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LES CARNETS METAPHYSIQUES & SPIRITUELS

A propos

La quête de sens
Le passage vers l’impersonnel
L’exploration de l’être

L’intégration à la présence


Carnet n°1
L’innocence bafouée

Récit / 1997 / La quête de sens

Carnet n°2
Le naïf

Fiction / 1998 / La quête de sens

Carnet n°3
Une traversée du monde

Journal / 1999 / La quête de sens

Carnet n°4
Le marionnettiste

Fiction / 2000 / La quête de sens

Carnet n°5
Un Robinson moderne

Récit / 2001 / La quête de sens

Carnet n°6
Une chienne de vie

Fiction jeunesse / 2002/ Hors catégorie

Carnet n°7
Pensées vagabondes

Recueil / 2003 / La quête de sens

Carnet n°8
Le voyage clandestin

Récit jeunesse / 2004 / Hors catégorie

Carnet n°9
Le petit chercheur Livre 1

Conte / 2004 / La quête de sens

Carnet n°10
Le petit chercheur Livre 2

Conte / 2004 / La quête de sens

Carnet n°11 
Le petit chercheur Livre 3

Conte / 2004 / La quête de sens

Carnet n°12
Autoportrait aux visages

Récit / 2005 / La quête de sens

Carnet n°13
Quêteur de sens

Recueil / 2005 / La quête de sens

Carnet n°14
Enchaînements

Récit / 2006 / Hors catégorie

Carnet n°15
Regards croisés

Pensées et photographies / 2006 / Hors catégorie

Carnet n°16
Traversée commune Intro

Livre expérimental / 2007 / La quête de sens

Carnet n°17
Traversée commune Livre 1

Récit / 2007 / La quête de sens

Carnet n°18
Traversée commune Livre 2

Fiction / 2007/ La quête de sens

Carnet n°19
Traversée commune Livre 3

Récit & fiction / 2007 / La quête de sens

Carnet n°20
Traversée commune Livre 4

Récit & pensées / 2007 / La quête de sens

Carnet n°21
Traversée commune Livre 5

Récit & pensées / 2007 / La quête de sens

Carnet n°22
Traversée commune Livre 6

Journal / 2007 / La quête de sens

Carnet n°23
Traversée commune Livre 7

Poésie / 2007 / La quête de sens

Carnet n°24
Traversée commune Livre 8

Pensées / 2007 / La quête de sens

Carnet n°25
Traversée commune Livre 9

Journal / 2007 / La quête de sens

Carnet n°26
Traversée commune Livre 10

Guides & synthèse / 2007 / La quête de sens

Carnet n°27
Au seuil de la mi-saison

Journal / 2008 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°28
L'Homme-pagaille

Récit / 2008 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°29
Saisons souterraines

Journal poétique / 2008 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°30
Au terme de l'exil provisoire

Journal / 2009 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°31
Fouille hagarde

Journal poétique / 2009 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°32
A la croisée des nuits

Journal poétique / 2009 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°33
Les ailes du monde si lourdes

Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°34
Pilori

Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°35
Ecorce blanche

Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°36
Ascèse du vide

Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°37
Journal de rupture

Journal / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°38
Elle et moi – poésies pour elle

Poésie / 2009 / Hors catégorie

Carnet n°39
Préliminaires et prémices

Journal / 2010 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°40
Sous la cognée du vent

Journal poétique / 2010 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°41
Empreintes – corps écrits

Poésie et peintures / 2010 / Hors catégorie

Carnet n°42
Entre la lumière

Journal poétique / 2011 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°43
Au seuil de l'azur

Journal poétique / 2011 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°44
Une parole brute

Journal poétique / 2012 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°45
Chemin(s)

Recueil / 2013 / Le passage vers l’impersonnel

Carnet n°46
L'être et le rien

Journal / 2013 / L’exploration de l’être

Carnet n°47
Simplement

Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°48
Notes du haut et du bas

Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°49
Un homme simple et sage

Récit / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°50
Quelques mots

Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°51
Journal fragmenté

Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°52
Réflexions et confidences

Journal / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°53
Le grand saladier

Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°54
Ô mon âme

Journal poétique / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°55
Le ciel nu

Recueil / 2014 / L’exploration de l’être

Carnet n°56
L'infini en soi 

Recueil / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°57
L'office naturel

Journal / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°58
Le nuage, l’arbre et le silence

Journal / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°59
Entre nous

Journal / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°60
La conscience et l'Existant

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°61
La conscience et l'Existant Intro

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°62
La conscience et l'Existant 1 à 5

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°63
La conscience et l'Existant 6

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°64
La conscience et l'Existant 6 (suite)

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°65
La conscience et l'Existant 6 (fin)

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°66
La conscience et l'Existant 7

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°67
La conscience et l'Existant 7 (suite)

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°68
La conscience et l'Existant 8 et 9

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°69
La conscience et l'Existant (fin)

Essai / 2015 / L’exploration de l’être

Carnet n°70
Notes sensibles

Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°71
Notes du ciel et de la terre

Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°72
Fulminations et anecdotes...

Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°73
L'azur et l'horizon

Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°74
Paroles pour soi

Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°75
Pensées sur soi, le regard...

Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°76
Hommes, anges et démons

Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°77
La sente étroite...

Journal / 2016 / L’exploration de l'être

Carnet n°78
Le fou des collines...

Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°79
Intimités et réflexions...

Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°80
Le gris de l'âme derrière la joie

Récit / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°81
Pensées et réflexions pour soi

Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°82
La peur du silence

Journal poétique / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°83
Des bruits aux oreilles sages

Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°84
Un timide retour au monde

Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°85
Passagers du monde...

Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°86
Au plus proche du silence

Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°87
Être en ce monde

Journal / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°88
L'homme-regard

Récit / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°89
Passant éphémère

Journal poétique / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°90
Sur le chemin des jours

Recueil / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°91
Dans le sillon des feuilles mortes

Recueil / 2016 / L’intégration à la présence

Carnet n°92
La joie et la lumière

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°93
Inclinaisons et épanchements...

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°94
Bribes de portrait(s)...

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°95
Petites choses

Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°96
La lumière, l’infini, le silence...

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°97
Penchants et résidus naturels...

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°98
La poésie, la joie, la tristesse...

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°99
Le soleil se moque bien...

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°100
Si proche du paradis

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°101
Il n’y a de hasardeux chemin

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°102
La fragilité des fleurs

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°103
Visage(s)

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°104
Le monde, le poète et l’animal

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°105
Petit état des lieux de l’être

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°106
Lumière, visages et tressaillements

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°107
La lumière encore...

Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°108
Sur la terre, le soleil déjà

Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°109
Et la parole, aussi, est douce...

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°110
Une parole, un silence...

Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°111
Le silence, la parole...

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°112
Une vérité, un songe peut-être

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°113
Silence et causeries

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°114
Un peu de vie, un peu de monde...

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°115
Encore un peu de désespérance

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°116
La tâche du monde, du sage...

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°117
Dire ce que nous sommes...

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°118
Ce que nous sommes – encore...

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°119
Entre les étoiles et la lumière

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°120
Joies et tristesses verticales

Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°121
Du bruit, des âmes et du silence

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°122
Encore un peu de tout...

Journal poétique / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°123
L’amour et les ténèbres

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°124
Le feu, la cendre et l’infortune

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°125
Le tragique des jours et le silence

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°126
Mille fois déjà peut-être...

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°127
L’âme, les pierres, la chair...

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°128
De l’or dans la boue

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°129
Quelques jours et l’éternité

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°130
Vivant comme si...

Journal / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°131
La tristesse et la mort

Récit / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°132
Ce feu au fond de l’âme

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°133
Visage(s) commun(s)

Recueil / 2017 / L’intégration à la présence

Carnet n°134
Au bord de l'impersonnel

Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°135
Aux portes de la nuit et du silence

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°136
Entre le rêve et l'absence

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°137
Nous autres, hier et aujourd'hui

Récit / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°138
Parenthèse, le temps d'un retour...

Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°139 
Au loin, je vois les hommes...

Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°140
L'étrange labeur de l'âme

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°141
Aux fenêtres de l'âme

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°142
L'âme du monde

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°143
Le temps, le monde, le silence...

Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°144
Obstination(s)

Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°145
L'âme, la prière et le silence

Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°146
Envolées

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°147
Au fond

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°148
Le réel et l'éphémère

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°149
Destin et illusion

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°150
L'époque, les siècles et l'atemporel

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°151
En somme...

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°152
Passage(s)

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°153
Ici, ailleurs, partout

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°154
A quoi bon...

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°155
Ce qui demeure dans le pas

Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°156
L'autre vie, en nous, si fragile

Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°157
La beauté, le silence, le plus simple...

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°158
Et, aujourd'hui, tout revient encore...

Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°159
Tout - de l'autre côté

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°160
Au milieu du monde...

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°161
Sourire en silence

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°162
Nous et les autres - encore

Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°163
L'illusion, l'invisible et l'infranchissable

Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°164
Le monde et le poète - peut-être...

Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°165
Rejoindre

Recueil / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°166
A regarder le monde

Paroles confluentes / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°167
Alternance et continuité

Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°168
Fragments ordinaires

Paroles confluentes / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°169
Reliquats et éclaboussures

Paroles confluentes / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°170
Sur le plus lointain versant...

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°171
Au-dehors comme au-dedans

Paroles confluentes / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°172
Matière d'éveil - matière du monde

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°173
Lignes de démarcation

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°174
Jeux d'incomplétude

Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°175
Exprimer l'impossible

Regard / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°176
De larmes, d'enfance et de fleurs

Récit / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°177
Coeur blessé, coeur ouvert, coeur vivant

Journal / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°178
Cercles superposés

Journal poétique / 2018 / L'intégration à la présence

Carnet n°179
Tournants

Journal / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°180
Le jeu des Dieux et des vivants

Journal / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°181
Routes, élans et pénétrations

Journal / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°182
Elans et miracle

Journal poétique / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°183
D'un temps à l'autre

Recueil / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°184
Quelque part au-dessus du néant...

Recueil / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°185
Toujours - quelque chose du monde

Regard / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°186
Aube et horizon

Journal / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°187
L'épaisseur de la trame

Regard / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°188
Dans le même creuset

Regard / 2019 / L'intégration à la présence

Carnet n°189
Notes journalières

Carnet n°190
Notes de la vacuité

Carnet n°191
Notes journalières

Carnet n°192
Notes de la vacuité

Carnet n°193
Notes journalières

Carnet n°194
Notes de la vacuité

Carnet n°195
Notes journalières

Carnet n°196
Notes de la vacuité

Carnet n°197
Notes journalières

Carnet n°198
Notes de la vacuité

Carnet n°199
Notes journalières

Carnet n°200
Notes de la vacuité

Carnet n°201
Notes journalières

Carnet n°202
Notes de la route

Carnet n°203
Notes journalières

Carnet n°204
Notes de voyage

Carnet n°205
Notes journalières

Carnet n°206
Notes du monde

Carnet n°207
Notes journalières

Carnet n°208
Notes sans titre

Carnet n°209
Notes journalières

Carnet n°210
Notes sans titre

Carnet n°211
Notes journalières

Carnet n°212
Notes sans titre

Carnet n°213
Notes journalières

Carnet n°214
Notes sans titre

Carnet n°215
Notes journalières

Carnet n°216
Notes sans titre

Carnet n°217
Notes journalières

Carnet n°218
Notes sans titre

Carnet n°219
Notes journalières

Carnet n°220
Notes sans titre

Carnet n°221
Notes journalières

Carnet n°222
Notes sans titre

Carnet n°223
Notes journalières

Carnet n°224
Notes sans titre

Carnet n°225

Carnet n°226

Carnet n°227

Carnet n°228

Carnet n°229

Carnet n°230

Carnet n°231

Carnet n°232

Carnet n°233

Carnet n°234

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Au jour le jour

Octobre 2020

Carnet n°264
Au jour le jour

Novembre 2020

Carnet n°265
Au jour le jour

Décembre 2020

Carnet n°266
Au jour le jour

Janvier 2021

Carnet n°267
Au jour le jour

Février 2021

Carnet n°268
Au jour le jour

Mars 2021

Carnet n°269
Au jour le jour

Avril 2021

Carnet n°270
Au jour le jour

Mai 2021

Carnet n°271
Au jour le jour

Juin 2021

Carnet n°272
Au jour le jour

Juillet 2021

Carnet n°273
Au jour le jour

Août 2021

Carnet n°274
Au jour le jour

Septembre 2021

Carnet n°275
Au jour le jour

Octobre 2021

Carnet n°276
Au jour le jour

Novembre 2021

Carnet n°277
Au jour le jour

Décembre 2021

Carnet n°278
Au jour le jour

Janvier 2022

Carnet n°279
Au jour le jour

Février 2022

Carnet n°280
Au jour le jour

Mars 2022

Carnet n°281
Au jour le jour

Avril 2022

Carnet n°282
Au jour le jour

Mai 2022

Carnet n°283
Au jour le jour

Juin 2022

Carnet n°284
Au jour le jour

Juillet 2022

Carnet n°285
Au jour le jour

Août 2022

Carnet n°286
Au jour le jour

Septembre 2022

Carnet n°287
Au jour le jour

Octobre 2022

Carnet n°288
Au jour le jour

Novembre 2022

Carnet n°289
Au jour le jour

Décembre 2022

Carnet n°290
Au jour le jour

Février 2023

Carnet n°291
Au jour le jour

Mars 2023

Carnet n°292
Au jour le jour

Avril 2023

Carnet n°293
Au jour le jour

Mai 2023

Carnet n°294
Au jour le jour

Juin 2023

Carnet n°295
Nomade des bois (part 1)

Juillet 2023

Carnet n°296
Nomade des bois (part 2)

Juillet 2023

Carnet n°297
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28 janvier 2021

Carnet n°255 Notes journalières

L’espace secouru – comme l’on viendrait en aide à un mourant – une manière de se faire présent et de s’effacer devant celui auquel on octroie (naturellement) la priorité – celui auquel on abandonne sa place sans embarras…

 

 

Nous – jouant – sans haine – sans usurpation – sans personne…

Seul(s) – dans nos épreuves et nos dialogues…

La terre – le ciel – qui s’ouvrent devant notre dénuement – notre obéissance involontaire aux circonstances…

Et, parfois, nos absences de vivant(s) qui rehaussent tous les murs construits par l’esprit ignorant – plus archaïque(s) qu’innocent(s)…

 

 

Des ombres trop lourdes pour nos peaux fragiles – trop larges pour nos âmes exiguës – comme si nous ne pouvions supporter un peu de lumière sur nos blessures…

 

 

Le vide – incroyable – qui, tantôt, nous nourrit – qui, tantôt, nous affame – nous qui nous prenons pour une singularité du réel – un tertre si souvent – une éminence parfois (pour les plus orgueilleux) ; un sillon étroit – une simple ligne, en vérité, dans le grand labour de l’univers – une griffure dérisoire – une légère crevasse dans la terre meuble et docile – pas même un éclat – rien de réellement perceptible lorsque l’on quitte l’échelle du bout de son nez…

 

 

Nous – nu(s) et tremblant(s) – face au vent – face au monde – face à la lumière…

Ce qui survole – si souvent – ce que nous considérons comme le hasard…

Notre trouble au pied de l’Absolu…

Ce qui se déchire avec l’avènement (progressif) du plus précieux…

Le monde sans heurt – les angles polis et rassemblés – toutes nos peurs réunies – comme une ligne verticale – soudain transformée en hache que l’on brandit contre les monstres du temps…

 

 

Le vent – le verbe – l’Amour – ce qui nous rend à l’étreinte…

L’âme au-dessus de l’eau – dans un parfait (et indolore) naufrage…

 

 

Les oscillations du monde et des étoiles…

L’odeur de la terre sur nos mains…

Le jour passé – la nuit venue…

La nuit disparue – le territoire qui s’ouvre enfin…

La fraîcheur des vents qui se mêlent au souffle quotidien…

Les battements réguliers du cœur – tous les signes de notre présence (temporelle)…

 

 

Sous les vieux arbres millénaires – le monde – la chair errante – les âmes qui rôdent – les chemins noirs sur lesquels traînent tous les pas – sur lesquels traînent toutes les vies…

 

 

Sous l’enveloppe – la nuit – le noir – notre territoire – la chair suffoquante – la chair liquéfiée – la chair agonisante – et, bien sûr, l’âme oubliée…

Les instincts – tout ce qui favorise la peur – le souffle ; le cycle de l’homme – incomplet…

 

 

Eternel(s) supplicié(s) de soi – enfoncé(s) dans notre absence – comme un corps – comme un cœur – étrangers – l’esprit ailleurs – empiété – fractionné – prisonnier de ses propres jeux – de ses propres frontières…

Le réel enfermant les mille combinaisons – et encerclé par les mille possibilités qu’elles ont créées…

 

 

Dans le geste – l’ombre nécessaire et la délivrance – les retrouvailles et l’égarement…

Ce qui crie et ce qui respire – comme au premier jour…

 

 

Sous la voûte – cette douleur permanente – ininterrompue…

La vie accablée – la vie accablante…

Nous – comme continuité de la (longue) chaîne…

Et les Autres – comme instruments – comme obstacles – comme pollution – chargés de résoudre nos insuffisances – l’inécessaire – de combler le manque et le désir, en nous, subordonnés au monde …

Le rôle façonné par l’étiquette et la vêture…

L’âme, peu à peu, encombrée et dégoulinante de souillures…

 

 

Notre existence – comme une terre imprévisible…

Un chant sous le soleil – entonné initialement comme un cri de souffrance – une manière d’atténuer la douleur – d’expulser notre blessure de vivant – de panser les plaies et les entailles nées du côtoiement du monde…

Le silence qui ondule et les résonances de l’invisible dans la chair – sur la pierre…

Le granite des cœurs et du sol – l’étreinte et la force féroce (presque magique) des reins…

 

 

Le livre ouvert – et déjà écrit – et déjà lu ; notre destin qui, en un éclair, se consume…

 

 

Nous – immergé(s) – respirant(s) – devenant, peu à peu, ce à quoi l’on nous a réduit(s) – rien qu’un rêve – une image – né(e) dans l’esprit des Autres – de quelques Autres ; un moyen massif – un instrument affûté – condamné(s), en quelque sorte, à satisfaire les besoins – les désirs – les exigences de ceux qui nous entourent…

 

 

Sur la terre – déraciné – comme une pierre retournée depuis trop longtemps – posée sur la neige – brillante sous le soleil – luisante sous la pluie – sombre (presque invisible) dans l’obscurité ; simple reflet du monde et des circonstances…

 

 

Lumières enfantines – ignorées – massacrées – auréolées déjà d’invisible – d’un ciel trop discret pour être perçues par les sens humains…

 

 

Nos sons et nos syllabes – à l’orée de l’Amour – comme un feu qui progresse ligne après ligne – sur une vaste étendue – notre chemin dessiné à même la terre – sous la même voûte depuis le premier mot – depuis le premier pas…

 

 

Du sable – notre vie – la terre – le temps – ce que pourrait devenir le ciel sous nos coups de boutoir – notre manière si grossière (et si arrogante) d’être au monde…

 

 

Muet – à la manière du silence – dans le plein acquiescement…

 

 

La terre et le ciel devenus des parcelles – des territoires presque enfantins que se disputent les bêtes et les hommes ; de simples images – des zones infimes – des périmètres (étroitement) circonscrits – des aires artificiellement inventées qui donnent lieu à d’incroyables querelles – à d’effroyables batailles – sur lesquelles il faudrait poser un immense sourire – un œil bienveillant et fraternel – et que nous continuons de regarder avec mépris – avec colère et réprobation…

 

 

Nous – différent(s) – parfois le(s) même(s) – nous exprimant à la manière des hommes d’autrefois – entre silence et fidélité aux lois naturelles…

 

 

Seul(s) sur l’étendue – déclinant – dans le règne du silence et de la nécessité – dans le déploiement du jeu de l’invisible – l’invitant – de plus en plus insensible(s) à la terreur et à l’oppression des hommes des temps anciens…

 

 

Le ciel nu – en nous – qui se penche – qui regarde par-dessus notre épaule – pour faire signe à l’enfance oubliée – estropiée – assise non loin du soleil couchant – attendant sur son catafalque de granite la fin du sacrifice – la fin de sa longue (et atroce) agonie…

 

 

Nous – sur notre attelage cosmopolite – le vent de face – en pleine suffocation – dans l’attente d’une confrontation violente et durable – d’une chute – d’une capitulation…

Sur le seuil du temps – entre deux abîmes imaginaires – inventés par méprise – par arrogance, peut-être – par indifférence, sans doute, à l’égard de la vérité…

 

 

Le corps souffrant – la tête ailleurs – dans la clarté mensongère d’un chemin laborieusement dessiné – par goût de l’évasion – par incapacité à vivre pleinement ce qui est offert – plongé(s) dans cette affreuse inintimité avec les choses – comme si nous n’appartenions pas (réellement) au monde…

 

 

Sur un dôme d’indifférence – sans proximité – excepté avec les malheurs et la nuit…

L’infini – au-dedans – cherchant à exister au-dehors – au-delà de notre périmètre – au-delà de notre étouffement commun…

 

 

Dans le ciel souterrain de nos pas inappropriés – incertains – bien plus que mortels…

 

 

La nuit glissante au cœur de laquelle nous avons échoué – en toute inquiétude…

Le plongeon – l’immersion – puis la longue série de tourbillons successifs…

L’invisible – dans le désordre – présent à chaque noyade – à chaque remontée – à toutes nos retrouvailles…

 

 

D’autres blessures que celles infligées par la fatalité…

Le cœur bêtement amoureux de la course effrénée…

Le rythme excessif comme une manière (naïve et grossière) de combler notre impératif besoin d’intensité (ce désir permanent de joie et d’exaltation à vivre) que seuls peuvent (réellement) satisfaire l’immobilité joyeuse et acquiesçante – le vide vivant – le silence sensible – cette incomparable manière d’être (pleinement) présent…

 

 

Contre les parois du monde – notre route – cette voie singulière – qui se détache, peu à peu, de la roche – qui s’ancre de plus en plus aisément dans la certitude du ciel – les évidences de l’invisible – en surplomb de tout – au-dessus de toutes nos gesticulations…

 

 

En peu de mots – dire le monde – les murs – les frontières – l’infamie – les possibilités d’une ascension – les envols (trop rares) ; nos ailes et notre cœur – les seuls outils indispensables – à déployer à travers toutes les fenêtres possibles – pour rejoindre l’immensité…

 

 

Le souffle voluptueux – dans le vent et l’aube réunis – les seuls liens – les seuls lieux – possibles – sauvages – sans risque de blessure – de brûlure – de torture – dans la transparence d’une lumière à notre mesure – dans la simplicité naturelle du surgissement…

 

 

Des montagnes de papier – pour indiquer la route vers l’espace – le silence – l’étendue déserte…

Des mots en amas monstrueux pour fendre tous les murs érigés par les hommes – franchir toutes les frontières construites autour des êtres – des choses – des têtes – anéantir tous les territoires d’appropriation…

Quelques traces – un peu d’encre – pour retrouver l’infini – notre nature originelle…

 

 

A bout de force – au seuil de la nudité – de la vérité peut-être – qui, peu à peu, s’éprouve – se vit – se perd – puis disparaît – et revient (parfois) vers ceux qui sont capables d’expérimenter le monde sans rien saisir – sans rien s’approprier…

Notre seul pays – le vide et l’absence de territoire…

A chaque instant – dans la nouveauté et la fraîcheur de ce qui surgit…

Les choses – les têtes – l’univers devant nos yeux – puis, les choses – les têtes – l’univers en soi – avant l’effacement et l’oubli…

 

 

Une parole aussi nue que la peau – aussi légère que l’âme – aussi innocente qu’un nouveau-né – dans l’intervalle de l’oubli où la présence porte en elle toutes nos absences – toutes nos histoires – passées – toutes les possibilités du monde et du ciel…

 

 

Nous – insensible(s) à l’absorption du temps – là où nous sommes – avec ou sans visage – avec ou sans étoile – avec ou sans lumière – dans la joie présente ou disparue – le cœur dans le souffle – porté(s) par chaque geste…

 

 

Terre de la nudité – de la non-alliance – de l’effacement…

Terre de lumière et de vent – qu’importe les intervalles et les saisons…

En retrait – l’imminence – les eaux vives du monde sous les yeux insensibles des hommes – notre indifférence et notre cécité légendaires…

 

 

La vie rudoyée – déformée – comme un songe martelé par les paumes du rêve – comme du granite rongé jusqu’à l’os ; ce qui saigne – ce qui pleure – sans la moindre plainte – sans la moindre certitude – comme une lame plongée dans la nuit – dans la chair – dans le sang ; un peu d’encre – quelques taches sur le blanc de la page…

 

 

Les possibles – la puissance – éperonnés – affaiblis – comme si l’on interdisait l’essentiel – l’incandescence – tous les chemins d’accès à la vérité…

Nous – comme séparé(s) du feu et de la nécessité ; l’Absolu hors d’atteinte…

L’envergure recluse – et notre déploiement ajourné – bien sûr – malheureusement…

 

 

Nous – dans un corps sans largeur – démuni – bâché – à la manière d’une barque arrimée – d’un bout de ciel ligoté – brinquebalé par la permanence des vagues – condamné au ressac à perpétuité…

 

 

Le cœur battant – les cris rabâchés – les confins et l’encerclement – les ombres et la nuit qui nous harcèlent – le souffle dans ses limites vivantes – pardonnables – imputables (en grande partie) à la matière – à la nature première du monde…

Le ciel restreint par la chair – l’étroitesse du périmètre – l’invention des frontières…

 

 

Nous – sans proximité – sans intimité – amputé(s) de toute possibilité de joie et d’intensité – livré(s) à nous-même(s) – à l’exil – abandonné(s), en quelque sorte, à la cruauté de l’éloignement…

Des vies sans couleur – sans latitude – sans potentiel…

La bouche – les hanches – les mains – recouvertes par tous nos excès…

De la chair souffrante – suffocante – disloquée…

 

 

Entre cimes et nasse – notre vie – nos désirs – nos âmes qui s’empoignent – nos excès qui nous enferrent – qui nous emmurent – nos souffles et nos paroles désarticulés – nos cris sur la pierre…

Les étoiles – trop lointaines – qui se tordent – et se distendent – à l’approche des mains – de la lumière…

Nous – avec le monde – dans la poitrine d’un plus grand que nous – encore inconnue – inexplorée – douloureuse…

 

 

Le vent contre le sommeil et la roche blanche…

Des jardins – des arbres – des oiseaux – mille bruissements…

La petite musique du cœur – avec des passions qui se prolongent jusqu’au ravage – jusqu’au carnage – jusqu’à la catastrophe et l’anéantissement…

Et Dieu et sa tendresse pour compenser, peut-être, notre violence – nos maladresses – notre malédiction…

 

 

Notre vie sur l’enclume – des étincelles et l’écrasement progressif – le sang – le souffle, peu à peu, dégoulinants – poussés vers l’extérieur – en cascade – comme une fragilité (naturelle) – ce à quoi ne peuvent échapper les vivants…

 

 

Une vie – une œuvre ; une pente qui, peu à peu, nous fait glisser vers la mort et l’obscurité…

Notre malheur à tous – avec, en filigrane, expressifs – démesurés – le manque et la faim – ce qui anime (presque entièrement) notre âme – notre tête – notre ventre…

 

 

La tête – au-dehors – dans cette solitude méritante – mille fois éprouvée déjà – comme une force enroulée sur elle-même – les conditions du voyage – d’une errance fabuleuse – sans limite et sans fin – la découverte (progressive) de la plus vaste étendue terrestre où peuvent enfin jouer ensemble (et sans risque) l’eau, l’âme, le feu, le monde et les vents…

 

 

Nous – dans notre prison étanche – à double-fond – au cœur de laquelle le noir est le seul substrat – la seule matière – le seul parfum – comme une terre tenace – obstinée – que les Dieux nous ont choisie pour couronner nos faiblesses – nos mérites – toutes nos exigences de tyrans…

 

 

La tempête se donne – nous dévaste – sans précaution – comme la nuit – si noire – si authentiquement – si magistralement – noire – qu’elle en devient magique – presque lumineuse…

Ainsi la tempête nous anéantit – et ce faisant – nous sauve…

Et dans ces vents furieux et dévastateurs – de plus en plus sensible(s) – de plus en plus alerte(s) – de plus en plus vivant(s)…

Le désir tari jusqu’au démantèlement de tous nos arois…

 

 

Nous – comme la souche des arbres – enracinés – fragiles – que l’on ne peut extraire du sol – du monde – sans laisser mille fragments – mille éclats – dans la vie souterraine – dans la vie invisible – dans la vie des Autres…

 

 

Dans notre chute – nous approfondissant à la manière des somnambules – dans leur sommeil…

 

 

Ivre – sans paraître trop précocement futile – pareil aux particules – sensiblement instable – versatile – enclin à tous les excès – aux bouleversements – aux révolutions les plus imprévisibles…

 

 

Nous – à la manière des ogres – des monstres souterrains peut-être – affamés de chair et de sommeil – le cœur si facilement gagné par la nuit – le pays des ombres – rampant dans la bave – le sang – la fange – incapables de nous redresser – de connaître la moindre verticalité – pas même celle qui nous cantonnerait à une érection symbolique…

Le signe de notre appartenance reptilienne – de notre archaïsme ancestral – originel peut-être…

 

 

Viscéralement assassin et silencieux – de ce silence invisible – sans préparatif – sans prérogative – aussi éloigné de l’innocence que le règne passablement fissuré de l’homme…

La loi éternelle à laquelle nos gestes – notre âme – nos pages – nous soumettent…

La parfaite allégeance à ce qui, à la fois, nous surplombe et rehausse notre pâle (et vague) idée du Divin…

 

 

Debout – dans l’éternité – tantôt paumes jointes – tantôt mains ouvertes – sans désir – la plupart du temps – parfois – poing levé – poreux aux circonstances et aux intentions (si souvent) malicieuses des Dieux…

 

 

La figure métaphorique du destin – notre mort et toutes nos traces – les restes volatils de quelques substances passagères – l’infini qui s’invite dans notre effritement – le ciel ouvert – la vie des nuages et des visages provisoires – accueillis – et aimés jusqu’au cœur…

Zébrures – grisaille – rides et déchirures – ce qui creuse – et approfondit – l’extinction de notre soif – des malheurs – la disparition de notre figure – du rêve – l’effacement du moindre signe de notre histoire – de toutes nos illusions…

 

 

Nous – à la surface du monde – à la surface des choses – à la surface des eaux qui nous emportent – qui emportent tout – charrié(s) avec l’herbe – les cimes – les pierres – le chagrin – des monceaux de vie et de temps – l’ensemble des vivants et des morts – vers la seule réponse…

 

 

Le jour qui affleure – avec la vérité…

En nous – l’acquiescement – à l’heure précise – trop tardivement pour ce qui, au fond de l’âme, aspire encore (aspire toujours) à croître – cette forme incorrigible d’immaturité que nous traînons comme un souffle – un allant – une malédiction – un obstacle – quelque chose de très enfantin – d’indécrottablement séparé – comme une aile et un rempart – incompatibles – voués à nous précipiter à l’envi vers la chute – vers l’éloignement…

Et Dieu – de l’autre côté – qui nous attire et nous offre sa longue expérience des extrêmes et du silence – qui accueille, sur ses marges habitées, tous les soleils – toutes les joies – la longue file des figures impétrantes – tous les visages de l’innocence…

Et notre écriture – très imparfaite – qui tente maladroitement d’en témoigner…

 

 

Nous – dans l’infime intervalle de la fracture – rien au-dessus – rien en dessous – le vide devant – le vide derrière – nous au milieu de nous-même(s) – le vent en sa propre compagnie – l’espace et le silence déployés dans leurs moindres recoins – dans leurs moindres replis – ce que nous sommes – et ce qui nous insuffle ce goût incroyable – ce goût irrépressible – pour la vérité – et tous les élans nécessaires pour s’en approcher…

 

 

Les ronces et la rosée – dans notre âme et notre sang – cette disposition à la fraîcheur et à l’écorchure…

Une réalité à peine naissante – et aussitôt éraflée…

Quelque chose du rêve et des yeux grands ouverts…

 

 

Le monde pétrifié par la mémoire – le monde courant – virevoltant – pleinement vivant – dans l’absence de temps…

Une course à l’envers – jusqu’à notre ascendance originelle…

En nous – avec nous – notre expérience de l’abîme et des cimes réunis…

 

 

Cette atroce manière d’occuper les lieux…

L’hégémonisme spécifique – tribal – individuel…

L’orgueil et la tête boursouflés…

Le ventre et la faim – centraux – omniprésents – le prétexte majeur au mouvement – puis, une fois repu(s) – le jeu et la distraction – pour échapper à l’ennui – à cette peur et à cette incompréhension du vide ; l’éloignement furieux – et impératif – de notre insoupçonnable réalité…

 

 

Nous – abîmé(s) dans la rupture et la juxtaposition des vies – des cœurs – des visages – la conjugaison inutile de tous les sens – de tous les signes…

Des existences comme des cascades d’accidents jugés inappropriés – pour nous convaincre de traverser ce que l’on apparente (habituellement) à l’absurdité du monde – pour nous convaincre de transformer nos alliances – nos pactes les plus grossiers – avec les forces terrestres dominantes – pour nous convaincre d’approcher le retournement fondamental nécessaire au déploiement du regard – à la (re)découverte de l’envergure de notre présence – à la célébration incessante du geste et de la parole poétiques – afin de renouer avec notre vrai visage et de réenchanter ce que nous avons – depuis trop longtemps (presque depuis le premier jour) – condamné – altéré – corrompu…

 

 

Tout – dans notre perte – nous sera offert – nous sera redonné…

A travers la force et la violence inversées…

Les Autres – tous les Autres – nos chères retrouvailles…

L’espérance (et bien davantage – assurément) d’une terre plus habitable – d’un monde réellement humain…

 

 

Nous – retrouvant la route – retrouvant la voie – le passage vers les profondeurs – l’étendue – la magie que nous avions recouverte de gestes distraits – trop mécaniques ; l’inespéré affranchi du temps – des éclipses – de l’abîme – de l’absence…

 

 

La respiration du jour dans le corps – le cœur ; le souffle qui installe le rythme et la précision des gestes et des pas…

L’indigence – fécondée par le miracle – qui, peu à peu, se transforme – se rapproche de sa matrice…

 

 

Du sol – des trappes – le fonctionnement du vide…

De la chair en travers qu’il faut user jusqu’à la transparence…

Des os et des chaînes à ronger…

Le déferlement du monde sur la roche – le ressac – et le vent qui gronde au cœur des misérables corridors que nous avons investis en pensant (à tort) y dénicher un refuge…

Des vies et des genoux abîmés sur la pierre – soumis aux choses et aux forces de l’invisible…

Nous – personne – au milieu de nulle part – en somme…

 

 

L’espace – au-dedans – à nos côtés – comme un ciel plus tangible – plus vivant – plus fécond – accessible depuis la terre – la bêtise – l’enfermement…

 

 

L’Autre – en nous – ensommeillé ou les yeux ouverts – rencontré ou ignoré – aimé ou haï – au même titre qu’un fragment d’âme oublié – et qui, une fois retrouvé et assemblé au reste, reconstitue l’ensemble – la totalité du réel – ce visage étrange et familier – inentamé – impartageable – malgré la multitude – les excès et les débordements (de toutes sortes) – toutes nos vaines tentatives d’appropriation et d’anéantissement…

 

 

Ce qui s’engouffre – en nous – pour nous dénouer – défaire ce nœud qui obstrue le passage entre la tête et le ventre – entre le ventre et le monde – ce grand charivari – ce grand cirque tragique et clownesque – le déferlement ininterrompu des vagues – de la faim – de la conquête et du repli – nos supplications et nos incartades – et cette longue – ou brusque – agonie – à genoux – allongé(s) – sur le sol…

 

 

Le monde – l’espace – la présence – invisibles – et qui se manifestent, avec force, sous nos yeux – de la manière la plus tangible – tant leur règne gouverne le plus grossier – les apparences – la part du réel perceptible par les sens humains…

Le ciel soudain descendu sur la pierre – comme une ouverture dans notre enfermement…

 

 

L’étreinte du monde – toujours inachevée – et celle des Dieux – plus rare – sans doute…

L’apparence de l’Amour dont on s’éprend – qui attise notre désir – notre feu – comme un piège horizontal aux allures de long couloir – deux murs interminables – infranchissables – opaques et borgnes – au bout desquels se dissimule une trappe souterraine dont l’ouverture nous précipite dans nos propres abîmes – une terre silencieuse et dépeuplée – inhabitée depuis trop longtemps – adossée à une immense paroi verticale qu’il nous faut escalader à mains nues – seule issue pour rejoindre nos perpendicularités – l’espace qui nous semble au-dedans et celui qui nous semble au-dehors ; la seule manière d’être (pleinement) présent – le seul lieu où les masques – les murs – les trappes et les pièges – nous révèlent leur vrai visage – notre véritable nature – l’Amour intact qui, depuis le premier jour – qui, depuis le premier pas – nous appelle tantôt joyeusement – tantôt désespérément – jamais dupe (pourtant) des jeux dans lesquels il ne cesse de nous jeter – et qui, à nos yeux (trop humains sans doute) prennent encore, trop souvent, des allures d’épreuve (insurmontable)…

 

 

Dans le martèlement de l’habitude – la défaillance – ce qui ressasse – comme une éclipse…

L’esprit et la confusion tressés ensemble…

La nomenclature du quotidien – trop souvent…

 

 

En nous – des assauts persévérants – l’innommable à travers la catastrophe – une suite d’infimes malaises – comme la fortification du détachement – quelque chose d’insoutenable…

Et la persistance de la même chance tout au long de cette courte existence – au cours de laquelle on attend un renversement – le retournement du combat – du conflit – de l’ignorance – leur bouleversante conversion en lumière et en sensibilité…

Une manière paroxystique de vivre la tendresse – quels que soient les défis et l’adversité…

L’extinction de toutes les formes de condamnation – une respiration qui surplombe tous les résidus – toutes les résistances – labyrinthiques…

 

 

Nu – propice (à la fois) au sang et à l’égarement – sans repère – sans allié – sur la voie instinctive où le geste rompt avec toute forme de superflu…

L’engagement et le nécessaire – sans filet – sans neutralité possible – comme une absence de distance avec la mort…

 

 

Ce qui s’efforce à la noirceur – sous la lumière dégoulinante ; des vagues – le déferlement – comme des pierres et des bâtons jetés au visage…

La préhistoire de l’enfance de l’homme – dont nous ne sommes pas encore sortis (bien sûr)…

La convoitise – l’écuelle et le territoire…

La vie mélancolique – froide et mortelle…

L’esprit puéril et divisé – porteur de ses propres écueils…

 

 

Ce que l’on rencontre – ce qui nous actualise – ce qui nous délimite et nous déploie – ce qui, parfois, nous multiplie – et ce qui, d’autres fois – le plus souvent, nous transforme (très) modestement – comme si nous étions une page blanche – la possibilité d’une écriture – une œuvre à construire…

 

 

La solitude corrompue par l’échange et la multitude – et qui la renforcent aussi (bien sûr) – de plus en plus à mesure que l’âme s’éloigne de l’immaturité commune…

 

 

Quelques tourments – dans la chambre close – qui grandissent et s’aggravent – à mesure que les murs s’épaississent – deviennent hermétiques – à mesure que l’âme y voit un refuge de plus en plus solide ; l’abri le plus apparent – le plus instinctif – le plus archaïque – qui finit par nous enfermer – par nous étouffer – le lieu où l’on meurt asphyxié (en général) – et celui que l’on quitte parfois (trop rarement) lorsque arrive (à point nommé) la saison hivernale…

 

 

Après le tumulte et l’attente – l’oubli – le dernier maillon de la chaîne – celui après lequel se révèle la liberté – les pas affranchis dans l’immensité offerte – un escalier sans rampe – un ciel sans astre – le silence sans la moindre ruse – sans le moindre mensonge…

Le parfait reflet de ce que nous sommes – le versant qui nous manquait pour nous rejoindre – pour (enfin) nous retrouver…

 

 

La migration des mots et de l’âme – la seconde à la traîne – parfois très loin derrière les premiers – comme une distance indispensable à l’assimilation des expériences et des découvertes – à l’intégration de ce qui nous semblait si étranger – le temps de l’accueil et de l’incorporation – le temps des transformations – nécessaire à l’effacement des rugosités individuelles et au déploiement (simultané), en nous, de l’espace infini…

Nous – nous construisant peu à peu ; nous – édifiés ; puis nous – nous dissolvant progressivement pour retrouver l’étendue dont nous nous sentions séparés…

 

 

L’itinéraire de l’édification – puis, du délabrement – comme une allégeance progressive – une soumission involontaire – à la défaite – aux mille défaites successives – nécessaires pour que l’ombre et la souffrance prennent sens – comme un soleil érigé (mais incomplet) qui accepterait, de proche en proche, d’être dépecé – et que les vents finiraient par démembrer – par démanteler – entièrement…

La chute – l’effacement irrémédiable, puis, la disparition…

Quelques restes – infimes – dérisoires – dans la poussière – sur lesquels pourrait s’édifier une nouvelle hauteur que l’on arpenterait – sans le moindre risque – sans la moindre hésitation – sans la moindre pesanteur ; quelque chose qui n’appartiendrait ni à la pensée – ni à l’imaginaire – un socle et une ossature invisibles – à la texture lisse – douce comme du velours – une ligne dans la main de Dieu peut-être – qui nous mènerait vers l’espace – l’infini – l’Amour et le silence – la lumière et la tendresse…

Notre territoire – au-dessus des danses et des guerres – au-dessus de l’indigence et de l’infamie…

La source surplombant nos âmes et nos terres arides…

 

 

Le jour au coin des lèvres – l’Amour sous la peau – au fond du cœur…

La cruauté défaite – comme tous les instincts…

Les ruptures – les déchirures – la douleur – abrogées – comme interdites…

Le feu excessif – les dérives et les débordements – comme simples instruments de rééquilibrage – les outils les plus élémentaires de la nécessité…

Notre manière de renouer (joyeusement) avec le monde – non pour agrémenter notre solitude – mais pour l’offrir aux Autres – abandonner notre (modeste) présence à la respiration de l’univers…

Une traversée – un chant – une offrande – sans jamais entamer l’humilité requise – sans jamais décider de la puissance et du rayonnement…

Un jeu – un pacte ; Dieu présent au cœur de tous les cercles – à travers la multitude – composants et serviteurs du règne céleste…

 

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28 janvier 2021

Carnet n°254 Notes journalières

La nuit inventée – descendue parmi nous – redressée dans l’âme – omnipotente – comme notre désir trop velléitaire de lumière…

 

 

Le noir du monde et toutes les éclipses de temps – ce qui contribue à notre éveil – à notre vieillissement…

 

 

En nous – la fleur qui se fane – la chaise vide – le règne de l’absence…

Notre regard sur les tombes et les vivants…

Ce qui dort et ce qui frémit encore modestement…

 

 

La sueur lentement évaporée – tous nos efforts – l’angle du monde au fond duquel nous nous cachons…

 

 

Les aliments ordinaires et notre bouche triviale…

Ce que le verbe révèle et souligne – ce qu’il magnifie en s’appuyant sur le silence – la souveraineté du vide…

La nuit décrite – dépeinte – et la mort apprivoisée…

Nos yeux dans le soleil – transfigurés…

 

 

Ecartelé(s) – toujours – entre ce que nous imaginons et ce que nous expérimentons…

 

 

Le jour – dans son espace – en nous – recroquevillé – comme si notre peur l’avait imprégné – contaminé…

Nous – devenant la lampe – ce qui pourrait accompagner l’existence et le geste des hommes…

La perspective terrestre – trois fois rien dans l’esprit – sur la table – sur la page – dans la vie et les mains des Autres – le sable (noir) des années…

Et un peu de soleil – peut-être…

Une manière d’être là – avec – parmi – auprès d’eux…

Comme un horizon – une fenêtre – un coin de ciel bleu…

L’offrande la plus humble et l’inévitable folie de l’homme – avant de disparaître…

 

 

Un peu de réserve dans les poches – histoire de tenir quelque temps loin des hommes…

De l’eau – des livres – des victuailles…

Une étendue verte et horizontale peuplée d’arbres et de pierres – peuplée de solitude et de silence – les nôtres – si nécessaires – si essentiels – si savoureux…

 

 

Dieu nous parle – à travers les arbres – leur silence – notre étonnement ; tout est prétexte à être présent – à écouter – à se laisser guider par les lois de l’invisible – primordiales – indispensables (si indispensables) à la vie organique et collective – aux mille relations que nous entretenons – malgré nous…

 

 

Tout joue – vibre – se perpétue – malgré le sommeil et notre air taciturne…

 

 

A contre-sens du monde – parmi les pierres qui roulent – un miroir à la place du visage pour révéler l’Autre – celui que nous croisons parfois…

Un peu de lumière dans l’encadrure…

Ce à quoi nous œuvrons lorsque la plupart se contentent de croiser les doigts ou de lancer en l’air une prière – sans vraiment y croire…

 

 

Rien que des frontières – entre nous – et ce besoin d’envergure et de liberté – sur la piste commune – le territoire ni des uns – ni des autres – celui qui invite à poser ses armes et ses bagages – à ôter ses parures et ses bracelets – à ouvrir les yeux et ses ailes – à courir dans l’air frais – à transformer la détention qui jamais ne dit son nom en possibilité d’envol – en tentatives vers le ciel le plus bas – le plus reculé – à chercher le souffle dans sa poitrine – à vivre dans l’évidence la plus nécessaire – la plus vitale…

 

 

La page qui s’écrit – comme une avalanche de silence et d’encre noire ; vent qui cingle – cœur battant – dans la pulsation – et la proximité – de la source…

 

 

Souvent – presque toujours – dans la blessure – le passage – ce qui nous révèle – nos limites – à accepter ou à franchir – selon ses capacités et ses inclinaisons…

 

 

Se tenir debout – jusqu’à l’effritement…

La douleur – en nous – en lettres capitales ; l’enseigne terrestre la plus commune – peut-être…

Cloué(s) sur la pierre – les pieds dans la glaise – avec ce sang sur les mains – le cœur frémissant – et les portes qui, une à une, se referment – et les visages qui, un à un, se détournent…

Seul(s) – comme une fenêtre abandonnée au fond d’un immense jardin sauvage – sans mur – sans appui – contraint(s) d’apprivoiser la solitude – d’affronter la souffrance et la mort…

 

 

Tout mêlé au feu et à la poésie…

Pas un seul jour à venir – ce qu’émietteront nos mains et ce à quoi s’accrochera l’esprit – en vain…

 

 

Le monde bouillonnant – la terre comme un piège – les Autres comme un horizon inventé – dessiné – mouvant – incroyablement – et notre royaume – à l’intérieur – déserté…

 

 

Absent – comme les hommes à notre porte ; personne – ni devant – ni derrière…

Un cri qui persiste et un regard fuyant – apeuré – sur les eaux qui coulent…

Nous – nous estompant – peu à peu…

 

 

Comme une pierre face à son seul horizon – tributaire du ciel – des reliefs et des caprices de la terre…

Inquiet au milieu des vents…

Soucieux – seulement – des âges géologiques…

 

 

Nous – là-bas – dans l’esprit des Autres – aussi inexistant(s) qu’ici…

De la chair – à peine – pour quelques têtes – comme une vague idée ; quelque chose que jamais la main n’atteindra – bien sûr…

 

 

Ce qui s’estompe dans la persistance du trajet – l’esprit pris dans les filets du monde – lointain reflet du vide premier…

A la fois royaume et marigot – invention…

Du réel – trop souvent – revisité par l’imaginaire…

 

 

Une manière un peu inquiète d’être là – au milieu de l’ignorance – parfois éclairée – et des mille choses que nous continuons de méconnaître – de négliger…

 

 

Nous existons comme la vie nous regarde – comme la vie nous traverse – sans rien reconnaître – sans rien décider – en se laissant happer par la coïncidence des circonstances – la concordance des destins – cet appel d’air qui nous saisit et nous pousse vers l’inconnu ; de nouvelles terres – de nouveaux visages – de nouvelles aventures – diraient certains…

 

 

Là-bas – plus loin – dans nos profondeurs – déjà quelque chose de nous – ce à quoi nous ne pouvons échapper – ce dont nous ne pouvons nous défaire ; en un mot – l’essentiel – ce qui nous constitue le plus viscéralement ; l’Absolu incarné…

Et ici – à la surface – l’apparence du monde – l’esquisse du ciel tracée par les doigts, sans doute un peu trop distraits, des Dieux…

La perfectible imperfection de l’homme…

Cette incomplétude – cette asymétrie – communes et partagées…

 

 

Rien qu’une fêlure et cette nuit qu’il (nous) faudra passer à gué…

Et le poids de notre joue contre la vitre pour s’opposer au monde – de l’autre côté – à toutes ces puissances folles – envoûtantes – dévastatrices…

 

 

Nous – un lieu-refuge pour tous les tourments de la terre – avec le sommeil collé sur nos yeux apparemment ouverts ; des chiffres – des calculs – des images – des supputations – pour faire face au monde – à l’existence – aux innombrables périls qui jalonnent le voyage ; des rêves trop sucrés inventés par la langue et l’imaginaire…

Nos attentes – trop nombreuses – permanentes – et toutes les histoires que nous ne cessons de nous raconter pour supporter les Autres et notre épuisement (inévitable)…

 

 

Dormir – comme des machines – sans fatigue – sans trêve – sans regret ; aller – s’abandonner – se laisser glisser dans la tuyauterie construite pour circonscrire notre circuit – nos débordements – notre seul voyage…

Une boucle sans attente – sans détour – sans surprise – ce qui nous mènera – inéluctablement – vers le même sable – la même rive – cette vie évaporée…

Toutes les existences prisonnières du cycle sans fin…

 

 

Anonyme – plus encore – invisible ; celui qui passe – celui qui s’aventure – sans ami – sans appui – sans filet – le visage et la reconnaissance déjà arrachés – curieux – insatiable – violent parfois – engagé dans un indéchiffrable voyage – si simple pourtant – dans la direction opposée au sommeil – toujours (presque toujours)…

 

 

Vagabond d’un jour déjà mille fois vécu…

Une existence – comme un chant profond et silencieux – né d’une poitrine laissée trop longtemps sans respiration…

A présent – rien qu’un silence sans réplique…

 

 

Le ciel sans état d’âme – vierge et accessible – derrière le moindre visage…

 

 

Dans l’entrebâillement des lèvres – d’une porte – l’attente – la curiosité – la surprise possible – ou le dos qui se tourne – le visage et la main qui s’éloignent – l’âme déjà ailleurs…

La mort – partout ; la terre sans le moindre vivant…

 

 

Sur ces îles lointaines – éparpillées – le parfum si fugace de l’enfance – ce que l’esprit a trop artificiellement reconstitué – l’image d’une vie absurde – cruelle – commune – sans la moindre poésie…

 

 

Derrière nos lignes – peut-être – le premier alphabet du monde – la première lueur du verbe – comme un souffle sur ce qui passe – puis un long panache de fumée blanche née du feu le plus ancien…

 

 

Chants vagabonds – sans reconnaissance – offerts à tous les arrachements – à toutes les incompréhensions – au règne, toujours trop lointain, des solitudes…

 

 

Nos têtes aux fenêtres du monde – devant et derrière la vitre – actives – contemplatives – comme l’œil et le sang…

Notre mémoire et toutes nos histoires – dans le reflet de tous les miroirs…

Cheminant – seul(s) – ensemble – malgré nous – comme si nous pouvions décider du chemin du retour vers l’enfance…

 

 

Les bras chargés de monde et d’objets – le cœur crevassé par l’absence – l’âme ouverte – et l’esprit capable de décrypter les premiers signes hiéroglyphiques du cosmos…

Ainsi débutent toutes les aventures…

Ainsi se poursuit ce qui se cherche…

Ainsi accède-t-on, parfois, au franchissement des portes et des seuils – ultimes…

Ainsi tout voyage progresse-t-il vers le centre…

 

 

Le silence – des cris – des onomatopées – des paroles – puis, à nouveau, le silence – au terme et au commencement de ce cycle récurrent – perpétuel…

Et nous autres – itinérants – passant d’une étape à l’autre – et le chemin – se réalisant – au fil des jours – à chaque instant…

 

 

Dans les yeux – sur nos pages – le feu – le vent – le désert – qui, peu à peu, se déploient…

Et l’envergure, bien sûr, qui se retrouve…

 

 

Notre manière si archaïque – si désespérante – d’être au monde…

Tous les instincts – dans l’âme et le sang – jusqu’au bout des doigts…

Des danses macabres et des soubresauts – rythmés par la ronde diabolique des Autres et du temps…

Et ce qu’il nous faudra d’accroupissements pour, un jour – peut-être, entrevoir le ciel…

 

 

Au cœur de la danse – désinvolte – comme un ours prisonnier – chaîne au cou – pieds sur la braise – (presque) insensible, pourtant, au maître et à la douleur – simple passant auprès des hommes – plus loin déjà – plus haut sûrement – parmi ceux que le ciel fréquente ; pierres – arbres – bêtes et fleurs – l’âme suffisamment innocente pour endurer la violence du monde et la cruauté instinctive des hommes…

 

 

Notre tombe – au bas de l’escalier du temps – des images sans la moindre réalité ; et il en est ainsi de la terre – du monde – du ciel – de l’Autre – clichés sans âme – clichés sans chair – formes esquissées sur le sable par l’imaginaire – fruits d’un esprit absent – inopérant – encore insensible à ce qui est – à ce qui l’entoure – au vide et à la matière – au seul existant possible…

 

 

Tête gorgée de jeux solitaires – en vase clos – comme une jarre munie d’un couvercle – ouverte – seulement – sur l’imaginaire et l’invention ; un peu de matière portée sur l’abstraction – en somme…

 

 

Nous – dans la même perspective que les Dieux – ignorants – inconscients – des enjeux dans lesquels les jette une main plus grande…

 

 

Des maux – des chutes – de la douleur et du vacarme – cris et plaintes qu’on lâche comme des chiens sur le monde – comme si nous avions le pouvoir de nous venger – comme si la terre était responsable – dans la croyance (erronée – bien sûr) de mille naissances innocentes…

Une vie primitive – en vérité – quelque chose entre le sang et la gorge tranchée…

Du bruit sur une terre que l’on fertilise…

Ni âme – ni ciel – trop lointains – trop abstraits – (presque) inutiles dans la satisfaction de notre faim…

 

 

Le sang sauvage – en nous – la danse indomptable – ce qui se creuse et s’élargit – et ce qui s’efface en s’abandonnant à l’œuvre de la pluie – à l’œuvre de la nuit…

Le jour (encore) introuvable – le monde (encore) adossé aux âmes – ce que nous négligeons avec beaucoup trop d’orgueil et d’obstination…

 

 

Entre la chute et le vacarme – aux confins de cette terre trop peuplée – nos querelles – nos gesticulations – notre frivolité – le poids de notre quête et de nos ancêtres (communs) – la manière – les mille manières – dont on a essayé de se distinguer au fil des jours – au fil des siècles – tous nos masques et toutes nos identités d’emprunt…

Notre longue expérience du sommeil…

 

 

Le mystère – indifférent – face à notre soif – la sincérité de nos larmes – l’indifférence des hommes – la souffrance des bêtes – notre souveraine impuissance…

Ce qui conforte notre rejet du ciel – notre déni de Dieu – l’impossibilité du miracle – et nous maintient – de manière si faussement confortable – dans un monde fantasmé – comme coincé(s) entre le rêve et la terre…

 

 

Une seule respiration – des sous-sols à l’envol – du noir au bleu – avec, trop souvent, l’interlude interminable de l’entre-deux – le monde du bruit et de la douleur – nécessaire(s) – inévitable(s) – ce qui existe en dessous des clés dessinées (inconsciemment) par la tête – l’inclinaison inappropriée du cœur – (bien) trop affamé(s) encore pour s’affranchir de la terre et du ciel inventé par les hommes…

 

 

Une parole pour quitter le sommeil – rendre le ciel plus clair – les rives du monde plus vivables – dans la parfaite continuité du geste et du cœur…

 

 

Sur les traces – sur les pas – de ce qui ne cesse de nous devancer – de nous distancer – lourdauds que nous sommes…

 

 

L’âme dénudée – le crâne (encore) bruissant – à mi-chemin entre les sous-sols du monde et les premiers contreforts du ciel…

Une envergure à venir – là où l’on se tient – parmi les circonstances et les visages passagers…

 

 

Eprouvés – la douceur et la dureté – ce qui nous anéantit – la marche interminable – l’étreinte (trop) peu enthousiaste – ce qui nous éconduit – la détresse des Autres – toutes les expériences et toutes les gesticulations possibles…

 

 

Au-dedans – un visage franc – sans rideau – des méandres, peu à peu, transformés en périmètre – puis en cercle – puis en point – puis (enfin) en vide…

Notre compagnie – nous survolant…

Les délices d’une ère et d’une enfance nouvelles…

Un retour inespéré vers la terre ; le verbe et le ciel – réunis et réconciliés…

Le silence – en nous – suffisant…

A une hauteur (enfin) accessible – là où (en général) commence la fête…

 

 

Ce que le soleil baigne de sa puissance et de sa lumière – comme un inflexible rayonnement sur la matière alentour…

Le vert – en nous – fleurissant…

Ce qui – au-dedans – tremble et s’enracine…

Ce qui tourne dans les vents – entre les îles – les âmes et le temps (si souvent)…

Les malheurs comme les conditions premières (en quelque sorte) de la stimulation – quelques secousses – en vérité – à peine – dans le sommeil – inébranlable….

 

 

Nous – tournant dans tous les sens – à l’envers – essentiellement…

Les yeux plongés dans les profondeurs – comme un abîme – mille abîmes – soudain éclairés…

Le ciel – dans le ventre du monde – comme un pacte – une manœuvre de l’invisible – une possibilité qui s’offre – la disparition, peu à peu, de l’obscurité initiale…

Ce qui – dans nos gestes et nos mains – célèbre les origines et nos plus exigeantes aspirations – les prémices, peut-être, d’une (véritable) délivrance…

 

 

Entre nos murs – la mer – le ciel – la source – ce que ne peuvent ignorer les fleurs – ce qu’enseignent les arbres – le vent qui fait fuir la mort ; la terre – dans ses sous-sols – renfermant tous ses trésors…

 

 

Nos mains tendues – devant nous – vers la figure, si souvent, triste des hommes…

Les âmes vagabondes qui creusent le sable du monde – à la recherche du royaume promis – parfois (trop rarement) entrevu…

 

 

Cette longue traversée – bouche ouverte – empêtré(s) dans un sommeil étrange que nul ne comprend (et dont si peu parviennent à se libérer)…

L’âme adossée au monde et le monde adossé à l’absence…

Des morceaux de chair et d’esprit – emmêlés – englués dans le même quiproquo…

 

 

Trop de choses dans la tête – devant les yeux – l’espace encombré – des visages – par milliers – par millions – derrière leur vitre – essayant de deviner le jeu au lieu d’y participer à leur manière – s’en approchant avec trop (beaucoup trop) de méfiance au lieu d’y plonger sans retenue…

 

 

Dos au mur – les paumes qui recueillent la pluie – le soleil – la joie – les larmes – toutes les infimes aumônes – tous les présents offerts ici-bas – l’âme digne – posé sur les pierres – dans les forêts – parmi les bêtes sauvages qui peuplent les marges de la terre…

 

 

Nous – dans l’indulgence des Dieux – dans l’indolence du monde – accueilli(s) par l’Amour – déguisé tantôt en espace – tantôt en présence – tantôt immobile et silencieux – tantôt sensible et vivant – infiniment…

Nous – dessiné(s) à la craie sur la roche frappée par les vagues – caressée par l’océan…

 

 

En nous – Dieu – dans son ardeur – sa splendeur – son mystère ; et l’asymétrique distance qui nous sépare des choses et des autres visages…

 

 

Des fragments dans le miroir – le visage éparpillé…

La maturité dévorée par le délitement de la fidélité…

Le monde assemblé comme une perte – des reliquats réunis – des bribes qui s’amoncellent – des éclats de ciel collés sur la pierre noire et indifférente…

L’existence sans la moindre espérance d’achèvement…

 

 

Une bête – en nous – comme un secret – un jeu – une épreuve parfois – avec l’ogre – le mystérieux gardien de l’espace (intérieur) – la part la moins grossière de l’esprit – ce qui nous étreint sans tournoyer avec les états et les circonstances – ce qui nous éloigne du plus archaïque – à la manière d’un soleil qui plane sur toutes les ombres inventées – sur toutes nos errances dans les ornières labyrinthiques de cette terre parcellisée – clôturée – infiniment circonscrite ; les murs du monde et les parois de l’esprit ; tout ce que nous nous sommes vainement éreintés à construire…

 

 

Nous – séparé(s) de la mort – et nous rejoignant à travers elle – devenant, à notre insu, l’âme – ce qui nourrit la part invisible des vivants – la main magnanime d’un Dieu secourable…

Le nécessaire rassemblement des éclats et des gestes apparemment épars…

 

 

Dieu – en nous – familier – en son fief – sans consolation – sans l’idée du déploiement (linéaire) du temps…

A notre place – au cœur de cet espace – parmi quelques Autres au visage rieur…

 

 

Des chants et des dessins dans l’âme – dans la proximité des jeux promus par l’ignorance – sous le soleil – au milieu des choses et des interdits inventés pour alourdir les pas – complexifier les itinéraires – allonger inutilement le temps du séjour ou du voyage – comme une étoile dans la main – tous les secrets dissimulés au-dedans – à la fois viatique et encombrement – ce qu’il faut découvrir – et presque aussitôt retrancher du butin…

 

 

Ce qui passe – nous traverse – et le vide, peu à peu, creusé qui dévoile progressivement (très progressivement) l’envergure de l’étendue abritée au cœur des rives les plus lointaines – les plus familières – les moins fréquentées…

 

 

L’air – les mots – le sang – qui passent de bouche en bouche – de corps en corps ; les alphabets de la chair et du langage – le souffle ; notre héritage – cette respiration commune – ce que nous léguons à ceux qui nous entourent – ce que nous léguerons à tous ceux qui nous succéderont…

 

 

Ce que nous savons – ce que nous mettons à la place du mystère – juste de quoi survivre…

Le cœur retourné – des plis et des parois pour guider l’esprit et le sang…

Notre manière d’être au monde – au-dehors – au-dedans…

 

 

Nous – nous enfonçant jusqu’aux plus lointaines racines – voyageant sur les pierres terrestres jusqu’aux premières strates de la mémoire ; sous la roche – des cercles et du silence – les bonheurs et les chagrins, peu à peu, abîmés – érodés – comme la surface des choses…

Les uns à côté des autres – comme si nous appartenions au même rêve – identique(s), sans doute, à celui – à tous ceux – qui existait – qui vécurent – avant nous…

 

 

De malheur en dérive – simplement – la même errance – les mêmes paroles – comme dans un sommeil très profond…

Ce qui se dessine et ce qui s’offre comme une (incroyable) faveur ; notre figure la plus simple – la plus nue – la plus naturelle…

 

 

La vie souillée par trop de jouir ; l’esprit et le monde entièrement enfientés ; le corps goûté – et célébré – par ce qui s’éveille – par ce qui s’ébroue – au-dedans…

 

 

La fièvre et les odeurs – toutes les substances du monde – tous les instincts s’essayant à l’autorité et à la domination des choses…

Comme un rêve né d’un autre rêve – plus ancien – à la manière d’une longue série de songes – intriqués – entremêlés – parallèles…

Le monde – devant nous – étalé – et, en nous (si l’on peut dire), toutes les cartes en main…

 

 

D’une chose à l’autre – au milieu des vivants – en traversant les surfaces et, parfois, les apparences – obéissant aux exigences des visages et des saisons – flottant dans nos habits provisoires – à travers la mort…

Accaparé(s) par l’attrait des jeux et du monde – recroquevillé(s) parfois – la chair, trop souvent, blottie contre l’angoisse…

 

 

Entre les mots – le silence…

Au creux du sommeil – l’espace…

Et dans notre ventre – le monde déchiqueté…

La matière au service d’elle-même…

La vie ancillaire et la vie carnassière…

La faim qui dépèce et qui, sans cesse, nous transforme – le vivant…

Ce que nous sommes et ce que nous deviendrons – jusqu’à la dernière bouchée – et au-delà – bien au-delà (comme nous pouvons nous en douter)…

Cette présence plus ou moins consciente et habitée…

 

 

Visage défait – prisonnier du ventre et des yeux des Autres – comme une existence posée au milieu d’un trou – d’un gouffre – d’une plaie…

 

 

Tous les rêves – boursouflés – puis, annulés – inutiles – trop ambitieux – si misérables…

La sueur – l’effort – les élans – mêlés à tous les malheurs terrestres – et cette matière (toute cette matière) à déplacer de manière incessante…

Le sommeil – partout – jusqu’au bord de la mort…

Le ciel (à peine) égratigné par nos minuscules tempêtes…

Des orages – des griffures – des entailles…

Nos opinions – toutes nos inclinaisons face au pouvoir – à la douleur – au soleil…

Le peu de considération pour nos jeux et nos angoisses – (si) dérisoires…

Toutes ces postures et toutes ces grimaces…

Notre riche moisson de fêlures et d’artifices…

Nos éternelles tentatives pour devenir plus vivant(s) – jusqu’au vertige – jusqu’à l’obsession…

 

 

Un peu de vide dans la main – au fond de l’âme – parmi toutes les choses qui circulent – dans nos têtes – dans nos veines…

Le jour et l’enfance – à rebours – comme si nous remontions jusqu’au lieu de la source – l’étendue originelle – au voisinage des premières neiges – ce qui, un jour, nous a congédié(s) du royaume – ce qui, un jour, nous a fait glisser du tertre des innocents – ce qui, un jour, nous a fait chuter sur ces terres peuplées de choses et d’instincts – au cœur de la matière et de l’intelligence la plus archaïque…

 

 

Le manque – le désir – la peur – sous les paupières – toute la machinerie de la psyché – connectée à tous les méandres du monde – à toutes les circonvolutions du chemin – à tous les déploiements de la matière…

La neige célébrée par le silence – l’ardeur des gestes et la ténacité du front…

 

 

Les malheurs évaporés – comme notre existence – un amas de gouttes au fond d’une étuve – pas davantage qu’un rêve…

Une invention de l’imaginaire pour tenter de combler notre sentiment d’incomplétude – cette sensation de manque (et de vide) dans le monde – dans l’espace…

Nous – comme un assemblage d’éléments inessentiels – ce qui pourrait nous condamner à la nuit – à perpétuité…

 

28 janvier 2021

Carnet n°253 Notes journalières

Il faudrait – peut-être – s’abstenir là où nous sommes trop faible(s) – si frêle(s) – le pas pesant – bien trop lourd(s) – assurément – insensible(s) [si insensible(s)] face à la vie – face au néant – rempli(s) déjà d’illusions – d’espérance – d’épuisement – devant tous les visages du monde – devant l’infini…

Notre défaillance – notre souffle tiède – sans fraîcheur – sans tendresse (véritable) – comme un essoufflement à travers nos gestes et notre poitrine – l’écho d’un vent très lointain – insaisissable – bien sûr…

Ce que nous échangerions contre un cœur plus léger – un esprit plus agile – un corps sans épanchement…

Ce que nous sommes déjà – par-delà nos limites…

 

 

Entre nos mains – ce que le monde et Dieu y posent ; l’invisible et le plus grossier – ensemble – reliés – enchevêtrés – ce qui nous ressemble – ce qui nous maintient – ce qui nous distingue – ce qui nous réunit – de toute évidence…

 

 

Des ailes – un envol – non comme une fuite mais comme un chant – la liberté suprême (peut-être) – cette joyeuse (et involontaire) obéissance à ce qui jaillit du vide – du silence…

L’espace invisible au fond de notre présence – qui nous soumet à ce qui s’impose…

 

 

D’une musique à l’autre – comme les mains d’un ciel satisfait qui lance sa lumière au hasard des visages et des saisons – vers la foule imméritante – qui se précipite – confusément – dans l’enthousiasme d’un élan – dans la jubilation (presque inconsciente) d’un infini entrevu…

Ce qui se joint au cœur captif – ce qu’accompagne la parole libératrice…

 

 

Nous – devenant humble(s) et sensible(s) – à travers l’expérience – au cœur d’un monde sans guérisseur – au cœur d’une existence sans remède…

Le jour – seulement – et notre présence…

Inégaux face à l’éblouissement – à la gratitude – au silence…

 

 

Un chant – la parole qui se précipite – le sacré célébré – et rejoint – par la voix ; le verbe vivant – le silence – au-delà de toute forme de vérité…

Ce qui se révèle et ce qui panse – sans effort…

 

 

L’instant – sa présence dans le geste – sans suite – sans passé…

Le labeur du cœur – sans répit – d’une seule traite – du premier battement jusqu’au dernier – à la fois fenêtre et intimité de l’âme – échelle invisible au-dessus des plaintes – au-delà des préférences – cherchant, en vain, dans les circonstances un peu de quiétude – une forme d’immobilité – un peu de silence – à l’affût d’une réciproque révélation…

Ce que nous avons – en réalité – trop peu l’occasion de nous offrir…

 

 

Nous – plongés dans les tentatives opiniâtres de la raison – cette force – cette farce – comme une rengaine – un sillon dans le sommeil – un trou – une ornière que l’on approfondit – à la manière d’un abri pour nos actes – dans le prolongement naturel de l’esprit des pierres…

 

 

Ce qui patiente à nos côtés – aux aguets – au cœur de nos gestes – au cœur de ce que nous sommes…

Et nous – à la périphérie de l’illimité – aux marges de l’étendue – à la surface du monde et de la vie – alors que le centre et les profondeurs – à chaque instant – nous ouvrent les bras – nous tendent la main – avec franchise – avec tendresse…

 

 

Nous demandons aux Autres – au monde – à chaque parcelle du vivant – d’être des remparts – des fenêtres – ce que nous sommes incapables de nous offrir…

Nous – dans l’impuissance et la mendicité – caractérisées…

Le besoin impératif de l’altérité – à la fois couronne et fers aux pieds…

Englué(s) dans la surabondance matérielle et l’impossibilité de la solitude et du silence…

Notre triste sort – à tous…

 

 

A peine passé que le temps…

Pareil à une porte imaginaire – franchie par nécessité – par souci (impératif) d’un retour à la simplicité…

Dépouillé – à présent – sans ornement…

Assez nu, sans doute, pour être confié au silence…

 

 

Comme une enfance première – chaînes aux pieds – alliance au doigt – promis au monde (comme on le sait)…

La scie à la main – pourtant – pour se défaire de tous ses liens…

Peu à peu conduit à l’écart du monde…

Secouant ce que les hommes (en général) craignent de toucher…

Emprisonné – à l’abri de la moindre aventure excepté celle qui compte – la seule – en vérité – au-dedans…

 

 

Ce qui nous est commun – la tête – l’illusion et le goût immodéré pour la fuite – ce à quoi ne peuvent échapper les hommes…

 

 

Nous – marchant sur nos propres traces – parfois perché(s) sur nos propres épaules…

Nous – devenant, peu à peu, pyramidal (pyramidaux) – parvenant – malgré nous – au fil de l’histoire – par processus purement mécanique – au faîte de l’édifice…

 

 

Les mains agitées – le regard sans regret – à ignorer le monde – à tuer ceux qui nous étaient chers avant qu’ils ne se transforment…

Un fardeau – insupportable – entre les tempes – ce qui accompagne chacun de nos gestes – la moindre possibilité ; ce poison au fond de l’âme que nous distillons à chaque rencontre…

 

 

Le monde à l’envers – prisonnier de notre désir – avec, par-dessus, notre souffle – notre main – une lampe (choisie par nos soins) ; quelque chose d’infiniment profane – d’incroyablement innocent – et que nous souillons par croyance en le sacré – par distinction représentative – en faisant la différence entre l’immonde et la beauté – entre le pur et l’avilissant…

 

 

En nous – une simplicité – une mendicité – une offrande que nous ignorons (ou que nous refusons)…

Une étreinte avec l’invisible à laquelle nous préférons un amas de certitudes empoisonnées…

 

 

Assis sur l’un des tabourets du monde – trop longtemps – sûrement – pour découvrir l’intime et l’humilité nécessaire aux retrouvailles avec la terre – front et lèvres trop loin du sol – autant que l’âme – pas assez proche du plus pauvre – du plus infime – du plus perdu – pour ouvrir – et marcher dans – l’infini et le merveilleux – la magie de l’esprit capable d’inventer sa route dans la féerie du monde – avec surprise – avec délice – sur les pierres que foulent les bêtes et les hommes…

 

 

Celui qui ose – et sait – pénétrer (entièrement) la matière – et parvient à se confondre avec elle sans pervertir l’esprit – lui seul sera sauvé ici-bas ; ailleurs – toutes les suppositions du monde sont possibles – envisageables – inutiles…

 

 

Dans la main – le chapelet du monde avec ses visages – sa poussière – ses pierres anguleuses et tranchantes…

Le sang – son goutte à goutte sur le sol et sa trajectoire circulaire dans les corps…

Cette existence sur le sol dur – la peine sous l’averse et le soleil – la crainte des hommes – l’ignorance des bêtes (et très souvent – le contraire)…

La soumission du vivant à l’ordre et au règne terrestres – terribles si souvent – apocalyptiques quelques fois – cette orgie de mouvements et de morsures – ce qui cingle et arrache la peau – la matière – ce qui pénètre la chair de mille manières…

Et les créatures – toutes les créatures – à genoux – en pleurs – en peine – en prière – quelque chose de Divin dans les yeux tristes – dans l’esprit qui s’interroge – dans la main qui soigne et la parole qui, parfois, apaise ou éclaire…

 

 

Le monde entier – dans notre labeur et notre volonté ; ce qui, étrangement, nous rapproche de l’esprit des fleurs – de l’innocence joyeuse ; ce qui réduit, peu à peu, l’enfer que nos mains ont bâti ; l’éradication – (trop) lente – sans doute – de toutes les frontières…

 

 

Le premier rayon du jour – sur la peau – l’âme fraîche et tendre – comme les premiers pas d’un voyage ; une distance à tenir avec le monde – un rapprochement à opérer avec soi…

 

 

Le réel retrouvé – comme un pan de ciel oublié qui réapparaît…

 

 

Nous – dans l’errance – trop longtemps…

Et – soudain – la simplicité du monde…

La joie du voyageur – de celui même qui ne ferait qu’un pas…

 

 

Des portes qui s’ouvrent sur des univers – nos profondeurs…

Dieu – ici – parmi nous – entièrement immergé(s)…

Toutes les interrogations soudainement transformées en chant – en silence…

 

 

Un fond de larmes sur nos solitudes – incomprises…

Nos mains dans l’intimité des Dieux…

Des gestes justes et d’envergure…

Quelque chose comme le parfait emboîtement des circonstances…

Le rythme et l’accord – jusque dans nos pires chaos…

Le silence qui éclot sur la terre propice des désirs morts…

 

 

Un nouveau pan de soi – découvert et libéré…

Ce qui vient à notre rencontre – à pas tranquilles – sûr de notre accueil…

 

 

Le ciel naturel (et sa lumière) – son éclat sur notre visage – dans notre chair – jusque dans nos gestes de réconciliation…

 

 

Nos vies – alignées sur les pierres – et les Dieux – dans les marges abandonnées par les hommes…

Ici et ailleurs – qu’importe nos inclinaisons ; la pente heureuse…

 

 

Sans le monde – notre présence – ce qu’il nous est impossible de partager…

Sensible – debout – sans renoncement…

L’Amour sans volonté – sans négligence…

Ce dont nous sommes pourvus – de manière débordante…

Entre nos mains – cet étrange silence…

 

 

Une terre de feu et de vent – ce qui nous fait naître et ce qui nous tue…

Nous – pas toujours stoïque(s) (loin s’en faut) – dans le souffle – dans les flammes…

La tête penchée – effrayée – face au silence – dans l’incompréhension d’abord – dans l’interrogation ensuite – puis, peu à peu, dans l’acquiescement – retrouvant progressivement – et malgré nous – notre nature – notre pays – notre matrice – notre envergure…

 

 

Notre voix – comme un ciel clair – sans étoile – sans promesse – vaste et coupant – comme une perspective – une lame – une étendue qui ouvrirait sur l’Amour et l’oubli – simultanément…

 

 

Au cœur de songes étranges – notre âme triste et délaissée qui s’imagine – à tort – abandonnée par ce qu’elle porte – par ce qui l’entoure – par la seule chose réellement existante

 

 

Dans nos mains – ce qui nous rend héroïque(s) et coupable(s) aux yeux des hommes…

Rien – dans le regard de Dieu – à peine un souffle – un sourire ou une grimace imperceptible – vite oublié(e) – nul drame – nul blâme – l’acquiescement et l’instrument…

Sans réclamation ; la participation – enthousiaste et engagée – à la fête…

 

 

L’Amour qui s’invite – sans jamais insister – sans jamais renoncer ; l’autre face du silence…

 

 

Par le ciel – ce qui nous échappe…

Par la terre – ce qu’il faut comprendre et assumer…

Dans la reliance de l’âme et du monde…

Dans l’intervalle qui, bientôt, s’évanouira…

 

 

Les heures ombragées et bruyantes – dans la trop grande proximité des hommes – l’âme raide – incommodée – méfiante – prête à s’enfuir ou à étrangler…

 

 

Grandeur – parfois – comme un surcroît d’Amour – dans un trait de génie offert – involontaire – comme une lumière qui, soudain, frappe la grisaille et la nuit (étroitement) entremêlées…

Notre misère – notre destin – aussi parfaits – aussi insignifiants – que tous les autres…

 

 

Le feu – le vent – l’espace – vacillants – parfois – de temps à autre – très rarement – pendant quelques instants – le temps de fondre sur nous en un éclair – de nous revêtir de nouveaux habits – de nous construire le socle et la fenêtre nécessaires…

 

 

Notre histoire – une longue marche d’entravé(s)…

Quelques brisures – peu franches – trop rares – insuffisantes pour détruire nos chaînes (lourdes et nombreuses) et nous initier au pas libre…

Nous – dans l’espoir – seulement – d’une délivrance possible – promise – très (très) incertaine…

 

 

Les Autres – comme un linceul – un peu de poussière – une ombre sur le visage – dans notre chambre – un surplus de chair et d’opulence – trop souvent – un encombrement supplémentaire…

Une insidieuse manière d’oublier – et de boursoufler – ses propres défaillances…

 

 

Les noms – le langage – les idées – les images – notre prison – l’espace immense et clos de la pensée dont il faut scier, un à un, les barreaux ou, d’un seul geste – d’une seule perspective – faire exploser tous les murs ; nous libérer de toutes les formes de détention…

 

 

Peu à peu – cette croissance du jour – cette nuit affamée – recueillie – célébrée – aimée comme jamais – comme un monde hostile – une paroi infranchissable – devenus, au fil de la tendresse grandissante, sol meuble et fertile – terrain de jeu de l’être – visage singulier et nécessaire de la joie et du silence…

La pente indéfectible de chaque horizon – de chaque circonstance – de chaque possibilité – la seule autre moitié de nous-même(s) ; notre figure – notre cœur – notre centre – inaliénables…

 

 

Tantôt dans le silence obscur du monde – tantôt dans celui (plus lumineux) de l’âme ; bien moins prisonnier du regard et des choses qu’autrefois…

 

 

Au milieu du monde et des choses – discret – presque invisible ; dans le secret (imperceptible) d’un angle commun – à l’abri des regards – au cœur d’un culte séculaire – à notre place – au cœur de la sensibilité – de la tendresse – des offrandes…

Nu et dépouillé – déjà – sur l’autel…

 

 

A notre aise – qu’importe les lieux et les visages qui s’imposent – les reliquats de la volonté…

Ce à quoi nous sommes relié(s) – le monde alentour…

La tête libre – affranchie – libérée…

L’âme exposée à ses profondeurs…

Au cœur de l’envergure première…

 

 

Aux origines de la prière – le monde à portée de cœur – le jour abondant – comme l’eau de la source sur les soifs humaines…

 

 

Dans notre dévouement pragmatique et journalier – sans la moindre idéologie – sans la moindre futilité…

L’ambition repliée – l’envergure déployée – à la manière d’un voyage aux extrêmes limites de l’homme – juste en deçà, sans doute, du cœur amoureux…

 

 

Debout – redressé – sans insolence – sans défi à relever – sans exigence de soumission…

 

 

Le verbe sur mille pistes différentes ; mille merveilles à découvrir ; mille contrées à explorer – le goût de la terre – le parfum du voyage – et ce que laissent nos pas derrière eux – quelques traces fugaces – dérisoires – invisibles…

 

 

Seul – sans intention – sans distraction…

Dans le jour – la nuit – le vide…

Ce qui se déploie depuis le plus sombre – le plus commun…

L’existence ordinaire et magistrale…

Le vent et la lumière – avec quelques tempêtes (parfois) – dans cette respiration terrestre naturelle…

Ce qui se poursuit – ce qui se perpétue – sans réellement se répéter…

 

 

Le jour – le monde – le cœur – arides…

Devant – derrière soi – l’horizon…

L’ombre – le visage de Dieu – trop distant…

La joie et la colère qui nous traversent – de part en part – successivement – sans jamais réussir à rompre le fil du temps…

 

 

Le ciel chargé de tous nos désirs – inaccessible – irréalisables

Comme un feu qui pénètre tout – et qui assèche – jusqu’aux larmes les moins irrépressibles – jusqu’aux conditions les plus indispensables au déploiement de l’immensité…

Partout – là où s’immisce le vent…

Ce qui nous bouscule – ce qui nous détourne de la route prédite – de la terre promise…

Le monde passant – incroyablement passager…

 

 

Les heures étalées devant soi – comme une offrande – la seule peut-être – qui durera le temps nécessaire…

 

 

L’âme et le sol à user jusqu’à la corde – jusqu’au dernier jour du voyage…

 

 

Les pans de notre visage – cachés – ensommeillés – comme si l’on ignorait qu’au-dessus de nos têtes veillait un sourire affranchi de la honte – une promesse sans pudeur – quelque chose qui pourrait guérir nos cœurs chargés de tristesse et de regrets…

 

 

Ce qui nous étreint – entre l’herbe et le ciel – la splendeur offerte et contemplée – nos ailes au-dessus des routes – la fin annoncée des saisons et de la folie…

Toutes nos empreintes – toutes nos merveilles – dans la poussière – nos haillons et les oripeaux dont nous aimons recouvrir les âmes et les choses ; les tristes horizontalités du monde…

 

 

L’oubli – ce à quoi nous nous obstinons – la rumeur très lointaine des origines – sous notre front ; nos lamentations et notre épuisement à venir…

 

 

Ce qui demeure dans l’ombre – derrière nous – bientôt évaporé – bientôt anéanti…

 

 

Le bruissement de la chair – à chaque pas – sur le chemin qui mène à tous les embarcadères – à tous les embarquements – les yeux – le front – face à l’océan…

 

 

Pêle-mêle – dans nos usages (trop communs) du monde – ce qui n’a de fin – les seules rives habitables sur la terre – en ces contrées (ultimes – peut-être) ; ce chant qui se déploie dans sa pleine liberté – avec du vent au fond de la gorge – le même que celui qui pousse nos pas sur la route – le même que celui qui nous fait errer aux confins de l’immensité…

 

 

Ce qui s’écoule – en processions toujours plus massives – toujours plus nombreuses…

Le monde – dans sa rumeur – dans sa gloire – dans sa folie…

La foule – toutes les foules – abstraites et obstinées…

Ce qui nous épuise et nous chagrine…

Et ce qui finit – fort heureusement – par assécher la source de toute attente – de toute idéologie – de toute espérance…

 

 

Happé par cette solitude pérégrinante…

Pourchassé, encore trop souvent, par la fureur du monde – les Autres à nos trousses – nous poursuivant – nous encerclant – nous précédant – nous envahissant…

Dans le souffle chaud des hommes et des bêtes – dans l’haleine irrespirable des vivants…

 

 

Un jour – parfois – de temps à autre – l’océan – devant nous – silencieux…

Ce qui s’obstine à nous contempler – à nous attendre – sans se soucier des rives trop peuplées – des terres lointaines à explorer – des libertés trop fortement compromises…

 

 

Le cœur à l’envers – comme déchaîné – emporté au loin par des courants invisibles…

Comme une lumière défaillante – au fond de l’âme…

Le soir, peu à peu, poussé par la nuit qui s’installe…

Le soleil – comme englouti par son orbite – son étrange voyage…

Le règne (sombre) des visages subrepticement détrôné par la loi des choses et des usages…

 

 

Le chant (presque) inaudible d’un temps révolu…

L’embarquement joyeux et bruyant des âmes volubiles – légères – étrangement transfigurées par la gravité terrestre et l’inévitable grossièreté des choses du monde…

 

 

Le cœur en prière – avec, en soi, tout un peuple agenouillé – mains jointes et immobiles – tentant de mimer maladroitement la pointe d’une flèche que l’on aimerait éternelle…

Des choses rêvées – imaginaires – sans doute…

 

 

Ce que l’on épie – au bord de la route – derrière la lumière – la terre engloutie ; les souffles du monde…

Notre propre visage au seuil de toutes les portes – peut-être…

 

 

Dans le silence – à chaque ère nouvelle – à chaque âge nouveau – dans la succession ininterrompue des instants – le monde devant soi – comme jamais – sur le même mode – à une hauteur éblouissante…

 

 

Nous sommes – et vivons – comme le chant des oiseaux – une note – le jour soudain désenseveli – dans une déclamation sans calcul – sans angoisse…

Un chuchotement après l’autre – à travers la joie…

Dans une nuée tonitruante – le cœur (presque) toujours oppressé par le tapage des Autres – par tous ces bruits extérieurs qui nous imposent un rythme qui – jamais – ne sera le nôtre…

 

 

Le soleil caché entre nos mains ; et la nuit de nos gestes tranchée par ce qui circule dans l’âme – dans les veines – l’expérience solitaire du vertige terrestre – de notre présence humaine – la perspective offerte par notre besogne dérisoire et les offrandes si généreuses (et si permanentes) du ciel qui se partage…

L’air du monde qui, peu à peu, se raréfie…

Les derniers vestiges de notre existence – engloutis…

Dans la vaine attente d’une main plus secourable…

Nous – devinant, peu à peu, le seuil – devenant, peu à peu, la porte…

Dans l’obscurité machinale du plus souverain sommeil…

 

 

Notre crainte face aux itinéraires imprévisibles – aux routes dégagées – sans balisage – aux existences affranchies des conventions – encore endormi(s) là où il faudrait, sans doute, affaiblir l’opulence…

Ravagé(s) par les troubles d’une terre trop peu précoce…

Dressé(s) contre l’ombre – à battre (inutilement) les paupières dans la lumière…

Tête close et territoire circonscrit au milieu des peines et des promesses…

 

 

Dans le silence et la prière des terres sauvages – parmi des fleurs inconnues – à quémander quelques circonstances favorables à l’allégresse…

Le verbe et le contentement étroitement entrelacés – happés par la même danse – immergés dans les mêmes tourbillons – dessinant ensemble les mots et la joie…

Des paroles – comme des éclats – des fragments de terre et de ciel – malgré la tristesse qu’esquissent, parfois, nos lignes et nos pas – graves – rayonnants – détachés…

 

 

Compagnon de personne – reposant en son sein – dans son propre giron – allant sans hâte au milieu des choses – s’abritant là où le désert est le plus haut – le plus pur – le plus favorable – vivant à la manière des bêtes tourmentées et traquées par la bêtise des hommes…

D’une errance à l’autre – comme entre deux échappées…

 

 

La nuit – en vain – qui s’écoule…

Et nous – épuisé(s) par tant de résistance – contraint(s), tôt ou tard, d’abdiquer – de fermer les yeux – d’affronter les heures sombres – encore et encore…

 

 

Le regard frémissant – sur les eaux du monde – mouvementées – sur la surface lisse (presque indifférente) du ciel…

 

 

Nous – poursuivant notre route – à moitié – tête baissée – yeux en l’air – partagé(s) entre la fatigue et la passion – entre le désir et le dégoût – sans échanger le moindre mot – nous hâtant (plein de regrets) vers la mort…

 

 

Le soleil – dans la tête – parfois au-dessus – comme si le climat pouvait influencer la perspective – comme si le monde était au-dedans – parfaitement mûr – comme un fruit serein – patient – enfin prêt à s’offrir…

 

 

Nous – vivant(s) – parmi les rêves – dans la brume – au milieu de l’ardeur et du mépris – allant à pas lents – les mains inexercées – sans la moindre préparation – laissant naître les gestes justes et appropriés – l’âme humble et redressée – le cœur et le front adossés au vide…

 

 

Le sommeil soudain inondé par la lumière…

De haut en bas – comme sur un trône brutalement illuminé – le cœur – comme une porte ouverte – une frontière abandonnée – une aire nouvelle – une envergure parfaitement déployée…

Dans les mains de la mendicité souveraine…

L’espoir anéanti par la force du monde – l’implacable puissance de ce que l’on appelle le réel…

 

 

La vie comme un rêve que l’esprit, peu à peu, efface – que l’esprit, peu à peu, remplace – un sourire – une tristesse – une once d’amour – quelques coups – comme une chance obstinée convertie, parfois, en malédiction passagère…

 

 

Le monde alentour – dans notre surprise ou notre confusion…

Et parfois (trop rarement) – la loyauté d’un regard qui rayonne – qui offre sa lumière ou son éclairage…

La dimension du ciel parfaitement calibrée aux mille nécessités des vivants…

 

19 décembre 2020

Carnet n°252 Notes journalières

Parfois – devenir – comme si nous pouvions nous transformer malgré le sommeil…

La tête lasse – à écouter toujours la même voix – à se soumettre toujours au même rêve…

L’avenir triste – fidèle à notre immaturité…

Nous – dans l’entrebâillement de la porte…

 

 

Le monde – devant soi – avec cette mine patibulaire – cet air insistant – la mâchoire d’une bête carnassière…

 

 

Plus loin que ce qui nous sépare – ce qui nous console – le visage dénoué – défait de l’ombre – le sourire franc – oublieux de tous les mensonges – de toutes les (fausses) gloires passées…

 

 

Notre sort entre les mains d’un Autre…

Le destin que l’on nous réserve…

Quelque chose comme un élan – un franchissement – la résultante d’une tête, peu à peu, abolie…

 

 

Un peu de soleil à la place du sang – la part secrète de l’homme – la part secrète du monde – le jour en soi – la brillance des pierres et des étoiles sur notre chemin – les signes (évidents) d’une vie plus claire…

Une existence plus souveraine – moins encline à la fièvre et à la folie…

Le corps et l’âme – bien davantage qu’une enveloppe…

 

 

Ce que l’on soustrait au cœur – absurdement…

De la poussière envahissante – au-dedans…

Quelque chose en creux – comme une farce…

Un mélange de honte et de dérive…

Ce qui nous cisaille et nous englue dans une forme de silence vicié – une sorte d’étouffement – comme un délire jusqu’à l’asphyxie…

 

 

La joie – au milieu de tous les vertiges (terrestres)…

L’oubli de soi en plein silence…

Sans mémoire – au centre des cercles…

Authentique ; les masques – les malheurs et les bonheurs trop communs – jetés à terre…

 

 

Dans le sang – le cœur du monde – ce qui nous maintient vivant – ce qui nous pousse au-dehors – ce qui nous invite au-dedans…

En creux – la découverte (progressive) de notre visage – cette longue errance vers nous-même(s)…

 

 

La vérité – enfouie au fond de l’âme – couchée parmi les pierres – dissimulée au cœur du ciel – avec nos joies et nos peines – ce qui nous incite aujourd’hui à esquisser un sourire – quelques pas de danse…

Et cette présence discrète au milieu de la poitrine…

Semblable à l’arbre – avec toutes nos alliances avec le monde – le silence – la parole…

 

 

Nous – dans la ferveur toute proche ; ce que l’on creuse – ce qui crève – sous notre regard…

La chair souillée par le désir et l’excès de jouissance…

L’âme dévoyée par la nuit célébrée – célébrante…

Sur nos pages – pas un seul rêve ne résistera…

 

 

Ce que la souffrance attise – ce qu’elle détourne – ce qu’elle disperse…

Un visage – mille choses – une seule saison…

 

 

Dans l’âme – le ventre – ce qui nous porte à la faim ; en nous – ce qui nous corrompt – ce que nous avons (depuis trop longtemps) oublié…

 

 

Sous les secousses – le ciel descendu…

Dans les replis où l’on se cache – des tempêtes – trop de soleils mensongers – la force des habitudes qui tient notre angoisse en laisse…

Plus haut – de nouveaux jeux – un air de fête – une vaste étendue sur laquelle nous pourrions vivre sans artifice – une présence sensible au-dessus des pierres…

 

 

Le monde à moitié endormi – sous nos paupières – le début, à peine, du jour…

Tous nos malheurs – toutes les saisons de notre enfance – rassemblés dans une seule larme – l’esquisse timide d’un sourire…

Nous – l’essentiel – dans le même espace – avec le ciel et le silence au-dessus – quelques oiseaux de passage – l’envol d’une parole…

Notre vie – aux marges des rives communes – parmi les signes et les sens – au milieu des alphabets, étalés devant nos yeux, avec lesquels nous essayons de reconstituer la vérité…

 

 

Le jour – comme un saut dans le vide – le sourire des Dieux devant nos grimaces – ce que le feu nous réserve…

 

 

Nous – dans la fange – jusqu’au cou – à théoriser sur la lumière et la liberté – en pataugeant dans l’obscurité…

La terre – du noir – des grilles – la boue et l’aveuglement – l’impossibilité de l’affranchissement…

De la blancheur qu’en rêve – de l’écume – de la bave – nos gesticulations et nos crachats…

 

 

Du sang – partout – où nos pas sont allés…

Nous – dans les flammes et l’enchevêtrement des ronces…

 

 

A notre table – dans notre tête – dans notre vie – rien – du vide – un peu de passage – seulement…

Du ciel et quelque chose de la rivière – ce qui coule le long des rives – le long des rides de notre visage…

De l’eau – de la pluie – des larmes…

Ce que l’on aimerait retenir pour offrir aux fleurs un surcroît de vigueur – un surcroît de beauté…

 

 

L’absence – le faîte de la tristesse ; à ses côtés, la mort paraît presque aimable – enviable ; l’impossibilité du retour – la présence qui n’est conjugable qu’au passé ; le temps où nos mains se touchaient – où nos âmes se surprenaient – vivantes…

A présent – personne – rien que du vide inhabité…

 

 

Ce que le jour – autrefois (il y a si longtemps) – a déposé sous notre front – au fond de l’âme – mélangé à la chair – au sang et au souffle qui circulent – à toutes les substances qui entrent et sortent – qui jouent avec le monde autant que le monde joue avec elles…

La saveur vivante que l’on goûte (en général) les yeux fermés…

 

 

Rien – le sens – les mains posées sur le monde – contre la vitre – comme un bout de chair inutile – condamné à l’impuissance…

L’apparence d’un outil – d’une caresse possible – seulement…

 

 

Des fleurs – sans crainte – comme un sourire – une invitation – la nature du vivant offerte à l’air – à l’Autre – comme un rappel – une caresse – la seule perspective possible si le monde pouvait échapper à la folie ambiante – un aperçu de ce que l’on est – profondément – en apparence – ce que nul (bien sûr) ne peut renier ; une beauté fragile et éphémère – un peu de ciel et de matière – le souffle (puissant) de la vie…

La texture et la couleur de notre visage – de notre voyage ; bien davantage que l’âme et la chair…

 

 

Nous portons – avec cette terre – l’esprit de la naissance – la douleur et la légèreté de toutes les morts – tous les rêves d’un autre monde – et l’âme – sage – sans âge – enfouie – cachée – surplombant la pierre et le sable – volant parmi les oiseaux et les fantômes – au cœur de l’invisible – sur tous les chemins – à travers le ciel…

 

 

Ce que nous réalisons spontanément – sans la moindre application – tout au long du passage – présent(s) – conscient(s) – les gestes aussi légers que l’air – aussi denses que la pierre – comme une grâce sans cesse renouvelée – au fil des jours et des saisons…

 

 

De la sueur – encore (beaucoup trop – sans doute) – comme le signe principal de notre présence…

Du temps consumé par la fièvre et l’ardeur…

De la peau, peu à peu, brunie par le soleil…

Des gestes – des tourbillons d’air dans l’espace…

Du bruit – quelques mots – une parole (très) ordinaire…

Mille choses dont on pourrait se passer…

De la roche – puis de la pierre – puis du gravier…

Le règne permanent du devenir ; la poussière…

Nos misérables existences – toutes nos pauvres lois – et ainsi jusqu’à la mort…

 

 

Pas la moindre empreinte – du sang – le parfum de la terre – de l’air (par brassées) et de la sueur – cette odeur de l’homme instinctuel et besogneux…

 

 

D’un jour à l’autre – sans preuve…

Sur les traces de l’oubli…

 

 

Le monde pourchassé par la langue – comme des mains avides de compréhension…

Nommer comme rêve – comme possibilité – comme détention…

L’outil des prosaïques et des poètes…

A l’intersection de tant de perspectives – comme si le réel pouvait être saisi – et ses pourtours circonscrits…

Jeu de dupe – jeu de l’esprit – velléités et tentatives imaginaires – seulement…

 

 

Là – dans cette folie inconnue – sans la moindre malice – à marcher à l’envers de l’aurore – à inspecter les alentours – les secrets – toutes les cachettes possibles…

Le dénominateur commun des vivants…

 

 

Toute une vie à fouiller dans les broussailles – à remuer le sable – à ôter le rêve et la cendre du réel – à se sentir moins humain (bien moins humain) que la plupart des hommes – dans une recherche à la fois franche et oblique – ardente – véhémente parfois – prêt à tout retourner – à tout incendier – à tout anéantir – pour qu’à travers nos grilles – un peu de fumée – se révèlent quelques lambeaux de vérité…

 

 

Au large – toujours plus loin – comme le mentionnent (si mensongèrement) tous les oracles – alors qu’au centre se creuse – s’approfondit – se sculpte l’écrin – le socle de ce que nous cherchons – quelque chose d’oublié depuis le premier jour…

 

 

Nous – pâles icônes d’un Dieu ruisselant – sobre – inhibé – excité – conscient – sans douleur – à notre (imparfaite) image – fort heureusement…

Espace vivant – présence incompréhensible – apophatiques – à la fois première et ultime chose éprouvée – lieu habité – ce autour de quoi tournent toutes les vies – tous les mondes – toutes les choses inventées…

 

 

Le temps décomposé – les enjeux déjoués – les épreuves démontées…

A la violence et au tumulte succéderont, sans doute – bien vite, les caresses et la paix…

 

 

L’urgence du voyage – vital – au milieu des siens – les arbres…

Pierres et nuages – herbes et buissons – le royaume des bêtes et des solitaires – dans une commune respiration…

 

 

Dans notre bouche – le sang du monde ; dans notre sang – ce qui a vécu – l’air et le soleil apprivoisés – transformés – en soi – devenus chair et respiration d’un Autre – comme le prolongement, sans cesse, réinventé du souffle et de la pierre…

 

 

A pieds joints dans la nuit – dans les braises…

A se rouler au milieu des éclaboussures – le soleil en tête – trop faible – trop lointain – pour pénétrer l’âme – se soustraire à la peau écarlate – brunie – brûlée – et à la chair – cette matière hautement putrescible…

Invincible – pourtant ; et cet espace – cette présence – en soi – éternels…

 

 

Matrice de l’œil et de la main – des rites et de toutes les dépravations ; le jour – la liberté célébrante – la misère et les fers désespérants – ce que l’on s’attache à conquérir – la tristesse de nos déséquilibres – de nos obsessions – de nos ressassements…

 

 

Le monde habillé d’espérance et de désespoir…

Des mots sans tenue – sans promesse – sans la moindre verticalité – autour desquels s’enroulent (pourtant) toutes les vies – tous les visages ; un abîme – un néant que l’on tente de remplir – de peupler – d’habiter ; du néant supplémentaire – en couches vaines et épaisses que l’on empile les unes sur les autres en attendant un Dieu moins exigeant – plus accessible – un frémissement de l’âme – un tremblement de terre – un changement de sillon engendré par le hasard – la nécessité – une secousse suffisante – une étincelle dans l’esprit ; un phénomène conséquent – suffisamment pour transformer notre perspective…

 

 

Ici – et partout ailleurs – la même chose – rien – un peu de ci – un peu de ça – tout – l’infini – sans la moindre importance…

 

 

Au centre de la matrice aux périphéries parfois désaccordées…

De l’œil et de la chair – dispersés – continu et discontinue

Une sorte de chant – comme des vibrations – au fond de la poitrine…

 

 

Nous – dans les rouages d’un ogre – d’un monstre – mécanisme(s) des Autres…

Au cœur d’une machinerie grinçante qui écrase et soumet – qui crache et vomit sans discontinuer des débris – des scories – qu’un jour, à coup sûr, nous deviendrons…

 

 

Ce qu’éructe le feutre – l’âme et la chair blessées – le cœur qui saigne – le cœur qui soigne – le sang cadenassé – l’impossibilité de l’homme – les regrets de la main agrippée à tous les arcs-en-ciel créés par l’esprit ; illusions – bien sûr…

 

 

Plus loin que soi – au-delà même de ce que certains appellent la source – le monde liquide – le monde évaporé – semblable à mille autres mondes – et (comme les autres) singulièrement différent – aux marges du cœur – à la périphérie du silence – là où l’on nous somme de nous dépouiller avant de franchir le seuil – de pénétrer l’espace étrange et mystérieux – sans frontière – où tout est accolé – où tout se rejoint – où rien jamais ne peut être séparé excepté (bien sûr) le regard engagé – lointain – entremêlé aux choses – infiniment présent – et libre, pourtant, des phénomènes et des circonstances – affranchi des mondes – des naissances – de toutes les formes d’illusion et de temps…

 

 

Nous – comme des éclairs – le socle de la lumière – le cercle autour du monde – autour du verbe. Et au cœur même de l’obscurité – la force claire – originelle – l’assise première de tout ce qui naît – de tout ce qui passe ; l’Amour et le regard – ce qui engendre toutes les transformations – toutes les révolutions – toutes les alternances – tous les passages…

 

 

D’une saison à l’autre – hors du temps – où l’heure est l’égale du jour – le jour l’égal de l’année – l’année l’égale du siècle…

Au creux de l’arbre – comme l’ombre recluse – soudain éclairée – qui se rabougrit plus encore – à l’opposé des fruits qui mûrissent – gorgés d’eau et de soleil – dégoulinant de sucre et de chaleur…

Et nous – au milieu – derrière la clôture – tendant la main pour goûter l’obscurité – la maturité – la diversité qu’offre le monde et découvrant, peu à peu, la danse absurde des choses et du temps – l’emboîtement et l’entremêlement du noir et du jour – l’immense écheveau gris (aux mille nœuds – aux mille nuances) dans lequel nous évoluons…

 

 

A vif – dans la nécessité des mots – le rouge du cœur – du sang – des révolutions ; ce qui nous tient en haleine – ce qui nous maintient vivant – jusqu’à la métamorphose silencieuse – cette transformation radicale – invisible depuis l’extérieur…

 

 

Rien pour imaginer le monde – et (presque) tout pour y vivre ; la douleur comme un jeu – une énigme – une épreuve – un défi – nos allées et venues parmi les drames – les larmes et la tragédie – le feu et le sang – le ciel au-dessus de l’agitation – et, au-dedans, cette respiration de l’homme – du vivant – tous les souffles de la terre et les âmes à l’envergure variable…

Et à l’origine de ce fatras – cette source immuable – cet espace parfois habité – parfois dépeuplé – dont les courants invisibles nous nourrissent et nous transportent…

A la verticale de la faim…

Le monde à la recherche de l’or – de l’âme – de la beauté et de la lumière…

Et ce que l’innocence finit, un jour, par imposer – malgré elle – malgré nous ; le vide – l’Amour – le silence…

 

 

Des hanches obsolètes – le ventre enflé – des substances stagnantes – une semence asséchée…

Trop de feu et de cruauté…

Et ce repli – cette faiblesse – ce resserrement dans le sang – pour demeurer vivant – inutile et vivant – comme le prolongement caduque d’une chair vieillissante – au bord de la mort – plongée dans l’attente et l’agonie…

 

 

Ce que la nuit précipite – en nous – la peur cinglante de mourir – le jour – sous des couches de temps accumulées – l’homme debout – sans rancune – sans perspective – errant en lui-même – dans l’apparence extérieure de l’espace…

 

 

Le jour renouvelé – comme la vie et la mort – la lumière inscrite sur la peau – de moins en moins épaisse – de moins en moins frontière – au fil des années – à mesure que les appels et la vocation (naturelle) se précisent et s’intensifient…

 

 

Nous – colonne du monde et socle des Autres…

Au-dedans – repliés – notre source – notre gisement – les courants terrestres – aériens – océaniques – qui portent les choses et les visages – au-delà de l’absence – au-delà des rivages existants…

 

 

Nudité sans généalogie – antérieure au temps – au monde régi par les jours – les siècles – les millénaires…

 

 

Une présence – comme une écoute ; un silence vivant – un espace infiniment sensible – inscrit – engagé – partout – qu’importe la texture et la densité du vide et de la matière…

Habitable – à chaque instant – par tous…

 

 

Rien que du temps – une mémoire de l’absence – la totalité du vide – plus loin (bien sûr) que nos visages pétrifiés…

 

 

Le jour penché – à travers le monde au-dehors – sur nos actes (jusqu’aux plus insignifiants)…

 

 

Nous – au bord – dans la nuit – à compter les heures passées – les heures restantes – à nous souvenir et à imaginer la chair – la peau et les os – puis le squelette – peu à peu – ce qui glisse si promptement – en quelques milliers de jours – en un éclair – vers la neige – la tombe recouverte de terre ; la tristesse – l’existence – la vérité – inhumées…

 

 

Ce qui se cogne – ce qui s’use – aux extrémités – la parole intérieure – comme un silence abandonné – livré au monde – et s’éloignant, peu à peu, du tumulte – des querelles – de toutes les possibilités du monde – de tous les usages du temps – comme le centre d’un cercle qui, progressivement, se rapprocherait…

 

 

L’espace à apprivoiser – à faire sien ; et la terre commune – à partager…

Derrière chaque pierre – l’âme du monde – des larmes – et ce qui ne pourra jamais se réduire à la poussière…

 

 

Ce qui nous saccage – le parti pris des Dieux – le monde – ce que nous confondons (trop souvent) avec la cruauté – cette sauvagerie ignorante (en apparence) – ce pour quoi nous sommes venus – ce pour quoi nous sommes vivants – ici-bas…

 

 

Rien qu’un espace – une source – un regard – et mille danses autour – au-dedans…

Les fleurs et les fruits d’un immense jardin sauvage…

Trop rouge – comme le sang et l’animosité du monde…

Et ce bleu – si infime – encore incapable d’investir les âmes – de retrouver son territoire – le vide derrière les visages – toutes les parcelles libres auxquelles nous aurons pris soin, au préalable, d’arracher le nom…

 

 

Les ombres dévastatrices – contre le soleil – à proximité de la source – partout où se frottent les peaux – la chair – les visages…

Sensibles à la leçon des Dieux – la tête plongée dans tous les livres du monde – dans la croyance d’une conversion possible…

 

 

Les vents – merveilleux – qui transforment les songes en immenses fenêtres – qui déploient le rire sur toutes les aventures – qui délivrent d’un regard (exclusivement) posé sur les pierres – qui invitent toutes les couleurs à désobscurcir nos yeux mécaniques – rougis par les soucis et les malheurs…

 

 

Du côté des étoiles – la chair frémissante – l’âme au milieu des danses terrestres – de tous les vertiges – flirtant avec les vivants et les morts – présent(s) au cœur de tous les passages proposés – apaisant ce qui tente de s’enfuir – guidant ce qui tente de s’affranchir – comme une fenêtre ouverte sur le monde – un bout de ciel parmi nous – un peu de sagesse blottie contre le front – à l’abri des saisons et des âges – si fragiles – si provisoires…

Nous – parmi les Autres – avec la gravité et le sommeil en commun…

 

 

Tout s’insère dans la lumière ; cris et prières – mots et détours – invitations et rejets – l’espace – la densité du monde – le silence – notre présence – la vérité – tous les jeux et toutes les illusions du temps…

 

 

Nous – au sommet de la beauté – l’innocence à la ceinture – nu(s) – debout parmi les vents – fragile(s) et authentique(s) – éternel(s)…

 

 

En nous – la dépossession – l’œuvre de l’invisible – la liberté, peu à peu, dépiégée – entre l’Absolu et le néant – sur cet étroit chemin qu’ignorent les yeux…

 

 

Nous – avec la lune là-haut – bien au-dessus de nos têtes – étrangement mystérieuse – comme si elle reflétait une lumière lointaine – étrangère – inconnue – comme si elle annonçait le début prometteur d’un autre cercle – incroyable – insensé – inaccessible…

 

 

Le temps désacralisé – soudain plus vaste – aux contours visitables – dont on aurait brusquement comblé les profondeurs…

Une image – seulement – bien moins effrayante pour l’âme et la chair…

L’esprit contre la porte – à écouter sans crainte les bruits du jour – la rumeur des siècles – le murmure des rêves – le chant des étoiles – comme un léger et lointain clapotis – un peu d’ombre innocente…

 

 

Conscient(s) – debout – comme si la joie avait besoin de notre présence (et de nos gestes) pour être rassurée…

Le nez (pourtant) encore dans la matière – de la terre sous les pieds – de l’air sous les aisselles – et le vent qui circule partout – au-dehors et au-dedans – comme un souffle divin dans un intervalle terrestre provisoire ; la vie – le temps d’un claquement de doigts ; les existences – de naissance à trépas – en un clin d’œil…

De tentative en tentative – jour après jour – une longue suite de pas pour rapprocher les rives du ciel – l’horloge du pied – et tout réunir – en soi – en désordre – dans un esprit de fête où chacun pourrait (enfin) devenir le regard et la danse – l’enchantement et la tendresse unifiés – inséparables…

 

 

Sans solennité – sans faux-semblant – la terre – la chair – la vie – contraintes de persévérer dans leur œuvre – de poursuivre leur trajectoire naturelle – d’acquiescer aux forces extérieures – aux puissances internes dominantes – à l’absurdité apparente de ce monde…

Soumises aux blessures – aux alliances – aux trahisons…

La gorge – presque toujours – nouée par l’angoisse…

Tiraillées entre la réalité et l’attrait pour l’ailleurs – ces contrées de vent – de vide et de joie – où la terre – la chair – la vie – ne sont que les éléments provisoires d’un mauvais rêve – sans importance…

 

 

Nous – dans la brume – le désert – le rêve des Autres – comme un objet – un cadavre – un bout de chair à dévorer – quelque chose qui nous précipiterait vers la mort – ailleurs – un pays sans méfiance qui aurait éradiqué tous les dangers…

Nous – devenus nos propres os – nos propres lois – hors du monde grâce au manque – au-dessus des couches de déchets accumulés – ce sur quoi l’esprit et la chair s’éternisent par défaut de compréhension et de volonté…

Nous – au milieu de l’oubli – comme quelques Autres – sur cet archipel dont on ne revient pas…

 

 

Ce que nous foulons – avec la terre – des liens qui enserrent le cœur – l’âme – le cou et les poignets – la mobilité (presque) entièrement entravée et cette liberté intérieure que nous n’avons jamais (réellement) éprouvée…

L’expérimentation de la solitude et de la nudité…

Le monde en appui sur nos épaules…

Cette farce inventée pour se persuader d’exister – la poursuite chimérique de ce que nous appelons notre vie…

Nous – déjà – dans l’œil de la mort – silencieux – prêt(s) à tout – bien au-delà du vivant…

 

 

La terre – sous nos pieds – dans nos bras – étreinte et piétinée – et dont notre chair n’est que le prolongement…

Un peu de bleu et le souffle suffisant ; ce qu’il nous manque, sans doute, pour vivre – décemment…

 

 

A l’intérieur – en soi – cet ogre – ce monstre – ce silence – cet Amour ; nous – instruments de tous…

Présents – en demi-cercle – poreux et pénétrant là où on leur ordonne de s’imposer…

Nous – durs et secrets – au centre de cet espace sans frontière – sans intervalle – témoins de la perpétuelle continuité des phénomènes – assistant au défilé – et à la transformation permanente – des entités – au déroulement de tous les spectacles – simultanés – successivement – les uns empiétant (presque) toujours sur les autres…

 

 

Un reste de joie ancienne déniché dans l’œil à jeun – l’âme vierge – et qui se dissipera avant nos premiers pas sur la vaste étendue blanche…

 

 

D’un silence à l’autre – sans rien comprendre…

 

 

Nous – plongé(s) dans le temps ancestral – celui des hommes et des Dieux chimériques – à l’époque de tous les supplices terrestres où tout tournait autour de l’axe du manque – entraîné(s) par la roue perpétuelle des désirs – entre la pluie et le soleil – entre les rires et les larmes – entre le désespoir et toutes les illusions – avançant à tâtons – craintif(s) et frileux…

Le monde devant nos yeux – ce périple – ce rêve – cette histoire – que nous n’avons cessé de réinventer…

 

 

Notre impuissance – la terre infranchissable – ce que les circonstances éveillent au cœur de nos entrailles…

Nous seul(s) – approchant…

 

 

L’ère liminaire de l’aube – des Autres célébrés – de soi – les lèvres muettes – la pensée défaite – la langue intérieure soudainement libérée – comme un voyage à travers nos continents les plus reculés – le seul périple – en vérité – de notre cœur à l’être – à travers tous les chemins possibles – à travers toutes les voies imaginables…

Dieu et l’esprit – dans notre chair – ce qui ne fait, bien sûr, aucun doute…

 

19 décembre 2020

Carnet n°251 Notes journalières

Nous – dissonant(s) – allant notre chemin – mal éclairé(s) – nous dirigeant comme au fond d’un gouffre – presque ivre(s) – guidé(s) par la faim et la folie – les yeux fermés au milieu du vide…

Inquiet(s) et confiant(s) – comme si quoi que nous fassions, la terre avait raison – le ciel nous attendait…

Nous – nous appartenant – en définitive…

 

 

Un chemin d’obscurité où chacun ne marche que sur les traces de l’absence – comme si la vie et la mort étaient irréelles…

Nulle empreinte – pas la moindre lumière…

Notre rire comme seul éclat – et ce qu’il faut de force pour affronter ce qui nous fait face…

 

 

Le monde – de plus en plus lointain – comme une délivrance – un appui supplémentaire…

L’absence de tout – jusqu’aux cimes les plus hautes…

Nos pas dans la neige – notre âme au cœur de l’espace – le règne de personne – et ce qui, peu à peu, remplace toutes nos défaillances…

 

 

Dire – sans passion – sans appartenance – depuis la première extrémité du temps…

La vie – le monde – sans témoin – le discours – sans auditoire – sans promontoire ; le silence – épais et originel – ce qui suffit à faire naître le regard – à déployer l’Amour et le silence nécessaires à toutes les éclosions – à toutes les expressions…

La pente naturelle et inaltérable sur laquelle, sans même le savoir, nous glissons…

 

 

Nos allées et venues – dans l’espace étroit – sur l’étendue escarpée – obstrués à force de tentatives – saturés de voix et de volonté – de cette tyrannie du désir – du rêve – de l’ambition ; façonnés par cette irrépressible aspiration à vivre ailleurs – autrement – à être différent(s) – autre(s) – méconnaissable(s) – cette (maladive) attirance pour les reflets – la surface – cette (terrible) dénégation des profondeurs – de l’infini – le refus (obstiné) de notre identité – sans mesure – sans qualificatif…

 

 

Là où la lumière éclaire l’escarpement – notre écorce rugueuse…

Nous – nous souvenant des fleurs – de la beauté exilée du monde – la poésie du regard – l’envergure du souffle…

Notre âme engagée dans toutes les correspondances terrestres…

 

 

Ce que nous vivons – le sang à l’extérieur – les choses renversées – le monde à l’envers…

La sagesse et le silence au lieu du crime et du simulacre…

Notre dénuement face à l’anéantissement…

Ce à quoi invite la (presque) fin du voyage – les dernières ornières du chemin – peut-être…

 

 

La main qui frappe sur le tambour intérieur – la résonance de l’abîme – sur la peau du ciel – le cuir du monde…

Toute notre force – toute notre ardeur – bien plus impressionnantes que la fureur feinte des Dieux…

 

 

Nous – au sommet du rocher – sur la pointe des pieds (pour gagner un peu de hauteur) – bras levés – mains tendues (à l’extrême) – attendant le déferlement du vent – la suite (non accidentelle) des circonstances – ce qui déferlera sur nous comme un torrent – notre destin initié par le jeu des Dieux – à l’assaut du monde – le souffle noir mêlé à la ferveur lumineuse de l’enfance…

 

 

Les angles du voyage – le plus abrupt du chemin – le roulis et le tangage – les eaux du monde se déversant dans tous les recoins de l’âme – la souveraineté de la voile qui se gonfle – le vent sur toutes nos somnolences – notre tête à la proue du navire – notre fragile embarcation vers sa destination (toujours) imprécise…

Des étapes et des ports sans attache…

Le prolongement de la ligne que l’on étirera jusqu’à la cassure…

 

 

La lumière – au-delà ; en deçà – les racines…

Et – partout – la même origine…

 

 

Le langage et la sagesse – conçus sans hâte – ramifiés – se fourvoyant comme le monde ; comme le prolongement de la bêtise et du sommeil – comme un surcroît de sang – un surcroît de sève…

L’immensité sans témoin – sans alibi…

Et – souvent (très souvent) – le même naufrage…

 

 

La vie – le souffle – le silence – sans équation…

L’âme et l’Amour engagés – peu à peu apprivoisés par l’ignorant…

 

 

La solitude – au plus haut des visages – comme une lumière sur ce que nous avons brisé – sur ce que nous avons délaissé…

Un regard inséparable de l’immensité…

Des édifices – des fantômes…

Le poing – dur et levé – arraché par un éclat de tendresse…

Des chaînes brisées – jusqu’à l’infini…

Le monde recouvert de morts et d’écume…

Et nos cris – comme une vibration perpétuelle dans l’abîme que nous avons façonné au milieu du vide – au milieu du silence…

 

 

La charge – du feu – portée sur l’épaule – dans l’œil trop vif…

Partout – des batailles – des querelles – contagieuses – et le ciel (vainement) questionné…

Le silence souverain – comme l’unique réponse (possible) – tous les acquiescements – l’Amour exprimé – la tendresse offerte – prodiguée à toutes les âmes – à toutes les têtes – à toutes les bêtes – l’herbe et la pierre entièrement consolées – le monde pardonné pour tous les vivants tombés sous notre cognée…

 

 

Tout – sur la même ligne – la même étendue – dans une invraisemblable continuité – le perpétuel prolongement de l’origine…

Tout – réuni – d’un seul tenant – pour transcender l’illusion des frontières et du temps…

 

 

Ce qui grandit – à travers l’Amour – ni donné – ni reçu – vécu – éprouvé dans le sang et l’espace – et qui tourne autour de nos griefs et de notre impatience…

 

 

Au milieu de l’océan – le vent – le centre – confondus…

Et nos ailes poussives – malhabiles – déroutées vers la périphérie – en des lieux qui ne comptent que par leur éloignement – leur absence de répercussions sur l’essentiel…

Une rive dont on se rapproche au fur et à mesure – et qui donne au monde une distance étrange – un acquiescement (véritable) à l’écart – à l’isolement – à l’exil…

 

 

Un corps – un cœur – une tête – façonnés, peu à peu, dans l’argile – s’affinant – se perfectionnant – améliorant leurs capacités à sentir – à comprendre – à vivre – accédant, de proche en proche, à l’espace et à la sensibilité – découvrant la trajectoire – l’étendue – l’origine – la ligne – le pas à pas – la discontinuité – la surface et les profondeurs vivantes…

La présence éternelle et infinie jouant avec les frontières – les contractions – la transparence…

Nos mains et nos gestes – sur les Autres – sur nous-même(s)…

 

 

Le monde et le temps à rebours ; notre visage le plus matinal – antérieur (bien sûr) au premier jour inventé…

 

 

Notre âme – l’âme de chacun – confondue avec l’immensité bleue – vivante – sensible…

Comme du sel – une fleur qui pousse entre nos lèvres – ce qui devrait nous rendre plus respirant(s) – plus incarné(s) – plus présent(s) – que les morts…

 

 

Nous – cessant de fuir devant l’absence et la disparition – apprenant à aimer la (fausse) fin du voyage – chaque pas – chaque tronçon – chaque étape de cette interminable pérégrination (avec ses détours et ses éloignements) autour du centre que nous sommes – depuis toujours…

 

 

La figure qui tressaille et qui se détourne du feu – en elle – comme une vie sommeillante qui ne rêve qu’à des surprises attendues – qu’à des plaisirs certains et circonscrits…

Un état – un horizon – et parfois même jusqu’à la folie d’un autre – pour agrémenter l’ennui – s’imaginer voyageur – jouer à l’explorateur…

Un livre – une fenêtre – et les voilà, déjà, repus d’aventures…

 

 

Tout s’ordonne autour de l’ombre et de la futilité ; l’inertie du cœur – comme un axe autour duquel tournent mollement les existences…

 

 

Ce qu’on lance contre le vent – contre le feu – aggrave la nuit – accentue l’étroitesse et le ressassement – donne à notre âme une allure de cactus desséché…

Un lieu de plus en plus éloigné de l’océan – une (quasi) impossibilité…

 

 

Nous – dans le mensonge outrancier – au lieu de goûter la nudité hivernale – le vide sans parure – au creux de l’enfance – au cœur de la nuit – le monde et la vérité retrouvée – loin de la douleur – le ciel, à la manière des oiseaux, parfaitement habité…

 

 

Ce que l’on supporte – au fond de la fosse – la blessure dramatisée – ce que nous détruisons à force de volonté – à force d’obstination…

Le jour – hors des tempêtes – la flamme immense et brûlante que l’on dresse contre ce qui favorise l’obscurité – au milieu de la rosée – et l’océan, bientôt, qui retrouvera son étendue…

 

 

Dans le sang – la graine et la récolte de l’homme – les seules pour l’ensemble des saisons…

Une route vers la voie ; et un champ, déjà, dans l’immensité…

 

 

Enclave en soi – inviolable…

Lumière intime…

Le corps abandonné aux vents – la tête au monde – l’âme aux puissances de l’invisible…

Ce que l’on affectionne et ce que l’on redoute – lors de la traversée – à demeure…

 

 

Une lanterne au bout du bras – autour de la souffrance – cherchant un remède – un guérisseur – un peu de réconfort – au lieu de plonger dans la plaie le couteau à la main…

 

 

Nous – dans l’abattement – des fractions de vérité plein la bouche – une connaissance impossible à ensemencer sans la mort – l’abandon…

Une longue agonie sans sauveur – hors du monde…

 

 

Le ciel en face – dans nos bras amoureux – encore à la merci du monde – du noir – de n’importe quel Autre aux aspirations instinctives – aux idées dogmatiques…

Et dans les reins – cette force – et dans le corps – cet appui sur les pierres…

La possibilité d’un Dieu – à travers les vies et les morts successives…

Le vide en tête – avec, au fond de l’esprit, quelques lignes inoubliables…

 

 

Nous – basculant – aussi dur(s) que le granite – dégringolant jusqu’en bas – vers la plus haute nudité…

Seul(s) et lisse(s) – de plus en plus – sur cette route sans mémoire – à la recherche de l’Amour et de la clairvoyance – sur l’antécime de l’en-bas – si proches et si lointains à la fois – prisonnier(s) de ce voyage interminable – en somme…

 

 

Rien qu’une danse autour du vide – animée par la même flamme – éternellement. Et devant soi – en nous – tantôt des cieux clairs – tantôt des cieux noirs – le chagrin et la joie jouant ensemble – à se déconstruire…

 

 

Ce que nous sommes – l’absence – l’éloignement – la transformation – ce qui, peu à peu, nous rapproche de nous-même(s)…

Hôte – ce qu’il faut de neige entre l’enfance et la tombe (et inversement) – l’oubli nécessaire pour échapper à l’indigence de ce monde – aux chemins médiocrement éclairés – aux étendues étoilées – où le rêve a remplacé les arbres – s’est substitué à la respiration (naturelle) – est devenu, en quelque sorte, l’unique perspective – la seule fenêtre derrière laquelle nous restons prisonniers pendant des années – pendant des siècles ; grilles, bien sûr, plutôt que tremplin…

Le cœur de plus en plus exsangue – le cœur, peu à peu, cloué…

 

 

Les édifices humains – malheureusement – plus hauts que les arbres de la forêt…

Des choses que l’on pioche – au hasard – parmi les débris – les vestiges – d’un monde en ruines…

L’avenir qui nous attend…

 

 

Ce que l’on dresse (et que l’on redresse parfois) – face à l’obscurité – le feu et les cendres brûlantes au fond de l’océan – l’emprise des ténèbres sur l’image et le halo circonstanciel de la lumière – le centre épargné – bien sûr – malgré les assauts – l’hostilité – l’acharnement…

 

 

Dos au ciel – au précipice – aux yeux sournois – aux mains meurtrières – à la merci du monde et des foules – ce qui nous soulèvera au-dessus de nous-même(s) – aussi fragile(s) et aussi haut(s) que l’innocence…

 

 

Le geste et la parole enchevêtrés – nourris du même silence – porteurs de la même joie – solitaires – comme la route et le poème…

Le regard – le voyage – parfaitement immobiles…

Et ce qu’il y a de plus tranchant derrière l’acquiescement – l’impérative nécessité de l’oubli derrière les lèvres et les mains amoureuses…

 

 

L’enfance du monde – dos à l’océan – recroquevillé sur ses peurs – son besoin de conquête et de domination – élargissant, peu à peu (puis, de plus en plus vite), la route vers la nuit inventée – effaçant jusqu’à la possibilité du poème – toutes les formes de résistance aux ténèbres…

 

 

La hache dans une main et le ciel dans l’autre – le Dieu inepte des cyclopes – poseurs de dogmes et faiseurs de mort – en déséquilibre sur son trône – et que le sang qu’ils versent en son nom fera chuter…

 

 

Sur la terre brûlée – le désert – le sol aride – notre absence et notre nudité – ce que les Autres – quelques-uns – cherchent à nous subtiliser…

Le monde déchiré jusqu’à la dernière secousse – jusqu’à l’ultime sourire…

Et la lune – au loin – pâle et suffocante…

 

 

Ce que l’on descend – en soi – à l’instant de la glissade – puis, à l’instant de la chute – et ce qui se redresse – malgré nous…

Ses encombrements – ses angoisses – ses entraves – et cet espace affranchi de nos gravats et de nos terreurs – intact – comme un ciel inentamé – malgré la puissance (et la densité) de la roche – l’amoncellement de la terre – la faiblesse de notre âme…

 

 

De la foudre sur le plus simple – une sorte de frayeur – le vent qui se lève – la famine déployée – la faim violente – les vivants bientôt décharnés jusqu’à la déchéance – jusqu’à l’incendie – jusqu’à la brûlure vertigineuse – jusqu’à l’immunité…

Nous – sans entrave – au-dessus des éboulis – sur une (haute) colonne de lumière – invisible – célébrant la vie et le monde – en frappant sur un tambour – au rythme de ce qui respire…

 

 

Une gêne – parfois – une larme – souvent – une colère insatiable (une rage presque indicible) – toujours – au milieu – si près – des bourreaux – des oppresseurs – des jouisseurs – des frivoles – des ensommeillés – cherchant (par tous les moyens) le confort – le plaisir – l’usage avantageux – si nombreux – si communs…

Si nous en avions le courage (et la dose d’inconscience appropriée), nous les étranglerions de nos propres mains – symboliquement – bien sûr – afin de les libérer de leurs chaînes – de les éveiller à eux-mêmes…

 

 

Nous – dans le signal (et la trajectoire) de la lumière – les yeux sombres pourtant – autant que l’âme – le visage triste – avec comme une nuit à l’intérieur – le centre même des ténèbres – peut-être – entre l’inquiétude et la mort…

 

 

Ce qui nous émeut – l’Amour sans visage – dans le geste – la ressemblance – la différence – la solitude manifeste…

Une parole humble – qui éclaire la vie – et éclairée par elle – indissociables – comme le feu et le silence perpétuels – toujours étroitement associés – comme instruments sculptés en elle – à l’intérieur – rayonnants…

 

 

Un peu de sueur dans ce verbe qui s’est frotté à la nuit – au monde – aux choses du monde – à l’Autre – tous dressés sur leur piédestal – hostiles ou indifférents – faisant (presque) toujours peu cas de notre présence – de notre labeur – de nos aspirations…

Et grâce à eux (et à la solitude), le chemin a été remonté jusqu’à l’origine…

Une vaste étendue – encourageant à manier la faux avec vigueur sur tous les visages – puis, une fois la besogne accomplie, à les recouvrir d’une bâche épaisse pour précipiter leur décomposition – leur disparition – préparer le désert (en quelque sorte) – la nudité – l’innocence – l’éclosion (ou la progressive découverte) de ce que nous sommes – communément – derrière nos différences et nos singularités apparentes…

 

 

Le visage déchiqueté par le réel ; des éclats d’identité jetés les uns contre les autres…

Et la parole qui émerge du sang – du carnage – du désastre – qui pointe d’abord l’incompréhension et l’absurdité apparente de l’existence (et comment pourrait-elle y échapper ?)…

Puis, au fil des blessures – l’âme qui se désagrège peu à peu – qui comprend – qui éprouve plutôt – de manière (quasi) proportionnelle à l’effacement – à la lente disparition de notre fausse identité – la vérité (changeante et non conceptuelle) du monde – de l’instant…

 

 

Une terre de tombes et d’écume – raclée – sarclée et retournée – maintes et maintes fois – sans succès – ou pour un piètre résultat ; assurer sa pitance – à peine – édifier des murs – bâtir un (misérable) abri – s’octroyer un périmètre – une infime parcelle du monde – mais du mystère, rien – pas la moindre pelletée – pas la moindre poussière…

 

 

Debout – la tête dans le vent – à imaginer un autre ciel – une porte ouverte de l’autre côté de l’horizon – la main de Dieu tendue vers nous – la possibilité d’un langage moins grossier – plus silencieux ; un espace à la place de la tête – un vertige sous le front – une longue série d’extases dans la poitrine – et l’Amour à la place du cœur…

La lumière et l’innocence retrouvées…

 

 

Tout égal – ici-bas – dans le ciel – à cet instant – autrefois – plus tard – la même inimportance…

En désordre – ce qu’il faut oublier – accueillir – aimer et, aussitôt, oublier…

Toujours disponible pour ce qui vient – pour ce qui arrive – maintenant…

Aucun degré hiérarchique – les battements du cœur – seulement…

Ce qui recommence – dans une parfaite équivalence…

 

 

Envoûté – depuis des millénaires – le premier jour – le monde qui se tisse et se resserre…

Les alphabets de l’abîme qui – régulièrement – se réinventent…

Les atrocités avec les dents – les couteaux – les armes mécaniques – les gaz – la fission des atomes…

La sophistication des instruments de destruction et de propagande – le déploiement du mensonge et de la barbarie…

Le manque – le crime – les mille tragédies vécues et initiées…

Cette effroyable (et permanente) conquête du surcroît et du franchissement…

Le fondement même de nos civilisations successives…

La même erreur – infiniment répétée – continuellement reconduite – perpétuellement prolongée…

 

 

Ce qui nous escorte jusqu’à l’agonie et ce qui nous fait traverser la mort – maintes et maintes fois – et presque toujours de la même manière…

Nous autres – ici – ailleurs – là-bas – un peu plus loin – de l’autre côté – aux antipodes – comme des habitués – hôtes permanents ayant déjà été invités un peu partout – à la maison dans tous les lieux du monde – avec, en quelque sorte, un rond de serviette dans tous les foyers…

 

 

Des milliards de nuits à trembler – à repérer les différences – puis la mort et la cendre – au lieu de souligner les ressemblances – de faire naître dans notre ciel commun mille scintillements – mille rapprochements possibles…

 

 

Ce qu’il faut pour être aimé – et compris – pour donner au vivre ensemble une irrécusable réalité…

 

 

Nous – nous accompagnant – avec ce sourire étrange sur les lèvres – cette malice – cet enchantement – ce regard – au milieu du visage – les attributs d’une joie qui ne nous appartient pas…

Le jour et la nuit soudés dans nos yeux – devenant filtres et miroirs – défigurant le réel – déformant la lumière – transformant le monde en ombres et en absurdités…

Il faudrait se défaire des idées – des images et des couleurs – pour voir autrement – réellement – comprendre notre chance d’habiter l’espace – la route et la voûte – notre entière souveraineté – comme mille soleils réunis au milieu des danses terrestres…

Nous – vivants et joyeux – comme au cœur d’une fête ininterrompue…

 

 

De haut en bas – l’éclat…

De bas en haut – la brusquerie…

Entre le sommeil et l’insomnie…

Le dos voûté – la nuit durant…

A jeûner jusqu’à la dernière heure…

Le monde et la peur – rassemblés – en nous…

Et, parfois, une prière – comme une espérance – un peu de cendre lancée vers le ciel…

Sur la terre – le feu et la contradiction…

Et près de la source – la blessure…

Le monde désarçonné…

La fleur – l’oppression et la lumière…

Ce qui gouverne nos vies – nos voies souterraines…

Et ce qu’offre le déchirement…

 

 

Le soleil – devant soi…

Ce qui se répète – à notre insu – la même parole…

La nuit qui tourne autour du même axe…

Notre présence – ni commune – ni singulière – comme une distance avec les danses involontaires du monde – exaspérantes – si souvent…

 

 

Au bord d’un fleuve aux berges obscures…

Un voyage sans viatique…

Les leçons du provisoire…

Ce qui se dissipe…

Ce qui émerge – à peine – de la poussière…

 

 

Des peuples sauvages – le cri hissé jusqu’à la bouche – engendré par le manque ressenti au fond de l’âme…

Et notre langue irritée – qui accentue les aspérités sur la roche – sur la pente où glissent les vivants – dans un élan désespéré de résistance – pour que les hommes apprennent, peu à peu, à remplacer la douleur et les hurlements par la joie et le silence…

 

 

Nous – jouant sur des colonnes inconnues – le dos courbé – le front plissé – sous la charge des soucis et le poids des circonstances – devinant l’ivresse à venir – nous affranchissant de l’obscurité antérieure – et goûtant le vertige présent – le sable dispersé sur les dunes vivantes – le monde et la mort impérieuse – nécessaire – sous le joug perpétuel du vide et du verbe…

 

 

A demi – comme l’ombre sur notre joue – la lumière plus bas qui souligne notre impertinence…

Les murs et la chair écorchés – toutes nos chimères…

Le déroulement de notre enfance – de bout en bout…

 

 

Nous – à contre-jour – sans force – sans voix – à nous complaire dans la boue et les détritus accumulés sur notre tertre – immergé(s) dans le délire et le rêve – cherchant un foyer – un abri contre l’orage – les tempêtes – les Autres et la fièvre – une terre où il serait possible d’habiter le silence – d’écouter le chant des oiseaux – de vivre parmi les arbres – libre(s) du joug du monde – libre(s) du regard des hommes…

 

 

Nous – dans la brume – la parole régressive – avec ces étranges mimiques sur la figure – comme une innocence perdue – une enfance retrouvée – qui aspire à s’égarer plus encore – à fuir le tablier noir des responsabilités – à échapper aux enseignements d’un ciel trop lucide…

Encore inapte(s) – bien sûr – à ôter nos masques et nos oripeaux – à regarder le rouge – la substance vivante du monde – qui dégouline sur la chair – la terre ; notre barbarie et notre cruauté…

 

 

En ce lieu étrange où les frontières et les portes deviennent obsolètes – inutiles – incongrues – où l’on sourit comme l’on respirait autrefois – où le vide est bien davantage qu’une manière de parler – notre nature – ses profondeurs – de haut en bas – l’être – ce qui nous entoure et ce qui nous constitue…

 

 

Le long des murs – le vent – le silence vertical au sommet du sang – le jour au centre du visage – ce qui nourrit la sensibilité – l’attention – l’innocence – ce qui dissipe la fièvre et la folie…

Et la parole – aujourd’hui – tranquillisée – comme un peu de baume sur l’âme – la chair – la page – autrefois si angoissée(s)…

La vie et le rire – la mort et la joie – célébrés…

Nous – plus que tout au monde…

 

 

Des lèvres contre la terre – la roche…

La vitre – le miroir – ce qui fait, parfois, encore obstacle à la transparence – à la tendresse…

 

 

Un peu de vent sur le feu balbutiant…

Nos bras – dans le cercle – qui s’entrouvrent…

Nous – menés par le visage de la mort – hideux depuis la terre – déformé – à l’étroit dans le cadre trop restreint des yeux humains…

Le temps déchiré – l’issue qui se précise…

Le nord exposé – mis en évidence…

Le doigt pointé vers l’hiver – et l’âme repliée – à l’abri dans sa solitude…

Aux premières heures du jour – déjà…

 

 

Nous – glissant, peu à peu, vers l’oubli…

A l’inverse des hommes – à l’inverse de (presque) tous les Autres…

Notre tertre soustractif – comme une halte dans la longue énumération…

Sur la crête étroite bordée de nuit et de périls – l’abîme du monde en contrebas…

Au cœur de ce qui nous attend – depuis toujours…

 

 

Des souliers téméraires dans l’obscurité persistante – des murs à franchir – de fausses sources à tarir…

Plus d’un meurtre sur le dos – des béances – des blessures – des balafres…

Un quotidien sans lumière…

Cette lourdeur – notre nudité – ce que le monde arrache à notre prétention – la rudesse – la brusquerie – toute la maladresse des hommes…

Sur des traces déjà mille fois répertoriées – sur des pistes déjà mille fois parcourues…

Ce qui brille au fond des destins – nos mains pieuses et pleines de sang – nos ambitions et nos soliloques…

Ce qui se déploie avec la marche – le mensonge et l’usurpation dans ce que les hommes appellent le voyage…

Nous – encore trop faiblement conscients…

 

 

La mâchoire et le front instinctifs – tremblants – sans désir intermédiaire…

Notre vie – la terre sans éminence – le sable humide…

Ce que survolent (très superficiellement) notre angoisse et notre peur ancestrale du manque…

 

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19 décembre 2020

Carnet n°250 Notes journalières

En tous sens – de tous côtés – cette matière minimale – comme une oxygénation des abîmes – un redéploiement (permanent) de la source – le plus noir découpé en strates – sous la lumière polymorphe et polyvalente – le retour du plus essentiel…

Le monde sans bordure – à la manière d’un ciel découpé et offert à chacun…

Un triangle d’étoiles avec – au milieu – un feu et un alphabet élémentaire – pour essayer de relier les racines du réel aux hauteurs invisibles – de replacer l’axe vertical au cœur de toutes les horizontalités…

Le signe d’une présence infinie (particulièrement) ascendante…

 

 

Au creux des mains – cette étoile impossible – fuyante – que personne ne voit et à laquelle si peu aspirent ; un véritable présent – pourtant…

Et en contre-haut – ce qui nous semble (encore) invisible…

 

 

Nous – envahi(s) et écrasé(s) par l’exil des Autres – leur fuite momentanée des terres communes…

Ce que nous notons ; l’horizon pollué – le mécontentement – ce qui rivalise avec notre silence – l’accueil impossible des fronts endormis…

 

 

Sur les rives – rien – pas l’ombre d’une silhouette – pas l’ombre d’un visage – pas l’ombre d’un chien ; des bêtes haineuses et féroces – bien plus que sauvages – prêtes à tout engloutir – à tout ravager – pour leur seul plaisir – assouvir leur faim…

Des figures qui ont l’air de sourire – avec juste derrière – des crocs et le poignard dissimulés…

 

 

Des âges et l’éternité ; et l’instant pour détrôner tous les fantasmes d’immortalité…

 

 

Un mur – long – orbe – infranchissable – dans la tête et le sang – qui sépare le monde et nous place du côté des malheurs comme s’ils étaient le socle des existences – une contrée sans secret – l’une des rares terres capables d’effacer le ciel et de loger dans les hauteurs une promesse – mille mensonges – comme une autre terre inaccessible – aussi chimérique que celle sur laquelle nous avons l’air de vivre…

 

 

Devant la pierre – l’effacement – ce qui demeure – la nuit éparpillée – le monde des ancêtres – tous nos malheurs et nos (pitoyables) secrets – presque au-delà des heures passives et partisanes…

 

 

L’arbre – ce qui nous éloigne de l’enfer – après le temps des images – avec le ciel par-dessus toutes les ombres…

 

 

Ce que cache la tête – ce qu’efface la fréquentation du ciel – toutes ces impressions trop strictement terrestres…

 

 

De boîte en boîte – de sphère en sphère – comme si chaque naissance était le prolongement de l’histoire – la suite – une surprise et un enjeu – la continuité de l’ouverture et de la dévoration – une fabuleuse invitation, selon les inclinations, à poursuivre ou à recommencer…

 

 

Le jour – en nous – tétanisé par nos craintes et notre rigidité…

Une tour de guet – sur nos remparts – derrière nos murailles de livres et d’objets – d’images et d’idées – mille choses, bien sûr, destinées (à terme) au feu…

 

 

Notre nudité sur la terre – l’âme dans son trou – à l’abri – puis, qui apprend à s’exposer à tous les vents – sans le moindre dommage…

Sans influence – libre des horizons convoités – célébrés – rendus bêtement attractifs…

Dans la profondeur du corps et de l’esprit – le cœur revisité – exploré parcelle après parcelle – de la même couleur et de la même texture que le reste…

L’œil au milieu de la mémoire dévastée – devenue, peu à peu, obsolète – inutile…

Au cœur de l’espace – sans racine – sans langage – silencieux – une présence – des gestes – quelques paroles parfois…

Ce que nous réclamons tous – sans la moindre exception…

 

 

Nous – nous laissant dévorer par toutes les bêtes – cet amas grouillant – impressionnant – d’insectes – de mâchoires – de serpents ; de la chair – de l’âme – des monstres – plein la bouche – sous ces milliers de dents qui nous arrachent – nous perforent – nous mastiquent – dans la gueule (immense) de la terre qui, peu à peu, nous engloutit…

 

 

Dans le mouvement – la trace de la rupture – le silence sous-jacent – cette immobilité muette – juste au-dessus de la vie et de la mort – juste au-dessus de nos têtes…

Le prolongement de la solitude livré au monde…

 

 

Les paumes ouvertes sous le ciel rouge – la mort agenouillée – à nos côtés…

L’Absolu et l’aveuglement…

Les viscères à l’air et l’âme exposée…

Indifférent aux pyramides – à tous les édifices érigés (trop orgueilleusement) à notre gloire…

 

 

Ce que la vie reconduit – naturellement – systématiquement – sa continuité – son déploiement – l’opacité de l’esprit – cette neige à l’intérieur – comme un éclat trop éblouissant pour oser s’y aventurer…

 

 

Perdu(s) – en contrebas de l’aube – sous cette lune trop blanche – le front – la tête – jamais épargné(s) ni par la bêtise – ni par la folie…

Et – en nous – les ombres bousculées – fébriles – exultantes – l’air brassé – au-dedans – comme d’incessants tourbillons dans le vide…

Ce qui gesticule – sans cesse – à l’intérieur – comme un jeu – un élan – irrépressible…

Ce qui nous hante et se répand – nos fantômes qui repoussent la lumière – toutes les possibilités de la lumière…

Et nos pas sur la route grise – harassés – découragés par la distance qui nous sépare de nous-même(s) – de ce lieu-présence inespéré…

 

 

Sur la peau – la même joie qu’à l’intérieur ; au-dedans – des spectres qui encerclent l’innocence – comme un siège autour de notre absence de remparts ; nos ancêtres mi-gardiens mi-guerriers repoussés – le royaume retranché dans les hauteurs – inaccessible par les escaliers de pierre – et qui descendra vers nous lorsque nous serons capables de nous hisser jusqu’aux cordes du monde tissées dans la trame générale – lorsque nous serons capables de faire naître (au fond de l’âme) une échelle de vent (immense) pour y grimper avec la plus grande légèreté – et accéder ainsi à notre plus ancien – à notre premier – visage – le seul en mesure de nous offrir suffisamment de force et de ravissement pour retrouver le monde – et y vivre sans tristesse – sans amertume – sans espérance…

Revêtir cette grâce d’être – quelles que soient les circonstances et les parcelles de la terre fréquentées…

 

 

La tête en arrière – renversée – comme un tambour – un instrument en peau de bête – sur lequel taperaient les mains d’un Dieu – agile – farceur – diablement expérimenté – comme un appel – une manière de disperser nos souvenirs – de désenclaver l’esprit – de démembrer la mémoire – de rendre nos idées caduques – et suffisamment innocentes pour que nous puissions nous familiariser avec le vide et nous laisser habiter par l’inconnu – le regard – l’Amour – le silence…

Comme une invitation à une transe étrange – longue et indirecte – une sorte de marche immobile vers la tendresse – vers notre figure – notre versant le plus tranquille…

 

 

Du côté de la vie – de la mort – de la danse – simultanément…

Dans l’intimité de ce qui nous étreint…

Le plus sauvage assagi – comme la conscience première et naturelle – la civilisation originelle peut-être…

 

 

Le monde de l’enfance – avec l’innocence – sans la naïveté – l’alphabet dans la tête – une lettre à la main et ce collier invisible sur la poitrine qui attend quelque chose – un signe du ciel validé par l’esprit – au-delà de la raison pensante – à la manière d’une peau-lumière qui indiquerait la route à suivre – le lieu de l’acquiescement – de toutes les intégrations – désert ou thébaïde – en soi – la terre de la liberté et du recommencement…

 

 

Un monde parallèle au monde – au cœur du bruit – ce qui nous habite et qui s’ouvre grâce au regard de l’enfance – le pas emporté – le geste affranchi – ce que nous devenons (naturellement) une fois libéré(s) de l’esprit-malle – de cet univers de strates mortes et inutiles – comme une plongée – un saut – un envol – vers une parcelle (irrécusable) de lumière…

 

 

Au bord des lèvres – du partage – le monde oublié – la grandeur, en nous, engouffrée – déployable à l’envi – selon les visages et les circonstances ; dans la main – en particulier – comme le prolongement du plus essentiel…

Bien davantage qu’un univers – bien davantage qu’un lieu où végéteraient quelques-uns de nos fantômes – bien davantage qu’une aura supplémentaire ; l’être éclatant – dans sa plus émouvante nudité…

Ce que nous sommes – ce que nous deviendrons – tous – en vérité…

 

 

Nous – prenant notre place – devenant (presque) l’indicible – le feu fragile – la nuit légère – la couleur la plus éclatante de l’Amour – ce qui, en fin de compte, nous a toujours été offert – mais que nous comprenons (en général) très tardivement – après une longue et indispensable propédeutique…

Le silence et la sérénité qui finissent par se substituer à la soif et aux cris – à cette danse infernale du manque…

 

 

Devant l’imperfectible – le feu et le désastre – le désespoir parfois – ce qui fortifie nos racines – et nous plonge plus profondément encore dans le roc – au lieu de nous élancer vers la seule étoile possible – les bras ouverts – la tête la première vers le grand soleil – la vie-merveille – la vie éclatante…

Et nos feuilles pour témoigner de ce voyage – de ce (très ancien) secret – sans la moindre importance…

 

 

Ce dont nous souffrons – ce pitoyable labeur – cette besogne acharnée – les labours et les récoltes – pour apaiser la faim – et essayer d’emplir ce vide (immense) – comme un renoncement (presque) permanent à la métamorphose…

 

 

Engagé(s) – dès le plus jeune âge – dans cette ronde sans incarnation – comme une transe sur le sol de l’oubli – les yeux plongés dans la conquête des apparences – avec des mémoires à bâtir – à retrouver – à rénover…

Des flammes sur toutes les errances – sur tous les fourvoiements – le règne, partout, du mensonge – la tête célébrée – les viles passions – comme de simples instincts que l’on a peu à peu (et artificiellement) sophistiqués pour nous croire supérieurs (ou différents)…

 

 

La terre – la vie – que nous saignons comme de pures abstractions – une inclination née de la bêtise et de la cécité…

Partout – depuis (trop) longtemps – les fruits avariés de notre domination – de notre illégitime suprématie…

 

 

En apparence – le manque et la peur – comme les masques (étranges) du silence – les mille choses du monde – et tous les vents – puissants – incertains – et le frémissement de nos visages – collés juste derrière ; comme un regard sur tous les exils – sur toutes les luttes – sur ce vil orgueil – cette (incroyable) distance qui nous maintient hors de la lumière…

 

 

Nous marchons à côté de nos ailes – déployées – invisibles – prêtes à l’usage – dans la transparence d’un monde pas encore advenu – notre seule issue avant le déluge – avant la fin des temps – l’unique manière (sans doute) d’échapper à l’apocalypse…

 

 

Le vide et ses fenêtres en quinconce – les unes pour découvrir le monde – les autres pour entrevoir l’immensité bleue – et quelques-unes (trop rares) pour goûter leur mélange – en d’étranges combinaisons provisoires…

 

 

Dehors – la multitude – au-dedans – le regard réjouissant – émerveillé – étrangement surpris par la nature des spectacles – le pouvoir des conditionnements – l’extraordinaire apprentissage des formes – les capacités du monde à se renouveler – toutes nos histoires – toutes nos inventions…

 

 

Des étoiles sans perfection – dans un grand tumulte – l’incroyable désordre des choses – le bouillonnement des idées – ce que nous nous murmurons dans le silence ; notre manière (si particulière) d’être vivant…

 

 

Ce que nous exigeons – avec obstination – avec véhémence – avec des gestes puérils et impatients – des paroles malhabiles – le front baissé (ou trop fier)…

La longue liste des désirs tatoués à l’envers de la chair – le manque – nos cris – nos lamentations – tous nos gémissements…

 

 

Ce que nous arborons comme l’étendard humain – toutes ces exigences pour un si bref passage – beaucoup d’attentes et de tourments pour un séjour sans (véritable) potentiel – sans (véritable) apprentissage – sans (véritable) actualisation…

L’éternel recommencement du même voyage – comme une folie bloquée dans un seul sillon – la même ornière qui, peu à peu, se creuse – et qui devient (très vite) une habitude et un piège – un gouffre – un abîme – l’espace entier réduit bientôt à un (pitoyable et désespérant) néant…

 

 

Devant nous – ce bleu ardent – joyeux – le rire sur les lèvres – l’œil malicieux – le monde à notre fenêtre – l’esprit vide – face au désespoir – face au tumulte des Autres…

Dehors – sous le ciel – le regard jamais harassé – le nez collé sur la beauté – adossé à (presque) tous les vents – la tête par l’embrasure de toutes les portes ouvertes…

Des cris et des murmures – quelques plaintes – un peu de joie – puis le silence (enfin)…

 

 

Rien que l’hiver – un seul mot – un geste léger – comme une flèche indiquant l’ouverture et le passage – dans la douceur de l’air – la profondeur du regard – dans la félicité du feu et l’agilité de l’oiseau…

Dans la main – la fécondité et l’enchevêtrement de tous les signes – une présence encore très (très) lointaine…

 

 

D’un ciel à l’autre – sans angoisse – avec le goût de l’agonie sur les lèvres et, au fond de la poitrine, l’étrange parfum de la mort…

Ce que l’on perpétue dans la faillibilité des croyances et des idées – le monde à l’envers – comme s’il nous fallait entreprendre un autre voyage (ou recommencer celui-ci d’une autre manière)…

 

 

Tout semble démesuré – avec ce poids sur les épaules – une marche harassante – l’envergure du ciel – à travers les yeux – le vertige d’un parcours supplémentaire et la possibilité d’une ampleur additionnelle – ce qui, en cas de réussite, reléguerait toutes les autres aventures – toutes les autres explorations – à une sorte de plaisanterie – à une forme de distraction inutile…

 

 

Le vide engorgé – presque jusqu’à l’étouffement ; le feu et la mort qui se perpétuent pour compenser l’efflorescence et la prolifération…

 

 

Parmi les hampes et les yeux sauvages – les têtes indisciplinées – les bustes armés – mille traces à suivre – avec des ravins – des déserts – des pays – à franchir…

Le reflet de tous les Autres sur notre visage – l’histoire du monde dans chacun de nos pas…

L’absence (si ordinaire) comme un piège – ce qui pourrait, un jour, nous transpercer le cœur – nous transformer ou nous faire mourir – définitivement…

 

 

Un jour au milieu du jour – un abîme au cœur duquel il nous est possible de vivre – d’aimer – de mourir…

Ce qui – en nous – existe – dans la multitude (apparente) des surfaces…

Le vide – toujours ; au cœur du silence et de l’Amour…

Comme un vertige et une respiration naturelle…

 

 

Nous – suspendu(s) aux traces laissées par nos aïeux – sur ces anciens itinéraires d’avant-garde et d’exploration – devenus aujourd’hui lieux de confort et de facilité – bordés de barrières et de lignes blanches – à droite – à gauche – devant et derrière soi – qui confinent à une restriction – à une forme d’enfermement – à quelques vaines gesticulations – à de pitoyables aventures – au cœur d’un cadre (extraordinairement) restreint…

Une cage – une tour – des voyages immobiles…

Une marche circulaire au cœur d’un périmètre étroit – totalement circonscrit (et cartographié)…

 

 

Quelque chose du manque – du cri – dans notre étranglement…

La silhouette d’un oiseau qui émerge – imaginaire…

Le reflet des barreaux sur notre visage…

La chambre où l’on nous a installé(s) au début du voyage et qui devient, peu à peu, une salle de tortures…

Jusqu’à notre mort – par asphyxie…

 

 

La tête assiégée – autant que l’espace…

Les marionnettes de la blancheur et du silence…

D’une ligne à l’autre – grâce à un alphabet variable et coloré qui sait mêler les teintes et les textures – qui sait combiner les profondeurs et la surface – pour extraire le réel du rêve ; la voie – l’issue pour dessiner une flèche sur le sol – dans l’esprit – au milieu des images et des idées – pour essayer d’échapper à l’aveuglement presque minéral et au sort quasi sacrificiel des vivants – pour tenter de retrouver l’enfance – le ciel – la présence – ce regard émerveillé sur les choses du monde et l’infinité des cycles – la multitude des possibles et des passages – l’immobilité face à l’éternelle métamorphose…

 

 

Parce que l’air ; parce que l’eau ; parce que la terre ; fruit(s) et instrument(s) de la matière…

Le jour transfiguré – la tête blanche – et cette apparence sombre et tumultueuse – le reflet vivant (et provisoire) de ce qui nous attache à ce qui échappe au temps…

 

 

Nous – vivant sous le même ciel que les morts – sur la même terre que tous ceux qui vécurent – un jour…

Dans l’âme – sous le front – tous les vestiges du monde – les fossiles de nos ancêtres – des restes présents – vibrants – fondamentalement en nous – comme éléments du puzzle – pièces indispensables à l’ensemble…

 

 

Nous – à la renverse sur l’horizon – debout – ici-bas – ailleurs – à genoux – dans l’engourdissement ; au-dessus de la tête – des visions – quelque chose d’incompréhensible – du vide et de la solitude – l’espace – les seuls vrais remparts contre l’enfer que nous créons – nos absurdes tentatives – nos vaines accumulations…

 

 

Parfois – du blanc – du silence – ce que nous offrons – ce qui est possible – seulement…

Une partie de l’existence et du monde que très peu connaissent…

Parmi – cette foule – pourtant – que rien ne satisfait – que rien ne comble – que rien ne peut ravir…

Et nos âmes – presque jamais dépouillées – sans image – sans appui – totalement nues – dans la nuit torride – sauvage – dressée autour de nous – inamicalement…

 

 

Perdu(s) – parmi nous – incompris ; la relation comme absence – comme négation (presque) absolue…

La nuit – au-dedans – en face – tout autour – dans les yeux de chacun – le cœur trop recouvert – la tête trop dressée – à l’affût de la moindre image – du moindre reflet…

Mille voyages – sans vivre – sans respirer…

Un détour – une déroute en apnée…

 

 

Ni silence – ni langage ; du bruit seulement – quasi continuel – entre le cri et l’onomatopée…

 

 

Nous – depuis l’origine – l’histoire (officielle) ininterrompue (et cyclique) du vivant – des formes vivantes…

De la vie élémentaire jusqu’au silence – et tous les langages – toutes les manières de l’exprimer comme preuve et témoignage…

Miroirs et reflets non linéaires de notre visage…

De la molécule à l’étoile – de la pierre à l’Amour – à travers la même salive…

De la matrice à la matrice – de bout en bout – en passant par tous les stades – par tous les mondes – par tous les possibles…

 

 

Tout nous prépare à l’immobilité ; apprentissage et invitation – (sans doute) la science la plus précieuse…

 

 

Nous – attelés à notre tâche…

De l’air dans l’air – brassé – entremêlé – entrecoupé – comme une constellation – quelques signes (insignifiants) dans l’infini ; presque rien – en somme ; quelque chose d’incroyablement propice à l’oubli – comme une infime portion sur l’orbite (quasi circulaire) du temps…

