

Notre absence – comme une réconciliation – les conditions d’une présence plus aiguisée – de plus en plus pérenne – comme une assise indispensable…

Un éventail de feuilles à la main – une manière de soutenir le vent – de le compléter (et de le suppléer parfois)…

La vie comme un oubli – la seule possibilité, sans doute, pour guérir ses blessures…

Ce qui s’arrache comme une délivrance…

Notre retour au seul lieu possible – ce centre sans ombre que nous croyons avoir quitté – dont nous nous sentons, si souvent, éloignés…

 

 

Une route – au loin – comme un attrait ancien – une lumière aguicheuse qui a perdu son pouvoir de séduction ; un ailleurs – un peu plus loin ; un autrement que le regard peut initier ici – n’importe où…

Nous – seul(s) – effrayé(s) par quelques riens – sensible(s) et vulnérable(s) – mais prêt(s) à vivre ce que les circonstances offriront…

 

 

L’esprit vide – le pas errant – la main et le cœur présents – comme arraché au monde humain – à la violence – à l’irréparable (supposé) – parmi les arbres et l’oubli – à présent…

Des siècles d’absence et de consolations (grossières) – l’antidote, avons-nous cru, à la souffrance et aux malheurs – multiples – innombrables – le besoin d’une terre nouvelle et la nécessité de l’exil…

Au cœur de la solitude – le seul remède aujourd’hui…

 

 

Le règne du plus simple ; le nécessaire et l’essentiel – la nudité – notre cœur – cette présence sans rempart ; un infime carré de terre sous le ciel étoilé – des collines – des forêts – l’existence à l’abri du monde – à l’écart des hommes – dans le seul périmètre habitable…

 

 

Des lieux – des routes – où l’on s’attarde par insouciance – par négligence – par paresse – par inclinaison à la facilité – la crainte de demeurer seul(s) – et, partout, des coins de rues où l’on se renifle et où l’on se bat comme des chiens…

Une foule – des meutes et des tribus…

Des visages méfiants – patibulaires – à l’affût – dans les interstices noirs du voyage…

L’obscurité qui se redresse – qui se déploie – face à l’envergure ridicule de nos fenêtres…

Tous les rêves célébrés – la présence et le plus nécessaire – oubliés…

Le sommeil – comme une musique lénifiante – un tapis moelleux – pour les plus indolents – les plus souffreteux – les plus enclins à l’usage d’artifices – tous les thuriféraires du progrès – destiné à tous ceux qui consolent leur effroi à coup de danses – de rencontres – de technologies – avides de tout ce que l’on juge propice à la fuite des conditions de l’existence (terrestre)…

 

 

Le cœur chargé d’une mémoire inutile…

Le monde rassemblé – devant nous…

A nos pieds – la terre fertile…

Partout – l’absence et le tumulte…

Et – au cœur de ce chaos – et au-dedans de notre silence – l’édification (naturelle) du poème – comme l’érection d’un possible au milieu des cris – au milieu de la stupeur…

 

 

Le bleu qui surprend notre âme mariée (depuis si longtemps) à la misère et aux tourments…

Quelques lignes pour déchirer la nuit – l’ignorance ; quelques coups de pioche donnés (presque) au hasard contre les murs derrière lesquels sont incarcérés les hommes…

Et, soudain, comme une offrande – un miracle – la disparition de la terre – de toutes les formes de gravité et la célébration (inespérée) du mystère – comme une évidence (enfin) comprise – (enfin) vécue…

Le monde qui devient une aire de jeu – une brève escale – un minuscule carré de pierres – dans l’immensité et la démesure du voyage…

 

 

Dans le bleu du poème – la même terre noire que sous nos pieds…

Des mondes parallèles – des milliards de soleils…

La peau déchirée qui se reconstitue…

Toutes les figures de l’âme – assises en cercle – rassemblées…

Nous – émergeant au milieu d’histoires pathétiques…

Un souffle – une secousse – un élan…

En marche vers l’effacement…

 

 

Dieu déchiré – en lambeaux – éparpillé par le vent – au milieu des fleurs et des âmes – flottant au-dessus des têtes – parmi les orages et les secrets – comme un rêve…

 

 

Le jour – parsemé de trous – comme un jardin sans terre – sans épaisseur ; un dévoilement de l’absence – toute notre opacité assiégée…

 

 

Sur nos feuilles – le mystère exposé – par fragments ; une invitation à la chute – à l’égarement ; une manière de franchir les premières frontières du pays de la tendresse – la lumière dans le geste…

Des mots comme une jetée vers le large – un pont entre les rives – toutes les distances – un espace où tout peut être posé ; pierres – soucis – brûlures – regrets – tous les temps de l’ignorance – l’au-delà de la mort – ce qui émerge au milieu de la brume – le réel – la sagesse peut-être – entre mille autres choses…

En un lieu où le regard est la lampe – la terre – la marche – l’aube – le soleil et l’horizon ; tout – en somme – y compris les ombres et l’obscurité…

 

 

Ce que l’on entend à travers la langue – le silence – cette étrange clarté dont le faîte nous surprend parfois au détour d’un mot – à la fin d’une phrase – au début d’une nouvelle page…

Plus qu’un inventaire – une chaîne – longue – interminable (littéralement) – ce que nous sommes – réuni(s) – fragmenté(s) – inlassablement…

 

 

D’un horizon à l’autre…

D’une vérité à l’autre…

Comme si l’on voyait – et comprenait – depuis la parcelle où nous nous tenons…

Fragments – regard et paroles parcellaires…

Celui qui sait se tient au-dessus – et se tait ; il ne participe au déploiement de l’ignorance et de la partialité…

 

 

De la brume – entre les lignes – un peu d’opacité sur le silence…

La lumière trop éparse ; et les ombres puissantes et multiples…

 

 

L’incroyable secousse qui sévit – à l’intérieur…

Le temps pulvérisé – nous – sans voix – le langage éclaté – comme un outil neuf capable d’explorer l’inconnu – la nouveauté d’un territoire indistinct – infini – sans doute…

Pas à pas – ligne après ligne – sur l’étrange chemin où le cœur remplace, peu à peu, les pieds et la main – où l’âme demeure le seul instrument – au service du monde et de la lumière – qu’importe les états et les créatures rencontrées…

Le silence et l’Amour – au-dessus de toutes les existences…

 

 

L’inévitable obéissance à l’invisible – le souffle apparent du temps sur l’espace…

Et nous – à nos fenêtres – (totalement) ahuris au-dedans…

 

 

Les yeux fermés – fragile(s) – vacillant(s)…

Tout – dans le désordre – entre l’ivresse et le vertige – et la confiance implacable – cette fidélité à la route qui s’ouvre devant nous – visages et paysages – ombres et silence – la nuit qui défile – comme l’absence – proie et rapace confondus en chacun…

Nous – face à mille figures – laides – exemplaires – aguicheuses – détentrices d’aucune vérité – inconstantes – comme le vent qui nous traverse – qui nous emporte – ailleurs déjà – affranchi(s) de la mémoire – sur la lame aiguisée – tranchante – de l’oubli…

 

 

De nulle part vers le vide…

De l’origine vers l’origine – à travers tous les mondes (possibles – imaginables)…

Le jour d’avant – le jour d’après – les yeux fermés – les saisons qui passent – apparemment…

Des visages et des étoiles – ici et là…

Et nous – tremblant(s) – titubant(s) – parmi les songes et les fantômes – absent(s) – à l’écart des vivants qui dansent sous l’emprise des flammes – du feu incontrôlable…

 

 

Le souffle court – haletant – dans mille paysages imaginaires…

 

 

Hors du temps – le pire désordre dans la psyché ; et la quiétude de l’esprit…

Personne d’autre – en soi ; au centre de la communauté fraternelle ; en son cœur – l’Amour – la présence amoureuse…

Et en tous lieux – cette solitude dont nous avons tant besoin…

 

 

La parole errante – comme l’esprit – en quête de silence – de son propre mystère…

Le vent recouvrant la voix – la joie se frayant un passage entre les voiles poussiéreux – entre les souvenirs et les choses amassées…

Si semblable aux Autres – la différence comme un interstice au fond duquel peuvent se déployer le sourire et l’eau – sur les lèvres et la soif…

Notre déperdition – notre effacement – le rapprochement vers l’origine – et cette intimité grandissante avec le monde – la source – le silence…

Nous – cherchant notre présence…

 

 

Comme un lent glissement du songe vers le réel…

Les premiers abords de la vérité aux confins de notre veille…

Le regard à la place des yeux – le chant qui remplace le verbe – l’oscillation naturelle entre ce qui cherche et ce qui est cherché…

La vie comme un voyage – des lieux et de l’errance – des existences provisoires et de minuscules points d’attache – au gré des étoiles et des courants qui nous emportent ; et cette étrange immobilité au centre – quels que soient les états – les escales – la nature du périple et les mondes traversés…

Notre destin – notre providence – l’aire commune des vivants – le seul sort possible…

 

 

L’espace venteux dans la poitrine – le monde – le souffle – au-dedans…

Devant soi – l’encre bleue – les premières magies de l’aurore…

L’intimité aux confins du songe – aux confins des marges…

Le silence – derrière la parole – plus abondant aux abords de la source…

 

 

Le langage – presque toujours inapproprié – nécessaire seulement aux rencontres nocturnes – archaïques – incroyablement élémentaires – au sein desquelles n’est possible ni le silence – ni le geste juste…

Au pays grossier de l’échange où ne règne que le commerce – où la communion et le (véritable) partage sont encore des utopies…

 

 

Les tremblements de la chair dans le jour…

Une once de silence dans la paume ouverte…

La présence et le sourire – le regard à la renverse – la terre amenée vers les hauteurs et le ciel descendu – la matière qui se mélange – des départs – des retours – du merveilleux – ce qu’il faut de doute et d’enchantement pour échapper aux tourments et aux certitudes du monde…

 

 

Aucun héritage – hormis les fruits de la tête renversée – le silence des pages – ce que dessinent, chaque jour, les mots…

La possibilité de l’oubli – l’invitation à recommencer – à se défaire de tous ses oripeaux – à retrouver l’origine…

Le vide et la source – ce qui enfante et ce qui donne la joie…

 

 

Rien ne vieillit vraiment ; peu à peu – on s’use – on s’abîme – on dysfonctionne…

Le sang – la tête – la chair – les mille combinaisons de la matière – tout ce qui a trait au vent et au voyage…

 

 

Dans le vide – rien – ou, peut-être, une terre ; sur la terre – rien – ou, peut-être, un jardin ; dans le jardin – rien – ou, peut-être, une table ; sur la table – rien – ou, peut-être, une feuille ; sur la feuille – rien – ou, peut-être, quelques signes ; le vide qui s’exprime…

 

 

Ce que nous léguons – avant notre départ – cette manière, si singulière, d’être au monde…

Dieu dans le sang – à parts égales avec les restes d’un autre monde…

Les instincts de nos aïeux – et ce regard qui s’absente encore trop souvent…

Les enchantements et les déboires de chaque voyage – et, en soi, indépendant – cet espace de jubilation – affranchi des affres et des réjouissances du chemin…

 

 

A voix basse – discrètement – l’origine davantage que la fable – le repos davantage que les tourments…

Nous – comme les fleurs – au-dessus de l’abîme – au milieu des ténèbres décorées avec les couleurs de la terre – les bouches volubiles devant les spectacles – la tête en dessous du miracle – de tous les possibles – submergée par la stupeur – et la chair toute tremblante…

Penché(s) sur notre labeur – œuvrant comme si Dieu – et le monde – avaient besoin de notre besogne…

 

 

Solitaire – sans gouverner le temps – dilapidant les jours et les heures en fêtes insistantes – le cœur présent dans notre veille – entre l’attente et le recommencement – le monde relégué aux souvenirs – personne sur la terre – sur les tombes – pas même l’ombre de quelques survivants – à l’avant-plan de la lumière…

Une marche ni funeste – ni tragique – très longue – interminable (littéralement) dont nous serons, à jamais, l’unique composante…

 

 

Le geste – comme la première et l’ultime parole – aussi puissant que le silence lorsqu’il s’incarne dans notre présence – aussi puissant que le regard lorsque – de part et d’autre des yeux et du front – l’abîme devient vide habité…

Sourire et soleil – sans voix – la plus belle manière d’être là – au milieu du monde – parmi tous les Autres ; ces frères de corps – de cœur – d’âme et d’esprit…

 

 

Sur la pierre – solitaire – face à la nuit – au monde sans lumière – l’assise verticale – l’âme dressée dans l’œil – comme un éclat au-dedans – une forme de clarté – une fièvre assagie – incroyablement sensée…

Et une paume immense tendue vers ce qui s’avance…

Rien du temps – rien de précieux…

Le plus essentiel – l’ordinaire éternel…

 

 

Impassible face aux excès – face aux dérives – silencieux dans cette longue attente – comme un passage – la traversée d’un feu étrange – immense – un lieu rayonnant – régénérant ; une marche immobile à même le jour…

Nous – droit(s) – redressé(s) – à la renverse – devenant la terre – le temps – le ciel – cet œil au-dessus de tout ; l’étreinte – le mélange – l’intimité ; ce à quoi chacun aspire – en secret – en vérité…

 

 

Ne rien imposer – ne rien concevoir…

Laisser le vide se colorer ; nous laisser pencher tantôt vers la faim – tantôt vers la frugalité – tantôt vers l’inconsistance – tantôt vers l’épaisseur – tantôt vers le jour – tantôt vers la nuit – tantôt vers la parole – tantôt vers le silence – tantôt vers la foule – tantôt vers le désert – tantôt vers le mouvement – tantôt vers l’immobilité…

Devenir pleinement cet espace sans exigence dont la seule vocation est d’aimer – d’accueillir ce qui arrive – ce qui s’impose – ce qui nous habille momentanément – qu’importe l’allure – la nature – la texture – les intentions – de ce qui advient ; de simples combinaisons provisoires aux parures changeantes – des manifestations fugaces de l’essence – d’infimes phénomènes – de minuscules foulées dans la danse incessante de la matière qui tourne dans le vide habité – au milieu – au centre – continuellement – autour de son axe – l’espace de présence – là où nous nous tenons – toujours – de la plus simple – de la plus intelligente et de la plus sensible – manière (contrairement à ce que pourraient laisser penser les apparences du monde) – s’ingéniant inlassablement à trouver le plus juste dosage d’Amour et de lumière selon les formes – les possibilités – les circonstances…

 

 

Comme une épaisseur qui recouvre le plus vif – le plus naturel – le plus beau – le plus sauvage ; toutes les étreintes cachées sous ce qui semble éteint…

En dessous – la forêt ; au-dessus – la nuit parrainée par le langage alors que règne dans les tréfonds le plus juste (et le plus merveilleux) silence…

Du sous-sol au ciel – le même hurlement – le même besoin – le même appel – l’impérieuse nécessité du vent pour démanteler les strates – soulever tous les couvercles – balayer la pesanteur et les misérables tragédies qui se jouent dans l’obscurité…

 

 

Bouché bée devant le minuscule manège du temps – le petit théâtre des vivants – la tentative des alphabets pour appréhender le réel – décrire le monde – un effleurement à peine – une distance infranchissable – bien sûr – par le langage (et toutes les manigances des hommes) ; le cœur amoindri – inerte – léthargique – comme paralysé ; le corps-sac – le corps-machine – le corps jouissant (de manière grossière et triviale) – l’esprit anesthésié au moindre mal…

L’instinct – la peur – le désir – la frivolité – ce à quoi l’on occupe les jours – ce que l’on emplit – l’espace – l’existence – le temps – pour essayer (vainement) d’échapper au vide…

 

 

Le langage des pierres et des bêtes – et celui du ciel – moins singulier – sans signe – sans surface – dans les profondeurs – essentiel – très proches l’un de l’autre – en vérité – si différents de celui des hommes – trivial – superficiel – abstrait – qui éloigne du réel à mesure que s’affinent et se complexifient les idées – les images – les concepts et les définitions…

