Carnet n°250 Notes journalières
En tous sens – de tous côtés – cette matière minimale – comme une oxygénation des abîmes – un redéploiement (permanent) de la source – le plus noir découpé en strates – sous la lumière polymorphe et polyvalente – le retour du plus essentiel…
Le monde sans bordure – à la manière d’un ciel découpé et offert à chacun…
Un triangle d’étoiles avec – au milieu – un feu et un alphabet élémentaire – pour essayer de relier les racines du réel aux hauteurs invisibles – de replacer l’axe vertical au cœur de toutes les horizontalités…
Le signe d’une présence infinie (particulièrement) ascendante…
Au creux des mains – cette étoile impossible – fuyante – que personne ne voit et à laquelle si peu aspirent ; un véritable présent – pourtant…
Et en contre-haut – ce qui nous semble (encore) invisible…
Nous – envahi(s) et écrasé(s) par l’exil des Autres – leur fuite momentanée des terres communes…
Ce que nous notons ; l’horizon pollué – le mécontentement – ce qui rivalise avec notre silence – l’accueil impossible des fronts endormis…
Sur les rives – rien – pas l’ombre d’une silhouette – pas l’ombre d’un visage – pas l’ombre d’un chien ; des bêtes haineuses et féroces – bien plus que sauvages – prêtes à tout engloutir – à tout ravager – pour leur seul plaisir – assouvir leur faim…
Des figures qui ont l’air de sourire – avec juste derrière – des crocs et le poignard dissimulés…
Des âges et l’éternité ; et l’instant pour détrôner tous les fantasmes d’immortalité…
Un mur – long – orbe – infranchissable – dans la tête et le sang – qui sépare le monde et nous place du côté des malheurs comme s’ils étaient le socle des existences – une contrée sans secret – l’une des rares terres capables d’effacer le ciel et de loger dans les hauteurs une promesse – mille mensonges – comme une autre terre inaccessible – aussi chimérique que celle sur laquelle nous avons l’air de vivre…
Devant la pierre – l’effacement – ce qui demeure – la nuit éparpillée – le monde des ancêtres – tous nos malheurs et nos (pitoyables) secrets – presque au-delà des heures passives et partisanes…
L’arbre – ce qui nous éloigne de l’enfer – après le temps des images – avec le ciel par-dessus toutes les ombres…
Ce que cache la tête – ce qu’efface la fréquentation du ciel – toutes ces impressions trop strictement terrestres…
De boîte en boîte – de sphère en sphère – comme si chaque naissance était le prolongement de l’histoire – la suite – une surprise et un enjeu – la continuité de l’ouverture et de la dévoration – une fabuleuse invitation, selon les inclinations, à poursuivre ou à recommencer…
Le jour – en nous – tétanisé par nos craintes et notre rigidité…
Une tour de guet – sur nos remparts – derrière nos murailles de livres et d’objets – d’images et d’idées – mille choses, bien sûr, destinées (à terme) au feu…
Notre nudité sur la terre – l’âme dans son trou – à l’abri – puis, qui apprend à s’exposer à tous les vents – sans le moindre dommage…
Sans influence – libre des horizons convoités – célébrés – rendus bêtement attractifs…
Dans la profondeur du corps et de l’esprit – le cœur revisité – exploré parcelle après parcelle – de la même couleur et de la même texture que le reste…
L’œil au milieu de la mémoire dévastée – devenue, peu à peu, obsolète – inutile…
Au cœur de l’espace – sans racine – sans langage – silencieux – une présence – des gestes – quelques paroles parfois…
Ce que nous réclamons tous – sans la moindre exception…
Nous – nous laissant dévorer par toutes les bêtes – cet amas grouillant – impressionnant – d’insectes – de mâchoires – de serpents ; de la chair – de l’âme – des monstres – plein la bouche – sous ces milliers de dents qui nous arrachent – nous perforent – nous mastiquent – dans la gueule (immense) de la terre qui, peu à peu, nous engloutit…
Dans le mouvement – la trace de la rupture – le silence sous-jacent – cette immobilité muette – juste au-dessus de la vie et de la mort – juste au-dessus de nos têtes…
Le prolongement de la solitude livré au monde…