 

 

Au-delà des livres – un visage – un frère – un compagnon de voyage – le temps de quelques pas – de quelques saisons – jusqu’à l’étape suivante – jusqu’à la prochaine destination…

Nous tous – les uns derrière les autres – sur la même route – nous croisant – nous poursuivant – nous dirigeant vers le centre du cercle – le visage et la main de plus en plus proches de l’Amour et de la lumière – vers le silence sensible – le geste vivant – juste et nécessaire ; vers nous-même(s) en présence – sans la moindre image – entier(s) – ensemble – dans une seule et même respiration…

 

 

Nous – vivant(s) – dans l’axe du soleil – inclus dans le mouvement des étoiles – le voyage – à la dérive – dans l’ignorance merveilleuse du monde et du temps – de ce qui n’existe (presque) pas – confiant(s) – conscient(s) – par-delà les cartes et les livres – par-delà les lieux et les territoires…

Le grand vertige du souffle…

 

 

A la merci des jours – le vide – ce à quoi doivent faire face la main et le front ; des êtres effrayés – violents – claquemurés – faussement expressifs…

Nous tous – absents et séparables – malgré d’infimes ressemblances…

 

 

Ce que la lampe dévoile – ce que l’esprit refuse – le monde à l’envers – ce que nous serrons (obstinément) dans nos tenailles…

Un peu de rêve et de poussière…

Nos existences et le contenu (complet) de nos têtes…

Presque rien – suffisamment, pourtant, pour inventer des alphabets – mille langages – et écrire des milliards de feuillets – inutiles…

Des pas de danse (quelques pas de danse) – un peu de bruit – dans l’espace – le silence…

 

 

Des tiges volubiles autour des pierres – des montagnes – des tours – ce qui, pour grandir, a besoin d’attaches et de tuteur…

A l’intérieur – comme une présence – cachée derrière la bêtise et l’aveuglement – ce que l’on définit (en général) comme l’apparence…

 

 

Mille possibilités avant l’aube…

Des échelles – de la neige – du silence…

Du pouvoir et de la terreur – et ce blanc dont on ne peut (quasiment) rien dire…

La mort – des visions – et cette parole (pourtant) inépuisable sur la pierre…

En ce monde – presque rien d’autre…

Tout l’attirail pour être et agir…

Ce que nécessite l’Amour – en désordre…

 

 

La vérité – ce que l’on cherche – devant nos yeux – au-dedans – dans les replis de la moindre aventure ; ce qu’offre chaque instant – chaque rencontre – chaque circonstance…

Dans tous nos gestes – le même infini – cet air des hauteurs – cette respiration d’envergure – le grand ciel oxygéné…

Notre nature (obstinément) erratique – (fondamentalement) invariante…

 

 

Avant nous – l’espoir d’une continuité – d’un parfait prolongement des traditions – après nous – des yeux noirs qui fixent le monde – ce avec quoi débutent le questionnement et l’errance…

 

 

Ce qui ruisselle avec la peur…

Nous – dans l’incessant recommencement du monde…

Un pied sur la terre – un autre aux confins du ciel – dans l’entre-deux du mouvement – du voyage…

Nous – à travers les courants – ce qui passe – de l’esprit – de la chair – des os…

La ronde des vêtures et des saisons…

Des choses – des visages – des apparences au centre…

 

 

Sous notre peau – l’œil de la mort qui veille – qui scrute – qui patiente – en guidant le parcours de la chair – l’ouverture (progressive) de l’âme sur le jour – la grande réconciliation avec ce qui a l’air de s’inscrire (médiocrement) dans la durée – dans ces instants (vainement et illusoirement) accumulés – que l’on envisage et que l’on empile comme de simples fractions de temps…

 

 

Notre figure apeurée dans le passage ; des ombres mouvantes que révèle la lumière – le moindre éclairage – la moindre clarté (même subjective)…

Et – simultanément – ce qui s’ouvre au fond de l’âme…

Ce qui exulte avec cette émergence – ce déploiement du souffle et de l’espace – ce qui existe par-delà les malheurs et le chagrin – dans la matière vivante…

 

 

Sur le bord de l’être – là où la dimension enseigne – la terre comme absence – la vérité trop étroite des noms – notre aspiration à l’essentiel – à l’infini ; tous les jeux affranchis de nos (funestes) ambitions…

 

 

Des fontaines à la source tarie – partout – des ruines et des fleurs – l’ancien monde enchevêtré – l’humanité et les bêtes dans leur vieux vêtement de peau…

Les amours mortes – déçues – comme échouées sur des tertres arides…

Le royaume de toutes les détresses – de toutes les tristesses…

Un peu de rêve – le pauvre sel de la terre…

 

 

Au cœur de la forêt – l’effondrement terrestre – l’âme délicate – au-dedans de la tête – l’espace – ce qui accueille les reflets – la métamorphose perpétuelle des phénomènes – ce qui débute – ce qui se déroule – ce qui s’achève (à plus ou moins brève échéance)…

Les apparences pourrissantes…

 

 

Sur le sable gris – nos bouches – la bave – le sommeil – ce qui ne nous surprend plus – les habitudes du monde – les repas à heure fixe – l’ignorance – l’incompréhension – la bêtise et l’ignominie des hommes – ce pour quoi nous vivons – ensemble – séparés – ici-bas…

 

 

Si curieux et affamés de soi – que nous transformons toutes les choses – tous les visages rencontrés – en miroir – à la surface d’un puzzle non reconstitué (et dont l’achèvement nous importe peu) – l’esprit morcelé – tiraillé, sans cesse, par les (apparentes) extrémités du temps…

 

 

Ce que l’on trace à la craie face à l’absence – comme une piètre tentative de résistance…

La vie à reculons – un autre monde à inventer – des cercles sans fin à bâtir – à assembler…

Notre visage dans la transparence…

Notre précieuse existence d’animal solitaire…

 

 

La tête baissée vers l’enfance oubliée – l’innocence perdue – l’aspiration naturelle de l’homme dévoyée – ce que notre infidélité a engendré – le sort que l’on réserve à la terre ; la dévoration et la perte du plus précieux – ce dont nous ne pouvons nous passer – l’essentiel sans lequel nul ne peut vivre – véritablement…

 

10 novembre 2020

Carnet n°249 Notes journalières

Sur le chemin des jours…

Ce que l’on arpente – de long en large – cet étroit corridor – un sentier – le long d’un mur sans soupirail…

 

 

De l’herbe au sommet de la tête – du lichen dans les narines – de la mousse dans les oreilles…

La nature (profondément) végétale de l’homme – et ses racines (viscéralement) minérales…

A la manière de la pierre et de la plante – comme un arbre – une montagne – dans les limites imposées par la matière…

 

 

On s’élance – lourd et innocent – à la rencontre du monde – de cette fenêtre immense sur soi – comme mille miroirs – partiels – rapprochés – légèrement déformés…

Ce que nous portons – malgré nous – sur le dos – le nom et l’histoire des hommes – la charge et la responsabilité des choses – en plus des soucis que nous avons fait nôtres…

Un feu embraserait cet amas d’ennuis – d’images – de croyances – inutiles ; et nous danserions dans le vide – sur la cendre – tous ensemble – très heureux…

 

 

Le réel – le monde – comme un rêve…

Avec deux yeux trop bêtement humains qui persistent à ne croire que ce qui est tangible – observable – apparent…

Comme si le reste – l’évidence – le plus sacré – l’invisible – nous étaient inaccessibles…

Comme une perception invalide – un défaut de lucidité – une amputation des organes les plus essentiels…

 

 

Aux marges du monde – la possibilité d’une solitude…

Dans la forêt – (presque) notre seul refuge…

Là où peuvent s’épanouir l’esprit – le silence – la liberté ; l’intimité et la joie – inexplicables – sans autre raison que l’intense sensibilité et l’accès (peut-être) aux profondeurs de l’être…

Avec – au-dedans – un incroyable sentiment d’union et de ressemblance – comme une aile sur un corps qui, peu à peu, prendrait conscience qu’il est, lui-même, aile – profondément…

 

 

Une autre perspective – celle qui nous emporte au détriment de ce qui demeure – cette vue surplombante – ce regard panoramique – comme une graine – une fenêtre – qui attend les conditions requises pour s’ouvrir et croître – devenir à la fois la somme des expériences et le résultat de leurs soustractions (successives)…

 

 

Un souffle – presque rien – et le déploiement de tout – comme une efflorescence – un développement – une multiplication…

Le feu et le vent – ce qui croît et s’obstine…

La marque particulière – acharnée – du vivant ; sa griffe en quelque sorte…

De la matière fragile – soumise à tous les assauts – mais qui jamais n’abdique – qui jamais ne renonce…

Un excès minime ; et tout périclite – tout disparaît ; et du monde, soudain, il ne reste plus rien ; pas même un vestige – pas même le souvenir – moins que le néant…

 

 

Ce que nous bâtissons contre le vent – et qui renforce la nuit – les instincts – la mort ; le sang sur les pierres – la tristesse des yeux et des âmes – comme une manière (involontaire – bien sûr) de prolonger cette misérable existence…

 

 

Le feu – en nous – à qui nous apprenons le langage du désir – pour en faire un allié supplémentaire – une force capable de fendre la pierre – d’excaver les montagnes – de retourner toute la terre du monde – à seule fin de nous assouvir – de nous rassasier…

 

 

Un regard trop restreint – la surface d’une parcelle – à peine – une seule couleur – une seule folie (bien pâle – presque éteinte) – des existences minuscules – bien trop mesurées…

Et cette écriture qui tente de percer l’étroite coquille où nous vivons enfermés – cette affreuse cloche de verre sous laquelle nous gesticulons à la manière des insectes – pris au piège – prisonniers – victimes de notre nature – de notre tropisme – de notre soumission aux instincts et à la nécessité ; – instruments de la vie et du monde – instruments (partiels et incomplets – (très) médiocrement incarnés) du silence – en somme…

 

 

Les instincts du monde – dans nos veines – sous le vent – dans l’herbe – sur les pierres qui voient couler le sang – la sueur – les larmes – les yeux tristes des mères et des enfants – le regard fou des hommes – cette ardeur qui jamais ne s’éteindra…

 

 

Nous entrons (presque toujours) par effraction dans la tendresse – cette pente douce – comme une cachette – un refuge contre la violence et la folie ; et nous en sortons par immaturité – par inadvertance – comme des enfants désobéissants et inattentifs happés par le grand soupirail du temps…

 

 

Uni(e) aux fleurs – cette écriture – et le silence…

 

 

Jour et nuit – comme une peau à recoller – à réparer – à aimer davantage…

 

 

Des lambeaux de vie – des lambeaux de mort – par intermittence…

Des traces de luttes pacifiées…

De la fièvre et de la fureur – incontrôlables…

Des nœuds – une corde – longue – que l’on use et qui s’effiloche – jusqu’à la rupture…

La chute – cette route que nous empruntons (tous) – malgré nous…

Seul(s) – au début – à la fin – tout au long du voyage…

Comme mille barques – en tous sens – sur l’océan – et leur lente dérive – et leur long périple vers la disparition – vers le même oubli…

 

 

Ensemble – comme si nos âmes – comme si nos voix – pouvaient s’emmêler…

Mais il n’y a que nos cris que l’on entende…

 

 

Notre chant – comme un axe – parmi tant de déroutes ; une lumière à travers les ruines…

Le temps – les excès (et le manque) de temps – dilapidé(s) dans le noir…

L’horizon que l’on arrache aux rêves…

Cet air des hauteurs qui nous fait défaut pour conclure – pour toucher du doigt l’achèvement…

Notre angoisse (si terrifiante parfois) – nos craintes (quasi quotidiennes) – devant le versant le plus abrupt du monde – de l’azur ; ce cœur – ce centre – apparemment impénétrable…

 

 

Des luttes – sans raison – comme des poussées de fièvre…

Et des rêves qui tournoient – qui se cognent contre les parois de notre tête…

Du bleu – des ailes – et cet air renfrogné face aux vents tourbillonnants – le cou enfoncé dans les épaules – le regard paralysé par ce que l’on imagine plus haut – comme une récompense – comme un poignard, en vérité, qui, un jour, se plantera entre nos omoplates…

 

 

Des amours sans grâce – sans charnière – sans pardon – ce qui s’enracine dans nos yeux – dans nos pas – à force d’habitude – à force de certitudes ; jamais comme au premier jour (mais y a-t-il déjà eu un premier jour ?)…

L’hiver et la solitude en toute saison ; des oiseaux au-dehors – virevoltant – indécis – sans refuge – partagés entre la terre et les cieux – entre l’ailleurs et leur fidélité au monde – au nid jamais constitué…

Et le vent – brusque – puissant – dont on ne peut espérer qu’il pacifie la rage – toutes les inclinations à la fureur – qu’il redore le blason des ensommeillés et mène en des lieux plus favorables les âmes sensibles qui cherchent leur place – un horizon meilleur – plus innocent – plus approprié…

 

 

Ce qui s’affaisse – en nous – pour laisser rayonner quelques astres anciens ; la lumière et l’océan…

 

 

Le chemin que choisissent nos pas – ni le plus simple – ni le plus direct – celui qu’impose la nécessité ; le plus juste parmi d’innombrables…

 

 

Sur notre soif – des malheurs – bien souvent – comme une habitude – un destin – une leçon jamais vraiment apprise…

Et l’invisible derrière – toujours – et qui, parfois, s’avance au seuil du plus tangible – du plus grossier – du plus nauséabond – aux frontières de la fumée – si proche de l’aveuglement – dans l’air incandescent à force de cris et de colère – sur le sol brûlé à force d’ardeur et de pas obstinés…

 

 

L’œil – au-dehors du monde – que le regard, peu à peu, remplace…

Ce que l’on creuse – à force de vivre – comme un gouffre que nos gestes (et nos pas) transforment en abîme – à la manière d’un néant inventé – quelque chose que nous façonnons (tous) au fil du temps…

 

 

Un sol recouvert de tombes et de mains levées – la vie qui s’acharne sur la pierre – indifférente à l’obscurité qu’elle y laisse – comme des strates de noir supplémentaires – des couches et des couches où l’on s’englue – au milieu desquelles l’on s’éreinte à naître – à vivre – à mourir…

 

 

Ce qui se répand sur la terre – dans les âmes – partout – et que l’on cristallise en (faux) savoir – en (vaine) fierté ; la lèpre – la gangrène – des croûtes de bêtises et de mensonges qu’il convient d’arracher – et qui laissent la chair et la sensibilité à vif…

L’empâtement du vide – comme un ventre repu – gonflé – que l’on voudrait ouvrir – empaler – déchirer – pour se débarrasser de ces amas – de cet enfermement…

 

 

Un sentier de signes – de lettres et de chiffres – de rêves et d’idées – qu’il faudrait délaisser – la fièvre sous le front – pour inventer sa propre route – sans mémoire – sans (véritable) intention…

Rien que des stigmates et des envoûtements – la mort qui se frotte contre notre visage – sur les lèvres, le dégoût – et dans la poitrine, la suffocation…

Et la main encore trop lourde sur la page – l’œil nouveau – le sang frais – ce qui circule bien au-delà de la tête – qui prend sa source ailleurs – très loin – dans les hauteurs – entre le ciel et l’esprit…

 

 

Le vide – au-delà de la terre – au-delà de l’horizon – au-dedans – ce que nous accolons à la vie – ce que nous apposons contre la chair – contre l’idée de la mort – ces fragments de silence – ces lambeaux de néant…

Le monde sur nos lèvres plaintives…

A l’approche du jour – le geste sans mémoire…

Ce qui disparaît – emporté par nos feuilles ; ces traces d’encre au fond des yeux – entre la lune et l’infini…

Et ce fil sur lequel nous marchons tous ensemble – à la manière des funambules…

 

 

La loi – le secret – la protection – fruits et instruments de la peur…

La lumière antérieure au labyrinthe…

Le commun dans sa plainte ; des cris – des prières – des murmures – inutiles…

Au-dessus des têtes – le vol effarouché des sorcières…

La bave aux lèvres et le regard trop fier…

Ce qui excorie la peau – ce qui entaille la chair – ce qui brise les os…

Les fleurs qui apparaissent sur le chemin – toutes nos consolations intérieures…

Ce qui berce ce qui hurle et ce qui saccage…

Le monde moins loin que notre âme…

A peine vivants – comme cloués à cette (incroyable) distance qui nous sépare…

 

 

Nous – nous détachant de ce qui nous brime – de ce qui nous écrase – de ce qui nous déchire – la pauvreté humiliante – les chemins qui éloignent – qui nous rapprochent (trop malhonnêtement) – l’étendue (insoupçonnée) entre les tempes – au fond du cœur – communiquant parfois…

Nous – parcourant la pierre – nous défaisant de l’abîme – du mystère – du rêve des hommes – tombant au milieu des énigmes du monde – nous relevant à chaque virage – poursuivant (obstinément) notre marche – nous acharnant à considérer chaque étape comme une épreuve – oubliant de nous libérer du sens et de la possibilité de la résolution…

Plongé(s) au cœur de la danse des vivants – gesticulant sur toutes les scènes – au milieu des cris et des tourments …

 

 

Plus loin que le monde – ses lois – ses ruses – ses secrets…

Au plus près de la sorcellerie des temps premiers…

Ce qui se porte et s’avance – malgré nous…

Au centre du labyrinthe…

Peu à peu – en pleine lumière…

Au-delà de tout propos…

Ce que l’on érige et ce que l’on invente…

Ce que l’on recombine et ce que l’on dissimule ; cette danse étrange des viscères et des orifices…

L’invisible mutilé ; la cécité souveraine…

 

 

Le silence déformé par le désir et la mémoire – comme une poussée asymétrique de la partie la plus nuisible du réseau…

Dans la transparence – avec tous les signes préexistants…

Quelques vibrations pathologiques – sans impact sur l’immunité de l’étendue…

 

 

Des lieux – un monde de cages parallèles – des frontières enchevêtrées – et ce fil qui court entre toutes les têtes – qui se faufile sur toutes les peaux – qui pénètre toutes les chairs…

Toute la verticalité du ciel – des Dieux – au cœur de nos existences si communes – si triviales…

 

 

D’un bout à l’autre du monde – de l’âme – de la chair…

Du côté du silence et du langage…

L’essentiel en creux et en lignes – toutes nos contingences – toutes nos projections…

Le temps – éparpillé – à l’agonie – dans son dernier souffle…

 

 

La matière (terrestre) – comme un piège d’abord – un orifice qui nous magnétise – qui nous attache – qui nous fixe et nous immobilise – puis, qui apprend (à l’aide de l’esprit) à se dilater – à s’ouvrir – à s’infiniser…

Et nous – au-dedans – nous approfondissant…

 

 

Sans terre – sans l’ombre d’une étoile – au cœur des courants qui nous emportent – le long d’une voie qui jamais ne dit son nom…

Et ce langage inconnu pour aborder l’éternité – l’inconcevable – la partie, en nous, la plus centrale – la plus inhabitée…

 

 

Des heures particulières – comme une page secrète – inconnue – parsemée de signes affranchis du sens – des signes en perspective qui éclairent autant le ciel que la mort – autant la multitude que l’étendue…

Et entre nos lèvres – ce silence – cette parole inarticulée – indéchiffrables…

 

 

A l’intérieur du temps – une présence infinie – délicate – qui échappe à la prolifération – au règne et aux cycles de la matière – au rythme et à la durée – à toutes les formes de retour et de linéarité ; quelque chose d’intangible – comme un cœur atemporel exonéré des mouvements et des secousses…

Des fragments d’espace et la distance – délaissés…

Des voies qui explorent la moindre cavité…

Des interstices à découvrir…

Des surfaces et des passages – et une chute (presque) inévitable…

Des profondeurs et l’invisible…

Le regard – au-dedans de l’âme – sur toutes les choses devenues intérieures…

Un vertige – des extases et de l’immobilité…

Le goût de soi et le goût du monde – en tous lieux…

 

 

Notre matière changeante et immortelle…

Des entités (très) provisoires – vouées à la permanence des échanges ; fragments inlassablement recombinés – se recombinant sans cesse – sans fin…

Et ce vide – suspendu – partout – au-dessus – au-dedans – en dessous – engagé au cœur de chaque forme – au cœur de chaque phénomène – au cœur de chaque expression – comme un territoire et une respiration unifiés et multidimensionnels…

 

 

Un espace – une prière – l’aube naissante ; la continuité, bien sûr, d’un itinéraire sans voyageur – une évolution de la perception qui goûte toutes les formes – toutes les textures – toutes les couleurs…

Alliances – collisions – ruptures – séparations – déploiements – amassements – obstructions – déblaiements – effacements – disparitions – recommencements ; surface et profondeur – contraction et expansion ; mille manières d’échanger et de se combiner – sans jamais s’interrompre…

Nous en eux – en tout – en nous-même(s)…

 

 

Au cœur de l’âme – l’esprit – un peu de matière – qui cherchent l’éternité et le silence…

Un cri – un murmure – une voix…

D’un monde à l’autre – de jour en jour – au fil des générations – toujours plus ou moins libre(s) – incarcéré(s) – ailleurs – perdu(s) – présent(s) – déboussolé(s) – à demeure – selon l’état et le degré de conscience…

 

 

Cette terre émergeante au-dedans de l’autre – notre âme – celle où l’on vit – sans commune mesure avec toutes les histoires que l’on nous raconte – que l’on se raconte – notre itinéraire – cette danse paresseuse entre la source et le retour à la source – ce que les hommes appellent l’existence – le voyage – leur destin…

L’aube traversant le monde – le monde devenant la parole – les signes de l’encre – le sang des vivants – sur nos pages…

 

 

Ce qui fonde le visible – l’apparence – cette surface où la lumière se mêle à la tragédie – la brume et le vent atemporel – infaillible ; nous – les hommes – encore très éloignés des sommets – du moindre tertre – des premières hauteurs…

Des tranchées – trop souvent – que l’on creuse avec le soc de la raison – saison après saison – siècle après siècle – comme l’on parcourt – au-dessus – au-dehors – le même sillon…

De ciel et de terre – notre chemin – sous nos pas trop lourds – sans jamais rien franchir ; la trop pesante remontée vers la source – l’origine de la matière et du vide – nos visages (outrageusement) déguisés que les circonstances, peu à peu, débarrassent – mettent à nu – rendent à l’innocence…

 

 

Tout se disloque – et, sous l’effritement, apparaît le sourire – derrière les voiles – derrière les pleurs – derrière l’effondrement – caché, depuis toujours, au milieu des apparences…

Nous – dans les décombres – comme une fleur qui éclot dans la glaise – sur la dislocation…

Aux confins d’un espace qui jamais ne peut finir…

 

 

Les plis du monde – sous notre chair – dans les recoins de l’âme – les secrets de la mort au fond de l’esprit…

Un souvenir – parfois – le vestige d’un état antérieur – sous l’orage et la plaie – quelque chose du ciel…

Un peu de bleu sur nos perspectives…

Et notre persévérance face à l’absence – face à l’obscurité…

 

 

Nous n’existons qu’à travers l’oubli – puis, l’effacement…

Rien des amas – des cumuls ; un tas de neige comme récolte – le monde sous verre – dans notre main – des pleurs et de l’affolement – avant le grand silence…

 

 

Un lac au fond du cœur où finissent par sombrer toutes les choses…

L’eau qui s’infiltre – à l’intérieur – comme le prolongement de la rupture – la faille qui s’élargit – la matière qui s’imbibe – le vide, peu à peu, envahi…

L’incarcération transformée en temple liquide…

Les racines et la marche – pourrissant…

Les conditions de l’immersion et de l’envol – simultanés…

 

 

Ce que nous récolterons à la fin de l’hiver – un surcroît de silence…

 

 

Une expatriation sans affolement – un simple détour par une terre étrangère – un archipel au bord du monde – une contrée moins sombre où la nuit perd (en grande partie) sa démesure – où l’âme se résout à l’essentiel – où le geste apprend le rythme et la justesse – histoire d’alléger toutes les pesanteurs…

Une fenêtre – et des pas qui nous rapprochent – l’Amour en vue…

Le franchissement d’une frontière qui exclut toutes les têtes porteuses du moindre signe de sauvagerie…

Quelque chose de tendre – véritablement ; bien moins miroir que douceur…

 

 

Dehors – rien qu’une étrange fatalité – des choses – mille choses – bien trop – des circonstances – ce qui a l’air d’arriver…

La vie – le monde – notre visage – intranquilles…

Et cet espace – à l’intérieur – doux – tendre – capitonné – où l’on peut tout accueillir – où l’on peut tout recevoir – sans jamais trembler – sans jamais rien attendre – sans jamais se perdre…

 

 

Eparpillés sur la terre – dans la nuit – ce feu allégorique – cette manière d’apprivoiser le monde – d’embrasser le visage lointain de l’aurore…

Nous – sans trouble – sans filet – sans volonté – vaillant à l’intérieur – présent au-dehors – avec sur nos épaules, toutes les têtes (excepté la nôtre)…

 

 

Des fleurs – un sourire – nos seules armes face au monde – violent – rusé – prêt à tout pour atténuer ses malheurs…

Nous – entre le ciel et le tremblement – guère assuré(s) – parmi les astres de la nuit nouvelle…

Un soleil – sans la tyrannie des Autres – pas même avili par nos grimaces – nos absences – planté au milieu du front – au milieu de notre joie – comme un immense point jaune né d’une secousse qui, un jour, ébranla notre sommeil…

Une traversée – comme un envol (impromptu) de lettres – au-dessus des flammes – sur nos feuilles (trop) noircies…

 

 

Mieux qu’un rêve – mieux que le réel revisité ; un rire énorme – éclatant – au cœur de la vérité ; les délices d’une âme sans mensonge – admirablement authentique – célébrant le jour et le monde…

Un jour – un monde – sans pareils – sans usure…

Ce que le sort nous réserve aux dernières heures du voyage – comme une surprise – à coup sûr…

 

 

Dans l’attente de l’infini désenchaîné ; prisonnier volontaire dès le premier jour – comme un oiseau étrange rompu aux ailes coupées – de la poussière sur ses yeux vifs – un peu de sang dans ses veines – sur ses plumes et son bec – et dans les griffes – redoutables en apparence – sans doute le moins féroce – le point de délivrance – comme un instinct à la rencontre d’un autre instinct – deux forces opposées qui s’affrontent et s’annulent…

La nuit moins obscure qu’au premier jour – éclatante bientôt de lumière – peut-être…

L’infini – l’oiseau – la clarté – se retrouvant – après des siècles de séparation – unanimement décidée…

 

 

Nous – entre la solitude et la folie – les pieds et la tête plongés dans le noir – devenant notre propre voix – notre propre vertige – notre propre délivrance – une route étroite – une issue possible – comme un dôme – posé au-dessus d’un grand désespoir – soudainement arraché…

Nos lèvres – dans l’attente d’une blancheur – d’une caresse – d’un nouvel horizon – découvrant enfin un monde inconnu – bien davantage qu’une (simple) consolation…

 

 

Sans fin – comme une nuit à rejoindre – à embrasser – à pardonner – pour les larmes qu’elle fit tomber – pour les cendres qu’elle jeta sur nos âmes – sur nos yeux – comme une mère à la poitrine aride – la bouche pleine de ressentiment – le sang brûlant – nous berçant dans la trop grande proximité de la terre au lieu de nous abandonner à la magie mystérieuse des airs – des eaux claires – des courants vivaces – des souffles profonds et amoureux – qui nous auraient, peu à peu, initié(s) au provisoire – au ciel – à l’océan…

 

 

De la lumière – parfois – jaillit le plus sombre – non comme un hasard – non comme un accident – comme une absolue nécessité…

 

 

Ce qui lacère – ce qui brûle – ce qui empiète ; le territoire noir et son règne – son rayonnement – sa splendeur…

Une armée de bourreaux anéantissant tous les élans – défigurant le monde – saccageant la pierre et la chair – comme d’autres dansent et célèbrent – naturellement…

 

 

Un rêve entre deux averses – une langue qui décrit tous les horizons…

Des étoiles – le sol – des chemins – ce qui tombe et s’égare – ce qui franchit et ce qui invite…

Toutes les dimensions du monde – tous les règnes – tous les épuisements…

Le jour et la nuit, sans cesse, recommençant…

 

 

En plein cœur – là où réside l’Amour – là où la chair est la plus dense – la plus fragile – là où Dieu bat les cartes sans jamais les distribuer – là où la nudité nous donne une allure presque minérale – là où se disloquent toutes les âmes – où s’éteignent tous les désirs – là où s’arrache et se métamorphose en sang – en spectre – ce qui nous est le plus cher – le plus précieux (faussement indispensable) – dégoulinant – errant – sur la pierre – interminablement…

 

 

Nous – dans la lutte – rêvant – encore en plein sommeil…

 

 

Les yeux face à la montagne – poings levés – regard clair (et franc) – les muscles tendus – l’âme et les épaules prêtes à supporter leur charge…

 

 

A distance de l’or – un peu de danse – sur nos lignes – quelques pas esquissés dans l’intention (trop précise – trop volontaire) d’un geste juste…

Ce qui – en nous – s’ouvre comme un coffre – ce qui jaillit de notre abîme – un trésor – le cœur – le monde – invisibles…

Ce qui, à chaque instant, peut s’entrevoir – être vécu, de plus en plus pleinement, et honoré…

L’autre versant de la terre – les yeux grands ouverts – qui fait de chaque forme – de chaque chose – le plus sacré…

Ce que l’on peut sauver de l’absence et de l’anéantissement…

 

 

Les heures (trop) passagères de l’étreinte – ce que l’on partage avec l’eau et le lit des rivières – un chant continu – une couverture d’étoiles sur les yeux…

Et à l’autre bout de soi – tôt ou tard – un jour – la faux qui s’abat…

 

 

Des murs – des grilles – l’espace des vivants…

D’une extrémité à l’autre du feu…

Des tours – des trous – des mains qui s’agrippent…

La vie – la mort – de plus en plus mélangées…

Le camp des Autres – notre solitude…

Ce que l’on aimerait voir briller dans le sang – au fond des âmes – dans le poing levé des hommes – et ce qui, parfois, arrive – comme par mégarde…

La quantité négligeable que nous sommes….

 

 

Ce que nous partageons – la mort et les crachats – la pluie – la férocité des bêtes qui nous assaillent – ce que nous n’avons jamais cessé d’être…

Le lierre autour de notre cou – jusqu’à l’étouffement – jusqu’à la délivrance…

 

 

La terreur et la semence – les instincts qui brillent dans les yeux – ce que la faim prolonge – et cette odeur – et cette couleur – auxquelles nous ne pouvons échapper…

Ce qu’il y a de plus hostile en l’homme ; le froid – notre cœur emmuré…

 

 

En attendant le silence – la fièvre contagieuse – le déploiement de la force – de la bêtise – de la violence – l’usage et la cruauté…

Notre longue veille depuis les mondes parallèles…

Nos balbutiements – guère entendus – comme nos prières et nos vociférations…

Un peu de salive dans la poussière…

 

 

Le vent qui nous appelle – auquel on appartient ; trait pour trait – notre visage…

Présent en tous lieux – comme le jour et la nuit – tous les reflets – toutes les ombres – ce qui scintille, si souvent, comme une illusion…

Les différentes figures du silence – réunies dans le regard – dans chacun de nos gestes…

L’espace vivant que nous habitons – la présence sensible que nous sommes…

 

 

Au-dessus du monde – les sous-sols de l’enfer – en attendant la démultiplication du feu – le déploiement de la fièvre et de la folie – ce à quoi œuvrent les hommes – depuis leurs hauteurs (dérisoires)…

 

 

Le sentier des crêtes – de part et d’autre de la blancheur – l’immensité – le silence incommensurable…

Notre envergure – sans restriction – sans trahison – entière – non corrompue…

Et des cœurs hostiles inentamés – comme de hauts remparts contre lesquels se brisent tous les élans de notre (faible) voix…

Des sons – des lignes – inaudibles – dégoulinant le long des murs – plongeant dans les eaux croupies des douves…

Nous – devenant stagnant(s) – une force immobilisée – guère plus puissant(s) que les premiers (et médiocres) balbutiements humains…

 

 

Nous – nous détachant de toutes les formes d’imprécation ; le désir du meilleur pour les Autres – autant qu’ils en sont capables – hors du rêve et des (fausses) appartenances…

Leur vrai visage s’extirpant, peu à peu, de toutes les généalogies…

 

 

Le vent sans destination – sans cause – sans maître ; le souffle même des origines – peut-être…

 

 

A peine un éclat – une couleur délavée – des existences insipides – sous la terre, déjà, de notre vivant – si éloignés de l’oiseau libre – de la mort joyeuse – de la vie pleine – de ce que tous les prophètes, un jour, ont promis…

 

 

Rien ne pourra nous délivrer de cette longue nuit d’épouvante ; une seule possibilité : nous décomposer – devenir la résultante (prévisible) de toutes les soustractions imaginables…

 

10 novembre 2020

Carnet n°248 Notes journalières

Fidèle à ce qui nous étreint – parmi nos semblables – au cœur du même asile – des mots qui surgissent et s’alignent spontanément – Dieu épelé de mille manières – comme une prière dans la nuit inventée par les hommes…

 

 

Notre présence – ce avec quoi nous fleurissons le monde – ce avec quoi nous fleurissons les tombes…

Ainsi le jour peut se lever – affranchi des exigences du temps – sans promesse – sans lendemain…

 

 

Nous – en deçà de l’intimité – au cœur de ce lieu étrange où les âmes ont encore besoin de commercer…

 

 

Au-delà de toute légende – le réel – le silence – la poésie – les seules contrées habitables ; l’espace sans parcelle – sans frontière – sans territoire à défendre – sans terre à conquérir…

 

 

Nous – encore dans la nuit rêveuse – ambitieuse – chargée de désirs et d’intentions…

Le poème que nos lèvres dessinent – de l’air qui circule – quelques vibrations parfaites dans le silence…

Des lignes invisibles dans l’espace…

Le mouvement de la main sur la peau du monde – sur la peau des Autres – comme un sabre qui fendrait le vide…

Et l’âme toujours étonnée et généreuse – et nos pupilles grandes ouvertes – émerveillées…

 

 

A l’approche du jour – la transformation des bras en ailes – robustes – légères – déployées – l’envergure naissante – comme l’aurore – les prémices de l’envol – ce qui, en nous, célèbre la terre et les frasques journalières des Dieux crépusculaires – ce qui abroge le temps et toutes les autres possibilités…

 

 

De la craie sur la pierre – la pluie qui tombe – le ciel qui efface nos traces – nos tentatives – qui anéantit nos amas – qui lave nos outrages et nos offenses…

Dans les filets du réel (aux mailles serrées) – l’invisible qui règne – et le plus grossier qui se débat et se défait…

Nous tous – pris dans la composition à l’œuvre – à la merci des limites et de la puissance – nous éparpillant sous le joug de toutes les recombinaisons et de toutes les forces…

 

 

En secret – le monde – devant nous – qui invite et initie…

Ce que nous reconnaissons dans nos aveux…

 

 

Les poings serrés – les yeux fermés – fidèles, en somme, au déroulement de l’histoire…

Pierre après pierre – comme une longue prière – cet étrange voyage – à travers le désert – vers la source où l’eau coule sur la soif – comme la sueur qui, tout au long de la marche, ruisselait sur la peau…

 

 

Ce que déchire le monde (la fréquentation du monde) et ce qu’offre la solitude…

L’âme malmenée – le feu et le sang qui circulent dans les veines – le souffle compté dans la poitrine – la fin du désespoir et de la peur ; l’esprit au-dessus des cendres…

Ce que nous réussissons à toucher à travers le geste juste – le regard poétique…

 

 

Le sol et la folie – au faîte du monde ; et ce qui échappe (de justesse) au recommencement…

 

 

A notre fenêtre – la source dérobée – le mystère offert – la nudité la plus simple – et cette inclinaison de l’homme face à la terre – face au ciel ; l’acquiescement aux mille événements du monde – aux mille circonstances du voyage…

 

 

Nos mains – sans la langue – affranchies de tous les commentaires – ceux de l’esprit comme ceux du monde…

Toute la poésie dans l’âme – et rien sous le bras – la poitrine et le front suffisamment larges pour sentir le vent – l’accueillir – et nous redresser naturellement – sans raison – sans fierté…

 

 

Saltimbanque sans inquiétude – sans attache – sans le moindre tour dans son sac – sans espérance ; clown, magicien et funambule à la fois – équilibriste déraisonnable à l’humour grossier et grinçant – apte à toutes les disparitions – à tous les effacements – debout – à genoux – avançant sur son fil tissé à la trame – relié(s) à tous les autres…

 

 

A travers la lucarne – la vie – le monde – ce qui se multiplie et se déploie – cette terre étroite – comme une île entourée de grilles…

Au-dessus – le ciel – sans bord – sans côté – qui s’étend sur toute l’envergure horizontale et qui acquiesce à tous les noms que lui donnent les hommes…

 

 

Des routes – des voyages – des naufrages…

Le sort des hommes à la surface du monde…

D’un bord à l’autre – sans facilité…

Avec des désirs et des cris qui montent du fond des entrailles…

Notre destin – sans profondeur – englué dans les apparences – si souvent…

 

 

Nous avançons les mains vides – en définitive – l’histoire sous nos pieds – et le vide au-dessus de nos têtes…

Le sommeil sur l’épaule – comme un rapace dont nous serions la proie…

Ainsi bâtissons-nous le monde sur une ignorance – une sorte de quiproquo…

Une terre propice à toutes les absences…

Un trou béant au milieu du visage – comme un espace vide réservé aux fleurs et à la poésie – à ce qui ne craint de s’offrir tout entier – à ce qui ne craint de se perdre entièrement – le plus fragile et le plus brave que la terre ait inventé – ce qui frémit au milieu du rêve – le ciel clair – affranchi des hommes – des images du monde et du temps…

 

 

Nous sommes endormis sur trop de richesses pour explorer le ciel – les profondeurs…

Nous nous réduisons à vivre à hauteur de sol…

 

 

Nous – au milieu des applaudissements – des ricanements – des Autres – à nous promener dans le périmètre autorisé – délimité – bien en deçà des premiers confins…

A nous réjouir des spectacles de cette vie étroite – de ce carré de terre régi par les lois humaines – enserré par toutes les autorités que nous avons inventées pour sécuriser l’espace où nous vivons – enfermés…

 

 

Devant soi – comme devant Dieu et le monde – à notre place – de manière minuscule – et le visage découvert – sans artifice…

 

 

De la neige – dans l’œil – dans l’âme – comme l’antidote à tous les rêves – à tous les filtres ; un peu de frais et de blanc sur ce que l’on a coutume de colorer trop vivement – avec trop d’ardeur…

De la chair sur ce que nous choisissons comme allié – comme rempart ; une protection infime et modeste autour de la pièce centrale – celle qui sera habitée lorsqu’elle saura s’exposer à tous les vents…

Et nous – mobiles et obéissants – à l’intérieur…

 

 

Un peu de jour – à travers les grilles – dans cet étrange passage où nous demeurons – le soleil dans son axe – à l’écart de nos jeux stériles – de nos gestes maladroits – de nos âmes tourmentées…

 

 

Sur les lignes sacrées de la main – comme un prolongement – le déploiement – de l’espace divin…

 

 

La folie analphabète de ce monde…

Et (tous) nos cahiers pour en témoigner…

 

 

Au-dessus de l’abîme – de l’écho – quelque chose advient – se déploie – se répand – nous envahit – nous habite ; notre unique substance – ce que nous sommes par essence – tout ce vide que nous avons recouvert de couleurs – de parures – d’oripeaux – comme mille mensonges – dans la continuité des images et des rêves édifiés à l’intérieur…

 

 

Du silence – comme un œil qui voit – comme une bouche qui enfin se tait – un esprit qui, après mille aventures – enfin comprend – devient ce qui l’habite – au-delà du songe et de l’étrange – ce que la poésie souligne (trop fortement parfois) avec quelques mots – quelques images…

 

 

Ce qui nous brûle – à l’intérieur – le sort du monde – ce à quoi nous résistons – ce que nous défendons bec et ongles…

Notre destin accroché à la hampe avec laquelle jouent les Dieux…

 

 

Notre visage à la fenêtre – ce que les Autres perçoivent ; la seule figure que nous connaissons – en vérité…

 

 

Des oiseaux sous les paupières…

Un immense sourire au fond de l’âme…

Le séant sur les pierres de la forêt…

Une voix – en nous – qui s’élève…

Le monde dans nos mains généreuses…

Ce qui coule et ce qui flotte à la surface des rêves…

Encore trop de routes et de mensonges – à l’intérieur…

 

 

La suite du voyage – du temps et de la distance – ce qui nous sépare de la lumière – à peine un geste – à peine un pas – ce qui, en nous, se redresse ; la seule présence – bien sûr…

 

 

Tout se creuse – en nous – pour nous découvrir – nous habiter – nous révéler ; espace d’accueil des choses ; aire de tendresse et de lumière…

 

 

Le silence dans notre parole – des lignes – des pages – pour secouer les rêves accrochés à nos yeux…

 

 

Ce que nous amassons sur notre bouée dans la croyance d’une côte – d’une rive – d’une île – à proximité – alors que l’océan nous entoure et que les vagues nous emportent au loin – vers le large…

Et ces cris – et ces prières – au milieu du naufrage…

 

 

Accroupi(s) parmi les racines – les mains agrippées à la roche – aux prises avec la nudité acérée du monde (naturel) – l’esprit inattentif – éparpillé – comme un voile supplémentaire sur nos yeux fermés…

Victime(s) de nous-même(s) – en quelque sorte – avec des épines plein l’âme et la chair ; ce que, sans cesse, nous nous infligeons…

 

 

Au fond de l’abîme – dans l’épaisseur insoupçonnée du monde – à genoux – la soif jusqu’au bord des lèvres – et la main mendiante (bien sûr)…

A lever les yeux vers le ciel – comme si le sable – les pierres – nos existences enlisées – avaient la moindre importance…

 

 

Rien que des larmes et du sommeil – et ces corps amoncelés au bord des routes…

Entre le ciel et le monde – le même espace – cette distance qui nous sépare…

Comme des voiles – des grilles – derrière lesquels régneraient, impassibles, tous les soleils…

 

 

Une parole – entre la terre et le naufrage – constellée d’abîmes et de silence – et dans sa chair – dans le creux des siècles vécus et amassés – la lumière ; cette voix tendre qui offre sa sensibilité – comme une invitation (permanente) à l’émerveillement…

 

 

Bandeau sur la tête – sur les yeux – à nous enfoncer dans l’imposture – la mémoire tenue en laisse devant nous – comme si nous voulions prolonger l’absurdité et l’ignominie de ce monde – collier au cou et guirlande sur la poitrine – partagés entre le rêve et la nécessité (souvent imaginaire) du sang…

 

 

Ce que l’on incline et ce que l’on érige – à l’inverse (presque toujours) de ce qui s’impose – les représentations en tête – sur l’axe autour duquel nous faisons tourner le monde – nos pauvres existences éparpillées – à la traîne de tous les idéaux – plongés dans l’utopie insensée de l’abstraction – là où nous contraignons le réel à entrer – dans le carcan de nos intentions – de nos (misérables) inventions – dans l’étroitesse de l’espace où nous vivons – où nous pensons – auquel nous condamnons tout ce que nous voyons – tout ce que nous goûtons – tout ce que nous sentons et expérimentons…

 

 

L’oreille immense – discrète – qui ouvre et libère – ce qui est fermé et captif…

Le monde comme un miracle – malgré les cris et l’ignorance – la main parfois cruelle de l’Amour – si chichement – si étroitement – si maladroitement – incarnée…

 

 

L’invisible – comme des fées dans l’orage…

Les conditions du changement…

Tous les âges – sans repère – sans légende…

Affranchi de la mémoire et de l’imposture – de tous les rôles imposés par le monde…

 

 

Tous les visages du monde dans nos cahiers…

Le bleu – le noir – la terre – l’immensité…

La joie et les malheurs…

Ce que l’on cache et ce que l’on révèle…

L’authenticité de l’homme – debout – solitaire et silencieux – comme l’exigent (presque toujours) les circonstances…

 

 

Ce qui circule – en apparence – sillon après sillon – la même perspective – la même pensée – jamais démontées – jamais démenties – identiques toujours – comme un écran – une guirlande – une chaîne – quasiment indestructibles – presque éternelles…

 

 

Ce qui ronge les âmes – ce qui restreint et incarcère le moindre rêve – le moindre élan…

Ce qui tombera en ruines – avec nous – à la fin…

 

 

Des ombres aux portes du néant…

Le sommeil sous le coude – comme une issue – une manière de passer outre…

L’imaginaire débridé – comme un pont – un accès à d’autres rives – à d’autres mondes…

Une étoffe serrée sur nos yeux malades et implorants…

Le dialogue ininterrompu entre Dieu et nos mains…

Le geste et l’esprit – comme un espace d’abondance – un cœur brillant – un feu et une lame lovés contre la tendresse…

Le plus sauvage – de la tête au sang…

Sur le sable – un naufrage…

Ce que désigne le monde…

Ce à quoi rêvent tous les reclus – tous les séquestrés…

Le jour – la parole – la croyance…

Ce dont nous faisons tous l’expérience…

La détention et le goût de la liberté…

Le réel et le songe intriqués…

 

 

Devant la vie comme devant le temps – la mémoire alerte – l’âme enhardie – comme devant mille possibles – mille rêves – mille promesses – accessibles – réalisables…

Jour et nuit – à arpenter le monde…

 

 

Le poids inutile des Autres dans notre faim – la tête déjà lourde de leurs rêves et de leurs idées – et nos mains qui s’exécutent – et notre âme oscillant, sans cesse, entre l’obéissance et la révolte – entre la colère et le pardon – ignorante (presque toujours) du labyrinthe où on l’a, un jour, installée…

 

 

L’aube et la terre – allongées ensemble – sur cette couche composée de désirs et de nécessités…

Le secret contre la pierre – le soleil jamais loin de la blessure et la fièvre au-dedans…

Et l’esprit qui cherche ses ailes – son souffle – un support – un peu d’air et d’espace pour survoler les ruines et les fleurs – le monde – ces fragments de promesses accessibles à tous les voyageurs…

 

 

Une série d’exils successifs – sans échéance – sans étreinte – où la seule proximité se noue avec la solitude et l’oubli…

 

 

Âme et cheveux au vent – dans le passage…

Un peu de silence – et le cœur et la main qui s’ouvrent en parcourant le monde – en tournant les pages de quelques livres (précieux)…

 

 

Comme les nuages qui passent – joyeux et inconsistants – fidèles au ciel et au vent – insoucieux de leur voyage – de leur destination – jouant ensemble dans le bleu immense sans jamais s’occuper de leur forme – de leur rythme – de leur transformation – intensément présents – intensément vivants – sans jamais craindre de n’être que de très provisoires (et de très changeants) phénomènes – à peine existants – une sorte d’illusion perceptible seulement depuis une (très) étroite perspective…

 

 

Notre vie – notre chemin – nos carnets – notre destin – quelque chose comme un (minuscule) rocher qui arpenterait la terre – qui roulerait d’une sente à l’autre – qui dévalerait des pentes – ici et là – et qui les remonterait parfois pour s’installer au sommet d’un tertre – au milieu des arbres et des fleurs – parmi les pierres et les bêtes – sans autre horizon que l’instant qui passe

 

 

Sans aile – les tempes battantes – le cœur comme une pompe (infatigable) – malgré l’âme blessée – l’esprit égaré et hésitant – comme errant – sous l’emprise d’un délire enfanté par le désir et l’ardeur…

 

 

Le nom des fleurs dans la tête – inutile…

Dans le sillon en flammes des oiseaux…

Comme un papillon perdu au milieu des ruines – inoffensif – à la merci de la moindre volonté…

 

 

Le dos courbé – anonyme – qui porte son poids imaginaire – qui cherche sa ligne d’horizon – le portage approprié – ce dont il faudrait se débarrasser…

Un pas après l’autre – dans une forme d’obsession inconsciente (et incomprise) – histoire d’aller au bout du possible – on ne sait où – en un lieu que nous fera (sans aucun doute) oublier la mort…

 

 

La lumière autour du cou – à arpenter le même espace de long en large – sans interruption – avec les mêmes gestes (répétitifs et quotidiens) – avec la même blessure et la même faim au fond du cœur…

Et, sur les pages, les mêmes lignes sans volonté – sans lendemain…

Et au-dehors – apparemment – les mêmes choses qu’à l’intérieur…

 

 

Ce qu’enseigne la désespérance – le trajet le plus intime – le plus essentiel – celui qui mène au cœur – de la périphérie jusqu’au centre ; avec cette humilité et cette obéissance – cet acquiescement sans volonté – le désir éteint qui a cédé la place à la disponibilité – les idées – les images – les élans – effacés – qui ont déserté l’esprit qui a, peu à peu, appris à devenir vide et attentif – (pleinement) engagé et (totalement) affranchi – à l’état de veille – comme un espace vacant – une présence (entièrement) dédiée à ce qui s’avance – à ce qui surgit – qu’importe les masques – les parures – les ruses et les intentions – affichés ; bouts de soi – de son propre visage – de manière (si) évidente…

 

 

Dans la mémoire – le sel noir du monde – de la tête – ce qui nous harcèle – ce qui désarçonne l’innocence – ce qui rend la transparence impossible…

Toutes les forces hostiles à l’aurore…

 

 

En nous – le troupeau – la meute – la horde – et le solitaire en exil – à l’écart où qu’il soit – où qu’il aille – quoi qu’il fasse…

 

 

Dans le cortège de menaces – ces vieux crachats – cette salive dégoulinant sur le visage – toujours présents – comme une offense – un outrage – l’enfance blessée encore incapable de redresser la tête – de traverser le monde avec gaieté et indulgence…

Ce qui nous assomme – et nous condamne – comme une chape de plomb…

 

 

Ce que l’on entasse – serré contre nous – nos pauvres trésors illusoires – cette extravagance de l’homme qui imagine côtoyer les hauteurs – au degré zéro du voyage – bien en deçà du seuil nécessaire au premier pas…

 

 

Sur les rives du monde – la foule…

Au-dedans – le seul chemin – l’unique compagnie – ce qu’offre l’intimité et ce que l’âme réclame…

Ni visage – ni miroir – le jour, sans cesse, recommencé…

 

 

Ce qui – en nous – surplombe les querelles – au-dehors et au-dedans…

 

 

Dans la volupté du geste – la sensualité des choses – dans nos actes hors de soupçon – la flèche qui traverse la mort…

Autour de soi – la foule et les malheurs – au-dedans – le feu et l’acquiescement – ce surcroît de place qui accueille…

 

 

Ce qui nous emprisonne – à peu près tout…

Ce qu’enfante la tête…

Le vide – ce qui nous libère…

Rien que le regard – sans paramètre – sans repère…

Le monde – en nous – presque asséché…

 

 

Les mots – comme des portes sur le jour…

Un autre monde – notre existence affranchie de la terreur…

 

 

Le visage dans l’herbe – comme les pierres et les arbres – comme les bêtes – de passage – avec cette soif qui nous fait arpenter la terre, puis, un jour, le ciel – à la recherche de quelques fruits, puis du plus précieux – ce dont nous n’avons jamais été séparés – en vérité…

 

 

D’une terre à l’autre – d’une page à l’autre – la vie – le poème – sans discontinuité…

Avec toutes nos amours – à l’intérieur…

Et ce que l’on partage – selon la faim et l’appétit des Autres…

 

 

Aux yeux retournés – la certitude et l’inconnu – la confiance et la liberté – le Divin vivant – l’écume du monde comme source d’émerveillement…

La poésie des miroirs et des excréments – avec le vide (immense) au-dedans…

 

 

L’ombre – le néant – tous les déserts accueillis…

Le jour – l’infini – tous les chemins possibles…

 

 

Les fleurs de l’âme – dans nos yeux ouverts – dans nos yeux vivants…

Le feu habillé de ciel – les cendres sous la paille…

La terre et la fièvre – à leur place…

Les pas sans peur – sans quête – sur la voie souterraine – risquée (mais sans véritable danger)…

Et la perception qui s’ouvre peu à peu – la seule manière de vivre (et d’avancer)…

Et l’Amour qui pousse – qui envahit tout l’espace – à l’intérieur…

 

 

Le monde…

De la chair taillée dans la soif…

Des ongles – des poils – des corps massifs…

Le ciel au plus bas…

Le règne de la puissance et de la sauvagerie…

Avec – au fil de l’évolution – une tête de plus en plus lourde – de plus en plus chargée de rêves abstraits et insensés…

 

 

L’oubli – sur nos pas – des traces – des lieux – des routes – de la douleur…

Et nos cris – et nos âmes rejetées – hantées (depuis toujours) par leur sort…

Et nous – nous répandant dans les tourments – dans les malheurs…

Seul(s) – au milieu des Autres – égaré(s) – au fond de toutes les impasses…

 

 

Le sang – le souffle – le geste – les seules choses que nous ayons – en tant qu’individualité – en tant qu’élément de la matière – le monde – avec au-dessus – avec au-dedans – la conscience et la sensibilité…

Notre nature – notre chemin – notre destin – à tous…

 

 

L’intimité de l’âme et du monde – se retrouvant – se caressant – devenant le jeu (presque) exclusif de Dieu – son seul élan…

Comme sur la page – notre cœur – notre seul Amour – ce que l’on offre – comme une joie en commun…

 

 

Au fond d’une nuit sans sommeil…

A jouir – l’œil et l’âme baignés de peines et d’espérance…

Happé(s) par cette danse orchestrée par le monde et le temps – nous jetant sans force – ivre(s) de fatigue – inconscient(s) – après quelques tours endiablés – aux pieds d’un Dieu inventé par le chagrin et la prière des hommes…

 

 

On écrit pour que l’espace – en nous – en tout – soit reconnu comme notre seul visage – pour que la main de l’aube écarte tendrement notre ignorance (et notre prétention) – pour que l’Amour – la joie – la solitude – deviennent les seules hauteurs – les seules possibilités – les seules issues (pour l’âme et le monde)…

 

 

Des fleurs et des épines plein les mains – notre existence terrestre – ce que l’on offre et ce que l’on reçoit – les deux faces du monde – (presque) toujours mélangées – le signe de notre appartenance provisoire…

Ce que nous sommes – bien davantage qu’une famille – un corps aimant – un corps souffrant – ce qui sert à toutes les offrandes – à tous les passages…

 

10 novembre 2020

Carnet n°247 Notes journalières

Autour de notre cœur – sans jamais l’atteindre…

Mille fois aimé(s) – si mal – et de manière si étroite…

Et nous – comme un songe pour les Autres – un objet – quelque chose dont on fait usage – maladroitement…

 

 

Existant(s) – comme brusquement tiré(s) de l’abîme – projeté(s) avec violence face à tous les miroirs…

Des éclats – de la neige – à l’infini…

Les mains glacées…

Et le cœur qui se resserre, peu à peu, jusqu’à l’implosion…

 

 

Sans cesse – ainsi allons-nous – ainsi sommes-nous mus – sans fin – sous le regard tendre de celui que nous habitons parfois – dont nous nous approchons et nous éloignons au gré des terres visitées – au gré des visages revêtus ; le seul acteur de ce perpétuel ballet – et nous autres à notre place de figurants (avec nos costumes et nos masques changeants)…

Sur la courbe de nous-même(s) – (presque) toujours à notre rencontre…

 

 

En lutte – les âmes suppliciées – sur les pierres – cette terre noueuse propice aux racines et aux ensablements…

Le bras levé – glaive à la main – nous pourchassant – nous martyrisant…

Harcelés de toutes parts – sans jamais apercevoir la fin de la guerre – le parfum de la moindre victoire – pas même le signe d’un armistice provisoire…

 

 

Tout qui s’étiole – tout comme l’écume – nos différences et nos ressemblances…

Et cette étrange lumière sur nos cris – nos attaches – notre nudité…

Dieu – peut-être – parmi les rêves et les étoiles – presque rien – un espoir à peine – au-dessus de nos têtes sanguinolentes et fatiguées…

 

 

Des rencontres – au milieu du sable – la mer au loin – comme le ciel – une utopie – un infini hors de portée ; l’autre extrémité de notre visage – peut-être…

 

 

Au milieu de nous – nos propres œuvres – nos propres travaux – le monde tel que nous l’avons bâti – tel qu’il nous dévore…

 

 

Les ombres creuses – au-delà des abris communs – dans leurs tréfonds – nos propres profondeurs – semblables à toutes les autres – en nous – accessibles – escamotables – et que l’on s’échange comme des éléments sans importance – des fragments identitaires sans la moindre valeur – hautement substituables…

 

 

Un peu de ciel – comme l’ultime déploiement peut-être…

 

 

Du chaos dans le ciel projeté par les hommes – bouts de terre lancés en l’air pour donner l’impression d’une envergure plus vaste – aussi trompeuse que l’horizon sur lequel divaguent l’œil et le pied…

 

 

Tout s’éloigne – s’épuise – à l’infini…

Ce qui nous rattrape – sans précipitation – sans espoir – sans prévision – jusqu’à la potence – jusqu’au seuil de toutes les possibilités…

Le monde pourchassé par l’esprit – comme le dernier postulat avant l’abandon…

L’empreinte indélébile de l’invisible sur ce que nous appelons nos vies…

 

 

Le mystère – enfoui – dissimulé – à portée du monde – et que nous découvrons par fragment – par strate – ligne après ligne – éclat après éclat – comme des bouts de silence entrevus – et chichement amassés – et (presque) toujours de la plus inepte manière…

 

 

Tout ce bleu – au bord du monde – comme une promesse – le jour enfin ouvert ; Dieu à notre porte – derrière la nuit…

Les bras ouverts – au fond de notre peur…

Ce qui tremble lorsque les vents nous emportent…

 

 

Sous la pluie – les arbres et les hommes ; dans le rêve des Autres – blessés – écrasés – arrachés – comme des herbes trop dociles – trop fidèles à la terre ; et, hors des têtes, comme des broussailles patientes sous leur petit carré de ciel – qui attendent les fruits à venir – comme une promesse d’abondance – comme une fête – un festin – avant le grand silence…

 

 

Ce que l’on devine – immobile – au-dessus de notre tête – entre le songe et la pluie – ce que la mort ne peut entamer ; un peu de nudité – là où nous osons prêter le flanc…

 

 

Au seuil de l’attente – au grand jour – à présent – comme ce qui est vivant et qui cherche son essence – sa vérité – les plus belles couleurs de l’aube…

 

 

A la source du monde – ni Dieu – ni le langage ; l’Amour et le vent…

 

 

Des lèvres inventées pour le silence…

Des paupières fermées – aptes à découvrir la vérité…

Et, entre les tempes, cette cargaison de désirs et d’impatience qui nous fait chercher…

 

 

L’Amour que découvrent, peu à peu, nos mains fébriles…

L’aube dévorée par l’abondance et le langage – dévastée par la violence et le crime – réconciliée avec le monde – à la source des choses et des yeux – prémices du regard…

 

 

Ce que nous révèle l’écoute – le silence – l’inconnu ; la perte et l’amour (inconditionnel) de la forêt – le règne tardif de la solitude – la joie du jeu et de la nécessité – ce qui se soustrait et ce qui se résorbe – la lumière qui irradie celui qui se soumet à la volonté du monde – ces courants qui nous traversent – sous le joug mystérieux de la puissance amoureuse…

 

 

Une nuit sans issue – dans la tête…

Une aventure solitaire – sans distance – le nez sur le bitume qui a remplacé la terre…

 

 

L’âge de rien – ni celui de partir – ni celui d’arriver – tout juste bon à attendre – en rêvant – la fin du voyage…

 

 

Au cœur de l’Autre – la limite que nous avons repoussée…

La terre et le ciel vidés de leur substance – libérés de leurs images – trop humaines…

Quelque chose capable de rompre le temps – de peupler toutes les solitudes – d’ouvrir, une à une, toutes les portes du réel…

Ainsi – en nous – ce que l’ignorance a creusé – le monde et l’âme apparemment défigurés ; et le vide qu’il nous faut (ré)apprendre à habiter…

 

 

Des pierres dans les poches – à jeter sur toutes les idoles inventées – sur toutes les divinités imaginaires – pour les recouvrir (et les faire disparaître) sous des couches de réel ; des emblèmes – des symboles – engloutis au cœur de la matière – accumulée – emplis et entourés de vide…

 

 

Nous – d’infatigables marcheurs – dans ce rectangle trop étroit – le dos voûté par le poids du monde – par le poids des Autres – toutes ces âmes affamées – toutes ces bouches à nourrir – encore trop éloignés de l’alliance ; l’espérance du salut commun – portée par les mains jointes en prière – l’orgueil bien dressé dans la poussière – comme l’une des plus substantielles empreintes humaines – au même titre que l’ignorance – ce qui trône, en nous, de manière irréfutable ; le règne de la folie qui s’imagine pensée raisonnable – et notre impuissance légendaire comme une verrue hideuse sur notre visage (si) enfantin…

 

 

La même solitude et la même conscience – partout – camouflées – vivantes – déguisées en autant de visages que compte le réel – l’ensemble des mondes…

Ce que la mort retient de notre destinée – et ce qu’elle insuffle à la route à venir – ce qui revient – ce qui n’a su être accueilli…

 

 

Qu’attendons-nous sinon le retour du printemps – le ciel et le vent dans les feuillages – l’éternel beau temps – le même jour qui se répète et recommence…

Nous – rayonnants de nos anciens séjours – avec cet air serein – auréolés de lumière…

 

 

Au seuil des rêves – ce qui s’achève – notre parole maladroite – l’ultime pause avant l’hiver – peut-être…

D’une métamorphose à l’autre – comme si seules les saisons comptaient…

 

 

Le cœur vulnérable – l’âme trop timide – trop chaste – presque pudibonde – mal à l’aise face au vide et aux secrets dévoilés – face à la nudité de l’espace – inquiète d’avoir à envisager le pire – l’insoutenable – ce que nous offrira toujours le monde – assurément…

 

 

Des zébrures – un peu partout – comme disséminées ici et là – pour rendre incertaines les lignes et les frontières – comme une espérance – la possibilité d’un mélange – des hachures – quelque chose d’imprécis – comme un monde dessiné au cœur d’un autre – mille mondes en un seul – incroyablement changeants…

Des archipels dans l’âme – le ciel – des monceaux d’îles habitables – ce qui invite aux interrogations et au partage…

Un reste de blancheur et un ancien vertige – éclairés de l’intérieur…

 

 

Une barque sur un peu de sable – aux reflets variables – tantôt noirs – tantôt dorés – parfois blancs (trop rarement sans doute) – de la même couleur que l’âme et le ciel – à chaque fois – exactement…

Comme si nous vivions tous le même voyage – au cœur du même espace – dans cette illusion de la nuit et du châtiment…

 

 

Dans le creux parfait de la forêt – invisible depuis la terre où vivent – où passent – où meurent les hommes…

Au fond de notre jardin – là où la joie et la tendresse se fréquentent – là où la déception plie sous le poids de notre présence (involontaire) – là où nous exultons sans espoir – sans image – au cœur de la solitude – au cœur de l’inespéré qui retrouve (enfin) son vrai visage – celui qui nous semble le plus lointain – le plus étranger – celui qui nous est, en vérité, le plus proche – le plus familier…

 

 

Ce que l’on dure – quelques instants – la tête jamais couronnée…

Le soleil trop tardif sur nos dérisions…

Un peu de pardon et de rire – et un peu d’insolence aussi – au milieu des épreuves – au milieu des malheurs – au milieu de la foule – au milieu des visages – tristes – ignorants – agités…

 

 

Ce que nous nous éreintons à faire pour échapper au vide – aux apparences – et qui nous y soumet – et qui nous y ligote – avec une force implacable…

 

 

Le début de l’errance – encore trop lointain pour amorcer le voyage – cette longue marche vers la disparition…

De cavité en cavité jusqu’à l’espace originel – jusqu’à la grotte matricielle qui enfanta le monde – les pierres ; l’antre de l’aube…

Et nous autres – qui regardons la lumière derrière les grilles que nous avons inventées – les yeux fébriles et les mains saisissantes – l’âme désarçonnée par les ombres et les aléas du temps…

 

 

Nous – nous éloignant des constellations humaines – ces images – ces bouts d’étoiles collés ensemble pour former une étrange cosmogonie dont chacun serait le centre fallacieux…

L’espace muet – impassible – devant nos bavardages – devant nos gesticulations…

 

 

L’éclat des yeux face au sommeil – aux offenses – le monde blessé à mort…

Et ce rire – et ce silence – comme l’unique réalité – le seul visage possible au milieu du chaos apparent…

 

 

Ce qui se dresse au milieu de l’esquisse…

Le monde – à travers quelques grilles – des taches de couleur derrière les barreaux…

Notre rencontre avec ce qui se rapproche – ce qui s’éloigne – ce qui s’efface et disparaît…

Ce qui – en nous – veille – parmi les yeux tristes – ce qui scrute la beauté dissimulée au fond des choses – derrière les visages – la vérité mystérieuse – insaisissable – au milieu des apparences…

 

 

Nous – au milieu des ombres et des offenses – le monde entravé – comme toutes les âmes de passage – rassemblées inconsciemment autour du vide – en silence – vibrant avec les sons – anesthésiées par la peur de l’abîme…

 

 

Le sable – sous nos pieds – désarmés devant la roche – les hommes en plein froid – dans le long sillage des nuits successives – comme de minuscules navires au milieu des eaux sombres – errant, en quelque sorte, dans les mille sillons tracés par les anciens ; des milliards de générations livrées à à l’ignorance et à la sauvagerie – sous un soleil trop lointain pour éclairer (et réchauffer) le cœur – l’esprit – le chemin…

 

 

Les jambes déjà ailleurs – la tête envahie – le cœur explosé – bien avant le grand âge – avec nos yeux et nos gestes inutiles – l’haleine chargée par des siècles de soif et d’errance…

 

 

Au bout d’une jetée qui ne mène nulle part – guère plus loin que le pas suivant (il faut s’y attendre) – et que l’on retarde (vainement) pour échapper à la chute…

La carcasse mutilée – sur le point de dépérir sous le regard (impavide) des Autres…

La nuit autour du cou – comme une corde féroce et inappropriée – imaginaire – au cœur de cette apocalypse que nous ont promis tous les prophètes…

 

 

Dans l’âme – en tête – le silence et le sang – presque à parts égales – ce qui nous fragilise et ce qui nous édifie (et nous redresse parfois) – quelque chose qui échappe à la volonté – comme une génétique de l’invisible et des profondeurs – les soubassements de la matière vivante – foncièrement vivace et expressive – en nous…

Le jour à rebours jusqu’à la transparence – jusqu’à la disparition…

 

 

Lorsque les mots décrivent le désert et qualifient la soif ; et lorsqu’ils deviennent eau – invitation (et initiation quelques fois) à l’assouvissement – au franchissement des obstacles et des frontières…

 

 

Des oiseaux – dans notre impatience – très haut – si haut que leur vol est imperceptible – et qui jettent dans notre sang le désir d’une arche moins cruelle – d’un ciel plus flamboyant ; quelque chose, en nous, d’incroyablement tenace – comme une obstination – une certitude irrécusable…

 

 

Ce qui, en nous, naît des tripes – toutes les faims qui nous étreignent et nous asservissent ; les ténèbres – dans l’âme – peu à peu consolidées…

Un peu de chair – entre les dents – de la matière – mille choses invisibles – dans l’espace – dans l’esprit…

Le monde – des bouches goulues – des ventres avides – des cœurs voraces ; la nuit insatiable…

 

 

La fragilité du feu sur l’immensité…

Et nous qui patientons docilement devant chaque porte – qui nous présentons selon la bienséance des lieux et de l’époque – qui n’osons jamais bousculer les lois et les usages – qui contemplons de nos yeux usés – et immergés dans les eaux sombres – les archipels trop lointains du silence – de la sagesse – de la félicité…

 

 

Des jeux bien pardonnables au milieu de la détresse – les terres enjolivées de la destruction – presque amusants depuis les hauteurs – si intrusifs – si tragiques – si désolants – lorsqu’ils rongent et déchiquettent la chair…

 

 

Le sang du monde versé – goutte après goutte – à travers la longue chaîne ininterrompue des esclaves – fers aux pieds…

Tous les alphabets de la terre et du ciel pour décrire le réel et l’imaginaire – tous nos enfantillages – les armures et le silence – la souffrance que l’on tente de parcourir d’une seule traite – la force d’enjamber les obstacles et d’éviter les catastrophes…

 

 

Nous – tout un peuple – en transhumance…

Sur les routes – par grappes – par paquets…

Sous les ordres des maréchaux et des rois fainéants…

Dans nos petits souliers et la poigne de la morale collective…

Le cœur (presque) joyeux – inconscient – vers l’abattoir – vers le mausolée…

Nos pas au milieu des Autres – toutes nos marches rituelles – vers la mort…

 

 

Et notre préhistoire qui dure encore – et qui durera jusqu’à la dernière goutte de sang versée sur la pierre – l’ouverture des remparts – des donjons et des cœurs – la peur exposée – et arpentée jusqu’à la source – avant l’aube et les grands soirs miraculeux…

Les corps perdus – la contrepartie de toutes les rançons exigées – ce que l’on échangera contre l’ignorance et la frénésie – l’incertitude contre l’inexactitude – le rôle du soleil et du vertige dans nos vies (misérables) – l’âme vivante affranchie du règne des choses…

 

 

Entre l’étoile et le pétale – l’homme et l’arbre – presque identiques – les pieds dans la terre – la tête au-dessus – un peu plus haut – qui sent l’air et le ciel – le vent enfanté plus loin – presque ailleurs – au large – en des lieux qui leur resteront (à jamais) inconnus…

A se consoler dans les bras des Autres – à se projeter dans un ciel rêvé (totalement imaginaire) – à prendre appui (avec trop d’ostentation) sur un sol instable – à s’enorgueillir de son appartenance – de son ascendance généalogique (plus ou moins prestigieuse) – le visage si naïf – et, au-dedans, cette tristesse – comme un hiver permanent – le déploiement de l’incompréhension – et dans le cœur – ce grand feu – ces flammes perpétuelles qui consument la chair et la possibilité du salut à travers l’avènement de l’invisible…

Notre vie en désordre – à cor et à cri…

Parmi les pierres et les chiens qui hurlent…

 

 

Sans le monde ; rien qu’un œil – l’âme exsangue – la chair dépouillée – nu et sans couronne – du vent – comme des bras – qui renvoie aux visages leurs reflets…

Nous-même(s) – trop lointain(s) – sur une surface aux couleurs (trop) sinistrement terrestres – noir et rouge – comme ce qui nous traverse – comme ce qui coule en nous – qui colorent notre corps et notre tête – qui imbibent notre cœur de leurs limites et de leurs poisons…

 

 

Nous – face à la beauté du monde – la bave aux lèvres – la sève bouillonnante – comme si nous étions les enfants de la terre et du soleil – englués dans le déchaînement des forces naturelles – spontanément – sans le moindre rituel – sans la moindre incantation…

Le roc et la chair blessée – fragile…

La folie des vivants – happés par la violence – face au mystère…

La bêtise punaisée sur le front et l’infamie qui colle à la peau…

Dans la tête – mille volcans et la plaine tranquille et secrète où se cachent les Dieux – à l’écart des choses humaines…

 

 

Messager d’un temps qui n’existe plus – d’un temps sans naissance – sans durée – un lieu plus exactement où l’on célèbre le rire et la simplicité – un espace de joie et d’apothéose – sans le moindre artifice – sans la moindre construction – où la pente est si glissante que rien ne peut y demeurer – où tout finit implacablement par disparaître dans le ventre énorme de l’ogre à la figure indéfinissable – aux manières innocentes – au sourire un peu sauvage – à l’existence et aux mœurs étranges – hors du commun…

 

 

Entre nous – le silence – l’espace – l’infini ; presque rien – comme une continuité disjointe par la distance à laquelle nous nous tenons les uns des autres – par les frontières inutiles et imaginaires qu’impose l’esprit…

Les bras tendus devant nous et notre âme, si frileuse, recroquevillée derrière…

Les bras devant soi – par peur – face à l’incertitude…

Les bras en croix – en prière – comme une espérance – une manière d’offrir sa faiblesse et son innocence…

A genoux – au fil des circonstances…

Le grand vent – partout – sur la misère et l’intelligence…

 

 

Le grand vide avant et après ; et au milieu – la guerre et le tohu-bohu – l’absence et la raison (apparente) – les impédiments et le faix de l’esprit – et le cœur toujours trop lointain…

Cette danse étrange à laquelle nous refusons de participer…

 

 

A courir toujours derrière la même étoile – l’illusion d’une présence dans l’obscurité – comme une lampe – une chandelle – au-dessus de nos têtes – au milieu de la nuit éternelle…

 

 

Des blocs d’ignorance que rien ne peut entamer – que rien ne peut effriter – que rien ne peut érafler ; prisonniers d’un monde sans lumière – sans espoir – profondément insensibles aux blessures de l’âme et de la chair – avec sur la peau et sous le front – des croûtes et des plaies – l’œuvre des Autres mêlée à sa propre besogne – toutes les blessures autorisées (et encouragées) par les Dieux – au nom de l’intelligence et de la sensibilité – pour satisfaire en chacun un désir (parfois inconscient) de vie plus dense – plus légère – plus intense – plus joyeuse et authentique…

 

 

Loin de tout – et de nous-même(s) – en particulier…

Seul(s) – comme si Dieu nous accompagnait – devenait l’avant-plan – l’accueil – les bras ouverts – les bras aimants – malgré la bêtise et la violence alentour…

 

 

Avec les mots – les choses qui nous emportent…

Le jour – sans raison – sans responsabilité – sans témoignage…

Ce que fabrique – naturellement – la main de l’homme…

 

 

Les ombres qui se dressent…

L’attention nue – insensible aux spectacles…

Nos tenues dépareillées…

Le travail – noir – laborieux – de la terre…

Les basses besognes de l’homme…

L’alignement parfait des rêves…

L’ordre précis et changeant du monde…

Notre manière – avant tout – de faire alliance…

Puis, un jour, sans surprise – le regard aimant et la vie miraculeuse…

 

 

Ce qui entaille le cœur – jusqu’à l’essence – jusqu’au silence – par-delà la douleur et la mort…

 

 

Le même jour – ici et là – sur toutes les routes – pente ou sente d’un instant – avec au-dedans – alentour – toutes les bêtes féroces de la nuit…

 

 

La pierre incarnée – jusque dans les bras du ciel – les paumes jointes du silence…

La bouche d’abord craintive – intimidée – puis grimaçante – qui, peu à peu, s’habitue et se détend – la tête qui quitte la scène et le monde des représentations…

La chair devenant bois, puis fer, puis terre rocheuse – socle et condition de la transfiguration…

L’intimité, sans doute, la plus haute – la plus sacrée…

 

 

Dieu – à notre table – dans nos gestes – dans nos mains – dans nos lignes – jouant avec les ombres de l’âme – dévalant et escaladant la lumière à même la chair – à même l’esprit – trempant ses doigts dans l’encre de notre feutre – insufflant la puissance et le vide entre les mots que le vent fait tomber des hauteurs…

 

 

Le monde grimaçant – orgueilleux – sans noblesse – sur la pierre – la neige – la lumière lointaine…

L’heure propice au règne de la matière – avant et après – des siècles de silence – la sagesse – la terre immobile – ce qui ne peut advenir au cœur de l’absence…

 

 

Le cœur encore trop pâle – encore trop étroit...

Le jour encore trop blanc – les âmes qui fouillent – engluées dans l’opacité – inefficaces – fébriles – sans sérénité…

 

 

Sur cette pierre – entre le soleil et la tombe – la mort incomprise – ignorée – la tête dans les mains – à rire – à rêver – à pleurer – à vivre sans jamais renoncer au sommeil…

 

 

Ni terre – ni regard – seul – et que le vent emporte – malmène – invite à l’abandon – contraint au mélange – pour restaurer le corps épris – les lèvres amoureuses – lové contre le silence…

Des fiançailles à hauteur de ciel…

L’attention seigneuriale et le geste ancillaire…

La chair retrouvant son origine…

Le sol se hissant jusqu’à Dieu…

L’Amour s’agenouillant au plus bas…

 

 

Tant de merveilles vues – éprouvées – exprimées – ici et là – dans le monde – la vie – les livres…

Comme une voile qui nous mènerait vers le large – l’horizon pélagique – l’immensité océane…

 

 

Le sang côtoyant le jour – et le bleu qui, peu à peu, circule dans nos veines ; le cœur devenant ailes et âme…

 

 

A l’envers du temps – ce que Dieu et l’Amour ont dissimulé – la posture la plus haute – la plus belle perspective (pour l’homme) – la confiance et l’humilité – la tendresse et la force – le sommeil disparu – comme effacé ; ce qu’ensemble nous pouvons sentir – le ciel bien davantage qu’effleuré…

 

 

L’eau glacée du monde qui coule sur notre échine – de haut en bas – de l’intérieur – comme si le sommeil était confié au vent – comme si la vie reposait sur les vagues et l’écume de l’océan – comme s’il fallait marcher ensemble pour se réchauffer – devenir ce que nous essayons vainement de fuir – ce visage – cet espace – ce silence – à la merci des ombres…

Un peu d’éternité offerte à ce qui vit sur la pierre…

 

 

Les mains posées sur les obstacles – ce qui nous hante – ce qui glisse ailleurs lorsque l’on tente de le saisir…

Une oreille parmi d’autres…

Des yeux sans lassitude – face au néant…

La même absence – quel que soit l’âge…

Dieu nous initiant…

 

 

L’envergure éparpillée – le vertige central – à la manière dont une douleur nous saisit – à la manière dont on s’acquitte d’une tâche – avec aisance et naturel – très terrestrement…

 

 

Le ciel – dans nos gestes – à l’aube naissante…

Le vide soutenant l’intérieur – l’œil illustre au centre de notre absence (consciente et volontaire) – dans nos abîmes et notre néant – sans cesse réinventé – jusque dans la détresse et la mort – célébrées – et dont on peut se libérer en un instant – aussitôt franchi le seuil du premier cercle…

 

 

Rien d’absurde – en ce monde – sinon, peut-être, notre ignorance obstinée – comme le fruit rudimentaire de l’infini et de la glaise – cet espace s’essayant à la gesticulation – comme un jeu d’interpénétration ; une manière d’apprivoiser la matière et d’approcher Dieu par son versant le plus sombre – le plus grossier – le plus triste et le plus rebutant – l’âme voilée qui dissimule maladroitement l’une de ses figures les plus intimes – les plus fragiles – et les plus corrompues, sans doute…

 

 

Le néant – à travers les âges – de la pierre aux nuées – sans usure – intact malgré la nuit – la douleur – la lumière…

 

 

Le vide et son absence ; les seules choses à vivre – à comprendre – peut-être…

 

 

Le ciel sous le front – à l’étroit – bancal – incliné – qui cherche au-dedans l’espace nécessaire…

 

 

Dans les yeux – tous les astres – tous les voiles – de la lumière déguisée et des falbalas…

 

 

La nuit consolante – ce qui séduit le cœur et la chair malmenés…

La faim qui roule sur le côté et le gouffre devant les yeux…

Le ciel partout – et l’âme lourde qui cherche un chemin…

 

 

La ruse dans le sang – bien avant la naissance – depuis que le jour est descendu sur terre – depuis que le silence a fait vœu de multitude…

 

 

Ce que l’on érige au lieu d’effacer ; l’indigence et l’azur – étrangement alignés…

Notre colère et notre bonne conscience…

Des interrogations – par milliers – et quelques maîtres (passables et provisoires)…

Le désir d’une parole libératrice – d’une existence libre – d’un verbe parfaitement incarné…

L’urgence oubliée – au cœur de l’homme…

 

 

Ce qui déferle et ce que nous évitons – la tête derrière la vitre – dans cette tanière – cet abri de verre – ce refuge de glace ; quelque chose de froid – pas même un miroir pour l’Autre – des yeux indifférents – des yeux moqueurs – des yeux qui jugent – toujours lointains – désengagés – à mille lieues du regard témoin

 

28 septembre 2020

Carnet n°246 Notes journalières

La lumière et l’épuisement – le monde à genoux – ce désir si puissant de solitude et d’élévation…

Penché sur nous – sur eux – l’Amour – comme un visage rayonnant sur l’inconnu – le plus familier – de l’aube au couchant – dans la plus grande fidélité et la plus parfaite obéissance…

 

 

Le grain levé – sur les murs – nos visages – ces portraits colorés – des larmes et des poings – des gestes et un peu de langage – avec, au milieu, ce grand trou – dans la poitrine – à la place du cœur…

 

 

Rien ne demeure – tout – comme l’eau – avec nos larmes – qui coule – s’écoule…

Mille voyages jusqu’à la mort – et au-delà – tout qui continue ou recommence…

 

 

Le feu et les ruines – ce qui doit advenir – la concrétisation – la continuité – le prolongement de tous nos désirs – de tous nos efforts…

 

 

Nous – hurlant sur la transparence ; rien – personne – nous-même(s) – peut-être…

 

 

Le long du vent – avec des noms plein la bouche et des bruits plein les oreilles…

Notre humanité et notre mélancolie – les lèvres entrouvertes – offertes – comme si notre intimité n’existait qu’au cœur de la soif – avec nos rêves – toutes nos chimères – involontaires – si incertaines (et que nos croyances et notre espérance rendent, pourtant, si réelles)…

 

 

La solitude – au-dedans – au-dehors – partout – aussi incomprise et peuplée…

Le monde d’avant – le monde d’après – et ceux qui ne nous reconnaîtront pas…

Un visage – une innocence – affranchis des Autres – libérés des bannières brandies ici et là par tous les adeptes et la plupart des postulants…

Rien que des murs – hauts et infranchissables – et mille portes fermées…

Rien que notre solitude qui cherche celle des Autres – pour réunir (en vain) nos incomplétudes – rendre plus vivables nos absences…

 

 

La certitude de n’être personne…

L’impossibilité du devenir…

La découverte de l’invisible – l’apprentissage de l’effacement…

Se faire, peu à peu, l’auxiliaire du vent et du silence…

 

 

L’heure parsemée de jour – l’oubli écartelé entre la solitude et la possibilité du monde…

Nous – derrière ce que nous croyons avoir construit – l’illusion du désir – le ciel plus puissant que nos ambitions ; et ce que nous abandonnons à l’absurdité des pas trop volontaires…

 

 

Ce que nous pourchassons sous le sommeil – derrière les rêves – au-delà des îles – aux confins de la nuit solitaire ; le monde entre terre et ciel – l’incroyable retournement du temps…

 

 

Le vent et le regard – souverains – nous libérant…

La parole délaissée au profit du silence…

Ce qui bouge avec les feuilles – ce qui disparaît – englouti par le cours (inéluctable) des choses ; nos ailes – et tout ce sable dans notre bouche – sous nos pieds – dans notre sang…

Notre tragédie – nos insignifiances – parmi tous les spectacles du monde…

 

 

Comme une fièvre dans notre solitude – une manière de se réfugier dans la forêt – pour se rejoindre – retrouver, en nous, ce qui a été oublié ou perdu ; cette corde des hauteurs qui nous offre l’occasion de nous balancer au-dessus du monde – au-dessus de toutes ces têtes penchées – front au sol et yeux en l’air…

 

 

Des alphabets trop peu téméraires pour accéder à la vérité – un outil dont nous faisons (presque toujours) mauvais usage – comme si nos existences – nos histoires – nos affronts – nos conquêtes – avaient la moindre importance dans le règne du plus essentiel…

 

 

Seul – comme un radeau à la dérive sur les eaux vives – sur les eaux grises – du monde – des apparences…

Le cœur sous cloche au lieu de libérer le chant – le rire – la lumière prisonnière au fond de l’âme – au fond des ténèbres…

 

 

Dans le cœur de personne – la solitude parfaite – idéale – souveraine – comme un règne – la seule loi possible – le seul parti envisageable – notre autre moitié, en vérité – bien au-delà des rêves et des étoiles – bien au-delà des ruines qui nous entourent – ce que sont devenus les édifices que nous avons construits ; le fruit de nos désirs et de nos ambitions – corrompus et obsolètes…

 

 

Seul – dans les prémices de l’aurore – comme autrefois – dans la fange – le monde sur nos épaules – en vrac – comme un tas de ruines branlantes ; seul encore – au milieu des naufrages – parmi toutes les bouées lancées depuis l’esprit – depuis le rivage – aussi inutiles que toutes nos gesticulations pour retarder la noyade et l’engloutissement…

 

 

La solitude – métamorphosée en ondes – en caresses – inexistante – impossible – à vrai dire – notre immersion parmi tout – le tout au-dedans de nous – chair – sang et tête – tous les visages de la terre – la matière lovée en elle – secouée si souvent – et que l’on saccage – et que l’on arrache – et que l’on éparpille – dans la croyance d’une appropriation ou d’une amélioration possible – comme si les états et les combinaisons étaient soumis à une hiérarchie – à une forme de construction inepte ; en vérité, le reflet parfait du réel – de notre confusion…

 

 

Seul(s) – dans l’herbe des illusions – sous le ciel chimérique – parmi les Autres qui n’existent pas…

 

 

Au doigt – l’alliance de l’étrangeté – entre le réel et l’invisible…

Les mains à tripoter toutes les serrures – tous les cadenas – à s’initier à la rébellion et à la liberté – gesticulant comme les pas qui piétinent – comme les têtes qui cherchent à droite et à gauche – comme les âmes qui piaffent d’impatience – à effeuiller le monde – à fouiller – à creuser – tous les sols – tous les trous – pour dénicher un peu de lumière – ou, à défaut, un peu d’espoir – un peu de consolation…

 

 

Dans nos doigts – cette lumière d’automne – l’esprit et le cœur encore au printemps – et l’âme – seule – heureuse – obstinée – au milieu de l’hiver ; hormis l’été, toutes les saisons auront été le lieu de notre joie…

 

 

Au milieu d’un tourbillon de désirs – la chair vive – bientôt agonisante – bientôt décomposée…

Des gestes – des maux – des joies – ce à quoi nous nous acharnons – l’âme audacieuse (parfois) et le ciel (toujours aussi) joueur…

Et nous autres dans la paume des Dieux qui, d’une main, nous tiennent – et, de l’autre, lancent les dés…

 

 

L’espace – la neige – le feu – notre âme – la solitude et la douleur ; les conditions naturelles de notre émergence – de notre voyage – de l’origine à l’origine en passant par le monde et la terre – ce lieu de passage (ce lieu de presque tous les passages)…

 

 

Nous – grave(s) et gravitant – soumis à toutes les formes d’attraction et de pesanteur. Si étranger(s) à la légèreté des fleurs et du pollen – à l’insouciance de leur périple…

Au-dedans – ce cœur de pierre – cette ossature de glaise – et, dans nos mains, ce miroir tendu au vent – et, entre les lèvres, cette haleine d’ailleurs – du ciel – de ce lieu des hauteurs – qui s’épaissit en nous traversant – qui devient aussi lourde que la terre – aussi dense que nos tourments – que tous nos malheurs accumulés…

 

 

Derrière les barreaux de la cécité – le monde – les choses enchevêtrées – ordures et merveilles – plomb et paillettes – ce sur quoi nous vivons – ce que nous ingurgitons – ce sous quoi nous serons, un jour, enterrés ; partout – toujours – la même matière…

 

 

Notre fausse identité – cette ombre plastifiée – recto-verso – que l’on présente – que l’on affiche – que l’on dresse ou cache – selon les cas – lorsque l’on nous interpelle ; ce visage provisoire et solitaire que l’on affuble de tous les noms…

 

 

Libre – au détriment de rien – comme un surcroît de vie et de possibilités – l’esprit au-dessus de la matière – privilège (rare) de ceux qui se sont pleinement immergés dans l’incarnation et qui sont parvenus à accepter (parfaitement) leurs limites naturelles…

 

 

La nuit – tout autour – comme les Autres – le même visage peut-être – de la même espèce sûrement – comme le prolongement du reste – de ce qui s’est perdu – et abîmé – en tentatives…

 

 

Nous – dans le chant du jour – l’archipel aux mille rivages ; ce que l’on entend au milieu des cris – ce que l’on attend au milieu du sommeil – une barque – de l’eau – et ces courants qui nous portent vers l’origine – vers ce non-lieu de l’enfantement – l’espace matriciel – l’Ithaque premier…

 

 

Ici – partout – la plénitude – ce qui nous hante et nous harcèle…

Ailleurs – rien – un peu d’espérance seulement – le plus inutile de ce monde…

 

 

L’espace prolongé – comme le temps ; ce qui souligne notre cécité et notre ignorance…

 

 

La distance qui nous sépare de l’être ; un pas – un abîme – des années-lumière – exactement le même enfer – comme un léger glissement du centre vers la périphérie…

L’œil rouge et la pupille dilatée à force de larmes – d’hallucinations – de poussière et d’obscurité…

Un long voyage à travers la nuit – les lèvres entrouvertes – et le cœur déjà posé plus loin – un peu à l’écart du monde…

 

 

Le jour – la nuit – ce qui est par nécessité – par sophistication du plus naturel ; comme le prolongement visible – palpable – matériel – du silence…

 

 

L’homme – ni au-dessus – ni en dessous – un parmi les Autres – quelques gouttes de rosée sur la plaine immense – imperceptible depuis l’espace (excepté ce qui s’apparente à la lumière)…

 

 

On se guette – on se rencontre – on s’engloutit ; et au terme du festin – il ne reste plus rien ; l’espace nu et dépeuplé – le vide – le blanc – la transparence – la présence – l’espace vivant qui accueille toutes les naissances – toutes les danses – la magie et le miracle des phénomènes…

Le roc invisible des mondes…

 

 

Des chemins – des destins – qui se croisent – des mains qui se tendent – qui repoussent – qui s’éloignent…

Dans l’œil, les possibles et le goût de l’aventure – comme un souffle qui initie tous les élans – un engouement pour tout ce qui a des airs d’ailleurs – cette faim de soi convertie à toutes les choses – des envies de parcelles infinies – des bras chargés de rêves et de blé…

Et partout – diffuse et envoûtante – l’odeur mystérieuse de l’océan – et son attrait démultiplié dans l’obscurité…

Cette longue marche à tâtons – au milieu des siens – au milieu de soi – nous-même(s) – partout – avec ce corps incroyable et démesuré…

 

 

Nous – nous reposant au milieu de la nuit – au fond de l’abîme – au cœur de notre âme – peut-être…

L’envergure du monde dans le corps – avec des chocs – des ondes – des tremblements – ce qui tente de se révéler – de nous éveiller – de jaillir de ces eaux sombres – de ces lieux noirâtres et angoissants…

 

 

La nuit démesurée – au milieu des ombres – le silence dans notre chambre – le feu – ce qui échappe aux hauteurs – la mort comme éternelle récurrence – la tête parmi trop de rêves et de visages – ce que les hommes édifient – ce que nous construisons pendant notre sommeil…

D’une extrémité à l’autre de l’exil – l’absence…

 

 

Nous – dans le cercle de poussière – vaillants – bruyants – conquérants – à la manière des gladiateurs…

Des armes – des outils – de nouveaux horizons peut-être ; tous les combats à mener – les uns après les autres…

Les luttes – la fatigue – les cris et les baisers de la foule alentour…

Et tous nos continents submergés par la ruse – le pouvoir – la corruption…

A mille lieues de l’Amour – à mille lieues du silence…

 

 

Absent – comme dans le feu et le vent – comme si le réel était ailleurs…

Tout – dans l’imaginaire – le monde et le ciel – les visages et la neige – cet épais tapis de pierres et de sable – les yeux dans l’herbe et la poussière qui regardent plus haut – les âmes fragiles et délicates qui tentent de se hisser sur la berge des Dieux – des bouches qui épellent le nom de toutes les choses – la fatigue dans les bras – les jambes lourdes – le corps harassé – titubant – familier des marches interminables – de l’usure à l’excès – la chair et les os – l’invisible et l’esprit – rassemblés dans la même foulée – tendus vers le même espace – ce lieu de silence et de révélation – ce que les hommes, dans leur ignorance, appellent le salut – parfois le paradis – la simple continuité des choses – une modeste étape – en réalité – dans ce qui ressemble à un voyage – un point – une escale provisoire dans ce qui n’aura (jamais) de fin…

Notre apparence (mille fois – dix mille fois – des milliards de fois – changeante) et le cœur de ce que nous sommes – essentiellement…

 

 

L’espace submergé par les eaux et la fumée – trahi par le monde – sa propre création – les têtes parmi les flammes et les vagues – les âmes asphyxiées – les corps brûlés et emportés plus loin – partout des ruines et des larmes…

La nuit qu’il (nous) faut affronter…

La joie et les rires repliés au fond de la poitrine – en attendant le jour – l’annonce des saisons nouvelles – une ère terrestre plus apaisée…

 

 

Au-dedans même de la plaie – les doigts – la joie et la guérison qui adviendront lorsque la blessure nous aura recouvert(s) – nous aura (totalement) englouti(s)…

 

 

Sous les frondaisons – le front humble ; le monde et la feuille réunis – la main sur la page qui trace ses lettres de feu – la mort et la vie (étroitement) entrelacées dans le trait esquissé par le feutre noir…

Le cœur – presque toujours – au milieu de l’incendie…

 

 

L’hiver – comme un fil – un lieu – notre manière de vivre et d’être au monde – quelque chose de froid et de solitaire – comme une désolation apparente ; la grandeur – la beauté et l’émerveillement – plus intérieurs – presque cachés – presque secrets – sous le prodige de la neige ; l’innocence des gestes – la lenteur et l’immobilité souveraine – l’expérience de l’être et de l’Autre – sous la longue traîne des vertus naturelles que nous portons, en toute saison, sur l’incroyable – sur l’interminable – chemin…

 

 

Des fleurs dans les mains – le baiser des Dieux – offerts à ceux qui naissent – à ceux qui passent…

Et dans le cœur – tous les fils emmêlés…

L’âme nue sur la peau découverte…

Dans les profondeurs d’un destin apparent…

La terre – le ciel – sans légende…

 

 

Sous les paupières – ces mondes anciens – ces Dieux dépravés – ces pans de ciel caduques – l’exaltation de tous les ailleurs – la frilosité qui interdit le franchissement des seuils – des frontières – la fidélité aux territoires – au périmètre autorisé…

L’enfance de l’homme – craintive – sur la pointe des pieds – dans la fausse légèreté de l’âme – comme une absence…

 

 

Des radeaux à la dérive – des couvre-chefs qui se croisent et se saluent…

Le monde à l’air vicié – sans racine – aux horizons circonscrits…

La vie – comme un chemin d’habitude – les fers aux pieds – et ces lourdes chaînes que l’on traîne derrière soi comme de pitoyables prisonniers…

 

 

Dans les jardins – sur l’échafaud – en tous ces lieux confondus – notre fierté et notre modestie – notre vrai visage et toutes nos identités – mélangés – sens dessus dessous – la tête à l’envers et tous les versants renversés…

Et au-dessus du désordre – le regard qui s’interroge…

 

 

A marcher discrètement – au bord de la mort – sur les pourtours sans fin du vide – l’abîme partout – au-dehors et au-dedans – de part et d’autre du front – ici et là-bas – où que nous soyons – où que nous allions – l’épouvante – la condamnation – l’abandon et la liberté – le soleil – le monde – qui s’éloignent – l’aube qui jaillit du secret découvert – la vie – notre cœur sur tous les autels – ce qui, en nous, se dresse comme la seule réponse…

 

 

Le blanc des masques devant les visages – et cette indolence à se reconnaître – à dévoiler le plus précieux sous le plus grossier – le plus fragile – le plus repoussant…

Notre histoire à tous – l’âme et le cahier (le livre des confidences) grands ouverts – malgré notre pudeur – ce que nous croyons être nos singularités…

 

 

Nos silhouettes qui se redressent pour apercevoir la tête sur l’échafaud ; et notre étonnement – notre sidération – soudain à reconnaître la nôtre sous le couperet – puis roulant vers le petit panier de la mort…

 

 

La peau rougie par tous les fouets du monde – la chair lacérée – entaillée ; des marques – des sillons – larges et profonds – laissés par la violence – les moqueries – l’indifférence – des Autres – blessé jusqu’au cœur – jusque dans les tréfonds de l’âme…

La tête basse – le cou dans les épaules – les yeux qui se baissent – qui se détournent – qui pénètrent les terres de l’intériorité – qui découvrent la solitude – l’exil et l’anonymat sur les rives les plus lointaines…

Toutes les illusions perdues – autant que l’espérance…

L’empreinte tenace – indélébile – du passé sur notre figure présente…

 

 

Une île au fond de chaque phrase – une terre à rejoindre – une terre où se perdre – une terre pliée en quatre au cœur de l’abondance – au cœur des mots prolifiques ; une manière de faire entendre le secret – le silence – au milieu du bruit et des apparences ; le vide – l’espace – le plus rien – le plus sacré – au cœur de ce qui ressemble à une forêt de signes – à mille broussailles impénétrables – à un rempart d’herbes folles et sauvages…

 

 

La soif – étalée devant nous – comme une flaque – un lac – asséchés – vestige d’une âpre bataille – autrefois océan de larmes et de feu – étendue arrachée aux naufrages et aux malheurs…

A présent – soleil et ferveur d’automne – souffle et couronne sans intention – libre d’aller ou de demeurer – affranchi des routes et du voyage…

Le cœur frémissant – couleur de ciel – couleur de joie…

 

 

L’étrangeté invisible installée au fond de l’esprit – en bonne place – aux côtés du monde – des Autres – de la folie…

Les tyrans – devant nous – au milieu du sommeil – comme dans une boîte – rangée parmi d’autres boîtes au contenu surprenant ; et le lieu – et le possesseur – de la clé – de toutes les clés de toutes les boîtes – de toutes les chambres – de toutes les pièces de l’esprit – inconnus – disparus – oubliés – enterrés peut-être…

 

 

Notre voix – celle qui jaillit – celle qui serpente – celle qui trouve sa couleur et sa texture sur le blanc de la page – comme une trouée – une percée – un tunnel – dans un foisonnement de signes ; des bruits feutrés – comme étouffés par le tapis des mots – par le tapis de feuilles – sur lequel marche toute tentative poétique – l’élan de Dieu à travers notre main – peut-être…

Qui sait à qui appartient le feutre qui abandonne ses traits – noirs et sans élégance – sur l’étendue quadrillée…

 

 

Autour de nous – les mêmes apparences – ce que les yeux opiniâtres ont réussi à percer – et cette fumée – à présent – comme un brouillard – née de cet immense feu d’images et d’illusions – et qui brûlent encore – et qui brûleront toujours – comme si pour vivre, il fallait incendier le monde et l’esprit – tout enflammer jusqu’à l’incandescence – jusqu’à l’invisibilité – jusqu’aux dernières traces de souillure…

 

 

Nos pas dans ceux des Autres – des mots – des lignes – que l’on reprend – que l’on prolonge – que l’on réinvente avec sa petite musique à soi

Des milliers de pages aujourd’hui…

 

 

Jusqu’au bout du vol – jusqu’à l’épuisement…

Déjà dans la tristesse du jour suivant…

Les mots – comme une danse – en soi – avec le monde et les choses – une étreinte de l’invisible qui serre l’âme avec tant de force que toutes les peurs se dissipent – que le langage s’éveille de son mutisme pour jaillir et s’élancer dans un tourbillon d’allégresse…

 

 

La vérité qui brûle – avec nous – dans le feu…

Le jour d’après – les cendres – et nous – et elle – renaissants – incandescents – nous consumant déjà au milieu d’autres flammes…

 

 

Dans le cœur – ces nuages gris et épais – stationnaires – aussi étranges que le ciel invisible au-dessus – et que la terre – ces lieux criards et gémissants – en dessous…

 

 

Nous – sans le même visage – avec tous les visages différents – nous éveillant, peu à peu, au réel – aux dimensions multiples et changeantes du réel…

 

 

Dans notre tête – dans nos mains – les mêmes habitudes – mille tâches inachevées…

 

 

Naufragé(s) d’un monde qui n’existe pas…

Chercheur(s) d’une terre improbable…

Au milieu des choses – au milieu du ciel – pourtant…

Nous vivons à la manière des enfants sauvages – aux lisières d’une réalité introuvable – mystérieuse – inexpliquée…

 

 

La tête ailleurs – dans nos ténèbres fabuleuses et inventées – les pieds dans la glaise – et l’âme souillée par le suintement fétide des idées qui débordent de leur vasque étroite…

Nous – parmi ces choses – ne comprenant pas qui nous sommes – ne comprenant pas même ce que nous faisons…

 

 

Le jour – entre nous – écartelé…

La pensée qui tournoie et se cogne – qui abuse l’esprit – et donne à l’homme – partout – le même visage…

 

 

Le cœur – de moins en moins épais – de moins en moins chair – qui s’allège et s’élargit…

 

 

Le monde – autour de soi – comme une étrange (et lointaine) compagnie – de moins en moins nécessaire…

 

 

Ce que nous pourchassons – ce à quoi nous nous éreintons avant d’habiter l’espace – cette aire-réceptacle de la matière…

A mesure que nous nous rejoignons…

 

 

Le jour qui se lève – comme les ombres d’autrefois – dans l’air le plus familier – dans l’air le plus quotidien – au cœur de notre existence…

 

 

Des mots-chair qui saignent par notre faute…

Et le jour d’après – comme une promesse – une trop improbable récompense…

 

 

Nous – dans les heures grises du jour – enlisé(s) dans les sables du monde – comme une parenthèse sombre – obscure – marécageuse – un interstice qui aurait pris des allures de gouffre – un abîme à échelle humaine – une anfractuosité à peine perceptible depuis l’espace où le regard est perché…

 

 

Autour de nous – la même barbarie – le même sourire – le même potentiel qu’à l’intérieur ; le même espace en deçà et au-delà de la peau…

Le même parfum malgré les apparences et l’invention des frontières…

Des vasques ouvertes sur le dessus – porteuses de la même lumière et du même fracas…

Nous tous – exilés de cette trop lointaine partie du ciel – naufragés sur cette infime parcelle de terre – cherchant la vérité et l’épanouissement – la beauté du même visage qui, à travers la prière – qui, à travers la poésie – qui, à travers le geste juste – chacun arpentant le monde sans relâche – approfondissant sa foi – déployant ses possibilités et sa présence – l’âme et le sourire de plus en plus légers – de moins en moins humains…

 

 

Des fenêtres – en soi – comme un matin clair – dans la noirceur du monde – dans l’obscurité de l’âme…

 

 

Rien que des images – du parfum – comme des bruits – comme des voiles sur le réel – des frontières (presque) insécables – ce que l’on agite devant notre nez – dans notre tête – entre nos oreilles – le monde d’avant la rupture – ce que nous vivons au cœur de la séparation…

 

 

Les visages qui avancent – qui vieillissent – qui s’effacent – devenant toujours le suivant – jusqu’à l’épuisement des amassements – des combinaisons – des possibilités…

Quelque chose d’un monde (encore) inconnu – qui s’éveille – peu à peu…

 

 

Sous les paupières – le même monde que devant nos yeux – où se mêlent (presque toujours) le désir et le rêve – la texture idéalisée du réel – ce à quoi l’on aspirerait plus intensément si la volonté pouvait (réellement) se déployer…

 

 

Des ombres – du règne – avant d’accéder au silence…

La nuit atteinte et traversée…

La lumière et ses mille colonnes – la liberté au cœur des temples les plus naturels…

Le silence parfait et sans prophétie…

Le temps et le mouvement percés à jour…

 

 

La folle ivresse du sommeil où le rêve se réalise hors du monde – en des terres étranges qui échappent aux exigences du réel…

Un univers – mille univers – inventés au sein d’un autre – plus vaste et plus encombré…

 

 

Au-delà du monde – le regard…

Et, partout, le silence – identique aux bêlements des peuples…

L’homme dans son enfance – passant d’une nuit à un soleil immature (balbutiant) – jonglant avec la soif et le désir – comprenant, peu à peu, qu’il est (essentiellement) ces voiles qui obstruent toutes les possibilités de la clarté…

 

 

Au-dedans de la magie – le monde des oiseaux – l’envergure du plus lointain – la cloche quotidienne qui rythme les heures et les jours – la dénomination précise de Dieu et du temps – l’enfance qui s’éloigne…

Toutes les frontières ridicules (et illusoires) sous la lumière changeante des saisons – du printemps à l’hiver…

Nous – presque aussi ardent(s) qu’autrefois…

Notre tête – surprise – ravie – dans le silence – toujours ensommeillée…

 

 

En rond – derrière nos murs – la tête à terre – les yeux longeant le sillage étroit des étoiles – l’âme nue et dépareillée – et la bouche toujours aussi ingrate mâchant et remâchant la même parole – l’incompréhension de l’esprit – notre paresse et notre vantardise…

La nuit – comme notre propre malheur – démesuré(e)…

 

 

Ni route – ni sommeil – l’aveuglement en face – les yeux devant la cécité galopante – foudroyante…

Un monde qui ressemble au monde – à tous les mondes…

La terre sans obstacle – sans tranchée – sans frontière…

 

 

Notre étonnement face aux rivages – aux tempêtes – avec ce brouillard au fond des yeux – et cette peur tapie derrière le regard – derrière le moindre geste…

 

 

En nous – ce sac de désirs en désordre et le soc acéré de l’intimité – retranchés dans la plus lointaine arrière-cour du cœur – dissimulée aux yeux de passage – à tous ceux qui rêveraient de nous voir marcher à leurs côtés…

 

 

Sur le plus vil continent du monde – cloîtrés – désemparés – agglutinés – furieux – à vivre derrière les mêmes murs – à tambouriner aux mêmes portes – aux confins de tous les seuils infranchissables…

 

28 septembre 2020

Carnet n°245 Notes journalières

L’âme sur les lèvres – au bout des doigts – à chaque rencontre – le centre et le monde autour – la magie de l’Amour et de la lumière – la joie et le silence…

Être soi en tout – sans la moindre résistance – sans la moindre restriction…

 

 

Une paire d’ailes – immenses – pour vivre – la tête dans le souffle des Dieux – légère – si légère – intensément aérienne – bien sûr…

L’homme transcendé – pleinement réalisé – devenu (enfin) ce qui l’a enfanté…

 

 

Au cœur du cercle – l’incertitude et l’errance…

Au-dehors – ce qui a cédé et ce que l’on nous a arraché…

Au centre – l’Amour et la lumière…

Autour – toutes les images et toutes les ombres ; toutes nos tentatives infructueuses réunies – comme un tas immense que le vent transforme, peu à peu, en boue – en pluie – en neige – en souffle pour ceux qui suivront…

Qui sait ce que laissera le chemin…

 

 

Personne sur les tombes – un peu de rire – au-dedans – un peu de magie – ce qui pourrait ressembler à une farce s’il ne nous restait sur les joues ces vieilles couches de larmes séchées – ces monceaux de peines lorsque nos yeux étaient encore incapables de voir – l’âme voilée avec ces vieux restes de nuit – et dans les poches ces mouchoirs déchiquetés encore trempés de pleurs – encore gorgés de malheurs – imprégnés de toutes ces défaites successives face à l’absence – face à la disparition…

L’enfance de l’homme – blessé par les instincts et les chants guerriers du monde – avec cette odeur et cette couleur de sang sur les mains – et la chair rongée de tous les frères que nous avons enterrés…

 

 

L’heure – à présent – révolue de la prière – le goût exact des choses – le geste juste – et toutes nos feuilles par terre – froissées…

Ces lignes (comme toutes celles qui précèdent – comme toutes celles qui suivront) devenues obsolètes – comme une nécessaire propédeutique de l’être – peut-être…

 

 

Des poignées de prières lancées en l’air – par jeu – pour rire – sans destinataire…

Un peu de silence – un peu de poésie – offert…

 

 

Du sang – des blessures – le gouffre…

La douleur et le chemin – naturels…

Le même chant – sur toutes les rives – sur toutes les barques ; la même bannière et la même voile – celles de l’espoir – déployées de bas en haut – sur toute leur longueur – pour attirer ou pousser vers les circonstances favorables…

Et la terre – et la mer – immenses – sur lesquelles – toujours – on se perd…

 

 

A empiler la glaise pour faire de nos vies – des visages – du monde – des statues – de belles images – comme une décoration – sans substance – quelque chose que l’on regarderait de loin – derrière une vitre – avec envie – comme une chose désirable – dorée – inexistante – un mirage ; ce que sont, sans doute, nos vies – nos visages – le monde…

 

 

Une fine lame – entre les lèvres – pour embrasser d’abord – puis, pour tailler en pièces…

Ce que nous sommes – ce qui demeure et ce qui passe…

 

 

Sous nos semelles – ces mots – comme des gouttes de pluie – un peu d’eau – quelques larmes – mélangé(es) à la terre ; toute la boue de notre vie…

 

 

Des restes de chair et de vent – quelques os – quelques mots – une manière naturelle et tragique de vivre (et de mourir)…

 

 

De tous les lieux – quels qu’ils soient – jusqu’à l’inconnu – à moins que cela ne soit, en définitive, le contraire…

Tout mélangé – simultanément – successivement – et, bien sûr, sans fin…

 

 

La vie – le jour – la nuit – la mort – renversés, soudain, dans le silence – avec, par-dessus, quelques mots (les nôtres) et la lune au-dessus de notre tête – et autour l’espace et le silence – et partout – au-dehors et au-dedans – l’Amour et la lumière qui jouent à apparaître et à s’absenter – à se faire peur – à nous ravir – à nous effrayer…

 

 

Nous – dans le silence – comme un jour d’oubli…

Le monde – à la fenêtre – des habitudes au milieu des Autres – des rires – un peu de lumière – et, pourtant, un peu de tristesse sur les visages – reflet, peut-être, des rêves impossibles – des limitations – de l’âpreté du réel…

Un peu de vérité – comme une ombre passagère – sur nos illusions (trop) colorées…

 

 

Ce que l’on attend – l’autre moitié de notre visage – de notre labeur – ce qu’il reste lorsque nous avons tout donné ; la part manquante – ce qui comblerait parfaitement notre vide – ce qui compléterait parfaitement notre incomplétude – ou, à défaut, un peu de consolation…

 

 

Ce que nous dispersons – pour d’obscures raisons – pour ne pas affronter ce qui nous effraye…

Des gestes las – sans beauté – une âme aride et prisonnière…

L’hiver et la nuit – dans la tête – simultanément…

 

 

Dans la forêt – nos paroles – le silence – quelque chose qui brille au fond de l’âme – la joie – un peu de lumière – la nuit alentour rayonnante…

 

 

Des mots – des choses – le jour suivant…

Ce qui, sans cesse, avance – ce qui, sans cesse, se dissipe ; la somme des soustractions…

Et nous – au milieu – avec nos larmes – nos mouchoirs et nos yeux perdus…

 

 

Installés à même la terre – sur notre lit de pierres – occupés à soulager le cœur fébrile – naïf – passionné par le monde et les dangers – tout ce qui risque de (et tout ce qui finit par) le meurtrir…

 

 

La main tendue – les pieds sur une corde – au cou – le même collier qu’au premier jour – qu’au premier pas – des fleurs – des rires – et ce qu’il faut d’événements (et de souffrance) pour offrir une place de choix (et son pesant d’or) à la déception…

 

 

Par insouciance – par négligence – par ignorance – ce qui nous absente – les yeux dans les yeux – sans personne…

 

 

Le monde – devant nous – sans jamais desserrer les dents – les yeux fixes puis, clignotants – fiévreux – émotifs – inexpressifs pourtant – incapables de refléter notre lassitude des choses…

Dans les bras de ce qui nous comblera encore – comme toujours – comme à chaque fois – avec, au fil du temps, un peu moins de désir(s) et davantage de patience…

 

 

Le cœur serré – au fond d’un buisson ardent – sur un tapis d’épines – livré tel quel – sans mensonge – sans déguisement…

Et rien que le ciel – en nous – pour nous écouter – nous accueillir – nous offrir ce dont nous avons besoin…

 

 

Le monde – de vagues silhouettes – des fantômes peut-être – sur des rives désertes. Et les eaux du fleuve – tantôt débordant – tantôt (presque) asséché – qui nous traversent ; les eaux vives – les eaux mortes – dans notre poitrine – dans nos propres méandres…

 

 

Ce qui nous froisse autant que ce que nous avons froissé…

Des vibrations douloureuses ou jubilatoires – l’extase ou la peine…

Ce que nous réserve le voyage – ce que nous offrent les saisons et les chemins…

Quelques restes, peut-être, d’humanité…

 

 

Un peu de nostalgie à devenir – comme si être pouvait attendre notre venue – comme si notre passé était glorieux et mémorable – comme si l’avenir nous réservait quelques (divines) surprises…

 

 

Le monde – en soi – cadenassé – au milieu de l’ignorance et des malheurs…

Et, en nous, cette once – si vaine – si détestable – d’espérance…

 

 

Il faudrait creuser dans sa tendresse – aller au-delà de la chair – suivre la voie du sang – et la dépasser – entendre les battements du cœur – les os craquer – puis, s’élever au-dessus – plus haut – un peu plus haut que la tête – pour voir l’ensemble – l’âme et la tristesse – l’acquiescement incomplet à notre naissance au monde – cette part, en nous, qui a refusé l’incarnation…

Devenir – revenir – jusqu’au ciel…

 

 

En nous – ce peuple révolté – désobéissant – façonné pour la lutte et la résistance – qui penche vers la joie plutôt que vers la vie passée – vers la présence plutôt que vers l’avenir inutile – vers le silence plutôt que vers le cœur tendu – brisé…

La vertu de l’étrange – la bonté à même la peau…

 

 

Des paroles – des mythes – plein la bouche – comme si nous étions faits d’éclats – de bouts d’histoires – de fragments des Autres – quelque chose qui n’existe pas réellement…

Une construction – une chimère – pour s’imaginer vivants – entiers – indestructibles – immortels – ce que nous sommes, bien sûr, mais d’une autre manière…

 

 

Homme(s) de milliers de rêves – insaisissable(s) ; dans les yeux – dans les mains – le même vide – les mêmes histoires – celui dont on est constitué – celles que l’on nous a racontées depuis notre naissance – ce que l’on offre, en vérité, à toutes les enfances…

 

 

En nous – quelque chose avance – s’insinue partout – pénètre l’âme et la chair – tient tête à ce que, sans cesse, nous lui opposons ; une sorte de ciel – un dégradé de l’enfance – quelque chose qui s’imagine héritier – une profondeur et une consistance antérieures – un souffle très ancien qui était déjà là avant la naissance du monde…

 

 

Ce qui nous a précédé ; inexistant – envolé – présent (tout entier) dans ce que nous sommes à cet instant ; la modestie et le courage – notre manière d’offrir une réponse – ce que l’on est et ce que l’on donne – lorsque les circonstances réclament un geste – une parole – une présence…

 

 

Des accords et des tourments – ce qui se dérobe et ce qu’il faut bâtir – le monde et l’abîme – réunis – main dans la main – pour la longue liste des tâches – les mille choses à faire – au fil des saisons – la vie passante…

 

 

La douleur et le rire inquiet – notre honnêteté ; ce que font tous les innocents avec leurs chaînes – un pied après l’autre – pas à pas – le voyage – le long périple – notre manière de nous rapprocher de ce qui nous attend…

 

 

Ce que l’on aligne – geste après geste – jour après jour – et que l’on assemble, chaque année, en un recueil ; des mots – des phrases – des pages – en espérant que ce ne soit pas des murs que nous construisons…

 

 

Des émotions et des pierres – quelques projets – et mille ruines – bientôt…

Ce que nous faisons – un peu de bruit – un peu de vent et de fumée – en attendant l’éternité…

 

 

Où est donc l’Amour qui sait se faire le serviteur – impératif – qui ne respecte ni les ordres – ni les cérémonies (trop solennelles) – ni les croyances – ni l’irrespect ; un Amour-miroir – comme une manière de lever tous les interdits – de révéler toutes les failles – de refléter tous les excès – pour hisser ce que nous sommes au sommet du vent et laisser tous les élans s’affronter – sans crainte – sans retenue…

 

 

La vie – comme un lieu à couronner – avec des ombres et des éclats – des âmes fragiles et la compagnie des Autres – des rumeurs et du temps – ce que nous considérons (trop ?) souvent comme insupportable…

Le voyage – juste et droit – sans autre alliance que celle de l’invisible…

 

 

Une minuscule lucarne – là où l’œil peut se glisser pour voir – découvrir la féerie et la magie du monde – depuis la chambre close – l’espace exigu à l’air vicié – manière de vivre derrière la vitre – sans risque – sans danger – sans courage – de rester coincé pendant mille ans derrière les misérables grilles de l’enfance…

 

 

Dans nos mains – l’aube – le silence – la poésie – que nous sommes – profondément – mais dont nous ne pourrons jamais faire le moindre usage ; des substances essentielles dont sont composés le regard et les choses – une manière de voir le monde – d’y vivre et de l’aimer – tel qu’il est – sans distorsion – sans déformation – sans espérer qu’il change (ou s’améliore)…

 

 

En lutte – comme si nous n’étions frères – comme si nous avions dressé entre nous d’infranchissables barrières – comme si la différence apparente comptait davantage que la matière et l’origine communes…

Des bêtes qui pensent (un peu) – éloignées de toute forme de plénitude – plongées tout entières dans le manque et l’incomplétude – dans l’attente illusoire d’une offrande extérieure – d’un présent offert par des Dieux lointains – inconnus – totalement imaginaires…

 

 

Nous – déjà – épris d’Absolu – amoureux de l’origine – de l’espace – du silence – communs – et nous en rapprochant au fil des naissances – et nous en éloignant, soudain, une fois retrouvés ; pris dans la danse des Dieux et le jeu de l’Un ; notre accord – notre alliance – nos refus et nos résistances – et ce qu’il faut d’innocence et d’oubli pour y consentir encore et encore…

Happé(s) par les tourbillons des rires et des peines – le cœur tremblant – la peur (dressée) sous le front – et l’âme plus charnelle que le soleil et les vents ; et ce qu’il nous manque pour recommencer toujours…

 

 

L’esprit – enfoncé dans ses propres entrailles – parmi les strates et la pestilence – ces couches d’immondices putréfiés – ce capharnaüm de souvenirs et de pensées – à moitié enterrés – à moitié décomposés…

 

 

La nuit changeante – comme notre histoire – ce que les Autres en disent – les limites de notre chant et le miroir de notre émerveillement – passés sous silence ; nos vieilles rengaines plutôt – et nos difformités – ce qui intéresse les foules…

 

 

Nous tâtonnons au milieu des peines – au milieu du temps – parmi les Autres – cherchant ailleurs l’énergie d’approfondir – de poursuivre notre quête – ce que nous ne savons pas même nommer…

 

 

Le tour de la chambre des adieux – sans relâche – obstinément – de fond en comble – sans jamais rien trouver – sinon la force de continuer notre fouille – de prolonger l’ineptie jusqu’à l’écœurement – jusqu’à la faillite – jusqu’à la capitulation ; la porte qui se cherchait – le seuil possible de l’abandon – du passage vers la transformation – notre regard sur les choses du monde – le terme de la marche liminaire – les débuts, peut-être, de la fabuleuse aventure…

 

 

Inutile de se souvenir – il faut enfreindre toutes les lois – franchir tous les seuils – s’opposer à toutes les formes d’autorité – exclure ce qui nous corsète – ce qui nous organise – ce qui nous constitue ; allumer un feu immense – et y jeter tous ses désirs – toutes ses chimères – toutes ses illusions – tout jusqu’à sa dernière chemise – et célébrer la nudité – la simplicité et la joie de ne plus rien être – de ne plus paraître humain – comme le cœur premier du monde – ce qu’il reste lorsque tout a disparu – l’irremplaçable – l’indestructible ; l’être dans sa chair la plus innocente…

 

 

En soi – de hautes flammes – sans idéologie…

A vivre au-dessus du malaise – sans se souvenir – sans louvoyer – sans essayer d’échapper à l’inconfort…

Moins opaque – peut-être – aujourd’hui – dans un monde qui nous ressemble de moins en moins…

 

 

La beauté – en nous – sacrifiée par la danse et les ambitions – les Dieux enivrés – l’opulence du corps et l’âme famélique…

Partout – la folie – les ténèbres exultantes…

La pauvreté et l’étroitesse du cœur – des hommes…

Nos yeux de bourreaux qui brillent dans la peur et le noir…

La terre épaisse – imprégnée de sueur et de sang ; des torrents de larmes – comme des rivières ; et la semence du monde grâce à laquelle tout renaît – grâce à laquelle tout, sans cesse, recommence…

L’enfer et l’ignorance (presque) éternels…

La tête plongée dans toutes les substances vivantes – immergée dans la matière terrestre…

Et le jardin immense – secret – caché à l’autre extrémité du cœur – derrière ces murs que si peu franchissent…

 

 

Trop de rêves et de bavardages – trop de piétinements ; d’incessantes gesticulations avec les lèvres et les mains ; les pieds qui cherchent leur terre – leur territoire – leur périmètre intime ; et l’âme en quête de son carré de ciel – d’un lieu de confiance et de prières – un endroit où il ferait bon vivre pour le corps – le cœur – l’esprit ; une sorte de fable – un mythe que l’on promet à toutes les enfances – quelque chose de (presque) impossible – une manière de parler le plus souvent – un rêve – une ambition qui peut, parfois, envahir la tête – l’existence entière – devenir l’axe central – le pays natal – le paradis perdu – le trésor que l’on s’efforce de retrouver coûte que coûte – le saint Graal perché au plus haut du ciel – enfoui au plus profond des ténèbres – partout – au-dehors et au-dedans – et qui, parfois, se révèle à celui qui s’obstine…

Une vie – des vies – comme un long chemin pour se débarrasser de ce qui nous encombre – de ce qui nous entrave…

 

 

L’infâme et la détresse – dans les plis du monde – là où nous sommes cachés – la misère noire des foules – et du visage perdu en elles…

L’ignorance et la cruauté – une terre sans éclat – sans soleil – sans espoir…

Nos voyages et nos parades inutiles – aussi tristes que nos rêves…

 

 

Présence dépeuplée ; des merveilles sur le pavé – comme une route qui traverse l’imaginaire – la féerie des paysages – les jours bleus – les carrefours et les rencontres – le monde d’à côté avec ses vieux objets et ses esprits caduques – ses lampes qui s’éteignent dans le noir – et cette roue qui tourne éternellement au-dessus des jardins du temps…

 

 

Le plus désirable – comme un parfum lointain – une ligne droite – un fil dans la géométrie complexe de l’espace – ce qui s’engendre à partir de rien…

Un rêve seulement – peut-être…

 

 

A nos côtés – nos préférences – et ce qui se tient dehors – à bonne distance – dans l’axe du doute – nos pas et nos renaissances ; ce qui dure – et se perpétue – sur tous les versants du monde…

Derrière notre dos – l’angle …

Et devant nos yeux – la tangente verticale…

 

 

Frères – derrière les mêmes grilles – à vivre – à méditer sur leurs (misérables) conditions…

Ce que nous fuyons sans envergure – le monde clos…

Et cette recherche – inerte et paresseuse – du périmètre sans frontière – du mouvement juste dans l’immobilité…

L’être – notre visage – à l’exact endroit…

 

 

La folie – la vraie – la belle – le contraire de la raison parcimonieuse – l’excès jusqu’au cœur de la justesse – le contraire du calcul – de la peur – de la retenue…

Ce qui vaut pour l’esprit vaut pour le cœur et le corps – vaut pour la vie ; cette chose incroyable – miraculeuse – que presque tous croient bâtir ou inventer…

Ah ! S’ils savaient…

 

 

Toutes ces boursouflures qui ne tiennent qu’à force de mots et d’images – de vieux restes d’orgueil…

 

 

Parmi les troncs et les feuillages – parmi les feuilles mortes tombées sur le sol – à notre place – parmi les nôtres…

Le ciel et le silence – la solitude heureuse et apaisée…

L’envergure de l’esprit – cette hauteur atteinte – comme si les lois du monde et les mesures des hommes n’avaient plus la moindre importance…

En ce lieu désert – sur cette croix terrestre – serein – sans douleur – comme dans le regard immense d’un Dieu juste et tendre…

 

 

Ce qui nous surprend – la tête à l’envers – en train d’essayer d’attraper quelque chose – un peu de rêve peut-être – le désir des Autres – ce que l’on a décidé à notre place ; notre seul destin – malheureusement…

 

 

Nous – dans l’alignement des mots et le désordre des pages – un espace de silence peuplé de bruits et d’idées – dissimulé sous ce qui ressemble à du tapage ; des syllabes qui se suivent – qui s’enchaînent – qui s’entrechoquent – qui se répondent (souvent) – une longue suite de sens et de sons – une longue suite de choses – l’inventaire de l’être – l’inventaire du monde – forme et fond mélangés…

 

 

En nous – advenues – les figures marginales du désastre (avec le pire – toujours – à venir)…

Ce à quoi nous n’osons pas même penser…

Comme un cauchemar pour l’imaginaire…

L’esprit – au plus bas – comme éprouvé déjà avant l’épreuve…

 

 

Au cœur des retrouvailles nécessaires – le visage à deux faces – les mains asymétriques – là où l’on croit s’installer pour toujours – ce qui confirme notre inexpérience du monde – notre fréquentation immature des choses et des visages – ce que l’on croit rencontrer – la douceur de lèvres familières – la caresse d’une peau étrangère – le désastre – le martyre – l’impossibilité – qui nous révéleront – plus tard…

 

 

Figures de proue du monde déclinant – en déperdition – les terres anciennes naufragées – les limites de l’esprit atteintes ; le pourtour exploré pas à pas – immense mais circonscrit – au relief formaté – aux méandres organisés en réseaux – somme toute, un (très) étroit périmètre…

 

 

Ce que nous traversons – du piège au bleu – le chemin de l’oiseau – la cage – l’envol – la liberté – la vie en désordre qui court entre les pierres – entre les branches – d’étoile en étoile – d’abîme en abîme – de ciel en ciel – sans jamais tarir son ardeur…

 

 

Sous la lune – la même terreur qu’au fond d’un trou – tous les soleils couchés ou agonisants – la pierre tranchante – l’innocence recroquevillée – immobile dans l’attente – l’âme tremblante de crainte et de solitude – dans le grand froid des Autres – de leurs yeux indifférents – de leurs mains occupées à d’autres tâches – de leur esprit chargé de calculs et de soucis…

A marcher là – à tourner en rond – à errer (si souvent) – le jour, pourtant, déjà posé contre notre joue…

 

 

Le destin déserté – un dernier soupir – le monde au loin – comme une absence de plus en plus déterminante…

La joie d’aller là où (nous) poussent les vents – sans préparation – sans explication…

Vivre comme l’on irait à une fête pleine de bruits et de lumière avec, en nous, cette folie et cette certitude du silence…

 

 

Le pas joyeux et solitaire – manière d’aller plus loin que l’impatience – le souffle long – la faim féroce – l’élan qui puise dans ses propres forces…

Un oiseau au-dessus des rochers – au-dessus de l’océan…

Une prière qui s’élève – comme une flèche en plein cœur – en plein ciel…

La marche et l’envol – parfaits…

 

 

Des chaînes aux pieds – sur la route – de plus en plus près de l’obéissance – de plus en plus près du lieu de l’Amour…

Et cette voix sans bâton qui nous encourage…

 

 

L’hiver – en nous – comme un bruit de pas feutré…

L’immensité blanche – une habitude…

Chaque jour – et la veille – et le lendemain – la même étendue – le même éclat…

Nulle pensée – nul souvenir…

La réponse – couchée – à la renverse – depuis des millions d’années – qui, soudain, se redresse et se déploie dans la cavité vide du cœur blotti contre les parois de la poitrine d’un plus grand que nous – à l’intérieur…

Dieu – sans réserve – qui s’installe et prend ses aises…

Dieu dans son indulgence et son Amour – sans la moindre pitié – debout – présent de toute sa hauteur – d’une extrémité à l’autre – démesuré dans notre âme – dans notre main – devenu enfin irremplaçable…

 

 

Nous – oublieux des ombres – familiers de la plaine autant que des crêtes dépeuplées – toute notre ardeur dans notre chant – nos tentatives – nos prouesses – le feu et la tristesse à la source – vif – flamboyante – un collier de cendre et de larmes sur la poitrine – le signe de notre appartenance (indéfectible) à la terre…

La grande solitude et cette longue nuit sans magie qui coulent dans nos veines…

 

 

Nous ne vieillissons pas – la pierre se fend ; elle ne s’use – elle se brise – à force de coups – à force de pas – à force d’Amour ; elle s’offre à ce qui est devant elle – à ce qui en fera usage ; elle se métamorphose et se démultiplie…

Et comme la neige – nous disparaissons…

 

 

Les hommes – la nuit – le monde…

Tous les chemins où glissent nos chimères…

La gorge haute et la tête dressée…

Trop d’ambition dans les yeux et l’âme…

Des parures colorées – au loin – aux teintes artificielles…

Des vies sans sacrifice – perdues – qui ne se consacrent qu’à la victoire – et qui deviendront, en définitive, un immense mausolée – l’autel sur lequel seront célébrées toutes les défaites – la débâcle générale – la totale (et saine et nécessaire) capitulation du cœur…

 

 

L’œil sensible – comme le cœur – le sang vif – comme le regard – les mains blanches – comme l’âme – et cet air bourru – et ces gestes austères – qui cachent si bien la lumière – tous nos élans de tendresse concentrés au fond de la poitrine – et ce frémissement de la peau à chaque rencontre – à chaque frôlement de la matière…

Nous – parmi les Autres et les choses…

Le monde – avec, au centre – avec, autour – l’esprit amoureux…

 

 

Rien de feint sur le visage – sous la neige – le réel saillant – la vérité de l’être et du sang – la terre et le ciel creusés l’un dans l’autre – indissociables – inextricables – comme la lumière (un peu de lumière) sur le petit théâtre des ombres…

 

 

La naissance et la mort – toujours…

Nos yeux fébriles – scintillants – et ces quelques larmes sur les joues – comme de l’or au milieu du sable – un peu de chair sur la pierre…

Cette étrange manière qu’ont les vivants de nous émouvoir…

 

 

A la manière de la graine et du ver – les bras haut levés comme pour montrer la direction ; n’importe laquelle, en définitive, ferait l’affaire tant l’essentiel se déroule ailleurs – dans le regard…

L’œuvre de l’invisible – en soi…

 

 

Au contact de tout – sans la moindre possibilité de fuite – parmi les visages et les choses…

Au cœur de la solitude pourtant…

 

 

Le monde en soi – au-dedans de l’ogre au cœur généreux – à la bouche vorace – à la faim monstrueuse…

Inexistant – comme le reste – absolument…

 

 

Rien que des rochers – la mer et le silence – le vent et les vagues – notre regard et notre main en visière pour tenter d’apercevoir le ciel – l’horizon – les îles – au loin – dressés comme des promesses…

Et nous – au milieu de rien – sur ces quelques pierres qui constituent notre empire – le lieu où nous sommes nés – le lieu où nous vivons – le lieu où nous mourrons ; seul(s) avec – au-dedans – notre mystère et (toutes) nos interrogations…

 

 

Des chemins qui serpentent entre les fleurs – les tombes – les cimes. Mille marcheurs – mille voyages – et le mystère intact devant nous – au fond des yeux – au-dehors et au-dedans – dont nous sommes tous le trait d’union – la passerelle indispensable…

 

 

Les hommes – entre le réel et le sommeil – au seuil des terres habitées – entre le rêve et la mort – ni vraiment vivants – ni vraiment fantômes – dans l’entre-deux de tout – des mondes – des cercles – la tête lasse – un pied déjà ailleurs – la tête plus loin et un pied qui traîne ; le juste équilibre – la parfaite harmonie – l’alignement provisoire – à découvrir au fond du cœur…

 

28 septembre 2020

Carnet n°244 Notes journalières

Le jeu des Autres qui – derrière nos cris – à travers notre joie – se dissimule…

Nous ne sommes qu’en apparence ; dans les profondeurs – au centre – l’espace et le monde nous habitent…

 

 

Derrière le rire – le soleil invisible…

L’espace pénétrant la tête – pénétrant la chair…

La beauté – la vérité – de l’instant – perdant toute retenue – toute pudeur…

Le grand jour qui se répand sans le moindre état d’âme…

 

 

Le silence qui danse – la tête jamais taciturne – les mains sur les hanches – vers le ciel – comme un oiseau – quelques feuilles – quelques plumes – dans le vent – à la merci des orages et des tempêtes – jouant sous la pluie – dans les bourrasques – complice de toutes les pertes – de tous les obstacles – n’ignorant jamais qu’il est seul au milieu de la multitude apparente…

 

 

Vif – comme le feu – venu nous consulter – venu nous envahir – venu nous reconnaître…

Sur le bûcher – toutes nos ombres et tous nos fantômes – tous les noms et toutes les vérités gravées dans les livres – au fond des têtes – le crépitement des mythes jetés dans les flammes et le frémissement de nos terres les plus lointaines – les plus étrangères…

Un immense brasier où, par-dessus les larmes, la joie s’est invitée…

 

 

Des notes sur le chemin que piétinent les hommes – qui se mélangent à la poussière – à la terre noire – à la nuit…

Ce qui indiffère – ou, pire, ce que dénigrent l’ignorance et la torpeur des têtes affairées…

 

 

Le monde – des remous – du désir – de la nostalgie – de l’amour tissé dans l’ombre – l’apparence d’un voyage – le visage de la multitude – ce à quoi nous condamnent les limites…

Le long apprentissage du rire et du soleil – l’intimité avec l’invisible – malgré la bêtise et la peur…

La naissance (souvent laborieuse) des ailes pour échapper à la gravité…

 

 

Sur la route – écartelé entre l’apparence d’un début et l’illusion d’une fin – condamné, en quelque sorte, à un intervalle restreint – privé de liberté – obligé, en définitive, de découvrir au-dedans le lieu de la verticalité – un espace – une étendue – vers le ciel – l’univers – l’infini ; une manière de vivre le corps sur terre – au milieu des Autres – et l’âme au-dessus des têtes – au-dessus du monde – de rendre l’existence (passablement) vivable…

 

 

Des fleurs au milieu du rêve – comme une lampe pour les naïfs – un semblant de lumière pour donner l’illusion d’un voyage – l’illusion d’un spectacle – une parenthèse dans la nuit sombre et sans fin…

 

 

La moitié du visage emportée par la colère. Et l’autre – déjà folle – soumise aux exigences de la tête…

L’âme et la main – dociles – prêtes à briser le sol – à jeter le venin accumulé – à anéantir la moindre tentative de résistance…

Comme un orage né du mariage étrange (et presque contre nature) entre les hauteurs et les abîmes – véhiculé par obéissance au règne de la noirceur et l’agilité des transmissions entre les cercles…

Notre prédilection pour le rouge écarlate – coups de sang et coups de cœur – comme pour mieux souligner notre impuissance face aux forces terrestres – face aux incroyables passions qui gouvernent le monde…

 

 

Dans le regard – le monde entier – les conditions même du geste juste – ce vers quoi tendent toutes les formes de vie…

 

 

Rien que des ailes dans le vent – dans le ciel – et le sourire, en contrebas, des grands arbres fidèles – émerveillés par les danses qui les surplombent…

La sagesse de notre monde – l’âme dans sa pleine envergure – en tous lieux habitables – en tous lieux possibles – là où tout existe – et est orchestré pour se résoudre – pour se révéler…

 

 

Des pierres – des larmes – des refus – l’âme penchée – vacillante – autant que nos certitudes – autant que les restes, peu vaillants, de notre volonté ; ce que l’on brûle et ce que l’on lèche – indifféremment – comme si la nuit et le soleil étaient des atomes insignifiants – une part infime de ce que nous sommes – dans notre (involontaire) rayonnement…

 

 

Le silence – à l’abri des bruits – à l’abri des vents – à l’abri des Dieux… inaccessible par les choses du monde – sauf à creuser en elles…

L’attention-mère – originelle – la matrice première des mondes successifs…

 

 

Toutes les formes et toutes les possibilités – en nous – prêtes à surgir et à se déployer…

Des couleurs – des parfums – des lunes – des rires – des mondes – tapis dans l’ombre – dissimulés avec prudence – en désordre – dans l’attente d’un souffle – d’un élan – pour jaillir et naître au jour…

 

 

Des mains que l’on abandonne – comme un don supplémentaire – un surcroît d’offrande – une manière, peut-être, d’offrir à la prière un peu de densité – un peu de consistance – assez de chair pour devenir réelle…

 

 

Dans les filets d’une main qui nous soulève – l’œil aux aguets – là où les paupières sont encore closes…

Et au cou – ce lourd collier de chaînes…

 

 

Une douleur – à chaque carrefour – nous attend – une possibilité de délivrance – à chaque instant – l’envol ou la poursuite (laborieuse) du voyage…

La fièvre et l’abattement – d’un côté ; le chant – l’Amour et le silence – de l’autre…

Depuis toujours – la même alternative…

Nous – sans cesse – oscillant entre le réel et la croyance…

 

 

Nous – revêtus de noir et d’obéissance – de cet uniforme sans visage – sans influence – sans aspérité – les habits tristes de la séparation et du désenchantement – pris à tous les pièges du monde – prisonniers de la tête aux pieds…

 

 

Ce que nous subtilisons au soleil – l’âme et les yeux à la dérive – sur le dos, notre charge quotidienne – la perspective jamais au-delà de l’horizon – des murs d’écume devant nous – comme des obstacles – une forme grossière de détention…

 

 

Rien pour prier – remercier – se prosterner…

Rien qu’un désert – rien que des pierres aussi tranchantes que des lames – avec des grilles et des fleurs plein la tête – comme un rêve – une invitation au voyage – à s’enfuir aussi loin que possible – à rejoindre tous les ailleurs accessibles…

Un pied dans le ciel et l’océan – et l’autre immergé dans la terre – submergé par l’abondance et le sang…

 

 

Un fil – un passage – aux allures de croix – de sacrifice – de crucifix – avec du vent et des couronnes d’épines – avec des ombres (les nôtres et celles des Autres) et des révélations…

Notre nature au-delà du monde – au-delà des apparences ; nos retrouvailles tant espérées…

 

 

Une étoile ou un trou au centre – ce que l’on y met malgré nous – la façon dont nous habitons le monde – la façon dont nous habillons l’esprit – la façon dont nous nous tenons face aux Autres…

 

 

Paumes ouvertes – hors du désir des hommes – hors du désir du monde – épargné par le règne terrifiant de la folie – là où les ailes se déploient – deviennent le faîte de l’esprit hors de soupçon – l’envergure promise au-dessus des danses et du néant que l’on habille, trop souvent, de couleurs et de bruits – et que l’on agrémente – éhontément – d’une présence infiniment restrictive – incroyablement mensongère…

 

 

Une autre douleur que celle de la nuit – intérieure – profonde – inéluctable – sa continuité déployée, en quelque sorte ; l’illusion et l’escroquerie – comme un décor et un contenu que nous aurions inventés pour nous donner le sentiment de pouvoir échapper à la misère et aux (terrifiantes) limitations de l’existence terrestre…

 

 

Le sang des Autres sur notre plaie…

Le silence par-dessus la douleur et le courage – les mains tendues face aux interrogations – comme l’aveu d’une impuissance – un coup de poignard dans l’eau – un élan de résistance inutile – les yeux, sans doute, lavés par trop de larmes et de pluie – le monde devant nous – inerte et triste…

 

 

Le verbe et les étoiles – à demeure – dans le prolongement de notre stature – comme un axe – une colonne autour de laquelle graviteraient le silence et mille autres soleils…

Tous nos frères de naissance – la part promise à notre intimité…

Illusion(s) – comme le reste – bien sûr…

 

 

Des paroles autour de la faim – le monde à nos pieds – intacts – comme le plus familier – au bord et au centre – en surface et en profondeur – perceptibles – comme l’invisible – selon le degré d’inclinaison de l’esprit…

 

 

L’âme glissante – dans son échappée – sa fuite des dogmes – insaisissable – comme le monde et la vérité – comme tout, en réalité ; circonstantielle – de passage – simplement…

 

 

Dans le regard – ce qui est – provisoirement – ce qui se goûte…

Au cœur de l’antre des sages et des Dieux – sans désir – sans souci – dans cette luminosité dense et rayonnante…

La mort apprivoisée qui rejoint l’Amour – la terre accessible – le ciel désacralisé – comme si l’on avait (enfin) compris que la douleur – l’insupportable – ne se trouvaient que dans le refus…

 

 

L’oiseau et l’infini dans le même ciel – dans le même chant – ceux qui naissent des âmes libres – affranchies des vieilles lunes du monde humain – des anciens cercles d’existence et de torture – réels, en somme, comme le plus immuable en nous – ce qui échappe à notre fièvre (féroce) et à nos désirs (si puérils) de blancheur…

 

 

Quelques mots – quelques lignes – comme des flèches décochées contre des murs d’écume – imposants – massifs – impénétrables…

Nul dans les gradins – nul aux fenêtres – rien qu’une foule curieuse des histoires – de la surface – l’horloge au poignet qui berce la torpeur de son bruit régulier et monotone – avant, un jour (très vite) de sonner le glas du monde, puis, bien plus tardivement, celui de l’illusion…

 

 

L’écrin de toutes nos mélancolies – de tous nos élans vers la bêtise et le crime…

Le désespoir des Dieux devant tous nos horizons obstrués…

 

 

Le long de nos esprits vides – des amas d’illusions inventées, puis rejetées – la crête sur laquelle piétinent toutes les âmes – les aiguilles mensongères du temps – la logique et la raison – ce qui s’éloigne sans inquiétude – les rêves et l’anxiété – tout ce qui semble nous composer – en somme…

Le monde, bientôt, au seuil de l’effondrement – sous le joug du règne soustractif…

 

 

A notre place – sous la neige – au cœur de l’hiver qui se prolonge et se perpétue – dans la blancheur du ciel déployé – loin des ombres et du noir au milieu desquels nous avons grandi – au milieu desquels se sont, peu à peu, fomentés toutes nos tentatives – tous nos élans vers un ailleurs plus vivable – moins prévisible – moins circonscrit…

 

 

Parallèle au périple – le seuil accessible – notre fortune…

 

 

L’émerveillement du regard affranchi du désir – toute la beauté du monde offerte…

La rosée du matin et les fleurs au crépuscule – l’arc-en-ciel au-dessus des dédales – notre égarement dans tous les labyrinthes improvisés…

Nos yeux anxieux qui scrutent le ciel sombre et menaçant – notre seule perspective…

Notre long témoignage sur ces pages – les confidences d’une âme chercheuse que la surface et les périphéries n’ont jamais su contenter…

 

 

La solitude errante – des origines – à l’œil curieux et sans viscère – démystifiée – exacerbée et célébrée par la proximité permanente de la mort – par la fréquentation continuelle de l’incertitude – par l’immersion quasi totale dans le vide – l’instant – notre présence sans identité (véritablement) reconnaissable…

Le signe, sans doute, que l’âme a remplacé la tête et que le front est devenu un passage – comme le corps – comme les mains – comme le cœur – ouverts à tout ce qui les traverse – à tout ce qui les entoure – à tout ce qui existe – libérés des frontières entre ce qui semble à l’intérieur et ce qui semble au-dehors – bien plus vivants (et bien plus rieurs) qu’autrefois…

 

 

Pourquoi pensons-nous que nous n’existons qu’à travers les signes et les représentations… Sommes-nous donc si peu réels pour n’accorder de crédit qu’aux images et aux symboles…

 

 

Incarner le sourire – le jeu – le chant – le silence – qui naissent de l’innocence…

 

 

Des colonnes d’invisible – le soleil en ruban dans nos cheveux libres – défaits…

Le monde redécouvert par le silence – à travers l’âme (presque) guérie – (presque) réconciliée – entière…

A la jointure du secret et de la lumière…

 

 

Sur la sente des noms inutiles – des choses et des pensées accumulées – sur le pont d’un navire au naufrage annoncé…

La fièvre qui guide les pas – les gestes et les paroles – fidèles à nos croyances – soumis à nos désirs – si pleins encore d’ardeur et d’idéaux…

A nous attarder paresseusement – indéfiniment – dans les coulisses de l’avant-voyage…

 

 

Au sol – dans l’air – et plus haut (bien plus haut) – les vibrations de la voix – la torche de la vérité rayonnante – lumineuse – éclairant l’Amour sur ses hautes échasses – le silence à proximité – à portée de l’enfance – et les cages aux grilles solides au fond desquelles nous nous tenons…

 

 

Au milieu du néant – au cœur de l’abîme – la monstruosité – infidèle à l’origine – soumise aux forces noires du monde…

La terre en tête – dans le sang qui circule – jusque dans l’âme contrariée – à peine consciente de son dévoiement…

 

 

Des cris – des mains rouges – de la chair blessée – en tous lieux – des taches et des ombres grandissantes – de plus en plus souveraines – des flèches et des étoiles – des amas de désirs et de dépouilles ; des créatures si impuissantes – si risibles – si ridicules face à la beauté et à l’immensité du jour…

 

 

Par endroits – la transparence – la profondeur des résonances ressenties – le jour qui se propage comme si rien ne pouvait lui faire obstacle…

L’intelligence louvoyant entre les aspérités – pénétrant les angles – épousant tous les recoins – la moindre anfractuosité – imprégnant les sols – l’air et l’eau – les étoiles – tout ce qui frémit et tout ce qui la réclame – sous le sommeil…

 

 

Nous – décochés comme des flèches dans la nuit – survolant le monde (une partie du monde) – transperçant quelques broutilles – errant au-dessus des têtes – de la raison – de la sagesse – avant de retomber dans le sable lointain – abandonnés à notre sort – au dessèchement – à la solitude – aux conditions nécessaires pour que se réalise le passage – cette traversée sombre et éprouvante du désert qui mène au ciel – au jour – au bleu indéfini et sans mystère…

 

 

Les mains jointes et noires – creusant, parfois, la terre – levées, parfois, vers l’infini comme une flèche immobile – saisissant le nécessaire – les quelques trésors posés devant elles – parant les coups – réparant, de temps à autre, les dégâts – devenant la preuve de tous les possibles – la cause du plus grand vertige dans nos combats – dans notre danse avec la matière – dans nos opiniâtres tentatives d’envol…

Le grand défi de l’homme face au mouvement – face au silence – face à la vérité…

 

 

Trop de fièvre encore dans la voix – dans les mains et les rêves – trop d’infidélité encore au silence et à l’immobilité – pour que nos ambitions coïncident avec les circonstances et reflètent, de manière parfaite, l’Amour et la justesse…

 

 

Des visages – une croix – contre notre joue…

Ce que les larmes nous révèlent…

Ce que nos mains ont tenté de bâtir – des enclos – des frontières – des remparts – un lieu où vivre à l’abri de la fureur du monde – incapable, bien sûr, de nous protéger des démons à l’intérieur…

 

 

Assis au milieu des herbes – loin du grand labyrinthe fait de briques et de visages – de peurs et d’ambitions – seul dans la multitude végétale – sur cette étendue verte épargnée par les édifices et les instruments humains – abandonnée aux habitants des marges auxquels nous appartenons…

 

 

Des feux – en cascade – jusqu’à l’aube…

Ni chemin – ni pèlerin – ni viatique…

La monnaie et le plus précieux à l’intérieur – le nécessaire pour l’échange – un peu d’embarras contre un coin de ciel bleu…

Mille ans de repos après tant de guerres – de sueur et d’efforts…

Le rire à la suite des larmes – comme une couronne (presque) invisible – offerte sans raison…

Le vide après la tristesse – après des siècles d’absence – d’abandon et d’infortune – puis, un jour, le silence et la complétude – ce que nous n’espérions plus…

Le terme (provisoire) de cette marche folle et obstinée…

 

 

Le monde à genoux – derrière l’oratoire – des prières plein les poches – des sermons plein la tête – mille conseils pour les âmes naïves et dociles – encore insensibles à ce qui les traverse – aux lois directes du ciel – à l’Amour sans intermédiaire – à la lumière non retranscrite par les scribes dans les livres – à l’immensité qui nous attend tous au-dedans – à la découverte et au déploiement de l’espace que notre orgueil – notre ignorance – notre ambition – dissimulent obstinément…

 

 

Un ruban d’ennui autour de la tête – nous passons – en désordre – déréglés – avec, sur le visage et au fond du cœur, cette passion obscène pour la matière – la faim des affamés ; des rires sous le jour – inconscients – comme si nous étions tombés là par hasard – comme si nous étions censés vivre ici pour l’éternité…

 

 

Un pays de pierres et de larmes – d’espoirs et d’instincts – peuplé d’infimes créatures aux yeux – et au cœur – fermés – dans le prolongement des premières cellules – des premières entités vivantes à l’évolution longue et laborieuse – pleine(s) de merveilles – de surprises et d’empêchements…

 

 

Les heures les plus familières pour apprivoiser le monde – sa sauvagerie et ses limitations – l’impossibilité immédiate du ciel…

Guidé(s) par la main impatiente des enfants – montrant ceci et cela – ici et ailleurs – là-bas et plus loin – trop rarement (presque jamais) le lieu originel – le lieu où toutes les histoires ont commencé…

 

 

Des yeux à l’air libre et des âmes engoncées…

Des danses qui célèbrent – et prolongent – la nuit…

 

 

Des têtes aux songes créatifs – ce dont rêvent les esprits – ce que fabriquent les mains – mille inventions et quelques interrogations tenaces en arrière-plan – comme une métaphysique naturelle – nécessaire à notre manière de vivre – à notre manière d’appréhender l’histoire – à notre manière de conduire les destins…

 

 

Tous les noms inscrits sur la longue liste des choses du monde – tous les objets unis par la même chair – façonnés par le même regard – ensemble dans le même espace – fragments du seul existant

 

 

Parfois, la nuit – comme une ombre sous les paupières – ce qui ravage la terre – un monde de soif – de manque – d’élans – où la satisfaction des désirs n’apaise que de manière (très) provisoire…

Immobiles – comme si les murs nous encerclaient – à la croisée de tous les prolongements…

 

 

Entre nos doigts – le monde – l’univers – le vide – et toutes leurs créatures difformes – boursouflées – que l’attrait des Autres dilate – enlaidit – plus encore…

 

 

Des verrous – de l’eau qui coule – des âmes à genoux – les semelles chargées de terre – la chambre et l’espace à explorer…

Sur le même fil – la même parcelle de boue – à rêver – à nous complaire…

 

 

Tout arrive à celui qui s’arpente – qui s’égrène – qui se désagrège…

L’infini à portée du souffle – du feu – du vent…

 

 

Sous le front – entre les tempes – la douleur qui s’estompe – notre fraternité recroquevillée…

Pieds nus dans les eaux du fleuve – comme envoûtés…

Les mains avides et gesticulantes – à la recherche d’un peu d’or – quelques misérables paillettes…

Entre nos doigts – du sable et d’infâmes restes à partager…

Toute la vie – dans nos yeux – dans nos veines…

La figure de l’Amour au pays des vivants – au pays de la mort…

Le chapelet dans notre main – s’égrainant – comme nous dans celle de Dieu – ici, la chambre – là, l’univers – ici, les saisons – là, la folle allure du temps…

Et partout – les mêmes âmes et les mêmes yeux épris d’Amour et de lumière – convertis déjà au silence malgré les apparences – malgré l’affairement et les bruits…

 

 

De pierre en pierre – les yeux ravagés par la soif et la folie – les mains fébriles – l’âme pleine de nœuds et de murmures – au pied d’un long mur – une enceinte interminable peut-être – comme des enfants qui attendent, impatients, leur mère – un peu d’eau et de sagesse – une (vague) espérance – la possibilité de contourner l’édifice – la forteresse – d’entrer de plain-pied dans l’existence vivante – dans l’existence réelle – dans l’existence vibrante – frémissante – amoureuse…

Au cœur de l’intimité de l’être…

 

 

Pas même le souvenir de la douleur – du manque acéré porté dans l’âme jusqu’à l’incandescence – l’impatience d’aller pieds et tête nus – en agitant les bracelets à nos bras – au milieu de la fête – au milieu de l’absence…

Nos danses sur les rives du grand fleuve chimérique…

Notre chevelure changeante – jusqu’au blanc du temps passé…

Nos chants – tous nos chants – pour apprendre à défier la nuit et la malchance…

Le poids des soucis dans le miroir – implacable – saisissant – qui creuse, chaque jour, notre visage ; qui forme les rides de l’accoutumance et de la résignation…

Rien qu’un peu de chair et d’espérance – en somme – qui finira ses pauvres jours – sa brève et misérable existence – en cendres – en poussière – entre quatre planches – pleuré par quelques-uns pendant quelques instants – poussé ailleurs – un peu plus loin – contraint très vite de revenir – de bâtir, à nouveau, quelques édifices avec un peu de sable et de vent – entre rires et grimaces – entre espoir et douleur – soumis (inexorablement) au lot commun (ordinaire)…

 

 

Dans les affres de l’ombre et de l’assise – le monde devant nous – sur le sable – des larmes sur la joue – un sourire discret aux coins des lèvres – des images et des pensées – une manière de tracer sa route – à mains nues – sans privilège – sans concession…

Toute la beauté de notre voyage – peut-être…

 

 

Nous respirons – comme si l’infini était derrière nous – au-dessus – en dessous – mais jamais au-dedans – jamais à proximité ; un souffle sans envergure – une dispersion des énergies et des ambitions – comme le plus vaste provisoirement contracté – provisoirement circonscrit…

 

 

Il n’y a rien à faire – rien à chercher ; la compréhension invite au chant et à la danse – les plus justes (et les plus belles) expressions du silence lorsque celui-ci est habité – l’individualité alors jouit et jubile – rien d’autre ne lui est nécessaire – rien d’autre ne l’intéresse…

L’espace seul – comme le lieu de la joie et de la jouissance – l’envergure incroyable et surprenante que nous habitons – que nous respirons – que nous sommes ; et cette frénésie de gestes – de pas et de paroles – tranquilles et silencieux…

 

 

Les mots qui glissent comme des pieds – une main – un modeste baiser – sur la glace – la feuille – la peau – des fleurs lancées sur les pierres – sur les têtes – dans les bras de ceux qui attendent avec impatience – un peu de vérité sur les brûlures – sur les désirs et l’espoir – un feu supplémentaire – des flammes hautes et dansantes dans la mémoire – au milieu des idées – un incendie réparateur qui détruit les amassements – l’inutile – et laisse la terre noire – le sol et notre visage – aussi lisses qu’un miroir…

Le terrain le plus propice au silence et au recueillement – les prémices de l’innocence et de la légèreté – l’antichambre de la tendresse – de la lumière – de la joie…

Notre plus fidèle portrait – en somme – de long en large – de bout en bout…

 

 

La terre – comme une main tendue – offerte ; et cette marche aveugle – inconnaissante – inattendue et impatiente…

Ce qui nous hante…

Nous – vers le feu – puis, au milieu du feu – puis, devenant le feu…

Le monde – les arbres et les oiseaux…

Le sol où tout, sans cesse, recommence…

 

 

Nous – vers la chute certaine – dans le piétinement jusqu’au trou…

Trop rarement – l’envol et la liberté…

Ce qui appartient encore aux yeux des hommes et au monde des Dieux…

La tête – dans ses filets d’illusions ; le regard trop enfoui – trop lointain – qu’un rien, pourtant, pourrait faire naître…

 

 

Nous – au milieu des Autres – à penser l’incertitude – à vivre au milieu des bruits – comme si nous étions là pour composer avec ce qui nous entoure – exhumer ce qui loge au fond de nos viscères – confirmer l’insignifiance et l’indigence de notre destin ; cette nuit longue et tragique – sans étoile…

 

 

Nous – à l’extrémité du monde – et les Autres, apparemment, de l’autre côté…

Au bord de la vérité – peut-être ; et les hommes si profondément dissimulés en elle qu’ils ne peuvent la découvrir – ni la faire jaillir – au-dehors – à travers leurs gestes et leurs paroles…

 

 

Le sang versé – pardonnable…

La souffrance infligée – utile peut-être…

L’âme – esseulée – sur son rocher noir – recluse sur son archipel des épouvantes – comme un passage nécessaire – le seul paysage qui, dans ses sous-sols, abrite le plus précieux – la sensibilité et l’acuité du regard – ce qui, peu à peu, donnera naissance à l’Amour et à la lumière…

 

 

Nous – longtemps après le lever du soleil et longtemps après son extinction – pour toujours – sur le sable – sans consolation – au milieu de la nuit – avec un immense sourire au fond de l’âme…

Qu’importe le contexte et les circonstances lorsque le cœur – les lèvres et les mains – sont réunis et alignés sur les exigences du monde et des Dieux…

 

 

Nous avons – trop longtemps – confondu le monde – la route et les noms – les visages – les choses et les fonctions – emmêlant tout – mettant tout cul par-dessus tête – nous laissant engloutir au-dedans des coups – des mains qui cognent et du sang – essayant de nous ranger toujours du côté des alliés et des vainqueurs – du côté de ceux qui gouvernent le monde – de ceux qui conduisent les destins – de ceux qui inventent ou rénovent le langage ; les pieds – l’âme – la tête – sur le versant du mensonge et de l’inutile…

 

 

Nous – seul(s) au monde – au seuil du réel – à proximité du lieu où veille l’Amour – aux avant-postes du silence – pas si loin, au fond, du sommeil des hommes…