 

 

La vie comme une aubaine pour la matière…

Le jour comme une aubaine pour la vie…

Une longue chaîne – de l’origine vers l’origine…

 

 

La nuit qui s’étire – d’une lumière à l’autre…

Et nos pas sur la terre que l’on croit ferme…

L’horizon noir – les visages féroces…

Des querelles – des mensonges – cette folie aux quatre coins du monde…

Et cette fatigue (guère surprenante) au milieu des Autres…

Des séants – du sommeil – sur un tas d’ordures (immense)…

Dans le ventre – le sang – la tête – mille batailles entre l’Amour et les instincts…

Partout – la volonté des sous-sols et la nécessité du ciel…

 

 

Le monde – sur nous – en couches compactes – resserrées…

Le vide rempli jusqu’aux dernières frontières…

Nous – vivant(s) – dans une épaisseur infernale – irrespirable – asphyxiante…

 

 

Le langage nocturne – enfanté par la douleur et la proximité de la mort – le grand ciel noir au-dessus des têtes – comme un piètre hommage aux enfances malheureuses – aux vivants sans semence – aux hommes sans destin – à toutes ces vies qui poussent au milieu des ronces et des immondices – à tous ceux dont le chagrin étouffe, peu à peu, le souffle – à tous ceux dont le cœur a fini par rejoindre l’obscurité hermétique des profondeurs – prisonniers d’un monde sans raison – sans promesse – sans signification…

 

 

Des cieux trop lointains…

Et cet acharnement frénétique sur des routes insensées…

Et la lumière qui – lentement – se penche sur notre épaule – comme si le temps était venu de transformer la course en immobilité…

 

 

En piteux état – comme la terre et l’Amour…

Et nous – retrouvant (enfin) la possibilité de l’envol – au seuil de l’engloutissement…

Découvrant (comme toujours) l’existence d’une trappe minuscule au fond de l’impasse…

 

 

D’un bord à l’autre de l’âme – du monde – tantôt aux marges – tantôt au centre…

Vivant à la manière des bêtes et des rois…

La chair épaisse – le cœur tremblant…

Ivres de rêves et de sommeil…

Si proches de Dieu et des premiers instincts…

Dans cet écart permanent entre le vide et la matière…

Si bruyamment humains…

 

 

Le temps d’une vie sans espérance – s’éreintant (seulement) à troubler le silence…

 

 

Nous – illisibles et vacants – malgré la profusion des signes et des choses…

Ni fenêtre – ni chemin – le séant entre le feu et le cri – le sol et la tête – rien en dessous – rien au-dessus – un peu d’argile – quelques étoiles – peut-être…

Les jours – à moitié mythe – à moitié nuit…

Rien qui ne vaille (réellement) la peine – la lourde charge – seulement – des soucis sur le dos…

 

 

Entre le rêve et le réel…

Entre l’angoisse et l’épuisement…

Passager(s) engagé(s) dans la traversée nocturne des nuées…

Le bleu aux lèvres – le bleu jusqu’au fond des cris…

Les secousses du temps – l’ébranlement de l’échine – les vertèbres disloquées…

La destruction de tous les édifices – comme une simple parenthèse occupationnelle – une longue période sans intérêt…

Des projets – des départs – des érections – comme de pitoyables déviations – des détours amputés de l’essentiel…

Des vies dans une forme (inconcevable) d’éloignement…

Des existences à la manière d’une absence…

Et nous – si longtemps oublié(s) – à présent – au cœur du bleu naturel – la puissance déconstruite – dégagé(s) des mythes et des artifices – de tous les mensonges inhérents au monde et au temps…

Uni(s) et rassemblé(s) jusque dans notre éparpillement…

 

 

Dans l’impérieuse nécessité du jour…

Au cœur des absences et des destructions…

La foule – dans le noir – personne – dans les profondeurs…

Seul(s) – dans le silence – cette perpétuation de nous-même(s)…

 

 

Du sommeil en pagaille…

Des vivants qui ont l’air de vivre…

Des rêves et de la glaise – essentiellement…

 

 

Terre et ciel asymétriques – pas même un territoire – pas même un paysage – un lieu de passage lacunaire où l’on s’attarde aveuglément…

 

 

Nous – flottant entre la brume et l’océan – avec, parfois, un peu de clarté née du vol des oiseaux – enlisé(s) sur des chemins obscurs – rêvant de bleu et de regard – de mots et de rencontres intenses – englué(s) dans un parcours – des images – une fange – dans la tête – sur le sol – qui nécessiterait une soif plus intense – un soleil et une hache – pour désembourber le souffle des songes et des substances terrestres…

Une issue à nos grilles – un passage – un autre lieu où l’on pourrait rafraîchir ses profondeurs et régénérer son feu…

Le point d’expansion – de rétractation – le seuil des retrouvailles – au-delà des murs de paroles – au-delà des sons inutiles – de plus en plus proche(s) d’un silence d’épanouissement propice aux rencontres flamboyantes avec tous nos visages – notre âme en haillons – éparpillés depuis trop longtemps – isolés de la braise incandescente – innocents – sans impatience ; qu’importe le jour et l’état du monde – qu’importe la lumière ou l’obscurité…

 

 

La joie et le sel de l’enfance…

Dans nos vies – l’être nécessaire – un peu de vérité…

Nos gestes et nos pas – métaphysiques – quotidiens…

Cette manière (si particulière) d’être au monde ; vide – vierge – sensible – attentif – présent…

 

 

Des jours et des jours – éloigné(s) de la source – sans fantaisie – la tête penchée sur son labeur – les mains médiocrement occupées – l’âme entière absente…

Le monde qui tourne – comme une pierre qui dévale la pente où on l’a posée – sans aube – sans interruption possible – jusqu’au fond de l’abîme…

 

 

Le vide – à la fenêtre – sans autre horizon – un chemin – à l’écart…

Comme de l’eau qui coule…

L’âme au-dessus des visages…

Le retrait des ombres – et, à la place, un feu tentaculaire…

La foulée frémissante…

Le cœur et le vent – main dans la main – se faufilant dans la lumière naissante – entre le sommeil et la matière…

L’écoute et l’attention favorisées au détriment des coups et des cris…

 

 

Le silence – en nous – comme une flèche – une étendue – une pente sur laquelle glisseraient toutes les choses et toutes les figures du monde…

Un interstice – comme un tunnel qui mènerait vers la proximité – l’étreinte – la plus haute intimité…

La complétude nécessaire à la joie…

La continuité – bien sûr – du voyage et du poème…

 

 

Des lignes – une parole – vives ; moins de réponses que de questions – définitives parfois…

Ni étoile – ni aveu – toutes les figures du vide – les infinies déclinaisons du silence – l’inespéré en quelque sorte…

Ni homme – ni Dieu ; ni ciel – ni terre ; ni âme – ni ventre ; aux confins de tout – dans le périmètre des intersections – aux marges et au centre – là où tout peut être envisagé – l’extase et le néant – tous les possibles – la providence – tous les sorts et toutes les fortunes…

Et ce feu – bien sûr – qui court entre les mots et les âges – sur nos jours – sur nos pages…

Et le vent qui, sans cesse, s’invite et nous réinvente – l’oubli accroché à notre sourire insoucieux de la mort et du soleil…

 

6 avril 2021

Carnet n°259 Notes journalières

Le monstrueux étalé – au-delà des apparences – sur toute la surface – comme une cruauté cyclique – régressive – un aveu de faiblesse et d’impuissance…

Une fatalité – une malédiction ; d’un côté, la matière balafrée et sanguinolente – et de l’autre, la matière dictatoriale – sans vergogne – à la manière d’un potentat criminel et sanguinaire…

Et nous – l’une et l’autre – partagé(s) – déchiré(s) – écartelé(s) – au-delà des étiquettes et de l’idée (presque toujours fausse) de justice…

Le vide absorbé et dissous – le plus tangible à la manœuvre – avec l’assentiment du silence…

Une (véritable) aubaine pour les jeux et les joueurs…

Le délire poussé jusqu’au vertige – prémices de la chute et de l’envol – concomitants si les forces nous sont offertes de manière équilibrée…

 

 

Aux angles du monde – la dispersion…

Les yeux – enfouis dans la terre – qui s’ouvrent et se referment – fascinés – éblouis par les textures et les couleurs (si changeantes) du décor…

 

 

Les choses infiniment plurielles pour la multitude avide et vorace…

 

 

En nous – la fusion – ce qui unit – ce qui rassemble – le centre rappelant à lui son rayonnement…

Le feu alimenté, en quelque sorte, par le renouvellement de ses propres flammes…

La joie passant de l’âme aux pieds – du souffle jusqu’au bout des doigts – dans tous les gestes exécutés par la main – dans toutes les danses initiées par les pas…

 

 

Tout qui se dresse – encore et encore – avant de s’effondrer – encore et encore – alternant sans fin les élans et les états…

En mille lieux – la vacance – le tumulte et les mouvements…

Accords et désaccords – unions et désunions – alliances et ruptures – sur fond de silence – sur fond d’acquiescement…

 

 

Coloré – comme une surface peinte – le monde d’un bout à l’autre – parcelles de matière gluante – harmonieux – merveilleux – à certains égards – atroce – misérable – à parts égales…

Des ornières – des lieux de villégiature – des strates de sommeil – ce que l’on froisse – ce qui s’arpente – ce qui se déploie avec perversité – avec mille faux-semblants et mille arrière-pensées…

 

 

Nos vies – comme un poing levé contre l’océan – pour s’opposer au déferlement de l’eau sur la grève – au labeur incessant des vagues qui fracassent la roche…

Une posture – une vocation – une farce – un cauchemar ; ce qui suscite à la fois le rire et les larmes – l’ambivalence de tout geste – la nécessité et la dérision ; et la possibilité d’un écart – d’un pas de côté – au-dedans – pour apprendre la quiétude et le contentement – malgré l’(apparente) absurdité du monde et l’atrocité des spectacles – seule manière, sans doute, d’échapper à l’esclavage et à la folie – à toutes les malédictions de l’existence terrestre…

 

 

Des querelles – des bavardages – des commentaires…

Du vent – du bruit – quelques tourbillons d’air – presque imperceptibles dans l’immensité et le silence…

 

 

Nous – arpentant l’espace au-dessus des sillons – des gesticulations (apparemment) nécessaires au fonctionnement du monde…

 

 

Debout – sans un mot – sans ennemi – sans œuvre à accomplir…

Une présence légère au milieu des Autres – au milieu de l’absence – des élans et des mouvements mécaniques…

 

 

La récurrence du mensonge…

La vie – la mort – le jour et la nuit – se répétant sans fin – sans se lasser jamais…

Dans une existence – une suite d’existences – inintentionnelles…

 

 

Tout – comme le dernier mot – précipité dans l’abîme – disparaissant avec le reste – ce qui a précédé et ce qui suivra – dans le vide salvateur et vorace – l’espace où nous évoluons – à tous les stades – l’Amour au-dessus du front – au-dessus des choses – et l’oubli en tête…

 

 

La tête autrefois si détachée du reste – reliée, à présent, à ce qui compte – à ce qui, depuis le début, a été oublié…

Le monde comme un corps – un cœur qui bat – une poitrine qui se soulève – qui se rétracte – qui respire ; un espace aussi large que l’esprit – là où nous vivons – là où chacun doit se résigner à vivre ; le seul refuge – le seul lieu où il est impossible de se cacher…

 

 

Sous les hurlements – l’étouffement…

Sous l’étouffement – le désir d’une autre vie…

La beauté au cœur de l’obscurité – de la suffocation – de la douleur…

Dieu englué dans la fange terrestre – remuant la terre – creusant – fouillant – essayant (avec nous) de s’affranchir de la matière…

 

 

Tout se détache ; le vide devenant davantage qu’un mot – notre cœur – notre esprit – notre essence – notre seule réalité – sans doute…

A notre place – enfin – sans écart – sans substitution possible…

 

 

Dans le sable – des traces – des signes qui nous rehaussent – qui nous révèlent ; du soleil à la place de l’air – de l’espace à la place des mots…

Le silence comme unique langage – la seule page qu’il nous est possible d’écrire – la seule page qu’il nous serait possible de lire – le monde retrouvant son origine et sa fonction ; et nous autres – sans ornement – habités, de nouveau, par la vérité – notre présence vivante – comme nous exhumant, par une force inhabituelle, d’un long sommeil…

 

 

Soulevé(s) par le souffle – comme s’il s’agissait d’une puissance surnaturelle – un fragment de ciel – le reflet de l’invisible – le recueil de toutes les injonctions divines éparpillées dans la matière ouverte – réceptive – libre de répercuter le processus – de donner corps au mystère – de le concrétiser – d’abandonner (enfin) les choses à leur voyage – à leur destin…

Le transport fabuleux de la poésie – l’affranchissement en actes – éclairé par la lumière – à même le réel qui, à la fois, disloque et féconde – dans une perpétuelle réinvention…

 

 

Le cœur emmailloté – le corps et ses (piètres) consolations – puis, un jour, le vent comme une lame – et nous – sur la pierre – décoiffé(s) – décapité(s) – amputé(s) de l’inutile – totalement défait(s) ; l’âme (enfin) exposée à la métaphysique naturelle et quotidienne…

 

 

Le réel – en éclats – en poussière – réduit, parfois, en buée – parfois, en cendres ; la matière combinée – dans tous ses états ; et le regard désengagé des changements et des transformations – comme affranchi des apparences et des mouvements…

 

 

Un parmi d’autres – dans le jour accompli…

Rien qu’un peu de bruit et de vent ; un poème ; la présence humble – sans posture – sans idée – sans stratégie – dans les tourbillons et le sillage de ce qui emporte – de ce qui est emporté – à la suite des choses et des circonstances…

L’oubli – l’effacement – la disparition ; ce qui nous résume – parfaitement – nous – nos gestes dérisoires – notre humble besogne – ce à quoi nous œuvrons…

Le vide et le silence – dans leur plein rayonnement – à travers le canal désobstrué ; la matière sans résistance – ouverte – amoureuse – totalement acquiesçante…

 

 

N’être rien – à la manière d’une silhouette invisible devant l’apparence d’un mur – un peu d’ombre peut-être – (très) brièvement – lorsque le soleil est au zénith – à peine un fantôme éclairé par un rayon de lumière provisoire – ce qui s’efface déjà sur ce qui, sans doute, n’existe pas réellement…

 

 

Des lignes – comme des pierres sur le chemin ; mille apprentissages pour le pas – le cœur – le regard ; une manière d’être vivant – de manière authentique…

Ni refus – ni refuge – l’espace nu que l’on arpente – que l’on explore – que l’on décortique – que l’on cartographie ; et auquel on finit, un jour, par s’abandonner…

 

 

Ce qu’on laisse croître – en nous – se déployer ; devenir ce que l’on autorise à nous effacer ; la seule transformation possible – comme un retour – l’être retrouvant, à travers nous, sa place – son envergure – son rayonnement…

 

 

La matière fidèle à son règne – à ses lois ; Dieu s’incarnant ; le monde dans ses alliances – obéissant aux forces qui le feront devenir…

 

 

Rien qu’une faiblesse – comme une ouverture – la chair qui se creuse – comme le cœur ; une béance pour Dieu – l’Amour – ce qui prend place – ce qui nous comble – dans un emboîtement parfait…

Nous – pris dans la fonte des glaces – les éboulis – l’effondrement de toutes les tours – de tous les remparts – aussi impuissant(s) et innocent(s) que la rose qui voit tomber ses épines – la nudité sensible – le cœur vivant de la tendresse…

Nous – dans le souffle – au fond de la poitrine de Celui qui aime – la tête penchée vers nous…

 

 