Les paumes ouvertes sous le ciel rouge – la mort agenouillée – à nos côtés…
L’Absolu et l’aveuglement…
Les viscères à l’air et l’âme exposée…
Indifférent aux pyramides – à tous les édifices érigés (trop orgueilleusement) à notre gloire…
Ce que la vie reconduit – naturellement – systématiquement – sa continuité – son déploiement – l’opacité de l’esprit – cette neige à l’intérieur – comme un éclat trop éblouissant pour oser s’y aventurer…
Perdu(s) – en contrebas de l’aube – sous cette lune trop blanche – le front – la tête – jamais épargné(s) ni par la bêtise – ni par la folie…
Et – en nous – les ombres bousculées – fébriles – exultantes – l’air brassé – au-dedans – comme d’incessants tourbillons dans le vide…
Ce qui gesticule – sans cesse – à l’intérieur – comme un jeu – un élan – irrépressible…
Ce qui nous hante et se répand – nos fantômes qui repoussent la lumière – toutes les possibilités de la lumière…
Et nos pas sur la route grise – harassés – découragés par la distance qui nous sépare de nous-même(s) – de ce lieu-présence inespéré…
Sur la peau – la même joie qu’à l’intérieur ; au-dedans – des spectres qui encerclent l’innocence – comme un siège autour de notre absence de remparts ; nos ancêtres mi-gardiens mi-guerriers repoussés – le royaume retranché dans les hauteurs – inaccessible par les escaliers de pierre – et qui descendra vers nous lorsque nous serons capables de nous hisser jusqu’aux cordes du monde tissées dans la trame générale – lorsque nous serons capables de faire naître (au fond de l’âme) une échelle de vent (immense) pour y grimper avec la plus grande légèreté – et accéder ainsi à notre plus ancien – à notre premier – visage – le seul en mesure de nous offrir suffisamment de force et de ravissement pour retrouver le monde – et y vivre sans tristesse – sans amertume – sans espérance…
Revêtir cette grâce d’être – quelles que soient les circonstances et les parcelles de la terre fréquentées…
La tête en arrière – renversée – comme un tambour – un instrument en peau de bête – sur lequel taperaient les mains d’un Dieu – agile – farceur – diablement expérimenté – comme un appel – une manière de disperser nos souvenirs – de désenclaver l’esprit – de démembrer la mémoire – de rendre nos idées caduques – et suffisamment innocentes pour que nous puissions nous familiariser avec le vide et nous laisser habiter par l’inconnu – le regard – l’Amour – le silence…
Comme une invitation à une transe étrange – longue et indirecte – une sorte de marche immobile vers la tendresse – vers notre figure – notre versant le plus tranquille…
Du côté de la vie – de la mort – de la danse – simultanément…
Dans l’intimité de ce qui nous étreint…
Le plus sauvage assagi – comme la conscience première et naturelle – la civilisation originelle peut-être…
Le monde de l’enfance – avec l’innocence – sans la naïveté – l’alphabet dans la tête – une lettre à la main et ce collier invisible sur la poitrine qui attend quelque chose – un signe du ciel validé par l’esprit – au-delà de la raison pensante – à la manière d’une peau-lumière qui indiquerait la route à suivre – le lieu de l’acquiescement – de toutes les intégrations – désert ou thébaïde – en soi – la terre de la liberté et du recommencement…
Un monde parallèle au monde – au cœur du bruit – ce qui nous habite et qui s’ouvre grâce au regard de l’enfance – le pas emporté – le geste affranchi – ce que nous devenons (naturellement) une fois libéré(s) de l’esprit-malle – de cet univers de strates mortes et inutiles – comme une plongée – un saut – un envol – vers une parcelle (irrécusable) de lumière…
Au bord des lèvres – du partage – le monde oublié – la grandeur, en nous, engouffrée – déployable à l’envi – selon les visages et les circonstances ; dans la main – en particulier – comme le prolongement du plus essentiel…
Bien davantage qu’un univers – bien davantage qu’un lieu où végéteraient quelques-uns de nos fantômes – bien davantage qu’une aura supplémentaire ; l’être éclatant – dans sa plus émouvante nudité…
Ce que nous sommes – ce que nous deviendrons – tous – en vérité…