 

 

Le souffle brut – sans trahison – au fond de l’âme et de la poitrine – naissant ailleurs – plus loin – plus profondément – dans cet espace de liberté et d’obéissance – au cœur de cette présence fidèle à toutes les lois et à tous les règnes du monde – dans le vide qui demeure au-delà des choses (construites et inventées) – au-delà des murs – au-delà des larmes et du langage…

Au fond de cette béance qui nous abrite – que nous abritons – que nous sommes, bien sûr, de toutes les manières possibles…

 

18 août 2020

Carnet n°243 Notes journalières

Dans le défrichement illusoire du monde – la tête penchée – l’âme près du sol – à peine existante – à chercher dans les livres un peu de courage – un surcroît de vitalité – la langue oubliée des Dieux – ce qui nous consolerait de vivre – l’exacte contrepartie de nos malheurs…

 

 

Dans l’antre des monstres et des Dieux – ensemble…

Au plus près du refus – juste derrière – en vérité – là où la connaissance indiffère – devient caduque – là où l’acquiescement est la seule règle – la seule loi – là où nous sommes déjà – sans même le savoir – malgré nos résistances – malgré notre inertie…

 

 

A présent – en ce lieu où le sens prend tournure – sans démenti possible – autant que la plus haute absurdité – dans l’éloignement de ceux qui se disent nôtres – de ceux qui nous ressemblent – dans l’abandon des têtes amies – des têtes alliées – de toutes nos tribus imaginaires…

 

 

De dérive en dérive – jusqu’à l’exclusion – jusqu’aux frontières dépassées du monde – jusqu’à l’autre bord – jusqu’à l’autre rive – jusqu’aux antipodes d’ailleurs – ici même en réalité…

Parfaitement immobile – en quelque sorte…

 

 

La main parfaitement alignée sur l’âme – le centre – l’infini – ce que Dieu attend et ce qu’il est capable de réaliser – à travers nous…

 

 

Tout qui s’enchaîne – jusqu’à la beauté – jusqu’au parfait silence ; la complétude – comme notre seul désir – celui par lequel tout arrive et se succède…

Lâcher l’inutile – abandonner ce qui persiste à s’acharner – se glisser dans la fièvre et les tourments – devenir le mal lui-même – et demeurer au cœur de tous les centres…

Se libérer alors devient la seule possibilité – l’élan naturel au-delà de la volonté – au-delà des exigences du monde et des Dieux…

Notre seule réalité – sans doute…

 

 

Des herbes et des âmes chavirées – piétinées – abandonnées à leur sort – à leur inconsolable solitude – à ce salut qu’elles ignorent – cette manière de se tenir debout – dressées et fragiles parmi les Autres – au milieu d’une nuit qui jamais ne dit son nom…

 

 

Seul – sans manque – sans attente – sans réponse – sans remède – comme un tertre – comme un peu d’air – au milieu du ciel – comme un trou – un peu de terre – à même le sol – tombé là sans que le hasard, ni les Autres s’en mêlent…

Des visages – des pieds et des tombes – au cœur d’un incroyable tohu-bohu…

Du feu – le miroir central et les reflets périphériques – brisé – dilués dans les paysages – une sorte de rupture et de flou – quelque chose de fort peu raisonnable – comme une sensation – une impression de mort au milieu des couleurs – comme une âme vivante au milieu d’un écho très ancien…

 

 

Dans les ténèbres obstinées – le jour qui veille – attentif – derrière tout ce qui a l’air triste et sombre – derrière tout ce qui affiche une noirceur apparente et trompeuse…

 

 

Les lèvres de l’Amour dans nos veines buvant, malgré elles, le sang des Autres – amoureusement – pas même révulsées par la grossièreté (inévitable) de ce monde…

 

 

L’âme triste – les poignets harassés – à force de se hisser vainement au-dessus de ce qu’on ne cesse de nous offrir – comme un manque – une quantité jugée toujours insuffisante – ce qui nous emplit, pourtant, jusqu’à la garde – jusqu’à l’écœurement – jusqu’au franc débordement…

Le cœur et le ventre pleins – repus et sans joie – sans l’émerveillement nécessaire que seule la frugalité reconnaissante peut offrir…

 

 

Immobile – comme le jour – malgré l’affairement alentour – la gesticulation des vivants…

Au milieu des vents – au milieu du sable – la peau et le cœur emmêlés – quelque chose d’une apparence – comme une matière qui tressaille…

 

 

Ce qui danse sous nos carapaces…

Le monde entier dans nos yeux immobiles…

Mille mouvements et mille rythmes au-dedans du vide…

 

 

Rien ne peut mourir dans le regard tant tout semble inexistant – partiellement là – parfaitement relié au reste – de mille manières…

 

 

Le vent sait ce que lui confie le vide et le vide rit de ce que lui confie le vent ; et nous autres, l’un et l’autre – et, très souvent, plus l’un que l’autre – alternativement – comme si trouver son équilibre était la chose la plus difficile au monde…

 

 

Nous sommes la chance du monde – et sa malédiction ; les intentions de l’âme et la vie blessée à mort…

 

 

Il y a de très vieilles douleurs dans les couloirs de l’univers – de très vieilles douleurs et des âmes en fuite – et des âmes en quête – quelque chose d’incompris (et d’incompréhensible par la raison) – quelque chose à défaire et des liens à réaliser ; se rendre compte de nos mensonges et de nos inventions – des ciels et des gouffres que nous avons artificiellement construits…

Des idées autant que des ombres…

Un monde où l’être est absent – en apparence ; un plénipotentiaire déguisé qui prend un malin plaisir à incarner son contraire…

 

 

Des existences où, en vérité, il est impossible de mourir – et où la mort demeure très largement incomprise…

Debout – à travers toutes les naissances…

Debout – sans jamais la moindre fin…

 

 

Nous – dans le jour – avançant confusément – vivant comme si l’innocence n’était qu’un mythe – un idéal hors d’atteinte – une crête invisible au milieu des vents…

Nous – croyant vivre – et ne cessant de mourir – en vérité – les Dieux et la douleur mélangés – et la joie (imperceptible) présente au milieu des danses…

 

 

Des traces sur nos lèvres – sur les chemins – la lumière tenace malgré le défilé des saisons et des visages…

 

 

Ce que nous achevons sans courage…

L’encre et sa cargaison de baume et de venin…

Le monde aussi subtil que nos pages…

Une interminable leçon de modestie…

 

 

Dans le caprice des heures – empêtrés – à la manière d’un feu dans le noir – dans la nuit – visible mais inaccessible – pris dans les nécessités de vivre et l’incroyable vigueur des choses de la terre…

Sans loi – sans nom – dans une veille sans intention – sans ambition – soudés à l’Amour et au langage – aux jeux du monde et des Dieux interprétés par l’esprit…

La tête en sang – dans le vertige de l’imaginaire – comme un enfant soudain séduit par la fraîcheur de l’eau – la tendresse de l’herbe – la beauté des nuages – toute la poésie du monde…

 

 

Au-dedans des ronces – solitaire – à manier le silence comme la seule véritable épiphanie – à la fois perpétuelle et récurremment différente…

 

 

Les signes du corps – de l’âme – du destin – alignés sur la page – pointant sans violence – sans hardiesse – vers le ciel – l’Absolu – le seul repère…

 

 

Toutes les morts additionnées – indéchiffrables – comme des sentinelles autour du sommeil – comme une monstruosité apparente et opportune – comme un piège dans l’espace – la seule issue possible – sans doute…

 

 

Du temps – ce que l’on imagine être le temps – de l’Amour – les mains vides ; ainsi marche-t-on sans souffrance – le parfum de la mort sur les lèvres – comme une fleur nécessaire – délicate – comme une chose que l’on chérit – la condition du changement – des possibles – de la joie…

 

 

Le visage des jours sur l’âme et les mains – flétri(es) – comme la peau d’un ancêtre que l’on aurait revêtue – un peu hiératique – un peu surannée – quelque chose comme un reste de neige – le manteau du passé que l’on aurait traîné trop longtemps derrière soi et qui aurait pris la couleur de la poussière – la couleur des chemins…

Un sourire gris sur la figure – comme une tristesse figée – comme un masque qui découragerait le monde et la joie…

 

 

Un peu de vent sur les yeux – comme une prière – un poème – le langage silencieux des Dieux – sans commentaire – sans explication – comme une caresse – un enchantement – avec l’envergure du rêve et la précision du geste – invitant le Divin dans les mains – sous les paupières – et la terre dans le sang – à se mélanger – à devenir l’élixir – pour instaurer la beauté partout où l’âme et le regard se posent…

 

 

Inaccomplis – le monde comme le mystère – et tous nos secrets – ce que nous conservons à l’abri des regards – derrière notre désinvolture familière…

L’allure légère et le geste éternellement neuf…

Au-dedans de tout – et que nul, jamais, ne pourra ériger en statue…

 

 

Ce qui – lentement – glisse vers la blancheur…

Plus personne pour que l’Amour s’incarne…

Un jour – comme mille autres – le ciel au-dessus – la pierre en dessous – quelque chose comme une âme bancale – maladroite – malhabile face au vent – face au monde – face aux hommes ; comme une sorte de virginité corrompue…

 

 

L’étoile en haut – arborée – comme le signe d’une défaite – la possibilité d’un rêve incarné – ce à quoi l’on s’exerce lorsque l’on imagine ailleurs préférable à ici – lorsque l’on imagine après préférable à maintenant – la preuve que quelque chose cloche – en nous – un lieu terrible – sauvage – séparé de tout – où rien ne peut (véritablement) s’emboîter…

 

 

Incompris – dans nos trop lourdes vêtures – les cailloux du monde plein les poches – à passer d’un côté à l’autre du chemin comme s’il nous fallait (absolument) marcher (et avancer) – comme si l’allure et les pas ne comptaient pas davantage que les lieux traversés…

Lourdes silhouettes dans l’argile – un souffle à peine – pour nous rappeler notre appartenance à cette lointaine généalogie du vent – et un espace ténu – perdu – dissimulé au fond du cœur – pour nous souvenir de notre parenté avec le ciel – avec ce bleu étrange et infini – indifférent à la direction prise par les voyages – aux étapes et à la destination que nous nous astreignons à rejoindre…

 

 

Nous n’implorons personne – que le désert avance – seulement – et que nous sachions nous résoudre à toutes les absences – que lui en nous et nous en lui – apprenions à nous apprivoiser – à devenir l’autre sans la moindre étrangeté…

 

 

Une déchirure – immense – qui sépare le monde – l’océan – en deux parts inégales – incomparables – le grossier et la souffrance d’un côté et l’invisible et la joie de l’autre…

Et nous autres – coupés en deux – obligés de se réunir – de se rejoindre – de retrouver l’unité originelle…

 

 

Une place entre le monde et le ciel – quelques millimètres de frontière qui occupent toute la place – l’essentiel de notre vie – nos refus – nos résistances – nos désaccords – une étendue dédiée aux pierres et aux vagues – aux fracas contre la roche – aux luttes inévitables entre les formes – au lieu d’oublier nos querelles – de façonner ensemble les conditions de la réconciliation – de réunifier les contraires – d’œuvrer à la superposition de la surface et des profondeurs – du centre et de tous les lieux qui ne s’avèrent être, en réalité, que des périphéries…

 

 

Parfois – devenir – ce que la mort nous préfère – une onde – une vibration – un courant plutôt qu’une chose définie – circonscrite – à attraper ; une fenêtre immense plutôt qu’une hache ou une minuscule trappe cadenassée…

 

 

Toutes les vertus du silence – en toute discrétion – sans la moindre bannière – sans la moindre préférence…

Ce qui s’impose – ce qui fait tout voler en éclats autant que ce qui nous soustrait…

 

 

De moins en moins – tels serait, peut-être, la direction – le sens involontaire de la marche – jusqu’au seuil où tout s’inverse – où tout est identique – où tout s’achève et recommence – où dans l’acquiescement joyeux du plus rien, tout est offert…

 

 

Tout, un jour, finit par nous déserter. Ni Dieu – ni sens – ni message – et moins encore d’explication ; le quotidien – tout mélangé – ensemble – et tous les gestes naturels qui s’imposent…

 

 

Au fond – dans le monde – dans les yeux – rien ne change – ça a juste l’air de vieillir – comme la peau et la chair – une apparence en déclin…

Et la vérité (inchangée) du regard premier – ensoleillé et venteux – à travers les siècles – dissimulé (avec une grande intelligence) dans le cœur de chacun…

 

 

Nous – désorientés par la magie du changement – l’avenir que l’on dessine à grands traits trop clairs – comme les eaux trop prévisibles d’un fleuve – comme ce que l’on édifie à chaque carrefour central dans la croyance en un improbable déploiement métaphysique ou l’espérance de circonstances plus favorables…

La tête si lasse – si lointaine – absente en quelque sorte – les yeux perdus dans la vaine élaboration des possibilités…

A essayer de devenir – comme si l’on pouvait ainsi se réaliser…

 

 

Nous dansons – la tête déjà ailleurs – déjà plus haut – déjà plus loin – comme si le monde et l’espace antérieur étaient de vieux souvenirs – de simples étapes sur l’itinéraire – une manière provisoire (et presque involontaire) d’apprendre, peu à peu, à embrasser le jour…

 

 

A s’imaginer pouvoir comme si nous étions le soleil ou un grand magicien – le réel avant l’aube – les règles d’un jeu trop cruel – la lumière guérissante – les bras incroyablement tendres de l’Amour – quelque chose d’infrangible – l’œil capable d’inverser tous les règnes et toutes les lois du monde…

Plus originel que la matrice initiale – plus vivant que la Vie – plus divers que l’infinité des visages – plus divin que Dieu, en quelque sorte – et, en tout cas, bien davantage que ce que l’on pourrait imaginer…

 

 

Rien qu’une étreinte fervente – le ciel en fusion – le partage impossible qui se réalise…

 

 

Tout qui avance – tout qui s’efface – la grande faille qui s’ouvre – les secrets qui se retirent – l’infini qui recouvre ses visages – et le déploiement du grand corps à sa suite…

Rien qui ne puisse être saisi – nous échapper ; le vide acquiesçant – partout – triomphant – l’unique présence – l’unique existence ici-bas – en ce monde – et dans tous les ailleurs possibles…

 

 

Dans cette perte totale – fanatique – le grand départ et l’origine retrouvée – l’aube et la lumière jusqu’à l’impossible fin du voyage ; l’itinéraire – tous les itinéraires – éclairés d’une autre manière…

 

 

La beauté au-delà du rêve – l’Absolu au-dedans – le passage des choses – éphémère(s) – ce qui se balance au-dessus du néant – au-dessus de la nuit – l’esprit sans impatience – la marche mesurée au gré des circonstances…

 

 

Au centre du cercle – la terre où se posent nos pas – au milieu du désert et des eaux naturelles – partout à la fois – ici et là – en haut et en bas – au-dessus et en dessous – sans que rien ne puisse s’enfuir – sans que rien ne puisse être retenu prisonnier…

 

 

Du vent et de la buée – un seul regard – vaste et profond – présence permanente aux lèvres tendres et aux dents sévères – intraitables – acérées comme des lames – détruisant tout ce qui s’attarde après avoir été (royalement) accueilli – après avoir été (très largement) remercié – trop (beaucoup trop) désireux de prolonger son existence – son passage – trop (beaucoup trop) insoucieux des autres objets – des autres visages – de toutes les autres formes sur la longue liste des choses du monde (qui ne cesse de se réécrire)…

 

 

La grande migration océane – d’ici à la fin (toujours impossible) du chemin – l’éternel voyage – l’eau errante et circulante – et toute la saveur du monde goûtée depuis le regard-soleil…

 

 

Des pactes et des prières – des alliances ; tout le commerce du monde et l’illégitimité de toute morale dans le grand cirque des échanges ; les têtes intéressées – corrompues – détournées de l’œuvre originelle – de l’offrande spontanée qui ni ne ruse, ni ne calcule – qui se donne tout entière – spontanément – de manière parfaitement gratuite (sans la moindre arrière-pensée)…

 

 

Nous sommes ce que l’on attendait plus – le rire derrière la farce – le rire derrière la douleur – le rire derrière le rire – l’envers du monde et de ses pauvres décors de carton-pâte – l’envers des visages – de tous les costumes – de toutes les façades – le dedans de tous les vivants – la caresse sur toutes les chairs engagées – l’espace où tout se meut – inconfortablement – si souvent…

 

 

Dans l’éternel décalage entre le regard et le monde – ce qui s’abrite au fond du cœur – à l’abri des insignifiantes tempêtes qui agitent la terre – les têtes – la surface même des apparences ; rien de profond – rien de consistant – rien même de suffisamment vrai pour appartenir au réel ; des ombres – un peu de volonté – accueillies comme le reste – avec Amour – respect et attention – dans une écoute pleinement ouverte – disponible – sans embarras – sans intention – dans cette forme incroyable de présence qui transforme les routes et les montagnes en visages – les joies et les malheurs en chair à célébrer – et qui aime tant la nuit – et les choses sombres – qu’elle renonce à les éclairer avant qu’elles ne consentent à voir le jour…

 

 

Le cœur creusé par le regard – au-delà de l’os – jusqu’au tombeau – jusque derrière la mort – tout au long du voyage – sur ce fil interminable que le monde tisse avec celui des Autres…

Parfois jeté aussi bas que les ordures – d’autres fois lancé aussi loin que les idées – mais toujours devant nos pieds – en vérité…

 

 

C’est l’issue impensable qu’il convient de vivre…

Au bord du monde – seul – au-delà de tout désir – au-delà de toute pensée – sans autre témoin que celui qui vit

 

 

Dans les mains des Autres – ni aux cieux – ni en enfer – dans l’entre-deux du monde dont on ne peut rien dire…

Ni providence – ni malédiction – dans l’écheveau complexe – des milliards de fils entremêlés…

 

 

Toutes nos lampes enfilées en collier sur la poitrine – comme si l’on pouvait éclairer nos pas – la marche – trouver une direction – précise – déterminée – comme si nous étions les principaux acteurs de la lumière – comme si l’artifice avait la moindre incidence…

L’identité-soleil – au-delà de la volonté – au-delà de nos intentions (et de nos efforts) d’éclairage…

 

 

Devant chaque porte – une main – à mendier quelques petits riens – des restes dans l’assiette – et sous les fesses, un coussin de clous – des épines et des échardes plein les paumes – et ces larmes résignées – invisibles – sur les joues – ravalées lestement pour avoir l’air moins seul – plus présentable – suffisamment fier – moins que pitoyable…

Notre nature d’homme avec ce visage partagé – déchiré – brisé en mille éclats – en mille volontés – en mille désirs – contradictoires…

 

 

De temps à autre – une fenêtre – comme un voyage (immobile) – mille choses qui passent – qui bruissent – dans le silence – des battements de cœur qui émeuvent le regard – et des épines qui viennent encore parfois se ficher dans le cœur…

 

 

Vide – le panier des rêves – comme le soir qui tombe sur la route – le début d’une nuit plus légère – plus lumineuse…

Sans gloire – sans hasard – le même visage – à travers les épreuves – qui, peu à peu, s’efface – s’éclaire – révèle cet Amour et cette lumière – trop longtemps cachés – trop longtemps oubliés…

 

 

Ce chant qui – en nous – éveille la beauté – qui ouvre les yeux de ceux qui attendent impatiemment à leur fenêtre – comme un baiser glissé sans bruit dans le silence…

 

 

Une prière autour du cou – perpétuelle et silencieuse – sans exigence – comme un peu de neige sur la soif du monde – une main tendre et délicate sur la peau du jour – la fraîcheur de l’eau dans la gorge sèche – du feu au fond de la mémoire – un peu de légèreté dans l’âme…

 

 

L’habitude et le mensonge que reflète le miroir – pas un visage – pas même le soupçon d’un avenir – le passé plié en couches successives – embrouillé – et qui tourne (encore) la tête des moins aguerris – des plus naïfs…

 

 

De la terre à l’errance – le même chemin à suivre – longtemps – pendant des jours – pendant des années – pendant des siècles – jusqu’à la fin…

Et Dieu dissimulé parmi nos visages – derrière – et, chez quelques-uns (trop rares encore), au milieu de l’âme – rayonnant – infiniment perceptible – à travers les yeux et les mains – comme une sensibilité – une tendresse – vivantes…

 

 

Rien du rêve – plutôt un sourire parmi les fleurs – un livre très ancien écrit dans la poussière – sur la pierre, peu à peu, pulvérisée – usée par les vents et la pluie – fidèle, en somme, à l’insaisissable vérité…

 

 

L’heure la plus belle – la plus sauvage – la plus solitaire – vécue depuis le centre de tous les cercles – réunis – unanimement…

Rien – pas même un nom – le silence…

 

 

Dans un monde qui n’existe pas – là où il n’y a jamais rien eu – nous y sommes – pourtant…

 

 

Ce que l’on nous promet – à toutes les fins – la même alternative – le même verdict – le paradis ou l’enfer – ce que nous avons nous-même(s) créé dans notre tête si naïve – la continuité de ce séjour et de l’ensemble des voyages antérieurs – déployés…

 

 

Nous ne franchirons jamais rien ; il n’y a jamais eu de frontières – l’étendue entière était déjà là – présente partout…

 

 

L’obscurcissement et le sang – le même désir involontaire – la même tête – la même parodie de fête – le même simulacre d’existence – le sacre de l’apparence ; ce qui ressemble à un guet-apens qui, en définitive, ne piège que le vent…

Nous ne sommes que l’histoire – il n’y a de contenu – une étendue bleue – seulement – parsemée de terre et de trous – des reflets – ce qui, rassemblés, ressemble à la vie – avec son ignorance et ses substances circulantes…

 

 

Nous n’avons rien à craindre – des images et des illusions…

La vérité est au-delà – plus loin – plus vaste – plus féroce que la soif – ce manque si vif de soi…

L’absence souveraine – déclarée…

 

 

Une obscure passion pour la lumière – le monde fragmenté – en morceaux – comme si les points de vue – si infimes – avaient morcelé le réel – comme s’il nous fallait retrouver notre envergure initiale – nous abandonner à l’infini en devenant (exactement – parfaitement) la seule chose que nous sommes – cette intelligence fine – aiguë – cette part inséparable de son autre moitié – l’Amour – cette tendresse sensible et délicate ; et le tout comme une aire de bienveillance surmontée d’un halo tranchant – extraordinairement précis…

 

 

Rien qu’une prière – un état d’esprit – pour faire naître le souffle, puis l’acte – le geste de plus en plus juste – la parole de moins en moins nécessaire – le silence acquiesçant – cet éloignement inévitable du monde – des hommes – de l’ordinaire commun…

 

 

Au bout du chemin – l’enfouissement ou l’envol – la disparition – l’absence…

Et cette voix – en nous – rassurante – fascinante – évidente – qui crie au mensonge…

 

 

Qui sommes-nous réellement nous qui ignorons – nous qui ne voyons pas – nous qui sommes étrangers à toute forme de sensibilité – nous qui ne sommes pas encore (véritablement) des hommes…

 

 

Tant de mots – de gestes – de vent – pour si peu de chose – en somme…

Mille tourbillons d’air dans le vide…

A peine un souffle sur le visage de Dieu – entre les lèvres de la vérité…

 

 

La docilité de l’âme devant l’esprit peureux – effrayé – condamnée à l’obéissance…

 

 

Des yeux devant nos lignes – comme un guetteur au regard tendre – fasciné par l’appel – le ciel – l’Absolu ; un frère (bien) au-delà de la terre et du temps…

 

 

Nous croyons voyager – les paysages changent – bien sûr – mais seul le regard se transforme…

De l’exiguïté au miracle – du refus à l’acquiescement…

De la terre à la terre – en passant par ce que certains considèrent comme le ciel…

Nous-même(s) – du silence au silence…

Notre vie – toutes nos vies – comme une manière incessante de quitter l’origine – et d’y revenir ; de jaillir de la matrice – et d’y retourner…

 

 

Dieu partout – jusque dans nos gestes – jusque dans nos livres – jusque dans nos tombes – tendre et hilare – malgré la peine – la douleur – l’obscurité et la mort…

Si nous savions – nous délaisserions aussitôt le repos – la torpeur – le sommeil – pour embrasser la vie – le monde – les joies et les malheurs ; tout ce qui nous échoit – avec justesse – avec précision…

 

 

Imbibé(s) de prières et de ciel – dans le sillage de ces longues années stériles et silencieuses – sur ces berges où l’on récolte ce que tous les Autres – tous les vents – ont semé – la bouche pleine de sable – la mémoire encore trop vive pour se tenir (réellement) debout – être présent(s) – et soutenir d’une main attentive l’œuvre de Dieu – l’œuvre des hommes – tout saisir puis, tout jeter au loin – comme si ce labeur d’un autre âge – ce labeur extérieur – ne nous concernait pas – comme si nous étions le premier homme – sans la moindre généalogie – naufragé(s) sur une île déserte – seul(s) – loin de la terre et du ciel – obligé(s) de renoncer au repos pour se mettre en marche – pour se mettre en quête peut-être – pour découvrir ce qui se cache au fond de l’âme – au cœur du silence – lorsque toutes nos croyances et toutes nos idoles – lorsque tous nos désirs et tous nos rêves – nous ont quitté(s) – et que dans notre nudité, nous nous retrouvons – à force de ténacité et d’abandon – sur le seuil du jour – modeste(s) et innocent(s) – enfin prêt(s) à rencontrer – à retrouver – l’impensable…

 

 

Absent – désert – l’espace – comme nos pas – qu’importe les visages et le sourire ; nous n’existons pas – nous n’aurons jamais existé…

 

 

Des vagues et des âmes – fragiles – féroces…

Des larmes, parfois vraies – parfois comme un simulacre…

Des histoires – des rumeurs – nouvelles et anciennes…

Des mensonges hors du cercle – et d’autres (dont nous sommes) qui préfèrent la solitude et le mutisme…

De la peine au vide – du bavardage au silence…

Plus solitaire que jamais – et plus heureux aussi – comme si nous étions le seul hôte à accueillir – le seul être à aimer – en tout cas le premier (avec toute sa communauté) avant tous les autres qui suivront (avec la leur)…

 

 

Nous – dans l’effacement des frontières – l’élargissement du territoire – vaste – si vaste – sans la moindre limite – avec tous les horizons réunis devenus centre – en un seul espace…

 

 

Pas de rencontre – l’étrange prolongement de soi alors qu’à l’extérieur, rien n’a changé – l’apparence – des contours et des confins – toujours – et, au-dedans, la même étendue avec des trous – des bosses – des aspérités – ce que nous appelons des individualités – apparemment distinctes – apparemment différentes – incroyablement changeantes et provisoires – comme une illusion – une perception de surface sans la moindre profondeur – sans la moindre perspective…

 

 

Des yeux – un cœur – par milliers – unique ; le jour recouvert de larmes – de rire – de neige ; la même lumière qui, lentement, éclaire les âmes – les esprits – notre apparence – si sombres et si nocturnes – couleur de mort et de chagrin…

Comme un air de tristesse et une offrande de joie – d’une extrémité à l’autre – (enfin) réunies…

 

18 août 2020

Carnet n°242 Notes journalières

L’aube – la lampe – l’étreinte…

Ce qui nous conduit ici même – sans détour – sans trahison…

 

 

Au fil des naufrages – de plus en plus rien…

La tête inconnaissante – devenue presque superflue aujourd’hui – un peu de chair nécessaire au fonctionnement quotidien…

 

 

La danse – le chant – le rire – expressions des profondeurs – naturelles – sans volonté – comme un hymne permanent à l’Amour – au vivant – au silence…

Nous – sans arrière-pensée – sans apprentissage nécessaire…

Le ciel sur terre décadenassé…

 

 

Des jours et des mains – seuls outils pour venir à bout du labyrinthe – se rendre compte de l’illusion – devenir réellement vivant…

 

 

Des fenêtres à perte de vue – comme les seules frontières – ce qui tient le monde à distance…

Avec tous nos rêves derrière le mur – au loin…

Quelque chose d’impossible à franchir malgré l’apparente facilité du passage…

 

 

Nos paumes brûlantes – comme notre front – sur ces pierres mystérieuses et angoissantes…

Ce qui sonne – au fond de nous – comme un secret révélé – une onde de choc – le bleu retrouvé – notre seule envergure – sans doute…

 

 

La perte manifeste du monde au profit du jour – ce à quoi nous accédons en abandonnant ce qui semblait nous appartenir…

Des larmes à la place des cris – des rires au lieu de grimaces…

Le soleil – mûr à point pour apparaître au fond du noir – dans la pleine obscurité des yeux – derrière l’âme attentive et aguerrie qui se tient à la périphérie du monde – au bord du silence – aux confins de l’infini et de l’éternité…

Nous – nous retrouvant…

 

 

La terre ignorée – au bord d’un ciel désastreux – celui qu’elle a maladroitement inventé…

Quelque chose de la frustration – de l’attente – de l’espoir – pour essayer de vivre moins inconfortablement – pour essayer d’échapper à la tristesse – à l’absurdité et au néant apparents…

 

 

Toutes les portes fermées – autour de nous – comme l’écrin de la plus précieuse invitation…

De l’absence et du cri à la chute – en soi – comme la découverte d’un soleil au-dedans…

L’absence, peut-être, convertie en regard – bientôt…

 

 

Des rêves plus anciens que notre peau – plus anciens même que la surface du monde – mille univers en un seul ; des routes – des cieux – des océans – et des oiseaux plus courageux (et plus tenaces) que nos pas – recommençant inlassablement leur envol et leur voyage – de la terre vers la terre comme si l’azur et la légèreté n’étaient que des états – de (très) brefs passages…

 

 

Personne – aucun appui pour nous relever – aucune âme – aucune main – pour nous réconforter. Le monde disparu – le monde au-dedans – comme seul témoin – seule possibilité de tendresse ; la sagesse arrivera (peut-être) plus tard lorsque l’on se sera familiarisé avec la beauté – avec le silence et l’autonomie – lorsqu’il ne restera plus un seul visage vivant sur terre…

 

 

Tous nos complices se sont enfuis et toutes nos corruptions nous ont révélé(s) ; ne reste plus aujourd’hui que la possibilité de l’Amour…

Sur ce sol ancestral – au-dessus des yeux, ces étoiles – entre le ciel et le front – trop haut pour la main – et pas assez pour l’ambition…

Quelque chose – en nous – ne peut ignorer notre besoin (impératif) d’Absolu – la nécessité de tous les épuisements – ce que doit connaître l’âme avant le plongeon et l’envol – ce que nous deviendrons, peut-être, après notre acquiesçante capitulation…

 

 

Hors du sable – dans un nid d’étoiles tombées ici et là et rassemblées un peu au hasard pour permettre au rêve d’exister – de briller au-dessus de nos têtes comme une guirlande mensongère…

Une manière, sans doute, d’éloigner la tristesse et la mort…

 

 

En silence – comme l’arbre – debout et nu – majestueux et vulnérable – à la merci des hommes sans humanité…

 

 

Parmi nos frères – entrelacés – l’Amour sur toutes les lèvres – dans tous les cœurs – comme une respiration – naturelle – spontanée – au fond de l’âme…

 

 

Avec toutes nos mains tendues vers le ciel – nos chants qui s’élèvent – comme une prière entendue par les Dieux – le bleu qui recouvre la soif – qui pénètre la peau – la chair – d’un bout à l’autre du corps – dans tous les recoins de l’âme – cherchant son assise permanente – celle qui saura résister à la mort – à la multitude des formes et des passages…

 

 

Nous – plus loin que le monde – plus loin que la faim – au seuil déjà du silence et du vide…

 

 

Où que l’on soit – quoi que l’on fasse – toujours au centre du périmètre – comme des rois au milieu de leur royaume – entourés par tous les soleils – la main chargée des larmes des Autres pour débarrasser les âmes de leur tristesse – l’esprit vide à l’envergure promise – l’esprit aussi dense et clair qu’une roche transparente – le miracle et la joie sans le poids de vivre…

Nos seuls habits sous le vieillissement…

 

 

Ce que la mort enseigne à la terre – les râles et la sueur de notre quête – le sang qui coule (encore) trop souvent. L’espoir qui nous crève les yeux ; en nous – tous les démons qui grondent…

Ce que nous avons de plus désespéré – peut-être…

 

 

Des larmes dans notre sourire – quelque chose du monde – comme une ambivalence – un surcroît de matière sur le bleu seigneurial – une forme d’enfermement au cœur de la liberté…

Ce que nous incarnons peut-être – malgré nous…

 

 

Un point fixe dans la nuit – jusqu’à mourir – cette immobilité – comme si quelque chose, en nous, nous perforait ; un clou ou un regard – qui peut savoir…

 

 

Du feu – au-dedans – au cœur de notre vie secrète…

Nous – debout – à genoux – sans que rien – jamais – ne nous arrête…

 

 

Des peines et des joies – dans la tête – la même chanson – si souvent – quelque chose de l’oiseau migrateur – infiniment passager – infiniment provisoire – comme tous les voyages – sans réel territoire ; lui-même – nous-même(s) – en plein vol – seulement…

 

 

De la chair – des émotions – des pensées – toutes nos existences…

Et le même cœur au fond des âmes – au fond des choses – invariant – à l’apparence si changeante – pourtant – comme la matière – comme ce qui nous traverse – la surface du monde…

 

 

La nuit et le monde – amoureusement – sauvagement – enlacés…

Comme nous et la mort – au-delà des apparences…

 

 

Ce que le vide nous enseigne ; ses parfaites épousailles avec la forme…

 

 

Des âmes comme des désirs – comme des crachats – plongées au cœur du même enfer…

 

 

Dans notre poitrine – notre souffle – notre âge – le monde soustrait – comme une obligation en moins – la terre libre – rendue au vent – à ses propres veines – à cette respiration monumentale que nous ont confiée les Dieux…

Nous autres – aux côtés de la faim – apprivoisée ; et le sommeil de moins en moins obéissant…

 

 

Mille visages sous la peau – mille éclats de ciel entre les doigts – quelque chose d’indescriptible…

La douleur – comme la joie – clouée provisoirement en nous – mais les ailes libres (déjà) – comme le souffle et le sang – malgré leur allure de prisonnier…

 

 

Tout est surpris dans les bras de l’Amour – même la haine – surtout la haine…

 

 

Nous – aussi proches de la terre que du mystère. Instables sur nos pieds d’argile – sur nos pieds de ciel – sur nos pieds de vent…

 

 

Toutes les ombres – toutes les bêtes – que nous avons pourchassées – que nous avons poursuivies jusqu’à l’encerclement – jusqu’à la mise à mort – et que le silence, si nous avions attendu – si nous avions eu la patience d’attendre, aurait transformées en oiseaux magnifiques – libres – provisoires – souverains…

 

 

Seuls la pensée et le souvenir nous dévorent – nous dérobent – la nuit tombée sur les pierres – les visages fatigués – ce que les Dieux – un jour – entre nous – ont déposé…

Et nos larmes – et notre tristesse que rien ne pourra apaiser…

 

 

Nous – dans notre propre rêve – ou celui des Dieux – le visage rouge à force de rire – à force de honte – à force de colère parfois – distraits par tous les miroirs tendus par les yeux des Autres – effleurant le monde – le secret – la vérité – comme s’il s’agissait de fleurs ordinaires – trop anodines – trop insignifiantes – pour notre stupide ambition – pour notre bêtise et notre aveuglement sans mesure…

 

 

Echappés des saisons – de notre peine – de cette irrépressible obstination à chercher – la lune – la mort – le dialogue sibyllin des âmes – des arbres – de la terre – le chant clair du jour – la fureur cacophonique des hommes et du vivant – la douce mélodie de l’absurde et du désespoir…

Toute la beauté du monde – dans nos larmes – dans notre rire…

 

 

Nous délaissons le visage de la vérité pour quelques reflets charmants – une épaule affectueuse et rassurante – des lèvres suaves et réconfortantes – des livres – des paroles – une communauté – inutiles – l’esprit en déséquilibre sur un tas de cendre ou de poussière au lieu d’embrasser la solitude – la nudité de l’âme – la beauté intacte du monde – les couleurs changeantes (et mensongères) des cieux ; l’apparent privilège des oisifs – des non-nécessiteux – peut-être – qui négligent le véritable voyage – qui renoncent au plongeon et à l’aventure dans la douleur et la laideur des choses – qui se privent des délices et des merveilles du chemin et des (possibles) retrouvailles…

 

 

D’une autre perfection que celle du monde – quelques étoiles et des béquilles en tête – comme pour poursuivre (un peu lourdement) le même idéal – un pas déjà dans la tombe et l’autre (encore) à piétiner inutilement le sol – avec un crayon dans l’âme et des feuilles, un jour, qui s’envoleront par milliers…

 

 

La lune – en nous – dans les mots que nous tenons trop près de notre bouche – en suspens dans l’air alentour – comme un voile épais et invisible – comme une folie supplémentaire dont nous n’avons pas même conscience…

 

 

Dans l’insomnie d’une nuit tragique – quelque chose du somnambule – poignard et regard de côté – posés de travers – pointés vers l’avant – dans une crainte démesurée de ce qui pourrait exister après les heures – à la fin de notre histoire – derrière ce noir que nous avons toujours connu…

 

 

Tout brûle – même les étoiles – les étoiles plus que tout, peut-être – la cruauté et nos fausses aventures – l’œil ébloui – fasciné – condescendant – nos artères trop encombrées – nos idéaux – ce que nous avons décidé d’achever – tous nos désirs – jusqu’au dernier – et cette folle – cette incroyable – ambition d’aurore permanente…

 

 

Nous – nu(s) – au milieu de la danse – convié(s) au partage – à la fête – à toutes les formes de reconnaissance…

 

 

Parmi les oiseaux de passage – notre Amour – irrésistible – aux gestes miraculeux – au-dessus de toutes les soifs – comme une source – les eaux originelles et notre premier breuvage – celui qui nous offrait la fraîcheur et la sauvagerie des Dieux – cet allant naturel et spontané aujourd’hui perdu – celui qui, dès la première gorgée, nous faisait fréquenter le monde – sans image – sans désir – avec légèreté – comme si nous habitions un pays lointain – une terre bien trop étrangère pour nous considérer à demeure ici-bas…

 

 

Au dernier jour du monde – un peu de tristesse – comme si, en définitive, nous nous étions habitués à la bêtise – à la douleur – à la mort ; à la merci des masses – de la violence – des limitations de la matière et de la psyché…

 

 

La chair en feu – puis, un jour, consumée – puis, un peu plus tard, en cendres – puis, plus rien avant le recommencement (très probable) du cycle…

 

 

Nous – devenant le temps – les saisons et la mort – voleurs de tout ce qu’offrent les lèvres – de tout ce que peuvent saisir les yeux – la tête – les mains – nous emplissant comme une outre – marchant là où tombe la pluie – là où le soleil peut remplacer la tristesse – partout où les jambes et l’âme peuvent aller et se sentir libres…

 

 

Le visage inquiet sur les fleurs fanées – comme un épais rideau sur notre joie – fragile – si dépendante des états et des circonstances. Le désespoir jamais très loin du rire – les rêves et les pensées enchâssés – notre fièvre et notre angoisse de ne plus exister…

Et cette espérance insensée de vouloir vivre encore – de vouloir vivre toujours – de prolonger nos limites et notre détention…

 

 

Sous les yeux de ce qui nous a vu naître ; à la merci de ce qui nous emporte…

 

 

Des rites inutiles – la célébration de ce qui n’existe pas – des amours fragiles et bancales – des façons d’être ensemble comme des alliances (de toutes sortes) – de la douleur et quelques restes (un peu trop discrets) de silence et de blancheur…

La nuit terrible – qui se prolonge…

Nous tous – vaincus et prisonniers – en apparence…

 

 

Rien que du rêve et des rires – histoire de pavoiser dans notre néant – des corps que l’on piétine comme s’ils n’existaient pas…

Des monstres et des cœurs lacérés – déchirés – dépecés – comme si la faim était la seule loi des vivants…

 

 

De la douleur sous les étoiles – sur ce coin de terre livré à tous les désenchantements…

Trop de murs pour échapper au temps – au confinement de notre chambre…

L’ignorance qui nous ferme les yeux – le cœur trop usé de ne jamais servir…

Nos efforts – nos peines et nos prières – risibles (si risibles) face à l’incroyable défi qu’il faudrait relever pour découvrir – apprivoiser – et habiter l’espace que nous abritons – infime parcelle, en quelque sorte, de l’espace que nous sommes…

 

 

A force de désir – nous contrarions le destin des paresseux – des idiots et des sages – de tous ceux qui s’abandonnent (parfois – un peu trop) négligemment à la providence et à l’infortune…

 

 

Lasse – sans idée – sans la moindre philosophie – la tête – presque absente – involontairement d’abord – comme un état naturel – le prolongement du cerveau des pierres – puis délibérément – comme la résultante provisoire d’un long processus – sans l’accablement premier – dans une sorte d’indifférence apparente – joyeuse et sensible…

Avec, parfois, le baiser des Dieux sur notre front – sur notre émerveillement. Et l’âme qui s’ouvre, peu à peu, comme l’ultime porte sur le jour…

 

 

Habillé d’herbe et de lune – mâchant le temps – ressassant les jours et les saisons – comme si leur ingestion était possible – comme si l’on habitait la terre durablement – comme si l’on n’avait plus rien à perdre – comme si l’aurore n’était qu’un vieux rêve pour les fous…

 

 

Dans les yeux – une épaisseur sombre – la même que celle qu’abritent les âmes – comme une terre inculte où aucune fleur ne peut pousser…

Peut-être est-ce la nuit… peut-être est-ce le sang… ou, peut-être, est-ce seulement le visage des hommes…

La voie du monde – sans doute – celle qui, un jour, nous ouvrira à ce qui existe derrière la faim…

 

 

Les arbres et les troupeaux – au service de ce qui est utile…

La nudité du plus précieux ; des portes – une multitude de portes – qui dissimulent le froid et l’indigence des ambitions…

Toutes les rives du monde – où l’on s’excite – où l’on court dans tous les sens – à perdre haleine – sans (réellement) savoir ce que l’on cherche…

Le feu – le souffle et la faim…

Tous ensemble – anonymes – de plus en plus laids – de plus en plus loin de l’origine – comme si un retour – un regard au-dedans – vers l’arrière – vers ce qui regarde – étaient impensables – impossibles…

 

 

La nuit – transparente – comme tout le reste – en dépit de ce que l’on voit – en dépit de ce que l’on (nous) dit…

L’étoile et l’oiseau – au-dessus de nos têtes – et des rêves aussi…

Et sous nos pieds – ce sang rouge sur le sol ravagé – des corps – des morts – du sommeil…

Des grilles au fond des yeux – les mêmes que celles que l’on trouve autour de soi…

Des fleurs dans un coin et un peu de lucidité que nous saisirons plus tard – l’orage et le songe passés…

 

 

Sommes-nous nés pour survivre ou pour aimer…

Sommes-nous nés pour écouter ou éblouir…

Ou ne sommes-nous nés que pour apprendre – attendre et mourir…

Avec, peut-être, des milliards d’existences – pour (presque) rien…

 

 

Nos vies – comme un espace circulaire – minuscule – déformable. Un peu de soleil contre la joue – un peu de lumière et de chaleur dans un monde sombre et froid – caverneux…

 

 

La tête contre la porte du monde – au seuil de tous les sens possibles – comme un oiseau silencieux – déterminée malgré ses faiblesses et sa fragilité…

 

 

Une voix – comme une arme – celle de la résistance – celle de la révolte et de la liberté – celle qui annonce les révolutions silencieuses – nécessaires – solitaires – intérieures – celles qui mettent le feu aux idées et aux images du monde – celles qui, emplies de gratitude et de respect, prennent soin de ce qui existe – des pierres et des vivants – celles qui transforment nos attentes et notre tristesse en joie libérée des circonstances et du temps…

 

 

De quoi parle-t-on lorsque la parole perd son usage prosaïque – à qui s’adresse-t-on lorsque la périphérie s’est éloignée…

De l’aube à l’aube – le même silence – ce chant né des hauteurs du monde – au croisement de la terre et du ciel…

Dans la nature et le rythme de ce qui existe ; la foule – la multitude des naissances – les chemins – tous les horizons…

Le dehors et le dedans réunis par le vent – l’éclatement des frontières – dans nos gestes les plus quotidiens…

 

 

Nous – sans la mort – sans les monstres et les idées qui nous assaillent – sans question – au centre de l’arène – au cœur du royaume – au milieu de tous les déserts – de tous les espaces populeux – sans la nécessité des Autres – sans haine pour les limites de la chair et du souffle – acquiesçant à toutes les formes de resserrement et d’ignorance…

 

 

Des dépouilles en contrebas – et cette bouche – au centre – qui crie ; un hurlement terrible qui secoue les cendres – qui déplace les racines et coiffe le monde d’une peur gigantesque…

 

 

Nous parlons – sans jamais rendre compte du secret que chacun ignore (superbement) – une manière de remplir l’esprit – notre relation au monde et le silence – de nous précipiter dans l’espace avant le désespoir – de croire que nous conservons les yeux ouverts malgré la prégnance du sommeil épidémique – hautement contagieux…

 

 

Dans notre coffre – nos feuilles – nos (minuscules) trésors – nos carnets que quelques-uns liront, peut-être, un jour…

Quelques poignées de feu sur des fragments d’âme défigurée – des ailes attachées à la sensibilité – pour échapper à la monstruosité régnante…

 

 

Des rives – des miroirs – des rêves – tous les visages de l’abîme…

Personne – et, pourtant, tant de peines…

 

 

Des empires bâtis par le sang et la salive…

Prisonniers de tous les viscères et de tous les crachats des vivants – cette nuit du monde qui semble impérissable…

Une poignée de réfugiés sur quelques pierres fragiles – en surplomb de la bave et des charniers…

 

 

Le même mystère sur notre peau tatouée par la mort…

Une illusoire planche de salut – la sensation d’un voyage – une marche apparente – chimérique – autant que nous semblent réels les Autres – les rencontres – la moindre fenêtre sous nos yeux…

Des larmes sur nos joues – contre la vitre – derrière laquelle, un jour, tout disparaît…

 

 

Ce que nous nouons à l’ombre du soleil – mille choses – mille pensées – et toutes nos dépouilles successives…

 

 

Rien que nous jouant dans la cendre – dans la joie des âmes retrouvées – réunies – au centre de tous les ensembles – provisoirement convertis en communautés – en périphéries…

 

 

Le sang et nos (fausses) racines en turban – long – autour de la tête – couvrant les yeux – les chemins – le monde – l’inconnu – ce qui pourrait nous être révélé – la vérité…

 

 

Nous vivons comme des sentinelles au-dessus de l’abîme – scrutant la moindre chute – la moindre remontée – tous les monstres et toutes les ombres dévalant et escaladant à l’envi – au lieu de plonger notre âme dans nos plus immédiates profondeurs…

 

 

La nuit – nous-même(s) – nous lamentant – comme ces prisonniers aux mains attachées au-dessus desquels virevoltent des myriades d’oiseaux ; le monde d’en haut qui, vu d’en bas, semble narguer toutes les créatures trop trivialement terrestres…

L’infini jonglant avec lui-même – très haut au-dessus des têtes et du sommeil…

 

 

Personne contre notre peau – le bruit – la mort – et mille vagues successives – des milliards de circonstances – devant nos yeux – quelques désastres – une ou deux catastrophes – parmi une foule d’insignifiances précieuses – quotidiennes – faussement routinières…

La vie – les rencontres – et tous les passages possibles (dont le nôtre, bien sûr)…

Des spectres et de la salive – seulement…

 

 

Des gestes d’autorité et des postures – et ce qui doit, peu à peu, émerger de sa gangue de glaise – de cette terre de sommeil ; l’identité première encore enfouie en dessous des têtes – au cœur de la chair – au fond des âmes – intacte – pure – innocente – vierge à tout jamais – et libre (depuis toujours) du temps et des circonstances…

 

 

Du vent – autour de nous – et des bourrasques à l’intérieur…

Des précipices où rien ne subsiste – où rien ne végète…

Le monde à l’envers dans nos mains rocailleuses…

Notre sang qui circule dans toutes les veines…

L’harmonie des saisons dans notre parole – et dans notre silence…

La même posture – l’absence – face au temps et aux exigences (très grossières) des hommes…

 

 

Rien – pas la moindre épaule – pas la moindre présence…

Notre cœur hissé – déchiré – qui se propage – qui se déploie – devenant le monde – devenant l’espace ; tout ce qui existe comme avalé – apprivoisé – nôtre…

Rien que le jour – l’Amour – sans personne – sans la moindre possibilité de résistance…

 

 

Sur nos ombres – rien que des mots et des commentaires – d’inutiles gesticulations – sans incidence – une foule de choses qui ne renforcent – ni ne dissolvent – ce qui doit exister (très) provisoirement…

 

 

Dans l’antre secret des passages – un rire – ce qui ressemble à des monstres – à des serpents (chimériques) – des feuilles par milliers qui n’attendent que leur envol – leur éparpillement…

Mille raisons de demeurer vivant – et autant de vouloir quitter le monde – de retrouver une envergure perdue – plus large – plus folle – parfaitement appropriée aux sollicitations de la terre et aux retrouvailles (toujours possibles) avec le bleu profond et mystérieux…

 

 

Nous – sans attrait – comme des hommes de paille, en quelque sorte – des silhouettes sans intérêt – de simples apparences engendrées à des fins ludiques et impérieuses – à vivre ici et là – sans pudeur – sans (véritable) ambition – dans l’intention d’un plus grand que nous – sous le joug, sans doute, d’une volonté que l’on pourrait qualifier de divine…

 

 

De la page au geste où tout se mêle – l’Amour sans posture – sans costume – le vent dans tous les angles – dans tous les recoins…

Eparpillées – en nous – l’indiscipline et l’intensité de l’attention…

 

 

A nos côtés – sur la même rive – la mort – nos bouches muettes – sans espérance – la parole sans hantise – née du plus ancien silence…

 

 

Le monde et nos rires – ficelés – et jetés ensemble dans le même abîme – perdus au fond des eaux – comme un rêve étrange – fatal – parallèle au cours des choses – à toutes les dimensions du réel et de l’esprit…

Des trous et des cailloux – l’oubli – et des milliers de portes qui se referment – simultanément…

L’âme seule – embarrassée – au milieu de la route…

 

 

Des étoiles sous notre front brûlant – impatient de quitter la nuit – de retrouver sa sente – les rives inconnues d’une terre nouvelle…

 

 

De l’argile à l’océan – de la surface aux profondeurs insoupçonnées du ciel…

Tout un monde à escalader – dont il faut se défaire – qui attend notre venue – notre accueil – cet acquiescement involontaire – ce oui immense – sans réticence – au-dedans – qui n’est ni un mensonge, ni une stratégie – le seul passage, sans doute, entre ce dont nous avons l’air et ce que nous sommes…

 

 

Hormis quelques cris – quelques plaintes – et un peu d’espérance peut-être – rien au fond de l’âme – rien au fond de la poitrine ; des miroirs et les reflets de personne ; l’effigie du vide – et de sa multitude – de ses incarnations argileuses – ce que l’on découvre et ce que l’on reconnaît – en regardant en soi – autour de soi – le monde dont nous sommes, à la fois, le centre et la périphérie…

 

18 août 2020

Carnet n°241 Notes journalières

Rien que des éclats de surface et des couleurs – notre ignorance exposée…

Le monde comme un mur – un sourire – un langage – sans doute la même illusion…

 

 

Dans ce bain de terre – terrible – terrifiant ; immergé jusqu’au cou – jusqu’au fond de l’âme ; toute cette matière ruisselante – et après laquelle nous courrons tous – et dont on voudrait nous faire croire qu’elle abrite tous nos secrets…

 

 

Le plus simple nous invite à toutes les extinctions – à se laisser mener par ce qui s’impose – à convertir toutes les questions en silence…

Le plus bel acquiescement…

 

 

La beauté d’un monde inconnu – incomparable – comme son envergure – l’infini devant nous qui éclot à l’intérieur – et cherche, sous quelques restes d’orgueil, son lit pour toutes les saisons – la vacance nécessaire à son éternité…

 

 

Tous les noms – dans notre cœur – qui se mélangent – s’empruntant ceci et cela – confondant la tête – le corps et l’âme – des uns et des autres – cherchant à s’assembler pour ne former qu’une seule créature – étrange – hybride – unique – notre figure commune – porteuse de toutes nos différences – de toutes nos singularités…

 

 

Le ciel – là où tout commence – aux premiers instants de l’écoute – lorsque les yeux se ferment – comme la bouche – lorsque le silence tient lieu de geste – de parole – de vérité – la seule matière du monde – réel – entendable…

 

 

Les choses éparpillées – au-dedans de tout – sans notre volonté – la fin de l’histoire – là où nous n’avons plus besoin d’être…

Le vide – plein – sans rien ni personne…

L’espace que nous sommes…

 

 

L’ombre – toutes nos ombres – jetées dans le silence – comme si l’on pouvait épuiser la lumière – devenir une fenêtre dans la nuit – un peu d’intelligence au milieu des hommes…

 

 

Le bleu des hauteurs – la transparence des profondeurs…

Et toutes les pierres hors des poches…

Le sommeil sous la cendre – où se consument tous nos restes…

L’ignorance au fond de l’abîme…

Et toutes les cimes – et tous les cieux – sur nos frêles épaules…

 

 

Nous tremblons à l’approche des Autres – de crainte ou d’excitation – qu’importe – fragiles devant notre continuité – comme si nous ne pouvions réellement croire en un tel prolongement – tantôt sombre – tantôt rieur – et presque toujours irréel tant nous ne savons nous reconnaître…

 

 

Lucarnes noires – face auxquelles nous sommes installés – patients – immobiles – sans curiosité – comme au théâtre où des ombres arpentent la scène en silence – avec fracas – avec fureur – sans jamais connaître la dernière heure – ni l’issue – du spectacle – endormis déjà avant que ne commence le premier acte…

 

 

Trempé dans le plus réel – dans le plus vivant – de la beauté – comme un recours – une manière d’aller au-delà du monde – des hommes – de la nuit (presque) toujours assassine – de traverser tous les déserts qui nous séparent du jour – de remonter la laideur jusqu’à la source – et de tout embrasser sans rien résoudre – sans rien demander ; devenir ce que le temps ne peut sauver – ce que les fleurs célèbrent après la mort…

 

 

Les tourments posés en deçà de la mémoire – dans ce gouffre où l’on a jeté tous nos livres – notre âme – et jusqu’à notre épuisement à vivre – là où le feu du jour brûle tout ce que nous avions cru important – essentiel – jusqu’à la dernière étoile mensongère – jusqu’à nos plus précieuses idoles ; les images de Dieu et de l’Amour – comme le reste – rongées par les flammes…

 

 

L’âme désertée – notre plus grand malheur – sans doute – le destin aussi tragique (et inutile) que celui d’un orphelin sans descendance – soumis à cette terrifiante appartenance au peuple des absents – à ces silhouettes d’ombre et de glaise que font tournoyer les vents…

 

 

Dans la tourmente du temps – avec des larmes sèches sur les joues – accumulées chaque jour en strates successives – comme un masque de tristesse – avec notre sommeil figé dans cette cire transparente…

 

 

Nous – non résolus – et sauvés déjà…

Dans le ciel – au fond du gouffre – simultanément – sans même que nous le sachions – sans même que nous nous en apercevions – le chant du jour et la lumière – ce que nous espérions autrefois de notre désert inhabité…

 

 

Rien que des signes où l’on croit deviner l’avenir – du côté clair du ciel, imagine-t-on, alors que l’immensité enrobe l’hiver – toutes les saisons – la nuit – l’aube et le jour – dans le désordre – comme si nous vivions selon le désir des Dieux – les circonstances – la fatalité du monde – comme si l’on pouvait échapper à son destin…

Rien que des présages ineptes – la peur figée qui n’aspire qu’à contrôler l’après – l’ailleurs – l’impossible – ce qui n’existe pas – ce qui ne pourra jamais exister…

Notre pathétique crispation sur les misérables choses du monde…

 

 

Dans l’étroitesse d’un corps – le grand Amour – la liberté cadenassée – des paupières sur des yeux déjà fermés – un cœur frémissant – palpitant malgré lui – une respiration aussi involontaire que la naissance…

L’homme dans son existence commune…

L’incarcération incarnée…

 

 

La nuit – aussi provisoire que le reste…

Ce que l’on approche avant l’hiver – ces rives étranges où tout semble mystérieux – (presque) inversé – incompréhensible…

Le temps déserté et l’intimité de la mort…

Quelque chose de lointain – et d’infiniment familier – pourtant…

 

 

Ce que les gestes nous révèlent de l’intensité de la pente – de la hauteur des murs – de l’épaisseur des remparts à franchir ; la distance qu’il nous reste à parcourir…

 

 

Sans précaution – sans risque (réel) – ces pas qui ne semblent jamais suffisants – la tête à travers les grilles – malgré la marche – le noir – la pluie – et cette peur qui nous fait oublier le silence – sa douceur et sa nécessité…

 

 

L’âme à la fenêtre – la main tendue vers l’impossibilité de l’horizon – comme une promesse (intenable) – le gage (incertain) d’un avenir plus clair – moins chaotique – moins malheureux – une illusion supplémentaire dans notre rêve déjà obstrué – saturé – sur le point, peut-être, de nous fermer les yeux – à jamais…

 

 

Sans référence – l’âme face au monde – au milieu des vents – de la tourmente – sans souci – plus libre qu’autrefois – lorsque l’on s’accrochait aux rails trop laborieusement construits par notre destin mensonger…

 

 

Ici – des éclairs – de la nuit – de la joie – l’enfance face au monde – face à elle-même – quelque chose de l’imprudence et de l’impossibilité du partage…

L’être au milieu de lui-même – visages contre visages – et ce rire – féroce – incroyable – qui donne envie de destituer tous les rois – d’abolir tous les règnes – toutes les lois – de révéler aux choses et aux visages – la beauté harmonieuse – et mordante (si mordante parfois) – du désordre et du chaos…

 

 

Quelque part – quelqu’un – qui n’existent pas. Des fables et des histoires – ce que l’on nous a appris – cette croyance si tenace – plus qu’obstinée – en notre existence – en l’existence de l’Autre et du monde…

 

 

Nous – pris déjà dans la vérité (indémontrable) de la vie

 

 

Rien ne pèse sur nos phrases – sinon le poids qu’on leur concède…

Du vent – en quelque sorte – et un peu de mort ; quelque chose qui nous entoure déjà – et qui nous insuffle ce qui nous manque – peut-être…

 

 

Chacun face à sa crédulité – à son désir – à son héritage – ce qu’il offre au monde – en vérité…

 

 

Nous n’avons le temps que de quelques gestes – quelques idées – en creux – presque rien, en somme – un peu de mémoire antérieure – ce qui existait déjà avant le premier élan ; nous – le monde – sans référence – la même chose qu’au fond des yeux – ce qui demeure face aux saisons – ce qui subsiste éternellement…

 

 

Nous – sans les livres – au milieu des arbres – en ce lieu sans circonstance – dans l’oubli et l’alternance des choses…

L’âme sensible et le regard dégagé…

Ce que nous serions tous – la véritable incarnation – si nous savions vivre dans la suspension du temps…

 

 

Le seul voyage qui compte – vraiment – d’ici à ici en passant par tous les ailleurs – tous les autrement. Des marches et des nuits – par milliers – par millions – par milliards – la force perpétuelle d’avancer – avec d’abord, des pierres dans les poches – puis, un peu de poésie – puis (enfin) du vent – du vide – une once incalculable de vérité…

L’âme et le geste libres – denses – réellement vivants…

 

 

Ce que le voyage révèle de nous-même(s) – une manière d’être involontaire – l’essence de notre singularité – la fine pointe de l’être nous traversant…

Ce que nous ne pouvons dissimuler – nos bagages les plus intimes – sans doute…

 

 

Sans affaire – sans lendemain – oubliées les heures passées sur le chemin – à notre table de travail – rien au-dedans – personne à nos côtés – le monde opaque – du moins son apparence ; au loin – de l’autre côté du mur – sur l’autre rive – du côté du temps inventé – du temps approximatif – des Autres hypothétiques ; là-bas, la certitude du voyage – ce que l’on frotte – ce que l’on use au contact du réel ; ici – qui peut savoir – personne n’existe vraiment – et si d’aventure nous étions réellement vivants, nul ne serait assez fou pour oser se faire le témoin de tous ces riens

 

 

Le sommeil si profond – comme une honte – un refuge – inévitable – une nécessité de pantin…

Ce qui se traîne – aux abois – derrière les chaînes d’un Autre – de mille Autres – cette longue lignée de prédécesseurs – le monde d’avant nous – aussi malhabile et inutile que le nôtre – mais pas moins essentiel à notre (progressif) dévoilement…

 

 

Notre magnificence incarcérante – ce que l’on nous offre comme une (piètre) consolation…

 

 

Nous – déployé(s) – plus puissant(s) que les sages et les prophètes – libre(s) de toutes les fonctions – de tous les usages. Le bleu pas même en étendard – débordant comme si nous étions le ciel – plus haut que le ciel – plus large que le ciel – l’infini – notre nature – notre miroir – à tous…

 

 

L’esprit – dans l’angle des Dieux – comme coincé entre la mort et le temps – entre leurs promesses et nos frontières – toutes nos limitations – à l’épreuve – comme si nous avions oublié notre plus vrai – notre plus ancien – visage…

 

 

Nous – à l’époque périphérique – instable(s) – extérieur(s) – exilé(s) – mal à l’aise – comme si nous vivions à l’étroit – sur un infime carré de pierres tranchantes – isolé(s) du monde – des Autres – malgré l’étouffante promiscuité…

L’ombre de nous-même(s) – derrière la lumière…

Avant la route intérieure – égaré(s) – en désordre – passablement hagard(s) et embarrassé(s)…

 

 

A l’envers du langage – les arbres – le geste – ce qui est nécessaire – le réel sans superflu – sans humanité futile…

De l’autre côté ; le temps indésirable – l’ombre du regard – ce qui semble appartenir au monde – à la surface – aux apparences – le temps de la pensée et du devenir – ce qui a l’air de croître – de se déployer – de décliner – de disparaître – quelque chose de provisoire et d’inconsistant – avec, au-dedans, comme un étrange halo de lumière – une matière presque invisible – presque indécelable par les sens humains…

 

 

Une langue – des tentatives – des rangées de cerveaux mal alignés – en interaction réticulaire – partielle – que l’on pourrait prendre (à tort) pour du hasard…

 

 

Si éloigné(s) du sol – du ciel – dans cet entre-deux chimérique – artificiellement inventé – ce qui constitue ce que les hommes appellent le monde…

Ce qui existe entre nous et la lumière – comme un long corridor apparent – le subterfuge de (presque) toutes les existences – de l’ignorance commune – de notre (si enfantine) cruauté…

 

 

Par-delà les mots – les substances – les orifices – la porosité des surfaces – le vide et sa structure – l’espace et l’invisible (inorganiques, bien sûr) – ce que nous emplissons de gestes – de livres – de rêves – de ciel ; la terre du temps – sans arrêt…

 

 

Seul – comme d’autres – endormi(s) au cœur du mystère…

 

 

Dans la tête – l’écho de plus en plus éloigné de notre nom – en deçà de la mémoire – sous le seuil du souvenir – comme les vibrations d’une résonance très ancienne – première peut-être…

 

 

A la fin – le front rempli de bleu – comme le reste…

Plus de frontière ; l’espace sans grille – sans carte – tous les territoires (apparents) d’un seul tenant – parfaitement réunis…

 

 

Le jour – fidèle – malgré la lenteur et l’oubli – la fièvre et la désolation – les itinéraires risibles – grotesques – indécents – malgré le sang et l’amoncellement des cadavres sur le sol – sur tous les chemins de la terre – malgré le fourvoiement des visages et la danse (si frivole) des identités…

 

 

Ici – le franchissement ; ailleurs – on ne sait pas – on pourrait tout imaginer – inutilement…

 

 

Parfois – le bruit et l’énigme entremêlés – quelque chose comme une rengaine – le silence et le monde offerts – sous nos yeux – bavards – tapageurs – comme un corps déstructuré et se restructurant sans cesse – unifié et se scindant sans cesse – alternant le pugilat, l’emboîtement et le dialogue…

Sérieux et joueur – simultanément – successivement – comme pris dans l’incroyable désordre du temps…

 

 

Dans tous les angles à la fois – comme le prolongement de l’espace ; l’inutilité des murs que nous nous sommes éreintés à bâtir…

 

 

Le regard qui s’avance – qui explore – qui se déploie. Et le corps qui se défait sous nos yeux ébahis. Le silence qui (enfin) peut se rejoindre…

 

 

Des passages et des rêves qui s’estompent – du sable – d’une terre à l’autre – ce qui résonne – ce qui nous détruit – ce qui nous offre sa force et son ampleur…

Nous tous – dans la même pièce – avec le même visage – cet espace commun immense dont chacun est, à la fois, le centre et la figure singulière…

 

 

A partir d’ici – comme une poussée – une force invisible et déterminante – quelque chose du ciel dans une vêture terrestre – une forme apparente – fidèle à sa matrice – obstinée – insensible à toutes les revendications identitaires – à toutes les résistances qu’on lui oppose…

 

 

Nous – à travers le temps – défait – et ce qui aimerait continuer – persévérer – dans l’illusion d’un prolongement – d’une suite possible…

Nous – retardés – trop écartelés encore pour que le silence et l’harmonie remplacent le dialogue et le conflit…

 

 

Tout – passant d’un lieu à l’autre – d’un corps à l’autre ; l’ampleur de l’espace et ce avec quoi nous essayons de le remplir…

 

 

Toutes ces existences qui s’éloignent de l’enfance – puériles toujours malgré les années – les certitudes et le peu d’expérience – ce que l’on cache – honteux – sous la table et les tapis – ce qui fait de nous des auxiliaires (essentiels) de l’ombre – du noir – de la nuit…

Toutes ces vies qui ressemblent à des mensonges érigés en tour – en totem – le dévoiement et la fatigue – l’aveuglement et le langage – tous ces gestes atrocement dénaturés – la fausse légèreté des voyages – séjours plutôt – hypocritement paisibles – incroyablement monotones – les pas et l’esprit vacillants – cet éloignement (presque) permanent du centre – comme si les Dieux s’évertuaient à retenir, d’une main trop ferme (et pour on ne sait quelles obscures raisons), notre véritable élan…

 

 

A tâtons dans la géographie du rêve et du verbe – au lieu d’aiguiser le geste et la justesse – le non-savoir sachant – l’obéissance libre – la joie et le goût des circonstances (présentes) ; le grand acquiescement pour que l’esprit et le monde dansent l’un dans l’autre…

 

 

Tout tourne – comme si nous étions là depuis trop longtemps ; des circonstances – des émotions – des choses à dire – des choses à faire – comme si quelqu’un se souciait (réellement) du monde…

Nous ne sommes qu’une main tendue vers le ciel et l’horizon – une rive qu’on longe sans jamais accoster – un signe – une ligne parfois – énigmatique sur le livre mystérieux du monde…

 

 

Nous aimerions disparaître – être happé(s) par le déséquilibre – et glisser jusqu’en bas – là où ont commencé tous les récits…

Tout est rare (et précieux) dans nos histoires – des vestiges, pourtant, bientôt – à notre place…

 

 

Nous aurons insisté là où il aurait fallu passer – inaperçus – comme les herbes et les crachats – comme les grains de poussière dans l’air – invisibles – et que les vents emportent plus loin – et plus haut quelques fois lorsque Dieu voit dans leur manière d’être [dans leur manière d’être au monde] une grâce – la justesse et la tendresse d’une perpétuelle prière…

 

 

A notre place – là où rien ne nous réclame – où les Autres – les rives – le vent – ne sont que les reflets de notre visage – et l’âme – toutes les âmes – le miroir parfait de la lumière…

 

 

Nous veillons – sans y penser – en attendant le jour suivant et la mort – l’amour d’un Autre qui nous gratifia (de manière circonstancielle) d’un baiser ou d’une parole réconfortante – et qui n’est plus là – et qui n’existe pas – et qui n’a, sans doute, existé que dans notre imaginaire pour prolonger notre désir si ancien – si enfantin – d’être aimé…

 

 

Rien ne suit – tout s’éloigne – tout se perd et disparaît ; nous ne sommes que des fantômes avides de chair et de certitudes…

Sans repère – dans la nuit – au milieu des Autres – inconnu(s) – happé(s) par les forces maléfiques du monde – du ciel – gesticulant là où il faudrait rester immobile(s) – imaginant là où il faudrait agir – nous laissant influencer (et dominer) par les couleurs et les formes au lieu de nous essayer à la transparence…

 

 

Les forces de la terre – contre nous – dehors – sur notre peau fragile et brûlante – de cette fièvre dessinée par l’apparition du ciel – au-dedans…

Tout a l’air si proche – si neuf – les couleurs et les choses qui chantent – les jours qui passent – comme si nous nous étions échappés de l’horloge – de cet atroce confinement dans le périmètre circulaire du cadran…

 

 

Des bras que l’on ne voit pas et qui nous saisissent ; un souffle – mille souffles – et, parfois, un lent déclin avant l’effacement…

Nos vies à tous – magnifiques et crasseuses – à l’apparence aussi monotone que les pages d’un calendrier…

 

 

Sur cette terre aux lourdes frontières inscrites sur le sol – dans les têtes – pour délimiter les choses et les territoires – légitimer les instincts d’appropriation et de conquête…

Les luttes aux fronts noirs – les pierres que l’on se jette – les drapeaux que l’on hisse et que l’on s’arrache – ce que l’on abandonne – l’effervescence inquiète du monde ; tous les temples (misérables) que l’on érige sur les hauteurs vers ce que l’on imagine (presque) toujours plus haut – et trop rarement au-dedans…

Notre âme et nos mains fabuleuses de mendiant(s) enchaîné(s)…

 

 

Nous sommes la route infinie – découpée, parfois, en étapes – en tronçons – ceux qui voyagent comme ceux qui demeurent dans leur chambre – et le ciel au-dessus – au loin – qui surplombe le monde…

 

 

Le cri des vivants plus perceptible que celui des morts – la même peur et la même ignorance – pourtant ; l’inconnu qu’il va falloir affronter…

 

 

Le même mystère – autant ici qu’ailleurs – et, trop souvent, la même incompréhension…

 

 

Seul – avec le ciel à notre table – le monde autour de nous – peut-être – sans la moindre importance…

Les bruits et les ombres enserrés dans notre enceinte – ce périmètre de croyances que les Autres prennent pour notre vrai visage – notre seule identité…

 

 

Nous – dans les limites que l’on nous impose – que l’on croit nous imposer. Et sur le sol – et dans le ciel – notre sourire et nos empreintes plus larges – immenses – invisibles, bien sûr…

 

 

Ce que le vide – en nous – insère…

Du bleu sur quelques fleurs desséchées – un peu de ciel au fond de la terre…

Un regard discret – tendre et permanent – sur nos allées et venues…

 

 

Cette tristesse – au fond des gestes – comme une seconde peau – notre nature la plus secrète – peut-être – comme une sorte de substitution au vide de l’âme…

Un soleil terrestre – un peu d’Amour – sur la surface – sur la partie la plus visible du visage…

Une sphère bruyante et frémissante – en perpétuel mouvement…

De la chair déplacée – autant que du vent – comme si seuls comptaient le souffle et l’intention qui précède l’élan…

Notre veille – notre présence inquiète – en plus du silence dévasté…

 

 

Des yeux près de la source – sans fierté – au milieu du monde – parmi tous ces Autres qui, soudain, n’en sont plus – devenus, comme par magie, des parts familières de notre visage…

 

 

Lignes nues qui charrient des fleurs et des oiseaux – et ce qu’il faut de silence pour comprendre et s’émerveiller…

 

 

Nous – marchant – sans rien traverser – intermittent(s) – comme la rêverie dans le cours naturel des choses…

 

 

Les Autres autour de nous – avec leurs bruits – leur voix – leur visage – les têtes qui cherchent – qui réclament – en basculant, si souvent, dans la plainte – martelant un temps arrêté – inexistant – à coup de désirs et de mémoire – obstruant la lumière souveraine – délicate – déjà célébrante…

 

 

Trop de doute et de certitudes pour s’ouvrir à la clarté – laisser le regard désobscurcir l’esprit – l’âme – le monde – et dissiper nos vieux restes d’existence…

 

 

Ne rien attendre…

Rien – en nous – ne demeure…

Nos lèvres rouges – seulement – et l’enfance…

Et quelques larmes encore – comme le signe d’une sensibilité toujours vaillante malgré l’époque – le contexte – l’indifférence ambiante…

 

 

Nous sommes cette figure étrange de l’appel et du nécessaire – de la voix qui se répand sur la feuille pour désengorger l’âme – offrir à la tête une alternative – une (saine) manière d’échapper à l’abondance et à la folie…

 

 

Personne – autour de nous – des pierres et de grands arbres – la forêt dense – épaisse – l’horizon impénétrable – l’eau vive de la rivière – et quelques bêtes discrètes tapies dans les taillis ; le monde – notre monde – la beauté du soleil et la magie vivante sur toutes les peaux – les âmes joyeuses – fidèles à l’étrange splendeur des choses…

 

 

Nous abandonne ce qui doit disparaître – le superflu – l’inimportant

Tout nous quitte – mille voies – mille traces à suivre – sur lesquelles ce qui demeure n’a pas le moindre regard…

 

 

A distance – comme si le monde était une île – lointaine – inaccessible – inutile – une terre minuscule secouée par le temps et les Dieux – une étoile éphémère aux origines troubles – au devenir sombre – sans réelle perspective. Un univers sorti, sans doute, de notre imaginaire – à peine une idée – une chose qui s’est esquissée et dont nous ne savons rien (et dont nous ne voulons rien savoir)…

Une œuvre – peut-être – sans réponse et sans sagesse – le fil dont nous devons nous défaire…

 

 

Des fables – des griffes – des caresses ; toutes nos histoires – sans intérêt…

Le silence – reconnu – en nous – qui nous offre l’élan pour nous défaire…

 

 

Nos gestes – de plus en plus discrets…

La présence de l’aube – de plus en plus évidente…

 

 

Un songe – presque rien – ce qui, pourtant, parvient à nous fermer les yeux…

 

 

En nous – le sol – le seul lieu où vivre…

Et cette nuit où nos pieds – notre tête – notre âme – sont empêtrés…

 

 

Des cris – des murmures – toutes nos souffrances ; le dérèglement des corps – les fragilités de la matière – la couleur des étoiles – ce qui affecte les visages…

 

 

Trop de danses – de ruptures – d’incertitude…

Des fissures – des béances – des ruines – comme un (immense) vertige…

 

 

Nous seul(s) – nous tous – face à la nuit…

 

 

Ça se resserre – en nous – au lieu de s’ouvrir…

Ça résiste – partout – au lieu de s’abandonner…

Ça parle comme un écho mécanique…

Le silence a lieu – et nous ne l’avons, pas une seule fois, accueilli…

 

 

La vie – le temps – la mort – finiront, un jour, par s’éloigner…

Et l’esprit, sans doute, saura quoi faire en pareilles circonstances…

 

 

Une danse dans l’âme – dans la voix – dans le geste – vertigineux…

Dieu au cœur de la fièvre…

Des murs – des tentatives – de l’oubli…

De l’impatience et du feu…

Notre manière de nous rejoindre – et de nous réjouir – au milieu des ruines et des morts…

 

 

Au jour substitué – combien de terreurs traversées – combien d’espoirs – combien de nuits passées à veiller – les yeux effrayés devant l’inconnu – à tenir – à bout de force – à bout de bras – cette vieille étendue noire – la tête sous la terre – à pleurer – à rêver – à imaginer une tournure différente pour l’âme – à susurrer une parole dans l’air trop rare – dans l’air vicié…

 

 

Le visage si beau – si pur – effrayé par le monde du dehors – cette force brute – ces forces vives – dirigées sans raison – sans autre destination que le jeu et la satisfaction du manque…

Dieu, lui-même, peut-être, source de toutes les pénuries – de cette solitude originelle – trop austère, sans doute, pour jouer sans la multitude…

 

 

Trop tôt – trop tard – nous parlons comme si le temps existait – comme s’il avait la moindre importance dans nos vies…

La ligne de l’enfant et celle de la momie ; la mort réalisée – et la vie qui se rattache à ce que l’on espère d’elle…

Ce qui nous sépare – ce qui nous relie – et la main des Autres qui se retire ou qui se tend…

Le monde dans notre écoute et notre cœur dans les paumes du monde…

 

 

Ce que nous n’osons dire à haute voix…

Ce que nous murmurons aux âmes recluses…

Toutes les scènes de notre vie – une à une – répertoriées – comme si l’absence – comme si toutes les portes fermées – nous avaient laissé(s) une blessure – une envergure en suspens – le plus odieux – et le plus frustrant, peut-être – de ce que nous aurons vécu…

 

7 juillet 2020

Carnet n°240 Notes journalières

Un tunnel – sous la page – creusé à force de mots – de tentatives – de volonté – et qui mène, presque sans détour, à l’espace le plus inattendu – au silence le plus inespéré…

 

 

En nous – une réserve de forces nées du moins apparent – du plus profond – du feu le plus interne engendré – et alimenté – par les plus lointaines contrées de l’infini…

L’invisible qui donne naissance au souffle…

 

 

Des trous dans la matière – du vide, en quelque sorte, pour y installer des yeux – une perspective – le matériau nécessaire au déploiement du regard…

 

 

Tout s’avance vers nous – sans pudeur – sans ferveur – sans restriction – mû par une mécanique sous-jacente vouée à l’obéissance – à la soumission (absolue) aux impératifs intérieurs…

 

 

Des mouvements – des instincts – des nécessités qui cherchent à être satisfaites – le magma mobile de l’impersonnel à travers le balai apparent des visages et des individualités…

L’inachèvement – sans erreur – sans impasse – sans issue – notre monde voué au temps – à l’attente – aux promesses – au devenir – à l’impossibilité de se révéler et de se reconnaître – à l’alternance (pas si tragique) du réel et du rêve – de la vie et de la mort – mille fois recommencés…

Entre la prescription et le phénomène accidentel – entre le jeu, la déroute et la peur – nous-mêmes concentrés dans la folie de tous nos gestes…

L’infini et l’éternité qui, sans cesse, changent d’envergure et d’apparence – de contextes et de lois – se jouant des regards et transformant, à l’envi, les perspectives…

 

 

Nous – devant le temps – impuissants – ignorants – adeptes d’un rythme imposé que l’on saisit mal – et que l’on ne peut ni éliminer – ni dominer…

A attendre et à espérer (en vain) – des troubles plein la tête – sur un terrain implacable – avec des gestes maladroits – sans la moindre erreur possible – vivant parmi d’Autres dans cette longue file qui patiente devant des portes imaginaires qui pourraient ouvrir sur des pays qui n’existent pas…

 

 

Nous – comme chantier – espace de tous les passages et de tous les mouvements – lieu de tous les phénomènes…

Inertes malgré la mobilité des membres – des idées – des émotions…

Immobiles – comme le regard – ce que nous sommes (profondément) – au milieu du chaos…

 

 

L’esprit – le monde – ce qui, en nous, est le moins inachevé – et ce qu’il reste lorsque tout s’est dérobé – lorsque tout s’est effondré…

Des murs et des trajectoires obliques – quelque chose d’impénétrable et trop de tentatives approximatives…

De la fatigue – de la lassitude – de l’obstination – notre destin irréfutable – la seule chose que nous ayons et la force, parfois, de nous accompagner lorsque les Autres nous font défaut…

 

 

A cet instant même – ce que nous longeons – ce autour de quoi nous nous éreintons à tourner – sans même nous en rendre compte – le centre dont nous faisons partie – le centre que nous sommes tous – au fond…

 

 

Ça court – ça circule – ça se rejoint – ça se sépare – de proche en proche – sans jamais en voir le bout – dans l’ignorance et l’oubli de l’origine – comme une longue (et vaine) tentative de libération…

Des murs lancés contre des murs – de la matière jetée sur de la matière – des yeux et des corps apparemment séparés – dans tous les sens. Prisonniers éternels du magma inerte et chaotique – comme une pierre qui se débattrait dans un éboulis perpétuel…

 

 

On ne se libère de rien ; on apprend à vivre en détention – et à faire naître, en soi, le regard affranchi – en surplomb ; en devenant la texture et la couleur de ce qui nous entoure – jusqu’à basculer dans le monde des choses – cet autre versant de l’esprit – la dimension palpable – éminemment matérielle de l’invisible…

 

 

L’équilibre érigé par les forces qui luttent – qui s’opposent – qui résistent ou se fédèrent – qui ne cessent de se transformer – de nous – de tout – transformer – avec puissance et lenteur – avec la patience nécessaire aux œuvres de longue haleine – aux besognes inachevables – et nous autres – éléments et main-d’œuvre de ce labeur sans fin – traversant crises et tempêtes – déserts et parenthèses – toujours vaillants – toujours à la manœuvre – à notre place – à notre poste – jour après jour – pendant des millénaires – et (presque) sans jamais fléchir…

 

 

A vivre – avec rien dans la tête – le vide – défait des restes de la volonté – de tous les reliquats de désir – au-delà du plus commun – au-delà de l’ordinaire porteur de projets et d’embarras…

 

 

Nous – face à tout – bloqué(s) – de l’hypothétique début à l’improbable fin – partiel(s) et parfait(s) – tel(s) quel(s) – au cœur de ce qui nous constitue – au cœur de ce qui passe – de ce qui dure (un peu) – de ce qui demeure – éternellement…

Entier(s) et inachevable(s) – engagé(s) et hors de toutes les histoires – quels que soient les visages et les circonstances…

 

 

Ce qui se construit – malgré nous – jusqu’à l’effondrement…

Le poids de tout – sur les bras – dans l’âme – partout…

Ecrasé(s) – et presque rien dans la balance – pourtant…

Un peu d’air et de vent face à l’envergure et à la densité du vide…

 

 

Devenir, malgré soi, le tertre du jour – le socle sans lequel le monde n’existerait pas – le mur contre lequel viennent mourir tous les épuisements – la pente sur laquelle chacun aimerait vivre – le sol sur lequel les pieds se laisseraient glisser – le souffle qui porte tous les désirs et toutes les âmes vers leur mausolée…

Le vide, en somme, sur lequel nous pouvons (tous) compter…

Pas cette terre où l’on s’enlise – pas ce sable où l’on s’enfonce – pas ces visages qui n’ont d’autre choix que celui de nous pervertir ou de nous menacer…

Le monde tel qu’il est – sans la moindre alternative…

 

 

D’un pas pesant – avec, derrière soi, toutes nos forces concentrées pour essayer d’échapper au pire – à notre destin – aux circonstances (toujours plus ou moins) implacables…

L’erreur de l’effort à l’œuvre – en actes – devenant, peu à peu, l’obstacle majeur – rédhibitoire – la seule pierre d’achoppement du voyage – l’impasse et l’impossibilité que nous avons nous-mêmes édifiées…

Les choses devenues, peu à peu, trop épaisses – trop denses – trop obscurcies – aussi délétères que la mort – et qui finissent par contaminer tous les élans – toutes les ardeurs – jusqu’à bloquer toutes les tentatives de la terre et du ciel…

A vivre ainsi – l’âme – l’esprit et le corps – cadenassés – claquemurés au cœur de l’étroite geôle que nous avons construite – à notre insu…

 

 

Les choses – ici comme ailleurs – inertes et entrecroisées…

Mille histoires dérisoires – interminables – sans ciel – sans issue – sans réelle possibilité de transformation ; de la matière agglomérée et recombinée – inlassablement – et, parfois, saupoudrée d’un peu de conscience…

 

 

Ce qui nous porte – les eaux vives du monde – l’énergie repliée pour la vie extérieure – le souffle et le ciel, en partie, absorbés – et l’incertitude qui dure – comme la seule loi possible…

Et nous – recroquevillés sur nous-mêmes – sous la lumière diffuse qui joue avec les ombres…

 

 

Notre épuisement face au monde – face au silence. Et notre regard impassible – comme s’il fallait surplomber la fatigue…

 

 

La langue – en nous – qui creuse le sol – qui s’ancre au milieu des racines – qui s’expose au regard du monde – qui cherche le rire et la joie – à éradiquer la peur – à percer le mystère qu’abritent les vivants…

Comme le pli d’un autre espoir – d’un autre monde – comme une évidence impossible à légitimer…

 

 

Ce qui nous manque – à l’intérieur – cette zone sensible – cet espace au fond du cœur qui ne s’oppose à rien – qui accueille ce qui vient – ce qui passe – tous les élans – jusqu’aux faims les plus grossières…

 

 

De la vie au-dedans de ce qui semble mort – comme un courant qui circule – et nous tous comme des éléments de la tuyauterie – étrangement emboîtés – pour former un immense circuit – l’espace lui-même qui a, peu à peu, érigé des murs – des parois – des couloirs et des tunnels – des spirales et des impasses – comme un gigantesque Meccano empli – et entouré – de vide et de silence…

Et nous tous – jouant à être – à devenir – à vivre et à mourir – à naître et à renaître – encore et encore – comme la condition première de toutes les choses – de tous les possibles – de tous les jeux inventés depuis la naissance du monde…

 

 

Le monde d’avant le jour – plongé dans la terreur et les bas-fonds – ce qui naît – ce qui passe – sans discontinuer – dans l’air (presque) toujours crépusculaire – comme des âmes amputées – invalides – privées de leur essence et de leur feu – errant parmi les ombres – essayant de se frayer un chemin dans l’obscurité…

 

 

A l’intérieur – rien qu’une peur – irréductible – inentamable – une respiration involontaire – et une crispation tragique sur l’espoir d’un franchissement – la croyance en une échappatoire possible – la conviction mal inspirée (et pathétique) de pouvoir échapper au tragique de cette existence…

 

 

Des crises et des nausées – l’impression d’une épreuve continue – ce qui nous maintient la tête éloignée des hauteurs – le centre abandonné au profit de la périphérie. Et l’âme plongée dans ce que nous attendons du monde et de l’existence – parmi ces Autres que nous avons vainement construits pour prolonger la croyance en un possible vivre-ensemble…

 

 

La tête étourdie – fatiguée – par le lent pourrissement de ce que nous pensions pouvoir conserver – l’excès de combinaisons et de transformations – et le courage qui nous manque pour affronter le réel – le temps – le changement – le vide en nous – à l’intérieur de la vie – de part et d’autre du front – ce que nous considérons à tort comme une frontière…

 

 

Ecrire pour rien – pour presque rien – pour offrir, peut-être, un supplément de vide et de poésie – un court instant qui pourrait pudiquement – secrètement – prolonger le vrai – suffisamment pour clarifier et aiguiser le cœur et le regard de l’Autre – passablement curieux et attentif – à la manière d’un modeste révélateur d’espace et de lumière enfouis dans l’âme (qui n’aspire, bien sûr, qu’à les voir naître au jour)…

 

 

Tout s’évertue à se déployer – à revenir – à combler la moindre distance – à se substituer à la moindre absence…

Seul(s) – au milieu de la nuit – sans que la lumière jamais n’intervienne dans le rêve et le sommeil…

A demeurer là – sans rien faire – sans même compter les heures – les jours – les années – les siècles qui passent…

Satisfaire seulement à la respiration…

 

 

Rien ne nous force à vivre – à résister aux courants qui nous saisissent et nous jettent ailleurs – plus loin – plus haut parfois (trop rarement)…

Rien ne nous force à nous laisser aller aux rêves et au sommeil…

Tout – pour être – a dû recevoir notre (plein) consentement antérieur…

 

 

Ce qui nous épuise – sans cesse – notre inclination à intervenir – cette étrange (et harassante) manière d’être au monde – notre (réelle) incapacité à nous soumettre au rythme des choses – aux itinéraires hasardeux – aux vents du désordre – notre volonté (obstinée) de vivre comme des hommes…

Ainsi – sommes-nous seul(s) – seul(s) et désorienté(s) – éloigné(s) de toute forme de vérité…

Les pieds dans l’illusion – avec tous les monstres du monde à nos côtés ou qui nous poursuivent – les nôtres comme ceux des Autres…

Et nous tous – dans la même nuit – séparés au lieu d’être réunis – au lieu d’être ensemble…

Debout et bancal(s) – sans doute pour l’éternité – avec, dans l’âme et les mains, mille choses pesantes…

Au bord du malaise – à chaque instant – trop lent(s) ou trop prompt(s) à décider au lieu de se laisser mener par ce qui nous porte – par ce qui nous tient – si provisoirement…

Demeurer partiel(s) – partial (partiaux) – à notre place au lieu de glisser ailleurs – plus haut – vers la plénitude et l’envergure première…

Être – à la fois – au-dessus et dans les choses du monde qui passent…

Tout – en vérité – souligne notre inaptitude à vivre dans une totale (et parfaite) réconciliation…

 

 

Rien face à l’incertitude – notre consentement – la tristesse et la peur remisées en d’autres sphères – antérieures au plein acquiescement…

On n’abolit rien – on ne refuse rien – la lumière – les rêves – le sommeil – les limitations de l’homme – la possibilité des étoiles – l’illusion du temps – le désordre et le mensonge – la souffrance et la barbarie – les yeux grands ouverts – prêt à accueillir ce qui s’impose comme ce qui a dû se résoudre à fuir devant la domination…

 

 

Être – sans la moindre certitude – sans la moindre pensée – sans la moindre tâche ni le moindre geste à réaliser…

Le temps et le devenir abolis – ce qui sonne, peut-être, la fin du sommeil – la fin de la nuit…

 

 

Le jour différent – l’âme au bord du ciel – la volonté convertie en accueil supplémentaire – l’angoisse effacée par notre accord au rythme naturel des choses…

Le feu et le vide – à leur place…

 

 

La parole – presque aussi discrète que le silence…

 

 

On se défait de nos vieilles habitudes – des contours trop particuliers de notre existence et de notre visage…

La noyade – bientôt…

La fusion peut-être – la fusion sans doute…

Le grand bain dans lequel nous serons, tôt ou tard, jetés…

La fin de l’ordre et des chemins balisés – des itinéraires aménagés – de l’espace sans surprise…

Le goût de l’Autre – des Autres – et celui de la liberté dans l’âme et les yeux sans volonté…

Et ce qu’il nous reste – quelques résidus et singularités naturels…

 

 

Toute la beauté et toute la poésie du monde – honorées – célébrées – et transformées en or pour ceux dont les yeux et l’âme hésitent encore…

 

 

Nous – capable(s) (enfin) d’être n’importe qui – d’être n’importe quoi – suffisamment humble(s) – suffisamment rien pour devenir ce qu’il nous faut être – tout – l’ensemble du réel et des possibles combinables – simultanément – successivement – dans l’ordre qui s’impose…

 

 

Nous nous obstinons à devancer le temps – à anticiper les jours – sans parvenir à être présent à cet instant – là où nous sommes…

 

 

Des gestes – des meurtres (trop souvent) – une manière d’affronter la nuit – et, paradoxalement, de la renforcer…

Le soleil – prisonnier au-dedans – comme pris en otage par notre excès de volonté – notre ignorance en actes…

 

 

Nos mains – comme le prolongement du corps – de la terre – du cœur – et celui du ciel, bien sûr, qui tente de se retrouver…

 

 

L’invisible et ce qui n’est – et n’existe – qu’en apparence…

Comme ces nuages dans le ciel – toutes les choses – en vérité…

 

 

Rien qu’une tristesse – comme un rideau sombre et humide que l’on jette entre nos yeux – notre âme et le monde…

Des larmes – comme une vérité initiale – préalable à la véritable épiphanie – elle-même propédeutique d’une autre – plus profonde – et ainsi de suite – indéfiniment – jusqu’à ce que tout devienne égal et immobile – jusqu’à ce que l’attraction du monde et de ce que nous imaginons autre s’éteigne – jusqu’à ce que la curiosité et le désir s’effilochent – jusqu’à ce que nous vivions au cœur de ce que certains hommes appellent la vérité absolue

Comme un oiseau dans l’air – comme un poisson dans l’eau…

Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à dire – jusqu’à ce que le temps disparaisse – jusqu’à ce que tout devienne ciel et silence – grâce impersonnelle et rire tonitruant sur nos (apparentes) erreurs et notre passé – regard et tendresse infinie et involontaire…

 

 

Le monde d’avant – au seuil de l’ultime étape – peut-être – dans un passage – au-delà de la soif – dans ce qui suit la soif – la main non tendue – la main non saisissante – vers ce qui existe après l’extinction des désirs…

Pas même une marche – pas même une attente – attentif seulement – les yeux dégagés de tous les horizons…

 

 

Dans la main – le bruit du vent et quelques traces de la nuit ancienne…

Et la lumière – déjà – du jour à venir…

 

 

La vie sans excès – sans autre excès que ce qu’elle est – sans autre excès que ce qu’elle offre…

Au terme d’une existence faite de paroles et d’aventures – le glas du rêve et du temps – ce qui est et ce qui s’enflamme – à l’instant – sous nos yeux…

 

 

Nous autres – comme une charnière entre le monde et le silence – entre la fidélité et la trahison – comme si, en nous, quelque chose demeurait – comme si, en nous, quelque chose résistait à l’ordre établi ; quelque part – toujours – l’âme à la frontière mouvante et incertaine des choses…

 

 

Aux confins des saisons d’un autre temps – moins régulier – plus chaotique – sans durée – sans certitude – dans les tréfonds obscurs et inconnus – infréquentés – de celui qui a l’air de régir le monde humain – la terre des vivants…

 

 

Sur le sol des Autres – la méfiance – le rire et la grossièreté…

Et ici – peu de chose(s) – tout – mélangé – sans que nous puissions rien démêler – sans que nous puissions rien séparer ; l’absence de savoir et le regard parfaitement dégagé…

 

 

Le front ouvert – comme une béance – un gouffre sans fond – un terrain immense et infertile peuplé d’herbes folles – naturelles et provisoires – sur lequel rien ne peut véritablement prendre racine – sur lequel rien ne peut véritablement croître et pousser – sur lequel tout est amené, tôt ou tard, à s’éteindre et à disparaître…

Les jours et les malheurs – comme toutes les choses – insaisissables – et qui se reproduisent, pourtant, comme la mort qui franchit tous les murs…

 

 

De jour en jour – de page en page – le même chemin – le même silence – et cette joie d’aller sans but – d’aller sans fin…

La même immobilité quels que soient les pas et les paysages traversés…

Ce que l’Amour nous offre et ce à quoi la vie nous invite…

 

 

Les murs et l’opacité pulvérisés – le socle préalable à l’autre voyage…

Toutes les horloges démontées – une à une – la condition pour danser sur les routes – puis, avec elles – la tête caressée par l’air – dans l’intimité du vide et du vent…

 

 

En roue libre – comme un miracle – une aubaine pour l’homme (et le vivant)…

La lame et l’oubli – à leur place – au second rang – juste derrière la main ouverte et la tendresse…

 

 

Les pieds qui glissent sur toutes les frontières mouvantes – qui jouent à les défaire – à les déplacer – à inviter les peurs et le sable – à inverser les rythmes – à transformer les yeux en miroir parfait – à maintenir le désir de l’homme au-dessus de l’horizon – à se tourner vers toutes les hauteurs promises – à se répartir (équitablement) les rôles – les tâches – les identités – à tout mélanger jusqu’à ne plus rien pouvoir séparer (ni extraire) afin d’être capable de vivre – de regarder ailleurs – de s’éveiller et de célébrer le monde et l’infini – le silence et la matière dansante et virevoltante…

Le partage enfin consenti…

 

 

Soleil d’une autre terre où la nuit et les épines sont aussi honorées que le jour et les traces des plus grands aventuriers…

Une autre tournure de l’esprit – peut-être – simplement…

 

 

Le monde accueilli – arraché – qui se dénude – peu à peu…

Entre les pierres – nos incroyables aventures…

Et ce qui résiste (encore) à la faim…

 

 

Nous – à l’heure du recommencement – tantôt comme un détour – tantôt comme une indulgence – dans tous les cas comme une (irrépressible) nécessité…

Les deux pieds – au cœur du lieu qui donna naissance à toutes les frontières – regroupées – innombrables – rassemblées – puis déconstruites – une à une – comme la seule manière de vivre affranchi des règles terrestres – sans être apeuré au moindre frémissement du noir – au moindre surgissement de la matière…

Au-dedans du cercle où se tiennent – superposés – le temps et l’éternité – l’incomplétude et l’infini – le monde et le silence…

Notre conscience à tous – bien sûr…

 

 

Vivant – réel – jusque dans les replis secrets où se sont réfugiés les plus discrets – et les plus lointains – soleils…

 

 

Sur la route-frontière qui nous éloigne de notre vrai visage…

La fleur – au-dedans – comme l’aventure – à peine éclose…

Et cette sueur – au goutte à goutte – sur la pierre…

Et ce monde – et ces hommes – presque impossibles à comprendre et à aimer…

Et ces circonstances tantôt tragiques – tantôt fabuleuses…

Et nous – qui que nous soyons – qui n’avons ni le choix – ni la moindre souveraineté…

Le mystère de tout destin – de tout voyage…

Notre Amour commun (et sans malice) – en partage…

 

 

Ce que nous mimons pour avoir l’air…

Ce que nous déguisons pour maintenir visible l’illusion…

Ce que nous imaginons hors des cercles magiques…

L’homme masqué – l’habitant des sous-sols…

Pas encore né – pas encore (véritablement) vivant…

 

 

Devant les yeux – quelques fleurs et ce ruban d’eau vive entouré de vent – horizontal et vertical…

Le ciel en surplomb et, au loin, le chant et la liberté de l’océan…

La joie – au fond du cœur – sur la ligne d’horizon…

Assis dans le silence qui nous célèbre – sur cette terre où nous avons l’air vivant…

 

 

Nos sœurs – les bras levés – du vent dans les mains – un souffle que nul ne peut retenir – défaisant dans leurs cheveux toutes les choses prises au piège – effaçant toutes les histoires – essuyant toutes les larmes – anéantissant toutes les illusions du monde…

 

 

Que rien ne demeure – que tout passe dans un battement d’ailes – que nos gestes ne servent (trop souvent) que notre étroit intérêt (et notre fatuité) – que la nuit n’existe que pour les fantômes – que le chagrin soit l’égal de la joie et de la beauté ; nul – pour le comprendre – n’a besoin d’attestation ou de diplôme ; vivre suffit à dessiller tous les yeux (et le monde, bien sûr, fait sa part)…

 

 

Tout existe déjà sur la pierre où nous vivons – sur ce petit carré de terre – sur cette parcelle offerte par les Dieux ; ne reste que la nuit à apprivoiser et à découvrir le mystère caché au fond du cœur…

 

 

L’existence – comme une promesse – d’abord – puis, comme un poignard – et, ensuite, comme un naufrage – puis (enfin) comme une île inespérée entre le ciel et l’océan – incertaine – comme nos pieds – notre sang – notre espérance…

Des ombres qui passent – frémissantes – sans incidence – dans la lumière…

 

 

A peine sorti du sommeil – et voilà notre bouche déjà pleine de (fausses) vérités…

 

 

L’homme devant son existence – sa descendance – sa tombe ouverte – le ciel promis – et tous les au-delà centraux et périphériques – curieux – inquiet – impuissant – trop volontaire…

Si immature encore…

 

 

Ce que nous célébrons dans l’indifférence – le monde entravé – réduit au confinement – à cette détention imposée de l’intérieur…

Tous les visages – tous les yeux – derrière leur vitre – regardant, au loin, l’autre vie s’esquisser – devenir – de proche en proche – la nôtre – peut-être – bientôt…

 

 

Dégagé des larmes qui coulaient à cause du sommeil – sur les lèvres – un autre sel – une sève moins triste – la même que celle des arbres et des nuages – familière du monde et des hauteurs – porteuse d’une envergure incommensurable…

 

 

Nous – hors du périmètre habituel – entre la nuit et le bleu immense – en déséquilibre sur le temps passé – (inutilement) amassé – tous les souvenirs au bas de la pile – comme un socle fragile – massif – désastreux…

Des pas dans le vide – immobile – comme s’il nous fallait vivre là et attendre que le monde se déplace – que l’esprit nous libère – que nous devenions le reste – l’autre versant du mystère – le prolongement (naturel) du périmètre initial…

 

 

A chaque ligne – le même Amour et le même silence – malgré l’efflorescence et la profusion des mots…

Tout pourrait être dit en une seule parole – en un seul geste – ceux nés de l’acquiescement – comme un soleil qu’il serait impossible de confondre avec le déploiement (plus ou moins lumineux) de la nuit…

Quelque chose du regard – dégagé de la chair et du sang – affranchi des instincts…

Le Divin – en nous – vivant…

Le vide et le vent – à travers tous nos visages…

L’espace et les pierres…

Ce qui existait déjà – caché – au fond de notre vacarme – au fond de notre sommeil…

 

 

Comme un soleil qui fleurit dans notre jardin…

L’eau qui ruisselle à toutes les fontaines…

La source dégagée…

Le souffle et la lumière sur la terre…

L’oubli et la poussière…

Et ce qui martèle – et ce qui piétine – et ce qui s’essaye à l’entassement – aussitôt balayés – et toutes les tentatives de succession (ou de remplacement) fauchées par la lame implacable posée en arrière du regard…

L’esprit vide – l’esprit nettoyé – disponible – à ce qui vient – qui accueille sans exigence – et qui efface presque aussitôt ce qui s’attarde trop longuement – sans la moindre nostalgie…

 

 

Aucune trahison sur la pierre – l’Amour et le vent – fidèles au sang de la terre et à l’immensité bleue…

Nous – nu(s) – comme nos noms devenus inutiles ; notre douleur – suspendue à toutes les hampes successives – que nous tenons au-dessus de nos têtes – de plus en plus légères – presque envolée – évanouie – pas même à la recherche de notre nouveau visage – prêt(s) à accueillir la texture et la couleur des choses – des masques – des parures – provisoires – qui continueront de se présenter – que l’on continuera de nous offrir…

 

 

Prisonnier(s) d’une route involontairement inventée – comme si ce que nous cherchions devait se trouver devant nous – autour de nous peut-être – sous chacun de nos pas…

Mille ans – mille siècles – sans jamais avoir eu l’intuition de chercher ailleurs – autrement…

 

 

A notre chevet – la mémoire – ce que nous avons couché sous nos pieds – notre séant – cette étendue immense (et épaisse) de rêves et de désillusions – nos aspirations et nos malheurs – ce qui n’est bon qu’à jeter au fond des gouffres qu’ont creusés nos mains – dans les abysses terrestres gorgés déjà de malédictions…

L’âme et les mains vides – à fredonner en silence la même prière – inaudible – incompréhensible – comme une manière (un peu singulière) d’être au monde – indifférent (en apparence) aux rencontres et à la solitude…

Nous-même – bien davantage qu’autrefois…

 

7 juillet 2020

Carnet n°239 Notes journalières

Tout est (presque) mort – en nous – sauf cette séparation monstrueusement vivante ; la puissance destructrice de l’homme – libre – libérée – partout à l’œuvre…

 

 

Tout semble plus fort que l’oubli – sauf à la fin – où tout reprend sa place ; mille tas de cendre et de poussière dans le néant – et cette lumière, au fond, qui éclaire l’espace vide…

 

 

Des pierres – autour de nous – qui tournent autour du centre – le cœur vivant du monde qui déplace de la pierraille – mille choses – des êtres et des visages – à seule fin de les convertir à la beauté – à la poésie – au silence…

 

 

Sur le fil qui traverse les ombres – des pas qui, à mesure de la marche, dissolvent le désir – l’espoir – la tristesse ; de plus en plus libre – de plus en plus démuni – peu à peu affranchi des rêves des hommes – des plus viles ambitions – de ce qui emprisonne l’Amour et la poésie – le plus précieux du monde et du langage – ce qui permettra, peut-être, à la lumière de devenir réellement vivante…

 

 

Entre nous – le sable des rêves – trop d’images – de cartes – de lois – ; le tracé trop noir – trop épais – presque indélébile – des frontières que nous avons fabriquées pour nous séparer du reste – nous octroyer les meilleures parcelles du monde – et bâtir, en fin de compte, le pire des royaumes – ce carré de terre que notre ignorance et nos ambitions ont, peu à peu, transformé en tragique (et pitoyable) mausolée…

L’obscurité de l’esprit qui nous conduit à toutes les pertes…

 

 

De jour en jour – de proche en proche ; mille gestes – mille coups de grâce successifs – comme une lente déperdition – jusqu’à la noyade (solitaire) au milieu de l’océan…

 

 

A demi-mot – le temps du rêve – le temps que le monde disparaisse derrière le réel et la lumière. Puis – lorsque tout sera fini et pourra recommencer (ou continuer) – nous serons capables de vivre – silencieux…

 

 

Lentement – au fil des ombres – grossissantes – le dos au mur – avec trop de pierres dans les poches – trop d’images dans la tête – l’âme encore pleine de désirs inassouvis – les yeux rivés sur l’horizon des promesses – jusqu’au dernier jour – jusqu’au dernier souffle – jusqu’à ce que l’on nous ferme les paupières…

 

 

Que restera-t-il demain – plus tard – de cet espace – de ce sourire éternel – si nous n’avons su les découvrir – comme un temps perdu – inutile – une absence (la nôtre) au cœur de la réalité…

La même chose – quels que soient les siècles et les millénaires ; ce qui demeure – sous les ruines et la poussière – sous les tours et les tas d’immondices – ce qui demeure même au milieu du néant…

 

 

Rien sur nos pages – moins (bien moins) que dans un seul geste…

Le nécessaire vivant – sans âge – comme le souffle vital – les battements du cœur – la seule empreinte humaine indispensable…

 

 

Le sommeil a beau fleurir – il n’y pousse que des roses noires – des crânes sans chair – des corps sans âme – un amas d’idées trop (bien trop) humaines…

Pas l’ombre d’une pierre heureuse – pas l’ombre d’un cœur joyeux – de la mort vivante – sans étreinte – sans poésie…

Pas même un regard sur la faim – sur les ventres et le temps…

Nous-même(s) perdu(s) en nous-même(s) – sans dedans – sans dehors ; l’apparence du monde et l’illusion du devenir – seulement…

Tout – toutes nos chimères – comme un peu de sable amassé – remué – transporté ici et là ; et, dans nos oreilles – comme un murmure – une moquerie – le rire du vent…

 

 

Monde incendiaire – et, sur nos lèvres, la même lumière…

Le silence dans nos paroles – tremblant sur le seuil – l’air frémissant…

Et le territoire de l’ignorance traversé – pas à pas…

 

 

Du vent sur les pierres – et, au-dedans, le souffle des âmes…

Des gués et des crêtes à franchir – des hauteurs et des envergures à apprivoiser…

Le même monde de part et d’autre de la vitre. Et cette immense fenêtre à ouvrir…

 

 

Ce que nous quittons pour une solitude en jachère – un carré de terre stérile – une neige parfaite – vierge de traces et de tentatives…

Et notre âme – après avoir tant tâtonné – immobile à présent…

 

 

Des mots – comme un goutte-à-goutte – une perfusion d’énergie et de lumière – pour l’esprit – la chair – le monde – endormis – enténébrés…

Une issue possible (peut-être) comme un peu d’eau jetée sur un visage aux portes du sommeil – aux portes de la mort ; une manière de tendre la main vers ce qui pourrait être sauvé – de s’affranchir de la nuit – et d’accompagner quelques âmes en sursis – gesticulantes – prisonnières de leurs propres territoires – de leurs propres frontières – de leurs propres sables mouvants…

 

 

Le temps d’une vie – quelques jours de frémissement – de froid – de peur – de joie – avec, parfois, un peu d’émerveillement…

Un élan entre présence et absence – providence et volonté. Des courants et, à la fin, une vague submergeante – comme un naufrage pour rejoindre l’inconnu – les profondeurs…

La matrice mystérieuse qui crache les vies pour les jeter sur le rivage…

 

 

Un jour – mille saisons – et ce que nous découvrons peu à peu…

 

 

Un monde rouge – avare de sentiments – distribuant la joie et le mérite – laissant dériver le silence au-delà de toute raison – nous faisant croire que les plus obéissants pourront, un jour, marcher sur l’eau – réaliser quelques miracles – transformer la terre en paradis – que le vide pourrait être peuplé de visages heureux et souriants – que le temps gagnerait à s’arrêter – que nous n’en sommes qu’au début du sacrifice – et qu’il nous faudra bien du courage pour achever cet étrange voyage…

Comme si nous avions – et comme si ce périple avait – une fin…

 

 

Nous et le monde – dans cette intimité sans partage – seul(s) en quelque sorte – dans cette douleur originelle – avec ses prolongements et ses ramifications ; des voix qui se croisent – comme les corps et les visages – à peine entrevus – et qui s’éloignent déjà – sans même se souvenir – comme si, en définitive, rien ne comptait…

 

 

Toujours le même silence – derrière chaque cri – derrière chaque plainte – derrière chaque prière – celui qui existait avant les déchirures et les manques…

Le vide et l’étreinte – au fond des yeux…

Des soubresauts dans la voix – les mêmes que sur les pages et les chemins – des lignes et des pas au-dessus de leur support – par à-coups – comme une discontinuité d’envols et de chutes – des secousses – des vibrations – une succession désordonnée – presque chaotique – de regards et d’aveuglements…

 

 

Dans le même silence – le hasard – les naissances – les adieux – ce que la vie restreint et ce qu’offre la mort – tous nos rêves et toutes nos expériences. Et ce fil qui serpente entre tout comme un chemin…

 

 

Trop d’absence – entre les gestes et les mots – quelque chose qui ressemblerait à la vie – un voyage chargé de mort et d’oubli…

Du bleu – dans l’âme et sur les pages – peu à peu apprivoisé…

 

 

Entre le rêve et la nudité – sans autre souci que l’extinction (naturelle) de la nuit…

La croyance en un seul voyage…

Le poème apaisé – autant que demeure la noirceur de la fièvre et du vent…

Avec des fleurs en contrebas – sensibles à toutes nos folies – à notre indigence et à nos murmures – signes que l’invisible nous est promis…

Ici et ailleurs – cahin-caha – comme la trajectoire des nuages…

Et, un peu partout, les promesses du ciel chargé de couleurs et de magie…

 

 

Une main qui caresse l’eau de la rivière – qui laisse la peau se transformer en écailles ; une âme qui ne saisirait plus – qui se laisserait aller à la liberté des courants – au hasard des itinéraires…

Comme le jour offrant sa couleur à ce qui est vivant…

De moins en moins obstiné au fil des passages…

 

 

Ce qui apprend, peu à peu, à s’effacer – à devenir ce que l’on veut – qui obéit aux circonstances – sans souvenir – sans intention – sans confirmer le monde – sans l’infirmer – sans légitimer les postures de l’Autre ou ce qu’il imagine être son identité…

Nous – influençant ce que l’on touche – jusqu’à l’effacement (progressif) de tous les noms…

 

 

Parfois – l’espace – comme un monologue – une longue tirade qui aurait inventé le monde – les bruits – les chemins – la souffrance. Comme une étrange parenthèse dont la naissance aurait été oubliée (par les bêtes et les hommes)…

Le mythe – et le récit – d’une longue étreinte – et aujourd’hui, en nous, le contact devenu presque abstrait…

 

 

La terre comme un lieu de substitution – un écho lointain de l’invisible ; de la matière comme acte premier – le préalable à la compréhension qui couronnera le règne – et la fin – de l’énergie la plus grossière – inévitable en ces temps de tentatives et d’expérimentation…

 

 

Une seule voix – dans le tunnel – parvenue jusqu’à nos oreilles – la manière de rejoindre le silence…

L’horizontalité partout honorée comme l’incontournable prélude du vertical…

Le trop-plein – l’efflorescence – la multiplication – comme gestes d’incitation au vide…

Le mouvement – et ses excès – comme avant-goût de l’immobilité…

Nous – dans tout – cette antériorité nécessaire à l’actualisation de tous les potentiels – de tous les possibles…

Nous et la puissance – dansant et dessinant ensemble le reste de la carte – son incessant et indispensable prolongement…

Les débordements même de l’infini jouant avec ses (propres) créations…

 

 

Ce qui persiste – et nos résistances…

Ce qui demeure – ce qui s’effiloche et ce que nous saccageons…

Le sens mystérieux d’un monde particulier – d’une étape incontournable dans cette évolution sans fin…

 

 

Le feu et la langue – ce qui, en nous, s’accomplit – le fond et la forme – une sorte de mélange – de synthèse – d’apparition…

Ce qui se transforme et nous métamorphose – jusqu’au vide…

L’épiphanie – comme la seule évidence…

 

 

Ce qui nous inverse – comme le lieu du départ – l’origine – l’instant du premier pas – avant que l’envergure ne colore les choses…

 

 

Ce qui est dit – comme un pressentiment – l’un des rares endroits où le silence et la langue sont interchangeables…

L’état limite du précipice – ce qui persiste avec le feu – sans doute…

 

 

Nous tremblons tous devant le monde – l’utopie – l’inconnu – comme la feuille blanche sous la main de celui qui écrit – éveilleur de lumière ou noircisseur de lignes…

 

 

Que découvrirons-nous derrière la perspective – la folie d’un Dieu thaumaturge – le désespoir d’un pauvre Diable esseulé – la bouche béante d’un néant auquel on est livré sans boussole ; quelque chose de l’homme, peut-être – comme des battements de cœur – un frémissement de l’âme – une respiration – nous-mêmes – nous tous – privés de nos masques et de nos déguisements…

 

 

A quoi ressemblerons-nous lorsque nous nous serons affranchis des Autres et de notre visage…

Quelle perception aurons-nous du temps – du monde – de notre figure sans miroir…

Utiliserons-nous encore la langue pour nommer et souligner les différences…

Aurons-nous encore un front pour penser et des lèvres pour dire…

Ou ne serons-nous plus qu’un grand sourire silencieux – un regard à peine surpris de nous voir encore – agir et recommencer…

 

 

Nous vivons à la manière des lucarnes – dans la croyance un peu folle d’une clarté – d’une indépendance – comme de minuscules fenêtres qui ont oublié l’espace autour d’elles et les yeux postés dans leur dos – incapables de comprendre qu’on peut les ouvrir et les fermer à sa guise…

Et malgré les apparences – et toutes nos fallacieuses impressions – nul ne sait – nul ne peut savoir – que le monde demeurera – à jamais – un long mur orbe et blanc – une vitre immense et transparente – un hologramme habillé par les couleurs changeantes du vide – avec nous (avec nous tous sans exception) au-dehors et au-dedans – pris dans les mailles entremêlées de l’illusion et de la vérité…

 

 

De la lumière – comme une graine volée à l’ombre – le clin d’œil des Dieux face à notre inattention – ce qu’il suffirait d’être au lieu de se tenir à distance – au lieu de (tout) commenter…

Une manière de faire brûler de l’encens au milieu du sommeil…

 

 

Le soleil dans notre enclos – le réveil des fleurs sur la peau du monde qui nous sert de sentier…

Des mains crispées sur leur seau – remontant du puits – cette eau qui émerge des ténèbres – du fond de la terre qui nous a fait naître…

L’ombre tenant l’ombre – ignorant qu’elle abrite le ciel – la chaleur – la source de vie – le mystère qu’elle tente de résoudre depuis toutes les hauteurs…

 

 

Debout contre le paysage – les pieds dans les profondeurs – patient – obstiné – dans l’attente d’un silence alchimique…

Le sort du monde entre nos mains…

Le ciel tantôt clair – tantôt rougeoyant – parfait reflet de notre âme instable – changeante – avec toutes nos croyances (de moins en moins utiles) au fond des yeux…

 

 

Nous – devant le même gris journalier – la surface du monde et de la peau – d’un seul tenant – au teint pierreux…

Avec deux oiseaux – en nous – aux ailes ardentes – enflammées – si robustes qu’elles portent tous les habitants de la terre au-dessus des nuages – vers des contrées à l’air moins vicié – vers des rives où l’on respire sans menace – sans le décompte fatal du temps…

A notre aise – en somme – là où nous ne sommes pas (pas encore) – là où le corps n’est plus nécessaire…

En nous – à demeure – où que l’on soit…

 

 

Des Dieux – en nous – qui ont tout dévasté – comme le seul viatique possible – poussé jusqu’à l’excès – jusqu’au chaos – jusqu’à l’anéantissement ; seule manière de se libérer – seule manière de renaître – seule manière de vivre à la hauteur du Divin…

Ainsi seulement deviendrons-nous d’innocents messagers – adeptes non dogmatiques du vide – du silence – des circonstances ; véritables vivants du réel – peut-être…

 

 

Le jeu du monde – sans préférence – sans hésitation…

L’harmonie et le désordre dessinés par l’Amour et la violence…

La conscience en actes – en mouvements…

La courbe qui détermine la trajectoire des pierres – des visages – des étoiles…

L’espace dansant avec lui-même – sur lui-même – en lui-même – indifférent aux rondes internes et antérieures…

 

 

Des meurtres grandeur nature – à la dimension du monde – à la dimension de l’homme – esquissés à la craie et réalisés avec le sang des Autres – ceux qui ne comptent pas – ceux qui ne comptent plus – ceux qui n’ont, peut-être, jamais compté – et que l’on sacrifie au nom d’idées – pour défendre ce que l’on estime être son territoire – pour des sphères construites depuis des générations – depuis des millénaires – au détriment (presque) toujours du ciel – du vide – du soleil…

Et, à la fin, quelles que soient les batailles – la durée (et l’intensité) des massacres – la victoire irréfragable de l’invisible…

 

 

Nous – dans le noir et l’hiver – sous le ciel – à attendre désespérément quelque chose dont (en général) on ignore tout…

 

 

De plus loin que le jour – la même origine – le même sacrifice apparent – la même âme qui se désagrège – en même temps que le monde…

Dans la compagnie malicieuse de l’espace…

Dans la compagnie secrète du silence…

Nous autres – tête à terre – sur des chemins que nous aurions imaginés moins sauvages – moins buissonniers…

 

 

Logique subtile du jeu et du dessein des Dieux – en nous – dans le désordre apparent de l’univers ; le reflet du vide dans la matière – quelque chose de courbe – entre violence et grandeur – entre feu et hésitation…

Le ciel et l’esprit à l’œuvre – parfois inertes et emmitouflés – parfois ardents et lumineux…

 

 

Nous nous querellons – nous nous attendons – nous nous enseignons – les hommes et les étoiles – les vivants et les morts ; tous – enfants de la lumière – fruits du monde et du rêve ; l’invisible incarné…

Nous – sur des chemins déserts et populeux – avec dans l’âme – sur le visage – imprimées toutes nos vies passées – l’histoire des siècles et, en filigrane, le mystère – l’élégance et la malice – du vide…

 

 

Une ouverture au-dedans – qui mène vers le ciel mystérieux – vers le ciel sans âge – par un escalier invisible de pierres anguleuses – tranchantes comme des lames – douces comme des mains de femme – sur lesquelles on trébuche à chaque pas – la tête – le corps – le cœur – entaillés – attendris – prêts à tout subir – à tout devenir – à s’effacer (sans la moindre hésitation)…

 

 

Ce que l’on vit – ce dont on rêve – à peu près la même chose…

Des percées dans la nuit – des trouées de lumière – notre (long) retour au pays natal – vers le centre de nous-même(s) – resté inconnu – resté grand ouvert – à retrouver – à redécouvrir – à réhabiter (pleinement)…

 

 

Amoureux du silence – au-dedans de ce regard impossible à saisir – impossible à entraîner hors de lui-même – qui nous laisse tantôt rêveur – tantôt interdit – sur cette mystérieuse passerelle immobile – sans autre ardeur que celle de vouloir vivre au cœur de la vérité – dans la justesse de la tête absente (devenue inutile) – l’âme sur le sol – totalement présente – dans chacun de nos gestes…

 

 

A genoux – dans la nuit – la tête sur tous les billots imaginaires – à vitupérer contre le monde – l’espace – toutes les impasses au fond desquelles on s’est acharné…

Découragé par le voyage – cette étrange aventure – angoissé au moindre virage – au moindre changement de visages ou d’horizon – les pieds plongés au cœur de l’incertitude et de la douleur – les bras qui gesticulent dans l’air – et la poitrine qui, à chaque instant, cherche son souffle…

Et l’âme – comme toujours – presque absente…

 

 

Rien qu’un mot pour dire si peu de chose(s) ; rien qu’un silence pour tout écouter…

 

 

L’acquiescement et le geste qui, peu à peu, remplacent la parole…

Le nécessaire davantage que l’inutile…

Et l’essentiel, bien sûr, en toutes circonstances…

 

 

Le sang du monde en toute question – et la réponse – comme une flèche qui transperce la chair – le corps – le cœur – en laissant la tête dans sa douloureuse interrogation…

 

 

Que pourrions-nous emprunter à l’Autre que nous n’ayons déjà…

Sur quelles autres traces que les nôtres pourrions-nous marcher…

Où pourrions-nous aller où nous ne sommes déjà…

Nul chemin – nulle parole – nul enseignement. Partout – toujours – le silence qui acquiesce – qui accueille ce qui vient – le soleil et l’obscurité – sans la moindre distinction – comme un Dieu sans exigence à la rigueur (pourtant) intraitable…

 

 

Orphelin perdu et criard – et parent de tout – et l’esprit qui se cherche encore – comme si Dieu pouvait se trouver hors de nous…

 

 

En soi – toutes les figures de l’être – le monde aux mille identités – l’origine aux mille têtes – ce qui nous encombre – ce qui nous fascine – ce qui nous encourage à chercher l’unité – l’au-delà des apparences – l’essence derrière le mirage et l’illusion…

 

 

Nous errons sur tous les chemins – à la recherche d’un chant – de lèvres – d’une herbe rare – d’un carré de tranquillité sous le soleil – le lieu exact où nous pourrions être – nous satisfaire d’être sans le moindre qualificatif – sans le moindre enjeu…

 

 

Ce qui nous attend – les armes déposées – le monde comme une botte de paille – quelque chose à effacer à l’intérieur…

La différence autour de nous – comme un reflet – mille reflets…

L’espace et le feu – au plus proche comme au plus lointain…

La lourdeur du monde déposée – lancée par-dessus la psyché…

La légèreté stricte de l’esprit – vide – pourvoyeur d’aucun élan – réceptacle seulement…

 

 

Tout – découvert – comme une nouvelle assise – une assise très ancienne – originelle sans doute – retrouvée – réhabilitée – enfin à sa place – au cœur de notre âme – au cœur de notre vie – au cœur de tous nos gestes – comme le tout – la terre et le Divin – combinés (et incarnés) de la plus juste manière…

 

 

Derrière les murs – les hauteurs – l’hiver dans sa beauté primitive – calme et reposante – d’une blancheur sans éclat – sans artifice – parfaitement naturelle…

Au loin – le bleu infini du monde et de l’espace – les lumières de l’océan – et, par contraste, l’obscurité de notre voyage – la vanité de ceux qui imaginent cheminer – explorer – se défaire, peu à peu, de la sueur et du sang – balivernes, bien sûr…

Le rôle du silence – essentiel – prépondérant ; l’assise provisoire du sol – la terre non comme origine – non comme ultime mausolée – mais comme socle de toutes les circonstances – de toutes les recombinaisons…

Le ciel – dans nos bras – comme une fenêtre – le périmètre non délimité du vide – la périphérie de l’Amour. Et – partout – de manière invraisemblable – le centre (multiple) du cœur…

 

 

Des chants et des prières – inutiles pour accéder à la joie – et indispensables après – comme une nécessité – une célébration – une manière de saluer (et d’honorer) ce qui est – comme auxiliaires des gestes justes et jubilatoires – de cette présence joyeuse – sans ostentation – discrète – sans extravagance – presque secrète – comme le parfait reflet de l’alliance de l’être au-dedans avec toutes les choses du monde – cette matière pesante – insoutenable parfois – qui nous écrase, si souvent – avant le passage mystérieux au cœur du sacré – partout répandu – partout éparpillé – jusque dans les moindres recoins de cette terre aux allures sombres et labyrinthiques…

Nous tous – dans l’apparente solitude du voyage…

 

 

Des marches couvertes d’invisible…

Des hauteurs en tous lieux…

Ce que nous prenons pour des ailes – illusion…

Ce que l’on considère davantage que soi – très souvent, la juste direction…

Comme des enfants malhabiles et turbulents installés (selon leur degré de sensibilité et de compréhension) sur les mille versants de la même montagne…

 

 

Un parcours qui surplombe la direction – le trajet de l’enfance – haut en couleur – imprévisible – à la destination imprécise – incertaine – et, à la fois, comme la seule évidence possible…

Ce voyage vers nous-même(s) – et ce que nous devons abandonner pour accéder au seuil suivant…

A demeure – vers le grand Ouest – parallèle au monde – parallèle au temps – dans les replis secrets de l’espace – là où il n’est possible d’entrer que dévêtu – affranchi de toute certitude…

Dans la demeure des Dieux vivants – secrets – invisibles…

Au cœur même du mystère – peut-être…

 

 

En retard sur l’arc-en-ciel – sur cette terre où tout se frotte – où tout s’oppose – où tout finit, tôt ou tard, par être ingéré par un Autre – plus grand – plus fort – plus rusé…

Des silhouettes de chair au milieu du sang et de la poussière…

Des têtes chargées d’images et d’idées…

Des âmes aussi lourdes que des wagons…

Tous nos bagages sur nos frêles épaules…

A traverser des rivières et des déserts – à s’éloigner, peu à peu, de ce qui nous ressemble – pour se rapprocher du plus lointain et redevenir ce que nous étions avant le premier voyage…

 

 

A l’angle même du ciel et de la terre – sur cette étrange ligne régulière – en alerte – attentif comme si pouvaient surgir, à chaque instant, des inconnus prêts à nous arracher la tête…

Le monde traversé en une seule glissade…

L’Amour au fond de nos poches secrètes – mystérieuses – si longtemps introuvables…

 

 

Des paroles comme une cascade continue. Le jour et la joie du poème – comme des lignes jetées de plus haut – de cet espace courbe qui épouse tous les gestes – tous les pas – les désirs les plus tenaces ; notre manière de lever les yeux vers l’inconnu et de nous offrir sans retenue à ce qui nous réclame…

Avec, bien sûr, l’infini – au fond de l’âme – déjà…

 

 

Quelque chose de venteux – comme un passage – des profondeurs fascinantes – une phrase – une vie – interrompues…

Le déclin de toutes les surfaces et la persistance du mystère – au-dedans…

 

 

Nous – dans le bleu – les yeux fermés – comme un indice – le seuil de la zone d’inconfort…

Parfois – du côté du monde – parfois – de l’autre – une manière d’y voir clair – de s’abandonner aux forces insoupçonnées du vent – de rejoindre l’indéfinissable – puis, de se laisser dévorer…

 

 

L’œil et la couverture transparente…

En toute chose – le même élan – la même semence – le même itinéraire – la même destination – et le même sempiternel recommencement…

 

 

Derrière les grilles – des boîtes – quelques paroles – quelques chants – la tristesse des visages – des rires pour ne pas trop désespérer ; le monde entier avec tous ses mythes – toutes ses fables – et assez de rêves et d’espérance pour ne pas succomber (trop facilement) aux attraits de l’ailleurs – aux attraits de la mort…

 

 

L’univers sur nos genoux – à travers l’esprit – devant nos yeux – variable comme ses reflets – comme ses couleurs – sans appartenance – qui s’offre à celui qui le désire – qui se lègue à tous ceux qui gravitent à l’intérieur…

Une manière – pour tous – d’exister (un peu)…

 

 

Chacun – sous quelques tuiles – à défricher avec peine sa partition – à s’interroger sur la place à occuper – sur le territoire à défendre – sur les contenus d’existence les plus judicieux…

 

 

La tendresse du jour attendu – dans un claquement de doigts – après les forces printanières – les yeux qui se fixent – les âmes qui s’entrouvrent – les peaux qui se touchent – lentement – dans un ravissement soudain – brusque – un peu sauvage…

Comme un long regard derrière la vitre qui, brusquement, l’explose et la traverse (littéralement)…

 

 

Nous vivons – ensemble – dans le prolongement des fleurs – seul(s) – en désordre – comme si rien ne pouvait être éprouvé – dit – sans aussitôt rendre tout caduque – nous contredire…

Simplement être – sans avoir l’impression d’expérimenter et de devoir témoigner…

Dans la spontanéité (naturelle) de la rencontre…

Comme si rien n’existait (vraiment) – comme si rien n’avait d’importance…

 

 

Nous autres – comme deux ailes fatiguées – dans la neige – qui cherchent celui à qui elles appartiennent – celui qui pourrait en faire (bon) usage – et devenir (ainsi) le maître des envols ultérieurs – successifs…

 

 

Le ciel – comme un rideau mal tiré – et qui laisse deviner la profondeur de l’immensité derrière le bleu apparent…

La terre – comme un sol gelé sur lequel meurent tous les pas – toutes les vies…

Rien qui ne soit infaillible sur tout ce blanc – dans cette transparence vers un ailleurs, si souvent, imperceptible – si souvent inaccessible…

Le monde et l’inespéré…

En définitive, pas grand-chose dans la lumière…

 

 

Un sourire – immense – existe derrière tous nos visages – qui cherche, bien sûr, à les remplacer – un par un – à révéler ce que l’on devine chez chacun – cet espace de joie que la plupart ignorent – ont quitté – ne soupçonnent pas même chez eux…

 

 

Un peu de gris – la bêtise qui s’obstine…

Et quelques lignes pour punaiser le vide sur les fronts…

Une besogne – un labeur – comme tous les autres – inutiles…

 

7 juillet 2020

Carnet n°238 Notes journalières

Quelques surprises – sous les pieds – un air étrange – au fond de la poitrine – quelque chose de joyeux – entre les lèvres…

Une terre enfin habitée…

 

 

Derrière le souffle, la durée – derrière la durée, la perception erronée du temps – derrière la perception erronée du temps, la croyance en notre réalité – derrière la croyance en notre réalité, les injonctions de la psyché – derrière les injonctions de la psyché, les nécessités de l’origine – derrière les nécessités de l’origine, le mouvement de l’esprit – derrière le mouvement de l’esprit, le vide infini et éternel – la matrice non née libre de tous ses enfantements…

 

 

A présent – des fractions de jour – des fragments de silence – mélangés aux bruits et à l’obscurité…

Des parcelles de joie – comme des incises dans la torpeur quotidienne…

Nous – comme le monde – socles – surfaces et périmètres – d’un incroyable mélange…

 

 

Tout passe – s’agrippe – demeure (un peu) – pendant quelques instants – s’éteint – s’efface – disparaît – renaît et recommence…

 

 

Tout – dans notre regard et notre disponibilité – ce qui émerge – ce qui se propose – ce qui s’offre – ce qui s’impose…

Le dehors pénétrant au-dedans et le dedans se déployant au-dehors…

Les choses se transformant – devenant autre – exactement ce qu’elles doivent devenir…

Nous pourrions tout imaginer – tout envisager – en vain ; ce qui se produit n’a cure des plans – des hypothèses – des explications…

Cela se passe – inexorablement – inéluctablement – avec ou sans intention – avec ou sans témoin – avec ou sans l’esprit-conscience…

Juste – le cours inarrêtable des choses – la matière en marche – toutes les énergies en mouvement…

 

 

La nuit archivée – l’homme selon son désir – le jour, peu à peu, devenu désert – pleine solitude – comme un espace aride au milieu de la douleur…

Et notre voix – entre la nouveauté et la rengaine – comme quelques restes – quelques éclats d’un soleil très ancien…

 

 

La tête posée contre la nuit – tantôt comme un appui – tantôt comme une résistance – les pieds dans le vide – l’âme dans son gouffre – à ruminer la même parole – sans parvenir à se libérer de nos entraves – à franchir ce qui se dresse entre nous et l’immensité…

Prêts, sans doute, à s’éteindre ou à se disperser après trop d’infructueuses tentatives…

 

 

Nous et les arbres – nous et le ciel – tantôt comme des miroirs – tantôt comme des fenêtres – tantôt comme des seuils trop lointains – infranchissables – mais toujours ensemble – toujours reliés – quelles que soient les perceptions et les circonstances…

 

 

Nos vieux démons – de toutes les époques – vieillissant avec nous – grossissant de nos peurs – de nos colères – de nos frustrations – accumulées…

Des amas de tristesse sur l’âme et les épaules – des milliers de choses inutiles – le manque d’air et l’odeur permanente de la putréfaction – comme un piège qui, peu à peu, nous avale ; un trou – son propre trou – que l’on creuse à mesure que l’on amasse (inutilement) les expériences – à mesure que l’on entasse les scories et les commentaires…

Nous croyons vivre – en réalité, nous ne persistons que dans nos croyances…

 

 

Bleu – gris – noir – comme une force brute – une envergure immense – ce qui existe au-dedans et ce qui nous entoure – ce que certains ne perçoivent qu’au-dessus de leur tête…

Mais qui donc se soucie de l’âge (vénérable) du ciel – de son véritable visage…

 

 

Le même horizon – partout où nous allons – l’ordinaire – le trivial – le plus quotidien – ce qui ne tient qu’à force de sommeil…

 

 

Devenir – comme si nous n’avions que cet élan-là – rien d’autre ou trop enfoui – endormi lui aussi…

 

 

Des zébrures – parfois – blanches – bleues – lumineuses – incroyablement – comme des trouées d’air pur dans l’étouffement – un sursis – quelques instants supplémentaires hors du monde avant de replonger dans notre agonie…

 

 

Tout est trop rangé – chez les hommes ; chaque chose à sa place – séparée…

Des boîtes – des rangées de boîtes – bien alignées ; des choses pour ceci – des choses pour cela – ce qui différencie les morts et les vivants – ce qui sert et l’inutile – ce qui nous fait envie et ce que l’on déteste…

Le contraire du monde naturel où tout se mêle – s’emmêle – se mélange – dans un joyeux (et émouvant) chaos ; une désorganisation apparente – savamment élaborée – où le provisoire et la recombinaison permanente règnent sans partage – où tout est dans tout – exactement là où il doit être à l’instant où il s’y trouve – sans jamais la moindre place attitrée…

Ici ou ailleurs – qui donc pourrait s’en soucier…

 

 

Des toits – trop de refuges et de mots élémentaires – comme toutes ces vies insignifiantes – sans distance – sans interrogation – sans mystère – rythmées par la routine quotidienne où la chance tient (trop souvent) lieu de supplément d’envergure ; la seule issue – la seule liberté possible, en quelque sorte – comme un pas de côté – pas même un peu de hauteur – un simple écart pour supporter cette (triste et morne) existence…

 

 

Des mouvements linéaires – acharnés ; bien trop d’absence…

Rien qui ne compte vraiment…

L’inertie du premier élan dont on ne peut changer ni la direction – ni la vitesse – comme un mode automatique rendu mécanique et permanent…

 

 

Désarmé par le jour et le temps qui passe – par les visages et l’indifférence – par le monde et l’absence..