Nous – sur la pente – parmi les eaux cristallines…

Le bouillonnement – la colère – la forge – l’enclume – toutes les nasses – tous les instruments de torture ; l’opacité et la violence, soudain, disparues – comme un peu de pluie sur les traces de craie dessinées sur la roche…

La vie empalée qui se desserre – qui s’élargit au point de tout accueillir – au point de tout devenir…

Debout – à genoux – la conscience nue – sans torpeur…

Du bleu – du cœur à l’horizon…

 

 

Rien qu’une terre où la tendresse est la seule réponse – où les larmes convoquent la main caressante – où l’aveuglement est, peu à peu, appelé à devenir regard – Amour – insoutenable – trop lourd – trop abondant – pour nous seul(s) – qui doit s’écouler – se déverser – submerger ce qu’il touche – irradier la peau – la chair – remplacer le sang – rayonner à travers la beauté et la douleur…

L’exercice de vivre auquel chacun se livre – malgré lui…

 

 

Une douleur – en retrait – derrière les yeux – toutes les déclinaisons de l’âme vers le blanc – comme un prélude – après le plus maléfique – le plus insoutenable – peut-être…

Une plongée en soi – le soc du monde sur le dos – le même sillon – d’abord comme une légère éraflure – puis, comme une plaie qui se creuse – une béance – puis, un écartèlement – comme coupé en deux – sectionné par le milieu…

 

 

Nous – dans notre chambre – cet espace minuscule – sans commune mesure avec l’envergure du réel – incommensurable…

D’un jour à l’autre – sans aubaine – sans vergogne – sans explication – pas à pas – très (très) laborieusement…

 

 

Des grilles – de l’eau qui stagne – des signes – des mains qui se tendent – des bouches qui se referment…

Et tous les fauves autour – aux aguets – à l’affût – terriblement affamés – et carnassiers d’une impitoyable manière…

 

 

Le souffle salvifique – le refuge de la forêt – la douleur traversée de part en part – à gravir son humiliation – à tenter de venir à bout de ses blessures…

Les heures magistrales – parfois au bord – parfois au fond – de la solitude…

Ce qui – en soi – résiste – ce qui – devant soi – revient ; des couches d’excréments – des amas composites – mélange de choses et d’idées – du sang séché par le soleil – versé par des mains armées – des esprits acerbes et acérés – trop de songes – comme des explosions qui font déborder l’imaginaire qui devient, peu à peu, plus conséquent (et plus funeste) que le réel…

De belles âmes – pourtant – cachées – en profondeur – imperceptibles encore…

Et cette lumière – au-dessus des cages – au-dessus des cris ; de la souffrance instransformable excepté en violence – en assauts guerriers…

Vivant – au cœur du chaos – l’âme ardente – presque rageuse – les doigts et la langue trempés dans le fiel…

Au milieu des bêtes et des hommes – en somme…

 

 

A travers nous – la conscience – l’énergie – et leurs alliances étranges – admirables et déconcertantes…

Du plus subtil au plus grossier…

De l’innocence à l’obscénité…

De la tendresse à la sauvagerie…

Du plus captif à la liberté…

 

 

Mille chants – mille danses – mille écarts – et autant d’incongruités et d’anomalies…

Aussi rien ne doit se figer dans l’âme – sous le front – dans les mains – sur la page…

Sans cesse – des tourbillons de joie et de douleur…

Ce qui – en nous – invite le feu et l’espace – à grandir – à persévérer – jusqu’à l’extinction – jusqu’au renouvellement…

La mort comme un passage – la nudité provisoire, le temps de trouver un autre déguisement – la même ardeur mais colorée d’une autre manière…

Sans cesse – bousculé(s) par la vivacité – au-dedans – qui nous saisit – qui nous anime et nous rend vivant(s)…

 

 

Nos paupières et nos poings – fermés pendant la traversée ; l’existence – le monde – la douleur…

La chair enjouée par les plaisirs de la surface – les danses de la multitude – tous les excès – tous les débordements – ce que l’on retient – ce que l’on amasse – ce que l’on entasse – pour essayer d’assurer l’avenir…

Animés par la faim – soutenue, de manière complémentaire, par la peur née dans la psyché…

Ainsi le monde se structure – s’organise – exerce l’oppression et la violence – exploite – détruit – anéantit – au nom de ses craintes et de ses appétits…

L’innommable à l’affût derrière les fronts – les barbelés – les remparts érigés sur tous les territoires pour protéger les entrepôts – variés – multiples – immenses…

Sur la pente animale – de bout en bout – et nous – nous croyant à l’écart – en surplomb – de la pyramide terrestre…

Des créatures pas assez dignes encore pour s’affranchir du sang – de la mort – de la séparation…

 

 

Rien que du noir – parfois – de l’obscurité et du silence – une solitude triste – comme si l’on se tenait hors de soi – comme si l’on s’imaginait différent de ce qui porte et accueille la tristesse – et mille autres états – dans une variation infinie de couleurs qui recouvrent provisoirement (très provisoirement) une texture nue – lisse – parfaitement neutre ; sans doute, le versant le plus malicieux et le plus versatile du vide – le fondement même de nos mille identités concomitantes et successives…

Des pentes – des grilles – mille courants qui nous emmènent – des lieux où l’on passe – où l’on glisse – où l’on est retenu…

L’air – l’eau – le souffle et le sang – dans un flux continu ponctué de quelques interstices – comme des passages (possibles) vers les profondeurs – vers d’autres mondes…

Et ce que l’on porte avec soi – presque rien – le plus essentiel – à l’intérieur – bien sûr…

 

 

Plus haut que le ciel – au-dessus du perceptible – le règne du vide – qui ne se laisse définir par ce que l’on dit – par ce que l’on pense – par ce que l’on imagine – à son sujet – toutes nos manières de l’habiller – toutes nos manières de le colorier – comme si nous n’avions encore compris qu’en ces hauteurs – qu’en ces profondeurs – qu’en cet infini – existent d’autres lois que celles qui régissent la vie sur terre…

 

 

Le monde que l’on pourchasse – la tête qui fore les sous-sols – les mains qui prélèvent tout ce qu’elles sont capables d’arracher – les pieds cadenassés pourtant – dans le même trou – l’existence durant…

 

 

Dans l’enchevêtrement des pas – des signes – de la chair – une circulation incroyablement limitée – sous surveillance – avec mille blasons sur la peau – sur la hampe – et mille bannières dans la besace – en bandoulière…

Ce que nous défendons et ce que nous ambitionnons de conquérir…

Sans cesse – le désir et la querelle…

Partout où il y a des hommes ; des instincts – des apparences – le même jeu des illusions…

 

 

Nous – empêtré(s) – sans émancipation possible…

Ce que nous édifions – notre liberté – enchevêtré(s) aux tentatives (à toutes les tentatives) des Autres…

Nous – trop humain(s) – trop grégaire(s) – pour échapper aux embuscades – aux impasses – aux labyrinthes étroits – tressaillant sous la lumière et les procédures inventées pour vivre ensemble – enfermés…

La terreur sobre – le désir sobre – l’existence autorisée dans son (minuscule) intervalle – rien d’autre – ce qui éclaire médiocrement notre infime carré de terre – qu’importe l’abîme – qu’importe les profondeurs – l’épaisseur du noir – qu’importe la texture et la trame – pourvu que nous n’ayons l’air trop différent(s) de ceux qui nous entourent…

 

 

A l’intérieur – bousculé(s) – déchiré(s) – terrifié(s) – la violence au front – la violence et le vent – le sourire à la proue – bouillonnant sous nos masques – le feu dans son œuvre – essayant de fêler l’argile ; notre impérieux besoin de fuite – quelques pas – presque rien – inutiles (bien sûr) – comme si tout se dérobait à notre approche ; le vide – à chaque foulée – à l’instant même où la main tente de saisir – à l’instant même où la psyché tente de capturer ; le vide – partout – comme la seule récompense possible…

 

 

De l’écume – des bas-fonds au sommet – toute l’ignorance du monde sur le dos – autrefois sous le front – sous les pas – la terre et le feu – au-dessus ; une autre perspective – les idées anciennes comme évaporées – l’absence comme une malice – parfois comme une escroquerie – nos profondeurs à la manœuvre – humblement – silencieusement – sans les excès du verbe – la pensée sans recul et la légèreté du corps (si distante – si pesant – auparavant)…

L’engagement plutôt que l’inintelligence…

Ce qui nous résiste – ce que l’on enfourche – et les mille courants qui nous accompagnent – vers la découverte d’autres mondes – vers des galaxies plus lumineuses…

Et, pourtant, l’esprit (parfois – encore) pris dans la nasse – à gémir – à se débattre – à essayer de trouver une faille – comme tous les Autres – nos frères vivants…

 

 

Très proche du recommencement escarpé – le renouveau incessant – quotidien ; de la haute voltige à la portée du plus grossier (dégrossi de manière abrupte et laborieuse)…

Plus de route – plus de visage – plus de commerce ; sur nos propres épaules – un œil du côté de la clôture et l’autre du côté de l’infini – mains jointes au ciel – à la terre ; quelque chose d’ineffable au-dedans ; à nos côtés – personne (bien sûr) – devant nos yeux – plongé bien plus profondément que dans la solitude apparente…

Comme si la pierre en dessous et le verre au-dessus se déchiraient – comme entaillés par une lame invisible…

L’élargissement du périmètre – la désagrégation de l’Existant…

Bien en deçà et bien au-delà de l’imaginaire et du réel apparent…

A peine (pourtant) une légère torsion de l’esprit – plutôt un redressement – comme le début d’une rectitude…

 

 

De cercle en seuil – le centre grossissant…

Le temps déconnecté de l’espace – l’infini à portée de main – comme un agrandissement du regard – l’incessant accroissement du périmètre – la zone réelle sans théorie – sans précipice – d’un seul tenant – comme si les fragments s’étaient soudainement réunis – se mouvant à la manière des vagabonds – plongés dans l’errance – et cette immobilité visible – tel un œil sur la course – les voyages – la totalité des spectacles…

Rien que des mouvements sous la voûte ; des élans – des étincelles – des explosions – le vent et la foudre ; et au centre – cette immensité…

 

 

Avec l’assistance de notre main – ces quelques signes – sur la pierre – sur la page – manière de briser le ciel – d’élever la terre – de tresser une corde vers ses propres hauteurs – manière de retrouver un peu d’enfance – un peu d’éclat – l’envergure nécessaire à une existence (réellement) vivante…

 

 

Aux marges de l’innocence – des mondes âpres et écœurants où l’on fuit et où l’on se querelle – où l’on pavoise – où l’on marche en conquérant en se donnant des airs (de victoire – de réussite) ; une terre d’apparat et d’apparence – infâme et monstrueuse…

 

 

Se tenir entre le réel et l’oubli – sur cette étroite bande de sable entre, d’un côté, le ressac, et de l’autre, l’océan…

 

 

A voix basse – entre les barreaux – au milieu des arbres et du silence – la tête au-dessus – comme un soleil sur notre misère – la multitude…

 

 

Des millénaires d’amassements – des souterrains engorgés – des amas – des monticules du sol au ciel – et plus haut – encombré aussi…

Dieu – le vide – évincés – auxquels on a substitué des choses et des images – des idées sur le frémissement et l’envergure…

L’importance des racines – de la marche – de la progression – comme si l’on avait oublié que le monde n’était qu’une escale – une étape dans un voyage immobile qui mène de l’origine à l’origine – et que le seul progrès consiste à la soustraction et au retranchement…

Ainsi – de seuil en seuil – chemine-t-on vers soi – le vide – la seule réalité tangible au milieu des rêves…

Sans cesse – autour de la même nudité…

 

 

L’espace qui vit et respire – sans querelle – sans suffocation…

De la lumière sur nos mille petites tragédies – nos pas et nos prouesses minuscules…

Le désert vivant qui perd son aridité…

Le désert habité – le seul lieu possible – vivable – pour être (réellement – présent) au monde…

L’aube sans la lampe – sans la hache – au cœur du chaos…

Le ciel ici – ensemble – à cet instant – sous les craquelures du temps…

 

 

Le jour silencieux – un parfum de soleil et de rocher…

Des ondes – des vibrations – des odeurs – naturelles…

 

 

L’aube verticale – de l’air brassé…

Le glissement du chaos vers les régions les plus réprimées…

Le ciel qui, peu à peu, se découvre…

L’écartement des barreaux – la chute (très progressive) des grilles…

La route qui se dessine…

Le souffle de l’enfance – la simplification du labyrinthe – le monde qui se désagrège…

Le premier élan du voyageur – peut-être…

 

 

Un peu de vérité sur le sable – dans le vent ; insaisissable(s) – comme le reste…

Et pourtant, partout, la grande illusion de l’accaparement et de la propriété…

 

 

Des ravins – la mort – le sort des carcasses qui s’amoncellent…

Des virages pour allonger la durée du voyage ; des détours – souvent – nécessaires…

 

 

Le rire après les épreuves – les tourments – l’obscurité – la vie épouvantable – comme une remontée des bas-fonds – le visage (enfin) à portée de soleil…

 

 

Des plaies – au fond de l’écriture – une blessure béante – que chaque ligne – que chaque pas – creuse davantage…

L’existence comme un atelier à ciel ouvert…

Une parole monstrueuse qu’il faut écouter – accueillir amoureusement – aimer inconditionnellement – pour que le cœur puisse guérir et remonter, peu à peu, vers la poitrine – et battre à nouveau en même temps que s’approfondissent – et s’élargissent – le souffle et la perspective…

 

 

Des lettres comme des notes…

L’extraction de la tristesse et de la puanteur…

La naissance du fil et du danseur…

Des pas légers sur la corde – quelques foulées dans l’air…

L’enjambement des peurs et du désordre…

Le début, peut-être, d’un autre voyage…

 

 

Le feu et la mort – se répétant sans cesse – pour nous ouvrir les yeux sur la puissance – le mouvement – et l’œil qui contemple les transformations – les hauts et les bas – la spirale des corps et des existences – comme des orbes tiraillés par la faim et le sang…

 

 

Nous – contre le mur – traversé(s)…

Le récit d’un voyage – de l’origine vers l’Amour – lui-même en boucle – empruntant divers cercles – chargé de semences – porteur de lacunes et de manquements – aux prises avec les vents – le souffle – la respiration – combiné en modules – en possibilités – explorant une infinité de marges – de recoins – de recours – de confins…

Et le cœur malmené – si peu armé pour affronter le monde et livrer bataille…

 

 

Des lignes – comme des pas dans la nuit – un fil sur lequel on marcherait – au-dessus de tous les abîmes – des yeux – des Autres – trop de douleur – des gorges tranchées – du sang sur la pierre – sur le sol des abattoirs – des sacrifices sans rituel – juste pour apaiser la faim – notre misère – manière, peut-être, de réunir la matière – de la recombiner – de préserver – malgré tant d’horreurs – un peu d’unité…

 

 

La peur – la haine – l’indifférence – trop souvent – les seules valeurs transmises – qu’on lègue avec quelques coffres – quelques terres (parfois)…

En soi – profondément ancrés – le sens du territoire – le goût de la conquête – l’imposture de l’identité…

 

 

Seul(s) – en silence – sans histoire…

L’aile battant dans la nuit…

Le soleil au-dedans – sur la page – peut-être…

La saveur de l’échec sur la langue…

La disparition décidée – presque programmée…

Rebut sans empreinte – sans gravité…

Cette marche lente vers la mort…

 

 

Encore au cœur du cercle – en désordre…

Une douleur dans la voix…

La clarté – au fond – grandissante…

L’oscillation entre la fuite et le fléau…

La matière qui recouvre l’âme – frappée par le sceau du vivant…

L’éternel dans son tégument de poussière…

 

 

Tous les sillons creusés par nos pas – les habitudes en tête…

Le corps traversé par la douleur et la jouissance – telles des vagues disjointes – reliées par l’invisible – la magie de l’océan…

Ce qui donne – bien sûr – un sens à tout voyage…

 

 