Nous – prenant notre place – devenant (presque) l’indicible – le feu fragile – la nuit légère – la couleur la plus éclatante de l’Amour – ce qui, en fin de compte, nous a toujours été offert – mais que nous comprenons (en général) très tardivement – après une longue et indispensable propédeutique…
Le silence et la sérénité qui finissent par se substituer à la soif et aux cris – à cette danse infernale du manque…
Devant l’imperfectible – le feu et le désastre – le désespoir parfois – ce qui fortifie nos racines – et nous plonge plus profondément encore dans le roc – au lieu de nous élancer vers la seule étoile possible – les bras ouverts – la tête la première vers le grand soleil – la vie-merveille – la vie éclatante…
Et nos feuilles pour témoigner de ce voyage – de ce (très ancien) secret – sans la moindre importance…
Ce dont nous souffrons – ce pitoyable labeur – cette besogne acharnée – les labours et les récoltes – pour apaiser la faim – et essayer d’emplir ce vide (immense) – comme un renoncement (presque) permanent à la métamorphose…
Engagé(s) – dès le plus jeune âge – dans cette ronde sans incarnation – comme une transe sur le sol de l’oubli – les yeux plongés dans la conquête des apparences – avec des mémoires à bâtir – à retrouver – à rénover…
Des flammes sur toutes les errances – sur tous les fourvoiements – le règne, partout, du mensonge – la tête célébrée – les viles passions – comme de simples instincts que l’on a peu à peu (et artificiellement) sophistiqués pour nous croire supérieurs (ou différents)…
La terre – la vie – que nous saignons comme de pures abstractions – une inclination née de la bêtise et de la cécité…
Partout – depuis (trop) longtemps – les fruits avariés de notre domination – de notre illégitime suprématie…
En apparence – le manque et la peur – comme les masques (étranges) du silence – les mille choses du monde – et tous les vents – puissants – incertains – et le frémissement de nos visages – collés juste derrière ; comme un regard sur tous les exils – sur toutes les luttes – sur ce vil orgueil – cette (incroyable) distance qui nous maintient hors de la lumière…
Nous marchons à côté de nos ailes – déployées – invisibles – prêtes à l’usage – dans la transparence d’un monde pas encore advenu – notre seule issue avant le déluge – avant la fin des temps – l’unique manière (sans doute) d’échapper à l’apocalypse…
Le vide et ses fenêtres en quinconce – les unes pour découvrir le monde – les autres pour entrevoir l’immensité bleue – et quelques-unes (trop rares) pour goûter leur mélange – en d’étranges combinaisons provisoires…
Dehors – la multitude – au-dedans – le regard réjouissant – émerveillé – étrangement surpris par la nature des spectacles – le pouvoir des conditionnements – l’extraordinaire apprentissage des formes – les capacités du monde à se renouveler – toutes nos histoires – toutes nos inventions…
Des étoiles sans perfection – dans un grand tumulte – l’incroyable désordre des choses – le bouillonnement des idées – ce que nous nous murmurons dans le silence ; notre manière (si particulière) d’être vivant…
Ce que nous exigeons – avec obstination – avec véhémence – avec des gestes puérils et impatients – des paroles malhabiles – le front baissé (ou trop fier)…
La longue liste des désirs tatoués à l’envers de la chair – le manque – nos cris – nos lamentations – tous nos gémissements…
Ce que nous arborons comme l’étendard humain – toutes ces exigences pour un si bref passage – beaucoup d’attentes et de tourments pour un séjour sans (véritable) potentiel – sans (véritable) apprentissage – sans (véritable) actualisation…
L’éternel recommencement du même voyage – comme une folie bloquée dans un seul sillon – la même ornière qui, peu à peu, se creuse – et qui devient (très vite) une habitude et un piège – un gouffre – un abîme – l’espace entier réduit bientôt à un (pitoyable et désespérant) néant…
Devant nous – ce bleu ardent – joyeux – le rire sur les lèvres – l’œil malicieux – le monde à notre fenêtre – l’esprit vide – face au désespoir – face au tumulte des Autres…