Pas même certain d’exister ; un peu d’ombre vivante – peut-être…

 

 

Nous – devant les Autres – mille choses – mille émotions. Et des adieux presque permanents…

 

 

La vie recouverte – comme la mort – mais par des choses et pour des raisons – différentes…

Ce qui nous sépare et nous disloque ; trop de frontières – et trop peu de soleil – entre nous…

Il faudrait savoir vivre ensemble sur la pierre – silencieusement – dans le respect de la solitude des Autres…

 

 

Debout – sur la terre – le dos appuyé contre le temps – à perdre, peu à peu, nos illusions et notre confiance en l’Autre – non qu’il soit étranger – trop absent seulement – perdu – accaparé par ses propres mouvements – aveugle et sourd à ce qui l’entoure – indifférent à la trajectoire de ceux qui gravitent autour de lui autant qu’à ceux qui ont épuisé tous leurs élans et qui sont simplement là – présents – sans intention – sans volonté – à l’écoute de ce qui naît – de ce qui passe – de ce qui s’efface déjà…

 

 

A gravir je-ne-sais-quoi ; mille tentatives pour fuir – s’échapper – se réfugier quelque part – ailleurs – loin – très loin – là où nous pensons que nos rêves pourraient se réaliser – devenir (enfin) réels…

 

 

Du silence – que nul n’entend…

De l’invisible – que nul ne voit…

De l’indicible – dont nul ne parle…

Ce qui est – ce que nous sommes – au-delà des apparences…

Ce que chacun ignore et ce que nul ne reconnaît – pourtant…

 

 

Des drames – comme des points de repère – les seules certitudes du voyage – ce à quoi nous rêvons (tous) d’échapper – ce pour quoi nous sommes venus ici-bas ; la possibilité de grandir – de découvrir la joie au-delà de la peine – derrière toutes les formes de tristesse – comme une étincelle dans la nuit terrestre…

 

 

Des mouvements – mille – des milliers – des milliards – une infinité – trop – presque toujours – simultanément – comme le signe d’une incompréhension – d’une impossibilité de s’ouvrir au silence – à l’immobilité…

 

 

Deux mondes – séparés – entremêlés – qui s’ignorent et se mélangent…

Nous-mêmes – pris entre deux feux – entre l’essentiel et la nécessité…

Ce qui vit et le témoin épargné

La vie et la mort – presque toujours – insuffisantes…

Et la récurrence du domaine pour qu’un jour, tout s’éclaire – devienne limpide – transforme le jeu en évidence – en prolongement éclairé de la conscience…

 

 

Dans nos failles – l’éclat de l’incertain et la patine du temps. Quelque chose de l’exil et des profondeurs – sans distinction…

Et, de l’autre côté – l’horizon (presque) jaloux de notre absence de certitude…

 

 

Devenir – par la peur – ce que l’on exècre ; un jour trop précis – trop étroit – avec trop de certitudes – l’apparence d’une journée plutôt – un intervalle de temps – un espace exigu – un lieu où il nous est (réellement) impossible de vivre…

 

 

Des heures sans exigence – libres – sans préavis – et cette âme affranchie qui a refusé tous les contrats – tous les commerces avec la terre – les hommes – les étoiles – ce que nous haïssons – ce à quoi nous aspirons – et qui a, peu à peu, effacé la longue liste des désirs – des promesses – des espoirs…

Suspendu – provisoirement – au regard qui s’émerveille…

 

 

L’air par-dessus le monde – des fleurs éparpillées – un peu partout – dans l’âme et sur la terre – quelque chose d’imprévisible – de tendre (d’incroyablement tendre) – qui transforme tout ce qu’il touche – sans en avoir l’air – sans même que nous nous en apercevions…

De la grâce et du silence…

Tous les gestes de l’invisible – bien sûr…

 

 

Tout – au creux de la main – lorsque l’âme se baisse – sait se faire humble ; de l’eau – de l’air – du silence – des mondes oubliés – des chemins très anciens – des routes nouvelles – des terres inconnues à arpenter – ce que nous étions – ce que nous sommes et serons…

Le même mélange – toujours – qui, sans cesse, se transforme…

 

 

Du bout des doigts – ce qui se précise – ce qui nous importe – le regard apprivoisé – au bord du ciel – toutes les périphéries que nous transformons (malgré nous) en centre provisoire – là où nous sommes – là où nous passons (où nous ne faisons que passer)…

Ce que l’on appelle, peut-être, la vie humaine…

 

 

Ce qui se dresse – tel un poing – une flèche – un phare dans le ciel noir du monde – le souffle de l’invisible – puissant – innocent – sans intention – jamais né – et qui durera encore lorsque tout aura disparu…

 

 

Notre main dans celle des Autres – avant le pressentiment de la rencontre. Sans crainte – les visages côte à côte – des éclats de rire – quelques restes de désirs – sans personne à convaincre…

Des fronts fraternels sans arrière-pensée…

Des gestes tendres et silencieux…

Une attention active – une présence (intensément) vivante…

La marque de l’Amour et de ceux qui n’ont plus rien à prouver…

L’éternité sans la lune – sans l’incidence des saisons – sans la moindre restriction…

 

 

Ce à quoi nous assistons – le spectacle – la tragédie à l’œuvre – ce qui nous étouffe et participe à notre agonie – et la précipite sans doute ; le monde saisissant – la succession des tâches – notre manière d’être présent au monde – notre posture – le rôle que l’on nous confie – ce dont on pourrait (si bien) se passer…

 

 

Notre seule réponse – notre seul geste ; être présent – comme un pied de nez – comme une résistance – une indifférence à l’absence ambiante – (quasi) généralisée…

Le réel – le regain du réel – face à l’imaginaire et à l’abstraction…

 

 

Le monde – endormi – comme une rencontre manquée – impossible – une pente trop glissante pour l’âme chargée d’attentes – d’espoirs – de bagages – trop lourde…

Nous arpentons le monde à notre façon – de lieu en lieu – tantôt désert – tantôt peuplé – nous arrêtant à chaque étape du voyage à la place octroyée – le plus souvent aux marges délaissées par les tribus humaines…

 

 

Sans attente – assis sur quelques pierres – l’âme lasse – si lasse d’être soumise à la volonté du monde – à la volonté des hommes…

Défait – à présent – comme une feuille sous la pluie – un visage au milieu des Autres…

Un peu perdu – craintif et révolté – attentif à ce qui passe – à ce qui est – à ce qui s’offre – innocent…

 

 

La tête dans une spirale – le sort funeste de la pensée – les souvenirs et l’imaginaire – l’expansion des ténèbres – la raison qui se déploie – étalée jusqu’à l’épuisement…

 

 

Le chant – comme un éclat – le jaillissement de la beauté trop longtemps enfouie – sans le moindre signe de colère – d’impatience – le lien entre la vie intérieure et l’univers – comme une corde invisible sur laquelle serait assis le monde entier…

 

 

A genoux – dans la terre – trop de fois – la tête dressée – trop fière – refusant l’humilité – tous ces lieux de honte – sa réalité – sa seule réalité – la prégnance de la matière – son règne absolu – inflexible – incontournable – ce sol où elle est enfoncée en dessous du ciel – sous l’œil impassible d’un soleil qui semble tourner autour de nous…

 

 

Devenir – encore – comme une source affranchie – de plus en plus large – l’âme, peu à peu, obsolète – échappant (progressivement) à sa torpeur – au monde sommeillant…

 

 

De la vie souterraine – invisible – la même que celle des hauteurs – sans attente – sans souvenir – fragile et souveraine – libre et immobile – sage peut-être – aussi rude et longue que fut la nuit…

 

 

La terre – comme un socle – un décor – une couleur offerte à l’existence des vivants – dépourvus – limités – provisoires…

Le temps du rêve et de l’expectative…

Le lent (et surprenant) glissement vers l’hiver et la solitude – comme une ouverture (graduelle) de la perspective…

 

 

Le temps de l’imprépondérance du temps. Le rôle du vide et du sable dans notre absence – notre vie engloutie. La respiration saccadée – erratique – de la périphérie…

La fin des fantômes et la loi passagère de l’instant qui détrône ce que nous imaginions irremplaçable…

Le sens et la fenêtre – le monde au-delà de l’homme…

 

 

Ce que nous offrons comme une libération – trop souvent perçu(e) comme un outrage ou un malentendu…

 

 

Blessé(s) par ce que nous conservons au-dedans – comme une déchirure permanente – une douleur intermittente – comme l’héritage terrestre collé à l’envers de l’âme – au fond du cœur – sous la peau – vécu à chaque respiration (et dont nous ne saurons jamais nous défaire)…

 

 

Trace d’une existence inconnue – précaire – (hautement) improbable…

D’un chemin à l’autre – comme si les lieux – et les visages rencontrés – n’avaient aucune importance…

Ce qui s’écrit – en nous – sans laisser le moindre signe – la moindre empreinte ; le plus essentiel que nous vivons – et dont nul ne sera jamais témoin…

 

 

Des lignes – sans hasard – ouvreuses de voies – imprévues – qui tournent autour de nos têtes en dansant – semant sans moissonner – propageant la lumière sans rien inventer…

 

 

Parmi les loups de l’angoisse parqués aux périphéries de l’être – au cœur du monde…

Et nous autres – comme de la chair livrée à ces mâchoires affamées – monstrueuses – amassant le sommeil comme un trésor vain et miraculeux – à la manière des âmes prises au piège par leurs propres inventions…

 

 

Nous errons – partout – la tête pleine de jugements et de sortilèges – que seul le silence pourrait terrasser…

Une terre sans Dieu – sans miracle – vouée au labeur et aux jeux en attendant la disparition des malheurs – l’éradication des instincts…

 

 

Du monde à venir – sans attente – une simple possibilité – non envisagée – non anticipée – la prochaine étape – peut-être…

L’Autre sans témoin – sans même la nécessité d’exister (ou d’être reconnu)…

Une présence pourvue, à travers nous, de tous les instruments indispensables…

 

 

Ne rien convoquer – se réduire à l’accueil – devenir ce déploiement possible (et infini) – vivre à la manière du ciel et du vent – sans autre raison que celle d’être et d’exister – n’échapper à rien qui soit offert…

 

 

Qui règne sur soi – sur nous – pendant notre absence… Est-ce la même force – cette incroyable puissance – que chez les Autres – l’invisible et ces courants silencieux – énergétiques – qui nous portent – nous transportent – et qui constituent l’essentiel de notre nature – de notre destin – de notre voyage ; notre seule véritable aventure – sans doute…

 

 

Plongé(s) dans cette matière où est enfoui le secret…

Que savons-nous du monde, nous qui habitons de l’autre côté de la vérité…

Que savons-nous du silence, lorsque, en nous, les bruits grondent et que nos gestes – nos pas – nos paroles – ressemblent à une danse folle et incontrôlable…

Qu’avons-nous à dire – à révéler peut-être – si ce n’est le ridicule et l’absurdité de ce que nous croyons précieux et incontournable…

Rien qui n’existe déjà ou pourrait être envisagé…

L’instant et l’oubli – ce qui est et qui s’efface – seulement…

 

 

Devenir ce que nous ne pouvons qu’être – démuni(s) – humble(s) – sans identité-repère – le savoir-être porté jusqu’au bout des doigts – jusqu’à l’autre extrémité du monde…

 

 

Ce qui nous malmène – la confrontation – la saturation – le monde sans la distance – l’Autre dépourvu de respect – niant toute forme d’altérité (même minime – même élémentaire) et la possibilité de la moindre alternative humaine…

 

 

Le Divin silencieux – nous seul(s) face à nous-même(s) – puis, à nos côtés – puis confondus – parfaitement substituables – puis réunis (enfin) dans le geste – le pas – la parole…

L’être intact – parfait – sans la moindre séparation – sans le moindre décalage…

 

 

Ce qui s’impose – sans régner – le lieu du provisoire – des échanges – de la rengaine (et du ressassement parfois) – du merveilleux – du plus terrible et du tremblement…

L’espace libre et le territoire du vent – là où, un jour, tout finit par advenir et être, presque aussitôt, balayé…

 

 

Sans peur – sans arme – tranchant comme une lame – la matière comme de la chair – des fragments d’invisible sectionnés – et recombinés autrement…

 

 

Rien que des essais – un potentiel – des possibilités – et le plus nécessaire qui advient et se donne à vivre…

Les heures – les jours – ni heureux – ni malheureux – simplement indispensables au jeu et à l’émergence (progressive) de la vérité – peut-être…

 

 

Innocence – lorsque l’heure s’écarte du temps – l’esprit des idées – et l’âme de ses obligations…

Nous – presque toujours – dans l’ardeur incontrôlable des Autres…

Dès le matin – à courir vers sa première offense – son premier crime – l’aréopage des tyrans bien calés au fond de la tête…

Du feu et de la barbarie – et, au mieux, de l’indélicatesse – dirigés contre le moindre chant – le moindre élan de beauté – toutes les tentatives d’évasion…

Ce que nous nous acharnons tous à détruire – malgré nous…

 

 

Sans autre arme que le silence et l’absence d’intention – une présence au-delà de toutes les formes d’existence possibles…

Un cœur – deux mains – un sourire…

Et l’âme façonnée pour la joie – en plein ciel – malgré le monde…

 

 

Nous sommes – et veillons sur – tous les territoires – sans intrus – sans étranger – sans personne à reléguer à la périphérie…

Le centre – partout – sans frontière – sans compromis – comme une présence démultipliée et polymorphe…

Nous tous au cœur du cercle…

En commun – ce que nous partageons…

Et nos différences (apparentes) – simple prétexte aux luttes – aux guerres et aux conflits – à tous les enfantillages du monde…

Avec de la lumière et de la tendresse au milieu…

Et la source de tous les possibles à venir…

En réalité – rapprochement et éloignement dans les tréfonds de la même intimité – comme une respiration libre et naturelle – nécessaire à tous – à chacun – et au déploiement de tous les liens essentiels…

 

 

Le dehors – comme une invitation – le point de bascule vers l’intérieur…

Le jour divisé en deux – comme la nuit ; et chaque part cherchant l’autre – à se réunifier – à dissiper tous les malentendus…

 

 

On respire – comme un instinct naturel – le premier sans doute – celui sans lequel tous les autres ne pourraient s’exprimer – la condition même de toutes les existences terrestres – comme le souffle divin multiplié – incarné – inséré (provisoirement) au fond de la chair…

 

 

Identique au vide – ce qui nous annihile et nous accentue ; ce qui importe davantage que les mots – notre identité mensongère – ce qui existe au-delà des repères – au-delà des références – au-delà du temps – comme un intervalle inchangé – inchangeable – au milieu de ce qui passe – de ce qui naît – de ce qui meurt…

Insoumis à toutes les lois terrestres…

 

 

Nous sommes le fond des choses et ce qui semble exister – en apparence – l’obstacle et la disponibilité – les conditions déplorables de nos existences et la résolution (complète) de notre mystère. Insécable malgré la multitude visible et divisible…

 

 

La nuit – au milieu des âmes – au milieu des mots. Des procès – des masques – des jugements – des passages. Des instants qui s’enchaînent – la fausse continuité du temps – ce qui ne peut exister qu’en son absence – réelle – vécue – l’existence – le monde et les visages provisoires – ce que les Dieux nous ont confié(s) depuis le premier jour – le jeu inéluctable de la conscience et de l’énergie…

 

 

Des mots qui nous portent – nous emportent – nous transportent – comme l’un des (innombrables) courants du monde – ni le plus trivial – ni le plus précieux – celui qui convient aux amoureux – et aux adeptes – du langage – sans lequel leur existence serait immobile – invalide – étrangère aux choses de la terre et du ciel – indifférente à l’ordinaire – sourde à l’ineffable – aveugle à l’invisible – immodifiable et inutile en quelque sorte…

 

 

Une chose infime – momentanée – dans le vide existant et l’espace alentour. Des apparences qui semblent déloger l’essence de l’être – le plus précieux du monde. La surface de l’imperceptible – la part la plus tangible de l’infini – comme un fragment de temps dans l’éternité…

 

 

Infime segment de l’ensemble – détourné de son usage premier – de sa fonction originelle – miroir du tout avant d’être jouisseur (partiel) des choses – avant de se croire (modique et illusoire) possesseur d’une minuscule parcelle du périmètre…

 

 

Nous circulons sans trace – sans antériorité – dans la totale confusion du monde et du temps…

Le visage – au-dehors – dans l’intervalle – dans le suspens de toutes les formes de promesse. Egaré provisoirement – comme une parenthèse indéfinie dans l’immobilité…

Vivant (pour ainsi dire) sans les injonctions immatures de l’enfance…

 

 

Au seuil du jour – l’âme comme une coquille inhabitée – un mouvement fébrile – une manière de s’attarder (inutilement) dans le monde – cette nuit tragique – notre terre natale – sous le joug des choses et de l’ignorance…

 

 

Rien en notre faveur – tout se propose – tout se vit et s’expérimente – dans une forme permanente d’invitation – comme une initiation continuelle à l’au-delà de soi : mille – dix-mille rencontres – successives afin d’interrompre nos préludes excessifs – afin de commencer réellement le voyage – cette longue marche immobile – cet interminable périple…

 

 

Dessus – des jours – le monde dessiné à la craie – des routes que l’on arpente à pied – et des restes de nuit dans notre sillage…

Le ciel – quelques fois – et un long mur qu’on longe avec effroi – sans espoir – presque assuré de n’en jamais voir la fin…

 

 

Des lignes comme des graffitis…

Des feuilles comme des confettis…

Et notre esprit de part et d’autre de l’espace visible – une âme détachée du temps – de toutes les possibilités…

La main – le geste – comme les seules issues – la seule manière de vivre au cœur du réel…

 

 

Du silence sur la page – dans l’âme et la tête – et ce vide dans les mains – et tout autour – qui porte nos gestes – notre corps – la matière et l’esprit – (presque) sans mémoire – comme une rive infinie – infranchissable – munie de lames au service de l’oubli – autant qu’il y a de parcelles et d’édifices possibles – et pourvue de couches épaisses – confortables et réconfortantes – de tendresse – allouées à toutes les formes de perte et de détresse…

 

 

Des parois contre les mains – au-dessus – en dessous – devant et derrière – une vie comme dans une cage de verre – entourée d’espace – d’inconnu et d’incertitude…

Comme les bornes infranchissables de la matière…

Un condensé d’existence – l’incarcération de l’esprit – prisonnier apparent du monde – dans une forme de crispation involontaire et provisoire…

Et ce qui s’avance – en nous – dans la parfaite immobilité du cœur…

 

16 juin 2020

Carnet n°237 Notes journalières

Le jour aussi peuplé que le sommeil – mais de nature presque exclusivement solitaire…

Ni fumée – ni alcool – pas même un refuge – un espace ouvert – exposé – sans le moindre rempart…

Au cœur de la vie – à la merci de ce qui passe (à proximité)…

 

 

Dans les recoins d’une figure possible – la seule perspective ; la soustraction comme une forme de déploiement à l’envers jusqu’au plus rien aussitôt converti en envergure infinie – en présence intensément vivante…

 

 

Entre la lumière et le langage – l’émergence du geste juste – comme une passerelle – l’effacement de tous les obstacles – l’empêchement transformé en possibilité…

 

 

Des mots – des pages – façonnés par la main où, malgré les apparences, le recours à la langue est secondaire…

Malgré la profusion et la truculence – pas si loin du silence…

 

 

Des gesticulations tantôt sensuelles – tantôt sévères – mille à chaque instant – ce que l’on touche – ce que l’on embrasse – ce que l’on repousse et rejette – les mêmes visages au fil du temps – selon les postures et les circonstances…

La main et la bouche – selon les jours – selon les heures – prêtes à toutes les cajoleries – à toutes les infamies…

 

 

L’extérieur – comme un prétexte au déploiement de ce qui nous habite (provisoirement)…

L’être – comme le lien entre ce qui semble séparé par tant de frontières…

 

 

Nous – ici – avec cet air surpris – dérangé – peu consentant – chaviré – enivré – à terre – par le moindre mouvement…

Il faudrait vivre dans le silence – à l’extrême marge du monde – et faire la part belle à l’invisible – pour devenir vivant – pleinement acquiesçant…

 

 

Au-delà du monde – soi – comme en deçà – la même chose – exactement – malgré les différences apparentes…

 

 

Un cœur immense – près des lèvres entrouvertes – près de la main tendue – près de l’âme offerte – près de chacun d’entre nous – à chaque instant…

Et ce brouillard qui nous empêche de voir derrière toutes les mâchoires serrées qui se dressent autour nous…

 

 

Le vent et l’horizon – et, par-dessus, des lignes courbes – écrites au feutre noir…

L’habitude – la marche – l’ascèse ; des gestes et des travaux quotidiens…

La psyché – trop étroite (bien trop étroite) pour demain – et même pour l’instant suivant – et qui voudrait (malgré tout) prévoir la couleur du temps…

Il ne faudrait rien attendre – rien imaginer – goûter seulement ce qu’offre le jour – oublier hier – oublier plus tard – vivre dans la seule présence vivante possible – accompagné du bleu immense (et lumineux) pour aller sur cette terre – et ces chemins – trop souvent obscurs – trop souvent bornés…

 

 

Le monde – à travers nous – comme une terre d’emprunt – passagère – fort éloignée de notre pays natal…

De la rage – de la misère et des rires – en proportions variables ; rien de plus banal – chaque matin, un peu de lumière – puis le soleil couchant – pendant des dizaines de milliers de jours – ce que nous jugeons (trop souvent) comme une épopée – et qui, pourtant, ne représente à peu près rien – à l’aune de l’histoire de la matière…

 

 

Des chaises vides – autour de soi – les vivants attablés – très loin derrière – de l’autre côté du monde…

Ici – seulement – ceux qui ont faim de lumière – de vérité ; presque personne (en réalité) – des visages qui passent pendant un court instant – parfois tristes – parfois rieurs…

Les amis des grands arbres et des pierres – les amis des bêtes qu’exploitent et assassinent ceux qui vivent de l’autre côté…

Et sur cette terre – rien pour les défendre – faire valoir leurs droits – notre sensibilité – sauf, peut-être, l’essentiel ; le plein acquiescement y compris aux refus – aux résistances – au règne (éternel) de tous les contraires…

Un regard – seulement – sur tous les paysages changeants…

 

 

Aux limites du corps – de l’âme – du monde – de l’esprit – au-delà desquelles tout est vide – autant qu’en deçà – là où il semble y avoir quelque chose…

Tout est soi – en vérité…

 

 

Nous – apparemment présents – au détriment de l’intelligence – comme s’il n’y avait (aujourd’hui) qu’un seul règne possible – celui de l’ignorance déguisée tantôt en bêtise – tantôt en folie…

 

 

Là où l’on croit habiter – là où l’on croit vivre – ce trou de misère cerné par la nuit – avec, au-dessus, quelques étoiles et, de temps en temps, un peu de ciel bleu – histoire de donner à l’indigence une once d’espoir et de dignité…

 

 

Dans la désolation du seuil – plus haut, le ciel – plus bas, les ténèbres – et, de part et d’autre, l’abîme…

Ainsi – dans cette disposition géographique – dans cette disposition intérieure – les yeux n’ont guère le choix – vers l’ouverture sans hésitation – autant que l’âme…

 

 

Du noir disposé autour de toutes les lampes – et cet étroit faisceau de lumière pour découvrir la route – se frayer un chemin – orienter ses pas – dans l’obscurité…

Faudrait-il être fou pour se laisser mener par le hasard – quelques (vagues) intuitions…

Qui peut savoir…

Des yeux et la providence – voilà tout ce que nous avons

 

 

Ce que nous regardons – peut-être – n’existe pas. Plus image que poème – plus possibilité que (réellement) consistant…

Ce qu’il restera – à jamais – le monde d’avant le monde – ce que nous avons toujours trop habillé – le vide – simple – sans prétention – souverain et majestueux – sans parure…

 

 

Ce à quoi nous avons recours – un peu d’aide – un peu de rêve – selon les jours…

 

 

Inerte (presque inerte) – comme tout ce qui vit – comme tout ce qui a l’air de vivre – dans la proximité de la matière – embourbé – enlisé en elle – comme un obstacle – un socle – une forme de stabilité – une fausse certitude qui nous sert d’appui…

Pris dans une sorte d’errance immobile – une lenteur – un suspens – quelque chose qui, tôt ou tard, finira par tomber en ruine et se transformer en poussière grise – rien de vraiment important – ni après – ni pendant – une simple forme où sont emprisonnés les élans ; le mouvement premier de l’Amour ; de la lumière incarcérée et obscurcie – comme une manière de durer davantage – d’augmenter (de quelques instants) le temps du passage…

 

 

Dans le moment intériorisé du monde – ce qui existe (un peu) – un instant – entre deux possibilités – entre deux néants…

Ce qui demeure le temps du geste – et celui – trop long – du souvenir…

Ce qui est – devant nous – en nous – qui sommes l’unique frontière – le seul obstacle à la réunification de l’ensemble – de toutes ces parties apparemment éparpillées…

 

 

Autour de nous – quelques traces anciennes – tribales – du temps où l’homme était (réellement) vivant – un animal comme les autres – humble et inquiet – sans pouvoir – sans espoir – comme un étrange mélange de peurs et de possibilités – une manière authentique – si vraie – si juste – d’être au monde – ce que nous avons oublié nous qui vivons comme des maîtres – comme des traîtres – si corrompus – si oublieux de l’origine commune…

 

 

Nous nous rejoindrons un jour – lorsque « ensemble » voudra dire (signifiera vraiment) notre unique visage…

Nous n’aurons alors plus besoin de masques – nous pourrons vivre nus – comme des frères – dans la même innocence…

 

 

Toutes nos solitudes rassemblées en un seul éclat – comme un feu – immense – au cœur de l’hiver…

Une fumée blanche dans le ciel – légère – si légère – pour avertir les Dieux – pour que se rapproche l’inconnu – pour que s’éclaircisse le mystère – pour pouvoir enfin vivre (tous) ensemble…

 

 

Une vie durant – à cette place étrange – dans le lieu de l’attente – là où nous ne pourrons jamais être – là où nous ne pourrons jamais vivre – à cet endroit qui n’existe pas – qui nous fait tomber dans deux illusions ; celle de l’ailleurs et celle de plus tard…

Un enfer que la psyché appréhende comme une possibilité – un (réel) espoir – la seule issue, croit-elle, à l’indigence de vivre – à la misère quotidienne du monde – une manière de glisser de rien en rien – de néant en néant – sans jamais être personne – sans jamais rejoindre l’horizon – la terre ferme ; une absence permanente – inapte à toute forme de conversion – à toute forme de transformation – comme une impasse qui se parcourrait et s’abîmerait dans tous ses recoins ; pas même une perte – une fable qui s’auto-entretiendrait pour que perdurent toutes nos histoires – toutes nos croyances – toutes nos chimères – la somme (stérile) de toutes nos inexistences…

 

 

Comme le jour – pris dans un vent étrange – quelque chose de léger – comme une plume blanche – un murmure – une lumière douce dans un jardin inconnu…

L’annonce, peut-être, de l’ultime défaite…

 

 

L’arbre près de notre souffle – qui respire l’air des hauteurs – qui éclaire le chemin des marcheurs et ce qui se résigne à trembler sur le seuil des découvertes – en offrant sa droiture – son honnêteté – en guidant (à peu près) tout vers sa propre ascension…

 

 

La mer – devant nous – et l’âme sur l’échine du monstre – entremêlant à la chair ses ressources…

Des bouts de corde – et le plus sombre – toujours – recommençant sans cesse – réinventant les masques et les itinéraires – la vie et la mort de plus en plus recombinées et substituables…

 

 

D’un voyage à l’autre – de fuite en tempête – parmi les Dieux scrutateurs – transporté ailleurs comme l’on était autrefois hissé…

Sous le regard – au-dessus de l’abîme – le vent apparent – le souffle des Dieux moqueurs – ce qui règne – ce qui pleure – ce qui contraint le monde – tous les peuples du monde – à naître dans la broussaille – les doigts comme des herbes folles – et la tête aussi frêle et hostile qu’une brindille porteuse d’épines…

 

 

Des pierres à même le sol – le bois – les étoiles – ce qui nous blesse et nous assaille. Et cet œil tourné vers le plaisir – et l’autre scrutant la source…

Des éclairs – des éclats de ciel – et la terreur de ceux qui ont le front baissé vers la terre – et l’âme tournée vers le passé…

Le tragique du monde. Et la nuit désespérante – si souvent…

 

 

Devenir comme la joie innocente – ce qui demeure lorsque l’âme – le monde – la vie – se dérobent – lorsque sur notre visage ne restent que le ciel – quelques traces de ciel – un peu de terre pour recouvrir le sillon des habitudes – et un peu de vent pour sécher nos larmes…

 

 

De haute lutte – sans que la poésie jamais n’intervienne – un peu de lumière dans l’ombre – une nuit (bien) trop profonde – le désir trop précis d’un autre visage – d’un autre monde…

Une fuite davantage qu’un voyage…

Une liberté sans beauté – chargée d’ennui – de balises – d’interdits…

Une tentative davantage qu’un (réel) élan vers la source…

 

 

Ce qui nous retient ici-bas – une respiration trop angoissée – une absence de souffle – le feu qui s’éteint avec la fin (très progressive) de tous les chantiers…

Rien de Divin – la mémoire galvanisée – l’ignorance partout célébrée – du bavardage – des peurs – la route à découvrir – ce qui nous pénètre pour notre plus grand malheur – le sommeil des vivants et le mystère (inentamé) de la mort…

 

 

Dieu devant nous au lieu d’être plongé au fond du cœur – le souvenir d’une présence sous le front – le corps occupé à sa douloureuse traversée – aux mille rencontres délétères – sans rayonnement – la vie tremblante devant les Autres et les circonstances successives…

 

 

Dans les plis des yeux – la nuit – le monde – piégés dans l’argile…

Les eaux qui courent sur la feuille – sur la peau…

L’âme frileuse devant les terres trop désertes – les routes trop peu fréquentées…

La terre – les livres – au centre de l’esprit que l’on tarde à découvrir…

En nous – comme une lumière trop timide pour (vraiment) éclairer…

 

 

Une rivière – un seuil – ce qui retarde la venue de la lumière…

Du sommeil et de la pluie jusqu’au véritable jour de notre naissance – l’échine droite et froide…

Le masque de la mort et un costume de cendres – pour effrayer – et précipiter la fin de – ce qui respire encore – ce qui vit encore un peu…

 

 

De l’ombre – dans un passage éphémère – comme une masse légère et sombre poussée par les vents…

Et le cri des Autres qui s’est, à travers les siècles, patiemment perfectionné…

Notre visage face à tous les visages – de cérémonie en cérémonie – sans même qu’une seule (vraie) parole ne soit échangée…

 

 

Un air de printemps – l’ardeur d’un nouveau matin – un chant sans artifice – glorieux – presque inaudible – la tête nouée à une corde blanche – de haut en bas – jusqu’au sable qui recouvre le sol – les poings ouverts – la parole aussi libre que le geste…

Quelque chose du triomphe silencieux – invisible…

 

 

Nos vies – dans leur linceul de ronces – épines au bout de la langue – au bout des doigts – l’esprit engoncé dans sa gangue de feuilles et de tiges – le cœur irrespirant – devenu (presque) obsolète à force de jeux – de mensonges – de parodies…

Le sourire feint aussi large que l’enfer – le monde, en nous, qui cherche en secret son chemin – malgré la prégnance des fables et de l’illusion…

Notre dernier élan – notre dernière semence – peut-être – avant l’extinction de la douleur – l’envol de l’âme – notre présence – notre guérison – ici-bas – au milieu des Autres…

 

 

Partout – la nuit – la brume – le monde – les yeux rangés tantôt en dessous – tantôt au-dessus – plus rarement au-dedans – comme l’horizon unique de tous les regards – changeant – partiel – selon les points de vue…

La terre des Dieux baignée de poussière et de larmes. Nos lèvres et nos âmes – pressées les unes contre les autres – plongées dans la masse commune et rassurante – détenues…

Nous autres – pris dans les sables mouvants de tous les continents inventés…

 

 

Des pierres dans le lointain…

Une marche depuis les hauteurs…

Des pèlerins fatigués de la pensée…

Rien – un peu de cendre – quelques restes d’os calcinés – des bouts de nuage descendus vers le sol – transformés. La vie et la mort occupées ensemble – défiant le temps et la sagesse ancestrale…

Quelques traces de silence dans l’ombre éclatante – perceptible parfois…

Comme l’étrange avant-goût du vide à venir…

Le fond de la mémoire (presque) totalement déserté…

Rien qu’un peu d’eau, peut-être, jetée sur nos (pauvres) rêves…

 

 

Rien – quelques ruines – seulement – vestiges désolés d’édifices qui, en leur temps, furent beaux – enviés – dressés vers le ciel – avec fierté – façonnés et entretenus par nos efforts constants…

Aujourd’hui – de la poussière – de petits tas de poussière – que le vent balaiera – éparpillera – transformera en couche fine et grise – presque imperceptible – sur laquelle des doigts (pas encore nés) esquisseront peut-être d’autres dessins – d’autres projets – de nouveaux édifices – sans doute…

 

 

Trop d’existences – de circonstances – de rencontres éphémères – avec des visages sans nom – sans âme – sans principe – sans (réel) ressenti au fond du cœur – ou alors dissimulés derrière des masques et des émotions feintes ou déguisées…

Avec son lot de frustrations et de désirs inassouvis – des espoirs plein les yeux – le cœur (presque toujours) mal équilibré – la vie comme un échafaudage précaire…

Ici et là – des choses entassées – des amas sur le point de s’effondrer…

 

 

Dans le rythme apaisé du langage – le silence – des pas qui glissent – des gestes spontanés – sans répétition…

Le monde sous le front – sur la page – exposé là où tout devient visible – paisible – inutile – sans importance – derrière (très loin derrière) la primauté de l’instant et l’envergure des circonstances présentes…

 

 

Des dérives sombres lorsque nous explorons une pente glissante – lorsque nous côtoyons des visages rongés par l’expérience et le souvenir – des étoiles hissées trop haut – des horizons trop éloignés – des poings dressés au lieu de sourires – des cris en guise de poésie – des esprits trop rationnels ou trop désordonnés – le monde tel qu’il est avec ses mythes – ses histoires – ses mensonges – ses rives étranges – malfamées – et ses peuplades ignares et conquérantes…

Tout un univers qui nous restera – à jamais – étranger…

 

 

Des âmes de pierre cachées derrière la chair et le sang – la solitude et l’errance comme seules possibilités – les seules conditions de l’envol et des hauteurs…

L’exil au-delà des terres humaines…

 

 

D’un regard à l’autre – sans lumière – sans voyage – les yeux égarés sur deux rives différentes…

Naufragé d’une innocence ancienne – très antérieure à l’oubli…

Du sang sur les pierres et les visages – des restants de nuit – la solitude de l’errance – le monde hélé qui ne répond pas et qui s’absente plus encore…

Les mêmes sanglots tout au long du chemin…

 

 

Les fossés de l’espérance, peu à peu, creusés par le sommeil – et si rarement comblés par l’évidence de l’absence de temps…

 

 

Une couverture d’étoiles sur nos existences de bohémien – des songes et des rires – un peu de silence – quelque chose du vent qui porte – jusqu’à nos ombres les plus familières…

 

 

Une distance invisible qu’il nous faut parcourir – d’une seule enjambée…

Un peu d’enfance derrière soi – histoire de se détacher du monde – du rêve – de la folie trop ardente – trop bestiale – trop hostile – des hommes…

 

 

Derrière les murs – en silence – le secret ; devenir davantage qu’un homme…

 

 

Nous surgissons d’un ciel bien réel – si peu évangélisé – vierge de toutes nos traces – affranchi de toutes nos croyances – aussi innocent et aventureux que nos destins successifs…

 

 

Ce sable – tout ce sable – que nous n’aurons pas eu la force de remuer – comme si l’invisible n’avait d’importance – comme si le silence ne pouvait remplacer l’enfance – comme si le ciel surgissait à la moindre prière…

 

 

Quelle distance nous restera-t-il à parcourir aux dernières lisières de l’aube – le même espace, sans doute, qu’au début du voyage…

 

 

Cette lumière oubliée à force de courir – pris (toujours pris) dans le tumulte terrestre – mille tourbillons de matière – cette effervescence sur toutes les pentes – sur toutes les sentes – cette marche forcenée – sans destination – sans restriction – comme un pèlerinage autour du même centre – le plus sacré – ce que nous ignorons…

Avec – toujours – cet étrange silence entre nos rêves – entre nos pas – au fond de l’âme…

 

 

Giflé par les vents qui dénudent – loin – très loin – des murs – de la destination (toujours trop précise) – parmi les bruits et les fleurs – entraîné, peu à peu, vers les seuls tremblements autorisés – la tête déjà hors du monde – comme posée sur ce qui ressemble à une frontière – un amas de pierres solidifiées – aux confins, peut-être, du ciel espéré…

 

 

Un horizon de neige où la moindre foulée enlaidit l’espace – le corrompt – et semble défigurer l’âme – le faîte où l’élan devient caduque – inutile – en ce lieu où se dénouent tous les désirs – toutes les chimères…

 

 

A descendre – obstinément – malgré nous – comme la seule voie – la seule pente – possible…

A nous parcourir au cours de ce long voyage qui nous défait – qui nous dénude – qui nous découvre – en dessinant, peu à peu, notre vrai visage…

 

 

Le vent – la nudité – le plus tangible de la lumière – ce mouvement permanent – de haut en bas – comme un bond au-dessus du plus commun ; un élan qui porte au-delà des croyances – plus haut que l’espoir – là où l’homme peut (enfin) devenir lui-même…

 

 

Rien que des mots (quelques mots) – des gestes (quelques gestes) – un tas de pierres – nos vies à tous, nous qui nous nous ressemblons tant…

 

 

Très loin – comme une frayeur supplémentaire – l’horizon qui se rapproche – une terre de plus en plus familière – accessible – la course sur le sol recouvert parfois de fleurs – parfois de neige – selon ce qui traverse la tête…

Ce que l’âme répand derrière elle – tout ce que nous offrons au monde – à notre insu…

 

 

Seul – comme se dénouent toutes les entraves – comme se résolvent toutes les énigmes…

L’aube derrière tous les désirs et toutes les peurs…

 

 

Le sommeil ajourné – ce que l’invisible nous révèle – la joie derrière le cri – et le silence en guise de voix…

 

 

A la lisière du tremblement – le monde – cette terre si ancienne – ce que fut notre demeure à travers les saisons – un horizon planté devant un ciel changeant – bariolé – porteur de miracles et de désastres – aux couleurs presque toujours prometteuses…

Et notre course – éreintante et mystérieuse – sous le feuillage sombre des grands arbres de la forêt…

L’ombre à nos pieds – au fond de l’âme – seule présence, parfois, à nos côtés – qui accompagnera toujours notre silence et notre volonté d’infini…

 

 

Plus loin – plus tard – peut-être – jamais – sans la moindre existence – le temps et l’imaginaire toujours chimériques – une sorte de fantasmagorie de l’enfance…

La seule terre de ceux qui espèrent encore…

 

 

Rien qu’un ciel qui crisse sous les pieds – une manière d’aller dans le sens du vent – à contre-courant de ceux qui pointent le doigt dans d’autres directions…

Le souffle et l’oubli – notre seule façon de vivre…

 

 

Entre ciel et pierres – la lumière – la neige – et une poignée de cendre sur les fleurs – ce qui recouvre (presque) la totalité de la terre…

 

 

Trop de sommeil et d’orgueil – volés aux Dieux – comme si nous n’étions l’auteur d’aucun cri – plainte et colère mêlées ; une succession d’heures grises et de jours sombres – au milieu des Autres – endormis – prétentieux – trop braillards – eux aussi…

 

 

Trop d’instincts – la terre comme une chambre – un lieu à usage multiple – où l’on enfante – où l’on pleure – où l’on se réfugie – où l’on essaye de préserver l’homme – l’homme d’autrefois – sans réellement savoir celui que l’on pourrait devenir…

 

 

Trop de noir et de fêtes – de postures lascives – trop de temps et de pensées – trop de tête et de sommeil ; sur le métier, nous nous remettons tout entier(s) – dans l’espoir, peut-être, d’apercevoir un autre reflet – plus clair (imaginons-nous) – dans le miroir…

Une esquisse – un dessin à parfaire – au lieu d’effacer les contours – les frontières – tous les confins – et la brillance de nos yeux fébriles – de nos yeux trop fous…

 

 

Rien qu’un peu d’air – un peu d’espace – une manière si singulière d’être vivant – humble – à peine visible – et si densément présent – comme une lumière dans le noir – une âme vivante parmi les pierres et les visages…

 

 

Pas le moindre bagage – en vérité ; aussi puissant et démuni que le vent…

Un souffle seulement qui durera pour nous mener peut-être – pour nous mener sans doute – jusqu’à la fin du voyage…

 

 

La solitude qui nous convoque – qui nous invite – comme le plus précieux des hôtes – qui nous tend la main comme si elle nous attendait depuis longtemps. Et cette joie qu’elle offre à celui qui la rejoint sans crainte – sans réticence…

Sur les lèvres – ce grand sourire ; et dans le cœur – la certitude de la plus belle rencontre…

 

 

Juste un geste – de temps en temps – une parole jetée sur la page. Une respiration sans pensée – l’être derrière – et au-delà – du visage – sans mémoire – sans attente…

Dans les bras d’un Dieu parfait – sans désir…

 

 

Nous devenons ce que la chambre propose ; une chose – mille choses – parmi le large éventail des possibles – des destins – et, plus tard, sans tête ; le règne le plus profond – la loi la plus naturelle – sur la peau – au cœur de la chair – dans les tréfonds de l’âme – comme ce qu’impriment sur la terre – autour de nous – tous nos gestes – tous nos pas – toutes nos paroles – sans témoin – sans auditoire…

Comme le silence caressant le silence – l’infini devinant l’infini – l’éternité en elle-même…

Ce que nous sommes – notre plus beau (et notre plus vrai) visage – ce que nous rêvons tous, sans doute, d’incarner…

 

 

Le monde – provisoire – sur le socle du temps…

La vie – en nous – qui surgit du secret enfoui au fond de l’âme…

La lumière – derrière – prête à jaillir, elle aussi, lorsque le moment sera venu – lorsque nous cesserons notre labeur inutile…

 

 

Le silence – comme un dard – une couverture – qui use d’étranges stratagèmes pour nous envahir – retrouver sa place – son règne ; obligé d’affronter le plus terrible et le plus lénifiant – nos vieux rêves de tranquillité – ce que nous confondons, en général, avec la torpeur ou le sommeil…

 

 

Le chant humain face aux ombres qui s’avancent pour pénétrer nos territoires – comme un cri – un effroi – devant une armée de figures inconnues – hostiles et mystérieuses – incroyablement conquérantes…

Le visage bientôt encerclé – immobilisé par mille hampes taillées comme des lances – prêtes à transpercer la chair…

La vie – comme une pente – particulièrement glissante – particulièrement dangereuse – au cours de laquelle on finit (tôt ou tard) avec le corps et l’âme empalés – comme si le prédateur devenait, au fil des circonstances de moins en moins avantageuses, le gibier d’une mâchoire plus puissante ou d’un esprit plus rusé…

 

 

Quelque chose – toujours – glisse d’un monde à l’autre – sans la moindre résistance – sans le moindre artifice – sans la moindre difficulté…

Les pas de celui qui avance – malgré lui – sans désir – sans volonté – sans destination – par simple obéissance à l’ordre naturel – par soumission (et fidélité) aux lois intemporelles qui le gouvernent…

 

16 juin 2020

Carnet n°236 Notes journalières

Epaule contre épaule – nous avançons dans l’impasse commune – sur la voie royale des foules…

 

 

Déjà la fin du jour – dans l’arrière-pays – au centre du lieu solitaire – le déclin de la lumière et l’affaiblissement du feu aussi…

La nuit et le froid qui, peu à peu, gagnent du terrain – investissent l’espace – deviennent notre cœur – notre visage – notre apparence…

 

 

Le cosmos au-dedans de la tête – autour de soi ; le même espace – d’un lieu à l’autre ; le lien entre les routes – notre âme peut-être…

 

 

Le monde – de jour en jour – qui s’éloigne…

Le vide qui se creuse – en soi…

Et quelques pierres dans les poches pour que les pas continuent de toucher terre…

 

 

Nous – sautillant – de roche en roche – d’île en île – sur les traces du feu et du vent passés…

Des arbres – des plaines – des routes désertes…

L’âme adossée au monde – à moins que cela ne soit le contraire…

Sur le sol – des empreintes – des signes de lutte – les hommes soucieux – les âmes préoccupées…

Des flammes et l’air qui s’embrase…

L’étreinte de la terre – des frissons de la tête aux talons…

Les poings dans les poches – le front baissé – pour affronter les Autres – pour affronter la nuit…

 

 

Au bord du jour – au centre de la chambre – parmi les bruits et les fantômes – à notre place – les yeux qui scrutent le ciel – l’arrivée de la neige derrière la vitre de la fenêtre délabrée – la tête sur les gravats – au cœur de ce vaste chantier (intérieur) dont l’envergure n’a rien à envier à celle de l’immensité qui nous fait face…

 

 

Tout se recroqueville devant les bannières trop haut dressées – fait bloc – devient si dense que l’on se transforme, malgré soi, en remparts – en forces de résistance…

Comme les prémices du déploiement – de l’adversité – de la multitude – du rééquilibrage nécessaire…

 

 

Les eaux – les vents – la déchirure de la trame – la terre foudroyée…

Et nous autres – le front incliné face au froid…

 

 

L’âme qui se dessèche sous le soleil – trop de soleil – dans un désert qui se prolonge au fil des pas – indéfiniment – là où les Autres refusent (catégoriquement) de nous accompagner…

Il faudrait – pour persévérer – réunir, en soi, la source et la soif – le ciel et la route – toutes les destinations – toutes les possibilités – et s’en remettre à la direction des vents…

 

 

Toutes les étoiles au bout des souliers – sous les semelles qui nous emportent plus loin – derrière la vitre – jusqu’au prochain virage – l’âme comme une fenêtre ouverte sur le monde et les chemins…

Comme un voyage – une longue marche sans sommeil…

 

 

Des cimes jusqu’au ciel – irremplaçables – hissées jusqu’aux lèvres pour être dites – comme une formule magique – un laissez-passer indispensable pour traverser le rêve – s’enfoncer dans la matière – disparaître dans l’invisible…

Une sorte de prière silencieuse…

 

 

Des tourments de surface – des tracas – à l’infini – comme si nos pas étaient cousus à la nuit – comme un long revers – une bande étroite éclairée du dedans par une lumière (imperceptible par les yeux et les âmes)…

 

 

Ici – dans la proximité du jour – se rejoignent le souffle et la substance – l’ordinaire et le plus lointain…

Dans l’authenticité de la parole…

 

 

Une lame sur laquelle se jettent toutes les choses ; les idées – les corps – les émotions – les objets – les visages…

Et le sol jonché d’éclats et de lambeaux – presque rien, en somme…

 

 

Derrière la porte – les bruits du monde – lointains – comme étouffés – l’épaule contre le mur – à la manière d’un étai pour l’âme – une forme d’appui pour notre verticalité bancale – et, dans ce contact – des échanges mystérieux – et la chair qui, malheureusement, gagne en épaisseur et en solidité – comme si l’assise – médiocre – inappropriée – contaminait autant l’invisible que la matière – condamnés par une sorte de gangrène sournoise – incroyablement pernicieuse…

La fluidité – l’air et l’eau – comme solidifiés – tel un sol fragile – précaire – instable – sur lequel rien ne peut (réellement) s’édifier…

 

 

La soif et la route – toutes nos foulées terrestres – vers ce que l’on imagine être la lumière – la traversée des ombres et du noir. Et nos lèvres serrées pour ne pas hurler de frayeur – de douleur – de désespérance – à mesure que les pas nous enfoncent en nous-même(s)…

Un long périple pour perdre le nord et la raison…

 

 

Sur le grand escalier de pierres – à contempler le chemin qui se perd au loin – entre le rêve et l’abîme – cette continuité, sans doute, imaginaire…

 

 

L’égarement dans les méandres proposés – le monde et l’esprit, peu à peu, arpentés – explorés – jusqu’à la parfaite correspondance de l’un avec l’autre – parties de nous-même(s) qui fusionnent progressivement – à mesure que l’on descend en soi – et que toutes les périphéries deviennent le centre…

 

 

L’exiguïté du monde – de l’âme – d’une extrémité à l’autre – la parole et ses échos permanents…

Comme une détention – au-dedans de l’existence – apparente – bien sûr. Quelque chose auquel on peut naturellement échapper – d’un seul regard – d’un seul éclat de rire – sans intention – de manière spontanée et innocente…

 

 

Nous – entier dans la parole – proche de la respiration – libre en un instant – tranchant comme une lame – sans épaisseur – évacuant les choses – le monde – les idées – les images – d’un seul geste – l’esprit vide et tendre – ouvert – sans nostalgie…

 

 

A hauteur de visage – légèrement plus haut peut-être – en surplomb de l’herbe et des têtes – sous la cime des arbres – nos amis – nos maîtres…

 

 

Jusqu’au bleu le plus intense…

Jusqu’à l’immensité rayonnante…

Jusqu’à nous-même(s) – agrandi(s) – retrouvant notre taille réelle – notre envergure originelle…

 

 

L’âme – comme une montagne – creusée de l’intérieur – explorée depuis ses souterrains – gravie depuis son socle – d’une extrémité à l’autre du silence…

 

 

Une hampe au milieu des cordes – non pour hisser des têtes et des corps démembrés – mais la nudité de l’âme – presque rien – comme un poème né de la source – un cri de joie dans le dénuement – silencieux – quelque chose qui pourrait révéler notre visage – notre seule identité – peut-être…

 

 

Les yeux clairs – ouverts – face au monde – mesurés à l’attente – la neige sur tous les chemins – les repères recouverts – et nous nous détournant, peu à peu, des visages – de la nuit – des secrets – des histoires – de l’illusion – de toutes ces choses humaines

Aussi loin que possible…

 

 

D’une étape à l’autre – d’une hauteur à l’autre – en ne quittant jamais ni le sol – ni l’immobilité – comme un étrange (et surprenant) voyage…

 

 

L’âme – comme une pierre – dévalant sa pente – cherchant une place – son équilibre – parmi les choses – se laissant mener Dieu sait où…

 

 

Un monde arraché à l’espace et au temps – sans passage – sans passant – sans personne…

Nous-même(s) effacé(s) – avalé(s) par les profondeurs…

Des mouvements et des gestes – seulement…

 

 

Quelques coups de pied – inutiles – aux portes du ciel – rien devant – rien derrière ; juste une immense étendue déserte – comme un monde lunaire et enchanté – peuplé d’arbres et d’oiseaux imaginaires – de silence et de poésie vivante – quelque chose d’incroyablement beau – une manière (aisée) de souscrire à la hauteur et à l’envol…

Le socle du réel et des possibles…

 

 

L’écoute – comme une fleur à la place du sommeil – deux mains ouvertes à la place de la nuit – une âme affranchie des noms à la place du visage – de la tête – de tous les désirs au-dedans…

Une présence qui aurait effacé toutes les exigences…

 

 

Parfois – les eaux claires – d’autres fois – les eaux troubles – qui se mêlent à la voix – à la parole griffonnée sur la page…

 

 

Les hommes – entre le sommeil et la liberté – la tête trop pensante (bien souvent) – des yeux fermés – aveuglés – reclus derrière leur porte – dans un jour atténué – presque nocturne…

 

 

Sur le point de vivre – comme si plus tard – comme si demain – pouvait faire l’affaire – comme si la nuit était franchissable – comme si la mort n’était qu’un terme lointain…

 

 

Le langage – comme une échelle posée contre le mur de la raison – sur laquelle on s’obstine à monter au lieu de regarder le mur – les murs – la totalité du labyrinthe – depuis la corde du silence suspendue au-dessus du monde – au-dessus de l’esprit…

 

 

Le royaume qui émerge de la terre déserte – délaissée – infréquentée – trop dangereuse – comme un secret livré à ceux qui ont fait le chemin – qui ont expérimenté la solitude (sans jamais l’esquiver)…

 

 

La roue – en nous – qui tourne – autour de l’axe du vide et du silence…

L’âme et les lèvres sèches à force d’arpenter le monde – de fouiller parmi les détritus des vivants…

Trois quarts du feu consacré à la fuite et à la quête – au lieu d’attendre assis – immobile – les mains ouvertes – le cœur tourné vers le ciel qui se creuse (et s’assainit) peu à peu…

 

 

La nécessité d’une main qui tantôt nous retient – qui tantôt nous soulève ; Dieu – en nous – au centre de notre communauté fraternelle – présence vivante au cœur de l’âme – sous notre front – en chacun de nos gestes…

 

 

Dans notre (propre) compagnie – dotée de tous les attributs – de tous les qualificatifs – éminemment variée et variable…

 

 

Nous – dans les eaux bleues du ciel – purificatrices – rafraîchissantes – salvifiques…

Comme un bain d’innocence et de vérité…

 

 

Le ciel partagé – entier – entre nous tous – exactement la même part pour chacun – puis, l’ensemble indivisible…

 

 

Ce que nous longeons sans désir – les corps-briques empilés – les sourires figés – hypocrites – le monde séparé du ciel et du sol…

Et ce à quoi nous aspirons – la solitude – l’innocence des hauteurs – le jour-lumière…

Et toute notre existence – au milieu – dans cet entre-deux terrestre – triste et inconfortable…

 

 

Nous – tantôt debout – vacillant – en déséquilibre – tantôt à genoux – plaintifs et suppliants…

Et l’âme – au-dedans – identique – aussi maladroite – aussi malheureuse – que nous…

Et au cœur de l’esprit – la source de tous les élans – de toutes les prières…

 

 

Le bleu qui irradie la terre – le sol – les cris – les plaintes – le bleu qui fractionne le ciel…

Et l’âme au milieu – les bras levés – le front baissé – prête à se jeter dans le premier recoin – comme une manière d’échapper à l’incertitude – à l’angoisse – aux ombres démesurées qui nous menacent…

 

 

Un pas de côté – presque toujours – tantôt vers le haut – tantôt vers le bas – au lieu de se tenir immobile – à notre place dans ce lieu – dans ce lien – où tout peut se réunir – où tout peut se rassembler – là où le manque s’efface – là où tout devient inséparable…

 

 

Le jour – au réveil – dans notre chambre – dans cette boîte en verre éclairée – sans couvercle – emportée ici et là – qui se pose, pour un instant, là où la vie et les vents la poussent – quelque part – toujours – sans que la volonté (consciente) n’intervienne – qui voyage – malgré elle – malgré nous – de lieu en lieu – comme la parole – de lèvres en lèvres – en franchissant mers et montagnes – routes et visages – en un éclair…

L’étrange périple du sol aux cimes…

 

 

Du temps et des voix – pour nous faire croire en la possibilité de ce qui voit – en la beauté du monde – qui ne sont, en réalité, qu’un envoûtement – comme un rêve destiné à renforcer la fausse nécessité du sommeil…

 

 

Le poing serré dans l’attente – si peu attentif à ce qui nous précède – à ce qui nous entoure – à ce qui nous accompagne – les yeux rivés dans la même direction – le regard braqué sur cette étroite fenêtre – sur cet espace restreint – où rien – ni personne – ne passe jamais…

Le labeur crispé de l’homme immobile – inactif – que les gesticulations de ses congénères indiffèrent…

 

 

D’un instant à l’autre – sans que le temps – jamais – ne s’y glisse…

 

 

Aux portes de ce qui nous violente – tremblant – apeuré mais confiant…

L’ultime déplacement – l’ultime lieu – peut-être…

 

 

La tête qui, peu à peu, se retire – au cours de ce voyage au cœur de la soif – l’âme et le pas – puis l’âme et le ressenti – puis, enfin, le geste seulement – détaché des valeurs et des représentations – juste et spontané – comme soudé aux circonstances – puis balayé (impitoyablement) par l’esprit…

 

 

Sur la table – dans la tête – devant soi – dans chaque parole – toutes les choses de la terre – toutes les choses de l’invisible – une succession d’instants – des mains qui s’agrippent et des âmes qui s’abritent. Et partout, bien sûr, la violence du monde qui contamine (trop souvent) le regard et le geste…

 

 

Le plein jour – condamné parfois par la nuit présente – comme un espace clair et infini – incroyablement lumineux – soudain rétréci par l’obscurité – la nécessité (illusoire) des détours – la continuité du temps…

 

 

Tous ces destins – étrangers – familiers – qui n’appartiennent à personne – et dont personne ne peut se réclamer – qui arpentent cet infime carré de terre…

Séparés par un cri – au-dedans – une sorte de stupéfaction – et des lèvres entrouvertes qui martèlent leurs (infimes) différences et leur farouche volonté de différenciation…

 

 

Le corps taillé pour la lutte et la course…

Et l’esprit pour l’étonnement – le bruit – le refus…

Et l’étrange apprentissage de l’âme pour retrouver sa posture originelle ; le silence – l’immobilité – l’acquiescement…

La grande paix – la grande joie – la grande liberté – lorsque nous savons nous tenir au centre des cercles – lorsque nous savons nous abandonner à tous les élans naturels…

 

 

Ici – face aux visages – le monde accroché derrière le dos – la mine déconfite – l’âme pesante – surchargée – et la parole aux lèvres pour colmater la brèche – réparer la cassure – cet éloignement entre nous…

 

 

La tête et le regard au cœur du désordre – au cœur de notre soif – dans les turbulences orageuses et l’inconfort (si évident) du manque…

 

 

En face de soi – à tout instant…

Le même espace que nous fréquentons – le même air que nous respirons – la même inquiétude qui creuse nos traits – le même sol sur lequel nous vacillons…

Et, pourtant, tout qui – dans nos têtes – en apparence – nous sépare…

 

 

Ni tien – ni mien – ni sien ; la naissance du vent – nos péripéties – nos communes aventures – la mort et les vivants face à l’invisible – face à la lenteur et aux accélérations (imaginaires) du temps…

L’immobilité souveraine face à l’absence – face à toutes nos manières de vivre et de nous présenter en des lieux sans être (réellement) là…

 

 

Des yeux inclinés – comme l’âme et le front – aussi bas que le désir et l’orgueil qui, parfois, se dressent – à la manière d’une matière érectile et invisible qui se déploie avec exagération…

 

 

Sur la pierre – écarlate – impatient (bien trop impatient) – pareil à un feu – explosif – prêt à oublier les hommes – la vie passagère – à chercher tous les secrets du monde au fond de l’âme – à fendre la tête en deux pour résoudre la totalité du mystère…

Aussi provisoire et inconsistant que les murs – la chair – les bruits – la foule des vivants…

 

 

Un vertige dans l’œil affranchi du monde. Et une voix mystérieuse – encore – dans la tête…

Et le jour qui, peu à peu, descend dans la paume – le réel au centre de l’âme…

 

 

De l’autre côté du monde – là où la neige tombe – là où la blancheur tient lieu de loi – là où l’esprit se tait – n’a rien à ajouter au geste qui sait (parfaitement) contenter le cœur…

Ça surgit comme le vent – l’eau et le feu – dans une parfaite articulation des intervalles – sans demi-mesure – pour déchirer toutes les formes de résistance – briser les portes – défaire toutes les frontières – nous faire perdre haleine jusqu’au dernier souffle – jusqu’au silence nécessaire…

Comme une halte bienfaisante – un retrait réparateur – définitifs peut-être…

 

 

Du noir – du froid – de la solitude – jusqu’à l’arrachement – jusqu’au bleu (intense) de la guérison – jusqu’au-dedans de l’espace lumineux – accueillant – communautaire…

 

 

Nous – par-dessus l’orage et les tempêtes – ce qui colore le monde et offre à la terre sa violence et son désordre – tous les élans provisoires des vivants – toutes les faims – en particulier, celles de l’âme et du ventre…

Notre visage (presque entièrement) déployé au-delà de l’espace et du temps…

 

 

A l’ombre de ce qui marche à nos côtés – très au-dessus – aux prémices, peut-être, d’un genre nouveau – asexué – sans identité précise – provisoire et polymorphe…

Le visage au milieu du vent – puis le devenant – jusqu’à la parfaite coïncidence avec le regard en surplomb…

 

 

La neige étalée sur le jour – des fleurs et des allées – des amas de pierres et de temps – quelque chose de fragmenté…

Nous-même(s) – dans l’esprit et le langage des Autres – presque rien – des images impropres et inutiles – sans intérêt…

Quelques taches de peinture sur nos vitres sales – quelques dégradations dans notre chambre déjà dévastée…

 

 

Trop de façades et d’apparences – avec, derrière, quelques éclats de ciel et des détritus – tous les visages du monde épuisés – de cette fatigue parvenue au seuil de la lassitude – comme une illusion arrivée au bord d’elle-même – prête à plonger dans ses propres abîmes…

 

 

Sans autre présence que nous-même(s)…

De l’indifférence et de l’eau glacée – les principaux attributs du monde – sans doute…

De l’ennui – de la surprise – de l’absence…

Le plus invraisemblable à vivre – peut-être…

La progression naturelle de la compréhension qui débuta avec l’immersion au cœur de la sauvagerie terrestre – dans cette matière en désordre – désorganisée – profondément chaotique…

 

 

Une parole, à présent, aussi nécessaire que la soif – la vie et le langage solitaires – aussi naturels que possible…

D’un monde à l’autre – au même titre que tous les passagers provisoires – instinctifs – involontaires…

 

 

En un instant – disparaître – devenir tous ces Autres – en nous – qui réclament un peu d’attention…

De l’embarras – du manque – du silence – des paroles…

Quelques traits à négliger – puis, l’absence définitive…

D’une perspective à l’autre – presque toujours – en simple passager…

 

 

Au creux du jour – le plus familier – comme une halte – un instant – une fraction de seconde – le sens des pas et l’absurdité du langage – simple tentative – comme celle du corps cherchant l’étreinte – comme celle de l’âme cherchant l’éternité…

Il n’y a de manière de se rapprocher…

Nous sommes – depuis le commencement – inséparables…

 

 

Fixe – à soustraire – notre part – ce que nous croyons être – les choses les moins étrangères…

Ce à quoi l’on se heurte – d’une extrémité à l’autre – comme une commune manière de se tenir face au monde – dans la proximité du plus redoutable – dans le sens opposé des flèches indicatrices ; l’attention portée sur l’excès – le dedans ouvert et le dehors à explorer, puis à réintégrer à l’esprit – tout un monde, en somme, à redimensionner – mille choses à brûler et le reste à faire sien…

Ainsi l’être pourra l’emporter…

 

 

Dans les couloirs du temps – au milieu de toutes les choses qui passent – séparées par ce que l’on pourrait appeler la frontière des apparences…

Tantôt objet – tantôt visage – simple matière recombinée – infiniment variable et provisoire – longeant les murs – allant d’un territoire à l’autre – arpentant l’espace – le vide sans épaisseur – comme si le sol et le ciel n’avaient la moindre réalité…

L’œil pareil au jour – et les pas pareils au langage – les uns, fixes et immobiles – et les autres, simples et irrépressibles tentatives…

 

 

Le sol – le ciel – encore – comme la seule litanie possible…

Le monde tel qu’il est – dans sa plus grande nudité…

L’énergie et la conscience – le mouvement et l’immobilité…

Le bleu et tout ce qui le cherche…

 

 

Tout tangue – tout penche – jusqu’à la pointe du jour – jusqu’à l’émerveillement – condensé dans le tremblement des mots…

 

 

Une charge moins lourde qu’à l’accoutumée ; il aura suffi d’un peu de feu – d’un peu de vent – d’un peu d’oubli – pour alléger la tête – les jours – cet incroyable fardeau de vivre…

 

 

De la joie – de la neige – sans intention…

L’instant libéré de la certitude et de l’angoisse…

Le provisoire – sans cesse renouvelé…

Le voyage sans fin – à jamais…

 

 

Des traces de pas dans le ciel – lorsque l’invisible est décrypté ; la seule chose qui compte – la seule chose qui soit…

Reflets prépondérants des empreintes terrestres – ces infimes traits que nous dessinons avec l’âme – le corps – l’esprit – l’intention et les gestes ; toutes nos imperceptibles arabesques…

 

 

Des larmes, parfois, aussi belles et nécessaires que nos éclats de rire ; la preuve d’une âme (pleinement) terrestre – intensément vivante…

 

 

Nous seul(s) – nous regardant…

Et – au-dedans – la soif et le plus étranger – ce que nous n’avons encore réussi à apprivoiser…

 

 

Nos vies – comme un long périple – tantôt serein (très provisoirement) – tantôt chaotique et virevoltant (l’essentiel du temps) – avec, depuis la première heure, le jour (le plein jour) en bandoulière – et ce fil apparent qui surplombe tous nos abîmes – notre nuit et notre néant…

 

 

Notre parole – comme le silence – morcelée. Et dans chaque fragment – nous-même(s) essayant – tout entier(s)…

Fractale de la soif et du désir – de l’éparpillement au remède – de la surface à l’effacement…

 

 

Du ciel – hors des livres et des lèvres – dans le geste silencieux – libre de toute parole – de toute explication – autosuffisant, en quelque sorte – libéré des attentes à l’égard de ce qui pourrait en bénéficier…

 

 

Sur la route du dehors – des traces – des emplacements – des lieux de naissance – de passage et d’absence – des vivants et des morts ; les mêmes histoires – sans cesse réinvesties – sans cesse réinventées ; des mots – des désirs – des rapprochements – des blessures – ce qui, un jour (tôt ou tard), finit par se séparer et s’éteindre ; des excès et des rétractations – comme mille ressemblances – comme mille différences – entre le ciel et l’âme…

 

 

Toute l’étrangeté du monde dans l’esprit – et inversement (sans doute, bien plus encore)…

Une manière de tout confondre – de tout réunir – de tout mélanger – comme la plus juste façon (au vu de nos caractéristiques psychiques) de nous retrouver – de rejoindre l’essentiel – ce que nous n’avons quitté qu’en apparence…

 

 

Rien de réellement habité – en ces terres ; des êtres et des choses qui ont l’air d’exister – vides – sans autre consistance – ni d’autre épaisseur – que celles de leurs liens (pléthoriques) et de leur espace commun…

Un seul visage et mille reflets – comme un territoire parcellisé – parsemé d’images et d’apparences – d’air et de temps…

Avec, le plus souvent, un peu de crainte dans le souffle et cette ignorance sous le front des vivants…

 

16 juin 2020

Carnet n°235 Notes journalières

Des jardins perdus – presque oubliés – au bras de l’aube et des saisons – d’un pas tranquille – à arpenter tous les recoins de l’espace – de la mémoire – à vivre – à écrire – à penser quelques fois – comme si nous n’étions plus concerné par la folie de ce monde…

 

 

Un oiseau volage au fond de la poitrine – comme dans un nid étrange fait de souffle et de nuit – avec un restant de chaleur pour exister (un peu) et rendre l’absence moins douloureuse – avec le poids du regard au fond des yeux…

 

 

La vie – sans parure – sans correction – sans même l’Autre et la mort pour nous contredire…

Ni sang – ni rêve – ni soif – les lèvres muettes baignées de lumière – l’âme si joyeuse – de manière presque indécente…

Et dans la main – le vent – une caresse – la nuit qui plonge dans l’aube – l’aurore délicate – le soleil sous la peau – la chair et le ciel dans le cœur – mélangés…

Quelque chose de l’abîme et de la flamme…

Dieu et le hasard, peut-être, jouant ensemble dans nos cheveux défaits…

 

 

Contre nous – le froid – l’inexistence – le monde – et cette colère noire – qui trône au centre du silence – comme un éclat – une larme – une sorte de folie contenue – au cœur de la tendresse…

 

 

Des chants – comme une longue caresse – une main tendre sur notre joue – la chaleur d’un Amour (universel et particulier) au creux du cou – une danse sous les paupières – quelque chose du réconfort et de la réconciliation…

 

 

Une flèche dans le cœur du monde – du bleu à toutes les fenêtres – le bonheur de tous ceux qui vivent derrière leur vitre…

 

 

Là où la beauté se manifeste – et là où elle nous envoie…

 

 

Déterminés – en désordre – le monde et la raison…

L’ombre et le sommeil sous toutes les lampes…

Cette lumière glacée qui jamais n’apaise la soif – qui n’éclaire que ce qui est proche du sang – les apparences – jamais l’invisible – jamais le silence – nécessaires (pourtant) au dévoilement de la vérité…

 

 

Dans l’encerclement – notre chance – comme un soleil enserré qui attend notre âme – notre main – son envol – sa liberté…

Notre plongeon au cœur de la source – au milieu de la nuit…

 

 

En nous – cette faim haletante – épuisée – lasse de nous faire tourner avec les Autres – au cœur de ce grand cirque – au cœur de cette tragédie – à la recherche d’un peu de matière – de quelques objets – de quelques rêves – d’un peu de vérité – pour soulager notre manque et soigner notre incomplétude obstinée…

 

 

Nous – titubant – entre la joie et les Autres – le long de cette rive étroite où l’on peut voir l’âme se promener – sereine – sous le ciel – sans visage – sans sommeil – seule – comme il se doit – au-dessus de toutes les têtes…

 

 

Comme des graines jetées au visage de l’Amour – ces paroles pour rien (ou si peu) – comme une claque – une offense – une chose (presque) totalement inutile – un peu de terre lancée dans le vent – dans le vide – quelque part…

 

 

La solitude – autour de nous…

Des ailes (bien) moins persévérantes que le langage…

Le jour – et des vagues contre les falaises…

Notre visage dans la tempête…

Des tonnes de sable au fond de la gorge…

Et nous – ici – essayant de respirer…

 

 

Du miroir à la mort – sans avoir (jamais) rencontré le silence…

Le peuple du rêve et de la souffrance – le peuple de la cécité et de la fuite – à genoux parmi trop de merveilles invisibles…

 

 

Parfois – l’heure s’étire en un seul voyage…

Une joie plus que solitaire…

Dieu dans notre silence…

Et le jeu des Autres qui continue…

 

 

Des chaînes – du temps à tuer…

Des mentons qui se redressent…

Des histoires – des rires – des mots et des morts…

L’existence – et les pas lourds (et tristes*) des vivants…

* si tristes...

 

 

La folie entre les tempes – entre les mains…

Le monde vieillissant – arraché à sa paresse – à ses promesses – précipité prématurément vers sa fin…

Des fleurs dans la tête – avec des épines et des pétales noirs…

 

 

Des choses – des visages – qui s’assemblent – qui s’unissent – qui s’amusent – et l’esprit qui additionne pour faire la somme des rencontres et des distractions – avant l’émergence de la seule perspective possible ; le face-à-face – la déchirure – la séparation – la solitude ; toutes ces choses qui font souffrir – qui mènent au bord de l’abîme – qui poussent à la chute et à l’effacement – le seul salut véritable…

 

 

Sous le joug du monde – notre fratrie – tels des rochers qui dévalent leur pente…

Du côté des pierres et des arbres – à jamais…

Homme – très (très) approximativement…

Plus proche de la bête et du sauvage…

Entre l’ermite et le nuage – l’âme silencieuse…

 

 

Des obstacles et des barrières à franchir pour rejoindre la cassure – restaurer ce qui a été brisé – soigner et consoler ce qui mérite de l’être…

En nous – trop souvent – des objets qui rivalisent avec l’éternité ; des protestations et des résistances naturelles…

 

 

L’existence et le quotidien sans les Autres – le monde d’après l’attente…

Et entre les deux – notre tête – notre impatience…

 

 

Un seul trait vers l’impossible – parmi mille lignes – dans un carnet dédié à la lumière…

Et des rives – (toujours) trop nombreuses…

Et l’âme, soudain, qui vacille…

 

 

D’étranges vibrations et des peurs immenses – dans l’idée de la mort ; l’absence imaginée – toute une traversée – et le possible qu’il nous faut accomplir…

Tout se poursuit – sans la moindre ressemblance avec ce qui fut – comme si tout se répétait différemment…

 

 

L’oreille collée à la porte du silence – le monde caché derrière – perceptible depuis le seuil – si fébrile – si bruyant – presque sans effet, pourtant, sur nos yeux taciturnes qui ne voient ni la terre – ni les fleurs – ni les hommes – qui les devinent seulement – à peine…

 

 

L’hiver et la nuit terrassés – au-dehors – mais si vivants dans notre poitrine. Comme deux fauves affamés – prêts à nous dévorer – de l’intérieur…

 

 

Ce qui nous sépare et nous attriste – le front trop fier – la posture altière – le sang mêlé à la terre – la fortune des oppresseurs – l’étroitesse et la grossièreté – ce que nous bâtissons sur les blessés et les morts ; l’ignorance et la monstruosité des hommes…

 

 

L’âme et le geste de plus en plus sauvages…

La fuite plus vive – plus prompte – lorsque les visages nous demandent de participer à leurs histoires – de légitimer leur posture – toutes ces chimères – routes et ruines – de bout en bout – et désastre (totalement) insignifiant – très bientôt…

 

 

Là – partout – à aiguiser leur couteau – alors que la tombe est toute proche – à quelques longueurs de bras (à peine)…

 

 

Le temps absurde de l’attente – sans acte…

Et la joie et le silence du retrait – comme une présence active – parfaitement attentive – pleinement immobile – incroyablement agissante – à travers l’invisible – l’essentiel…

 

 

Vies de songe et de folie – avec leur appareillage – leurs stocks d’images – de désirs – de repères – leur traîne envoûtante et leurs effets (hautement) délétères…

 

 

Du noir au néant – à travers l’absence et la mort – comme une ignorance cernée par de hauts murs – et une couche épaisse de boue en guise de toit…

En cage – sur cet infime carré de terre…

 

 

Vie d’oubli et d’invisibilité – comme un saut hors du monde et de la mémoire…

 

 

Entre les hommes et les Dieux – comme une traversée du vide – solitaire – infailliblement solitaire…

 

 

L’habitude – notre tâche – jusqu’à la mort…

 

 

Seul – dans les paysages – sur les chemins – entouré d’arbres et de silence – et de quelques visages (parfois) – presque rien sous le soleil fidèle et inaccessible – implacablement tourné vers la quête, puis vers l’absence – passé maître (si l’on peut dire…) dans l’art de la soustraction et du retranchement – avec, dans la poitrine, un cri et quelques regrets (souvent) exagérés…

 

 

Une sarabande de corps jetés les uns contre les autres – les uns sur les autres – les uns dans les autres – comme une immense orgie – avec des têtes – des bustes – des membres – entremêlés…

Des existences sans nom – sans épaisseur (véritable) – sans possesseur – mues seulement par le désir – le plaisir et l’extase – et le rêve trop ambitieux (et sans doute inatteignable) de la délivrance…

L’esprit dans la matière – et libéré (en partie) par elle – en quelque sorte…

 

 

La tête ronde – et sur l’autre versant du monde – infinie…

Une merveille au-dessus des eaux noires…

Le temps desséché – autant que le désir des Dieux…

Libre – comme une âme offerte – serviable – obéissante – comme deux mains tendues vers la soif – porteuses d’eau – d’ailes et d’envol…

Quelques plumes dans le vent – quelques plumes dans le ciel…

 

 

Mille siècles de croyances – sans Dieu – sans soleil – les deux mains jointes – comme une flèche patiente – immobile – les yeux fermés sur la terre – sur les morts – sur les démons qui nous habitent et nous entourent – espérant seulement que le ciel, un jour, puisse nous offrir un foyer – un refuge – un petit carré d’infini – une infime part d’éternité…

 

 

Matière à dire – autant qu’à se taire…

Vie de murmures – de surprises – de soubresauts…

Quelques gestes – nécessaires – histoire d’éviter la parole – de la contredire – de la transcender – d’échapper à toutes nos chimères…

Devenir celui qui est

 

 

De grandes choses au dos des gestes – derrière l’apparence ordinaire du langage – comme une chair profonde et invisible – une âme plus précise et déterminée – une manière d’incarner la loi (véritable) – le silence – une chose si peu humaine…

Personne – direct – sans détour – comme une flèche fidèle à l’étendue – cible de la surface et des profondeurs – sans axe – sans centre – sans périphérie – la mère de tout – l’origine – la matrice première – l’être sans antériorité…

Tout – presque rien – en somme…

 

 

Le monde brûlé – en poussière…

Des états successifs…

L’infinité des combinaisons possibles…

L’être sans âge – à travers tous ses masques…

Les mille apparences prises – tous les déguisements…

Les yeux de tous – les mille couleurs ramenées au plus simple – à ce qui s’impose – à ce qui finit toujours par s’imposer – la seule nécessité…

Les errances et les divagations – le délire et la vérité – la poésie et tous les malheurs – toutes les malédictions – ce qui nous est le plus cher – ce que nous sommes malgré la parole – les mensonges et l’illusion…

Le plus juste sous l’ignorance et l’aveuglement…

La lumière – le silence – la sensibilité – derrière le bruit – le noir – l’indifférence…

Tous les noms et tous les visages de l’Amour…

 

 

Bain de lumière – chaleureux…

Et tout ce bleu – au-dessus – qui nous inonde…

Sur la surface – le scalpel des Dieux qui nous taille un visage – un bout de chair vivante – un souffle – une poitrine – histoire de renifler un peu le feu et les limites de l’infini – ce qui est offert à toutes les créatures terrestres…

Ce que l’on garde à l’abri du martèlement du temps – une sorte d’origine au-dedans – pas l’image d’un Dieu – la matrice de l’âme et du ciel – l’immobilité parfaite de l’esprit – sensible et lumineux – étranger à ce monde – à cette respiration de la matière…

 

 

Ce qui tremble – comme le jour arrivé à maturité…

Le monde devant soi – comme une pierre pardonnable – une main tendue au milieu de la nuit…

Toutes nos illusions démasquées ; le soleil au fond de l’âme – rayonnant comme à travers des grilles – comme une fenêtre ouverte, peut-être, pour la première fois…

 

 

Un chemin entre le ciel et nous…

Au fond du bleu – tous nos secrets…

L’image du monde – de Dieu – par terre – piétinées – inutiles – comme de simples idoles…

La fête en tête – couronnée par toutes ses blessures – devenues failles, puis ouvertures – prémices, sans doute, de l’infini…

Les identités défigurées – enchevêtrées – inextricables – et dans le miroir – le même visage aux reflets si nombreux – si changeants…

Nous-même(s) démasqué(s) – mis à nu…

 

 

Sombres – fous – de tout ce qui s’ajoute – de tout ce qui nous alourdit – comme une édification massive et dégoulinante – qui ne tiendra que quelques heures – quelques lunes peut-être – sous le poids du provisoire…

Le règne du mélange et de la nudité…

Le vide paré de tous ses déguisements…

 

 

Dans les bras d’une folie tombée parmi nous…

Soleil devant – l’âme déshabillée…

Sur ce chemin perdu – découpé en quartiers nocturnes…

La tête toute creusée par le vent…

A se demander jusqu’où nous mènera la roue de l’identité – sur quel petit carré de terre elle s’immobilisera la prochaine fois…

 

 

Le sommeil voilé par les yeux ouverts – l’impression d’une vie davantage que la croyance en un rêve – le front leurré comme tous les autres avant lui – comme tous les autres autour de lui…

Et dans le corps – le désert – la vérité – la sensibilité vivante – qu’aucune idéologie – qu’aucun mensonge – ne peut tromper…

 

 

Le monde – dans nos deux mains tendues – à découvert – comme une bête retranchée – la folie sous le front – au bout des doigts…

Les apparences renversées…

La rencontre de tous nos visages – tournés les uns vers les autres – encerclés – autour d’eux-mêmes…

Le sang des vivants – la foudre des Dieux – les forêts en feu et la terre aux abois…

Le noir qui envahit tout le cercle…

Notre figure ridée et vieillissante…

Ce que l’esprit ne pourra (jamais) transformer…

 

 

L’oiseau – en nous – qui feint le vol – le geste plein de promesses – la nuit imprévue – des grimaces par-dessus le rêve – comme si la voie était impraticable…

Le jour – comme le sol – craquelé – qui se fendille sous la force des mains saisissantes – sous la puissance des pas trop pesants…

Et nous – immobiles – dans le noir – encerclés par tous nos fantômes – brisés par toutes nos tentatives…

 

 

Devant nous – ce que l’on nous répète à l’envi – la nuit invisible – l’intelligence fulgurante de l’homme – l’absence et le geste paresseux – l’ignorance et le rêve – le souffle et la chair – l’aube sans la moindre promesse…

Un sourire et quelques cailloux…

Le plus familier face au plus lointain…

 

 

Nos mains rougies et nos ailes déployées – comme un peu de rosée (ou un peu de rêve peut-être) sur le sable…

 

 

Des yeux attristés par la chair – l’air étouffant – les pierres froides et tranchantes (si souvent) – et l’eau qui coule entre les corps – entre les âmes – qui abreuve (un peu) notre soif…

 

 

Ce que l’on nous offre – de porte en porte – pas la moindre attention – une forme d’absence – une sorte d’indifférence déguisée…

En vérité – rien n’émeut l’homme – le cœur – la psyché inattentive – qui n’ont d’yeux que pour leurs élans – ce qu’ils cherchent à assouvir (et les moyens d’y parvenir)…

Nous nous détournons – presque toujours – du moins détestable – de ce qui nous rapprocherait de l’homme – de ce qui nous donnerait envie de l’aimer davantage…

 

 

Presque toujours tremblant – devant notre histoire – des lèvres pour nous raconter – une tête pour imaginer – et la suite à vivre – à écrire – à partager ; le récit de notre insignifiance ordinaire – si commune – jour après jour – page après page…

 

 

Tout s’écrit avec le noir des jours – la lumière de l’éternité – tantôt gauche – tantôt avisé – la main tremblante – l’âme confiante – vacillante – brinquebalée (presque toujours) parmi les choses – avec, de temps en temps, une main heureuse – une main secourable – qui se tend vers nous…

 

 

La nuit exposée aux yeux de tous – la mémoire défaite – défaillante – la chair oublieuse – la lourdeur de la marche – la peur qui aveugle – à pousser sa charrette de malheurs…

A petits pas vers la chambre du cœur – vers la chambre des larmes – là où nos fantômes attendent leur repas…

 

 

Quelque chose comme un peu de neige sur les fleurs de la pensée – un oiseau posé sur notre épaule – un désir d’envol et de lenteur – une présence chaude – rassurante – pour apaiser notre crainte de la mort – cette terreur éprouvée face à l’absence…

 

 

Une pluie dans l’âme – comme une privation de lumière – une condamnation à vivre dans la proximité du noir…

 

 

Un jour – un avenir – un autre jour – un autre avenir ; des visages et des espérances qui se suivent sans discontinuer – de rêverie en impatience – dans le règne permanent – quasi dictatorial – de l’après – dans l’attente de ce qui pourrait arriver – de l’événement suivant – du déluge – de ce qui nous sera offert au jour de notre mort – comme enchaîné(s) à la suite perpétuelle du temps…

 

 

Mourir – si longuement – si promptement – entre deux naissances…

D’un rêve à l’autre – et entre chaque – un peu de lumière…

 

 

Des traces de vie – quelques empreintes sur le sol – quelques lignes – et un peu de feu qui brûle au fond de l’âme…

 

 

Nous inventons des mondes – des visages – toujours quelque chose – un peu de compagnie…

 

 

Les jours privés d’extase et d’invention – de poème et de fantaisie – la vie sous cloche – en deçà de tous les seuils – si restreinte – dans toutes les cases prévues (et appropriées) – pas si loin d’invivable…

 

 

Comme une aube rehaussée – délicate – hors du monde – hors du temps – à l’envers des visages et des saisons – au-dedans exposé – là où la chair et les bruits s’éclipsent au profit de l’être et du silence…

 

 

Ce que l’on nomme en dehors du langage – cette lumière invisible – ce bleu immense – cette présence si intense – comme une géographie de l’inabordable à la périphérie si chaotique…

 

 

Sur notre promontoire – au faîte de l’exil – à la marge invisible des jours – là où plus rien n’existe séparément – là où plus rien ne pèse (vraiment) – là où plus rien n’est impossible – là où le regard se fait cercle et pointe – flèche et envergure – là où la mort se résorbe dans l’Amour – comme toutes les choses du monde d’ailleurs…

 

 

Dans les battements secrets du cœur – derrière les sourires – ce que l’on affiche – parmi toutes ces choses que l’on garde pour soi – toutes ces confidences devant le miroir…

L’âme encore intacte – au milieu du monde – au milieu des adieux – au milieu des grimaces…

 

 

Un cri – en nous – brûle – flotte – cherche un peu d’encre – un coin de feuille – un peu de tendresse – deux bras tendus – l’Amour et la lumière qu’il espère (depuis toujours)…

 

 

Le rôle du temps et de l’oubli…

Des ruines entre nos tempes – la tête trop pleine – déjà ailleurs…

 

 

Dieu – partout – au-delà du désir – au-delà des images – qui n’appartient ni au monde – ni à la matière…

Ce qui se présente – entre nous – parmi nos dévastations – au cœur même de l’argile – entre nos larmes et cette étrange colonne de lumière au-dedans des yeux…

 

 

Dans le regard – deux ailes ouvertes et un ciel immense – l’innocence dans sa pleine liberté…

Et l’âme s’amusant à dessiner dans l’air de grands cercles mystérieux…

 

 

La peur et le vide – balayés d’une main leste…

De la chair tiraillée qui entoure le mystère – qui enrobe tous les secrets…

Ce que l’on érige d’une parole – d’un peu de poésie – pour fendre la pierre – s’élancer au-dessus des danses – devenir aussi indispensable et vertical que le silence et les aspirations de l’âme…

 

 

Parfois – la fraîcheur d’une langue nouvelle – construite à partir des ruines de mots trop volontaires – libre, à présent, de dire sans raconter – d’évoquer sans témoigner – de bâtir un étroit chemin entre les hommes et la lumière – comme une passerelle de signes au-dessus du monde et des idées – un escalier de verre et de vent vers les sphères invisibles du ciel – entre le soleil et le sang…

Nous-même(s) – autrefois – aujourd’hui – pour toujours – très ordinaires – insaisissables…

 

 

Toutes les choses communes aux morts et aux vivants…

Loin – immobiles – sous la terre – dans l’esprit – un peu de cendre et l’épaisseur de tous les livres…

Du bleu en direction des âmes…

Une manière d’indiquer au monde l’au-delà du feu…

 

 

Un grand silence au milieu de la pensée – derrière la figure du souvenir – cette béance dans laquelle tout finit par tomber à la renverse – les mots – les choses – les visages – la longue liste des rencontres et des événements – toutes les insignifiances de notre vie – ce qu’il convient d’abandonner à la terre – l’intransportable…

Le reste – le plus précieux – demeure – au fond de l’âme – à l’abri des fureurs du monde…

 

 

Derrière la ferveur de la vie passante – si provisoire – le reflet de la lune – et, enfouie plus profondément, la surface sur laquelle miroite la lumière – et en arrière-plan de tout – quelques pierres et un peu de sommeil…

Les restes de notre voyage qui dévalent leur pente depuis les plus hauts sommets…

 

 

Des yeux rougis par les initiales du feu…

Le soleil conçu comme un poème – un vertigineux délire – avec du vent – des mots – des draps – et quelques larmes au début et au terme de chaque histoire (toutes aussi communes les unes que les autres) ; l’amour manquant – l’amour retrouvé – l’amour déchirant – et nos cœurs arrachés – estropiés – et nos corps, si beaux autrefois, devenus simples bouts de chair – puis lambeaux – et les âmes – et nos âmes – n’espérant plus, à présent, qu’un coin de terre et de ciel anonyme – perdu au milieu des autres – un peu de quiétude – après tant d’aventures – de blessures – de tourments…

 

 

Dans l’ombre du sang – l’ardeur et la violence – ce que nous fréquentons en vivant – la chair et le vent – l’un dans le ciel et l’autre sur le bûcher – la poussière et la cendre – ensemble – emportées plus loin – ailleurs – qui ressemble à ici (à s’y méprendre)…

 

 

Toutes les couleurs du monde et toutes les finitudes du temps ; et nous – dans cette chair bariolée poussée au fond de toutes les impasses…

Un trou au terme de chaque chemin – et la même lune qui brille au-dessus de la terre amoncelée…

Des vies- et des morts-arc-en-ciel – sans la gaieté…

 

 

Trop haut – parmi le peuple des nuages – et la tête blanche aujourd’hui qui arpente le bleu immense – au-dessus des pierres grises – sans éclat – du tumulte du monde – la voix assise sur la marche la plus basse du ciel – la parole lancée vers la terre populeuse – ignare et populeuse – trop docile – sans curiosité…

Quelques poussières d’or jetées sur un lit de paille…

Quelques fleurs abandonnées dans la fange froide et insensible…

 

 

Nous avons tant aimé – nous avons cru tant aimer ; et, un jour (très vite), nous retrouvons la solitude (le temps, à peine, de tourner la tête, et l’Autre est déjà loin – déjà parti)…

Les épaules et l’âme nues – aussi seul qu’au début du voyage…

Des Autres – à peu près rien – quelques attentes – quelques cris – quelques plaintes – des masques et des mensonges – la liste des intérêts bien gardée…

Et notre enfance – et notre espoir – passablement perdus…

Et notre cœur comme une fenêtre – petite et étroite – posée au bas de l’édifice – comme une minuscule ouverture recouverte par un long et haut mur de chair encore désirante…

 

24 mai 2020

Carnet n°234 Notes journalières

Le monde perdu – derrière nos yeux – souvenirs seulement qui, peu à peu, se soustraient à la mémoire…

Rien que des amas composites – de plus en plus éloignés du réel…

Comme des obstacles entre la source et notre soif…

 

 

Tout – en soi – comme un obstacle (radical) à la fluidité…

L’existence sans lutte – sans déchirure – sans hardiesse – d’un seul bloc – comme une pierre – une montagne – apparemment intacte – à la surface épargnée – mais qui, au-dedans, abrite tous les excès – toutes les folies – mille plaies et mille brimades – et autant de charniers que de champs de bataille – l’âme et la chair en charpie – le sang et les cadavres qui s’empilent – qui s’entassent – sans pouvoir être évacués…

La pourriture et la pestilence – à peu près tout ce qui existe à l’intérieur…

 

 

Le monde de moins en moins abstrait – comme une évidence (experientielle) – hors des boîtes où nous l’avions soigneusement rangé – avec collée sur chaque couvercle une étiquette mensongère…

A hauteur de pas – à présent – bien loin de la proximité des lèvres et de la nécessité de dire – éprouvé sans témoin et sans (réel) besoin de témoigner…

Nous – immobile – sans voix – assis à l’écart de la meute – des yeux pour voir ce qui a besoin d’être vu – une âme au-dedans – penchée – légèrement bancale – déséquilibrée par les vents journaliers – puissants – sans délicatesse – nés pour balayer le monde et l’esprit – et emporter le provisoire – tout ce qui existe (en vérité) – comme un outil à l’usage des vivants pour ôter l’inutile – nous façonner un regard – une virginité – une innocence – et pouvoir vivre dans la souveraineté du plus simple – avec ce qui seul peut rester – avec ce qui seul doit demeurer…

 

 

Cette existence – comme une marche incessante – une voie pluvieuse et nocturne – ce que l’on cherche sur la terre – dans le ciel – sous la roche – dans le cœur des Autres – ce qui constitue (et entrave) notre étrange voyage…

 

 

On attend là – immobile – inutile – inexistant pour le monde et les Autres (essayant seulement de ne pas gêner – de ne pas heurter – de ne pas blesser – ce qu’ils sont). Comme une montagne – un amas de roches – pourvu d’un souffle et d’un imaginaire – conjecturant – échafaudant mille plans (mille stratégies) – porteur d’attentes et d’exigences – cherchant une route – une issue possible à cette trop souveraine fixité…

Rien – pourtant – ne bougera – ni ne changera – avant la mort…

Promis à la même terre – la chair vivante et le squelette…

 

 

L’âme et la peau écorchées – assis dans un coin – au fond de la pièce – dans l’une des antichambres du monde – regardant les choses passer – apparaître et disparaître – et s’enorgueillir parfois entre leurs (pauvres) limites – le ciel blanc – très haut perché – au bord du jour – de ce bleu immense…

Et nous autres – aux confins de l’ordinaire – aux confins du plus quotidien – sur cette frontière invisible entre le dessus et le dessous – entre ce qui invite à la grâce et ce qui relègue à la condamnation…

Instables – incapables et indécis – comme toujours – pris dans la turbulence imperceptible de ce que nous ignorons…

 

 

Sous le front – la persistance du feu et du froid – des murs infranchissables et des routes qui se perdent dans le lointain…

La parole balbutiante qui se déverse sur la pierre en dessinant des visages amis – des compagnons de solitude – en attendant (avec impatience) la lumière…

 

 

La roue du monde et l’axe du temps – figures de paille – figures de pierre – à peine conscientes de la clarté du ciel…

Et nous – essayant d’expectorer la parole – la vérité balbutiante – la lumière enfouie au-dedans de tout…

 

 

Ce qui est là – ce qui pousse – derrière la volonté – le mystère – l’invisible – ce qui aspire à être perçu – compris et habité – à seule fin d’être pleinement incarné en ce monde – à chaque instant – dans l’ordinaire le plus quotidien…

 

 

L’existence comme terrain situationnel – manière de plonger entièrement – la tête – le corps – le cœur – dans une succession de circonstances qui leur paraissent suffisamment réalistes – authentiques – incontestables – afin qu’ils se transforment et se révèlent – afin qu’ils découvrent ce qu’ils portent de plus essentiel – ce qu’ils sont (ontologiquement)…

L’existence comme théâtre du réel – théâtre du vrai – et le monde et les Autres comme décor mobile et vivant – laboratoire de l’être – pour que la matière – l’incarnation – renouent avec l’origine invisible – verticale – et puissent la porter – et la vivre – consciemment – en toutes circonstances – sur toutes les scènes du monde…

 

 

Nous autres – la tête endormie sur le versant sombre du monde – sur le versant sombre de la lumière – et l’âme partie explorer l’autre côté de la nuit…

Le front contre la pierre et le cœur encore vagabond…

La route (totalement) inutile pour celui qui voyage…

 

 

Au-dedans – des lieux nocturnes à révéler au jour – des terres en dessous de la terre – et notre âme – et nos mains – noires à force de fréquenter les sous-sols – de creuser dans la boue…

Tout un monde sous le monde – mille régions hostiles – des univers entiers – ce que nul n’enseigne – ce que tout nous apprend – et ce qu’il faut découvrir – et éprouver – par soi-même…

 

 

Ce qui surprend la terre – cette route à l’envers – du ciel vers le ciel – qui échappe au monde et aux orages…

 

 

Sur la pierre – la nuit qui tombe – le jour devenu inutile – autant que ce que nous aurons essayé de bâtir – et qui se désagrège déjà…

Le visage appuyé contre la porte fermée – contre toutes les portes fermées depuis l’enfance…

Et les heures qui se multiplient comme les pains d’autrefois – mais, cette fois-ci, pour rien – pour personne – comme la simple contrepartie de la pénurie vécue pendant des siècles – la réponse, peut-être, à notre indigence millénaire…

 

 

Même les yeux ouverts – nous dormons encore…

Même dans le bruit – nous ne nous réveillons pas…

En ce monde – tout est fait pour que le sommeil dure toujours…

 

 

Entre les mâchoires du monde – dans les entrailles du temps – la chair brûlante – le souffle prisonnier de la poitrine – les yeux qui se perdent à l’horizon…

Et – en nous – comme le plus précieux – ce qui leur échappe…

 

 

Le silence hissé au milieu du jour – contre les cloisons de l’âme – au croisement de l’air et de la route – par vagues successives – comme un courant qui déferle – un peu de sagesse sur la folie de ce monde…

La respiration – comme la fête invisible du souffle – enfin reconnue – enfin célébrée…

 

 

Un petit air de flûte pour éveiller notre premier Amour – notre tête sur l’oreiller – notre cœur retranché derrière le front – toute notre vie derrière ses remparts…

 

 

De l’ombre à la surface de tout – agissant sur les apparences – la couleur des choses du monde – et laissant intactes la texture et les profondeurs…

 

 

Les ailes de l’air qui nous portent vers ailleurs – une immense étendue blanche – un monde plus léger – une manière de vivre plus libre – affranchie des soucis terrestres et de la cécité de l’esprit occupé (essentiellement) par l’inutile et la vie prosaïque…

 

 

Entre le mur et le vide – devant nous – ce que nous traînons ; les rôles qui se sont, peu à peu, inversés – nous comme objet – chose à mener vers l’être sur des rails provisoires et imprévisibles qui se construisent instant après instant par l’entrecroisement (et l’enchâssement parfois) des destins – la rencontre des phénomènes – nous comme marchandise docile emportée ici et là sans rien voir – sans rien savoir – et que les Dieux, un jour, échangeront contre un peu de sagesse…

 

 

Nous – renonçant – comme un tas de pierres – inerte – mains ouvertes – l’âme à l’air libre – sans un regard sur les choses d’autrefois – abandonnées – avec dans la tête, pourtant, quelques traits tenaces – des sillons et des éclats de visages passés – des souvenirs et des fantômes qui s’obstinent à nous hanter – à nous déposséder du vide – de la joie – de la liberté…

Le silence – ainsi – plus difficile à atteindre – à habiter…

 

 

Des encombrements entassés contre nos murs – de plus en plus froids – de moins en moins poreux – hermétiques bientôt – et nous condamnant (à terme) à l’étouffement et à la folie ou, au contraire, à l’abandon et à la délivrance…

 

 

Nous – parfois – rompu – à l’intérieur…

Le foyer au-dehors comme un pitoyable refuge – le sol – les mains – les visages – froids – aussi inaccessibles que ce que cachent les murs du monde…

La place indécise – et bientôt vacante ; nous reprenant déjà la route – le voyage – avançant sans jamais défaillir – allant d’absence d’abri en absence d’abri – pas même assuré du pas suivant ; progression sans étreinte – sans autre proximité que celle du silence – sans autre compagnon que ses propres visages (intervenant parfois)…

Le monde – en nous – disparu – autant que la nuit – avec, à présent, des éclats de lumière dispersés…

La solitude et le vent – le souffle et la main ouverte – prêts à s’abandonner aux circonstances (et à se sacrifier si nécessaire)…

 

 

D’un jour à l’autre – sans visage – sans appui – sans témoin – de plus en plus desséché – comme si l’absence s’aggravait – devenait le contexte habituel…

Et l’âme étendue au fond de soi – épuisée – au seuil du désespoir…

 

 

La nudité sans égale – à force de défaites et de soustractions ; aux yeux des Autres, le signe du déclin et du dénuement – une forme de détresse – la pauvreté la moins désirable – la vie saccagée – sans intérêt – sans la moindre épaisseur ; et la preuve, à nos yeux, que la sagesse a été inversée (depuis des siècles sans doute) – ce que les masses prennent pour une malédiction et que l’ermite – le solitaire – le poète – portent aux nues – comme un don de Dieu – un présent octroyé malgré nos restes (si peu reluisants) d’humanité et le voisinage (presque toujours nocif) des hommes…

 

 

Ce qui se risque à vivre avec nous – dans nos profondeurs – sur nos territoires reculés. Ce qui s’immisce à travers tous nos orifices. Ce qui fait de nous un lieu de passage – une aire de transit…

L’eau – l’air – l’invisible – le plus innocent de l’âme et les parts les moins suspectes de la terre et du ciel…

Nous-même(s) enchevêtré(s) à tous les Autres. Et tous les Autres – dispersés – en nous…

Toutes les pièces du grand puzzle de l’être – en somme…

 

 

Nous – dans le jour – matière tiède traversée sans égard (le plus souvent)…

Avec quelques (maigres) annotations sur le grand registre du monde – le petit palimpseste des heures…

Insignifiant(s) – (presque) inexistant(s) – dans la durée – en quelque sorte…

Vivant(s) – valide(s) et vaillant(s) – que dans l’instant indéfini…

Inerte(s) ou en mouvement – qu’importe…

Présent(s) – comme un point – une tache – sur la longue liste de ce qui existe sur terre…

 

 

L’œuvre inconsciente des Autres – concentrés sur leur misérable besogne – prise dans l’écheveau général – comme un infime élément – une minuscule vibration sur une corde reliée à toutes les cordes de l’univers – s’unissant ou s’opposant à toutes les vibrations alentour – participant à la tension globale de la trame – au chant commun chaotique et harmonieux – et nous – et chacun – bougeant – vibrant(s) et secoué(s) – avec l’ensemble…

 

 

Nous – parfois – déchiré(s) – à l’intérieur…

De la matière éparse et froide – la poitrine suffocante – le plus sauvage enfermé à l’intérieur – furieux – fulminant – tournant en rond – gaspillant, malgré nous, le peu d’énergie qu’il nous reste au lieu de nous rassembler – de réunir tous nos visages – tous les frères de notre communauté – et de faire bloc pour demeurer unis – ensemble – totalement solidaires – et nous tenir devant ce qui a besoin d’être protégé – comme un rempart infranchissable…

Telle une armée face aux envahisseurs – face à toutes les forces destructrices extérieures…

 

 

Seul – au milieu de l’espace – face à l’immensité – au-dehors et au-dedans – sur cette terre aride et déserte – comme un point infime tiraillé par les vents contraires…

Ni sente – ni pente – ni montagne – ni montée – rien – pas le moindre chemin – pas le moindre repère – et tout qui défile – en nous – devant nos yeux – en désordre – sans être capable de saisir la moindre chose…

L’âme ouverte et les deux mains attachées derrière le dos – à suivre les courants – à assister, impuissant, à tous les excès et à toutes les destructions – sans pouvoir détourner la tête devant les visages de la mort…

Sidéré – la poitrine haletante et l’âme terrifiée – seulement…

 

 

En nous – la vérité nue – que l’on pare et colore pour lui donner des airs attractifs – et dont on se fait le mensonger possesseur…

 

 

Mille faces changeantes – provisoires – sur le même visage. L’âme peuplée de monstres – de mondes – de chimères. Nous – comme un passage continu – sans rupture – entre le proche et le lointain – entre ici et tous les ailleurs – entre le dehors et le dedans apparents – lueur – infime élément de la lumière – obscurité – minuscule fragment de l’étendue noire – nocturne…

La foule – en nous – et nous – dans la foule – indécelables…

Partout où est le vivant – dans tout ce qui existe ; l’âme – le souffle – la pierre…

 

 

Nous attendons ce que l’ombre dénude – le ciel et son innocence – notre main que rien ne distingue de la route – la route que rien ne distingue de l’horizon – l’horizon que rien ne distingue du monde. Le jour qui s’anime et la nuit sur le sol – vaincue – avec, par-dessus, notre tête posée dans la poussière…

 

 

Tout – en nous – abonde – déborde – s’étend – cherche à élargir ses horizons – devient le lien avec ce qui nous dépasse

 

 

Nous vivons comme si l’existence terrestre n’était qu’une fenêtre sur un socle – un étroit carré sur le sol exposé au ciel – un asile sans mur où le goût de l’Autre est moins essentiel que la faim pour survivre – où le refuge (véritable) n’existe qu’au fond de l’âme – la seule demeure – en soi – invisible – un monde où l’Autre n’est (trop souvent) qu’un outil provisoire dont on use à sa guise – que l’on manipule sans honte – pour assouvir ses désirs ; un monde d’échanges et d’alliances où la seule loi en vigueur – où la seule loi possible – est celle du commerce…

 

 

A l’autre extrémité du jour – la même chambre qu’aujourd’hui mais élargie à l’univers – et, au-delà, à l’infini…

Le ciel dans le dos – fenêtre dans la tête – et sur ses parois, le reflet moins vif des murs qui nous entourent – rehaussés (presque toujours) par nos craintes et nos excès – avec de la terre jusqu’au cou – et jusqu’au fond du cœur – engorgé…

Et dans l’âme – tout qui s’entasse – malgré notre furieux désir de soleil…

 

 

La pierre – comme notre fatigue – lasse et sans éclat – creusée sur toute sa longueur par un restant de désir – la volonté, un peu émoussée, du ciel qui aimerait nous emplir jusqu’au front…

Le sol devenu rouge par la proximité du feu et la chaleur d’un astre faussement déclinant né de notre ancienne ardeur…

Tout – comme des ailes – comme une trouée inespérée – des parcours et des itinéraires sur l’entière étendue. Et nous – resserrés – et, en partie, réparés par la possibilité d’une envergure nouvelle…

Et la montagne devant nos yeux – perçue non comme une épreuve – mais comme un refuge – un fief – un rempart contre la folie et la monstruosité des hommes…

 

 

Une vie sans rêve – sans empressement – sans autre nécessité que celle qui se présente…

Une terre – autour de soi – une surface évidée – sans repli – sans recoin – sans entassement – autant que l’espace au-dedans – constamment balayés et nettoyés…

Un front sans nostalgie – le cours des choses qui, inlassablement, remplace ce qui disparaît – ce qui a été oublié…

Chaque pied sur une pierre nouvelle – comme une marche sans effort – sans limite – sans chemin – (presque) en plein ciel…

 

 

Des fils enchevêtrés – comme une trame – un piège – nous – le monde – pris dans tous les filets – détenus – funambules privés d’envergure et de liberté – marchant – rampant – escaladant – la corde au pied – n’allant jamais au-delà de leur ombre…

Quelques souffles – à peine – jusqu’au soir…

L’âme comme un champ déserté…

Pas même le début d’un chemin…

 

 

Dans le rythme et le mystère des Autres – rien – en soi – qui puisse nous libérer de leur emprise sinon le regard affranchi de la matière…

 

 

La multitude – comme origine du malaise – du déploiement – de la débâcle – au commencement du temps…

L’espace comme possibilité d’incarnation – le monde comme champ d’expérimentation – la matière balbutiante – à parfaire sans cesse…

 

 

Devant soi – la voie déserte – la tête dégagée – l’âme prête à se hisser au-dehors – du côté du ciel – sur son versant le moins sombre – la poitrine ouverte et les mains agiles – au milieu des Autres et des ornières – avec des lambeaux de vie et de mémoire arrachés – comme si notre parcours – notre visage – n’avaient plus d’importance – aux prises avec des émotions vives et entremêlées – nées de toutes ces rencontres inévitables (ou que nous estimons nécessaires)…

Des brisures – des épreuves – des morceaux d’existence…

 

 

Nous – juste au-dessus du sol – contre les vents – avec des murs d’air à franchir – en marche vers notre seule espérance – les promesses du ciel…

Des événements – un récit – le déroulement tragique de l’itinéraire – et la proximité – l’intimité – l’accompagnement – qui se précisent – peu à peu – pas à pas…

 

 

Quelques lignes – dans les hauteurs – retranchées – comme pour donner du souffle au reste – à ce qui est confiné au ras du sol – à l’ordinaire – au plus quotidien – au monde des hommes…

L’air – la poésie – l’existence terrestre – à l’intersection de ces sphères – l’invisible…

Et nos pieds sur la pierre…

Et nos mains déjà plongées dans le silence…

 

 

Des portes dans l’immobilité – des routes et du vent – au cœur du même silence – des tourbillons et des bruits au milieu de l’infini…

Et nos têtes qui, parfois, cherchent à comprendre…

 

 

Dans le feu – nos pas que nous jetons sur le sol – les traits sur la page tracés au feutre – notre âme qui cherche ses pairs dans la boue – entre les pierres – sans jamais regarder au-dedans des Autres – au fond de leurs yeux – pour dénicher cette fenêtre inconnue – invisible – que chacun porte malgré lui…

Et – au fond de nous – au fond des choses – cette folie qui nous honore et nous sauve – des intentions démesurées comme des ponts entre les rives trop prosaïques – entre la terre des hommes et la cité des Dieux – sans un seul itinéraire présupposé – mais un chemin qui s’invente à chaque foulée – et qui efface – peu à peu – au fil du voyage – notre visage et notre volonté…

 

 

Des tours et des tours – dans le même labyrinthe – ce dédale d’air et de vent – avec ses précipices et ses tourbillons…

Un univers de masques et de trompe-l’œil – comme une toile d’araignée façonnée depuis des millions d’années – l’origine de la matière – au-dessus du vide – avec, par-dessus, le ciel peint – et, autour, de la roche – des murs – des visages – parfaitement dessinés…

Le décor du monde – noir et bleu – le néant revisité avec des choses et des personnages – suffisamment réalistes pour nous faire croire qu’ils sont vrais – autant que celui qui les regarde – et qui doit parvenir à trouver un chemin à travers les ornières – les trappes – tous les obstacles disséminés ici et là par les Dieux…

 

 

Nous – sous la terre déjà – recouverts de noir et de culpabilité – incomplets et taciturnes – sans autre espoir que la fusion générale – la fusion parfaite…

 

 

Les pieds dans le vide – les yeux bandés – sur cette étendue blanche – au milieu des pierres…

Soi – partout – sans autre visage – sans autre horizon…

 

 

Entre l’air et la terre – notre tête – débordante – si souvent – trop pesante – et qui s’imagine séparée du reste – corps et monde – unis parfois, seulement, par l’ardeur du feu commun…

 

 

De la pierre – de l’ombre – un peu d’espérance – ce à quoi aspirent les âmes privées de lumière – une marche vers la clarté – comme un rêve irréalisable – trop (beaucoup trop) ambitieux…

La vie fangeuse et souterraine – seulement…

 

 

Nous-même(s) – dans le prolongement de tous les précédents – ce que nous fûmes successivement – comme un amas de rêves – de désirs – d’irréalités…

Des pas – une marche – longue (très longue) ; quelque chose qui ressemblerait à un songe – fabriqué à plusieurs – simultanément…

 

 

Nous – démantelé(s) – presque entièrement – en éclats – en fragments – en lambeaux – nous éloignant, peu à peu, du centre – attiré(s) – emporté(s) – collectivement – par l’étrange magie du manège terrestre…

A travers le monde – comme un (seul) voyage…

 

 

Des pierres – des traces et de la cendre – sur le sol…

Et dans le ciel – l’invisible…

Et le silence – en nous – qui se creuse – du centre vers le bord – de la surface jusqu’aux tréfonds…

L’esprit labouré – piétiné et retourné – par le monde. L’esprit des Autres – pénétrant. Et l’âme – comme un sac – où tout se dépose et s’entasse ; l’étrange accumulation des choses et des faiblesses – des luttes et des bagages – le grand embarrassement qui empêche de voyager plus léger – plus libre – moins entravé par les charges et les fonctions que l’on s’est, peu à peu, attribué pour avoir l’air moins nu – moins dépouillé – moins dépourvu…

 

 

Une route – en nous – à explorer. Et toutes les autres au-dehors à abandonner aux vents et aux pas – à la volonté des Dieux…

Le destin laissé à la providence…

 

 

Des luttes – comme des tourbillons d’air dans les courants (continus) de l’histoire (des vivants)…

Des pierres – des pas – du sang – les traces de ce qui vit…

Les mêmes attributs – les mêmes routes empruntées – les mêmes choses abandonnées…

Pas encore en marche – pas même les prémices du voyage – la rive, seulement, où pourrait naître l’aventure…

 

 

Debout – face au monde – les grimaces à l’intérieur – invisibles – comme l’altruisme et la fraternité – le cœur, sans cesse, attendri par les difficultés à vivre des vivants – leur manière de s’attacher aux choses – aux uns et aux autres – comme si le vide et la solitude étaient insupportables – comme si l’encombrement et les conflits offraient davantage qu’un tête-à-tête avec ses propres visages

 

 

Une plaie cousue au revers de la rencontre – et qui laissera s’écouler, le moment venu, son poids de sang et de peine – l’inévitable épilogue de tout rapprochement – de toute proximité – impossibles (bien sûr)…

Comme un gouffre qui se creuse – et se répète – au fil de l’intimité – à mesure que l’écart grandit – à mesure que la fissure s’élargit – à mesure que l’irréconciliable, partout, instaure son règne – impose ses lois…

 

 

Ce qui nous quitte à mesure que l’on s’enfonce…

 

 

A demi-mot – comme un murmure – un secret livré à voix basse – la vérité hors de propos – celle qui affleure loin de la parole et de la pensée – celle qui se donne à vivre comme une évidence – sans la moindre possibilité de saisie – celle qui s’efface – qui s’éclipse – dès que la main s’avance vers elle – à la moindre tentative de récupération – celle qui est plus proche que l’ombre de notre silhouette – au-dedans de l’âme silencieuse tournée vers l’intérieur – sans intention – sans volonté – avec la plus grande innocence – avec la plus grande simplicité…

 

 

Dehors – debout – sous le soleil – sur les pierres – devant le monde – comme au théâtre – à attendre la fin…

 

 

Sur le chemin – après la mort – le même spectacle – quelque chose qui tourne – presque toujours au bord de l’exténuation – fracturé – en sueur – sous trop de masques – et qui nous harcèle pour qu’on rejoigne la troupe – pour que l’on participe à la nuit commune…

 

 

Tout qui ruisselle – sur nous – au-dedans – la matière qui se liquéfie. Tout – en larmes – en pluie – jusqu’au ciel – jusqu’à l’océan…

 

 

Tout se dresse – entre nous – des murs – des secrets – des confidences – des colonnes d’air – des filets – des idoles – comme un barrage immense qui nous séparerait du ciel – d’un passage possible vers ailleurs – le dedans – loin des masques – des puzzles – du sommeil…

 

 

Guidé(s) par le souffle du hasard qui nous pousse dans le noir…

Nous – entre la roche et la soif – écrasés…

 

 

L’identité – dans la tête des Autres – et, parfois, dans le miroir. La psyché découpée en secteurs – en possibles – en interdits – sous l’autorité du sang et de la peur…

Et le monde – sur nous – qui appuie de tout son poids…

Et la poitrine – avec de moins en moins d’air – jusqu’à l’asphyxie – jusqu’au dernier souffle – jusqu’aux yeux révulsés – jusqu’à ce qu’un Autre nous ferme les paupières…

 

 

Devenir le précipice même – ce qui nous hante – ce qui nous effraye – ce qui nous entrave ; l’image monstrueuse projetée contre les parois – l’ombre du Diable qui nous habite – que nous sommes…

 

 

Une fleur – une pierre – une âme – le même reflet qui surgit au cœur de l’aveuglement – au-delà – tout prend la forme du vide – tout se colore de vent…

Le vide et le vent – même la mort se laisse prendre au piège – surtout la mort peut-être…

 

 

Dans la même allée que le rêve et l’oiseau – la marche possible – la terre offerte – le ciel en contrebas – et nous en dessous – avec une main déjà posée sur l’horizon…

 

 

Des arbres – des visages – alignés – qui patientent derrière nous – un long couloir entre deux montagnes (énormes – gigantesques) – de la roche partout…

Et dans notre tête – tout qui tourne – tout qui danse – les Dieux qui secouent les choses et les destins – qui mêlent ce qui est dépareillé – ce qui refuse de s’unir – au nom de l’ensemble – d’une main ni tremblante – ni sacrificielle – joyeuse tout simplement…

 

 

Nous – ici – que tout abandonne – qui ne possédons pas même notre nom – l’âme dégagée de nos artifices – de nos paroles – de nos espoirs – comme un corps sur une croix – du sang aux pieds de la foule – sur la roche luisante – devant Dieu peut-être – et, derrière, le ciel noir – et, partout, les vivants emmêlés à l’ignorance et à la poussière…

Ce que nous offre le destin et ce que la mort nous concède…

 

24 mai 2020

Carnet n°233 Notes journalières

De la source – l’aube – sans réserve…

Des montagnes et des entailles…

Le gris qui se propage sur les visages…

Pas de hasard – rien de maudit…

Le voyage – l’épreuve de notre croissance…

 

 

Dans d’autres sphères que celle des semences et des récoltes…

Le jour moins épineux que toutes ces nuits successives – à porter l’âme à bout de bras – la chair prise dans toutes les déchirures…

 

 

Le souffle qui jaillit de l’âme comme la fleur de la terre – génération à la généalogie ancestrale – avec le cœur assez courbe pour épouser tous les destins…

 

 

De ciel en ciel – avec de moins en moins de sang…

Des yeux encore pour croire aux apparences…

Une tête pour raisonner – déduire – imaginer…

Des organes fonctionnels qui devraient se cantonner à leur usage premier – et non intervenir là où ils deviennent un obstacle…

L’ignorance de l’homme – l’incapacité de la pensée à appréhender l’invisible – l’incompétence du néocortex en matière de connaissance de soi…

 

 

La couleur de la première rencontre – comme une main qui effleure notre main – une longue caresse sur notre visage – comme un oiseau, trop longtemps enfermé, qui prend son envol…

Entre tendresse – étonnement et délivrance…

 

 

Nous autres nous éloignant des jeux communs – barbares et indigents – réservés à ceux qui n’aspirent qu’à oublier leur misère ou à devenir autre chose

L’élan contraire nous anime – et parfois même nous assaille ; on aimerait être hors du temps – d’où notre solitude et notre amour du silence…

 

 

De grands yeux ouverts sur le monde endormi…

Des bruits de rouage dans la tête – la visite d’un nuage – le calme de la chambre – quelque chose aux aguets…

Suffisamment éloigné de la foule pour entendre distinctement la voix ; la nôtre – évidemment – comme un bref murmure – quelques paroles adressées à ce qui, en nous, est nocturne et enfantin – à ce qui, en nous, se laisse (presque toujours) aller à la nostalgie et à la tristesse…

 

 

Un visage contre la pluie – le même que celui qui affronte la grossièreté des hommes. Comme – en soi – profondément – viscéralement – un refus de l’inévitable et l’espérance d’un possible franchissement vers au-delà…

 

 

Des paroles pour soi – seul au milieu du noir – avec, au-dedans, le ciel et l’orage – et quelques restes de rêves – obsolètes – totalement inutiles. Le sourire de la lune devant notre figure ébahie – le monde repeint en bleu à force de supplices…

Tout s’écroule – tout se déchire – et, sur le sol, des lambeaux de cœur éparpillés – dégoulinants – comme la seule loi du monde – peut-être – incroyablement cruelle pour la psyché – mais inévitable pour grandir et approcher notre vrai visage – le silence – la vérité…

Toute une géographie où se perdre – et le rien – et le vide – à ressentir – à rejoindre…

 

 

Le monde – de moins en moins abstrait – beuglant – rouge sang – et dans l’âme – ce qui finit par se détacher et nous laisser nu…

La mémoire et la parole – défaillantes – presque hors d’usage – presque hors de propos…

Et toutes les frontières – sur la feuille – effacées…

La vie comme un songe – puis, comme un soleil…

Et nous – comme les pierres et les arbres – essayant, chaque matin, de faire peau neuve…

 

 

D’une brume à l’autre – sans pardon – sans larmes versées…

Dans le sillage des choses – dans le sillage de petits riens…

Le monde que l’on prend pour un paradis – en oubliant l’écart avec ce qui est juste – en oubliant l’écart avec ce qui est vrai…

 

 

Dans la tête – entre les lèvres – rien qu’un bourbier – une fournaise – une danse absurde – toutes nos préférences – un dialogue entre toutes nos folies. Et derrière ce chaos – le silence – déjà présent – discret – incroyablement attentif…

 

 

Le jour – comme un accident sur notre route – quelque chose d’impromptu malgré notre marche assidue et notre fidélité aux chemins – et qu’il nous faudra franchir à genoux pour le voir durer…

 

 

L’inégal combat entre l’espace et notre visage – entre la vérité et notre nom – entre le silence et notre vie trop bruyante…

Que faudrait-il délaisser pour que se dessine dans notre âme un peu d’innocence…

 

 

Debout – parfois – comme si nous avions l’air d’être – mais en désordre au-dedans – et parfois même (totalement) ravagé…

L’apparence d’un visage et d’une silhouette – seulement…

 

 

En nous – le baiser qui attend nos lèvres consentantes – infiniment désirable(s)…

 

 

A dormir dans l’empreinte immense des Dieux au lieu de débroussailler le monde – d’inventer sa sente – de danser avec toutes les ombres brûlantes qui vivent à nos côtés…

 

 

Comme une nuit et des parois dans la tête – une terre mille fois piétinée – un petit carré de sable avec au-dessus – très haut – à peine visible – une ouverture – un passage – un tunnel sans doute – vers l’air frais – l’extérieur – le ciel peut-être…

 

 

Du jour – comme une caresse – une manière de brûler en silence – de vivre au milieu du monde et des heures sans un seul visage confident…

Un baume – un réconfort – une (réelle) façon de se redresser dans la solitude…

 

 

Du silence et de la lumière – comme l’air que nous respirons – les seuls éléments nécessaires – peut-être…

 

 

Où pourrions-nous fuir puisque notre vie et notre tête sont cernées ; approfondir la blessure – sauter par la fenêtre (ouverte) de l’âme – plonger au-dedans et se perdre…

 

 

La tête baissée malgré la présence des arbres ; deux verticalités contraires – et qui se rejoindront peut-être – plus tard – la tristesse passée – le jour descendu…

 

 

Sans impératif – fidèle au feu – le soleil et la blancheur confondus – dans le maquis des heures – dans la sauvagerie des jours – le sourire sur le visage qui, peu à peu, s’efface – puis le visage, lui-même, qui disparaît – avec l’illusion…

 

 

Epaisse – cette absence des hommes – (bien) plus douloureuse que la solitude…

 

 

Une rencontre intacte – innocente – jamais née – comme si nous n’étions que des phénomènes inventés…

En réalité (peut-être – qui sait ?), tout est (réellement) sordide et douloureux – tristement instinctif et animal – comme s’il n’y avait pas encore assez d’homme en l’homme…

Rien qu’une aventure pénible – une pauvre histoire – en somme…

 

 

Nul lieu – nulle route – le même destin aux quatre coins du monde – le nôtre…

Des combats – de la détention – du temps et des choses qui passent ; le lot commun – coincé quelque part sur la terre – sans autre horizon que celui qui existe sous les yeux – sans autre perspective que cette étoile et ce coin de ciel au-dessus de notre tête…

 

 

Un lieu de passage – en nous – partout…

Des millions de choses et d’oiseaux – des figures et des morts – des caresses et des poings levés – des pierres qui roulent de toutes parts – puis, peu à peu, de moins en moins d’objets et de visages – de moins en moins de présence – puis, un jour, plus rien ; l’absence et le silence – seulement…

 

 

Le réel – au-dehors et au-dedans – prêt(s) à lutter – à s’abattre – à nous anéantir…

Verticalité absente ou bancale – et lorsque, trop rarement, elle paraît valide (et suffisamment vaillante) – le même résultat – sauf à l’intérieur où l’espace semble préservé…

 

 

Des noms sur des choses et des visages. Des noms pour différencier – et dans cette série d’insignifiances – le sacre de la multitude – uniforme et similaire – le singulier commun – ordinaire – semblable à tous les autres…

Et – ainsi – des pans de monde qui deviennent invisibles – et que l’on oublie…

 

 

Ce qui se multiplie – ce qui s’étend – ce qui se déploie. Et, pourtant, la même solitude – partout – les mêmes (pauvres) soliloques plaintifs. Des visages face à leurs miroirs…

 

 

Une halte dans la chambre de la forêt – dans l’intimité des arbres et des oiseaux. En ce lieu familier – parmi les nôtres – sauvages et solitaires – la parole dite pour nous-même(s) – sur ce carré sans frontière – où la terre et le ciel ne sont que de simples habitants – où les limites sont ailleurs – dans notre tête et la proximité des autres hommes…

 

 

Qui est-on parmi les siens – parmi ses frères – sinon la continuité de leur présence et de leur parole – l’espace et le silence communs – ce qui unit toutes les parties de l’ensemble…

 

 

Le jour – plus silencieux qu’à l’ordinaire – les mains tremblantes et l’âme plus nue qu’autrefois – moins exigeante – plus docile peut-être – qui acquiesce à ce qui est donné – à la surprise et au coutumier – au plaisant et au douloureux – de moins en moins contrariée par l’inévitable alternance…

 

 

L’odeur de la fuite et du sang – chez la bête sauvage – un frère dans nos rêves – un frère pour notre âme – celui qui habite le même labyrinthe que nous – qui porte le même mystère que le nôtre – celui que l’on doit déchiffrer – celui qui s’éloigne et se cache à la vue des armes et des hommes…

 

 

L’aube – parfois – réfractaire à notre venue ; trop de résistance et d’embarras – trop de doute et d’opposition – et l’essentiel qui manque ; la docilité et la confiance…

Plonger dans son propre gouffre comme un envol – qui pourrait s’y résoudre sans crainte…

 

 

On vit jusqu’au ciel – dans notre absence – sans interrogation – les lèvres pincées – aussi blanches que la neige – pour habiter hors des légendes – aussi près que possible des saisons…

 

 

Ce qui se glisse entre nous – le ciel et la terre – l’apparence d’un monde – la neige sur le sol noir – des larmes au milieu des souvenirs ; tout – comme une invitation – une volonté d’enfance – le retour à une respiration plus simple et plus ample – si nous savions nous retrouver…

 

 

Un chant – et trop de refus – face à l’absence de beauté – face à l’impossible élevé au rang de seuil – au rang de frontière infranchissable…

Plus qu’une espérance – une irrépressible nécessité…

 

 

Nous attendons la lumière – le sacre de l’invisible – comme d’autres le grand amour – le cœur et les mains tremblantes – la mémoire vierge de toute image – et les apparences en désordre…

 

 

Assis – juste un nom (pour les Autres) – au pied d’un arbre – un sourire à la place du visage – et la main tendue comme si l’on attendait que tombe la dernière neige…

 

 

Le rouge au front – sans la moindre honte – la couleur donnée par la colère de l’âme – épuisée – dans sa (vaine) attente de l’homme – désespérée par l’impossibilité de la rencontre – et si affamée, à présent, de solitude et de silence – ardente et fébrile – comme si la qualité des jours (et des années peut-être) qu’il nous reste à vivre en dépendait…

 

 

Le silence – écrin de la clarté du monde et de la voix – outil du Divin que savent si peu manier les hommes – trop chargés de désirs et de secrets – trop chargés d’embarras et d’aversions…

 

 

Le monde – des prières sans ciel – pire – des lamentations – des requêtes adressées à l’inconnu que nous plaçons toujours trop haut – au-dessus de nos têtes…

Les hommes – des ventres sous quelques rêves et des milliards d’étoiles. Et une bouche pour engloutir et vociférer – et, à la fois, crier et masquer leur ignorance…

La pauvre et triste existence des vivants – l’indigence (parfaitement) incarnée…

 

 

Peut-être faudrait-il rire devant les reflets changeants du réel – mais notre œil, trop attristé par ce que renvoient les miroirs, ne peut se réjouir de ce qu’il voit…

 

 

Enfant d’un jour lointain – encore titubant – encore ensommeillé – fidèle (toujours) à la terre – malgré lui…

 

 

Tout s’obscurcit – avec la douleur – tout prend les traits déformés de la grimace. La beauté même semble laide – l’Amour même semble sans cœur…

L’œil souffre comme si l’âme était dedans – comme si tous les doigts du monde étaient enfoncés à l’intérieur…

 

 

Un grand frisson de solitude en croisant chaque représentant de la communauté des hommes…

 

 

Dans le cœur – la faute – croit-on ; l’amour maladroit – carnassier – né de la pauvreté et du manque – de l’absence d’Amour – en soi ; quelque chose d’étranger – de céleste peut-être – aurait dû l’irriguer – remplacer les ombres folles et les tremblements d’une âme sans expérience – malheureuse…

Mais il faudrait plus de lumière – et moins de miroirs – pour échapper au regret – à la nostalgie – et accéder à ce qui prolonge l’homme…

 

 

Sur un axe – nous et les vents – et de part et d’autre – l’inconnu – autant devant que derrière. Visible le voisinage – seulement…

Quelques idées qui traversent la tête…

Quelques émotions qui traversent le cœur…

Entre infortune et providence – ni vraiment comblé – ni vraiment malheureux…

Cahin-caha – toujours – vers la lumière…

Quelques pas sans (véritable) conscience…

Quelque chose qui avance – en nous – imperceptiblement – invisible et sans imprudence…

 

 

Le soleil sur les pierres blanches – le visage innocent dans la lumière – et le reste – caché au sous-sol – au fond des âmes – à l’abri des regards ; ce qui est noir – impétueux – colérique – intraitable – le moins reluisant – les substances corporelles – la puanteur – la douleur – la désespérance – l’agonie et la mort – tous ces manques – tous ces manquements – hors-champ – relégués aux ombres de l’intimité – au chaos de notre solitude imparfaite – aux trop rares tête-à-têtes avec soi…

 

 

Quelques mouvements qui émergent des profondeurs – du silence – socle de toutes les agitations – de toutes les nervosités – l’ardeur des âmes et l’allant des foules – les petits jeux du monde qui font tressaillir les cœurs et se frotter les peaux parfois avec tendresse – parfois avec âpreté…

Tout ce qui apparaît – et éclate – sous la lumière…

 

 

Nous nous tenons là où nous avons jeté nos filets – juste au-dessus des pauvres remous de la surface – scrutant avec fébrilité la moindre émergence – attendant sans patience que quelques proies – des choses – des têtes – des cœurs – des âmes – soient pris au piège et remontés…

Sans un regard vers le ciel – sans imaginer un seul instant que l’invisible nous tient tous dans sa nasse – entre ses mains…

 

 

Des yeux sous la voûte – des ombres face à l’immensité – quelques bruits – quelques vagues – dans le silence et l’immobilité…

Et ces lignes – et ces pages – comme un murmure – long et discret – pour rappeler aux âmes leur chance et l’indispensable besogne qu’elles doivent accomplir pour se retrouver…

 

 

Ce que l’on connaît de soi – des îlots de terre noire – bûchers et cendres – des pas mal assurés vers l’inconnu – notre ardeur – quelques mythes personnels – des mensonges, bien sûr – quelques gestes triviaux – des idées communes – si répandues – déjà mille fois ressassées – des barques d’emprunt déposées ici et là – un peu partout – à la fin de chaque voyage…

La même chose que tout le monde – en somme…

Notre visage apparent…

 

 

Le sommeil qui s’étire – loin – très loin – si loin que nous allons, sans doute, continuer à dormir pendant des siècles – pendant des millénaires peut-être…

 

 

Notre voix – sans violence – murmure de solitaire discret – passant (presque) inaperçu dans les déserts qu’il traverse…

Un peu de neige sur la tête et les souliers – et, dans l’âme, son poids de silence…

Mains dans les poches et sur le visage, parfois, quelques larmes – une tristesse tendre et souriante sans autre raison que celle de vivre parmi les vivants…

 

 

Des paroles claires – parfois surprenantes – comme un défi à la bêtise et à la raison – rampantes ou sautillantes selon le dénivelé de la phrase et les aspérités du sens – porteuses de fenêtres immenses et de liberté – de forêts et de soleil – d’ombres, de rosée et de linceuls – déposées là – sur l’herbe et la pierre – dégagées du temps et de la nécessité des visages – admirables parfois – et sans auditoire (presque toujours) – et qui vieilliront, peut-être, avec patience pour s’offrir (pleinement) à celui qui, un jour, les lira avec attention…

 

 

Comme le jour – en nous – qui parfois se rompt…

Des ailes sur les mots qui s’élancent vers le monde en effleurant, de temps en temps, les choses du ciel – un peu de Divin descendu aussi bas que possible…

De la poussière d’or et de lumière…

 

 

Un trou – un peu plus loin – attend notre venue – un passage sans soleil – avec, de l’autre côté du noir, des avalanches de lumière…

Plus beau que dans nos rêves les plus extravagants…

 

 

A la frontière du bleu et de la nuit – au milieu des montagnes – dans le froid solitaire – comme dans n’importe quel désert – l’âme partagée – autant que le monde – entre les apparences et l’invisible…

 

 

Voyageur – parfois – la sueur au front – d’effort et de terreur – comme deux ailes repliées – épuisées par cette folle poursuite des ombres…

Du vent – de la cendre – et trop de routes possibles vers le même mystère…

A la fin – sans doute pourrons-nous dire que nous n’aurons fait que passer…

 

 

Le monde devant nos yeux – comme nous – les mains liées derrière le dos…

Le dos voûté – et tout qui s’efface – les souvenirs et la chair dispersés…

Et, bientôt, quelques os sous la terre…

 

 

Entre nos pairs et l’espace – notre destinée…

Entre le vide et l’interrogation – l’esprit…

Et notre âme qui n’a jamais su choisir…

Et le vent qui, sans cesse, s’en mêle – et qui, sans cesse, nous pousse – et qui, toujours, nous mène plus loin – ailleurs…

Mille séjours et des passages qui se succèdent – seulement…

 

 

Le perpétuel parti pris de la parole face au geste nu – sans autre racine que l’écoute et le silence – juste et droit comme une flèche – sans détour – sans hésitation – directement vers sa cible – parfait tel qu’il est…

 

 

Tout s’empare de nous – comme si nous étions un lieu à investir – un carrefour – un espace à remplir ; ce que nous sommes – littéralement – malgré nous – une étendue vierge que l’on habille – que l’on meuble – que l’on décore – inlassablement…

 

 

Dans le noir – à proximité – juché au-dessus de nos têtes – si absentes – si étourdies – trop souvent. En surplomb du monde et de toutes les chambres nuptiales – plus haut que tout – à l’exception de l’Amour qui nous élève…

 

 

A l’horizontale – ce mélange – cette étrangeté aux mille visages qui se plaint et se plie à toutes les nécessités…

Et ces hurlements dans l’âme – jamais entendue – jamais rejointe – le ciel scellé, pourtant, au milieu du front – et l’invisible comme axe central…

L’ébauche de l’homme – l’esquisse trop rapide (et trop élémentaire) des Dieux qui n’avaient, sous la main, qu’un peu de glaise et de vent…

 

 

Tout tombe – se vide et disparaît dans un trou – parfois à même le sol. Et pour l’essentiel des vivants – sans un seul regard – en silence – dans l’indifférence terrestre absolue – comme si la matière n’importait pas – comme s’il n’y avait rien au-dedans – ni au-dessus – ni derrière ; de simples amas de substances – fragiles – précaires – provisoires…

Ni âme – ni esprit – pas même la présence ou l’intention (malicieuse) des Dieux…

Du magma et le néant. Et le regard – trop haut – trop peu habité – pour que l’Amour sorte de son sommeil et puisse émerger au cœur de la chair…

 

 

Cette absence envahissante – dans la tête – au creux des mains – dans l’âme et le monde – plus qu’un découragement – plus qu’une inertie – ce qui n’est pas – ce qui ne peut être – là où il n’y a rien – ni personne – pas même un peu d’espérance…

Des lieux de misère et des grimaces…

Des instants volés au rêve – comme un trait sur le monde – biffé – raturé – avec une double barre dans la tête – ce que nous rappellent, sans cesse, les Autres – les vivants et les morts…

 

 

L’âme égratignée – couverte de plaies et de cicatrices ; tous les mensonges – les promesses non tenues – ce que l’on a tu – la somme incalculable des pertes et des déceptions…

L’aire de toutes les désillusions – immobile – jusqu’à ce que tout s’arrête…

 

 

Notre visage – rien qu’un miroir mille fois brisé – des éclats – des reflets – rien d’éternel – des fragments de monde – et un peu d’âme – parfois…

 

 

Les terres horizontales – de plus en plus étrangères – les rondes et les danses – le bruit – le cirque permanent – l’absence devenue maître du temps – les lois communes – la bêtise reine – les images trop grandes pour les têtes – envahissantes – la folie des cœurs en manque (carencés) – les ventres affamés et assassins – l’imposture élevée au rang de vérité…

Les ombres – partout – de plus en plus intimidantes…

Dieu – le ciel – l’exil – notre seul refuge – le silence et la solitude…

 

 

Comme un vieux rêve de contrebandier – avec des sacs emplis de fleurs et de parfums – des têtes gorgées d’éloges et de poésie – et des âmes débordantes de soleil et de gratitude…

Et nous autres – sur le chemin des crêtes – tout nus – en vérité – allant avec nos sandales usées et la besace (presque) vide…

 

 

L’âme chiffonnée – à la fenêtre – mains sur la poitrine – les cheveux ébouriffés par le vent – le cœur en tête – comme un défaut de fidélité – la lanterne des Autres accrochée trop près du front – à s’interroger sur la place du monde dans l’âme – et sur la place de l’âme dans le monde – et ne trouvant rien d’autre – en nous – et au-dehors – qu’un (immense) besoin de solitude et l’impérieuse nécessité de l’exil…

 

 

La hache et la lune dans le même sourire – collées sur les mêmes lèvres – le même visage – inséparables – à leur place – sans doute – comme les seuls outils de notre panoplie – les seuls instruments à notre disposition pour participer au(x) spectacle(s) du monde…

 

 

Du jour – tombant sur nous – de travers – de manière oblique – sur un seul versant – le moins exposé – le moins sensible – à l’ombre – comme un défi – un exercice d’anxiété pour nos pas en déséquilibre sur le fil tendu entre le silence et tous les possibles – avec la nuit – obscure – verticale – en contrebas…

 

 

Le grand vacarme de l’âme en réponse à l’insoluble question du « qui suis-je ? » Un grand tohu-bohu suivi d’un long – d’un très long – silence (définitif peut-être)…

 

 

Le monde – comme l’éternel retour – la naissance de tout, sans cesse, recommencée…

Et au-dessus – et en dessous – la même nuit qui s’étire – indéfiniment…

Et nous – sur ce fil invisible – tout au long de cet interminable voyage…

 

 

Sur le même point – oscillant – à demi ouvert – témoin du cours naturel des choses – nos battements de cœur – notre respiration – et l’inquiétude commune de ne plus être – un jour – mille fois vécu pourtant – comme toutes nos vies – oubliés…

 

 

Du monde et de la lumière qui se mélangent dans nos veines – dans notre sang frémissant…

Des rives – du ciel – et la main des Dieux qui distribue et répartit – du noir et des aventures – des fleurs et de la mort – et le déclin, le soir venu – et l’absence en hiver…

Pas la moindre âme qui vive ; et notre prison toujours aussi peuplée de fantômes…

L’éternel cheminement vers le même mystère – inconnu…

 

 

Errant – comme le voyage trop longtemps oublié – le verbe contre la douleur – le verbe au service de la terre – de l’envol et du ciel descendu – de l’intérieur vers le dehors – comme un rayonnement – comme l’écho (parfois nécessaire) du premier silence…

 

 

Parmi les arbres – nos frères – le feu silencieux au cœur de notre solitude – des visages fraternels au bord du front – le visage tourné vers nous – dans nos profondeurs secrètes – avec le même sang qui circule dans nos veines – entre nous – au centre du plus intime – au fond d’un plus grand que l’homme qui se partage en autant de parts que nécessaire…

 

24 mai 2020

Carnet n°232 Notes journalières

Dans le rythme infernal du monde – un interstice – un lieu – une manière d’échapper à l’emprise des Autres – un espace de paix et de clarté – une sorte de retrait en surplomb…

Une respiration libre – un souffle quasi océanique – notre seul refuge ; le silence intérieur…

 

 

Une parole sans pensée – des mots gonflés d’images ; il faudrait davantage d’âme et de gestes dans le langage – des lettres de chair – incarnées – profondément…

 

 

Le front investi – la tête, partout, célébrée – comme s’il était louable d’honorer la matrice du pire – cette étrange ingéniosité au service des instincts – grande pourvoyeuse de morts et de malheurs…

 

 

Nous blotti(s) contre nous-même(s) – l’âme accolée au visage – les pieds par-dessus la poitrine – les mains au fond du cœur – comme une manière collective de vivre notre solitude – notre besoin fraternel – parfaitement satisfait par notre communauté (intérieure)…

 

 

L’ombre qui s’élargit devant nous – à l’égal du désert qui avance ; rien en héritage – pas la moindre semence – pas la moindre récolte – pas le moindre chemin – le même indice – à chaque fois – à chaque instant – la solitude – l’exploration de ses propres univers – de ses propres frontières…

Le silence, en soi, patiemment creusé – et découvert – qui, peu à peu, retrouve sa place – son règne – sa primauté…

 

 

L’arbre contre notre joue – comme un ami – un appui – une manière de se tenir debout – d’embrasser toute la verticalité du monde – de supporter les abysses tortueux (et malsains) façonnés par les hommes – de vivre de manière moins insensée au milieu des visages – inévitables…

 

 

Vie de fuite et de refus – à distance du destin commun – affranchi du plus grossier – du plus ordinaire – affligeants – ineptes – hautement contagieux. Plus haut que l’inutile et l’absurdité – loin (le plus loin possible) des masses. En marge même des marginaux…

Seul avec Dieu – les arbres – les montagnes – les pierres et le silence – quelque chose d’un Absolu vivant – tangible – palpable – évident – l’invisible (intense) qui pénètre l’âme – l’être – parcouru de joie et de vibrations…

 

 

L’essentiel – hors de la page – au-dedans de l’âme et du geste – en deçà de toute intentionnalité – ce qui émerge naturellement de la coïncidence entre l’écoute et le silence – cette manne invisible qui, sans cesse, déferle sur nous…

 

 

Au loin – cette crête indéfinie qui relie – et rassemble – davantage qu’elle ne sépare – point de jonction, en quelque sorte, entre le haut et le bas – entre le proche et le lointain – ligne centrale où l’horizontalité et la verticalité se rejoignent – parfaitement…

 

 

Une lanterne dans chaque main – et remisées, au fond des poches, des réserves pour mille ans – à quoi bon lorsque le chemin réclame une âme et des pas nus – un cœur et des mains vides et innocents – rien, vous dis-je – pas même une tête fière (ou satisfaite) qui surplombe le néant de toutes les autres – au contraire – des larmes à la vue de tous ces malheurs – à la vue de toutes ces tombes – à la vue de toutes ces maladresses – et un élan colossal – inépuisable – pour demeurer sensible au milieu de l’indifférence et de l’hostilité…

 

 

Vie contre vie – les mains ouvertes – face au soleil – et dans les yeux – impassibles – le reflet de la course des astres – l’âme redressée – le seul salut possible – le seul salut nécessaire à la résurrection de la terre…

Le ciel au fond du cœur – la continuité des pas – comme une (immense) passerelle qui traverserait tous les murs pour relier toutes les choses – et tous les visages – du monde…

 

 

Tablettes et stèles – notre vie d’écriture érigée. De terre et de ciel – infiniment – comme un axe – un pont – nos lignes – notre destin – nos pas – les plus naturels…

 

 

Un point – presque rien – parmi ce qui existe – malgré le centre qui se dessine sur tous les miroirs – et ce que nous laisse croire l’esprit – prisonnier de ce visage qui semble doué d’autonomie et de liberté…

Rien – presque une totale illusion…

Une chose infime – et terriblement provisoire – porteuse d’une éternité et d’une immensité invisibles – indécelables sauf à effacer cette apparente identité – et, à travers ce seuil ténu, trouver un passage pour plonger en soi…

 

 

Rien et tant – à la fois…

Le vide – la terre – le ciel – et l’illimité partout – au-dehors comme au-dedans…

L’ombre – l’étoile – le chemin…

Les yeux tournés vers la pauvreté – puis, les pas vers le plus simple – avant le processus naturel des soustractions au terme duquel on devient un regard – pur – majestueux – autonome (véritablement) – et un baiser posé sur le front des vivants et sur les lèvres de la mort – avec quelque chose, en soi, de plus intense que le reste – de plus ardent que l’attente impatiente qui existait autrefois – et qui existe encore chez les Autres…

 

 

Rien – en effet – un regard – ce qui est – et ce qui nous traverse furtivement – et l’oubli (bien sûr) qui, sans cesse, efface…

Un point dans l’illimité – et l’illimité au cœur de ce point…

La folie naturelle de l’âme – retrouvée – et des rires plus vifs – plus éclatants que tous les soleils du monde…

Un cœur enfin vivant – sur des rives où la vie et la mort n’ont plus d’importance…

L’ombre et la lumière accueillies – l’absence de traces et de chemin – quelque chose, en nous, de la joie et de la dépossession : tout – identique – différent – entremêlé – sans la moindre aspérité – sans la moindre réclamation – tous les contours – toutes les frontières – pulvérisés – comme un retour – une évidence – d’avant le commencement du monde et du temps…

 

 

Le noir – le soir – la nuit – bannis des existences – bien trop sombres – bien trop obscures – déjà – et qui submergent pourtant le monde comme l’eau d’un fleuve en crue qui dévaste les berges – la terre – l’horizon…

Notre commune identité – cette étrange appartenance à la terre – à la matière – comme la couleur du plus grossier…

 

 

Le cœur – sur le sol – inguérissable – en des lieux-fantômes – sans espoir – sans lumière – porteur d’une voix et d’un langage étranges – comme un cierge dressé dans l’obscurité d’une cathédrale – pointé vers Dieu – le silence – un autre monde – au-delà du peuple et des rivages humains…

 

 

Le vent – comme la mort – reniflant autour de notre chambre – cherchant une faille – un interstice – la moindre anfractuosité – pour s’engouffrer – empaler notre cœur – pénétrer notre âme – nous libérer du monde et de la peur…

 

 

Le visage encerclé par le froid et les menaces ; et chaque visage ainsi – cerné par tous les autres…

 

 

La pluie – comme des gouttes d’argent sur la vitre – sur la terre – le dessein des Dieux – une grande arabesque de lumière – le jour étincelant – éparpillé – partagé en mille éclats minuscules – pour notre plus grande joie et l’essor du vivant…

 

 

Le silence et les cris – la lumière et ce qu’on laisse mourir dans le noir…

Nous autres – nous tous – seul(s) et réunis – le sort du provisoire – et, en lui, celui de l’éternel. Ce qui s’achève et ce qui ne peut s’achever – l’aurore et la cendre mélangées…

 

 

Le visage de l’enfant – blessé – sans cesse meurtri par les saillies et les aspérités du monde. L’âme trop innocente – sans doute – drapée d’intentions si naïves – porteuse de gestes authentiques et profonds où l’être entier est engagé – sur ce fil terrible – tragique – suspendu au-dessus du vide – invisible par les Autres retranchés derrière les apparences – les conventions – quelques viles stratégies pour parvenir à leurs fins…

 

 

Paroles et pages désarmées – sans appui – sans référence – sans allié – flèches décochées par l’aube – sans raison – dans la célébration discrète – presque secrète – du jour – offertes comme une torche (fragile) au milieu de la nuit…

Une manière de rompre la distance avec les hommes…

 

 

Comme une main dressée contre la barbarie du monde – comme une étoile au-dessus de la nuit – une envergure donnée à l’écume – un peu d’âme offert à la terre grise où les hommes vivent à la manière des pierres et des bêtes – presque sans visage…

 

 

Mille fois le même pas – sur le même sol – auprès de personne – parmi nos frères sans nom ; marche journalière teintée parfois de bleu, parfois de noir – sur ce bout de terre – ce mince rectangle de sable – sous ce carré de ciel aux couleurs changeantes – l’âme sensible – chagrinée, si souvent, par ces rives désertes – étonnée de n’appartenir à aucune communauté – et de demeurer seule de l’aube au couchant – puis de s’endormir en sa propre compagnie en songeant – rêveusement – amoureusement – au vrai visage de l’Amour…

 

 

La main tremblante qui s’avance pour toucher l’écorce de l’arbre – l’encre du monde – et l’âme prête à entrer dans l’espace intime de la forêt. Deux chemins – toujours – simultanés – celui que les yeux perçoivent – infiniment matériel – tangible – palpable – et celui qui demeure invisible – en retrait – intérieur – presque caché – l’un aussi essentiel que l’autre – à l’unisson – et qui mènent (presque toujours) dans la même direction…

 

 

Oiseau aux ailes brisées – trop souvent – contre l’écume du dernier jour…

Nos tentatives d’envol – d’effacement – comme l’ultime recours aux étoiles depuis ces rives perdues…

 

 

La mort – comme un ciel noir – très bas – qui recouvre l’âme des macchabées et l’insouciance de ceux qui respirent encore un peu…

 

 

Rien que des jours de plus en plus nocturnes…

Le silence retardé – ce chagrin immense – et ces pas – et ce voyage que nous entreprendrons plus tard – comme une aventure improbable – la recherche désespérée de rives moins tragiques – d’une terre plus lumineuse et fraternelle…

 

 

La poésie – en nous – comme la seule mémoire possible – le monde d’avant non rêvé – le plus authentique – celui qui précéda la première rencontre – le seul capable d’exister sans la moindre présence – sans le moindre visage…

 

 

Notre chambre au fond d’un jardin sauvage – une forêt très ancienne (et à l’avenir plus qu’incertain) – nous – à l’intérieur – au centre – invisible depuis le monde (humain) – vivant là en secret – sans miroir – sans témoin – dans les bras d’un Dieu rieur – aux gestes de glaise et au chant silencieux – aimé enfin – au milieu des arbres – sur la pierre blanche des chemins – enclin à célébrer la fraternité de toutes les âmes qui peuplent ces rives étranges et mystérieuses – restées inconnues jusqu’ici. Les yeux ouverts – le cœur sensible – la tête et le ventre apaisés – nous éveillant, peu à peu, à la joie et à la liberté sur cette étroite bande de terre posée entre le ciel et l’océan…

 

 

D’une rive à l’autre – sans broncher – de la terre à la terre – pendant mille nuits successives – à ramper dans l’obscurité – au milieu des rêves et de la mort – parmi nos semblables au teint pierreux…

La terre comme un immense jardin noir – un vaste terrain vague aménagé pour l’usage des hommes au détriment de la vie sauvage ; le signe – la preuve (patente) – de notre volonté pervertie – de notre grandeur corrompue…

 

 

Ici – à présent – au-delà de la solitude – dans cet antre ouvert et froid – nocturne en plein jour – solaire dans la nuit noire – posé partout où nous nous trouvons – sans violence – au plus près de la source du monde – des visages et des pas…

A demeure où que nous soyons…

 

 

Le bleu du monde découvert à mains nues – le regard clair face à l’obscurité des corps – à la maladresse des âmes – à l’imperfection commune à l’œuvre…

Les hommes et la mort tels qu’ils sont…

 

 

Le pouvoir des rêves et du temps qui ont, peu à peu, colonisé les têtes…

Notre attente impatiente des prochains événements – notre incapacité millénaire à être présents là où nous sommes…

L’immobilité – l’espace fixe – et l’incessant défilé des images…

Ce qui passe sans jamais s’arrêter dans le regard – l’envergure infinie. Et, un peu partout, des milliards d’amas – une infinité d’objets et de visages qui brûlent ; la matière – le monde provisoire – qui se métamorphosent – la chair et le bois qui se transforment en cendres et en fumée grise que dispersent les vents…

 

 

Dans le plus simple du jour – l’âme fidèle – à déambuler – à heures régulières – sur les rives du silence – paumes l’une contre l’autre – le visage légèrement tourné vers le sol – le cœur ouvert – docile aux exigences du ciel et aux impératifs du monde – le feu à l’abri des regards – l’âme paisible dans l’intimité de la chambre prénuptiale…

 

 

Sans masque – sans empire – sur la pierre nue – ciel et silence en soi – chaque geste comme une prière précise – le regard déployé – posé légèrement au-dessus du monde…

 

 

Sans exigence – sans effort – à pas lents sur la sente qui s’impose – le ciel et les Dieux en tête – et des larmes inconsolables devant l’incompréhension et la difficulté des vivants…

 

 

La chair vieillissante – sans incidence sur la fraîcheur – et l’innocence – de l’âme…

L’Amour en soi qui a, peu à peu, effacé les menaces – les risques – les enjeux. L’esprit vide et libre – affranchi des désirs – des souvenirs – des stratégies. Les yeux lucides et le cœur proche des grands arbres – à l’écart des visages trop froids et des postures trop grossières – sur le versant ensoleillé du regard – de plus en plus loin du sommeil et du périmètre où sont confinés les hommes…

 

 

La mort en face et le repli derrière soi – au centre du refuge – là où le sourire et l’attention ne font plus qu’un dans les yeux – dans l’âme – comme un regard sans saisie – une présence douce et pénétrante qui, selon les circonstances et les visages, tranche ou attendrit…

 

 

Rien que des yeux – des enfants à chérir et des maladresses à pardonner – le signe, peut-être, d’une sagesse très ancienne lorsque les têtes se tenaient loin de la torpeur – de la distraction – de l’inquiétude – lorsque le silence et le vent régnaient partout – sans partage…

 

 

Présence noire – parfois – comme une ombre immense et passagère – une flaque de sang sur la pierre blanche – un long cri plaintif dans le silence…

La tête repliée sur soi…

 

 

Une terre étrangère – comme un monde soudainement dépeuplé – balayé par un vent furieux – dévastateur – qui écrase toute possibilité de résistance – conscient, peut-être, de son rôle purificateur…

 

 

La création d’une grande étendue sombre pour nous rappeler l’incessant labeur de la nuit – ses tristes avancées – son irrépressible ascension – son invasion implacable et ordonnée…

Et – en nous – la bête qui hurle – en recouvrant, malgré elle, les gémissements de l’âme qui tremble…

 

 

Ici – un chemin sans rivage…

Là-bas – une rive perdue – isolée – comme une île lointaine – introuvable…

Ici – les linéaments d’une présence – quelque chose de simple et d’immobile – de (presque) sage…

Là-bas – une absence (quasi) totale – de la vitesse et du stress – la folie incarnée – l’étrange démesure de ceux qui s’imaginent vivants…

 

 

Des tourments – des blessures – du sang – l’inintelligence sacralisée. Partout – le règne de la prétention et de la douleur…

 

 

La simplicité dans l’âme – le sol droit – le ciel présent. Quelque chose comme une sagesse sans vérité et une existence d’errance (apparente) – l’incertitude, à chaque instant, recommencée – le geste juste et précis – l’ardeur et les pas qui, chaque jour, se réinventent – le feu et la précarité – notre destin (véritable)…

 

 

Crispés sur nos anciennes forces – sur tout ce qui nous semblait éternel – et qui s’avèrent, en réalité, aussi fragiles – aussi précaires – aussi éphémères – que les feuilles des arbres – l’herbe sauvage des fossés – la beauté d’un visage…

 

 

Sur la terre simple – le feu dans les profondeurs de l’âme – l’ardeur dans nos mains – le pas tranquille – et l’esprit silencieux et déployé…

 

 

Tout se déchire – sur ces rives…

Tout apparaît et se désagrège entre l’aube – le sable – le ciel…

La vie comme un chant – puis, comme un naufrage…

Qu’importe les larmes et l’agilité des mains – un jour – tout se délite – tout se défait – la matière du monde comme l’immatérialité des idées et des émotions – et ne reste, bientôt, sous la voûte que l’écho de notre dernier cri…

 

 

Des oiseaux plein la tête – dans cette salle où l’on a accepté de vivre – au cœur de cet espace autrefois si désirable – devenu aujourd’hui un périmètre de tristesse et de désolation – comme la marque de la mort et de la malédiction sur notre existence – le lieu de la cacophonie et de la déperdition – la périphérie de l’enfer dont l’âme serait le centre ; aussi, nulle échappatoire – à présent – nulle autre possibilité que celle de se laisser envahir par le monde et la nuit – ces odieux outils du Diable

 

 

Nous cédons – toujours – devant les eaux noires et cruelles (résignation contrainte et détestable) – la joue contre la vitre – et des larmes qui coulent sur la joue – soumis au vieillissement hors du cercle de sagesse – loin des Dieux et du silence – parmi les cris et la détresse des bêtes et des hommes qui nous entourent…

 

 

Sur la même rive – depuis le premier jour – le chant terré au fond du cœur – trop timide pour confier sa douleur au-dehors – réduit à vibrer dans l’âme ; quelques mots pour aimer et trouver la force de quitter cette terre sans tendresse – sans fraternité – où l’Amour n’est qu’un phare (trop) lointain…

 

 

Le réel – dans le geste et la voix – dense et léger – terrien et, pourtant, salvateur – qui nous rapproche, d’une étrange manière, de l’invisible – du ciel chargé de silence et de liberté…

 

 

Le monde à l’écume blanche – aux abysses sombres – périmètre de l’homme et de la pierre à la surface, si souvent, grise et douloureuse…

 

 

Les ombres – grandissantes – de la nuit – cette zone où chacun s’égare – contrée porteuse de lampes trompeuses qui donnent le sentiment d’une perspective et d’une infinité de possibles ; mirages – simplement – qui nous enfoncent plus profondément dans le noir et la cécité…

 

 

Ce qui est perdu – ce que nous tenons dans nos mains – les choses amassées dans la tête – tous les trésors supposés des hommes et des âmes…

Nous n’avons rien – et ce qui reste ne nous appartient pas…

Nous sommes le vent qui souffle – le vent qui passe – et le sable soulevé – et les oiseaux emportés plus haut – emportés plus loin…

 

 

D’arbre en arbre – de crête en crête – la voix et l’oiseau – à bonne distance de la mort – cherchant un lieu isolé – la place du chant et de la lumière – la proximité de l’aube qui délivre – le cœur du ciel sur terre – l’endroit de l’innocence…

 

 

Vivant – sans volonté – là où l’ombre est inguérissable – parfaitement entravé par le gris épais des jours et du monde – sous l’indifférence des yeux et les moqueries de quelques-uns – cerné par l’obscurité et la souffrance – et oublié des Dieux…

Sur la terre triste – si triste – des hommes…

 

 

Du sol – et la même aube que là-haut – là où l’on est condamné à vivre ni selon le hasard – ni selon ses mérites – dans la vraisemblance d’une possible vérité – au centre et en exil – au milieu de la haine et de l’amour – simultanément – partout où la lumière – invincible – semble avoir été (provisoirement) vaincue…

 

 

Arrimés aux rives des choses – à la surface de la matière – dans la proximité des naissances et des déploiements – au plus près de la mort qui rôde et s’abat…

L’espace comme un sol – et un peu d’air – le ciel au-dessus – et le feu au-dedans – le noir partout – et quelques lampes pour éclairer la route et les pas – quelques étoiles – ici et là – histoire de gagner en rêve et en clarté (si l’on peut dire)…

La matière et le silence dans leur secrète alliance – et la même chose pour les malheurs et la joie – quelque chose d’invisible – et d’incompréhensible – pour l’esprit commun – trop corrompu par les images et la bêtise (envoûtante – fascinante) des foules…

 

 

Là où l’on doit vivre – sans consigne particulière ; l’ombre au milieu du jour – sur la même pierre – en exil parmi les Autres – dans l’attente de l’inespéré – le silence – la lumière – la vérité…

 

 

Le destin – n’importe lequel – un passage – le plus proche. Et notre cœur à extraire de la roche – et la chaleur à faire naître au milieu de la glace. Des millénaires d’absence à convertir en gestes de pure présence…

La matière transcendée – la seule réelle ambition du vivant…

 

 

L’âme couchée dans la rosée matinale – dans son bain de fraîcheur – avant sa rude besogne quotidienne ; l’effacement (délicat) des luttes et des résistances – la route à éclairer – les conseils à prodiguer – l’écoute et l’attention de chaque instant. Tâches indispensables qu’elle sera seule à accomplir – étincelle pugnace contre l’œuvre générale – celle du monde entier (à quelques exceptions près) guidé par la nuit épaisse (et inévitable)…

 

 

Une étoile au-dessus de la tête – comme une vague promesse – un fieffé mensonge ; rien à franchir – rien à poursuivre – rien à perdre – rien à gagner – se laisser aller – comme le chant né du fond du ventre qui jaillit par les voies les plus naturelles – regarder – accueillir – et obéir aux courants d’énergie et de matière qui nous soulèvent et nous emportent – et aux inclinaisons de l’âme – à son penchant naturel pour la lumière – le silence – la vérité…

 

 

Au loin – ces nuages – et ce clocher – le monde des hommes et le ciel – sans commune mesure – trop distant l’un de l’autre – séparés par trop de peurs et d’abîmes – sans autre lien que l’âme libre et vierge – redressée…

 

 

Sur la pierre grise – le feu patient et dénaturé par l’attente – affaibli par nos ombres et nos (stupides) exigences. Pays de terre et de gravité – parsemé de roches magmatiques…

 

 

L’aube silencieuse – à travers la vitre – le monde d’en-bas – espérant. Les hommes au sommeil frémissant – enterrés dans le sable – corps et âme – empêtrés jusqu’au cou – la gorge resserrée – retenant des monceaux de paroles devenues inutiles…

 

 

Ce que l’on perd en s’éloignant du monde – en s’écartant des hommes – le feu de l’espérance tari – l’éternel sur la pierre – l’immobilité verticale – insensible aux visages d’autrefois – à nos cris trop anciens – aux larmes et aux cendres – aux ruines de nos empires passés – à nos grimaces et à nos chutes dans la nuit envoûtante et infernale…

Et notre âme nue – à présent – face à ce qui vient…

 

 

Des pas – un chant – le jour…

Et ce qui se rapproche – sans volonté…

Aussi libre que l’arbre et l’oiseau – et aussi évident (et discret) que leur relation avec le ciel. Toujours moins hautes – la tête et l’ambition…

L’aube déjà couchée dans l’âme – et qu’il nous faudra apprendre à éveiller sans bruit – sans heurt…

La fin d’un monde – et l’œuvre – et le voyage – inachevables – à jamais…

 

 

En nous – rétablie la paix – sur ces choses grises – en désordre – le cœur incliné au milieu de la nuit – à veiller près du visage de la mort…

Nos peines étalées sur la table – éclairées par cet autre visage – en soi – posté près de la fenêtre – dans cette lumière étrange – et indéfiniment recommencée…

 

 

Dans la forêt – sur cette terre – là où vivent les bêtes – au cœur de la nature sauvage – notre présence silencieuse – proche du ciel – proche du jour – au milieu des ombres ordinaires – comme un jardin abandonné – un lieu où pourraient régner ensemble l’Amour et la mort – sans haine – sans blessure – sans douleur…

 

 

Vêtu de rien – quelques larmes passagères – un peu de tristesse sur la blancheur du jour – l’aube dans l’âme – grandissante – quelque chose de si léger sur le sol – à peine une apparence – les contours presque effacés d’une existence – incroyablement fragile…

Le front – invisible – plus haut que la sagesse – au-delà de la mélancolie – de toute grisaille – posé sur le seuil de l’autre monde – sur cette étroite bande de terre où chaque instant célèbre la même devise terrestre, réinventée sans impatience, scellant ensemble l’aube et la mort – enlacées – et gravée sur chaque pierre foulée avec innocence…

 

 

La parole défaite par trop de luttes inutiles – par trop de rage et de combats – comme les pans dérisoires d’une résistance sans effet…

Capitulante – et gisant, parfois, sur la terre noire et piétinée – inerte – sans la moindre main pour la redresser – lui insuffler la force de se tenir debout – sans appui – sans étai – libre des béquilles d’autrefois – portée seulement par l’ardeur de l’innocence et la puissance des forces aimantes – comme une excroissance du sol – de la terre – défiant l’indifférence du monde et la vanité du temps…

 

 

Peut-être n’avons-nous jamais réellement consenti à aimer – peut-être n’avons-nous jamais vraiment su ce que veut dire aimer…

Des dalles manquantes sur un chemin – avec des trous devenus, peu à peu, des brèches…

Des parois de pierres et de silence…

Aujourd’hui – tous les visages ont disparu – partis – emportés ailleurs – attirés par d’autres figures et d’autres chants…

A présent – la solitude – et nul autre endroit où aller – pas même un refuge ou une possibilité de fuir le lieu de la tristesse et de la désolation – et l’âme (exagérément) nostalgique…

Rien que la nuit et un (très) long mur gris à longer…

 

 

On ne vivra plus rien – on ne bâtira plus rien – on se laissera lentement glisser vers la mort…

Plus de combat – ni de destin à édifier…

Mille choses qui s’effritent – au milieu de la poussière…

Le monde – en soi – au bord de l’effondrement…

Et l’âme qui s’éclipse – discrètement – sur la pointe des pieds – nous laissant seul parmi les gravats – au milieu du néant…

De la nuit et des larmes avant de succomber…

 

 

Le feu à l’agonie sur quelques (pauvres) restants de lumière…

 

 

L’âme sur les rives des hommes – allongée dans le froid – recroquevillée sur elle-même – dans l’attente angoissée de la mort – au milieu des ruines et du silence…

L’esprit abattu par l’impossibilité de l’Amour et de la rencontre – la tête vaincue posée sur le sol – la mémoire si gorgée de douleur et de souvenirs que ni demain – ni l’éternité – ne pourrait nous secourir – nous consoler ; il faudrait, sans doute, tout déverser – tout laisser se répandre sur la pierre nue et grise – et s’abandonner (pleinement) au ciel sans soleil…

 

17 avril 2020

Carnet n°231 Notes journalières

Nu – comme la naissance du jour – l’authentique témoignage de l’enfance – nos mains dans la terre ; ce qui est affranchi de toute compromission – de toute alliance – le plus innocent – ce que nous serions sans la ronde des visages – des idées – des saisons. Dans cette justesse nécessaire au franchissement de tous les seuils…

 

 

Seul – frigorifié – comme toutes les bêtes dans la nuit – mais heureux de l’absence des hommes – allongé sur la pierre – dans l’intimité de l’herbe et des étoiles – la mort et la fête, tout près, qui rôdent ; le noir sans spectacle – sans simagrée. Notre front plissé par les soucis – l’inquiétude – la tournure (inévitablement) tragique du monde…

 

 

Le monde franchi – l’épreuve traversée – que reste-t-il de cette très ancienne fidélité…

L’Amour aussi clair – aussi vif – aussi innocent – que la lumière. Des rêves envolés – remplacés par des ailes d’oiseaux – grandes et généreuses – prêtes à redresser notre âme et à nous faire traverser, une à une, toutes les terres sans soleil…

Voyage hors de la pensée – plongé dans le plein silence – et la légèreté nécessaire…

L’inversion des choses du monde et de la matière – pierres au-dessus – ciel en-dessous – et l’âme flottante – volant, en quelque sorte, entre les paysages mobiles – effleurant toutes les merveilles…

 

 

Terres blanches – au-delà des yeux – la mort reléguée hors du tombeau – en plein visage – au cœur même de notre vie – sans fard – sans secours – plus lourde que tous nos rêves – ces milliers d’images inconsistantes et consolatrices – la tête éprise – basculée – plongée au milieu des os et de la chair – la bouche muette – l’âme effrayée – comme si l’existence n’était peuplée que d’absence…

Partout – la mort et le silence – et notre inquiète solitude…

 

 

L’intimité avec les choses du monde – comme une fleur invisible dont s’imprègne le souffle – de l’âme au geste – du geste à la bouche – la vie intense – enivrante – à chaque instant que le silence honore…

 

 

Jamais las du même néant qu’on leur propose – qu’on leur offre – les hommes et leur appétit – les hommes et leur crainte de la solitude et de l’ennui…

De désir en absence jusqu’à la fin des âges – jusqu’à la fin des temps…

 

 

Le monde – effacé en un seul adieu – long – (presque) interminable…

 

 

Seul – debout – sans se sentir inquiet – ni défiguré – d’un seul tenant – plus solide et sensible qu’autrefois…

Face au ciel – le front silencieux…

Et dans l’âme, mille chants d’oiseaux – et devant les yeux, le défilé des merveilles et des chagrins…

 

 

Tremblants devant le monde – les âmes – cette longue nuit – le ciel – cette faim – notre visage et nos mains – façonnés par le sang et le silence – à la fois familiers des choses et si étrangers aux enjeux (réels) de cette existence…

 

 

Le monde comme un questionnement – une épreuve – un exil – un refuge – une manière de parler d’une chose – comme toutes choses – que nul ne connaît vraiment…

Une sorte de savoir appris par ouï-dire – par approximation – imprécis – impressions vagues plutôt que certitudes – nécessaire pour alimenter les échanges – habiller le silence d’un peu de bruit – façon (évidente) de fuir l’incompréhension – la solitude – le vide et l’ennui – dans lesquels chacun se trouve empêtré – inconfortablement…

 

 

Le cœur en feu – manière de réchauffer l’atmosphère – le monde et les visages – plus que glacés – et de nous épargner une vaine attente – la résolution impossible d’un tracas par quelque entité extérieure – de privilégier le premier centre du cercle et le carburant le plus naturel…

 

 

Et nous – tremblants – devant tant d’histoires dérisoires…

Du brouillard – des prières – du silence – presque toujours les mêmes éléments du mystère – du massacre – de l’existence ordinaire…

Des murs à escalader – des rêves à réinventer – des chemins à découvrir ; l’errance de l’âme scellée dans la matière…

Un long voyage – plus ou moins définitif – à quelques jours près…

 

 

L’hiver – comme la seule saison…

Le désert – comme l’unique décor…

L’âme ici – et au loin – et au-dedans – cette étrange fumée grise…

Et cette marche dans la même ruelle étroite – avec cette charge – cette immense tristesse à porter chaque matin – comme un vêtement journalier…

L’épuisement quotidien face à l’éternité…

 

 

Nous ne survivons – nous n’avons survécu – nous ne survivrons – qu’à nous-même(s) – à ces milliards de dépouilles successives…

Immobile(s) – presque inchangé(s) – sans même nous en rendre compte…

 

 

Quelque chose – en chacun – du chaos. Du désordre et de la violence – en pensées – en actes – en mots – tous nos désirs et les outils pour les satisfaire – presque notre seule réalité…

Le silence – la joie – sont ailleurs – du côté de l’Absolu – sur le versant (toujours inconnu) du monde – là où l’infini et l’éternité peuvent déployer leur envergure sans restriction…

 

 

Trop de charge – d’idées – d’images – de mots et d’événements – pour être heureux…

De longues échardes de joie dans la chair…

Notre vie – notre souffrance…

Et ceux qui vivent indemnes marchent les yeux fermés – les mains sur les oreilles – avec mille couches de bruits sur la douleur ; une existence de cacophonie permanente – presque inconsciente…

Des fantômes mécaniques et anesthésiés – moins que vivants – en somme…

 

 

Nous – aimant l’infidélité – la liberté de trahir – mille tâches à faire – mille choses dans les mains – la crainte que nous inspirons et l’envie que nous suscitons…

Cette sinistre étoile que nous portons (tous) sur le front – les éclats d’une nuit folle et désespérante…

 

 

Rien qu’une fièvre et mille délires – nous autres et le monde – bêtes féroces – impuissantes à changer…

 

 

Devant les lèvres – cet autre silence – différent de celui du dedans – plus étranger – comme un assoupissement – une absence – de l’Autre – du monde – alors qu’à l’intérieur nous nous taisons en signe de remerciement – comme une gratitude – une forme de célébration – un hommage à la beauté de ce qui est devant nos yeux…

 

 

Un langage, parfois, comme une pierre – parfois, comme une fleur – nous n’avons le choix des mots – pas davantage que celui des outils et des usages…

La parole naît dans la bouche silencieuse des Dieux qui nous chuchotent à l’oreille quelques froissements d’air pour ne pas être entendus – ou qui lancent, parfois, sur la page de minuscules poignées de neige…

 

 

Nous sommes le ciel en retrait – invisible depuis les rives humaines. Nous sommes l’épaule contre laquelle nous appuyons, parfois, notre tristesse et le front qui lance au monde quelques idées – anciennes très souvent – nouvelles plus rarement. Nous sommes la nuit qui rêve – les mains qui frappent et qui caressent. Nous sommes un chant – la terre – et tous les martyrs inentendus. Nous sommes simples – incroyablement simples – et complexes – horriblement sophistiqués – quelque chose de combiné qui ressemblerait au monde – à un visage – à l’univers – à l’infini dans notre tête – à toutes les âmes effarouchées de vivre au milieu des Autres – quelque chose d’insaisissable et de trop incertain pour être attrapé par la pensée – avec un peu de langage – et être fixé avec quelques traits sur la page ou avec quelques sons nés de la bouche des hommes…

 

 

Contre le ciel – parfois – notre tête rêveuse – sans âge – sur des épaules lasses – fatiguées par la proximité du monde – hommes et bruits – et les pas – presque libres – quasi autonomes – se dirigeant (naturellement) vers la forêt – les grands arbres – la solitude et le silence – l’âme déjà loin devant – goûtant, un peu à l’écart, le plus simple du vivant – et le plus précieux – peut-être…

 

 

Le feu et la neige qui se disputent notre sommeil – les mains glacées et le front brûlant – l’ombre flottant dans l’eau – se laissant aller au rythme naturel des flots. Et sur les berges – des fleurs et des visages – éclaboussés par cet étrange combat…

 

 

Des jours passagers – quelques dizaines de milliers ; chaque instant – effacé ainsi – sans épuisement – posé là – et poussé par les vents – inexorablement…

Au cœur du même voyage – éternellement…

Les apparences diverses – et l’âme dans sa continuité – peut-être…

Tout s’écoule ainsi – de l’origine à l’origine – à travers toutes les vies – à travers toutes les morts – sans cesse recommencées…

 

 

Seul – toujours – de plus en plus – dans tous les tourbillons – de cercle en cercle – de plus en plus large – sans doute – au cœur du même infini…

 

 

Aux sources de l’eau et de la lumière – nos visages et nos âmes – les uns défilant dans une ronde effrénée – les autres cherchant un chemin au milieu des danses – empruntant la même pente – de plus en plus déserte à mesure des pas…

Voyage d’une partie du ciel à une autre – dans l’illusoire sentiment de traverser mille univers différents…

Au fond, le même cœur – la même étendue – et des paysages aux formes et aux couleurs changeantes…

 

 

Dans le nom éprouvé de la rencontre – de l’amour – moins essentiel que le sang – une sorte de ciel – comme caché derrière les yeux – une sorte de réalité déguisée – presque un mensonge. La négligence et l’oubli – ce qui est volontairement dissimulé – comme une ruse – une manière atroce de s’illusionner et de leurrer les Autres – tout un monde sacrifié par une fausse vérité mise en avant…

 

 

Dans un monde de masques et d’instincts – inadapté – trop innocent – trop idéaliste – trop sauvage. Le front nu – sans rôle – sans grimace. Un sourire discret et silencieux – les yeux tournés vers un ciel plus haut – plus ancien – plus authentique – que celui que voient les hommes – le seul peut-être – le seul sans doute…

 

 

Tout s’assemble et se disloque – sans répit – tout s’enlace et se rompt – les pierres – les choses – les visages…

Et à terme – toutes les solitudes du monde se retrouvent…

 

 

Jusqu’au bord de la source – nous serons accompagnés – jusqu’au commencement du jour…

 

 

En tous lieux – les mêmes lois – les mêmes mots – le temps – trop de grimaces et de mensonges – trop d’inconscience et de cruauté…

Des rêves et des orages – et les grognements belliqueux ou plaintifs de la meute…

Et un peu plus loin – un peu à l’écart – notre sourire et notre visage – invisibles – et notre chant inentendu…

 

 

Et ce repli apparent vers l’enfance – et ce saut nécessaire au cœur du silence. Une vie hors des fables – sensible ; en larmes, presque chaque jour, devant la marche tragique de ceux qui passent…

 

 

Toi – devenant la frayeur que tu vois briller dans les yeux des Autres – la folie inguérissable du monde – la source de tout – et ce qui s’en amuse – bien sûr…

 

 

Ça se répand depuis l’origine – le premier jour du monde ; avant – on l’ignore – sans doute n’y avait-il qu’une vague intention qui a, peu à peu, gagné en ardeur et en puissance pour être capable d’éclater et de couler ainsi jusqu’à la fin du monde – jusqu’à la fin des temps…

 

 

Devenir pour que renaisse le souffle – pousser des portes – oublier – mêler son âme aux visages et aux rêves qui passent – lever les yeux – y être – se perdre – oublier encore – et recommencer…

Le jeu insensé du monde – pour rien – sans raison – comme ça – pas même pour le plaisir du jeu…

Une route accidentelle – peut-être…

 

 

Grimper à l’échelle tendue par un Autre – mille Autres – pour quelles (mauvaises) raisons faudrait-il s’y résoudre…

 

 

Une nuit sans à-coup – longue et glissante – pour que la chute soit continue – imperceptible et continue…

 

 

Le vent – plus léger – sur nos épaules abandonnées – ni rêve – ni tête – et des gestes plus justes et moins tremblants…

L’instant plus dense que la soif…

Des rangées d’arbres au fond de la poitrine – et un oiseau dans chaque main – aussi libres que dans le ciel…

 

 

Encore trop de sommeil sur le visage – les yeux clos et l’âme à l’horizontale…

 

 

La course et le déclin auront été (extrêmement) solitaires – autant que l’effacement – l’envol et la disparition…

Et l’existence frugale et forestière…

Et l’âme – incroyablement curieuse – comme une fenêtre ouverte sur l’invisible…

 

 

Rien qu’un regard pour habiter l’infini – le reste n’aura – bientôt – plus d’importance (si tant est qu’il en ait déjà eu)…

 

 

Entre la folie des bêtes et la folie des hommes sans tête – la sauvagerie de l’âme et l’œil lucide sur la ruse des marchands et la direction prise par les vents et la marche du monde – des ondes ressenties – des signes invisibles – la solitude hissée jusqu’au faîte pour que les chemins soient plus justes et se conforment au rythme (naturel) des saisons…

 

 

Des visages – de plus en plus lointains – de plus en plus étrangers – quelque chose comme une apparence – une façade creuse (très souvent) – sorte de carapace vide – sans âme – ou si éloignée qu’elle semble inexistante…

 

 

Dans la lumière discrète du jour – le monde à notre seuil – imaginé seulement – tout un cortège de visages curieux – embarrassés de se retrouver face à cette solitude silencieuse – cette part d’eux-mêmes inconnue – jugée (pour l’heure) dangereuse – presque détestable…

 

 

Des cierges plein les mains mais quelque chose de froid à la place du cœur – comme si les termes de l’équation avaient été inversés…

 

 

Les coudées franches mais l’âme cadenassée – le cœur dur – impénétrable – malgré la profusion des mots et des émotions – comme une infirmité de plus en plus invalidante – de plus en plus insupportable…

Et cette récurrence des seuils à franchir – d’exercices à réaliser – d’ombres à défaire – comme si l’existence était une course – une épreuve – un défi…

Rien de plus stupide – rien de plus aliénant…

Lorsque viendra l’ultime instant – ne restera que des larmes et des regrets…

 

 

En rang – disciplinés – nos rêves – plein d’espoir et de patience – et si ignorants de l’illusion du monde et de l’esprit…

 

 

Des remparts autour de nous – constitués de mots – de bruits – de choses – pour protéger nos trésors si laborieusement acquis – quelques objets – quelques titres – quelques visages – que nous croyons posséder…

Tant d’illusions devant et derrière les murs – et ces fenêtres percées qui n’ouvrent que sur d’autres chimères…

 

 

Certains jours – du silence – en rêve – seulement…

Du vent – de l’écume – des coups de semonce – au pied de l’innommable qui pénètre l’âme sans prévenir – sans même s’annoncer…

Des crocs – de la rage – et ces tristes restes d’enfance…

Notre vie rude (et inguérissable)…

 

 

L’aube – et sa présence dans l’âme – comme un espace épargné par le monde – silencieux – bénéfique à celui qui vit de lignes et de pas – à la lisière du périmètre commun…

Autour de soi – personne – aucun être qui donne – rien que des bouches qui réclament…

Pas une seule créature qui offre – présente et attentive – toutes qui exigent et s’approprient – absentes – assujetties à leurs propres mouvements – à leurs propres besoins…

 

Tantôt fleur – tantôt pierre – on erre (tous) sur des chemins impossibles – sous la pluie et une lumière, parfois, ruisselante…

Des pas qui s’éloignent de l’aube et du Divin…

Des seuils infranchissables…

Des apparences impénétrables…

Des vies apparemment construites sur d’étranges (et épaisses) illusions…

 

 

Rien qu’un grand désert – au-dehors comme au-dedans – avec du bruit et de grands cris – des milliards d’yeux et de ventres – la terre monstrueuse des vivants – le cœur arraché et le rire interdit. A respirer – à essayer de reprendre souffle devant la condamnation et le lynchage permanents des innocents…

Des plaintes et des pensées aussi inutiles que notre main tendue…

Un peu de soleil – et notre folle espérance de pouvoir, un jour, vivre ensemble…

 

 

Les yeux fermés sur la nuit qui dure – depuis trop longtemps – avec toutes les flèches du monde plantées dans la poitrine…

 

 

Ce qui danse dans la chute – le vent – quelques mots – quelques feuilles – notre manière d’apparaître et de résister – notre cœur et l’espace – si semblables – si interchangeables – le coin où nous sommes assis – là où notre roulotte est posée – les pierres et les visages alentour…

Tout tourne – notre tête – ce monde – cette existence – tous les éléments de cet étrange voyage…

 

 

Rien – désormais – qui ne soit droit – pas la moindre chose qui nous appartienne – pas la moindre aspérité – pas la moindre ligne – à laquelle se raccrocher. Nous dévalons la pente et notre chute est verticale…

Et tout (bien sûr) restera inachevé…

 

 

La tête entre le marbre et le sommeil…

Et ces bruits – au-dedans – qui cognent…

Et le silence – plus haut – qui se moque de notre douleur – de notre effroi…

 

 

L’enfance dans le dos – et sur les épaules – cette tête trop lourde – et en-dessous – la poitrine – et plus bas – les pieds qui jouent du tambour sur le sol ; l’impatience de rejoindre l’origine – le premier jour de l’innocence…

Inconsolable – comme nous tous – devant la fureur du temps…

 

 

Il y a tant de choses étranges sous le ciel – des arabesques et des arcs-en-ciel – couleur de soir – couleur de mort – des danses et des tourbillons – et, au-dedans des âmes, une immense inertie recouverte par une (épaisse) chape de plomb…

Les mains encore trop écartées du cœur pour s’arracher du monde…

 

 

L’impossibilité du monde…

Rien qu’un trait…

 

 

De heurt en heurt – jusqu’à l’horizon où l’on imagine, parfois, la joie installée. Et la marche (bien sûr) nous rend inaccessibles l’un et l’autre. Et de ce découragement naît (peut naître) le regard sur le pas présent – les gestes quotidiens nécessaires – le carré de terre où l’on se tient – le carré de ciel au-dessus de notre tête – et le contentement – et la gratitude – d’y être – de s’y trouver (déjà)…

Nous n’avons rien d’autre – et où que l’on aille – nous n’aurons que cela ; le reste – tout le reste – n’est que fantasme – désir – mensonge et illusion… 

 

 

En faisant face à ce qui est là – à ce qui se tient en – et devant – nous – sans aucune échappatoire – nous apprenons à vivre le réel avec une envergure grandissante – et avec une âme de plus en plus joyeuse et vivante…

 

 

Cette lente (et très ancienne) respiration de la terre – puis, l’apparition de l’homme – et, soudain, partout l’asphyxie…

En quelques instants – l’agonie et le règne de la mort…

 

 

Le rêve – l’attente et le tourment…

Nos vies en laisse…

 

 

Des choses dans les mains – offertes. Comme les idées – passagères. Et ce chant au bout des doigts – si léger – comme un jour découvert – comme le mot « silence » prononcé à voix basse – à peine murmuré…

 

 

L’étrange place où nous nous trouvons – là où la vie nous a posé(s) pour quelques jours – pour quelques instants…

Le voyage – jamais brisé – contrairement au cœur qui réclame – depuis si longtemps – un peu de répit – un peu de guérison…

 

 

Des feuilles – des poètes – des moines – des sages – des pierres – des arbres – des pas – quelques mots et le silence…

Notre vie de solitude…

 

 

Allongé sur la pierre – le monde, en soi, qui lentement s’éteint – l’âme tendre – aussi colorée que les fleurs – aussi joyeuse que les oiseaux – à l’écoute du chant de la rivière – le cœur encore ardent – presque impatient de retrouver l’océan – cet autre ciel du monde – caché dans les profondeurs invisibles de celui sous lequel nous avons l’air de vivre…

 

 

Nous – glissant le long du silence – à travers mille morts successives – de plus en plus bas – de plus en plus éloigné du monde et des étoiles – si bas que les jours semblent des siècles – si bas que l’on ne s’étonne guère, à mesure que l’on s’enfonce, de ne trouver personne – pas le moindre visage – pas la moindre chose – ni rêve – ni miroir – ni reflet – rien que cette longue glissade vers les bras d’un Dieu, peut-être, guérisseur…

Le ciel à l’envers – sans doute…

 

 

Notre âme – notre nourriture – le silence…

La mémoire brisée – le passé à la renverse avec, au centre, la douleur – et, sur les joues, encore quelques larmes…

Seul dans le vent – présent – l’oubli jeté dans l’abîme avec tous nos souvenirs…

 

 

Moins qu’un visage – une absence…

Plus qu’un geste – une présence…

Et entre les deux – l’homme – sans cesse oscillant…

 

 

Il y a du sable – du vent – du froid – la nuit partout – l’absence de soi et l’indifférence de l’Autre…

De l’écume blanche sur quelques cimes et de la fumée noire au fond des grottes…

Le monde encore empli de sommeil…

 

 

La fin d’une ligne – le début d’un autre monde où nous pourrions vivre d’encre et de pas – respirer à la manière des arbres et des nuages – tutoyer le ciel comme un (très) vieil ami – devenir sans hâte toute la lumière…

 

 

Du ciel noir, parfois, descend un oiseau aux ailes blanches – à la tête bleue – tout droit sorti de l’imaginaire (innocent) – pour affronter les temps crépusculaires – les heures sombres du désespoir…

 

 

Nous grandirons – plus tard – sans les mots – en franchissant la ligne blanche dessinée par la solitude et l’absence de l’Autre – ici même – à cet instant…

 

 

Ce qui nous porte n’a aucune prise – les mains glissent à chaque saisie – et l’âme doit se résoudre à se laisser mener – sans rien voir – sans rien savoir – confiante malgré les flots déchaînés…

 

 

Des adieux silencieux – au bout de la lumière – et au loin – à peine perceptible – ce chant qui s’élève en traversant la brume – une seule voix – belle et solitaire – tremblante d’angoisse et de désespoir – presque irréelle dans ces eaux claires qui nous conduisent au-delà des rives des vivants – dans la joie et la douleur de quitter le connu et, trop souvent, l’infâme – pour rejoindre, peut-être, ce que notre âme n’a cessé de réclamer…

 

 

Les gestes justes et ordinaires – le plein jour – le plein silence ; la face lumineuse – les cheveux défaits – l’âme fidèle et le pas attentif – ne cherchant rien à travers le monde – les Autres – les rêves – soudant la réalité – ce qui est – aux plus hautes cimes de l’Absolu…

 

 

Comme une tête volée à un autre monde – étrange – composée de pierres et de plumes – variable d’heure en heure – fidèle aux saisons et à l’absence de temps – flottant d’une rive à l’autre – d’un corps à l’autre – dans la nuit et sous le feu de ses propres projecteurs – porteuse d’innocence et d’un regard unique – comme une présence incroyablement claire…

Simple – sans image – comme l’oubli. Et l’existence joyeuse jusqu’au dernier jour…

 

 

Pourrait-on inventer d’autres rêves – moins triviaux – moins irréels – quelque chose de l’ordre de la haute mer et de la poésie écrite au milieu de l’écume – sur d’étroits blocs de vent…

 

 

Un monde d’encens et de gravats où l’on se méprend sur le rôle du feu et de la destruction…

Il faudrait gravir d’autres pentes – et ouvrir d’autres fenêtres – pour apprendre (un peu) ce qu’est la lucidité et la (pleine) liberté du regard…

 

 

Partout des pierres et des éclats de ciel – un monde de pas et de débris – vespéral. Quelque chose comme un dédale et une voûte – mal éclairés – où l’on se heurte à toutes les choses du monde…

 

 

Entre l’oubli et le rêve – un long chemin sombre – la tête étourdie – brinquebalante – hésitant, sans cesse, entre la droite et la gauche – entre le passé et le pas suivant – quelque chose qui, à force de doute, deviendrait une sorte de labyrinthe linéaire…

 

 

Parmi les vieux arbres aux branches noueuses et blessées – parfois arrachées – au pied d’une parole plus vieille que le silence – dans l’herbe – à côté de la rivière qui s’écoule vers la vallée – dans la solitude la plus pauvre – à genoux dans la lumière – le visage à peine éclairé par le soleil couchant…

Au cœur de notre besogne terrestre – au cœur de notre labeur humain…

La tête baissée pour franchir les portes de l’humilité – et dans l’âme – le souvenir de l’origine pour aller avec plus d’innocence et de simplicité…

 

 

Avant chaque aube – la marche de l’inutile – avec ses lourds bagages et son poids de tristesse. Et l’usure (très progressive) des pas et de la malédiction pour que le miracle apparaisse en même temps que la lumière…

 

17 avril 2020

Carnet n°230 Notes journalières

Le cœur – comme une arche vivante – le prolongement incarné de l’origine – et l’ascendance de la main qui caresse – de la parole tendre et réconfortante…

 

 

D’échec en échec vers l’ultime défaite – la grande capitulation – le néant, peu à peu, inversé en joie au-dedans – et l’humiliation, au-dehors, qui persiste…

 

 

Existence et gestes qui ne ressemblent à rien de connu – à rien de référencé – qui semblent si étranges – si étrangers…

A peine un visage humain…

 

 

Le désert qui s’étend – souvent. Notre seul quotidien – le ciel et le silence – et, parfois, l’insensibilité – l’absence douloureuse – quelque chose comme une besogne pénible – trop lourde – trop ardue – presque impossible…

 

 

Au service – jour et nuit – de ce qui s’impose – de ce qui s’empare de nous…

 

 

Des mots sans révolte – témoins seulement de ce qui a lieu – sans imaginaire (même s’ils semblent parfois en sortir) – au plus près du ressenti – du réel vécu – au-delà du carcan de l’individualité…

 

 

Du feu et de l’âme sur la page – l’encre-sang giclant sur le blanc-miroir – pour se rappeler de notre visage commun – de cette source enfouie dans nos profondeurs…

Manière – bien sûr – d’encourager l’Amour et la lucidité…

 

 

Dieu – peut-être – présent (tout entier) dans les petites œuvres – et les petites affaires – du monde. L’infini – l’indicible – au-dedans du limité – du plus tangible…

 

 

L’impatience de l’esprit et la lenteur du jour à nous imprégner. Sans mot de passe – juste l’innocence nécessaire et le cœur livré (presque entièrement) aux exigences de l’au-delà humain – l’âme sans emblème – les mains sans attente – prêtes à s’abandonner à l’inconnu – à ce qui passe…

 

 

Les mots affranchis du monde – du poème – de toute intention – révélateurs seulement de la possibilité (et, parfois, de l’évidence) d’un autre monde – d’un autre langage – d’une autre volonté…

Une manière vivante (et singulière) d’être – en soi…

 

 

Au commencement était la solitude – que la vie a multipliée…

Des existences côte à côte – et, à terme (très vite), l’agonie et la mort – solitaires, elles aussi, malgré la présence, parfois, de quelques visages…

 

 

La souffrance enseigne – peu à peu – la possibilité de la joie – sa présence au-delà de la tristesse…

 

 

De mythe en mythe – l’aventure douloureuse – la défaite au long cours – presque interminable. Le chemin (initiatique) des preuves pour s’affranchir de l’illusion – rien pour la terrasser – ni l’amoindrir – seulement la fuite – l’éloignement – l’exil – qu’importe la direction – au-dessus – en-dessous – à côté – la seule issue ; se tenir à distance – suffisamment éloigné pour échapper à la farce et au pathétique – et apprendre, peu à peu, à vivre sans visage – sans mémoire – sans référence – sous le soleil et les ombres du jour…

 

 

Il n’y a rien – parfois – derrière l’hostilité des visages – juste un feu immense – dévastateur – qui circule et embrase tout ce qu’il rencontre – mille flammes nées des forces destructrices nécessaires à l’équilibre – à l’harmonie invisible – du monde…

 

 

L’âme et les fenêtres closes – la vie comme un effroi – une malédiction – la preuve du plus difficile terrestre peut-être – une solitude sans visage – sans étreinte – une existence de quasi fantôme…

 

 

Le silence – complice de notre étouffement – comme une invitation à creuser davantage – en soi – à ouvrir au-dedans cette chose qui nous restreint – pour accéder à la vie intérieure – panoramique – sans limite – au-delà de l’air et de l’espace disponibles…

 

 

Le monde – comme une surface à explorer – une matière à dissoudre…

Et le bleu des pleurs sur nos joues – comme un surcroît de beauté – un avant-goût de la joie – au milieu du désastre – au cœur de la tragédie…

 

 

L’inconnu au bout des doigts et des intrus plein la tête – à attendre le lendemain – l’invasion des monstres – l’étonnement devant la pluie – n’importe quoi plutôt que la mort et le silence – cette faim inapaisée – douloureuse – et ce sentiment d’exil au milieu des siens – putatifs seulement…

La solitude au centre – remontant vers les hauteurs – devenant tertre – puis, peu à peu, île et remparts – extrême pointe, peut-être, du voyage humain…

 

 

Des mots et un chemin – sans filet – sans appui – sans raison – rouge et or. Jamais un refuge – une manière de soustraire ce qui pèse et encombre – et d’apprendre à sourire malgré la violence – l’adversité – l’exil de l’âme…

 

 

Dans le sable – mille secrets enfouis – inutiles – sans intérêt. Des restes d’histoires – des scories – des reliquats d’existence – de la chair putréfiée – des os et de la cendre – mille souvenirs de rencontres désastreuses – blessantes – mortifères. Et sur nos tombes – ces grandes mains vides – maladroites – impuissantes – et ces larmes qui coulent sans pouvoir s’arrêter…

 

 

La vie sans gardien – dépourvue – joyeusement anonyme – discrète – presque secrète – comme cette alliance avec l’invisible – l’âme et la tête hors du sable…

Mille larmes – et autant de sourires – sur le chemin désert. Le monde et la folie oubliés – la terre et la sagesse – en nous – réfugiées – pour échapper à l’infamie et à la vindicte extérieures…

 

 

Des mots infimes pour dire l’immensité…

La beauté sans protection – exposée – à la merci du moindre geste maladroit – du premier pas malveillant – et, peu à peu, altérée par l’insensibilité de ceux qui passent sans un regard…

 

 

Vers l’absence – nos figures réelles – complices – celles qui se détournent de l’espace – du silence – du désert…

La rage au milieu du front – la fièvre dans les pas – toute l’ardeur de l’existence – pour précipiter la fuite et agrémenter l’éloignement – cet exil (involontaire) du centre…

 

 

Comme une bête soumise et attachée – le cœur contraint – bâti pour la joie – la quiétude – la liberté – et confronté à la tristesse – à la violence – à la détention – plongé dans ce monde – ce bain de figures patibulaires – mal à l’aise parmi ces âmes si rustres…

Isolé – éloigné de sa rive naturelle – relégué à l’exil, en somme…

 

 

Chaque jour – le même labeur – les mêmes tâches à accomplir – la même danse – le rythme régulier des pas – le même chant – cette voix haute – sans ressemblance – qui s’élève et serpente vers le ciel. Et ce souffle puissant – né du fond de l’âme – pour chasser la nuit – l’Autre inauthentique et sans intimité…

La page et le monde parcourus pour inverser les élans – retourner les miroirs – devenir plus faible – plus précaire – plus innocent (bien plus faible – bien plus précaire – bien plus innocent) que toutes les alliances passées entre les vivants…

 

 

Du jour – en nous – si lointain – bout de rêve encore – désir non exaucé. Visage souriant – comme absent au milieu des ruines…

Des lignes blanches – comme des empreintes inutiles – sans question – sans réponse – inscrites sur la page – et relayées par le silence auprès de ceux dont les lèvres savent rester muettes face au ciel – âme – visage et mains – dans le même axe – alignés sur l’infini…

 

 

Rien de l’après – du devenir. Rien de l’avant – du souvenir. Rien – à présent – quelques mots sans secours – la part d’encre et le souffle que Dieu nous réserve…

 

 

L’homme-terre – l’homme-mot – au regard triste – dont la nostalgie mélancolique est trompeuse – porteuse – pourvoyeuse – d’autre chose – d’un élan invisible – imperceptible – vers le centre du souffle et du silence – vers ce qui règne à l’envers de l’ivresse et de l’enthousiasme – sur ce socle précaire – fragile – minuscule – de l’intimité et de la providence…

Ce qui multiplie nos chances de joie et d’étreintes – au cœur de cette solitude extrême – sans la moindre méfiance à l’égard des vents qui poussent – qui mènent à l’exact lieu où l’on doit être…

 

 

Une marche sans jamais toucher terre…

 

 

Autour de soi – des paroles en l’air – comme d’infimes signes provisoires livrés au ciel – dans la liberté d’aller là où bon leur semble ; dans l’œil de l’un – dans l’âme de l’autre (très rarement) – dans le désert et les fossés (le plus souvent) – là où se trouvent les arbres et les bêtes – pour adoucir (un peu) leur existence si rude – si éprouvante – atrocement soumise au bon vouloir des hommes – et leur murmurer à l’oreille que nous sommes à leurs côtés et que nous les aimons avec tendresse et fraternité…

Des mots pour attendrir – exalter toutes les faiblesses – et laisser le vent effacer tous les rêves – et les oiseaux les emporter loin du temps et de l’angoisse…

Pour demeurer près de nous – sans plaie – sans rouille – présent tout entier(s) dans notre existence sans intention…

 

 

Des paroles circulaires – autour du même centre – ce silence sans image…

 

 

L’ivresse des mots – du poème – dans la nuit hostile – épaisse – opaque – infranchissable…

 

 

Un Amour – un monde – partagés entre mille intimités…

 

 

Des chances – des preuves – des rêves au fil de l’eau…

Des ailes plus robustes pour nous porter jusqu’au dernier refuge….