Sur le visage – ce sourire – ces balafres – la nudité et l’ironie – cette manière de résister aux douleurs du monde…

Et ce qui nous brûle au-dedans – cette voie intérieure pour échapper aux bûchers – construits au dehors – à notre intention…

Toutes nos forces déployées pour décapiter à la source les assauts de la souffrance…

 

 

La sente qui longe la lumière – mystérieuse encore – à cette heure – et cette étendue sans limite que l’on découvre – en soi – à l’écart – la main dans celle de la solitude – traversé par de grandes joies – la gratitude parfaite que l’on accorde au monde – à la vie – à la mort…

Le royaume – entre le ciel et des monticules de cadavres et d’excréments…

 

 

Une roue – une route – sur la corde tendue de la désobéissance – l’âme effrontée et la main qui, d’un geste, initie le détachement…

Nous – nous avançant au-dessus de l’abîme…

Prêt(s) à nous abandonner discrètement – humblement – à la puissance légendaire du bleu – à l’irrésistible attrait du vide…

 

27 février 2021

Carnet n°258 Notes journalières

Au loin – ce visage qui s’approche – familier…

En soi – le ciel – tous les astres inventés – et coloriés avec fantaisie – tout un monde étrange – avec des pièces – des portes – des corridors – de hauts murs et quelques fenêtres – surdimensionnées – qui ouvrent sur le reste de l’univers – des figures laides – des mains tendues – des cœurs endurcis…

Le mystère de notre foyer – avec au centre – avec autour – la nuit silencieuse et énigmatique…

 

 

Notre vie – sans socle…

Le sable – le sommeil – détournés de leur usage premier…

La mort qui surgit – sur le corps – ses empreintes – et, dessous, la signature (à peine reconnaissable) de l’invisible…

 

 

Nos nuisances – notre posture – entre la torpeur et la frénésie – entre le sommeil et la gesticulation – des mouvements – de l’agitation au-dedans d’une cage étroite…

Des chimères au fond de la tête – devant les yeux – et mille chemins – les bras tendus – prêts à saisir le moindre bout de rêve…

Et quelques miroirs aussi – où se reflète une figure étrangère – qui se tourne vers nous lorsqu’on l’appelle par notre nom…

En apparence – dans nos profondeurs – cette curieuse identité – notre réalité sans doute – notre réalité peut-être…

 

 

La vie – la mort – ce qui arrive – quelques fois…

Des jours et des horizons – plus ou moins tristes…

Des nuits et de la neige – plus ou moins grises…

Les Dieux – trop souvent – sur notre chemin – intrusifs – contre nous – malicieux – toujours prêts à transformer notre voyage – notre sort – notre destination…

 

 

A marcher avec trop d’espoir et d’inquiétude…

La vie – comme un sillon – quelques pas – un peu de bruit dans le prolongement de l’espace silencieux…

 

 

Les Dieux – avant nous…

Ce qui demeure – derrière notre front…

Plus proche(s) de l’argile que de l’air…

Plus proche(s) du monde que du silence…

Comme un intervalle – une béance parfois – entre nous et l’évidence du mystère – l’invisible que ni la main – ni l’esprit – ne peuvent saisir – comme la vie – comme le reste ; d’infimes fragments qui, presque aussitôt, tombent en poussière…

 

 

Entre la source et le sens – une fulgurance…

Entre le sens et la source – un long chemin…

Un parcours qui oscille entre le gris et la mort – entre le désespoir et la folie ; un voyage qui semble interminable mais qui, en vérité, n’exige le moindre pas – comme une distance illusoire que l’esprit doit, néanmoins, franchir…

 

 

Enveloppe(s) dans le souffle des Dieux – mortel(s) eux aussi…

Les forêts – comme l’encre noire – comme les jours qui se succèdent – comme nos mains jointes qui se pressent contre l’aube…

 

 

Nous – entre le sommeil et le silence – entre l’invention et l’illusion – à moitié nu(s) – malgré les apparences…

Présent(s) parfois – la tête en avant – engagée dans tous les combats – les pieds dans la boue – les pieds dans la neige – épaisses et grises – les pieds dans le vent – les pieds dans le sable – sur le sol qui se dérobe – comme une surface composée tantôt d’eau et de terre – tantôt d’air et de feu…

 

 

Notre demeure – entre l’obscurité et la respiration – un peu de joie disséminée – ici et là – sous les pas – sur la page – manière d’inscrire sa vie – la mort – la poésie et la pensée – dans les empreintes si légères des Dieux – sur les chemins d’avant le monde des hommes…

 

 

Le sommeil comme invention – comme nécessité – comme malédiction – qu’importe les origines de la nuit pourvu que le temps et les apparences du monde soient préservés – comme si Dieu et le silence n’étaient qu’un (misérable) rêve de somnambule…

 

 

L’épaisseur du froid à percer – par le feu – la force – le sourire ; cette résistance ou cet acquiescement permanent à la solitude et à la mort…

Légère – notre respiration – un peu de buée sur les vitres du monde – l’intériorité des Autres – indigente – inaccessible – si étroitement protégée…

 

 

Le temps qui – en nous – creuse ses remparts – notre périmètre – toutes nos existences circonscrites…

 

 

Des aventures si prévisibles – comme un voyage tracé d’avance – avec ses escales et ses détours prévus et préparés…

Trop de soleils anticipés qui – fort heureusement – amèneront, avec eux, mille nuits – et, sous les étoiles, son lot de déboires et de déconvenues – histoire de garder l’œil suffisamment ouvert – histoire de ne pas s’endormir complètement…

 

 

Cette part terrestre – comme la peau tendue d’un tambour – que l’on frappe – que l’on martèle – jusqu’à la crampe – jusqu’à la déchirure…

Des siècles de sons et de cris…

Des musiques et des danses pour habiller le rêve – amadouer les Dieux – rendre la vie plus douce – éloigner les malheurs et le mauvais sort…

 

 

Pauvres têtes – sous l’effondrement – déjà…

Au bord de l’abîme – le monde à la suite des heures ; plongées dans le gouffre – précipitées avec leur lot d’épreuves et de tourments…

 

 

En tribu – comme si la misère, en groupe, devenait (individuellement) plus supportable – comme si le poids du monde et des jours pouvait être partagé…

Sur nos yeux – à l’intérieur – ces œillères tragiques…

 

 

Nous – dans l’espace – déployé(s)…

Les heures rassemblées – concentrées en un seul instant – aux marges du temps – au-delà (bien au-delà) des contours du cadran des horloges…

A courir les reliefs – l’esprit et le pas démesurés – sans limite – sans la moindre restriction – de haut en bas – de long en large – de bout en bout – jusqu’aux plus ultimes extrémités…

 

 

La plaie humaine recouverte de feuilles et de silence – presque cicatrisée – à présent – comme une légère boursouflure sur l’âme et la peau…

Le cœur moins triste ; l’encre noire en guise d’initiation – comme une (irrésistible) invitation à sonder les profondeurs de sa blessure – à sortir du maquis et des refuges humains – à découvrir le ciel – l’espace à l’origine de tous les baumes…

 

 

Au bord du rêve – la tête encore plongée dans le crime – aux confins de ce qui nous ressemble…

Un peu de soleil dans l’âme et la main…

Dieu entrant dans notre champ de vision – dans notre champ d’expérience – investissant l’espace libéré dans notre champ de conscience – présent déjà depuis toujours (bien sûr) – invisible (pourtant) depuis notre naissance au monde – et se révélant – peu à peu – dans un coin du miroir – jour après jour – aux côtés de notre visage d’abord ébahi – puis, avec, au bord des lèvres, un sourire de plus en plus confiant et apaisé – et, dans l’œil, cette flamme qui éclaire, d’une manière si particulière, ceux qui se savent (divinement) habités…

 

 

Tant de jours et de ciel – comme un silence – obscur – familier – dont nous ignorons (en général) la bienveillance et la nécessité…

Un peu d’eau sur notre soif avant que ne puissent se préciser la nature du manque et la proximité de la source…

 

 

En nous – parfois – se redresse l’insigne – l’empreinte blanche de l’innocence…

 

 

Ici – présent – sans personne pour nous asservir ou nous désigner…

Celui-ci ou un autre – qu’importe…

Dieu dans la peau – dans la paume – dans l’âme – au plus près d’une parole libérée dont la musicalité souligne le sens que d’aucuns – trop superficiels sans doute – ou trop rompus aux conventions linguistiques – pourraient juger plus que hasardeux…

Le regard – le Divin – bien sûr – toujours en avance sur les hommes…

 

 

Nous – fils de la terre – épouvantable(s) – à bien des égards…

Lointain(s) cousin(s) du soleil et de l’oiseau…

Et enfant(s) du silence et du vent – bien sûr – naturellement…

 

 

Le miroir – enfoncé dans la bouche qui lance des sons – du sens – des paroles – comme des reflets et des éclats…

Ce que l’on écrit – sans l’usage du rêve – des choses inintentionnellement imprononçables par ceux qui ont l’air de savoir – par ceux qui s’estiment détenteurs d’une parcelle de vérité ; les hommes qui se proclament d’un quelconque royaume supérieur…

 

 

Les yeux – au-dedans du jour – la bêtise qui, soudain, se dissipe – comme par magie ; la nuit rayonnante – ombre claire – éclats d’une beauté authentique…

Ici même – sans que rien ne puisse nous résister…

 

 

Trop de bruit – trop de monde – et, aussitôt, la sensation vivante de la détention et de l’étouffement – et la nécessité (impérieuse) d’échapper à l’enfermement et à l’asphyxie…

Les yeux ouverts – l’esprit brûlé par la proximité des Autres et la colère…

Ce qui se déploie dans la rage – comme un irrépressible élan de liberté – peut-être – une manière de résister à l’emprise de l’ordinaire – du commun – de la multitude…

Présent – sans aucune dissipation possible…

Rien en mémoire – et, pourtant, l’incarcération et la folie qui s’éprouvent de façon (presque) paroxystique…

 

 

Rien ne peut s’interposer entre l’abîme et la page ; quelques milliers de lignes – comme un gouffre supplémentaire – la poursuite insensée de la même excavation…

Le vide qui se cherche – bien sûr – et que l’on débarrasse – et découvre – à la force des poignets – plume et petite cuiller à la main…

 

 

Ici – en soi – l’état du monde – à cet instant – rien d’autre que le pouls du vivant – dont nul n’est comptable (bien sûr) – que l’on ne peut qu’hypothétiquement guérir (si tant est qu’il faille guérir quoi que ce soit) – qui ne demande, sans doute, qu’à faire pénétrer son souffle et ses racines au centre de l’œil – au cœur de ce qui perçoit – au cœur de ce qui sait se faire sensible…

 

 

En nous – le cœur – la vie – l’esprit ; et aux alentours – rien qu’une nuit silencieuse – intensément douloureuse et désespérée – l’apparence d’un monde vivant…

En vérité – on ne sait pas ; en vérité – on n’en sait rien ; peut-être imaginons-nous – seulement…

Une double – une triple – une quadruple – illusion – peut-être – dont nous serions à la fois le fruit – la farce – le spectateur et l’origine…

Une chimère totale – en somme…

 

 

De la sueur – de la boue – sur nos pages – ces minuscules carrés de silence – ces infimes parcelles d’innocence – que l’encre vient dénaturer – tacher ou colorer – de mille manières – avec toutes les substances de la terre – la semence et la liquéfaction des vivants – la chambre nuptiale et la chambre mortuaire de l’homme – là où l’on est contraint de vivre – en tous ces lieux où l’on nous somme de passer…

Notre traversée du jour et de la nuit – notre présence – et nos mille visages – tout au long du voyage…

 

 

Des pages comme des fenêtres – des livres comme des anti-monuments ; une seule parole pourrait transmuer le monde – notre existence – nous aider à devenir plus proche(s) de la sagesse que des yeux bandés…

 

 

Un cœur silencieux – un peu de lumière pour échapper à l’emprise des apparences – au règne des illusions – aux diktats du monde et du temps – et, parfois, quelques larmes ravalées pour faire bonne figure…

 

 

Derrière les murs – ce qui se dissout – le désir et l’ennui intérieur – le risque d’effondrement…

Sous la terre – les larmes – sous les larmes – la roche et le vent ; le souffle et la pierre – mille fois – dix mille fois – des milliards de fois – recombinés…

Et autant de combinaisons passagères que de déguisements successifs…

Le flux des ombres et la danse du feu – les courants et les eaux nomades – au gré des appels – au gré des nécessités de la lumière…

 

 

L’outrance des hommes – la négligence des Dieux – ce qu’offre le monde – et ce que permet le silence…

Quelques rites – des lieux séparés – des manières abruptes – des âmes outragées…

Le manque – la douleur – le vide…

De l’absence et des divagations – puis, un jour, le miracle – sans raison – comme l’actualisation d’une prédisposition naturelle ; la réalisation d’une promesse ; nos retrouvailles avec l’enfance sur une rive affranchie des images et de la cruauté – où le silence peut (enfin) remplacer le rêve – et l’Amour, les miroirs et le clinquant – la seule possibilité pour échapper à l’angoisse – à l’archaïsme – à la sauvagerie…

 

 

Une page – comme un miroir offert au monde – à tous les visages – le reflet du vide – de Dieu – de l’homme – du néant – selon notre degré de conscience – notre manière d’être là – présent à ce qui nous fait face…

 

 

Le jardin – en soi – immense – aux clôtures éventrées – retirées, une à une…

La lumière – dans tous les recoins du jour…

Le monde – l’enfance – le temps immobile…

L’envergure de l’instant pleinement déployé…

 

 

Sur les yeux – les voiles rompus…

Au-dedans – les illusions effacées…

Et tous les monstres blottis contre notre tendresse…

Lucide et amoureux – comme jamais – peut-être – comme au commencement…

 

 

Entre le songe et les Dieux – notre marche – notre existence – nos habitudes – notre bâton à la main…

Sous les yeux aveugles des Autres qui condamnent ou idolâtrent…

Sur tous les chemins imaginaires qui, peut-être, traversent (en partie) le réel…

Qui sait ce qu’est le monde…

Qui sait s’il existe un mystère – et s’il en est un, en quel lieu il se trouve – et de quelle manière le découvrir…

Nous cheminons – seulement ; voilà notre manière d’habiter l’espace…

 

 

Une fenêtre sur l’enfance – tous les mondes possibles – les couleurs de l’âme en exil – le regard de l’homme sur ce qui l’entoure et sur ce qu’il porte…

 

 

Le noir trompeur des forêts – refuge aussi peu inquiétant que la solitude – berceau de l’âme – lieu où se consument les peurs et les douleurs – où s’aiguisent la paix et l’attention – la seule manière de vivre – sans doute – le corps relié aux arbres – aux pierres – aux bêtes – avec le cœur et les mains solidaires et bienveillants – et l’esprit d’autonomie en tête…

Le vide et la tendresse – notre communauté naturelle – en quelque sorte ; l’espace qui nous habite – l’espace que nous habitons ; l’Amour vivant – au cœur de l’assemblée – au fond de l’interstice – dans notre thébaïde…

 

 

Un regard – sans homme – sans langage – où l’Autre – la rencontre – la douleur – deviennent obsolètes…

La vie et la mort comme de simples passages – la condition du recommencement…

 

 

Devant l’Autre – comme face à une montagne – épaisse – massive – infranchissable – sauf à laisser l’eau et le vent œuvrer à leur lent labeur d’érosion…

 

 

Nous – rôdant autour de la gloire – tristement – fébrilement – maladroitement…

La tentation du dôme et des frontières – le sans limite compris de travers – dévoyé – comme une puissance d’extension transposée à la matière et à l’individualité…

L’appropriation au lieu de la main ouverte – la faim jamais apaisée…

Le commerce célébré – consubstantiel (bien sûr) au manque…

Notre manière d’être – et de participer – au monde…

Notre indigence natale au pays de la nécessité ; le royaume du plus tangible – de l’archaïsme – de la grossièreté…