Dehors – sous le ciel – le regard jamais harassé – le nez collé sur la beauté – adossé à (presque) tous les vents – la tête par l’embrasure de toutes les portes ouvertes…
Des cris et des murmures – quelques plaintes – un peu de joie – puis le silence (enfin)…
Rien que l’hiver – un seul mot – un geste léger – comme une flèche indiquant l’ouverture et le passage – dans la douceur de l’air – la profondeur du regard – dans la félicité du feu et l’agilité de l’oiseau…
Dans la main – la fécondité et l’enchevêtrement de tous les signes – une présence encore très (très) lointaine…
D’un ciel à l’autre – sans angoisse – avec le goût de l’agonie sur les lèvres et, au fond de la poitrine, l’étrange parfum de la mort…
Ce que l’on perpétue dans la faillibilité des croyances et des idées – le monde à l’envers – comme s’il nous fallait entreprendre un autre voyage (ou recommencer celui-ci d’une autre manière)…
Tout semble démesuré – avec ce poids sur les épaules – une marche harassante – l’envergure du ciel – à travers les yeux – le vertige d’un parcours supplémentaire et la possibilité d’une ampleur additionnelle – ce qui, en cas de réussite, reléguerait toutes les autres aventures – toutes les autres explorations – à une sorte de plaisanterie – à une forme de distraction inutile…
Le vide engorgé – presque jusqu’à l’étouffement ; le feu et la mort qui se perpétuent pour compenser l’efflorescence et la prolifération…
Parmi les hampes et les yeux sauvages – les têtes indisciplinées – les bustes armés – mille traces à suivre – avec des ravins – des déserts – des pays – à franchir…
Le reflet de tous les Autres sur notre visage – l’histoire du monde dans chacun de nos pas…
L’absence (si ordinaire) comme un piège – ce qui pourrait, un jour, nous transpercer le cœur – nous transformer ou nous faire mourir – définitivement…
Un jour au milieu du jour – un abîme au cœur duquel il nous est possible de vivre – d’aimer – de mourir…
Ce qui – en nous – existe – dans la multitude (apparente) des surfaces…
Le vide – toujours ; au cœur du silence et de l’Amour…
Comme un vertige et une respiration naturelle…
Nous – suspendu(s) aux traces laissées par nos aïeux – sur ces anciens itinéraires d’avant-garde et d’exploration – devenus aujourd’hui lieux de confort et de facilité – bordés de barrières et de lignes blanches – à droite – à gauche – devant et derrière soi – qui confinent à une restriction – à une forme d’enfermement – à quelques vaines gesticulations – à de pitoyables aventures – au cœur d’un cadre (extraordinairement) restreint…
Une cage – une tour – des voyages immobiles…
Une marche circulaire au cœur d’un périmètre étroit – totalement circonscrit (et cartographié)…
Quelque chose du manque – du cri – dans notre étranglement…
La silhouette d’un oiseau qui émerge – imaginaire…
Le reflet des barreaux sur notre visage…
La chambre où l’on nous a installé(s) au début du voyage et qui devient, peu à peu, une salle de tortures…
Jusqu’à notre mort – par asphyxie…
La tête assiégée – autant que l’espace…
Les marionnettes de la blancheur et du silence…
D’une ligne à l’autre – grâce à un alphabet variable et coloré qui sait mêler les teintes et les textures – qui sait combiner les profondeurs et la surface – pour extraire le réel du rêve ; la voie – l’issue pour dessiner une flèche sur le sol – dans l’esprit – au milieu des images et des idées – pour essayer d’échapper à l’aveuglement presque minéral et au sort quasi sacrificiel des vivants – pour tenter de retrouver l’enfance – le ciel – la présence – ce regard émerveillé sur les choses du monde et l’infinité des cycles – la multitude des possibles et des passages – l’immobilité face à l’éternelle métamorphose…
Parce que l’air ; parce que l’eau ; parce que la terre ; fruit(s) et instrument(s) de la matière…
Le jour transfiguré – la tête blanche – et cette apparence sombre et tumultueuse – le reflet vivant (et provisoire) de ce qui nous attache à ce qui échappe au temps…
Nous – vivant sous le même ciel que les morts – sur la même terre que tous ceux qui vécurent – un jour…