L’angoisse du temps comme un étau contre nos tempes – désolidarisé de l’ensemble et de la procédure tortionnaire – comme une lame lentement remuée dans chacune de nos plaies….

Le monde tel qu’il est – les yeux encore plein de sommeil – et devant ce spectacle – notre tête épouvantable et épouvantée…

 

 

Le sol – appui de notre vol…

Le livre porté comme un étrange habit de fête sur le chemin le plus quotidien…

De jour en jour – de plus en plus de lumière – jusqu’au secret – avec l’univers – en soi – non comme un abîme – mais comme le seul espace – natal et éternel…

 

 

De la neige par-dessus le langage pour donner au sens une blancheur uniforme – une légèreté à ce qui nous hante – comme la main malicieuse d’un enfant qui, sur nos pages, effacerait un peu la fougue – les tempêtes – les éclats – toutes nos rugosités…

 

 

Une immense fenêtre à la place des yeux – et dans l’âme – cet équilibre (quasi) originel – pour que le geste puisse s’affranchir des préférences et conserver une forme (indiscutable) de justesse quels que soient les visages présents – les âmes impliquées – les histoires et les circonstances…

L’innocence conquise au milieu du trajet – et le reste du voyage à réaliser sans la moindre volonté…

 

 

La grandeur journalière de l’âme dans les petits gestes – l’infini dans l’infime – le plus précieux dans l’anodin – afin que tout ait la même envergure – la même importance…

 

 

Des jours – des ombres – des paroles. La même discipline et le même désordre. Et le silence – la lumière – l’éternité – de l’autre côté du chaos…

 

 

Le visage cousu au relief du monde…

Sur les chemins – des murs sans fenêtre – des paysages enneigés où l’on devine le désir des peuples – un univers de nécessités et d’instincts où le livre – au mieux – est une parenthèse – trop rarement (presque jamais) le socle ou la matrice d’un élan vers la lumière et le silence – vers cet idéal opposé, en quelque sorte, à celui qu’affectionnent toutes les âmes séculières et contemporaines*…

* Quelles que soient les époques…

Comme une infime ouverture dans l’entêtement aveugle et la marche obstinée…

 

 

L’âme nue langoureusement assise sur le sable. Tête et pensées plongées dans cette nuit marginale – éloignées des sentiers les plus fréquentés…

Sur le visage – les traits de l’inquiétude – les sourcils soucieux – à l’idée de quitter la terre des hommes…

L’œuvre et le chemin – en soi – qui se cherchent. Tout un monde – mille poèmes – et le naufrage au cœur de l’histoire – dans la maturité de l’âge – au beau milieu de l’arrière-saison…

 

 

Le mot et la mort – face-à-face – qui confrontent leur audace – prêts à rivaliser jusqu’au renoncement de l’autre – à traverser toutes les expériences offertes – les déserts les plus arides – les espaces les plus sauvages – toutes les épreuves jusqu’à l’aurore – jusqu’au matin des naissances – jusqu’à l’aube du langage – jusqu’à se retrouver face au visage de Dieu – sans personne…

 

 

Des murs – des miroirs – sans la moindre ouverture. L’ailleurs – en soi – à découvrir – après la longue (et incontournable) traversée du tunnel – les mains contre les parois – dans le noir – sans jamais se laisser distraire par ses peurs et ses reflets…

 

 

Des objets – loin de nos préoccupations. La nuit, peu à peu, dépeuplée. Notre tête sur le sol – quelques empreintes sur le sable. Partout – le provisoire. Aux côtés de ce qui se cherche derrière la pensée – au-delà des images véhiculées par le monde et l’esprit. L’inquiétude de soi face au ciel et au silence – l’angoisse prégnante de la solitude et de la mort – de toutes ces forces enserrantes dédiées à notre dévoilement…

 

 

Comme le soir et la nuit – tout est dissimulé dans la première heure. Tout se cache – en vérité – derrière les infinies possibilités du jour…

 

 

Le monde dans notre sang – comme la roche sur laquelle nos vies essayent de se bâtir…

Le silence comme un centre autour duquel tournent les bruits – virevoltent tous les sons. Comme nos mains et nos gestes – face à l’infini – comme nos jours face à l’éternité…

Rien – pas la moindre chose sur laquelle l’âme puisse s’appuyer – rien – pas la moindre chose sur laquelle nous puissions nous acharner…

 

 

Des délires – mille choses qui passent. Le cœur battant – toutes ces marches volontaires – et cette quête (obstinée) de la terre promise. Et cette présence – en soi – muette tant que le dépouillement et la nudité n’ont pas été découverts…

Dans la poitrine – ce qui s’étreint – la seule chose nécessaire – sans doute…

Le feu et le silence – enlacés – en nous – comme le seul lieu possible de la rencontre…

Et la solitude hissée jusqu’au cœur – peuplée de tous nos visages – la fraternité sans héros – le règne du vrai et de la tendresse – la générosité et la bienveillance en actes – ce que nous sommes – notre unique fortune – évidemment…

 

 

Nous – à la hauteur des arbres – la parole attachée au vent – libre en quelque sorte – porteuse d’ombre et de soleil – fidèle au jour – sans légende – sans secret – prête (si nécessaire) à pénétrer l’esprit et le sang des Autres…

 

 

L’univers entier – dans la chair – au même titre que la soif – les songes et la pierre d’autrefois. Asile et appui – aire des royaumes et de la fuite…

Toutes les possibilités portées à bout de bras jusqu’à l’aurore où le mouvement et la parole deviennent caduques…

 

 

Pages tachées de sang – froissées par la besogne quotidienne – qui sentent la sueur et l’acharnement – notre exercice – notre ascèse – notre existence – jusqu’au bout de nos dernières forces…

 

 

Le désert hanté par le monde et le temps – tous les contenus obstinés – persistants – de l’esprit…

 

 

Le souffle prisonnier des saisons – et la posture des visages – comme un voyage qui nous enfoncerait, peu à peu, dans la dépossession – avec cette douleur (toujours) à proximité des figures hideuses – bestiales – sans âme…

De plus en plus loin de notre chance – celle d’un destin affranchi – libéré des instincts – des Autres – de la respiration. Cette vie des marges – éloignée des rives et des mirages – de toutes les formes d’asservissement et d’illusion…

 

 

Nos seules armes sont l’hiver et l’exil. Et les remparts du silence qui nous protègent des hommes – des bruits – du monde – de la rudesse des âmes rustres qui se livrent (leur vie durant) à des jeux grossiers…

Aux pieds des cimes – des paroles comme des cris ou des plaintes – des gestes de saisie et d’appropriation (presque exclusivement) – des existences primitives et territoriales – infiniment basiques – avec des images et du noir dans la tête qui voilent la beauté de la terre et du ciel – et toutes les possibilités qui nous affranchiraient de ce royaume d’alliances et de proies – où les batailles et la domination ont, peu à peu, remplacé l’innocence et la tendresse – les joies si merveilleuses – si ingénues – de l’Amour originel…

 

 

On s’éloigne de tout – du bruit – des hommes – du passé. Table rase – à chaque souffle – à chaque pas – le monde derrière soi – et l’inconnu de part et d’autre du front…

Le destin entier qui se joue – (presque) à chaque instant…

 

 

L’air fendu par la parole proférée – ni menace – ni murmure – dans le prolongement naturel du premier élan – pas même une résistance contre la barbarie – inutile – impuissante (presque toujours) – le mouvement spontané des lèvres (et l’élan du livre) face aux énigmes de l’existence et du monde – face aux mystères de l’être et du vivant – comme manière (maladroite sans doute) de s’interroger – de découvrir – de partager – ce qui semble exister – l’invisible – manière aussi (bien sûr) de comprendre et d’approcher ce que nous sommes…

 

 

Des monstres absents – en plein délire – comme frappés de folie et de cécité – d’inintelligence – que le manque et la faim rendent (orgueilleusement) cannibales et incestueux…

L’existence – comme un trou – une béance – un vide à combler – quelque chose que l’on emplit avec des visages – des jeux – des souvenirs – n’importe quoi pourvu que ce que l’on amasse (ou collectionne) nous fasse oublier nos mésaventures – notre quotidien – et anesthésie toutes nos douleurs…

 

 

Autour de nous – tout bouge. Et au-dedans – tout tremble. Des vibrations réticulaires – des secousses qui rendent impossible la solitude – l’isolement – la séparation…

L’absence – peu enviable – demeure le seul exil possible – une forme d’éloignement mortifère – sans issue – pas même un repos tant nous nous réduisons au néant…

Il nous faudrait plutôt retrouver la présence (autonome) – au centre des ondes – au centre des liens – comme une île – un peu de stabilité – au milieu de l’océan – au cœur des vagues puissantes et provisoires – notre seule patrie – celle qui nous a mille fois enfanté(s) – celle qui nous accueille à chaque mort – celle où, depuis le premier jour, toutes nos chances sont réunies – en ce lieu où il nous faut retourner – et demeurer – en cet espace où l’éternité et l’infini peuvent (réellement) s’habiter – et rivaliser sans risque avec le temps et la finitude…

 

 

De l’être et des gestes – pas de parole ; seulement quelques mots (pour soi)…

 

 

Au bout de soi – l’absence de rival – le règne solitaire – l’âme débordant de sa gangue humaine – tous les voiles déchirés – bref, l’être et la transparence prêts à se laisser approcher…

 

 

La dangereuse ivresse de la parole – toutes les tentations et tous les vertiges du monde – l’attrait d’une gloire illusoire – éphémère – mensongère – inutile – comme happé par la nécessité des idoles et le besoin incessant des images qui défilent…

Mieux vaudrait se taire – ou écrire en secret – pour soi – et en offrir les fruits de manière anonyme (s’il existe encore un élan de partage)…

 

 

Nous n’espérons plus – nous sommes aussi réel(s) que le ciel et le vent. Pas une parole – pas une (seule) explication. La lumière qui accompagne notre vie – qui précède nos gestes – quelque chose hors du monde – et qui lui est (hautement) bénéfique – et dont personne ne peut se réclamer…

 

 

Replié non sur soi – mais sur cette présence en soi – dilatée – respirante – comme un espace infini – un périmètre sorti enfin de l’abstraction – plus consistant, à présent, que tous les événements et toutes les histoires de notre vie – invisible pourtant – et dont le monde n’est qu’un infime fragment…

L’existence secrète, peut-être, comme la seule évidence – notre seule réalité…

 

 

Comme le jour – sans incidence…

Discret – comme la nuit…

Debout – sans la présence des Autres…

Au loin – de plus en plus loin – des visages fantomatiques – les siens et ceux du monde – les mêmes sans doute – quelque chose d’inutile – la preuve de notre ignorance – de notre incompréhension – de notre aveuglement – qui ont duré pendant des siècles…

A présent – tout se déroule – comme autrefois – parfois avec heurt – d’autres fois sans heurt – la différence ? Cela nous est bien égal aujourd’hui – tout peut arriver – tout pourrait arriver – tout serait accueilli sans résistance obstinée – sans la volonté acharnée du contraire – d’un autrement – ce qui vient comme la part de nous-même qui nous manquait – indispensable – inévitable – bienvenue – (ontologiquement) à sa place…

 

 

Le monde défait – dans la poitrine – avec un dernier râle – long – rauque – interminable – la langue de la complainte – littéralement – comme des soubresauts et une forme d’incantation pour résister à la déchéance et à l’oubli – à ce qui semble inévitable…

L’éloignement naturel de l’inutile et du superflu – de la consolation et de la compensation – de toutes ces choses un peu enfantines – cette immaturité commune (et ordinaire) des hommes…

Le plus juste – le plus vivant – à l’envers de la parole et de la pensée. Le retournement nécessaire à la maturité…

Ce qui doit disparaître. Et ce qui doit se déployer. L’œuvre des nécessités successives – ce qui, toujours, s’impose – de manière irréfutable – malgré les refus – les résistances et la douleur – l’empreinte tranchante et salvatrice de l’être sur l’homme et le vivant…

Des chaînes – des ombres – et la lumière qui, peu à peu, se dévoile…

 

 

On aimerait passer du crépuscule à l’aurore – aisément – sans encombre – d’un seul pas – d’un seul trait d’esprit (ou de plume) – et l’on ne fait que sauter d’absence en absence – la tête de plus en plus lourde – de plus en plus douloureuse – comme une excroissance grossissante qui nous paraît de plus en plus étrangère…

 

 

Les excès et l’attachement – l’ignorance – comme des vestiges qui nous relient au ventre même des origines – à l’innocence du premier visage – à la première tentative – au premier élan pour, à la fois, quitter et rejoindre la matrice. La pérennité de l’inutile – du masque et du mensonge – à travers les millénaires – à la fois souffle et malédiction – jeu de l’infini au cœur du possible – au cœur du vivant…

La rive – le phare et le naufrage (inéluctable) – quelque chose comme un retour – une sorte d’accident dans le voyage – le signe du monde et des Dieux gravé secrètement au revers de notre âme – dans les tréfonds de notre présence et de notre volonté…

 

 

En soi – une communauté – un temple – un royaume – le monde entier enfin vivant – enfin réuni(s) de manière fraternelle…

 

 

Chaînes – lourdes – soudées à l’âme et à la lumière – dans l’absence la plus inavouable – entravant le geste et la parole – limitant les pas – et la marche – à quelques tours autour de soi – comme une manière de tourner en rond en se heurtant à tous les angles de l’individualité…

 

 

Nous – gonflés d’inutile et de possible – en soi – quelque chose de ligoté aux Autres et au temps. l’avidité épargnée ni par les blessures – ni par la folie – le manque incessant cherchant le lieu de l’apaisement – la certitude de l’abondance – rien de réel – rien d’accessible – en vérité…

L’inquiétude obsédante – le cœur baignant dans l’obscurité et l’illusion…

 

 

Le feu dans l’âme exaltant l’ardeur – sacrifiant les jours – terré dans son piège sans issue – la tête en-dessous de tous les seuils à franchir…

 

 

Ni attente – ni aventure – la solitude multiple et habitée – la seule voie, sans doute, pour se libérer du monde et du temps…

 

 

Le pire ne se trouve sur la pierre – ni sur le sable – ni sur la terre – mais dans l’espérance accrochée à l’âme et aux yeux de l’Autre – ni appui – ni sauveur – inexistant – comme le reflet furtif d’une silhouette passagère – rien de réel – et, bien sûr, pas notre double – et moins encore notre âme sœur – pure invention – quelque chose qui nous ramène à l’absence – à la négligence – à la précarité de toutes les choses du monde – autant qu’à notre solitude (salvatrice)…

 

 

Ce que le sang ôte à l’âme…

Et cette grossièreté de l’amour et de la douleur…

Le tout indivisible – les ailes brisées – et le cri à l’intérieur – comme une distance impossible à combler – à franchir – à effacer…

Des déserts et la mort. Et excepté cette ardeur sans objet – pas grand-chose – un peu de sable et de patience – et la chair, au fil des jours, qui se décompose autour du squelette…

Des traces d’arc-en-ciel un peu partout – ce qui existe – et ce qu’il restera sur terre – dans nos cœurs – rien que des images et de la couleur – rien de réel – rien de véritable – de la poudre pour les yeux et les visages – ce à quoi l’on attribue du pouvoir – et même une existence – comme un incroyable tour de passe-passe – histoire de rendre le vide moins déplaisant – moins mortifère – et notre vie moins pathétique…

Le monde comme un hologramme joyeusement coloré par nos inventions…

 

 

Une errance – immobile parfois – qui s’ignore – et dont on tait le nom. Comme un pas sans cesse recommencé vers le même horizon – un regard qui embrasse l’immensité – et qui balaye tous les recoins – tous les secrets – pour faire table rase et nous ouvrir à la solitude – à la réalité de l’être – au-delà du réel et du langage – au-delà des apparences et des idées – ce que nous sommes lorsque l’absence et la distraction n’ont plus cours – lorsque nous nous retrouvons seul(s) – sans le poids de l’Autre – sans le vaste monde – hors du voyage – au cœur de l’inconnu et de l’incertitude – sur cette rive étrange où rien ne peut être fixé – où tout flotte – relié au reste – à la manière d’un rêve ; les choses et nous-même(s) – autant ce qui est que ce qui regarde…

 

 

Le même voyage malgré le changement de décor et de relief…

 

 

Une main vers soi – et l’autre vers ce que nous appelons le monde – personne en vérité – nous-même(s) peut-être – lorsque nous serons rétabli(s) – dans quelques milliers d’années – sans doute…

 

 

L’étrange myopie de l’homme – comme un mal persistant – tenace – insensible à tout remède existant…

 

 

Ni droit – ni devoir – une franche liberté…

Ni aide – ni appui – une réelle précarité…

La vie pleine – autonome – incroyablement provisoire – fragile – entre les mains des Dieux…

Le silence, lui, appartient à l’autre versant du monde – le lieu dans le cœur de ceux qui sont en paix – indifférents (en apparence) au cours inéluctable des choses…

 

 

Un destin remis en jeu – au cœur du feu – au cœur du monde…

 

 

La nuit voilant l’existence du lointain sans chimère – trop de boue et de cendre sur le sol – trop de rêves dans l’air – pour apercevoir toutes les jonctions entre le ciel et la terre invisible…

 

 

L’humanité comme une sorte de prélude incertain – peu fiable – essai ou tentative plutôt que réelle espérance…

 

 

Parfois le jour – comme un interstice – une parenthèse – une (trop) mince opportunité…

L’âme dissidente – réfractaire au monde – aux visages – au sommeil – à tout ce qui éloigne du ciel et de la vérité – du silence et de l’immensité…

La lucidité plutôt que l’étoile – le réel plutôt que l’illusion…

Ce qui est et le silence – notre seule appartenance…

 

 

L’œil lancinant de l’Autre – comme une familière intrusion – dont on se rend complice ; le corps caressé – l’âme ravie par tant d’attention – par tant de sollicitude – mensongères puisque emplies d’attentes et d’exigences (ou, au moins, porteuses d’un désir de réciprocité). Rien qu’une sournoise manière de nous ligoter – de refuser sa propre filiation – sa propre appartenance…

Une liberté cadenassée – réduite à la présence – trompeuse – partielle – horriblement négligente – de ceux qui nous entourent…

 

 

Devant soi – rien – le même tunnel – ce noir permanent – inconnu – que nous regardons depuis mille siècles – impassibles. Et nos yeux fermés – comme l’étrange prolongement de l’obscurité du monde – le lien, peut-être, entre ce que nous appelons l’intérieur et ce que nous appelons l’extérieur…

L’abîme qui se déploie – la nuit seule – sans rien – sans personne…

Sans même une main ou une étoile – juste un peu d’air et d’espace – suffisamment – pour faire les cent pas – un peu de marche autour de soi – et attendre patiemment – douloureusement – la mort…

 

 

Le soleil – la douceur première – avant l’enfantement – avant l’incarnation – cette abominable (et regrettable) restriction – presque oubliés – présents dans un recoin reculé de la tête et dans les tréfonds de l’âme…

Et toutes ces existences – une à une – pour les réhabiliter et leur restituer leur place au cœur de la nuit – au milieu des abîmes enténébrés…

 

 

Le monde à démasquer pour que dure le jour perpétuel – malgré la course inchangée des astres…

Rien à porter – ni loi – ni existence – ni volonté – des pas libres et transparents – sans fatigue – sans essoufflement – aussi vierges et fantasques que le vent…

 

17 avril 2020

Carnet n°229 Notes journalières

Sous le ciel – toujours – le même soleil – le sang – le sable – les mêmes pierres – les mêmes peines – un peu de joie devant l’inconnu – le cœur qui bat – quelques éclats de rire (parfois) et des larmes (le plus souvent) – la bonté et l’infamie…

Rien ne change (véritablement) sur la terre…

 

 

De loin – le plus bel amour – comme un rêve dans le souvenir – ce qu’il était, sans doute, en réalité…

 

 

Tout – aujourd’hui – se réduit à un souffle – le souvenir et l’héritage – celui qui dicte la parole et le pas – à égale distance l’un de l’autre – sans détour – sans mensonge – justes – fidèles au pacte le plus ancien…

Le Divin présent au milieu des ombres…

 

 

Un air de fumée et de fête – dans notre enclos – soumis à toutes les ruptures – et fermé depuis au moindre visage…

Des désastres qui ont fait naître des murs qui ont délimité un cloître – un périmètre central restreint où l’on vit enfermé – joyeusement parfois – et que rien, à présent, ne peut plus traverser – excepté, peut-être, le silence et la lumière…

 

 

Des élans de dépit – puis, plus rien – un arc-en-ciel fidèle entre nos mains – à la jonction du ciel et de l’âme – entre soleil et tristesse – les yeux dans l’impatience d’un autre jour – d’un autre monde où l’Amour (et les rencontres) seraient possibles – où les âmes seraient plus légères – plus intègres – plus accomplies – et les visages moins sombres (et moins plaintifs)…

 

 

L’aube – belle par nature – et comme l’enfance – sans limite – lorsque les mains demeurent innocentes. Le lieu de la lumière et de la parole – accueillantes…

 

 

Rien que des souvenirs et du silence pour ceux que l’on aime encore (en secret)…

Cette part que Dieu nous réserve – en cachette – plongé au cœur de notre solitude…

 

 

Le soleil fidèle à la pierre – l’âme fidèle à la main – à l’exacte jonction du visible et de l’invisible…

 

 

Des morceaux de lune et des restes de colère – comme soudés ensemble – dans notre cœur encore en lutte – encore ravagé – qui a renoncé aux mouvements (trop) volontaires – qui attend l’émotion pure et l’épanouissement sans faille – la grâce de l’abîme offerte à ceux qui arpentent (courageusement) les confins du monde – les terres humaines les moins fréquentées – à la lisière de ce que la raison sera toujours inapte à comprendre…

 

 

La tête trop pensive à ressasser sa peine – comme une (réelle) infirmité – cet esprit obstiné qui cherche son chant – son énergie – son salut peut-être – dans cette vieille voix (rauque) qui se répète…

 

 

Des histoires – des limites – l’Absolu…

Des tâtonnements – un itinéraire qui se dessine – des obstacles – l’opacité commune – des élans (trop) intentionnels – des honneurs et la persistance de l’identité…

Les Dieux médusés devant notre danse folle (et stérile) – les ténèbres qui exultent – les choses et les visages de moins en moins fraternels…

Nos pauvres horizons qui, peu à peu, se referment…

 

 

On s’enfonce, peu à peu, dans le creux de notre respiration – aux confins de la source – au plus près des eaux dormantes…

Et de proche en proche – on s’éveille dans cette chambre posée au milieu du monde – là où les arbres et les bêtes ont remplacé les visages humains. Hors du temps – éloigné (si éloigné) de ce siècle…

 

 

Le désir perpétuel d’un autrement – d’autre chose – d’un ailleurs – le changement – l’au-delà du connu – des limites. La vie tâtonnante – cherchant sans relâche l’équilibre – le plus juste…

Et ce qui passe – ce qui vieillit en quelques dizaines d’années. Ce qui bute contre lui-même – en gâchant ses chances – s’éloignant toujours davantage à mesure du refus…

Des tours – mille tours concentriques avant de revenir vers soi – au centre – avant de traverser l’épaisseur opaque – avant d’atteindre le vide perçu jusqu’ici comme un néant – un malheur – quelque chose de moins enviable que l’enfer…

 

 

Des oiseaux – en soi – et autant d’arbres et de rivières – du soleil et du vent au-dessus de l’eau et des forêts. Et nous autres – parmi les herbes et les bêtes – au milieu de la terre (sauvage)…

Notre tête sur le sol – nos yeux tournés vers l’azur – l’âme à la verticale comme le lien – la pièce qui manquait à l’ensemble pour se redresser…

Seul sans la foule – orphelin de toute ascendance – les leurres et la détresse franchis…

Et, aujourd’hui, pas si éloigné de la complétude contemplative et agissante. Au terme, peut-être, du grand voyage sans pas – sans chemin…

Là où nous sommes – le seul lieu – propice – approprié – existant…

 

 

D’une absence à l’autre – sans jamais toucher terre – des vies de sommeil inutiles – comme un séjour-parenthèse au cours de ce long voyage…

 

 

Des jours à peupler pour s’imaginer vivant – émietter l’ennui – les désagréments – et le supplice, parfois, d’avoir été jeté sur la route – ici-bas – sans le moindre consentement…

Le rêve – comme un habit de fête – un peu de sucre dans notre breuvage amer – comme un parfum d’ailleurs – une fenêtre – un peu d’air frais dans les bas-fonds – l’obscurité – la pestilence…

 

 

Tous les souvenirs réfugiés aux angles de la mémoire – le passé-pente – lieu-dédale davantage que surface plane. Dans les recoins – de l’irritation – des tas de mensonges et de regrets. Quelques honneurs perdus et bafoués. Rien qui n’ait (véritablement) notre préférence…

Plutôt l’oubli que la moindre réminiscence…

 

 

Un frère – pareil à nous-même – ce que l’on cherche – et ce que l’on trouve, parfois, à l’intérieur. Toute une fratrie – en vérité – une communauté éminemment fraternelle – dans les hauteurs les plus simples et les plus dépouillées de l’esprit – vide – comme un vaste espace peuplé d’âmes tendres et dévouées – attentives et toujours soucieuses de replacer au centre – en nous – la part la plus fragile – la plus blessée – la plus enfantine – pour la chérir – la soigner – lui donner ce que nul n’a pu – n’as su – lui offrir – pour la guérir de ses plaies et de ses inquiétudes nées de la proximité de ce monde, parfois, terrible et de cette existence sans tendresse…

Au-dedans de soi – cette chaleur inconnue – bénéfique – comme au milieu d’une assemblée bienveillante – à l’abri – au cœur de ce merveilleux être-ensemble…

Dieu multipliant les visages à l’intérieur – les faisant apparaître les uns après les autres – dans cette profonde solitude qui a vu disparaître, une à une, les figures du dehors ; les figures proches – les figures amies – les figures alliées – toutes ces âmes qui, pensait-on (avec tant de naïveté et d’espérance), nous resteraient fidèles (et loyales) jusqu’à la mort…

 

 

A celui qui se place au centre du cercle – la profondeur et le va-et-vient – l’air et l’immobilité – tourbillons et cabrioles autour de nous-même…

Ce que devient l’Autre – toujours moins étranger – comme la part la plus lointaine qui, peu à peu, se rapproche…

 

 

Un monde de lignes et d’effacement – à chaque intersection – une naissance et une mort presque simultanées – des points de départ et d’arrivée – en apparence – mais, en vérité, la poursuite du dessin – le prolongement indéfini de l’immense arabesque – le jeu sans fin des traits et des soustractions…

 

 

Debout – le visage posé sur nos mauvais rêves – quelque part au milieu de la nuit – du tunnel – rien que du noir – partout – et se croyant endormi. Comme une vie sous cloche – et nos cris – et nos élans – contre les parois – toujours entourés de néant…

 

 

Comme l’eau – le ciel – les rochers – stable – fuyant – immobile – simultanément – toutes les traces du sommet dans l’esprit – avec des masques-caméléons – multiformes pour s’essayer à tous les jeux du monde – à tous les jeux de la création…

 

 

En d’autres lieux que la terre – là où est l’âme – là où l’esprit aimerait aller – plus qu’un pays, un jardin – plus qu’un jardin, une forêt – plus qu’une forêt, une aire de transparence aux apparences changeantes et modulables…

Notre portrait sans visage – le reflet, peut-être, de la vérité – à travers le miroir du monde…

 

 

Une lune au-dedans de notre désordre – quelque part dans l’âme – avec des oiseaux de passage qui traversent notre joie provisoire. L’enfance qui revient – l’enfance qui s’oublie – pour guérir le monde de notre impuissance – pour que l’on puisse échapper aux ruines – à la rouille – au désarroi – pour que la terre devienne (enfin) les balbutiements de notre ciel commun…

 

 

Seul – avec les histoires qui nous traversent – comme de grands oiseaux sombres – sans bonheur – sans éclat. Quelques bruits trompeurs – des voix – et quelques rires (parfois) – dans le désordre de la chair…

 

 

Les eaux-monde sur les pierres blanches de nos existences – passant et repassant – lavant et délavant ce que nous imaginons posséder ; rien – en vérité – pas même notre âge – pas même notre repos – quelques prières, peut-être, passablement inutiles…

 

 

Un chant brûlant – presque silencieux – pour dissiper la tristesse – et rapprocher l’âme de la source – le soleil du monde – quelque chose qui ressemblerait à un miracle…

 

 

Dans l’œil – ce lointain imprécis et grimaçant – fleur aux lèvres – l’âme fragile – frugale – solitaire jusque dans ses déchirures – jouant avec la nuit et ses ombres…

Tout qui s’écoule comme au premier jour de l’innocence – les eaux bleues du royaume déferlant – nous emportant à vive allure vers ce que nous portons au cœur – en secret – en silence…

Comme l’annonce (possible) de la fin de l’hiver…

 

 

Encore au milieu de l’enfance – avec trop d’étoiles dans l’âme – et trop de rêves dans la tête – le sang presque neuf – malgré l’expérience et la mélancolie – malgré cette tristesse (inguérissable) d’être au monde…

 

 

La faim – toujours – au milieu des prières. Dans le corps – la patience d’aller. Dans la tête – trop de soupirs…

De rocher en rocher – jusqu’au gouffre final – trou puis, tumulus – avec le ciel – le vent – les oiseaux – comme uniques témoins…

 

 

Nous pleurons et rions – pendant que la lumière monte – en nous – escalade nos tours – traverse nos remparts – dépose sur nos épaules nues – et notre âme tremblante – une longue cape blanche – nous déguise à la manière des moines et des magiciens…

 

 

En l’Autre – parfois – une grâce – à travers un geste maladroit – des yeux trop tristes de n’avoir jamais trouvé l’Amour – un air mélancolique et solitaire – un regard sensible – à travers la marque du manque et celle de la soif de lumière – ce qui rend plus humain qu’à l’ordinaire – les débuts de l’homme au-delà des instincts – notre seule espérance – en vérité…

 

 

Les mains de l’aube remontant la jeunesse – s’insinuant dans l’antériorité du monde – ce qui a précédé la première naissance…

Et nous autres – plus loin (bien plus loin) – entre le songe et la mort – dans cette étrange vieillesse née de la ronde des saisons – parmi les fleurs et la roche – dans des clairières mystérieuses où les âmes, en y entrant, livrent leurs secrets – possédées déjà – depuis le premier jour – condamnées à ne rien trouver – à se laisser guider par les sentiers qui mènent au seuil de l’aurore…

 

 

Nous – parmi les hommes – ces étrangers – ces barbares soumis aux lois du ventre – au règne de la faim…

Jamais au-delà de l’horizon. Jamais ni d’âme – ni de ciel. Rien de ce qui se vit à l’intérieur – juste les cris et le sang qui, à force de couler, rougit le cœur – le sol – les yeux…

Un monde d’assassins sans regard – sans pitié…

 

 

La vie – le visage – entre le sang et la cendre – ce qui initia la naissance – et ce qui couronnera la fin – longeant le mur – long – interminable – pendant des dizaines d’années – sans jamais rien rencontrer – en chemin – quelques ornières – quelques fantômes – et les bruits du cœur au-dedans – comme un écho incompréhensible – les mains et l’âme écorchées à force de frotter contre le béton gris – à force d’attente et d’espérance déçues…

 

 

Inconnu(s) à nous-même(s) – lors de la rencontre…

Dans les yeux – comme une lassitude – une fatigue nouée à la tristesse – l’âme malheureuse de ne rien trouver – quelques vagues équivalences (presque) sans valeur – des visages interchangeables – rien qui ne puisse (réellement) nous rapprocher…

 

 

La somme des instants – jamais – ne fera une éternité. Il faudrait oublier le temps – tout oublier – jusqu’à notre visage – pour goûter ce qu’aucune horloge – ce qu’aucun calendrier – ne peut nous révéler…

 

 

Ton sur ton – notre nudité sur l’innocence – notre beauté sur la neige – comme un peu de clarté dans la lumière – un peu de ciel dans le bleu déjà immense…

 

 

Il ne sert à rien d’espérer – il faudrait invalider le temps – devenir chaque battement de cœur – chaque souffle – chaque parcelle du monde – les saisons dans le désordre – les feuilles rouges des arbres et les bourgeons – la nudité de la roche et le printemps – être chaque possible – simultanément…

 

 

Embarqué(s) vers le jour – presque malgré nous…

 

 

Le poids du monde – sur les épaules – dans la tête – ces vivants sans épaisseur qui nous écrasent – qui meurtrissent la chair trop tendre – qui donnent à l’âme cette allure bancale et claudiquante – qui font luire la sueur sur notre front – et qui finissent par changer tous nos sourires en grimaces…

 

 

Des pierres et des yeux sur le chemin – pas de quoi emplir la mémoire – pas de quoi donner envie d’aller voir derrière l’horizon – pas même de poursuivre jusqu’au prochain virage…

Une halte – oui – plus que nécessaire – un lieu en soi à la place du voyage – un espace pour tous nos visages et notre fatigue – une présence à naître pour continuer à vivre au milieu de l’absence – au milieu de la nuit…

Ni tête – ni soleil – un cœur brûlant pour donner à la chair grise un peu d’humanité…

 

 

De l’éclat d’un Autre – d’un monde – mille gouttes de pluie – le silence des bêtes et l’espace qui nous entoure – notre peur et notre amour mis à nu – la tête au milieu des arbres – sur le seuil, déjà, du jour suivant…

 

 

Dans nos mains nues – toutes les récompenses…

Dans l’esprit – tous les châtiments – et quelques remontrances tenaces…

Au-dehors – notre nom gravé quelque part – sur un morceau de bois – sur un morceau de vent – rongé par le temps – déjà parti – déjà ailleurs…

Au-dedans – le silence et l’impatience – la fébrilité de ceux qui espèrent…

Pourtant – rien ne viendra (rien n’est jamais venu). Rien ne se passera (rien ne s’est jamais passé). Trop de rêves – seule la mort s’approchera (elle finit toujours par s’approcher) – et on l’entend déjà – elle avance à petits pas ; le visage aura beau se détourner et l’âme se dérober, nous serons pris comme toutes les autres fois…

 

 

L’aube – parmi nous – discrète – comme le silence – venue nous visiter – se rendre compte de la distance (exacte) qui nous sépare de la source – et du long détour que nous avons réalisé pour avoir supplanté les Dieux et la providence – et de la force des vents qui, chaque jour, nous poussent vers nos propres sortilèges – les malédictions de notre voyage autour du grand mystère…

 

 

Le livre – vierge – à présent – des feuilles blanches désunies – libérées de leurs agrafes et des contraintes (ennuyeuses) de la continuité – rendues au vent – à la solitude – au silence – vouées à aucun autre signe que ceux de l’invisible ; rien qu’un peu de soleil sur la neige – l’œuvre de la lumière…

 

 

A trop grande distance de l’être pour assumer son silence et sa solitude…

 

 

Frontières – que nous longeons – d’un seul tenant – comme la grâce et le ciel ; tout – relié – la même matière – et nous – ce regard – au centre – au cœur de ce périmètre sans périphérie…

 

 

En soi – comme une présence – la seule réalité peut-être – ce qui compte face au provisoire – face au dérisoire – de ce monde…

On n’attend rien – on est – sans frisson – sensible – indifférent – face aux démons des Autres – face aux démons du temps…

Rien ne compte – et moins que tout – nous-même(s) et nos misérables histoires…

 

 

Rien du jour – la noirceur – l’impur – ce qui ressemble à un séjour ou à un voyage selon la curiosité de l’âme…

 

 

Le monde – comme un rêve – qui se détache. Ne restent que la beauté du sauvage et la tendresse pour ce qui est seul…

Les formes changent – d’instant en instant – d’époque en époque – de vie en vie – jamais ne s’achèvent – se font et se défont devant nos yeux tranquilles – comme un ouvrage malhabile – une œuvre de joies et de malheurs passagers – sans importance…

Rose – pétales – épines – fumier – rien – selon les saisons – ni innocence – ni culpabilité – jouets et monstres se séduisant – se maltraitant – s’unissant – se désagrégeant – livrant, peu à peu, tous leurs secrets…

Rien d’important – ni d’essentiel – sous l’azur ; la permanente recombinaison des formes plus qu’éphémères – l’instabilité presque frivole – et inévitable (bien sûr) – devant l’être – le regard sans inquiétude – inconcerné par la beauté ou la monstruosité des jeux et des déguisements…

 

 

Nous – sur le seuil – tous les seuils – regardant – impassible – de tous les côtés du monde – sans s’attrister des malheurs – sans se réjouir de ce qui semble heureux – sans même rire des farces inventées – ni même (très) étonné par les inventions et les métamorphoses incessantes…

Le cœur invulnérable – sans émoi – face à la déraison – face à la pensée – face aux cabrioles et aux apparences – sensible – seulement – à la beauté de la neige qui tombe, de temps en temps, sur quelques âmes privilégiées et à ce qui s’imagine seul et démuni au milieu des Autres…

 

 

Parfois – la blancheur – non comme un rêve – comme une île – un halo de lumière – la tête qui se dresse – la main qui jette toutes les espérances pour être plus que vivant à l’intérieur…

Et dans l’œil – pas la moindre crispation devant le défilé du monde – toutes les silhouettes de passage…

 

 

Tous les piliers brisés – à présent – plus que des flots et des courants – et les restes de l’âme qui jouent au milieu des eaux qui s’écoulent sans retenue…

Ce qui glisse – ce qui sombre – au milieu des éclats de rire…

 

 

Des doigts sur le sable – quelques traits – un dessin, peut-être, sous la lumière – la poursuite sans cesse renouvelée du même voyage – avec des souvenirs – et des querelles parfois – des cris et encore quelques interrogations – rien de réellement insupportable ; la vie qui passe – et l’exil comme un tertre en soi – de plus en plus loin des rives – de plus en plus haut – comme une flèche vers le ciel – l’origine de la neige…

 

 

Rien – l’apparence d’une disparition – et ce qui, en nous (en nous tous) – s’enfonce dans les profondeurs et fait voler en éclats toutes les certitudes – toutes les fausses évidences…

Rien – il ne reste rien – sinon l’assurance du mystère – du silence – de l’infini – sous les traits tantôt de l’Amour, tantôt de l’absence – quelque chose, en tout cas, d’incroyablement tendre et familier – comme un sourire maternel sur un visage inconnu…

 

 

Des instants brûlants – comme la roche – cette pierre née des profondeurs – comme notre destin hésitant – courageux – dans l’étrange sillage de l’invisible – au devant de soi – désarmé et tremblant – face au plein jour – face au sommeil – face à tous les abîmes – les yeux fermés au milieu du silence…

 

 

Partout – la fausse raison et le sang – l’odieuse légitimation du crime – de l’organisation meurtrière ; la faim et le bonheur – la supériorité de l’homme – seule valeur certaine (et encore – pas pour tous) disent-ils…

Et où que l’on aille – on entend l’écho très proche des hurlements de nos ancêtres – poils et massues dressés – parés pour la lutte et le combat…

 

 

Le silence détrôné par la fougue impétueuse – contenue trop longtemps – comme une vengeance sournoise orchestrée par la matière – trop souvent reléguée à une forme grossière – incroyablement triviale…

Aujourd’hui – le déluge – qui insiste – persévérant – qui déferle – qui dévale les pentes trop longtemps interdites. Des flots et des forces – des routes inondées – hors d’usage – submergées par mille courants dévastateurs…

La déroute du silence et l’impuissance des prières. La quiétude sabotée par l’infernale puissance du monde – en nous – autour – partout…

 

 

L’alphabet de l’invisible et du désintéressement – et toute une syntaxe à inventer pour le peuple des sages et du silence…

 

 

Dans nos abîmes – notre préhistoire et la destination de toutes les routes que nous avons inventées pour nous en libérer…

L’homme – matière de sa propre chute – de sa propre perte – de son propre effacement…

 

 

Pas encore affranchi de la pierre – présente à tous les âges. Et nos feuilles – et le faîte même du monde – y prennent appui – et n’en sont, en définitive, que les hauteurs…

Pas même un soleil sur la terre ouverte – sur les âmes endormies. L’ombre – partout – comme la seule loi commune – ce qui est le plus répandu – puisque tout s’y prélasse – jusqu’à notre espoir de nous en débarrasser…

 

 

Rien en dehors de soi – pas même la nuit – pas même le monde…

Notre peine – seulement – qui vient s’ajouter au néant – et son contrepoids de solitude – au-dedans…

 

 

D’un côté – le souvenir – de l’autre – la danse folle – presque extatique – lors de nos longues marches parmi nos frères à écorce et à lichen…

Une seule lumière au lieu de mille étoiles…

Notre souffle plutôt que nos envies successives d’ailleurs – des songes souvent plus attristants que le réel…

 

 

Parfois – tout a l’air gris – couleur des mauvais jours. Les malheurs et la fièvre, au-dedans, inassouvie. Le désespoir qui s’écoule comme du sable – grain après grain – et ces pas qui crissent dans notre cœur immobile. Rien que l’on ne puisse regarder en face – yeux dans les yeux ; notre fuite et notre déroute – seulement – le bruit des pas qui ont peur – et cette tristesse comme notre seul appui…

 

 

Prisonnier du monde et du mensonge – des traits épais et imprécis griffonnés par le feutre des Autres – que nous avons cru nôtres – et inversement – l’illusion de haut en bas – épaisse – dégoulinante – saupoudrée de paroles lasses – et, pourtant, presque lucides (parfois) – nous-même – loin du vrai – à côté peut-être – à vivre aussi seul ici qu’ailleurs – dans la proximité d’un ciel moins étranger que toutes ces âmes indifférentes – que tous ces visages (trop) lointains…

 

 

Le quotidien durera jusqu’à la fin du sommeil – ensuite – on ne sait pas – tout sera tranchant – suffisamment sans doute pour que rien ne dure – pour que rien ne reste…

 

 

Au-delà du monde – le reflux – le retour – ce que nous n’aurions pu imaginer en restant sur les rives communes ; la régression jusqu’à l’origine pour accéder à une existence plus libre – plus belle – plus autonome…

 

 

Dans la frange la moins épaisse du rêve – avec des mers et des monts – des colonnes hautes comme la nuit – des familles – des tribus et des peuples – avec du vide sous le front et du vent nocturne et fatigué entre les tempes – quelque chose comme les restes d’un oiseau blessé qui aurait passé sa vie en cage ; rien de juste – rien de droit – un inventaire de choses disparates et cruelles…

 

 

Au-delà du sens des mots – il y a un monde – des mondes – mille merveilles possibles – un langage qui, sans cesse, se réinvente – qui se cherche sans jamais se trouver tant tout est instable – tant l’essentiel glisse toujours plus loin – derrière – à côté – par-dessous – jamais là où on l’attend – jamais là où on l’imagine…

 

 

Rien que la folie des têtes et l’égarement des peuples. La bêtise hissée au plus haut avec les griffes et les instincts – le repli et le territoire – la disgrâce de tous les gestes et de toutes les intentions – le sacre du rêve et de l’inutile – l’horreur façonnée pour mille lendemains – pour mille siècles peut-être…

 

 

Notre tête – au milieu de la forêt – comme posée là – à l’écart – attentive – sans pensée – au chevet du silence – au milieu de ceux que l’on aime – de tous nos frères sans parole – sans histoire – dignes des plus belles et des plus hautes verticalités…

 

 

De la neige dans les yeux – quelque chose de léger et de froid – en couches épaisses – comme un manteau assassin – une couverture nocturne qui obstrue la vue – et sous laquelle on finit par mourir – asphyxié…

 

 

Le cœur trop pesant pour vivre – l’âme égarée – introuvable – la gorge nouée – la poitrine haletante – l’existence pareille à un mauvais rêve – l’épuisement à respirer trop près de ses semblables – ceux qui, en apparence, nous ressemblent…

 

 

L’horizon si longtemps oublié – comme un secret caché aux vivants – au milieu du sable – la fleur – ce qui ne peut éclore sans émoi – sans un regard né du fond de l’âme…

Le monde passe – continue de passer – sans cœur – insensible – les yeux ailleurs – déjà posés sur le pas suivant – sur le terme du mouvement (ou la fin du voyage) – trop loin de nous – trop loin de tout – plus qu’absent…

 

 

Nos mains malhabiles devant l’air trop affairé du monde – cris – ivresse – tortures – comme une ombre immense qui recouvrirait notre labeur – tous nos efforts – toutes nos malheureuses tentatives…

Notre présence – nos intentions – appartiennent au domaine de l’invisible – comme notre sensibilité que l’on dénigre sans raison – comme notre chair fragile et notre front docile – que l’on veut soumettre à tous les rites – à tous les jeux – à tous les rêves – du monde…

L’âme résiste – s’arc-boute – refuse – s’enfuit – mais nul ne la voit – nul ne la respecte – nul ne comprend sa détermination – son élan vers la solitude…

Tout semble illusoire – l’âme – le monde – notre prison – pourtant, les blessures saignent – et le cœur, un jour, finit par s’arrêter…

 

 

Dans l’ivresse de cette longue nuit morose – nos congénères polissent leur miroir – s’exposent sans retenue – sans pudeur – célèbrent leurs (dérisoires) aventures – en rêvant, en secret, d’une autre vie…

 

 

Aveugles à l’ombre immense qui les poursuit – et qui se tient devant eux…

Doués pour l’art de l’illusion…

Prestidigitateurs aux blessures profondes – recouvertes – dormant – et rêvant de mille autres sommeils…

 

 

L’oreille attentive aux murmures des eaux souterraines – la mort devant soi – le chagrin au-dedans – des fleurs qui poussent au bout des doigts – la tête vide – sans prière – l’âme dans les mains de l’aurore…

Notre vie au milieu des arbres – en pleine forêt…

L’ombre des hommes et les ondes du Divin – sur l’âme…

L’Absolu qui se déploie – au-dedans – peu à peu – imperceptiblement…

 

 

Dans le tumulte des âges – dans l’ordonnancement des siècles – quelque chose entre la vie et la mort – qui accumule les naissances un peu naïvement – sans prêter attention à la ronde des jours – à la ronde des pas – qui cherche à dompter les vents – à diriger les destins – au lieu de s’abandonner à l’inexistence des chemins…

 

 

Mortels – comme si nous ne le savions pas…

Eternels – comme si le temps n’existait pas…

Du sable qui s’écoule et le cycle de l’eau…

Et le regard qui contemple – et soutient la course – la nôtre comme celle de mille autres visages…

Partout – au-dehors – au-dedans – des mondes – des rêves – des étoiles – toutes les possibilités de la lumière…

 

8 mars 2020

Carnet n°228 Notes journalières

Chaque chemin – comme un rayon vers le centre – rien – presque rien – un trait à peine esquissé sur le sable…

La nécessité de la violence – si souvent – et la possibilité de l’Amour – plus rarement exercée…

Des berges où viennent s’entasser les rêves et les naufragés. Quelques lumières sous la voûte. Des cibles – des clochers – de l’orgueil (exagérément). Beaucoup trop de fébrilité et d’atermoiements pour que les mains et les ventres – les épaules et les fronts – parviennent à se délester de leur embarras – pour que l’âme puisse s’émanciper – pour que nous réussissions à nous libérer des soucis du monde…

 

 

Le rôle premier du jour – la lumière et la joie – la main qui se tend – le seul souci de la nécessité. l’œil et la posture affranchis de l’or – des siècles – de la gloire…

La fortune – comme le vol de l’oiseau dans le ciel – comme ses danses et son chant dans le vent…

Des cris fébriles – autant que les gestes. Des bagages inutiles – comme des charges récurrentes…

Le parvis et les chemins déserts – sans rencontre possible. Des croisements âpres et difficiles – seulement…

De la pierre aux hommes – et des arbres aux bêtes – les mêmes luttes – les mêmes postures. Le territoire – le sommeil – et toutes leurs nuisances…

Le signe que la parole et le poème s’avèrent (toujours) essentiels – et insuffisants. Des lieux, peut-être, parmi les plus sacrés – un espace qui compte autant que le soleil et le silence. Une (réelle) présence – le baume des âmes impotentes et affamées. Les premiers pas – (très) maladroits, bien sûr – vers la possibilité d’un autre monde…

 

 

L’âme penchée sur l’essentiel – le vide des dépossédés – les cœurs joyeux et naïfs – forte de cette innocence mature qui ne s’acquiert qu’au fil d’un long et rude labeur de dépouillement…

L’extrême simplicité – résultante d’un processus complexe ; l’âpre besogne de l’invisible sur les apparences…

 

 

Le goût de la joie et du silence au fond de la poitrine ; le privilège ni des hommes – ni des Dieux – celui des sages – peut-être…

 

 

De l’eau – et des noyés trop dociles. Un aquarium de ruelles – des murs qui, en leur centre, recèlent d’étranges rumeurs. Et, plus loin, le silence…

Le monde – le néant et la faim – quelque chose entre la torpeur et l’insomnie…

 

 

Des jeux et des étreintes – des luttes – des résistances et de l’inertie – des geôles occupées – renforcées par l’organisation de l’espace et la perspective (très) territoriale de l’esprit. Les frontières qui se dessinent au feutre noir…

 

 

De la raison (apparente). Rien du ressenti – des noms – des valeurs – la hiérarchie des représentations. Le centre – le ban et les récusés – les hors-cercles contraints d’habiter aux marges – à la périphérie – dans les forêts abandonnées – d’ouvrir leur âme au plus sauvage – de tourner leur cœur vers une source moins corrompue – plus abondante – réconciliatrice…

 

 

Dans la jubilation d’une lumière sans rançon – sans récompense – qui s’offre gracieusement à ce qui se dénude – à ceux qui avancent – naturellement – malgré eux – sur le chemin des soustractions…

 

 

Des haltes sur des îles émergeantes – nouvelles – provisoires – qui jaillissent au fil des pas qui savent se réinventer. L’océan en tête et ce bleu au fond de l’âme. Des empreintes sur le sable noir – des oiseaux plein les poches et des surprises au bout des doigts…

Mieux qu’un rêve – mieux que le sommeil – le réel non revisité – à l’état brut – sans écran – sans filet – sans la moindre géographie. L’immensité du dedans qui redéfinit l’apparence des frontières – qui élargit l’espace – et donne au monde des airs incroyablement familiers…

La conscience qui se rejoint – qui retrouve, en quelque sorte, sa place au cœur des choses – le silence et l’infini – enfin rassemblés dans la matière. La pleine liberté de l’être triomphant…

 

 

Seul sur les pierres – sans histoire – sans légende – avec encore trop de bruits anciens dans la tête – la mémoire pleine – au bout d’un voyage inachevé…

L’âme déjà couchée – presque dans la tombe. Le jour déclinant – l’obscurité galopante – la nuit – le noir – bientôt…

 

 

La vie en laisse – les bras ouverts aussitôt repliés. L’ordre établi autour de l’illusion – comme un axe central autour duquel l’existence tourne – à la manière d’une roue dans le vide – dans une succession (sans fin) de mensonges, de cris et de prières – et du sable partout – ce que l’on retient – ce que l’on retire – et ce que l’on économise – la pauvreté intérieure des ventres repus – des esprits à l’abri au milieu de leurs chimères – comme mille fausses évidences – mille fausses certitudes – érigées comme des remparts autour de soi…

Entre griffes – vautours et opium – la vie fallacieuse – faussement béate qui dissimule l’angoisse au cœur – exaltée…

 

 

Le jour errant – le voyage – ici et là – tantôt au-dedans – tantôt au-dehors. La lune en arrière-plan – permanente – dans cette nuit sans fin. Les pas multipliés – puis soustractifs – ramenant toutes les périphéries vers le centre – puis abandonnant le centre pour l’essentiel…

La tête humble et retranchée – l’humilité sans banderole – le ciel entre les mains et la poitrine offerte…

Vivant – comme l’oiseau dans le ciel dont chaque battement d’ailes pourrait soulever le monde…

 

 

De pas en pas – les heures qui se succèdent – qui avancent sur le cadran – dans la brume des jours – les piétinements joyeux – dans la cendre – dans l’inconscience totale de ce qui a brûlé…

Qu’importe pour les cœurs frivoles pourvu que la fête dure et soit grandiose…

 

 

Être là – présent – au milieu du monde – libre – contemplatif – circulant – sur des chemins sans destination – où les visages croisés comptent moins que les pierres où l’on a fait halte. L’âme dans son retrait – la voix dans son élan de joie – la main qui emprunte au ciel et aux alphabets pour esquisser quelques lignes sur la page blanche…

 

 

Rien du rêve – rien du temps – l’ancien langage des chimères remplacé par celui des Dieux – toujours frais – toujours neuf – sortant, à chaque instant, de leurs têtes innocentes…

 

 

Le silence infini qui plane au-dessus de la mort – au-dessus du monde – qui serpente entre les planètes – entre les galaxies – qui répand ses mystères dans tout le cosmos – dans tous les espaces inconnus…

En plein jour – le soleil…

Et le noir épais au fond du cœur…

Des âmes virevoltantes – dansant dans les airs – dansant sur le sable – de la chair grossière – malmenée – errant entre tous les débuts et toutes les fins – exultantes – agonisantes – selon les heures – ivres – prisonnières de leur propre piège – construisant de risibles empires et d’autres visages pour rendre plus tangibles leur puissance et leur immortalité…

Des sirènes allongées sur les rives – immobiles – des silhouettes fébriles et effervescentes – qui trépignent – tandis que la mort s’invite à toute heure – tandis que l’inconscience se confirme – se renforce – se propage…

 

 

Le jour qui s’émancipe – affranchi de nos espoirs – de notre impatience. En plein désert pendant mille ans – au milieu des Autres un court instant – allant là où l’attente a été bannie avec la fin du temps…

 

 

De surprise en surprise – d’émerveillement en émerveillement – les lèvres sèches – autrefois si assoiffées – posées, à présent, sur la coupe permanente – débordante de vérité…

Tout qui se colore en blanc – l’espace et le monde – arrosés eux aussi…

Du sable au ciel – la même teinte – docile – aisée – libérée du souvenir – de toute idée de décor et d’embellissement – reflet du plus juste et du plus vrai – simplement…

 

 

Âme minuscule – dans la trace immense qu’ont laissée les Dieux – comme une demeure – l’assise céleste sur le sable – pour la chair – l’aire d’envol – le lieu à partir duquel doivent être décochées toutes les flèches vers le monde et l’azur…

La parole comme un pont – l’un des rares liens – entre le jour et la quête – passerelle de feu et d’éclats – de neige et de braises – sur laquelle les hommes s’essayent à l’impossible…

 

 

De la chair délivrée à l’envol – tout un périple périlleux – de l’arche à la pierre dressée – de la voûte sombre à l’âme érigée comme un socle – celui de l’élan propice au jaillissement du fauve – à son saut par-dessus le fleuve – d’une rive à l’autre – au milieu des eaux et des flammes…

De la terre aux sources de la lumière…

De la glaise au soleil…

Du provisoire jusqu’à l’origine éternelle…

Nous autres – à la fois fruits et matrice – créatures et enfantement – excroissances et béance première…

Des traces initiales à l’oubli – sans cesse recommencés

 

 

Façonnée par le ciel et le relief aride du monde – l’âme – montagne déserte – enveloppée de nuages gris – passagers – voûte ouverte – des arbres – des forêts sans chemin – sans dédale – présente – rassemblée – libérée de ses chaînes – de nos chimères…

Les hommes et les rêves – derrière nous – de plus en plus loin à mesure que défilent les saisons…

Au cœur d’un royaume sans complice…

Fruits et racines sous les mêmes étoiles – nourris aux mêmes sources – dans la lumière du même soleil…

L’enfance retrouvée – face à elle-même…

La joie du bout du monde…

 

 

Les passants du songe sous la lumière – indifférents à la clarté – si endormis que leurs pas demeurent somnambuliques…

D’une nuit à l’autre – malgré le plein jour…

Fantômes aux yeux clos – élevés sans Amour – éduqués par le manque et la faim…

Le cœur sur la peau tremblante – hérissée, si souvent, de piquants…

L’enfer du monde – comme un gouffre au fond duquel on hurle et on se blesse – le nez contre la paroi – et les mains sanglantes à force de tentatives d’évasion…

 

 

La tête assagie – quittant son rôle de victime et ses attributs communs – immobile face aux cycles et aux mouvements – offrant, à chaque instant, une chance au regard pour qu’il se déploie dans cet entre-deux du naître et du mourir – la langue obéissante pour dire à l’Autre les risques à vivre à l’ombre de l’Amour – sur ce seuil imprécis – si difficile à franchir – où l’on s’attarde parfois indéfiniment…

 

 

Ce qui s’oppose – comme une résistance au plus naturel – ce qui se rappelle à nous – une chose impossible à oublier – le monde nocturne – l’enfer autour de nous – la brutalité des êtres – des choses – du temps – la vie en société – ce qui interdit la solitude – la liberté outrageusement surveillée – la bande étroite où l’on est (habituellement) autorisé à vivre…

 

 

Des églises et des armées de fidèles – inutiles – enveloppées (empêtrées) dans de faux airs de sainteté. Des espoirs plein les paupières – des gestes sans justesse – des paroles sans silence – des âmes sans vérité. La sagesse feinte – dont on se pare à des fins narcissiques et simoniaques – affligeantes…

Une mystique de décorum – de pacotille – pour avoir l’air de ce que l’on est (encore) incapable d’incarner…

 

 

Une tête – un regard – une manière de vivre – d’être au monde – de tenir la mort au-dessus de sa tête – présente – vivante – le cœur fragile – l’âme à l’écoute – le front humble et attentif – la langue trempée dans le plus tendre disponible – aux yeux des Autres – invisible – bien sûr…

 

 

Autour de soi – l’immobilité et la lenteur – les chemins de pierre qui mènent au-delà des apparences – au-delà de toute attente – là où le temps s’éteint – là où se tarit la soif – là où la lassitude et la tristesse se découragent devant l’ampleur du brasier – et parviennent, peu à peu, à se métamorphoser en incandescence – en ardeur – en intensité – en flammes vivantes – utiles autant à l’âme qu’au front – pour vivre parmi les arbres et la roche – dans des forêts profondes et mystérieuses qui condamnent à la solitude – et à nous élever au-dessus de notre condition trop strictement terrestre… 

Une chance – un honneur – une perspective offerte – un présent sans enjeu que l’on reçoit avec courage et gratitude – une manière (la seule pour nous, sans doute) de s’affranchir du monde et du sommeil – de la plèbe et de la glaise…

 

 

De l’être aux yeux innocents – blessés par la violence du monde et l’âpreté des choses…

Sans le moindre ami en cette communauté terrestre…

 

 

Pensées qui pourchassent leurs proies jusqu’à la satiété de l’esprit – satisfaction (extrêmement) provisoire…

La vie devenue chemin où se succèdent les pas lents – presque immobiles – l’attente sur les pierres – interminable – la soif et le bûcher – au-dedans – insupportables – les jours qui se remplacent presque à l’identique pour le front – docile – fidèle – trop discipliné…

 

 

La main sur l’arbre – patiente – qui épouse la lenteur de la sève – la croissance verticale – l’âme inspirée par la danse (joyeuse) des feuilles dans le vent – et la justesse des mouvements et des couleurs sylvestres au fil des saisons ; efflorescence – maturité – déclin – effacement ; vert – jaune – orangé – noir…

Le naturel sans masque – sans mensonge – soumis aux lois – implacables – de la matière…

 

 

Le front audacieux penché à l’envers – du ciel au sol – nomade – incapable de rester à la même place – découragé par le manque d’envergure du monde – l’inertie des hommes et des âmes – peureux – pusillanimes…

Solitaire au milieu des arbres – racines et séant soudés le temps d’une halte – brève et amicale. L’âme et les troncs verticaux – dialoguant – partageant je ne sais quel secret – se prêtant à quelques entrelacements mystérieux…

Voyageur – comme ses frères à écorce – s’éloignant, peu à peu, de la terre noire pour un espace plus clair – moins étroit – plus propice à la lumière et à la liberté…

L’épanouissement sous la chevelure – sous la ramure – la densité du bois et de l’esprit – qui s’intensifie – au fil des pas – au fil des jours – la hauteur prise – croissante – au fur et à mesure du cheminement. Et le cœur comme un soleil perché au-dessus du faîte – au-dessus de la tête – la vie terrestre hissée jusqu’à la canopée du monde – en surplomb des cimes humaines – au pied des Dieux d’autrefois – des temps primitifs – dans le même mystère qu’en bas – qu’avant l’ascension…

Serait-ce alors une erreur – peine perdue – que de se livrer à un tel périple… Non – bien sûr – tant cette entreprise – cette folle aventure – s’entreprend naturellement – malgré soi – en dépit de toute volonté – et s’avère, en définitive, la continuité des pas précédents – la seule voie que nous puissions emprunter…

 

 

De l’écume plein la tête – bave aux lèvres – l’homme dans toute sa gloire – chantre (invétéré) du mensonge et de l’illusion – (grand) pourvoyeur de mort – au faîte, pense-t-il, de la création terrestre…

L’humanité qui s’invente mille choses ; un destin – une intelligence – une histoire – une éthique – qui entasse les mythes – les rêves – les mensonges – au point d’occulter toute lucidité – le besoin naturel de compréhension et de vérité…

 

 

Des rivages de briques et de sang – des terres sans profondeur – coupées de leur source – défigurées par la nécessité du confort et du superflu…

L’œil et l’âme plongés dans la laideur et l’artifice – le paraître et les apparences – aux mains du monde – comme des pantins sans cervelle…

Mille scènes quotidiennes ahurissantes – et répugnantes – où tout ce qui est touché est aussitôt corrompu. Les instincts et la cécité qui tiennent les rênes – hissés partout – inscrits sur les tables de la loi en lieu et place du Divin – de l’intelligence – de l’Amour – de la vérité. Un espace souterrain en plein air – l’odieux – l’affreux – spectacle que nous offrent, partout, les hommes…

 

 

Du monde – comme un obstacle – un amas d’erreurs – peu à peu accumulées. Et l’inquiétude croissante face à ceux qui décident – à ceux qui dominent – à ceux qui exploitent (les mêmes bien souvent)…

Le corps soumis – l’esprit pris au piège – l’âme à la merci de ce qui s’impose…

Et nous autres – et nous tous – muets – dociles – esclaves jusqu’à la moelle – que seuls l’exil et la solitude pourraient sauver…

 

 

Terre sans jachère – des rêves en actes – presque que cela – un monde d’agitation et d’abondance où le spectacle est continu…

 

 

Le souffle et la poitrine cloués à la route. Des pas qui s’éloignent des villes et du sommeil – de la ruse et du mensonge organisés – de tout ce qui légitime l’illusion – l’étroitesse – la domination…

 

 

La tête et la roche – l’âme et l’arbre – complices – dans cette secrète connivence avec l’invisible…

Route – puis chemin – chemin – puis sente – des pas de plus en plus discrets vers l’immobilité – le seuil où l’infini devient vivant – autant que le silence et l’absence de temps…

La seule perspective qui puisse échapper à l’étouffement – au déclin – au néant – aux mille catastrophes promises à tout ce qui inscrit ses foulées sur le versant opposé – le monde tel qu’il marche…

 

 

Les yeux clos – pleinement dédiés au rêve – fuyant toute lumière par crainte de regarder le réel – de l’affronter à mains nues – sans outil – sans alliance – seul – entièrement plongé dans la condition terrestre…

 

 

Autour du mystère – trop de bruits – de pas – d’aventures – de monde. Et pas assez de fleurs – d’âme – d’abandon…

Des rayonnements trompeurs pour attirer nos ailes sur la lame qui nous privera d’envol et de voyage – manière de plonger la foule dans l’obéissance et le désarroi – au cœur de la désespérance – déniant aux êtres le droit à la liberté – à l’autonomie – et les asservissant en leur faisant miroiter un paradis imaginaire pour récompenser leurs efforts et leur labeur (acharnés) – leur abnégation et leur attente – mille siècles de bêtise, de tristesse et d’aliénation…

 

 

En guerre – trop souvent – avec le monde et les hommes – leurs œuvres – leur labeur – leurs intérêts. Peine perdue – la beauté et l’Amour – le silence et la vérité – piétinés – rejetés au profit du confort – de la laideur – du vacarme – de l’illusion…

L’éloignement – l’exil et la solitude – la fuite comme seule issue pour ceux qui aspirent à vivre autrement…

 

 

L’impossibilité du monde – les armes remisées au fond du cœur – en un lieu secret – enfoui – souterrain – le sourire aux lèvres sur nos remparts lointains – le regard entre deux pôles – comme une vigie – les yeux braqués sur le seul passage édifié entre les terres humaines et les Dieux – cette longue route – déserte – l’essentiel du temps…

 

 

Rien entre l’étoile et la fleur – un sol noir – un espace de désolation – pas une seule âme qui vive – des restes de rêves et de sang. Et, au milieu, un mur de feu – épais – presque infranchissable – derrière lequel le ciel et la terre se rejoignent pour offrir aux lauréats dépouillés et ahuris un embrasement de joie et de beauté…

 

 

Des rives et des miroirs – et l’espérance d’autres sentiments – quelque chose aux allures moins tristes. Des fleurs sans nom qui grimpent vers l’azur – des arbres gigantesques – le désert à perte de vue – l’océan au-dessus du ciel. L’Amour au-delà du désir – des sourires derrière les masques jetés par terre. L’Autre sans le sommeil – une vie intense mesurée par notre présence et la tendresse éprouvée face au reste que l’on s’empresse d’appeler autrement. Une parole – un langage – silencieux – l’autre extrémité du monde – l’autre versant du jour – le vivant libéré qui s’abandonne à l’éternelle lumière – à cette figure de Dieu la moins étrangère…

 

 

Ce qui nous déchire jusqu’au fond de l’âme – l’Autre – inauthentique – qui trahit le pacte et la confiance – l’alliance tacite entre nos fraternités…

Des masques fleuris – parfumés – et derrière, un long coutelas acéré dont le manche et la lame dépassent de part et d’autre de la bouche – comme le prolongement d’un sourire qui feint la gentillesse – et que naïf – (bien) trop naïf – nous n’avons pas vu – nous n’avons pas voulu voir…

L’azur soudain changé en sabre – et l’amour autrefois si doux – si vraisemblable – transformé en mâchoire féroce – affamée – carnassière – qui vous arrache la chair et l’âme – qui vous dévore sans trembler…

Et vous voilà – presque aussitôt – amputé – invalide – confiné à la douleur – à la tristesse – à la désespérance…

Seul – sans sommeil – livré à un silence qui ne peut vous réconforter…

A cet instant – il faudrait mille mains tendres – caressantes – attentives – pleinement présentes – pour vous consoler de l’inconsolable – et panser patiemment – une à une – toutes vos blessures…

 

 

Ce qui passe – en rang – de l’ombre dans l’herbe – avec dans son sillage des traces de sang. L’âme impuissante – autant que la parole – à nous soustraire – à nous sauver – de l’infamie ; la scie qui entaille jusqu’à l’os – sans anesthésie – seul sur la table des supplices – dans la chambre des tortures capitonnée – îlot d’inhumanité au milieu du néant – à tenir d’une main l’instrument tranchant et de l’autre quelques bouts de chair et d’âme – sanguinolents – larmoyants – pitoyables…

Le démon – l’innocent et l’assassin – réunis dans la même pièce – ensemble – inséparables – dans le même esprit partagé en autant de parts nécessaires pour que l’œuvre se réalise et soit achevée…

Au cœur de notre nuit – de notre destin (fatal – sûrement) – vie d’ombre – d’échelles – et de vaines pensées – à pleurer sur le sol sombre de l’arène – une lame enfoncée en plein cœur…

 

 

Ce qui monte au front – comme une résistance – une ardeur – (presque) un coup de folie – face au néant né de l’horizon (de la prédominance horizontale) ; une terre libre – et vaste – sans cesse émergeante – face aux murs habituels et aux chemins trop fréquentés – face aux barreaux qui encerclent le monde – les bêtes – les hommes – toutes les existences…

Plutôt la solitude que les faux soleils inventés contre la terreur et le dénuement…

Plutôt la tristesse et le froid que la gaieté d’apparat et la fraternité fallacieuse…

 

 

Pèlerin d’un autre ciel – invisibles – des pas sans borne – sur des chemins sans pierre – le cœur amoureux des élans et des mille petites choses qui passent. Une prière – comme un long murmure – comme un silence converti en syllabes, parfois, nécessaires…

 

 

Rien – dans le temps infini de la rencontre…

La même ivresse qu’au premier jour de l’inconscience – mais lucide à présent – comme un regard et une envergure portés depuis l’intérieur…

Le jour du dedans qui se propage jusque dans le creux de la main qui s’ouvre – qui s’offre – au monde qui apparaît devant nous…

 

 

En soi – ce tintement de chaînes – tantôt léger – presque lointain – comme confiné dans les profondeurs – tantôt assourdissant – insupportable – comme cousu au revers des oreilles – comme une seconde peau – intérieure – la plus fidèle – celle qui a su résister à toutes les morts vécues…

L’ombre – en nous – qui respire – plus vivante que notre âme – plus vaillante que nos pas de fantôme…

 

 

Tout près de la fenêtre – le soupir des Dieux – invisibles depuis l’extérieur – inaudible depuis l’intérieur…

Nous autres – emprisonnés dans notre forteresse – avec quelques distractions pour oublier la détention – et toutes nos tentatives (défaillantes) pour chercher un chemin – une issue – la moindre faille dans la poussière – nos mille ruses pour échapper à ces longs murs gris…

Notre (triste) destin jusqu’au déclin – l’âme qui se délite à mesure que s’effritent les murs – tout pourrissant – et devenant peu à peu (et inévitablement) revers et ruines – disgrâce et chagrin…

 

 

L’étreinte de la pierre – plus perceptible que celle du ciel – dans l’âme – au fond des yeux. L’espoir – seulement – d’une légèreté – comme un rêve, sans doute, un peu vain…

 

 

L’esprit proche d’un vertige – plus puissant que le tournis coutumier – continuel – du monde – ces tourbillons quotidiens – incessants – sans épaisseur – sans conséquence. L’inconscience ordinaire – l’absence commune et habituelle – qui donnent à nos vies cette allure de danse fantomatique…

 

 

L’abandon délicat de l’Autre – comme une invitation non au repli – mais à l’envergure – à cette solitude des hauteurs – chaleureuse – ardente – peuplée – contributive – très étonnamment communautaire – en soi – entre soi – avec tous nos visages – rassemblés – sans la moindre exception – apprenant, peu à peu, à se fréquenter – apprivoisant, peu à peu, leurs différences et leur complémentarité autour d’un axe central – leur présence commune – cet espace vide et clair qui les réunit – comme une tendresse immense – attentive – chaleureuse et accueillante – qui les autorise à être pleinement eux-mêmes dans la compagnie des Autres et qui offre à chacun exactement ce dont il a besoin…

L’étrange (et surprenante) expérience d’une communauté hautement fraternelle – toutes nos figures réunies autour de celle qui réclame le plus d’attention (à un instant donné) – l’encourageant – la conseillant – la soutenant – lui apportant (indéfectiblement) leur appui, leur réconfort, leur affection…

Sans doute le plus précieux – le plus sacré – en nous – qui se dévoile – qui se dessine – qui se précise – et qui n’aspire qu’à s’intensifier et à se déployer ; l’être ouvert – l’être – l’existence et le monde – honorés et couronnés – de la plus simple et de la plus belle des manières…

 

 

Notre sourde inexistence – inconfortable – somnambulique – dans l’entre-sol du réel…

Entre rêve et absence – à parts égales…

 

 

Dans la main – quelques diamants inutiles qu’il faut abandonner. Et immerger l’âme dans un bain glacé où les lames et la solitude auraient remplacé l’eau – et laisser l’Amour croître dans son ventre – lentement – au rythme naturel de l’homme…

Rien qu’un défi entre le soleil et nous – perdu d’avance – bien sûr…

 

 

Des jours sans fin – comme le monde et les choses – sans cesse régénérés par le désir des Dieux – et leur goût (immodéré – incompréhensible) pour le jeu et le rêve…

 

 

Les astres en cercle autour de nous qui contemplent nos corps et nos gestes entremêlés – nos esprits asservis par la perspective du temps et la puissance des promesses – refusant l’évidence présente au profit d’un avenir sans réalité – nous regardant (inlassablement) patauger dans les mythes et la boue – s’attristant de l’emprise de l’illusion et de la force des rêves dans nos têtes…

 

 

Des traces dans les livres et sur les pierres – quelques empreintes sur le sable et la neige – monts et abîmes – merveilles et silence – inutiles pour ceux qui veulent s’aventurer plus loin – au plus près de ce qu’ils abritent…

Mieux vaudrait tout jeter – et abandonner le reste – pour aller sans bagage…

 

 

Sur la pierre des jours – la même depuis l’enfance – à chercher des yeux la moindre brèche – le moindre éclat – derrière le sommeil – l’espérance d’une issue (pour l’homme)…

 

 

Derrière les murailles – les forces vaines – en nous – qui tournent en rond – en longeant les murs pour jouir de la totalité de l’espace autorisé – cherchant l’aventure – des jeux – mille occupations – la moindre opportunité – n’importe quoi – pour s’épuiser et offrir à l’âme un peu de répit – un peu de repos – une accalmie nécessaire à la quiétude du cœur…

 

 

Tête nue – au bord de l’abîme – le pied attentif sur la corde mortelle suspendue très haut – à côté du monde…

L’âme de plus en plus légère – la foulée de plus en plus aérienne – à mesure de notre progression – ni harassante ascension – ni éprouvante traversée – ni hier – ni demain – l’assise entière sur le pas présent – entre vie et mort – à chaque instant – indéfiniment – pour que l’inespéré puisse apparaître et s’approcher – suffisamment pour imprégner le corps – l’esprit – le cœur – et colorer les gestes – la parole – les pas – quotidiens…

 

 

La solitude grandissante de l’homme dénudé – sans rôle – sans but – sans attribut – privé des raisons communes de vivre. Exclu de toute société et de toute compagnie – contraint à l’érémitisme au milieu de ses frères – au milieu de ses propres visages – appuyé tantôt sur sa fatigue – tantôt sur son élan – pour essayer de maintenir vivant l’espace (infime) qu’il habite face à l’immensité – dépouillée – dépeuplée – et jouant, elle aussi, avec l’ombre des vivants…

 

 

L’entêtement solitaire – la tristesse comme blessure non mortelle – qui ronge l’âme et la chair – et invalide l’existence – notre manière d’être au monde…

Il faudrait un refuge communautaire – une famille de visages joyeux – pour demeurer en bordure de l’abîme – en exil – loin des attractives (et pernicieuses) consolations du monde. La compagnie de tous nos frères – et cette présence – au centre – au cœur – attentive au juste déroulement des choses – des gestes – de toutes les histoires où nous sommes impliqué(s)…

 

 

Un lieu – un ciel – une balançoire. Et nous jouant et riant sans crainte au milieu des regards bienveillants…

 

8 mars 2020

Carnet n°227 Notes journalières

L’ombre séculaire – dans cette chambre – qui passe devant l’immobilité – l’âme chaude et les mains tremblantes – seul comme toutes les premières fois – le feu au plus près du ventre – l’incandescence au-dedans – et rien au-dehors – pas même un souffle de vent…

 

 

Les bras chargés de terre – les pas sur la feuille – plus loin que le premier virage – entre deux rives – et, parfois, entre deux ravins. Trop souvent à genoux sur les pierres – l’encre comme du sang pulsé par les profondeurs de l’âme…

Une voix et du silence – presque à égalité – pour essayer de dépasser les plus hautes branches des arbres – de rejoindre les cimes avec un peu de folie et moins d’embarras – pour tenter de devenir le premier homme – de revenir au premier jour de l’humanité – avec un regard et des gestes spontanés – sans mémoire – sans apprentissage – vierges – absolument…

Au cœur même de l’origine – de cette plaie initiale – devenue, par nos excès et nos absences, faille – puis, béance – gouffre – puis, abîme – et, aujourd’hui, un désert vertical presque infranchissable…

 

 

Le monde et la matière – consumés ensemble – charbons d’un odieux labeur – résultante d’une ardente paresse – une sorte d’indolence paroxystique qui laisse les choses s’agglomérer et se défaire – et, en définitive, s’entre-déchirer – une manière de consolider, chez les vivants et les hommes, les idées de frontière et les gestes de séparation…

Le monde initialement rude et sauvage – que l’Amour absent – totalement éclipsé – a rendu obscur et invivable ; l’enfer sans issue – sans facilité – la guerre et la mort comme seules perspectives…

 

 

Dans les bras d’un Dieu – d’une éclipse – des pierres – d’un souffle – la même ardeur – la même tendresse – entre le sang et la blancheur…

Le réel ici – et jamais à côté du monde…

 

 

Emergeant de la terre – des sous-sols gorgés de corps démembrés – la tête parmi les fleurs – les os au milieu des racines – et l’âme au-dessus – accomplissant sa tâche sans facilité…

Et autour de nous – ce bleu – cette immensité – comme le point de convergence de tous les horizons…

 

 

Bout d’un tout – jamais suffisant ; en nous – ce manque – la route des alliances et des unions – comme des pierres les unes à côté des autres – l’ensemble comme la somme des couples et des combinaisons – manque encore – incomplétude parfaite. Et les yeux qui tournent partout où la malédiction pourrait se briser – et les mains qui agrippent tout ce qui pourrait nous permettre de nous échapper – n’importe quoi – n’importe qui – pourvu que l’on y décèle une promesse…

L’entièreté – la complétude – se heurtant à nos insuffisances – à cette inaptitude à creuser à l’intérieur de manière suffisamment profonde et assidue…

 

 

La page blanche accueille ce que le mot désigne – comme le silence reçoit l’âme et le geste. Le même acquiescement face à l’Amour et à la haine – face à l’innocence et à l’idéologie…

 

 

Le cœur tantôt cannibale – tantôt funambule – entre chair et fil – dévoré par le même feu – de la matière consumée…

Des bruits – de l’ombre – quelque chose d’infiniment fragile – versatile – comme une main hésitante – des yeux indécis qui jettent le chaud et le froid – engloutissant parfois des pans de monde entiers – d’autres fois avançant – le ventre vide et satisfait – en déséquilibre toujours…

 

 

Dans son coin – avec le feu au centre – l’âme seule – et debout – dans l’exact prolongement de ce que nous étions hier – le jour d’avant – autrefois – en remontant même bien avant l’enfance – très antérieurement ; la même chose qui se déroule – qui s’affine – qui s’aventure au-delà des limites précédentes – qui cherche à réunir ce qui semble si étranger – à rapprocher le cœur du plus lointain – à élargir les frontières (toutes les frontières) puis à les abolir pour tout rassembler en un seul espace – en un seul visage…

Mille réalités au centre du feu…

 

 

Des éclats de terre dans le sang – les marées et les courants qui inondent nos rives – et jusqu’aux contrées les plus reculées. Debout sur les pierres dressées – les yeux grands ouverts – écarquillés – l’âme dans le vent – prête à basculer – devant nous, la tempête – et derrière, la nuit – autour – on n’entend presque rien – le souffle des Dieux – peut-être. La solitude – courageuse – pas encore totalement épuisée – prête à relever le défi de l’abandon…

Et au-dedans – cette absence – amoureusement esseulée…

 

 

La peau des arbres sous notre main – la paume tendre sur la rugosité de l’écorce. L’odeur du bois – de la terre – de la forêt – dans la tête – approfondissant leur sente – jusque dans l’âme – et plus intérieurement encore…

L’humus sur les pierres froides – devenant notre socle – tapissant le réel – teintant la chair – le corps immergé…

Tout dans le sol – presque souterrain – labouré par le vent et la pluie – mêlant leurs doigts – faisant jaillir la force et le besoin de croître – de s’élever au-dessus des fanges terrestres – vers le ciel peut-être…

Qui pourrait – qui saurait – nous arrêter…

 

 

La volonté dissipée – ce que le monde décide – à la merci du premier visage qui passe – sans âme. Pieds sur la pente – sans compromis – sans halte réelle – sans autre refuge que la verticalité en soi – cet espace aux dimensions variables – parfois plus étroit qu’une chambre noire – parfois presque aussi large que l’infini. A la merci aussi de l’envergure intérieure…

Ainsi vivons-nous – chaque jour – ce périple – dans cette double contrainte…

 

 

La plaie de vivre – sans la lumière – au milieu des visages torves – cachés dans l’ombre – diables et démons sur l’épaule – de mèche avec tout ce qui corrompt – prêts à assassiner pour gagner un peu de hauteur…

Condamné – provisoirement – à côtoyer le monde – à fréquenter la foule. De coin sombre en coin sombre – loin des forêts et de nos lieux de solitude habituels – dans la triste (et douloureuse) proximité du plus commun – entre dégoût et mépris…

Silencieux sur la pierre – posé un peu à l’écart – aussi loin que possible des bouches et des bruits…

L’odieuse saison des pluies qui nous déloge des marges – des confins – des chemins non balisés – nous forçant à rapprocher dangereusement notre roulotte – notre chambre – des villes et des villages – de la plèbe et des cœurs mal intentionnés…

Le froid et la nuit sur un immense bûcher. Nous autres – au cœur du monde – l’âme et le visage inquiets – et crispés – au milieu de nos frères ennemis…

 

 

Exposé au monde et à l’imaginaire – tendu et fragile – comme une pierre roulant indéfiniment sur sa pente – de la lumière au centre – invisible du dehors – et du noir partout autour – comme un habit mimétique – une manière, sans doute, d’aller – discret – presque invisible – parmi les créatures sombres et sans âme…

 

 

Rien à opposer à ce qui nous fait face – notre présence – humble – pacifique – un regard méprisant, parfois, lorsque la vulgarité se fait trop évidente – se répand et nous éclabousse…

L’espérance d’une rencontre – peu à peu anéantie – très vite entamée – en vérité – (presque) depuis le premier jour…

 

 

L’Amour – dans un coin – exclu – relégué à l’invisibilité et à l’attente – rejeté au fond – enfoui et recouvert – bien trop respectueux – bien trop délicat – pour ce monde rustre et grossier…

 

 

Le jour – en nous – qui grandit en silence – presque en cachette – comme une goutte de pluie au milieu du feu – de la lumière – un peu de clarté – au cœur de la nuit – au cœur de l’enfer…

 

 

Un monde de terreur et de gravats – des lieux sordides – partout où il y a des hommes…

Une chambre dans la montagne – là où règne le plus sauvage – là où la solitude est une invitation – un élan sans entrave vers le ciel – l’infini à portée d’âme – sur ce tertre exposé où les gestes deviennent naturellement justes – où la vie se déroule sans témoin…

Une terre sans farce – des contrées sans visage. Le souffle et le feu – l’existence libre et sans épaisseur ; celle que nous aimerions vivre lorsque contraint de redescendre dans la plaine, nous devons faire face à la présence des hommes…

 

 

Tout se meut – autour de nous – immobile. Le souffle – l’eau – le monde – l’usage – à perdre haleine – jusqu’à l’extrême limite de leur forme – dans la même direction – soumis à l’ordre cyclique des choses…

 

 

De l’air qui tournoie entre les murs qui se bâtissent – qui s’effritent et s’effondrent. La vie provisoire au milieu de la mort et du néant – quelque chose – un frémissement de conscience – quelques vibrations dans la pénombre…

Quelques grains de poussière qui dansent et virevoltent dans le vent…

Quelques grains de poussière qui tombent et s’entassent sur la surface du temps…

Rien – en vérité – après mille siècles d’existence – moins que l’épaisseur d’un cheveu…

 

 

Nous autres – sur terre – parmi la rosée et les grands arbres patients – loin des hommes – de leur vertige – de leurs illusions – à la frontière de l’air – presque au centre du ciel déjà – au cœur du feu – sur les routes – dans le froid et la nuit qui veille. Ni vraiment au-dehors – ni vraiment au-dedans – moins qu’un visage – et un nom presque oublié à présent – une déchirure à même la chair – une plaie à même l’âme – nées de la proximité du monde…

Ce qui précède la mort et l’infini – les prémices d’une joie sans cause – sans fin – injustifiable aux yeux humains…

 

 

Au seuil des jeux sans miroir – des danses sans musique – l’être face à lui-même – face aux mille lui-même – qui apparaissent et s’effacent (en un instant) sur les pierres – sous la lumière – dans la clarté et la chaleur rayonnantes des astres – au-dedans – suffisamment fortes pour fendre l’obscurité et la glace – accumulées en couches épaisses depuis la naissance du monde…

 

 

Sans cesse – butant contre soi – au-dedans – cette résistance au plus naturel – notre figure intérieure – le plus familier – raboté – occulté – banni – dissimulé, si souvent, derrière les masques que nous impose la présence des autres visages masqués…

 

 

Front sur les pierres – illuminé – le soleil au-dedans – le ciel dans toute sa clarté. L’âme et la silhouette dansantes – au-delà des murs – au-delà des horizons humains. Seul – avec Dieu – sur la crête – sur le versant lumineux – dans l’antre infini qui s’est substitué au recoin sombre et étroit où nous avons vécu pendant mille siècles – sous le joug de l’hésitation et de la terreur…

 

 

Les eaux furieuses qui dévalent les jours – qui remontent le temps – qui hissent tout ce qu’elles charrient jusqu’à la source – chair – âmes – esprits – bousculés – retrouvant, peu à peu, leur essence originelle – l’horizon immobile – l’intimité unique qui mêle et assemble toutes les identités…

 

 

Sous les pas – le jour aux allures de feu – la clarté devenue ardeur – allant soumis au goût des marges et de l’aventure – ce souffle qui porte sur les chemins – qui porte à la traversée des terres – à l’exploration des cieux – foulée après foulée sur les pierres tranchantes – des murs – des labyrinthes – qui révèlent, peu à peu, l’énigme en nous – le mystère à éclaircir…

Le sol – l’air – la fouille – et la tristesse grandissante avant l’abandon et la découverte de ce que nous portons – de ce que nous cachions – la sente des soustractions à suivre jusqu’au franchissement du seuil d’inversion – l’absence, progressivement, transformée en présence humble – ouverte et attentive – le voyage devenant, soudain, aire de joie et de liberté – passage du pas à l’âme – de la page au silence – du nom au soleil sans appartenance…

 

 

Rien du monde – du chemin parcouru – quelques dates – mille événements – communs – sans intérêt – aussi insignifiants que l’existence personnelle – quelques excréments sur un tas de paille – de grandes brassées d’air sans incidence…

Tout s’éclipse – fort heureusement…

Et – à présent – nous sommes à genoux – la tête contre le sol – contre le ciel – sans plus vraiment savoir qui l’on est et à quoi ressemble notre vie. Les yeux tournés au-dedans – et le regard tiré vers le haut – se verticalisant presque – comme la seule manière, peut-être, de redresser l’âme – et de se tenir debout – malgré le poids insoutenable des défaites successives…

 

 

Une voix dans le lointain – notre ombre – notre amie – la seule avec le silence – qui se tient à nos côtés…

 

 

Solitude blanche – lumineuse – presque rayonnante avec le reflet des arbres au fond des yeux – le goût un peu âcre de la roche dans la bouche – l’odeur de la terre et de l’enfance sous l’épaule – au creux de l’aisselle…

Tous les mythes balayés – sans référence – le ressenti et la sensibilité – l’indépendance de l’âme – le plus nu de l’homme – le plus simple de l’esprit – le cœur et les mains vides – attentifs – disposés à la tendresse – les gestes spontanés et justes – l’assise immobile et la lenteur des pas…

 

 

Vivre nous occupe tout entier…

Le monde et les hommes – lointains – absents – éclipsés – inutiles depuis si longtemps…

Le sol lavé de nos scories…

La lumière et l’intensité – en soi…

Ce que nous sommes – peut-être – aujourd’hui…

 

 

Des seuils et des horizons – les seconds devenant, plus ou moins vite, les premiers – selon le rythme des pas et notre manière d’avancer. Le chemin n’est (presque) rien d’autre ; nous qui passons entre mille choses qui passent…

Et à la fin – il ne reste rien – ni des uns, ni des autres – les êtres et les choses disparaissent et s’effacent – sans reliquat – et (presque toujours) en silence…

Et nos yeux qui voient le jour – et nos yeux qui voient la nuit – la paisible – l’imperturbable – alternance – le lent travail de ce que l’on appelle le temps sur la chair et les âmes – rien de magistral – très souvent – l’ordinaire et le commun – le sommeil et l’inertie – excepté chez quelques-uns (trop rares sans doute) – à l’inverse d’autres lieux et d’autres mondes où la transformation de l’esprit et la métamorphose de l’âme sont aisées – des pratiques éminemment courantes – répandues – extrêmement banales…

 

 

Le regard emmêlé à la terre froide – la clarté de la parole – comme le jour qui monte – lumière de plus en plus haute – lumière de plus en plus vive – et vaste – éclairant le monde sans ses horizons (habituels) – laissant les identités s’entrechoquer – s’enlacer – se combiner – et le voyage devenir central – essentiel – vertical…

De l’air et du ciel offerts à toutes les formes de lassitude – à toutes les formes d’épuisement – comme une soudaine réoxygénation de l’âme – et une manière d’interrompre la marche – le mouvement – ce qui était en train de s’accomplir – comme un suspens – pour redonner sa place au regard – à l’immobilité – au silence – comme mille prières qui s’élanceraient vers le même infini – Dieu nous regardant avancer – au-dedans – vers lui – et se penchant aussi bas que possible – les bras tendus et les mains ouvertes – pour nous recevoir comme s’il s’accueillait lui-même – après une longue absence…

 

 

Ce que le monde nous laisse – à peu près rien – tant les Autres sont nombreux et voraces…

Ecrasé(s) par la puissance de la multitude et de la faim…

 

 

Sur le seuil désert – comme chaque soir – loin de la lumière des villes – dans le froid – la nuit – la solitude – au cœur de notre originelle condition – les yeux tournés vers le ciel – sombre – zébré – indifférent à notre émoi – à notre goût pour l’aventure – à notre allant sans défaillance…

Devant nous – la paroi invisible – cette étrange frontière qui sépare nos vies si ternes – si tristes – et l’infini…

 

 

Notre seule liberté – dans la poussière – le regard – et le reste (tout le reste) à l’étroit – et qui finira piétiné – balayé – et, aussitôt, remplacé par mille autres choses…

Notre existence – sans soleil – sans espoir – nocturne et routinière – de bout en bout. L’âme aride – desséchée – presque entièrement empêtrée dans la terre – invalide – privée de possibles – d’ailleurs – d’éloignement – de confins – amputée de ce qui la rendrait libre et belle…

Un feu – un arbre – des forêts et des montagnes – un espace de solitude et de respiration – quelque chose qui nous éloignerait des mythes et des fables inventés par l’homme pour se croire l’égal des Dieux – une manière de s’affranchir de ce qui nous emprisonne et nous mutile…

 

 

L’évidence de la route et du désert – loin des traversées communes et des attributs triviaux auxquels se réduisent l’essentiel des visages et des existences…

L’espace large – libre – ouvert – plutôt que les murs – hauts – longs – épais…

Une fenêtre à la place du cœur – du vent partout – pour balayer l’inutile – le temps et les souvenirs – la tête humble et effacée – et l’âme attentive – dans la seule nécessité du jour…

 

 

Le ciel – en nous – presque dissous – avec quelques traces d’espérance au milieu de l’absence…

Un sol – une route – un lieu partout célébré comme une destination – comme si l’on pouvait avancer – se libérer de ses liens – franchir le moindre obstacle – se débarrasser du sommeil et des choses accumulées pendant des siècles – comme si l’on était destiné à voir le jour…

 

 

Tout se referme derrière nous – tel serait, sans doute, notre désir – mais, en vérité, c’est l’inverse qui se produit – tout s’ouvre – comme si nous étions le seul obstacle – la seule obstruction…

Tout devient tellement plus simple lorsqu’il n’y a plus personne ; tout est semblable pourtant – exactement le même cours des choses – inévitable – implacable – mais sans le moindre détour – sans le moindre ajout – la simplicité dans sa plus juste expression…

 

 

Ce que nous habitons si mal – si maladroitement – à peu près tout ; l’existence – le monde – notre rôle – nos fonctions les plus naturelles – tout ce qui nous est donné à vivre…

Le possible – ce qui est à portée de main – nous échappe faute d’attention. C’est l’absence l’obstacle le plus important – notre pire ennemi…

 

 

Entre nos mains – tout finit par se dessécher ; il faudrait vivre les paumes ouvertes (et vides) – et avoir l’âme du jour – sans tenaille – sans le moindre outil – et le cœur humble prêt à tout étreindre – à tout embrasser sans rien saisir – comme une présence capable de s’offrir sans rien attendre – sans jamais rien demander – jouissant de sa seule offrande – dans une sorte de boucle autosuffisante comme si l’Autre et le monde étaient de pures abstractions – quelque chose donné par surcroît – une manière de rendre possible le don – et d’achever le geste – de le rendre absolument complet, en quelque sorte (sentiment de gratitude compris)…

 

 

Les vents du monde sur notre peau – jusque dans nos terres les plus reculées – comme une lame implacable – une mâchoire sévère – qui sectionne – qui arrache – ce que nous pensions être le plus précieux – l’irremplaçable – et qui nous façonne, à chaque instant, une âme et un visage nouveaux – de plus en plus simples et dépouillés…

Le souffle intact – et le front de plus en plus lisse…

 

 

Du bleu sur nos fractures – en couche épaisse pour masquer la douleur originelle – cette béance creusée dans notre sable le plus ancien…

La façade labourée – et cette soif que rien ne désaltère. Survivant du ciel d’autrefois – inquiet du temps suspendu – du temps qui passe – du temps inexistant…

L’évidence dramatique de l’existence et du monde que le poème s’approprie pour éveiller – en nous – le sentiment pur de la joie – et favoriser un glissement de l’apparence personnelle vers l’absence de subjectivité – pour que réémergent les traces du premier lieu imprimé dans nos profondeurs secrètes…

Une manière de rendre le réel plus familier – et plus proche – presque sien – absolument méconnaissable tant les yeux et l’âme – à l’air libre à présent – étaient enfoncés dans l’aveuglement…

Le moins banal tranchant l’obstacle. L’élémentaire vivant retrouvant l’infini – la subtilité – l’invisible. Le monde tel qu’il nous apparaît devenant soudain le monde tel qu’il est – peut-être…

 

 

La commune trivialité de l’homme (ordinaire) aux prises avec les affres (inévitables) de l’existence – notre misérable portrait – à tous…

 

 

L’origine affranchie de toute signification – en filigrane – derrière le sens que nous essayons de donner aux quelques milliers de jours que nous vivons…

 

 

Plaie béante – en soi – comme un trou devenu gouffre – puis abîme – née peut-être – née sans doute – d’une insignifiante égratignure – et qu’une tournure particulière de l’esprit a creusé – a creusé – encore et encore – jusqu’à l’obsession – d’une manière de plus en plus acharnée à mesure que la blessure s’approfondissait…

 

 

Entre nous – ce défaut de plénitude – comme un quiproquo – une incompréhension grandissante – inévitable. Le sentiment d’une séparation – quelque chose d’irréconciliable – absolument…

 

 

Moins de ciel que de sol – cette assise établie – fondement, peut-être, de notre inconscience qui appréhende le monde – et nous nous mouvant à l’intérieur – d’une manière incroyablement fixe et déterminée – sans la moindre possibilité de surprise ou de changement – comme bloqués dans un univers de certitudes et de stabilité…

 

 

Nous – en retard sur nos excès et notre inconséquence – intervenant là où le feu est déjà passé – en des lieux condamnés par notre irrépressible folie…

Ici-bas – des terres de dégâts et de (vaines) tentatives de réparation qui donnent au monde cette allure désolée et désolante – et aux âmes cet air de tristesse inquiète et affairée – avec, parfois, un peu de soleil – presque fortuit – comme une sorte d’accident…

 

 

Se souvenir – comme d’un autre monde – d’un lieu ancien – étranger – que nous n’avons connu qu’en rêve…

 

 

Plus loin – comme un soleil trop haut perché – trop infime – pour nous – pour nous tous – qui vivons dans les galeries trop sombres – trop souterraines – du monde…

Rien – jusqu’à nous – excepté le rayonnement nocturne des ombres qui tournent – qui tournent – entre nos murs…

 

 

Le front fébrile – comme si nous avions couru jusqu’ici – en ce lieu précis où la nuit s’apprivoise – où la nuit n’importe plus – où la nuit est, pour l’âme, l’égale du soleil…

Au-dessous des jours torrentiels – inondants – pénétrants – sans pitié pour nos (hideuses) idoles et nos (pauvres) idées de lumière…

 

 

Un jour – au fond – un autre – plus bas encore – là où l’air que nous respirons – chaque inspiration – n’est que l’air expiré au souffle précédent – et ainsi de suite jusqu’à l’asphyxie…

La mort du monde et des choses – simultanément à la nôtre…

 

 

Des cloches – des sons – comme des nœuds dans l’air brusquement jetés contre le métal. Et la tête comme un clocher – mille clochers retentissants – cacophoniques – arrêtant net toute pensée – toute prière – résonant partout par la tuyauterie du corps – dans le cou – la poitrine – les bras – les jambes et les pieds – échos si puissants qu’on les entend à des lieues à la ronde – autour de soi – aux alentours – autour du monde entier…

Plus qu’un énorme bruit composé de millions de tintements sauvages – horriblement sonores. Notre vacarme intérieur – l’enfer acoustique…

Et la figure des Dieux qui se retournent et se penchent vers nous – menaçants – et leurs mains qui nous saisissent et nous secouent avec fureur – et leur souffle rageur qui nous projette au loin…

Et, soudain, notre rêve qui vole en éclat – et qui retombe sur le sol – brisé…

Comme un fracas paroxystique – une tempête salvatrice – un courroux soustractif et réparateur…

 

 

Dans nos terres retournées – cet or communautaire que l’on n’espérait plus – comme un trésor antique – ancestral – originel – caché – enfoui sous notre ignorance – le sous-sol aussi habité que le ciel – et que notre âme – à présent – accueille comme une promesse…

Le monde – en soi – peuplé de figures amies – puissamment – étonnamment – fraternelles…

Un seul pas – une seule parole – et nous sommes des dizaines à marcher – à exprimer – et à nous féliciter de cette surprenante (et merveilleuse) compagnie…

Nous n’allons plus seul – nous allons ensemble – réunis dans le même geste – dans le même élan – dans le même regard…

 

 

Dans le jour – à retourner en tous sens le mystère – en nous – posé devant nos yeux – sans rien voir – sans rien deviner…

Mur blanc derrière – neige devant – pierre en dessous – et ciel par-dessus. La seule issue – la seule transparence possible – au-dedans…

 

 

La terre et le vent – amis de nos courses vagabondes – de ces marches à pas de géant au cours desquelles nous franchissons des montagnes et des océans – notre vie au-dedans ballottée par les remous – notre âme – exaltée – respirant l’air des hauteurs et du grand large – humant la liberté d’aller là où la providence nous mène…

De la fraîcheur derrière le fardeau de vivre – le monde à découvrir – les visages à ignorer – le chemin juste qui avive notre feu et consume nos restes d’esprit et notre surplus de chair – pour que ne reste que l’essentiel ; le souffle – la foulée – et la joie d’être et d’aller…

 

 

On inhabite tant le monde et l’esprit que nous ignorons qui nous sommes et où nous allons…

 

 

Tout – comme le vent – à hauteur de regard – fragile – sans la moindre assise – sans la moindre solidité…

Une route – des routes – mille itinéraires – mille possibilités – le voyage perpétuel entre la pierre et le ciel…

Et l’infini au-dedans qu’il faut, peu à peu, apprivoiser…

 

 

De la terre et du feu – ce qui nous revient – et ce qu’il faut imprégner d’invisible puisque la matière de ce monde ne peut être convertie…

Il n’y a d’autre solution pour faire un pas au-dessus de l’homme – devenir un peu plus que cette glaise ardente – mi-reptilienne – mi-verticale – qui se déplace sous le soleil presque toujours en rampant…

 

 

D’île en île – sans que le lointain jamais ne se rapproche…

 

 

Terre-soleil parfois lorsque la joie est suffisante pour élargir le cœur – élever l’âme – esquisser un (immense) sourire sans raison…

 

 

Le ciel – comme un oubli – en nous – déposé – puis laissé là – comme abandonné (à lui-même) – et qui a, pourtant, besoin de nous pour devenir vivant en ce monde…

 

 

De la terre et du noir – seulement – quelque chose de lourd et de sombre – comme une masse brune tournant sur elle-même – poussée ici et là – et revenant toujours vers un centre invisible et mystérieux – comme aimantée par ce qu’elle porte enfoui dans ses profondeurs…

 

 

A aller toujours – inlassablement – de l’autre côté du monde – de l’autre côté de l’âme – pour chercher ce qui nous manque – ce que nous désirons tous – alors qu’il suffirait de s’asseoir et d’attendre que notre ardeur se tourne vers l’intérieur – et se débarrasse, peu à peu, de ce qui nous encombre – de ce qui nous voile – la nudité de l’être – la simplicité de notre présence au monde…

 

 

Le ciel tranchant – comme une lame sans pitié qui découpe ce que nous croyons être nos vies – l’essentiel – le plus précieux – illusion – bien sûr – qui ôte seulement l’accessoire – le superflu – l’inutile – à peu près tout – en vérité ; choses – visages – idées – souvenirs – sécurité – appuis – symboles – identité – nous laissant seulement un regard et deux mains (presque) innocentes…

 

 

Tout – comme un évanouissement – peut-être – pour que ne subsiste que le merveilleux…

Ni demeure – ni récolte – le précaire – le provisoire – l’incertitude – sur le fil du rasoir – de manière permanente – le terreau de l’intense et de la liberté…

 

 

Des gestes dans notre tête pour tenter – en vain – de dessiner un soleil au-dedans…

L’âme trop fermée encore – pour dissiper la nuit et accueillir le jour…

 

 

Des pas – vestiges d’autrefois – du temps où la marche partait à l’assaut de l’épaisseur – cherchait un souffle solaire pour aller vers le lointain – repousser l’indésirable – transcender l’interdit – jouer, en somme, avec toutes ces couches de monde – collantes – gélatineuses – empêtrantes…

Aujourd’hui – des pas – comme une forme d’exercice sans intention – tant le monde nous laisse indifférent…

 

 

La vie bleue – fleurie – respirante – rude et belle – sur le sol caillouteux…

Soleil au cœur – soleil à l’horizon – l’âme plaquée sur les grands arbres ; chaque jour – un long baiser poussiéreux sur le front ; nu – sans façade – sans arrière-pensée – presque aussi libre et transparent que le vent – comme si le monde n’avait plus d’importance…

 

8 mars 2020

Carnet n°226 Notes journalières

De la chair et des rêves – trop sonores pour nous…

Des mains et des âmes – trop barbares pour nous…

Il nous faudrait davantage de solitude et de silence pour ne pas succomber à la tentation du pire ; éradiquer le mal par le mal…

 

 

Ce qui se donne – à travers les yeux – mille signes possibles comme autant de preuves que l’invisible agit sur – et à travers – nous…

Le monde – des milliards de fils enchevêtrés – tous reliés ensemble – imperceptibles…

 

 

Tout se dessine sur la surface du monde – guidé par la main souterraine et la main aérienne des Dieux – le ciel et les profondeurs jouant avec leur mine de plomb – esquissant des traits sans importance – inventant des choses et des liens – et les effaçant peu après – créant des chemins – mille arabesques et des gouffres noirs dans lesquels, un jour, tout finira par disparaître…

 

 

Des oiseaux et des tambours plein la tête – pas une cacophonie – une symphonie de lumière…

Un peu de terre – un peu de ciel – affranchis de la mort et des sanglots…

Le long reflet de nous-même nous embrassant – l’étrange étreinte des Dieux au fond de notre âme…

Un chant suspendu au-dessus des visages…

Un courant de joie et de poésie…

Quelque chose d’impromptu – une grâce sans autre explication que l’apogée de l’innocence…

 

 

Un cœur sans heurt – sans passion. Le monde vu depuis l’immensité. Des dynasties de passage – incroyablement éphémères. Et autant de songes que de visages. Toutes les têtes endormies – titubantes – sur la pierre. Et cet œil qui regarde les morts et les vivants sans sourciller – sans faire la moindre différence…

 

 

Sur la pierre – les yeux fermés – l’esprit immense – traversé par mille choses – le monde à désapprendre. Des éclats de lumière qui désarçonnent la nuit – l’aveuglement façonné depuis des millénaires…

 

 

L’immensité blanche – et nos yeux encore trop verts. Et l’horizon – en nous – qui se déploie – la marche bleue au-dessus des miroirs devenus inutiles – au bord du pays des sources – sur le chemin des ronces – la nuit escaladée à mains nues – et, sur l’autre versant, ce que l’on aperçoit – au loin – le centre du cercle…

 

 

Des forêts alentour – à l’intérieur – dans le corps – le même soleil – et, à la fin, l’immobilité des figures téméraires – de la fougue à la terre – des tentatives à l’humus. L’enfouissement pour des siècles – pour des millénaires – pour l’éternité peut-être – sans autre bruit que les pas (feutrés) des vivants sur le sol au-dessus…

 

 

Du même espace naît (peut naître) un autre temps – sans ellipse – sans parenthèse – comme une fenêtre continue qui condamne toutes les tentatives de prolongement. Un temps – sans mort – sans déplacement – sans perspective. Le même plan qui se répète – qui se réplique – mais jamais à l’identique. Une manière, sans doute, d’éviter l’effondrement et de donner à la récurrence des airs frais et naturels…

 

 

Ce qui tourne avec nous dans le feu – choses d’un instant sur le sable rouge – du centre de la spirale des heures à la pointe du jour. Le noir sur son lit de braises – de la chair – des rumeurs – de la destruction…

 

 

A genoux – en prière – et, parfois, en pleurs – de la naissance jusqu’au grand âge – la tête condamnée à la folie ou au billot – le sang de l’étreinte avec la lame pour inciser les sphères du mal – s’en défaire – et les laisser se répandre dans les eaux qui rejoignent l’océan…

Le délaissement des amas pour faire place au vide – et devenir l’un de ses parfaits reflets – sans attribut…

 

 

Des danses sur les pierres rouges. La lumière – au loin – sur nos (tristes) inventions. Tout comme un miroir réfléchissant notre inhumanité…

 

 

Tout contre nous – le labeur et le rite – le passage des forces féroces – la plongée cruelle dans la nuit déconstruite…

Notre chant parmi les ruines et le cri des Autres – emprisonnés…

A gesticuler au-dessus de l’enseignement des Dieux comme si le jour n’était qu’un rêve – une vague promesse – la réalité d’un versant trop lointain…

 

 

Un autre horizon que celui de la clarté…

Des jeux sensationnels pour atténuer le gris tragique du monde…

Tout inhumé – recouvert et caché afin que le lisse devienne l’apparence idolâtré(e) par l’œil…

 

 

Rien sur nos épaules – l’immensité légère – l’espace dilaté de l’origine. Rien sous nos pas excepté les derniers éboulis du monde et la sente pentue de l’esprit. Dans les mains – le vent et quelques grains de lumière. Et derrière nous – le soleil dans son plein équilibre…

 

 

Les jeux barbares des hommes retenus en contrebas. Du pouvoir et du sang plein les mains. Assujettis au manque – à la faim – aux instincts – l’âme jamais affranchie de la moindre soumission…

Bourreaux victimes de leur propre violence qui font régner autour d’eux l’horreur et la crainte – la marque des rois sans légitimité…

 

 

De la pluie – noire – dense – sur notre visage gris – jonché de poussière. Le labeur souterrain de l’homme exposé à la tristesse du monde extérieur…

Pas le moindre chant – pas la moindre récompense. Le désert et l’indifférence – un espace sans âme. Seul face à Dieu – aux forêts et aux rivières…

Blessé – sans enseignement – sans personne. Dans le jeu trouble de la lumière – entre braises et clarté diffuse – le délitement progressif de la nuit…

L’attente de l’instant – comme une rosée salvatrice sur la soif et la récurrence des jours – longs – ternes et tristes. Sur le seuil imprécis – variable – qui sépare le dehors du dedans…

 

 

Des gestes inscrits dans le pacte mystérieux des Dieux – une perspective où tout est uni – ensemble – d’un seul tenant – ciel et terre mélangés dans l’âme – le naturel et le spontané libérés – couronnés et célébrants…

 

 

Seul – parmi les arbres fraternels – sur la pierre consolatrice – debout face à la rivière majestueuse – fidèle à sa pente – gorgée de boue et de soleil – magnifiquement vivante…

 

 

Tout est arabesque et mosaïque – axe central – originel – et tableau de figuration – rire et coït – déploiement et pourriture – dans l’épaisseur de l’ensemble – yeux parfois – regard plus rarement sur l’eau, le vent et la braise combinés – exultants. Le royaume du rêve et de la brume – de la sève et du mélange. L’étrange patrie des vivants sur terre – oublieux des origines célestes…

 

 

Dans le ventre de l’oiseau – le soleil en flammes – l’élan du souffle cristallin – le chant qui monte vers le ciel en toutes occasions – naissances et funérailles – joie et tristesse – amours et deuils – en toutes saisons…

De l’hiver à l’automne suivant – quelques syllabes répétées chaque jour – hymne à tous les passages – à ce qui se dissipe – à toutes les heureuses infortunes – autant qu’à ce qui demeure vertigineusement immobile. Le monde tel qu’il est – et, toujours, mille fois transformé – remanié – recommencé…

 

 

L’inévitable cours des choses qui nous entraîne – qui nous emporte – mille tourbillons dans la petite cuvette du monde. Des noyades et des archipels – des vertiges et des évanouissements…

La géographie de tous les lieux – ceux du désastre et ceux de l’attente – en minuscule – dérisoires…

 

 

Dispersés sur la page – du silence et des signes – la marque des Dieux et celle des hommes – la nécessité qu’éprouvent, sans doute, toutes les bêtes métaphysiques…

 

 

Des virages furieux et des à-pics – la blancheur des lignes dans le regard amoureux du monde. Ce qui tombe sur ces pages – dans un ordre spontané inventé (à cet effet) par les Dieux. Des angles brusques et des abîmes rugueux. Quelque chose entre la spirale et le labyrinthe – limpide – aisé – transparent – avec des recoins sournois – inattendus – surprenants. L’aire à la fois de la chute et de l’envol – de la révélation et de l’enlisement – avec, il me semble, tous les possibles offerts…

Les couches géologiques du poème – en somme…

 

 

Comme le monde – les édifices – les jeux et les alphabets – somptueux et provisoires. Le dérisoire au creux de la paume – entourés de silence – comme des grains dans l’espace – de la matière et des sons qui s’assemblent et se dénouent…

La vie chimérique des humbles et de l’anodin. Ce qui patiente – ce qui végète en attendant le jour et des bras plus accueillants…

 

 

Les mille versants du même mystère – racines au cœur – et fleurs qui poussent sous le front – soleil dans la main – et entre les lèvres – le jour – l’espace autant que l’averse et la nuit…

L’équilibre parfait du silence et de l’éternité transparente – l’incandescence de l’invisible – tous les signes d’un Dieu vivant – en nous – en tout – l’unique chose qui soit – sans doute…

 

 

Du monde engagé dans la pénombre – les mains brûlantes – la tête édifiée comme une tour – l’âme docile – soumise à la volonté et aux images façonnées au fil des générations et véhiculées par la mémoire collective. L’homme-bête doté de la cognition de l’animal supérieur…

Ni conscience – ni esprit – ni verticalité…

Le grand singe bipède qui perd, peu à peu, ses poils et un peu du reste – son animalité, somme toute, très grossière…

Des instincts et des représentations (vaguement organisés) – l’un des stades les plus élémentaires – les plus primitifs – de l’intelligence…

 

 

Des cimes trop belles – trop verticales – pour ceux qui se frappent encore la poitrine – qui exploitent – envahissent – assassinent – qui tirent fierté de leur civilisation et de leur règne – et qui tiennent en si haute estime leur nécrophagie qu’ils ont sophistiquée à l’excès…

Quelques neurones ingénieux sur un tas d’instincts, de chair et d’excréments…

 

 

Entre le bleu et les flammes – nos folles saisons de solitude…

 

 

Les yeux ouverts – face au ciel et aux montagnes – parmi les arbres de la forêt et les grands rapaces qui tournoient en silence au-dessus de notre tête…

Des heures libres – autant que ces pages qui s’offrent – sans volonté – sans raison – pour la seule joie d’être…

Témoin provisoire de l’éphémère – heureux de tous les passages et de tous les effacements. Yeux passagers et dans l’âme, peut-être, le regard – l’infini – le silence – l’éternité – tous les attributs d’un autre monde…

 

 

Un solitaire – une errance – au milieu des Autres – le plus loin possible de préférence – frappant à la porte de l’éternité – sur l’étroite passerelle tendue entre la terre et le silence…

 

 

Touché – comme au dernier soir du monde – par la fin qui nous précipitera vers l’inconnu – entre espoir et sortilège – dans la même flaque – dans la même ombre – depuis tant de siècles déjà – comme si l’on nous avait oublié là – et que l’on nous appelait, à présent, vers l’élection suprême – la plus haute distinction…

 

 

La fenêtre ouverte sur nulle part – des sables mouvants où l’on aperçoit quelques têtes dépasser – inertes – immobiles – et des bustes et des bras gesticuler – céder à la panique – de la boue et de l’air brassés. Le monde tel qu’il est – ce qui bouge n’importe comment – ce qui s’affaire sans (vraiment) savoir pourquoi – soumis à la nécessité endogène de la survie et au mimétisme imbécile. Des figures côte à côte qui s’exercent à la dignité (apparente) – qui se redressent – qui s’affaissent – qui disparaissent – prises dans le jeu des tourbillons et des échos – mal inspirées – dans cette ronde infernale – inévitable – sans parvenir à ouvrir – à explorer – un autre espace – ailleurs – en elles…

La même chose – toujours – qui se répète – à l’infini…

 

 

Gouttes de pluie qui tombent les unes après les autres – qui se succèdent – qui se remplacent – sans jamais s’arrêter…

 

 

Contre soi – la voix des arbres – enserrés dans le même tissu – la fraternité des révoltés – des insoumis – pris dans les griffes d’une entité plus puissante – entravés jusque dans la trame. Un agglomérat de matières – contractées – d’un seul tenant – qui résiste à la domination – à l’atrocité – qui en appelle au silence et à la lumière – à tous les Dieux du maquis – pour stopper la bête immonde – la mécanique du pire (en mode automatique) – pour se libérer de l’odieuse barbarie et retrouver le sens du simple – du naturel – les couleurs majestueuses du ciel – un peu de liberté à travers l’efflorescence des signes et des feuilles – et la proximité (indispensable) du rire et de la gaieté…

 

 

Montagnes au versant noir – poussées contre nous – réduisant notre voyage à quelques allées et venues dans une minuscule clairière – au milieu de la forêt – au centre de la plaine…

Des pas entravés – comme une invitation à explorer le fond de la trame étroite – au cœur de la matière – dans ce que l’on imagine être le socle de l’âme et du monde. Périple dans mille tunnels successifs – entre mille parois vertigineuses – pieds en déséquilibre sur mille pentes escarpées – et la tête – toujours – au-dessus du vide…

Comme une bête traquée qui cherche la lumière – une issue – la moindre sortie pour échapper à l’asphyxie…

 

 

Sous les honneurs invisibles de l’humilité…

Dans la tête – le vent qui martèle son obsession – nos mains enchaînées à la folie qui règne dans le monde – les pas fébriles – l’âme cachée derrière quelques prétextes qui cherche son chemin – une terre d’exil (pas trop lointaine) – un retrait – un peu de hauteur – une réelle possibilité de solitude…

 

 

Le regard – comme une fenêtre dans laquelle apparaît – se déploie – et disparaît – le monde – une succession d’images passagères…

 

 

De la roche et des arbres – en arrière-plan. Le déroulement des saisons et la marche lente des silhouettes à l’horizon…

Le présent au centre de trois cercles – la lumière – le silence – l’éternité…

Le vide infini sans pourtour qui dissipe les ombres – les nuages – ce qui porte, en son âme, trop de craintes et de tristesse…

Le ciel contre notre cœur – et, au-dehors, tous les murs dispersés – toutes les frontières effacées – seul – au-dedans – face au rêve – pour conjurer cette (trop persistante) malédiction du noir – ce qui nous pétrifie – ce qui affole nos pas et nous contraint au repli…

 

 

Du monde – presque noir – et l’horizon en flammes. Tous les visages dans le même brasier. Le vide, soudain, écarlate. Tout – carbonisé ou en train de se consumer – avec le rêve et l’espoir que l’on jette par les fenêtres pour tenter – vainement – de les sauver…

Le ciel contre nos murs – contre nos têtes – la réalité enfermée – prête à exploser – à sortir des boîtes où nous l’avons confinée. Tout vers sa dissolution – son effacement – la défiguration du réel et du monde…

 

 

L’entrée fracassante du silence dans la pénombre – dans nos vies renfermées – trop souterraines – où le langage et les images ont toujours tenu le haut du pavé – presque le seul éclairage sur les immenses parois de nos (trop obscures) cavernes…

 

 

De la neige – une épaisseur immaculée – pour recouvrir la fausse réalité du monde. De la brume – si dense – si opaque – qu’elle prend la couleur du silence. Et sous cette insondable couverture – les feux que l’on rallume ici et là pour démanteler les rêves et la nuit – pour dissiper ce qui nous enténébrait – la folie obstinée des destins penchés sur leur propre déclin – sur leur propre extinction – ce qui entravait les yeux et la lumière – ce qui demeurait sous la froideur et l’obscurité des pierres…

Debout – éveillés – presque conscients – à présent – pour que les vents fassent renaître le jour – pour que l’homme grandisse en quelques instants de plusieurs millions d’années…

 

 

La pente bleue et immatérielle sur laquelle glissent toutes les ombres – et ce dôme de lumière soudaine – l’invisible projeté à grande vitesse dans tous nos tunnels…

 

 

De l’ombre rocheuse sous un ciel sans nom. Des murs de visages – au loin – comme une frontière infranchissable. Et ces grands arbres tournés vers nous. Les (ridicules) pourtours de notre territoire. Et cet élan, en nous, vers ailleurs – vers plus haut. Et ce carré de bleu au-dessus de notre tête…

Tous les ingrédients – en somme – d’une possible transcendance…

 

 

Mains posées en accueil – le buste incliné – le front baissé – les yeux mi-clos – l’âme prête à servir ou à être dévorée…

Et dans le regard – cette chaleur née de l’étreinte première – originelle – naturelle – comme une flamme que rien, en ce monde, ne pourrait éteindre…

 

 

L’idée d’un rêve – d’une terre où vivre – d’un ciel entre nos doigts – d’une détention sur la bande étroite délimitée par la présence des Autres et l’éventualité d’un Dieu…

Rien que des idées – parfois des sentiments…

Rien de franchement certain – rien d’absolument réel…

Et ce qui demeure – en nous – affranchi des aléas du dehors – le seul lieu (véritablement) habitable…

 

 

La main éprise des choses – servante d’un cœur avide – apeuré – si embarrassé de son état qu’il imagine devoir se remplir – et amasser encore et encore – pour devenir aussi gras que le monde – pour devenir le monde même – à tout prix – pour satisfaire sa seule (et tragique) ambition…

 

 

Un ciel aussi méconnu que la terre – nos doigts serrés sur le provisoire – la faim à satisfaire – ce qui prolonge notre nuit – englués dans les plis (coriaces) de l’ignorance – le front aveugle et obstiné – inconnaissant – insensible à la possibilité de la beauté et du silence – recouverte sous des couches de chair, de désirs et d’excréments…

 

 

Mains ouvertes – défaites – pendantes. Regard épuisé – autrefois épris du monde – aujourd’hui éteint. L’apparence d’un mort – une inexistence. L’apparence d’une chute – d’un déclin magistral. Et au-dedans, pourtant, cette force que rien ne peut atteindre – affaiblir – corrompre. Le feu invincible – indestructible – ce que le monde ignore – la grandeur d’une âme sensible à ce que l’on brise – à ce que l’on écrase – et à tout ce qui s’efface naturellement…

 

 

L’aube généreuse d’une plus vaste contrée – comme un désert de clarté – mille soleils en partage – des pensées et des larmes face au grand refus des hommes – face à leur impossibilité sans doute – les mains pleines de sang – la tête pleine de rêves – le monde de l’illusion – le monde carnassier – la violence souveraine inscrite jusque dans le sourire et les pas…

 

 

De l’inutile – jusqu’au fond du tombeau – les poches pleines d’accessoires – le cœur fantaisiste dans son besoin obstiné de frivolité – manière maladroite d’échapper à la tristesse et aux tourments – face à l’Autre – face au monde – face à ces grands mystères – à ces grands déserts – reflets, l’un et l’autre, d’un néant fort déroutant…

Le froid – partout – comme un vent sans défaillance le long de l’âme et de l’échine…

Jour après jour – les mains sur les yeux pour ne pas affronter ce qui se tient – imperturbable – devant nous…

 

 

Notre solitude – parmi les pierres – le vent et la nuit profonde et noire. Nos vains efforts d’alliance et de réconciliation. Le cœur trop gauche – trop épris d’Absolu et d’authenticité pour entrer en amitié avec le peuple humain. Relégué au seul lieu où l’on admet la différence – ailleurs – plus loin – là où personne ne vit – là où personne ne vient – aux confins du monde des vivants – là où ne résident que la mort et la folie…

 

 

Le jour derrière la porte – le monde au loin – à sa place. La terre qui tourne – les astres sur leur orbite. Et la présence – invisible – tissée entre nous…

 

 

Le seuil de l’angoisse – au-delà de la raison – ce que le silence guérit – ce à quoi il répond – bien davantage que les mots – une manière d’être là – dans sa propre compagnie – à veiller en nous – sur nous – comme une vigie hors du monde – hors du temps – singulièrement universelle – comme un cœur vivant qui habiterait au fond de l’âme…

 

 

Nu sur la pierre – sans autre manteau que l’ombre des montagnes – sans autre joie que le soleil au-dessus de notre tête – sans autre horizon – ni d’autre envergure – que le bleu immense qui nous entoure…

 

 

Le pas lent – dans le soir déclinant – au seuil de l’automne – seul face aux danses et aux fresques des hommes – seul sur le chemin – silencieux – le front humble – penché sur le sol – parmi les failles et les impuretés du monde…

 

 

Chevalier sans armure – sans monture – sans maître – ni fief à défendre. Rônin désarmé – disciple de personne – sans dogme – sans idéal. A l’écart du monde – longeant les méandres d’un fleuve anonyme – discret – sans nom – cheminant sur ses rives – mêlant sa pensée au bruit des eaux et son âme à l’immobilité silencieuse des profondeurs – faisant halte, chaque jour, non loin du bord – dans un lieu un peu en retrait – le visage démuni et solitaire – avec ce rire au-dedans – immense – intense – lumineux – comme un tertre – une terre de providence et de salut – invisible, bien sûr, aux yeux des hommes…

 

 

Le jour – le seuil – serrés contre soi – à la source du cœur – le temps – la lumière et les limitations du vivant terrestre…

 

 

Le monde – comme des eaux bruyantes et tumultueuses qui se déversent un peu partout – dans les vies – dans les têtes – dans les cœurs – sur nos épaules affaiblies par la charge et l’assiduité des efforts (pour résister) – jusque dans nos âmes qui n’aspirent qu’au silence…

 

 

Les cris et les pleurs sur tous les parvis du monde. Les visages qui se succèdent – comme les feuilles et les saisons changeantes – provisoires. Les bruits de la terre – de la naissance à l’aube – du plus archaïque à l’innocence. Les secrets et les sanglots que l’on ne parvient jamais complètement à dissimuler. La respiration des rives – le cœur battant du vivant…

 

 

Le jour qui croît – le jour qui pousse – autant que la nuit – dans notre âme et nos entrailles – l’ombre et les instincts – les forces vives et magmatiques. Sur les pierres – sans conscience – des pas qui tournent en rond – qui longent les murs de citadelles oubliées – inutiles. Des yeux qui scrutent par la fenêtre – un peu de clarté – un rien d’étrangeté – quelques nouveautés consolatrices – suffisamment pour avoir l’illusion d’une vie intéressante…

 

 

La pesante inertie des cœurs insensibles à la beauté des astres – au tournoiement des jours et des feuilles. A mi-hauteur entre les mythes – le rêve – la pensée. Le corps dans l’entre-deux du sol – au ras d’un ciel descendu – impénétrable – inutile. Le cœur trop plein de désirs et d’espérance pour accorder une pleine attention à ce qui est là – à ce qui se présente…

Le destin des bêtes humaines – trivial et sans équivalence – (presque) sans aucune possibilité d’accéder aux choses de l’invisible

 

 

L’arrière-pays du rêve – de l’autre côté du mur – là où la conscience cesse d’être un mythe – une fenêtre aux volets battants – ouverte sur la tristesse – le néant – l’absence : une aire de joie – sans événement – sans incidence ; une force pure qui échappe au souffle – au monde – au temps…

 

 

Tous les astres au sol – comme un grand corps inerte – une immense masse sombre sur les pierres – peu à peu engloutie par les sables…

 

 

Ce que l’on poursuit – inutilement. Le jour affranchi du soir et des saisons – devenu quotidien – qu’importe l’état du cœur et du ciel lorsque les murailles gisent à terre – en vrac…

Rien – qu’un amas de soustractions derrière soi – choses et visages abandonnés – les souvenirs effacés – et devant soi – ce qui est – en soi – l’accueil – la lame – l’oubli – infiniment joyeux. La nudité de l’âme face au vent – le vide comme unique territoire – pas de parole – aucune vérité – le geste qui s’impose – naturellement juste…

Le feu qui se propage sur les anciennes frontières qui séparaient le dehors du dedans…

 

 

Tout s’est refermé en dépit du cœur joyeux – la piste se précise – les pas ralentissent – la sente semble se perdre dans le vent. L’âme et les bruits se dérobent – on ne progresse plus qu’à l’intérieur – le dehors demeure fixe – immobile. Des ronces et du silence à mesure que l’on s’enfonce dans les souterrains de l’esprit…

Quelques jardins et un grand désert – des rangées de souvenirs entassés pêle-mêle – l’ombre identitaire – puis l’éloignement des parois – puis, peu à peu, leur disparition. Le vide – l’infini – sans orgueil – sans obscurité…

La solitude face au soleil – notre originel visage – et l’alliance naturelle avec ce qui reste – avec ce qui se présente encore – comme des fiançailles et des funérailles permanentes…

 

 

La solitude malgré le monde et les étoiles. Frissonnant sous la voûte – de la périphérie jusqu’au centre. La nuit interminable qui, peu à peu, montre quelques signes de défaillance. L’angoisse déplacée au fur et à mesure de la perte – des soustractions. Nous-même – recentré – presque entièrement reconstitué…

 

 

Le cri de la plus lointaine origine – comme une mémoire restée vivante sous la cendre et les pas millénaires du monde. La mort sans masque et nos ailes enfin déployées – prêtes pour le grand voyage – pour la longue – l’interminable – traversée…

 

 

Comme une tête émergeant des eaux noires – de tentatives en foulées maladroites – comme une lueur – un peu d’espérance – au-dessus de la mort – un interstice dans le sommeil – une possibilité de délivrance – peut-être…

 

 

Dans l’étrangeté d’un monde nouveau – sans durée – sans emprise – insaisissable à la manière du feu et du vent – comme un horizon lavé des rêves et des illusions – une surface de pur désordre où les astres chevauchent le temps – où les morts s’entassent sur les vivants – où les âmes habitent la terre – toutes ses cimes et toutes ses failles…

Un lieu sans heure – sans certitude – sans perspective – où le possible côtoie l’incertain – où le présent ne se conjugue qu’une seule fois – de manière ininterrompue – mais indépendamment de ce qui a eu et aura lieu…

Un univers (très) particulier – universel – sans pareil. Un rivage où les âmes renoncent à leur destin (terrestre) – où chacun s’abandonne à ce qui – en lui – est le plus juste – le plus vrai. Une terre propice à l’émergence et au déploiement de la vérité – prête à célébrer le silence – l’infini – l’humilité et à renoncer à l’orgueil – au sang – aux instincts…

L’ambition et le rêve de tout homme – au fond – les mêmes que ceux des Dieux…

 

 

Des rivages de blessures et de mort – où la douleur tient lieu d’épreuve – parfois de chemin – pente qu’il faut gravir – le cœur léger – presque insensible – pour avoir l’air d’être humain…

 

 

Dans l’herbe – avec les bêtes – la vérité – et le sang qui gicle de la plaie…

 

 

L’air du grand large au milieu du renoncement. Des bruits de voix. Des destins dans leur enclos. Des îles submergées par les eaux terrestres – tous les troubles du monde. La lune tranquille au-dessus des têtes et des chemins. Ce que nous façonnons – inlassablement – de manière systématique – jusqu’au délabrement – inévitable…

L’hécatombe – la chute – puis, l’oubli. Rien d’important (rien de vraiment important) au cours de ce bref voyage ; des pas – de simples pas – jusqu’à l’enlisement final…

 

 

Une voix sans mensonge – sans orgueil – au-dessus de la misère commune – comme un chant de joie au-dessus de la mort – une présence dans le néant. Un visage et des pas moins graves que l’ombre édifiée par le monde – que l’inutilité des gestes et des existences – quelque chose pour rire – comme un canular – un jeu sans la moindre simagrée…

 

 

Une lumière – une vérité sans sérieux. Une manière de vivre – une façon d’exister – malgré l’obscurité terrestre…

Du sable et du froid sous quelques étoiles – un chemin sans fin sur un bout de terre hostile – quelques lignes pour révéler l’écume – percer le monde – et découvrir l’espace sous l’épaisseur…

Comme l’une des rares possibilités de s’aventurer en soi – hors de soi – dans les profondeurs instables de l’immobilité – sans hâte – selon les désirs des Dieux et les aptitudes de l’âme…

 

 

Le jour – en soi – accompli – de l’aube jusqu’au soir – toute la nuit durant et traversée – jusqu’à la prochaine aurore…

 

8 mars 2020

Carnet n°225 Notes journalières

Le silence – comme seul territoire – peuplé d’oiseaux et de racines – de chants et de neige – avec notre roulotte posée au milieu – et, au loin, ces pas qui se rapprochent. Et le regard qui compte nos empreintes sur la grande étendue blanche…

 

 

Dans notre cellule – toutes les couleurs du monde – rien du rêve – rien de la pensée – pas d’image – des vibrations – des instants – et, au milieu, le socle de l’oubli sur lequel viennent mourir toutes les choses – tous les visages. La joie et le vent sur les épaules – à vivre simplement – sans attente – le soleil sans le manque – la solitude affranchie des Autres…

 

 

L’instant sans décalage – le mystère exposé – sans mensonge. L’océan et les difficultés de vivre – parfois. Des mots qui passent comme des oiseaux – comme des marchandises de contrebande tombées dans nos filets. Des ombres dévorées et des restes de soleil brûlant. Tous les chemins nocturnes et souterrains…

Le petit inventaire de l’être – en somme…

 

 

Ce qui nous ensemence et nous éventre – ce qui nous libère et nous décapite – ce qui nous abreuve et nous égorge – les mêmes mains – celles des vivants – celles du destin – que Dieu tient serrées dans les siennes…

 

 

Le silence et le geste effacé – avant la mort…

 

 

Sans espoir – dans l’intimité des choses – dans la proximité des arbres et de la roche – sous l’égide d’un ciel familier – uniques compagnons des solitaires – des gens du voyage sans famille – sans tribu…

 

 

Des ombres qui passent – comme les jours. Des pierres sur lesquelles on croit bâtir des empires. Des morts – la mort – comme un outrage. Le langage des hommes – trivial – autant que ce qui les (pré)occupe. Le territoire déjà circonscrit – les parcelles déjà délimitées. Le monde à sa place – la (grande) célébration de l’immobilisme et de l’ignorance…

L’homme au-dedans de l’homme – beaucoup moins présent que la bête et le fou…

 

 

Son poids de chair – mais l’âme légère – et l’esprit aussi vide que le cœur. Pas de rêve – pas d’accomplissement. Pas de plainte – ni d’attente…

La foulée légère – sans le moindre sillon – ni devant – ni derrière soi – et ce qui vient (presque toujours) accueilli…

 

 

Rien du jour – ni de la tombe prochaine. Quelque chose hors du temps – hors de la promesse. Sans le monde – ni le visage de l’Autre. Quelque chose de l’origine et de la solitude – dans leurs frontières originales…

 

 

Rien ne s’entasse – ni dans l’esprit – ni sur la page. Ce qui arrive se défait aussitôt – glisse dans nos abysses mystérieux – qu’un léger remous, parfois, fait remonter à la surface de la mémoire et du monde…

Un langage sans peur – pour montrer aux gestes…

 

 

Vivre – dans la contemplation lointaine des hommes – ces enfants braillards qui s’amusent avec quelques rêves et un peu de sable…

 

 

Demeurer au pied des arbres – et soustraire au lieu d’ensemencer pour favoriser la récolte ; ce rien – ce grand rien – au-dedans – qui se déploie…

 

 

Le long des chemins – au seuil de la chambre – la même immobilité – le même souffle – dépourvus d’identité…

Derrière le sommeil – là où l’autre vie est possible…

 

 

Ici – à même la pensée – des mots-liberté affranchis des cages. Des mots-vertige au-dessus de l’abîme. Des mots-soleil dans la brume. Et dans l’âme – mille pardons pour les larmes et le sang versés…

 

 

Des louanges – sans témoin – sans sacrifice – pour célébrer la joie – la solitude – le silence. Le monde pris dans le sommeil et la tourmente – cette terre sans enfance où l’on manie (avec brio) le sabre et le couteau – et les grimaces déguisées en sourire…

 

 

Le monde entier – en chaque créature – tout ce qui existe depuis la première naissance. Et en tuant une seule d’entre elles, nous assassinons l’univers – l’Existant – tous les êtres – toutes les générations – toutes les civilisations – tous les règnes – successifs…

 

 

Des vents – des portes – et les clés de la délivrance posées là devant chacun – aveugle – épuisé après des millions d’années de sommeil…

Le front brûlant – presque autant que l’âme – après ce long silence…

 

 

Plus de soleil que de temps – sur nos marches de pierre – à tenter de trouver Dieu dans les gestes des hommes…

 

 

Devant soi – comme entre les jambes d’un rêve…

Rien que des chants et des refus…

Le monde d’avant les noces – le versant opposé au premier jour de l’innocence…

 

 

Les traits tremblants – sortant de terre – esquissés par la main de l’âme – seule – terrorisée par les ténèbres…

D’un seul élan vers le ciel – l’espace infini – l’éternité. Libre – enfin – comme le vent qui circule entre les visages – ces figures de cire immobiles – ces excroissances de chair à peine émergées – châtiées jusqu’au cœur pris dans la glaise – manquant d’air et de possibilités…

 

 

Le monde comme châtiment – parmi la multitude ignare et beuglante – comme enterré vivant sous un tumulus dans l’insupportable compagnie des Autres – ces frères étrangers dont aucun ne nous ressemble…

Une existence hors de toute fratrie – solitaire – sans famille – sauvage jusqu’aux souliers qui arpentent les chemins déserts…

Rien du ciel rêvé – rien du ciel d’autrefois. L’azur âpre et rugueux – plus réel que toutes nos images – que toutes nos pensées…

 

 

Des mots de chair et de pierre – d’âme et de sang – ni vraiment cri – ni vraiment murmure – et pas le moins du monde appel – une manière, peut-être, de secouer ce qui semble endormi – et ce qui semble idolâtrer le sommeil. Une manière, sans doute, de se soumettre à la mort et à la liberté…

 

 

De seuil en gouffre – de saut en chute – l’identité, peu à peu, se révèle – au fil des soustractions successives…

 

 

Habitant des forêts – pattes et plumes à l’intérieur. En guise de tête – une fenêtre. Le corps nu comme la pierre. Et dans le cœur – une porte – des galeries souterraines – et mille renards amoureusement blottis dans leur terrier. Et dans l’âme – tous les oiseaux du monde qui s’envolent…

 

 

Heures grimaçantes découpées au scalpel – rien sous le front – pas même un peu de neige – pas la moindre pensée – rien que du silence. Et sur le sol – le rythme des pas – sur un chemin étrange dont on devine qu’il ne mènera nulle part…

Sur la page – un peu d’encre – les traits trop épais d’un feutre imprécis – la mort en bandoulière – portée comme si nous n’avions d’autre bagage – le déclin et la déchéance inévitables à moins d’une catastrophe soudaine…

 

 

Des lignes entrecroisées – des traversées – des amours dérisoires – des souvenirs que l’on entasse pour emplir nos existences vides – des visages que l’on croise comme s’ils étaient des pierres sur le grand mur que nous longeons. Des réserves de tendresse inutilisée – et inutilisable sans doute. Quelques pas encore – et, bientôt, le tombeau ou l’abattoir…

 

 

Trop de discours inutiles – de paroles mensongères ou qui prêtent à sourire. Trop de visages et de rêves – et jamais assez de ciel et d’oiseaux…

Un monde d’inquiétude sans tendresse…

Un monde de (trop grandes) certitudes – sans doute…

Ni faute – ni erreur – rien que des tourments…

L’absence comme un règne – le plus magistral, peut-être. Et des âmes qui se déchirent – la chair en pâture – en partage – les lois de l’infamie…

 

 

L’égarement – comme un précipice – un trou salutaire qui meurtrit les visages – et redonne aux âmes leur liberté…

 

 

Le vide – à notre secours – sans aucun visage – la nécessité déclinante de l’Autre comme seul recours – unique possibilité d’envol – le règne systématique de la solitude – notre destin – notre quotidien – notre chance – prémices de la rencontre – prémices de l’être…

 

 

Du jour – comme un autre ciel – plus vaste et plus bleu que celui que l’on aperçoit derrière la vitre. Quelque part – au-delà du rêve – hors du temps – dans la solitude la plus haute…

 

 

Comme une rivière entre deux rivages – le destin s’écoule. Et nous autres – accrochés à la barque que l’on nous a attribuée – malmenée par les flots…

 

 

La mort qui se rapproche – et notre tête de plus en plus rétive à se poser sur le billot. Comme si l’imminence de la fin soulignait avec plus de force le précieux de la vie…

 

 

Rien – sur la table – juste un feutre – quelques feuilles – un peu de pain – et au-dehors – le monde naturel qui offre au corps ce dont il a besoin – sans le moindre désir de vivre autre chose que ce qui est offert (à l’instant où cela est accordé)…

Tout s’est retiré – ne restent – à l’extérieur – que l’absence et la mort – et – à l’intérieur – encore quelques larmes – comme une tristesse de plus en plus consolable…

 

 

La malédiction de la faim – des victimes et des ventres à nourrir. Le vivant sacrifié sur l’autel du monde. Un sol sans ciel – ou pire – avec son consentement résigné. Dents – chair et estomac – la punition des Dieux qui nous laissent pourrir sur cette terre…

 

 

Le silence des hommes et le silence du ciel – presque opposés – d’un côté, l’impossibilité de la parole et de l’autre, le consentement au-delà du langage…

D’un côté, le sable et de l’autre, l’océan…

 

 

Le poème – comme un pain tombé du ciel – et partagé avec ceux qui se trouvent là – présents – sensibles aux mots dictés par le silence…

 

 

On se réalise dans la soustraction – l’effacement – l’accueil – la nudité – la simplicité – grâce à tout ce que les hommes haïssent – dénigrent – rejettent – fuient comme la peste…

 

 