Le ciel – le silence – la verticalité – abaissés – contraints de se positionner au ras du sol – jusque dans les profondeurs souterraines où se fomentent tous les calculs – toutes les stratégies…

 

 

La tentation de la joie – évacuée – abandonnée – au profit de l’échange…

L’amassement plutôt que le dépouillement et la nudité…

La distraction plutôt que la curiosité et le questionnement…

L’animalité humaine – partout – presque sans exception…

Le règne de l’égarement et des trajectoires labyrinthiques ; la vie – le monde – comme dédales – et notre voyage, si souvent, comme voie sans issue (apparente)…

Tant de jours (si peu – en vérité) pour satisfaire toutes nos nécessités – bestiales – élémentaires…

 

 

Quelque chose comme un mur – mille murs – des tours – des frontières – des fossés – construits, avec patience, depuis des milliers d’années…

Un royaume immense – cerclé de vide – jonché de barrières – de clôtures – de barbelés – découpé – partagé – fragmenté – parcellisé – de mille manières – et se rétrécissant – et s’enlaidissant – sous le coup des appropriations et de la propriété…

 

 

Notre territoire – notre voyage – aux accents de fable – entre mythe et mensonge – à peine vécu – à peine exploré…

Entre chant et supplice – avec quelques étoiles au-dessus de nos têtes…

Des Autres – des saisons – du temps qui passe – à remplir – apparemment…

Quelques mots – quelques pas – son lot de coups et de caresses…

Et les générations – et les traditions – qui se perpétuent ; rien de très important – le simple renouvellement du sang – quelques inventions parfois ; l’évolution naturelle – en somme…

 

 

La faim et le déclin – sur fond de désastre…

Des ombres immenses – inévitables – sur nos vies ; ce qui ressemble à une existence humaine – les seules choses tangibles – si souvent…

L’ascension (progressive) de l’échec – de la défaite – de l’abandon – du délaissement…

Ce qui nous quitte – de la plus atroce manière – de douleurs en acquiescements – de la parole – de la prière au silence balbutiant…

Vers une simplicité naturelle et nécessaire…

Le dépérissement du nombre et du sommeil…

La nudité de plus en plus aisée – comme une évidence – la seule façon de se tenir devant les Autres – entre circonstances et regard…

 

 

Davantage île et vent – ciel et encre – silence essentiellement – que saison et instinct – amas – bavardages et distractions futiles…

 

 

Le cœur écrit à l’encre bleue ; la même possibilité que le ciel – exactement…

Bouts de soi – des fleurs et un peu de sommeil encore – sans rivalité avec le silence…

 

 

Le regard émacié – comme un couteau porté en arrière du front – destiné à trancher les saisons – les discours trop longs – les apparences du monde – tout ce à quoi l’esprit aime s’attacher (sans retenue) – avec un désir de trop grande proximité – au lieu de privilégier – et d’affûter – notre intimité avec la profondeur (invisible) des choses et des visages…

Le vent et cette large étendue lisse – tantôt glace – tantôt neige – entre miroir et pente selon les usages – et les possibilités – de ce qui nous fait face…

 

 

Nous – allant et venant – à pas perdus – dans un lieu indéfini – indéfinissable – comme une salle transitoire – ni grande – ni petite – ni vraiment hostile – ni franchement accueillante – dérisoire simplement…

L’œil délirant – l’esprit assoupi – comme porteur(s) d’une fatigue inexplicable…

Une vie – des vies – à la manière d’un rêve – avec nous au milieu – intimidé(s) – presque absent(s) – pas même certain(s) d’être là…

 

 

Quelque chose à atteindre – inscrit déjà au fond du cœur – comme un mirage – un miracle – un voyage (inattendu) vers l’invisible – un impératif imprévisible, en quelque sorte – le seul périple véritable – possible – pour l’homme…

 

 

Sans histoire – sans parole – comme dénué de langage (précis et articulé) – présent là où d’autres se seraient déjà enfuis – présent là où d’autres ne pourront jamais aller…

En nous-même(s) – peut-être – sans la moindre certitude – là où l’oubli s’aiguise – là où la nuit (envoûtante) et les amas se dissipent – là où l’existence et les gestes (notre existence et nos gestes) deviennent – véritablement – évidence – enchantement – pure poésie…

Sur les pierres – dressé(s) – et déjà enseveli(s) dessous…

L’esprit vide – la bouche muette – le monde délaissé ; quelque chose, bien sûr, de l’indicible…

 

 

A l’orée de la lumière – l’œil et l’oreille évidés – proches de l’origine – revenus, en quelque sorte, vers la matrice enfouie – le mystère premier – oublieux de tous les efforts – de tous les voyages – des mille portes qu’il nous a fallu pousser – des mille frontières qu’il nous a fallu franchir – des siècles de périple quasi insensé – rien, en vérité – comme un trou – puis, un abîme – qui se creuse – une béance qui s’élargit – naturellement…

La nuit qui s’effondre et se dissipe – peu à peu…

 

 

Personne dans la danse – dans la mélasse – des bruits et de l’ardeur – seulement – derrière des yeux aveugles – des âmes trop profondément dissimulées – des amas énigmatiques de matière animée…

Rien d’important – rien de nécessairement déchiffrable…

Ce que nous oublions au cours de la traversée…

Le monde – en nous – comme une disparition programmée…

Les clés obsolètes d’un mystère sans intérêt – devenues inutiles…

Aussi vivre – à présent – devrait (amplement) suffire ; le poème comme simple nécessité – un jeu entre l’âme et la lumière – entre la main, les lèvres et le silence…

Une manière d’agir à contre-courant de l’humanité contemporaine – de mettre ses pas sur les voies les plus naturelles ; pages et forêts – sentes et lignes solitaires – feutre et foulées sur la même étendue – avec la même perspective – d’une égale envergure – d’un seul tenant…

 

 

Le point lumineux de l’hiver – la seule saison possible – entre veille interminable et traces de l’invisible…

Davantage du côté des alphabets que des choses amassées – pas de chiffre – ni de preuve…

Du sang et de l’intuition – ce qui tourne au cœur de nous-même(s) – notre propre centre – prêt et propice à tous les recommencements…

Le même silence quels que soient les états et les usages…

 

 

Ce que nous cherchons – dans le vide – au cœur de cette nuit épaisse – infranchissable ; le monde obscur des objets – la trace de nos ancêtres – les premiers signes du langage – ce qui était au commencement de la vie – le chant de l’aube – notre propre voix – le silence antérieur à l’ignorance – antérieur à l’opacité…

 

 

La sensation du rien et la certitude de n’être personne…

La caresse du jour sur l’âme…

Le sens du courage et la poignée de main…

Les yeux face à l’immensité – le cœur parmi les vagues…

Entre la roche et l’océan…

 

 

Endormi(s) – trop souvent – par le temps et la parole des hommes – ce qui se construit à partir de la mémoire – cette raison qui nous sépare du réel et du vrai – cette manière si commune de s’amputer d’une part centrale – d’une part essentielle – de soi…

 

 

Chaque nuit – au bord du même gouffre imaginaire – construit depuis des millénaires de l’intérieur – et qui se creuse à force d’abandon – et qui se remplit à force d’y jeter n’importe quoi – des idées – des croyances – des mensonges – toutes nos corruptions…

Un abîme gorgé de signes et de culpabilité – indéchiffrables – touffue – presque impénétrable – et qui, à mesure que l’on s’y enfonce, déploie au-dedans un obscurcissement de plus en plus épais – majeur – inquiétant – qui, peu à peu, nous asphyxie – qui, peu à peu, écarte le moindre questionnement – qui, peu à peu, anéantit toute forme de curiosité – qui, peu à peu, nous conduit à l’étouffement et à la mort…

 

 

L’œil pacifique malgré le labyrinthe – les précipices – l’hostilité des postures et des regards…

La nuit comme un filtre – une page à réécrire – le palimpseste permanent du monde…

Dieu – dans notre errance – affranchi des usages et des passages – sans autre asile – ici-bas – que notre cœur – solitaire – tous ensemble…

 

 

Sur nos épaules – l’obscurité du monde – toutes les idées sur Dieu – ces amas de choses insensés – l’Amour dissous depuis la première heure – l’être oublié depuis le premier instant – ce avec quoi il nous faut vivre et voyager…

 

 

L’immobilité et l’errance – sur les bords d’un fleuve asséché…

Des églises autant que de ciels inventés…

Du sommeil – dans la tête – dangereusement accumulé…

 

 

Des pages qui ouvrent sur mille ciels – sur mille possibles – sur mille autrement

 

 

L’invisible – partout – dégoulinant même du plus grossier…

La matière servant aux plus vils et aux plus infâmes usages – en attendant le sacre du vide et du silence – l’extinction de tous les bruits – de toutes les choses – l’obsolescence du temps – le plein pourrissement de ce qui fut, un jour, vivant…

 

 

Un peu de ciel descendu – au milieu de notre chant – dans l’âme surtout – pour réconcilier le silence et le sang – le sens et la mort – accéder aux limites inférieures des premiers contreforts de l’ineffable…

 

 

Nous – plongé(s) dans le drame – au milieu de la foule et des miroirs – poussé(s) par le vent – fasciné(s) par la beauté de l’abîme – et ce feu immense – sans limite – qui éclaire toutes nos absences…

 

 

Enfermé(s) dans notre propre labyrinthe que l’on considère, si souvent, comme un lieu ouvert – un espace clair et savoureux – une chance – une place – une providence – dignes des Dieux – de quoi pavoiser sur la roche devant les bêtes – les arbres – les Autres ; le paradis – la panacée – enfantés dans l’antre du plus grand magicien du monde – le fruit sacré et le fruit secret nés de l’alliance entre le premier souvenir et la longue série de rituels que nous avons inventés pour défier – et déjouer – le destin et la mort…

 

27 février 2021

Carnet n°257 Notes journalières

Ce que le monde nous offre – le langage des hommes – des images – jamais la vérité…

Notre nom glorifié de manière insensée – comme tous les rêves – jetés en vrac – dans notre tête…

 

 

Seul(s) – sur la terre nue – nous – sur notre propre corps – parmi les arbres et les figures du rêve…

Quelques yeux pour nous regarder vivre et mourir…

Et nos forces épuisables qui, peu à peu, s’amenuisent…

 

 

Ici – à notre place – provisoirement – entré(s) sans effraction – et, bientôt, porté(s) ailleurs…

Vivre – mourir – revivre – à l’orée de toutes les expériences – de tous les apprentissages – nécessaires – un cœur déjà sur toutes les terres existantes – explorées et à découvrir…

 

 

Jusqu’au fond des tripes – des vagues – des remous – des tourments et des tourbillons – cette danse étrange des choses et des Dieux…

 

 

La lumière – près de la fenêtre – arrachée à quelques soleils inaccessibles – trop lointains…

 

 

A notre naissance – des yeux – le début de l’illusion – ou, plus exactement, la continuité du mirage – un autre versant de la même chimère…

 

 

Le jour et la nuit – le temps ; la parole imprécise – l’absence – la vérité – construites – décalées – corrompues – inexistantes, en somme…

 

 

Nous – sous le regard du monde – le ressac – sous le joug des instincts et des émotions…

Et quelques idées – quelques images – qui guident – maladroitement – nos gestes et nos postures – inappropriés – bien sûr…

 

 

Quelques grilles dans l’œil…

Transparentes – notre détention – notre chair – notre liberté ; illusions – bien sûr…

Lumière arrachée – coups et éclats…

Les étoiles, en nous, (trop) enfoncées…

 

 

Ce qui nous a précédé(s) – ce qui nous succédera – la même chose qu’aujourd’hui…

Une longue lignée à plusieurs têtes – tissée dans la trame…

 

 

Rien que des pentes et des hauteurs – des alliances et des désaccords…

Des danses autour de la même colonne – cet axe invisible – qui, en tous lieux – qui, en toutes choses – fait office de centre – à l’insu de ceux qui tournent…

 

 

Notre règne – notre illusion – notre néant…

L’incroyable (et absconse) chimère que l’on enseigne – que l’on alimente – que l’on sert – que l’on célèbre – partout…

 

 

Des failles agrégées – qui se côtoient…

Le rêve d’un ciel unifié…

Le sens donné à l’effervescence – à ces armées de visages rompus à l’exercice du remplissage – du vide à combler – qu’importe la manière – qu’importe la matière – pourvu que l’on échappe à l’ennui…

 

 

Nos souffles – accolés – derrière les mêmes grilles – presque incestueux – selon toute vraisemblance généalogique ; l’histoire de la matière combinée – nous dressant (à la fois) les uns contre les autres et vers le ciel – avec mille désirs (contradictoires) et mille doléances en tête…

 

 

Le déclin de tout destin – toutes nos gloires – misérables – toutes nos conquêtes – si dérisoires – ces victoires minuscules – le temps d’un éclair – à peine…

Un souffle – quelques souffles – et nous voilà raide mort – déjà…

 

 

L’air et la poussière – brassés et soulevés…

Le sillage du vent à travers le vide…

Quelques vagues empreintes sur les chemins…

Et le soleil – au loin…

Et l’ombre des grilles sur nos visages tristes – surpris – si enfantins…

 

 

Nous – nous écoulant dans le ciel inversé – redressant la tête (en vain) dans les éboulis…

Quelques pierres qui glissent sur la roche…

Tous les Sisyphes de la terre – à l’œuvre…

Les mains caleuses – le souffle court – et le bonheur devant nous – peut-être…

Et ce fol espoir d’un sens et d’une destination, peu à peu, pulvérisé par l’incessant passage des forçats (et le poids de la matière façonnée)…

 

 

La totale atemporalité du voyage – et son impossible achèvement…

La vie – l’infini – le mouvement – le silence ; l’emboîtement des circonstances – la chaîne sans fin des mondes et des événements…

Et en soi – en des lieux identiques et différents – une autre perfection – l’immobilité et la joie sans faille – affranchies de ce qui nous tracasse – de ce qui nous émeut…

La même perspective – peut-être – mais vue du dessus – du centre – de plus loin…

 

 

Maintenant – ailleurs – d’autres visages – d’autres voyages…

La matière jamais sclérosée malgré la grossièreté – la densité – l’inertie apparente…

Les vagues – ce qui pousse – ce qui mène – ce qui emporte – tantôt vers la pierre – vers la roche – dans un grand fracas – tantôt vers la nuit – comme une chute – une longue glissade – tantôt vers le ciel – comme une éclaircie – un envol – un surcroît de jour et de joie…

 

 

L’esprit – sans lieu – sans centre – épars et concentré – au fond des têtes – et entre elles surtout – planant – se faufilant – surplombant – s’enfonçant – partout présent – partout chez lui – même lorsque règnent l’absence et l’ignorance ; déguisement – simple déguisement – lointain éclat de lui-même – comme un reflet de nos abîmes communs – l’obscurité magistrale…

Immobile – là où on l’imaginerait vif – alerte – primesautier…

Fulgurant – comme l’éclair – de la nature même de la lumière – lorsqu’il nous semble tranquille – paisible – assoupi…

 

 

La pierre – l’ombre et la cage…

Le jour – le ciel – l’infini…

Tout paraît – apparaît – tout existe…

Tout adhère – appartient – fait partie – s’entrechoque – se dresse – en un instant – se désagrège et disparaît…

La vie – la nuit – le monde…

Rien – ni personne…

Du vent et de l’esprit dont on ne peut rien dire – qu’aucun mot ne peut définir – qu’aucune main ne peut saisir – qu’aucune pensée ne peut circonscrire…

Nous-même(s) et tout le reste – présents et/ou absents…

Qu’importe ce que nous en disons pourvu que nous soyons – pourvu que nous puissions être – dans notre manière d’être là – exactement – pleinement – ce que nous sommes…

 

 