Dans l’âme – sous le front – tous les vestiges du monde – les fossiles de nos ancêtres – des restes présents – vibrants – fondamentalement en nous – comme éléments du puzzle – pièces indispensables à l’ensemble…
Nous – à la renverse sur l’horizon – debout – ici-bas – ailleurs – à genoux – dans l’engourdissement ; au-dessus de la tête – des visions – quelque chose d’incompréhensible – du vide et de la solitude – l’espace – les seuls vrais remparts contre l’enfer que nous créons – nos absurdes tentatives – nos vaines accumulations…
Parfois – du blanc – du silence – ce que nous offrons – ce qui est possible – seulement…
Une partie de l’existence et du monde que très peu connaissent…
Parmi – cette foule – pourtant – que rien ne satisfait – que rien ne comble – que rien ne peut ravir…
Et nos âmes – presque jamais dépouillées – sans image – sans appui – totalement nues – dans la nuit torride – sauvage – dressée autour de nous – inamicalement…
Perdu(s) – parmi nous – incompris ; la relation comme absence – comme négation (presque) absolue…
La nuit – au-dedans – en face – tout autour – dans les yeux de chacun – le cœur trop recouvert – la tête trop dressée – à l’affût de la moindre image – du moindre reflet…
Mille voyages – sans vivre – sans respirer…
Un détour – une déroute en apnée…
Ni silence – ni langage ; du bruit seulement – quasi continuel – entre le cri et l’onomatopée…
Nous – depuis l’origine – l’histoire (officielle) ininterrompue (et cyclique) du vivant – des formes vivantes…
De la vie élémentaire jusqu’au silence – et tous les langages – toutes les manières de l’exprimer comme preuve et témoignage…
Miroirs et reflets non linéaires de notre visage…
De la molécule à l’étoile – de la pierre à l’Amour – à travers la même salive…
De la matrice à la matrice – de bout en bout – en passant par tous les stades – par tous les mondes – par tous les possibles…
Tout nous prépare à l’immobilité ; apprentissage et invitation – (sans doute) la science la plus précieuse…
Nous – attelés à notre tâche…
De l’air dans l’air – brassé – entremêlé – entrecoupé – comme une constellation – quelques signes (insignifiants) dans l’infini ; presque rien – en somme ; quelque chose d’incroyablement propice à l’oubli – comme une infime portion sur l’orbite (quasi circulaire) du temps…
Au-delà des livres – un visage – un frère – un compagnon de voyage – le temps de quelques pas – de quelques saisons – jusqu’à l’étape suivante – jusqu’à la prochaine destination…
Nous tous – les uns derrière les autres – sur la même route – nous croisant – nous poursuivant – nous dirigeant vers le centre du cercle – le visage et la main de plus en plus proches de l’Amour et de la lumière – vers le silence sensible – le geste vivant – juste et nécessaire ; vers nous-même(s) en présence – sans la moindre image – entier(s) – ensemble – dans une seule et même respiration…
Nous – vivant(s) – dans l’axe du soleil – inclus dans le mouvement des étoiles – le voyage – à la dérive – dans l’ignorance merveilleuse du monde et du temps – de ce qui n’existe (presque) pas – confiant(s) – conscient(s) – par-delà les cartes et les livres – par-delà les lieux et les territoires…
Le grand vertige du souffle…
A la merci des jours – le vide – ce à quoi doivent faire face la main et le front ; des êtres effrayés – violents – claquemurés – faussement expressifs…
Nous tous – absents et séparables – malgré d’infimes ressemblances…
Ce que la lampe dévoile – ce que l’esprit refuse – le monde à l’envers – ce que nous serrons (obstinément) dans nos tenailles…
Un peu de rêve et de poussière…
Nos existences et le contenu (complet) de nos têtes…
Presque rien – suffisamment, pourtant, pour inventer des alphabets – mille langages – et écrire des milliards de feuillets – inutiles…
Des pas de danse (quelques pas de danse) – un peu de bruit – dans l’espace – le silence…
Des tiges volubiles autour des pierres – des montagnes – des tours – ce qui, pour grandir, a besoin d’attaches et de tuteur…