Chacun vit l’existence d’un Autre qu’il prend pour lui-même…

Nous sommes l’impersonnel aux mille visages – reflets multiples d’une seule figure – celle que nous cherchons depuis notre exil de l’origine…

Il faudrait vivre comme si l’existence était dérisoire – un jeu – sans gravité – à mourir de rire – ce qu’elle est, sans doute, profondément…

 

 

Le cri d’un Autre qui nous déchire la gorge – hostile comme un soleil noir…

Le fond d’une épreuve – le jour cauchemardesque – du matin au soir – l’invasion des bruits du monde au-dedans…

Des visages – en soi – traversés de rage – des forces vives – tout un peuple bousculé – à la dérive – prêt à prendre les armes pour étrangler le monde – pour que cesse l’infernal tapage qui exacerbe notre folie…

Des choses – en soi – plus féroces que la mort – plus monstrueuses que la barbarie – posées là on ne sait comment par on ne sait qui – l’énigme du mal – des forces destructrices qui nous habitent – qui nous escortent – et qui, trop souvent, nous font endosser le masque et la sévérité du bourreau…

 

 

Le sort de l’être tout entier dans les mots lorsqu’ils s’impriment – du moins, le croit-on en écrivant. Puis – très vite – l’éloignement et l’oubli qui lui font recouvrer sa liberté…

Détention aussi illusoire qu’éphémère – en réalité – car seul le langage est prisonnier de la tête – et bien que l’être pèse de tout son poids, il demeure libre de ce que nous imaginons lui imposer…

 

 

Instrument involontaire – nous sommes – dont l’usage transforme les Autres – le monde – nous-mêmes. Quelque chose nous agite qui façonne (plus ou moins) les destins qui nous croisent – qui nous entourent – le cœur tantôt aimant, tantôt enragé – et le sang – et les gestes – contaminés par l’ardeur et le souffle initié – et les âmes qui se plient aux forces et aux exigences qui s’imposent…

Vivre comme une énigme dans le mystère additionné des Autres…

 

 

Seul – sans Autre (véritable) à aimer – à éduquer – à libérer – à contraindre. Embarqué dans cette solitude (sans repère) – dans cette existence-thébaïde – jusqu’à la mort…

 

 

Dieu – en chaque instant – en chaque geste – en chaque pas – en chaque parole – pour éveiller les âmes endormies…

 

 

En dépit des mots – des pages pleines de silence et d’oiseaux…

Des arbres – des forêts – quelques feuilles – et des millions d’envols vers cette partie du ciel (encore) inconnue…

Et quelques passages tremblants (et réussis) vers l’enfance…

 

 

Des milliards d’yeux et de bouches dans la chair – éparpillés un peu partout – aux aguets – affamées – vigies et gouffres implacables – et toutes ces mains lancées pour saisir ce qu’elles offriront aux ventres qui doivent quotidiennement engloutir leur pitance…

La monstrueuse réalité du vivant terrestre…

 

 

Seul face à la mort tandis que nos ailes se replient – le corps vieillissant – la peau craquelée – et l’esprit millénaire marqué par des milliards de traversées – le même voyage à travers les différents mondes – ce qui change – ce qui se réinvente – ce que l’on perd – au fil des pas…

Les yeux qui s’ouvrent – la réalité qui se découvre – peu à peu – la peur et le langage qui s’effacent au profit du silence et de la joie…

 

 

Vivre comme sur une minuscule balançoire – posée dans un jardin immense – abandonné aux herbes folles – qui poussent et qui meurent – encore et encore – tandis que l’oscillation se poursuit – indéfiniment…

 

 

L’homme – l’esprit du sommeil – au milieu du rêve – au milieu des images – des instincts cannibales – son poids d’espérance et de fébrilité – quelques (vagues) prières – une manière maladroite de garder la tête au-dessus de l’eau (comme si l’on pouvait vivre hors de ce magma où tout est immergé) – à trembler comme les bêtes – chaque destin posé sur l’autel sacrificiel…

Les yeux fermés pour tenter de survivre à cette pathétique (et dérisoire) tragédie…

 

 

Le silence – le seul lieu possible – réel. Le monde déserté – affranchi du labeur et du visage des hommes…

Au cœur de cette âme qui ne pèse (presque) plus rien – plus légère que le sourire des anges…

Le front lucide et le souffle mêlé au vent pour accueillir toutes les apparences de la terre et du ciel…

 

 

Les eaux noires – la nuit des certitudes et de l’espérance – des seuils franchis – de l’itinéraire projeté – balisé ; la vie commune – indigente – insupportable…

 

 

D’interstice en intervalle – jusqu’au faîte – jusqu’au plus bas – pour inverser les repères – les faire exploser – les effacer – pour que la lumière devienne le monde – la neige – la roche – la source – le murmure de la chambre – quelque chose comme un chant qui ressemblerait au silence…

 

 

Vivre dans le frémissement enchanté du monde – le cœur empli de gratitude – l’âme défaite de tous ses rêves et de son poids d’espérance…

Sans mémoire – à travers une fenêtre sans vitre – à même le réel – dans la compagnie du soleil et des Dieux – le geste précis et précieux – bien davantage que la parole…

Serviable et docile – sans excès – sans zèle – dans l’exacte nécessité des Autres…

 

 

Le souffle sans gravité – si proche de l’infini que le ciel n’est plus qu’un jardin – une simple terrasse dont les confins mènent à la confusion des sens – à leur extension au-dehors comme au-dedans – à l’éclatement systématique des frontières – pour que ne règne plus qu’un seul lieu ; ni devant – ni derrière – ni en haut – ni en bas – ni au centre – ni à la périphérie – ni ici – ni ailleurs – le même espace – le même cœur – la même résonance – partout…

 

 

Des lignes, parfois, éteintes – comme un retrait du vivant né d’un excès de tristesse. Quelque chose comme un visage familier que l’on verrait s’éloigner – se libérer, peu à peu, de notre attachement…

La fin de tous les spectacles…

La séparation confirmée – renforcée – rédhibitoire…

L’accueil nécessaire – en soi – de la faiblesse et du ciel noir…

L’approfondissement de la pesanteur – l’écrasement par la gravité – quelque chose comme l’attente – impossible – de la fin du temps…

Pris en étau entre la forme et le silence – en l’absence de toute issue – de toute échappatoire…

Les conditions réunies, sans doute, pour l’affrontement final qui mènera, peut-être (qui sait ?) à la fin du duel…

 

 

Dans la compagnie fraternelle des arbres et des pierres. Seul dans le noir et le froid – dans cette nuit naissante – inévitable – à veiller, avec les bêtes, sur la courbe mystérieuse des astres. Le consentement à l’obscurité malgré le vent et l’absence humaine. Nous-même(s) dans notre unique voisinage. La mort un peu partout. Et ce chemin à explorer jusqu’à la dernière étape…

 

 

L’amour déclinant – presque disparu – dans le sillage des rêves et de la passion. Et à leur suite – l’espérance – dans son dernier souffle. La vie – bientôt – affranchie de l’inutile – à l’état brut comme notre âme et notre voix – indifférentes à toute forme de séduction…

La fin du désir et de la prétention…

Attentif – seulement – à ce qui est – à cet instant – dans la savante coïncidence du monde et de l’esprit…

Dans la simple continuité du voyage – le pas présent…

 

 

Immobile comme le silence. De plus en plus blanc – de moins en moins grave – malgré la tristesse qui, parfois, frémit à l’intérieur – comme un visage – une sensibilité – ineffaçables au milieu du monde…

 

 

Des jeux sur le sable pour oublier la misère et la mort – que nous rappellent toutes les vagues du monde…

 

 

A jeter son encre comme si la feuille était le monde – la peau blanche des visages – avec, au fur et à mesure des lignes, cet éloignement inéluctable – nécessaire – vital – la confirmation, de plus en plus évidente, de la solitude et de l’exil…

 

 

La vie entre ciel et montagnes – loin des cris et des bavardages – entre prière et silence – quelques pas offerts au corps et aux paysages – quelques lignes offertes à la page…

Le monde – loin – loin – au bout de l’allée – celle des Dieux morts et de l’absence – celle que nul ne devrait plus jamais emprunter…

 

 

Quelques rêves encore au-dessus de la tête – de vieux songes qui s’estompent – que l’on devine plus que l’on n’entend – comme des pas rapides qui s’éloignent…

 

 

Loin des hommes et des astres – dans l’intimité changeante (et renouvelée) des choses – en ces lieux où la tragédie est à la fois triste et joyeuse – naturelle et inévitable…

Un monde sans spectacle – sans commentaire – sans geste inutile. La vie brute et sauvage – sans appel – où le silence est la matière la plus précieuse – la plus respectée – celle dont s’enveloppent les objets et les âmes…

 

 

Par d’autres chemins que ceux par lesquels passent les visages. Sur d’autres chemins que ceux sur lesquels traînent les pas. Hors du temps – en ces lieux silencieux que nul ne devine – ni plus loin – ni ailleurs – autrement – sans les foulées ni la présence des visages habituels – dans le sacre inépuisable d’un autre monde – présent au cœur de celui où nous avons l’air de vivre…

 

 

Rien ne dure – le temps d’une attente – inutile. L’ailleurs qui devient familier – qui se rapproche, peu à peu, du centre – du cœur – de ce lieu vide et froid – comme un caveau désert – là où nous nous tenons endormis – suffisamment – pour vivre sans avoir (trop) mal…

 

 

L’existence commune – sans âge – où l’on vit à l’envers – retourné – comme un insecte sur le dos qui gesticule et bouge désespérément les pattes dans le vide – prisonnier de la pesanteur – incapable d’inverser le ciel et la terre – condamné à une longue agonie…

Nous tous – en somme – soumis à la lourdeur du destin terrestre – à l’échéance des jours – et à l’incroyable limitation des combinaisons du réel – en ce monde…

 

 

Au fond des yeux – les clés invisibles que les Dieux ont cachées – le mystère scellé au fond du cœur – et la serrure dissimulée dans les profondeurs de l’âme. Et les griffes – et les pluies – du monde colorant nos vies de rouge et de gris – faisant peser de tout son poids l’ombre sur nos épaules – donnant à nos jours cette texture épaisse et noire – et à nos mains cette maladresse obstinée…

 

 

Les yeux contre la voûte – tentant de pousser les parois – d’élargir l’espace. Et – entre les tempes – le même silence – ce goût malencontreux pour les promesses – des brassées d’espérance – des souvenirs en tas depuis toutes les premières fois. Tout un fourbi de choses inextricables – le monde entier – toutes les enfances – tous les chemins – tous les visages de la mort…

L’ultime pas vers la parole – puis – seulement – le geste et le silence. La terre ouverte autant que l’âme – prêtes, toutes deux, à l’invisible – au ciel sans menace – au strict nécessaire – à ce si peu qu’exige l’alliance (naturelle) entre le ciel et le monde – le lieu où nous sommes – le seul lieu réellement habitable…

 

 

Entre l’abîme et la dévoration – le commencement d’une respiration vers un ciel encore abstrait – une verticalité presque irréelle – des mots dans l’ombre du langage et des livres passés. Une manière trop dévorante d’exister et d’essayer de rendre vivant notre chant …

A présent – le silence – reposant pour l’âme et l’esprit. La grande liberté du plus spontané – du plus naturel. Quelques traits sur le sable – quelques fleurs ou un peu de neige selon les saisons…

Une errance entre l’avant et l’après – le passé et la possibilité du devenir – un écart présent – sans le prolongement du temps – dans le bleu immobile et éternel…

 

 

Le monde comme abandonné à lui-même. Et notre oreille qui traîne sur des chemins incongrus – infernaux – avec du sable dans la tête – et des pas qui crissent entre les tempes – avec de longues glissades du sommet du crâne jusqu’à la poitrine…

Du noir et du doute – sans hésitation. Quelque chose du désordre et du lointain. Quelque chose de l’isolement – un regard absent – un manque (absolu) de conscience – un savoir indigent et bancal – presque malsain – impropre (en tout cas) à guider les pas vers une terre plus vivable…

Une manière (atroce) d’exister – en deçà du seuil tolérable…

 

 

Les bruits de l’absence qui nous tiennent endormis. Le murmure de l’écho – le même depuis des millénaires – la roue éternelle sur l’axe courbe du temps. La litanie de la source qui peine à percer l’épaisseur des rêves et l’opacité des têtes…

 

 

Les mots comme des oiseaux qui s’envolent de la terre – qui traversent la cage de l’esprit – nés du silence des sommets – qui longent la ligne de crête – en planant haut – très haut – au-dessus des plaines où vivent – endormis – les hommes – qui fréquentent les Dieux et les mystères de l’aube – en se posant, parfois, sur les plus hautes branches des âmes – à leur place – trop rarement – en ce monde – malheureusement…

 

 

Hors des cercles et des assemblées – loin des murs des cités et des médisances humaines – solitaire et inoffensif comme l’arbre et la pierre…

Libre comme l’oiseau des forêts – dans l’oubli d’un monde sans cœur – aux amours misérables – consolatrices et théâtrales – seulement…

 

 

Le soleil effleuré – une âme plus vive – ce que l’on pourrait vivre sans que les Autres s’en mêlent – sans l’esprit perverti par le rêve et l’imaginaire – le réel au cœur – le cœur au centre – les pas et l’horizon affranchis du temps – le geste pur et le silence – toutes les joies de l’existence naturelle…

 

 

Dans l’œil surpris – l’invisible qui creuse le désir jusqu’à la béance – débusquant des sentiers et des chambres nuptiales – des phares – des gouffres et des rumeurs malsaines – une lumière mystérieuse – l’étendue de la vision et l’efflorescence des passerelles nécessaires pour transformer la cécité en regard balbutiant…

 

 

Deux ailes repliées dans l’étrange géométrie du monde – une féerie glaçante – presque horrifique – ceux qui se rassemblent (en vain) pour prier alors que d’autres se réunissent pour participer à des mises à mort – à des tueries – à des massacres de masse…

Quelques mots – à peine un langage – pour dire l’impossibilité du soleil en ce monde – parmi nous – en nous ; ce qui conduit – seulement – au scintillement et à la farce grotesque tant nous sommes confinés à l’illusion et au mensonge…

Ce qui donne lieu au contournement du pire – du plus commun – du bêtement trivial – le début d’un lieu à inventer – et la place indispensable pour qu’il se déploie sans gêne…

La lutte acharnée – en chacun – avant que ne s’impose (naturellement) le règne de la nécessité…

 

 

Le monde corseté – le réel irréfutable – et nous autres plongés dans des abîmes d’obscurité et d’incompréhension…

Devant nos yeux – l’absence et la cécité. Et en nous – l’opacité triomphante…

Une marche sans tête – l’histoire terrestre comme elle va – une traversée du feu et du néant – jusqu’au noir total – définitif peut-être…

 

 

Des visages et des existences – effacés – soustraits à la mémoire. Le monde qui se retire. Le rabougrissement du temps. Le silence et l’immobilité – comme un gouffre – un tertre – une énigme – quelque chose au fond du regard qui attend notre intimité…

 

 

Des carrefours et des batailles – des yeux fermés sur des chemins incompréhensibles – un quotidien sans vertige – mais non sans peur tant les luttes et les croisements sont âpres – violents – infiniment douloureux. Rencontres (si l’on peut dire) dont on ne sort jamais indemne – et presque toujours amputé…

Des existences tremblantes et mutilées – le sort commun – en somme…

 

 

Des arbres et des clairières – des sentiers qui serpentent sur la roche. La solitude et les paumes ouvertes – l’âme et le visage d’un seul tenant – le geste dans la parole – et la parole au cœur de l’acte – reflets du même silence…

Et cette joie infatigable – impartageable – de la perte et de l’absence de nom et de signature. Plus personne – comme notre seule figure – la plus fidèle malgré nos refus et notre prétention acharnés…

La vérité sans visage – humble – discrète – presque vitale aujourd’hui – et demain – de toute éternité…

Le seul apprentissage indispensable au monde. L’être au fond de l’âme – jusqu’au bout des doigts…

 

23 février 2020

Carnet n°224 Notes sans titre

Des mots comme du magma – la profusion des choses de l’âme – des choses de la tête. Ce qui, sans cesse, renaît – se réinvente. La prolifération du vivant – la matière humaine. Ce qui jaillit du silence et que l’on transforme en son – et en sens – en paroles pas toujours nécessaires…

 

 

Une étendue – bien plus vaste que la superficie du monde. La géographie de l’âme et du silence. Ce que nous explorons – en général – trop timidement…

 

 

L’oreille collée aux géants du ciel – ces anciens Dieux humains tombés en désuétude – messagers d’un autre monde fait de temples, de prières et de silence – d’offrandes à la terre – de gratitude et de respect – lorsque l’aurore n’était pas un territoire à conquérir – lorsque les gestes avaient encore du sens et des allures de caresse – avant que l’ambition de l’homme n’enfante tant de monstruosités…

 

 

De la poussière au creux de la main – solitaire au bord du fleuve – nulle part sur la carte étrange – trop restreinte – des vivants. Mains dans les poches. Des sourires comme des anneaux – une alliance avec l’invisible. Dieu et l’immensité au fond de l’âme. Et ce sang sauvage qui bat (toujours) entre les tempes…

Un peu de lumière – comme pour la première fois…

 

 

Rien qu’un nom – à présent – que le voyage, peu à peu, efface…

 

 

Des heures – des jours – sans livre – sans miroir – sans secret – sans lèvres à embrasser – sans oreilles à qui raconter – à contempler – en soi – le visage de l’Amour que la solitude a fini par dessiner…

 

 

Au milieu des pierres – au fond de l’âme – le même silence – le même sourire – l’acquiescement universel – peut-être…

 

 

Dans le sang – l’ambition et la conquête éteintes – le feu similaire au jour. Des lieux comme des univers – ce que nous portons sur nos épaules – dans notre âme – dans notre tête. Le ciel contemplé et le cœur fou de joie…

 

 

Le sol – comme le langage – griffé obscurément – défiguré jusqu’aux racines – sens dessus dessous…

Zone devenue (presque) végétative – privée d’enfance et d’avenir – sans parfum – sans soleil – comme suspendue au-dessus du gouffre…

Aire aride – en quelque sorte – sur laquelle se déversent le sang et la pluie – un peu de ciel et la substance des survivants provisoires – en vain – en pure perte…

La seule réalité possible – indigente – inchangeable…

 

 

Rien – sans ardeur – sans ongles – à force de fouiller – de gratter la terre…

 

 

Seule la pierre sur laquelle on est assis nous soutient – existe comme le prolongement de soi – ou plutôt nous comme sa continuité – une sorte d’excroissance de la terre…

Tentative grossière d’aller vers le nuage – de tendre vers l’inconsistance et la légèreté…

 

 

Le tragique sous l’indifférence des étoiles inaccessibles. La tristesse des volutes et des arabesques – de toutes ces marches fébriles…

Voyage ou séjour qu’importe ! Des chemins – des haltes – du repos – mille mouvements vers l’immobilité…

Des couleurs dans la tête à la transparence. Des amas à la nudité la plus authentique…

Et des feuilles – des milliers de feuilles – sur lesquelles on jette (toujours) trop de confidences…

 

 

Le ciel vers nous qui se penche – en nous – comme l’hôte unique – le seul que l’on puisse accueillir – et recevoir comme un ami…

 

 

Au-dedans – ce qui jaillit comme la foudre – inopinément – comme des graines jetées au hasard des pas – tout au long du voyage…

 

 

Une terre de sueur et de sillons où le silence n’est, aux yeux des âmes rustres, qu’une absence de bruit…

Le grain et le gain comme seules ambitions. Et un peu de chaleur dans le ventre et dans les bras d’un Autre comme seules consolations…

Des yeux perdus – presque (entièrement) abandonnés par les Dieux…

 

 

A rêver – à pleurer – à mourir – à même le sol – le visage tourné vers la terre…

Des fables et des boucliers pour faire face à la violence du monde – à la tristesse des existences…

 

 

Corbeaux noirs dans la ronde – sous la lune – au milieu des vents tourbillonnants…

 

 

Des temples – des pyramides – un tas d’édifices – des civilisations construites pour essayer de s’élever – de transcender la condition animale – et qui n’en sont que le prolongement – le médiocre déploiement…

Le ciel – jamais – ne s’atteint en rehaussant le sol – ni en le dominant – bien au contraire ; il convient de le servir et de grandir en humilité – de fréquenter la poussière – de côtoyer ce qui n’a de valeur aux yeux des hommes – de devenir ce presque rien nécessaire pour accueillir le ciel en soi…

 

 

Des pierres – et, sur elles, des troupeaux. Qu’importe les formes – la taille des visages – le nombre de pattes – la foule geignarde et peureuse qui se cache – qui s’abrite des tempêtes – qui refuse l’air frais – les eaux vives – la nuit – le froid et la neige sur les chemins – cloîtrée dans sa crainte (pathétique) de la solitude et le manque d’audace. A peine vivante – en somme…

 

 

L’ombre comme notre seule cachette – sorte de grotte à découvert qu’un seul rai de lumière peut effacer…

 

 

Le soleil sur nos déroutes – nos restrictions – nos impossibilités…

Et cette voie – au-dedans – qui rapproche la tête du cœur et l’âme des Dieux…

Les yeux et la langue – humbles – proches du silence – de moins en moins angoissant – de plus en plus désirable…

 

 

Condamnés au sang – aux plaies – à la douleur. L’élan qui permet la respiration et le cri – le son et le souffle jaillissant de la matière…

 

 

Des gouttes d’aurore parmi les larmes et la pluie. Clin d’œil de la lumière à défaut de soleil et de joie…

La preuve que nous ne sommes oubliés ni par le ciel – ni par les Dieux…

 

 

L’espérance tarie au fond de la poitrine – peu à peu transformée en force présente – en confiance – en gratitude – en lucidité – nécessaires pour demeurer dans le cadre infini de l’instant – porteur de tous les possibles – bien au-delà de l’imaginaire…

 

 

L’âme davantage éclairée que le front. La poitrine rayonnante qui guide le geste et la parole – ce qui jaillit de la nécessité et de la joie – unique manière d’être juste – plus humain – comme quelque chose qui se dresse pour s’élever au-dessus du rêve – des idées – des images – des représentations – et venir frapper ou embrasser, avec précision, ce qui doit être secoué ou ce qui doit être étreint…

 

 

Soi – ce que nous croyons – puis un Autre – puis un Autre – mille fois – des milliards de fois – comme une succession inévitable de visages…

Le monde – des vallées – des montagnes – des amas qui se forment et disparaissent. Des lacs et des ravins – ce qui se dessine – ce qui s’efface – ce qui, sans cesse, se transforme – sans le moindre désir – sans la moindre nostalgie…

La multitude des destins inachevés – inachevables – à jamais…

 

 

Des siècles de fureur dans la nuit silencieuse. L’humus né des ventres et des saisons. Du feu – partout. Et le désert que l’on peuple peu à peu. Des cités et des civilisations. Du bruit et de la lumière inventée – et presque rien d’autre pour attester notre présence…

L’absence et la lenteur des explorations autour – et au-dedans – du (mystérieux) centre que nous croyons être…

 

 

Des yeux aussi froids et durs que la terre gelée. Ni âme – ni Amour. Rien que des hurlements d’affamés – et des mains armées pour satisfaire la faim…

 

 

Un peu de lune au-dessus de la tête. De la pluie sur les sandales – et de la boue en dessous…

 

 

Le soleil qui se dresse – presque sur la pointe des pieds – pour toucher ce bout de ciel – si loin – si haut placé. Et entre nos tempes – les mêmes nuages aux formes et aux couleurs changeantes qui passent et repassent…

A peu près tout ce que nous aurons vu au cours de notre traversée…

 

 

A présent – nous circulons sans marcher – de pic en pic – à la manière des ogres chaussés de bottes magiques – la tête imprégnée des rêves des Dieux et les jambes si longues qu’un seul pas suffit à enjamber plusieurs océans – l’âme au-dessus – flottante – surplombant les mille mondes – les mille histoires enchevêtrées et inextricables – l’attente de tous les peuples – de tous les visages – les rivières et les lacs – les plaines immenses où l’on prie et où l’on meurt – tous les enfers et tous les paradis – tous les purgatoires et tous les jugements derniers – que nous avons inventés – et que nos mains et nos lois ont institués un peu partout – dans tous les lieux où nous nous sommes imposés…

 

 

Sur le sol – les yeux qui cherchent le monde qui s’édifie – les choses qui, sans cesse, se réinventent – les bouches muettes – la paresse – l’inertie – le labeur acharné – la multitude des foyers – entre l’eau et le feu – cette terre qui peut prendre tous les noms – sous le ciel – les étoiles – et le regard des Dieux…

 

 

La lumière recouverte – comme dépossédée de son origine – de sa puissance – avec son consentement éclairé (si l’on peut dire) – jouant, peut-être, à se faire peur – engluée de la tête aux pieds dans les ténèbres – dans le noir imperfectible du monde – avec ces pattes qui ruent et courent dans tous les sens – avec ces bouches qui crient – qui mordent – qui avalent – avec ces mains qui saisissent et assassinent – avec ces ventres et ces âmes jamais rassasiés…

 

 

Suspendus au-dessus du vide sans la moindre étoile – matière saisie et saisissante – dévorée et dévorante – aérienne et souterraine – avec laquelle rien ne s’achève – avec laquelle rien ne commence – comme la continuité de l’histoire – de l’évolution – de la recherche aventureuse – simplement…

 

 

Petites mains et fragment d’âme du Divin – les bruits qui naissent du silence – la multitude engendrée par le Seul. L’essentiel qui enfante le spectacle et la fantaisie – le monde en dépit de la douleur liée à l’extrême grossièreté de la matière…

Et dans nos veines – cette folie qui court. Et dans la gorge – ce souffle ardent. Et nos pas qui vont partout où il est possible d’aller. Et notre cœur – fébrile – qui cherche ce qui lui manque – qui traverse le monde – la vie – les océans – à la recherche du (saint) Graal…

 

 

Des têtes possédées – moins libres que les arbres – qui vont et viennent – qui se déchaînent – qui font trembler le sol et les âmes – qui suivent tous les soleils que pointent les doigts – qui creusent – qui labourent – qui voyagent – pendant des siècles – pendant des millénaires – sans jamais rien découvrir – sinon le manque et la douleur – sinon le froid – la solitude du monde et le provisoire de toutes choses – et qui continuent de chercher sans rien trouver – sans rien comprendre…

 

 

Des yeux – comme des jours – trop sombres pour y voir clair…

Dans la voix – le ton de la supplication – de la détresse – la fin de l’espérance…

La nuit – longue – sans promesse de lumière – sans lendemain possible…

Seul dans le froid et l’obscurité…

 

 

Des siècles d’attente et d’absence – quelque chose que l’on imagine – en secret – et qui ne vient pas – et qui ne pourra jamais venir de cet endroit que les yeux scrutent sans plus y croire…

Ailleurs – autrement – tout serait, peut-être, possible – on ne sait pas – on ne pourra jamais savoir…

 

 

Compagnon de personne – feu allumé au-dedans du front – des ouragans serrés contre soi – les hanches souples et les paupières mi-closes – la marche décidée – vers nos préférences – les arbres – la forêt – le désert – l’absence de l’Autre – comme une terre plus libre – un soleil véritable – à l’abri de rien – sous le regard des Dieux aux aguets – plus puissants (bien sûr) que toute la volonté du monde…

 

 

A regarder l’être nous envahir – et le devenir s’éloigner…

 

 

La soif et la terre mélangées – le froid qui cingle l’esprit – l’absence qui, peu à peu, se dessine – le monde frémissant – les pieds et l’âme pataugeant dans la même boue. Le lent glissement vers le souvenir pour échapper à l’hiver et à l’humidité. La tête qui s’enflamme – des couches de rêves superposés comme une couverture indigne. Et la glace partout autour de soi – des murs et des visages de glace – infranchissables – l’enfer que la matière a créé tandis que nos pieds cherchent une issue – et que nos mains essayent de panser nos blessures – aussi anciennes que la folie de ce monde…

 

 

Les pieds nus dans la neige – des larmes – et nos forces qui s’amenuisent. La poitrine qui lutte contre le froid – l’échine grelottante. Et sur les épaules – le poids du monde et des hauteurs jamais atteintes – la culpabilité du solitaire qui n’a, peut-être, jamais réellement quitté l’enfance…

 

 

Des gouffres sans rivage – au milieu du silence – toute une géographie à explorer – l’âme et les yeux aussi neufs que les visages et les fleurs – éphémères…

 

 

Là – sur le sol où guérir – malgré la présence des yeux qui foudroient – qui encensent – qui égarent – malgré les hommes allongés et l’attraction du sommeil – sur ce fil étroit tendu entre les extrémités du monde – sans confins ni au-dessus – ni en dessous – avec l’océan qui, peu à peu, remplace le cœur…

 

 

Au fond de soi – le mystère immergé – parfois émergeant comme une rugosité étrangère – inconnue – sur le lisse apparent du monde. Une manière de voir au-delà du néant et de l’absurdité – comme l’évidence de la pierre sous nos pieds et de la montagne devant nos yeux. Quelque chose d’infiniment tangible…

 

 

Seul face à l’océan – là où le désert sévissait autrefois – grâce à l’humus voyageur – aux saisons migrantes – au jour bienfaisant qui tente de rectifier l’ombre et la folie des hommes – leurs gestes sans mesure – injurieux – porteurs d’absurdes conséquences – prêt à féconder – partout – l’inespéré – sur les sols les plus stériles – sur les terres les plus exsangues – en redonnant au sauvage – au plus naturel – le rôle premier – grâce aux vents des plaines qui portent avec eux des graines nouvelles – et des graines anciennes – et qui les déposent là où il leur est possible de pousser – de croître – de fleurir – dans les failles et les trous – dans les moindres interstices – grâce aux pluies qui favorisent l’efflorescence et l’abondance – grâce aux montagnes qui retiennent l’eau qui coule pour former, peu à peu, des lacs – puis, des mers et des océans…

Ainsi pouvons-nous nous tenir – seul(s) et vaillant(s) – face à l’immensité – au milieu des incessants changements du monde…

 

 

Rien que du néant comme voisinage – des crimes et des pantomimes qui, inlassablement, répètent le même geste ; la mise à mort de la tendresse pour que se déverse le sang – pour que se répande le rêve…

Toute notre démesure – toute notre folie…

 

 

Des bras chargés de démence…

Des songes et de la cendre – partout – conséquences (atroces) de l’ignorance…

Des tempêtes sur le socle édifié pour nos (piètres) aventures – pour notre (si bref) passage…

 

 

Le monde à portée de vent – à portée des Dieux – isolé sur son archipel – abandonné au milieu des eaux. Quelque chose de la bêtise et du courage – de l’enlisement et de la détermination – les principaux attributs de l’homme – peut-être…

 

 

Ce que l’on invente pour ne pas devenir (totalement) fou ; l’oubli – le déni – le mensonge. Mille histoires au lieu de la vérité – le grand mirage plutôt que la réalité…

Mille musiques dans la tête plutôt que le ciel – plutôt que le vide et le silence…

Tout ainsi – ce qui se dissimule sous les masques et les parures – les visages du monde maquillés – transformés – méconnaissables…

 

 

Ce que l’on arpente pour réduire la distance qui nous sépare – pour adoucir les différences. Mille tentatives d’alliance et de ralliement pour aller moins seul – comme si l’Autre était capable de nous accompagner…

 

 

Aucun raccourci pour échapper au grand mirage…

Des pas au-dedans – un long périple (intérieur) – une marche harassante ponctuée de ciel – d’oiseaux – de repos et d’illusions. Des yeux qui, peu à peu, se dessillent – des flammes – si hautes parfois – que l’on imagine vivre sur un bûcher – et assister à sa propre immolation. Et du vent – si fort – si permanent – qui, inlassablement, balaye le sol et l’esprit de leurs encombrements. Victoires et défaites alternées – puis emmêlées – puis de moins en moins nécessaires. La nécessité à l’œuvre – la nécessité en actes – de plus en plus naturel – de plus en plus spontané – de plus en plus simple – vers l’effacement…

 

 

De la joie et du silence – de plus en plus – Dieu et la solitude comme unique compagnie. Le monde abandonné – de plus en plus lointain. Le chemin qui se dessine – jour après jour – sans la moindre volonté. Plus vraiment un chemin d’ailleurs – pas même une sente – absolument rien du voyage. Des pas – ou plus exactement – un pas après l’autre – sans la moindre certitude – pas même assuré qu’ils soient réels – aussi incertains que notre regard – notre existence – notre identité…

 

 

Comme une main qui s’approche timidement – Dieu vers l’âme – prête à se laisser caresser – à se laisser pénétrer – à se laisser habiter…

Plus qu’une alliance au-delà des miroirs – des retrouvailles (inévitables)…

Du ciel dans nos gestes – dans notre vie – seule manière – seule issue, sans doute – pour échapper à tous les désastres nés de l’absence…

 

 

Du silence au-dessus du monde – et des rires sur les courbes imparfaites – sur la danse des vivants – et sur les aurores qui se lèvent à l’horizon…

La voix ingénue qui lance ses prières vers le ciel…

Les nuits sans deuil – le même chemin jusqu’au couchant…

Des vallées – des routes – des saisons – et notre hamac posé dans la forêt…

Les fruits de la splendeur dans l’âme – gorgée de joie…

A la hauteur idéale pour que cessent les pleurs et la nostalgie des terres (et des visages) d’autrefois. Le passé enfin arraché et les yeux, peu à peu, dessillés pour se libérer du délire ordinaire de l’homme…

Le souffle libre et la liberté du vide et de l’innocence – impossibles à pervertir…

L’instant et l’existence sans anxiété…

La découverte, peut-être, d’un nouveau littoral…

 

 

Tout un peuple dans nos veines. Le cœur horrifié – inconsolable – amer face à cette impuissance devant le monde – la multitude. Et l’âme dans le sang – entre la faim et l’ardeur – entre l’hésitation et la fuite sans panache. Des ailes dans le dos pour tenter l’envol – et la certitude du néant – de l’absence de Dieu – sur tous les versants explorés…

 

 

Partout – pieds nus – à aller avec la faim là où l’on pourrait l’apaiser. Comme des bottes dans le sang et le regard (toujours) emprisonné – comme une course vaine – insatiable – sous le joug d’une ardeur qu’aucune force – qu’aucune résistance – ne saurait briser…

 

 

De la matière et de la nuit – plongées ensemble au fond d’un puits – au fond de l’âme. Et ces traces présentes dans le langage des hommes…

Rien qui ne puisse échapper au temps ; le tic-tac de l’horloge – des jours – des saisons. Et le feu dans la ronde des pas…

Tout accroché à la même ceinture – et ce glaive suspendu au-dessus des têtes – le frisson (le grand frisson) au-dessus du sommeil…

 

 

La vie tantôt comme une île lointaine – tantôt comme un songe – une cage aux grilles modulables…

 

 

Le monde de la terreur – pris dans les filets du pire – dont les maîtres sont des bourreaux – les plus atroces – les plus ingénieux – que la terre ait connus…

 

 

Le parfum d’un ailleurs dans le silence – des contrées inconnues – un souffle neuf dans la poitrine – l’arc-en-ciel plutôt que l’attachement à une bannière. Des horizons qui glissent sur le regard. Rien qui ne s’entasse. Le cœur au bout des doigts – et dans les yeux, cette lame qui tranche l’inutile. Des tas autour de soi que dispersent les vents. Choses et visages – en fragments – tombés là après leur bref séjour à nos côtés. Plus de lutte – ni de rêve – l’accueil – la joie d’être – ce qui se goûte puis s’oublie. Le monde adouci – passé au tamis de la tendresse…

 

 

Dans la même cellule – sous la voûte – durant mille nuits – mille saisons – parmi mille soleils – sans un seul miroir – sans un seul visage. Le ciel large et libéré de la frayeur. L’homme assis sur la pierre et la liberté qui, peu à peu, se déploie dans l’âme…

 

 

Des ombres fugaces devant l’éternité…

Des flammes dans les yeux pour découvrir le point culminant – le faîte qui se dresse dans l’abîme – là où les pas sont nécessaires…

Une âme et un corps, peu à peu, fragilisés – la bouche de plus en plus silencieuse – et cette indolence face à l’immensité…

Le souffle qu’il nous manque pour échapper aux rêves des Dieux – aux lois du temple – à la hiérarchie des institutions – aux conventions communautaires…

L’ardeur insuffisante pour être – et vivre – comme le premier homme – l’esprit vide et lucide – la gorge affranchie du langage – l’âme fidèle aux seules exigences de la terre – suffisamment mûr, peut-être, pour se mettre à l’écoute du ciel – et devenir (pourquoi pas ?) le plein silence…

 

 

Sur un socle pierreux – les pieds dans la poussière des chemins – l’âme aussi grise que le visage – épuisé par cette longue marche – le cœur immobile qui célèbre, à présent, le vent – la neige – le plus sacré. L’être – la tendresse du regard sur le provisoire – le plein acquiescement du silence…

 

 

Des voix dans le lointain – comme un souffle de liberté sur les contingences et la tragédie. Une fenêtre ouverte sur le monde plongé dans le pathétique – nourri de fables – de mensonges – d’espérance. Le visage de l’éternel, peut-être, qui s’avance. L’Amour, peut-être, qui s’approche – à travers la parole qui annonce la venue du silence qui détrônera, peu à peu, l’espace et le temps…

 

 

Après les luttes et la souffrance – la résistance au plus naturel – le sacré et la célébration. La fin heureuse des héros et des tyrans. La discrétion et l’humilité de celui dont les yeux ont appris à s’ouvrir…

 

 

La terre – couleur de mort – parfum d’enfermement et d’espérance. Un peu d’espace entre les murs pour produire de quoi manger – entretenir le feu – inhumer les dépouilles. Une existence de labeur et de prières pour tenter d’atténuer l’âpreté et la misère…

 

 

Un autre air – une autre envergure – hors les masques. Quelque chose qui échappe au monde – à l’histoire. Le plus simple – le plus naturel – affranchis de l’abstraction – loin des faux sourires et des aménités mensongères – au plus près des visages et de la possibilité de la rencontre…

 

 

Présence-éclair – lumineuse – pénétrante – au milieu des étoiles et des âmes endormies – qui veille autant sur ceux qui ont les yeux clos que sur ceux qui ont les yeux ouverts…

Nappe nue – aux dimensions inconnues – à l’envergure incalculable – épaisse et légère – comme le lit d’un fleuve céleste porté par les ailes invisibles des oiseaux – et qui effleure le monde – les pierres – les visages – et qui pénètre tout ce que les siècles ont enfanté – et qui disparaît en portant avec elle son énigme…

 

 

L’éternité n’attend le temps des fenaisons…

La pierre sous l’apparence du monde – et mille choses cachées sans compter ce que l’on y dissimule délibérément. Les cent pas au-dessus – l’espérance d’un événement – d’une rencontre – Dieu nous ouvrant les bras peut-être…

 

 

Au pied de l’arbre – le même jour qui s’avance – malgré la torpeur ou la fébrilité matinale…

 

 

De la boue – en quantité – épaisse. L’autre dimension de la beauté immergée dans la matière – opaque autant que le rêve est limpide – et qui se meut avec lourdeur autant que le rêve est volatil…

Rien ne bouge – en vérité – simple imitation du mouvement. Juste un feu pour brûler les choses et les croyances – nos folles certitudes – puis l’émergence du commencement une fois que l’essentiel est achevé – malgré la récurrence de la chair et du sang…

 

 

Dans l’œil du monde – l’opacité et la faim – ce qui enfanta toutes les prouesses des siècles – l’infortune érigée sous prétexte de confort – le sang répandu et la mort donnée de manière industrielle (et presque aseptisée)…

Les merveilleuses intentions – les merveilleuses inventions – du (bon) peuple humain…

 

 

Du sable jusqu’à l’infini…

Du bleu jusqu’à l’origine…

Et – partout – le même silence – notre nature – le regard – ce qui sent – ce qui goûte – ce qui contemple…

Chez d’Autres (la plupart) – rien qu’une main pour attraper les rêves – une tête avec des élans – et un ventre comme une outre à remplir. Sur toute la surface – terne – pas la moindre faille – pas la moindre brèche – où pourrait pénétrer le ciel – un peu de tendresse – l’appel d’un ailleurs – une autre envergure…

Inaptes au franchissement des seuils – à la splendeur – à l’immensité du premier jour…

 

 

Un passage aux airs d’exil. Des cieux qui ne ressemblent pas à ceux que nous avons connus. Des visages plus qu’étrangers – hostiles – haineux – assassins. Des gestes et des actes qui interdisent et refoulent – qui forcent à la résistance et à la rébellion – ou, parfois, à la fuite. Des lieux sans Dieu – sans pardon – sans familiarité – possibles…

Une existence d’emprunt où l’on s’efforce, pourtant, de trouver le juste itinéraire…

 

 

Une terre provisoire – sans possibilité de certitude – où tous les bagages sont vains – excepté, bien sûr, les impédiments de la naissance – où aucune fête ne mérite notre présence – où aucune histoire n’est digne d’être racontée…

Juste une pierre pour poser son séant – un abri contre la pluie et le froid – et un carré de ciel au-dessus de la tête…

Les mains exercées aux gestes quotidiens et à la prière – et l’âme à la présence – en nous – qui, peu à peu, se déploie pour trouver sa juste envergure…

 

23 février 2020

Carnet n°223 Notes journalières

N’importe qui – personne – le signe à la fois de l’échec et de la providence…

 

 

Pas même au soir de sa vie – pas même dans le jour déclinant – dans le milieu peut-être (qui peut savoir…). Le tournant – le retournement…

De l’eau tiède au bain glacé – la tête immergée avec l’âme – ensemble – dans ce long glissement – cette courte chute…

Les yeux paniqués – un cri (ou mille peut-être) – puis, le silence – jusqu’au bout de l’effacement…

 

 

La vie simple – comme n’importe quel homme – excepté les histoires communes…

 

 

Le récit de soi éparpillé – miettes et confettis – instrument lointain pour les fêtes et les festins d’autrefois – poussière grise à présent…

Le regard et le geste juste – ce qui importe – simplement…

 

 

Autour de la même fêlure que rien – jamais – ne peut combler…

Des couches inutiles de choses et de visages – des gestes que l’on s’impose – pour tenter de recouvrir la plaie – cette fracture en nous-même – comme un oubli du plus essentiel…

 

 

La lourdeur et l’habitude – et ces pas qui ripent sur la corde – comme une impossibilité à traverser la peur – l’inconnu – à accéder à l’autre versant du monde – comme un rêve – seulement…

 

 

Tout – comme l’eau et le sable – les reliefs qui se dessinent – ce qui passe – ce qui s’entasse – et la grande pagaille lorsque le vent s’en mêle…

Jeu de la matière – jeu de la nécessité. Le monde visible et les courants souterrains et aériens – les canaux invisibles…

Le cours ordinaire des choses – l’œuvre du silence…

 

 

Le monde rétréci – le temps effacé – comme dans un bocal qui, peu à peu, s’élargit. Une symphonie de couleurs – des dégradés – du plus sombre jusqu’à la transparence – avec le ciel derrière – rien que du ciel – pas de visage – pas de vis-à-vis – pas de morosité – comme si l’immobilité – l’immensité – le silence – avaient tout avalé – les bruits – les mouvements – l’exiguïté de l’espace…

 

 

Un chemin – et quelques miettes laissées par les Dieux – pour contenter (très médiocrement) la faim…

 

 

Le corps – ses nécessités – ses lois – inévitables. La mémoire et l’esprit – ses craintes et ses espérances – inévitables eux aussi. Et le peu qu’il nous reste – ce sur quoi l’âme s’acharne…

Une oscillation – comme un va-et-vient – quelque chose d’imprécis – d’infiniment restreint – presque rien en vérité – et pas même la possibilité d’accueillir…

La seule liberté est l’obéissance consentie – le oui sans résistance – même aux mille non réactifs et spontanés – l’acquiescement à se laisser mener…

Le dehors et le dedans comme seuls maîtres…

La vie assignée – ancillaire – soumise aux forces qui animent l’âme et le monde…

 

 

Des rangées de monde – alignées – côte à côte – disparates – assemblées sans grâce – sans cohérence apparente – selon les nécessités (impérieuses) de l’invisible…

La mer – des corps – des cris – de la nuit partout – des fenêtres fermées – des visages ; aucune place pour la grâce – la lumière étouffée par le gris – à l’intérieur…

De l’écume aux reflets sombres…

 

 

Rien qu’un peu de vent sur un espace neutre – un décor aux allures tantôt de jardin, tantôt de désert. Des noms et de la chair. Et au-dessus, le ciel – blanc – immaculé – presque irréel…

Nos vies – ce que nous appelons nos vies – comme des histoires – de simples – de minuscules – histoires…

 

 

Rien que des cris – et le vent – et le froid – et la nuit. Le berceau du plus sauvage…

Dieu impuissant face à la matière…

Le silence sans mémoire – sans geste de salut…

Le vivant déchiquetant et déchiqueté…

Le souffle inquiétant de la mort qui rôde au-dessus – au-dedans – encerclant – enserrant tous les survivants provisoires…

 

 

Ce qui rampe – lentement – vers la liberté…

 

 

Au-dedans – le secret recouvert d’inutile – le mystère creusé dans la masse – et mélangé à la matière…

Se défaire – ôter – pour découvrir la lumière…

 

 

Le sang – la chair – n’ont pas de nom. Il n’y a que nos visages pour se croire singuliers – et prétendre à une distinction. On leur a (trop) appris à différencier les formes et – à présent – ils ne voient plus que toutes sont prises dans la même masse – mêlées – mélangées – ensemble – inséparables – sous la même emprise malgré leurs efforts de différenciation…

Rien – en vérité – ne peut être ôté ; ce que l’on arrache – l’infime part que l’on arrache – découd – défait – tous les fils de la trame…

 

 

On croit vivre – en vérité – on nous anime – pièce d’un puzzle mouvant. Main d’un Autre qui tire les ficelles. Ça respire même sans volonté. Ça regarde – pas même médusé – la masse rampante et monstrueuse. C’est l’œil au-dedans aveugle au regard du dessus – qui surplombe. Ça ne jouit qu’aux alentours de ce que l’on imagine être ses propres membres – sans nous réjouir de l’ensemble qui avance en beuglant – aveuglément – qui tourne, en vérité, sur lui-même – incapable encore – à travers ses milliards d’antennes – de se tourner vers le ciel – l’infini – cette présence sidérante…

 

 

Rien que des voix et des noms prétentieux. Des vies routinières – mécaniques – sans bouleversement – trop confortables – trop ronronnantes – trop ensommeillées…

Ça court ou ça s’enfonce – on ne sait rien faire d’autre – le mouvement fébrile ou l’enlisement. De l’air et du sable – ce qui nous constitue – ce qui est devant nous – sous nos pieds…

 

 

Rien – des traces sur le jour naissant. La main de Dieu qui décide à travers la nôtre qui tremble…

L’empreinte des démons et du langage. Quelque chose d’épais fait de syllabes et de malédiction…

Le cours intranquille – le cours tourbillonnant – des choses – et tous les faux repères que nous créons pour nous donner l’illusion d’une existence distincte de ce fatras – comme si nous pouvions avoir (ou nous offrir) la moindre épaisseur…

Un enchevêtrement de sang, de ronces et de roches avec un peu de ciel au fond de l’âme et une cascade d’eau fraîche entre les tempes – et, au-dehors, tous les vents de la terre…

Et ce feu – partout – qui finit par tout consumer – par tout transformer en cendres – les choses en soi – toutes les choses du monde…

 

 

Tout finit par disparaître – au fond du silence. Ce que nous appelons le jour – la mort – l’esprit – la vérité – rien ne peut résister à l’abîme éternel – qui rappelle à lui toutes les choses qu’il a enfantées…

Le mystère dans sa boucle récurrente – impossible à arrêter…

 

 

La mort – comme les pages d’un livre qui se tournent lentement sur les visages – derrière les masques – celui du rire comme celui de la grimace – le squelette ardent qui, peu à peu, se dessine – à traits de plus en plus épais – comme une étendue blanche qui se déploie – et qui grignote, jour après jour, le noir de nos vies – le noir de nos âmes…

 

 

Du monde et du dénuement…

Vivre à l’épreuve des faits – sentir l’âpreté – la bouche pleine de terre – autant dans le ventre que dans l’âme – de son vivant avec cette matière – la même qui nous recouvrira à nos funérailles…

 

 

Rien au-dedans – aussi vide qu’au-dehors. Le même silence – la même solitude – l’ordinaire des choses – ce qui passe sans jamais s’arrêter. La vie – le temps – le rire – à petites doses – celles que l’âme réussit, parfois, à attraper…

 

 

Ce qui a l’air d’être et ce qui est – tâchons de faire la différence…

En vérité – rien ne peut être saisi. Il nous faut seulement être – et vivre en s’abandonnant aux événements – au cours des choses – laisser son existence aux mains du destin – et le laisser célébrer ce qui s’offre – sans attente – sans exigence…

 

 

N’être que soi – personne – face à rien. Ni chose – ni visage – pas même un murmure. Le goût du ciel et du silence dans l’âme – simplement – il semblerait que nous n’ayons rien d’autre…

 

 

Quelques restes de nerfs à vif et un fond de tristesse – pour ne pas oublier la misère du monde – le malheur d’être né sur terre – ce si bref séjour dont on ne tire (en général) aucun avantage – aucune leçon – aucun bénéfice – un temps mort et morne – douloureux et triste (à mourir)…

Regardez donc les arbres – les bêtes – les hommes – la misère des vivants malgré les rires – les fêtes – le décor et les conditions d’existence que l’on essaye de rendre moins âpres – plus confortables – malgré toutes les tentatives pour oublier la vieillesse, la maladie, la solitude, la peine, la douleur, le manque, l’ignorance et la mort – malgré notre acharnement inutile à transformer les apparences – rien n’est en mesure de nous soustraire à l’indigence et à l’infortune…

 

 

Des larmes sans pourquoi – pour d’invisibles raisons – les plus essentielles – les plus vitales – celles pour lesquelles on serait prêt à mourir…

 

 

Sur le seuil d’un autre monde – inquiet – grimaçant – puis, condamné à vivre sur la pierre – seul face au ciel – avec toutes ses interrogations…

 

 

De la matière du sol au ciel – et même la tête en est pleine. La seule espérance ; la possibilité de faire un peu de vide au-dedans…

 

 

Dans le linceul – enfin seul – en plein ciel…

 

 

Des tourmentes et des portes trop incertaines…

Ça avance – péniblement – ça devient ce que ça peut. De temps à autre – une prière – histoire de se remettre d’aplomb – de retrouver des rails plus confortables – de dénicher une destination moins triste – de suivre un chemin mieux balisé – de rendre le voyage moins périlleux…

L’aventure – toute tracée – de l’homme…

 

 

Des lieux – mille lieux peut-être – au nom inconnu – au nom sans importance – des pierres aux marges des chemins – parfois de l’autre côté du monde – là où les hommes (bien souvent) perdent la tête – là où tout bouge sans cesse – là où tout se confond – où tout tourne à l’envers de la raison – sur l’autre versant de l’esprit – sur cette pente escarpée, sans cesse, balayée par les vents – là où les pieds sont inutiles – au cœur de cet espace où il (nous) faut cheminer avec l’âme – les mains devant soi – paumes ouvertes – sans mendicité – sans prière – offerte(s) simplement…

 

 

Ce que nous avons sous les pieds – dans les mains – sur les épaules – entre les tempes – au milieu du visage – au fond de l’âme ; la même chose – la même matière – différentes facettes de l’invisible…

L’essentiel – sans les histoires que nous y ajoutons – à la manière des rêves qui tournent dans la tête…

 

 

Du vent – face au visage – plaqué contre le front – et qui pousse – et qui pousse – et, soudain, après mille siècles de lutte (acharnée), la résistance qui cède – et des larmes qui coulent sur les joues…

La tendresse et la tristesse nées de l’abandon…

Le commencement, peut-être, d’une vie nouvelle…

 

 

Jamais plus loin que le mur qui nous fait face – et, souvent, cela suffit – une vie à l’étroit – sans rien à l’intérieur – creuse en quelque sorte. Et plus rarement – l’âme libre – curieuse – aventurière – tenace – qui, peu à peu, découvre l’étendue du monde – l’immensité au-dedans – l’infini qui se conjugue en soi – sans la nécessité de l’espace – sans la nécessité de l’Autre – sans la nécessité du temps…

 

 

A attendre là – sans bouger – que le reste du monde nous emplisse – comme un sac sans fond – comme un sac, sans cesse, affamé…

 

 

Ce que l’on aimerait – rien qu’un grand silence au fond de soi – indifférent aux tourbillons d’air qui nous entourent…

 

 

Entre – le mot qui résume à peu près tout – disons l’essentiel…

 

 

Il n’y a rien derrière les mots – les mêmes murs que devant nous…

Nous ne vivons pas – en réalité, nous sommes enfermés…

 

 

Rien qu’une corde et quelques rêves. Certains se hissent à la force des bras – d’autres jouent les funambules – mais, dans les deux cas, il n’y a rien – ni personne – sur la corde. En vérité – il n’y a ni corde – ni rêve – une simple (et mystérieuse) matérialisation de l’invisible qui se prolonge indéfiniment – et sur laquelle les choses et les silhouettes dansent comme des reflets – comme des images – comme des tourbillons d’air dans le vide…

 

 

Du sable – comme du rêve – un peu partout. Le monde qui continue de tourner – la parole en boucle – comme (presque) toutes les sphères – sur son orbite…

Le cycle étrange de la poésie – ou ce qui s’en approche – des galaxies inconnues qui jouxtent le sol le plus trivial – l’étreinte de l’étrange et de l’ordinaire…

Un peu de vent – un peu d’air pur là où l’on vit – au milieu du sable et du rêve…

 

 

Tant de fureur et d’ignorance – l’esprit effervescent – perdu au cœur de sa propre géométrie – cherchant à tâtons – les paumes contre les murs – un chemin dans le noir…

 

 

Trop peu de soleil au-dedans de la tête. Et trop de possibles aux alentours – comme autant de manières de s’éloigner – de se fourvoyer – de s’enfoncer dans le noir. Comme autant d’étapes nécessaires – sans doute…

 

 

Des pas – à reculons…

De plus en plus proche de soi – de la lumière…

Et le monde derrière – au-dessus – qui s’éloigne…

 

 

Du silence – tantôt comme un mur – épais – infranchissable – tantôt comme une verrière – le lieu de la chaleur et de la lumière…

 

 

Trop de mythes – d’histoires – de légendes. Trop de récits pour tenter de donner un sens à ce qui – très aisément – s’en passe…

 

 

De l’espace – de la terre et du feu – sans la moindre équation à résoudre…

L’instant où tout a lieu…

 

 

Le monde comme un dédale. Et l’invisible sans la moindre géographie…

 

 

Rien que des choses qui s’entassent – qui s’empilent – en vain…

L’innocence, elle, ne s’encombre de rien. La plus légère – et la plus belle – manière d’aller de par le monde – aussi vide et accueillant que l’espace et le silence – l’extrême pointe de la solitude peut-être – prête à recevoir ce que les Autres appellent le reste…

 

 

A bonne distance du monde – là où la solitude et le silence sont (encore) possibles – les yeux dans le couchant – le ciel bas – très proche – recouvrant la soif d’un ailleurs – le front déjà au-delà – au seuil de ce qui dépasse le sentiment d’exister – aux confins, peut-être, d’une naissance hors du sang…

 

 

Du jour – comme un monde nouveau – au-delà du noir énigmatique – un peu effrayant…

Une migration impromptue de l’ombre vers la clarté – de la matière vers l’invisible – comme seule réponse possible à la nécessité – au besoin de justesse – à tous les impératifs du réel…

 

 

La fiction – par séquence – disparaît – n’a plus de raison d’être. Le rêve – les apparences – comme le prolongement de l’ombre en quelque sorte – s’estompent – s’effacent peu à peu. Tout explose et s’accélère – comme un feu dans la tête à l’assaut des images – des repères – de tout ce qui nous a toujours consolé de l’ignorance et de l’incompréhension…

 

 

Du temps entassé – des os et des ombres contre les parois. Toute la virtualité du monde. La nuit de moins en moins manifeste. L’invisible qui nous traverse – qui nous parcourt – qui nous constitue – vibrant – en première ligne – à présent…

 

 

L’éternité – sous le masque de l’éphémère…

L’essentiel vêtu d’oripeaux – la vérité sous ses multiples bannières – le jeu du ciel donnant au silence tous les visages. La nuit et la lumière – main dans la main – complices de tous les mélanges – de l’opacité jusqu’à la transparence – des larmes jusqu’au rire – et inversement – sans tristesse – sans gravité. Le voyage des atomes – des vibrations – des courants – le plus simple et l’arc-en-ciel – comme, peut-être, la poésie la plus ancienne…

 

 

De mort en mort – presque sans âge – porteur d’un si long passé – ce qui change sans changer – ce qui roule en contrebas du monde – ce que l’on récupère – ce que l’on entasse – ce que l’on perd – le même jeu millénaire – l’éternité sans repère…

 

 

Le souvenir d’autres rives – sans hallucination – de très hautes – aux confins du visible – en partie immatérielles – et de très basses où les instincts étaient vils – la seule loi possible – enfoncés dans la matière la plus grossière…

Et – à présent – ce rivage inconnu – peuplé de visages humains – cette terre étrangère où tout est mélangé – en demi-teinte – comme un axe médian qui ne connaît aucune extrémité – où rien ne se hisse réellement – où rien ne dégringole véritablement – où tout se mêle, d’une quelconque manière, à la moyenne – la commune mesure – en somme…

 

 

Un soleil au bout des doigts – que l’âme maintient vivant – nourri par le feu qu’elle abrite – pour qu’un peu de ciel habite la main – et donne au moindre geste une envergure et une justesse…

 

 

Une route – une page – une vie peut-être – qui se dessinent en marchant – en traversant chaque expérience…

Chaque brûlure vécue comme la conséquence de l’épreuve du feu…

Le destin cloué dans la chair vivante pour que la parole demeure fidèle à l’essentiel – à la vérité…

La douleur et l’âpreté comme garants du refus du bavardage et de la frivolité – de l’inutile et de l’inconséquent…

Le signe – presque la signature – d’une existence – d’une écriture peut-être…

 

 

Devant soi – comme un monde à l’envers. Les baisers du soleil à la pluie – et la main délicate du vent qui ouvre toutes les portes de l’âme pour que communiquent le dehors et le dedans…

Tout – comme un miroir qui dilate le regard – les yeux de la joie sous les paupières – rien qui ne puisse leur résister – pas même le rêve – pas même la mort…

 

 

Un silence parmi mille paroles lancées par ceux qui ne comprennent pas – et qui n’en ont pas même conscience – des ignares et des aveugles dans le fracas – donnant, chacun, sa version du monde selon les éclats tombés autour de lui…

Et l’on voudrait nous faire croire que la sagesse vient des livres – et qu’elle s’apprend ainsi – en écoutant ceux qui se tiennent éloignés de toute vérité…

Pour commencer (un peu) à voir – il faut laisser le silence nous dépouiller de tous nos mensonges…

 

 

Tout vient obscurcir (ou effacer) ce que l’on prononce lorsque les mots se tiennent trop éloignés de la vie – lorsqu’ils n’aspirent qu’à séduire (et à tromper) le monde. Le silence est une chance – celle (entre autres) de découvrir ce que cachent les visages et le langage – comme l’écho d’une origine lointaine – avant que naissent les élans – juste avant que ne commence l’histoire du monde…

 

 

Tout s’effondre – et est balayé. Rien ne reste – rien, bien sûr, ne peut rester – excepté ce qui regarde dont le socle se situe hors du monde et du temps – loin des blessures et des blessés – le centre même de l’infini – le centre même du silence…

 

 

L’Absolu quotidien – l’extrême liberté sans que la volonté s’en mêle – le grand acquiescement à l’émergence du plus naturel – du plus spontané – y compris, bien sûr, les refus et les résistances – non dogmatique – et non théorisable – vécu dans l’instant avec l’esprit vide et ouvert – et qui, pour le rester, doit (sans cesse) soustraire – et effacer – ce qui inlassablement vient l’encombrer – le souiller – le corrompre…

 

 

Une vie sans règle – presque sans visage. Une parole – un univers – des chemins qui se croisent – celui de la page et celui des forêts – les signes de l’invisible. De l’envergure au-dedans qui se marie à l’immensité du dehors – sur toutes les hauteurs. Et des ombres – encore quelques-unes – dans le sang. La sauvagerie du fauve hors les murs. Une existence toute simple – avec de moins en moins de tête…

 

 

Ce que l’on soustrait – en même temps que s’effacent les barreaux…

Personne – au centre de la solitude…

Du rêve au destin qui s’immisce – qui s’installe – qui s’aventure au cœur de notre vie – présent dans chacun de nos gestes – jusqu’au plus infime – jusqu’au plus anodin…

La ligne de crête sur laquelle on marche – le pas juste et quotidien – entre le rêve et la chute – entre l’alourdissement et le sommeil – au milieu des ombres – sous les yeux de quelques Autres parfois (trop rarement peut-être) – les pieds sur leur fil – confiants – parcourant les cimes – caressant le sol – marchant indéfiniment au-dessus de l’abîme…

 

 

Sur la pente de l’errance magnifique – où ni le temps – ni la pierre que nous foulons – n’ont d’importance. Les jours – la mort – la fiction des visages – la légende de l’amour – ont beau se réinventer – nous nous tenons à distance – à l’écart – entre les hauteurs et les fossés – jamais sur la route des cimes – ni sur les sentes souterraines – la poitrine – comme l’âme – plongée au cœur de l’invisible – de ce que l’on est bien en peine de noter sur ces pages – faute de mots – faute de langage approprié peut-être. Le vide lucide derrière la multiplicité et l’enchevêtrement des identités – des têtes dans le miroir qui jamais ne se ressemblent et dont aucune n’est absolument la nôtre…

 

 

De la chair sans consolation – matière brute fragile – indécise – trop grossière pour l’éternité – avec des yeux trop fermés pour qu’elle se dévoile…

A vivre comme si nous n’existions pas…

 

 

Défaits – brisés maintes et maintes fois – puis toujours renaissants – prisonniers du cycle combinatoire. Et l’invisible – mêlé – au-dedans – presque entièrement recouvert – relégué à l’impotence – à l’impuissance – incarcéré sous des couches de sommeil millénaires…

 

 

Une identité – mille identités – à effacer. Un monde – mille mondes – à briser – avant de renaître – de retrouver l’air libre…

La folie souterraine et l’apprentissage soustractif de la liberté – jusqu’à vivre la chair simple – pure – naturelle – et l’esprit posé bien au-delà de l’intelligence humaine – dans la proximité d’un (ineffable) infini…

Des siècles et des siècles de pesanteur pour découvrir, peu à peu, la légèreté du souffle dans son sarcophage d’argile…

 

 

Des parcours comme celui du fleuve – vers l’immensité. Et la matière prise dans la récurrence du cycle…

 

 

La nuit sans ajout – sans embellie – brute et sauvage. Le monde pris entre ses tenailles barbares. Le signe de l’indéchiffrable. Et autant de preuves sur nos visages énigmatiques…

Aucune réponse au mystère – à la réalité. Ni temps – ni appartenance. Le jour à découvrir – ou, à défaut, à réinventer. La seule question qui vaille…

 

 

Une géographie à explorer en commençant par la chair – le cœur et l’esprit suivront – puis, le langage pourra témoigner – si nécessaire…

 

 

Le silence – comme un malentendu – le plus sacré que ridiculisent toutes nos interprétations…

 

 

Seul – dans sa chambre – avec l’immensité au-dedans – face aux yeux. Et la langue volage qui s’aventure au cœur des alphabets – qui combine des sons – qui compose des mots – des phrases – du sens – quelque chose d’imprécis – d’incroyablement sommaire – indigne (presque toujours) de la blancheur de la page – du (petit) carré de vide qui s’offre avec innocence…

 

 

De la terre au milieu du sang – du ciel au milieu de l’âme. Et les soubresauts du voyage pour obtenir le juste mélange…

 

 

Des lignes entre la lune et les loups – des hurlements sous une clarté trop faible – presque symbolique seulement. Des pas sur l’horizon d’à côté – hors de soi. Tout un itinéraire trompeur – balisé – inutile. Une marche autour d’un soleil inventé. Une existence mensongère où l’on occulte – où l’on ignore – la seule rencontre possible – le seul dialogue nécessaire. La tête éloignée de l’essentiel et l’âme (plus que jamais) hivernante…

 

 

Des saisons nouvelles dans l’esprit qui respire – dans un seul battement d’ailes libres – loin du théâtre du monde – loin de l’illusion du temps – au-dessus des brumes abyssales – si épaisses qu’elles protègent la torpeur de ceux qui dorment et rendent (quasiment) fous ceux qui cherchent le jour…

Une lumière nouvelle, peut-être, sur l’univers en marche…

 

 

Être au monde dans l’oubli du monde. Présent – sans personne – des larmes sur les joues – comme la preuve d’une sensibilité vivante – dans la tendresse, sans doute, d’un plus grand que nous…

Au cœur d’une joie si particulière…

 

 

Les hommes – debout – face à nous – comme des ombres prisonnières – éclairées par une lumière légèrement oblique. Nuit aveugle – nuit ivre – nuit ignorante – inapte à déceler la blessure sous le songe – et le feu frémissant dans la pénombre – tout juste capable d’exacerber la cruauté. Des têtes et du sang sur les pierres – l’atroce visage de la mort comme seul trophée…

 

 

L’âge des instincts – détrôné par celui de la raison – détrôné par celui de l’innocence…

 

 

Le monde entier présent à travers nos blessures. La guérison, elle, dépend de ce qui habite la solitude…

 

 

Dieu sans prière – sans imploration. Présence au-dedans – naturelle – invisible – discrète – permanente – dans les tréfonds autant que sur la peau et dans l’air que nous respirons – et cachée, très profondément parfois, dans l’âme – et derrière le visage – de l’Autre…

 

 

Le corps décadent – à genoux – parmi les ruines du monde – dans sa lutte mortelle contre le temps. Et l’esprit au-dedans – prolongement de la chair – si mordu – si rongé – lui aussi – et l’esprit au-dessus si peu concerné par l’exercice de vivre. Regard tendre et silencieux – simplement – sur ce qui s’acharne et espère – sur ce qui s’abandonne et disparaît…

 

 

Dans les contours brûlants d’une parole – matière incandescente – quelques mots nés de la lumière…

Un feu dans l’âme pour éclairer tous les seuils où nous nous tenons…

 

 

Des rives enfouies au-dedans de la terre – cachées derrière l’écran opaque de la mort – étrangement suspendues au ciel. Et des yeux – et des pas – qui cherchent – qui avancent – qui aimeraient découvrir l’escalier d’or – la passerelle des promesses – ou, au moins, quelques souterrains salvateurs…

 

 

Une part de mystère – et tous les chemins qui y mènent…

Des foulées curieuses – incrédules – puis, un jour, rassasiées – sans nécessité de contrées nouvelles – qui ont appris, peu à peu, à ralentir – puis, l’immobilité – l’assise du séant sur le sol – l’intérieur comme seul axe vertical – à la hauteur appropriée – avec dans la tête mille questions qui ne trouvent que la désillusion – et la longue (et lente) traversée de la tristesse jusqu’au silence – jusqu’au sourire – jusqu’à la main tendue – jusqu’aux bras ouverts – vers ce qui s’avance…

 

23 février 2020

Carnet n°222 Notes sans titre

Sur nos lèvres – le cri. Dans notre âme – l’envie de lutter – de résister à la barbarie et à la bêtise ambiantes. Les forces vives de la lumière, peut-être, contre l’obscurité établie – ancestrale…

Ce que l’on imagine à tort – sans doute…

 

 

Du vent pour fracasser les murs – ouvrir les crânes – et percer quelques fenêtres dans l’âme – pour découvrir l’immense étendue blanche…

 

 

Le monde comme oubli – la meilleure façon de purifier l’âme – le sang – et la main dans son désir de geste…

 

 

Le temps particulier de la chute – l’instant où la tête touche le sol – et se réclame de lui. Dans cette alliance étrange qui ouvre le regard – comme un brusque dévoilement…

 

 

Pas de lutte (véritable) – la soumission aux forces en présence – l’obéissance inconditionnelle consentie. Comme pris par un courant ascendant – tourbillonnant – dévastateur. L’âme – la main – le sang – gorgés d’ardeur…

 

 

Vivre – comme un seul air de fête – une (pauvre) litanie – le petit refrain triste des jours – la monotonie des heures – l’ignorance – l’attente et les malheurs – ce à quoi ne peuvent échapper les vivants…

 

 

Nous attendons tous la mort – immobiles – et depuis si longtemps que du lierre grimpe sur notre visage – impassible…

La tête absente – à scruter – infailliblement – ce qui adviendra plus tard – après le règne du monde – sans doute, les forces du pire…

 

 

Dire encore – penser moins – être davantage – à la lisière du monde – au-dessus des visages que nous avons oubliés – l’âme et la main fidèles – solides – qui confient la barre au vent – qui s’abandonnent à la dérive et à l’errance – à l’itinéraire que choisiront les Dieux…

 

 

De la stupeur devant ces mondes particuliers – plus de vent que de mémoire. Du feu – partout – sur la terre quadrillée par les murs et les territoires…

L’œil – l’angle – qui s’élargit – et l’infime recoin où nous vivons – où nous mourrons – où nous serons, sans doute, enterré – et, avec un peu de chance, dispersé un peu partout pour nourrir les forces nouvelles – les forces naturelles d’un monde nouveau – peut-être…

 

 

Debout – comme le réveil du souffle – le vent dans la montagne – la mort sortant de son long sommeil – les vivants en ordre de marche – prêts (enfin) à vivre sans peur – dignement…

 

 

Ce qui porte – à travers les âges – la braise et le silence – la seule manière, peut-être, de garder les yeux – l’âme et les bras – ouverts…

 

 

La tête trop lourde d’idées – et les pages qui s’affolent – l’encre projetant la boue – quelques taches sur la feuille sacrifiée. La pluie de l’âme, peut-être, qui se déverse – et se répand. Une manière, sans doute, de blanchir le dedans…

 

 

Le noir – plus appréciable à mesure que l’on s’enfonce. Gestes de plus en plus lents – ressentis de l’intérieur – cantonnés à l’instant – à son envergure – à sa richesse – à tous ses possibles déployés…

 

 

La vie intense – souterraine – qui bat entre les tempes – comme un appel – une fenêtre dans l’épaisseur – un tunnel entre l’ombre et le centre – l’infini…

 

 

Tant que le désir de vivre battra en nous – tant que le souffle sera rauque (et extérieur) et le sang insuffisamment intrépide – tant que les yeux n’inverseront pas la perspective – l’intérieur demeurera inconnu – et le temps ne cessera de dessiner la mort sur notre visage…

 

 

Sur la même piste – celle qui s’enfonce – vers ce lieu dont on ne revient pas…

L’échelle décroissante des ombres – avec la lumière – au fil des pas – qui se rapproche…

Le monde qui cesse d’être un festin pour devenir une fête – puis, peu à peu, autre chose – le début du silence, peut-être…

 

 

Aux confins de la lutte et du silence – au carrefour de l’âme et des choses – là où la rouille et la fatigue n’ont plus d’importance…

 

 

Comme une onde – de l’étendue vers soi – au-dedans – de l’immensité vers le centre apparent – l’incarnation de l’infini – l’espace respirant…

 

 

De la chair grise – devenue transparente – au faîte du corps – l’humus transcendé – le monde qui se rapproche, peu à peu, du silence – de la vérité…

 

 

Ce que le jour – progressivement – éclaire – et qui s’avère vide – de l’invisible recouvert d’un peu de terre…

Du sable dans la tête – que les tempêtes font virevolter…

En définitive – tout s’ouvre – ou s’écarte – pour laisser passer l’Amour…

 

 

La nudité de l’âme – du monde – comme les seuls rivages possibles. L’extension de l’origine. Les racines qui se propagent – qui deviennent troncs – branches – lianes – qui investissent les têtes – la terre. La plus vieille science de l’univers – l’alliance – presque secrète – du silence et de la matière…

 

 

Dans la convergence – se prolonge le feu – l’âme devient verticale – sous la voûte – la mort et le soleil – côte à côte – dans une lutte apparente – théâtrale – reléguant le hasard à une (pitoyable) invention – au même titre que le temps – fruits maudits de l’ignorance…

Juste des têtes qui roulent – du sang – de la neige sombre – souillée – et des bouches – grandes ouvertes – qui se pressent et réclament…

 

 

Le monde – les hommes et les bêtes qui pataugent ensemble – dans la boue – dans la terre devenue marécage – les échines collées – la chair indissociable – soumise à une forme terrifiante (et inévitable) de cannibalisme mystérieux – quasi cosmique…

Les lignes horizontales du monde croisant les traits verticaux de la mort. Et à l’intersection – les pierres et les vivants – la matière enchevêtrée…

La faune – la roche – la neige – tous les passagers terrestres – tous les corps – toutes les têtes – plongés dans le magma froid et l’ignorance – avec du feu à la place du sang…

 

 

Au-dedans de la première tête – celle qui est née avant les autres – du temps d’avant le temps – à l’époque des forêts primordiales où les bêtes et la terre se confondaient – où il n’y avait de visage – avant l’invention du froid et de la mort – à l’époque où les âmes avaient la primauté sur la matière – à l’époque où ne régnaient que les yeux – le regard – l’essentiel…

Présence pleine qui, au fil des siècles – des millénaires – s’est restreinte – et devenue aujourd’hui presque inexistante…

 

 

Le rire face à l’épreuve de la mort – de la perte – de l’absence. L’accueil des larmes – les frémissements de l’âme. L’autorisation de la tristesse. Le temps du deuil nécessaire. La possibilité du rite – du langage et du dialogue post-mortem. Exactement la même latitude que celle qui présidait à notre relation lorsque ceux que l’on aimait vivaient à nos côtés…

 

 

Des gestes – une parole – comme au premier jour du monde. Libre de ce prisonnier que nous fûmes autrefois (il y a longtemps) – en un instant – comme une flèche vive – décochée des plus lointaines retraites de l’âme – jaillissant du cœur vers les têtes alentour – les embrochant, une à une, dans un itinéraire précis – parfait…

La spontanéité à l’œuvre…

 

 

Effacé – au fil des passages – de moins en moins – sur le chemin – quelque chose entre le visage et l’absence – une forme à la fois de mort et de lumière. Le destin léger et dense de la matière habitée…

 

 

On se jette dans la vie comme dans la mort – l’âme et la tête en avant – sans filet – au-dessus du froid et de la faim – avec l’aval précieux du plus lointain silence – celui qui nous a façonné – depuis si longtemps – une intériorité irréprochable – affranchie du doute et de la peur…

 

 

La paume ouverte – l’âme prête à recevoir l’offrande d’un autre ciel…

Proche de la jetée qui surplombe l’abîme – encerclé par l’infini…

Comme un saut dans les flammes – au milieu de l’océan…

 

 

Ce qui meurt – ce que l’on oublie – ce que la nuit matérielle entasse et ensevelit – le silence – nos profondeurs inexplorées…

Le monde au-dedans de la conscience…

 

 

Quelques signes sur le sable – esquissés dans la joie – la seule chose qui compte face à la poussière – face au provisoire des choses…

 

 

Un monde sans autre souffle que celui de la nécessité – avec le rêve comme matière – comme perspective – indispensables…

 

 

De grands rites dans l’âme – sur la table – des croyances – des possessions – des stratagèmes…

La volonté apotropaïque – comme si nous pouvions échapper à nos démons…

Un sourire comme le prolongement de nos mains suppliantes…

Le jeu – parfois perfide – de l’âme face au monde…

 

 

L’enveloppe sombre – malgré la lumière (débutante) – le premier élan du soleil dans le gouffre – le feu et le regard nettoyé…

La surface conserve sa teinte jusqu’à la dernière heure nocturne. Après – on ne sait pas – la tête est, sans doute, trop loin pour accorder la moindre importance aux couleurs. Le monde tel qu’il est – quelles que soient les apparences – les querelles et les figures présentes…

 

 

Le destin aussi malheureux que le monde – ni tête – ni âme – le cœur enfermé – et le corps en enfer. Pas l’ombre d’une lumière entre la terre et les étoiles – le noir qui persiste sur tous les seuils…

Les yeux clos ou bandés – les faces ternes – encerclées – des vies – à peine – encastrées – fébriles – réduites à s’apitoyer et à gesticuler entre leurs murs…

 

 

La tête impassible devant l’injustice – avec sur les mains quelques traces de sang (mal effacées) – le cœur placide – la figure rouge et silencieuse – à vivre sans la moindre culpabilité – les yeux presque rieurs…

 

 

Rien qu’un éclat – un bref regard sous l’orage – métallique d’abord – puis rubescent – jusqu’à l’incandescence. Le cœur en flammes – l’âme lumineuse – le corps comme du bois – comme les gestes – consumé. La braise impérissable au fond de la chair – cette matière tendre du monde qui, partout, cherche l’étreinte et le silence…

 

 

Une terre d’images et de paraître que le regard – en un instant – immole – désagrège – pour destituer l’ordre et le rêve et leur substituer la sauvagerie et le réel – la liberté naturelle du monde…

 

 

Quelques rives à franchir avant la mort pour découvrir son versant inconnu – ce visage que les hommes cherchent en explorant la terre – le monde – l’espace – la matière – tous ces lieux où la mort se présente sous ses masques les plus funestes – les plus trompeurs…

 

 

Des oiseaux plein la tête – des fleurs sous les bras – l’âme parfumée portée par des ailes jusqu’au faîte du monde – là où les cris ne sont plus que des chants – là où la joie enlace la souffrance – là où il n’y a plus ni homme – ni arbre – ni pierre – ni bête – que des visages – un long chapelet de visages – ravis d’être ensemble – reliés par l’invisible – heureux de leurs différences apparentes…

 

 

Dans les coulisses du temps – une mécanique artificielle à démonter. Hormis cette image – rien – une ossature de vent sur laquelle glissent toutes les paroles – toutes les tentatives d’explication…

 

 

Le souffle qui s’avance pour balayer l’étrangeté et l’extravagance – les ramener au seuil de la plus grande simplicité – quelques robes à déchirer – des masques et des parures à jeter au feu – une manière de se rapprocher de l’innocence – de la nudité – du vide le moins embarrassé…

 

 

Ce qui s’enflamme avec la voix qui s’élève – la parole – la lumière que les Dieux ont déposée sur notre langue – si loin des mots noirs – des mots rudes – d’autrefois – même si persiste une ardeur un peu sombre…

 

 

Des saisons – en nous – qui s’enfantent. Des signes délivrés – des nuits – par milliers – qui se chevauchent puis s’effacent. La densité et le recul – renouvelés. Comme un étrange chemin dans la chevelure des Dieux. Des gestes illuminés – libérés de la chair. L’effleurement des lois qui président à l’au-delà de l’incarnation. Le feu et la foudre – sans un cri. Sur les hauteurs de l’ancien monde – au seuil, peut-être, de l’ultime…

Et tout – soudain – qui redevient sable – sable et poussière – comme un rêve avorté d’exil et de libération…

La seule vérité de l’instant – sans doute…

L’âme et le monde – tels qu’ils sont…

L’éternelle rengaine – les mille élans et l’impossibilité du changement volontaire…

 

 

Ce que touchent nos mains – de la poussière et de la cendre – rien qui ne mérite d’être saisi. Mieux vaudrait garder les paumes vides – ouvertes – innocentes…

 

 

Rien qu’un récif contre tous les assauts – cette posture – ce langage – effrayants – vue de loin – entendu par mégarde – comme un front de feu qui veille sur les marges et les confins – les terres inexplorées – et que l’on voit enflammer l’horizon – et qui, sans en avoir l’air, trouble la torpeur des yeux et les âmes assoupis…

 

 

Des gestes de dernière instance – pas le moins du monde solennels – simples et naturels – totalement spontanés – comme initiateurs d’un passage – celui de la lumière – du dedans vers l’extérieur – annonciateurs du vide à venir…

 

 

De la faim – comme la terre – mais convertie en grâce – comme un cri qui prendrait des allures de chant – comme une bête avec l’infini au fond du regard – quelque chose d’indéfinissable – d’imprécis – de trop subjectif peut-être…

Le plus désirable du monde – sans doute – avec la main de l’aube sur l’épaule – en guise d’alliance – en guise d’amitié…

 

 

Du silence – au nom d’une blancheur trop secrète – invisible – indécelable tant que les yeux ne seront pas ouverts. Comme un antre mystérieux au cœur du monde – au milieu de la nuit…

Des jours de plus en plus favorables – un destin qui s’affine. L’éradication, peu à peu, de la peur et de la cécité. L’ignorance et le froid qui se consument à mesure qu’avance vers nous – en nous – la lumière…

 

 

Le monde devant nous – à geindre – à ramper dans la souillure – les mains en avant – en prière – mendiantes (presque toujours) – à patauger dans les larmes et la boue – à maudire le ciel – la terre – leurs mystères. Le verbe haut – tranchant – insuffisamment pour percer l’opacité des images – superposées en couches successives – et découvrir derrière la pluie – derrière la grisaille des jours – les chemins du vent vers l’invisible…

 

 

L’écume du monde – ses bulles de rien – dans la vie des hommes – sur leurs lèvres fébriles – impatientes de raconter leurs aventures dérisoires…

 

 

De l’air – partout – jusque dans le sang et la parole – jusque dans l’âme et la tête – si peu conscients d’exister – sans (véritable) gratitude – animés seulement par la faim et la volonté d’atténuer la peur – d’agrémenter la misère et l’indigence de vivre…

 

 

Face contre le vent – à affronter mille bourrasques alors qu’il suffirait de se retourner et de s’abandonner aux forces en présence – de laisser les courants invisibles guider nos pas – notre danse – le jeu léger de l’âme libre et vivante – heureuse des jours qui dessinent, avec justesse, l’itinéraire…

 

 

Des mots criants – parfois – à force de silence et d’incompréhension – qui pourraient renverser le sentiment de finitude – l’irrespect des visages pour l’Autre – pour le monde – pour la vie si ingrate à leurs yeux – dévoiler les arcanes de la matière – la profondeur possible du regard – l’immensité qui s’étend partout – l’absence de frontière entre les êtres et les choses – le feu indissociable du froid – la complémentarité de la nuit et de la lumière – ce que nous sommes – au-delà de la surface et des apparences – l’ardeur et le vide – de fond en comble – et éternellement (bien sûr)…

 

 

Yeux au front – dans le vent – à scruter la moindre bataille – la moindre querelle – la moindre souillure – de l’herbe au ciel – sur ce fil parallèle aux plus hautes crêtes du monde…

Debout – la tête appuyée sur l’invisible – entre deux fragments de matière – la bouche prête à s’ouvrir – la main prête à s’abattre – pour que règnent, partout, le plus naturel et la mort – dans la droite ligne des Dieux – sous les invectives grossières et l’incompréhension des hommes (ignorants)…

 

 

Comme une île au-dedans de soi – où l’âme s’est réfugiée – près du feu qui a enfanté le monde – et qui l’anime depuis toujours – tous les vents – tous les royaumes – les chemins de l’orgueil et de la cendre – et les forces invisibles qui, parfois, se transforment en gigantesque bûcher…

 

 

De la nuit – un peu de nuit – coincée au fond du cœur – dans les veines et le sang – ce que l’absence dispense et honore – le pire du vivant – la périphérie de l’enfer – dans ce cercle qui enserre et étouffe – et qui sème, partout, la mort – et le froid qui recouvre nos épaules…

 

 

La voix défaite face à l’orage – et le silence à la place – comme un brusque étourdissement de l’âme aux prises avec tant de luttes inutiles – l’embourbement et le ressassement de la même parole – de la même incompréhension – le couronnement de l’être au détriment de la mort – enfoncée – fatalement enfoncée – dans le quotidien le plus ordinaire et les gestes triviaux nécessaires à la survie (provisoire) du corps…

 

 

Mots sans âme – mots sans geste – comme amputés – sans portée – inconséquents – hors du cercle – inutiles – comme le prolongement de l’absence. Comme une flamme – creuse – terne – sans air – produite et entourée par un néant fatal…

 

 

Des oiseaux et de la neige dans notre folie. Des ailes et du blanc à cœur découvert. Rien face à la nuit – quelques âmes sur la pierre. Et nos yeux – à leur place coutumière – assis non loin des arbres – en retrait – au milieu de la solitude – ouverts – attentifs – hors de portée de la chair affamée et des têtes avides qui passent – en grognant – le poing levé – le bras prêt à s’abattre sur la première proie qui passe…

 

 

A la veille – toujours – de la plus belle aurore – comme si nous ne pouvions faire naître l’aube ici – à cet instant même…

 

 

Le même destin partagé – entre le feu et l’immobilité – entre la sagesse et la folie – l’ombre éventrée par la lumière – et la clarté dessinée par la pénombre. Une terre de sang et de secrets – des gestes et des lampes pour façonner mille agréments – formes à peine avouables de consolation face à la rudesse – face à la rugosité – de vivre – du monde…

 

 

La prétention et l’aveuglement lavés à grande eau. Les yeux et la psyché nettoyés – et irrigués, à présent, par du sang neuf – purifié – porteur de lumière et de vent – avec dans l’âme – l’humilité ultime – sans même un habit – sans même une bannière – perdue – anonyme – parmi la masse orgueilleuse…

Comme du feu revitalisé au-dedans d’une vieille souche – comme un regain – le sursaut postérieur à la mort (apparente)…

La manifestation évidente de l’invisible dans le monde des apparences – le mystère à l’œuvre au milieu des images – au milieu de l’illusion…

 

 

De la nuit – une masse informe sur notre visage – qui dégouline – et s’insère au-dedans. Le gris qui nous submerge – qui nous engloutit. Au bord de la noyade – l’âme et le feu malmenés – martyrisés – pris entre la volonté de résistance et la fuite…

 

 

Du vent – du sang – du ciel – et la lumière qui nous pénètre – qui retrouve la place que la tête occupait…

Des gestes – une présence – des pas légers – rien qui ne s’impose – rien qui ne piétine…

Rien qui ne puisse renverser la mort – interrompre son règne (si nécessaire) – mais une âme prête à naviguer sur des eaux inconnues – à aller au-delà des rives visibles. Mûre, sans doute, pour le voyage – et, peut-être, pour la sagesse…

 

 

Du bleu – comme au premier jour – après des siècles de terreur et d’embrasements inutiles – des seuils franchis en vain – du sang versé et du labeur acharné…

La terre la plus venteuse où les souffles, à chaque instant, chassent la nuit – ses velléités invasives – où la parole vive – brûlante – martelée – transforme le sable et la pierre en marbre – en socle propice – souriant – sur lequel peuvent (enfin) cohabiter les fleurs, les arbres et les visages – la terre, peut-être, d’un monde nouveau…

 

 

Le lieu de la parole et du désert – le sol chancelant et silencieux – plus réel que la pierre et le ciel abstrait – inventé – métaphorique – plus accessible que les portes allégoriques. Des nuages moins consistants que la brume épaisse au-dedans des têtes. La lumière promise sur le petit carré blanc de la page – comme un soleil vif sur l’âme et la chair – la possibilité d’une appartenance et d’une reconnaissance réciproque… 

 

 

Du bruit – de l’air brassé – ce qui semble, sans cesse, se réinventer. Ce avec quoi on emplit son âme – sa vie – le monde…

Du décor et de la décoration – rien d’essentiel – rien de consistant…

De la nuit et du vent – la substance de l’esprit – de tant de contenus et d’échanges entre les vivants…

 

 

En ce lieu que le monde et les Dieux (nous) ont choisi – un pied au-dedans de la faille – un autre au-dessus de l’abîme. Le regard franc – droit – direct – et cet éclat singulier au fond des yeux. Un feu opiniâtre qui cherche l’Absolu…

 

 

L’âme qui se livre – la main en attente de gestes nécessaires. Tout qui s’interpénètre malgré la froideur du monde et des visages – comme dépossédés de leur centre…

Le silence – au sommet de nous-même – au-dessus du sang – au-dessus de la tête. Et les ombres alentour dévalant leur pente rocailleuse…

Le désert et la solitude – au plus proche. L’être et l’aube – main dans la main – sur les plus hautes crêtes du monde. Les obstacles jetés au fond de l’abîme – les vitres pulvérisées – et les lèvres – et la joue – offertes – pour recevoir le premier baiser de l’innocence – les premières caresses du jour…

 

 

L’accueil et l’étreinte pour échapper à l’absence et à la mort – à l’idée (toujours séduisante) de l’Autre – de mille Autres. Plutôt le silence recueilli que la folle espérance d’un sourire – d’un partage – d’une caresse. Les deux pieds sur la pierre – face au monde – face au ciel et à l’océan – face à ce qui vient – à ce qui surgit en – et devant – soi plutôt que la certitude – plutôt que les petites lampes du monde – plutôt que la négligence et l’oubli…

 

 

A deux doigts de ce qui simplifie – de ce qui embellit – de plus en plus loin des rives habitées par les hommes…

 

 

Fardeau du ciel sur l’épaule – nous allons ainsi sous la lumière indifférente des étoiles – dans la poussière de trop étroits chemins…

 

 

A demi lâche – à demi-guerrier – selon les circonstances et les appuis – et, plus que tout, selon l’état de l’âme à l’instant du choix (de ce qui s’impose) entre la fuite et la saisie des armes…

 

 

De la sueur – la semence du labeur – sur le front – sur la peau – de l’homme qui s’épuise à la tâche. L’âme humiliée – asservie – les pieds et les poings liés aux nécessités de la subsistance – sous le règne écrasant de l’organique…

 

 

De la cendre sur le visage – comme un masque – celui des ténèbres sans espérance – sans guérison possible – l’ombre accrochée à toutes les faces – l’existence souterraine…

Ni vent – ni soleil. Le pas suivant – le jour suivant aux allures de nuit – comme seule issue – comme seule possibilité…

Le souffle trop faible pour pousser un cri – fomenter une révolte – juste de quoi respirer – et reprendre haleine pour poursuivre sa besogne – obstinément…

 

 

Bandeau sur les yeux – à mordre la lune pour se donner un peu de courage – assouplir les liens qui nous enserrent – qui nous attachent – qui nous emprisonnent – et la terre qui éponge la sueur que déversent nos efforts et nos pas…

Quelques mètres – à peine – qui nous séparent de la sortie des cavernes. Des rochers aux tours de béton – guère plus qu’une longue foulée – la même faim – la même chair – au fond du ventre – et les mêmes larmes – l’impuissance et l’incompréhension identiques – la vie et le monde – les mêmes énigmes – le même mystère véhiculé dans la langue (toujours inaccessible) des Dieux…

 

 

De l’or déposé en nous – enfoui – secrètement – on ne sait où…

Le voyage – toujours le même – à travers une infinité de chemins – pour dénicher le trésor – la marche sans pas – sans réel péril – mille manières de traverser la tentation des hauteurs – pour s’enfoncer au-dedans de la chair – pour découvrir l’insaisissable…

 

 

La fumée céleste sur les sommets – reflet de notre déracinement – de notre inconsistance. Les racines inversées – sans socle – sans attache – la liberté d’être – du voyage – entre terre et ciel – sur les eaux vives – chargées de tous les possibles…

 

 

Toute la terre que l’on charrie – que l’on amasse – pour se construire – et dont il faut, un jour, se débarrasser pour retrouver le ciel léger – notre identité sans poids – sans appartenance…

 

 

Rien qu’un trajet – un seul – jusqu’au centre – jusqu’au plus vivant…

 

 

Une surface lisse – blanche – sans dédale – aux profondeurs envoûtantes et lumineuses…

Au milieu du vent – sans le moindre signe de soumission – le sang comme la seule marque du vivant – la seule preuve de notre appartenance à la terre. Le regard clair – autant que l’âme enjouée – discrète. Et dans le cœur – retranché – secret – le mystère désossé – décortiqué – et la sensibilité vive – intense – (quasi) permanente…

Et l’eau qui ruisselle – et l’eau qui emporte. Rien qui ne reste – rien qui ne puisse rester…

Tout – nous – en nous – comme une outre ouverte – éventrée – à travers laquelle passe le monde – une flaque qui s’étend – puis, une étendue où se reflètent la lune mystérieuse – l’or des étoiles affranchies du rêve des hommes – les yeux du temps purifiés – libérés des siècles – la possibilité balbutiante d’une nouvelle civilisation – peut-être…

 

23 février 2020

Carnet n°221 Notes journalières

Un murmure – le chant d’un ruisseau – la nuit (presque) solaire. Ce qui s’offre – et résiste – à la pluie – à la tristesse des âmes. Sur la route – entre la déchirure et l’épaisseur – notre cœur immense – battu – ravagé – par la violence du monde…

 

 

Ce qui s’avance sans crainte – l’âme défaite – inespérante…

 

 

Une faille dans le souffle où perce le jour – le ciel parmi nous – le ciel au-dedans – pénétré et pénétrant…

 

 

Au bord du monde – l’âme et le poème – ce qui n’a jamais appartenu à la terre – dans les marges mélangées – ambivalentes – toujours. Ni vraiment humains – ni vraiment célestes – on ne peut – on ne sait – se prononcer…

 

 

Tout s’efface devant le jour – voilà le génie caché du monde – l’intelligence malgré nous…

 

 

Le feu au front – si souvent – comme une infirmité – une folle impatience – au lieu d’embellir la flamme – de la verticaliser…

 

 

Le monde rudimentaire – presque archaïque – prémices seulement d’une potentialité – d’une possibilité – l’émergence peu probable d’une figure réelle – sans mythe – sans histoire – sans image – aussi nue que la lumière…

 

 

A souffle débridé – à courir – à respirer – parmi les fleurs blanches et sauvages. Sur cette terre ouverte – dans l’entre-ciel du monde – l’âme et le pas innocents – poussés par l’exubérance – la folle énergie – du feu intérieur – souterrain – la roue en marche qui nous anime…

 

 

La pierre et la nuit – notre socle – notre sol – que nous creusons avec notre propre abîme

 

 

Un mur – haut – infranchissable – là où mènent tous les pas – toutes les routes – tous les voyages. La terre se multipliant – s’entassant – formant des tas – des briques – une paroi verticale – que chaque pas – chaque route – chaque voyage – fortifie – et qui nous éloigne (sans même en avoir l’air) du lieu que nous rêvons (tous) d’atteindre…

 

 

Le feu – chaque jour – recommencé – contre la pluie – le froid – la nuit – les invariants du monde terrestre…

 

 

Vivre – comme une minuscule lanterne – posée quelque part – entre collines et montagnes – hissée à l’altitude appropriée – à hauteur d’homme – légèrement plus haut peut-être – pour ceux qui passeront un jour par là – qui sait…

 

 

La nuit franchie – le choc encore dans la poitrine – comme une épreuve – longue – terrible – incroyablement douloureuse – à peine supportable (à vrai dire) pour la sensibilité. Et cette fréquentation des hommes – assidue – invivable pour l’intelligence – les balbutiements timides de la lumière. Le sol – à présent – à hauteur de joie – l’âme posée sur la pierre – dans une sorte d’épuisement – comme après une âpre (et harassante) bataille…

 

 

Toujours le même sommeil – le même labeur – le même labour – les traditions en tête – les œillères de l’homme qui avance – qui martèle la terre – qui creuse son (pitoyable) sillon. Debout – couché – l’âme toujours endormie…

 

 

Le front baissé avec tous les désirs en exergue. La faim dans le sang qui corrompt la main – et la rend assassine…

 

 

Le visage sur la pierre – glacé par tant d’absence – l’impossibilité du partage et de la rencontre…

 

 

Du vent qui s’engouffre – là où c’est nécessaire – là où les portes sont fermées – là où la volonté domine – partout où les hommes se sont installés…

 

 

Le vide habité – comme un tournant dans la posture – explosée – agonisante. Juste la terre indispensable – le feu qui alimente les gestes – l’âme offerte comme une main ouverte – tendre – délicate – posée en évidence – prête à tous les usages…

 

 

Des visages – partout – comme un seul portrait – celui de l’ombre qui avance – qui gagne du terrain – sur le point de tout envahir – et de décimer (partout) la possibilité de l’intelligence…

 

 

L’ombre – encore – comme une seconde peau. Notre premier foyer – la matrice enfantée par la lumière – la sœur aînée de la douleur – ce qui rampe sur le sol avec nous…

 

 

Tout n’est que route et chute – ascension et descente – mouvements circulaires – la vie – la marche – le soleil – la distance à parcourir jusqu’à l’étreinte finale – l’amorce d’un autre voyage…

Et nos pieds qui rechignent – et notre âme qui penche déjà…

 

 

Ce qui nous devance – et, à notre suite, le vent. L’étau de l’invisible – ce qui se resserre – et ce qui, en nous, doit se réduire – s’effacer – disparaître…

La main du destin qui nous offre aux tenailles des Dieux…

 

 

Tout se retire, peu à peu – la nudité et le froid de l’air. Le vent dans ses jeux et ses tourbillons. Et le regard qui contemple – sans distinction – les pierres – les routes – les visages…

 

 

Nous respirons – comme si l’air émanait du sol – et le souffle du ciel – d’où, peut-être, notre malaise – notre difficulté à sentir – à reprendre haleine – à nous tenir (réellement) debout – et notre manie à tout renifler – dans cet écart vertical…

 

 

Nous sommes rejoints tantôt par l’absence – tantôt par le silence – nos deux seuls acolytes…

 

 

Au faîte de la profondeur – là où est le jour – là où se trouve le seul seuil à franchir – des ombres mélangées au soleil qui se lève – comme une fenêtre – une aile vers l’infini – le temps écrasé par l’éternité – le monde comme une main qui s’ouvre – une âme qui acquiesce – quelques sautillements joyeux jusqu’au ciel – l’envers du lieu où nous vivons aujourd’hui…

 

 

Déchirées – une à une – les feuilles du grand registre de la mémoire – les saisons qui se mélangent – les sauts – les cabrioles – les danses et les pirouettes – le premier jour du monde – à chaque instant – l’heure originelle – sans suspens – sans continuité…

 

 

La vérité – l’invisible – cousus à l’envers de notre peau – dans les tréfonds de l’âme qu’il faut retourner (entièrement) – et dont il faut déchirer l’épaisseur – l’opacité – traverser toutes les terres jusqu’aux origines de la faim et de la matière – pour revenir – retrouver les tout premiers battements de cœur du monde naissant…

 

 

Presque rien – l’absence – comme un lieu – le centre du monde que chacun habite – malgré lui…

 

 

De la couleur – étalée partout – des teintes qui se mélangent – l’apparence vécue…

La violence qui rayonne – le jour recouvert – les surfaces scintillantes…

Tout un écheveau de chair et d’objets entassés – l’épaisseur du monde – comme une croûte sanguinolente…

 

 

Cet esprit – sombre – comme un seau dans la tête – un fond d’immondices raclé à la pelle – des éclaboussures – partout – et des taches – des flaques parfois – sur les chemins empruntés…

La sauvagerie brute du vivant. Notre seul rayonnement – trop souvent…

 

 

De la neige sur les yeux – et l’âme aussi recouverte. L’essence de notre tremblement peut-être – la cause organique de notre cécité – de notre insensibilité…

Le feu et la lumière étouffés…

Et sous la blancheur – l’ombre de la chambre – la vie terne – obscure – comme au fond d’un trou…

 

 

Des fleurs dans un fossé – comme notre table familière – quotidienne – le lieu des pensées sauvages…

L’esprit – comme une lampe dans les galeries souterraines du monde – dans le dédale des choses vivantes – cette matière mobile – hasardeuse – inquiétante…

 

 

L’errance autour du même centre – cette faille étrange – inconnue – secrète. Et nous au fond de notre trou – comme un abîme aux allures de cage étrange – à respirer cet air vicié – insupportable – le même depuis les origines – jamais renouvelé – à sentir sur la peau de l’Autre la souffrance et le cri contenu – à découvrir le monde à travers les visages – les images – les reflets – toujours tristes – toujours ternes – presque sans vie…

Tapis contre les murs de notre grotte – à espérer, en vain, voir la lumière – l’autre extrémité du jour…

 

 

De la blancheur que nul ne voit – qui nous a enfantés – pourtant – il y a longtemps – trop peut-être. Il serait temps de faire le chemin inverse – de la périphérie vers le centre – jusqu’à la matrice – jusqu’au point le plus dense – jusqu’au point exhaustif où tout se rejoint – les pierres – les visages – les âmes – l’infini…

 

 

Le lointain – non devant nous – mais au-dedans. Nous nous sommes, peu à peu, écartés du sol – de l’air – de l’herbe – des arbres – du rythme naturel des bêtes et des soirs sans lumière. Et ainsi la nuit est devenue (presque) totale…

 

 

L’ombre – le pied – le ciel – le destin de l’homme – la marche nécessaire – celle sur les pierres et celle au-dedans – c’est pour cette raison que le souffle nous a été donné…

 

 

Il y a une chambre au-dedans de nous – la chambre commune où nous avons été conçus et enfantés – celle que nous regagnons chaque nuit en nous endormant – celle où nous nous attardons un peu plus longtemps à chaque fois que nous mourons…

L’origine du monde – des choses et des visages ; notre permanente demeure – celle que l’on a toutes les peines du monde à habiter de son vivant…

 

 

Des lignes – un peu de poésie – comme de petites fenêtres dans le mur qui nous sépare de tout – du monde – des Autres – et de nous-même(s) – surtout…

Soi comme seul horizon – seule perspective – le lieu de tous les pas – de tous les voyages – de toutes les tentatives…

La terre n’est qu’un foyer (très) provisoire…

Une âme – des âmes – invalides – sur la pierre froide. Un feu – insuffisant – pour toucher le ciel du bout des doigts. Trop d’épaisseur pour se hisser jusqu’au front léger. Toujours trop lourde – la tête pataude. Toujours trop loin – l’innocence des mains…

Nous devrons encore nous défaire – nous départir – nous débarrasser…

 

 

Des bouffées d’air pur – à travers la fenêtre – sur la pierre – le ciel qui fait tanguer la fatigue – qui creuse l’épaisseur sombre – la tristesse – nos vies sans éclat…

Le front qui s’incline – qui monte très haut au-dessus de la tête – au-dessus du monde – pour recevoir le baiser de l’infini…

 

 

Les murs creusés qui se fendillent – qui s’effritent – qui s’effondrent – comme un désenserclement – une ouverture inespérée – sur le sol – en pièces – pour laisser passer l’air et la lumière – l’espérance par terre – émiettée – inutile…

 

 

L’envergure qui rassemble les morceaux – les fragments épars de notre vie – de l’esprit – enclavé – dispersé – qui comble la distance qui, croyait-on, nous séparait de ce que nous appelions le reste – nous-même(s), en vérité, lorsque l’identité s’élargit – retrouve sa rive natale – reprend ses jeux avec l’infime et l’infini – marie les contraires – assemble les opposés – devient ce qui, en réalité, n’a jamais été séparé…

Avec – dans la tête – l’explosion des limites – l’effacement des frontières – le ralliement naturel de tous les territoires – la reconquête pacifique de toutes les appartenances…

Le grand tout formé comme un seul ensemble – indissociable – insécable – souverain – silencieux – qui s’amuse de toutes les appropriations – de toutes les dénominations – qu’il désagrège d’un seul souffle – d’un seul éclat de rire…

 

 

Le monde – en nous – comme un monstre dévorant. Et nous – de la chair offerte – l’offrande des Dieux qui se repaissent sur notre tête…

 

 

L’autre pourtour que nous dessine la vie…

Cette infime parcelle qui, peu à peu, accroît sa surface – son périmètre – son envergure – qui apprend à devenir (sainement – sans appropriation) le lieu central – essentiel – primordial – celui par lequel s’écoulent toutes les choses (et tous les visages) du monde…

 

 

De la terre grossière – le sol aride qu’arrose la pluie – que cingle le vent – la sauvagerie de l’air – l’entêtement de l’eau – ces mariages étranges que célèbre le soleil – la chaleur – la lumière. La matière honorée – magnifiée – par l’invisible – la part la moins délicate – la plus tangible – du ciel – le socle sur lequel tout peut arriver – l’aire de tous les enfantements – l’aire de tous les possibles – en somme…

 

 

Genoux contre le front – à se contorsionner dans ce manque d’air – dans cette pièce étrange aux dimensions enserrantes – presque tortionnaires – le lieu le plus plein que la terre connaisse – une bizarrerie – la contrepartie, peut-être, du vide initial – vécu, sans doute, sur le mode du manque – à l’envers de l’exacte version…

 

 

Mille agréments – comme autant de couches de sommeil supplémentaires. Une forme de compensation anesthésiante pour essayer d’oublier – et atténuer sans doute – la rudesse du monde – l’âpreté de l’existence terrestre…

 

 

De la chaleur sur la pierre pour compenser la froideur et l’insensibilité de l’âme – son absence – comme si une telle chose pouvait être corrigée – et réparée – comme si l’on pouvait combler le vide – le vide infini – avec quelques flammes – quelques regards – quelques pauvres fagots…

 

 

Ce qui s’enlève – ce que l’on nous retire – superflu toujours – malgré les larmes…

Moins courageux (Ô combien) que les bêtes lorsque nous nous retrouvons l’âme et les fesses nues sur la pierre froide…

 

 

On a beau en avoir fini – avec le monde – les Autres – les apparences – les conventions – on ne cesse pour autant d’y revenir – malgré soi…

Comme si nous abritions – à notre insu – de vieux reliquats d’humanité increvables…

 

 

Des ornières et des failles jusqu’au ciel – ce qui donne, peut-être, à notre âme cette apparence trouée – ce relief étrange – avec de l’air – de la légèreté – avec des trous et des tourbillons – et des masses sombres qui flottent – qui gravitent – qui nous alourdissent…

 

 

Les cris – le moindre cri – relancent la guerre. Exhortent le souffle – l’élan – l’ardeur guerrière…

Des bêtes à la main meurtrière. Des âmes sombres avec – cachés derrière le dos – des arcs – des flèches – des pierres – l’arsenal primitif – presque originel – des bipèdes…

 

 

La peau écorchée par les Autres – leurs intentions – leurs gestes – leur absence…

Les traces du monde sur notre âme – sur notre vie…

 

 

Retranché sur son île – au cœur de l’océan – loin des têtes boursouflées – nauséabondes – naufrageuses

Hors du monde – il y a toujours le monde – comme si notre tête en était pleine – saturée – regorgeante…

 

 

Nous marchons – tantôt somnambules – tantôt funambules – sur un sol nécessaire – incontestable – sur aucun fil – avec de l’air partout – jusque dans la terre – entre les mottes – entre les tempes – dans l’âme tout entière – comme des nuages parfois ensommeillés – parfois intrépides – allant là où pousse l’ardeur – vers le centre – lentement – imperceptiblement – dans une attraction faible – folle – inévitable…

 

 

Le temps comme un bloc de granite qui s’effrite peu à peu – sous nos yeux vieillissant…

 

 

Le monde comme naufrage – comme une île de plus en plus lointaine – abstraite – presque irréelle…

 

 

Tout nous a été soustrait – ne restent plus que la soif et la pierre sur laquelle on est assis…

 

 

Des frontières que l’on déchire – des pans de monde que l’on arrache – que l’on a condamnés trop longtemps sans jamais agir – sans jamais s’éloigner…

Et l’étroitesse – à présent – qui nous étouffe – la bêtise souveraine – partout – insupportable – les conventions – la normalité – effarantes – dégradantes – l’essentiel nié – rejeté – inexistant…

La solitude – devenue notre seul territoire – l’aire de toutes les hardiesses – de toutes les possibilités – le pont sur lequel la main et le ciel peuvent se rapprocher – se rejoindre – s’unir – et enfanter un visage nouveau…

 

 

La tête comme un marteau sur les murs du monde. Des trous et des bosses – des plaies et des brèches – inutiles. A présent, le recul – la tête rangée sous l’aile blanche – la peau sans rugosité – au-dessus des remparts – comme les yeux – la bouche livrant des paroles sans image – et l’âme, des gestes sans volonté – sans intention – naturels – spontanés – engendrés à la jonction du feu et de la blancheur par la matrice silencieuse…

 

 

L’orage – comme un miracle – et le déferlement des eaux sur les plaines gorgées de visages – saturées de choses et d’objets. Le grand lavement à même la déchirure – à même l’espérance. Dieu descendant du ciel et de la montagne – distribuant les offrandes et les privilèges – quelques malédictions (inévitables) – arrosant les âmes et les fronts – et évacuant le reste avec les eaux souillées…

 

 

Le monde – à travers nous – comme une autre terre – d’autres visages – sombres lorsque l’âme est noire – clairs lorsqu’elle est lumineuse…

Tout se colore – tout s’habille – selon le soleil intérieur…

Et nous autres – glissant avec les morts dans les eaux torrentielles jusqu’à la chute qui initie la transparence quelles que soient les circonstances et la couleur de l’âme…

 

 

Des débris de monde nés de la foudre. Des voix inaudibles nées d’un bleu trop lointain. Des chemins et des flaques immenses qu’il (nous) faut traverser. L’itinéraire qui dessine des pentes inconnues – étranges – presque surnaturelles. Et tous les visages de l’océan – en nous – à nos côtés – au-dessus de notre étoile – cette fausse destination – que nous fixons avec trop d’insistance…

 

 

Sur le même promontoire que les Dieux – mais la tête à l’envers – encore trop boursouflée, sans doute, par cette trompeuse ascension…

 

 

Du bord à l’immobilité sans passer par la foule – la meute des visages. Une voix sur les cimes – du sommeil à l’âme redressée – presque debout – sans l’appui d’un Autre ou du moindre nom…

Les yeux grands ouverts d’une âme à genoux sur les braises de l’ancien monde – et ce chant qui monte du fond de la poitrine – du fond de l’âme des Dieux – en nous – réfugiés pour précipiter le saut et la venue du silence – la célébration du monde et des supplices (inévitables, sans doute) autant que celle des ermites et des bourreaux chargés d’allumer quelques bûchers pour interrompre le cours des malédictions…

Bref – nous autres – nous tous – émerveillés – déboussolés – épuisés – par tous les instants glorieux de notre dérisoire existence…

 

 

Voltiges virtuoses – sans trace – comme un élan naturel à la jonction du sol et du ciel – à hauteur d’homme – celle que nous méritons – hors du cercle de la naissance – selon la justesse et l’authenticité des gestes nécessaires aux (réels) besoins du monde…

 

 

Le sol – comme le monde – piétiné jusqu’à l’érosion. Bêtes – arbres et hommes – comme des choses que l’on décapite – et dont on fait usage jusqu’à l’ultime usure. Le temps des foules – des meutes et des milices – des mille armées qui s’affrontent – des millions de bottes au service de quelques têtes…

La terre d’aujourd’hui – aussi archaïque – aussi barbare – qu’autrefois…

 

 

Le passage trop bruyant des choses et des têtes ensommeillées. Des existences et des portes apparentes – un itinéraire tout tracé – le même au fil des jours et des générations. Des déplacements placides – presque confortables. L’aventure programmée – la nuit pâlement éclairée pour se prémunir des ombres trop noires (ou trop sournoises). Le vent apprivoisé du sol au plafond – tout au long du trajet. L’obéissance – le groupe – l’attente – et la mort…

L’existence triviale – rampante – de l’homme ; de la terre à la terre…

 

 

Trop de feux inconséquents dans le froid de ce monde…

 

 

Dans le creux d’une ombre – à l’abri de toute lumière – l’homme cloîtré – sans vertige – dont le sommeil est le seul appui – et bien davantage sans doute – une manière d’être au monde – la seule qui vaille – la plus décente – la seule possible – à ses yeux…

 

 

La vie – comme sur une corde martelée – si aplatie qu’elle a pris la forme d’un sol – une sorte de balisage fragmenté – des pointillés jusqu’au bout de la nuit – interminable…

 

 

De la foudre – comme un secret accroché à la flamme d’une bougie – et qui se consume en un instant – impossible à saisir – qui frappe et illumine – puis disparaît…

Comme une brève lumière dans le silence…

 

 

Et ça se répète – comme tout se répète – pareil au petit matin brumeux – jour après jour – dans cette énergie cyclique – dosée au millimètre…

Le monde ordinaire – tel qu’il nous apparaît…

 

 

Des yeux vides – autant que les paroles. La tête comme une fenêtre branlante aux volets qui claquent – une pièce ouverte au vent. Une brèche dans l’air – sans mur – sans fixation – comme un rêve – un tour de magie – une estrade (minuscule) vers ailleurs pour nos vies sans épaisseur…

 

 

Des yeux noirs et la langue confuse – les mots qui sortent comme des vers – de longs lombrics accrochés les uns aux autres – et qui tombent sur la page dans un bruit de feutre qui glisse – qui rampe – qui se contorsionne – sur la feuille blanche…

 

 

On aimerait rire de la faim – du manque – de l’impatience – de l’acharnement – mais la chair nous réclame déjà. On n’a le temps de rien avec cette vieille habitude d’être sonné et de nous précipiter comme des serviteurs zélés…

L’assuétude assidue – légendaire – à laquelle nous assigne la tête…

 

 

Des jours – un à un – vécus avec un front sans attention – sans appétit – avec cette inconscience empressée coutumière – le jeu ordinaire de la tête qui fait bouger le reste comme un objet mécanique – une masse sombre avec des roues posées sur des rails dont on actionne, une à une, les manivelles…

Des choses qui bougent – peu de tentatives vers autre chose – vers ailleurs – le lent vieillissement (en quelques milliers de jours à peine) – de l’attente – beaucoup – et puis, un jour, la mort (bien sûr). Le souvenir de quelques-uns – pendant quelque temps – puis, très vite, l’oubli. Le retour au néant – la ronde du monde – imperturbable…

 

 

De la confusion – en toutes choses – et dans le regard aussi. Tout mélangé – comme du sable dans les yeux – dans l’âme et le sang. Quelques soubresauts dans une mécanique bien huilée – des fenêtres qui s’obstruent – le temps qui se contorsionne pour rester dans le cadran. La vie terne – le monde sans éclat. L’âme de plus en plus nocturne. Les eaux noires du monde qui coulent sous tous les ponts. Et le cœur vide – atone – sans joie…

 

 

Des gestes de fantôme – des vies (presque) spectrales – invisibles – des paroles comme du bruit – la seule chose, parfois, qui prouve que nous soyons vivants…

 

 

Les seuils devenus frontières par l’inusage – la fatigue – la paresse. On s’appuie sur le peu de force qu’il nous reste pour se tenir debout – à peine – pas trop titubant – juste de quoi faire les gestes nécessaires. Comme une nuit qui, peu à peu, se referme sur les yeux – sur la vie – avec, bientôt, au-dedans – le noir – la cécité – la fin de toute possibilité – le sommeil interminable…

 

 

Des remous au-dedans – ce qui éveille autant que ça bouscule – que ça bouleverse. Une manière d’être secoué – de perdre l’équilibre – de lancer un bras – un pied – mille choses – en l’air – pour ne pas tomber…

L’existence minimale pour essayer de retrouver l’assise nécessaire à la vie du dehors…

 

 

Comme un double masque – et une double armure – qui empêcheraient de voir (et d’agir) au-dedans et au-dehors – une forme de restriction – de rétractation – du corps – de la tête – du cœur – figés – immobiles – pris dans l’épaisseur gélatineuse de la protection…

Les fers aux chevilles – les pieds dans la boue et les sables mouvants. Et tout qui – lentement – s’enfonce – sur le point, bientôt, d’être submergé – d’être englouti – de disparaître – comme si rien n’avait jamais (vraiment) existé – comme un néant après le néant – la seule certitude peut-être – la seule chose qui parvienne à conserver une place en ce monde…

 

 

C’est dans l’aveuglement que nous vivons – avec toutes les peurs dans la tête – comme de minuscules carcasses que le monde disloque – le froid et la mort dans l’âme…

 

 

Rien que nous puissions défaire – rien dont nous puissions nous débarrasser – il nous faut vivre avec ce qui nous compose – tous ces étranges contenus – se cogner à tous les murs – trébucher sur la pierre – avec le dos et l’esprit chargés de choses et d’ennuis…

Rien qui ne puisse nous sauver (si tant est qu’il faille sauver quiconque de l’exercice de vivre…). Ne restent que le rire – et le regard qui, parfois, s’élève pour nous affranchir de cette petitesse – de cette impuissance – de cet incroyable assujettissement – loin de la matière ou jouant joyeusement – amoureusement – avec elle…

 

 

Que perdons-nous en nous perdant – que reste-t-il lorsqu’il ne reste plus rien…

Le témoin de ce qui est – ce que l’on ne peut enlever – ce qui ne peut se défaire…

 

 

Une parole contre le mensonge et l’inauthenticité – qui donne à voir, peut-être, un peu de vérité – un peu de lumière – derrière l’entassement et la profusion des mots…

Davantage qu’un poème – une fenêtre amovible – un pan de montagne arraché pour voir au-delà des murs – au-delà des ruines – au-delà des images et de la poussière – quelque chose qui s’offre – d’éternel – ce qui devrait nous réjouir – et nous nourrir suffisamment pour pouvoir – pour savoir – vivre debout – sans gémir – la joie aux lèvres malgré tout ce noir qui barbouille les âmes et les visages…

 

 

Ce que l’on imagine être – devenir – ce qui prête à rire – bien moins que ça – et bien davantage – malgré les ruines et le sable…

Ni savoir – ni possession – moins que la peau – pas même les os. Ce qui change et tournoie sans jamais s’arrêter – toutes les tentatives et les erreurs successives – ce que l’on ne pourra jamais atteindre – tout cela – étrangement mêlé – mélangé – agencé de façon si juste et si singulière à notre intention…

 

 

L’Autre – les Autres – à jamais inconnus – inaccessibles par la surface – par la rencontre – sinon par soi et les passages souterrains qui mènent à l’espace commun…

 

 

En soi – sans les Autres – sans les amas inutiles du monde…

Tout expérimenter – en soi – par soi-même…

Sans repère – sans référence…

Juste l’essentiel – le regard et la sensibilité – la posture nue – originelle – du premier homme…

L’esprit vide et innocent…

 

 

Ce qui surgit – ce qui advient – sans attente – ce qui nous traverse – de bout en bout. De l’eau vive – tourbillonnante – dans notre fouillis – dans nos encombrements…

Inutiles les livres et les savoirs – l’âme et le sang – seuls – face au monde – à ses silhouettes – à ses fantômes – à ses remous…

Nous face à l’Autre – sans idée – sans filtre – sans image. Le duel éternel avant la possibilité de l’union – avant les retrouvailles (sans doute improbables en ce monde)…

 

 

Le seul défi – non devant nous – mais en soi – la capacité d’accueillir le face-à-face – les tiraillements de part et d’autre – l’affrontement et les réactions inévitables – l’acquiescement sans restriction à tous les états – à tous les possibles…

25 janvier 2020

Carnet n°220 Notes sans titre

De la stupeur parmi ceux qui sont supposés être les siens – ces étrangers aux gestes étranges – qui se nourrissent de chair et usent de choses à des fins absurdes – grotesques – tragiques…

 

 

Rien du ciel censé résoudre le mystère sous les apparences – l’ombre et nos (pathétiques) battements de cœur…

Réunies la folie et les cimes rejetées – la mort et l’infini – sans réussir (un seul instant) à anéantir la terreur d’aller seul dans ce monde aride…

L’égarement – toujours – dans le même refuge…

 

 

Le visage d’un monde sans rivage…

Mille ports au milieu des eaux – des trous – des tombes – des tourbillons qui nous entraînent plus bas – plus haut – ailleurs – vers un crépuscule sans soleil…

 

 

Des rêves et de la faim – chez la plupart. Et la feuille et le tranchant – chez quelques-uns – d’autres nécessités ; l’accès à la lumière et à l’Amour – pas pour être éclairés – pas pour être étreints – pour devenir ceux qui les serviront…

 

 

Des pierres – comme un socle – celui d’un ciel accessible – ni lointain – ni au-dessus – tissé entre nous…

 

 

Un collier d’attributs sur la poitrine – à distribuer le temps et la nécessité des choses – l’usage de l’épée et de la tête pour assouvir la faim – et, parfois, essayer de la transcender…

 

 

Un temps amassé – un temps écarté – presque toujours dissolu. Ce que l’esprit juge le moins désirable – plonger au cœur de ce qui semble nous dévorer – devenir la victime – pleinement consentante – offrir à ce qui nous effraye nos tripes et notre peau – être comme le sol devant le jour – à la merci de ce qui passe…

 

 

Parfois – le feu – l’autre région du monde – la tête recroquevillée qui, soudain, se redresse – la bouche muette depuis des siècles qui, soudain, s’autorise à parler. L’ombre et le froid brusquement balayés par la chaleur et la lumière. Le plus indocile – et le plus naturel – de l’âme enfin réveillés. Tous les sens – et l’orifice originel – enfin ouverts…

 

 

Celui qui porte les pierres dans son sommeil – le temps qui court dans la tête – les saisons auxiliaires – la faim dans les entrailles – ce qui s’élance après ce qui s’écoule – la course folle – la course vaine – les mille choses du monde irrattrapables…

 

 

Tout ce qui nous dénude jusqu’à rendre inutile la tête ; l’enfance aux aguets – là où se rejoignent la vision et le pas…

 

 

Immergés dans la lie du monde – chevilles au cou – à se dépêtrer – des débris de lune dans l’âme qui lacèrent nos vieux rêves – l’haleine noire – le puits sans fond – le terrible chemin qu’il nous faut suivre jusqu’à l’issue – le songe retourné – le réel sans prise qui – toujours – nous glisse entre les doigts…

 

 

Rien que du bruit dans la boîte du temps. Du bruit et un peu d’espérance – là où s’illustre (merveilleusement) l’aptitude des hommes – et leur (in)expérience…

 

 

Une chambre au-dessus de laquelle planent l’Amour et le silence – parmi le brouillard – dense – épais – dans l’océan tourbillonnant des désirs…

 

 

Du temps – comme une couverture de braises et d’étoiles – de l’eau qui s’écoule le long de l’échine – la nuit qui avance dans l’âme – notre visage inquiet – effrayé – devant la mort…

 

 

Ça tourne – comme du vent dans une chambre – un tourbillon dans la tête – ce qui précipite la chute – l’exploration de la blessure au fond de l’abîme. Les seuls pas nécessaires sur terre. Le furtif passage de notre visage sur l’éternel miroir…

 

 

Ce qui a disparu émergera encore – se teintera, peu à peu, de blanc – éclipsera les vieilles lunes de l’enfance – les débris des âges passés – rencontrera la nuit – le monde – toutes les désillusions imaginables – pour réapparaître comme neuf – lavé des (principaux) stigmates humains…

 

 

Le front au plus près de la fissure – la pierre dissoute dans la chair – la flamme au fond de l’âme – allumée – le chant qui monte des viscères – par la gorge – vers le nuage – le ciel patient – sans fébrilité – fidèle autant aux cimes qu’aux failles du monde…

 

 

L’homme – du fond de son sommeil – prédateur – vigie endormie des profondeurs – habile comme à l’accoutumée – suffisamment – pour croire à son ascension – à la rugosité de la roche que ses mains agrippent…

Dormeur – aventurier, sans doute, d’un autre périple…

 

 

L’œil sur la bougie – à chercher le feu – un peu de lumière et de chaleur – qui font défaut à l’âme et à la terre…

 

 

La nuit égarée au fond du ventre qui, peu à peu, envahit tout l’espace…

A battre des ailes comme l’oiseau dans le ciel – le visage raclant le fond du miroir…

L’âme à peine frémissante – à peine vivante – sous le jour…

 

 

De feu en feu – jusqu’à de plus amples frémissements – sur les mêmes eaux – refoulés – jetés contre les rives et les vaisseaux adverses…

Ainsi se dessine la route…

 

 

Entre le livre et la fleur – le trou immense que les hommes ont creusé – de la terre plein les entrailles – à maudire les larmes versées sur le monde – sur les morts – et leur impuissance à devenir plus agiles que les bêtes et les fous…

 

 

Comme un parfum passager sur la souffrance – des airs de rien sur notre (pathologique) prétention…

Une manière tragique de se croire tiré d’affaire. Quelques couches légères sur des tourbillons ravageurs. L’humus de l’automne jeté au fond de la fournaise…

 

 

La sève du jour dans le sang. Le rythme employé à précipiter le déclin et la mort. Un rêve sous le front qui mêle sa course à l’insolence du vent…

 

 

Partout – des miroirs – pour propager son visage – se croire présent – et déployé – dans le monde – au cœur de la célébration insensée du rêve. Soi comme réalité mensongère – apparence trompeuse – comme un feu de paille au milieu des flammes – un peu de sable au milieu du désert…

 

 

Hanté par l’autre immensité – celle qui se dissimule – invisible – à travers le monde – choses et visages – comme un plein ciel dans une pièce étroite – dans une chambre close – avec les arbres comme seules vigies et la pierre comme seule assise…

 

 

Dans l’incroyable étreinte des vivants – un regard engendré par l’extinction naturelle de l’interrogation – les prémices d’un savoir involontairement incarné…

 

 

Des frontières encore – sans transparence. Le poids des étoiles sur le monde. Et ce repli (mortifère) vers le rêve. La main – la distance – la moindre avancée vers ce qui s’éloigne. La nuit en flammes sous les paupières – quelque chose comme un visage troué – un bout de ciel sous le front – un peu de vent par-dessus la tête qui cherche à s’engouffrer…

 

 

Comme un tombeau au milieu des eaux – chahuté par les reliefs de l’océan avec, au-dedans, un cadavre endormi – un peu de sang séché – un feu presque éteint – la mort – toutes les civilisations du sommeil…

 

 

Un royaume de fleurs et d’argile – le soupçon du monde – le chant et les larmes du plus étranger – ce que nous négligeons au profit de l’histoire – avec la primauté (toujours) du récit – du mensonge – sur la vérité insaisissable…

 

 

Un fond marécageux – le vide pour socle – recouverts d’une mosaïque de chair – épaisse – anonyme – inégalement répartie – suffisamment pour dessiner quelques reliefs – des abîmes et des faîtes – avec, en un même lieu, des altitudes différenciées selon la distance qui sépare le cœur de la vérité…

Avec l’identité et le monde comme principaux mirages…

 

 

Le silence – à la source du monde – choses et visages – pierres et bêtes – comme un fleuve – long – indomptable – presque impénétrable – bordé par deux rives étranges : le manque et la folie…

 

 

Des souterrains – des tunnels – les voies sous-jacentes du monde – ce à quoi a recours l’invisible pour insuffler l’essentiel – nouer un peu de sagesse aux chimères – offrir un peu de lumière à la pénombre – éclairer tous les recoins où vivent les hommes – débusquer le refuge où se terrent toutes les bêtes…

 

 

Les signes annonciateurs de l’épaississement de la nuit. Les rêves au fond des tripes – et jusqu’au bout de la hampe. Le sommeil en alliance universelle. L’encerclement des vivants. L’absence et la mort qui se rapprochent – sur le point de tout recouvrir. Et nous autres bientôt submergés…

 

 

La vie dans la main – creusée – comme une tombe – une histoire assassinée – avec ses rites millénaires – et le sang engourdi dans les veines. La compagnie presque toujours nocive du monde. Du sable à perte de vue avec des têtes enfouies dedans jusqu’au cou…

Des massacres – du déni – de l’aveuglement – une sorte de cécité pathologique…

 

 

D’une rive à l’autre – sans que le fleuve apparaisse – sans que rien ne soit jamais effleuré – ni transformé – des pas (de simples pas) sur les eaux – une fièvre au-dessus des flots – la nudité des corps surplombant la nuit – des ponts de chair pour tenter de relier le ciel – avec un soleil immense enfermé sous la peau – et qui cherche une âme – une main – n’importe qui – n’importe quoi – pour le délivrer du piège tendu par la matière…

 

 

Un chant dans le lointain – cheminant – comme un enfant vers sa mère – un peuple vers sa terre – allant aussi loin que possible – en route vers nulle part sans doute – davantage pour fuir que pour chercher refuge…

 

 

Autour de l’âme – des remparts de chair – une prière pour échapper au pire du monde – une volonté de dissiper l’erreur – d’affaiblir le risque – de creuser la voie routinière – la tête immobile – les yeux absorbés par ce qu’il nous faudra ramasser sur la route pour satisfaire la faim…

 

 

L’espace – comme un appel que personne n’entend. La lune dans le ventre – le soleil dans la tête – à se prendre (vainement) pour le monde – à épouser la suffisance (un peu niaise) des routes trop fréquentées – comme si nous étions – à nous seuls – la grande histoire de l’homme…

Des balivernes et de la prétention…

 

 

L’ardeur et la servitude – la pesanteur de l’homme – de tout labeur – de toute édification…

Le mensonge du centre et des confins – du socle et des hauteurs…

Il faudrait revenir au vide et à l’innocence – déchirer l’épaisseur de la terre et de l’esprit – et laisser s’évaporer les souvenirs – les idées – les repères – toutes nos pauvres certitudes sur le monde…

 

 

Esclave d’une route qui n’est pas la nôtre – et qui ne l’a jamais été. De la matrice au cimetière – à traîner ses guêtres en ces lieux fantômes au lieu de fréquenter les fleurs et les rivières – les chemins de terre – les prairies sauvages – les grands arbres aux lisières du ciel…

 

 

Des miroirs comme des soleils biaisés – qui donnent le vertige aux yeux indigents – affamés. L’emblème du seul tropisme (possible) – cette fausse auto-fraternité qui rejette tout ce qui existe au-delà de la peau…

Le centre de l’enfer…

 

 

Des visages – comme des étoiles inanimées – un peu de rêve entre le début et la fin…

La nostalgie du cocon…

De la glaise – de la terreur – des ruines…

Et le monde sous-jacent comme inconnue principale…

 

 

De l’herbe comme du jour – comme le premier souffle de la parole – les dernières cendres du monde. La couleur de la surface – étrangère à l’épaisseur et à la texture. La nature des choses pour le dormeur – le rêveur – celui dont l’âge nous indiffère – et qui sème – et qui sème – pour satisfaire sa faim – enrichir son destin – recouvrir la lumière de toute son ombre déployée…

Le tragique vertige de l’homme…

 

 

L’herbe rouge – toujours trop rouge – et tous les désirs sous le front – reconduits – développés – accumulés siècle après siècle – civilisation après civilisation…

Toujours trop de semences et de sang sur le même rivage – et toujours trop éloigné(s) de la source – bien sûr…

 

 

Sur le versant d’un autre monde où nul visage ne nous est étranger – où rien ne se décide à l’avance – où l’on s’élève comme des grains de poussière dans la lumière…

 

 

Des tombes – des larmes – et rien sur ce que nous perdons – sur ce que nous manquons – avant le cercueil. De l’aveuglement – la tête ailleurs – à peine une tête à vrai dire – deux yeux à moitié clos sur un tas d’idées – d’images – de souvenirs – rien qui ne mérite d’être retenu – et, pourtant, ce qui fait l’histoire – toutes les histoires…

 

 

Un peu de feu sur la lassitude – et nous voilà comme neuf – comme ressuscité – après qu’aient explosé la routine et l’habitude…

 

 

Ici – rien qu’un long râle – un cri animal – primitif – l’effroi de ce qui tremble sur son tas d’immondices…

 

 

Des larmes – de l’encre – du vent – à la place du sang. Le siège de l’âme – là où l’œil est le ciel – et la terre, l’horizon – le socle – la trame – avec le soleil comme la seule lumière possible sous les paupières – la même chose, bien sûr, qu’au-dehors – sous la voûte…

 

 

Comme un astre errant – incertain – fragile – qui rayonne et illumine les pas – les seuils – les racines – jusqu’aux premières traces de nos plus primitifs ancêtres…

 

 

L’étreinte du monde – comme un étau contre les tempes – une morsure dans la chair de l’âme – presque l’enfer – un exil insupportable sur un tas de pierres sans éclat – sans envergure. Une forme de supplice sadique – et notre contribution inévitable au mal – au pire sans doute. L’obéissance – en nous – aux forces obscures et sournoises…

 

 

Nous-même – comme une autre source que le monde – la même, pourtant, à certains égards. Avec l’œil (indifférent) du temps sur l’or et la soif – et les quantités qui s’échangent. Et, parfois, un long silence derrière les grilles – comme une prière – mille prières – qui nous rapprocheraient du ciel en nous éloignant de l’idée d’un autre possible…

 

 

Comme de la terre tassée contre un mur – avec un peu de ciel au-dedans – et mille attaches à la surface – pour s’emmêler au reste – aux mille cordes du monde…

 

 

Des colonnes de nuit – comme des grilles – épaisses – infranchissables – entre lesquelles on aperçoit une vague lumière – trop lointaine – presque abstraite – comme si elle avait été inventée par l’imaginaire…

Tout est si noir que le monde semble irréel – et jusqu’à nos yeux qui devinent davantage qu’ils ne distinguent…

 

 

Des lignes – dans l’œil – jusqu’à l’infini – et (presque) rien d’autre. Le monde depuis sa naissance. Et cette présence, en nous, du moins tangible…

 

 

La tête dans les bras – le buste et les foulées libres – comme si l’on renonçait à comprendre – comme si vivre suffisait…

Et – étrangement – cela suffit – pour peu que les questions aient rencontré le regard – sa clarté – son envergure – son silence…

 

 

Des portes – des pentes – des chutes – mille petites aventures sur l’itinéraire de l’effacement…

Et entre l’abîme et la fenêtre – toute une série de verrous – de clés – de cadenas – tous les accessoires de la peur – tout l’attirail de l’homme…

 

 

Tout existe déjà dans le feu ; la direction – le rêve – la parole – ce que le temps, peu à peu, entame et anéantit…

Et derrière – et autour – et en-dessous – et par-dessus – et au centre – la source matricielle – le lieu qui entretient les flammes – et qui les laissent jouer avec le monde – le jouet de leur création…

 

 

A vivre loin du vacarme – des têtes trop noires du monde – des lois – des cimetières et des pensées – de ce qui imagine définir la présence des hommes et du soleil. Loin du temps et des voyages d’agrément. Au plus près de soi – dans l’assise franche de la solitude – en accord avec les règles (implacables) du silence…

 

 

Deux pieds dans la fosse. Le monde en soi. La fin de l’histoire. Et la continuité des saisons au-dehors…

Des entraves scellées dans la terre. Le destin de l’homme qui se renouvelle au-dedans de la faille étroite et gorgée de glaise…

 

 

Du sable – des dalles – l’humanité agglutinée sur ses rochers artificiels – main en visière – paupières mi-closes vers l’horizon opaque – à se chamailler en attendant la fin du temps…

Et nous mourrons tous, bien sûr, sans que rien n’arrive – sans que rien ne se transforme…

L’éternité triste et figée du monde et des yeux fébriles – immobiles – morts bien avant l’heure…

 

 

L’écorce du monde – et en-dessous un fleuve tempétueux – l’avancée d’un visage – une tête qui se hisse hors de la foule – le peuple pareil à un spectre. Et – soudain – la hache qui s’abat sur le tronc de l’arbre – comme un appât – comme un piège tendu au peuple de la terre…

 

 

Une aurore sans grâce – chaque jour que le monde a connu. Des hommes – peu de semblables. Quelques lumières trompeuses à l’horizon – de minuscules lanternes accrochées ici et là pour donner l’illusion d’une perspective. La terre qui tourne – le sommeil qui s’éternise. Le doute – comme le seul écho possible de la parole. Le besoin de visages et de miroir pour ne pas sombrer dans la folie – pour essayer d’échapper au vertige du pire dans la nuit inéclairée…

 

 

Aussi effacé que l’arbre qui s’incline devant la lumière. Comme la pluie qui se répand – et imbibe le sol. Comme le cri des bêtes que l’on égorge au milieu de la nuit. Comme ces jardins gorgés de sang et de rosée. Avec ce regard étrange – et le ciel comme seul témoin…

Notre vie – notre monde – et, peut-être aussi, notre délivrance – espérons-le…

 

 

Tombé là – sans aucune ressource – isolé – au milieu de nulle part – seul avec le soleil – une étoile choisie (presque) au hasard parmi mille autres – à distance de tout – et, en premier lieu, des visages humains – comme une aile – hagarde – flottant dans le vent – prise par des courants tantôt ascendants – tantôt descendants. Comme un vaisseau qui porte nos pas et nous fait traverser les mille péripéties du désert…

De légende en histoire – d’histoire en balbutiements vers la vérité – le visage de plus en plus nu – de plus en plus immobile – au cœur de la poussière…

 

 

L’entêtement – le sommeil vissé au front. Le temps qui passe sur du sable tourbillonnant. L’ombre et l’ardeur comme seul héritage – la malédiction commune des vivants…

 

 

Rien ne nous appartient – tout se fait au nom de l’enfance – les images – les rencontres – la moindre foulée – la moindre aventure – sous le soleil…

 

 

Ce sont les gestes qui dessinent la route qu’empruntent les pas…

 

 

Tout, un jour, finit par ressembler à l’exil – à l’effacement – au désarroi de l’âme face au vide – à la désillusion devant l’hégémonie et le déploiement – partout – de la décrépitude et du déclin…

 

 

Sous le joug des ténèbres – le monde tel qu’il est – sans rencontre possible – contraint d’arpenter son intimité et de l’habiter comme une terre sainte – une terre promise – le lieu de l’errance et de l’envergure possible – aux confins des ombres terrestres – au seuil, peut-être, de l’aube naissante…

La clarté comme un vent qui cingle les visages – qui déchire l’inutile – qui nous déleste de tous nos bagages…

L’horizon comme un trait – un trait minuscule – sur la main – avec l’âme tout entière dans le geste – comme notre seule récompense, peut-être…

 

 

Parmi les arbres – comme en exil – le retour au pays natal. La pauvreté au front comme d’autres portent des bijoux…

Et le monde – en nous – comme un soleil – noir – minuscule – presque sans incidence sur l’immensité…

 

 

Rien – dans le principe (et la perspective) d’un Autre – inutile…

 

 

Dans la poussière du monde – maintes et maintes fois – la volonté contre la nuit – l’un des combats les plus atrocement inégaux…

 

 

Quelques lignes – un frémissement dans l’espace – quelques vibrations – des déformations (très) provisoires – à peine perceptibles – puis, l’air qui reprend sa place – l’immensité silencieuse…

 

 

Un passage – là où est la béance – la trame des interrogations – le secret caché au fond de l’abîme – avec par-dessus la chair – et encore par-dessus le ciel – ce bleu étrange – ce vide mystérieux…

 

 

Comme un feu passager dans le froid. La seule manière d’exister sur la pierre. Et ce ciel – au-dedans – dépeuplé – que l’on apprend, peu à peu, à habiter…

 

 

Le silence est le seul (véritable) consentement. Le plein acquiescement des Dieux et de la providence. Notre état le plus haut…

 

 

Tant d’agitation – de gesticulations – d’effervescence – avant que naisse l’aurore – le jour inachevé…

Et ces fleurs dans la fatigue font-elles (elles aussi) partie du voyage… Sont-elles l’autre nom de la beauté – l’autre versant de la folie – la possibilité d’un autre monde – plus conscient – émergeant de l’ancien où l’infamie est quotidienne…

Qui pourrait nous dévoiler l’évidence – et la grâce – de ce chemin (de cet autre chemin) – et faire fleurir notre chant dans d’autres cœurs que le nôtre…

Des traces – quelque-unes – infimes – comme manière (maladroite, sans doute) de réduire la distance entre l’écume et la vérité – de refaire surface après des siècles de vie (trop) souterraine…

 

 

Assis dans le jour déclinant – sans rêve – sans appui – offert à tous les murmures – en silence…

 

 

Des voix entremêlées dans la tête – de l’écume dans le vent – rien qui ne nous sépare…

Des masques – et au-dedans – ce que nous avons cru comprendre – un peu d’eau – comme un reste très ancien d’océan – l’espace commun…

Des larmes précises à l’aube naissante – un chant qui monte des profondeurs de la terre. L’assise sans blessure…

La poursuite du voyage sur ce chemin inachevable…

 

 

Où que nous soyons – des feuilles – des traces – mille tentatives – et autant de mensonges. L’horizon – partout – ce que l’on nous dérobe et ce qui se retire. Les rêves des Autres dans nos yeux – le feu et le foudroiement…

Ce qu’il nous faut soustraire et abandonner pour rejoindre l’aube…

Rien que des histoires qu’il faudrait mettre de côté – et oublier – au profit de ce qui s’avance à présent…

 

 

Au seuil de la folie – nos rêves – quelque chose d’excessif (et d’inutile) – les portes du malheur entrouvertes – le plus terrible qui s’acharne – l’œuvre d’une domination – l’aire élargie des servitudes…

Ce qui nous enchaîne – de la matière asservie…

 

 

Rien que des grilles et des prisons – des esprits enfermés et des pieds enferrés. De la distance et de la solitude. Et le manque en commun…

 

 

Tous les alphabets réunis dans les flammes. Des éboulis d’horizon – au-dedans – qui emportent nos derniers rêves. La fin du monde – et l’apocalypse bientôt. L’effondrement des édifices – de toutes les petites Babel terrestres. Nos âmes frémissantes et frigorifiées – et les mains de Dieu – toutes tremblantes…

 

 

Sous les paupières – plein de rêves de yeux ouverts. Quelque chose de l’ordre de l’ambition souterraine – encore invisible lorsque l’on fait face aux visages…

 

 

Des ombres – partout – comme révélatrices d’une lumière lointaine – au-dessus. Le lieu de l’œil descendu et partagé – ce que chacun croit posséder…

 

 

L’œil lucide – sans la moindre certitude…

Des choses – seulement – qui passent – qui se pensent – qui se rêvent – qui s’échangent…

Le monde – en soi – et rien de plus…

 

 

Ce que nous fûmes – à chaque instant – explosé – dispersé – effacé. Un éclatement et des éclats mille fois recommencés. Rien de volontaire – l’énergie en actes – brute – qui joue et se déploie – comme un jeu étrange dans l’espace…

Des signes – des mots – des phrases – provisoires – infiniment – qui naissent – s’assemblent – se séparent – disparaissent – remplacés aussitôt – indéfiniment – par d’autres…

Des dessins sur le sable – réalisés, à travers nous, par la main habile des Dieux…

 

 

Le silence – ce qui soigne – et ce qui guérit – toutes les blessures…

 

 

Des yeux immobiles sur tant de phénomènes et d’incidences – les échanges incessants – cette mobilité permanente – sans frein…

 

 

Comme une évasion – une échappée au-dedans de soi – avec, au centre, cette fenêtre sur l’infini…

 

 

Déjà plus – comme tout ce qui passe…

 

 

En ce lieu si dense qu’il concentre tous les possibles…

L’issue sans échappatoire – la seule piste à suivre – le seul chemin véritable…

 

 

L’aube s’étend – se déverse – devient, peu à peu, le jour – puis se dilue lentement en autorisant ce qu’elle porte à s’assombrir – à se transformer en crépuscule, puis en nuit. Comme la nuit, en son heure, permet à ce qu’elle enserre de devenir la prochaine aurore…

Nous sommes – comme ce cycle – ces permanentes métamorphoses intriquées – cette respiration du mélange – assidue – régulière – inévitable…

 

 

Rien que des corps qui tournoient dans le vent…

Le règne de la matière régie par le provisoire – par le provisoire et l’invisible que si peu soupçonnent…

 

 

La fréquentation régulière du non-humain nous fait désapprendre le faussement humain – ce que l’on assimile (un peu hâtivement – un peu paresseusement) à l’homme – et initie la véritable humanité – vaste – ouverte – qui ne se place jamais ni au centre, ni en premier – celle qui porte – en elle – le regard de l’Amour et de la lumière – l’infini silencieux humble et incarné…

 

 

Ce magma épais et mobile – voilà à quoi nous appartenons – voilà à quoi le corps appartient. Le reste – une partie du reste – relève du regard – du silence – de l’invisible – ce que les hommes apparentent au mystère…

 

 

Sous des airs de fierté – tout, en vérité, s’incline. Et sous l’apparence de l’identité autonome des choses et des visages règne l’interdépendance…

 

 

Nous ne sommes qu’un alphabet oublié – quelques signes incompréhensibles sur les pages d’un vieux carnet. Et nous demeurerons ainsi – jusqu’à ce que tout tombe en poussière…

 

 

Du vent – le ciel – du bleu – l’immensité jusqu’à l’horizon. Rien de fixe malgré l’apparente stabilité. Rien de défini malgré nos définitions…

Tout ressemble à ce qu’il a l’air d’être – mais rien, bien sûr, n’est plus faux. Tout est mélangé – et ne cesse d’interagir. Rien ne peut être séparé – et ce que l’on circonscrit n’est qu’un bout que l’on arrache à l’ensemble – une chose coupée des mille liens qui la constituent et lui donnent vie – comme vidée de sa substance – une chose morte (en vérité)…

La ronde (permanente) de la matière – des combinaisons – des noms – des fonctions et des usages – ce que jamais la langue ne saura appréhender…

Le poème est une vaine tentative – comme des bouts d’étoffe déchirée – abandonnés par les fantômes – presque des haillons – les guenilles de quelques ombres – des taches d’encre – à peine – rien qui ne puisse restituer l’ensemble – le réel – la globalité du monde et la lumière projetée sur la surface et dans les profondeurs de ces mille parcelles toujours changeantes…

Le tout – le rien – le sans nom…

Et devant tant de merveilles et de complexité – si simples pourtant – le silence – la bouche qui reste muette…

 

25 janvier 2020

Carnet n°219 Notes journalières

Rien qu’un œil – une écoute – dans le silence – au-dessus des variables du monde…

Les clés du mystère…

 

 

Un seul jour éparpillé en autant de fragments nécessaires…

 

 

La masse indistincte – sans visage – à gesticuler dans la fosse…

Et du temps qui s’échappe – en apparence…

 

 

Des champs d’écume – à perte de vue. La surface d’un océan – une épaisseur opaque. Et un chant – une parole – comme une fenêtre – une éclaircie – un peu de lumière – un peu de ciel offert – pendant un court instant…

 

 

Chaque jour – tout revient – le soleil comme la nécessité de la page – la parole qui jaillit du silence pour s’imprimer sur la feuille blanche…

Les mille gestes que réclame le quotidien terrestre…

Le monde tel qu’il est…

 

 

Rien – pas même un élan – pas même une ressemblance – quelque chose d’inconnu, à chaque fois, et qui se répète – comme l’exacte contrepartie de l’oubli…

 

 

L’absence lézardée – de part en part – comme une étoffe que l’on déchire – un visage lacéré – une blessure nécessaire…

Le gouffre, à présent, exposé – la faille douloureuse soudain devenue béance criante. Manière de faire aboutir le réel – l’essentiel – la voix, puis, plus tard, le silence – comme un baume – une épaisseur réparatrice – dense et légère – le seul remède aux souffrances du monde – aux souffrances de vivre…

 

 

L’attente d’une lumière ou d’un souci – le labeur de l’homme – à creuser jusqu’à la source…

Le soleil convoqué à heure fixe pour une étreinte – la sauvagerie dans le sang – le temps – le rêve – l’espérance – les voies humaines les plus communes…

 

 

Présent là où la besogne doit se faire – l’attention portée à l’exacte place – le travail incessant de la tendresse – la percée progressive de la lumière…

La parole entre la lune et le sang – comme une flèche censée faire exploser la mémoire et le temps…

 

 

Des jours – et personne – un peu de ciel dans la tête – et le silence du monde devant soi. La vie sans la moindre image. Le soleil concentré dans l’âme…

 

 

Au commencement du monde – l’heure exquise – puis, la lente dégradation – ce que n’avaient pas prévu les Dieux dans leur ivresse – dans leur vertige…

Au premier jour déjà – l’enfance déclinait. Et au premier automne – le tourbillon du sommeil s’était déjà installé. Le reste ne fut qu’une progressive asphyxie – et l’attente distraite (et douloureuse) de la mort…

 

 

Des pierres et des larmes – nous-mêmes – ces visages durs – perdus déjà peut-être – incorruptibles – qui ne se laisseront jamais défigurer par le silence – arc-boutés sur leurs cris coincés au fond de la gorge – la poitrine suffocante – l’esprit trop fier pour oublier – s’abandonner – se laisser pénétrer par l’ambition de l’Amour – notre seul territoire – pourtant…

 

 

De la vieillesse sans célébration – l’intimité, peu à peu, réduite à l’intérieur silencieux des lèvres – à cette forme de silence desséchant – le souffle chaotique – l’œil sans étonnement – presque éteint – aussi épuisé que l’âme inutile – abandonnée au fil des saisons…

 

 

Ce qui circule entre le bleu et l’être – ce qui maintient vive la flamme de chacun – malgré la nuit – le froid – malgré les eaux noires et la terre qui, peu à peu, nous ensevelit – nous étouffe – nous condamne à trouver une autre issue…

 

 

Ce qui monte vers les terres mensongères – le bleu sans tache – un langage clair – l’identité sans usurpation – un monde sans folie – une humanité sans illusion. Et ce qui nous rassure – ce qui nous protège – ce que nous édifions – tous ces actes (et tous ces gestes) inutiles – ce à quoi nous occupons notre vie – les (trop longues) prémices du réel labeur de l’homme…

 

 

Nous sommes – comme cette flamme ensevelie – pas même une espérance d’île au milieu des ténèbres – la barque qui fera naufrage (avec tout le reste) – des tourbillons de sommeil dans la nuit agitée – sans remède…

 

 

Immobile sous la lampe – comme ces pierres à l’ombre de la mémoire – dans la respiration d’un silence étranger – presque hors saison…

Ce qui résiste – le grand écart qui nous fera chuter…

Comme un retour nécessaire à la source – au plus simple – au geste originel…

 

 

Ce que les ruines nous annoncent – nous révèlent – non pas la malédiction du temps – mais son absence déterminante – le lieu où les choses sont réunies pour transformer les combinaisons – les incessants échanges de matière et d’énergie que nous additionnons dans un sentiment illusoire de continuité…

 

 

Le vent des cimes et du silence – sur les voyageurs – les oiseaux – la lune – ce qui prétend exister – ce qui secoue – martèle – déchire – manière d’effacer toutes les certitudes – invitation à s’incliner – à ôter l’apparence et l’inutile – la tentative appropriée pour retrouver le regard simple – innocent – des origines. La nudité parfaite que nous avons – toujours – trop recouverte – trop habillée…

 

 

De l’ombre à rebours – comme un lent décompte vers la lumière – le monde devenant, peu à peu, comme autrefois – un immense jardin – l’infini terrestre sans visage – un caillou dans le cosmos – et dans cette confusion des échelles – au cœur de ce cafouillage, soudain, la naissance d’un regard plus lucide qui donne à voir autrement – de manière plus simple – plus large – plus souterraine…

Ce qui demeure – partout – en attente d’Amour – ce qui émane de l’intérieur – le même appel – la même nécessité – quels que soient le lieu et la forme…

 

 

Ce qui s’élève avec le rire – dans le vent – les bras ouverts – des gestes – une voix – et qui retombe sur la terre avec délicatesse – comme de la neige sur les chemins noirs – comme une épaisseur sur le froid – pour initier une autre manière de vivre et d’habiter le monde…

 

 

Rien sur les pierres – pas même le temps – pas même la chair – plus légers – envolés – comme les portes et l’angoisse. Tout s’est ouvert au ciel. Et le silence est devenu le sol – comme au premier jour du monde…

 

 

Un jour et une nuit sans rive – comme un centre tournant autour de lui-même – qu’aucune main ne peut saisir – qu’aucun bras ne peut hisser sur notre épaule. Nous portons autre chose – le poids du sommeil et la promesse de l’invisible – les clés des saisons indolores – rien qu’un changement de peau apparent…

 

 

Ce que l’invisible nous révèle du bleu – du temps – du sentiment. Quelque chose qui change d’humeur et de visage – des fragments assemblés avec un peu de joie ou d’orage – l’innocente étrangeté du monde – rien qu’une surface – qu’une étoffe – avec au-dedans – partout éparpillé – le mystère…

 

 

Le rideau – obscur – épais – misérable – comme de la boue accrochée aux yeux – aux pas – au-dedans de la tête…

La tristesse orageuse de l’homme – l’inertie de l’âme – comme un écart que rien ne peut combler – que rien ne peut effacer…

La nuit – comme son propre visage qui se reflète dans celui de l’Autre – deux miroirs sombres qui se font face…

 

 

Rien qu’un lieu – pas même une énigme qui mêle la source et la voix – le silence et le foisonnement – la trace du périple et le triangle externe – étendu – ce qui subsiste après l’homme – l’envergure…

 

 

Entre l’effroi et l’apaisement – le désenchantement du monde – l’éloignement des yeux. Les vertus invisibles du regard – ce qui s’allège avec l’hiver. Le fond de l’esprit face à la mort. Ce qui arrive, un jour, après avoir vécu trop près des hommes…

 

 

Le martèlement de l’âme dans la (trop grande) proximité de la chair. Des fables sur les pierres qui se déversent dans les têtes – avec un peu de sable autour…

 

 

Des rêves et du langage – l’alphabet de l’illusion. Les balbutiements d’un questionnement. Le début, peut-être, d’un autre voyage…

 

 

Des questions – plus bas – qui s’entassent. Et la nuit par-dessus qui donne aux yeux – à l’esprit – cette épaisseur opaque. L’indifférence de la réponse pourvu que la faim soit satisfaite…

Devant les Autres – la tête face au sommeil. Là – tout à côté – parallèle au monde. Le visage au-dessus du théâtre – au-dessus du cirque. La parole enjambant les Dieux endormis – la torpeur des hommes. L’âme sensible – parmi la tragédie des bêtes et des choses…

 

 

Ce que l’on griffonne parmi les ruines – poussière sur laquelle on soufflera bientôt – sur laquelle aucune larme ne sera jamais tombée…

 

 

Le ciel à l’envers – et la tête en bas – le front enfin à hauteur d’herbe. Des lignes – des choses – un visage – que l’on oubliera aussitôt le tombeau fermé…

Personne aux funérailles – l’azur – le vent – quelques oiseaux – de grands arbres et l’herbe fidèles. Pas la moindre face humaine. Le même cercle de solitude que de son vivant…

 

 

Le bleu – encore – comme une lumière à peine aperçue – à peine décrite. Le prolongement de la figure et de l’étoile. Et la danse ininterrompue sur la route des ombres – ce que nous inventons pour nous sentir vivants – faussement libres – malgré le jeu du monde et du temps…

 

 

Rien de ce que nous traversons – l’interrogation pulvérisée – le sang et la cendre – l’axe déroutant de la rencontre – ce qui impose l’éloignement et la solitude. Quelques traces dans le sable sale et piétiné – une succession de pas qu’effaceront les prochaines vagues…

 

 

L’envol comme le prolongement naturel de la chute – et non comme miracle – ni comme ascension hasardeuse ou inattendue…

 

 

La voix de la parole – et non l’inverse – ce qui tend à la rencontre – les racines – quelque part – au cœur du silence – en soi – comme la douleur et la lumière…

 

 

Rien à poser dans les bras de l’Autre – dans la main du monde. Un regard seulement – qui s’éloigne. Une assise au-delà des lieux – des ombres – des postures – dans ce que rien n’épuise. Hors du temps qui se succède à lui-même. Hors du sable et des songes – dans l’imperceptible aux yeux humains…

 

 

De brisure en brisure – jusqu’à la dislocation totale – parfaite…

Loin – très loin – de la colonie moutonnante…

La célébration de la soustraction jusqu’aux cendres – jusqu’aux racines du vide – après le douloureux (et salvateur) labeur du vent…

Rien que des traces invisibles dans le silence…

 

 

Le jour et la solitude – comme seul repos – seule nécessité de l’âme…

 

 

Avec le monde – rien que des ombres à partager. Et rien que des tombes à la fin du temps prêté – donné pour (presque) rien…

Des figures et des chemins – immobiles. Des existences sans vertige – sans métamorphose…

 

 

L’image du monde – des Autres – et ce rire – et cette colère – qui n’en finissent pas – et qui n’en finiront, sans doute, jamais…

 

 

Trop peu d’étreintes sur la pierre…

Trop de douleur et de gestes insensés…

Rien que le déplacement des ombres – ce que s’échangent les âmes…

 

 

L’enchantement d’un Autre – en nous – dans ce corps gisant – presque de la jubilation à vivre si peu – dans la proximité de la mort…

 

 

Le cœur chamboulé – bancal – déchiré – défait par trop de présence grise – de faces opaques et désenchantées – le manque criant de soi en l’Autre – l’approche terne des saisons – les yeux sans interrogation – l’âme fate et sans réponse – de la terre partout comme une épaisseur brunâtre dans laquelle s’empêtrent les gestes et la possibilité de la lumière…

 

 

Ce que la nuit dilapide – ce que l’esprit peut comprendre – Dieu entre nous et la vérité – le monde en-dessous – et la tête en flammes – ce qu’il nous arrive d’entendre…

Main dans la main avec tous les délires…

Des fragments de source dans la parole…

Notre solitude la plus solide…

 

 

On se lève – perdu – déjà le jouet d’un Autre – du monde – des Autres – de quelques-uns. Le cœur brûlant au milieu de l’hiver – long – interminable – la seule saison en ces terres oublieuses des âmes…

Pas même une enfance – des chemins trop prévisibles – édifiés par de faux sages – tous ceux qui voudraient qu’on leur ressemble ou qui aimeraient se maintenir au-dessus de nos têtes…