Un sol sans fin – à perte de vue – et au-delà – une surface – un volume de matière – un continuum – un magma (presque) sans intervalle – avec quelques interstices où poser les yeux – un peu d’esprit ; les balbutiements d’une présence qui, peu à peu, prend conscience de son envergure…

Rien qu’un pas à franchir…

 

 

Une nuit sans retour…

Des bêtes – affamées – enfermées dans une cage…

Et le soleil – pour chacun – à l’intérieur ; Dieu peut-être – derrière l’absence, la sauvagerie et le chaos apparents…

 

 

Le monde – de part et d’autre d’un mur blanc – inventé – illusoire – aussi inconsistant et incongru que notre présence (putative)…

Moins (bien moins) qu’une charade – sans doute – une plaisanterie de (très) mauvais goût…

 

 

Des sons – des corps – superposés – enchevêtrés…

Un amas d’ondes – de vibrations – de matière ; mille secousses – mille strates qui se percutent et s’additionnent…

Des bruits – des gestes – et le langage ; la naissance des alphabets pour que la réflexion née de la distance puisse offrir un sens – mettre au jour les possibilités d’un chemin – d’un itinéraire dans ce fouillis chaotique et inquiétant qui étouffe et engloutit bien davantage qu’il n’aide et ne libère…

 

 

Nous – comme des objets emportés par le grand fleuve…

L’eau – le ciel – les berges – réunis…

L’océan comme destination intérieure…

L’immensité et le singulier…

Ce que nous oublions et arpentons – quel que soit notre état…

Les marges – le centre – les profondeurs – qui se rejoignent…

Nous – solitaires – conflictuels – solidaires…

Indivisibles – absolument – inséparables – malgré la fragmentation – la multitude – la distance – apparentes…

 

 

Arbres et nuages entremêlés – découpés dans la lumière – comme un monde en relief – (légèrement) ombragé…

Dans l’œil – le ciment et la passerelle par laquelle le ciel descend pour pénétrer et envelopper les choses ; et ce qui semblait triste – un peu morose – soudain s’embellit et s’égaye…

 

 

L’existence – le voyage – et nos lignes – ni belles – ni essentielles – personnellement nécessaires (seulement – sans doute) – comme les conditions indispensables à notre rencontre – nous et ce que l’on porte au-dedans – viscéralement – pendant un instant – éternellement…

De petites choses – quelques pensées parfois – un vaste monde – en vérité ; les éclats d’un Amour universel et singulier – des échanges avec ce qui nous est propre et ce qui nous est commun – le va-et-vient à travers le canal de la parole – de la caresse – entre l’entité grandiose – du dessus – surplombante – d’envergure – et ce que l’on apparente à l’individualité – ce qui advient en elles – entre elles – ce qui explose, parfois, dans le silence…

Ni cible – ni intention – ni chemin – pas même la nécessité d’un auditoire…

La joie et l’innocence de ce qui naît dans l’âme – sur la page…

Et chaque jour – cette danse vitale – sans séduction – sans obscénité – sans spectateur – incontournable…

 

 

Le roi – la couronne – le donjon – les remparts – exposés – sans défense – à la merci de la bouche des Autres – de leurs crachats – de leurs paroles – de cette salive que l’on gaspille, si souvent, en insultes – en éloges – en commentaires…

Ce qui s’accumule – ce qui disparaît – ce qui s’oublie – compte pour (presque) rien dans la somme des pages – sur cette balance précaire où sont posés, d’un côté, l’esprit, et de l’autre, l’existence – en équilibre (presque toujours) – et sans le moindre avenir – sans la moindre mémoire…

Un texte – des livres – sans identité – sans auteur – libérés des contraintes et des contours (factices) de la littérature…

Un peu de pluie et de soleil innocemment combinés – une miscellanée d’éclats, de visages et de silence – un peu d’attention à ce qui se présente – en désordre – si souvent ; entre l’essentiel (peut-être) et le superflu ; la simplicité – parfois ; un peu de sagesse – de temps à autre ; quelque chose né d’ailleurs – de plus loin – en nous – de toutes les profondeurs accessibles – de cet espace vivant qui se contracte et se dilate de manière incessante – l’infini qui respire à travers notre souffle – notre âme – notre tête – notre cœur – notre chair ; ce qui traverse l’homme – sans aucun doute…

 

 

Des mots – des lignes – mis bout à bout – comme un soleil, peu à peu, dessiné…

Une trajectoire – comme une flèche lente – très lente – pas à pas…

De l’éclat à l’infini – du sang à la lumière…

Rien d’emblématique – quelque chose du retour – de l’éparpillement qui (progressivement) se réduit – où les pièces finissent par se rassembler…

Des fragments – une longue suite de fragments – comme un seul chemin – pierre après pierre – bâti d’une main fébrile et (souvent) maladroite – authentiquement humbles et honnêtes – comme un cercle qui, de jour en jour, se rapproche du centre – du point – de l’immobilité – au cœur duquel se perpétuent le souffle – le rythme – la multitude et la danse…

 

 

Des paroles – contre la vitre sale – opaque – tachée par toutes les substances terrestres…

Et par-dessus – le soleil – comme un sourire – un peu de joie – la promesse avérée d’une lumière possible au milieu des souillures – de la mort – de l’obscurité…

 

 

Tout de l’éprouvé – de la faiblesse – de l’éblouissement ; le geste et l’horizon – confondus – à présent – identiques – de la nature même du voyage quotidien…

Le silence immense – comme la toile de fond – et les mains occupées à leur tâche – aux mille nécessités élémentaires – à l’esquisse d’un soleil sur toutes les peaux blessées…

Le lot du monde – le lot commun – et notre indispensable besogne…

 

 

Accolés à la dérive d’un monde perdu – tête et ventre brinquebalés par les remous – les vagues qui, une à une, se détachent de leur socle – comme des lettres destinées à tous les analphabètes de la terre – et qui roulent jusque sur la grève – et que l’on jette dans la première corbeille – comme une existence pour rien – presque vaine en apparence – mais qui conservent leur force et s’additionnent entre elles pour former toute la puissance à venir – le souffle du changement, en quelque sorte, à l’ère où pourront se réaliser (naturellement) toutes les transformations indispensables…

 

 

Nous nous éreintons à construire mille socles – mille ancrages – mille ossatures – pour prévenir – retarder ou échapper à – la dérive et (à) l’effondrement – la nature même des choses – toutes les forces opposées – une alternance entre l’édification et la déliquescence – la nécessité impérieuse – souveraine – de l’équilibre…

 

 

De trop étroits repères pour déjouer les confins – élargir l’espace – devenir le périmètre de son propre jeu…

 

 

L’ineptie de la question du sens de la marche – au vu de l’envergure de l’étendue – sans bord – sans centre – partout présente ; qu’importe, en effet, notre origine – l’orientation des pas et la finalité du voyage – nous y sommes déjà et ne pouvons y échapper (d’aucune manière) – qui que nous soyons – quoi que nous fassions – quel que soit le lieu où nous vivons – quel que soit le lieu que nous quittons ou rejoignons…

Au cœur – au seuil – toujours – du jeu – de la tragédie – de l’illusion – de l’hilarité ; comme plongé(s) dans un savant mélange qui, sans cesse, se transforme selon les circonstances et l’état d’esprit…

 

 

Par intermittence – la lumière – l’aveuglement – la peur et le rire ; quelques éclats du monde – le tranchant (affûté) de l’apparente contradiction – la jointure (parfaite) de l’apparente complémentarité…

Le vide – le désert – et la crainte de disparaître (en particulier)…

Et ce qui advient (ce qui finit, un jour, par advenir) ; ce qui acquiesce à toutes les sommes – puis, bien sûr, aux mille soustractions successives – à cet étrange périple vers l’effacement et la disparition ; quelque chose comme une coulée discrète qui emporte tout avec elle – les idées – les images – les désirs – les croyances – les corps et les visages ; tout submergé – absorbé – englouti par la même lave inquiétante – implacable – qui, peu à peu, laisse place à une étrange étendue lisse sur laquelle peuvent (enfin) se déployer le bleu et l’innocence sans intervalle…

 

 

Lové contre la peur – l’aveuglement…

Du sable sur toute l’étendue – avec, au loin, l’horizon – identique et changeant – comme la vie et la vérité – insaisissable…

 

 

L’univers qui se concerte – tantôt pour nous soutenir – tantôt pour nous faire chuter ; dans les deux cas – porteur d’un enseignement (selon ce que nous avons besoin de comprendre)…

 

 

L’âpreté du monde – dans l’intervalle – un manque – des masques – ce qui soulève le cœur – ce qui cloue l’âme à un avenir obscur – à une noirceur sans nuance – sans alternative – sans espérance…

Le tunnel que nous façonnons de nos propres mains ; chaque jour – une pierre supplémentaire…

 

 

Des rails – le chemin tragique de l’homme et du monde – de la matière…

A la source du feu et du silence – de l’univers et de l’inertie – indifférent – acquiesçant – irréprochable…

Ce qui rend (à nos yeux) l’origine absolument exemplaire…

Qu’importe le sommeil et la folie…

Le bleu qui joue avec son propre néant – et toutes les autres couleurs…

L’absence – comme le prolongement (évident) de la conscience…

 

 

Tout à la suite – et le rien comme possibilité ; une parmi mille – dix mille – autres…

Le monde – des parcelles douteuses – suspectes – incorruptiblement fidèles à la terre…

La joie dans la contiguïté du sacrifice (apparent)…

 

 

Des éclats et des blocs qui se prêtent à toutes les combinaisons – à toutes les opérations – auxquelles il faudrait soustraire toutes les interprétations (toujours étroites et parcellaires)…

Le cœur et les pages ouverts et hermétiques – comme une secousse – des remous – un peu de tendresse – supplémentaires…

Ce que réclament, à leur insu, ceux qui en ont besoin – et ce qui pourrait, peut-être, aiguiser chez chacun un surcroît de sensibilité…

 

 

Au pire – de l’air qui tremble – un peu de bruit – un peu de vent – de la douleur – ce qui s’écroule autour de nous – au-dedans – la tête à la dérive – le corps disloqué – la matière et l’invisible sens dessus dessous…

 

 

L’horizon exalté par le livre – repoussé par le pas – balayé d’un revers de main ; de plus en plus sage – en somme…

 

 

Une trajectoire de plus en plus évidente – de plus en plus invisible – de plus en plus incertaine…

Pas le moindre itinéraire – en vérité…

Une suite de pas – de passages – ici et là – d’un lieu à l’autre – sans raison – la force de la nécessité – sans doute…

Quelques foulées – un séjour parfois – très court – vite oublié(es) ; l’esprit vide – libre d’aller là où portent les circonstances – libre d’accueillir et d’effacer, de façon ininterrompue, ce qui advient – pour aimer chaque parcelle de vie – de terre – d’âme et de peau ; dans l’étroite intimité des choses – dans la plus haute proximité terrestre – peut-être…

 

 

Un poids énorme à porter sur sa courbe – une portion d’orbite – la somme des idées sur Dieu – le monde – la vie – les hommes – quelque chose de massif et d’imposant – imaginent peut-être certains ; absolument pas – presque rien – moins que rien – en vérité – plus léger qu’une plume – comme un imperceptible coup de vent – comme toutes nos responsabilités supposées – comme tous nos soucis – totalement inexistants…

Seul le geste qui engage – à l’instant où l’acte se réalise ; avant – rien – absolument rien – tombé dans l’oubli – après – on ne sait pas – on n’en sait rien – on ne veut surtout pas savoir – ce qui n’existera jamais – bien sûr…

 

 

L’eau – l’air – la terre – le feu – à partager – comme éléments constitutifs ; et l’espace qui s’offre à toutes les danses…

 

 

Ce qui nous est arraché – ce qui nous apaise – comme le reste – mélangés – contradictoires – apparents – si souvent – moins tranchés à mesure que l’on approfondit – que l’on s’enfonce dans les strates du réel et de l’esprit – bien en deçà du monde et de la psyché – à mille lieues en dessous…

 

 

La vie – le monde – tous les Autres – à travers nous – agissant…

Implantés là où l’obscurité demeure – où l’atrocité est encore possible ; une étape longue – décisive – si souvent – sur le chemin de l’ignorance…

Allégresse pour les uns – crève-cœur pour les autres – le sempiternel recommencement des forces – des limites transgressées – des choses que l’on s’arrache et qui disparaissent…

La joie et la malédiction d’être ensemble – de ne pouvoir être séparés…

 

 

A perte de vue – de la matière – des couleurs – des apparences…

Le réel – à travers notre vitre – avec cette teinte très (trop) humaine – à la lisière de la folie – au cœur de la raison pourrait-on penser – que nenni – comme des lambeaux de langage – des amas d’images – rien de très sensé…

Notre désœuvrement sur la pierre…

La foule – des paysages – que, parfois, l’on contourne – que, parfois, l’on traverse…

Masse informe – quantité non négligeable – sans contour – sans intervalle – qui nous happe – qui nous porte – qui nous emporte – qui nous avale…

Une triste figure parmi les autres…

Comme un surcroît de nuit et de douleur…

Nous – dans l’atroce nudité de l’homme…

 

 

Le vide qui, peu à peu, se dessine…

L’accueil à la lisière du geste…

Une perspective hors de soupçon…

Comme des lambeaux d’anxiété déterrés – et aussitôt exposés devant soi – puis précipités dans l’abîme…

L’oubli – partout présent – comme un feu immense – incroyable…

La nuit – la douleur – les chagrins – les tourments – peu à peu consumés…

Et le vent – son (fidèle) auxiliaire – qui éparpille les restes de cendre – qui laisse la pierre lisse – nette – comme neuve – de nouveau prête à accueillir nos errances – nos égarements – nos désœuvrements – tous ces jours passés à amasser mille choses – de mille manières – au cœur de ce que le vide a, en nous, amoureusement préparé…

 

 

Des lignes, parfois, féroces – une manière de redresser la courbe – de tordre la rigidité – de jeter aux orties ce qui est obsolète – de redonner souffle au plus désirable – comme une force de vie – un filet d’eau et de lumière dans un éboulis – un torrent de boue – quelque chose de merveilleux sous une apparence monstrueuse…

 

 

Le monde sensible – sans jouissance – sans hostilité – incroyablement digne – à l’écoute de ce qui l’entoure – de ce qui le traverse…

Comme une conscience renaissante – les linéaments, peut-être, d’une véritable humanité…

 

 

Nous – passant du sommeil au dénuement – à la manière d’une blessure qui, peu à peu, se referme – à la manière d’un blessé qui prend conscience qu’il n’est peut-être pas ce qu’il croyait ; aussi imaginaires que réels – que nul ne peut (véritablement) savoir…

Nous – à l’une des extrémités de l’étendue – cherchant à rejoindre, d’une manière plus ou moins habile, l’autre bord – ce segment qui semble nous manquer – la quadrature du cercle peut-être – ce fragment essentiel dont nous nous sentons séparés…

Comme un retour involontaire à la terre promise – sans exaction – sans conquête – sans vengeance – en un paisible (et pacifique) voyage…

 

 

Au gré des désirs du monde – l’obscurcissement – comme un trouble progressif – radical – rédhibitoire ; la fin (programmée) du soleil – l’écrasement de la tendresse – la fragilité piétinée – la sensibilité assassinée – le monde entier plongé dans son propre sang…

Des vagues rouges sur tous les territoires…

L’excès de frontières – notre besoin pathologique d’expansion…

L’hégémonie – la barbarie et le feu – laissant, derrière leur passage, des cendres et des larmes…

Et cette blancheur – et cette clarté – que réclame notre âme – provisoirement effacées – provisoirement oubliées – le temps que s’achève le rêve – ce monde souterrain aux parois si hautes dont le couvercle – le ciel inventé par les hommes – semble si lourd – inamovible – quasi hermétique…

 

 