A l’intérieur – comme une présence – cachée derrière la bêtise et l’aveuglement – ce que l’on définit (en général) comme l’apparence…
Mille possibilités avant l’aube…
Des échelles – de la neige – du silence…
Du pouvoir et de la terreur – et ce blanc dont on ne peut (quasiment) rien dire…
La mort – des visions – et cette parole (pourtant) inépuisable sur la pierre…
En ce monde – presque rien d’autre…
Tout l’attirail pour être et agir…
Ce que nécessite l’Amour – en désordre…
La vérité – ce que l’on cherche – devant nos yeux – au-dedans – dans les replis de la moindre aventure ; ce qu’offre chaque instant – chaque rencontre – chaque circonstance…
Dans tous nos gestes – le même infini – cet air des hauteurs – cette respiration d’envergure – le grand ciel oxygéné…
Notre nature (obstinément) erratique – (fondamentalement) invariante…
Avant nous – l’espoir d’une continuité – d’un parfait prolongement des traditions – après nous – des yeux noirs qui fixent le monde – ce avec quoi débutent le questionnement et l’errance…
Ce qui ruisselle avec la peur…
Nous – dans l’incessant recommencement du monde…
Un pied sur la terre – un autre aux confins du ciel – dans l’entre-deux du mouvement – du voyage…
Nous – à travers les courants – ce qui passe – de l’esprit – de la chair – des os…
La ronde des vêtures et des saisons…
Des choses – des visages – des apparences au centre…
Sous notre peau – l’œil de la mort qui veille – qui scrute – qui patiente – en guidant le parcours de la chair – l’ouverture (progressive) de l’âme sur le jour – la grande réconciliation avec ce qui a l’air de s’inscrire (médiocrement) dans la durée – dans ces instants (vainement et illusoirement) accumulés – que l’on envisage et que l’on empile comme de simples fractions de temps…
Notre figure apeurée dans le passage ; des ombres mouvantes que révèle la lumière – le moindre éclairage – la moindre clarté (même subjective)…
Et – simultanément – ce qui s’ouvre au fond de l’âme…
Ce qui exulte avec cette émergence – ce déploiement du souffle et de l’espace – ce qui existe par-delà les malheurs et le chagrin – dans la matière vivante…
Sur le bord de l’être – là où la dimension enseigne – la terre comme absence – la vérité trop étroite des noms – notre aspiration à l’essentiel – à l’infini ; tous les jeux affranchis de nos (funestes) ambitions…
Des fontaines à la source tarie – partout – des ruines et des fleurs – l’ancien monde enchevêtré – l’humanité et les bêtes dans leur vieux vêtement de peau…
Les amours mortes – déçues – comme échouées sur des tertres arides…
Le royaume de toutes les détresses – de toutes les tristesses…
Un peu de rêve – le pauvre sel de la terre…
Au cœur de la forêt – l’effondrement terrestre – l’âme délicate – au-dedans de la tête – l’espace – ce qui accueille les reflets – la métamorphose perpétuelle des phénomènes – ce qui débute – ce qui se déroule – ce qui s’achève (à plus ou moins brève échéance)…
Les apparences pourrissantes…
Sur le sable gris – nos bouches – la bave – le sommeil – ce qui ne nous surprend plus – les habitudes du monde – les repas à heure fixe – l’ignorance – l’incompréhension – la bêtise et l’ignominie des hommes – ce pour quoi nous vivons – ensemble – séparés – ici-bas…
Si curieux et affamés de soi – que nous transformons toutes les choses – tous les visages rencontrés – en miroir – à la surface d’un puzzle non reconstitué (et dont l’achèvement nous importe peu) – l’esprit morcelé – tiraillé, sans cesse, par les (apparentes) extrémités du temps…
Ce que l’on trace à la craie face à l’absence – comme une piètre tentative de résistance…
La vie à reculons – un autre monde à inventer – des cercles sans fin à bâtir – à assembler…
Notre visage dans la transparence…
Notre précieuse existence d’animal solitaire…
La tête baissée vers l’enfance oubliée – l’innocence perdue – l’aspiration naturelle de l’homme dévoyée – ce que notre infidélité a engendré – le sort que l’on réserve à la terre ; la dévoration et la perte du plus précieux – ce dont nous ne pouvons nous passer – l’essentiel sans lequel nul ne peut vivre – véritablement…