Et puis – soudain – toute cette solitude offerte – conquise peut-être – patiemment édifiée avec les briques de l’invisible…

 

 

Ça se tord – ça s’enlace – ça se heurte – au-dedans. Et l’on a vite fait d’attraper quelques lettres pour jouer avec – découvrir un bout de vérité – se tenir debout – seul face au monde – seul face à la foule. On ne dit rien – on n’aboie pas (jamais) avec la meute – on reste silencieux – on est là – présent – à vivre – à respirer, peut-être, pour la dernière fois…

 

 

Des fissures qui dessinent sur notre âme – notre visage – une géographie particulière. Des trous à la place des pensées – des failles grandissantes – mobiles – qui s’élargissent sous les assauts du vent et de l’oubli. L’âme libre – aussi folle que la main qui tente d’agripper autour d’elle quelque chose – un peu de sable – pour avoir l’air moins nue devant la source – invisible – introuvable – au milieu de l’absence – au milieu des Autres – ces fantômes…

Quelque part – là où l’on s’imagine vivre – parmi les ombres…

 

 

De brisure en rupture – autant de soustractions nécessaires – jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien – pas même un nom – juste un regard égal sur toutes les variables (et toutes les variantes) du monde…

 

 

Autant de visages autour de soi – et pas un seul d’humain. L’œil qui se retourne sur personne – à courir le long des miroirs – reflets encore – sans la moindre présence…

 

 

Du silence et du sommeil – en quantités égales – et (approximativement) la même épaisseur – ce qui laisse présager un long et rude labeur…

 

 

De la blancheur et de l’écume…

Tout s’use excepté le vide – le regard – l’innocence…

 

 

Des yeux – une âme – un regard – des mains – tournés vers l’invisible…

Nulle part ailleurs – où prédominent (toujours) les images…

 

 

Des pas dans la poussière – quelques traces sur la neige – la vie bras ouverts au vent. Une chambre dans la lumière…

D’un soleil à l’autre – silencieusement…

 

 

Une âme – une table – du papier. Et l’encre jetée sur la feuille par le ciel – à travers la main – ce qui guide le feutre patiemment – avec fougue – comme la seule activité possible – salutaire. Et le reste offert au nécessaire – à l’essentiel – à l’être – à ce qui contemple…

Encore trop de zones imprécises pour s’offrir pleinement – entièrement (et de manière permanente) au silence…

 

 

Mille signes – mille pages – mille livres. Un peu d’âme et de sang – de la chair et de la sueur – ce que nous avons été – et ce qui restera pendant quelques saisons – le temps d’un soupir – le temps d’un souffle retenu…

Toute la besogne possible au cours de notre (très) bref passage…

 

 

Du monde – à la rescousse de rien – de personne…

Des gestes pour soi – en sa propre absence…

Des chemins qui s’ignorent…

Des reflets de visage dans le miroir qui s’inclinent…

Le garant d’aucune exigence – ce qui pousse sur le sable avec les fleurs…

Partout – toujours – les mêmes têtes de l’ignorance et de la cruauté – les pires, sans doute – celles qui s’imaginent savantes et généreuses…

 

 

De l’entente ignorée – bannie – interdite presque. Le combat des fronts appuyés les uns contre les autres – béquilles et lances – tout à la fois…

Comme un soleil gris – annonciateur et pourvoyeur de toutes les pluies à venir – dans l’âme – les veines – sous la peau – partout où règnent le manque et le rêve – de la tête aux pieds – jusqu’à l’épuisement – jusqu’à la mort…

 

 

Personne – ni devant – ni derrière soi. Seul sur les pierres – à regarder le ciel – le monde – le désert – à écrire sur le sable que nul n’existe – qu’il n’y a personne (pas la moindre âme) sur ces rives – et voir cela comme une offrande – le privilège (parfois douloureux, bien sûr) d’un regard qui cherche sa nature – son envergure – l’infini amoureusement silencieux…

 

 

Il y a des époques où tout sommeille – où même les monstres et les Dieux sont endormis. Et malgré les protestations – l’agitation – l’effervescence – ces siècles ont les yeux clos…

 

 

Du dedans – un autre jour – comme un soleil téméraire qui s’avance vers la main – vers la tête – malgré la nuit enveloppante et les ombres alentour…

Nous n’affrontons que nos fantômes que nous prenons pour les pires démons du monde. L’Autre – c’est nous – en plus réel – en moins déformé par notre prisme pathologique – le socle de nos images et de nos idées – de toutes nos (trop) trompeuses représentations…

 

 

Un peu d’encre sur la matière lisse – pour vider ce qu’il reste dans l’âme – comme un transfert du dedans vers le monde – un peu d’intériorité offerte au vent…

 

 

La volonté éteinte – pas une seule pierre dans la poche. La légèreté du souffle – la fluidité du sang. La voix et la nécessité de la parole comme seules rugosités…

Les mains vides – les fleurs à leur place – le long des berges sauvages – dans le prolongement des grands arbres de la forêt…

La somme des douleurs – et les flots de larmes qu’elles ont suscités – perdus – au fond de la mémoire peut-être – dans un recoin de l’esprit qui saura les retrouver le moment venu…

Rien d’effacé – jamais – tout en soi – à l’état de possible (ou d’imaginable)…

 

 

On reste – en soi – devant les portes du monde – devant l’absence manifeste – le sommeil et la confusion – l’ignorance et l’aveuglement – les mille petites lampes inutiles – sans portée – quelque chose d’infime…

Plus un fardeau qu’une possibilité…

 

 

Le plus modeste – en nous – que l’on dénonce – que l’on tente (en vain) de redresser – que l’on voudrait rendre plus présentable – au lieu de le laisser envahir tout notre être – jusqu’à nos plus infimes recoins – jusqu’à ce qu’il imprègne toutes nos (absurdes) prétentions…

 

 

Le seul visage – en soi – celui de l’innocence – cette figure antérieure à l’enfance – celle qui n’a jamais consenti au monde – à cette (inévitable) corruption du premier jour…

 

 

Tout s’éloigne – tout s’efface – à présent. Ne reste plus que ce vieil abri au fond de soi – le premier – l’originel – celui que nous avons découvert avant tous les autres – cette chambre ouverte sur les vents dont les fenêtres (toutes les fenêtres) sont tournées vers le jour – le silence – l’infini – notre visage au-dedans qui, parfois, se reflète sur les choses et les figures du monde…

 

 

La mort – comme une route d’ombre et de sang – et comme chemin de rapprochement ; ce qui bougeait, à présent, ne bouge plus – comme un écart, peu à peu, réduit entre ce que nous sommes et ce à quoi nous ressemblons…

 

 

L’absence – comme le monde alentour – jamais le centre – jamais le regard – l’attention innocente…

Tout s’écarte – s’éloigne – puis pourrit – non à cause du temps – qui, bien sûr, n’existe pas – mais à cause de l’acharnement des choses entre elles – cela seul abîme – corrompt – dégrade ; l’humus et la régénérescence du monde – la ronde tragique des vivants – de la matière rongée – égorgeante – ballottée…

 

 

De plus en plus étranger au monde – comme un éloignement (naturel) de l’absence – les pas qui vont sans volonté vers le lieu du silence – du réel – de la vérité – là où la sensibilité et la lumière s’offrent sans effort – là où il est impossible de vivre sans elles…

 

 

Après la perte et l’oubli – le plus vaste étalé. L’air frais – nouveau – pour couronner le naufrage…

 

 

Comme un Autre – là où l’on est – sans refuge – sans cachette – sans mystère – offert (presque entièrement) aux flammes – à tous les incendies du monde…

 

 

A force d’errer – on glisse – imperceptiblement – vers soi – de plus en plus près – on se rapproche du centre – au fil des pas – au fil des cercles concentriques…

 

 

Des histoires – des ombres – de la brume – effacées d’un seul geste – lent – continu – progressif – la manière de disparaître après l’invention de soi (sans cesse consolidée à mesure que les années passent) – le lent déclin malgré la force (persistante) des rêves – unique façon, sans doute, de se tenir debout au milieu des Autres et des massacres – au cœur de cet étrange décor aux gestes funestes…

 

 

Notre nom sans la mémoire. Des lèvres muettes devant cette invention. L’impossibilité de l’avenir. Ce qui a lieu – à cet instant même…

Le réel célébré sans rituel – sans décor – sans sacrifice – sans massacre…

La flamme et l’accueil dans le regard – sans le moindre artifice – sans la moindre ornementation…

 

 

En l’état – sans intention – là où le vent (nous) pousse…

Faire face et obéir à ce qui s’impose…

 

 

Sans appui – sur cette corde tendue entre les seuils – du plus grossier au vertige de l’invisible. La plus haute simplicité – la nudité la plus élémentaire – sans exercice – sans apprentissage. Au plus proche, peut-être, de ce que l’homme peut espérer approcher…

La résultante naturelle de mille soustractions…

La conscience et la vie brute qui arrive – qui nous traverse – qui s’efface…

 

 

La solitude sans les songes – le sang naturel de l’homme. Le ciel sur la pierre. La faim réduite – l’accomplissement du silence. La grande humilité – la souveraineté radieuse…

Rien – sauf, peut-être, l’apparence d’un visage…

 

 

Plus souvent le geste que le mot…

Et des pages, pourtant – les quatre saisons – le silence d’avant le monde – la fête de l’âme (enfin) comprise. La solitude partout à la ronde – comme le seul territoire possible – presque un fief – un rempart contre le rayonnement de la bêtise…

 

 

Le sang au service de la lumière – et non sous le joug de la faim et de la main meurtrière…

 

 

Si peu de chose – un regard – un sourire – le monde déserté. Le visage d’un autre lieu qui se dessine – ni l’ombre – ni l’ailleurs – un vieux restant d’Amour qui (enfin) se libère – qui (enfin) se déploie…

 

 

Rien – le réceptacle du jour et de la blessure. Le monde qui revient – sans courage face à la rouille et aux ruines à rebâtir. Et ce soleil – ce grand soleil promis – introuvable au-dedans…

De l’herbe – du ciel – du sang – et – absolument – rien d’autre jusqu’à l’horizon…

 

 

Ça a l’air d’être un homme – mais ce n’est rien – bien davantage que cela – quelque chose qui, à présent, refuse de se battre – malgré les apparences – quelque chose sur le point de renoncer – qui offre au ciel la part belle et ce qui était – en lui – le moins libre – le plus insoumis…

De la tendresse – à présent – comme le nectar le plus ensoleillé des fleurs – dispensée à ce qui arrive – à ce qui passe – à ce qui se présente avec, souvent, les deux mains liées derrière le dos…

 

 

Des cortèges qui vont et viennent – et qui font halte parfois – qui n’ont jamais su – ni même essayé de deviner – le sens de cette marche incessante – absurde. Des pas – de simples pas – qui s’enchaînent les uns après les autres – le groupe – la troupe – les têtes autour de soi – qui rassurent et impriment la cadence. Le front baissé sous la couche des autres fronts – comme une épaisseur infranchissable – le destin de l’homme, nous a-t-on dit, lorsque nous avons rejoint – à notre insu – à notre naissance – la longue procession des ignorants…

 

 

Un peu de ciel sur le sol – pour rendre plus vivante – plus vibrante – la chair – pour que le feu remplace les lampes et que le monde devienne (enfin) un refuge…

 

 

L’homme pourra-t-il, un jour, être comme l’oiseau dans le vent – une aile pour la peine des Autres – un sourire (un simple sourire) – un jour de liesse dans la tristesse incorruptible des siècles – celui que le monde attendait…

Ni ombre – ni malheur. Un souffle joyeux et rafraîchissant. Une âme plutôt qu’un corps – un peu de silence et de poésie à la place de la faim – un esprit ouvert plutôt qu’une main méfiante et armée – celui qui pourrait – sans crainte – sans honte – s’annoncer comme un (réel) représentant de l’espèce humaine…

 

 

Tout – dans l’espace – comme un pauvre contenu – des choses mobiles – terriblement – qui s’accumulent – qui s’empilent en couches hétéroclites – l’écorce du monde – changeante – avec du noir – la nuit – par-dessus. Souvent (trop souvent) – rien de déterminant pour le jour et le silence – pour la joie et la justesse des gestes…

Des âmes à genoux qui prient – qui ne savent comment faire – ni à qui s’adresser. Juste des mots tristes – triviaux – pleins d’espérance – aussi pauvres que ce que contient l’espace – la même matière…

 

 

De l’eau – comme sur des lèvres assoiffées. Le jour – comme la source. Et les pas – le feu de l’âme – pour dessiner un chemin. Rien à emprunter à l’Autre – personne à imiter. Dans la solitude qui cherche – qui débroussaille – qui innove et invente – sur la voie véritable…

 

 

Le feutre sur la page – comme un bâton sur le sable – un geste dans l’espace et une voix dans le silence – une manière de danser dans le monde avec le mystère…

 

 

Ni angle – ni calcul – ni mur – ni pierre – pas la moindre parole…

Tout est déjà pris dans la trame – comme nos mains – nos lèvres – qui s’essayent à l’invention – à l’aventure – à repousser les seuils et les confins – dans un je ne sais quoi de désespéré – avec cette part obscure de l’âme sur la langue – au bout des doigts…

 

 

Tout dans tout – et toutes les portes fermées. Le destin ouvert – presque libre – affranchi des peurs les plus grossières – le sang et le souffle – sûrs – provisoires – énergiques – avec le sablier renversé dans la tête – avec les grains du temps éparpillés dans la tuyauterie – en suspens – laissant les pas et les mots franchir toutes les lisières successives – sans un nom – sans personne – juste avec des larmes – comme les seules traces possibles sur la pierre…

 

25 janvier 2020

Carnet n°218 Notes sans titre

Le jour du départ – la tête tournée à l’intérieur. Des bateaux plein les songes – des rêves d’azur – d’horizon infini – un peu d’écume sur le visage. Les pieds bien ancrés sur la rive – assis – immobile – la tête ouverte – traversée par le vent – des tempêtes – des ciels d’orage…

L’air du grand large qui parcourt la peau – qui pénètre l’âme – en pensée – tandis qu’au-dehors règnent la vie ordinaire – la routine – les soucis quotidiens…

Et cet ailleurs rêvé – malheureusement – le temps d’un assoupissement…

 

 

De la pluie – du froid et de la peur – dans cette nuit épaisse – sans consigne – sans âme sœur – aveuglante…

Et ces tremblements aperçus au milieu des miroirs – comme un enfer labyrinthique – sans issue – sans espoir – cette vie terrestre…

 

 

Pas assez d’effroi – pas assez d’étonnement – ni assez de questions face à l’inutile – aux tourmentes – à ces lieux sans lumière…

Et ce gris opaque – partout – au-dehors et au-dedans – comme une épaisseur sur les yeux – sur l’esprit – sur la sensibilité. Comme une couche de neige sale qui aurait recouvert le monde – les cœurs – les visages…

Une terre de traces habituelles – des sillons qui durcissent et se transforment en glace – l’horreur journalière – le désastre – rien qui ne change – rien qui ne s’envole…

De l’ardeur qui tourne en rond – comme plongée au fond d’un piège…

Et nous autres – prostrés dans un coin – en désordre…

 

 

Le rythme dansant des ombres dans nos têtes innocentes – un foyer sans artiste – sans chef d’œuvre. Un monde de labeur trivial – de gestes mécaniques – de vies prosaïques faites (essentiellement) de besoins – de désirs – d’attente…

 

 

Un monde de vieilles lunes – avec ses vies funestes et ses idolâtries – ses fenêtres opaques et ses faux horizons – avec ses monstres et ses pas trop pressés – avec ses longs rideaux sombres dans le sillage de la nuit…

 

 

De la chair et des âmes blessées – usées – et jetées sur le bord des routes – au fond des fossés – au fond des ravins. Et la terre qui devient, peu à peu – au fil des millénaires – une gigantesque fosse commune…

Des couches d’os, d’idées et de matière organique – le terreau sur lequel se bâtissent toutes les cités – toutes les civilisations…

 

 

Du soir – parfois – descend un reste de tristesse – une nostalgie ancienne qui ramène le passé à la surface – la persistance d’un rêve qui nous blesse – qui nous malmène (et nous torture trop souvent). Une manière de racler la chair de l’esprit – de nettoyer, peut-être, le contenant du monde et des choses – l’aire centrale dédiée à l’accueil des phénomènes présents…

 

 

Rien qu’un trait au milieu des sourires…

Un univers sans prestige – comme un ballet de feuilles mortes soulevées par le vent…

Et ce fond de lumière derrière les visages – que je peine à voir…

 

 

Rien ne s’atteint – bien sûr. Tout est – déjà. Il n’y a la moindre nécessité d’un pas – et moins encore celle d’un voyage. Et s’il nous fallait mettre un pied devant l’autre, seul l’intérieur est à explorer – pas pour comprendre ou saisir la moindre chose – pour la joie de découvrir – pour l’émerveillement du regard qui est – qui voit – qui contemple…

 

 

Sur le devant du monde – l’avenir en déclin – les raz-de-marée – l’éradication des cimes et des sols. Et au fond de la poitrine – le poids (insoutenable) de la peur…

 

 

La nuit – notre terre commune – notre aire de compagnonnage et de retrouvailles – là où naissent toutes les idylles – et toutes les alliances entre le rêve et le sommeil – comme pour imiter (en pensée) l’oiseau dans son envol…

Ouvrir les yeux – la main – les ailes et l’âme (si possible) – ce qui nous sortirait de la cécité et du piège commun…

 

 

Une nudité sans faille. Une vie sans mirage. Les paupières décousues. Et mille cicatrices sur la peau…

 

 

De l’espace comme de la pluie – à foison. La douleur et l’usure révélées par les chemins initiatiques – les sentiers de la mémoire. L’audace d’un destin qui affronte le plus funeste et le plus âpre. La longue route du retour vers les origines – vers le ciel où la mort devient célébrante – presque désirable tant elle réinitie l’essentiel et ouvre les possibles…

 

 

Au fond des yeux – dans la tête – les mêmes dangers – le même périple recommencé des milliards de fois. De dénouement triste en dénouement triste…

Une vie sans recours – sans possibilité de réduire l’ignorance et l’incompréhension – ni d’aménager avec justesse l’écart entre ce que nous percevons et la réalité…

Une existence (presque) pour rien – soumise aux lois du monde – aux nécessités des Autres – aux itinéraires trompeurs…

 

 

Chaque jour – les mêmes briques à poser sur le même mur – sans voir ni l’horizon, ni le sens du geste…

 

 

De l’air au milieu du monde – comme un vent de joie – une bouffée de fraîcheur – une manière de rire malgré la tristesse et la mort – malgré la rudesse des existences…

La seule alliance possible – celle qui nous condamne à disparaître – à nous effacer – à célébrer le vide et le rien – la valse provisoire des insignifiances – à devenir aussi discret – et aussi agile – que le silence…

 

 

Plongé en soi mille ans avant ses funérailles – bien avant que ne s’éteignent les lampes et les voix – bien avant que ne tombent la tristesse et la nuit…

Sur les épaules de l’âme pour voir plus loin que le corps disparu…

 

 

L’herbe trop épaisse pour voir le jour – pour ces yeux au ras du sol…

Et la mort à toute heure qui vient obstruer la perception…

Et face au noir – quelques lampes impuissantes – et des silences gênés qui s’empilent…

Et, sans doute, trop d’ivresse encore devant les miroirs…

 

 

Le jeu commun du monde – à l’envers de la solitude. Comme des oiseaux qui auraient renversé le ciel – un désastre – une catastrophe qui, pour l’heure, indiffère les hommes…

 

 

Des gestes aussi solides que les pierres – et qui s’abreuvent à la même source…

Nous sommes – comme un livre ouvert devant l’éternité dont le vent tournerait les pages – presque rien et d’une richesse incalculable – vertigineuse…

 

 

De la joie et du silence – à peu près tout ce dont nous avons besoin…

 

 

Vivre ne réclame ni histoire – ni malheur ; du souffle – un peu de pain – et ce qui nécessite d’être franchi – une forme minimale de compréhension…

 

 

A la dernière étape du sol – peut-être…

Après – on ne sait pas – le gouffre – les souterrains – le ciel – l’envol – et, sans doute, tout à la fois, mélangés…

 

 

Le doigt du ciel pointé sur le crâne – comme une flèche censée percer l’impossible – pour que coule à flots ce qui restera…

 

 

Amoureux autant de ce qui nous révèle que de ce qui nous fait chuter…

La même blessure – pendant longtemps – et qui demeurera peut-être…

 

 

A pieds joints dans les malheurs – les nôtres et ceux des Autres – dans cette bouillie épaisse – inconsistante – fictive ; résultante des individualités imprégnées de désirs – insensibles au territoire et au mystère communs…

 

 

De l’âme sur la pierre – tantôt comme une fleur – tantôt comme une blessure…

Mille malheurs avant la tombe…

A chercher le remède dans le brouillard – comme si l’on pouvait guérir de vivre…

 

 

Toutes les histoires – les unes contre les autres…

Et toutes les âmes – côte à côte – marchant avec pudeur – comme si rien n’était entremêlé – comme si l’on pouvait échapper à la transparence…

 

 

Le monde – comme un drap rêche sur nos rêves – un peu de vinaigre au fond d’une cruche pour étancher la soif – un nuage – une lumière éclatée – une possibilité d’envol et d’engloutissement – des malheurs à foison – et la maigre espérance de trouver, un jour, l’étroite issue – le sas inversé vers l’infini…

 

 

Des nœuds autour du cou – au-dedans de la poitrine – qui emprisonnent quelques restes de lumière – et qui, peu à peu, les enserrent jusqu’à la cécité – jusqu’à l’étouffement…

 

 

A déambuler sur les chemins sans autre couronne que celle qui ne se voit pas – mais que l’humilité – au fond des yeux – révèle…

 

 

Harassé – parfois – comme un voyageur sans cesse dérouté – au bord du chemin – de la défaite permanente – de la capitulation finale. A deux doigts du renoncement – de l’extinction. Les deux mains du destin autour du cou – sans la moindre issue sauf à plonger au-dedans…

Et l’on voit, peu à peu, dans l’âme se dessiner l’abandon…

 

 

Au coude à coude avec le monde et le ciel dispersé. Dans cette furie de sons et d’images – de mouvements au rythme insensé – avec le couvercle de la nuit sur la tête – à déambuler en tous sens comme si l’on pouvait toucher la lune – et nous hisser dessus…

 

 

L’âme dans une chute perpétuelle – dans l’espace – flottante – cherchant à tâtons une lanterne – sur les rives – une place – un coin de terre suffisamment solide – suffisamment durable – pour s’établir – en vain…

 

 

Tout glisse – tout passe – entre le sommeil et l’abîme – et ce qui reste – pendant quelques instants – est presque aussitôt écrasé…

La roue du monde – la roue du temps – à l’œuvre…

 

 

Si loin que tout semble irréel…

Si près que tout semble menaçant…

Et entre les deux – à peine vivable…

Rude – rude – absolument – l’incarnation terrestre…

 

 

Entre les tempêtes et le vide de l’esprit – la barque amarrée – plus ou moins – aux terres du monde…

De rive en rive – au cœur du même océan…

Enlisés au pays de la folie et de la faim…

 

 

Tout passe en un éclair – et se prolonge indéfiniment derrière les yeux – au fond de la tête – barreaux du monde – lieu mortifère où tout finit en ruines et en larmes. Le plus odieux de l’ombre au-dedans. La mort perpétuelle des lignes et des traces…

Le tombeau des vivants incarcérés…

Un trou où tourbillonnent les rêves et les étoiles. Là où s’accumulent les choses et le sommeil…

 

 

Voix multiples – contradictoires – acharnées – au-dedans de la tête. Et les rebonds – et les échos – nés des parois – des recoins – des replis – comme un bruit perpétuel – insupportable…

Et le vent qui tarde à balayer tout ce sable – à faire place nette – peau neuve – pour transformer les lieux en aire-réceptacle…

 

 

Des barbelés – comme le signe révélateur de notre volonté de démarcation hostile et apeurée – incroyablement ignorante – pour nous séparer de la bête – du prisonnier – du fou – du meurtrier – de l’étranger – de tous ceux qui nous paraissent trop lointains – trop différents – de tous ceux dont on a peur et dont on voudrait se protéger…

 

 

Ce qui veille – en nous – comme une vigie – le haut du temple qui surplombe le sommeil et les ténèbres – et le sang qui coule dans nos traces. La ligne verticale autour de laquelle s’affrontent les têtes et les âmes. Les infimes soubresauts en contrebas de la source…

Le spectacle (franchement) obstiné du monde…

 

 

Un peu d’hiver entre l’âme et le monde – comme un gouffre – une vaste étendue déchirée – un océan d’encre et de sang inconciliables – un peu de ciel disparu…

 

 

Le sommeil de l’infortune – comme une nappe de brouillard qui envahit la terre – et toutes les têtes – une à une – qui submerge tout jusqu’à l’étouffement…

Et ceux qui survivent à cette invasion doivent se résoudre à cohabiter avec cette buée occultante – les yeux mi-clos malgré le labeur des livres et la lanterne tenue par les mains sages que nous croisons parfois…

La cécité au-dedans – comme une impossibilité (presque) totale à percevoir – à s’interroger – à comprendre – à s’émerveiller…

 

 

Rien qu’un peu de vent au creux des mains – dans nos paumes tournées vers le ciel – et dans nos têtes devenues si larges – comme un océan au milieu duquel tout serait rassemblé…

 

 

Tous les amas déstructurés – tous les tas mis à plat…

Tout éparpillé sur le même plan – à égalité…

L’inventaire complet du monde et de l’esprit…

Toutes les listes de l’âme…

Tout ce qui existe ou pourrait exister…

La collection exhaustive des choses…

Les semences – les rêves – les brouillards…

Les mille événements du jour – les mille événements de la nuit…

Toutes les aventures nées de la soif…

Et ce qui apparaît encore – inlassablement…

Tout cela – étalé sur le sol – regardé longuement (avec attention) – puis jeté au fond d’un trou immense – la béance de l’esprit – les profonds précipices de l’oubli…

 

 

Un verbe sans édifice – aux mille fenêtres. Du souffle – suffisamment – pour faire exploser les repères – pour poser un soleil au milieu du front et faire fuir les ombres et les idoles – pour devenir la possibilité d’un baiser ému sur toutes les choses (et toutes les lèvres) de passage…

 

 

Sentinelle suspendue au centre du cercle – à ces hautes colonnes qui jalonnent la soif – entre désirs et crachats – entre liberté et cachots engloutis – entre le soleil et les pas qui se précipitent sur l’asphalte pour essayer d’échapper à l’épaisseur du temps…

 

 

Trop de semences et de brouillard – de rêves et de jeux malheureux – dans la compagnie du même désir…

L’itinéraire sans escale…

Des forces qui émergent – des feuilles – des chants…

L’Amour qui naît sur nos lèvres…

 

 

Un cri au fond de la poitrine qui glisse jusque dans la gorge pour se mêler à l’air expiré ; la naissance d’une parole – atténuée (presque toujours) par les certitudes du monde…

 

 

Toutes ces pensées qui coulent sur les visages. Toutes ces servitudes dans les têtes. Le vide et la liberté cadenassés – écrasés par la gravité et nos âmes sans ailes…

 

 

Vivre comme si rien n’était vrai – en dehors du silence. Des contenus apparents et mensongers. Quelque chose d’inconnu – de mystérieux – qui prend de faux airs de réalité…

 

 

L’ignorance et le sourire face à tant de blessures possibles – avérées – douloureuses. De la chair – du souffle – quelques pas au-delà de l’aire autorisée – au-delà des lois – des conventions – de l’horreur et de la barbarie organisées – vers la promesse d’un bleu possible – d’une existence sans mur – sans frontière – sans corps blessés – meurtris – où l’âme serait centrale – prioritaire sur les désirs – les choses – les instincts – la fortune – un monde où l’esprit, la sensibilité et le silence seraient privilégiés – et le reste abandonné – peu à peu…

 

 

Des instincts de chasseur et d’acrobate – ce qui nous a maintenu (plus ou moins) à la verticale jusqu’à aujourd’hui – et qu’il nous faut transformer à présent ; ouvrir l’esprit à la conscience – redéfinir notre nature terrestre – la place de l’homme au sein du monde…

 

 

Du silence et de l’humilité – au-delà des murs de l’enfance – au-delà des frontières du monde – au-delà de l’ignorance et de la barbarie communes…

 

 

Aucun lieu – aucune absence – n’est condamné(e) par le silence…

 

 

Des cercles de sanglots et de somnambules – aux marges d’un autre monde – aux abords d’autres cercles – dans la géométrie des surfaces inventée par chaque visage. Notre nature compartimentée – et compartimentante. Au cœur de tout pourtant – au centre de chaque parcelle – de chaque songe – de chaque miroir – quelle que soit la dimension du réel et de l’espace habitée…

 

 

Le sourire affranchi de la course et de la nuit – de ce que l’on nous impose. L’esprit au fond de la plaie – à cureter les restes de chair et les souvenirs de l’originelle douleur…

Les larmes au bord du précipice – tête en l’air – les yeux tournés vers le ciel immense – la parole effleurant les lèvres – l’âme de plus en plus habitée…

 

 

Debout malgré les assauts et les lames du monde pointées vers nous – malgré l’éclatement des miroirs – malgré l’absence humaine autour de soi…

Seul avec cet autre âge au fond des yeux – au faîte de notre infortune – là où la nuit – la lumière – les échos – n’ont (presque) plus d’importance pour affermir l’âme – l’être – la justesse des gestes…

 

 

Pointe vers l’inconnu – flèche dispersée – presque horizontale – déverticalisée, en quelque sorte, pour demeurer accessible – compréhensible – représentable…

Comme une énigme vulgarisée – simplifiée à l’extrême…

Avec des corps ensevelis dessous – un amas d’âmes et d’os qui, s’il était visible, donnerait le vertige – nous éloignerait de nos jeux – et nous imposerait de demeurer attentifs – alertes – (réellement) vivants – aussi sensibles et lucides que possible…

 

 

Des bords du monde oubliés – des clés qui brûlent devant des fantômes grimaçants et affolés. Et le centre, lui aussi, abandonné par les foules – les masses communes – en contact avec trop peu de réel – avec trop peu de morts – et qui n’ont d’appétit que pour la continuité du rêve – la perpétuation de la même illusion trompeuse et rassurante qui jette de la poussière sur la réalité – des voiles et des couches de songes sur le jour – du bleu – mille couleurs mensongères – pour cacher l’apparente grisaille qui entoure le plus vif – le plus éclatant – le plus incisif…

 

 

De leur vivant – les héritiers de l’ignorance – les partisans (inconscients) de l’aveuglement – sont confinés aux murs – au gris – et à la récurrence des tâches. Et à leur mort – à la boîte – aux couches de terre ou à la cendre…

 

 

Des rêves trop épais – comme un mur sans fenêtre – des routes monotones – des surprises imaginaires – du sommeil et de l’absence…

Le monde aux yeux cousus – au courage défaillant – à l’esprit sans substance…

 

 

L’expérience de la coulée sur les pierres – l’inadéquation de l’Autre – son non-emboîtement dans notre puzzle – le naufrage permanent – la dégringolade – la chute – puis, l’effacement…

Rien qui ne change (vraiment). Rien qui ne se découvre (vraiment). La même parole et la même indigence qui, inlassablement, se répètent – jour après jour – siècle après siècle – comme la seule litanie possible…

 

 

Le feu et la neige – sous les apparences ; nos substances les plus intimes…

 

 

Le bleu-transparence qui entoure – qui enrobe – qui pénètre les choses du monde – le moindre fragment de matière…

Et cet hiver mystérieux – au-dedans – qui persiste…

 

 

Au pied de l’arbre – dans la joie surprenante – virevoltante – des saisons – avec la métamorphose de la terre et des feuilles – et les couleurs infiniment changeantes du ciel…

 

 

Aux portes du désert – le front adouci – l’âme courbée – assouplie – le ventre assagi – la faim (presque) éteinte – au fond des yeux – le regard – au fond de l’âme – l’Amour naissant – les clés du mystère au-dedans – les pourtours du monde élargis – l’infini (enfin) à portée de geste…

Et l’éternité, peut-être, sur le point de se substituer au temps…

 

 

De la matière et du monde transformés – libérés, en quelque sorte, par la perception…

 

 

Peu de gestes – peu de signes – nécessaires…

Quelques traces inévitables – le monde (presque) sans visage – simple décor – simple miroir – nécessaire parfois – et, plus que tout, éléments de soi à aimer…

Des âmes de passage – comme des oiseaux exilés…

Des terres et des routes incomprises – communes – singulières (trop rarement)…

Le sort qui, peu à peu, scelle les destins et les itinéraires…

L’impossibilité de la rencontre…

L’Amour qui tente de combler les gouffres – en vain – lorsqu’il ne peut se déployer pleinement…

Ce qui – toujours – souffre sur la pierre – sur la même terre – malgré l’expérience et le grand âge…

 

 

De la pierre à la prière. La rude ascension de l’humilité. De la matière à l’invisible. De l’usage (utilitaire) à ce qui s’abandonne. Du destin et de la poussière aux premières rives de l’infini…

Ce qui, sans doute, devrait être les pas de l’homme…

 

 

Le refuge est infime – et l’âme, profonde – et d’envergure…

La terrasse est minuscule – et le jardin – et le monde – immenses…

 

 

Un peu de temps entre les doigts – comme une matière qui se consume – un grand feu – quelques braises – puis, très vite, de la cendre…

 

 

De mensonge récréatif en absence – le monde dans ses tentatives désespérées d’échapper au réel – une manière incessante de réinventer le songe…

 

 

De l’herbe – des arbres – du silence – jusqu’à l’infini…

 

 

Demain comme un jour incertain – et, sans doute, impossible…

L’extinction de l’espérance pour une intensité immédiate – le vertige présent – l’Absolu dans l’instant – ce qui renvoie Dieu à un avenir défaillant – sinon imaginaire…

 

 

Une voix entre les pierres – ni cri, ni murmure – une parole appropriée sur les rives du sommeil. Les mains vides – tournées vers ceux qui pourraient écouter – l’âme mélangée au sang – le ciel dans ses profondeurs – à exposer à tous la possibilité du silence…

 

 

Des instincts comme des lames – pointées vers ce qui peut apaiser la faim – atténuer la peur – faire oublier (provisoirement) la mort. Une permanente tentative d’échapper à la malédiction de l’existence terrestre…

L’illusion du monde au détriment du réel – de l’Amour – du silence…

 

 

Aucun orgueil – le jour appauvri – le monde sans filiation – comme un désert – un périmètre vierge – sans ancêtre – sans secret – sans mimétisme – sans descendance – sans révélation possible. Le seuil des choses – l’aire des âmes – la destination de tous les voyages – le sens même de chaque périple…

La terre la moins du monde étrangère – le socle du sang et des récoltes – du labeur acharné – des gestes qui percent la pierre – qui raclent le sol – qui sèment les graines et ramassent les fruits – le lieu de toutes les existences qui hésitent – qui tentent – qui patientent – qui renâclent à percer le mystère avant la mort…

 

 

Au-dehors – l’effleurement – à peine. Le jeu des gestes et du granite – la chair sur la pierre – l’hésitation et les blessures. La patience des pas – comme des forçats – des galériens enchaînés…

La vie sans recours…

 

 

Des armées d’esclaves édifiant des murs – des tours – des cités. La fatigue déjouant toutes les possibilités de révolte – le soleil et la mort au-dessus des têtes. L’humanité perdue – en larmes – abandonnée à son sort atroce – triste et atroce. Et l’innocence, partout, piétinée…

 

 

Ne pas écouter le monde – les Autres – leurs paroles – leurs commentaires. Prêter l’oreille à ce qui est devant soi – au ressenti au-dedans – dans les profondeurs – pour laisser émerger le geste juste…

 

 

Ni règle, ni loi – la trappe de l’oubli et le socle de l’innocence – l’aire de surgissement spontané des choses – des actes – des paroles – ce que le silence et les Dieux font passer à travers notre âme – notre bouche – notre main…

 

 

Des rêves comme des îles dans l’océan – quelques pauvres rochers – des pierres grises – dans les eaux (si noires) du monde…

 

 

Comme un voyage entre des digues – entre ces rives édifiées pour rompre la puissance des eaux – atténuer les aléas – les risques de naufrage – les incertitudes de l’itinéraire et la magie de l’inconnu…

Des existences confinées à l’étroitesse d’un seul sillage…

 

 

Frères de la nuit et de l’hiver – en plein sommeil – à se mouvoir dans le rayonnement effrayant des monstres inventés par le monde et la psyché – silhouettes hagardes et somnambuliques – à traverser des seuils sans mystère – à vivre (si cela peut être appelé ainsi) sans nécessité…

Un univers d’insectes virevoltant autour d’artificielles lumières – courant au rythme d’un tambour immense manipulé par des masques – des entités sans visage – sans épaisseur – les doigts, peut-être, de Dieux hilares et moqueurs…

 

 

Du monde – parfois – comme une outrance – un écueil – une sorte de dérive – le privilège de l’ombre et du sommeil. Et le cri des bêtes sous le ciel découpé – fragmenté…

Tout un peuple en déperdition – avec les vivants au centre de l’histoire…

 

 

L’infécondité du rayonnement lorsque l’absence est trop criante – l’axe central du monde – la seule chose perceptible à des lieues à la ronde – comme un désert au centre duquel seraient concentrés tous les hurlements – l’impuissance face à l’Autre et au mystère…

L’homme déchu – jeté hors de son règne sous les cris des tribus indigènes – des meutes animales – de la vie sauvage…

 

 

Des chemins d’orgueil et de faim – comme les seules voies possibles – des aires de rassemblement…

Des visages – comme des miroirs enroulés sur eux-mêmes. Des reflets – mille images morcelées – l’œil et le sommeil – toutes les illusions du monde – ce que l’esprit fabrique à la chaîne – sur demande – comme les preuves ridicules de son existence extérieure…

L’or enfoui sous les affres – le secret sous chaque motte de terre – sous chaque parcelle de boue. Et le silence au-delà de la cime inversée – aux lisières du temps – lorsque, un jour, tous les siècles seront consommés – Dieu et la gloire promise par tous les prophètes – ce que nous nous échinons à bâtir – à découvrir – à enterrer – à réinventer…

L’effarante existence de l’homme – son espérance et sa besogne – incessantes…

Cette fièvre qui initie toutes les danses – la soif et l’entêtement…

Et nous autres, porteurs d’inutiles bagages – à la traîne – toujours à la traîne (bien sûr) – à chercher la chaussée parfaite – à crier dans la pénombre – sans même savoir – sans même pouvoir – accueillir les échos de nous-même(s) – ces évidences de l’existence du monde et de Dieu…

 

25 décembre 2019

Carnet n°217 Notes journalières

Le début, peut-être, d’un autre monde. Comme un cercle au cœur du mystère – hors du temps – davantage de lumière – moins d’épaisseur – une source proche et des fontaines nombreuses – là où la mort et la joie ne sont plus rivales…

 

 

L’effacement des murs – et le soleil contre soi – tout près – à même la peau – à même la chair – et partout au-dedans – comme le centre du ciel au milieu de l’âme – dans son plein rayonnement…

 

 

Des yeux sans inquiétude face au ciel sans étoile – face à la terre gorgée de sang et de morts – face à l’Autre qui nous échappe – face au temps qui restreint. Dans les bras d’un silence rassurant et l’évidence de l’Amour qui exacerbe le manque à dessein…

Autant de désirs et de deuils – mais comme de simples mouvements – les éléments les plus naturels du monde…

Rien de disjoint – tout collé – assemblé – d’une incroyable façon – d’une extraordinaire manière…

 

 

Des heures déambulatoires où tout circule en cercle. Des rondes de pas – de corps – de paroles. Et au centre – la chambre du silence – là où l’on se repose après avoir tourbillonné avec les choses – là où, un jour, tout finit par se rejoindre…

 

 

Entre le soleil et la mort – quelque chose de fragile – l’invisible sur nos ailes…

 

 

Une épaule au-dedans de l’âme – pour poser sa tête les jours de (trop) grande tristesse…

 

 

Quelque chose – à l’image de la source blanche – lointaine – des signes improbables – un cœur qui s’interroge – un peu de brume que le soleil dissipe – la fumée d’un feu imaginaire – mille choses possibles – envisageables…

 

 

Une main qui se tend – des bras qui s’entrouvrent. Plus jamais de regard méprisant, de yeux aveugles et de pas qui piétinent…

Une colonne de chair accueillante – une flèche tendre…

 

 

Un épuisement en soi. La nécessité d’une écoute plutôt que celle du langage. Un besoin de dispersion – d’éclatement. Un abandon au silence. Une manière de laisser l’énergie dévaler sa pente – puis, regagner son trou – au fond de l’âme…

 

 

Une douceur – un espace – un lieu où poser sa fatigue – une forêt profonde – immense – hors du monde – loin des fenêtres des hommes. Un temps rassemblé – apaisé – où le corps peut s’enfouir – creuser au-dedans – et s’endormir sans inquiétude au milieu des ombres…

 

 

La lumière – comme une étendue sur nos épaules – une seconde peau – moins étrangère que celle qui recouvre la chair…

 

 

Rien d’inoubliable – la vie qui passe. Ce que l’on cherche et ce que l’on trouve sans effort – sans triomphe. La vie commune – ordinaire – celle qui ne rayonne pas…

La mort au bout de l’allée avec quelques fleurs – et l’herbe sur la tombe – indifférentes…

 

 

Nous ne sommes qu’une fantaisie sans sérieux – une manière (comme une autre) de peupler la surface du monde – de donner au feu une matière à consumer. Et, à vrai dire, pas grand-chose d’autre…

 

 

Des lieux de brume familiers – des corps sans regard ; les dignes représentants du monde – de la nuit – de cette alliance entre l’ombre et la multitude – à la fois bourreaux et victimes – de la chair affamée – de la chair sacrifiée – dépecée – avec au fond – ou à la place du cœur peut-être – quelque chose de très froid…

 

 

L’enfance abandonnée – et les lieux offerts à tous les démons – comme un oubli et des représailles…

La place assiégée – et enfermé ce qu’il y a de plus vivant en nous…

L’attente imbécile (si crédule) d’un soleil – d’une délivrance – de figures extérieures qui ôteraient nos grilles et chasseraient les importuns…

L’esprit cloîtré dans l’ombre – aux prises avec sa noirceur – sa naïveté – ses gesticulations – son incompréhension de l’invisible – et toutes les basses manœuvres de la matière…

 

 

Du temps incertain – à veiller sur le silence comme sur un ami rétif – prêt à prendre la fuite à la moindre inattention…

 

 

Quelque chose de nocturne – de la chair sombre – une voix glacée – presque noire à force de colère. Et dans le regard – cette tendresse blessée – cet élan stoppé net – comme un arrachement – une amputation – réalisés sans anesthésie…

 

 

Du noir qui ondule entre le mur et l’esprit – qui traverse les vitres – un bruit qui claque – puis, d’étranges vibrations. Et des larmes qui montent comme si elles émergeaient d’un ciel partagé…

Le langage si transparent de la tristesse…

 

 

Et toutes ces croix blanches qui brillent sous cette lune d’hiver. L’énigme – le mystère posé là entre le marbre et la terre – parmi les vivants d’autrefois entreposés avec leurs secrets…

 

 

L’oubli – toujours prêt à sévir – contre la tristesse – les hurlements – les regrets – les souvenirs qui tournent et nous enchaînent…

 

 

Tête coupée – sans écho – sans chagrin – le cœur plus volumineux – l’âme plus docile – plus encline à embrasser la rugosité du monde – à se déployer sous la lampe des Autres – à laisser sur le bord d’une table ou d’un chemin quelques signes – quelques murmures – comme une manière d’encourager ceux qui passent à pousser la porte…

 

 

Comme les gouttes sur la vitre – nous sommes – comme les gouttes sur le toit – comme les gouttes de la plaine – comme toutes les gouttes qui tombent sur la terre – innombrables…

 

 

Un peu de sable dans les yeux – un monde de fenêtres sans vitre où le vent mélange les matières à sa guise – sans raison – pour jouer – pour rire – pour faire rendre l’âme – et sortir le monde, peut-être, de son effroyable rêve…

 

 

Ce qui vient avec la rosée – l’autre nom du monde – plus délicat – plus provisoire – celui qui n’effraye pas ceux qui passent…

 

 

Des ruines – comme un temps perdu – lointain. Un monde devenu abstrait – presque immatériel – revisité et ressuscité par l’esprit qui lui offre une seconde jeunesse…

 

 

Une chaleur familière – celle d’une figure vivante immergée dans la psyché – et qui revient chaque soir nous saluer – nous tenir compagnie – se lover contre l’âme – et qui transforme le silence en paroles – qui fait émerger – plus exactement – des couches antérieures des restes de voix anciennes…

 

 

La saison des chemins et des errances particulières…

La saison du retour et des sources…

Et toutes les pluies du monde sous les paupières…

 

 

Du temps – à foison – des trous dans le sol et la mémoire. Le vide qui s’installe…

 

 

La jubilation de ce qui se cherche – la chambre à désemplir – la faille ouverte, plus que jamais, et, pourtant, en voie de cicatrisation – comme si l’air libre accentuait, à la fois, l’accueil et la guérison…

 

 

Voix lointaine – caverneuse – comme si nous habitions un refuge – un espace intérieur – une aire de ressourcement imprécise – accessible seulement après un long voyage – par une voie escarpée et éreintante – l’âme exsangue et la bouche ouverte – les membres ankylosés – sans le moindre espoir de revoir le jour – de renaître au souffle – éteint et persuadé de l’absence de Dieu – du monde – de l’Autre – de soi – au seuil de la grande (et belle) capitulation…

 

 

On ne rencontre rien – ni personne. On reconnaît ce que l’on croyait lointain – étranger. On réunit les éléments – on rassemble la famille. On élargit le cercle de l’appartenance…

Ainsi œuvre-t-on dans le temps fertile de la solitude…

 

 

Sans compréhension – dans le pur épuisement…

Dans l’effacement des jours et des chemins…

Au bord de l’extinction de toutes les voix…

 

 

De l’hiver et des grilles dans la tête – une parole inerte – et le mystère posé à même la pierre – vif – angoissant…

 

 

Des âmes qui renaissent – des histoires qui se réinventent…

Un peu de soleil dans le souffle – de l’ombre dans la chair…

Et toute la tristesse du monde dans les yeux des vivants…

 

 

Il faut vivre (entièrement) la parole que l’on offre – qu’elle jaillisse de l’âme et de la chair réconciliées – pour qu’elle devienne le seul lieu du monde habitable…

 

 

Du cœur – du bleu – de la transparence…

L’âme, le ciel et le monde enfin réunis…

 

 

Ni rêve – ni désir – la parole véritable – la langue-remède – celle qui, à la fois, sait consoler et transcender les limites – celle qui fait exploser – et sauter par-dessus – le grand sommeil…

Peu de lettres – en somme. Quelques signes pour peupler le désert – accompagner les naissances et les pas – éveiller ce qui s’impatiente au-dedans…

 

 

Devenir moins – être davantage…

Le juste équilibre entre ce qui résiste et ce que l’on jette – entre la résonance des pas et l’inconnu…

Mille fois s’effacer pour désapprendre l’épaisseur…

 

 

Une voix – la nuit – le sang des Autres ; mille histoires…

Et toutes les voies ouvertes sous la voûte…

Le plus vieil alphabet du monde…

 

 

Un langage affranchi du monde – jaillissant du premier silence…

Ni cri – ni gémissement – ni murmure…

La lumière nue – à vif – impériale – incroyablement modeste…

 

 

De l’ombre qui se répète – à l’infini. Comme un écho perpétuel – le règne du sombre – la nuit en actes – notre (obsédante) malédiction…

 

 

Des lisières – partout – qui creusent la séparation – l’élargissent – la rendent (presque) réelle. Et l’étendue – en-dessous – au-dessus – que nous ne voyons pas – d’un seul tenant – la trame du monde – des choses et des visages – à laquelle rien n’échappe – pas même, bien sûr, l’idée de frontière et l’apparence de territoires circonscrits – pas même, bien sûr, nos têtes et leur contenu qui s’imaginent distincts…

 

 

Tout est trace – écume déposée – moins que provisoire – le souvenir effondré – le signe et le livre brûlés ou abandonnés à la poussière – les visages – la nuit – traits, à peine, dans le silence…

Quelque chose qui, à la fois, s’offre et se dérobe…

 

 

Dans l’effondrement permanent jusqu’à la lumière qui, un jour, elle aussi (bien sûr) s’effondrera…

 

 

Le secret des astres et du silence – dans la parole offerte – dans l’éclat des gestes justes – partout où la lumière se pose – jusque dans la pénombre la plus épaisse – la plus opaque – jusqu’au cœur des ténèbres…

 

 

Plus haut – le souffle est si dense et si profond que l’on respire par l’âme…

 

 

Âme, mains et mots enfouis au fond de la source – et qui, parfois, bondissent comme des soleils pour éclairer la route – celle de tous les accidentés qui se heurtent sans s’interroger – qui vont et viennent au détriment de l’Autre et du monde…

 

 

Ce qui nous traverse – nous pénètre – comme la douleur et les saisons – une parole qui s’immobilise dans l’âme – qui l’apaise et la nourrit – le temps nécessaire – et qui, parfois, fait naître un chemin nouveau – un chemin très ancien – qui attendait sa naissance – sa renaissance – et quelques foulées impatientes vers le centre – vers l’essentiel – la lumière – le silence – et qu’importe les mots et la façon dont on le nomme tant l’âme se sent attirée – confiante – chez elle…

 

 

Tout recroquevillé – en soi – comme un soleil atrophié – le souffle coupé – l’élan rompu d’une parole – sous la pression trop vive – le poids trop écrasant – du monde ; les yeux – les jeux – les lois – des Autres – si étriqués – si accablants…

 

 

Au centre du monde – le même silence qu’au fond de l’âme – deux lieux-coïncidences que nous ne parvenons (presque) jamais à superposer…

 

 

Face rouge lorsque – en soi – le silence se retire. Furieux – impatient qu’il revienne. Trépignant comme un enfant aux lisières de la folie – l’esprit traversé de secousses. Avec toutes les saisons qui se bousculent au-dedans et un peu de sang qui stagne au fond du cœur – très proche de l’explosion…

 

 

Parfois – des signes incompréhensibles – qui s’immobilisent dans la tête – sur la page. Le tableau figé d’un élan – d’une impatience – un mélange d’ardeur, de tendresse et de colère que le monde ne peut entendre – et que le monde ne pourrait comprendre (s’il l’entendait) – et qui, pourtant, le concerne…

 

 

Du feu, de la neige et de la suie dans l’âme…

Quelque chose d’infiniment commun…

Rien de futile – et, peut-être, l’essence même de notre présence – de nos cent pas – de nos mille paroles – de toutes nos tentatives pour vivre – et cohabiter – dans ce cercle étrange…

Comme une danse – un dialogue – une cacophonie – entre les différentes voix – les différentes réalités – qui nous habitent – les multiples visages du monde – en nous…

 

 

L’espace vide – hors du temps – sans nuit, ni saison – volets ouverts sur le monde – sur ce qui ressemble au monde et qui s’offre par fragment – des lieux – des ombres – des visages – et un peu d’être parfois – enfermé derrière les façades – l’essence dissimulée au milieu des apparences…

Mais plus personne pour affirmer – des yeux seulement – sans orgueil – qui ne peuvent vivre – et se déployer (pleinement) – que dans le silence…

 

 

Des plaies – et sous la douleur – le vide. Et pareil au-dessus – et partout alentour – sauf dans la tête qui a mal

 

 

Des voix rassemblées au milieu de nulle part – ici – ailleurs – un peu partout – qu’importe – réunies pour accueillir l’innommable…

Une parole – un peu de neige et de vent…

Ce que les Dieux auront décidé d’offrir…

Quelques instants d’espièglerie, peut-être, en attendant l’éternité…

 

 

De moins en moins homme – un visage qui s’assombrit – qui n’a cessé de s’assombrir – de plus en plus noir – de plus en plus invisible dans la nuit du monde – quelque chose qui passe (presque) inaperçu dans la pénombre commune – au milieu du sommeil des âmes…

L’apparence d’une ombre anodine – et au-dedans le jour qui se lève – l’aube naissante – la lumière timide qui se dresse peu à peu…

 

 

Rien qui ne blesse – rien qui ne pèse – dans nos vies – dans notre labeur – quelques paroles – quelques visages (très peu) – beaucoup de sable – l’incroyable légèreté de notre passage – comme une brève fulgurance…

Avec – toujours – un peu de mystère et de folie au fond des yeux…

 

 

Et devant nous – toujours le même ciel – à l’apparence si changeante…

Et dans le crâne – et dans le sang – comme mille gestes mécaniques…

Et dans l’âme – cette boue honteuse – cet enchevêtrement de peurs et de feuilles mortes – comme un étrange parfum d’enfance et d’automne…

Et ce reste de bonté (fort heureusement) au fond du cœur…

 

 

L’œil du temps – sur nous – incontrôlable…

Le va-et-vient des vivants – le sommeil étrange des morts…

Du brouillard – partout – et dans les têtes surtout qui comptent les lunes et les matins – les petits trésors cachés au fond des poches – et la ronde des pas – et les empreintes sur le sable noir…

 

 

Un grand fourbi à la place du monde. Ce que les outils cisaillent – ce dont les mains s’emparent. Partout – la fébrilité des âmes. Le labeur – les jeux – l’amour – pour adoucir l’hiver – conjurer la peur – oublier (un peu) la mort. Toutes les fables que l’on se raconte pour essayer de se tenir debout – pour atténuer la douleur (et la tristesse) d’être vivant…

 

 

Des lieux qui ne sont plus que des marges – avec, au milieu, la lumière – et autour, le monde…

Et le silence à toutes les périphéries…

Et le lointain repoussé plus loin encore – aux confins – sur le point de disparaître – et de revenir au centre par de mystérieux souterrains…

Ainsi les territoires se déplacent – vide et matière – plaques et trous qui s’entrelacent – qui s’entrechoquent – qui glissent – se superposent – s’assemblent – se dispersent…

La surface du monde comme un puzzle mouvant permanent…

Et la même chose avec l’invisible et les choses du dedansles choses des profondeurs

 

 

Comme du vide à l’envers de soi – sur toutes les faces qui ne s’exposent aux yeux des Autres – qui n’ont ni nom, ni épaisseur – et dont les frontières ne sont qu’imaginaires – l’indiscutable continuité du monde…

 

 

Du temps pacifié – ce qui se cherche en s’ouvrant – ce qui se réinvente en cheminant – le visage tourné vers le lieu de l’éloignement – des masses de lumière au-dessus du monde. Des mots qui glissent du ciel vers la page – du silence vers la main. Et le sens donné à travers la fugacité des gestes…

Tout s’éclaire – explose – puis, se dissipe. La nuit, peu à peu, s’évanouit. La clarté avance – illumine d’autres terres – d’autres territoires. Sous les décombres apparaît une autre surface – plus ancienne. Les images s’effritent. Et de cet effondrement (progressif) émerge, peu à peu, le réel…

 

 

Un peu d’âme et de sang – et rien d’autre. Tout émerge, à présent, des décombres. Un visage et des lieux nouveaux – l’inconnu qui se rapproche – les certitudes disloquées – à nos pieds – la flamme et le regard aussi neufs qu’au premier jour du monde…

 

 

Toujours plus bas – là où la lumière inverse toutes les mesures…

 

 

Au-dehors – rien ne bouge sous le sommeil. Le monde – les faux incendies – la même imposture. Et notre regard qui s’éloigne. Et tout qui tombe dans l’oubli…

 

 

Dans le même abîme depuis des siècles – à tourner avec toutes les choses du monde – simples objets sur leur orbite autant que nos yeux fermés par la sensation du vertige…

 

 

Prélude – syllabes – séparés du monde. En nous – la mort – comme une connaissance (directe) – qui n’assombrit notre quotidien – mais nous offre la présence nécessaire – le gage d’une plus vive – et plus sereine – solitude. Les traits d’une époque particulière – d’une étape singulière – vers une absence encore plus déterminante…

 

 

Un peu de ciel dans notre chair – moins d’ombre dans le regard. Le soleil dans l’axe de la solitude. La tombe – et, bien avant, la profondeur. Des pas inversés – quelques errances dans l’espace – le déconfinement et l’apprentissage (progressif) de la liberté – de l’acte juste – de l’incertitude guidant la foulée – construisant un chemin qui n’est plus un chemin – une fenêtre qui s’élargit – un cœur plus proche de l’étoile que de la roche noire…

 

 

Sans hâte – comme le tic-tac de l’horloge. Ainsi – imagine-t-on la surface sans voir ni le magma mouvant – brûlant – ni le silence incroyable à l’intérieur – l’effervescence et la multitude grouillante au-dessus – et l’immobilité et la puissance des profondeurs en-dessous…

 

 

Pas de proximité intempestive – contrainte – un simulacre d’apparence – rien en commun excepté, peut-être, la matrice, le visage et la tombe (l’origine, l’apparence et la fin)…

 

 

Un peu de soleil sous la chair – et ce feu dans l’âme – aussi haut – aussi puissant – que la mort…

 

 

Le ciel – comme porté à bout de bras – ouvert à toutes les errances – aux voyages interminables – aux fenêtres lointaines – à tout ce qui est né sous la même étoile…

 

 

D’anciennes charrettes de souffrances – renversées – vidées – regardées et reconnues – une à une –puis, jetées dans le grand feu sans lendemain – là où s’efface la trame des histoires et des chemins – là où l’épaisseur est une entrave – un obstacle au retour – à la nudité – à l’innocence sans parure…

 

 

Déjà – dans le silence prometteur des forêts – comme le signe d’une nécessité – l’évidence d’un appel – les balbutiements d’une identité reconnue…

 

 

Au-dedans d’un orage qui ne nous appartient pas. Au côté d’un tas de songes étranges qui ne nous ressemblent pas. Des histoires et des légendes. Des grimaces et des étreintes. Mille drapeaux qui flottent au vent – altiers et sanglants. Des tentatives d’évasion, de la rouille et de la poussière. Des plaies qui s’élargissent avec le temps. Et l’inexplicable – toujours aussi lointain…

 

 

Le pays des ombres – du refus – des interdictions. Le règne des confins. L’apprentissage effarant – impensable – des limites. Les lois et les rêves qui définissent les territoires – les itinéraires – l’espace et toutes les routes empruntées – possibles – répertoriées. L’attente ennuyeuse de l’Autre – de la ressemblance – de l’après – de la mort. L’entre-soi permanent et la bêtise irréductible. La pauvre existence des hommes…

 

 

Rien – de nulle part – comme le signe d’un aboutissement. La vie sans artifice – errante – à la manière du vent – ici – ailleurs – sans craindre ni le ciel, ni la nuit, ni les visages tournés vers elle – qui passe – inlassablement – qui passe – qui part et revient – chaque jour – comme le soleil – d’île en île – en ne frappant à la porte de personne…

 

 

Simple – comme la lumière qui traverse la vitre – qui pénètre la chambre – et éclaire, tour à tour, tous les recoins…

 

 

La tête couronnée de rien – et, à nos pieds, des morceaux de miroirs éparpillés – avec, au-dedans, les rideaux du monde enfin ouverts – exposant ce qui était dissimulé…

 

 

Aucun nouveau visage – aucune nouvelle contrée. Le silence – simplement – qui a tout recouvert. Et la vérité, peut-être, qui flotte au-dessus de l’abîme – qui serpente entre les rêves et les nuages de poussière…

 

 

Plus rien d’humain – une masse immense – vivante – le monde devant soi – des yeux face à l’univers – face à l’immensité – des amas de chair et d’étoiles. Et la lente dérive de notre chant dans l’espace – vers personne – comme une couche – mille couches – de silence supplémentaires…

 

 

Encore un peu d’ombre au fond de l’âme – un peu d’épuisement dans l’ardeur – un peu de rêve au milieu du silence – quelques résistances dans les profondeurs…

L’infini et la lumière au visage humain…

 

 

Comme un grand feu entre les parois du crâne – le temps déçu – écarté – un chemin à construire sur la même rive que celle des vivants – l’entrée en soi comme le franchissement, à peine, d’un seuil invisible – une marche sans pas – le retournement (progressif) du regard – ce qui ressemble à un abandon – l’ouverture tardive – presque inespérée – de l’âme…

 

 

Ce qui se passe – à présent – à l’instant – sans avenir – sans souvenir – sans autre monde – en soi – devant soi – l’écume – les rêves – le même silence…

 

 

Lumière qui s’impose – des lignes façonnées, à chaque fois, par l’invisible qui s’est, peu à peu, substitué au goût des Autres…

 

 

L’attente et le temps – pulvérisés par le passage puissant du souffle présent. A la fois lieu du monde et de la solitude. Fenêtre ouverte sur le brasier – là où s’entassent les pensées – les choses – les visages – la moitié des étoiles – les petites joies – et la tristesse (plus durable)…

 

 

L’âme et le corps – fracturés – meurtris – avec l’aval de la source – l’accord du jour – le consentement du silence…

Ce qui reste – l’être – comme un oiseau sans cage – en plein ciel – et l’arbre au loin comme un repère – un refuge – une destination – le faîte de la route – nous-même sans la nécessité des mots…

 

 

De la poussière et du silence – le jardin des sortilèges – le songe d’un Dieu assoupi – la chute et la gravité qui donne au sommeil cette allure de chape de plomb…

Des hauteurs – à peine – aperçoit-on le sommet de l’arche – la voûte défaite – le visage du monde – le portrait (presque) exhaustif de ce qui palpite au fond de l’âme – au fond de chaque poitrine – avec de la brume et mille nuages – comme si les lieux n’étaient qu’un songe autant que ce qui est là – autant que ce qui semble regarder…

Comme un rêve qui se déploie – une sorte de parenthèse au milieu des Autres – avec des images à foison – des mirages – de la buée – des vitres et des yeux collés – absorbés – fascinés – empêtrés – qui suivent les danses sans s’interroger sur la distance – les variables – les clés du mystère…

Ailleurs – ailleurs – plus loin que les bruits de la fête – au fond de la tête – au-delà des lois – en deçà du mystère – au-delà des visages – en deçà du silence – encore plus loin – toujours à côté – jamais là où l’on est – jamais là où l’on doit être (pleinement) présent…

 

25 décembre 2019

Carnet n°216 Notes sans titre

Tant que demeurera l’horizon – autant de fois que l’on nous le demandera – nous nous présenterons à la suite des choses – le visage recouvert par ce bleu immense – inconnu – incompris…

 

 

L’ermite – ici – et au loin – là-bas – la meute. L’éternité et les siècles – ce qui grogne (qui continue de grogner) et le silence – ce qui attend (avec fébrilité) et ce qui est serein – immobile…

Le ciel et la terre – séparés – tant que durera l’ignorance…

 

 

Nous – tout nous confondrait…

Tant de mélange et de remue-ménage qu’on ne sait plus où se trouve la place des choses…

Tout dans tout – n’importe comment – en apparence…

Mais la source combine avec intelligence – avec lucidité – initie nos gestes en obéissant au jeu et à la nécessité…

Ce qui nous compose – admirablement…

 

 

Ce qui nous manque révèle nos faiblesses – définit ce que nous sommes – notre visage de terre et notre visage de feu – ce que le ciel ne peut apaiser – cette faim que nous essayons de satisfaire à tout prix…

Et toutes les choses du monde avec lesquelles on emplit – très partiellement – très provisoirement – notre immensité…

 

 

Le bleu secret du monde que le rouge recouvre – que le gris obscurcit (un peu). La couleur exacte de notre présence…

 

 

Le seul royaume – en vérité – existe hors du temps – au bord du cercle dont nous croyons occuper le centre. Au croisement des dérives et du monde. A l’intersection de toutes les errances…

Au sommet de cette haute colonne – en général – on imagine Dieu – ou la lumière – assis au-dessus des territoires – au-dessus des frontières – au-dessus de tous les yeux tournés vers le ciel – à genoux – en prière – en ce lieu – quelque part – où tout arrive – où il faudrait se hisser – jamais là où nous nous trouvons – jamais à notre hauteur…

 

 

Au cœur – autour – partout – l’être – ce qui est nous-même(s) – identique et différent – sous nos traits – et autrement – vivant – invisible – notre visage – notre sève – notre essence…

 

 

L’unique porte du royaume – en soi – qui s’ouvre peu à peu…

Et rien que le silence complice…

 

 

Des mots comme des graines – disséminés par le vent – emportés parfois sur des terres propices – parfois sur des sols incultes. Qu’importe où cela tombe – qu’importe où cela fleurit – désert ou jardin – partout – la résurrection aura lieu…

 

 

Dans la virginale nudité de l’être…

Affranchi de toutes les corruptions possibles – ou les laissant advenir jusqu’au plus haut degré du sacré…

 

 

Du monde – en soi – jusqu’à ras bord…

Ce qui nous prend et nous enchaîne…

Un quotidien déséquilibré qui absorbe tout ce qui passe à sa portée ; choses – idées – bruits – fleurs – visages – soucis – comme mille petits cailloux dans les poches – tout un savoir inutile – des expériences (presque) sans valeur – de quoi (simplement) alimenter la défaite et l’élan suivant vers (espérons-le) le vide et le silence…

 

 

Rien à vaincre – rien à éloigner – rien à décider – oublier ce qui semble nous constituer – cette croyance en notre réalité individuelle…

Des instants – des élans et des courants – simplement – qui passent – qui nous défont ou nous emportent…

Rien de grave – pas l’ombre d’une chose sérieuse (ou inquiétante)…

Du vent et du rire devant tant de manières – devant tant de poussière – devant ce presque rien que nous sommes…

Comme des milliards de bulles d’air dans une sphère immense – du jeu et de la légèreté…

Mille bruits – mille confusions – des échanges et de la transformation dans un silence qui jamais ne refuse – qui jamais ne se lasse…

 

 

Ce qui est – et tous les possibles ; voilà ce que nous sommes – voilà notre tâche…

 

 

Ici – ailleurs – dehors ou dans notre chambre – qu’importe – nous ne pourrons jamais quitter le centre…

 

 

Ça palpite tant au fond du cœur que face au monde – face à la vie – face à la mort – l’âme est toute tremblante…

 

 

Seul l’Absolu (l’infini et l’éternité) peut consoler notre sentiment de finitude…

Un peu d’immensité dans presque rien…

 

 

Rien qui ne soit au sommet de l’âme – au sommet du monde…

 

 

Pour quelles raisons le tragique du monde – et celui de tout destin terrestre – ne nous rendent-ils pas plus sensibles… Sans doute parce que nous oublions le tragique pour trouver la force (et le courage) de vivre…

 

 

Des vies qui n’ont l’air de rien – et qui, de fait, ne sont pas grand-chose…

 

 

Ce qu’il reste – après le passage du temps – quelques vestiges branlants – puis, peu à peu, de la poussière – comme le seul règne possible de la matière – en dépit des apparences (toujours changeantes – toujours trompeuses)…

 

 

Rien ne peut être évité – chaque circonstance – chaque instant – chaque joie – chaque souffrance – a sa place dans notre existence – et dans celle de quelques autres ; à chaque fois – le moyen de nous révéler davantage – de nous approcher, peu à peu, de notre vrai visage…

 

 

Des mots frottés dans le sang – dans la sueur et les larmes – il ne peut y avoir d’autre écriture si l’on veut – un tant soit peu – aborder l’essentiel…

Des mots qui pèsent leur poids de chair et d’âme…

 

 

Le langage – très bien – mais rien ne peut réellement être dit – partagé…

Les livres – dans le meilleur des cas – ravivent ce que nous avons vécu ou éclairent ce que nous sommes en train de vivre. Et en offrant cette remémoration – ou en proposant leur éclairage – ils nous ouvrent les yeux sur l’importance de certains événements dans notre vie – et cette prise de conscience permet de les graver au fond de notre âme – au-dedans de notre chair – au-dedans de nous-mêmes. Certains ouvrages parviennent même à faire pénétrer ces expériences dans notre sang – à les transformer en substance personnelle – en part de soi incontestable…

Grâce aux livres (et à mille autres choses, bien sûr) – l’esprit peut comprendre que nous sommes bien davantage que ce que nous croyons être – au-delà de l’idée de nous-même, nous sommes aussi tout le reste – ces mille éclats du monde – ces mille émotions – tout ce qui nous a touché – ravi – blessé – meurtri… Qu’importe les expériences (et leur nombre), toutes sont une manière d’approfondir et d’élargir l’identité – de nous faire sortir de notre périmètre étroit…

 

 

Le monde comme un oubli de soi – une manière de s’absenter – de s’éloigner de l’essentiel…

Des continents négligés – un trou à la place du centre – le vide déshabité devenant, peu à peu, néant – insupportable vacuité…

Entre mille choses et l’infini – ce qui ne bouge pas – ce qui ne peut se décider – ce qui attend la fin du temps…

 

 

Des siècles d’arrangements et de compromissions au lieu d’affronter la solitude – de plonger dans son tête-à-tête – de réduire le monde à sa propre compagnie…

 

 

Du sang – du souffle – ce qui traverse l’esprit – les tentatives du langage – la parole terrestre – sans mémoire – sans repère – la lune sans le ciel – la malédiction de toutes les naissances…

 

 

Le sol et le ciel sans témoin…

 

 

Il n’y a qu’un peu de rêve dans l’océan – et des milliards de fenêtres sur l’infini. Et il suffit d’en ouvrir une (une seule) pour être accueilli…

Pas d’instinct – pas de ruse – pas de réification, ni d’esclavagisme…

La terre la plus paisible – ce qui offre à la chair son plus juste mélange…

 

 

Rien que des prémices – des expériences propédeutiques…

Des fenêtres et des phares pour éclairer la route…

Quelques rencontres – et un chemin à débroussailler au milieu des vestiges – l’enfer persistant d’autrefois…

 

 

L’absence du monde comme la possibilité de révéler l’Autre en soi…

 

 

Tant de présence à l’intérieur du jour…

 

 

Une parole qui prend appui sur l’âme et la pierre…

Tout au-dedans de l’attention – et le langage à la traîne – bien sûr…

 

 

Le monde à l’échelle du rire – peu de chose en vérité – quelques pierres dérisoires – un peu austères – un peu grises – merveilleuses – sur lesquelles s’agitent et s’éreintent trop d’âmes graves – trop de visages solennels…

 

 

Rien que des hauteurs – un langage sans prière…

Du sang neuf – renouvelé – sans sacrifice…

Du rôle – de l’efficacité – de la fertilité – bannis – rejetés aux marges du nécessaire – trop loin (beaucoup trop loin) pour exister réellement…

Le quotidien plus que solitaire – érémitique…

Une itinérance – de forêt en forêt…

Une tête sortie des enfers – et qui y retourne lorsque le séjour dans les cités – malheureusement – se prolonge…

La violence contre les parois – au-dedans et au-dehors…

La traversée – inévitable – de soi et du monde…

 

 

Rien qu’un sourire – et notre âme offerte – pour aller dans le monde – faire face aux visages – traverser les circonstances…

Et cette ardeur au-dedans qui nous pousse sur des chemins de plus en plus infréquentés…

 

 

D’un continent à l’autre – sur la même peau. Des paysages – des architectures à même la chair. L’apparence du monde…

 

 

Ça circule au-dedans de soi – et autour – comme si nous étions plusieurs à l’intérieur – au milieu du monde…

Ni séjour – ni destination – ni point de départ…

Le temps expurgé – libéré du temps. Des soustractions comme seules réponses possibles…

Mille manières de vivre – et une seule façon, sans doute, d’être au monde – vivant…

 

 

Tout nous dirige au-dehors – là où l’on imagine être mieux – davantage – rassemblé ; des fragments réunis – plus vifs – lavés de la mémoire – avec, derrière nous, un grand mur blanc – et devant, un petit tableau noir sur lequel pourrait s’écrire l’avenir…

 

 

L’opportunité de la glaise – ce que nous croyons être une chance – et qui n’est, sans doute, que le prolongement de l’épreuve – une terre réservée aux âmes opaques – encore trop peu sensibles – encore trop sujettes à la grossièreté de la matière…

 

 

Nous – sans être nous – mille visages sous l’apparence…

Le masque et le temps – jetés à terre – et rien à la place – pas le moindre édifice – ni soi – ni un Autre – et moins encore d’effigie – quelque chose d’indéfini – d’indéterminé – changeant et provisoire – toujours…

 

 

Quelques drames encore – à l’intérieur – les répliques, peut-être, de la secousse initiale – gigantesque – magistrale. Des vagues – un courant – l’air du large et l’océan. Des naufrages et quelques archipels – refuges fragiles au milieu des eaux…

Un peu de blancheur sur notre peau brunie – sur notre peau toute fripée – à force de voyage – à force d’immersion…

 

 

Ce qui loge – en nous – cherche à tâtons tous les possibles – une voie navigable – une autre naissance – le moment décisif pour s’échapper…

 

 

L’ardeur du sang qui circule – avide d’air nouveau et de ciel moins bas – de fenêtres ouvertes sur quelques étoiles – trop lointaines pour être atteintes – simple manière de rêver – de s’offrir sans effort un peu de lumière…

 

 

Le monde – une géométrie sans équation dont nous serions, peut-être (qui sait ?), l’inconnue principale – la trajectoire – l’infini – et, sans doute, la valeur relative à déterminer – une somme aporétique non modélisable – et sans aucune représentation exacte possible…

 

 

La vie comme un chemin – en nous – entre nous – un voyage – mille errances – des peurs et des habitudes – des masques et des armures – mille incompréhensions…

Mille tentatives de se tenir debout…

Et quels que soient les efforts, le courage et les batailles – la victoire, à la fin, de l’horizontalité – du bois et de la pierre sur la chair…

 

 

Sous la même arche que le vent – à demi emporté – comme si nos pieds ne touchaient plus terre. Nous nous déplaçons ainsi – d’une rive à l’autre – d’un langage à l’autre – d’une vérité à l’autre – toujours tourmenté – toujours au-dessus des choses – sans certitude – sans territoire – la chair partout dispersée…

Vivant – comme si vivre était le seul voyage – la seule aventure possible…

 

 

Nous n’abritons rien – nous n’allons nulle part. Tout existe déjà – sans cause première – (presque) sans raison – le corps – le langage – les civilisations – débris d’une chair unique – fragmentée par la volonté originelle et les mille tempêtes du monde…

 

 

D’automatisme en automatisme – la vie passe – se déroule – dans une sorte de sommeil continu – comme une torpeur épaisse du début à la fin – et (presque) sans la moindre étincelle de conscience…

L’ombre, la faim et le néant – très (très) peu enviable l’existence sur terre…

 

 

Personne – comme le signe d’une vérité. Et l’individualité qui rechigne encore à s’effacer. Vivant au milieu de ce double visage – entre ces deux perspectives – ces deux formes de réalité…

Au carrefour du visible et de l’invisible – de l’apparence et des profondeurs – de l’évidence (si souvent trompeuse) et du secret (parfois transparent)…

 

 

La vie descendue des étoiles – à même le sol – à même le sang – au milieu de la mort et des larmes. Au cœur de la finitude (du plus tragique) dont l’éternité (joyeuse) n’est pas toujours (loin s’en faut) perceptible…

 

 

L’aube – la vie – le monde. Mille chemins – mille manières de s’approcher du silence…

Et le même vertige dans le sang…

 

 

De l’ombre quotidienne – comme des couches de mémoire superposées – présentes depuis (trop) longtemps – sans le moindre consentement…

 

 

La folie de mille Autres – en soi. Comme une tempête permanente. Des secousses hors de leur territoire. Des victimes et des meurtriers…

L’âme exsangue et la main assassine…

L’ardeur d’un fauve sur sa proie…

Et des larmes qui coulent sur les joues…

Partout – l’infamie – la tristesse et la culpabilité…

 

 

Rien que des prémices – rien qu’une succession de jours. Des souliers – des pas – des chemins. Et mille territoires à explorer. Et, plus que tout, ce que l’âme aimerait découvrir…

 

 

Seul plutôt que dans la fausse compagnie des Autres. Seul plutôt qu’au milieu du cirque – de la comédie – de la grande mascarade. Seul – hors du cercle – hors de la scène – hors même du théâtre…

Sur un banc – quelque part – loin – très loin – là où le monde n’est plus le monde…

 

 

Entre les pierres et le sommeil – la source à trouver…

Rien que nos paumes ouvertes face à ce que la vie défait…

 

 

L’Amour – parfois – comme un poing fermé – une chair blessée qui se recroqueville – une âme aux ailes déchirées que l’on jette dans le premier fossé…

Et – parfois – une manière de revenir à soi – de protéger l’essentiel des assauts du dehors – de se resserrer sur ce qui a été épargné par le monde – sur ce qui aspire à se régénérer – à renaître – à se déployer – l’Amour lui-même…

 

 

Plongé dans le monde comme au cœur du rêve d’un Autre – lointain – abstrait – irréel…

 

 

Au cœur de la même densité qui – chaque jour – se creuse davantage…

 

 

De plus en plus loin du cercle – de plus en plus invisible – comme si nous n’avions plus que deux yeux à la place du visage…

 

 

Ce qui nous relie – dans l’intimité du jour…

 

 

Une manière de bouger les lèvres – et dans cette parole – sentir toutes les secousses de l’âme – l’être vibrer jusqu’au cœur…

Une parole pleine – dense – profonde – qui n’a d’égale que le silence…

 

 

Une âme sans boussole – sans arme – sans étiquette – prête à innocenter le monde – à accueillir tous les suicidés – ouverte même aux siècles imbéciles empêtrés dans la ruse, le mensonge et l’infamie…

 

 

Rien de grave – ni d’inquiétant – le monde qui tourne – la vaste colonie humaine dans ses œuvres d’envahissement – les bêtes que l’on égorge – la terre que l’on exploite – les plantes que l’on sème en ligne – en masse – pour le fourrage humain – les pierres et les sous-sols que l’on pille…

Rien de grave – ni d’inquiétant – le point culminant, sans doute, de l’hégémonie et du massacre – l’apogée de l’horreur organisée – la consécration joyeuse des crimes et des tueries industrielles…

 

 

La danse des bâtons – autour de soi – farandole qui nous encercle – qui se resserre – sur le point de nous étouffer…

 

 

A vivre – comme si le naufrage était la seule destination possible – comme une course arrêtée – un voyage stoppé net – une chute, puis des dérives – la poursuite de l’errance – ailleurs – autrement – la continuité de la pente…

Ce qui nous fait pencher – puis, basculer. Ce qui nous précipite dans le vide – vers nous-même – dans l’attente inconsciente de ce tête-à-tête déterminant…

 

 

A vivre – et la nuit – et dans la proximité des étoiles – dans un mouvement de balancier – avec d’étranges oscillations entre le rêve et le recommencement. Comme une respiration – un battement régulier – un ballet mécanique…

A vivre dans le règne permanent des mondes parallèles – le sommeil en tête….

 

 

Au carrefour des crucifiés – au milieu de l’absence – au cœur de tout ce qui (nous) sépare…

 

 

Le monde comme un tunnel – une fausse issue vers le silence – un poids suspendu au-dessus de nos têtes – un point (minuscule) dans l’espace – rien dont nous puissions être sûrs…

 

 

Rien n’émeut la foule et l’homme ordinaire – trop crispés sur leurs habitudes – sur leurs certitudes – où l’Autre et le monde n’existent pas – ou seulement comme possibilité d’assujettissement ou de jouissance…

L’humanité – avec ses modes relationnels grossiers – qui voudrait nous faire croire qu’elle est ce qu’elle ne peut être encore…

 

 

Des vies à remplir – du temps à occuper – mille manières de se distraire…

 

 

Rien – que des lambeaux du monde défait – des bribes de matière et d’histoires. Ce qui brille comme une évidence devant nos yeux…

Rien – comme du néant habillé de ciel – mais, en réalité, du ciel habillé de néant. L’essentiel déguisé en multitude – recouvert de parures et de superflu…

Rien ne peut être dit – la parole comme la marque d’une infirmité. Seul le geste révèle l’envergure du silence – et le mystère que nous sommes…

 

 

Pure émotion – le tragique et l’humilité – l’innocence et la nudité – l’incertitude et l’inconnu...

Quelque chose comme un regard sur une porte immense qui s’ouvre peu à peu…

Le lent effacement d’une identité mensongère devant l’apparition progressive de notre vrai visage…

 

 

Tout ce qui nous détourne – nous distrait – nous éloigne. Une manière de tourner en rond – une forme d’errance en boucle, en quelque sorte…

C’est cela que les hommes privilégient – cette façon de vivre ; mille choses – mille gestes – mille actes – pour tenter d’échapper au pathétique et à la tragédie…

 

 

Comme une terre étroite – sans soleil – sans horizon – tout juste de quoi se tenir debout et mettre un pied devant l’autre…

 

 

Seul – sans alliance – hors de tous les cercles – ceux des victoires et ceux des massacres. A l’écart – sans ressemblance – sans assemblée – au milieu de personne – en soi – comme le monde et le reste…

 

 

Ce que le monde nous interdit – ce que l’âme nous autorise – le baiser aventureux sur les lèvres de l’Autre et ce goût de mort qu’il nous laisse dans la bouche – le soin de notre carcasse usée par les amours déçues – notre âme épaisse et le sang encore vif dans nos veines…

Tout ce qui désobstrue la vue…

Tout ce qui favorise la lucidité…

 

 

Trop de distance entre nous et les Autres pour être entendus – appelés – compris – ensemble…

 

 

Les heures – à présent – s’écoulent – singulières – intenses – vibrantes – uniques. Et tout est contenu dans leur silence…

 

 

Notre solitude – autour du noir – au milieu de la lumière. Un désert comme un centre – un carrefour où mènent toutes les routes – quelque chose qui ne s’atteint que par l’errance et l’abandon…

 

 

Ce que la vie brûle et défait – exactement ce qu’elle nous a offert au fil des pas – le présent en plus – celui de nous laisser seul(s) avec nos douleurs et nos questions – et la réponse au centre – au fond de l’attente qui se creuse à mesure que l’on s’abandonne – à mesure que l’on se laisse submerger par la désillusion qui dessine autour de nous – puis, en nous – des paysages de défaite et de désolation – une forme de néant – le terrain le plus propice à la découverte – et à la rencontre – de ce que nous sommes…

 

 

Une paire d’yeux pour cisailler le réel – un regard pour oublier – et deux mains pour consoler ce qui en nous – ce qui partout – n’a encore compris…

 

 

Du silence et de la grisaille. Rien d’autre aujourd’hui. Une partie du cœur – là – présente – et l’autre ailleurs – on ne sait où – partie, peut-être (l’idiote) rattraper un bout de vérité qui s’enfuyait…

 

 

Existence cachée – étrangère aux hommes – proche de la parole discrète et du silence – des bêtes – des arbres – des pierres – de la nuit désertique…

 

 

A se détourner du monde comme l’on se détournerait d’un monstre odieux – répugnant – méprisable…

 

 

D’un labyrinthe à l’autre – d’un sommeil à l’autre…

Vivre ; déambuler – se cogner – rêver – les yeux clos…

L’absurde existence de surface qui n’a (encore) trouvé son ancrage intérieur – vertical – le socle de toute matière – de tout phénomène – sa connexion au cœur infini…

 

 

Rien – la mort – comme un compte à rebours…

Ici – rien de ce qui était – rien de ce qu’il y avait – autrefois – le passé vaincu – le temps bouleversé – presque à terre…

Une marche lente à travers les jours qui se succèdent – parmi personne – les seuls visages ont disparu ou se trouvent à l’intérieur – et parfois les deux…

Nous ne savons plus où aller – ni où jeter les contenus successifs de la tête…

Nous flottons autour – au-dessus de nous-même – quelque part – là où nul ne peut nous voir – là où nul ne peut nous retrouver…

Entre l’invisible et l’inexistence – nous sommes…

 

 

Ça tourne au-dedans de tout – ce sable – ces rêves – nos mille substances…

Ça se dilate – ça se rétracte – ça devient, peu à peu, une extension du corps et du langage – un monde prolongeant le monde – un surcroît d’océan – un ciel extensible avec, dans chaque repli, des milliards de galaxies – des milliards de visages étranges – des images, peut-être, que l’on projette sur nos propres murs – dans cette enceinte étroite qu’est la tête – les sous-sols de l’esprit – le même espace qu’aux origines mais recouvert d’os – de sable – de pierres – de vieux rêves brisés – une aire obstruée (presque entièrement) – saturée – pleine – qui est devenue trop limitée (à présent) pour accueillir une seule parole – une seule once de vérité…

 

25 décembre 2019

Carnet n°215 Notes journalières

Rien à offrir – un peu de blancheur, peut-être, sur un (très) provisoire carré de terre – l’espace de quelques jours – l’espace de quelques nuits – un peu d’eau – et le ciel en cercle autour de nous…

 

 

L’infini – ici – et qui nous portera à l’autre bout de lui-même – quelque part – sous une latitude inconnue – à une altitude imprécise – sans doute à la même hauteur que ce qui ne peut être soustrait…

 

 

Le corps sans la soif – l’esprit sans la langue…

Le bleu comme voie directe…

Le ciel – à nouveau…

La disparition et le manque – en chacun – comblés par l’absence…

Et le tout mélangé – provisoire – à demeure…

Le réel avec ses mille masques étranges et changeants…

 

 

Le contentement – comme un pli – comme un sillon, peu à peu, creusé – un état davantage qu’un effort ou une chance. L’impression d’entrer dans une zone sans inconfort…

Une manière, peut-être, de compenser le jeu de l’âme lancée dans le grand cirque du dehors…

 

 

De tous côtés – le centre – comme un travail – un acharnement – malgré la fatigue – ce qui se poursuit avec les forces qui naissent lorsque le courage commence à manquer – un automatisme de survie, peut-être… Une manière de redresser l’âme bancale – de faire revenir le jour dans nos vies trop sombres – sur cette terre misérable et malheureuse…

 

 

Ce qui est inscrit dans la langue – au cœur même de l’opacité – cette blancheur – cette transparence – ce silence de la voix – comme rassasiée…

Comme une suspension au-dedans de la parole – sans interrogation – sans le jeu incessant de la tête qui se questionne…

 

 

On ne peut nier ce qui, sans cesse, s’approche. Tôt ou tard – il faut tendre la main – allumer une lampe en guise de phare – en guise d’accueil – sortir de son sommeil – pour voir ce qui arrive – pour voir ce qui se présente – pour voir ce qui est là – tout près – et qui ne pourra résister très longtemps au désir de nous rencontrer – de nous découvrir – de nous connaître…

 

 

Les choses passent – et l’esprit lâche ses monstres pour remettre en ordre ce qu’il apparente à un chaos. Tout est chamboulé ; à chaque instant – le même défi – le même enjeu – et la même crispation sur ses règles dérisoires. Comme un malaise permanent…

Pas encore assez fort pour tout abandonner – et s’en remettre aux lois inconnues – et toujours surprenantes – de la providence…

 

 

La terre entière – parfois – sur la feuille – qui pèse de tout son poids – comme si nous portions le monde – ses malheurs et ses petites aventures – sur nos épaules – dans notre tête…

 

 

A jouir d’un temps sans égal lorsque l’horloge se brise et que la mémoire éclate – plus ni d’avant – ni d’après – que l’instant qui se répète (et jamais à l’identique) – du noir devant – du noir derrière – et entre, cet éclat – ce blanc – comme une parenthèse lumineuse – un intervalle dans le néant – dans les abysses cosmiques où la terre et l’esprit sont (habituellement) plongés…

 

 

Tout prend feu et se disloque – comme l’étoile filante – des vies et des spectacles – à très courte durée – aussi brefs que l’éclair…

 

 

Peut-être y a-t-il la plus grande bonté dans l’apparente indifférence des pierres – à l’égal du silence qui n’est qu’accueil – Amour – acquiescement. La chose la plus aimable – la chose la moins hostile – du monde – en vérité…

 

 

Dieu – blotti contre notre chair – lorsque le monde et les visages ne pèsent (presque) plus rien dans notre vie. C’est au cœur de cette absence qu’il s’approche – qu’il nous investit – qu’il occupe la place que nous avions toujours offerte aux Autres avec trop d’espérance et de naïveté…

 

 

Debout – sans retenue – sans loi – sans ossature – sans défi à relever – sans visage devant soi – debout simplement – comme le reflet d’une assise qui a trouvé sa verticalité intérieure…

La juste place de l’homme peut-être…

 

 

Ce qui nous agite – ce qui nous éloigne – ce qui nous emporte – avec l’arrivée de l’hiver. La neige et le froid – ce qui nous manque – sans savoir s’en prémunir. Un peu de chaleur entre les lèvres – le souffle de l’Autre pour se sentir accompagné. Une parole que l’on couche à côté de ses sœurs – sur la grande feuille posée devant nous – celle qui appartient au grand livre de l’âme – là où le monde tient une part si manifeste – comme une manière de conforter notre solitude – de légitimer notre retrait – notre repli – notre isolement…

 

 

L’opacité d’un silence – l’éclat d’une parole. Et l’indigence que révèle toute demande…

Comment pourrait-on refuser d’offrir ce que le monde nous réclame…

 

 

Que pourrait-on ajouter au délire – à la folie – des hommes… Quel acte – quelle parole – pourrait donc faire obstacle à cette vague submergeante – dévastatrice – infiniment mortifère…

 

 

Usé – déçu – anéanti – par la prégnance des instincts – par l’aveuglement des actes – des élans – des initiatives – par la grossièreté des rêves – par l’opacité et le mimétisme des désirs – par l’étroitesse et la cécité à l’œuvre…

Des remparts et de l’immobilité. De l’expansion et de la domination. Et toutes les armes posées devant soi que l’on camoufle maladroitement…

 

 

Rien qu’un rythme quotidien qui transforme l’existence en périmètre restreint – compartimenté – où l’ordre des choses confine aux automatismes…

Il faudrait tout abolir – en soi – et laisser régner le naturel – le plus spontané – tous les possibles. Qu’importe la confusion et le désordre engendrés pourvu que l’honnêteté préside aux actes. La vie n’en serait que plus vive et plus joyeuse…

Plus de routine – plus de tristesse – ou alors comme simples éléments naturels – provisoires – absolument non systématiques…

 

 

Ce que l’on rencontre – la flèche et la main ouverte – la région de l’âme la plus tendre – l’apparente solidité du monde – et, plus que tout, le silence et l’Amour qui se renouvelle…

 

 

Sur une corde – à cheminer au-dedans du souffle – de l’Autre à soi – d’un pays (presque) de hasard à une région élargie – de la solidité apparente à l’inconsistance – de la fausse identité à l’authenticité du nuage…

 

 

Un instant – quelques mots – sous le ciel. Et toutes ces pierres à portée de main…

Un peu de bleu sur la langue pour que le dehors disparaisse – s’intériorise – devienne le centre – au même titre que ce qui a déjà l’air d’exister au-dedans…

 

 

Les choses ont l’air de passer – mais les yeux mentent. Ça a lieu sans le rythme – sans le temps. Tout se meut – et se mêle – dans la confusion – dans une forme (presque) de monstruosité – d’un état à l’autre – sans dérapage – dans une forme de pur désordre…

Comme un vent étrange qui nous offrirait une musique – un élan – une épaisseur – une chose qui ne pèserait (presque) rien – l’énergie et la confiance qui nous manquaient peut-être pour s’abandonner aux mouvements du monde – aux besoins de la psyché – aux nécessités de l’être – pour s’ouvrir aux profondeurs et à la sensibilité de l’esprit – à la justesse (implacable) de ce que nous vivons…

 

 

Dehors – encore – sans entêtement – le monde et les hommes comme un simple décor mobile – des pierres sur leur pente – et, parfois (trop rarement), un peu d’âme – un peu d’être – qui transparaissent – la possibilité (enfin) d’une rencontre qui nous redonne aussitôt figure humaine ; un visage, à nouveau, aimant – deux bras tendus – et l’âme offerte…

 

 

Tout le ciel dans un seul geste…

Tant de silence dans une seule parole…

L’Amour et l’infini au-dedans du même visage. Dieu en actes – pour l’éternité…

L’au-delà de l’homme incarné (réellement) par l’âme…

 

 

Ce qui tombe – et ne se relève pas – cela en moins à porter. Manière de s’alléger – et d’apprendre, peu à peu, à voyager dans la nudité sans attribut…

 

 

D’une chute à l’autre – ainsi se découvre-t-on – dans la soustraction et l’élimination progressive de toute mesure…

Au point zéro – la maturité se révèle – et ce seuil franchi – commence le véritable voyage – dont toute volonté est exclue…

 

 

Le jour glacial – comme si, dans notre vie, l’hiver dominait…

Tout – le monde – le souffle – les pas – se présentent comme s’ils jaillissaient du sol et transperçaient la neige…

 

 

Être sans le récit de soi…

L’état brut – à chaque instant – cet étrange mariage de la matière et de l’esprit ; le corps – la psyché – et tout le reste – le plus essentiel – de toute évidence…

 

 

Trop de fatigue et de résidus – ce qui opacifie le regard – la sensibilité – ce qui recouvre ce qui pourrait nous révéler…

 

 

Rien à dire – parfois – comme si ce qui était à dire se trouvait – essentiellement – dans le geste…

Le regard et la main – ce qui reste à la fin – après toutes les soustractions nécessaires…

La faim, peu à peu, déplacée – jusqu’à la satiété – jusqu’au silence…

Demeurent la curiosité et l’étonnement – le goût de la découverte et de l’exploration – le jeu joyeux d’apprendre – sans attente – sans enjeu – la joie permanente des premières fois, en quelque sorte…

 

 

Rien – un trou – un gouffre peut-être – du noir – et quelque chose au milieu – quelque chose de mobile – on ne sait pas très bien quoi – un manque – un besoin de lumière – un appétit pour nous-même(s) sans doute…

 

 

Du silence – de la solitude – un carré de terre sauvage – un coin de ciel – et nulle autre exigence…

 

 

Du sable – presque toujours – ce qui (nous) sert de socle et de matériau. Aussi comment pourrait-on croire, un seul instant, au sérieux de nos édifices ; nous ne sommes que des enfants qui jouent avec leur pelle et leur seau et qui se prennent pour des Dieux – de grands bâtisseurs – les maîtres de la plage…

Des jeux – des broutilles – des enfantillages…

 

 

Il ne restera rien – à la fin – qu’un peu de vent déplacé…

Le même point obscur – et cette étrange lumière au milieu…

 

 

On écrit – peut-être – pour épuiser la parole – la faire tendre vers le silence – réduire l’épaisseur de l’âme – devenir la nudité – démêler ce que nous avons tressé pendant des siècles – puis, tout jeter au feu – sans pitié – sans la moindre nostalgie…

 

 

Un peu de souffle et de peur – le temps de vivre – à peine quelques instants – puis la mort qui emporte – et avec laquelle tout est enterré…

 

 

Arrivé à ce point où rien ne distingue la langue du monde – là où le mot devient l’égal du geste – mais est-ce seulement possible…

 

 

Une longue errance – mille dérives pour parvenir jusqu’à Dieu – sans un seul pas…

Des yeux au regard – tant de chemins – et tous les égarements possibles…

 

 

Ce qui sépare les choses – les mille choses du monde – ce qui les rapproche – ce qui les range – ce qui les classe et les catégorise – et ce qui les laisse s’organiser à leur guise – sans règle – sans loi – particulières – au fil des assemblages et des séparations naturels et spontanés…

 

 

Il y a – en nous – le jour – et toutes les nuits possibles – ce qui abrège et ce qui prolonge – mille échelles et aucune hauteur possible…

Le désordre et la cohérence – mais pas la moindre contradiction – des oppositions et des luttes naturelles…

Ce qui nous constitue – la manière dont notre chair a été façonnée – jour après jour – pendant des milliards d’années…

Voilà pour l’apparence – la surface – l’épaisseur…

L’essentiel, lui, est un puits de lumière intérieur – un tunnel vertical qui plonge jusqu’au centre de l’étendue – jusqu’au cœur de l’infini – connecté au reste par le souffle – toutes les respirations du monde – et mille autres canaux invisibles…

 

 

Une volée de moineaux sous mon front – quelque chose – mille élans – qui guident ma main – qui convient le monde à ma table – qui déploient leurs ailes sous mes pas…

 

 

Tout se referme avec la nuit – ce que le jour a glissé dans notre âme s’efface – et à la place – le visage triste devant le temps qui passe…

 

 

On a beau allumer quelques lampes – on ne retrouve rien – tout est sens dessus dessous – comme déplacé vers le bas – comme si tout s’était caché dans les recoins de l’esprit – et attendait notre sommeil pour s’aventurer au milieu de la pièce – repousser la joie – et occuper les lieux…

 

 

Des jours comme des ténèbres – nous reniflons les évidences – ce qui arrive maladroitement dissimulé derrière les apparences…

 

 

Tant d’hésitation et de dérives à l’envers de soi – cette face que nul ne voit – qui n’est exposée qu’aux yeux fouineurs – et qui ressemble à un dédale de murs blancs – très hauts – très longs – comme un abîme, parfois, déguisé en rempart…

 

 

Des voiles et de grandes cernes pour embrasser la nuit qui monte vers nous. Et ce cri – et ces craintes – dans la gorge – comme coincés par ce qui – en nous – manque de confiance – les idées des Autres – quelques apprentissages ridicules…

Tout un peuple de créatures sans âme – de fantômes qui nous hantent et nous assignent à résidence dans la pénombre…

L’obscurité – le noir intégral – jusqu’en plein jour…

 

 

Des colliers de mains déchaînées qui cherchent à égorger notre joie naissante. Le signe, peut-être, de notre immaturité – de notre trop conséquente fragilité…

 

 

Entre regard et transparence – l’enlacement de l’innocence – le secret le moins bien gardé du monde – de nouveau – entre nos mains. Comme un peu de soleil dans l’âme – sur le visage. La récompense, peut-être, après ces années trop souterraines…

 

 

Mille soleils devant soi…

Une terre vivante…

Et la douceur de l’âme qui respire – pas même troublée par le monde…

 

 

Le corps des Autres aux veines profondes – presque assoupis – plongés dans le rythme des heures – les mains pleines d’objets étranges – de choses qui brillent – les yeux opaques – presque clos – et ce rire collé sur les lèvres – abstrait – comme irréel…

Des existences trompeuses – presque sans vérité…

 

 

Les pierres – toujours de notre côté – comme les arbres – avec les plus humbles – avec ceux que l’on ne remarque pas – et qui ont, pourtant, les mains pleines de sagesse et la bouche silencieuse – la lumière comme seule ossature que l’humilité recouvre d’un peu de terre – d’un peu de chair – pour que l’apparence demeure modeste…

 

 

A portée de prières – le ciel comme une simple promesse – une destination lointaine – inatteignable – que l’on fait miroiter aux non-voyageurs – à ceux qui ne cherchent qu’un refuge – qu’une distraction – qu’un peu de sommeil…

 

 

Si aveugles qu’au-dessus de l’abîme – au cœur du miracle – ils n’éprouvent pas le moindre vertige…

Des profondeurs trop recouvertes – la surface – les apparences comme une opacité – un masque jeté sur le visage – un bandeau qui recouvre – plus que les yeux – le regard…

Il faudrait se pencher davantage en soi – pour éprouver cet étrange sentiment d’infini et de densité – l’intensité de l’être qui rayonne – qui libère – qui offre aux vivants leur justesse – leur beauté – et quelques frémissements face à la vérité…

 

 

Une parole à l’aune de l’éternité – invisible aujourd’hui – noyée par les petits soubresauts des jours et des siècles…

 

 

Rien – une lumière sur le visage – des racines plein les bras. L’âme qui porte des sacs d’étoiles. Des jardins – et, sous la terre, des amas de morts – et, au fond de l’abîme, cet incroyable soleil…

Le monde entier qui coule dans nos veines…

 

 

De la braise – comme un feu abstrait – incomplet – presque éteint – une chimère sous le sommeil ; rien qui ne brûle – rien qui n’écorche – rien qui ne pousse l’âme – les gestes – les pas – jusqu’à l’incandescence – jusqu’à la brûlure…

Tout juste de quoi aller jusqu’au lendemain – à peine…

 

 

Un peu de bleu sur nos blessures – une manière de retrouver le centre du cercle – et de s’y rendre par les voies les plus douloureuses – inévitables (le plus souvent) – la tête plongée dans les plus obscurs souterrains que le monde ait creusés (à l’intention des vivants)…

 

 

Au commencement – rien qu’une pierre – une étoile – puis, la naissance du sang – de la chair – des visages – le point de non-retour ; la possibilité de l’infini matérialisé…

Puis, la course folle qui emporte le monde…

 

 

La pierre et le monde – nés du feu. Tout, bien sûr, naît du feu – et du silence consentant…

Et nous sommes cela à l’origine – au début de tous les commencements…

Un mélange d’or, de poussière et de sang…

De la glaise et des cris – du ciel et de la chair – et un restant de lumière…

 

 

Assis au milieu des Autres – dans cette étrange fratrie fratricide au sein de laquelle les derniers nés ont pris le pouvoir – terrorisent – martyrisent – exterminent – ceux dont l’intelligence est silencieuse – sans langage articulé…

 

 

Des songes et la lune – autour de nous. Comme un peu de joie – un peu de soyeux dans la nuit – un peu de chaleur sous le front – une manière de tromper le temps et la faim – d’éveiller le désir pour un ailleurs plus enviable – et de donner à ce qui nous entoure – à ce qui est là sous nos pieds – une apparence moins rude…

 

 

Une bouche sans syllabe – un temps suspendu – quelque chose qui s’affine – et se déploie peut-être – malgré la chair trop grossière…

Du silence et les vibrations du monde ressenties dans le sang – comme un cœur qui pulse – mais au-dehors…

Un tourbillon au fond duquel tout est aspiré…

 

 

Rien derrière le monde – les visages – que des façades avec un peu de vent et de ciel par-dessus. De la chair vivante – sans nom – indistincte – d’un seul tenant – une sorte de monstruosité informe – molle – qui se déplace en rampant – presque inerte malgré la vitesse des échanges entre ses éléments – et leur incessante transformation…

Comme un piège qui tourne en rond – sur lui-même – lent – immobile – au milieu de la nuit – quelque chose d’obscène et d’effrayant – avec, au-dedans, tous les visages de la mort…

 

 

Tout nous dévore – nous dissout – nous efface – de la matière à transformer…

Rien – jamais – de fixe. Rien – jamais – de définitif – bien sûr. Une permanente transformation des apparences – des formes et des couleurs – et derrière peut-être – et au fond peut-être – un peu de lumière…

 

 

Des horizons morcelés – ce qui se perpétue…

Une terre et des pensées – mille sommets et autant d’éboulis – le fatras des hommes et des bêtes – le fouillis des pierres et des plantes – dans tous les sens – mélangés – avec des ronces dans le sang et de la roche au fond des cœurs…

Ça s’agrippe – ça se déchire – ça s’envahit…

Le monde à genoux – qui se redresse – qui s’affaisse – qui n’est plus le monde – qui n’a, peut-être, jamais été le monde…

Ce qui est là – simplement – ce qui a l’air d’exister…

Ce qui semble mourir – se briser – disparaître – et renaître – perpétuellement – mais qui n’est qu’une danse, en vérité, sur les rives que les Dieux ont façonnées…

 

 

A chaque fois – dévoré par le même commencement – d’heure en heure – de jour en jour – jusqu’à la fin…

Sans savoir où nous sommes – sans savoir qui est qui – et s’il nous sera possible de vivre l’instant d’après…

De la stupeur et de lointaines rumeurs…

Un pont d’argile – une possible incarnation…

La faim et mille idées – mille poncifs – en vérité…

Quelque chose d’indécent…

 

 

Des Dieux à la mesure de notre attente. Des miracles lointains. Ce qui pourrait nous brûler – nous dit-on – si l’on s’approchait. Plus tard – ailleurs – lorsque les paupières seront closes – lorsque l’aube descendra sur le monde – un jour, peut-être…

 

 

Ce qui nous emporte – pas même les chemins – pas même le destin des Autres – pas même la tournure du monde – pas même ce que nous sommes – le (pauvre) reflet de notre visage dans les yeux de ceux que nous croisons…

 

 

Nous autres – sur les pierres – les mêmes depuis le début du monde – devant la lune – la même qu’au premier jour – à nous activer sans rien comprendre pour apaiser la faim au lieu de nous interroger…

 

 

Rassemblés sur un socle d’argile – devant des murs érigés par d’Autres – tous les Anciens et ceux qui, inlassablement, les remplacent – sur lesquels on a accroché quelques horloges – à intervalles réguliers – et de grandes flèches pour donner la direction – le sens de la marche…

 

 

Sur le versant d’un autre jour – comme dans un autre monde – comme dans une vie qui ne ressemble plus à ce qu’elle a l’air d’être…

Du vide à la place du front – de la joie à la place du cœur – et l’Amour, encore timide, qui se redresse, peu à peu, au fond de l’âme…

 

 

Rien que du vent sur nos épaules – ni l’Autre – ni le monde – ni la mémoire. Du vent – rien que du vent…

Et à nous voir marcher ainsi – le dos voûté – on pourrait croire que dans le vent il y a l’Autre – tous les Autres – le monde – tous les mondes – la mémoire et tous les souvenirs depuis la naissance du premier visage…

Du vent peuplé de fantômes…

 

 

Des chuchotements sous le front. Et des ombres larges et intenses qui se partagent notre âme…

 

 

Le pas silencieux – assidu – vers la lumière nomade. Un chemin d’écume et de nuages. Des murs franchis – des lieux traversés – nulle part où s’établir – sur la page – dans l’âme – pour un instant – là où les grilles ne sont que des reflets – là où le monde n’est qu’une image – là où l’Autre n’existe pas – ou, si cela était possible, un frère à aimer…

Sur ce fil invisible – qui se crée et se défait à chaque pas – entre précipice et vertige…

Seul – à chaque instant – à dévisager le soleil…

 

 

Rien que la solitude et la précarité du socle – l’étrangeté des signes qui jaillissent et la profusion des choses qui émergent de la source…

Ce qui nous accompagnera toujours…

 

 

Mille secrets à découvrir dans mille temples différents – invisibles – introuvables…

Ce qui nous fait tourner en rond depuis toujours…

Fi donc des secrets et des temples ; regardons – accueillons – devenons – la beauté et le sacré qui s’invitent à l’instant même…

 

 

Le prolongement tangible du silence – de l’ineffable…

Ce qui s’offre – ce qui nous traverse – ce qui tremble au-dedans ; ce qui est là – toujours innocent…

 

 

Le langage du feu et de l’abîme – celui qui brûle et rejette l’espoir – les images – les idoles – et qui pose l’instant et l’intensité sur l’autel du temps…

 

 

Des choses sans nom – sans famille attitrée – sans compagnie. Ce qui se passe des Autres et du langage…

Ce qui nous rapproche…

 

 

Dans une pierre – un arbre – dans les yeux des bêtes – il y a, à la fois, Dieu (tout entier) et l’insoutenable portrait du monde…

 

 

Entre les loups et les tambours – ce chemin qui serpente et qu’il faut emprunter…

Autour de nous – des pierres – des arbres – le chant énigmatique des oiseaux – le vent – ce qui détache notre nom au fil des passages…

Le sang et l’eau du fleuve qui se mélangent. La musique qui danse dans les veines. L’écume du monde sur la peau – balayée d’un geste vif – et jetée contre les rives…

Personne – nul ne marche…

Le centre – la destination – se tiennent au fond de l’âme – jamais au terme de l’itinéraire puisque le voyage n’a de fin…

 

 

D’un bout à l’autre du monde – de l’âme – les mêmes chemins – ceux qui sont visibles et ceux qui le sont moins. Et – toujours – en un seul voyage…

 

 

Des jours – des instants – comme des passerelles – une échelle au-dessus du temps – de la nuit perceptible entre les pierres – une barque qui dérive sur les eaux – entre les rives du monde – de plus en plus lointaines – comme un chemin qui s’élargit – comme une trajectoire ascendante – nous suivons les méandres – nous serpentons comme serpente le sentier – marchant aveuglément – confiant dans la main du vent qui nous guide – les yeux fermés sur la terre blanche – l’âme ouverte sur l’immensité qui s’annonce – sur l’immensité qui se dessine…

De bas en haut – puis, de haut en bas – du plus singulier – du plus pathétique – jusqu’à l’étendue – jusqu’au pays de la source…

 

23 novembre 2019

Carnet n°214 Notes sans titre

De la grandeur exagérée du monde. Et l’âme pas aussi inexistante – pas aussi inconsistante – pas aussi infime – que le laisse entendre la vie des hommes…

Un monde devenu particulier à force de limitations – d’œil restreint – de perspectives étroites – au-dedans comme au-dehors – que nous distinguons parce que nous nous imaginons séparés du reste par une frontière apparente – illusoire, bien sûr – révélatrice seulement de notre perception limitée – infiniment partielle – presque (totalement) erronée…

 

 

D’un monde à l’autre – d’un temps à l’autre – sans que nous comprenions cette alternance – cette oscillation – lien, peut-être, entre les extrémités – joint entre ce qui existe de part et d’autre – ici – ailleurs – entre un peu plus loin et là-bas – un peu partout à vrai dire…

 

 

Ce que l’on imagine n’est rien d’autre – en vérité – que la conséquence d’un réel lacunaire – déficient – altéré – une manière de combler le manque – entre compensation et consolation – et qui est devenu la règle tant cette perception du monde et cette perspective sont communes (et répandues)…

 

 

Ce qui se tord – ce qui se rompt – sous la pression des Autres – pure infamie – conséquence malheureuse – inconvenante – inutile…

L’axe central au-dedans – inflexible – déterminant – aussi invisible et puissant que le vent – devenu le levier corrompu du monde – de ces armées de visages sous le joug de leur propre volonté – essayant d’anéantir ou de rallier à leur cause toutes les tentatives de résistance – de rébellion – d’indépendance…

 

 

Au cœur d’une clarté moins mensongère qui – jamais – ne nie la nécessité (régulière) de l’ombre…

 

 

Quotidien et existence anomiques – sans règle – sans loi – organisés selon les nécessités de l’instant et les exigences de l’âme – entre pragmatisme circonstanciel et essentiel métaphysique…

 

 

Ni exil – ni déracinement – véritables. Une manière – simplement – de se sentir partout étranger au monde (humain) – d’appartenir essentiellement à une autre sphère du vivant – plus proche, peut-être, de l’être (dans ses balbutiements) que des instincts terrestres les plus grossiers – que des mécanismes (presque primitifs) de la survie…

Et, en définitive, plus solitaire que soumis à un quelconque besoin d’appartenance…

 

 

Les jardins dérivés – ce qui s’est créé avec l’errance – une fantaisie de l’âme en mal d’ailleurs – en mal de rêve ; la recréation d’un monde naturel. Une manière de vivre, chaque jour (à chaque instant) au milieu des arbres…

Sous un ciel de joie où que l’on aille – où que l’on soit…

 

 

Des choses en désordre – un monde souterrain – le chaos apparent – l’ordre sous-jacent. Rien qui n’obéisse à une forme quelconque d’esthétisme. Seule la nécessité compte – et lorsque celle-ci est naturelle et totale, elle engendre inéluctablement la justesse et la beauté…

L’harmonie quels que soient l’ordonnancement de la surface et la logique des profondeurs…

 

 

Cet incroyable dégradé de joies jusqu’au bleu. Le ciel sans rival – et l’âme sans prétention. Les clés de tout véritable destin – l’apparence d’un parcours où seule compte la transformation perceptive – le passage (progressif) de l’œil au regard – de l’individualité à l’infini…

 

 

Toutes les choses du monde – et ce que l’âme peut porter…

 

 

Au fond – dans ce creux de nulle part – là où tout émerge – là où tout finit par retomber…

 

 

Le flux et le reflux du monde sur l’âme – comme sur une terre infertile – impénétrable – aux récifs acérés – taillés comme des remparts…

 

 

A vivre et à voyager – comme si l’instant était la seule loi – l’unique certitude – comme si plus tard – comme si demain – n’existaient pas – comme si la terre était une vallée sans importance – comme si le ciel était la seule réalité – comme si l’âme n’avait soif que de gestes justes et de vérité…

 

 

Une solitude à même les pierres – les arbres comme seuls visages. Entre le ciel et la roche – les pas – les pieds – hors des chemins où l’on piétine – hors des cercles – comme affranchis de ces danses sans fin. Le cœur brave et courageux – à regarder la lune – l’horizon – et ceux qui participent à la construction du monde – immobile – sur le bord de la route…

 

 

Le monde fantôme et ses superflus – ce qui existe pour remplir – occuper – se divertir – le règne de la distraction – partout – de façon permanente ; l’Autre – les Autres – les gestes – les tâches – comme échappatoire et vaine consolation à la misère et à la solitude terrestres…

Engourdissement et sommeil – comme unique manière d’essayer d’échapper à ce que l’on apparente – à tort – au pire…

 

 

Dans le retrait – la hauteur et la solitude – des nuages. Fort de cette inconsistance – de cette irréalité pour que l’œil demeure lucide…

 

 

En soi – cette colonne de lumière – à même la chair – à même l’esprit – tunnel vertical – jonction avec tout le reste – avec ce que nous imaginons être le monde…

 

 

L’assise au fond de l’âme – dans cette simplicité quotidienne – de geste nécessaire en geste nécessaire – de silence en espace de contemplation – de dialogue en rencontre avec soi – ce que l’on porte – l’infini et ses fenêtres – la matière – la psyché – et leurs lourdeurs – et leurs doléances parfois – ce que chacun espère, sans doute, en secret – en son for intérieur – dans l’intimité de son tête-à-tête…

 

 

Proche de tout – dans l’intimité des choses – lorsque le geste devient caresse – prolongement du monde – extension de la matière – jonction avec l’esprit…

L’expérience de la non séparation ; la matrice de toutes les joies…

C’est dans cette profondeur et cette densité que se creusent la sensibilité et la tendresse…

L’Amour comme seule manière possible d’être au monde…

 

 

Le grand jour – la grande heure – l’instant souverain – la grande vie – celle qui ne nécessite qu’une présence – la vacuité de l’esprit – le plus simple de l’âme – ce qui se présente et nos deux bras offerts – la totalité de l’être sans la moindre restriction…

La joie sereine – le cœur innocent – la main tendre – le regard ouvert – sans attente – désengagé…

 

 

Ce qui surprend l’esprit – ce que le corps savait ; l’intelligence et la mémoire des cellules. L’oubli de la psyché – l’éviction et l’enfouissement comme seule manière de survivre. L’homme et l’animal – en nous – qui s’ignorent (et que seule la conscience peut réunir et réconcilier)…

 

 

La tristesse invisible – silencieuse – du monde…

Ah ! Si nous pouvions entendre les cris et les prières des pierres – des arbres – des bêtes – et voir leurs larmes couler – la barbarie humaine cesserait (peut-être*) sur-le-champ…

* pas si sûr, après tout…

 

 

Nous sommes tout ce qui fut – composés de cela – depuis l’origine jusqu’à aujourd’hui – et, en nous, toutes les potentialités – mêlées aux caractéristiques de la matrice qui échappe à l’usure – à la durée – au temps…

 

 

La main trop funeste du monde. L’ignorance – l’inconscience – en actes. Et les hommes qui ont la prétention de l’intelligence. Ingénieux peut-être – tout au plus…

 

 

La frivolité existentielle n’est pas la légèreté de l’âme. Comme le prosaïsme instinctif et utilitariste n’est pas le pragmatisme impersonnel. Il y a un monde – et un très long chemin – entre l’individualité superficielle tournée vers ses besoins physiologiques et matériels et le regard – la présence simple et nue – qui initie les gestes justes pour répondre aux nécessités circonstancielles…

 

 

Le monde comme objet de contemplation – espace où les yeux et le cœur s’affolent – où l’âme et le silence se cherchent…

 

 

Le jour qui se montre au revers de l’apparence – au fond de l’âme creusée en son centre…

 

 

A genoux – les mains ouvertes – paumes face au ciel…

Faire face – accueillir – être là – présent…

Circonstances – visages – idées – émotions…

Ce qui se vit – ce qui s’expérimente…

 

 

Un esprit curieux – un cœur ouvert – une âme innocente – gages d’une existence étonnante – bouleversante – déterminante (pour la compréhension de ce que nous sommes)…

 

 

Le jour – la lumière – ce que nous cherchons – ce que nous sommes – ce qu’il faut découvrir au-dedans de soi…

 

 

Tout devenir jusqu’à l’effacement – jusqu’à la disparition…

Toutes les tentatives d’un seul passage…

 

 

S’ouvrir et se laisser creuser – il n’y a d’autre cheminement…

Rien à faire – rien à dire – rien à penser…

Être là – simplement…

 

 

Ce qui éprouve la tendresse – la seule instance à conserver – ce qui subsiste d’ailleurs malgré nous…

 

 

Des feuilles moins lourdes – gorgées, peut-être, d’un peu plus de soleil et de silence…

Dans le règne de ce qui nous entoure…

 

 

Rien – au fond – ne disparaît. Tout s’entasse en nous – et se transforme. L’infini – la multitude des combinaisons – jusqu’au point le plus dense – évolutif – toujours…

 

 

Aujourd’hui – en cette époque trop bruyante où chacun fait entendre sa voix, il faudrait crier plus fort que les autres pour être (un tant soit peu) écouté. Et je n’aspire qu’à demeurer silencieux – à côté – à l’écart – en retrait – sans participer aux vaines affaires du monde – à ce grand cirque immuable…

 

 

Des murs derrière lesquels on imagine mille secrets – où rien, pourtant, n’est différent de ce qui se passe à l’intérieur des nôtres…

Des gestes triviaux – des existences d’une affligeante banalité. Mille secrets de polichinelle…

 

 

On croit devoir se protéger de ce qui n’aspire qu’à nous révéler – qu’à nous soustraire à l’inutile – au superflu – à ce qui nous embarrasse…

 

 

Personne plutôt que quelqu’un – ainsi serons-nous (presque) assuré(s) d’être encore là dans mille siècles…

 

 

Au fur et à mesure de l’expérience – la solitude et la nécessité de l’Amour – et le dégoût de plus en plus vif du sommeil…

 

 

L’Absolu sous-jacent à nos gestes – c’est lui – et non la terre – qui leur donne cette densité…

De l’infini qui offre au quotidien toute son envergure…

Du silence qui engendre la parole – et contribue à sa valeur…

Tout existe dans cette offrande. Rien d’autre n’est nécessaire pour vivre pleinement son humanité – cette proximité – cette alliance – avec ce qui relève du Divin…

 

 

On ne peut faire comme si de rien n’était. Être là revêt toute son importance – mais inutile d’aboyer avec la meute ; prendre soin de ce qui nous échoit devrait suffire à combler les désirs et les aspirations de l’âme…

 

 

On n’a rien d’autre à porter que l’essentiel. Le nécessaire, lui, se révélera – bien sûr – avec les pas…

 

 

De jour en jour – de lieu en lieu – sans le souci du monde – ni celui du temps – quelque chose comme une confiance grandissante – un élan sans désir non pour l’ailleurs mais pour ce qui a lieu – pour ce qui nous est offert – ni le pire – ni le meilleur – le nécessaire – l’humble offrande – l’humble présent qui nous est donné pour rien – pour avoir, bon gré mal gré, consenti à cet (étrange) destin terrestre…

 

 

Les mêmes drames sur toutes les pierres de la terre – chaque jour – depuis la naissance de la première créature…

 

 

L’immensité ne possède rien – elle est – et offre l’illusion à ceux qui s’imaginent propriétaire de posséder mille et une broutilles. Rien – absolument rien – au regard de l’infini…

 

 

Nous cherchons notre pareil(le) – celui (ou celle) qui pourrait nous faire renoncer au rêve – au sommeil – à l’imaginaire…

 

 

Il n’y a rien que nous puissions faire pour être nous-même(s) – nous sommes déjà ce qui est – ce qui vient – ce qui refuse – ce qui insiste – ce qui s’oppose – ce qui accueille – les passagers exhaustifs d’un temps incomplet – une collection de désirs – un chapelet de frustrations – ce qui n’a pas encore découvert l’envergure de ce qui nous porte – et de ce qui nous anime – au-dedans…

 

 

Rien qu’une furie passagère – sans véritable assiduité. Quelque chose de nocturne qui mourra bien avant que naisse l’aurore…

 

 

Ce qui nous tient en nous enfonçant la tête dans le tonneau des illusions. Et nous vivons – et nous marchons – ainsi – en croyant pouvoir décrocher la lune – apprivoiser les étoiles – côtoyer le ciel et fréquenter les Dieux…

Quel aveuglement ! Quelle prétention ! Nous ne voyons pas même où se posent (ni où se dirigent) nos pas…

Rien qu’une parole – un chemin – quelques foulées imprécises – et quelque chose comme un abri qui se cherche – quatre planches pour le corps (à la fin du voyage) – un refuge pour l’âme. Et des pierres – et des trous – et des fleurs – jusqu’à l’horizon…

Comme un brin d’herbe dans une meule de foin. Une histoire comme les autres. Une apparence pareille au reste. Ce que nous avons à raconter alors qu’il serait tellement plus raisonnable de garder le silence…

 

 

L’horizon – en nous – et ce qui nous écrase – au-dessus de notre tête…

Il n’y aurait qu’à s’abandonner – comme le brin de paille au vent…

 

 

Dans la compagnie de son propre infini – comme si cela était possible – une sorte d’appropriation (malsaine) de l’espace – porteuse de folie et d’anéantissement…

 

 

A l’origine du monde – à l’origine du temps – le même désir – la même tension – le même malaise – l’irrépressible élan de l’infini pour se goûter à travers les mille limitations de la matière…

Une incroyable manière d’enflammer l’espace…

 

 

Plus tard – demain – on ne sait pas – mais l’avenir, bien sûr, est toujours possible…

 

 

Nulle autre manière de vivre qu’en soi-même – là où rien ne peut ternir le ciel – là où rien ne peut enlaidir le monde – là où les insultes – les outrages – les abominations – sont jetés dans les eaux de l’innocence (et du pardon) – là où les victimes et les bourreaux – après avoir échangé leur rôle le temps nécessaire – se retrouvent – côte à côte – à égalité – sur la rive de tous les jeux – là où chacun – chaque chose – chaque visage – embrasse ce qui ne lui a jamais été familier. L’étranger – ainsi – se rapproche – entre lentement dans le cercle – au bord – puis, peu à peu, au centre – trouve sa place aux côtés de tout ce que nous avons déjà fait nôtre…

Puis – lorsque tout est réuni – en fratrie fraternelle – tout s’efface – d’un seul coup ; en un seul geste – tout disparaît – plus rien – le brusque règne de l’absence…

Puis, un jour, tout recommence sans que l’on sache comment – à travers un nouveau souffle ou un nouvel élan – peut-être…

 

 

Rien qu’un peu d’or dans l’âme et au fond des yeux…

Quelque chose qui nous est offert…

 

 

Des jours aussi étrangers que ce que nous sommes…

 

 

Ce qui devient la mer – ce qui devient la roche – ce qui devient l’âme ; l’énergie n’a le choix de sa destination – de sa fonction – de son usage. Mais sa forte inclination au mélange (et à la mobilité) fait que nous sommes – partout – dans tout ; des parcelles d’origine et d’horizon assemblées ensemble de manière incroyablement provisoire…

 

 

Autour des pierres – autour des âmes – les mêmes visages – les mêmes vibrations…

 

 

Le silence qui ne parle qu’à ceux qui n’ont plus de question…

 

 

L’innocence sans simagrées – simplement accueillante…

Des yeux et du ciel – dans leur plus belle alliance – une ouverture soudaine à la tendresse et à la bonté…

 

 

D’une terre à l’autre – puis, un jour, d’un souffle à l’autre – comme si le seul lieu – le seul centre – se trouvait en soi…

 

 

L’âme – le regard – le ciel – ne sont pas des choses qui se périment – hors du cercle du temps – là où le monde ne se rend qu’après s’être ruiné (à son propre jeu)…

 

 

Entre l’âme et ce qui l’entoure – cette indéfectible amitié…

Le monde et l’innocence pris dans la même trame – et, parfois, dans la même ronde…

Et la nécessité (impérative) d’un chemin pour découvrir – et vivre – l’Amour et la lumière – une perspective réelle – qui s’incarne…

 

 

En nous – des gouffres – des absences désespérées – des cris – ce que l’on étouffe – ce que l’on camoufle – pour faire bonne figure et se croire vivant – ce qui nous précipite (lentement) vers la mort – ce qui retarde (assurément) la venue de l’éternité ; sans doute l’erreur humaine la plus commune…

 

 

Parfois – de l’autre côté du monde naît une joie qui vient jusqu’à nous ; elle arrive avec le vent du jour…

 

 

Piégés (trop souvent) jusqu’à la mort par l’absence et le temps…

 

 

Tout ce qui s’acharne à demeurer refuse l’abandon – la primauté de l’essence et de la source sur les apparences – s’enlise, en quelque sorte, dans la croyance d’une possible pérennité de surface…

 

 

Du commerce – du loisir – de l’insouciance – de l’exploitation. Et par-dessus tout – du déni et de la mauvaise foi – tout ce que nous exécrons…

Si – au moins – les hommes avaient l’honnêteté d’avouer leurs faiblesses – leur(s) ennui(s) – leur incompréhension – leur folie – on les trouverait moins méprisables – et, sans doute même, serait-on prêt à pardonner (en partie) leur paresse – leur étroitesse – leurs outrances – leurs manquements…

 

 

L’avenir n’est – jamais – une chance – une invitation ; plutôt un obstacle – un empêchement à ce que nous pourrions être – plus pleinement – aujourd’hui…

Le temps n’est – au mieux – qu’une forme de restriction – au pire – une forme d’amputation…

 

 

Ce qui glisse entre nos doigts n’est – jamais – le plus précieux ; c’est, bien sûr, l’impossibilité de la saisie qui est le miracle ; ainsi – sommes-nous toujours capables (potentiellement) d’accueillir pleinement ce qui s’invite…

 

 

Vivant – (presque) à chaque instant – cette perspective – cette dimension – cette consistance – ce que l’on pourrait appeler la métaphysique du regard – qui interroge chacun de nos gestes dans ce qu’ils portent de plus essentiel – de plus nécessaire à l’instant où ils se réalisent…

L’être dans son paroxysme discret (et léger) qui offre à nos actes et à nos paroles (et jusqu’au plus anodin d’entre eux) une densité – une justesse – une présence – quelque chose d’incroyablement joyeux – et d’incroyablement puissant – comme une jonction déterminante entre la matière, l’âme et l’esprit – une sorte de lien primordial entre le particulier et l’infini – entre le visible et l’invisible – entre l’éternité et l’apparent déroulement du temps…

Assise de la surface – de l’extériorité horizontale – dans nos profondeurs – dans notre vertigineuse intériorité…

Chaque souffle – chaque instant – vécus ainsi – comme de l’or – avec tout son poids d’Absolu – de vie pure – de vie pleine – de vie authentique…

Enraciné au cœur du cercle et rayonnant, de toute son envergure, dans l’alentour cosmique

 

 

Tout s’écoule – de part en part – dans la communion des genres…

 

 

Ce que nous percevons – ce que nous ne comprenons pas – ce que nous imaginons – ce que nous tentons de deviner ; tout ça se mélange – savamment…

 

 

Une étendue d’eau où se reflètent les franges du ciel – des bouts de terre délavés – l’air que nous respirons – et qui vient du plus lointain cosmique – et au-dedans duquel s’aventurent toutes les matières du monde…

Tout dans tout – avalant tout – absorbant le nécessaire et rejetant le superflu…

Toutes les danses du monde – des rythmes et des arabesques – mille mouvements initiés par la faim – l’impératif organique – toutes les forces de survie…

 

 

D’équilibre en équilibre – dans l’accompagnement des éléments dans le paysage – ce que nous sommes – ce que nous délaissons dans ce labeur permanent de l’enfantement…

Des dimensions incorporées – des vagues qui nous découvrent…

Et ce que nous offrons pour rester en vie…

 

 

Au bord de l’océan intérieur dont les tempêtes fracassent l’âme – ses aspirations – ses résistances – ce qui, au fond, nous fait toujours glisser – plus ou moins – dans l’idéalisme – le refus de ce qui est – la source première de toutes les souffrances…

 

 

Une seule étendue entre ce que nous appelons le dedans et le dehors – le même espace. La fréquentation ni du bord – ni du fond. Le grand bain qui émiette la pierre et la douleur – et qui réunit tout ce qui est immergé – les jours – toutes les figures du monde – les rives universelles…

 

 

Parmi l’écume et les nuages – au cœur du rêve sans mesure – sauvage – excessif – où l’espace n’est qu’un imaginaire – une manière d’échapper au réel – d’en défaire le règne – de le destituer – un stratagème du songe pour gagner les cœurs – envahir les esprits et le monde – prendre le pouvoir…

Victoire presque totale aujourd’hui où l’on ne circule plus qu’entre quelques étoiles lointaines et mille soleils factices – et où le sommeil se définit comme la voie unique – l’hôte de toutes les lumières…

 

 

Il faut tout déconstruire – absolument tout – épargner le monde – bien sûr – ce qui semble réel – mais faire table rase des idées et des représentations – pour demeurer innocent – vierge et innocent – devant ce que l’on apparente à la réalité – devant chaque chose – devant chaque visage – devant chaque événement. N’être sûr de rien – s’abandonner aux élans – aux attractions – aux répulsions – devenir le jouet consentant du monde et de la psyché – se laisser submerger et engloutir – et continuer à contempler la danse – les pas – les va-et-vient – et rire de ces choses – sans sérieux – sans gravité…

 

 

Tout nous regarde nous emporter – de la périphérie vers le centre – de l’idée du plus haut vers le sol le plus concret – une chose après l’autre – élément après élément…

 

 

On écoute – on ne parcourt pas – on regarde – on éprouve – on n’envisage rien. On ne décide plus – on s’abandonne – on a l’air de vivre – mais, en vérité, on est…

Ça ressemble à la vie – à l’homme – à une existence humaine – mais, en réalité, on n’en sait rien – ça agit depuis les profondeurs – bien en deçà de la surface – bien en deçà des apparences qui ne comptent presque plus sauf lorsque le monde les replace au centre…

Une seule chose dont on est sûr ; notre absolue ignorance de tout – et le doute qui fait que les pas se perpétuent…

 

 

Le plus audacieux – en nous – ce qui ne craint ni la défaite – ni le déclin – ce qui ambitionne la communion – ou, au moins, la rencontre – plutôt que le croisement, le nombre de passages et la vitesse du défilé…

 

 

De l’instant particulier d’être – une manière – à la fois – de descendre en soi – et de s’élever au-dessus de sa tête – une sorte de désenfermement – quelque chose qui ouvre et relie – porte et passerelle, peut-être, entre le monde – les hommes – la terre et ce que l’on appelle l’infini…

 

 

Nous – sans le sang – ni la passion – dans la stricte contemplation et l’austérité de l’ascèse – plongé en soi et découvrant, peu à peu, ce bleu étrange partout immergé…

D’une autre couleur que le monde – que le temps – cet intervalle de découverte – comme un promontoire – une résistance à la routine et à la paresse…

 

 

Ce qui nous plonge là où nous sommes – là où il n’y a plus personne – un espace au fond des yeux qui s’étale – qui se déploie partout – un infini qui explose les frontières qui séparent communément le dedans du dehors…

Tout à l’intérieur – dans l’attention – dans l’espace occupé – habité – au cœur de cette présence qui rend le monde – tous les objets – tous les visages – complices de notre joie…

Un regard que tout traverse – et qui pénètre tout – au point de tout transformer en prolongement de l’être – en prolongement de soi…

 

 

En un éclair – comme si le monde devenait enfin le monde – rien – ni personne – pas même une idée – pas même ce qui est devant soi – un phénomène dérisoire (bien sûr) – quelque chose de déterminé – de circonscrit – comme un horizon bordé de bleu – séparant le rien du reste – et le reste de tout – pas grand chose en somme – un peu de brume – un peu de buée sur la vitre sur laquelle dansent et dessinent nos doigts…

Un peu d’azur sans le temps – une réponse à cette longue quête fébrile – le plus simple – ce qui est – là – à cet instant – ce qui se présente à nous – sans repère – sans référence – et notre main tendue – offerte à tout ce qui s’offre – la boucle ad hoc…

 

23 novembre 2019

Carnet n°213 Notes journalières

L’aube s’annonce – contrairement à la fin du vent…

La lumière souveraine et le feu invisible qui fait trembler les ombres…

 

 

Des terres froides – des seuils – des secrets – mille sommeils – mille têtes sans yeux – des visages sans âme – le décor d’une (possible) découverte…

 

 

Souillés d’attentes et de secrets – à patienter – fébriles – sur la pierre. Deux mains tendues vers l’absence. Deux yeux à arracher le ciel. Pas même un chemin. Et la mort qui se présentera bientôt…

 

 

Trop de sang et de mots coulent sur l’indifférence des pierres. Il faudrait un chant – un oiseau – une rive nouvelle – pour accueillir ce qui vient…

 

 

Ce que nous devons à la nuit et à l’éloignement. La nudité du monde dans son cri très ancien. Des choses grises – le cœur en désordre…

Une chambre – des larmes – une enfance peut-être…

 

 

Entre la cendre et la clarté – notre âme – notre visage – et notre mort, bien sûr…

 

 

Vivre à même la nécessité – au cœur de la forêt – nu – dans le silence et le jour présent. Le monde – derrière soi – abandonné…

Aussi humain que sauvage – l’âme plus joyeuse que blessée…

 

 

Laisser choir ce qui devient lourd – épais – nébuleux – complexe – restrictif – intransigeant. Refuser l’astreinte – les bras ouverts aux vents – à la fantaisie – à l’espièglerie – aux rivières – aux vents – aux montagnes…

Quitter les étoiles pour se rapprocher des Dieux…

Être le regard – le silence – ou, au pire, vivre en leur compagnie…

 

 

L’âme franche – le corps moitié glaise – moitié mystère – le poids du mensonge et de la terre – auquel s’ajoute celui des instincts – face à la légèreté du cœur – libre – affranchi – oublieux du monde…

Vivre au-delà des grilles et de l’espérance. Le visage déjà proche de la lumière – du soleil – de l’aube naissante…

 

 

Ceux qui – avant nous – ont franchi les fossés du temps – le grand abîme trompeur – la fausse liberté des hommes – qui ont quitté la glaise et l’espérance pour la patrie sans étoile – l’aurore patiente – la clarté de l’âme…

 

 

L’interminable déclin du monde – soudain – précipité par les hommes…

 

 

Rester fragile – immobile – sur la pierre – à la merci de tout – de tous…

Qui sait que cette expérience délivre de la domination – de l’homme ancien qui aiguise ses armes et peaufine ses stratégies – et qu’elle rapproche de l’humanité nécessaire au franchissement de l’au-delà de l’homme – à la découverte de cet infini au-dedans – le premier pas – les premiers pas peut-être – vers l’Amour – pas si lointain – les tout premiers rivages de la confiance une fois l’inquiétude et l’angoisse franchies…

 

 

On ne peut consentir à aimer sans s’être suffisamment rapproché de soi. Avant ce seuil – l’Amour est une illusion – une tromperie – un mensonge…

 

 

Il n’y a d’autre lieu – d’autre demeure – d’autre refuge qu’ici même – à cet instant…

 

 

Un peu d’effroi au fond du gouffre – un peu de solitude aussi – mais rien de comparable avec ce qui est ressenti hissé sur sa colonne singulière – face à soi – au monde – à la mort – au silence ; le rivage de la connaissance…

De ce lieu – la vie a la couleur de l’aube et du pire – comme un scintillement sur la pierre noire – le tranchant argenté du réel sur le rêve toujours trop blanc – toujours trop cotonneux…

 

 

Face à la béance – à son irrésistible attraction – rien ne peut résister – tout semble vain – avec cette étrange sensation de n’être plus personne – pas même un nom – pas même l’idée d’un visage – une immobilité – une confiance en l’abîme – en le saut – en l’envol possible…

A cet instant – nous ne sommes rien d’autre – les prémices – la possibilité, peut-être – de l’Amour…

 

 

Des pas épais – épris de la pierre – légers – épris du jour – les mêmes pourtant – et différents, bien sûr, à chaque instant…

Plus simple après la chute – sans le souvenir – sans l’espérance…

Ce que l’au-delà de la fièvre peut offrir – et guérir peut-être…

 

 

A travers l’arbre – la pierre – la bête – la même voix – celle qui supplie l’homme – le monde – d’aller au-delà de la faim…

 

 

Rompue la confiance entre les vivants et la terre. Trop froid – trop peu de lumière. Trop de rêves et d’écume. Un feu trop incertain. Des rives et pas le moindre ciel – pas le moindre océan. Des horizons trop noirs. Beaucoup trop d’espérance – et pas l’ombre d’une présence…

 

 

Pour jeter plus précocement l’inutile – les choses du monde – il faudrait – d’emblée – plus de nuit et de neige – davantage de solitude – beaucoup moins de promesses et de visages – apprendre la nudité – et pouvoir vivre décemment au milieu du désert et des étoiles…

 

 

La primauté du silence. Tout le reste demeure accessoire ; la vie – le monde – la beauté du ciel – le battement universel – le feu au fond de l’âme…

 

 

Nous n’avançons pas – jamais – en réalité – ce sont les choses qui se rapprochent – et le monde, Dieu et la vérité à leur suite – bien évidemment…

 

 

L’inconscience du geste – du bruit – des cris et des conséquences – pour celui qui agit. Le mouvement machinal – ordinaire – mécanique – répétitif – parfois mortel – ce que la main touche sans amour…

L’essentiel du temps – l’essentiel du monde – l’essentiel des hommes…

Sans envergure – à moitié vivant – qu’importe le destin si l’autre versant de vivre est oublié ; ce qui regarde – ce qui contemple – ce qui demeure en silence au-dessus du monde, des pierres et des visages – et bien moins haut qu’on ne l’imagine…

 

 

L’autre version du monde – l’autre versant de l’étoffe. Le plus conciliable avec l’âme. L’infini découvert – partagé – joyeux jusque dans la mort…

L’éternité non dans la main mais dans le geste de l’homme…

 

 

Rien qu’un retrait – une manière d’accompagner le mouvement depuis un point plus stable – en surplomb des pas – des rêves – quelque chose proche à la fois des lèvres et du silence – le plus intime de l’âme peut-être – dans la volonté invisible des Dieux – ce qui nous est le plus naturel…

 

 

Tous les visages – en songe – comme une fratrie disparate – née de restes d’étoiles – de la main trop légère des Dieux – d’un rêve étrange d’infini terrestre…

 

 

Façades et structures façonnées dans la matière avec au-dedans un espace minuscule – enclavé – presque secret – où l’on a déposé un peu de ciel – un peu de magie – la part invisible du monde – que l’on a recouvert de boue – de sang – de chair et de sommeil…

Un cœur battant – un cœur vivant – un cœur tremblant…

Ce qui fait que sur ces rives – le poids des âmes compte moins (beaucoup moins) que celui des morts et des fous…

 

 

Sous le sommeil – tout est frémissant – ça bouge comme si le ciel était à portée de rêve – et qu’il suffisait de tendre la main – en songe – pour décrocher le secret accroché en fragments à chaque étoile…

 

 

Ce qui file – ce qui court – ce qui serpente – pour échapper à l’entrave et à l’astreinte…

La liberté des heures volées au monde – volées au temps – celles qui font surgir le jour au milieu de la nuit – et la lune au milieu des rêves – comme un vaisseau téméraire qui fend les eaux trop noires de la terre…

 

 

Des mains indifférentes face à la distance – et à la position (trop lointaine) des étoiles. Des eaux trop tumultueuses et un ciel trop impassible – pour quitter le chemin des yeux – et risquer un coup d’œil au-delà…

Et ça glisse vers sa fin – sans même y penser – sans même s’en rendre compte…

 

 

Plus précieux que toutes les passerelles du monde – ce lien – ce lieu – qui s’édifie – se découvre – se dévoile – s’affine – au-dedans – porteur de toutes les promesses pour tous les habitants de la terre…

 

 

Des pierres – des arbres – des bêtes – des têtes – déchirés par nos mains vives – rouges – sans pitié – trop lourdes de terre – trop chargées d’envies et d’ambitions – trop pleines de désir d’infini dans la (seule) perspective horizontale…

Le sort de tous – de la terre – du monde – à la merci de ces mains assoiffées – de ces mains jamais effrayées ni par la mort – ni par le sang…

 

 

Le ciel dans la bouche – et une parole légère…

Le ciel dans l’âme – et le plus beau silence…

Une blessure que seule la lumière peut guérir…

Une forme d’Amour à rebours…

 

 

Des chutes – des morts – et autant de rêves que d’absence…

L’éternité sans prise – après ce long chemin sur le sable noir…

Des pièges sous la roche – et de l’écume (beaucoup trop d’écume) par-dessus…

Rien sous la couche d’étoiles – rien au-delà des yeux…

Les mêmes obstacles – les mêmes souvenirs…

Le monde d’avant le langage au-dessus des apparences – perceptible à travers le vent qui cingle le visage – et l’âme vacillante au-dedans – sensible à la terre – au sommeil – à la lumière – à tout ce qui nous éloigne du temps…

 

 

Vivre dans l’absence du monde – sur ces rives sans âme – à chercher l’homme – ce qu’il porte – l’au-delà du visage – ce qui transcende tous les noms – au fond de soi…

Ce grand rien sur fond d’étoiles. Un rêve – un souvenir – une lumière. De l’autre côté du sommeil – là où l’âme est encore vivante…

 

 

A partir de la chair – le manque – le désir – le souvenir – le sommeil – mille choses impartageables – puis, un jour (bien sûr), la mort…

 

 

Le jardin des hauteurs – là où le nom et la voûte se retrouvent – se relient – parmi les arbres et quelques étoiles téméraires – ce qui offre un autre éclairage à nos âmes taciturnes – à nos visages si tristes – à nos obscures existences…

 

 

De l’argile brunâtre – du sang mélangé à la terre noire – la chair et la glaise – le corps des étoiles éteintes – un peu d’eau – un reste de sable – quelques molécules que l’on agite – l’affolement des codes – des mutations – ce qui a enfanté la mort – le rêve et la mort – le désir de ce qui brille et de ce qui est rare – pour offrir au commun – à l’ordinaire – au presque sordide – un peu d’éclat – un peu d’espoir – une possibilité de scintillement…

 

 

Rien que le regard et les mains de la solitude – celles qui ne tremblent ni devant la nuit – ni devant le monde – ni devant ce qui ressemble au sommeil…

 

 

Des yeux dans l’ombre – une manière de gravir ce qui semble incontournable – une voix dans l’abîme – sans attente – sans prière…

Pas même une arme contre ce qui effraye – l’inverse plutôt – comme une offrande discrète – une présence que l’on ne peut rattacher à aucun visage – à aucun nom…

 

 

Un front sévère – une apparence austère – et quelque chose comme de la rage – un vieux restant de rage – dans un coin de la tête. Des yeux tristes qui ne servent presque qu’à pleurer. Une manière de s’affranchir du sommeil…

L’ascèse de celui qui ne plaît à personne – mais que le bleu inspire – et qui a le goût du ciel – l’âme sensible – partagé encore entre le monde et la possibilité de l’infini…

 

 

Des mots – comme de l’eau qui coule – qui se déverse – dont on peut se servir de mille manières – et, en premier lieu, la regarder sans en faire usage…

Vestiges, peut-être, d’une vérité première – originelle. Un peu de fraîcheur, sans doute, sur la somnolence…

 

 

Dense – si dense – à creuser l’abîme – à fracasser la matière – pour faire un peu de place au vide et au silence – dans ce tourbillon de bruits et de choses…

 

 

La démesure de l’esprit qui voudrait transposer son envergure et sa folie à la matière et au langage – et qui y parvient, parfois, au prix d’un lent (et long) labeur…

 

 

De loin – des hommes – des ombres qui ont l’air vivantes…

 

 

Ce que nous construisons dans l’effort et le sang – au lieu d’attendre le mûrissement des choses…

 

 

Rien que l’essentiel – ce que nous sommes – et tous les superflus dont nous nous encombrons…

 

 

Personne – entre la paroi et l’écho – si – le silence – et, parfois, les lointains bruits du monde…

 

 

Des eaux profondes – une langue – deux oreilles – et une main qui s’attarde sur ses feuilles – une façon, peut-être, de résister à l’ombre – au sommeil – à la bêtise du monde – à la frivolité insouciante des siècles qui se succèdent pour perpétuer (presque toujours) le pire…

 

 

Tout se referme sur le froid – la nuit – le sursaut tardif. Le monde entier s’éloigne – le ciel même s’absente – devient moins vivant – plus difficile d’accès. Sans doute ne ressemblons-nous plus même à des hommes – sans doute ne sommes-nous presque plus là – et pas encore emportés par la mort qui se rapproche – très loin – de l’autre côté de soi…

 

 

Du plus loin – parfois – comme l’origine touchée…

Et ce qui – en nous – est suspendu – une patience de plusieurs siècles – un fleuve aux paupières closes – sans avenir – dont l’eau, pourtant, étanche la soif de ceux qui fréquentent ses rives…

 

 

Tout en lettres sauf le temps et la hauteur avalés par le vide. Comme une présence oubliée qui nous traverse en dépit de notre idée du ciel – en dépit de notre idée de l’homme…

Ce que nos pas inscrivent sur la terre…

 

 

Aussi fugitifs que passants furtifs. Effarés – presque toujours – par la durée de la traversée – en particulier lorsqu’elle est sur le point de s’achever…

 

 

Le silence d’avant la naissance des pierres…

Le silence du temps où il était le seul miroir – un peu de sable poli pour épuiser ce que deviendrait le monde – et rendre étrangères la nuit et la lumière – quelque chose qui nous égarerait – et nous ferait dériver pendant des millénaires dans les gouffres inventés par le langage des hommes…

 

 

Le monde – ce que nous en avons fait – ce que nous lui faisons chaque jour – un désastre aveuglant – une impossibilité de voir tant nous avons pris l’habitude de faire couler le sang – de donner la mort – de vivre sans conscience – impitoyablement…

 

 

Du feu – des noms – une terre à peu près vivable. Et le jour – toujours inconnu – toujours étranger – pas même désiré en rêve…

 

 

Ce que l’invisible nous offre – mille occasions de déblayer les eaux sales et le sable – de creuser le plus lointain – d’effacer les scintillements de la mémoire – de laisser mûrir le chemin vers le silence…

 

 

Roue du monde – roue du temps – la même infortune démultipliée – le désert – les cités – l’âge – la durée – la vie – le sang – la mort – renouvelés – renouvelés – à chaque fois renouvelés – autant de fois que possible…

Rien qu’un peu d’ombre – et quelques traits obliques sur le grand livre de la mémoire…

Rien qui ne nous rapproche – ni ne ternisse la lumière…

 

 

Ce que le désert nous révèle – ce que le silence nous offre. Nature et solitude – le grand large – loin du sommeil commun – tissé de rien et de sang – la tête coupée – l’âme seule dressée dans la lumière…

Plus que des yeux – un regard…

 

 

De retour – ensemble – comme au commencement…

Sur la même pierre – dans le même pli de la terre – mais sans blessure – sans cet effroyable sommeil sous les paupières…

L’âme aussi libre – et aussi vaste – que le ciel – à l’égal des anges qui nous survolent – à l’égal des Dieux qui nous contemplent…

 

 

Juste un rire sur les eaux noires déchirées. Une route étrange vers la vérité. Ce qui entre – ce qui s’ouvre – ce qui se déblaye. Ce qui glisse – appuyé sur la mémoire. Les chimères et l’impatience au bord de l’abîme – et jetées au fond – une à une…

La seule option – la seule issue – pour vivre affranchi – à côté du monde…

 

 

Comme un oiseau caché derrière la grande machine – perché sur la plus haute branche d’un arbre – à méditer sur la (tragique) naissance du monde…

 

 

Ce que l’on érige – ce qui nous menace – la même origine – la nécessité d’agir plutôt que la liberté du regard…

Ce qui ne s’oppose pas – pour rien au monde – en dépit de nos croyances ; ce que l’on doit réunir – superposer – et faire entrer ensemble dans l’âme et la main…

 

 

Nous ne triompherons que seul(s) et dans la pénombre – une fois le labeur remplacé par le regard – et les saisons par la liberté – lorsque les points pourront remplacer les traits et que la parole naîtra – et se goûtera – dans le silence…

Tout alors se réalisera par – pour – et au-dedans de la lumière – libéré (pleinement) de la faim et du sommeil…

 

 

Au-dedans du cercle avec Dieu – la mort – le monde – tous les visages – dans tous ces lieux qui nous ressemblent – qui nous rapprochent – et qui (parfois) nous éloignent – dans lesquels nous passons avec des noms sans importance…

 

 

Des fleurs et du ciel – et du vide dans l’âme…

 

 

Tout s’efface – s’enfonce – disparaît – dans l’indifférence totale du monde. Dans nos cœurs – ce/ceux qui compte(nt) pèse(nt) infiniment plus lourd(s) que ce/ceux qui ne compte(nt) pas – et, pourtant, ce qui est important à nos yeux ne représente rien dans l’économie de l’univers – quelques grammes peut-être – quantité négligeable – infinitésimale – absolument rien, en vérité, au regard de l’ensemble…

Des têtes – des herbes – des âmes – par milliards qui naissent et disparaissent – dans le silence et l’indifférence des foules…

 

 

Du bruit – des siècles – des cimes…

Ce que l’on enfouit – ce qui s’use – ce qui tombe…

D’un monde à l’autre – éternellement…

 

 

Des mots comme un peu de temps suspendu – prêts à tomber dans l’âme des plus sensibles…

Une manière d’offrir un peu de ciel creusé en soi – de l’eau pure pour la soif – l’Amour qui nous manquait peut-être – les prémices de ce qui surviendra, un jour, seul – en l’absence de miroir…

L’éclatement des noms et des visages – des morceaux recollés par nécessité – parfois par inadvertance. Des faces disparates – réajustées – qui dessinent mille reflets différents – des images mouvantes – incroyablement mobiles et changeantes – qui ne représentent rien – pas même les apparences. Une nappe dans la mémoire. Quelques traits – à peine – dans le ciel immense…

Un peu de vent – et tout s’efface…

Notre plus fidèle portrait – qu’aucune main ne saurait dessiner avec exactitude…

 

 

Un chant – comme une gerbe de mots dans l’espace – portés par les ailes des oiseaux. Et dans le froid – soudain – une beauté nous saisit. Des siècles que nous attendions la fin de l’hiver – quelques fleurs miraculeuses au milieu de la neige. Le monde et le noir brusquement désappris – presque oubliés. Le début du langage pour interroger l’immensité là-haut – et ce bleu mystérieusement enfoui en nous – et tous deux introuvables jusqu’alors…

 

 

Un peu de chair qui passe – presque rien d’autre en apparence. De l’esprit – de l’âme – la possibilité du langage et de la grâce – ce qui s’interroge – un peu de bleu dans la tuyauterie du corps – et tout le reste par-dessus…

 

 

Une parole sans nom – sans visage – venue, peut-être, du plus profond de la forêt – dans ce lieu où l’âme semble si joviale – méconnaissable – elle qui a l’air si triste – si morose – lorsqu’elle traverse les cités – le territoire des hommes…

 

 

Une absence commune – partagée. Des mains qui se cherchent parfois davantage que les âmes. De la pluie – de l’infime – son lot d’indigences – des fantômes – personne – jamais – du temps – des fables – rien que nous puissions saisir – rien que nous puissions comprendre – rien qui ne restera…

 

 

Des rives et des attentes – des portes – du froid et des yeux insensibles…

 

 

Un peu de feu d’où jaillissent les mots – quelques syllabes comme des fientes d’oiseau – des tentatives de partage avortées. Le silence – à présent – non comme un rêve – mais comme un remerciement…

Ce qui viendra, peut-être, après la nuit ancienne…

 

 

Comme un chant – comme un ciel – une manière d’élever l’âme – d’ouvrir chaque fenêtre – de jeter ses idées au profit de gestes plus attentifs – plus précis – une invitation perpétuelle au silence – et une gratitude aussi pour cette offrande…

 

 

Nous marchons – comme personne – les yeux fermés…

 

 

Des cellules – des étoiles – son lot d’ennuis – de la fatigue – et l’usure des choses…

Et l’espérance – une matière comme une autre – bien sûr…

L’impossibilité de l’homme comme seule vocation peut-être…

 

 

La confusion et l’inexplicable – la limite et le refus – nos absences et notre (trop long) sommeil…

Et ces phrases comme des flèches pour percer le silence – pénétrer les âmes – traverser le monde – et atteindre l’Amour – peut-être – qui peut savoir…

 

 

L’indéchiffrable mystère – soudain – devant soi – ouvert – à nu – désossé. Des grains de lumière. De la matière (invisible) et de l’Amour. Ce qui donne aux corps cette mobilité – à certaines âmes leur sensibilité – et à quelques individus la nécessité de l’Absolu…

Des routes – mille routes – vers la rencontre primordiale…

 

 

Comme un voyageur échoué – avec pour seul bagage ses échecsles seules choses qui rendent humain – humble – suffisamment – pour découvrir, dans la longue liste qui nous attend, le tout premier visage de l’innocence…

 

 

Rien que des ombres – des traces – et quelques échos…

Et là-bas – au loin – le mirage de la vérité – que tant de paroles ont fait briller comme un soleil…

Et rien qui n’y mène ; aucune passerelle – et tant d’ignorance à ce propos – à tout propos…

Tout nous restera inconnu…

Une seule évidence ; il fera encore nuit noire lorsque nous nous effacerons…

 

 

Tout nous quitte – et quelque chose, en nous, se penche pour voir ce qu’il y a derrière la fin – derrière la disparition – derrière l’absence. Et comme il n’y a rien à découvrir – rien à trouver – cette chose se recroqueville – comme si elle refusait la vie – la mort – comme si elle refusait toute chose – toute offre – toute possibilité – toute opportunité – devenant, peu à peu, la figure même du refus – la figure même de l’opposition et de la frontalité – s’escrimant à livrer bataille sur tous les fronts (et Dieu sait qu’ils sont nombreux) – puis, un jour, cette chose se dessèche ; elle s’éteint sans avoir une seule fois renoncé – sans avoir une seule fois prêté le flanc à l’abandon – à la capitulation – qui lui auraient, pourtant, été bénéfiques – et même salutaires…

 

 

Ce qui nous sourit – derrière la vitre – une enfance silencieuse – l’Amour comme une respiration – un souffle, peut-être, entre les cris et les soupirs – un temps éternel – un jardin posé entre nous – avec, au loin, un ciel de pluie plein de promesses…

 

 

Le silence de l’espace intime – pas d’image – pas de temps – le souffle naturel du monde. L’âme dans son jardin – jouant innocemment – dansant – caressant les fleurs et les oiseaux – dans son antre infini…

 

 

L’encre presque étrangère au sang – au souffle – à la vie – à la substance des âmes…

Des lignes éteintes – des livres frêles – sans épaisseur…

De risibles histoires de nuit et de larmes…

De vains récits sur des choses si communes – si anciennes – éternelles peut-être – que quelques pages suffiraient pour les décrire (de manière exhaustive)…

 

 

Ce défaut d’itinéraire qui conduit à l’errance – qui mène à la grâce…

A chaque pas – des larmes invisibles de gratitude…

L’humain sans mémoire – les songes jetés, un à un, au fond de la nuit…

Et seul – à nouveau – sur la colline – à veiller patiemment la venue (prochaine) de l’aurore…

Et dans la tête – ces paroles de sagesse très anciennes – qui, peu à peu, pénètrent l’âme – le regard – le sang et la chair – avant d’investir (presque entièrement) le souffle et le geste – là où elles doivent être…

 

 

Vivre avec ce sourire creusé à même la joie – passant de l’obscur – du lointain – à la clarté la plus proche – comme une évidence trop souvent négligée…

 

 

Hors du cercle qui rassemble – la couronne de la solitude sur la tête – à parler seul – à la vaste étendue en soi qui patiente à l’ombre des désirs – à l’ombre des fureurs – à l’ombre des absences. A la recherche, peut-être, d’un sol et d’un ciel moins épais – et d’un abandon plus radical…

 

 

L’âme-source plutôt que le monde-ressources…

 

 

Cette ombre en nous – de part et d’autre du gouffre – dans nos profondeurs les plus reculées – comme un fantôme déversant ses eaux noires. Aux côtés d’un feu immense – flamboyant – démesuré – dont les flammes sont presque bleues. Et entre ces deux instances – ces deux entités naturelles – incontestables – le monde et le poème – les siècles qui se déchirent – qui se propagent et se perpétuent – l’ouverture qui, maintes et maintes fois, se répète – la terre maladroite et le ciel trop lointain – toujours inaccessible…

L’éternel jeu – l’éternelle loi – du monde…

 

23 novembre 2019

Carnet n°212 Notes sans titre

Le bleu s’immisce là où le front s’est ouvert – là où l’âme est prête à recevoir ce qui s’invite – là où il n’y a plus ni volonté, ni prétention, ni pédagogie – là où le désir s’éclipse au profit de la nécessité…

 

 

Nous ne réclamons rien – le droit – seulement – d’aller là où le silence et la solitude s’offrent sans effort…