Sans discernement – dans le flou et la blessure – la bouche ouverte – bave aux lèvres – sous le coup de l’ignorance et de la douleur – comme la proie d’une chasse inique – d’une traque atroce – au cours de laquelle il devient impossible de s’émerveiller – d’asseoir sur son sort un sourire insouciant – de faire naître le plus minuscule désir d’Amour – la moindre caresse…

Rien que des yeux fermés qui se ferment plus encore ; le ciel et l’océan qui se retirent…

 

 

Du bleu – encore – à nos pieds – malgré la nuit que l’on déchire – que l’on s’arrache – comme si l’on voulait éradiquer la lumière – substituer au soleil les restes irréductibles des ténèbres successives – accumulés par la bêtise et les âmes immatures – prêtes à croire à tous les mensonges – à sombrer dans tous les abîmes – pourvu qu’ils portent, en eux, un mince filet d’espérance ; la construction d’un salut illusoire – d’un chemin pavé de croyances et de chimères – le refus (catégorique) du territoire initial – le centre originel – ce point si dense – si immobile – l’antre de tous les mondes…

Et nous – au milieu de cette respiration erratique – douloureuse – au milieu des lueurs et des chants – comme envoûté(s) – étouffant – plongé(s) dans la restriction – à fouler un lieu hors de l’espace et du souffle qui nous appellent…

 

 

Le jour – comme la seule promesse à venir – une parole, trop souvent, prononcée à la hâte – un espoir en suspens – l’obscurité du monde remisée – l’exil définitif de la terre – peut-être…

 

 

Ce que nous enjambons – fastidieusement – cette généalogie trop terrestre – fabuleuse depuis ses origines…

Nos peurs devant une foule d’épouvantails endimanchés…

La transparence des désirs humains…

Notre avachissement et notre angoisse – sur le bûcher ; cette route étrange – tous feux éteints…

A peine une traversée – au cours de laquelle on a le sentiment que le monde – les Autres – la moindre rencontre – nous malmènent – nous blessent – nous attristent – nous écorchent vifs…

 

 

Nos pages – le socle du vent – le plafond du monde – le sous-sol du ciel (peut-être) ; des cris – des prières – des oiseaux ; quelque chose comme un flux continu – une longue série de lignes – comme des vagues successives – reliées invisiblement entre elles – aux origines – aux rivages sur lesquels, un jour, elles déferleront…

 

 

Au bord de la blessure creusée jusqu’à la mort avant de tomber en son centre – l’ordinaire s’écrivant – mêlé au merveilleux – suscitant, peu à peu, un quotidien émerveillé

 

 

Le jeu au plus près de la mort…

Les mensonges et les impostures jetés au loin – devenus inutiles – obsolètes…

Le surgissement d’un tertre au milieu des épreuves grouillantes et des brouillons rassemblés – presque irréels – comme l’érection soudaine d’une montagne au milieu des murs – au milieu du labyrinthe terrestre – une sorte d’échappée au-dedans – au milieu des rêves et des monstres – de tout ce qui envoûte ou effraye ; comme éjecté de notre trajectoire initiale – un saut dans l’espace et le temps – presque un envol…

 

 

De dérive en abstraction – toutes les déclinaisons de l’absence – malgré l’espace – en nous – au-dehors – toujours vide – libre – totalement…

 

 

Le monde – ce fond de boue que l’on brasse – où l’on patauge – une conjonction de circonstances – des divergences – un gisement de rencontres et de passages pour des milliards d’années – jusqu’à la disparition apparente de la matière…

Une époque d’efflorescence et de multiplication qui voit émerger tous les possibles – d’incessantes combinaisons entre le vide et le mouvement…

L’ébauche d’une durée – d’une continuité ; l’esquisse d’une lignée – d’un emboîtement des formes – le jeu permanent de l’invisible et du concret – entre deux périodes d’immobilité où l’on célèbre la quiétude et le silence…

 

 

Tout – entre la fidélité (presque toujours suspecte) et la trahison (presque toujours nécessaire) – entre le rire et les larmes – entre la farce et la gravité…

Et ce sourire détaché du monde – du ciel – de la carte et de la terre (trop) fangeuse…

 

 

Nous – nous affrontant – puis, peu à peu, confronté(s) au vide – contraint(s) de lui faire face – de le laisser nous violenter (ce que nous croyons du moins) puis, de nous abandonner à son règne et à ses lois…

Nous – devenant de plus en plus rien ; tout qualificatif comme un mensonge – un dévoiement – presque une absurdité – à la fois fragment et le contraire de ce que nous sommes – ce que nous pouvons être – ou paraître – pendant quelques instants – presque rien – en somme – une brève apparence – le reflet trompeur d’une vague dans l’immensité que nous représentons – littéralement…

 

 

Comme entré(s) par effraction dans notre existence – au cœur – comme le prolongement de l’énigme mutante – sans cesse évolutive – où la matière est un détour nécessaire – un écart explicite et interminable…

Et – parfois – très proche de la vacuité sans socle – sans ascendance – primale – un étrange état – presque indéfinissable – tel un nouveau-né que l’on enfanterait indéfiniment – la possibilité d’une enfance perpétuelle…

 

27 février 2021

Carnet n°256 Notes journalières

Le jour – comme tombé en enfance – retrouvé – comme un jeu – une pierre – oublié(e) depuis trop longtemps au fond d’une poche…

L’essentiel porté – depuis la première heure – à notre insu…

Et durant tant de siècles – ce vivre – sans lumière – sans joie – sans consistance…

 

 

Nos empreintes – dans la terre souillée de sang…

Ce que la nuit a dérobé à l’espace…

Le silence, peu à peu, remplacé par le monde – puis, dévoré par lui – englouti – effacé – en un instant…

 

 

Notre vie – comme un amas d’heures étrangères…

Un amoncellement d’idées – de chair et d’herbes mortes – ingérées puis expulsées…

Ce que la main prélève – ce que l’esprit et le ventre entassent – ce que la tuyauterie rejette…

Une vie d’accumulation – de surplus et de superflus…

Une vie d’assemblages et de déchets…

 

 

Nous – comme des bêtes parquées – façonnées avec de la glaise – à même la roche…

Et cette neige sur la langue – comme un long manteau de glace – une poussière blanche sur les flammes – une couche de lumière par-dessus la tête et les pages…

Une si singulière manière de rayonner et de se soustraire – à la fois offrande et effacement…

Nous – dans la nuit – à travers le sens (partiel) donné au monde et aux choses…

 

 

Dans la buée – la brume – inventées…

Ce qui passe – ce qui s’achève – sans joie…

Nos rêves – comme un envol dans le bleu promis – si loin – si haut au-dessus de nos têtes…

 

 

A notre table – entre nos tempes – le monde et le vide – la promesse d’un passage et mille possibilités – ce qui se choisit – et le reste à la renverse – s’écoulant sur sa pente…

La beauté – la conscience et la nécessité – à l’œuvre…

 

 

Bleu – comme le jour – comme le ciel et l’envol – le cœur encore sous la lampe et l’avalanche…

La pointe de l’âme – dans la main – sur le visage – comme un diamant offert qui raye les vitres derrière lesquelles nous nous obstinons à vivre…

 

 

Un passage de la tête au monde – long – long et infiniment tortueux – labyrinthique – dans lequel on s’égare – dans lequel on s’éternise…

Plus impasse que dédale – le plus souvent – en vérité…

 

 

Trop de portes qui s’ouvrent sur la nuit – trop de monde alentour…

Trop de bouches et de ventres à remplir – trop de têtes à vider – trop de cœurs embarrassés ; il faudrait un feu immense – un brasier impérissable – pour brûler ce qui, sans cesse, vient nous envahir – ce qui, sans cesse, vient nous encombrer…

Des flammes – du vent – et une pluie réparatrice pour que la terre incendiée nous soit propice…

 

 

Tout nous éloigne d’un monde – d’un sens – cachés – les mains et les yeux fermés – à deviner le réel au lieu d’apprendre à goûter le mystère – au lieu d’apprendre à approcher nos lèvres de la terre – du ciel au sous-sol – l’esprit trop médiocrement incarné depuis notre (première) naissance…

 

 

Nous – nous approchant, avec trop de crainte, du pays sans homme – sans norme – sans géographie – sans généalogie – cet espace dans lequel gravitent tous les cercles – cohabitent tous les mondes réels et inventés – cette aire vivante où se rejoignent l’esprit et la chair – les âmes – les fleurs – les pierres – les arbres et les bêtes – toutes les formes de la création à tous les âges – tous les états et toutes les combinaisons possibles de l’invisible et de la matière…

 

 

Nous – dans la nuit des ombres – sans couleur – dociles – murmurant sur la pierre d’étranges prières – dans la crainte d’un pouvoir surhumain – céleste – comminatoire – écrasant…

Un peu de lumière – entre deux éloignements ; et la distance soudain parcourue en un éclair – comme nos yeux – comme nos mains – retrouvant la poche matricielle – l’antre où fut enfanté le jour…

 

 

Une fleur – un champ de fleurs – dans la tête – comme une terre propice à l’innocence – au labeur singulier de l’incarnation – à la besogne saisonnière de la mort…

 

 

Le monde – comme une pierre posée sur la peau invisible des Dieux ; un passage ouvert – façonné avec application – avec une ferveur intense et (quasi) religieuse – comme un pacte – une étrange alliance entre le silence – l’éternité – ce que les hommes considèrent, sans doute, comme le plus sacré – et nos faiblesses – notre obsolescence si particulière…

 

 

Aux angles du ciel – l’air – les anges, peut-être – sur la trace des Dieux – au-dessus des empreintes humaines – labiles – dérisoires – que les vents et les pas (de plus en plus lourds) des générations successives effacent – ce qui nous est de plus en plus égal à mesure que l’innocence et le besoin de soustraction nous gagnent – se fortifient ; barreau après barreau sur l’échelle de l’humilité – de la désagrégation – de la transparence…

Aux angles de la terre – le même air – le même ciel – notre présence sans les Dieux trompeurs – sans les Dieux inventés – sans les Dieux imaginaires…

 

 

Nous – clairvoyant(s) – dans la fumée du temps brûlé – avec des amas d’images déversées à nos pieds – devenues inutiles – obsolètes – superflues…

Nous – nu(s) (de plus en plus) – sur le gravier des chemins – le vent qui pousse nos pas et nos épaules – vers les prochains lieux – sous les prochains faix – à travers mille rencontres – à travers mille circonstances…

Devant nous – pas la moindre ligne – pas le moindre horizon – un instant après l’autre – quelques virages peut-être – quelques virages sans doute – pas le moins du monde anticipés…

 

 

Rien qu’un peu de vent sur nos terres fragiles ; le souffle d’ailleurs qui nous caresse – qui nous traverse – qui nous purifie – comme une langue étrangère disposée à nous apprivoiser…

Et l’esprit surpris dans son espace – sans surveillance – qui accumule vainement les paroles…

 

 

Sans personne – sans âge – sous la pluie – à interroger, en soi, l’homme – l’inconnu – l’infini – non pour trouver son chemin mais pour faire corps avec chaque instant – chaque chose – chaque visage – le moindre repli – la moindre aspérité…

Nous – nous apprivoisant – nous familiarisant, peu à peu, avec nous-même(s)…

 

 

Caché dans la forêt – parmi les bêtes et les broussailles – à attendre l’aurore – le silence – au-dedans…

 

 

Toute une vie à remuer la terre – à inventer des histoires – à enjoliver les circonstances – pour satisfaire l’impérieux besoin de l’esprit – devenir un homme parmi les Autres – semblable(s) en (presque) tous points…

 

 

Eloigné du monde – des hommes – grilles et geôlier de sa propre cage – à la porte ouverte – aux barreaux disposés si loin les uns des autres que la liberté et la détention semblent étroitement liées…

Repères plutôt que réclusion – possibilités plutôt que parenthèse…

 

 

Du vide et du sable – partout – jusque dans la conscience – et ces vents – si puissants parfois – qui soufflent – qui tournent – qui font danser les êtres et les choses…

Nos pauvres jambes et nos pauvres gestes – secoués – fouettés – sans résistance…

Le sang – la douleur – le jour – la joie – intimement…

Nous – ruisselant de tristesse jusque dans notre triomphe…

 

 

Dieu – présent – qui s’est aventuré jusque dans nos plus lointains déserts – au plus profond de nos gouffres – nous attendant partout – à chaque angle – à chaque recoin – à chaque instant – à toutes les étapes du voyage…

Accompagné(s) tout au long du chemin – de bout en bout – d’une extrémité à l’autre…

Sur cette ligne qui traverse les corps – les têtes – les âmes – tout l’espace – les moindres anfractuosités du royaume commun…

 

 

Pays de la joie et du recevoir – au-delà des confins et des neiges infranchissables – au-delà des couleurs et de la violence – au milieu de nulle part – au milieu de l’immensité…

 

 

Voyageur – parmi les vents – sans itinéraire – sans chemin – au-delà des lieux et des empires artificiels – sans souveraineté – au-delà de ceux qui se prétendent humains…

Pèlerin sans destination – sans naissance – dont les pas ne laissent aucune trace sur le sable – à peine un peu de poussière soulevée…

 

 

Les jours contrariés – les âmes à contrecœur – une musique sans accent de sagesse – les heures – comme toutes nos vies – désemparées…

Dans le tumulte apparent du monde qui s’affiche au-dessus du sommeil – à la frontière de notre chair assoupie – presque morte déjà…

 

 

Calligraphie des jours – calligraphie du monde – nos signes infimes – dans la tête – dans l’âme – sur les pages ; danse des mains ; des gestes sacrés qui dessinent le ciel à proximité – accessible et rieur – relié naturellement au souffle – à la respiration ordinaire – à l’existence la plus quotidienne…

 

 

Parmi les feuilles et les herbes – notre feutre – notre pas – l’âme ouverte sur ce que les hommes apparentent au mystère – à Dieu – au plus énigmatique ; le balancement du ciel – en nous – entre la chair et le temps – oscillant, sans cesse, entre le passage et l’éternel – entre la délicatesse et la pierre – dérisoires et indestructibles – selon l’opacité du masque et la densité des rêves…

 

 

Nous – agenouillé(s) devant nos pieds joints – les poignets ligotés – l’âme en éclats – buvant, à petites gorgées écœurées, le sang des Autres versé dans la jarre posée sur l’autel construit à notre intention – et qu’il nous faudra, un jour, transformer en vasque vide – en soleil sans mensonge – sans apparat – sans trahison ; en nudité irradiante – avec nous sur la braise – debout – sur le sol métamorphosé en silence et en prières ardentes…

 

 

Nous – assiégé(s) par le froid et l’indifférence – tous les assauts – à l’intérieur – ce qui, en apparence, nous éloigne des hommes – ce qui, en vérité, accroît notre humanité…

 

 

Le jour et la nuit – enfants nés de la même matrice…

Habillés de chair – l’œil et la main – prêts à célébrer tous les rites – à servir de suppliciés – exécuteurs et matière sacrifiée sur tous les autels humains que l’on dresse au fond des poitrines assiégées…

 

 

Des mots – la parole et du silence – intimes – infiniment accordés – rapprochant leur visage – s’unissant – faisant oublier leurs différences apparentes – mêlant leurs forces – leur souffle – leurs rouages – devenant seul(e) en l’autre – suffisamment pour négliger le reste du monde…

 

 

De notre poitrine jailliront bientôt le miracle et l’émerveillement – ce qui, d’une certaine manière, nous éloignera des hommes, et d’une autre, nous en rapprochera…

 

 

Entre les barreaux d’un ailleurs – inventé peut-être – Dieu – notre sourire – ce qui se mélange – ce qui efface nos lignes – tous les contours – toutes les frontières…

 

 

La main et le sang – animés par la même force – fragiles dans leurs dissemblances – ce qui s’apparente à l’homme – au cœur – au monde – à l’enfer…

Notre posture – les uns en face des autres – des coups et des étincelles – quelque chose qui s’immobilise – qui s’affaisse – puis, le foudroiement de l’arc-en-ciel – ce qui semblait tenir – ce qui semblait exister – ce qui semblait pouvoir durer – sans raison apparente – comme un chant – une ode provisoire à la magie incarnée – aux combinaisons alchimiques entre l’invisible et la matière ; le réel en songe – la multitude illusoire offerte aux yeux ; le cœur et l’esprit cadenassés – s’enfantant – se libérant – se rejoignant – l’un dans l’autre…

Toutes les rêveries dans la tête des Dieux…

Nos mille gesticulations dans le vide et le silence – tous les visages et toutes les dimensions de ce que l’on ne peut nommer…

 

 

Le regard – comme la vie – furtif…

Sur la braise – à pieds joints – le ventre et la bouche en feu – rayonnants – comme la faim féroce – du soleil dans le sang – et ce qui manque à l’âme pour déchirer le voile…

Homme – peut-être – à jamais…

 

 

Ici ou ailleurs – qu’importe les visages – ce qui défile – la nuit déguisée en jour – la misère qui n’épargne personne – notre manière de vivre…

Tout ce qui nous semble familier nous demeurera, bien sûr – à jamais, étranger…

 

 

Nous – l’âme plongée au cœur des sévices humains – au milieu des visages sans nom – incompris – incompréhensible(s) – dans notre solitude et notre étrangeté – dans notre si singulière façon d’être au monde – impartagée…

 

 

Sur la peau trop noire – et trop rugueuse – du monde – des jours – nos âmes harassées – distordues – égarées – parmi les substances et les instincts – les incessantes gesticulations des vivants…

 

 

Le silence – en nous – que nos mains frôlent comme si elles effleuraient la part la plus étrange du ciel – une figure inconnue dont nous aurions oublié la généalogie…

 

 

Liquide(s) – comme la source – ce que nous croyons solide et consistant – comme ce qui coule en nous – comme ce que nous étions autrefois – comme ce que nous deviendrons bientôt…

 

 

Dos au monde – sur l’étendue – les yeux en face – et l’immensité partout…

Ce qui nous pénètre – ce que l’on charrie – l’Amour et toutes les révolutions…

Nos gestes – comme des lambeaux de vide – des tourbillons d’air dans l’espace – d’infimes et dérisoires secousses – (presque) en continu…

 

 

Les bras contre le corps du monde…

Nos feuilles qui se noircissent sous le labeur tranquille (et quotidien) de la main…

L’âme tout entière occupée à sa tâche – l’esprit présent – attentif à la transformation des états – des décors – des circonstances ; fleurs et beauté – neige et tristesse – colère et sagesse…

L’enfance et les saisons qui coulent dans nos veines à la place du sang – rien au lieu du regard de l’Autre…

Des mots dans la nécessité – sous le soleil…

Et du silence pour occulter – pour couronner – le vacarme des hommes…

Notre nuit à tous – en vérité – vilipendée – exécrée – honorée, puis, bien sûr, effacée – pour accueillir le plus tangible…

 

 

Les bras dans le vent – comme l’âme – libres – sans message – tournant comme des girouettes – les yeux fixés sur l’Amour…

 

 

Nous – à l’ère du vieillissement – dépouillé(s) – de plus en plus – comme les arbres en hiver – la seule saison qui vaille – pour nous – en continu – avec un peu de neige – un brin de magie – sur le chemin – sans la moindre empreinte à la surface – les feuilles qui recouvrent notre vie – notre voyage – notre destin…

 

 

Le dialogue douloureux – entre nous – les attributs d’un jeu sans âme – d’un affrontement sans cœur – rude et artificiel…

Le jour au creux de l’éphémère…

Le passage – les passants – au cœur de l’immuable…

 

 

La douleur, peu à peu, remplacée par la joie…

A la verticale de la tête – cette lumière – comme une poussière d’or jetée en l’air…

La face – l’essence – le silence – comme les joyaux les plus sacrés de l’invisible…

Trois anneaux passés aux doigts…

L’être éternel déguisé en tous les paraîtres provisoires…

 

 

Rien – jamais – séparé du reste…

Fragment de terre redressé – bout de ciel provisoirement planté dans le sol…

Entre-deux un peu perdu – traversé par le souffle…

Terre peuplée de mille Dieux – de mille démons – la cosmogonie commune de la psyché – archers et remparts en tête…

Entité fragile et armée – à la tuyauterie gorgée de sang – au-dedans corrompu par les instincts auxquels se mêlent, si souvent, la peur et la cruauté…

L’ignorance comme un bloc – un feu qui alimente la faim – qui anime la main gantée qui tient le poignard – l’outil des alliances et de la mort – l’instrument que l’on plante ici et là pour marquer sa substance et son territoire…

L’atroce continuité des temps anciens qui, d’ici et d’ailleurs, nous semblent interminables…

 

 

A même la terre – les espèces – les bêtes – à genoux – sur le sol – rampant – priant – labourant – sous le même ciel – replié dans le sang – et se déployant, parfois, lorsque l’âme – le ventre et les mains – parviennent à se dépeupler…

 

 

A peine vivant – le temps qui imprime ses traces sur la peau – la bouche de plus en plus fermée – l’âme qui s’ouvre peu à peu – la tête écartelée entre les habitudes (les sillons creusés par la mémoire) et la possibilité d’une réelle présence…

 

 

Vide – comme si les générations précédentes n’avaient jamais existé – comme si le monde n’était peuplé que de notre visage – et de quelques fantômes…

 

 

Ce que nos vertèbres portent depuis le premier gisement de chair ; notre corps – installé dans l’absence – depuis (presque) toujours…

 

 

A l’écoute des siècles à venir – trop lointains – imaginés – imaginaires – qui n’existeront jamais…

 

 

Des trous – comme des intervalles – des fenêtres – des lieux de repos – des lieux d’enfouissement – des lieux de découverte…

Et au fond – et au-dessus – l’eau et l’infini – la vie libérée – la vie réunie – et tous nos pas – et tous nos visages – qui rejoignent les extrémités – qui repeuplent les berges et les marges – ce que nous avons, depuis trop longtemps, déserté…

 

 

L’âme sous la neige – et le visage recouvert aussi – sur lesquels crissent les pas des Autres – et glissent leur chair – leurs désirs et leur amour – maladroits et insincères…

 

 

Le monde qui, peu à peu, se défait – les os – solides pourtant – sur le point de se briser sous la charge – le poids accumulé et le nombre de passages…

Une vie souterraine – à contre-jour – à contre-cœur…

 

 

Hors de soi – hors du monde – quelque chose de l’enfance et de l’infini…

Le jour – comme notre plus beau visage…

Un peu de chair sur une ossature verticale – avec, au-dedans, un cœur – un peu de souffle…

Et l’immensité qui convoque tous les possibles…

 

 

Au centre et aux extrémités de soi – sur la peau – sous la chair – sur la terre – dans le ciel – au-dessus – en dessous – au cœur même des éléments – l’invisible – le territoire originel de l’Amour…

Ce qu’aucune main ne peut saisir…

Ce qu’aucun ventre ne peut engloutir…

La matière qui s’offre – la matière qui s’expose…

Ce qui, en nous, se redresse – ce qui, en nous, se déploie…

L’infini – l’éternité – le silence…

L’âme sur son socle – tous les cercles réunis et assemblés…

Tous les possibles dans les mains de la tendresse…

 

 

Contre le vent – lové(s) au centre de la spirale – des tourbillons – le désordre vivant…

Le sommeil dans nos bras…

Les rêves et le monde – le réel – regardé(s) comme pour la première fois – accueilli(s) et aimé(s) de la plus simple manière – comme des parts anciennes oubliées – enfin – et fort heureusement – retrouvées…

 

 

Nous et l’âme – sans affres – sans désordre – sans désastre – sur la pierre – avec, sur les joues, quelques larmes séchées et un peu de poussière – l’or du monde – des existences – des chemins – collé partout – sous les semelles – sur la peau – jusqu’au fond du cœur – les yeux enfin aptes au regard – l’esprit – le cœur et les mains – enfin aptes à recevoir…

Nous – pleinement vivant(s) – au bord de la source – sans nom – sans âge – (presque) éternel(le)(s)…

 

 

Derrière chaque pierre – des visages qui se cachent pour pleurer…

Nos âmes dans la poussière – piétinées – pulvérulentes…

La tête démunie – les yeux habillés de vide et de rêves…

Dans le cœur – des bruits – un peu de vacarme – comme un air de fête – un peu de fureur concentrée peut-être…

 

 

Entre la lumière et le temps – les heures tapies – dissimulées – soustraites aux yeux trop avides du monde qui voudrait les fixer sur les aiguilles des horloges – au milieu des jours et des saisons qui défilent sur le calendrier…

 

 

Nous – sous les yeux des Autres – puis leur échappant – nous libérant, peu à peu, du sommeil et du rêve des vivants…

 

 

Assis près des hautes fenêtres qui surplombent le monde et les vents…

Les paupières closes derrière lesquelles dansent tous les songes…

 

 

Un éclat de rire sur le réel – le séant entre l’arbre et le livre – sur le sol recouvert tantôt d’herbes – tantôt de feuilles – notre feutre fidèle à la main – le vide en nous – et au-dehors – à sa place, en somme – l’œil encore rouge du manque de sommeil et des larmes anciennes causées par la tristesse d’être au monde…

Apparemment homme parmi les hommes…

 

 

Trop d’étoiles sur la terre – le monde sur le dos – tous les ascendants à la ceinture – et nous – sur le pont – à danser avec les choses – les êtres et les ancêtres – parmi toutes les peines accumulées – intériorisées – dans la lumière – à nous éreinter sans que jamais ne frémisse le moindre vivant – le moindre mort…

 

 

Un seul geste – un tas de feuilles sous le coude – l’infini qui réclame sa part – qui offre sa voix et son envergure pour que le blanc – un peu de silence – s’invite – et ouvre un passage entre les signes tracés à l’encre noire – vers une étendue où pourraient enfin s’évanouir toutes les peines – un lieu où pourraient enfin s’épanouir toutes les âmes…

Et nous – encore au creux du temps – à genoux – dans le silence – la chair sur cette pente raide où finissent par glisser tous les âges…

Loin – très loin – du dernier sommeil…

 

 

La nuit ouverte – fenêtre derrière le dos – sous l’ombre gigantesque de la terre – entre l’étoile et le crachat – notre destin effiloché – notre âme en fuite – nos empreintes (modestes) sur la page et le silence – à portée de main – offrant, peut-être, à l’Autre un étroit passage…

 

 

Le faux Dieu des hommes – tremblant derrière leurs gestes – apeuré malgré son grand âge et son expérience (supposés) – blotti contre lui-même – au milieu d’un long silence – en plein sommeil – sans doute – ce qui précipite, trop souvent, ses adeptes vers le sol et l’engourdissement…

 

 

Des vagues – des saisons – de la lumière…

La beauté – la mort – notre faiblesse…

Un regard – un peu d’espace – pour respirer et contempler – seul(s) – ensemble…

 

 

Une manière de vivre – au milieu du monde – au sommet – dans nos profondeurs – en surplomb et en deçà de l’enchevêtrement – plus léger et solitaire – malgré l’attraction et la gravité du monde…

Au-dessus des rouages et de la mémoire – ce dont a viscéralement besoin la monstrueuse machinerie inventée par les hommes…

Une façon, à la fois, de s’effacer et de déployer sa présence – de s’éloigner et de s’affranchir de l’ogre – du mastodonte mécanique…

 

 

Dans les mains – le vent plus dense – et plus sauvage – des dernières heures…

La liberté visible déjà avant l’échéance…

 

 

Le vide derrière ce qui a abusé nos sens…

A rejoindre les courants ascensionnels – l’évaporation des eaux vers les hauteurs – comme une manière de pousser la dernière porte – de franchir le dernier seuil…

Le soleil à notre rencontre – et nous l’approchant – puis, peu à peu, le devenant – comprenant (progressivement) que nous n’avons jamais cessé de lui appartenir – d’être l’un de ses (innombrables) composants – et son entièreté aussi – malgré notre ignorance – nos origines apparentes et nos absences si fréquentes…

 

 

La présence effacée – comme un soleil assassiné – une aurore pervertie par la persistance du sommeil – un voile jeté sur la seule fenêtre de la maison…

 

 

Nous – dépossédé(s) – hors du cercle – resserré(s) par l’urgence de l’échéance – les yeux fous – la tête baissée – la liberté transformée en un (pitoyable) masque – en foulard asphyxiant – comme une manière de haleter sans pudeur – de s’essouffler – de s’éreinter à courir derrière le ruissellement naturel des eaux – mille tourbillons d’air – le monde entier s’enfuyant vers l’immensité – irrésistiblement attiré(s) par l’étendue des neiges éternelles – l’une des formes paroxystiques de l’oubli et du pardon offerte à toutes les créatures terrestres…

 

 

A notre rencontre – les lignes et les lèvres ouvertes – offertes – tendues – exposées à ce qui passe – à la merci du premier venu – de tous ceux qui cherchent une vérité (trop) facile – un court instant de (fausse) complicité – quelques dogmes à se mettre sous le coude ou à rabâcher…

Le soleil – entre les dents – mâché et remâché comme s’il s’agissait d’une substance commune – d’un aliment ordinaire à portée de toutes les bouches…

 

 

Le sol – sous les jours – sous les pas – prêt à être foulé par les malheurs (tous les malheurs) et la lumière…

 

 

Riche d’une joie sans condition – sans pareille – déterminante dans notre manière de nous tenir debout – face au monde – face au vent – les mains ouvertes – à notre place – quelle que soit la nature des circonstances – quels que soient l’état d’esprit et l’état du monde…

 

 

Vivant – discret – presque invisible – dont les cris sont presque toujours transformés en taches d’encre sur la feuille – habité par l’Amour (autant qu’on lui en laisse l’occasion) – avec le vent pour seul costume – la tête métamorphosée tantôt en miroir – tantôt en regard – selon l’intention de la figure qui nous fait face – du visage qui se tient devant nos yeux…

La joie inscrite dans les tréfonds de la blessure – inarrachable et nécessaire – souveraine à chaque souffle – à chaque battement de cœur – pleinement vivante…

Et nous – au-dessus du monde et de la plaie – inguérissables…

 

 

Ce que l’on confie au monde – l’espoir d’une guérison – un peu de nos blessures ; quelque chose de la soustraction – une manière de s’abstraire de la tyrannie des masques – le cœur palpitant – et le cri enfanté du fond de la douleur – au cœur de la plaie…

Comme une perspective au-delà du cercle des conventions – en deçà de la nudité…

 

 

Personne – comme au sommet de l’oubli – au faîte du cœur humain – à l’inverse de tous les règnes du monde – de ce qui est habituellement proposé…

 

 

La chair de la terre et l’invisible du ciel – comme combinés – à parts inégales et changeantes – selon les pas et les intentions…

Ce que nous conservons ; la survivance – le désir de perpétuation – l’inclination à la saisie et au salut – le besoin de sauver son âme et sa peau…

Dans le sang – dans la tête – pas le moindre signe de trahison – une fidélité à notre longue généalogie…

 

 

Nos limites – ni la chair – ni le clan – ni la mort ; la nature même de l’envol et du miracle…

 

 

Le jour défait du voile – affranchi de nos prières – de la puissance du désir…

La lumière dans son essence – inscrite déjà dans notre moelle – et s’imprimant jusque dans nos gestes et notre respiration…

 

 

La transformation du corps – du cœur – le prélude du véritable voyage – ce qui fait que tout semble si provisoire – que tout n’aspire qu’à s’éterniser ; de la tête au fait – sans jamais discontinuer – avec l’achèvement – possible – comme un état intermédiaire – un maillon – un simple maillon – dans la chaîne interminable ; davantage un concept – une vérité abstraite qu’un état – qu’un ressenti…

Une chose – une expérience – éprouvée – parmi mille autres – dix mille autres – une infinité…

 

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