 

 

Tout ce rouge qui suinte à travers les vivants. Partout l’on devine le sort abject que l’homme réserve à ce qui n’est pas humain…

L’instrumentalisation – l’exploitation – la barbarie – à grande échelle – érigées en système – en industrie…

Et ce qui monte – en soi – et persiste – la honte et le dégoût d’être humain…

Et l’authentique tendresse – l’authentique pardon – à l’égard de tous ceux que mes congénères torturent et assassinent…

Gageons seulement que la conscience et l’Amour sauront, peu à peu, remplacer l’ignorance et le manque d’empathie…

 

 

De l’impossibilité d’être pleinement humain…

 

 

Ce qui a toutes les peines du monde à s’initier chez l’homme – au cœur du vivant – dans l’âme et la quotidienneté ordinaire. Et ce qui nécessite une actualisation permanente – de chaque instant – une fois l’initiation réalisée…

 

 

A l’écart – très souvent – de ce qui s’agite – de ce qui bavarde – de ce qui crie, court et gesticule – de ce qui geint, quémande et espère…

Suffisamment éloigné de mes semblables…

 

 

Vivre dans l’oubli du monde…

 

 

Des forêts et des prairies (sauvages) comme lieux d’accueil – comme lieux d’existence et de ressourcement – comme îlots – comme un nécessaire chapelet de silence – dans l’itinérance grise – et, trop souvent, populeuse…

 

 

Une route dont on devine la raison profonde…

 

 

Des étrangers au langage rustre et invasif – qui dictent les règles communes – celles du plus grand nombre – comme si l’homme ne pouvait vivre à côté du monde – selon ses propres lois – innocentes et respectueuses…

 

 

Ce que nous cisaillons en vain au lieu de (tout) couper à la racine…

Ce que nous négligeons au lieu d’être attentif…

Ce que nous prétendons offrir alors que nous avons la main tendue vers la plus infime obole…

Toujours à nous illusionner et à tromper le monde…

La psyché dans ses œuvres de prestidigitation…

 

 

Ce qui s’écoute et s’enlise – les méandres de plus en plus tortueux de l’existence, du monde et de la psyché à mesure que l’on s’éloigne du vide – de la simplicité – de l’innocence…

L’encombrement de l’inutile…

 

 

Le tranchant et la tendresse du regard – sans doute n’y a-t-il rien de plus précieux en ce monde – ni de plus indispensable ; faire naître et aiguiser cette lame et cet Amour au fond de l’âme…

 

 

C’est toujours la faim qui impulse la marche – et anime l’exploration. Et l’on avance – ainsi – d’une faim à l’autre – vers le plus intime – la vérité – ce que nous sommes…

 

 

Retrouver la version préliminaire du monde – le schéma originel – l’axiome premier – le versant nu de l’être – sans parure – sans oripeau – sans tous ces falbalas flamboyants et trompeurs – puis, une fois trouvé – une fois exploré – une fois habité – l’habiller (éventuellement) à sa singulière mesure…

 

 

Bien plus étranges qu’étrangers – bien plus insolites que lointains – la nature du monde et ses multiples visages…

 

 

D’une découverte à l’autre – d’une exploration à l’autre – d’une quête à l’autre – puis, l’intériorisation du savoir – la transmutation en connaissance – la lente imprégnation jusqu’à la pleine incarnation de la vérité – vécue – singulière – quotidienne…

 

 

Le grand recours de l’âme face au monde qui se montre si indifférent aux choses du cœur

 

 

Des figures passagères – infimes – dérisoires…

Des affaires et des jours sans importance – hasardeux – sans conséquence…

Des existences (presque) sans essence…

Ce qui fait que les vies sont (réellement) ce qu’elles ont l’air d’être…

Difficile d’imaginer l’or au-dedans de ce feu si terne…

 

 

La grande migration des cœurs – la grande épopée des âmes. L’intense labeur du dedans en dépit de la somnolence apparente. Quelque chose qui reste ardent – une étincelle – comme une flamme minuscule mais éternelle…

 

 

L’évidence de la bêtise – comme une vague submergeante – implacable – irrépressible – que rien, ni personne ne peut arrêter – nourrie par chaque visage qui compose la foule (immense) des hommes – comme une déferlante monstrueuse engendrée par l’ignorance des masses – et qui se disperse, de manière tentaculaire et insidieuse, en minuscules vaguelettes dévastatrices…

 

 

De l’importance de n’être personne – un inconnu – un anonyme – face à la monstruosité – un modeste obstacle face à la nuit et aux mains barbares – un modeste fanal pour dissiper le noir…

 

 

Des soubresauts – des émotions – des gestes. Le monde animé des apparences. Et au-dessous – le mystère à l’œuvre – la lumière se célébrant au-dedans de la chair – la joie circulant à travers le sang du monde…

Ce que, sans doute, seuls quelques-uns savent et perçoivent…

 

 

De grandes artères viscérales qui irriguent le monde – et qu’empruntent les visages et les choses…

Ce qui circule – ce qui voyage – les mouvements nécessaires à l’ensemble – à chacun…

La vie des minuscules cellules et du grand corps…

 

 

La terre – parfois – se rétracte – comme un cœur trop sensible…

 

 

Le besoin d’un Dieu présent – permanent – à portée d’âme et de main…

 

 

De la conscience et du vivant – et mille déguisements qui nous fascinent – et mille danses qui nous étourdissent – ce qui complique grandement nos pas sur le chemin vers la simplicité – vers le dépouillement – vers la nudité – vers cette incarnation (sans artifice) de l’esprit et de l’énergie…

 

 

Mille fois devenir sans jamais être. Puis, être sans jamais devenir…

Indéfiniment passant – et à demeure – l’éternel…

 

 

Ce que nous dicte l’usage – la raison – la passion – fort différent (en général) de ce qu’imposent l’âme et les circonstances…

La nécessité au détriment du désir – la justesse au détriment du plaisir…

 

 

Des mots qui ouvrent et résonnent – qui donnent à vivre et à penser – et qui offrent (potentiellement) le plus haut de l’homme ; métaphysique – spiritualité – nécessité – essentiel – solitude – Absolu – être – conscience – nature – marche – poésie…

Des mots qui résument nos aspirations profondes et notre existence quotidienne – notre manière implacable (presque impitoyable) d’être au monde…

 

 

Des jours – de la boue – des miracles – ce qui peuple la terre – ce que vivent les âmes…

Rien qu’un sol – et un ciel par-dessus…

 

 

Ce à quoi l’ignorance nous condamne – à des vies folles et barbares – à l’abomination…

L’enfer que nous sommes – l’enfer que nous créons – l’enfer que nous offrons – notre seul héritage…

 

 

Aucun attirail – aucun arsenal – le regard, le souffle et le corps (presque) nu…

 

 

Il n’y a d’alchimie – mais une série de soustractions vers le plus simple…

 

 

Sans l’âme et la vie (détaché d’elles) – l’art n’est (presque) rien…

Comme une vague lumière au fond d’un rêve…

 

 

Au fond de soi – le vide éternel. Et à la surface du monde – des circonstances propices et ce que la psyché charrie comme inutilités…

 

 

Des heures affranchies du temps – presque libres – qui ni ne passent, ni ne durent…

 

 

Au-dedans même de la vacuité – il y a cette lumière et ce silence – le plus précieux – ce que les hommes ne pourraient inventer…

 

 

Des bouts de terre désolés – des âmes agenouillées. Malheureusement (et trop souvent) l’abominable spectacle du monde…

 

 

Des secousses – l’éclatement de la pensée – ce que les esprits raisonnables appelleraient, peut-être, la folie. Rien d’autre, pourtant, que l’éviction du superflu – la résorption de l’inutile – le retour à la simplicité ; la vivacité cognitive – la sobriété de l’âme – la belle et innocente vacuité de la tête…

 

 

De vagues silhouettes – des ombres qui passent – des âmes morcelées – des chevelures sans tête – de la matière modelée – formatée – limitée ; l’apparence des vivants…

 

 

Des cortèges qui engorgent toutes les impasses – qui envahissent toutes les rives où le mensonge et l’illusion font office de vérité. Des armées de têtes geignardes et belliqueuses qui embrochent par envie – par crainte – par cruauté – par mégarde – tout ce qui peut satisfaire la faim – étancher la soif – qui se jettent sur tout ce qui peut faire oublier (provisoirement) la peur – saupoudrer le fouillis – le désordre – le chaos – d’un semblant de sens et de cohérence – pour leur faire croire, en dépit des profondeurs – en dépit des apparences – qu’elles ont figure humaine – que leurs gestes sont magnanimes et respectables – et que leur âme agit avec conscience et sensibilité…

 

 

En soi – au creux – au fond – quelque part – le tout – le rien – le mélange – l’absence de contours – de frontières – le vide – le chaos – et tous les contenus possibles…

La conscience et la vie brute – telle qu’elle (nous) arrive…

 

 

Au plus haut degré de l’être – du monde ; le vide – la nudité – l’innocence. Ce qui offre au regard sa plus vive intensité et à ce qui passe une dimension merveilleuse – quasi miraculeuse…

 

 

Des reliefs – partout – à n’en plus finir – des lignes et des courbes qui s’entremêlent joyeusement pour former la géométrie du monde…

Et la même chose avec la matière invisible dont les enchevêtrements forment la géométrie de l’âme – les figures les plus essentielles du silence…

 

 

Rien à découvrir – rien à réaliser – rien à craindre. Être – simplement – et vivre ce qui est offert…

Ni rêve, ni pensée – des gestes, de l’innocence et de l’accueil…

 

 

Les souvenirs – les idées – les images – sont des encombrements – des obstacles – des empêchements ; ils restreignent toutes les aptitudes de l’être – et invalident notre manière d’être au monde…

Ressources naturelles et spontanées – au-delà des (multiples) apprentissages nécessaires…

 

 

La croix, le refuge et l’épée. Ce qui sonne comme une devise communautaire – une sentence héraldique – entre les fondations et le faîte. Quelque chose comme un chemin – une aventure – une épopée – l’existence humaine, peut-être, résumée par trois malheureux symboles ; le monde d’autrefois avec ses guerres et ses croisades – les misérables exigences de l’ancienne humanité avide de conquêtes, de pouvoir et de domination…

 

 

Des grilles devant lesquelles s’éloignent (presque toujours) la joie et l’innocence – le plus essentiel…

Les basses besognes de l’homme…

Les fosses et la fange – le degré zéro de l’existence (terrestre)…

 

 

Rien que le jour – comme une aubaine pour les yeux – hors du regard – hors de la volonté des tyrans. Un espace de liberté à l’envergure inespérée…

 

 

La matière comme décor animé – et des mouvements initiés depuis l’invisible…

Ça va d’un point à un autre – ça revient – ça repart – ça fait des détours et quelques haltes. Ça bouge autant que ça respire – le vivant…

 

 

Une longue route grise dont on sait qu’elle ne finira jamais…

Des boucles et des cycles en guise de chemin…

 

 

Tant d’heures passées en sa propre absence…

Comme un compagnonnage difficile – rendu (presque) impossible par la fréquentation du monde…

Le plus précieux de tous – pourtant ; l’incontournable – et qui se révèle, parfois, de façon tardive…

 

 

Rien qu’une parole – une promesse parfois – qui tient lieu d’axe central – de direction que l’on s’escrime à suivre coûte que coûte – sans raison – inutilement…

Des pas qui s’enchaînent à une vague traînée de poussière…

 

 

D’éclat en éclat – nos foulées incertaines – nos gestes imprécis – notre bouche trop prolixe…

Notre vie entière, peut-être…

Ce qui ne sait vivre la totalité – l’ensemble – la globalité – de manière simultanée…

 

 

Pas même l’attente du souffle suivant…

L’intensité de la vie présente…

 

 

Ce qui nous inonde – ce dans quoi nous baignons – le même mélange – un peu de ciel plongé dans la matière malaxée – avec l’horizon comme seule perspective…

 

 

De l’herbe et des pas – des arbres et des pierres – ce qui se revisite chaque jour – d’un œil parfois identique, parfois différent. Ce qui traverse l’âme de part en part quel que soit son état. Ce que la main note, chaque soir, sur son carnet…

 

 

Quelque chose comme une étincelle durable – sans doute éternelle – qui enfante tous les élans…

 

 

Une place vide – comme un lieu magique que l’on peut habiter – mais que nul ne peut occuper – dégrader – pervertir…

 

 

L’ordinaire dans toute sa démesure – dans toute sa folie…

Toutes les possibilités du presque rien – comme un miracle…

 

 

Tout s’efface d’un grand trait de lumière…

Une manière d’être au monde sans volonté – sans récrimination…

 

 

La démence inconsciente du monde – des hommes – de chacun…

Le déséquilibre des forces au profit des plus puissants – espèces – catégories – individus…

 

 

Tout coule dans la même veine – le même sillon – le réel – tous les possibles mélangés…

 

 

Partout – de longs rubans gris et de hautes colonnes noires – une foule compacte et pressée – inconsistante – presque inexistante. Des existences et des figures aussi sombres que les cités qu’elles peuplent…

 

 

Du jaune – un peu de jaune – au creux du rien – manière, peut-être, de se souvenir de la présence de la lumière – au fond de l’innocence – au cœur de la vacuité…

 

 

Aux vies- et aux mondes-parchemins – nous préférons les existences- et les possibilités-palimpsestes…

 

 

De jour en jour – sans rien désirer. Si – parfois – un peu plus de silence lorsque le monde se rapproche – entame notre sereine solitude…

 

 

La possibilité d’une aile – d’un oiseau – d’un envol – d’un ciel – d’un ailleurs encore plus lointain – de l’infini sans doute – imaginés à partir de rien – d’un léger vent qui traverse la tête…

 

 

Ce qui se creuse au fond du rien – c’est de cet endroit précis que tout émerge – que tout s’élance – où tout revient…

 

 

Parfois, le bleu – parfois, le possible – parfois, l’impossibilité du langage…

 

 

A la multitude fate – irrespectueuse – ignorante – cruelle – incroyablement antipathique – nous offrons le pire de nous-même – le plus vil – le plus bas – le plus pitoyable – les termes ad hoc de l’équation…

 

 

Une torpeur persistante – particulière – sournoise – qui s’imagine attention vive et lucide…

L’humanité – comme un dormeur qui rêve – et qui s’imagine éveillé…

Le pire des cauchemars – sans doute – celui dont on ne peut s’extraire qu’en s’extirpant du sommeil…

 

 

De l’ensemble – comme un cri inaudible – une souffrance insupportable malgré les sourires et les consolations…

L’énigme en exergue – le mystère collé aux gestes et au front…

Et tous les océans dans la tête – avec l’azur et ses tempêtes…

Les vents – seule condition du changement…

Les caps et les ports qui se suivent – la destination imprécise – presque hasardeuse…

Ainsi se réalisent tous les voyages – tous les destins…

 

 

Les arbres comme les pierres – les nuages comme les bêtes. Ce qui a été engendré – et existe sur terre…

Un autre monde – mille autres mondes – à côté de celui des hommes – à côté de celui des vivants…

 

 

Le silence courageux – et inspirant – des arbres et des bêtes – dont l’apparente soumission est une sagesse – une offrande du mystère – un acte d’Amour – la promesse d’un infini accessible…

Les hommes, eux, avec leurs gestes monstrueux*, sont redoutables – sans conscience – sans pitié – effroyables…

Dominer et jouir – ainsi seulement se sentent-ils vivants – comme de pitoyables créatures…

* leur odieuse manière d’habiter le monde et leur inhumanité nous plongent dans l’effroi et la colère – autant que dans la haine et la honte…

 

 

Ce que nous attendons du monde – ce qu’il nous promet – et ce qu’il nous offre…

L’occasion – toujours – de revenir au plus simple – à la simplicité…

 

 

Par-dessus la crête – le monde inversé – sans rêve – sans image – sans personne. Des faits – des circonstances – à l’état pur – à l’état brut. Le silence sans commentaire. Des mouvements – des gestes. Ce qui éprouve et contemple. Et – absolument – rien d’autre…

 

 

Tout un monde endormi – au-dehors comme au-dedans. Dans l’attente d’un souffle – d’un vent – chargé de nouveautés – de loisirs – de distractions ; la nourriture même du sommeil…

 

 

Des pierres grises – presque autant que les visages. Des existences sans véritable destin – la répétition des gestes et des actes ancestraux – le fil rouge qui dicte et définit les lois – les conventions – les usages. De père en fils – de mère en fille – au fil des générations – le règne du pire et de l’immuable…

 

 

Des heures qui glissent – du temps chevauché – des jours et des nuits – de la durée – des cycles – de l’attente. Très peu d’instants – presque jamais…

 

 

Il y a des murs – partout – il y a des murs et des cachettes – mais il ne peut y avoir de secret – il y a des choses dissimulées – des choses oubliées – et, à chaque fois, le témoin de tous les gestes…

 

 

Un carré de terre – un cercle de lumière – des pas – des gestes – pas la moindre frontière. L’infini qui se déploie au-dedans de l’infime – dans la plus grande intimité avec le monde et les choses. Comme une envergure invisible offerte à celui qui s’efface…

 

 

Un monde sanglé – entravé – et paré pour la marche – le grand voyage que lui promettent les hommes…

Des ressources – des nécessités premières – ainsi tout a été converti. Matière d’usage et vies de contingences…

La cognition au service des instincts et de la survie…

Ce que l’homme – ce pauvre idiot – appelle l’humanité – l’intelligence – balivernes, bien sûr…

 

 

Quelques fenêtres ouvertes sur le jour – et (presque) toutes les autres sur le rêve et le néant. Et au-dessus du mur – aucun choix – la lumière sur l’ensemble des mondes possibles…

 

 

La vie agenouillée – contrainte – restreinte – asservie – sous le joug du monde – des Autres. Pour quelles (mauvaises) raisons nous y soumettons-nous…

 

 

Ce qui échappe à l’œil – et ce que l’âme peut voir…

 

 

Un système – un réseau – des embranchements – des ramifications – un enchevêtrement – mille lieux – mille liens – mille connexions. Tout ce qui existe – pris dans la trame – comme infime élément – toujours – de l’ensemble…

 

 

 

Des abîmes – des faîtes – des risques – des menaces – des chemins – des refuges – des détours – des impasses…

Ce qui apparaît comme un parcours – ce à quoi chacun est confronté – ce que chacun expérimente…

L’inévitable itinéraire terrestre et le possible cheminement de l’âme…

 

 

Des intuitions – mille instances de décision…

Le réel à travers des rideaux – comme une (quasi parfaite) impossibilité à voir…

Murs – fenêtres – imaginaires – reflets…

Le regard et le monde pervertis – corrompus – mensongers – fallacieux…

 

 

La légèreté et la consistance – la profondeur et la simplicité – la justesse et le silence ; des qualités très (très) rarement réunies – exceptionnellement…

 

 

Au cœur de ce monde – caché des regards – à observer l’étrange banalité des vies…

Mille gestes – mille mouvements – extraordinairement prévisibles – incroyablement humains…

Plongés dans la trivialité des choses de la terre – au milieu de ces visages affairés…

Un univers où l’âme semble absente – presque inexistante…

Des postures et des actes mécaniques qui s’enchaînent et s’entrecroisent…

Des silhouettes – des existences – qui ont l’air de ne rien vivre intérieurement (excepté les émotions réactives élémentaires) – rien de vraiment intense, ni de vraiment profond ou, en tout cas, insuffisamment pour être perceptible dans les attitudes et les paroles…

Des vies creuses – en quelque sorte – sans profondeur – sans consistance – sans justesse – lourdes – bruyantes – inutilement complexes… Voilà l’impression qu’elles (nous) donnent…

 

 

Etrange matière que cette épaisseur terrestre – couches de boue, d’instincts et de chair saupoudrées d’un peu de ciel – substance inerte et mobile – mélange de limites et de possibles…

 

 

De chair, d’âme et de langage – le monde en actes – le monde en mots – et celui qui nécessite un silence – un retrait – une (réelle) intériorité…

 

 

A dessein – le moins léger – pour laisser imaginer ce qui est caché – ce qui s’apparente au silence ; le plus proche du plus rien – très (très) loin du néant…

 

 

Ça bavarde – ça caquette – ça palabre – ça commente – ça adore les histoires – et ça a l’air de ne vivre que par (et pour) cela…

 

 

D’un bout à l’autre du monde – d’un bout à l’autre de l’âme. Tous les chemins à partir d’ici – du centre – et vers lequel ramènent tous les voyages – et qui se dévoile au fil des pas – par soustractions successives – jusqu’au cœur du vide – jusqu’au cœur de la pleine vacuité…

 

7 novembre 2019

Carnet n°211 Notes journalières

Rien qu’un très grand ajour dans la tête – une percée de l’âme – de la lumière. Et la lente – la (très) progressive – transformation de l’obscurité…

 

 

Aucun mot accroché aux lèvres. Et beaucoup de silence sur la page. Le foisonnement est ailleurs – dans ce rire, peut-être, qui nargue le monde et les saisons…

 

 

Un peu de vent – et un trou immense au milieu de la figure. Une faille pour engloutir le monde – ce qui blesse et réconforte – et laisser le feu brûler tout le reste…

 

 

Un éclat particulier dans l’œil – comme une flamme et une brûlure – cette ardeur et cette sensibilité à fleur de peau de ceux qui veulent tout vivre – tout sentir – tout comprendre…

 

 

Le bleu dans la paume autant que l’envergure de l’âme…

 

 

N’être – à ce point – plus personne. Vivre l’inexistence – la grande invisibilité. L’axiome premier de l’être – le silence – l’absence absolue de l’Autre…

Des vertiges solitaires et analphabètes – une manière de vivre la surprise sans le monde – ni le langage – d’éprouver l’étonnement hors de l’humanité – sans les mots pour commenter – en abandonnant cette odieuse façon de redresser la tête – de faire un pas de côté – de se désengager de la pleine sensation…

 

 

Des gestes – des pas – davantage ceux du ciel que les nôtres…

Nous n’existons plus assez pour posséder quelque chose en propre…

 

 

Comme une pierre dure et friable – l’apparente faiblesse du jour…

 

 

La clarté d’un horizon et celle d’un océan qui se rejoignent. Un peu de bleu au bout des doigts. Et ces grandes plages de silence sur la page. Manière, peut-être, de satisfaire la faim – d’exalter le désir d’une perspective moins commune – d’initier un chemin singulier vers une forme vivante d’Absolu…

 

 

Ce blanc – ce gris – ce jaune – autrefois si bleus – sur ce vert devenu si morose – presque noir à force d’être foulé – écorché – retourné. La terre – le ciel – et la malheureuse main de l’homme…

 

 

Pierre solitaire tout au long du séjour. Ici – immobile – malgré les heures. Muet malgré le monde – malgré la nuit…

Et pierre solaire au-dedans – une large clarté malgré l’ombre et l’absence apparentes…

 

 

Comme une main traversée par la lumière – sans autre stigmate que ce bout de ciel dans la paume…

 

 

Une parole rayonnante pour éclairer cette parcelle de terre trop sombre où nul ne se reconnaît – où l’Autre n’est qu’un fantôme – un danger qu’il faut éviter ou éliminer…

Aucun œil encore n’est né – il faudra attendre l’éclosion du jour au-dedans…

Ce à quoi contribuera (modestement) notre marche illusoire dans la spirale du temps…

 

 

L’étreinte invisible des Dieux – et leur empreinte au milieu du visage. Des courbes – des chemins – un peu de chair avant le pourrissement. De l’ardeur – de la patience et un amas d’ombres et de secrets cachés dans l’épaisseur de la matière…

 

 

De la faim et du venin en guise de façade. Et la mort plantée au milieu de la sève…

Un peu de langage pour tenter de circonscrire la nuit…

Le pathétique – la tragédie – toujours à la marge du silence…

L’homme – et ce qui penche au-dedans – dans leurs velléités de redressement…

 

 

Rien que des couleurs et des vibrations – le changement rapide du décor – des états – de tous les contenus. La terre – le monde – la vie. Et ce qui regarde – ce qui contemple sereinement le spectacle…

 

 

Ce que l’on assiège faute de trouver la clé de la soustraction – cette voie étrange – ce tunnel sous le monde – au-dedans de soi – long – interminable – qui mène on ne sait où – vers le couronnement, peut-être, de l’effacement – comme un peu de vent dans l’air – un peu de rien sur lui-même…

Une chose surprenante – à vrai dire – et, sans doute, peu enviable perçue du dehors – de si loin…

 

 

Des rites – des passages – peut-être assez de folie pour traverser tous les sommeils – toutes les batailles – l’épaisseur de l’ignorance, de la peur et du mépris – et espérer voir le jour éclore avant la fin de la nuit…

 

 

La féroce fatigue des jours qui use l’ardeur et la beauté – qui trace son sillon invisible – et déchire la terre commune jusqu’à la rupture…

 

 

Ce que la nuit nous retire bien avant la mort. Ce que nous offre le souffle – bien davantage que les mots…

 

 

Notre voix – presque inaudible – dans le tintamarre des siècles – promise à rien – et que le grand ciel écoute – pourtant – page après page…

 

 

Les bruits de bottes – des pas feutrés – la guerre et la ruse – l’existence des vivants – et toutes les fables de la terre – les larmes des enfants – le chagrin des mères – et l’orgueil des mâles qui ferraillent depuis le premier jour du monde…

 

 

Des routes et des frénésies – toutes plus absurdes les unes que les autres. L’époque est à la paresse – au prolongement indéfini du sommeil. Le triomphe (durable mais provisoire) de la nuit sur la quête du jour…

La bêtise élue reine par les foules stupides – instrumentalisées pour d’abjectes et grossières raisons – l’intérêt vénal (et incompréhensible) de quelques-uns – l’attrait (irrésistible) exercé par le pouvoir et la domination – la volonté de régner sur les masses…

Des corps sans tête qui s’agitent et courent partout – qui se précipitent là où on leur dit que le soleil est préférable – plus avantageux – posé là tout exprès pour eux…

 

 

Dans cette lumière qui n’est que nous-même(s) – les ombres terreuses – ce qui guerroie – et ce qui s’enlace – nous-même(s) aussi…

On ne peut échapper à toutes ses appartenances…

 

 

Nous autres – triomphants dans le jour – pitoyables dans la peur. A suivre la lueur des astres jusqu’à l’anéantissement – jusqu’à l’extinction définitive…

 

 

Adossé à la porte ouverte – comme la neige – nous allons – nous sommes peut-être – en silence – qui arrive et s’efface – ne dure qu’un instant – jamais plus d’une saison…

Au cœur de la montagne – sur ces pierres serrées ensemble…

Perdu déjà avant d’apparaître – l’hôte passager d’un ciel qui se laisse entrevoir – appuyé sur le labeur de l’hiver – avant d’aller nourrir la terre d’autres lieux…

 

 

Rien qu’une fenêtre dans le sommeil – un regard vers l’infini – le rien – le grand rien invisible – la nécessité du silence. Ainsi l’homme pourrait peut-être, sait-on jamais, sortir de ses limites – de son angoisse existentielle – de son ignorance métaphysique…

 

 

Ce qui apparaît – ce qui s’éloigne – l’inconcevable. Le monde sans heurt – confondu avec l’Autre et le silence – en soi – la même chose – personne. Rien qu’un regard – de la tendresse – et une main qui se tend pour mendier – caresser – offrir l’obole – recevoir l’offrande – s’incliner devant la puissance et la magie d’un langage sans parole – où les identités tourbillonnent – n’existent plus – et où leur absence invite à être soi – en soi – entre soi – d’infinies possibilités…

 

 

Tout se rejoint – en un instant – à travers nous – découvert – retrouvé – aimant…

Loin de la tendresse rêche et hasardeuse d’autrefois…

 

 

Du sang – du jour – le monde à l’envers qui retrouve enfin son endroit – là où la vie et le langage servent ce qui est plus haut – plus puissant – plus essentiel – là où le vide et le silence ouvrent leurs bras – là où même nos trop persistantes absences sont pardonnées…

 

 

Personne vers personne – partout et nulle part – comme un chant – un peu de lune et de brouillard – le grand soleil peu visible depuis ces horizons trop sombres. Des jardins – du sang – des morts – à peine un rêve – quelque chose, parfois, de très effrayant…

 

 

Rien ne s’attarde vraiment – plutôt une attente – un espoir de voir arriver ce qui n’arrivera jamais…

S’offrir ce que nul ne peut nous offrir – une manière d’inscrire sa route au cœur d’un vrai compagnonnage – de s’accorder une amitié précieuse – indispensable – infaillible – éternelle…

 

 

L’essentiel – toujours hors cadre – en dehors des principes – du langage – de l’intention – du territoire circonscrit. Plus proche du secret et de l’invisible que de ce qui brille sous la lumière. A égales distances entre le rien (un peu de poussière, peut-être) et l’infini…

 

 

Des lieux et des heures de renoncement – d’abandon – de capitulation désespérée ; le socle indispensable de ce qui apparente l’homme à Dieu – de ce qui révèle notre ascendance – notre filiation – notre appartenance…

 

 

Les mots ne sont rien – ils sont comme des clous sur une planche libre – magnifique – presque magique – qui n’a besoin de fixation – et qui ne tient sur aucun support…

 

 

Peu à peu – on devient ce qui nous emporte. Et le reste – immobile – à demeure – dans l’instant – pour l’éternité…

Ce que la nuit ne peut nous ôter – ce que le jour ne peut augmenter – ce à quoi rien ne peut contribuer ; ce frémissement du cœur vivant – attentif – qui voit – qui aime – et qui ouvre les bras à ce qui est devant lui…

 

 

La haine de tout ce qui assoupit – de tout ce qui nous disculpe – de toutes ces existences sans conscience – sans âme – sans conséquence…

Se tenir à distance du règne et des thuriféraires de la distraction, de l’irresponsabilité et du sommeil…

 

 

Ce qu’il nous faut traverser pour toucher au silence – comment pourrions-nous donc échapper au temps…

 

 

Des danses sans aveu – au plus près de l’effroi. Et cette parole aussi lointaine que l’étoile. Et cette faim qui répudie le ventre – et le transcende…

L’Absolu au-delà de la chair…

Le fond de l’épreuve – le fond du litige peut-être…

 

 

Ce qui se reprend – inlassablement – comme notre seul labeur – notre seul héritage. Ce grand vide qui, bientôt, n’étonnera plus personne…

Dans mille ans – serait-ce donc le jour prochain…

 

 

Et cette nuit sans flamme où tout s’agite – où tout s’invente – où tout s’oublie – serait-ce un autre ciel sans porte…

L’ardeur et la poésie d’un Dieu jamais avare d’initiatives et de partage…

 

 

Des nuits et des siècles contre lesquels s’escriment – en vain – nos larmes…

 

 

Une âme sans poids face au désastre. Et mille questions sans réponse…

 

 

Il faudrait que chaque page soit une fenêtre. La poésie alors serait un remède – une forme de bûcher sans langage – gigantesque et lumineux – salvateur…

 

 

Le drame souterrain qu’il faut affronter en vivant – Dieu regardant sa propre faillite – son propre déclin…

Et l’interrogation primordiale qui traverse toutes les portes – tous les murs – toutes les épaisseurs – jusqu’à retrouver la perception exacte – inversée ; la grâce de l’effacement – le parfait couronnement du vide – ce que nous sommes – essentiellement – et ce qu’il nous faut comprendre – de la plus intime manière…

 

 

Tout porte au-dedans – tout nous porte au-delà…

Tout s’avance d’un pas égal – et seul l’intérieur fait la différence…

 

 

Tout est là – semble là – on ne sait pas. Et le temps de fermer les yeux – et tout a disparu – semble s’être effacé. Et cette absence apparente nous pousse à explorer tous les souterrains – toutes les voies secrètes – invisibles – intérieures…

Sur l’autre rive – là où, peut-être, existe le monde…

 

 

Et cet asile que nous cherchons partout – oubliant le lieu et la manière de s’y rendre malgré nos innombrables (etinoubliables) séjours

 

 

Rien qu’un pas – un seul – voilà le chemin – le voyage – la provisoire destination – la seule…

 

 

La manière d’être – ce qui donne à l’âme et au monde leur couleur…

 

 

Un chemin d’arbres et de fleurs – de roches et de bêtes – celui qu’emprunte la parole silencieuse…

Un monde de sueur, de source et de pas…

 

 

Le souffle – la voix – le ciel – et ce que nos gestes dérobent à l’inconnu. Le monde sans lendemain. Et, parfois, la blancheur – l’innocence – au-delà de ce qui nous heurte…

Le vide – la nuit – le mot – quelque chose comme des noms dessinés sur le sable. Des oiseaux qui picorent. Un soleil timide – trop tardif sans doute. Toutes les naissances du monde et l’immobilité. L’univers et la trace dans un seul brin d’herbe. La parfaite continuité de l’absence…

L’arbre – l’horizon – la pensée – ce qui passe dans le silence déguisé parfois en matière – parfois en image – parfois en défi. Ce que le feu qui anime le sang – les pas – les gestes – cherche à retrouver parfois dans l’âme – parfois sur la terre…

 

 

Comme une joie perdue – et encore frémissante. Un destin d’autrefois aujourd’hui effacé. Ce que l’invisible nous réserve et le parfum de la nostalgie…

Le chant particulier du jour – le monde à l’envers. Et la tête enfin hors de l’eau – au-dessus de nous-même(s)…

 

 

Sous le silence – des yeux sentinelles. L’instant et le lointain amené par le vent. Sans poids – dans l’absence de temps…

 

 

Le souffle qui fait usage de l’exil. Une géographie sans ombre, ni fantôme. Peu d’hiver – pas de ruelles. Quelque chose comme la source de l’immobilité. Un chemin – le visage d’un autre monde – plus heureux et moins circonspect…

 

 

Parfois – le vent défait le monde alentour – ne reste rien. Et, au-dedans, la solitude de l’âme – le froid et la nuit. Une chaise vide sur laquelle est assise l’absence…

 

 

Rien ne s’écrit hors de la perspective. Tout s’écoute – est accueilli. Ne règnent – ici – que l’Amour et le silence…

L’extrême attention et l’extrême liberté…

Le regard et toutes les danses du monde…

 

 

On n’existe qu’en sourdine et de manière souterraine – en surplomb aussi – au-dessus des têtes – au-dessus des corps et des gestes – parmi les âmes qui virevoltent autour du temps – au-dedans et sur des chemins plus qu’éphémères…

La vie dans l’antre du regard – comme l’écho presque imperceptible d’un chant au fond du cœur…

 

 

Nous sommes une écriture indéchiffrable – un silence écorné bien davantage qu’un langage. Les signes d’une eau lointaine – d’une origine commune – inconnue – et aujourd’hui étrangère. Nous sommes ce qui glisse – avec le reste – dans le gouffre du temps – un repos – une parole – et plus encore un lieu à découvrir…

 

 

Une île comme un jour séparé du reste – de l’ombre – du monde – du temps. Une présence vers laquelle se dirigent tous les pas…

Une manière (presque) miraculeuse d’habiter la terre…

 

 

Ce qui glisse entre la tête et la main – par-dessus la poitrine – dans ce grand vide où tout s’efface – où les vivants n’ont plus même le sentiment de vivre, ni d’avoir vécu…

Un fond d’oubli tragique (pour la psyché) et salvateur (pour l’esprit)…

Là où se tient l’âme – toujours hésitante…

 

 

Il n’y a plus de visage – qu’un grand corps vivant – mobile – agité – que rien n’éclaire – que rien n’effraye – excepté, peut-être, les ombres et la nuit…

 

 

En soi – et dans l’intimité des choses et de la matière – il n’y a, sans doute, de meilleure compagnie – ni de plus grande proximité…

 

 

Chacun dans son cercle et ses mouvements – à vivre et à regarder le monde depuis ses meurtrières. Sans réel contact avec l’Autre – étant hors de tout – et de lui-même d’abord – pas même à ses côtés…

La terre – l’existence – les vivants – dans l’oubli des Dieux…

 

 

Rien qu’une pente où tout roule – et le ciel inconnu – trop lointain…

 

 

Et toutes ces vaines grimaces – et toutes ces vaines acrobaties – face au mystère…

 

 

Rien de plus étranger que le monde – aussi inaccessible que le rêve – que l’impossible…

 

 

L’Autre – des visages – vivant seulement dans la parole – peut-être dans la mémoire – dans ce que fut ce passé sans gloire – un léger flottement entre le ciel et la vie – dans la faille où finissent par glisser tous les secrets…

 

 

Le seul lieu est au-dedans – et la seule direction – loin du monde – de la nuit – de la langue – en deçà de cette lisière qui nous sépare du reste…

 

 

Personne – comme le Graal qui se vit provisoirement sur le sable – et qui s’imprime, peut-être, humblement sur la page…

 

 

Soleil d’un seul – soleil d’un Autre – soleil commun. Nul n’a le choix de son remède – de son éclairage. Comme le reste – on nous choisit…

 

 

Parmi les ruines à venir – au pied du désastre – et nous ne sommes occupés qu’à graver nos noms sur les pierres des édifices qui nous serviront de stèles…

 

 

Des fleurs – parfois – poussent entre les lignes ; des morceaux de silence colorés – des fragments de beauté venus d’ailleurs…

 

 

Usés par la récurrence et l’oubli – nous allons ainsi vers la mort – épuisés – à moitié vivants…

 

 

Des griffes et des royaumes – des tours et des territoires – mille parcelles sous la lumière – sous le même regard…

 

 

Rien qu’une mémoire à la place du monde – une monstruosité rassurante – une manière d’apprivoiser l’inconnu – de peupler l’inconnaissable…

Quelques signes – le réconfort de quelques visages – la quasi certitude du plus familier…

La seule façon de donner sens à ce que nous transformons en histoire…

 

 

Rien qu’un regard – le reste a été jeté aux loups – qu’il faut nourrir à chaque instant…

Devenir l’innocence et la virginité permanentes – le vide – ce qui accueille sans raison – sans savoir – sans trier…

L’âme offerte – la main ouverte…

Ni nom – ni visage – personne…

 

 

Occupé tout le jour à son tête-à-tête intime…

 

 

Tous au pied du silence – à vouloir exprimer ce qui est né du mystère – sans trop savoir où placer notre visage – ni à quelle distance de nos gestes et de nos pieds se tient la vérité…

 

 

Rien qu’un peu d’Amour et quelques pas…

De la violence – des paroles – et quelques gestes abrupts et maladroits – aussi…

 

 

Dans le tumulte d’un soir rêvé – le regard, un instant, se laisse emporter – puis, se ressaisit – oublie l’imaginaire – l’imaginé – efface le temps – redevient ce qui porte…

 

 

Une tête sculptée dans le monde – de la terre au-dedans – et au milieu, dissimulé, un peu de ciel – suffisamment pour que certains lèvent les yeux au-dessus des horizons terrestres…

 

 

Est-ce la fatigue ou la paresse qui murmure à la tête la nécessité du sommeil…

 

 

Il faudrait vivre avec le sang du monde dans les veines – et boire à la même source que les vivants pour que naisse une forme de pardon et d’oubli – et pour que l’on soit (enfin) capable d’aimer ce qui arrive…

 

 

Rien que des traces passagères – comme de l’écume ; nos seuls repères – et, peut-être aussi, les seules preuves de notre existence…

 

 

Et cette fièvre qui nous ligote au lieu de nous libérer. Il faudrait un feu immense pour commencer à faire un pas (un seul pas) vers l’Amour…

 

 

Des chemins comme des rêves – des pays hors saison – des paysages nocturnes – mille couches de sommeil supplémentaires…

 

 

Ce que nous effleurons du silence – les faces les plus anguleuses – assombries – presque noircies par nos images collées – le versant le plus puéril de la psyché – celles qui (nous) donnent envie de fuir – de rester enlacés ensemble – dans les bras du monde – du bruit – de la nuit – comme une poussée – un élan – un désir encore plus puissant de sommeil…

 

 

Un monde sans visage – sans espoir – sans étoile…

Un monde de pas et de pierres où le rêve a été banni…

Un monde d’arbres et de labeur libre – oisif – le contraire du travail et de la cité…

Une existence d’oiseau et d’espace où les ailes seraient inutiles…

Fidèle – toujours – à ce qu’imposent le cœur – l’âme – les circonstances…

 

 

Des yeux et un soleil en guise de visage. Deux bras suffisamment solides pour porter le monde – une plume – une feuille – pas le moindre orage…

L’Amour nécessaire – presque personne, en somme…

 

 

Aucun défaut – quelques nécessités – et, parfois peut-être, les caprices du ciel…

Quelque chose de désaxé – à l’image de ce qui tourne – de ce qui boite – silhouette moitié d’argile, moitié de ciel auquel on aurait ajouté un peu de plomb…

 

 

Les routes familières – si étroites – que même le temps semble s’y être arrêté. Du silence sans grâce – de l’habitude et de la faiblesse. De pauvres paroles et des silhouettes avachies. Des gestes usés qui durent sans jamais se renouveler…

Des fronts froissés – la vie immobile…

L’existence – la terre – indigentes de ceux qui n’ont jamais erré…

 

 

Ce qui se noue et se dénoue d’un seul geste – et que nous mettons, nous autres, des siècles à assembler et à découdre…

A l’esprit, le vent – et aux hommes, l’étoffe et le labeur…

 

 

Ce qui respire dans le geste et la parole ; le silence…

Ce qui donne au poème une lumière peu commune – un peu de ciel et de vent agglomérés – comme cousus ensemble…

 

 

Comme l’arbre – la fleur – la pierre – jamais distrait de notre labeur. Assuré d’être là – présent – penché sur notre tâche…

 

 

Personne – sans le moindre vertige – sans la moindre somnolence. La nuit pas même cachée – exposée à tous – reliquats peut-être – parfois davantage – parfois levier de forces noires – accablantes…

Un corps – une âme – à peine une tête à présent…

Ce qui s’abîme – ce qui meurt – et le reste que l’on oublie…

Ce qui passe – sans même la surprise du jour – la nécessité des Dieux – la fréquentation des hommes…

Le plus simple – le plus proche – ce qui semble si étrange – si étranger – si lointain – aux Autres…

 

7 novembre 2019

Carnet n°210 Notes sans titre

L’œil pris par l’attrait du mouvement…

Demeure le centre – immobile – en arrière-plan…

Deux pans du même espace…

 

 

Un abri – un destin – un voyage. Cet étrange chemin qui serpente – ce court périple entre déboires et agréments – l’apparence – ce qui se passe – et la manière dont les circonstances sont vécues dans les coulisses de l’âme…

 

 

Ce qui nous habite et nous revient ; tout ce qui naît – tout ce qui passe – tout ce qui dure (un peu) – tout ce qui s’efface…

La boucle permanente des choses…

 

 

De plus en plus simple – le monde – ce qui bouge – ce qui change – l’inévitable. Et ce bleu intérieur – sans poids – sans épaisseur – présence sensible – vivante – sans contour – non localisable – à la fois au-dedans et au-dehors de tout…

 

 

L’alliance indiscutable – l’union consommée de mille manières – entre le mouvement et l’immobilité…

 

 

Tout se recroqueville sous le poids de la gravité – le (trop grand) sérieux des âmes. Seuls l’Amour et le rire offrent la liberté propice à la dilatation – aux retrouvailles avec l’envergure naturelle…

 

 

Le feu, le geste et l’attention – le plus grand soin offert par l’âme non distraite – ce que permettent la main et la plus grande présence possible…

 

 

En soi – la demeure pour l’âme. Et partout ailleurs – au cœur de la nature – mille possibilités pour le corps…

 

 

Ce que l’esprit autorise – mille aventures – mille replis – mille offrandes – mille autodafés – mille cruautés – mille massacres – mille sourires – mille poésies…

Tout – absolument toutes les possibilités sans restriction…

Il n’y a d’interdit – ni en acte, ni en parole…

 

 

De longues minutes de silence et de vacuité avant la naissance du premier mot – avant le jaillissement du premier trait – le temps de remonter jusqu’à la source – de creuser, en soi, le trou (parfaitement lisse) qui absorbera les bruits et les encombrements du monde et de la psyché…

 

 

Le monde – les piliers même de l’effondrement. L’évanescence et la précarité sur socle…

Des lignes qui se distinguent et s’entrecroisent. Le monde comme dessin – comme arabesque…

Puzzle mouvant – interactif – évolutif. Echeveau multi-dimensionnel…

 

 

L’infini vivant – et ce qui occupe l’espace. Le plus pur et cette folie en mouvement…

 

 

L’assoupissement mécanique du monde…

Fosses et ravins creusés à même l’esprit – ce que facilite (grandement) la psyché…

 

 

Le fouillis et l’assemblage géométrique des formes. Le parfait emboîtement des éléments. Cet entremêlement de la matière visible et invisible. Et ce regard sur le cours (inévitable) des choses…

Nous sommes – cela…

 

 

D’instant en instant – de jour en jour – d’état en état – et ce qui est, en nous, indéfiniment présent…

Ce « nous sommes » sans qualificatif – sans texture – sans attribut – qui prend la forme et la couleur du monde – de toutes les choses du monde – de manière si provisoire…

 

 

Le jeu de l’infini dans la restriction – dans la limitation ; le ciel pris entre des barreaux (dont le ciel serait le seul matériau) que l’on aurait recouvert(s) d’un peu de boue, d’un peu de terre, d’un peu d’eau et de nuages – histoire d’obtenir un mélange aux ingrédients (presque) indécelables – histoire de brouiller les pistes et de complexifier les règles du jeu…

 

 

L’esprit – le monde – la vie – ce qui nous assigne à mille obligations – à une forme de présence – d’astreinte – de servitude…

L’infini, la restriction et l’inévitabilité…

On ne peut y échapper ; impossible de ne pas être – de ne pas participer au monde – à l’Existant – d’une manière ou d’une autre…

 

 

L’aire de tous les possibles – un chantier – un étroit chenal – la terre – l’esprit – l’espace de toutes les réalisations…

L’être s’essayant à toutes les combinaisons…

L’infini traversant le singulier – tous les singuliers – l’ensemble de ses figures – infimes – restrictives…

Comme un ciel au-dedans d’une tête – au-dedans de toutes les têtes – le bleu, le vent et tous les orages possibles…

 

 

Ce qui est vécu intérieurement en vivant dans le monde – dans la proximité des autres visages…

Parfois – on aimerait – seulement – vivre – partager et échanger – avec ce qui se cache derrière les masques et les parures ; l’âme nue – fragile – sensible – le plus authentique – le plus aimable – de l’Autre…

 

 

Être ce terrain vierge où tout peut éclore – arriver – s’inviter – s’imposer – s’effacer – sans crainte – sans embarras – sans récrimination…

Devenir cela au lieu de ce conduit étroit et rigide à travers lequel ne peut couler qu’une eau sans contrariété…

 

 

Regard au sol – plongé dans les herbes folles des fossés…

Regard au ciel – porté par la course des nuages…

Ici et là – au-delà des frontières humaines – hors du cadre restrictif – à vivre l’envergure par-dessus les mille restrictions…

 

 

L’esprit blanc – sans trace – sans marque des épopées anciennes – sans le moindre frémissement d’attente – sans le moindre élan pour d’éventuelles aventures…

Alerte – vif – disponible – sans préjugé – qui accueille ou refuse avec netteté et franchise ce qui surgit – ce qui s’offre – fidèle à ses ressentis – à ses résonances profondes – qui bannit toutes les compromissions incompatibles – peu salutaires – qui est à l’écoute des mouvements naturels nés de la rencontre – de la coïncidence – entre ce qui est dans le monde et ce qui est dans l’âme – à un instant donné…

 

 

Tout existe – puis, tout se retire – s’efface – l’instant suivant…

Tout est possible – et peut se produire – se réaliser – dans le monde – dans la tête – dans l’âme…

L’ouverture et le champ infini des possibilités…

Jamais aucun interdit – jamais aucune restriction…

 

 

Le monde sans repos – le monde essoufflé – le monde à genoux. Sur la pierre se dressent tous les possibles. Et dans l’âme, l’acquiescement…

 

 

Ce que nous promettent les croyances et les prières – et ce que nous offre la fréquentation des Dieux…

 

 

Des visages côte à côte – mais le cœur ailleurs – déjà loin…

 

 

Des identités de façade – de papier. Des entités fragiles. Quelque chose de l’ordre de l’habitude et de la résignation…

 

 

Rien n’est moins réel – n’est plus mensonger – que les apparences ; des masques pour dissimuler le plus commun – le plus humain – ce qui constitue le plus digne et le plus aimable de l’homme – ce qui gagnerait à être davantage exposé…

 

 

Des pavés – des murs – des arbres. Partout – les mêmes forêts – les mêmes édifices – les mêmes visages – les mêmes chemins ; l’appauvrissement de la diversité…

 

 

La lumière – parfois – dévoile les couleurs de notre arrière-monde ; et nous voilà à pousser de grands cris devant tant de surprises et d’inattendu…

 

 

La plume tantôt vive – tantôt poussive – qui accompagne les pas du jour – qui leur est fidèle, en quelque sorte…

Le corps et l’esprit – main dans la main – si l’on peut dire…

 

 

Des amas de choses sur d’autres amas de choses – enveloppées – et qui se distinguent – par les apparences – et au-dedans desquelles circulent les mêmes fluides – et au-dedans desquelles habitent les mêmes fables et la même essence…

Et tout cela emmêlé – jusqu’à ne plus rien y voir – jusqu’à ne plus rien y comprendre…

 

 

Quelques possessions et nos ambitions cannibales. Notre soumission – notre allégeance à l’infâme tyran qui gouverne la psyché…

Les yeux cachés par les mains pour ne pas voir la violence avec laquelle on investit le monde – la violence avec laquelle on vit – la violence avec laquelle nous nous acharnons à satisfaire nos besoins – nos désirs – nos caprices…

Le pays totalitaire – invivable – que nous sommes devenus…

 

 

Des événements – des choses – sans posture – qui se manifestent avec aisance – de manière naturelle – sans la moindre attente à l’égard du monde…

 

 

La silhouette du monde dans l’âme – un peu d’ombre tout au plus…

Ce qui surgit – et s’en va – comme l’éclair…

Et ce qui se cache sournoisement au fond de la psyché – à notre insu, bien sûr…

 

 

La rudesse du monde qui cingle le corps – qui le marque continuellement. Les heures de grandes souffrances et celles des petits inconforts…

L’empreinte implacable de la vie terrestre sur nos existences…

 

 

Le pire ne concerne jamais l’Autre – l’ailleurs – c’est l’en-soi qui est touché – ce qui nous concerne au cœur…

 

 

La surprise et la joie de tout vivre – en soi…

L’incroyable danse des possibles – où, à chaque instant, sont remises à plat toutes les règles des probabilités…

Le puzzle parfait – à chaque fois… qu’importe les emboîtements – les choses qui s’entrechoquent – qui blessent et se déchirent – les résistances – la fluidité jusque dans les pires frictions – les pires fractures – les pires entailles…

 

 

Le réel qui façonne – qui martèle – qui cisaille – qui œuvre à sa propre gloire – à sa propre perte – et toujours avec panache – même au cœur du plus indigent – même au cœur du plus pathétique…

Mille bataillons – toute une armée de formes à sa disposition. Et, bien sûr, tous les champs de bataille offerts pour que meurt ce qui doit mourir et pour que s’impose ce qui doit s’imposer…

La défaite – l’amer – la désolation – la misère – ne sont que des inventions de la psyché – et le refus de la moitié du réel – de la moitié du monde – de la moitié de l’existence terrestre – le refus de la moitié de ce que nous sommes – l’autre part, elle, est acceptée – et convoitée (au plus haut point) – quant au reste – l’invisible – le plus essentiel – il est encore trop souvent nié – oublié – condamné à l’inexistence – à moisir au fond des abîmes que nous abritons…

 

 

L’inévitable cohabitation ; les rapports de force – la domination – la violence – les postures – les stratégies – et l’idéologie sous-jacente de la séparation et de l’individualité…

Rien – pour l’heure – qui ne puisse éradiquer les conflits et les guerres…

Seulement – le sacre de l’instrumentalisation – de l’exploitation – de la réification – de l’extermination – toutes ces joyeuses réjouissances de la vie terrestre…

 

 

L’heure initiale – celle qui a précédé tous les élans – celle où débuta la construction du monde et des chemins…

 

 

La route étroite et ses interstices de confort – de douceur – au fond desquels l’esprit s’éternise pour échapper au long couloir de verre – à la détention terrestre avec ses grilles – ses servitudes – ses pièges mortels…

 

 

Le chant des mots au-dedans – comme une danse avec le silence – quelque chose de l’ordre de la vibration – mille échos nés d’un brusque surgissement…

 

 

Des méandres à suivre qui se construisent – et se défont – au fil des pas. Comme le déroulement du temps – instant après instant. Comme le déroulement d’une histoire – de mille histoires simultanées – séquence après séquence…

Rien de certain – juste l’impression (illusoire) d’une durée – de mille moments – de mille événements – qui s’enchaînent les uns après les autres…

 

 

Le bleu du monde – et ces jours de grand festin où la faim se dissipe d’un claquement de doigts – d’un excès de vent – l’âme au cœur du silence. Notre plus secrète raison de vivre…

 

 

De plus en plus – à côté du monde – aussi loin que nous mènent nos pas…

 

 

Le juste itinéraire est celui qui s’impose. Ainsi en est-il de toutes choses – des événements – des gestes – des rencontres – des existences…

 

 

Une croix érigée contre le ciel – des volets clos. Un monde sans fenêtre creusé sur le socle même du vivant – la misère – l’ignorance – la peur – l’espoir. Un labyrinthe de galeries souterraines où le noir – et ses fantômes – sont les seules présences…

 

 

Le jour maculé par nos gestes – notre labeur – notre sommeil – nos mille tâches dérisoires – nos mille jeux inutiles…

 

 

Du magma – du relief – à perte de vue – pris dedans avec assez d’espace autour pour respirer et se croire séparé(s)…

 

 

Rien que des ombres – parfois – qui se glissent au-dedans – et qui viennent remplir ce que nous avons déserté – là où ne règne que l’absence…

 

 

Des bruits – du monde – rien de très important – mais dont la quantité nous fait croire à une invasion – à une colonisation massive de l’espace…

 

 

Rien que des tourbillons dans lesquels nous sommes pris – comme le sont tous les phénomènes…

Des danses et des rondes – comme du vent dans l’air – comme des traits de matière sur la matière – des égratignures et des gouffres dessinés dans la masse vivante – changeante – indéfiniment déformable…

Une auto-création – une auto-mutilation – une auto-renaissance – multiples et permanentes…

 

 

Des anges – des monstres – de l’Amour – des guerres – de la rivalité. Main dans la main – le monde en marche…

 

 

Ce que nous tenons pour les hautes sphères – l’en-bas du socle – le souterrain à partir duquel poser l’échelle et effacer chaque barreau gravi. Ainsi se construit-on à partir de l’inversion et de l’effacement – du plus rien devenant, peu à peu, présence et plénitude…

 

 

Tout – et l’éclatement des repères. Rien – sans la moindre référence. Et la possibilité de tous les horizons – de toutes les dimensions – de toutes les réalités – qui s’offrent selon la sensibilité, les aspirations secrètes et les voies empruntées…

 

 

Ce que seul(s) nous ne pouvons atteindre. Ce qu’il faut creuser, en soi, pour accéder à ce que l’on porte…

 

 

Le jour et la nuit défigurés – méconnaissables – sens dessus dessous – revisités en quelque sorte – au fond desquels rien, pourtant, n’a été dérobé – pas la moindre poussière d’or – pas le moindre grain de sable…

Simple manière d’entremêler ce qui devait l’être – d’effacer les frontières – de faire varier les quantités mélangées – de ne plus savoir ce qui relève de l’obscur ou de la lumière – de nous rapprocher de l’identité multiple – complexe – indéfiniment changeante – impossible à circonscrire sauf à embrasser le Tout – l’ensemble de l’Existant et des possibles…

 

 

L’invention de la durée et du dédale transcendée. Ce qui est – ce qui a lieu – le pas présent – là où nous sommes – pas d’avant – ni d’après – ni provenance – ni destination – l’instant-maître – l’instant souverain – seule mesure et seule unité de temps…

 

 

L’étrange mélange que nous sommes – que nous étions – que nous deviendrons. Porteur de tous les possibles qui s’actualisent – qui prennent forme – au fil des changements des conditions d’émergence…

Nous sommes – fractale(s) du monde…

 

 

Tout dans tout sans la moindre organisation – sans plan – ni programme. Le chemin du pas à pas tantôt vers la création et l’expansion, tantôt vers la destruction et l’effacement – et parfois les deux étrangement intriqués…

Le vertige de tout – de l’être ; l’Absolu, intime et irréfutable habitant du relatif…

 

 

Nous ne sommes plus – nous n’avons jamais été – nous ne serons jamais – distinctement – pierre – arbre – fleur – chemin – homme – bête – eau – ciel – terre – air. Nous sommes – étions et serons – toujours la singulière et provisoire combinaison des fragments de l’ensemble (des éléments passés, présents et à venir de l’Existant) en quantités variables et changeantes…

Des entités apparentes seulement…

 

 

Les espaces enclavés et les horizons limités – autant, sans doute, que les grandes étendues et les perspectives illimitées – invitent à creuser en soi et à lever les yeux vers le ciel…

Comme si l’excès et la restriction d’extériorité et d’horizontalité favorisaient l’intériorité et la verticalité…

 

 

Des heures – des jours – mais rien, en vérité, qui n’appartienne au temps…

 

 

Ce qui a lieu – ce qui est là – ce qui se reçoit et ce qui accueille – le même visage fragmenté – une partie – mille parties – agissantes, et l’autre – et les autres – sans élan – contemplatives – désengagées – hors du monde et de l’action – incroyablement présentes et tendres…

 

 

Oppressé, parfois, par le poids et la quantité de matière ; terre – pierres – sable – idées – pensées – émotions – qui exacerbent le ressenti – et nous cantonnent à une forme de détention et d’écrasement…

 

 

Le monde d’abord comme objet – matière à explorer et à utiliser – puis, comme langage et mystère à décrypter – et enfin, comme bouts de soi à chérir – à étreindre – à aimer…

 

 

Aucune différence entre soi et l’Amour – rien qu’un encombrement qui, trop souvent, nous limite…

 

 

On ne nous ment pas – on ne nous cache rien. Nous ne savons – simplement – pas regarder…

 

 

Ce n’est jamais nous au détriment du monde. Ce que l’on détruit – ce que l’on assassine – ce que l’on ampute à un seul d’entre nous – est une blessure – un manque – une abomination – pour tous – pour chacun…

Passer de l’individualité au regard sans léser la moindre individualité…

 

 

La montagne et le nuage – la pierre et la rosée – la fleur et le visage – l’arbre et l’asphalte. Tout est nous – et face à cet étrange mélange, nous sommes libres de rire ou de pleurer…

 

 

La dynastie ni du monde, ni de l’Autre. Celle de tout – celle de rien – celle de toutes les combinaisons existantes – possibles – passées, présentes et à venir…

 

 

Le possible en actes contre le pire, le sommeil et l’étourdissement…

La clarté simple contre la bêtise et l’infamie…

L’oubli et le précipice où sont jetées toutes les choses inutiles…

A présent – il ne reste plus rien ; juste un peu de terre et un peu de tendresse dans le regard – une main caressante – et un trou immense qui avale tout ce qu’on lui lance – tout ce qui passe à sa portée – et qui engloutit la moindre poussière – l’espace – le temps – le monde – tout ce que nous croyons vivants ou séparés… Rien – absolument rien – ne lui résiste…

 

 

Rien que de l’habitude et des jours qui se suivent – plongés dans cette monotonie de la durée et de la répétition…

La vie et le monde vus par le petit bout de la lorgnette…

Etouffant – incarcérant – pathétique…

Et à l’autre extrémité de l’être – l’assise posée au milieu du regard – l’instant et la nouveauté incessante – la joie du recommencement – le permanent renouvellement de la première fois…

L’envergure – la grâce et la liberté…

 

 

Bout de terre – promontoire de rien ; l’être et l’espace sans promotion – étrangers à toute idée de commerce…

 

 

Vide – le plus simple – sans contenu – dégagé – entièrement disponible – libre – ouvert – affranchi du monde et de l’Autre…

Ni cave, ni terrasse – ni escalier, ni marchepied – ce qui invite à être – et absolument rien d’autre…

Entre légèreté de vivre et liberté d’exister…

Le sans nécessité

 

 

Ce qui (nous) traverse – seule réalité – seul socle (possible) du jaillissement – geste et parole – et seule identité apparente et provisoire – définissable…

Le reste n’existe (ou ne compte) pas…

 

 

L’extrême simplification de l’esprit – de l’existence – du monde. L’assise de l’être – le berceau de l’agir – avec la nécessité du mot pour seule singularité…

La résurgence de ce que nous fûmes avant le tout premier élan – l’origine – la lumière d’avant la matière…

Ni nom, ni visage – l’absence de qualificatif…

Le provisoire apparent et le silence sous-jacent…

Ni parade – ni exposition. En retrait du monde – au cœur de l’espace et du silence – là où tout se rejoint – là où rien ne se possède – la présence et le feu dans ce qui bouge et regarde – nulle autre chose – mille autres choses – sans la moindre importance…

 

 

Le sol – le ciel – la même altitude – la même envergure. Ce que le monde nous offre et ce qu’il nous permet…

 

 

Degrés variables d’un Autre – et de tous les Autres – en nous – comme le seul reflet – entre l’opacité et la transparence – qui colore nos mains – nos gestes – nos lèvres – nos paroles – la totalité de notre existence…

 

 

Ce qui nous rejoint par les airs – par les sous-sols – à travers l’eau qui ruisselle et se déverse…

Ce qui nous traverse...

Et ce à quoi nous tendons – réellement – la main…

 

 

La neutralité des choses – du monde. Et la couleur – et l’orientation – que leur donne la psyché. Comme si nous ne savions vivre sans parti pris…

La représentation et le symbole avant le réel…

Ce qui est ne laisse (presque) jamais d’empreinte – c’est ce dont nous l’entourons – c’est ce dont nous le faisons précéder – c’est ce que nous ajoutons à sa suite – tout ce qui l’accompagne qui imprègne durablement l’œil – la tête – l’âme – la texture même de notre perception…

 

 

Des pierres – des pas – des lieux à la ronde – tout ce qui se parcourt – les mille chemins possibles – dans le même regard…

 

 

Cette tendresse que l’on cherche – et que l’on doit s’offrir…

Il n’y a d’alternative ; découvrir et faire croître – en soi – cet Amour…

 

 

Des ombres qui glissent en silence – qui se déplacent d’un lieu à un autre – mécaniquement – sans savoir – ni même chercher à comprendre – ce qui les pousse à avancer – ce qui anime leur marche…

Mouvements machinaux…

Entités mues par leurs seules propriétés énergétiques – renforcées, très souvent, par quelques grossières représentations psychiques…

Pas – peu – d’esprit. Pas – peu – de conscience…

Les instincts de la terre et du feu – presque exclusivement…

 

7 novembre 2019

Carnet n°209 Notes journalières

Des mains trop grossières nées de la lumière – d’un désir d’apparaître, de sentiers et de cités heureuses…

La vision idyllique de l’âme – sans ses abîmes – et ce que nous devons traverser pour nous rejoindre…

 

 

Se poser à chaque ouverture possible – offerte par la géométrie du monde – essentiellement faite de ruines, de prétentions, de fonctionnalités et de scintillements. Dans cette ressemblance avec ce que porte notre âme…

 

 

Des mots comme des ailes vers l’inconnu – en ces lieux où nous serons toujours davantage nous-même(s)…

 

 

Un savoir déchargé – une justesse. Une manière de se tenir entre les rives – au-dedans de ce sang qui coule en nous – entre la terre et le bleu – à notre place…

 

 

Plus qu’un homme – en présence…

Plus qu’un nom – un geste…

Plus qu’une musique – le silence…

Ce qui devrait nous rendre plus proche – plus lisible…

Un peu de bleu dans l’âme et sur la page…

Quelque chose qui s’invite malgré nous – et que nous ne pouvons ni corrompre, ni pervertir (fort heureusement)…

 

 

La sincérité de la page – qui dévoile un monde – mille mondes – une âme – mille âmes – un instant – mille instants – aussi mystérieux – aussi inconsistants – aussi authentiques – que la table sur laquelle on écrit…

 

 

Ce qui – en nous – se dissipe dans la clarté…

 

 

Tout s’effondre et s’efface. Ne restent plus que l’attention et l’Amour – et ces quelques traces sur la page. Le reste est parti – s’en est allé avec nos adieux et nos larmes – avec ce qu’il nous restait d’intimité…

 

 

Il y a de la nuit – immobile – en quantité – dans ce qui nous revient – des trous comme des plaies – et notre petitesse devant l’envergure de l’énigme. Et notre cœur fragile – friable – vivant – palpitant – et ému (si souvent)…

 

 

Dans l’intimité des choses – la dissipation des nuées – le temps et l’imaginaire – la chute et le silence – l’être et le monde à égales distances. Et l’âme, selon les instants, qui penche vers sa préférence…

 

 

Tout se retire – même la voix des livres. L’âme entre l’illusion et le temps – et nous autres déjà prêts à sauter dans l’imaginaire…

 

 

Des fables – et ce que nous sommes – peu fiables – trop friables. Si passagers. Et, au fond, ce qui demeure…

 

 

Des mondes parallèles – presque cloisonnés par la psyché – et indistincts depuis l’esprit. Une unité – une mesure – mille carrefours et autant d’embranchements. Des sentiers parcourant le même espace. Des clairières et des batailles. Ce que l’intériorité nous révèle…

 

 

Le même regard – le même visage sur la joie et la tristesse. Et d’étranges mains qui distribuent les cartes – le jeu – le sommeil – la mort – la vérité. Quelque chose comme une signature. Une forme de prélude incompréhensible…

 

 

Des mots – des sons – des cages. Et ce qui traverse les mirages et la frénésie…

Le silence plus proche de l’argile que de la parole écrite et prononcée…

Les abords d’un autre langage fait d’âme, de gestes et de sang…

 

 

La nuit du temps – et les noms que l’on pose sur les visages. Une forêt – des cités – des civilisations. Quelque chose de l’homme – entre l’élan et la boiterie – entre la chute et l’envol. Comme un regard sur le monde décoché depuis les plus hautes cimes…

 

 

Du sable – des enfants – des portes fermées – et des masques fragiles face à la nuit qui dure…

Et toutes nos gesticulations avant d’être, un jour, transformés en statue…

 

 

Parfois, le jour nous offre la désolation – la résultante d’orages trop violents – mille évidences…

Le monde comme une longue respiration – quelques tombes – et tout ce bleu étrangement déguisé…

 

 

Un peu de nuit et le silence…

Des Dieux qui nous poussent et entrechoquent nos têtes. L’aube qui se dresse dans le froid et dans nos âmes trop sombres – trop absentes…

 

 

Cet étrange sommeil à la surface des apparences. Comme si l’esprit s’était retiré – comme si l’esprit n’habitait que le faîte et les profondeurs…

L’absence et l’obscurité – les seules mamelles que tètent les bouches du monde – du dehors…

 

 

Une pluie sombre et la tête trop légère – trop étourdie – inattendue au milieu des rêves et des prières…

Il faudrait réinventer le songe – lui donner des airs de retraite – de repli hivernal – un intervalle de repos – une possibilité de ressourcement – avant de revenir au monde – de retrouver le réel – de pénétrer au cœur du silence – de redevenir présence vivante – attention sans faille – aire d’accueil de toutes les formes de réalité…

 

 

L’épaisseur du trait dans cette marge du monde inhabitée. Du vent et de la clarté au milieu de la phrase – au milieu de la page – comme manière de s’opposer à cette odeur de sommeil qui ressemble tant aux effluves de la mort…

 

 

Ce qui se creuse au cœur de l’âme – cette trouée qui, peu à peu, s’élargit…

Ce bleu sans fondement qui perce la croûte tendre – toutes les peaux de la terre – pour offrir au monde un soleil approprié – et remplacer le rêve par une lumière sans chimère – un ciel sans étoile…

 

 

Dans l’effondrement du temps – nos vieilles dépouilles – nos rêves de lumière – les heures sanglantes – l’encre noire des traits sur la page – les armes factices et toutes les âmes de la terre…

Ce qui peuple l’homme – le monde – les forêts…

Rien qui n’appartienne au silence – ce qui s’apparente à la route – au périple – au voyage…

 

 

De ciel et de silence. Et de terre et d’instincts tout autant – ces âmes si peu sages qui pillent tout ce qui apaise la faim…

 

 

Personne ici – que des fantômes qui se dressent. Peu de livres – très peu – peu de sagesse – quasiment jamais – et beaucoup de faim – presque exclusivement…

 

 

Mille parenthèses possibles – dans le souffle qui nous a fait mortels ; l’aube qui se dresse dans le silence – la nuit qui s’ouvre – le monde en miettes – et ce qu’il faut à l’âme pour retrouver son innocence…

 

 

Des mots qui brûlent au soleil – qui contredisent le temps – l’histoire en marche – les corruptions du miroir…

Plus notre image que notre essence – en vérité…

 

 

Reste – en soi – ce que rien ne peut dissiper – la présence sans nom qui avale les visages et la nuit – l’enfer et toutes nos pauvres consolations…

 

 

En tout – la beauté du monde et l’âpreté – la magie et la malice. Rien qui ne soit de trop – de la nécessité et du provisoire…

Chaque chose à sa place dans la ronde (incessante) des phénomènes…

 

 

Rien ne devrait s’interposer entre l’élan et le geste – la pensée et la parole – le silence et la page. Rien qu’un regard et la prolifération de tous les possibles…

L’œil, la sagesse et la folie…

Jamais aucune incongruité – jamais aucune anomalie…

 

 

Comptable de rien – pas même des erreurs et de l’abîme – ces inventions de la psyché…

Des histoires qui s’impatientent et se déploient. Des pages qui brûlent. Des racines trop présentes. Des singularités à l’origine (toujours) trop lointaine. Des regards à la ronde. Et le constat – jamais démenti – d’une incessante circulation dans l’enceinte où nous sommes confinés…

Une ronde permanente jusqu’à devenir – dans le même instant – le centre de l’œil et le cœur de l’action…

 

 

Une chambre et des alphabets – ce qui a initié notre naissance – notre mise au monde – et cette manière si singulière d’y être présent…

 

 

On n’écrit rien – on ne construit pas – on témoigne (simplement) de ce qui semble passer…

Pas même une chambre – pas même un vêtement – juste une présence – un œil et une main…

Ce que l’on note chaque jour – comme l’on écrirait à un inconnu…

 

 

La page comme une fenêtre – un souterrain – des fenêtres – des souterrains – la cité du silence et la foire aux bavardages – des murs et des passages – mille trous à creuser au fond de l’âme…

 

 

Ce qui gouverne la main qui court sur la page – à l’instar de ce besoin de silence et de solitude qui dicte nos pas – et décide du lieu du jour ; l’irrépressible aspiration à vivre l’existence – l’Absolu – la vérité – ensemble (et de manière aussi intense et permanente que possible)…

Rien que des exigences – de l’essentiel et des nécessités – cela seul est primordial – vital – déterminant…

 

 

Le feu – le silence et la lumière. Et mille larmes – une profonde sensibilité – pour offrir un peu de tendresse à ce qui vient…

 

 

Rien ne résiste à la nécessité – celle des assemblages (provisoires) et des effondrements (définitifs)…

La ronde des choses et des visages…

Et le regard sur les murs et les chemins – édifiés et détruits…

 

 

Les visages sans cesse outragés par la domination et la mort – par la violence du monde et les limitations de la matière…

Le vide – le manque et la douleur. Et ce que la foule tient pour une promesse formulée par quelques sages…

 

 

Par la fenêtre – derrière le soleil – on voit la terre noire – et derrière encore – le sourire des Dieux…

 

 

En vieillissant – ce que nous avons oublié – ce que nous avons perdu – de l’enfance ; il faut le retrouver avant l’heure dernière – au plus vite – le plus tôt possible – avant que la nuit et le passage ne nous dérobent le plus précieux…

 

 

Un équilibre entre mille mondes possibles…

Un regard sur ce qui se cache derrière les noms et les visages…

 

 

Le bleu nous dévisage secrètement – de manière à ne pas nous importuner – à la façon des Dieux et des chats – discrètement – sans jamais être vu…

 

 

Des blessures encore – des douleurs parfois. Ce que l’esprit secoue dans la mémoire – ce que les circonstances déterrent sous le sommeil et la torpeur…

La nuit variable et ses étranges frémissements…

Et ce qui rôde autour de nous en attendant la joie…

 

 

Un pied dans chaque monde – les pas dans la course des vents – la poitrine qui se gonfle avec le reflux des océans – le visage au plus près du soleil…

Et l’âme qui sautille – insouciante – d’étoile en étoile…

 

 

Entre l’en deçà des frontières et le sans limite – des pas avec la même tentation que la possibilité des mots – l’infini – l’impossible – l’indépassable…

Et des gestes au-dedans déjà d’un royaume illimité…

La rencontre et l’évidence – ce qui se faufile entre l’envisageable et l’égarement…

Mille chemins qui serpentent entre les fosses…

La posture de l’homme au-delà de la joie…

 

 

Se tenir les deux pieds sur terre – bien au-dessus des fables – entre les loups et la lune – à hurler comme les monstres et les suppliciés – à marcher sous la pluie des mythes – l’âme encore trop immature pour replanter un peu de ciel sur le sol…

 

 

Derrière les barreaux du sang – le désastre à nos pieds – la haine portée encore à bout de bras. Et ces larmes qui coulent face l’impuissance et au temps – face aux ricanements des Dieux…

L’impossibilité d’être un homme…

La faim grandissante dans le ventre qui s’élargit – et se répand dans le reste – quelque chose comme une ombre et une marche sombre – un désir de soleil impossible…

Un rêve – le plus haut – anéanti…

 

 

Rien que du sommeil et des saisons. Le temps qui traverse la torpeur…

 

 

Des Dieux – des portes – des histoires. Et la lumière qui brille depuis l’origine de tout…

A présent – il n’y a plus que des cendres et des paroles perdues…

 

 

L’affrontement et l’oubli – sur ce qui nous a terrassé – le cours insipide de la nuit…

Des mots presque indéchiffrables sur la page. Des traits et du sens éminemment singuliers…

Le juste équilibre des éléments selon les choses et les visages – en fonction de leur rôle et de leur usage…

 

 

Du sang et des montagnes en passant par mille ombres et le langage – l’or, l’horloge et la nuit…

La commune mesure du monde…

 

 

Jamais aussi haut qu’en nous-même – au faîte de soi – au-dedans de l’individualité humble (dans la plus haute humilité imaginable) – celle qui ne sait pas – celle qui n’a jamais su – celle qui ne saura jamais…

 

 

Ces chemins qui se suivent – et tracent, en nous, leur sillon. Du sang et un peu de transparence – mille émotions et cette voix qui chante…

L’aube et l’habitude en toutes saisons…

 

 

Tout prend forme – disparaît – avant d’être remplacé – jusqu’au jour où plus rien n’apparaît – où plus rien ne s’invite – où même le temps et la mort n’existent plus…

Tout est arraché avant d’être vu de l’intérieur – puis, l’éclatement des frontières efface la séparation entre le dedans et le dehors – entre le centre et les marges – entre le fond et la surface…

Tout alors arrive – tout alors peut arriver – n’importe quand – n’importe où – n’importe comment – à n’importe qui…

Tout est mélange – et mélangé…

Ainsi se franchit le jour – et disparaissent les restes de l’homme – ces misérables reliquats d’humanité…

 

 

Infimes bouts d’énergie – animés par la peur, la faim et l’ignorance – occupés tout au long de leur existence à mendier et à vociférer…

 

 

Rien – et, souvent, cela (nous) suffit…

 

 

La langue des apôtres d’une religion très ancienne – la plus naturelle – celle que nous avons oubliée depuis (trop) longtemps…

Une poignée de paroles que l’on jette derrière son épaule…

 

 

Et – aveuglement – on suit l’itinéraire – on écoute la voix se déployer – l’espace et le silence nous envahir – devenir ce rien indéchiffrable…

 

 

Proche jusqu’à ne plus rien voir – jusqu’à ne plus rien distinguer. Tout être – tout aimer – d’un seul tenant…

 

 

Toujours – ce que nous sommes…

A peu près rien – cette infinité…

Entre l’errance et l’immobilité…

Un peu de vapeur – des nuages – simplement…

 

 

Rien ne peut être vécu – rien ne peut être dit – dans sa globalité. L’instant et le fragment comme seules mesures possibles. Et de l’autre côté – sur l’autre versant – l’être goûtant en silence le Tout – plus que palpable…

 

 

On croit vivre ; en vérité – on accumule les sommeils…

On croit être quelqu’un ; en vérité – nous ne sommes personne – nous sommes tous les vivants – tous les visages du monde…

On croit être limité – nous sommes l’infini – le plus que possible…

Nous croyons être maîtres et possesseurs – mais il n’y a de propriétaires – en vérité…

Nous pensons être des hommes ; pas même des visages – des phénomènes passagers – des nécessités soumises aux circonstances – ouvertes à toutes les opportunités…

 

 

L’effleurement de l’invisible – puis, la réconciliation – le silence qui s’approfondit. Au centre de l’être – au centre du monde – un chant comme un remède au temps – à l’anéantissement de la matière – au pourrissement des vivants sous la pierre…

 

 

Tous les drames sont des miroirs – et toutes les joies aussi…

Moitié de terre – un quart de ciel descendu – beaucoup de vide et quelques accessoires pour jouer avec le monde – tenir la place que les Autres nous accordent ou celle que l’on croit arracher au destin – dans cette (illusoire) invention de soi-même – fantôme dans son propre labyrinthe…

 

 

Ici – et dans la trame d’un autre lieu – dans cette double proximité – l’une géographique et l’autre non localisable…

 

 

Il ne reste rien – de rien – aujourd’hui – hier – demain…

Vains efforts pour que subsistent quelques vestiges. Comme le reste – ils seront engloutis par la nuit – le néant – l’oubli – excepté, peut-être, l’écho très lointain de la première parole – ce cri inarticulé de l’être – surpris et émerveillé – lorsqu’il prit conscience de son potentiel créatif dans son jeu avec le réel…

 

 

Ce qui se préserve – le regard et l’oubli…

Tout le reste se dissipe ou n’est que pure invention…

Cette obscure étrangeté du monde…

 

 

Rien qu’un trou au fond des yeux dans lequel tout finit, un jour, par s’abîmer…

 

 

Le monde ; de la terre – des fables – quelques visages – mille objets – très peu de choses, en somme…

 

 

Rien que des mondes dont nous sommes l’interface – un même espace – en vérité – abandonné au silence – aux yeux – aux mouvements – à la cendre – à la joie – à l’absence – à tout ce qui fait de nous les preuves vivantes de notre ascendance…

Nous n’appartenons à aucune autre histoire que celle de l’origine – mille fois déployée – mille fois repliée – et qui enchaîne les éternités comme des instants…

 

 

Tout vacille – est incertain ; et, pourtant, nous sommes là – encore – toujours – malgré le monde – tous les assauts et toutes les incertitudes du monde – positionnés autour du même axe – autour du même centre – cette présence silencieuse…

 

 

Une seule voix pèse – parfois – plus lourd que mille années de compagnonnage – de proximité singulièrement étrangère…

Et nous avançons ainsi – par à-coups – par révélations soudaines – comme attirés par une étrange lumière qui nous guide à travers un labyrinthe de miroirs…

Navigation errante sur les rives – à tourner entre les sommeils – entre mille sommeils – autour du même océan. Le vent – partout – qui pousse. Et le silence – à peine – entrevu au-dedans…

 

 

Tout change – vite – varie – se dresse – nous redresse – explose – nous torpille – presque à chaque instant – un nouvel horizon – quelque chose qui surgit – qui fleurit – un nouveau bout de chair – une nouvelle étoile…

Et, parfois, une grande inquiétude à se laisser perpétuellement entraîner dans la danse – comme des résistances de la psyché face à l’incroyable liberté de l’esprit…

Et des tremblements et de la joie – pourtant – à participer à cette matière virevoltante…

 

 

Devenir cet étranger – personne – n’importe qui – une vague silhouette qui passe – presque une absence…

 

 

Ce que l’on nous arrache jusqu’à l’oubli…

 

 

Ce qui s’oppose – ce qui résiste – aimerait une terre plus juste – des apparences plus équitables ; la preuve (flagrante) d’une méconnaissance d’une justice invisible et souterraine…

 

 

Un chemin vers le silence – des fenêtres – peu de visages – presque aucun – l’érosion des structures – l’effondrement de la mémoire – l’oubli à la place de l’interrogation…

Une âme de plus en plus blanche…

Des gestes au détriment du rêve…

Les ombres rassemblées – et brûlées – une à une…

L’étendue qui se répand pour détrôner le sommeil et l’absence…

 

 

La vie et ses joies – sa poésie. Peu d’objets sous la lampe. Des saisons qui passent. Des pas et des étreintes. Quelques pages. Ce que les jours entament – émiettent – déchirent. Et ce rouge qui se vide, peu à peu, jusqu’à la dernière goutte – jusqu’au dernier instant…

 

 

Tout est déjà ailleurs – non par manque de courage – mais par obéissance à l’éphémère…

Le réel – partout – variable – espiègle et rude – dont l’âpreté blesse la chair – toute matière – ce qu’il est – et l’éparpille en lambeaux…

Bouts de soi – bouts des Dieux – admirables fragments de silence…

 

 

De la brume – l’imaginaire et ses abîmes – le réel et la mort – ce qui nous fait face – impitoyablement – ce contre quoi on ne peut lutter – la lumière qui n’est plus la lumière – à peine une clarté – quelque chose de trop lointain pour être visible – et s’approcher…

Il n’y a plus ni chemin, ni langage – un pas et une parole à la fois. Rien qui ne se suive – juste une étoile – comme une étoile – une modeste étoile – à chaque instant – jetée dans la nuit…

 

 

Il nous faut apprendre à mourir avant la mort – à nous effacer avant l’effacement naturel – vivre cela – de son vivant…

 

 

Aller au bout de l’ivresse – du désordre – de l’exaltation. Transcender l’attente…

Aller au-delà de l’extase et du vacillement…

Embrasser l’inimaginable…

 

 

Nulle part – ni au-dehors – ni au-dedans…

Là où il est impossible de fuir – là où l’on est – où que l’on soit…

En pleine lumière avec pour seules ombres celles que l’on porte…

 

 

Rien que cette poussière – ces décombres – ces désastres. Le monde tel qu’il est – sans la moindre espérance. Et cette clarté invisible au-dessus – le signe que la nuit n’a pas tout envahi – n’est peut-être qu’une apparence – une matière de surface…

 

 

Quelque chose se dépose – se disperse – s’installe – s’efface – on ne sait ce que c’est ; l’aurore – un songe – la source – une présence – comme une tendresse au milieu du tumulte et de la faim…

Une manière de se quitter – de glisser – hors du cadre – de descendre plus bas que les enfers – de se hisser au-delà des rêves – de participer au chant de la source et du mystère – de célébrer ce qui demeure et la fragilité de ce qui passe…

 

 

Rien qu’un peu de terre et d’âme – ce que nous sommes. Et pas grand-chose d’autre. Si – ce que nous y ajoutons – inutilement…

 

 

Un peu de feu dans le brouillard – le signe que tout n’est pas que gris et néant…

 

 

Tant de différences – en définitive – entre ce que nous sommes et ce dont nous avons l’air…

 

 

Ce que nous léguons – et léguerons – au monde – des restes de vent et de poussière – à peu près rien, en somme…

 

 

La tête inversée – dans la paume – comme une offrande – un sourire face à l’absence – la trace discrète d’un silence retrouvé. Comme une fleur et un peu de ciel mélangés. Une manière, peut-être, de faire couler quelques larmes – de faire naître quelques chants – d’offrir ce dont l’Amour a besoin pour éclore dans notre sommeil…

 

 

Ce qui nous enchante lorsque personne ne nous voit – lorsque l’on est seul dans les bras de la solitude – lorsqu’il n’y a plus personne pour se lamenter ; nos larmes qui ont la douceur de l’Amour…

Rien qu’un regard et des gestes tendres – le vide – le cœur sensible et l’oubli. Une âme et des mains sans colère – sans violence – sans la moindre tache de sang…

 

 

Peut-être sommes-nous les derniers voyageurs du dernier train sur le dernier quai de la dernière gare du dernier monde… Qui sait… qui peut savoir…

 

 

Ce qui différencie les êtres – la quantité de ciel dans l’âme et la tête. Des univers, parfois, les séparent – un infini – comme entre l’étoile et la pierre noire…

Au fond de chaque abîme – il y a – pourtant – un soleil. Si penché parfois que l’on ne remarque que le sommeil – ce qui nous glace les sangs – ce qui nous fait frémir – ce qui nous plonge dans la stupeur – ce qui nous donne envie de hurler et de tendre la main pour frapper – secouer – secourir – accompagner – ce qui peut encore échapper à l’habitude et à la torpeur…

 

19 octobre 2019

Carnet n°208 Notes sans titre

Ce qui vient – l’unique – l’essentiel – le plus fondamental – un pas – un oiseau – un chant – une pensée – un geste – la pluie – l’orage – le soir – la lumière – la moindre chose qui se présente…

 

 

Un cœur – un vol – une vie – tout finit, un jour, par s’arrêter…

 

 

La plus belle couleur de la terre – celle qui se marie avec l’étendue intérieure…

La plus grande envergure de l’âme…

 

 

La consistance de l’être – l’épaisseur métaphysique – comme un tourbillon d’air pur – un feu immense – une joie silencieuse ; la seule manière de vivre – sans doute…

 

 

Un arbre qui se dresse – un insecte qui vole – un visage que l’on oublie – un nom définitivement effacé – une raideur dans le verbe – un geste de joie – une pensée. Tout apparaît – et se défait au-dedans de l’œil – au-dedans de la psyché…

Le monde – ainsi – passe en nous…

 

 

Rien à la source du malheur – si – le plus sombre de l’esprit – ce qui se cache, parfois, derrière le plus attrayant – le plus plaisant – le plus joyeux…

 

 

De l’esprit et de la lumière – de l’âme et du cœur – de l’intelligence et de l’Amour – autant que nous le pouvons – et autant, bien sûr, que nous le pourrons…

 

 

Cette haute colonne de lumière – comme une ogive bleue – l’axe central du monde – le soubassement de l’esprit – le socle des âmes – notre pays natal sûrement…

 

 

En nous – ce que la nuit a déposé et ce qu’elle ne peut nous dérober ; un étrange mélange de douceur et de puissance qui revêt tantôt les robes du malheur, tantôt la pèlerine de la providence…

A osciller sans cesse entre la joie et l’infortune – entre la violence et la tendresse…

 

 

Une terre – une pierre où l’on pourrait vivre – et mourir – celles dont le nom (et les reflets) se marient si bien avec ce que l’on porte en soi ; rudes et délicates – grises et argentées – comme un peu de bleu, de silence et d’infini au milieu de ces contrées si ternes – si étroites – si bruyantes…

 

 

Qui a déjà ressenti l’envergure d’un seul jour – d’un seul instant…

 

 

Ce qui s’annonce avec l’aube – avec la nuit – et ce qui arrive réellement à leur suite…

Le réel et son ombre – ce qui est et sa représentation (imaginaire)…

 

 

D’une verticalité à l’autre – reliées par la fine cordelette que tiennent nos mains…

 

 

Des nuages et des horizons – ce qui empourpre les visages – ce qui inaugure le voyage – ce qui attise l’ardeur des pas ; la conjonction de toutes les coïncidences…

 

 

Une étoile, parfois, hissée au bout d’un fil que traîne le vent. Et les pieds comme des racines qui plongent au-dedans de ce que nous croyons être le monde…

Et l’âme – déjà ailleurs – qui tente sa chance…

 

 

Parfois, le délice – parfois le supplice – comme ça – sans raison ; une simple inclination – une simple coloration – de l’âme. Le passage tantôt blanc – tantôt noir – du monde et des idées…

 

 

Des visages comme des bouées dans l’immensité de la foule – un sourire – un attrait – une confiance – comme si rien ne nous séparait. Le partage du même lieu – du même lien – du même océan ; l’infini en commun…

 

 

Des dérives passagères – quelques passages particuliers. Un défi – rien d’insurmontable – le destin qui se vrille – la nécessité d’un arrêt – d’un retrait. Un pas de côté – la tête en arrière – les yeux en haut plantés dans le ciel. L’infini sans image – l’esprit sans pensée – quelque chose comme une jonction verticale qui ouvre l’espace – qui éclaire, pendant un instant, le dédale de la psyché et donne à voir l’envergure de l’âme…

 

 

Derrière la noirceur – les espiègleries du ciel – le bleu volontairement entravé – obscurci – entaché. Comme une manière de se moquer de lui-même – une sorte d’auto-dérision à travers notre tête…

 

 

Ce que le regard efface – ce que la marche estompe – la grande incompréhension de l’âme face à tant de pertes et d’oubli…

 

 

Miracle – parfois – de bout en bout…

Comme un horizon sans fin – un voyage sans avarie…

Le lieu magique par excellence…

Comme une source qui jaillit – quelque chose d’intarissable – pourvu que nous soyons pleinement présent – vide et attentif – là où nous sommes…

 

 

De soi à soi – sans la volonté d’un Autre ; le plus urgent à rencontrer et le plus immuable sans doute – ce qui ne peut ni se décréter, ni se destituer. Ce qui – au-dedans – est le plus précieux – et qui manque parfois (trop souvent) au-dehors…

 

 

Une frontière ténue – trois fois rien – sépare le désastre du miracle. Un souffle de plus – un souffle de moins – et tout bascule…

 

 

Et cette chose – au fond de soi – tantôt mourante – presque effacée – tantôt renaissante – virevoltante – vive – si incroyablement vivante. Comme si nous abritions – à la fois – le feu et son absence – la bête et l’innocence – l’immonde et la grâce. Tout condensé dans un espace si restreint – l’infini dans un confetti…

 

 

L’exploration déconstruite – inversée – non du plus singulier vers l’universel – non du plus étroit vers le plus large – mais l’individualité qui creuse vers le plus intime – vers le plus spécifique – avec, à la fin, le franchissement de l’ultime frontière où tout se rejoint – où tout devient étonnamment semblable…

 

 

Un point au-dessus de l’horizon – une aubaine pour l’œil – un repère dans l’espace. Et voilà soudain une destination pour la marche – un lieu enfin où se rendre…

 

 

Un sombre éclat d’étoile – quelque chose d’épineux qui crée comme un enfer au-dedans…

La douleur et l’impuissance – la culpabilité et l’enfermement – ce qui rend chaque instant insupportable…

Des barreaux plantés dans l’esprit qui, peu à peu, se resserrent…

 

 

Au coin de l’œil – ce qui alterne et change inlassablement de forme et de couleur. L’éternel parfum des jours – la récurrence des saisons – ce que l’on considère communément comme le monde – cette étrangeté – cette bizarrerie extérieure…

 

 

Le recours à la prière – la confiance en l’intention – en la volonté – en l’impossible…

Et derrière le dogme – la croyance en l’esprit et en la pensée – et en leur aptitude à transformer la matière – les mouvements – le cours des choses…

Le pouvoir de l’invisible sur le visible…

Le substrat et l’apparence du monde…

 

 

Tout – dans le déclin – la lente détérioration des choses. Le plus à même, parfois, de nous éveiller à ce qui ne peut périr…

Le malheur et l’abomination – révélateurs de la grâce et de la beauté…

Le plus concret nous plongeant dans la plus grande abstraction – et inversement, parfois…

 

 

La force du réel et la pauvre imagination du monde. Ce que peuvent percevoir les sens et le plus haut degré de l’invisible…

 

 

Ces mots – comme le préambule d’un autre langage – d’une autre manière d’exprimer – la tentative, peut-être, d’effleurer l’indicible – l’ineffable – ce qui ne se laisse enfermer ni par les concepts, ni par les représentations…

L’inconcevable – l’irreprésentable – que les gestes et la manière d’être au monde révèlent davantage que la parole et les images…

Les balbutiements, peut-être, de mots-gestes – de mots-émotions – de mots-esprit – de mots-conscience – les prémices maladroites (et encore restreintes) du courant de l’infini traversant le plus infime – le plus singulier…

 

 

Comme un bandeau au milieu du visage – recouvrant partiellement les sens. Comme une lame enfoncée dans le cerveau – sectionnant des pans entiers d’intelligence et presque toutes les possibilités de compréhension…

 

 

Un jour sans lendemain – un monde sans avenir. La nécessité de l’exacte justesse du pas présent – la seule chose qui soit – en vérité. La seule chose dont on peut être sûr à cet instant…

 

 

Ce que le vent nous révèle – la puissance et l’emprise de l’invisible…

La domination du mystère dans nos vies…

Quelque chose de redoutable pour la raison…

 

 

De soi à soi – sans autre chemin qu’en soi-même – emprunté, si souvent, après mille errances dans le monde et mille désillusions dans la fréquentation de l’Autre…

Passages incontournables – semble-t-il…

 

 

Se poser là où l’échancrure du monde révèle sa profondeur – les abysses de l’être – l’énigme magistrale d’exister – autrement dit, à peu près partout…

 

 

Ce qui passe – avec les nuages – à peu près toute chose…

Rien ne résiste au temps – à la durée…

Rien ne dure jamais plus d’un instant…

Et ce qui s’éternise a besoin de notre attention – de notre Amour – puis, de notre oubli…

 

 

Au-dedans de soi autant qu’à côté du monde – là où l’Autre, à la fois, n’existe pas et pourrait être reconnu comme un frère (si d’aventure l’altérité existait)…

 

 

L’apparence et la profondeur – ce qui semble et ce qui est – le perceptible et le mystère. Cette manière si humaine d’osciller entre le pragmatique et l’abstrait – entre les possibilités horizontales et la verticalité…

 

 

Il y a – toujours – en soi – les prémices de l’altérité – la distance – la proximité – l’union – la séparation – la fusion – et l’éradication de tout Autre – l’avant-goût du centre et de son rayonnement jusqu’aux plus lointaines périphéries…

 

 

L’âme à genoux qui, parfois, prie – et qui, d’autres fois, fléchit. Ce à quoi nous nous soumettons et ce à quoi nous sommes contraints. D’une manière ou d’une autre – nous n’avons jamais la main…

 

 

Des lignes et de folles enjambées à travers les forêts et l’impossible. Des frontières franchies qui ouvrent sur d’autres horizons – d’autres sommets – et des choses de l’âme parfois terribles. Des monts – des abysses – des merveilles. Et tout l’attirail de la marche et de l’esprit. Et la main qui écrit toujours prête à prendre des notes…

 

 

Et cet effroi au-dedans de soi – comme une rive intérieure – l’artère principale par laquelle doivent passer toutes les choses du monde avant de pénétrer l’âme…

 

 

Nous sommes cette résistance au partage – à la multitude – à l’existence de l’Autre. Cette étrange crispation de l’infini qui retient le monde comme s’il était le sien…

 

 

L’archipel de l’oubli – la mémoire et ses abysses – et nous autres à la dérive sur le grand océan du monde – entre le risque de naufrage et la lointaine possibilité d’une île – d’un refuge – d’un lieu où il nous serait (enfin) possible d’être sans la moindre condition – sans la moindre restriction…

 

 

Les bruits des Autres – et les siens – comme manière de recouvrir le silence – et la voie même qui peut, en nous, enfanter la fureur – la folie – l’enfer – ce qui est susceptible d’éveiller, au fond de notre âme, le plus sombre…

 

 

Des reliefs particuliers – des textures différentes – le goût des paysages sauvages bien davantage que celui des visages humains aux contours trop restreints – trop similaires – trop prévisibles…

 

 

Ce que le vide – en nous – creuse. Et ce qui jaillit de cette excavation. Les tréfonds de l’âme et du monde. L’abîme commun. Les profondeurs inexplorées. Là où réside la source du feu originel – intarissable. La mesure de toutes choses – en soi – celle qu’offre le regard – tantôt envergure, tantôt restriction – tantôt vacuité, tantôt encombrement – tantôt beauté, tantôt barbarie. Au-dedans – la focale et la mise au point – et tous les filtres du réel dont on doit se débarrasser pour retrouver des yeux nus – la blancheur et l’innocence nécessaires à l’accueil des contenus bruts – non déformés…

 

 

La matière du monde – pâte à façonner. Comme une mélasse bigarrée…

 

 

Le plus mystérieux parcours entre l’origine et l’ombre – quelque chose d’inconnaissable…

L’émergence et l’intégration des puissances obscures. Ce qui s’est sournoisement mélangé au reste au point de ne plus rien distinguer…

Le point zéro de l’ignorance en deçà duquel nul ne peut remonter…

 

 

Le désastre a, parfois, une couleur inattendue ; on l’imagine gris alors qu’il lui arrive de se dissimuler sous les airs les plus joyeux et les plus colorés…

 

 

Ce que la nuit – en nous – a corrompu. Ce que la nuit – en nous – a révélé…

 

 

Le monde comme une permanente étrangeté…

 

 

De la misère et de l’ennui – et tout ce que l’on peut mettre par-dessus pour tromper le monde et l’esprit…

Un condensé du pire dans les cités et au fond de certaines âmes…

 

 

Ce que devient le monde – dans l’imaginaire – lorsque personne ne nous attend – lorsque la solitude est devenue le seul repère – la seule possibilité ; un spectacle – un décor – une sorte d’inimportance. Une chose lointaine – abstraite – et dont on se passe très facilement…

 

 

De petites parcelles et de petits cubes – sans grâce – alignés les uns à côté des autres – comme un puzzle géant. Des pièces et des pions – des mouvements et du bruit. Des fonctions, des rôles et des représentations…

Et au cœur de cette effervescence organisée – le plus essentiel qui agit en silence – qui façonne les apparences recouvertes de torpeur et de boue…

Le mystère à l’œuvre… Ce qui se manifeste dans le sens (profond) de l’histoire du monde. Et ce qui se perçoit ici et là chez chacun – par moment – par période parfois ; le plus précieux face au pire – face à l’inertie – face aux résistances…

 

 

Un coin de ciel – parfois – suffit. Rien qu’un peu de bleu au fond de l’âme – et nous voilà sauvé de ce gris affreux du monde – de cette gaieté d’apparat qui nous navre et nous écœure…

 

 

Un monde sans larme – sans profondeur – ou alors seulement théâtralisées…

 

 

Des visages – des vies – qui se ressemblent…

Comme une étrange fratrie orpheline…

 

 

Des règles trop strictes – des choses trop séparées – de petits carrés – de petites frontières – de petites étiquettes…

La psyché essayant de régenter la vie – d’organiser le monde – de mettre un peu d’ordre dans ce joyeux fourbis – d’instaurer une manière restrictive d’être au monde – de vivre – d’aimer – de respirer. Un étau et des compartiments insupportables pour l’esprit…

 

 

Du blanc – partout – pour souligner, peut-être, l’inimportance de la couleur – ou la présence de l’innocence en toutes choses – ou notre devoir de ne jamais faillir sur le chemin de la vérité et de l’abandon…

 

 

De la misère et de l’imbécillité – ce que l’on nous offre – ce que l’on nous propose – ce à quoi l’on nous invite. De la connerie fabriquée à la chaîne – de manière industrielle – distribuée en boîtes et en bâtonnets. L’indigence et la niaiserie organisées à grande échelle. Ce à quoi aspirent les hommes – ce dont ils ne peuvent se passer…

Une perspective à laquelle l’humanité ne semble pouvoir échapper…

 

 

Des rubans multicolores dans les cheveux du monde – le vent autour de la taille qui s’engouffre dans la poitrine. Les pas parfaits – la posture impeccable. Ce pourquoi le monde est fait ; la représentation et le spectacle – le jeu permanent de l’illusion – le divertissement et les farandoles. Une manière d’oublier les enjeux – de s’en écarter – de s’en affranchir – jusqu’au dernier souffle – une manière de se distraire en permanence de ce réel à l’apparence si rude – si triste – si déroutante – si incompréhensible…

 

 

Ce que dessine l’instant – une manière d’être – une façon d’accueillir – exactement ce que nous sommes…

Mille – cent mille – des milliards d’instants – et toute la palette des Je suis – toute la palette des possibles – exprimée…

 

 

Pas de règle – pas de loi – pas de principe. Ce qui jaillit – fatalement – ce qui jaillit…

Nulle autre possibilité…

 

 

Un instant, ceci – un autre, cela. Et le rouge que soulignent les jours – ce qui revient – ce que l’on prend pour une habitude – une tendance – un sillon – ce qui se démarque – ce qui surprend – ce qui désarçonne ; toujours nous – entièrement – des orteils à la pointe des cheveux – le ciel et la terre mélangés – ce qui, parmi tous les horizons, s’éveille au fond de l’âme…

 

 

L’œil sur la devanture – le chemin des apparences. Ce que l’on a l’air d’être. Le plus en surface de soi – ce qui varie – ce qui change – et ce qui est offert au reste…

 

 

Des étiquettes déchirées – des fragments mélangés – et recollés n’importe comment – de manière infiniment provisoire – et qui se redécollent presque aussitôt pour s’assembler à d’autres – au fil des circonstances – des chemins – des rencontres…

Nous sommes – cette mosaïque changeante…

 

 

Sur fond gris – l’arc-en-ciel – parfois, le bleu intense – excessif – paroxystique – les couleurs de l’âme et les reflets bigarrés du monde. Une seule étoffe – une seule peau – faite de toutes les chairs assemblées et des esprits réunis. Le corps de l’univers – le corps de l’Existant – ce qui est né du plus lointain silence – du mystère le plus profond…

 

 

Le désossement de l’archipel – le déblaiement des embarras. L’inutile relégué. Et l’ensemble jeté au fond de l’abîme. Et ce qui reste ; le plus nu – ce que rien, ni personne ne peut dérober…

 

 

Comme chaque jour – à sa table de travail – au milieu du monde. Le labeur joyeux et assidu dans l’âme et sur la page…

 

 

Parfois – rien – à peine le bruit d’une mouche – le frémissement d’un feuillage – le chant lointain d’un oiseau. Le vent sur le visage. Les profondeurs de la forêt. La tranquillité du monde qui fait écho au silence – à la vacuité silencieuse du dedans…

 

 

Des histoires particulières comme seule manière d’être là – au monde – vivant. Rien que de petites histoires. Et à peu près les mêmes partout…

 

 

Lieu – lien – passerelle entre le dehors et le dedans – cet esprit démesuré. Partout où l’on est – partout où l’on va…

La clairière du dedans – cette étrange messagère de la clarté – les laborieuses prémices de la lumière – après mille siècles d’obscure besogne…

 

 

L’ensemencement de l’horizon – l’élagage – l’abattage – le débroussaillage – le tronçonnage – de moins en moins à planter – et de plus en plus vide – libre – dégagé…

 

 

Parfois le plus lourd – parfois le plus cruel – devant nous et au-dedans de l’âme – et au creux des mains – tant d’impuissance. Quelque chose qui creuse – en nous – de la rage d’abord (et de la tristesse souvent), puis, peu à peu (et parfois très lentement) la nécessité de l’abandon – ce lieu-refuge au cœur du monde – au cœur de la plus grande intranquillité…

 

 

Regard-créateur et regard-réceptacle – celui qui initie l’élan – les mille mouvements du réel – et celui qui les reçoit…

 

 

Ce que nous laissons – comme des pierres sur le chemin… tantôt repères – tantôt obstacles – selon les âmes et les pas…

 

 

Ce qui s’invite au centre du regard a besoin d’attention – d’un geste – d’une parole – d’une chose – d’une indication – d’une explication ; qu’importe ce qu’il réclame, on le lui offre pendant le temps nécessaire… 

 

 

Il n’y a d’itinéraire – de destin – de voyage. Il n’y a que ce qui est à cet instant. Avant – après – ne sont que des mirages…

Tout mêlé – emmêlé – mélangé – puis, selon les conditions – quelque chose émerge – jaillit – croît – ni le meilleur – ni le pire – le nécessaire – l’inévitable – le plus approprié…

 

 

Le monde – ce qui passe – un défilé permanent – l’inéluctable en mouvement…

 

 

L’horizon qui se rétrécit – qui s’élargit – notre manière de voir – de vivre – d’être au monde…

Des jours qui passent – au creux de l’âme – seulement. Des pages et du silence – et les bruits du monde à côté – un peu plus loin…

 

 

Des traits sur une grande toile – aussitôt tracés – aussitôt effacés – le monde et les circonstances qui traversent l’esprit un court instant – l’existence comme le temps du passage…

La profondeur et le jaillissement. L’envergure et la surface. Et l’ambivalence de cet étrange mélange…

 

 

Le flux et le reflux du monde et de la pensée – de la matière visible et invisible – dans l’esprit – ce lieu de présence introuvable – non localisable physiquement – à la manière des vagues sur la grève – à la manière des vagues dans l’océan…

 

 

Cette ambivalence – cette confusion – cet écartèlement – parfois de l’homme – du vivant peut-être – à l’intersection de plusieurs dimensions – de plusieurs perspectives – de plusieurs réalités…

Limites et potentialités qui s’entremêlent – se conjuguent – s’opposent – se répondent…

Nous sommes – cet étrange mélange de tout – ce presque rien au cœur de la vacuité…

 

 

A la source même du souffle et du langage. Là où naissent la vie et le verbe. Dans les profondeurs de la matrice du monde…

 

 

Ce que les Dieux nous cachent et ce qu’ils nous révèlent. Au fond de leur poitrine – dans l’antre étrange des origines. Ce que l’expérience des jours nous fait, peu à peu, découvrir…

 

 

Ce qui pénètre l’esprit – glisse à sa surface – et tombe tout au fond – est évacué à la manière des eaux souterraines – à la manière de l’eau qui s’évapore – transformée(s) en autre chose – et qui reviendra – et qui reviendront – traverser l’esprit de mille autres manières – ailleurs – un peu plus tard…

 

 

Au cœur même du mur – l’horizon – le ciel – l’envergure et la liberté – ce que nous pouvons à peine imaginer…

 

 

Des mots comme des gestes pour exprimer – répondre à l’éternel retour des choses – à la cyclicité du monde ; une manière de tout refaire à neuf – de tout recommencer chaque jour – à chaque instant – de vivre comme pour la première fois toutes les nécessités – toutes les servitudes consenties – l’essence même de la matérialité…

 

 

Parfois, rien – parfois, le monde – ce qui est là – simplement – ce qui est là…

 

 

La plus grande immersion possible et le plus lointain faîte accessible – à chaque instant – entre l’enracinement et l’envol…

De la haute voltige permanente…

 

 

Des portes – des crêtes – des fosses à foison. Des chemins qui serpentent – des passages par milliers entre les obstacles posés ici et là – un peu partout – par les hommes – par le monde – par l’esprit. D’étroits sillons à travers les reliefs. Et ce que le pas décide au cours de la traversée…

Des trous – des impasses – le retour vers le centre – l’origine des élans. Mille étapes – sans doute, le plus long des voyages…

 

 

Des jours – des nuits – des rêves et de la fébrilité. Comme un allant infatigable. Des forces profondes – obscures – souterraines – intarissables. Ce qui ne peut s’arrêter – ce que rien ne peut immobiliser. Le mouvement même – perpétuel…

 

 

De l’entité à la ruine – du temps à l’éternité – d’étranges changements de perspective…

 

 

Les heures rares – rougeoyantes. Ce que l’on ne manquerait pour rien au monde…

 

 

Le jour espiègle qui se cache, parfois, derrière le changement – parfois, derrière la routine. Et les yeux qui cherchent ailleurs – derrière – à côté – plus loin – au lieu de plonger – et de disparaître – dans l’épaisseur, si légère, du regard…

 

 

La vie sans appui – le saut sans filet – le monde sans masque – ce que l’on aime vivre et expérimenter. Ce qui ôte toutes les certitudes. L’existence – l’instant – dans l’éclatement de tous les repères – ce qui est sans la moindre référence…

 

 

Du dedans et du dehors entremêlés – des choses pas à leur place – mal rangées – qui traînent au milieu de tout – le bazar – le fouillis – ce qui ne s’aligne, ni ne s’emboîte. L’intrication – le détour – la boucle – l’extrême mélange où tout change et varie – où tout s’étoffe et se défait – où tout s’enracine et s’efface…

Dans le même instant – la prolifération et l’éradication du monde. Le plus utile et ce que l’on oublie. Ce qui s’en va et ce qui nous est nécessaire…

La danse des circonstances et des visages…

Mille – cent mille – voyages en un seul…

 

 

De l’or et du malheur – les mêmes phénomènes réunis – mis bout à bout…

Tout qui se chevauche et s’écarte…

Le monde à la manière de mille toupies sur mille circuits différents – comme les sillons d’une peau immense…

 

 

Dans le même instant – la mort et le regain du monde. Nos pertes et nos découvertes – ce qui nous blesse et nous offre un peu de joie…

Le monde – la vie – les pierres et les visages – comme nouveauté et éternel retour…

 

 

Ce que nous sommes et essayons de décrire – de définir – les contours variants d’une surface – d’une profondeur – d’une présence – inchangées – invariables…

 

19 octobre 2019

Carnet n°207 Notes journalières

Il y a le jour comme un horizon – une possibilité au-delà du mur. Un air plus chaud – un sol moins abîmé. L’autre extrémité de l’âme…

 

 

Plus loin – il y a cette ombre grandissante – cette traversée terrifiante – ce qui nous sépare de la blancheur – et le jour qui patiemment se rapproche…

 

 

Dans la psyché – cette mémoire résistante – le passé-palimpseste que réécrit l’esprit – histoire de gagner en importance – comme si ce qui nous intéresse pouvait susciter l’intérêt du dehors…

Il n’y a que des récits – et l’on devrait sur eux tirer un trait et un lourd rideau de lumière…

 

 

A la fin – une partie de nous reste – et l’autre s’en va ; la terre et le ciel – si mélangés de notre vivant – retrouvent (enfin) leur territoire…

 

 

Du temps, de la violence et de la folie – voilà tout ce que nous possédons et la manière dont nous sommes (tous) possédés…

 

 

Juste au-dessus de l’herbe – l’œil singulier. Le talon comme une herse – le malheur des vivants – et la malédiction qui, peu à peu, nous enferre…

 

 

Rien ne s’installe plus durablement que l’ombre – excepté la lumière (à son heure)…

 

 

Ce que nous foulons en même temps que le sol…

Ce que nous respirons en même temps que l’air…

Ce que nous vivons en même temps que notre vie extérieure…

Les mille dimensions de l’être sous l’apparence de l’homme…

 

 

Entre deux frontières – le mur – l’espace – l’au-delà. L’horizon comme le reflet rougeoyant du monde. La terre sans fenêtre – le feu – ce qui reste vivant sous les cendres – sur la pierre nue et noire – derrière la fatigue ; cette envergure au-dedans de l’épaisseur du front…

 

 

Au-delà de la terre – le jour. Au-delà du jour – le silence. Au-delà du silence – l’Amour. Et en deçà – l’enfer…

 

 

Le plus hostile – comme une longue écharde dans l’âme – une fenêtre sur le monde qui déboucherait sur le néant. Rien qu’un sol et un feu – et le ciel (toujours) hors d’atteinte…

 

 

Tout en fleurs et en ciel lorsque l’âme s’agenouille

Tout en pointes et en flèches – en braises et en lames acérées – lorsqu’elle prend assise sur son droit supposé – mensonger – fallacieux – inventé – lorsqu’elle actionne la main torturante et torturée – ce qui nous donne de faux grands airs…

Quelques souffles et nous sommes par terre – à genoux

 

 

Rien ne peut nous blesser – lorsque rien ne nous devance – lorsque l’on ne traîne rien derrière soi…

 

 

Cette fatigue à remplir le ciel – en vain…

 

 

Rien au-dessus – rien en-dessous ; éperdument seul – là où tout commence vraiment…

 

 

Ça se répand – en soi – comme un torrent – une cascade – une eau brûlante – de la lave en ébullition – un reste de ciel qui a pris feu et s’est liquéfié…

 

 

A vivre sans trop savoir à quoi ressemblait notre tête d’hier – comme si l’on pouvait vivre sans histoire – sans mémoire – sans le faux ciel ni la fausse envergure de la psyché – sans même savoir si l’on a encore visage humain…

 

 

Rien qu’une trouée – en nous – un peu de peau sur des instincts avec, au fond, un grand silence – pas même un mystère – une étendue inerte avec, au milieu, une sorte de béance…

Un absurde mélange de distance et de verticalité noire…

 

 

Tout est emporté – et nous emporte dans son sillage. Une traversée – des courants – quelques mots – quelques ombres – pas pire qu’ailleurs. Des arbres – du sable – tout passe très vite – et ne laisse, à la fin, que quelques os…

 

 

Rien que des traits qui dessinent le monde. D’un instant à l’autre – tout s’efface – le monde disparaît – puis, se reconstruit l’instant suivant – presque à l’identique…

 

 

Parfois – on s’arrête – on se met de côté – un peu à l’écart du monde – des Autres – de tout – loin du grand cirque. On se resserre – on se recentre – on réunit les fragments – les morceaux épars – on se répare – on aère les abysses – on accueille l’air qui formera le nouveau souffle qui fera naître un nouvel élan…

On n’imagine rien – on respire…

Se retrouver – c’est aussi cela vivre – et peut-être principalement…

Un peu d’air pur…

 

 

Rien que des choses qui brûlent – rien qui ne restera. Ce qui – en nous – est le plus fondamental ; la beauté – l’évanescence – la fragilité – mélangées au regard qui n’est pas d’ici – qui n’appartient à personne – qui est là – offert – lucide – sensible – perçant – généreux – et qui fait sa part – son joyeux labeur – pendant que nous nous éreintons sur la pierre…

 

 

Des ombres entre elles – avec le pire dans les yeux – au fond du sommeil – ce qui se déverse sur le sable – et qui forme de petites flaques – puis, comme des auréoles dans la poussière. Rien de très sérieux – malgré les sursauts et l’effroi dans la psyché…

 

 

Des choses qui manquent – des choses qui s’effacent – et d’autres que l’on oublie. Juste la vie qui passe – avec ce grand bazar au-dedans de soi…

 

 

Des éclats de terre – en nous – comme de petits tas de pierres pour bâtir une tour si haute que l’on pourrait toucher le ciel. Il y a de la naïveté (beaucoup) et de la fantaisie (un peu) dans cette image de Dieu ainsi accessible…

Creuser – vider – s’abandonner – ne sont pas les premiers outils disponibles sous le front. Il faut épuiser l’enfance avant de pouvoir débuter le véritable labeur

 

 

Ce qui – en nous – s’obstine – se dérobe – se déploie – s’invite – se déchire. La tête tout étourdie – l’âme à genoux – le cœur indécis. Vivant et respirant comme avec des pelletées de terre dans la gorge…

Le souffle coupé…

 

 

Ça s’installe parfois au-dedans comme une défaillance – quelque chose d’extérieur introduit à l’intérieur et dont on tirerait les ficelles du dehors. Comme un pantin articulé par des forces corrompues – corruptrices – mal intentionnées – qui nous donnent un air un peu bancal…

 

 

Il n’existe de pansement pour l’âme – mais il y a une multitude de compensations psychiques – c’est pour l’esprit une manière de soigner avec le monde ce qui ne peut être guéri par le monde – mais c’est la seule chose à laquelle consent l’âme immature…

 

 

Comme une chose que l’on répète pour ne pas l’oublier. Un refrain incompréhensible – quelque chose avec de la poussière par-dessus – comme un bibelot – l’une de ces boîtes à musique d’autrefois – restée là pendant des siècles – et que l’on aurait – soudain – placée au centre de la psyché pour l’envoûter – la contrôler – l’enjoindre d’obéir – elle qui ne peut – comme toutes choses – s’épanouir que dans l’absence de contrainte – libre – affranchie du monde – de la croyance et de la volonté…

 

 

Le vrai visage du monde – soudain – révélé ; introuvable – inexistant – comme un vieux rêve rabâché – auquel l’esprit – distrait – aurait fini par croire – et qu’il aurait, peu à peu, transformé en réalité…

 

 

Le feu – le froid – le corps. Et des passages possibles dans tous les recoins du ciel. Quelque chose que nous n’avions jamais vu auparavant…

 

 

Du bleu – du vrai – ce qui ne sert à rien pour vivre – mais qui oriente le rire et la parole – la marche dans le sens des arbres – le vent intense sur la paresse des espèces – l’inclinaison de la feuille qui cherche le silence…

 

 

Tout tremblant – comme un peu de terre fragile dont on aurait percé le centre – une sorte de trou – comme une ornière verticale – pour y déposer un peu de ciel – la substance de l’âme peut-être – et que l’on aurait recouvert de chair et de sang – les marques de la faiblesse et de la grossièreté…

 

 

Du rouge – partout – au-dedans du ventre – et qui va jusqu’à colorer toute la tuyauterie de l’âme…

Sève vermillon dans ce fouillis d’instincts…

 

 

Peu de place pour la générosité et la tendresse…

De la matière – de l’énergie grossière – mélangée, peut-être, avec un peu de Dieu et d’étoiles…

Une créature enfantine – une ébauche qu’essayent (laborieusement) de peaufiner les siècles…

 

 

Le monde comme une spirale – une pente – un désert. Comme une gifle qui s’abat sur la joue. Comme du vent un jour de pluie. Comme un rêve – une fenêtre. Et, sans doute, plus que tout comme manière (commune) de parler…

 

 

Des siècles – des années – des histoires…

Rien de très important – en somme…

Le plus essentiel – invisible toujours…

 

 

Qui sait d’où nous venons – où nous allons… Trop de murs nous empêchent de voir. Et le ciel reste silencieux…

Une seule certitude ; ça a l’air de bouger dans ce qui ressemble à une forme d’immobilité…

 

 

Parfois devant – parfois derrière – parfois, on sait – d’autres fois, on ignore – mais la plupart du temps, on essaye seulement de deviner…

Peut-être n’y a-t-il personne pour savoir – juste du temps – l’illusion de la durée – des choses – mille choses – des circonstances – mille circonstances – et par-dessus l’incertitude et l’infini – et par-dessus encore l’esprit et le silence – et tout en haut, les Dieux du monde qui rigolent dans leurs habits de fête…

 

 

Il y a toujours chez l’homme quelque chose de l’ordre du labeur – comme un poids à hisser – à traîner – à porter partout avec soi – où que l’on aille…

 

 

Du feu et du ciel réunis sous la peau. Et un peu de terre jetée par-dessus…

 

 

L’envergure d’un Autre – en soi – quelque chose d’immense – d’infini. Et le sentiment, parfois, d’une éternité…

L’immuable derrière l’apparence des visages et du temps…

 

 

De la forêt – rien que de la forêt avec du bleu au-dessus. Le silence – juste le chant (discret) des oiseaux. Et le cœur léger…

Rien d’autre pour l’instant…

 

 

Tout change – bien sûr – mais où se trouvent la limite et l’ultime transformation…

Des obstacles – oui. Des résistances – oui. Et un désir puissant d’immobilité – bien sûr ; le point zéro du changement…

 

 

Ce que l’on repousse, revient – et ce que l’on accueille, s’efface. Et nous qui nous barricadons – et qui accumulons – presque toujours – appuyés sur nos armes et nos réserves…

 

 

Le plus délicat à négocier – le lisse des parois – ce qui n’offre aucune prise – là où l’on n’en finit plus de glisser vers ailleurs…

 

 

Ce qui s’inscrit sur la page n’est que la surface du dedans. Le silence, lui, est bien en deçà – et bien au-delà…

 

 

Rien – en nous – ne se creuse davantage que le ciel. Une forme de don pour les abysses. Et le feu à tous les coins de la terre…

 

 

Peut-être venons-nous d’ailleurs pour – à ce point – ne rien comprendre au monde humain…

 

 

Le front plus haut que la terre – mais trop bas pour se hisser jusqu’au ciel – et voir la longueur du mur – l’étendue du désastre – et le chemin qu’il (nous) reste à parcourir…

 

 

Rien n’est plus lourd que ce que nous nous échinons à porter. Et – pourtant – personne ne nous y oblige…

Partout – la charge – le faix – l’épuisement…

L’allure qui ralentit – et la quasi immobilité jusqu’au grand âge – ensuite, la mort qui nous fauche avec toutes ces niaiseries dans l’âme et sur le dos…

Il convient – donc – de voyager léger ; juste l’essentiel – quant au nécessaire, les jours, y pourvoiront…

 

 

De plus en plus pauvre – de plus en plus rien…

Juste le jour et la matière à vivre…

Quelques pas – quelques pages…

De la solitude et du silence…

Et presque rien d’autre…

 

 

Rien – la limite – l’épuisement – la certitude que personne ne se risquerait à nous tendre la main. Le gouffre – le puits de la solitude. Les derniers échelons, peut-être, avant la chute abyssale – définitive – les derniers pas – l’ultime saut – qui scelleront l’impossibilité du retour…

 

 

Ce qui nous surprend ; être là – pleinement – et totalement désengagé. Et, parfois, le contraire…

Nous sommes – le centre de tous les possibles…

 

 

A chaque instant – ce qui s’achève et ce qui commence. L’évidence de tout et l’incompréhension. Ce qui aboutit et ce qui s’enlise…

Tout pourrait arriver – se produire – devenir – s’effacer ; nous serions toujours présent(s) – toujours vivant(s) – irremplaçable(s)…

 

 

Nous sommes l’événement – chaque événement – et le regard – à travers tout ce qui voit – les ressentis – tous les ressentis – et ce qui ressent…

 

 

L’oreille et le mur – l’extase et ce qui occupe l’attente. L’Autre et le rien – l’attention en éveil – la somnolence et le souvenir…

Inlassablement – toutes les différences – le possible jusqu’à l’infini – ce qu’aucun regard – ce qu’aucun silence – ne saurait arrêter…

 

 

On croit se tenir en face – en vérité – tout est déjà au-dedans…

Rien en dehors de l’attention…

 

 

Il y a cette manière tendre de se tenir au milieu du monde – innocent – dérisoire – puissant – magnifique – sans espoir – attentif – émerveillé par ce qui se présente – sans cette dureté et cette méfiance de l’individualité ordinaire…

 

 

Rien que des mouvements et de l’émotion – la multitude et le pur joyau – l’étincelle et le prolongement du feu – le souffle et la bouche des écorchés – la maladresse des cris et le soc de la charrue qui racle les pierres – comme si le dehors n’était qu’un océan noir bordé de ciel et de chimères…

 

 

Rien – à la fois le plus familier et le plus étranger – le plus proche et le plus lointain – qui se mélangent…

Comme un tourbillon d’incompréhension… et qui tourne… et qui tourne…

 

 

Des jours métalliques – une délicatesse troublante. Nous marchons dans le noir – les mains tendues – notre feuille de route devant les yeux – papier illisible – inutile ; le chemin sous nos pieds s’égare dans l’air – pénètre sous la terre – traverse les océans ; l’âme rechigne à l’inconnu – à l’imprévisible – les seules certitudes pourtant…

Et au-dessus du chantier – au-dessus de l’itinéraire – ce qui se tient plus qu’immobile…

 

 

Et cette folie dans les yeux qui réclament la terre…

Et cette folie dans les yeux qui renoncent à la terre…

La folie de toutes parts…

Encerclés nous autres, les aliénés…

 

 

Ça jaillit – les mots – comme du magma – un long monologue – des choses et des choses – comme si nous recrachions la terre – le monde – les siècles – les civilisations – tout jusqu’à l’origine – tout jusqu’à la fin des temps – et que nous recommencions indéfiniment ce dialogue entre nous, le regard et le premier homme…

 

 

Et cette faiblesse dans notre âme – et cette beauté des chemins, des forêts et des ravins. La route devant soi et l’itinéraire à l’intérieur…

Comment pourrions-nous savoir… Comment pourrions-nous trouver la force d’avancer…

Pas à pas – la découverte – le contour, peu à peu, exploré…

A la marge – encore dans la périphérie du passage…

 

 

Ecrire – marcher – avancer toujours – jusqu’à l’épuisement…

Ce qui prépare à l’inachevé…

 

 

Notre vie – comme de l’eau qui coule – quelque chose que l’on ne retient pas – qui se déverse jusqu’à la dernière goutte – et que l’air et la terre avalent à la fin… avant de revenir un peu plus tard – un peu plus loin – de se poser à quelques mètres de là – entre la boue du monde et le ciel…

 

 

Des parties de nous – au loin – qui ne nous ressemblent pas ; des yeux rageurs – des mains folles – l’esprit, comme une plaie, aussi furieux que la terre. Une âme à genoux – blessée – moitié dans l’air au-dessus de la tête – moitié dans le ravin…

Et personne pour nous aider – nous rassembler – nous tendre la main – un miroir – n’importe quoi…

Seul avec ces bouts épars et notre désarroi…

 

 

Et – soudain – comme un peu de lumière au bout d’un chemin – un lieu où l’on s’attarde – une pierre sur laquelle l’âme aurait envie de graver toutes ses défaites…

 

 

Un mur sans raison d’être – un poème écrasé par le monde – des doigts qui dessinent à l’aveuglette un visage…

Une manière de poser mille obstacles sur le chemin des origines…

Après tout – rien de très important (si l’on n’est pas pressé d’en finir)…

 

 

Rien qu’une pierre – parfois. Et l’âme ignorée qui s’en va…

 

 

Des livres comme une pente – une perte – une attente sans rencontre – sans résultat…

Juste des lignes – comme du lierre qui a fini par recouvrir la verticalité. Et le monde – devant – qui se tient inerte – inerte et indifférent – aussi inutile que nos pages…

 

 

Il n’y a rien – en vérité – à franchir – à atteindre – ni même de choses à obtenir ou dont il faudrait s’affranchir…

Rien que des yeux pour voir et s’attrister…

Rien que des bras pour servir et porter les morts…

 

 

Tout s’ouvre – et la bouche n’a plus rien à dire…

 

 

La fin des jours de grands labours – rien que ces longues heures de marche au cœur de la forêt…

Le ciel simplement. L’air et le feu…

Et ce qui était séparé se retrouve – enfin…

 

 

On n’avance pas – on hésite – on se heurte ; trop de résistances en nous – trop de bagages – de barrages – d’encombrements. Pas encore assez proche de l’épuisement – de la capitulation…

Le territoire – malheureusement – ne s’abandonne pas si facilement…

 

 

Parfois – on ne sait plus même dans quelle direction poser le pas. Pas le choix – le chemin se dessine de lui-même – comme l’allure et les obstacles…

En vérité – il n’y a rien – ni personne – et pas même un voyage – juste un flux – des flux – de la fluidité – et, parfois, des choses qui bloquent – qui résistent – qui obstruent – qui immobilisent…

 

 

Les souliers dans une eau poisseuse – épaissie par le temps et l’inertie. Et la tête boueuse. L’âme à dix pieds sous terre – le cœur marécageux – presque amphibie…

 

 

On aimerait des feuilles plus légères – mais c’est le contenu de l’âme qui donne l’épaisseur – le poids – l’accablement – comme une charge à porter au quotidien – comme si l’immensité pesait sur nos épaules…

 

 

Quelque chose qui se recroqueville au milieu de l’infini – une étrange chose à vrai dire – comme une lampe sous le soleil dont l’ampoule, peu à peu, s’éteindrait…

Rien qui ne puisse être perçu de l’extérieur – sauf à avoir le nez dessus…

 

 

L’insuffisance et l’incomplétude – comme une invitation à chercher le reste à l’extérieur – et, bien sûr, à ne rien trouver…

Et après mille – dix mille – cent mille – des milliards de tentatives infructueuses – commencer à regarder en soi – à fouiller au-dedans sans très bien savoir comment, ni quoi chercher…

Acte volontaire naturel mais (totalement) inapproprié ; on cherche à l’intérieur de la même façon que l’on cherchait au-dehors ; on s’enlise – on piétine – on enrage – on ne trouve rien – des eaux sales et du fumier – des océans d’eaux sales et des tonnes de fumier – on cherche encore – et on ne découvre rien – pas la moindre chose – pas la moindre piste – pas le moindre chemin – pas la moindre lumière…

Prélude – à peine – à peine…

Tout commencera – réellement – avec l’abandon – la capitulation ; le jour où l’on s’en remettra à un Autre que nous-même en nous-même ; processus des petits pas et des monumentales surprises – de résistance en résistance – de choses qui cèdent dans l’esprit en barrages reconstruits – plus hauts – plus longs – plus solides…

Le labeur de l’homme – comme un travail de titan – pour que tout se vide – se liquéfie – se nettoie – se libère – et puisse demeurer indéfiniment vierge et affranchi malgré les assauts incessants du monde et de la psyché…

 

 

Au loin – comme un bruit de galop – qui se rapproche. Au-dedans de la tête à présent. De plus en plus fort. Et qui dure – et qui dure – comme si le cheval lancé à vive allure faisait du surplace…

Pendant des jours et des jours – jusqu’à en devenir fou…

Terrassé par le bruit – sans que la nécessité du silence soit entendue…

 

 

Le jour, peu à peu, s’efface. Rien qui ne puisse réfréner – retarder – son départ. La zone au-dedans est trop dévastée, à présent, pour tenter quoi que ce soit…

Laisser tout disparaître ; voilà la voie la plus sage – celle qu’il nous faut – la seule possible, en vérité…

 

 

Lâcher l’impossible – ce que nous avons vécu – ce que nous avons manqué. Rester couché sur son lit de pierre – regarder l’ombre arriver – nous envahir – osciller – et nos doigts dessiner quelque chose sur le mur…

La vie fragile – et le plus précieux caché – à l’intérieur…

 

 

La violence et le faîte – puis, la dégringolade jusqu’en bas – plus bas encore – jusqu’à cette terre dont on ne remonte jamais. L’âme émiettée par la réalité – avec des bouts de soi dispersés par le vent – écrasés par les pieds des Autres. A peine visibles – presque inexistants – partis déjà de l’autre côté du monde – au-delà de la frontière qui sépare les morts des vivants…

 

 

Rien que des mains tendues et l’âme renonçante. Plus même un nom – le quart d’un visage jeté au vent – jeté aux loups. Dans un coin où le feu brûle les restes de soi – les restes du monde – la mémoire disloquée – comme une flaque au bas de la pente…

La tête en cendres – le buste raide – à l’horizontale…

Et la beauté qui tarde à sortir de sa gangue défaite…

 

 

Le pli et la crispation – ce qui creuse la peur et le sillon – l’étroitesse sous toutes ses formes…

Tout – toujours – se joue au-delà de nous – presque en soi…

Et les faits – toujours – bien moins dramatiques qu’ils n’en ont l’air…

 

 

Ecrire nous place à un autre endroit que celui où nous avons l’air d’être – là où l’œil commun sait, parfois, se glisser – en ce lieu étrange – légèrement en retrait – un peu hors du monde – où tout se transforme en spectacle – en actions dissociées du regard – en circonstances lointaines – presque abstraites – et, en même temps, là où l’émotion peut être la plus vive – la plus haute… dans cette sorte d’espace de sensibilité extrême et désengagée…

 

 

La violence aveugle – ce qui heurte – ce qui blesse – ce qui anéantit. Et – en nous – ce qui demeure à l’abri – ce qu’aucune tempête ne peut atteindre…

Deux dimensions – deux réalités – trop rarement en contact – trop rarement réunies…

 

 

Un nom – une main – une âme ; ce que l’on voit en apparence – pas la réalité – pas le feu qui nous permet de nous offrir – et, parfois, juste la chaleur d’une parole…

 

 

Rien qu’une route – des routes – des milliards de routes – et une armée de pas ; des foulées vives – harassées – titubantes. Des marches brèves – dans tous les sens. Des corps qui courent – des corps qui chutent – et remplacés aussitôt qu’ils tombent…

L’histoire du monde – le cours des choses…

De jour en jour – pendant des siècles – pendant des millénaires – depuis la naissance du premier visage…

 

 

On est là – simplement ; on vit… On ne s’essaye à plus grand-chose ; toutes les tentatives sont derrière nous à présent – on ne gesticule plus guère – on ne fait plus le mariole – on évite ce qui gêne – on va là où nous portent les nécessités. On reste là – silencieux – la plupart du temps – seul – oui, seul, bien sûr – avec, selon les jours, tout le poids ou toute la légèreté à l’intérieur…

Des pas – des pages – quelques gestes – un peu de silence. La vie qui passe – lentement – hâtivement – on ne sait pas – on ne sait plus – une seule chose à la fois…

 

19 octobre 2019

Carnet n°206 Notes du monde - notes itinérantes

Rien de vrai – ni de réel – des illusions – une imposture – des mensonges – érigés en dogmes et en système – une manière de transformer son ignorance en savoir – d’effacer ses inaptitudes – de vivre comme si de rien n’était – sans jamais rien remettre en question…

 

 

Une apparence déclassée – moins qu’un visage – moins qu’une étiquette. Et, bien sûr, l’être sous-jacent – à la moindre parole – au moindre geste – à la manière de se tenir dans le monde…

 

 

Le plus beau bleu de la solitude ; davantage qu’une parure – une lumière – une façon d’être présent à soi – aux circonstances…

 

 

Parfois – on aimerait être – à la manière des enfants (avec cette naïveté de l’âme) – au dernier chapitre de l’histoire du monde – par simple curiosité – pour voir le dénouement final – la fin de cette incroyable (et dérisoire) épopée…

 

 

Des couleurs, parfois, qui donnent le sentiment d’une profondeur – d’une envergure – d’une vérité vécue de manière lumineuse et singulière. Des apparences seulement sur lesquelles on greffe des images ; des mensonges sur d’autres mensonges…

On ne peut se fier à rien excepté à l’être et au ressenti de l’instant – en écoutant prioritairement – centralement – l’élan intérieur de la plus simple et innocente manière (avec l’esprit vide et vierge)…

 

 

Des bandes de vert – collées sur le bleu et le blanc du ciel. La terre et l’azur – l’œil et la foi – l’indélicatesse et l’illusion. Et des instincts à foison…

L’apparence du réel – et tous les plans – tous les mondes – derrière…

 

 

Ce qui s’installe en dépit de nos avertissements – rien qui ne puisse être entravé – ni stoppé…

Les élans et les mouvements naturels façonnent et agencent la réalité triviale – et apparente – du monde. Quant à l’essentiel – il demeure toujours au-dedans – la perspective sous-jacente à ce qui est perceptible par les sens – et qui reste étrangère (et très souvent inconnue) aux âmes terrestres…

 

 

L’extraordinaire se glisse – très souvent – au fond du plus commun. Pour le déceler – il faut s’approcher jusqu’au cœur des choses – pénétrer leur essence – découvrir ce qu’elles sont en réalité. Et être suffisamment patient pour qu’elles se dévoilent…

 

 

Des taches sombres sur le vert – des taches blanches sur le bleu – la terre et le ciel en quinconce…

Des courbes – des formes – et une seule ligne de démarcation…

 

 

Des bruits – ce qui déchire le silence – rien qui ne puisse arracher les hommes à leur sommeil…

 

 

Derrière le fouillis du nombre – la splendeur de l’Un – si bien caché(e) – trop bien caché(e) parfois…

 

 

En général – l’apparence belliqueuse dissimule la crainte. Quant à la tranquillité véritable, elle naît d’une juste compréhension de ce que nous sommes

 

 

Rayures apparentes, parfois, sur nos vêtements trop amples. Du noir et du blanc que nous imaginons séparés mais qui – en vérité – s’entremêlent toujours avec nuance…

La vie – et son (extraordinaire) intelligence du mélange – de la subtilité…

 

 

Rideaux sombres sur le jour – manière d’ignorer la beauté – l’étrangeté – la surprise – la nouveauté – de ce qui, sans cesse, se présente…

 

 

Des instincts hasardeux – la providence et l’infortune – la nostalgie, parfois, du premier homme – la capacité intuitive – la solitude et le silence indispensables. L’être comme seule nécessité – et les autres instances – (presque) toujours secondaires…

Ce qui se joue – en nous – à chaque instant ; le plus haut et la fuite – l’évitement du monde humain – notre ligne étroite – cette pente glissante qui toujours nous conduit vers le plus naturel…

 

 

Tout ce qui concourt à l’émergence du vrai ; ni l’éradication du mal – ni la propagation du bien…

 

 

Ce qui se dessine sans notre consentement – un monde de contours et de fumée…

Sur la vitre – la buée – et derrière, des pas qui s’éloignent…

Et ce qui les unit – une forme de respiration – un souffle – un élan vers le possible…

 

 

Ce qui se désagrège – l’inutile – le superflu – l’inessentiel…

Ce qui reste – presque rien ; le regard – une forme de présence sans contenu – une manière de faire renaître, à chaque instant, l’aventure…

 

 

Ce qui s’oublie en vivant – le plus essentiel…

Ce que l’on préserve – malgré nous – le moins légitime…

 

 

Cette peau sur la peau qui empêche la liberté – sous laquelle on étouffe – on s’éteint – on meurt…

Masque-carapace – armure-parure – que l’on croit devoir revêtir pour dissimuler notre nudité – que l’on imagine (à tort) fragile ; il n’y a rien de plus puissant – de plus tenace…

Notre indestructible nature…

 

 

Sur le sol d’un autre jour – sous l’étoile d’un autre ciel – pas si différents de ceux que voient les hommes – comme une dimension au-dedans de celle où nous avons coutume d’évoluer – comme une perspective au-dedans de la perspective commune. Rien d’extraordinaire – rien non plus qui ne puisse s’approcher avec les yeux – avec le cœur trop débordant – avec la tête trop pleine d’ombres et d’idées…

Le plus simple – naturellement – qui s’offre à ceux qui ne sont plus rien – à ceux dont le nom et le visage ont retrouvé le banc des anonymes – à ceux dont l’âme s’est offerte – à ceux qui n’ont plus rien à demander – un peu de silence et de solitude, peut-être, lorsque la folie de ce monde leur semble trop envahissante…

 

 

Des choses – des lignes – des rebuts – des débris. Et des instances pour réguler la circulation des mouvements. Une organisation et des hiérarchies complexes – changeantes – évolutives…

Mille façons de vivre…

Et une seule manière d’être au monde…

 

 

Un magma de forces contraires. Monde d’objets et d’orbites – de trajectoires entrecroisées. Rondes et arabesques. Pas de plan d’ensemble – à l’image de ces nuées d’oiseaux et de ces bancs de poissons qui dessinent, dans l’air et sous les eaux, d’admirables figures où chaque individu n’ajuste pourtant sa position qu’en fonction des quelques autres autour de lui…

Ainsi, sans doute, fonctionne le monde et s’initient les directions terrestres collectives…

Pas d’évolution linéaire – pas de programme, pas de planification…

Chacun – à la fois – construisant et suivant le mouvement général…

 

 

L’inlassable labeur de la pierre – ce qui semble immobile – inerte. Et pourtant…

 

 

Une roue immense et incontrôlable. Quelques lois provisoires dans un contexte très largement anomique ; rien de sûr – rien qui ne se décide à l’avance – la pure spontanéité dans un cadre conditionné et changeant…

Ni science, ni philosophie nécessaires. Une attention – une sensibilité – et l’indispensable aptitude au déblaiement et à l’oubli…

 

 

Des heures ni graves, ni légères – ni frivoles, ni sérieuses. Une forme de présence en retrait – presque entièrement dévouée à l’intériorité…

Le regard simple – l’âme aussi nue que possible ; les interactions les plus naturelles du corps et de l’esprit avec leur environnement ; l’air – le souffle – la faim – la nourriture (élémentaire) – l’eau – la soif – les fonctions physiologiques – la marche – le mouvement – les énergies qui circulent – la cognition – l’écriture – la pensée – l’intériorité – la solitude – le silence. L’attention et la présence vivante et désencombrée – l’existence quotidienne et la contemplation…

Peut-être le plus simple et le plus naturel de l’homme autant que la plus vive (et permanente) intensité métaphysique et spirituelle…

 

 

Ces lignes – prolongement de la rencontre entre la perception et ce qui est – à un instant donné – en un lieu précis…

Rien d’important – la résultante intérieure exposée sur la page…

Ni loi – ni principe – ni vérité ; la résonance naturelle et spontanée qui ne vaut que pour le moment particulier où l’événement (ou le non-événement) a été vécu…

 

 

La matière viscérale du monde – la chair et la pierre – ce que l’on porte malgré soi – les apparences trompeuses…

 

 

Il suffit de poser un œil sur ce qui est devant soi – attendre l’écho intérieur – laisser jaillir le premier mot – et, à sa suite, les suivants – comme une petite cascade de fraîcheur…

Le déroulement du fil intérieur – quelque chose comme l’interface entre l’âme et le monde – le lien – le joint – la colle qui les assemble…

 

 

Un cercle – une fenêtre – des possibles. L’invention du monde et des territoires parallèles – le rêve – le réel – l’imaginaire. L’extrême porosité des frontières. Ce que le regard déconstruit et unifie – capable de se poser partout de la même manière…

Mille lieux – un seul centre – et la même façon d’être présent partout…

 

 

Existence et écriture sans autre contrainte que celles qui s’imposent à l’instant où l’on vit – à l’instant où l’on écrit. Rien de déterminé – ni de programmé – ce qui advient de la plus naturelle façon…

Pas et traits exécutés dans l’inconnu et l’incertitude – sans destination – pour la simple joie d’aller et la beauté de vivre et d’exprimer…

Rien de construit – rien qui ne s’édifie – rien qui ne s’agglomère ; des bouts – des bribes – des fragments – comme des instants singuliers à la fois séparés et alignés les uns derrière les autres…

Pas de trajectoire précise – pas de voyage. D’infimes éléments mais qui constituent l’essentiel subjectifau moment où ils surgissent – au moment où ils existent et s’invitent dans l’âme – dans l’esprit – sur la page…

 

 

Des fleurs – des tombes – des collines – l’espace parcellisé en fonction des usages, des utilités, des contingences. La vie agissante – la vie foisonnante…

Des mouvements – des bruits. Trop de mouvements – trop de bruits. Et le cri, dans la poitrine, qui explose comme une folie passagère – et qui s’empare de nous pour dire l’insupportable impossibilité – en soi – du silence…

 

 

Soi – comme le lieu de toutes les guerres – terrain où s’opposent toutes les forces du monde – concentrées – contenues – confinées dans cet espace restreint – et qui se révèlent, à ce titre, plus destructrices encore – et qui soulignent à l’instant où elles s’affrontent le manque d’envergure – le besoin de distance que l’on est incapable de leur offrir…

 

 

Au fond de l’âme – des éléments de la folie du monde – enfouis dans les profondeurs – dans les fondements même – de notre être…

 

 

Grandeur et précipices ; ce qui serpente entre les failles – ce qui sillonne à travers les reliefs – contournant – se déversant – au gré des expansions et des rétrécissements…

Contours de la sauvagerie ordinaire…

 

 

Parfois – on aimerait creuser un trou immense pour pouvoir tout y jeter – lorsque l’oubli dysfonctionne et que les choses du monde – de l’âme – de l’esprit – s’accumulent dans l’espace (trop) étroit de la psyché…

L’enfer – et la folie qui guette – face à l’entassement grossissant…

 

 

Trop plein de tout – et nous voilà bientôt – très vite – presque aussitôt – submergé – inondé – étouffant – asphyxié. Et ça se débat pour échapper à l’emprise – ça bouge – ça saute – ça gueule – ça trépigne – ça frappe le sol – les murs – avec les poings – les talons – ça gesticule dans tous les sens – ça voudrait que ça s’arrête – fuir aussi loin que possible – s’arracher la peau – la tête – pour trouver un peu d’air – un peu d’espace – la distance nécessaire pour ne pas devenir fou…

Et c’est au-dedans (bien sûr) que l’envergure manque. Et l’on ne sait comment faire pour élargir l’intérieur – repousser les parois pour respirer un peu – retrouver un inconfort acceptable – vivre sans cette oppression – échapper à cette détention – à cet enfermement – insupportables…

 

 

Seul sur la falaise… Seul sur la falaise… Seul sur la falaise… Avec soi… Avec soi… Avec soi ; sorte de mantra pour retrouver l’esprit autonome

 

 

Ce que le jour offre – ce que l’esprit écarte. Ce que la nuit reprend – ce que nous sommes prêts à abandonner…

Une tension – toujours – existe entre ce qui est et ce qui est possible…

A chacun de décider dans quel univers il souhaite vivre – le réel ou l’imaginaire…

Ni enjeu – ni hiérarchie – dans ce choix – une manière simplement différente d’être au monde…

 

 

De l’herbe – des arbres – des nuages – le ciel et la terre. Plus qu’un territoire – les indices d’une histoire – celle qui se rejoue chaque jour depuis la naissance du monde…

 

 

Des choses accrochées ici et là – au gré des ascensions et des dégringolades. Des visages qui résistent ou se soumettent – au gré des efforts, des faiblesses et des renoncements…

 

 

Parfois – le désir d’une autre matière que celle du monde – plus souple – plus légère – moins fragile. D’autres fois – le désir du vide intégral – de la vacuité complète – du silence absolu. Ni bruit, ni mouvement. La présence seule – et consciencieusement évidée. Dieu sans les formes – Dieu sans la matière. L’Un et le plus rien

 

 

La danse des formes – les excès et les abondances. Le désert et la pénurie. Tout se répond à travers l’espace et le temps ; ce qui comptait ne compte plus – ce que l’on évitait est désiré – ce que l’on pensait irremplaçable est destitué. Le manque et le surplus d’une chose appellent – presque toujours – leur contraire…

La valse des opposés – tout finit par se retourner – par s’inverser – par devenir ce qu’il n’était pas…

Tout – dans la continuité – comme une inlassable répétition – l’éternelle nouveauté – l’éternel changement – l’éternel retour…

La loi implacable et universelle des cycles et de la récurrence…

 

 

Rien en deçà du monde – rien en deçà de la volonté – ou plutôt – tout mais inversé – comme l’image déformée d’un autre univers au-dedans de celui que l’on a coutume de voir – une infinité de territoires gigognes et parallèles – quelque chose de totalement incompréhensible par l’esprit…

 

 

De la grandeur et de l’insignifiance – ce faux prestige de l’homme – une simple prétention – rien qui ne mérite notre considération…

 

 

Des faces qui geignent – des faces qui rient – la bouche ouverte – dégoulinante de bave avec, entre les dents, quelques restes de nourriture…

Une psyché grossière juchée sur un amas de chair et de substances…

L’animalité humaine ordinaire…

 

 

Ça ne vit qu’à travers le corps oisif – le corps réclamant. Et ça s’imagine esprit ingénieux – éminente intelligence…

Quelques neurones sur un tas de graisse et d’excréments…

 

 

Un manque de tenue corporelle et psychique. Entre l’infirme et l’informe – quelque chose d’incroyablement incomplet…

Une manière de vivre entre le mollusque et l’avachissement…

Aucune fraîcheur – ni dans le geste – ni dans la parole. Rien d’attrayant dans la manière d’être au monde…

Des repoussoirs sur pattes…

Et, pourtant, ça vit en couple – en famille – en groupe – en collectivité ; ça copule – ça s’accouple – ça se reproduit – le pire qui se transmet au fil des générations…

 

 

Ce que nous offrent les pierres – les arbres – les chemins – la beauté silencieuse du monde naturel – l’harmonie et la rudesse – cet espace où se mêlent, partout, la vie et la mort – la lutte et la survie des vivants – la faiblesse et la force – les instincts et les territoires…

Chacun aux prises avec ce qu’il porte et le reste du monde – s’affiliant – se regroupant – s’isolant – selon ses gènes – ses impératifs – ses nécessités. Ce à quoi n’échappent nullement les hommes malgré leurs aménités…

Il faudrait un saut significatif vers la conscience pour transformer cette animalité ; passer de la cognition élémentaire à un balbutiement d’intelligence…

Une transformation qui nécessitera des millénaires de labeur assidu et de tentatives acharnées…

 

 

Le pire – parfois – s’invite – ce qu’offre la vie malicieuse – le face-à-face direct avec ce que l’on craint – avec ce que l’on exècre – avec le plus atroce en – et devant – soi…

On serre les dents – on serre les poings. Mais quelque chose – au fond de la poitrine – hurle sa gêne – son inconfort – ce qui lui est (absolument) insupportable…

Comme une pulsion irrépressible – une explosion qui pourrait tout détruire – tout anéantir – pour que cesse cette oppression – cet encerclement – cette détention…

 

 

Du mépris et de la haine pour la normalité – cette tiédeur – cette torpeur – cette mollesse d’esprit, de corps et d’âme – ce sans-gêne – cette manière permanente de se placer au centre de tout – cette bêtise – cette prétention ; des envies de fuir – de tout briser – de la furie en soi – presque de la folie tant ce spectacle – et pire, cette proximité – nous répugnent – nous insupportent – nous horrifient…

 

 

Des bruits – de l’air que l’on brasse – cette manière absurde d’exister – de remplir ce qui ne peut rien contenir – de combler ce qui ne peut l’être – ce désœuvrement et cette agitation…

 

 

Le besoin d’un autre monde – d’une autre terre. Et cet exil du dedans qui nous condamne à l’extériorité – à vivre parmi la folie et l’indigence de nos congénères…

Sans doute est-on (particulièrement)maudit

 

 

Des souliers en attente – des souliers qui piétinent – des souliers alignés – en ordre de marche. Le monde tel qu’il est – le monde tel que l’on voudrait qu’il soit – le monde impossible…

Trop de vaines tentatives – de défaites – d’impossibilités…

Il faudrait remonter à la source – revenir à l’origine – rejoindre l’aire première – se revitaliser dans la proximité du premier souffle – s’agenouiller devant l’envergure de l’infini – s’établir dans le plus profond silence – et y demeurer mille siècles – pour être capable de retourner dans le monde et de fréquenter, à nouveau, les hommes…

 

 

 

Nu – comme le plus grand privilège – mais rien de définitif. Dans le règne permanent de l’incertitude et de la précarité…

 

 

Radicalisation de la marginalité et de la solitude…

 

 

L’Absolu excluant et écrasant… Et cette impossible union – en soi – avec le relatif…

 

 

Dans la directe descendance du néant…

La folie originelle – et contaminante…

Ce qui nous escortera, sans doute, jusqu’à la fin…

 

 

Le siège du pire – de la noirceur – le berceau des récriminations…

L’excès et la brûlure – ce que réprouvent la tiédeur – le monde – les conventions…

 

 

En soi – l’haleine terrifiante du dragon – ce qui nous empêche de vivre parmi les hommes…

 

 

Des carrés gris sur l’asphalte – des herbes folles sur le bord des chemins – de petits murets de pierre – et le pas infatigable (avec, dans la main, le bâton du pèlerin)…

 

 

Une pente – de la roche – la destination de l’homme – la route vers la liberté – quelque chose qui roule et s’abandonne…

Loin des masques, des règles et de l’usurpation…

 

 

Ce que l’on efface – tout – comme de minuscules dessins sur la vitre embuée. Une (simple) manière d’occuper le jour et la main…

 

 

Entre l’homme et le silence – ce trop-plein d’ardeur qui s’acquitte de sa tâche – ce que le monde emploie toujours pour son usage…

 

 

L’Autre – c’est déjà le monde – le lointain – l’inabordable – ce que l’on désire toucher – atteindre – conquérir – posséder – anéantir – qu’importe… L’objet de toutes les tentations…

Ce qui nous emporte – ce qui nous égare – ce qui nous éloigne de l’essentiel – de la solitude comme seule compagnie propice…

 

 

Ce qui se rétracte lors de la lutte – lorsque la bataille fait rage ; l’innocence bafouée – l’innocence écrasée…

 

 

Devant soi – plus haut – quelque part au-dessus de la tête – ce que l’on oublie – ce que l’on voudrait – ce qui au-dedans nous ferait un refuge…

 

 

Des murs encore – construits et démolis – peints et repeints – mille fois – devant lesquels on passe et repasse – comme des éléments inévitables – consubstantiels…

 

 

Ce qui nous éloigne – l’absence de familiarité – le hors cercle…

 

 

Il n’y a d’autre alternative ; soit on récuse tout – soit on accueille tout. Et comme l’un et l’autre nous sont impossibles – on s’enlise – on s’éternise dans la demi-mesure, les compromissions et l’inconfort…

 

 

Au-delà de soi – il y a le reste – ce qu’il nous faut découvrir et apprivoiser…

Tout ce qui existe encore au-dedans…

 

 

Des portes ouvertes ou fermées – des paysages inconnus – des sentiers qui serpentent et se perdent au loin – des visages sans sympathie – des semblants d’âme peut-être ; rien qui ne laisse présager un agréable voyage – plutôt une ascension épique – une exploration aventureuse – une longue errance – une quête âpre et sans concession…

 

 

Dans le sillage des Autres – en nous – inconnus ; ceux qui nous redressent et ceux qui nous font chuter…

 

 

Il y aurait des fenêtres à ouvrir sur les âmes – une manière de se tourner vers l’innocence – une façon de se tenir ni trop près – ni trop loin – des délices et des abominations ; quelque chose sans excès – quelque chose de l’entre-deux – mais trop éloigné de notre nature bouillonnante – incandescente – explosive – de ce feu tellurique qui nous habite…

 

 

L’impossible et inutile inventaire du réel – bien plus de choses inconnues que de choses connues. Et en chacune d’elles – le tout – l’ensemble de l’univers – la globalité de l’Existant…

Aussi – à quoi bon passer son temps à répertorier ; approfondir une seule chose suffirait à comprendre le réel – le monde – la vie – ce que nous sommes…

 

 

Parfois le ciel – parfois la nuit. Parfois la roche – parfois la fleur…

Rien qu’un regard sur la diversité…

Rien qu’une manière de se tenir debout – vivant – au milieu du monde…

 

 

Ce que les visages nous cachent – et ce qu’ils nous révèlent…

 

 

Dans le monde d’après – il n’y a pas d’après ; le présent – éternellement…

 

 

C’est à mains nues qu’il faut déblayer nos entassements – un tas après l’autre – une chose après l’autre – ou alors l’ensemble – d’un seul coup – réuni dans la poigne ferme de l’oubli…

 

 

Vide – comme un enchantement particulier à vivre. Les premiers pas sur un chemin auquel rien ne prépare. Passer de l’existence – du vivre élémentaire – commun – trivial – à quelque chose de plus grand – à quelque chose de plus stable et de moins fragile…

Effleurer une envergure qui se passe d’explication et de commentaire. Un corollaire du silence. Une manière de vivre au plus près de soi – du monde – où rien n’entache – où rien n’invalide…

 

 

Des parcelles successives – carrés de terre – fragments de chemin – bouts de ciel et de destin. Florilège hétéroclite du monde où l’âme est – trop souvent – absente…

 

 

Ce qu’engendre(nt) l’anéantissement – la capitulation – les forces qui abandonnent. Le souffle qui suit le point d’inversion de la désespérance. Ce qui se dévoile – ce qui se voit – après l’effondrement de la structure du monde…

Qui s’est-il déjà senti capable d’aller au bout du plus long chemin terrestre et de franchir les ultimes confins de l’existence et du monde humains – les frontières qui séparent l’homme du reste – la bête humaine de l’au-delà de l’homme…

 

 

L’esprit d’un Autre qui se manifeste – la liberté – l’éloignement du monde – des conventions – de la normalité. Quelque chose d’irrépressible – d’inévitable…

Ce qui pousse au-dedans comme une nécessité – un impératif vital – absolu…

 

 

La malhonnêteté voudrait que l’on se taise – que l’on incrimine et vilipende au-dedans – en silence. Au contraire – il faut laisser jaillir ; il faut que ça explose – que ça circule – que ce qui nous traverse – traverse aussi le monde – et retourne à ce qui le fit naître…

Energie – matière invisible – enfantées par la machine à créer les choses – les circonstances – le mouvement

 

 

Une manière de s’inviter ailleurs – en deçà de la surface – au-delà des horizons connus – derrière les apparences – plus loin que les trop simples évidences du visible…

 

 

Comme un appel – une déchirure dans l’âme qui nécessite une réparation ; un fil cousu – un baume – inconnus du monde et des hommes ; le pouvoir guérisseur d’un accueil et d’une envergure…

 

 

Des lieux sans fondement – qui révèlent notre étrangeté – notre démesure – notre folie – le plus miraculeux – ce qui peut naître et croître au milieu du néant…

 

 

Rien qu’un tour de piste – le dernier – avant de quitter le grand cirque. Entre clown et magie – le triste défilé des borgnes – des manchots – des infirmes – ceux auxquels on a ôté la grâce et l’intelligence – et qui se rattrapent – et tentent de nous séduire – par leurs mimiques et leurs grimaces – par leurs singeries gestuelles et langagières – ces beaux parleurs qui essayent de nous embobiner avec leurs histoires pour nous faire oublier leur sournoiserie et leur laideur…

 

 

L’heure nuptiale – sans un cri – sans même un frémissement de l’âme ; ce qui nous a traversé – sans douleur – sans effort – comme une forme, peut-être, de geste inaugural initié par les beaux jours et le silence…

 

 

A tue-tête – parfois – au fond de la poitrine – la joie silencieuse – ce qui ne transparaît jamais sur le visage ou alors dans les yeux – seulement – plus vifs – plus pénétrants – et dans cette aptitude si particulière (et si universelle) de l’esprit à couper court à toute histoire – à trancher pour aller toujours au plus simple – au plus essentiel – à fonctionner, en somme, à l’inverse de la psyché…

 

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